l’appareil locomoteur: Pourquoi? Comment? -...
Transcript of l’appareil locomoteur: Pourquoi? Comment? -...
Lionel Pesquer
Philippe Meyer
Marie-Hélène Moreau-Durieux
Alain Silvestre
Centre d’Imagerie Ostéo-Articulaire
Clinique du Sport de Bordeaux
Mérignac
www.image-echographie.net
Journées Françaises de Radiologie
Paris, 21-25 Octobre 2011
Injections de facteurs plaquettaires concentrés (PRP) de
l’appareil locomoteur: Pourquoi? Comment?
Introduction
- L’injection de facteurs plaquettaires concentrés est un nouvel outil dans le traitement des
pathologies de l’appareil locomoteur et en particulier dans les tendinopathies chroniques.
- La procédure est uniquement réalisée sous contrôle échographique.
- L’utilisation de concentrés plaquettaires (PRP - Platelet-Rich Plasma) est connue depuis
une vingtaine d’année avec de nombreux travaux sur l’animal et en pathologie maxillo-
faciale (greffe osseuse) et a été retirée en Septembre 2010 de la liste des substances
interdites par l’Agence Mondiale Anitdopage.
- Le but de ce poster est de comprendre l’intérêt et la méthode des injections et de connaître
les applications courantes.
Pourquoi injecter des PRP? Notion de
tendinopathie - Pour comprendre l’intérêt de l’injection des PRP, il faut
connaître certains principes simples des phénomènes
de cicatrisation. Nous prendrons l’exemple de la
cicatrisation tendineuse car les tendinopathies
représentent l’indication la plus fréquente.
- Les tendons sont formés d'un tissu conjonctif fibreux et
contiennent 95% de collagéne qui est fabriqué par des
fibroblastes.
La cicatrisation tendineuse est directement dépendante
de la vascularisation qui est pauvre au niveau tendineux
et qui provient des vaisseaux issus du muscle adjacent
essentiellement mais aussi du paratendon et des os.
- La pauvreté de la vascularisation tendineuse explique
le faible potentiel de cicatrisation d'où le principe
d'injecter directement du concentré plaquettaire
autologue dans la fissure pour stimuler la cicatrisation.
Ténoscopie: aspect normal des
tendons fibulaires
- Les microtraumatismes répétés aboutissent à une dégénérescence fibrillaire entraînant
une fragilité tendineuse avec risques de fissure et de rupture.
- Au niveau du coude et du tendon commun des épicondyliens (qui représente le site
d’injection de PRP le plus fréquent), on retrouve histologiquement une interruption des
fibres de collagène, une augmentation de la cellularité et l’apparition d’une
néovascularisation d’où le terme de dégénérescence angiofibroblastique du tendon sans
phénomènes inflammatoires. Il s’agit donc plus d’une tendinose que d’une tendinite.
Walz D. M., Newman J. S., Konin G. P., Ross G. Epicondylitis: Pathogenis, Imaging and Treatment.
RadioGraphics 2010; 30:167-184
Echographie
Aspect Normal du tendon commun des épicondyliens Tendinose
Pourquoi injecter des PRP? Notion de
tendinopathie
La cicatrisation suit classiquement trois phases:
* période initiale inflammatoire : après un traumatisme, il y a formation d’un hématome au
niveau de la lésion. Les plaquettes vont venir adhérer au collagène exposé avec formation
d’un caillot ce qui va activer les plaquettes et libérer des facteurs d’hémostase et de
croissance. Dans les heures qui suivent, les polynucléaires neutrophiles et les macrophages
vont venir phagocyter les débris tissulaires.
* phase d’angiogénèse : formation d’un tissu de granulation et prolifération de ténocytes.
* phase de remodelage : Le tissu cicatriciel passe d’une phase cellulaire à une phase
fibreuse.
La cicatrisation tendineuse est donc directement dépendante de la vascularisation
tendineuse et de la concentration en plaquettes.
Peerbooms J.C., Sluimer J., Bruijn D.J., Gosens T. Positive effect of an autologous platelet concentrate in lateral epicondylitis in a double-blind randomized
controlled trial: platelet-rich plasma versus corticosteroid injection with a 1-year follow-up. Am J Sports Med. 2010 Feb;38(2):255-62.
Connell D. A., Ali K. E., Ahmad M., Lambert S., Steven C., Curtis M. Ultrasound-guided autologous blood injection for tennis elbow. Skeletal Radiol 2006; 35:371-377
Pourquoi injecter des PRP? Notion de
cicatrisation
Les protéines libérées par les plaquettes et actives dans les phenomènes de cicatrisation
sont:
- des facteurs de croissance: PDGF (platelet-derived growth factor), TGF-ß (transforming
growth factor), PDEGF (platelet-derived epidermal growth factor), VEGF (vascular
endothelial growth factor), IGF-1 (insulin-like growth factor), EGF (epidermal growth
factor), FGF (fibroblastic growth factor),
- des cytokines PF4 et CD40L
- des protéines adhésives du type fibronectine, vitronectine.
Ces facteurs de croissance favorisent le recrutement des cellules souches, augmentent la
vascularisation locale et stimulent directement la production de collagène par les
fibroblastes du tendon.
Pourquoi injecter des PRP? Notion de
cicatrisation
Définition du concentré
plaquettaire En général, un échantillon de sang contient 93% de
GR, 6% de plaquettes et 1% de GB. Le principe du
plasma enrichi en plaquettes (« platelet rich plasma »
PRP) est d’inverser ces proportions en diminuant le
taux de GR qui sont peu utiles pour la cicatrisation à
5% et en augmentant le taux de plaquettes à 94%.
Le concentré plaquettaire est donc défini comme du
sérum dont la concentration de plaquettes est 5 fois
(1 000 000 par µL) supérieure à celle du sang normal
ce qui permet en théorie de disposer d’une
concentration accrue de facteurs de croissance actifs
(PDGF, TGF-ß, VEGF...) stimulant la cicatrisation.
La présence de leucocytes permet d’expliquer l’effet
antibactérien des PRP.
Les techniques de centrifugation sont variables et la
concentration de facteurs plaquettaires est comprise
entre 1,6 et 6 fois la normale.
Obtention du concentré
plaquettaire - Patient adressé au laboratoire
- Recueil de 30 cc de sang dans 3
tubes
- Centrifugation pendant 15 minutes
Séparation du sang en 3 couches distinctes
Prélèvement de la couche
moyenne
= concentré plaquettaire
(1cc/tube)
Comment injecter des PRP?
Avant le geste
- Consentement éclairé signé par le patient (donné idéalement plusieurs jours avant le geste
pour permettre un délai de réflexion)
- AINS contre-indiqués 2 semaines avant et après la réalisation du geste
- Traçabilité +++ = Prélèvement apporté en «mains propres» par le biologiste
Pendant le geste
- Patient en position allongée (risque de réaction vagale)
- Repérage de la structure à injecter
- Asepsie sticte: triple désinfection cutanée
- Analgésie superficielle et sous-cutanée stricte (lidocaïne 1%) car risque d’interaction (et
d’inhibition des PRP)
- Ponction avec aiguille adaptée puis repérage échographique (dans les 30 minutes suivant la
preparation)
Comment injecter des PRP?
L’injection intra-tendineuse d’un tendon en zone saine est impossible (et inutile)
et doit se faire en zone pathologique
Présence d’une fissure
Injection du PRP au sein de la fissure
Absence de fissure
Tendinose simple
«Micro»-ténotomie
par criblage multiple de la zone de
tendinose
Injection du PRP
Comment injecter des PRP? Principes
d’injection
L’injection est idéalement réalisée au sein d’une
fissure
Repérage de la fissure intra-tendineuse
au sein du tendon commun des épicondyliens
Injection du PRP sous contrôle échographique
avec comblement de la fissure.
Comment injecter des PRP? Principes
d’injection
Parfois aucune fissure n’est visible spontanément et la fissure est démasquée (ou majorée) à
l’injection.
Avant ponction: pas de fissure identifiable
Longitudinal
Longitudinal Axial
Axial
Pendant injection de PRP: mise en évidence d’une fissure intra-tendineuse
Comment injecter des PRP? Principes
d’injection
Quand pas de fissure distincte: traitement percutané «bi-phasique»:
- mécanique: multiples criblages de la zone de tendinose provoquant un micro-
saignement et une activation de la «cascade» plaquettaire
- biochimique: injection progressive et multifocale de PRP au niveau des zones de
ténotomie
Comment injecter des PRP? Principes
d’injection
PRP et épicondylites
J 45 J 0 = fissuration intra-tendineuse
Tendinopathie du tendon commun des épicondyliens latéraux traitée par injection de
PRP.
Gosens T, Peerbooms JC, van Laar W, den Oudsten BL. Ongoing positive effect of platelet-rich plasma versus
corticosteroid injection in lateral epicondylitis: a double-blind randomized controlled trial with 2-year follow-up. Am J Sports
Med. 2011 Jun;39(6):1200-8.
= différence statistiquement significative à 2 ans du groupe PRP par rapport au groupe
corticoïdes (n:100)
Thanasas C, Papadimitriou G, Charalambidis C, Paraskevopoulos I, Papanikolaou A. Platelet-Rich Plasma Versus
Autologous Whole Blood for the Treatment of Chronic Lateral Elbow Epicondylitis: A Randomized Controlled Clinical Trial.
Am J Sports Med. 2011 Aug.
= différence statistiquement significative du groupe PRP par rapport au groupe sang
autologue (n:28)
Les injections au sein des tendons épicondyliens représentent l’indication la plus
fréquente.
Des études récentes montrent l’efficacité clinique significative du traitement. La
guérison clinique précède habituellement la guérison échographique.
PRP et tendinopathies calcanéennes
J0: fissuration intra-tendineuse J45
(1) de Vos RJ, Weir A, van Schie HT, Bierma-Zeinstra SM, Verhaar JA, Weinans H, Tol JL. Platelet-rich plasma injection for
chronic Achilles tendinopathy: a randomized controlled trial. JAMA. 2010 Jan 13;303(2):144-9.
(2) de Vos RJ, Weir A, Tol JL, Verhaar JA, Weinans H, van Schie HT. No effects of PRP on ultrasonographic tendon structure
and neovascularisation in chronic midportion Achilles tendinopathy. Br J Sports Med. 2011 Apr;45(5):387-92.
Exemple d’une tendinopathie calcanéenne traitée par injection de PRP.
Guérison clinique et échographique en 45J.
Revue de la littérature: Une série (deux articles)
- n: 54
- étude en double aveugle (PRP versus injection saline ce qui est discutable compte-tenu de
l’effet mécanique de la ténotomie)
- étude 1: discrète amélioration dans le groupe PRP
- étude 2: pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes concernant
l’échostructure et la vascularisation au doppler couleur.
Autres exemples de tendinopathies pouvant être traitées par injection de PRP.
Tendinopathie
patellaire
Longitudinal Axial
Longitudinal Axial
Tendinopathie du long
fibulaire
PRP et autres tendinopathies
PRP et pathologies musculaires
Au niveau musculaire, les injections peuvent être réalisées au niveau de lésions myo-
aponvrotiques récentes ou anciennes.
En cas de lésion récente avec collection hématique, une ponction évacuatrice est réalisée
avant l’injection de PRP.
Footballeur
professionnel
présentant une
désinsertion profonde du
droit fémoral.
Ponction de la collection
et injection de PRP
permettant un retour à la
compétition en 6
semaines.
Foster TE, Puskas BL, Mandelbaum BR, Gerhardt MB, Rodeo SA. Platelet-rich plasma: from basic science to clinical
applications. Am J Sports Med. 2009 Nov;37(11):2259-72.
PRP et pathologies ligamentaires
- Le traitement des pathologies ligamentaires aigües a également été décrit.
- Foster TE, Puskas BL, Mandelbaum BR, Gerhardt MB, Rodeo SA. Platelet-rich plasma: from basic science to
clinical applications. Am J Sports Med. 2009 Nov;37(11):2259-72.
= lésion de grade 2 du ligament collatéral médial du genou = gain de 27% sur la reprise
de compétition par rapport au groupe témoin
Injection de PRP chez une
rugbyman professionnel
présentant une distension du
ligament collatéral médial.
- Frei R, Biosca FE, Handl M, Trc T. Conservative treatment using plasma rich in growth factors (PRGF) for injury to the
ligamentous complex of the ankle. Acta Chir Orthop Traumatol Cech. 2008 Feb;75(1):28-33.
= cicatrisation accélérée du groupe PRP (m: 5 semaines) versus groupe témoin (8: semaines)
Injections de PRP - Limites
Taylor DW, Petrera M, Hendry M, Theodoropoulos JS. A systematic review of the use of platelet-rich plasma in sports
medicine as a new treatment for tendon and ligament injuries. Clin J Sport Med. 2011 Jul;21(4):344-52.
Paoloni J, De Vos RJ, Hamilton B, Murrell GA, Orchard J. Platelet-rich plasma treatment for ligament and tendon injuries.
Clin J Sport Med. 2011 Jan;21(1):37-45.
Malgré un intérêt croissant de cette technique, plusieurs points méritent d’être discutés:
- la plupart des séries publiées présente un niveau de preuve faible et seules des études
récentes ont été réalisées contre-placebo (groupe témoin) et en double aveugle.
- aucune étude à long terme n’a prouvé l’innocuité du geste (même si aucun effet secondaire
grave à court ou moyen terme n’ait été rapporté)
Concernant la réalisation du geste:
- les indications méritent d’être précisées: traitement de première, deuxième ou troisième
intention?
- il n’y a pas de consensus sur la méthode de centrifugation
- le volume et le nombre d’injections doivent être adaptés à la structure traitée
Il n’y a pas de consensus sur les suites du traitement:
- Faut-il un repos strict ou relatif?
- Quand y associer un programme de rééducation.
CONCLUSION
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- En pratique, dans notre centre, tous les patients
(400 depuis Janvier 2010) adressés pour une
injection de PRP le sont par un spécialiste de
l’appareil locomoteur (médecin du sport,
orthopédiste, rééducateur, rhumatologue).
- L’obtention du PRP est assurée par un biologiste
utilisant le même protocole de préparation et de
traçabilité.
- Une seule injection est réalisée et un repos relatif
est conseillé. Une deuxième injection est discutée
en cas d’effet partiel mais évitée en cas d’effet initial
nul.
- Un contrôle clinique et échographique est réalisé à
6 semaines.
- Le traitement est efficace dans 60 à 80% des cas.
Aucune complication n’a été notée mais des études
à plus long terme méritent d’être réalisées.