Les stratégies marketing cross canal dans le secteur de la Distribution

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LES STRATEGIES MARKETING CROSS CANAL DANS LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION Alice GRONIER / Chérifa AFIRI MEB 3 – session février 2013 MBA ESG

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Les stratégies marketing cross-canal dans la distribution

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LES STRATEGIES MARKETING CROSS CANAL

DANS LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION

Alice GRONIER / Chérifa AFIRI

MEB 3 – session février 2013

MBA ESG

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PLAN

Introduction

Le rôle et les attentes du consommateur

- Un marché en forte mutation : vers un nouveau modèle de consommation - Complémentarité des canaux on et offline, une réalité pour le consommateur - Le consommateur au cœur de la relation avec la marque - La personnalisation de l’expérience client dans une stratégie multicanale

PARTIE 1 : La stratégie digitale dans la stratégie marketing globale

I. L’apport du digital dans la stratégie globale II. Des faiblesses et limites à prendre en compte

III. Le digital et la relation client

PARTIE 2 : Les forces et limites des stratégies cross canal

I. Les bénéfices de cette évolution et la co-création de valeur entre la marque et le consommateur

II. Une synergie effective des différents canaux dans les stratégies marketing de la distribution

III. Les limites de cette transformation entre le monde physique et virtuel IV. Peut-on établir un ROI fiable dans une stratégie cross canal ?

PARTIE 3 : Le cross canal, rêve ou réalité pour une stratégie marketing globale?

I. La centralisation et l’exploitation des données en cross canal II. Les enjeux organisationnels, marketing et logistiques

III. La conduite du changement pour l'accompagnement à la transformation IV. Cas concret : la stratégie cross canal de la Fnac

Conclusion

Revue de littérature

Annexes

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INTRODUCTION

Le paysage de la distribution connaît depuis plusieurs années de profondes mutations. La montée en puissance d’Internet dans les foyers et les nouvelles technologies adoptées très rapidement par les consommateurs, obligent les marketers à remettre en question leurs approches classiques. Immédiateté, multiplicité des points de contact, interactivité : les nouvelles attentes des consommateurs requièrent souplesse et réactivité.

Tout d’abord, quelques données sur le paysage du e-commerce et sur les comportements d’achat des français permettent d’appréhender ce nouveau contexte.

Le e-commerce est bien ancré dans les habitudes de consommation des Français: on compte 32,6 millions de cyberacheteurs, soit plus de 78% des internautes1 (+5% vs 2012). Les dépenses en ligne représentent 45 milliards d’euros en 20122 (+19% sur un an) et la fréquence d’achat s’intensifie : environ 16 transactions par acheteur par an. De plus, le nombre de sites marchands a quasiment doublé en 2 ans (104 000 e-commerçants en 2012) mais seulement 13% des entreprises vendent en ligne.

Dans ce contexte, il est important de souligner le lien qui existe entre l’expérience de consommation on line et off line. En effet, 70% des visites en ligne se convertissent en visites en magasins et 50% des consommateurs se renseignent en ligne avant d’acheter en magasin. Le terme ROPO (Research Online, Purchase Offline) est même aujourd’hui au cœur des discussions marketing lorsque sont évoquées les interactions entre le digital et les magasins physiques et leurs impacts sur les ventes online comme sur les ventes offline.

Le commerce doit voir dans la révolution digitale en marche une opportunité pour se réinventer. Malgré la fulgurante croissance du e-commerce, cette forme de distribution ne prend pas le pas sur le commerce physique mais une approche cross-canal est incontournable pour que les distributeurs s’approprient tous les médias et technologies disponibles. La révolution qui est en cours n’est donc pas tant celle du e-commerce que celle de la digitalisation de toutes les activités humaines, tirée par un rythme d’innovation technologique soutenu.

Le terme cross-canal (Vanheems, 2010) renvoi à des notions d’entrecroisements,

mélanges. L’expérience cross canal désigne donc une suite d’interactions entre l’acheteur et les différents canaux de l’enseigne pour un même processus d’achat. Le cross canal est une stratégie globale qui permet d’apporter des services supplémentaires aux clients pour influer sur les comportements d’achat on et off-line.

     

                                                                                                                         1«  Observatoire  des  Usages  Internet,  Médiamétrie,  1er    trimestre  2013  »  2  “FEVAD,  2012”  

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Près d’un tiers des clients sont des clients cross canal et ceux-ci sont en général plus profitables et plus fidèles que les clients mono-canal. L’enjeu actuel pour les entreprises est d’adapter leurs canaux de distribution aux besoins spécifiques des différents segments de clients, en vue de proposer la bonne offre au bon client au bon moment, via le bon canal.  La définition et la mise en œuvre d’une stratégie de distribution multicanal est ainsi au cœur des préoccupations de la majorité des entreprises.

Dans un contexte de transformation digitale, nous allons tout d’abord mettre l’accent sur le rôle d’Internet dans les comportements de consommation et sur l’apport des technologies numériques dans les stratégies marketing des marques. Nous allons également mettre en avant les points importants auxquels doit répondre une stratégie marketing cross-canal afin d’établir un discours cohérent et efficace sur tous les points de contact tout en valorisant l’expérience client.  Nous privilégierons ainsi tout au long de notre étude l’axe de la complémentarité des canaux de communication on et offline. En effet, cette synergie est aujourd’hui une réalité pour le consommateur qui n’hésite pas à passer d’un canal à un autre lors de son processus d’achat. Avec des exemples concrets d’entreprises, nous étudieront les forces et limites des stratégies cross-canal à travers les enjeux organisationnels, marketing et logistiques des entreprises, ainsi que leur capacité à accompagner les nécessaires changements induits par la multiplication des canaux de distribution.

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PARTIE 1 : LA STRATEGIE DIGITALE DANS LA STRATEGIE MARKETING GLOBALE

Par une analyse des usages en ligne, des pratiques managériales des professionnels du secteur et des enjeux technologiques, notre objectif est d’apporter un éclairage sur le rôle d’Internet dans les comportements de consommation. Nous allons nous intéresser à la façon dont Internet reconfigure le commerce, les modes de consommation et le marketing en général afin de réfléchir à son apport dans les stratégies marketing des marques.

Pour une marque, l’enjeu est de communiquer pour amener le consommateur à lui répondre et à interagir sur tous les canaux à sa disposition. La capacité d’écoute client et de rebond est aujourd’hui une caractéristique clé des entreprises performantes.

I. L’apport du digital dans les stratégies marketing des distributeurs

1. Internet comme canal prescripteur :

Les internautes ont majoritairement intégré Internet dans leur processus d’achat. Selon le dernier baromètre FEVAD Médiamétrie//NetRatings sur les comportements d’achats multicanaux 9 internautes sur 10 préparent leurs achats online, via un ordinateur, un smartphone ou une tablette. 77 % s’intéressent aux avis et aux recommandations laissés par les autres consommateurs sur les réseaux sociaux. En juste retour, plus de six e-acheteurs sur dix déclarent déposer un avis sur une plateforme sociale après avoir effectué un achat.

Comme le montre une étude publiée par Global Market Insite (GMI), fournisseur de solutions technologiques et d’études de marché internationales, on peut affirmer que les réseaux sociaux deviennent des prescripteurs d’achat et influencent de plus en plus les acheteurs. En effet, près du quart des utilisateurs de réseaux sociaux y piochent des idées avant de réaliser un achat. Lorsqu'ils recherchent une information produit sur ces sites, ils consultent avant tout des photos (27% d'entre eux) ou vérifient les évaluations des produits (19%). Les membres des réseaux sociaux se tournent aussi davantage vers les descriptions de produits réalisés par la marque elle-même (13%) que par les posts de leurs amis (10%).

Même si les utilisateurs des réseaux sociaux ne semblent pas encore prêts à procéder à des achats sur ces sites, les médias sociaux offrent de plus en plus une formidable vitrine pour les marques. Facebook apparaît comme le premier réseau social prescripteur : parmi les utilisateurs de médias sociaux ayant effectué un achat lors des six derniers mois, 24% ont suivi un lien sur Facebook avant d'acheter, contre 5% seulement sur Twitter, 2% sur Pinterest et 1% sur Tumblr et Instagram. A l'inverse, 32% de ces cyberacheteurs sociaux ont modifié une décision d'achat après avoir vu des informations produits négatives ou inattendues sur un réseau social.

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Une étude menée par Accenture3 montre que les clients souhaitent prendre le contrôle de la relation : « plus de 60% des clients ont déjà choisi de ne pas recevoir les communications marketing d’une enseigne ». Les consommateurs se désintéressent des informations publicitaires mais ont de plus en plus recours à internet dans leurs recherches pré-achat, pour comparer des produits en vue de détecter des bonnes affaires par exemple. Les NTIC ont permit d’abolir la contrainte de temps et de lieu entre les phases de recherche d’information, d’évaluation et d’achat du produit. Avec le web 2.0, chaque client est donc libre de créer sa propre expérience de consommation, en utilisant les différents canaux à sa disposition, au moment souhaité.

Ainsi, les informations de l’entourage au sens large, en intégrant la dimension sociale des médias digitaux, plus souples et interactifs que les médias traditionnels, arrivent en tête des sources d’information utilisées par le client au cours de son processus d’achat.

2. De nouveaux types de données pour un meilleur suivi de la performance :

Le Web 2.0 confère de nouveaux pouvoirs aux consommateurs mais en même temps

les nouvelles technologies fournissent aux entreprises des outils inédits au service de la connaissance des clients : la constitution d’immenses bases de données numérisées permettent par exemple une connaissance détaillée et instantanée de l’état des ventes, des habitudes d’achat et des préférences des clients, ainsi qu’une identification rapide des consommateurs les plus influents. Par ailleurs, les entreprises ont aujourd’hui à leur portée de puissants outils de médiaplanning et d’analyse en temps réel d’une campagne marketing. Les logiques de performance marketing sont au cœur des préoccupations, la nécessité de garantir un retour sur investissement des campagnes publicitaires est aujourd’hui indispensable pour gagner la confiance des annonceurs soucieux de consacrer leur budget

                                                                                                                         3“  Sources:  Accenture  Global  Customer  Survey  2010,    Forrester’s  Consumer  Technographics  ®  North  American  Devices,  Media,  and  Marketing  Online  Study  »  

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marketing à des actions dont l’efficacité peut être prouvée et appuyée par des chiffres indiquant la performance des dispositifs. Dans un contexte publicitaire fondé sur la data, les annonceurs ont donc de plus en plus tendance à payer en fonction de la performance mesurée selon les indicateurs définis et le résultat atteint (nombre de clients apportés, nombre de leads, nombres de ventes en lignes générées…), comme ils rémunèrent Google ou Facebook au clic.

Dans le cadre de campagnes publicitaires multi-leviers, l’attribution de performance par canal est alors possible grâce aux nouvelles solutions du marché, facilitant ainsi l’optimisation des investissements en ligne.

3. Vers une logique de plateforme digitale :

Les dispositifs marketing et publicitaires ont traditionnellement été tournés vers la diffusion « push » de produits ou de services et de messages au plus grand nombre. Aujourd’hui l’e-marketeur adopte peu à peu une démarche qui correspond au marketing de conversation, reposant sur une logique de communication opposée, le « pull ». C’est en fonction d’un intérêt manifeste et d’un contexte qu’une marque s’invite dans le quotidien d’un client ou d’un prospect. L’instauration d’une expérience engageante pour le public est possible sur le long terme, avec l’objectif d’influencer la perception et la préférence de marque. Cette présence à long terme peut être qualifiée de « plateforme digitale », qui repose sur la construction d’une expérience, son enrichissement et sa diffusion sur une multitude de points de contact (média sociaux, publicités en ligne, sites web/ mobile/applications de marque, sites e-commerce…).

Les entreprises ne misent plus aujourd’hui sur un unique canal (catalogue papier,

e-mails, sites web ou mobiles…) pour élaborer leurs outils marketing et communiquer auprès des consommateurs. L’enjeu important pour les équipes marketing est d’assurer la cohérence des messages véhiculés via les différents canaux afin d’améliorer l’expérience client ainsi que le retour sur investissement des dispositifs de communication mis en place.

Cette prise de conscience technologique passe pour de plus en plus d’entreprises par

l’adoption d’une plateforme de marketing cross-canal, plutôt que l’utilisation de multiples plateformes indépendantes les unes des autres, permettant de garantir une diffusion des messages harmonisée et une communication cohérente. Les entreprises ont ainsi accès à des informations clients globales provenant de l’ensemble des canaux et ont la possibilité d’optimiser les interactions et de diffuser les messages aux clients en temps réels via les supports les plus efficaces. Ces nouvelles solutions de marketing cross-canal, proposées par des sociétés comme Experian et Neolane par exemple, permettent aussi de gérer toutes les campagnes marketing dans une seule et unique plateforme.

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II. Des faiblesses et limites à prendre en compte :

1. L’essentiel des achats se fait toujours en magasins :

L'année 2012 a fortement démontré que l'essor de l'e-commerce ne traduisait pas un désintérêt des Français pour les commerces traditionnels. Les ventes en ligne représentent seulement 8% du commerce de détail en France. De plus, on note que dans les pays où l’e-commerce est plus mature, il ne représente pas forcément un poids plus important : de 7 à 10% pour les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne.

Les magasins physiques, irremplaçables en matière d’expérience shopping, restent au centre de la consommation mais doivent se renouveler et se transformer afin de rendre l’expérience de consommation plus qualitative, notamment en faisant appel aux technologies digitales. Aussi connecté soit-il, comme le montre l’étude BVA-Mappy, le consommateur fait toujours la majorité de ses achats dans des magasins physiques : « tous types de produits confondus, 63% des français font le plus régulièrement et le plus fréquemment leurs achats dans les commerces de proximité ». Les achats alimentaires se font mêmes de manière écrasante en magasins, malgré l’existence d’une offre compétitive en ligne.

Par ailleurs, plusieurs pure players se sont associés à des réseaux de distribution afin de devenir rentables : c’est le cas notamment de Pixmania ou Cdiscount.

Lorsque le client effectue un achat impliquant, la visite en magasin et la discussion avec le vendeur sont parfois préférées à la navigation en ligne. De nombreux consommateurs souhaitent toucher et voir les produits, voir les essayer, avant de les acheter. Ainsi, il n'est pas surprenant que l'e-commerce reste à la traîne par rapport aux magasins traditionnels pour l'achat de produits de luxe (l’e-commerce ne pèse que 3% du chiffre d’affaires du secteur du luxe). S’il n’est pas toujours utilisé principalement comme un canal d’achat, Internet peut jouer un rôle de prescripteur pour les magasins physiques. L’achat de produits de luxe se fait majoritairement offline mais une grande partie des acheteurs effectuent une recherche online avant de se rendre en magasin. Il est alors nécessaire pour les marques d’être présentes sur ce canal afin de ne pas perdre des occasions d’être visibles auprès de clients potentiels.

A l’heure du numérique, les grandes maisons du luxe se sont longtemps demandé comment elles allaient pouvoir continuer à cultiver le secret, l’exceptionnel et la rareté qui fait leur ADN, alors que le web est synonyme de transparence, d’ouverture et de gratuité. Conscientes de la nécessité de maîtriser leur image sur le web, des marques telles que Chloé, Kenzo et Louis Vuitton jouent aujourd’hui la carte du storytelling afin de valoriser leur univers de marque. « Les dernières technologies du Web ont achevé de convaincre les plus sceptiques de lancer leur propre boutique en ligne. Elles donnent aux sites Internet un rendu en termes d’esthétique, de navigation et d’arborescence, qui colle désormais aux codes du luxe », explique Yannick Franc, consultant chez Kurt Salmon. Les marques de luxe sont donc aujourd’hui de plus en plus nombreuses à utiliser les technologies digitales pour créer des expériences engageantes et se rapprocher d’une nouvelle génération de consommateurs. De même, loin de s’opposer au commerce en ligne, le commerce physique se réinvente aussi

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pour raconter des histoires qui donnent envie de retourner en magasin, comme le montre l’exemple de « Story », un lieu ouvert à New-York, à mi-chemin entre lieu d’exposition et concept-store, qui propose des produits de start-ups et de grandes marques, racontant leur histoire autour d’un thème défini et renouvelé chaque mois.

Ainsi, face à une certaine ambiguïté entre l’hyper-connectivité, l’usage ubiquitaire des réseaux sociaux et l’intérêt croissant pour le commerce de proximité, on peut identifier un certain retour au contact humain et aux rencontres physiques comme une des tendances en matière de distribution.

2. Les canaux numériques encore sous-utilisés par les entreprises :

Selon une étude récente du cabinet Markess, 42% des interactions avec les clients passent déjà par des canaux numériques. Cette richesse de moyens apporte aussi son lot de difficultés : il faut fusionner les bases de données, intégrer les logiciels de CRM existants, adapter l’entreprise à ces nouveaux modes de communication, changer les processus de gestion internes et trouver une cohérence globale avec les canaux traditionnels.

L’utilisation des médias sociaux est encore secondaire voir inexistante pour de nombreuses entreprises les jugeant trop segmentants et inefficaces pour toucher la totalité de leur cible. D’autre part, le manque de ressources et de temps à consacrer à ses plateformes ne permet pas aux professionnels d’utiliser pleinement ces outils. Enfin, bon nombre d’entreprises craignent encore les retours négatifs qu’elles pourraient essuyer sur les réseaux grands publics. Ces réticences pourraient expliquer le retard marqué de la France et de l’Europe au niveau de l’usage des réseaux sociaux et des canaux mobiles par les entreprises. Ce retard est mis en avant dans l’étude d’IBM « The State of Marketing 2013 »4 : seulement 38% des professionnels du marketing en Europe ont créé une version mobile de leur site web, contre 54% dans le reste du monde. Ils sont aussi moins nombreux en Europe à avoir déployé des applications mobiles. Côté médias sociaux, seulement un tiers des entreprises européennes interrogées utilisent un blog ou ont mis en place des communautés en ligne.

3. Les difficultés liées à la visibilité et l’acquisition d’audience :

Pour être visibles sur Internet, les e-commerçants et enseignes ont pour défi d’améliorer le référencement de leur site de façon à apparaître en bonne position dans les résultats des requêtes faites sur les moteurs de recherche. Or il est très difficile pour un commerçant indépendant d’intégrer le « triangle d’or » de Google, les trois premiers résultats naturels qui monopolisent plus de 60% des clics d’une page et qui possèdent un taux de visibilité de 100%. La visibilité chute en deuxième ou troisième pages de résultats : la première page totalise environ 85-90% des clics, la deuxième 4-6% et la troisième 2-3%. Il apparaît donc primordial de bien maîtriser les techniques de SEO (Search Engine

                                                                                                                         4«    IBM,  The  State  of  Marketing  2013,  étude  réalisée  auprès  de  500  professionnels  du  marketing  en  Amérique  du  Nord,  en  Asie  et  en  Europe.  »  

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Optimization) afin d’optimiser sa place dans le ranking de Google mais les premières places restent souvent occupées par les géants de la vente en ligne qui ont l’avantage de leur présence historique en ligne.

L’acquisition de trafic est indispensable pour permettre au e-commerçants de générer un chiffre d’affaires suffisant. La difficulté est que sur le web, le taux de transformation est au mieux de 3%, alors qu’il est entre 40% et 60% dans le monde physique.

Entre le taux de rebond, l’abandon du parcours d’achat avant ou pendant la transaction, le taux de conversion dépasse rarement 2.5% sur un site e-commerce5. L’expérience utilisateur doit donc être optimisée pour faire revenir l’internaute. On note qu’il faut en moyenne 5 visites pour transformer une vente, ce qui signifie que pour concrétiser le même nombre de ventes qu’un magasin physique, un e-commerçant doit attirer au minimum 20 fois plus de visiteurs qu’un magasin physique.

Pour augmenter leur audience, les e-commerçants sont obligés de consacrer un budget à l’acquisition de trafic : via la location de bases de données pour faire de l’e-mailing, l’achat de bannières publicitaires, l’achat de mots clés/liens sponsorisés via Google Adwords. Tout cela représente un coût à prendre en compte, notamment pour les nouveaux entrants sur des segments concurrentiels. De plus, le flux de visiteurs doit être entretenu afin de maintenir le nombre de visites chaque mois.

III. Le digital et la relation client

Des phénomènes économiques et sociétaux ont induit des changements de modèles de consommation. D’un commerce surtout préoccupé d’écouler des produits selon une logique industrielle de masse, on est passé à des mécanismes visant à mieux répondre à des attentes plus personnalisées, en adoptant une orientation servicielle. Comme l’ensemble des éléments du système productif, le commerce est en train de prendre un virage important : il passe d’une « orientation-produit » à une « orientation-client ».

Face à une individualisation des comportements et au besoin d’autonomie du consommateur, on assiste à la mise en place d’un commerce de précision centré sur le client, qualifié aussi de « commerce de masse personnalisé ». Les distributeurs doivent désormais instaurer une relation personnalisée avec leurs clients et travailler les marchés de niche pour répondre avec précision aux attentes des consommateurs. L'entreprise, qui reposait traditionnellement sur une structure pyramidale de gestion de ressources, est en train de devenir un réseau de compétences et de moyens, qui s'adapte en fonction des objectifs et de l'environnement. La généralisation des réseaux sociaux, comme outil de travail dans l'entreprise et canal essentiel de la relation client fait de l'entreprise une organisation collaborative.                                                                                                                          5  «  Source  :  FEVAD  2012  »  

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Dans ce contexte, les usages numériques transforment profondément les approches de relation client. Aux canaux traditionnels (courrier, échanges vocaux, face-à-face) s’ajoutent des canaux digitaux (web, e-mail, réseaux sociaux, mobile) qui prennent progressivement de l’ampleur dans la relation client. Ces différents canaux sont le plus souvent complémentaires mais il est nécessaire de les orchestrer au mieux pour générer une relation client cross-canal cohérente et pertinente. Les futurs de la relation client passent aussi par une convergence accrue entre les points de contacts afin d'unifier les parcours clients et de fluidifier les interactions.

Ce que les usagers et les consommateurs attendent aujourd’hui des enseignes, c’est une communication plus ciblée et interactive, une relation plus personnelle fondée sur l'engagement, qui leur apporte un réel avantage matériel, symbolique ou affectif. Chercher seulement à influencer et persuader ses clients reste insuffisant. Il faut désormais leur permettre de prendre la parole, de devenir acteurs, tout en restant à leur écoute et en nourrissant le dialogue. L’essor du communautaire, des réseaux sociaux et du web 2.0 a ouvert la voie, dans le sens où le client a désormais le pouvoir de s'exprimer et de partager ses avis et ses expériences. Les médias sociaux influent sur les comportements d’achat et induisent des communications qui ne sont plus seulement verticales. La recommandation a pris une place importante : les 2/3 des internautes consultent les avis, les notes déposées par leurs paires sur les enseignes et en retour émettent volontiers des avis ou des évaluations liés à leur expérience de consommation.

La mise en place de solutions permettant de mieux tirer parti des canaux digitaux

apparaît donc au cœur des réflexions des décideurs dans le domaine de la relation clients cross-canal. Dans ce contexte, les actions sur lesquelles vont reposer les stratégies digitales vont porter notamment sur :

- L’optimisation de sites web pour une meilleure lisibilité quel que soit le format

d’écran du terminal y accédant. Avec l’usage croissant des téléphones mobiles et tablettes et le développement des fonctions tactiles, la notion de Responsive Web Design est apparue pour désigner les techniques qui permettent d’assurer l’adaptabilité des sites internet sur les différentes tailles d’écran. Le but est d’adapter l’usage et la lisibilité des contenus sur chaque terminal, sans avoir à faire appel à des fonctions de zoom.

- Le développement des échanges utilisateurs en temps réel avec le chat, le click-to-call, le web-call-back, la conférence web…

- L’encapsulation dans le site web des dimensions sociale et communautaire : avis

de consommateurs en ligne, réseau social intégré au site web, mise en place de clubs de consommateurs en ligne à destination des clients VIP et ambassadeurs de la marque, d’espaces communautaires d’entraide et de conseil s’inspirant des jeux en ligne. Ces derniers peuvent conduire au développement d’applications de type serious games : cela consiste à utiliser les technologies du jeu vidéo au

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service de la transmission d’un message pédagogique par la création de supports multimédias combinant une intention « sérieuse » (de type informative, communicationnelle, marketing) avec des aspects ludiques.

- D’usages de plus en plus poussés de contenus vidéo qui peuvent servir de supports

de démonstration, de formation et d’animations commerciales.

Au niveau de la gestion de ses relations numériques vers ses clients, le CRM est une porte pour l’entreprise désirant adapter sa stratégie afin de tirer parti de la transition numérique globale. L’intégration des données clients, qui proviennent de systèmes d’information divers (ERP, reportings vente, outils marketing, logistiques…) est une étape clé pour permettre leur exploitation dans un outil CRM. Le multi canal (e-mail, SMS, call through, web call back…) et les nouvelles fonctions qu’il véhicule ont modifié l’organisation du CRM, remplaçant peu à peu le modèle de centre d’appels par celui de centre de contacts, et amené de nouveaux territoires fonctionnels au CRM.

L’explosion des données en dehors de l’espace interne de l’entreprise et les réseaux

sociaux plébiscités par les clients en quête de solutions rapides pour résoudre leurs problèmes, poussent les professionnels à élargir leur présence sur de nouveaux points de contact afin de pouvoir engager la relation avec le client à tout moment. La collecte de données internes centrées sur le client et très formatées, va donc certainement se transformer en une collecte plus étendue pour réussir cette automatisation en étudiant les comportements des consommateurs et en facilitant la personnalisation de la relation et la recherche du "bon moment" et du "bon canal" pour l’engager. Dans ce contexte de "Big Data", on va ainsi passer d'une relation CRM pensée en "push", vers une relation CRM plus transparente et omniprésente sur les nombreux canaux, terminaux et communautés. Les intervenants impliqués dans les projets liés à la relation clients se tournent de plus en plus vers le P-CRM pour valoriser la connaissance client et piloter l’activité par une approche intégrant CRM et marketing opérationnel. Le predictive CRM ou P-CRM est une partie de ce qui est usuellement appelé Business Intelligence (BI) ou CRM analytique. L’objectif du P-CRM est de mettre en œuvre un processus d’exploitation de la connaissance client et de l’expertise opérationnelle d’une entreprise, directement actionnable par les acteurs en interaction avec les clients. Aujourd’hui, un nombre croissant d’entreprise en BtoC s’intéresse au P-CRM afin de mieux tirer partie de leur savoir-faire opérationnel. La grande distribution utilise de plus en plus les techniques de modélisation du comportement client associées au P-CRM : les acteurs des grandes surfaces s’appuient sur les offres de fidélisation pour gagner en proximité. Les plates-formes de commerce en ligne, offrant à la fois proximité clients et environnement technologique, ont amené les acteurs comme Amazon ou Fnac.com à utiliser l’analyse des similitudes d’achats pour lancer des actions de cross-selling.

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PARTIE 2 : LES FORCES ET LIMITES DES STRATEGIES CROSS CANAL

I. Les bénéfices de cette évolution et la co-création de valeur entre la marque et le consommateur

L’époque de l’unique marché est révolue et laisse place à un marché de multitudes. Le gros « succès » laisse place à « une mosaïque formée d’un million de mini marchés et de micro célébrités ». Le marché de niche devient une force culturelle et économique à prendre en considération dans les stratégies marketing et commerciale. Cette ère de consommation en « haut débit » englobe tous les secteurs pour un coût fixe nettement plus bas.

Dans ce sens, le cross canal a permis de redéfinir la relation entre les retailers et les consommateurs. On est ainsi passé en quelques années d’une approche purement transactionnelle à une approche relationnelle et de services. Cette mutation constitue une source de bénéfices importants aussi bien pour les consommateurs que pour les enseignes.

Aujourd’hui, la consommation rentre dans un processus cross-canal, le client n’hésite pas ainsi à passer d’un canal à un autre pour résoudre ses problèmes de consommation. Les différents canaux fonctionnent en synergie et de manière complémentaire.

1. Le bénéfice de cette évolution pour les consommateurs

« Les tribus sont les chaîne de médias les plus efficaces qui aient jamais existé, mais elles ne sont ni à vendre ni à louer. Les tribus ne font pas ce que vous voulez. Elles font ce qu’elles veulent. C’est la raison pour laquelle rejoindre ou mener une tribu est un investissement marketing aussi puissant ». Seth Godin « Tribus »

Grâce aux nouvelles stratégies cross canal, les enseignes et les marques se recentrent sur les fondamentaux du commerce : LE CLIENT. Ils mettent ainsi à disposition d’un consommateur ultra connecté et sollicité nombre de ressources (principe du « selfcare ») online et offline qui le rendent plus autonome et qui permettent d’enrichir son parcours d’achat.

Les clients disposent d’une offre importante, que ce soit dans les magasins et plus encore sur les sites d’e-commerce. Avant un achat, 81%6 d’entre eux comparent ainsi sur internet les prix, les fonctionnalités et les services, et peuvent acheter à n’importe quel moment et n’importe où au travers de divers supports : smartphone « 46% des français sont équipés7 » le

                                                                                                                         6 « Etude Digitas-Vivaki ROPO 2012 » 7 « Etude de Médiamétrie parue en novembre 2012. »

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matin, desktop en journée et tablette le soir. Le consommateur n’achète plus un produit ou un service mais une expérience.

Aussi, les clients prennent la parole et le pouvoir. Ils participent activement à la réputation des marques. Comme le résume bien l’ouvrage de Catherine Dedieu et Christine Removille « Métamorphoses du marketing », nous sommes passés du consommateur-objet au consommateur-souverain, la stratégie marketing doit répondre, et toujours plus, aux exigences du « client centric ». Le consommateur devient un acteur majeur du pouvoir de transformation sociale et économique de ses actes d’achat. Par sa possibilité de recommandation, de dénigrement, de « déréférencement, le consommateur peut décider de la survie, de l’évolution ou de l’arrêt d’une offre ou d’une marque ».

Le chat, le click to call, l’exploitation des réseaux sociaux offrent aux clients de nouvelles solutions, qui peuvent être plus pratiques, notamment pour les digital natives. Un forum véhicule des valeurs de transparence et de proximité de la marque avec ses clients. Dans les magasins physiques et les sites internet d’une même enseigne, le client bénéficie d’avantages non négligeables. Une myriade de possibilités lui est proposée : l’enseigne propose, le consommateur dispose. Le client peut examiner, comparer ou essayer un produit, avant de l’acheter. Son parcours d’achat et son expérience client n’ont jamais été aussi variés : consulter les recommandations, comparer les prix, vérifier la satisfaction client, la disponibilité du produit, le délai de livraison, etc.

Le changement qui s’opère est clairement à l’avantage du client, qui prend la place de partenaire de jeu pouvant se poursuivre jusque dans une co-production de biens, de services… La relation client devient une approche de plus en plus ultra personnalisée et de qualité (passage d’une approche « one to many » à une stratégie « one to one »). Le marketing prend en compte les attentes de chaque consommateur pour lui proposer les produits qui répondent à ses besoins. Désormais, le consommateur décide quand et comment il veut rencontrer la marque.

Il s’agit donc pour les marques de proposer aux consommateurs des solutions novatrices et pertinentes, et entrevoir des nouvelles sources de croissance qui s’adresseront à un client sociable et connecté.

2. Le bénéfice de cette évolution pour les enseignes

Le marché du e-commerce a connu une croissance de « 22% par rapport à l’année 2011, et de 24% par rapport au premier trimestre de l’année 2012 ». Les secteurs s’étant le plus développé sont l’habillement, la technologie et le tourisme8. Cette croissance incite les marques et les enseignes à se renouveler constamment, dans le but de rester compétitives, dans un marché de plus en plus digitalisé.

                                                                                                                         8 « Etude réalisée par La Fédération e-Commerce et Vente à Distance (FEVAD) : Bilan du e-commerce 2ème trimestre 2013, 28 septembre 2013. »

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Après le « no parking, no business » des enseignes de la grande distribution, l’heure va être au « no connect, no business », dixit Vincent Mignot, DG des hypermarchés Auchan France9. L’enjeu est de permettre à chacun des clients d’avoir un parcours connecté, un choix entre l’achat en ligne et la vente en magasin physique, avec du conseil et des contacts avec le produit et les vendeurs.

Le cross-canal constitue une source de croissance considérable du CA et des marges, ainsi que le meilleur moyen de capter et de fidéliser des clients très sollicités : 81% des consommateurs préparent leurs achats en ligne, un client génère entre 2 et 3 fois plus de chiffre d’affaire s’il est cross canal, son chiffre d’affaire réalisé en boutique peut augmenter de 50%10.

De plus, au-delà du chiffre d’affaire, grâce au cross-canal, les enseignes disposent d’arguments de poids pour se différencier de la concurrence. Bien sûr, il est important de souligner que les modes de consommation online et offline diffèrent en fonction du produit acheté, et qu’il existe de ce fait une multitude de stratégies cross-canal11 :

Il existe aujourd'hui plus de canaux que jamais, et ils ne doivent pas rester isolés dans le cas d’une approche centrée sur le client. Combinés et intégrés en fonction du parcours d'achat du client, tous les canaux se renforcent les uns les autres. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est temps de penser à l'intégration. Cette nouvelle approche a permis l’émergence de deux tendances qui constituent des gisements de croissance pour les enseignes :

1. Le Click and mortar : Les enseignes traditionnelles développent elles-aussi des activités online (clik and mortar). Cette diversification constitue un levier de business supplémentaire, mais aussi une manière de faire face à la concurrence des pure-players.

2. Le Brick and mortar : Les pure players ont compris la nécessité d’ouvrir des magasins ayant pignon sur rue (showroom, SAV, vente), ceci afin de renforcer l’image de la marque. Une récente étude publiée par MARKESS International confirme qu’entre 25

                                                                                                                         9 « Interview magazine LSA, 8 juin 2013. » 7 « Etude société de marketing services Experian, livre blanc « Le nouveau paysage de la distribution cross canal en France » 11« Etude société de marketing services Experian, livre blanc « Le nouveau paysage de la distribution cross canal en France »

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et 50% des clients web préfèrent être livrés dans une boutique. De nombreux pure-players se sont déjà lancées dans cette aventure, c’est par exemple le cas de : - Showroomprivé avec le rachat du Théâtre de Paris, - Ebay et ses magasins éphémères (EbayBubble), - C-discount ou bien Gros bill avec le soutien financier de leurs maisons-mère

respectives, Casino et Auchan.

De même, le cross-canal a considérablement transformé les magasins. Les magasins s’équipent en outils digitaux et deviennent de plus en plus connectés (ex. : Mark & Spencer, Sephora, UrbanOutfitters…). La digitalisation des points de vente s’impose comme une nécessité pour répondre en temps réel aux attentes du client. Celui-ci peut consulter, via des bornes tactiles, la disponibilité d’un produit, le commander en cas de rupture, approfondir les fonctionnalités du produit, consulter les commentaires et avis des utilisateurs, etc.

Le Social Retailing illustre à quel point le magasin est connecté. Le principe est simple et ludique. Pour éviter l’hésitation du client lors de l’achat en magasin, ce dernier peut en temps réel lors de ses essayages se prendre en photo et solliciter l’avis de sa communauté Twitter (ex. : le Tweet Mirror de la marque de prêt-à-porter Morgan des Champs Elysées).

Une autre tendance a révolutionné la distribution : le Clic & Collect. Le consommateur commande un produit depuis le web et vient le chercher en magasin. Le Clic & Collect répond à une attente forte du client, en lui offrant simultanément les avantages du web et du magasin traditionnel. Sur le web, il peut comparer, consulter des avis, prendre son temps de choisir, pour finalement acheter au moment qui lui convient. En magasin, il peut toucher son produit, obtenir des conseils, et surtout il n’est pas contraint d’attendre pour être livré. Pour les enseignes, il permet d’augmenter le nombre de références proposées, sans pour autant augmenter la surface de stockage, comme cela est le cas dans le secteur du mobilier (ex. : But).

L’application du Clic & Collect est parfaitement illustrée par l’avènement du drive dans le secteur de la distribution alimentaire ou de certaines marques comme Nespresso. Le développement des implantations de drives est désormais plus important que celui des hypermarchés (cf. graphique ci-dessous). Cette évolution (700 drives en 2011, plus de 1576 en 2013)* s’explique par le besoin de satisfaire des consommateurs actifs, n’ayant pas le temps de se déplacer en hypermarché en semaine, et désireux de profiter du week-end pour avoir d’autres activités que le shopping. Le choix de la zone de chalandise est également étudié en privilégiant les zones urbaines ou les endroits de passage des clients lors de leur retour du travail. Cette captation de « flux routier » évite aux consommateurs les kilomètres supplémentaires pour la récupération de leurs commandes.

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3. La co-création de valeur entre la marque et le consommateur

Le consommateur devient partie prenante dans le processus d’innovation et participe à la genèse de nouvelles offres ou l’amélioration des offres existantes. Désireuses de renforcer leur relation avec les consommateurs, les marques multiplient les initiatives présentées comme de la co-création. Le plus souvent, il s’agit davantage d’un partenariat créatif sur la marque et le client. Cette évolution de la stratégie marketing des marques est très bien résumée par l’expression de l’ancien directeur scientifique du groupe Amazon, Andréas Weigend : du « Me-business au We-business ».

Ces actions ont toutes un point commun : l’exploitation les média sociaux et le web communautaire. Internet est une opportunité énorme pour les marques de prendre la parole directement et de manière originale. Preuve de la place prépondérante qu’occupe le client c’est désormais lui qui dit aux marques ce qu’il souhaite. Le client va jusqu’à créer la valeur de la marque, au même titre que la société. Comme le clame Jeff Jarvis dans son ouvrage « What Would Google do », « plus vos clients prendront le contrôle de votre marque, moins vous dépenserez pour les ennuyer avec vos pubs. »

Il ne faut pas confondre la co-création avec le marketing participatif (le consommateur vote : exemple célèbre « votre Danette ») et le marketing d’opinion (le consommateur prend la parole : panel de testeurs Carrefour ou boite à idées Facebook pour Starbucks, etc.) .

(exemples Danette, Desperados et Starbucks)

La co-création pour sa part intervient beaucoup plus en amont, c’est-à-dire dans la conception du produit, en impliquant un plus petit nombre de consommateurs. Il s’agit soit de ceux qui veulent participer, soit de ceux qui peuvent.

   

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Les concours de création de produits, comme l’ElectroluxDesignLab12 ou les Audi Talent Awards qui ont permis de lancer l’Audi R813 (modèle le plus populaire actuellement), s’adressent à des designers ou des étudiants experts du domaine.

Par ailleurs, la co-création met en jeu l’ensemble de l’entreprise, de manière durable, en ouvrant un dialogue permanent entre les clients et les salariés. C’est ce qu’on observe chez Oxylane pour le développement des marques propres de Décathlon, qui installe ses équipes de R&D (Recherche et Développement) au plus près des utilisateurs (mer, montagne…).

La co-création récompense les contributeurs grâce à l’aboutissement du projet. Mais, certaines sociétés sont allées beaucoup plus loin. Ainsi, récemment Lego avec son lab « Lego Cuusoo » est une des premières marques à avoir franchi le pas en offrant une rémunération sur les modèles créés par les clients passionnés et vendus en ligne sur son site. Nous pouvons citer également en guise d’exemple le site participatif du distributeur Casino « cvous.com ». La coproduction permet à l’enseigne de créer une véritable TRIBU autour de sa marque, afin d’acquérir de nouveaux prospects ou de fidéliser. C’est aussi l’occasion pour l’enseigne de recueillir les attentes clients et de les anticiper au mieux.

II. Une synergie effective des différents canaux dans les stratégies marketing de la distribution :

1. Des comportements consommateurs multicanaux :

L’observatoire du ROPO (Research Online, Purchase Offline) 14 mené par Fullsix, qui a pour objectif d’étudier les flux croisés entre digital et enseigne physique, nous apprend que « le taux de conversion d’un visiteur multicanal est 20% plus élevé que celui d’un visiteur monocanal ». 45% des visiteurs d’un magasin qui n’ont pas visité le site préalablement y effectuent un achat, alors que le taux de conversion est de 54% pour les visiteurs s’étant rendus sur le site web.

Selon Claire Koralewski, Directrice Générale de FullSix Retail, «la tendance

générale reste à l’impact vertueux du phénomène multicanal qui permet aux enseignes les plus intégrées de limiter la dégradation de la performance par rapport aux autres».

Avec 25 millions de mobinautes au second trimestre 2013 (Médiamétrie//NetRatings), le mobile devient un support attractif pour les annonceurs, qui l’utilisent afin de mieux cibler leur audience, notamment via la géolocalisation. Pour répondre au comportement dit ROPO des consommateurs, les marques intègrent peu à peu des dispositifs mobile-to-store pour convertir et fidéliser leurs clients en point de vente.

                                                                                                                         12«  http://electroluxdesignlab.com/en/ » 13«  http://www.audi.fr/fr/brand/fr/univers/audi_talents_awards.html » 14 « Groupe FullSix, Observatoire du ROPO, Mesure des flux web to store et store to web, Vague 2, S1 2013 »

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2. Le web-to-store, un enjeu pour les enseignes:

Le web-to-store est devenu une expression qui reflète une expérience de consommation basée sur les principaux avantages des différents canaux : la facilité d’usage d’internet et l’expérience shopping des magasins physiques. Les stratégies web-to-store, devenues décisives dans la communication des marques et de leurs réseaux de distribution, visent à convertir le trafic on-line en trafic off-line afin de se servir du web comme une passerelle destinée à guider le consommateur vers le réseau de distribution physique.

En 2012, la montée en puissance du web-to-store dans les grandes enseignes s’est accompagnée d’une réflexion sur la digitalisation des points de vente. L’adoption a été timide mais des dispositifs prometteurs voient le jour : géolocalisation en magasin, catalogues interactifs sur bornes, vitrines interactives, miroirs ou applications de simulation de produits, push d’offres personnalisées sur le mobile, information produit via QR Code ou NFC, paiement sans contact…

Afin de favoriser les expériences web-to-store via des dispositifs efficaces, l’enjeu pour les commerçants est d’adapter leur stratégie en ligne en fonction du comportement des consommateurs. Une présence sur le web et le mobile centrée sur la notion de recherche locale et thématique permet de mettre le trafic internet au service des points de vente. Les dispositifs web-to-store incluent par exemples la mise en place de store locator pour accroître la visibilité des magasins d’une enseigne dans les moteurs de recherche (internes et externes au site de l’enseigne), la présence sur des sites carrefours d’audience proposant des services pratiques à forte valeur ajoutée (description d’activités, horaires d’ouverture, plan d’accès, calcul d’itinéraire…), la diffusion d’informations sur les sites de recherche et de local shopping en proposant au client un aperçu de l’état des stocks des enseignes ainsi que la diffusion de coupons donnant lieu à des réductions en magasins en fonction de la position géographique des consommateurs.

Selon l’étude sur la Mobile Marketing Attitude, publiée par le Syndicat national de la communication directe, 59 % des mobinautes acceptent de recevoir des messages sur leur smartphone en fonction de leur position géographique15. Cette technique, appelée geofencing, permet de géolocaliser l’utilisateur autour des zones de chalandise, grâce au GPS du smartphone.

                                                                                                                         15  «  Etude Syndicat National de la Communication Directe (SNCD), MMA – Mobile Media Attitude – 2013 »

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Dans le même temps, l’étude atteste que 52 % des utilisateurs déclarent accepter les notifications push, 52 % souhaitent embarquer leurs cartes de fidélité́ sur smartphone et 45 % les coupons de réduction.

Le SMS a longtemps été́ utilisé par les annonceurs dans une logique de diffusion massive. L’enjeu pour les marques est désormais de tirer partie des bénéfices du mobile en termes de geofencing et de ciblage afin de communiquer sur des bases opt-in, auprès d’utilisateurs qui acceptent de recevoir des informations sur leur mobile pour les inciter à se rendre en point de vente.

3. Le cross-canal au cœur d’une stratégie globale :

Le site Darty.com, lancé en 1999, s’est orienté vers une activité e-commerce seulement 5 ans plus tard, en 2004. Le site a conservé sa mission informationnelle en proposant d’aider le consommateur à préparer sa visite en magasin et son achat.

Selon Jean-Philippe Marazzani, directeur général de Darty.com, le succès d’une stratégie cross canal repose sur une approche globale : « On considère que le client peut préparer sa visite sur le site, la poursuivre en magasin et la finir sur son mobile. Cette complémentarité des points de contact fait l’intérêt et l’efficacité du système. »

Afin d’optimiser la réussite d’une stratégie cross canal, il est nécessaire de ne pas fonctionner en silo. Dans le cas Darty, les ventes sont prises en compte de manière globale, par magasin, et non considérées de manière indépendante par canal. Chaque directeur de magasin a ainsi la responsabilité du point de contact physique et du chiffre d’affaires correspondant aux ventes du magasin physique et aux ventes en ligne affectées au magasin.

Les différents points de contact ainsi que la vision des stocks des magasins nécessitent une synchronisation informatique et marketing pointue.

III. Les limites de cette transformation entre le monde physique et virtuel:

Nous avons choisi d’illustrer les difficultés dans la mise en place de stratégies cross canal et d’un business model efficace à travers quelques exemples d’entreprises qui rencontrent des incertitudes à ce niveau.

Tout d’abord, Pixmania, un des leaders du e-commerce qui se trouve aujourd’hui proche du dépôt de bilan, montre toute la difficulté et l’échec possible de la mise en place de stratégies multicanal. En février dernier, le distributeur anglais Dixons, qui avait racheté Pixmania en 2006 (cinq ans après sa création) décide de fermer le réseau français de boutiques physiques, constitué de dix magasins, entrainant le licenciement de 150 salariés.

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En parallèle, Dixons choisit de retirer Pixmania de 12 pays sur 26 et de recentrer l'activité sur son cœur historique : le high-tech et l’électroménager. Une stratégie qui ne porte pas ses fruits car l'activité du site e-commerce continue de reculer.  Pixmania a fait état en 2012 d'une perte de 24 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 843 millions et ses ventes ont même chuté de 36 % au premier trimestre 2013.

Après deux tentatives échouées de discussions sur le rachat de Pixmania en 2009 avec le groupe allemand Mediamarkt et en 2011 avec Carrefour, Dixons a récemment précisé avoir reçu une offre irrévocable de Mutares AG (fonds d'investissement allemand spécialisé dans les PME) en vue de la reprise de la filiale de commerce en ligne déficitaire Pixmania. Dixons Retail, numéro deux européen de la distribution d'électroménager et d'électronique grand public, s'apprête même aujourd’hui à verser 69 millions d'euros au fonds allemand en vue de cette reprise !

En plus d’une forte concurrence, tirée par les géants Amazon et Cdiscount, Pixmania a connu de multiples difficultés au niveau notamment de ses relations fournisseurs et de sa politique de prix et n’a jamais su trouvé un modèle prospère dans le paysage des acteurs multicanaux.

Le libraire Barnes & Noble, quand à lui, rencontre de lourdes pertes dues à la concurrence féroce que représentent les magasins en ligne comme Amazon pour les librairies traditionnelles. Les résultats du premier trimestre 2013 font apparaître un déficit de 87 millions de dollars, deux fois supérieur à celui affiché au premier trimestre de 2012. Le chiffre d'affaires affiche une baisse de 8,5 %, à 1,3 milliard de dollars. L’acteur américain envisage donc de fermer près d'un tiers de ses librairies : le directeur général des librairies a présenté en janvier 2013 un plan comprenant la fermeture de 20 magasins par an sur dix ans, afin de ne compter plus que 450 à 500 librairies sur 689 aujourd'hui.

On note également l’échec de la stratégie de Barnes & Nobles sur les livres électroniques. Le problème semble provenir en grande partie de sa division Nook Media, dans laquelle Microsoft a investi, en 2012, 300 millions de dollars. Elle regroupe la boutique de livres dématérialisés et les liseuses et tablettes Nook. L'an passé, elle a accusé une perte opérationnelle de 475 millions de dollars.

A partir de 2009, le libraire a investi massivement pour tenter de s’adapter aux évolutions du marché (selon l'Association des maisons d'édition, les formats électroniques représentent 20 % du marché du livre aux Etats-Unis) et de rattraper son retard sur Amazon, leader du marché grâce à sa liseuse Kindle, sortie deux ans plus tôt.

Selon Sarah Rotman Epps du cabinet Forrester : « Le numérique récompense la vitesse et la taille ; Barnes & Noble a agi trop lentement et n'a jamais atteint la taille qui lui aurait permis de devenir un leader sur le marché des livres électroniques. Sa marque n'était pas assez puissante et les millions de dollars dépensés en publicités n'ont pas été suffisants. »

Les premières liseuses de Barnes & Noble ont plutôt bien fonctionné sur le plan commercial mais le marché s'est ensuite détourné vers des tablettes et le groupe a raté cette transition.

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Parallèlement aux aspects stratégiques qui nécessitent un positionnement cross-canal clair des acteurs afin de maintenir leur place sur le marché, notamment sur les secteurs très concurrentiels, des aspects internes à l’entreprise vont déterminer l’efficacité des dispositifs et les taux de conversion cross-canaux. La mise en œuvre des parcours clients multicanaux cohérents est difficile et nécessite une collaboration des différents services de l’entreprise (achats, marketing, logistique, ventes online/offline) ainsi qu’une refonte des processus de création, de diffusion et de mesure des campagnes marketing.

Les systèmes de tracking fiables sont encore rares, ce qui rend difficile la mesure du retour sur investissement des dispositifs multicanaux. Dans une optique cross-canal, les entreprises compétitives seront celles qui réussiront à surmonter les limites internes en pilotant efficacement les interactions clients en temps réel et en étudiant les résultats d’une campagne marketing de façon globale afin d’évaluer et de valoriser son impact d’un canal sur l’autre.

Dans une logique cross-canal, la digitalisation des points de vente devient une étape incontournable pour une véritable synchronisation des actions, via une personnalisation des messages en fonction du consommateur, de ses attentes et de ses intérêts sur l’ensemble des canaux utilisés lors du processus d’achat. Or cela est loin d’être le cas dans la majorité des magasins et les dispositifs qui voient le jour sont encore loin d’investir tout le potentiel des nouvelles technologies.   De nombreux acteurs n’ont pas les moyens d’investir dans des dispositifs technologiques coûteux, au niveau du matériel et de la logistique à mettre en œuvre, ou n’ont tout simplement pas encore réussi à mettre en place de solution claire   en matière de digitalisation des magasins.

Au-delà de l’effet impactant produit par les dispositifs sur les clients, les actions menées dans le domaine de la digitalisation des points de vente nécessitent une approche centrée sur le client, reposant sur une connaissance fine des usages cross-canal des consommateurs et sur la cohérence et la complémentarité des interactions via les canaux digitaux en magasin et online. La formation du personnel sur le terrain pour l’aider à comprendre les enjeux et à utiliser les dispositifs digitaux au quotidien est nécessaire pour rendre possible l’accompagnement des clients dans leurs parcours d’achats de plus en plus complexes. Enfin, il est primordial de définir et de suivre des indicateurs de performance comme le trafic généré en magasins et l’accompagnement dans la décision d’achat pour évaluer l’impact du digital et son succès pour les points de vente.

Dans un avenir proche, la technologie NFC, permettant l’échange d’informations sécurisées sur de très courtes distances (moins de 10 centimètres), pourrait donner lieu à de véritables révolutions en magasins. Le consommateur pourrait utiliser une puce NFC ayant un identifiant unique pour effectuer des paiements (en passant son mobile près des caisses), après l’avoir paramétrée et reliée à son compte bancaire. Le client pourra ainsi utiliser son mobile comme un moyen de paiement et disposera également d’un identifiant unique qui lui permettra par exemple de recevoir des réductions personnalisées en fonction de son profil. Avec ce système il sera alors possible de reconnaître le client dès son entrée en magasin, de façon anonyme ou identifiée, de la même façon que sur un site web ! On pourra compter le

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nombre de visiteurs uniques, avoir accès aux ventes par clients et savoir lesquels sont partis sans acheter…

Par l’identification des individus en magasin, de réelles synergies seraient alors possibles entre les messages diffusés online et ceux diffusés sur les points de vente. Une fois les magasins physiques connectés, un réel marketing personnalisé et synchronisé sur l’ensemble des points de contacts du consommateur pourrait ainsi voir le jour.

IV. Peut-on établir un ROI fiable dans une stratégie cross-canal ?

Nombre de spécialistes en marketing éprouvent de réelles difficultés à déterminer l'impact et le ROI du marketing des médias sociaux et d'autres formes de marketing interactif. L'une des raisons de ces difficultés est que la conversion immédiate peut être pistée sur les médias sociaux (par les clics, etc.), mais la conversion réelle du prospect en client requiert une autre approche. Avant d’acheter, un client consulte une multitude de ressource. L’achat ne se limite pas au dernier clic. En outre, l'impact des médias sociaux, les évaluations, les recommandations nécessitent le développement d’outils de mesure adaptés.

Selon une étude Accenture de 201316, les process d’analyse diffèrent d’un service à un autre au sein d’une même entreprise, à date 44% des entreprises sont dans l’incapacité de mesurer parfaitement l’impact des campagnes cross-canal. Les panélistes tels que Nielsen et IRI disposent de méthodologies qui mesurent l’impact des actions marketing et des campagnes de communication, en étudiant les sorties caisses des magasins physiques avant, pendant et après l’opération. Ils comparent ensuite un échantillon de magasins exposés et non exposés à la campagne (principe de l’étude Smart). Mais, le cross canal vise à développer une relation clientèle de qualité sur le long terme. Dès lors, il est difficile de transposer l’utilisation de ce type de méthodologie sur le marketing cross canal.

Le taux de conversion et son analyse ne peuvent se faire qu’avec une parfaite connaissance du cycle de décision du consommateur et de son parcours d’achat. Il faut donc avoir une visibilité complète de l’expérientiel client et obtenir une analyse précise. La mesure du ROI nécessite une réactualisation permanente afin d’établir un marketing qui réponde instantanément aux attentes des clients.

Certains moteurs de recherche proposent désormais des outils pour calculer le ROI des opérations cross-canal. Ainsi, Yahoo! Consumer Connect, lancé en 2003 aux Etats-Unis, propose aux annonceurs de mesurer en termes de ROI chiffré leurs investissements en ligne. Pour mettre en place ce service, Yahoo! s’est allié en France avec la régie Carrefour Media. Les comportements des internautes sont appréhendés sur la base d’un panel dédié opt-in constitué de plus de 16 500 panélistes, auquel s’ajoutent les données de consommation réelles des inscrits au programme de fidélité Carrefour et les données Yahoo!.

                                                                                                                         16« Les meilleures pratiques de gestion des campagnes marketing » de Fabrice Marque et David Fregonas.

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Grâce aux tracking des cartes fidélité, Yahoo ! Consumer Connect mesure l’impact d’une campagne, que ce soit dans les magasins physiques ou les sites marchands.

Google vient d’annoncer le lancement d’un outil accessible au niveau international dans les semaines à venir. Ces nouvelles mesures statistiques permettront de mesurer les conversions cross-device dans le search. En effet, jusqu’à maintenant le mobinaute qui effectuait des recherches via son mobile en cliquant sur un lien sponsorisé, puis se rendait sur le site de la marque via son PC, n’était pas pris en compte dans la mesure de conversion. Désormais Google propose des « estimated cross-device conversions » dans le calcul des conversions estimés multi-devices (ordinateurs, tablettes, smartphones). Pour aller plus loin dans la démarche, Google a annoncé par voie de presse que les visites au magasin et les appels téléphoniques vers le store seront bientôt intégrés dans la mesure de conversions.

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PARTIE 3 : LE CROSS CANAL, REVE OU REALITE POUR UNE STRATEGIE MARKETING GLOBALE?

I. La centralisation et l’exploitation des données en cross canal

Le manque de données sur les consommateurs n’est plus un problème. Selon un récent rapport du cabinet McKinsey, le volume de données mondial généré chaque année devrait augmenter de 40 %. Donner un sens à cette masse de données, dont le volume s’accroît à une vitesse inégalée et dans une multiplicité de structures et de sources, n’est pas une chose aisée à l’heure actuelle. Le slogan « data is the new oil » semble aujourd’hui confirmé. La performance économique repose en grande partie sur la connaissance précise des individus et de leurs comportements d’achat ou de leurs habitudes de consommation.

La centralisation de la « data » donne la possibilité à la marque d’analyser le parcours et le comportement du client, autant sur le web qu’en magasin physique. Développer la connaissance du consommateur, en temps réel, permettra de proposer une offre ciblée et adaptée à chaque point de contact.

L'invasion du numérique dans le parcours client oblige les acteurs traditionnels du CRM à revoir leurs modèles au risque de décrocher du marché. A un autre niveau, ces acteurs ambitionnent aussi de se développer l’analyse des informations clients pour gagner en avantage concurrentiel et en anticipation de besoins. L’un des défis pour toutes les enseignes sera dans les années à venir : le BIG DATA.

La connaissance client est au centre de la stratégie cross canal : connaitre son parcours préféré selon son contexte du moment, l’historique de ses relations avec l'entreprise pour lui adresser des offres personnalisées, dans des délais de plus en plus courts (quasiment en temps réel dans certains cas). Exploiter au mieux les données croisées est le but ultime pour les marques. L’accès à des données fusionnées va créer de nouvelles opportunités, comme par exemple la proposition d’up-selling ou cross-selling en magasin physique, avec la mise à disposition d’un CRM relationnel intégrant l’historique client. L’argumentaire commercial des vendeurs en magasin physique sera adéquat avec les attentes clients.

La gestion optimale des datas implique un changement des processus organisationnels bien souvent inappropriés, pour faire face à une technologie en constante évolution. De plus, trouver en interne des compétences capables de gérer le Big Data s’avère compliqué.

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II. Les enjeux organisationnels, marketing et logistiques

L’analyse de la mobilisation et la nature des ressources du consommateur permet à la marque ou à l’enseigne :

- d’identifier les ressources proposables au client, - d’augmenter la valorisation globale perçue, - d’accélérer l’innovation et les mutations de business model par une meilleure

connaissance des besoins.

Le cross-canal est une opportunité pour gagner en compétitivité, avec la création de nouveaux leviers de croissance. On peut regrouper les enjeux de la stratégie cross canal en 3 familles : organisationnels, marketing et logistiques.

1. Les enjeux organisationnels

L’un des enjeux pour la bonne intégration du Big Data au sein des organisations réside dans la sécurisation des données et la fiabilité des données agrégées. Le patrimoine de la data étant totalement digitalisé et exploité avec des outils technologiques (CRM, ERP..), l’entreprise se devra de mettre en œuvre une politique de système d’informations fiable et éviter le risque de perte de données.

2. Les enjeux marketing

En disposant de données clients extrêmement fines (« data quality »), les services marketing vont avoir l’opportunité d’optimiser des analytics complets et bâtir un marketing comportemental cross-canal pertinent et ciblé. Nous assistons au développement d’un marketing relationnel, prenant en compte le parcours d’achat et de décision du client, quel que soit le point de contact.

La collecte des données en temps réel ne permet plus de dérouler des stratégies pluriannuelles. Les directions marketing ont adopté un marketing « agile », qui les oblige sans cesse à réorienter leurs actions. Les enjeux marketing sont clairs : créer un marketing en temps réel pour répondre au plus vite aux attentes du consommateur. Le marketing relationnel est lié désormais à la mutation du comportement client multicanal.

3. Les enjeux logistiques

Les enjeux de demain seront de jongler entre la logistique virtuelle « connectée » et la logistique « physique », tout cela avec une exigence métier devant répondre à la logique « ATAWAD » (« AnyTime, AnyWhere, AnyDevice »). L’entreprise doit penser désormais à une complémentarité entre les différents modes de distribution physiques ou virtuels.

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Les objectifs de la logistique cross-canal sont multiples :

1. Valoriser le service client et améliorer la satisfaction, 2. Réduire les coûts et mutualiser les différents canaux, 3. Optimiser le pilotage des flux entre les acteurs de la chaîne logistique, 4. Pénétrer de nouveaux marchés.

3.1. Valoriser le service client et améliorer la satisfaction

Concernant les pure-players, la réussite d’un site d’e-commerce repose en grande partie sur la logistique. L’achat en ligne met le consommateur dans une situation d’attente qui accentue son niveau d’exigence. Dès lors que le produit a été considéré comme disponible en stock, le client sera extrêmement attentif à la qualité et les engagements de services. Pour permettre au client de suivre en temps réel le traitement de la commande, les distributeurs ont répondu à l’attente des acheteurs en matière de transparence (validation de la disponibilité et de l’achat, préparation en cours, expédition et livraison). La déception, occasionnée par une rupture de stock non anticipée, un retard ou une commande non conforme, peut avoir de fâcheuses conséquences sur la confiance, la fidélisation et in fine sur le ré-achat du client.

Ce qui attire les cyberacheteurs, hormis les prix bas et les ressources mises à sa disposition, c’est avant tout la possibilité d’acheter n’importe où et à n’importe quel moment. Cette manière de consommer ATAWAD a impacté durablement la logistique. Le métier a du se réinventer pour offrir plus de flexibilité et s’adapter au parcours client cross canal. Là aussi, le client dicte ses exigence et c’est une fois encore « livrez-moi où je veux quand je veux ». Pour cela, certains clients sont prêts à payer pour disposer d’un service « premium » : - Gagner du temps avec des livraisons expresses (TNT, UPS, Fedex…), - Gagner en praticité avec les retraits en points relais (Kiala, Mondial Relay…), en

boutiques , en consignes automatiques (Cityssio, ByBox, Google lockers…) ou encore les livraisons en créneaux 2 heures (Ooshop, AuchanDirect, Monoprix…).

La fusion du Supply Chain et du Service Client au sein d’une Direction des Opérations

dans plusieurs sociétés (exemple : Nespresso et la Redoute) démontre à quel point la logistique est l’une des clés du succès d’une stratégie cross-canal.

3.2. Réduire les coûts et mutualiser les différents canaux

Avec le cross-canal, la logistique a subi une véritable révolution. Site marchand, magasin physique, drive, click and collect…, la multiplicité des canaux a poussé les distributeurs a exploré diverses solutions afin de les mutualiser et surtout de réduire les coûts.

Différents chantiers ont été mis en œuvre par les enseignes, plus particulièrement sur 3 postes clés que sont : l’approvisionnement, le stockage, la préparation des commandes, le réassort et la livraison. En parallèle, en fonction des objectifs et de la spécificité des distributeurs, certains acteurs optent pour l’externalisation partielle ou totale de la logistique et/ou le maintien en interne.

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Voici un aperçu synthétique des possibilités de réductions des coûts et de mutualisations : - L’approvisionnement (en amont) : Globalement, les enseignes ont opté pour une mutualisation multi-canal des entrepôts, entre le site marchand, le magasin physique et dans certains cas avec le drive. Ce mode organisationnel est source d’économie dans la mesure où il y a une réduction du nombre d’entrepôts. On a assisté à des fermetures de plateformes régionales qui sont désormais centralisées dans des centres d’envergure nationale à l’instar du géant suédois IKEA, voire européenne comme cela est le cas pour les GSA. De plus, la gestion de stocks communs entre les multiples canaux a poussé les distributeurs aà modéliser un approvisionnement en UN POUR UN auprès des fournisseurs afin d’assurer le réassort et les préparations de commandes, quasiment à flux tendu. Ce modèle permet une réduction des espaces de stockage. En revanche, les fournisseurs ont la lourde responsabilité de revoir leur logistique, sous peine de ne pas être assez réactif, de s’exposer à des ruptures de stock et de risquer à terme le déréférencement. - La préparation des commandes : La grande tendance est actuellement à l’introduction de la technologie pour l’automatisation de la préparation des commandes. Nombre de drives (surtout pour l’enseigne E. Leclerc) et des pure-players comme Vente Privée ont limité le recours à la main d’œuvre, indispensable notamment pour alimenter en produits les bacs. Mais, pareil investissement nécessite un volant d’affaire suffisamment important pour en amortir le coût et la rentabilité. Au regard des nombreux articles et livres parus (« En Amazonie : infiltré dans le meilleur des mondes », de Jean-Baptiste Mallet chez Fayard), la préparation de commandes va encore évoluer pour des raisons sociales : limiter le nombre de kilomètres parcouru, la charge des produits lourds, les gestes répétitifs… - L’externalisation de la logistique : Dès le départ, beaucoup de pure-players ont pris la décision d’externaliser leur logistique, et ce afin de se concentrer sur leur cœur de métier : le commerce. Hormis le fait de faire appel à des experts du métier, les enseignes voient là l’occasion d’alléger certains coûts (personnel, entrepôts, machines, technologies, SI…) et d’éviter les risques sociaux inhérents au métier. Les prestataires proposent aussi des coûts compétitifs, car contrairement à une logistique internalisée, ceux-ci peuvent mutualiser leurs infrastructures et leur personnel pour plusieurs clients à la fois. D’autres acteurs du marché, les galeries marchandes plus précisément, sont parvenus à externaliser une partie de leur logistique, en créant des partenariats avec de nombreux sites marchands. Un exemple à lui seul illustre cette stratégie : Rue du Commerce gère plus de 30.000 références, mais en propose plus de 2 millions grâce à près de 500 sites partenaires.

3.3. Optimiser le pilotage des flux entre les acteurs de la chaîne logistique

ADV, service client et logistique, magasin physique et/ou site marchand et/ou drive nécessitent une coordination des SI pour la gestion des flux, entre l’approvisionnement, les ventes et les stocks physiquement disponibles. Même l’externalisation de la logistique a nécessité le développement d’outils qui mettent en étroite relation l’ADV de l’enseigne et la logistique du prestataire.

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3.4. Pénétrer de nouveaux marchés

La logistique constitue un élément indispensable avant d’envisager la diversification des canaux de distribution. Que l’on soit un pure-player qui crée un réseau de magasins physiques, un brick and mortar qui se lance dans l’e-commerce ou le drive, il est impératif d’étudier les meilleures solutions.

Dans le cas du drive, qui est actuellement pour la GSA(grandes surfaces alimentaires) la principale niche de croissance, le supply chain différera entre un drive adossé à un magasin ou déporté, en raison de la nature de l’approvisionnement. La maîtrise et l’optimisation de la logistique (réduction du délai de livraison, proximité d’une plateforme régionale…) garantissent en partie la rentabilité et la pérennité commerciale et financière.

Pénétrer de nouveaux marchés c’est aussi, au-delà de la mise en œuvre d’une stratégie

cross- canal, offrir un éventail de produits plus large. Intermarché qui depuis quelques années propose du mobilier ou la Fnac de l’électroménager ont réadapté leur logistique existante ou inaugurer de nouveaux sites.

 

 

 

 

 

III. La conduite de changement pour l’accompagnement à la transformation

« Si vous refaites les mêmes choses que vous avez toujours faites, vous obtiendrez les mêmes résultats que vous avez toujours obtenus », Lord Cromwell.

Si les marques ont toutes intégré l'enjeu du multicanal, il leur est encore difficile d'offrir aux clients une expérience cross-canal riche, fluide et unifiée. Historique du consommateur, gestion des bases de données, transversalité entre les plateformes et organisation de l'entreprise sont autant de freins à l'élaboration de ce parcours client.

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Dans beaucoup d’entreprises le constat est le même : la nécessité de s’adapter aux impacts induits par l’essor du web. Une stratégie cross-canal réussie implique des coûts et soulève des problématiques organisationnelles.

Faire évoluer les mentalités en démontrant qu’Internet est un formidable levier pour

générer du trafic dans les boutiques est une nécessité et doit venir du Top management. Le défi principal consiste à impliquer les équipes en intégrant une communication plus transversale et adoptez des Kpi’s à la fois globaux et individuels pour favoriser la coopération entre les points de vente d’un réseau, les équipes marketing e-commerce/magasin avec un but commun : développer le chiffre d’affaires global de la marque.

La phase intermédiaire relative au changement n’est jamais confortable pour les entreprises et organisations. Pour pouvoir continuer à apprendre et se développer, le management des entreprises doit prendre le risque de quitter sa zone de confort pour s’aventurer dans une zone dite « d’apprentissage ». Ce processus de changement des organisations est connu par les Ressources Humaines sous le nom de « Paradoxe du homard ». Effectivement, le comportement de l’homme face au changement est similaire à celui du homard. En effet, ce dernier lors de son évolution se construit une carapace externe rigide qui lui permet de se mouvoir et de se protéger de l’extérieur, pour continuer à grandir il doit prendre le risque de muer et de perdre son ancienne carapace pour une nouvelle.

Chaque entreprise se doit d’accompagner ses équipes au changement et les inciter à s’aventurer dans des nouvelles zones d’apprentissage, cette prise de risque peut-être facilitée avec :

- une compréhension du sens des actions proposées - créer un juste équilibre entre pression et soutien - accepter la mise en place d’une période de transition qui implique un certain

niveau de vulnérabilité des salariés

On distingue ainsi 3 types d’interventions :

A. Collaboration ou co-développement : Méthode permettant d’acquérir un plan d’apprentissage et de transmission de l’information aux équipes.

B. Education : Méthode basée sur la formation, l’accompagnement au changement auprès des équipes opérationnelles.

C. Intervention lors des résistances dans les organisations : Méthode utilisée en cas de crise où il faut intervenir rapidement, afin de clarifier avec des arguments clairs et sécurisants et parfois recadrer pour récréer une dynamique de groupe.

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IV. Cas concret : la stratégie cross-canal de la Fnac

La Fnac est le leader de la distribution de biens culturels, de loisirs et de technologies pour le grand public en magasin et sur internet, en France. A fin 2012, la Fnac a accueilli plus de 20 millions de clients. Grâce à son programme de fidélisation, elle a créé avec ses adhérents une communauté unique et privilégiée qui compte 3,2 millions d’adhérents (fin 2012). Alors que Virgin Mégastore a annoncé la fermeture de tous ses magasins en 2013, depuis l’année dernière, la Fnac a mis le cap sur le marketing multicanal. Sa stratégie, qui vise tant les clients de ses 85 points de vente que ceux qui préfèrent Fnac.com, a pour objectif de les transformer en consommateurs mixtes.

Le challenge de la FNAC est de créer un business model hybride du physique et virtuel. Son succès ne sera effectif qu’avec la parfaite alchimie de ses atouts existants (emplacement des magasins dans des sites prestigieux, compétence et expertise des employés, parfaite connaissance des producteurs de la culture, plus value avec les abonnés carte FNAC…) et son aptitude à jongler sur les canaux on et off line.

Autre challenge d’envergure pour la Fnac : préparer la scission de l’enseigne avec sa maison mère Kering (ex-PPR) dans le cadre d’une introduction en Bourse en juin 2013, suivie d’une sortie au capital dans 3 ans.

Pour Alexandre Bompard (PDG de l’enseigne depuis 2011), le challenge est ardu dans un contexte de crise, de numérisation rapide de l’économie et face à l’érosion du chiffre d’affaire des produits techniques (-10 à - 20%/an pour la TV, photo…) et des livres (- 5 à 10%/an. Secteur dans lequel Amazon écrase ses concurrents).

1. Le rapprochement des datas des magasins et Fnac.com

La Fnac fait appel à la SSII Neolane spécialisée dans la construction de CRM pour la création d’un référentiel unique avec une vision 360°. Il y a encore 2 ans, les bases de données étaient distinctes ainsi que l’animation réalisée, ce qui pouvait manquer de cohérence. Un adhérent pouvait à la fois être contacté au titre du programme de fidélité et par ailleurs recevoir des promotions de Fnac.com. Un gros projet de fusion, des outils mais aussi des équipes, a dû être mis en place. Ce projet de refonte des systèmes d’information s’est étalé sur une période de 18 mois. La Fnac a donc réuni ses bases adhérent et internet. A terme, les autres bases clients – SAV, billetterie, agence de voyage – viendront enrichir ce référentiel unique.

2. Les campagnes d’e-mailing et SMS

L’équipe marketing France réalise régulièrement des campagnes de mailing et de SMS massives. La fréquence des envois est personnalisée en fonction de la réactivité constatée par chaque prospect. Ainsi, la Fnac évite d’envoyer des messages trop régulièrement, qui à la longue risquer de lasser les clients et de perdre toute leur efficacité.

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3. Les médias sociaux

La Fnac explore désormais un nouveau domaine, celui des médias sociaux, comme quatrième canal, qui s'ajouterait à ceux du courrier, des e-mails et des SMS. Facebook contribue à l'enrichissement de la BDD clients. Pareilles actions créent une relation personnalisée et exclusive entre l’internaute et la marque. Le social marketing contribue à communiquer sur les valeurs de l’entreprise et interagir avec sa cible pour provoquer l’achat ou fidéliser.

(La page Facebook de la Fnac compte 170 000 fans)

La création du site Le Lab’Client est lié à la stratégie de développement du marketing participatif. L’objectif : demander aux internautes d’imaginer l’avenir de la marque, en proposant des idées de nouveaux produits. Grâce à cette co-création avec le consommateur, l’enseigne donne une image positive avec une meilleure qualification du profil des internautes.

4. Des magasins connectés et digitalisés

Bornes tactiles à disposition des clients et tablettes réservées aux vendeurs, la Fnac a décidé d’intégrer les nouvelles technologies dans ses points de ventes. En complément de ces ressources, d’autres services ont fait leur apparition : le click & mag (en cas de rupture, les vendeurs proposent au client de recevoir le produit à domicile ou dans un magasin Fnac) et le click & collect (principe repris dernièrement par le concurrent Darty). Dans la même dynamique, les applications Fnac permettant à un client de scanner le code barre d'un produit pour obtenir plus d'informations.

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5. L’optimisation de la logistique

Dans le cadre du plan Fnac 2015, l’enseigne a inauguré l’année dernière son entrepôt logistique multicanal à Wissous (dépt 91). Ce troisième site de Fnac Logistique livre aussi bien les clients à leur domicile ou en magasin. Il représente l’un des chantiers clés de l’optimisation de la logistique et est voué tout particulièrement à accompagner le développement de fnac.com. Les sites Wissous 1 et 2 permettent de doubler le nombre de produits en stock sur fnac.com.

Le site logistique historique de Massy en charge de l’approvisionnement des livres, disques audio et vidéo et petits produits techniques a été presque entièrement automatisé. L’ensemble pourra traiter plusieurs dizaines de milliers de commandes par jour et assurer la livraison de près de 140 millions de produits (parmi 10 millions de références).

6. Nouveau concept store : Le pop up store de la Fnac

La Fnac potentialise sur l’implantation de magasin « éphémère » cross-canal, positionnement identique au pure players tels que Ebay ou Showroomprivé.com. Cette stratégie de location de magasin à court terme lui donne les moyens de créer des opérations de marketing évènementielles innovant et également de booster le chiffre d’affaire lors des périodes stratégiques. Ce concept sera testé avec la première boutique éphémère ouverte cette année à Albertville (du 9 novembre au 1 février 2014).

7. La Marketplace FNAC.COM

Sa stratégie est d’occuper le terrain marketing multicanal au même titre que son concurrent numéro 1 : Amazon. Cette plateforme d’achat propose aux vendeurs professionnels et particuliers de vendre en direct produits neufs et d’occasion sur le site Fnac.com.

8. La stratégie du travel retail

La solution de franchise de magasin Fnac multicanal offre des économies de budget et une implantation rapide dans des zones clés. Le choix des installations (centre ville, gare, aéroports…) intensifie sa présence sur le territoire et répond aux besoins de proximité des clients.

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9. Les résultats de la mutation cross-canal de la Fnac

L’introduction en Bourse de la Fnac s’est pour sa part déroulée en juin 2013. Cette opération à laquelle les analystes financiers ne croyaient pas est un succès : 70% du volume d’actions introduites ont été souscrits, en grande partie par des investisseurs anglo-saxons, et le cours de l’action a dépassé de manière inattendue les 20 euros. Quant aux ventes de la Fnac, elles sont restées stables lors du 1er semestre 2013, avec une embellie pour les ventes sur le site marchand (16% du CA).

La mutualisation des services marketing, de la logistique entre les magasins et la Fnac.com contribuent a amélioré le ROI des investissements actuels et à venir et surtout a augmenté la marge de l’enseigne.

Fort de ce succès, Darty emboîte le pas de la Fnac et vient de divulguer sa nouvelle stratégie digital store avec pour objectif la convergence entre vente online et vente en magasin. La généralisation du « click and collect » dans tous les magasins, des vendeurs équipés de tablettes connectés au CRM relationnel et l’installation de bornes numériques d’information à destination des clients. La transformation numérique et l’évolution des comportements des consommateurs ont réellement impacté la distribution, et la seule solution envisageable pour les distributeurs est de se réinventer ou mourir.

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CONCLUSION

Dans un contexte devenu cross-canal, les technologies numériques ont conduit à une transformation irréversible des entreprises, notamment au niveau de leurs organisations, de la recherche et innovation, de leur communication et des process et outils liés à relation client et à la gestion des compétences.

Dans l’ère actuelle de la donnée et du Cloud Computing, la puissance du numérique, auparavant réservée aux plus gros acteurs, et l'innovation sont à la portée de tous: l'avantage concurrentiel revient aux plus rapides et aux plus agiles qui sauront adapter leurs outils informatiques et de communication à leur activité, détecter demandes et marchés afin de répondre efficacement aux clients et de s'adapter aux changements du marché.

Comme nous l’avons mis en avant, les réseaux sociaux créent une relation directe entre l'entreprise et ses clients, en donnant le pouvoir à ces derniers. Les consommateurs attendent aujourd’hui des enseignes une communication plus ciblée et interactive, une relation plus personnelle fondée sur l'engagement, qui leur apporte un réel avantage matériel, symbolique ou affectif. Il faut désormais permettre aux clients de prendre la parole, de devenir acteurs, tout en restant à leur écoute et en nourrissant le dialogue. On assiste ainsi au développement de dispositifs de communication collaboratifs.

Le concept de « Big Data » met l’accent sur une nouvelle clé du management : l’adaptation en continu. Pour être performants, les distributeurs doivent aujourd’hui maîtriser des sources de données de plus en plus nombreuses, diverses et hétérogènes, et avoir les outils pour en faire une information utile, automatiquement utilisable par les équipes concernées. La difficulté réside dans la centralisation, le traitement et l’exploitation des données concernant le profil et les comportements cross canal des consommateurs afin de définir des critères pertinents de segmentation et de ciblage.

Au-delà des aspects relatifs à l’optimisation de la connaissance et du ciblage des clients, un des principaux facteurs de réussite des distributeurs dans la mise en œuvre de leurs stratégies cross-canal reposera sur l’efficacité et la cohérence d’une communication adaptées à chacun des points de contact avec les clients, toujours plus nombreux et complexes à articuler. L’accompagnement du client sur l’ensemble de son parcours de consommation multicanal se fera donc nécessairement par la mise en place de dispositifs adaptés aux différents canaux online et offline. Cela passe par une présence en amont de l’acte d’achat pour assister le client dans sa préparation, une présence dynamique en magasin afin de valoriser l’interaction et animer l’expérience d’achat et une facilitation de l’après-vente via une historisation des interactions clients afin de fidéliser le consommateur.  

La solution idéale demeure une stratégie cross canal avec un mix de la logique transactionnelle et expérientielle. Toutefois, il est important que les magasins physiques capitalisent à nouveaux sur ce qui fait leur valeur, à savoir la relation client.

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Le challenge pour la distribution offline et pure player est le suivant : la capacité d’investir et d’innover dans des stratégies cross canal en adéquation avec les attentes consommateurs toujours plus exigeants.

Que se soit côté réseaux sociaux avec la multiplication des rendez-vous de masse, pour l’organisation de flashmobs et apéros géants, ou côté distribution, avec la création de magasins réels par des pure players et l’éclosion de concepts stores au cœur des grandes villes, plusieurs initiatives innovantes traduisent un certain retour au contact humain, un intérêt essentiel des consommateurs pour les lieux et les rencontres physiques. Un commerce entièrement virtualisé ne sera certainement pas la tendance de demain en réponse aux mutations sociales et aux comportements associés. Cependant le retailing associé à la communication digitale offre de belles opportunités aux acteurs qui souhaitent développer de réelles expériences émotionnelles et créer l’évènement. Des initiatives côté concepts store ont par exemple été menées par des acteurs souhaitant avant tout surprendre en s’inspirant autant de la rue que de la toile et en investissant les réseaux sociaux pour développer leur visibilité et susciter l’envie de visiter le lieu physique.

Comme le montre l’engouement des marques pour la mise en œuvre de dispositifs web-to-store innovants, le web devient une véritable passerelle visant à guider le consommateur vers les canaux de distribution physiques. En capitalisant sur la connaissance du comportement de ses clients et en optant pour des dispositifs digitaux efficaces alliant géolocalisation et service aux consommateurs, les marques ont aujourd’hui la possibilité de convertir une audience online en trafic offline sur les points de vente.

Cependant pour aboutir à une véritable logique omni-canal et à un marketing synchronisé sur l’ensemble des points de contacts, via la personnalisation des messages en fonction du profil des consommateurs, les points de vente, toujours au cœur du parcours d’achat, doivent opérer une nécessaire digitalisation de leurs espaces et de leurs activités. Par la mise en place de dispositifs investissant tout le potentiel des nouvelles technologies, les enseignes auront la possibilité d’obtenir une vision unique du client sur l’ensemble de son parcours afin de mettre en place une véritable stratégie cross-canal synchronisée sur l’ensemble des points de contact du parcours d’achat du consommateur.

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REVUE DE LITTERATURE

• Philippe Moati, La Nouvelle Révolution Commerciale, Editions Odile Jacob, 2011

• Chris Anderson, The Long Tail, Editions Village Mondial, 2009

• Régine Vanheems, Isabelle Collin-Lachaud,Comment le parcours cross-canal du consommateur transforme- t-il son expérience de shopping ?,Cahiers de Recherche PRISM-Sorbonne 11-33, 2010

• Thomas Stenger, Stéphane Bourliataux-Lajoignie, e-marketing et e-commerce,concepts-outils-pratiques, Edition Dunod, 2011

• Le nouveau paysage de la distribution cross-canal en France, livre blanc Experian Marketing Services d’après une enquête du cabinet indépendant ResearchNow, février 2012

• Les comportements d’achats multicanaux des internautes, 9ème baromètre FEVAD-Médiamétrie//NetRatings, juillet 2013

• Groupe FullSix, Observatoire du ROPO, Mesure des flux web to store et store to web, Vague 2 - S1 2013

• Retailing 2020: Winning in a polarized world, étude PwC/Kantar Retail

• Etude Google/Ipsos, How Affluent Shoppers Buy Luxury Goods, Septembre 2013

• Livre Blanc Mappy, en partenariat avec l’institut d’études BVA et l’agence digitale Novedia, «Web-to-Store : Enjeux et opportunités pour le commerce physique à l’ère du digital», septembre 2013

• Seth Godin « La vache pourpre »

• Seth Godin « Tribus »

• Catherine Dedieu, Christine Removille « Métamorphoses du marketing »

• Robert Leloup, Sandrine Marty, David Autissier, « Une innovation en conduite de changement »

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• Article WK Logistique (magazine de l’actualité de la logistique) « Fnac Logistique : un entrepôt "multicanal" à Wissous » (Février 2012)

• La croissance du secteur de l’alimentation dans le e-commerce, le 6 novembre 2012 par T Cuento

• L’effet Showrooming: l’acte d’achat va-t-il continuer à se réaliser in-store ?, le 26 octobre 2012 par le site Retail Intelligence

• Bien mesurer le ROI d’une stratégie cross-canal d’Olivier Berard – IBM – Consultant Analyse de la valeur 2011 et Alain Pétrissans, AVP Consulting, IDC 2011

• Etude Digitas-Vivaki ROPO 2012

• Livre blanc sur le cross canal marketing de Valtech France.

• Forrester’s Consumer Technographics North America Devices, Media and Marketing Online Study.

• Etude réalisée par La Fédération e-Commerce et Vente à Distance (FEVAD): Bilan du e-commerce 2ème trimestre 2013, 28 septembre 2013

• Etude société de marketing services Experian, livre blanc « Le nouveau paysage de la distribution cross canal en France »

• « La convergence des canaux online et offline dans les stratégies de consommation », de Thomas Stenger et Stéphane Bourliataux-Lajoignie.

• Baromètre Digitas 2013 « L’expérience marchande connectée »

• Article LSA 17 octobre, « Drives mécanisés, l’audacieux pari de Leclerc »

• http://electroluxdesignlab.com/en/ • http://www.audi.fr/fr/brand/fr/univers/audi_talents_awards.html

• « Les meilleures pratiques de gestion des campagnes marketing » de Fabrice Marque

et David Fregonas.

• « Darty passe au digital » 31/10/2013 www.Néomag.fr

• « Fnac : comment Bompard veut séduire les investisseurs » Philippe Bertand, L’express Business 03/06/2013