Etrusca Disciplina

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Presses universitaires de Franche-Comté http://presses-ufc.univ-fcomte.fr Presses universitaires de Franche-Comté Le v e siècle après J.-C. voit simultanément le triomphe du christianisme et la disparition de l’Empire romain. Le colloque qui s’est tenu à l’Université de Franche-Comté en mai 2013, et dont ce volume constitue les actes, se proposait d’étudier systématiquement les témoignages des auteurs de cette époque sur la science divinatoire étrusque. Alors que la civilisation étrusque a disparu depuis longtemps, le rituel de l’Etrusca disciplina est maintenu par le paganisme finissant ; les auteurs du Bas-Empire (qu’ils soient païens ou chrétiens, techniciens ou poètes) en gardent la mémoire, apportant ainsi des témoignages souvent précieux sur sa survie sociologique ou ses particularités techniques. B. Poulle est professeur de langue, littérature et civilisation latines à l’Université de Franche-Comté, spécialisé en religion antique de l’Italie. Les intervenants sont des enseignants-chercheurs dans diverses universités françaises. Ouvrage publié avec le concours de l’Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité (UFC – EA4011) L’Etrusca disciplina au v e siècle apr. j.-c. Actes du colloque de Besançon, 23-24 mai 2013 Actes du colloque de Besançon, 23-24 mai 2013 Bruno Poulle (dir.) L’ Etrusca disciplina au v e siècle apr. j.- c. La divination dans le monde étrusco-italique, x Prix : 24 euros ISBN 978-2-84867-552-7 -:HSMIOI=[\ZZW\:

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L'Etrusca disciplina dans les sources juridiques des Ve-VIe s. ap. J.-C.

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    Presses u niversita i res de Fra nche-Comt

    Le ve sicle aprs J.-C. voit simultanment le triomphe du christianisme et la disparition de lEmpire romain. Le colloque qui sest tenu lUniversit de Franche-Comt en mai 2013, et dont ce volume constitue les actes, se proposait dtudier systmatiquement les tmoignages des auteurs de cette poque sur la science divinatoire trusque.Alors que la civilisation trusque a disparu depuis longtemps, le rituel de lEtrusca disciplina est maintenu par le paganisme finissant ; les auteurs du Bas-Empire (quils soient paens ou chrtiens, techniciens ou potes) en gardent la mmoire, apportant ainsi des tmoignages souvent prcieux sur sa survie sociologique ou ses particularits techniques.

    B. Poulle est professeur de langue, littrature et civilisation latines lUniversit de Franche-Comt, spcialis en religion antique de lItalie. Les intervenants sont des enseignants-chercheurs dans diverses universits franaises.

    Ouvrage publi avec le concours de lInstitut des Sciences et Techniques de lAntiquit (UFC EA4011)

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    Actes du colloque de Besanon, 23-24 mai 2013

    Bruno Poulle (dir.)

    LEtrusca disciplina au ve sicle apr. j.-c.La divination dans le monde trusco-italique, x

    Prix : 24 eurosISBN 978-2-84867-552-7

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  • LEtrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.La divination dans le monde trusco-italique, X

    Institut des Sciences et Techniques de lAntiquit

    Actes du colloque de Besanon, 23-24 mai 2013

    dits parBruno Poulle

    Presses universitaires de Franche-Comt

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    7L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    Sommaire

    Sommaire ............................................................................................................................................... 7-8

    Bruno Poulle, Avant-propos .............................................................................................................. 9-10

    I. Les derniers paens et lEtrusca disciplina

    Charles Guittard, Macrobe et lEtrusca disciplina : ostentarium Tuscumet ostentarium arborarium ............................................................................................................................. 13-26

    Jean-Yves Guillaumin, Suadebat Etruria (De nuptiis 2, 142) : lEtrusca disciplinachez Martianus Capella ................................................................................................................................. 27-44

    Marie-Laurence Haack, Lusage de la rfrence trusque au ve sicle :Lexemple de Lactantius Placidus et Longinien ....................................................................................... 45-59

    Franois Guillaumont, Proclus, Jean le Lydien et le mythe de Tags ................................................ 61-73

    II. Les dernires luttes des auteurs chrtiens

    Catherine Cousin, Deux crits polmiques chrtiens : le Carmen contra paganos et les Sermonsde Maxime de Turin ....................................................................................................................................... 77-87

    Dominique Briquel, La Vie dAmbroise de Paulin de Milan ................................................................. 89-92

    Jacqueline Champeaux, Des haruspices aux dmons. LEtrusca disciplinaselon Augustin, Cit de Dieu ........................................................................................................................ 93-112

    Elisabeth Buchet, Image des haruspices dans luvre de saint Augustin ........................................... 113-125

    Dominique Briquel, Orose .......................................................................................................................... 127-146

    Bruno Poulle, Les haruspices de saint Jrme .......................................................................................... 147-155

    Dominique Briquel, Salvien ........................................................................................................................ 157-159

    III. Survivances potiques et littraires

    Catherine Cousin, Claudien, pote officiel paen au sein dune cour chrtienne .............................. 163-167

    Catherine Sensal, Souvenirs dtrurie dans le De reditu suo de Rutilius Namatianus ...................... 169-173

    Dominique Briquel, Sidoine Apollinaire ................................................................................................. 175-184

    tienne Wolff, LEtrusca disciplina chez Dracontius .............................................................................. 185-188

  • Actes du colloque de Besanon, 23-24 mai 2013

    8 L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    tienne Wolff, LEtrusca disciplina chez Fulgence le Mythographe .................................................... 189-192

    Vincent Zarini, Une survivance de lEtrusca disciplina vers 500 apr. J.-C. ?Ltrange tmoignage de Corippe (Ioh., III, 79-155) ........................................................................ 193-223

    IV. Textes techniques : droit et exemples de grammairiens

    Gilles van Heems, LEtrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles ................... 227-248

    Guillaume Bonnet, Les trusques et leur art dans la grammaire latine scolaire ............................. 249-259

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C., 2016, 227-248

    La bataille de la rivire Froide de septembre 394, savamment orchestre par ses protagonistes comme l pisode dcisif de l pre lutte laquelle se livrent la religion paenne et la dsormais pas si nouvelle foi chrtienne, signe la dfaite dfinitive, en occident, du paganisme : le ve sicle qui s ouvre sera sans quivoque (et contrairement au prcdent) chrtien, tout au moins au fate de l tat. Or, si l appareil juridique mis en place par les empereurs au ive sicle rservait une place importante l Etrusca disciplina, et tout particulirement l extispicine, qui, puisqu elle repose sur l institution du sacrifice, remise en cause par le parti chrtien, apparaissait comme clairement problmatique, il est lgitime de se demander quelle attention portent les lgislateurs des ve et vie sicles ce vieux patrimoine mantique.

    Les sources notre disposition ne manquent pas, mais il convient de faire quelques remarques liminaires quant leur utilisation. Comme on sait, le ve sicle est une poque importante dans l histoire du droit romain : l empereur Thodose II dcide, en 438, de publier un recueil des lois promulgues depuis Constantin et encore en vigueur son poque, afin d offrir aux juges et aux justiciables un corps de lois jour. Le Code Thodosien constitue ainsi pour nous un tmoignage prcieux du travail lgislatif des empereurs de cette poque, qu on peut utilement complter par le (plus petit) recueil des Constitutiones Sirmondianae (qui rassemble des lois promulgues entre 333 et 425). Aprs cette poque, la production lgislative n a cess de s accrotre et de se complexifier, mesure des vicissitudes que connaissait l Empire d Occident : ainsi sont runis les codes de lois dites romano-barbares ; mais c est surtout dans le copieux Code Justinien, publi entre 527 et 565 par la volont de Justinien, qui dsirait runir l ensemble des lois en

    L Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles

    Gilles van HeemsUniversit Lumire, Lyon 2 UMR 5189 HiSoMA

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

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    vigueur dans l empire, que l on trouvera des lments utiles pour notre enqute ; car mme si ce Code n eut force de loi en Occident que sur les territoires d Italie mridionale sous contrle byzantin, il reste pour nous un point de rfrence fondamental dans la mesure o il rassemble et compile l ensemble des lois promulgues par les successeurs de Thodose en Occident.

    Or, un survol, mme rapide, de ces diffrents corpus impose un premier constat. Il est en effet manifeste que l Etrusca disciplina connat un traitement trs diffrent dans ces sources : autant les rfrences aux pratiques divinatoires en gnral, et l haruspicine en particulier, sont frquentes dans le Code Thodosien les constitutions du ive sicle concernant l Etrusca disciplina avaient d ailleurs fait l objet d une tude de la part de M. Hano dans le prcdent volume de la srie Etrusca disciplina1 , autant, dans les corpus de lois ultrieurs, il n est fait nulle allusion directe l Etrusca disciplina ou aux haruspices. L un des principaux enjeux de cet examen du dossier doit donc tre d lucider, autant que possible, ce relatif silence des sources juridiques.

    Un second constat nat de la comparaison de ces sources et d une rflexion sur leur nature mme : les recueils passs en revue ne rassemblent bien entendu qu une partie de la lgislation qui a t produite au cours de ces deux sicles ; de surcrot, la porte relle de cette lgislation reste difficile correctement apprcier. Sa porte gographique d abord : ces lois touchaient-elles l ensemble de l Empire ou seulement certaines provinces ? Qu en tait-il de leur application dans les provinces, mais aussi dans les campagnes ou dans les territoires provinciaux les plus loigns des capitales ? Mais la porte coercitive de ces lois pose tout autant de questions : quels taient les moyens de contrle et, le cas chant, les procdures rpressives dont disposait effectivement l empereur2 ? Il s ensuit donc qu interroger les seules sources juridiques pour tenter d tablir ce qui restait, aux ve et vie sicles, de l Etrusca disciplina risque, au mieux, d tre dcevant et, au pire, gravement trompeur : eu gard la nature des sources qui vont nous occuper, il sera indispensable de les confronter aux contrepoints que peuvent offrir la jurisprudence (j entends par l essentiellement les procs d haruspices ou d individus se rclamant de l Etrusca disciplina) et les autres sources littraires. Le prsent volume, o sont traqus les vestiges de cette antique sapience chez les auteurs des ve et ve sicles, a donc, me semble-t-il, comme mrite essentiel de confronter ce que dit la loi ce qui peut apparatre comme la pratique (ou l absence de pratique) de l Etrusca disciplina.

    1 Hano 2005.2 Sur ces questions, on trouvera d importants sujets de rflexion, tout au moins pour l poque de Constantin, dans Dillon 2012.

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    Et pourtant le dtour par les sources juridiques est bien videmment essentiel, ne serait-ce que pour tablir le statut lgal des pratiques et des praticiens de l Etrusca disciplina. Le premier enjeu de notre enqute sera donc d tablir si les sources notre disposition permettent de suivre des changements chronologiques dans le statut juridique, voire dans la pratique de l haruspicine et, plus gnralement, car le sort de l Etrusca disciplina n est pas sparable, cette poque, de celui des autres pratiques divinatoires, ni mme de l astrologie et de la magie , de la divination. En ce sens, il faudra rflchir tout particulirement ce que peut signifier la disparition quasi-totale des rfrences ces pratiques dans les sources juridiques partir du ve sicle, alors qu elles taient nombreuses au sicle prcdent3. Corollairement cette question, il faudra s interroger sur le rle jou par l glise dans ce processus : dans quelle mesure les rglementations des pratiques divinatoires qui se mettent en place entre le ive et le vie sicles tmoignent-elles de l influence de la pense et des institutions chrtiennes sur le lgislateur ?

    Pour rpondre ces questions, nous tudierons les principales dispositions concernant l Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ive-vie sicles, en tant attentif aux transitions : on commencera par rcapituler brivement quelle place est rserve cette science dans les lois promulgues au ive sicle, de l poque de Constantin la bataille de la rivire Froide ; cela nous permettra de voir ensuite que les dispositions lgislatives prises durant la premire moiti du ve sicle continuent la tendance qui s amorce la fin du ive sicle. Enfin, nous parcourrons le Code Justinien et tenterons d interroger le relatif silence juridique qui entoure l Etrusca disciplina aux priodes les plus tardives.

    L Etrusca disciplina au ive sicle

    Le prcdent volume de la collection a montr sans quivoque que la connaissance de l Etrusca disciplina au ive sicle tait encore bien vivante. Plus spcifiquement, en ce qui concerne les sources juridiques qui ont le mrite de nous informer prcisment sur le comportement du Prince et de son entourage vis--vis de ces pratiques qui intressent autant l tat et la sphre publique que les simples particuliers , les travaux rcents qui se sont attachs tudier la politique juridique des empereurs du ive sicle en matire de religion et de divination4 ont pu dgager une volution trs nette, qui connat, si l on veut synthtiser en quelques mots, trois tapes essentielles :

    3 Sur ce point, voir la synthse dj cite Hano 2005. 4 Voir, outre Hano 2005, dj cit, Belayche 2009 ; Briquel 1998 ; De Giovanni 1977, p. 15-76 ; Desanti 1990 ; Haack 2003, p. 177-221 ; Lucrezi 1987 ; Montero 1991.

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    1re tape : la rvolution constantinienne

    Constantin, le premier empereur chrtien, lgifre bien entendu sur l Etrusca disciplina et modifie profondment le statut de l haruspice. Sa principale mesure est d interdire ds 319 l haruspicine prive en des termes trs clairs (CTh, IX, 16, 1)5 :

    Annexe 1. Nullus haruspex limen alterius accedat nec ob alteram causam, sed huiusmodi hominum quamuis uetus amicitia repellatur, concremando illo haruspice, qui ad domum alienam accesserit et illo, qui eum suasionibus uel praemiis euocauerit, post ademptionem bonorum in insulam detrudendo : superstitioni enim suae seruire cupientes poterunt publice ritum proprium exercere. Accusatorem autem huius criminis non delatorem esse, sed dignum magis praemio arbitramur.

    Ces dispositions sont ritres en mai de la mme anne (CTh, IX, 16, 2) :Annexe 2. Haruspices et sacerdotes et eos qui huic ritui adsolent ministrare ad priuatam domum prohibemus accedere uel sub praetextu amicitiae limen alterius ingredi, poena contra eos proposita, si contempserint legem. Qui uero id uobis existimatis conducere, adite aras publicas adque delubra et consuetudinis uestrae celebrate sollemnia : nec enim prohibemus praeteritae usurpationis officia libera luce tractari.

    Mais par ailleurs, malgr l hostilit qu il prouve envers l haruspicine, l empereur autorise non seulement l haruspicine publique, mais y fait mme personnellement recours (CTh, XVI, 10, 1 ; 320-321 ; l empereur s adresse au prfet de la Ville Maximus) :

    Annexe 8. Si quid de palatio nostro aut ceteris operibus publicis degustatum fulgore esse constiterit, retento more ueteris obseruantiae quid portendat, ab haruspicibus requiratur et diligentissime scriptura collecta ad nostram scientiam referatur, ceteris etiam usurpandae huius consuetudinis licentia tribuenda, dummodo sacrificiis domesticis abstineant, quae specialiter prohibita sunt. 1. Eam autem denuntiationem adque interpretationem, quae de tactu amphitheatri scripta est, de qua ad Heraclianum tribunum et magistrum officiorum scripseras, ad nos scias esse perlatam.

    Ce faisant, Constantin agit sans doute moins en tant que chrtien, c est--dire guid par sa nouvelle foi religieuse, mme si, titre personnel, son adhsion au christianisme doit expliquer son aversion pour ces rites , qu en tant qu homme d tat, renouant avec une vieille tradition de mfiance des empereurs romains vis--vis des devins privs , qui remonte au moins Tibre6. Mais son fils, Constance II, ira plus loin, tour tour en interdisant les sacrifices (en 341 : CTh, XVI, 10, 2 ; annexe 9), en fermant les temples paens (en 346 : CTh, XVI, 10, 4 ; annexe 10), et surtout en interdisant l haruspicine aussi bien publique que prive, tout en l assimilant l astrologie et la magie (en 357 :

    5 Les extraits cits des codes de lois sont rassembls en annexe, avec rfrences exactes et traduction. 6 Cf. Sutone, Tib., 63 : haruspices secreto ac sine testibus consuli uetuit.

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    L Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles 231

    CTh, IX, 16, 4, o les haruspices sont assimils aux mathematici, aux harioli, aux augures, aux uates, aux chaldei, aux magi et aux malefici) :

    Annexe 3. Nemo haruspicem consulat aut mathematicum, nemo hariolum. Augurum et uatum praua confessio conticescat. Chaldaei ac magi et ceteri, quos maleficos ob facinorum magnitudinem uulgus appellat, nec ad hanc partem aliquid moliantur. Sileat omnibus perpetuo diuinandi curiositas. Etenim supplicium capitis feret gladio ultore prostratus, quicumque iussis obsequium denegauerit.

    Pour la premire fois, les deux types d haruspicines sont prohibes ; mais c est aussi la premire fois que les prtres officiels que sont les haruspices et les augures sont mis, par le lgislateur, sur le mme plan que les diseurs de bonne aventure (harioli, chaldei, mathematici et malefici, qui sont, notons-le, pour la plupart, des termes extrmement pjoratifs7). Nous verrons que ce refus (ou cette incapacit) de distinguer entre les diffrents praticiens de l Etrusca disciplina et autres devins ou mages, sera une constante aux poques plus tardives.

    2e tape : la trve de Julien

    Cette politique connat un bref coup d arrt avec l avnement de Julien en 361, qui s entoure d haruspices, mais aussi et surtout de philosophes noplatoniciens qui ne sont pas ncessairement plus favorables aux pratiques divinatoires que les chrtiens , et qui est lui-mme un praticien (peu habile, il est vrai) de l haruspicine8. Malheureusement, la lgislation qu il a d promulguer sur cette question a t consciencieusement efface de la mmoire par Thodose II, lors de la compilation du Code, ce qui empche de bien saisir les aspects juridiques de sa politique de restauration des anciennes pratiques.

    3e tape : oppression et rpression

    La rpression reprend de plus belle aprs la mort de Julien, en particulier partir du rgne de Thodose Ier et de ses co-empereurs, et sera poursuivie par ses successeurs Arcadius et Honorius : les sacrifices et les pratiques divinatoires qui en dcoulent sont strictement interdits. C est ainsi qu est abroge la distinction opre par Constantin, puis renouvele en 371 par les empereurs Valentinien, Valens et Gratien, entre une haruspicine nocive et une haruspicine inoffensive (CTh, IX, 16, 9 ; annexe 5), qui proposait de fait un modus vivendi acceptable pour les haruspices. Dsormais, les textes de loi sont on ne peut plus clairs (CTh, XVI, 10, 9, imp. Valentinien II, Thodose et Arcadius) :

    7 Sur le sens donner maleficus dans les sources juridiques tardives, voir Rodrguez-Martn 2010.8 Ammien Marcellin, XXII, 1, 1 ; Prudence, Apoth., v. 460-468.

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    Annexe 11. Ne quis mortalium ita faciendi sacrificii sumat audaciam, ut inspectione iecoris extorumque praesagio vanae spem promissionis accipiat uel, quod est deterius, futura sub execrabili consultatione cognoscat. Acerbioris etenim inminebit supplicii cruciatus eis, qui contra uetitum praesentium uel futurarum rerum explorare temptauerint ueritatem.

    Quant au consultant, il est dsormais coupable de crimen maiestatis, et ce mme dans le cas o sa consultation ne porte pas sur la vie de l empereur (ce qui tait condamn depuis longtemps). On se reportera au fameux dit de 392 d Arcadius et Honorius, traditionnellement considr comme l dit de la fin du paganisme , tout au moins en Orient (CTh, XVI, 10, 12) :

    Annexe 12. [] Quod si quispiam immolare hostiam sacrificaturus audebit aut spirantia exta consulere, ad exemplum maiestatis reus licita cunctis accusatione delatus excipiat sententiam competentem, etiamsi nihil contra salutem principum aut de salute quaesierit. []

    Le premier ve sicle : l radication de l Etrusca disciplina ?

    Aprs ce trs rapide aperu, on pourrait se demander ce qu il peut bien rester ajouter, tant le destin des haruspices semble scell. En ralit, les constitutions impriales qui viennent d tre mentionnes ne signent pas encore l arrt de mort de l Etrusca disciplina. De fait, le parti paen, avec l arrive au pouvoir en 393 de l usurpateur Eugne et son prfet du prtoire Nicomaque Flavien, trs proche des haruspices, va tenter une riposte, qui tournera vite court avec la dfaite d Eugne qui pousse au suicide Nicomaque la rivire Froide en septembre 394. Mais les historiens on peut penser la fameuse mention par Sozomne et Zosime d un groupe d haruspices trusques ayant sauv Narni en excutant leurs rituels au grand jour, et se proposant de prter leurs services aux Romains menacs par Alaric9 , nous apprennent que les paens, probablement minoritaires au snat, dsormais10 n ont pas disparu, tant s en faut.

    9 Sozomne, IX, 6, 3-6 ; Zosime, V, 41, 1-2 : , , . [] [scil. le pape Innocent] . Trad. F. Paschoud (CUF) : Cependant qu ils en taient ces rflexions, le prfet de la ville Pompianus rencontra quelques hommes arrivs d trurie Rome, qui affirmaient avoir libr une ville nomme Narni des dangers qui la menaaient et chass les Barbares qui la pressaient grce aux prires adresses la divinit et aux crmonies religieuses clbres selon les rites ancestraux, aprs que se furent produits des coups de tonnerre et clairs extraordinaires. [] celui-ci [le pape Innocent] prfra le salut de la ville sa propre croyance et autorisa les trusques accomplir en secret les rites qu ils connaissaient. 10 Chastagnol 1966, p. 51 ; Briquel 1998, p. 180.

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    L Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles 233

    Les constitutions prises par les empereurs, de l poque d Arcadius et Honorius (extrme fin du ive sicle) celle de Valentinien III (milieu du ve sicle) visent l radication de l Etrusca disciplina en suivant deux grands principes.

    L interdiction des sacrifices

    D abord et avant tout est rgulirement raffirme l interdiction des sacrifices. Entre 395 et le rgne de Valentinien III, pas moins de six constitutions sur les treize que compte le titulus 10 du livre XVI du Code Thodosien, consacr prcisment aux questions paennes (De paganis, sacrificiis et templis), rappellent l interdiction de tout sacrifice : il s agit des constitutions CTh, XVI, 10, 13 [Arcadius et Honorius, 395 ; annexe 13] ; XVI, 10, 15 [Eid., 399 ; annexe 15] ; XVI, 10, 16 [Eid., 399 ; annexe 16] ; XVI, 10, 17 [Eid., 399 ; annexe 17] ; XVI, 10, 23 [Honorius et Thodose II, 423 ; annexe 18] et XVI, 10, 25 [Thodose II et Valentinien III, 435 ; annexe 19]. Si l interdiction ne touche pas les ftes publiques, ou du moins certaines d entre elles, la condition expresse qu elles ne s accompagnent d aucun sacrifice11, et si les empereurs de cette poque veillent prserver les temples paens12, tout au moins ceux situs dans les villes, la diffrence des temples et sanctuaires ruraux, qui sont eux vous la destruction13, les sacrifices sont abolis, et les contrevenants encourent la peine de mort (CTh, XVI, 10, 25 ; Thodose II et Valentinien III, 435) :

    Annexe 19. Omnibus sceleratae mentis paganae exsecrandis hostiarum immolationibus damnandisque sacrificiis ceterisque antiquiorum sanctionum auctoritate prohibitis interdicimus cunctaque eorum fana templa delubra, si qua etiam nunc restant integra, praecepto magistratuum destrui collocationeque uenerandae christianae religionis signi expiari praecipimus, scientibus uniuersis, si quem huic legi aput conpetentem iudicem idoneis probationibus inlusisse constiterit, eum morte esse multandum.

    Il faut bien mesurer l ampleur d une semblable mesure : une telle prohibition ne peut signifier que l arrt de mort de l extispicine ou tout au moins la mort de sa visibilit et de sa lgalit et donc, terme, son existence mme. Toutefois, comme l Etrusca disciplina ne se limite pas la seule lecture des entrailles d une victime sacrificielle, il est lgitime de se demander ce qu il pouvait en tre de ses autres procdures divinatoires.

    11 CTh, XVI, 10, 17 [Arcadius et Honorius, 399] (annexe 17).12 CTh, XVI, 10, 15 [Arcadius et Honorius, 399] (annexe 15).13 CTh, XVI, 10, 16 [Arcadius et Honorius, 399] (annexe 16).

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    234 Gilles van Heems

    Le statut des prtres paens et des devins

    Prcisment, outre leur activit lgislative en matire de sacrifices, les empereurs de la premire moiti du ve sicle lgifrent sur le statut des devins, au rang desquels les haruspices sont naturellement rangs, et plus gnralement des prtres paens. Cette question est principalement traite dans le titulus 16 du livre IX du Code Thodosien (De maleficis et mathematicis et ceteris similibus). On ne sera pas tonn de voir qu en la matire c est la loi de Constance de 357 dj cite14 qui punit de mort tant les haruspices que ceux qui les consultent qui sert de rfrence. Et de fait, on ne trouve plus, cette poque, aucune mention de l haruspicine, ni mme une allusion cette pratique divinatoire ce qui montre qu cette poque les haruspices n taient plus distingus, volontairement ou non, des autres praticiens de sciences divinatoires. L innovation de ces empereurs par rapport la priode prcdente n est donc pas l, mais plutt sur le sort qu ils rservent aux mathematici ( astrologues ). En effet, on note avec intrt qu en fvrier 409 est promulgue par Honorius une loi ayant pour cible cette catgorie de devins, et qui servira de base toute la lgislation du ve sicle (CTh, IX, 16, 12) :

    Annexe 6. Mathematicos, nisi parati sint codicibus erroris proprii sub oculis episcoporum incendio concrematis catholicae religionis cultui fidem tradere numquam ad errorem praeteritum redituri, non solum urbe Roma, sed etiam omnibus ciuitatibus pelli decernimus. Quod si hoc non fecerint et contra clementiae nostrae salubre constitutum in ciuitatibus fuerint deprehensi uel secreta erroris sui et professionis insinuauerint, deportationis poenam excipiant.

    On sera peut-tre tonn, au premier abord, par la contradiction qui semble exister entre cette loi et celle de Constance punissant de mort les devins et leurs clients (CTh, IX, 16, 4 ; annexe 3) d autant que ces deux lois sont maintenues, telles quelles, dans le Code Justinien. En ralit, il faut comprendre, comme y invite L. Desanti15, que cette loi d Honorius vise non pas les praticiens d une forme particulire de divination, mais la mathesis elle-mme, c est--dire l tude thorique de l astrologie. L autodaf expiatoire qu elle impose montre bien, en effet, que c est le savoir astrologique (ou, devrions-nous ajouter, divinatoire) lui-mme, plus que les prdictions effectives, qui sont la cible de cette loi. Valentinien III, quelques annes plus tard, en 425, renforce encore cette loi en dcrtant que les mathematici soient considrs et traits comme des hrtiques (CTh, XVI, 5, 62) :

    14 CTh, IX, 16, 4 (annexe 3).15 Desanti 1990, p. 157 sq.

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    L Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles 235

    Annexe 7. Manichaeos, haereticos, schismaticos, siue mathematicos omnemque sectam catholicis inimicam ab ipso aspectu urbis Romae exterminari praecipimus, ut nec praesentiae criminosorum contagione foedetur. Circa hos autem maxime exercenda commonitio est, qui prauis suasionibus a uenerabilis papae sese communione suspendunt, quorum schismate plebs etiam reliqua uitiatur. His conuentione praemissa uiginti dierum condonauimus indutias, intra quos nisi ad communionis redierint unitatem, expulsi usque ad centesimum lapidem solitudine quam eligunt macerentur.

    Or, on peut se demander si ce traitement rserv aux astrologues ne concerne pas plus gnralement les devins, et notamment ceux qui se rclament de l Etrusca disciplina. Nous avons vu que, mme si les haruspices ont pu bnficier d une certaine tolrance sous Constantin ou Valentinien Ier, qui fait un distinguo trs net entre haruspicine nocive et haruspicine inoffensive, la seule qu il autorise (CTh, IX, 16, 9 [371] ; annexe 5 : nec haruspicinam reprehendimus, sed nocenter exerceri uetamus), ils sont passibles, depuis les constitutions de Thodose Ier, du crime de lse-majest et se voient ter toute possibilit d exercer lgalement leur art par les dits interdisant les sacrifices. En revanche, l tude thorique de l Etrusca disciplina n est pas, en tant que telle, prohibe par ces lois. Il est partant probable qu il faille considrer que les constitutions prvoyant la crmation de leurs livres et la dportation des rcidivistes concernent l ensemble des sciences divinatoires, et notamment l Etrusca disciplina16.

    Or, de tels autodafs, attests ds le dbut de l Empire17 et mentionns dj chez le juriste Paul18, sont attests aux ive et ve sicles19 ; mme si l on n en a aucune certitude, il n est pas exclu que des livres ou manuels relevant de l Etrusca disciplina aient alors t brls en place publique, car il s agit sans doute l d une politique de rpression visant toutes sortes de savoirs et plus globalement lie une mfiance gnrale, trs rpandue au ive sicle, envers les intellectuels20. Et, dans un tout autre registre, mais de manire nanmoins comparable, Stilicon, si ce que laisse entendre Rutilius Namatianus (II, 52) est digne de foi21, semble avoir fait brler, entre 402 et 408, les Livres sibyllins ; il est peu probable que les libri fatales et les libri Vegoici, qui taient conservs avec eux dans le temple d Apollon sur le Palatin, 16 Desanti 1990, p. 166-167.17 Les plus anciennes mentions de ce type de bchers se trouvent chez Sutone, Aug., 31, 1, et Tacite, Ann., VI, 12 et Agricola, 2.18 P.S., V, 21, 4 (= FIRA, II, 407 : Non tantum diuinatione quis, sed ipsa scientia eiusque libris melius fecerit abstinerit).19 Ammien Marcellin, XXIX, 1, 41 ; XXIX, 2, 4 (371, Antioche). L pisode a lieu la suite d un procs pour divination. Sur la question, voir Cramer 1945 ; Speyer 1970. 20 Mac Mullen 1972.21 Ante Sibyllinae fata cremauit opis.

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    236 Gilles van Heems

    aient chapp ce mme destin22. En tous les cas, cette hypothse me semble confirme par la lgislation d poque justinienne : le Digeste (D, X, 2, 4, 1) prvoit en effet certes dans un contexte tout autre, puisqu il s agit de la procdure d hritage dite actio familiae erciscundae , en largissant une vieille prconisation d Ulpien, d interdire la possession (et donc la transmission) de livres de divination :

    Annexe 25. Mala medicamenta et uenena ueniunt quidem in iudicium, sed iudex omnino interponere se in his non debet : boni enim et innocentis uiri officio eum fungi oportet. Tantundem debebit facere et in libris improbatae lectionis, magicis forte uel his similibus. Haec enim omnia protinus corrumpenda sunt.

    Dans ce texte, l expression uel his similibus me semble inclure l ensemble des livres de divination, dont font partie les libri de l Etrusca disciplina.

    Les haruspices dans le Code Thodosien : la disparition juridique de l Etrusca disciplina ?

    Dans les sources juridiques postrieures au Code Thodosien, l Etrusca disciplina et plus gnralement la divination semblent presque totalement disparatre de la production lgislative : pour l Occident du vie sicle, on n en trouve pas la moindre mention dans les lois romano-barbares ou dans l dit de Thodoric (qui se borne interdire les sacrifices)23 ; quant au Brviaire d Alaric, ses prescriptions concernant les pratiques divinatoires se bornent rpter celles de la loi de Constance de 35724.

    Nous concentrerons notre attention sur le Code Justinien, qui, bien qu il n apporte aucune nouvelle loi celles dj rassembles dans le Code Thodosien, n est pas dnu d intrt pour comprendre l volution du statut des haruspices et autres devins aux ve-vie sicles, en particulier travers les choix qu il opre dans les multiples constitutions parfois contradictoires du recueil publi par la volont de Thodose. Ainsi, dans le Code Justinien, on peut considrer que l Etrusca disciplina se voit traite, au moins allusivement et la plupart du temps de manire implicite, par trois tituli.

    Le sort des devins

    Comme on pouvait s y attendre, au vu de l volution de la lgislation au ve sicle, le plus copieux de ces trois tituli est celui qui entend rgler le sort des devins ; le titulus 18

    22 Haack 2003, p. 216.23 Haack 2003, p. 219.24 Brev., IX, 3, 2. Sur l volution de ce crime, qui devient, au haut Moyen ge, un crime religieux, voir Dumzil 2005, en particulier p. 82-84 et p. 363-380.

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

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    du livre IX du Code Justinien, De maleficis et mathematicis et ceteris similibus, reprend les principales dispositions prsentes en CTh, IX, 16, savoir :

    1. L interdiction de l haruspicine :

    La base en est la loi de Constantin CTh, IX, 16, 1, qui se trouve gnralise, d abord dans la terminologie mme. En effet, l o le Code Thodosien parlait des seuls haruspices (nullus haruspex), le Code Justinien (C, IX, 18, 3 ; annexe 22) utilise une formule plus gnrale (nullus haruspex, nullus sacerdos, nullus eorum, qui huic ritui adsolent ministrare), emprunte une autre loi de Constantin qui n est pas conserve dans le Code Justinien25 ; mais cette gnralisation de la porte de la loi constantinienne est marque aussi par l abandon de la distinction entre les circonstances dans lesquelles la pratique de l haruspicine est permise ou encore par celui de la distinction qu avait opre Valentinien Ier entre haruspicine nocive et haruspicine inoffensive. Ces distinctions n ont plus raison d tre dans la mesure o depuis longtemps la pratique de l haruspicine est totalement interdite, et o cette science est indistinctement ravale au rang de pratique paenne.

    2. La rpression de toutes les formes de divination :

    La loi de Constance (CTh, IX, 16, 4 [annexe 3] = C, IX, 18, 5 [annexe 23]), qui punit les devins et leurs clients de la peine capitale, est conserve verbatim.

    3. La svre prohibition de l tude thorique de la divination :

    La constitution de 365 de Valentinien et Valens (C, IX, 18, 8), o il est prcis :Annexe 24. Culpa similis est tam prohibita discere quam docere,

    reprend en des termes globalement identiques la loi du Code Thodosien (= CTh, IX, 16, 8). Or, si cette dernire ne concernait que l astrologie, on notera que sa formulation en tait assez diffrente :

    Annexe 4. Cesset mathematicorum tractatus. Nam si qui publice aut priuatim in die noctuque deprehensus fuerit in cohibito errore uersari, capitali sententia feriatur uterque. Neque enim culpa dissimilis est prohibita discere quam docere.

    25 Il s agit de CTh, IX, 16, 2 (annexe 2), qui prcise haruspices et sacerdotes et eos qui huic ritui adsolent ministrare.

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    238 Gilles van Heems

    En tout tat de cause, le contexte dans lequel elle s insre dans le Code Justinien laisse entendre que cette interdiction touche l ensemble des sciences divinatoires26.

    La question des sacrifices

    De la mme faon, en C, I, 11, le Codex s intresse aux sacrifices (De paganis sacrificiis et templis) et, bien videmment, ne revient pas sur l interdiction totale qui pse sur eux (C, I, 11, 1, 1 ; annexe 21). L encore, les modifications entre les deux recueils se comprennent par le souci de cohrence et de simplification dont tmoigne le Code Justinien : ainsi, par exemple, disparat dans ce titulus la troisime loi de Constantin sur les haruspices (CTh, XVI, 10, 1 ; annexe 8), qui autorisait l interprtation des prodiges d intrt tatique, tout en raffirmant l interdiction des seuls sacrifices domestiques.

    La question des livres et du savoir thorique

    Enfin, la dernire mesure du Code Justinien pouvant ventuellement concerner l Etrusca disciplina se trouve en C, I, 4 (De episcopali audientia), qui confie l vque la supervision des bchers auxquels sont condamns les livres des mathematici et contraint ces derniers l abiuria (C, I, 4, 10 ; annexe 20). La prescription ne vise, comme dj dans la loi d Honorius et Thodose II de fvrier 409 (CTh, IX, 16, 12 ; annexe 6), que les mathematici, mais nous avons pu voir qu il est probable qu cette poque ce terme dsigne indistinctement tous les praticiens d arts divinatoires.

    On voit ainsi qu partir de la seconde moiti du ve sicle, l Etrusca disciplina ne fait plus l objet d innovations lgislatives : on en reste aux ve et vie sicles la rigueur extrme mise en place par les empereurs au cours des dernires dcennies du ive sicle et des premires dcennies du sicle suivant.

    Mais quelles conclusions historiques tirer de ces remarques ? Il nous semble que l examen de ces lois nous apprend que les lites occidentales du ve sicle se sentent nettement moins concernes par l haruspicine et l Etrusca disciplina qu au ive sicle. Mme si l exercice est difficile, les spcialistes sont d accord pour dire que le Snat romain tout au moins pour ses membres qui rsident Rome est dsormais majoritairement chrtien (le basculement s tant probablement fait vers la fin du ive sicle)27. Les grands hommes , qui habitent les villes, largement christianises, ne s entourent

    26 Desanti 1990, p. 185-186.27 Sur les snateurs rests paens au ve sicle : Chastagnol 1966, p. 51 ; sur les croyances des snateurs : Chastagnol 1992, p. 314 sq. ; Briquel 1998, p. 51.

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    plus d haruspices privs. Et dans ces mmes villes, c est sans doute moins l haruspice que l astrologue ou le mage qui a dsormais les faveurs du peuple. Cela ne veut toutefois pas pour autant dire que les haruspices ont disparu : ils ont tout simplement perdu en visibilit et notabilit. De fait, on sait que les campagnes (o les rites paens, et parmi eux les rites trusques de divination, ont su se maintenir pendant de nombreux sicles) reclaient encore aux vie sicle des haruspices on peut penser au prodige intervenu au vie sicle Rome et rapport par Procope, d aprs lequel un obscur haruspice venu d trurie prdit l avnement au pouvoir de l eunuque Narss en voyant un buf monter la statue d une vache leve sur le forum de la Paix28. N oublions pas que l immense majorit de l Empire reste encore, pour de nombreuses annes, majoritairement paenne. Mais bien entendu ces pratiques rsiduelles n apparaissent pas dans le droit.

    Conclusion

    Pour nos haruspices, tout tait donc jou, si l on peut dire, du point de vue lgal au ive sicle. Et la lgislation promulgue au ve sicle ne fait que radicaliser des lois mises en place par Constantin et ses continuateurs. On notera d ailleurs que la priode o la rpression juridique des haruspices (et plus gnralement des rites divinatoires) est la plus svre se met en place prcisment entre la seconde moiti du ive et la premire moiti du ve sicle.

    Dans ce contexte on ne s tonnera donc gure que le lgislateur se soit dsintress de l Etrusca disciplina, une fois assure la victoire du christianisme sur l lite impriale. Et c est aussi pour cette raison qu il s est tourn vers la question pineuse de l tude thorique des savoirs divinatoires (essentiellement alors l astrologie, en raison de son succs auprs du peuple). C est l le signe que l on est pass d une lgislation motive par des raisons politiques la pratique de la divination s apparente une menace politique pour le Prince : c est d ailleurs ce qui pousse Constantin, mais avant lui d autres empereurs, et dj Tibre, rguler ces pratiques une lgislation motivation religieuse : l tude thorique de l Etrusca disciplina ou d autres savoirs peut remettre en cause la suprmatie thologique du christianisme. C est ce qui explique que Valentinien III dcrte que les astrologues et les devins sont assimilables aux hrtiques. Il faut dire que trs tt l glise, par la voix de ses Pres, s tait montre hostile la fois envers les sacrifices et la divination29 ; l extispicine trusque, qui concentre elle seule ces deux maux, puisqu elle est un art divinatoire dpendant d un sacrifice sanglant, ne peut donc tre ainsi pour

    28 Procope, Guerre des Goths, VIII, 21, 16-17. Sur la question de la survie des haruspices en milieu rural et notamment sur le prodige rapport par Procope, voir Haack 2003, p. 218-220.29 Malgr ses ambiguts en la matire (Desanti 1990, p. 188 sq.).

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

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    elle qu une cible de choix30. Mais ce n est qu la fin du ive et au ve sicle c est--dire au moment o la rigueur de l tat envers la divination se fait la plus extrme que le poids de l glise influence vritablement la lgislation, jusqu faire de l vque un juge et un garant (cf. la loi d Honorius de 409, qui confie aux vques le rle de superviser les bchers auxquels sont condamns les livres des mathematici). C est seulement aprs le milieu du ve sicle, quand la pratique de l haruspicine n est plus que rsiduelle et que l glise n a plus craindre l antique sapience ne en terre trusque, que renatra alors un intrt purement intellectuel et antiquaire pour cette discipline, et cette fois dans les milieux chrtiens31 : preuve, s il le fallait, que dsormais elle ne reprsente plus aucune menace pour l ordre religieux du monde romain.

    Annexes : L Etrusca disciplina dans les sources juridiques

    Code Thodosien : principales dispositions concernant l Etrusca disciplina32

    1. CTh, IX, 16, 1 Constantin Maximus (praef. Vrb.)

    fv. 319

    Nullus haruspex limen alterius accedat nec ob alte-ram causam, sed huiusmodi hominum quamuis ue-tus amicitia repellatur, concremando illo haruspice, qui ad domum alienam accesserit et illo, qui eum suasionibus uel praemiis euocauerit, post ademptio-nem bonorum in insulam detrudendo : superstitioni enim suae seruire cupientes poterunt publice ritum proprium exercere. Accusatorem autem huius crimi-nis non delatorem esse, sed dignum magis praemio arbitramur.

    Qu aucun haruspice n approche le seuil d autrui, mme pour une autre raison, mais qu on repousse l amiti de ce genre d homme, si ancienne soit-elle. L haruspice qui aura approch la maison d autrui de-vra tre brl vif et celui qui l aura appel par des inci-tations ou des cadeaux devra tre dport dans une le aprs confiscation de ses biens. En effet, ceux qui d-sirent servir leur superstition pourront accomplir en public le rite qui leur est propre. Quant l accusateur de ce crime, Nous estimons qu il n est pas un dlateur, mais qu il mrite plutt une rcompense.

    30 On se bornera, sur ce point, renvoyer un passage trs rvlateur des Institutions divines de Lactance (II, 17) : Eorum inventa sunt astrologia et aruspicina et auguratio et ipsa quae dicuntur oracula et necromantia et ars magica et quiquid praeterea malorum exercent homines uel palam uel occulte.31 Briquel 1998, p. 191-200 ; Haack 2003, p. 220-221.32 Les traductions du Code Thodosien sont empruntes aux deux ouvrages collectifs des Sources chrtiennes ditant Les lois religieuses des empereurs romains de Constantin Thodose II (vol. I : Code Thodosien XVI, Paris, 2005 ; vol. II : Code Thodosien I-XV, Code Justinien, Constitutions Sirmondiennes, Paris, 2009). Nous avons traduit les rares lois du Code Justinien qui n apparaissent pas (ou n apparaissent pas telles quelles) dans le Code Thodosien.

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    L Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles 241

    2. CTh, IX, 16, 2 Constantin au peuple mai 219Haruspices et sacerdotes et eos qui huic ritui adsolent ministrare ad priuatam domum prohibemus accedere uel sub praetextu amicitiae limen alterius ingredi, poena contra eos proposita, si contempserint legem. Qui uero id uobis existimatis conducere, adite aras publicas adque delubra et consuetudinis uestrae ce-lebrate sollemnia : nec enim prohibemus praeteritae usurpationis officia libera luce tractari.

    Nous interdisons aux haruspices, aux prtres et ceux qui sont habituellement au service de ce rite d accder une maison prive ou de franchir le seuil d autrui sous prtexte d amiti ; une peine est prvue contre eux s ils mprisent cette loi. Si vous estimez devoir vous livrer ces pratiques, allez aux autels publics et dans les sanctuaires et clbrez-y les crmonies dont vous avez l habitude ; Nous n interdisons pas en effet que les obligations de ces pratiques rvolues soient remplies en plein jour.

    3. CTh, IX, 16, 4 Constance au peuple janv. 357Nemo haruspicem consulat aut mathematicum, nemo hariolum. Augurum et uatum praua confessio conticescat. Chaldaei ac magi et ceteri, quos maleficos ob facinorum magnitudinem uulgus appellat, nec ad hanc partem aliquid moliantur. Sileat omnibus per-petuo diuinandi curiositas. Etenim supplicium capitis feret gladio ultore prostratus, quicumque iussis obse-quium denegauerit.

    Que personne ne consulte un haruspice, un astro-logue ou un devin. Que cesse la profession dprave des augures et des prophtes. Que les Chaldens, les mages et ces autres que le commun des hommes appelle faiseurs de malfices en raison de l ampleur de leurs forfaits ne machinent rien en ce sens. Que se taise pour tous et tout jamais la curiosit de la divination. En effet, que soit soumis la peine capi-tale et frapp d un glaive vengeur celui qui aura refus d obir aux prescriptions.

    4. CTh, IX, 16, 8 Valentinien I, Valens et Gratien Modestus, PP.

    dc. 370

    Cesset mathematicorum tractatus. Nam si qui pu-blice aut priuatim in die noctuque deprehensus fuerit in cohibito errore uersari, capitali sententia feriatur uterque. Neque enim culpa dissimilis est prohibita discere quam docere.

    Que cesse la formation des astrologues. Car si quelqu un est dcouvert, en public ou en priv, de jour comme de nuit, s adonner cette erreur inter-dite, chacun des deux [scil. : le matre et le disciple] doit tre frapp d une peine capitale. En effet, la faute est la mme, qu il s agisse d tudier ou d enseigner ce qui est interdit.

    5. CTh, IX, 16, 9 Valentinien I, Valens et Gratien au Snat

    mai 371

    Haruspicinam ego nullum cum maleficiorum causis habere consortium iudico neque ipsam aut aliquam praeterea concessam a maioribus religionem genus esse arbitror criminis. Testes sunt leges a me in exor-dio imperii mei datae, quibus unicuique, quod ani-mo inbibisset, colendi libera facultas tributa est. Nec haruspicinam reprehendimus, sed nocenter exerceri uetamus.

    J estime pour ma part que l haruspicine n a pas de rapport avec les affaires de malfices et que ni elle ni aucune pratique religieuse autorise par Nos anctres ne sont de nature criminelle. En tmoignent les lois que j ai rendues au dbut de mon rgne, donnant chacun la libre facult de pratiquer le culte que sa conscience a adopt. Et Nous ne condamnons pas l haruspicine, mais Nous interdisons de l exercer pour nuire.

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    242 Gilles van Heems

    6. CTh, IX, 16, 12 Honorius et Thodose II Cae-cilianus, PP.

    fv. 409

    Mathematicos, nisi parati sint codicibus erroris pro-prii sub oculis episcoporum incendio concrematis ca-tholicae religionis cultui fidem tradere numquam ad errorem praeteritum redituri, non solum urbe Roma, sed etiam omnibus ciuitatibus pelli decernimus. Quod si hoc non fecerint et contra clementiae nostrae salu-bre constitutum in ciuitatibus fuerint deprehensi uel secreta erroris sui et professionis insinuauerint, depor-tationis poenam excipiant.

    Si les astrologues n taient pas disposs, une fois les livres de leurs erreurs rduits en cendres par le feu en prsence des vques, transporter leur foi au culte de la religion catholique et ne jamais retourner leurs anciennes erreurs, Nous ordonnons qu ils soient expulss non seulement de Rome mais de toutes les cits. Ceux qui ne l auraient pas fait et qui seraient arrts l intrieur des cits en contravention avec la salutaire dcision de Notre clmence, ou qui y au-raient introduit les secrets de leurs erreurs et de leur croyance, subiront la peine de la dportation.

    7. CTh, XVI, 5, 62 Thodose II et Valentinien III Faustus (praef. Vrb.)

    juil. 425

    Manichaeos, haereticos, schismaticos, siue mathema-ticos omnemque sectam catholicis inimicam ab ipso aspectu urbis Romae exterminari praecipimus, ut nec praesentiae criminosorum contagione foedetur. Circa hos autem maxime exercenda commonitio est, qui prauis suasionibus a uenerabilis papae sese com-munione suspendunt, quorum schismate plebs etiam reliqua uitiatur. His conuentione praemissa uiginti dierum condonauimus indutias, intra quos nisi ad communionis redierint unitatem, expulsi usque ad centesimum lapidem solitudine quam eligunt mace-rentur.

    Nous ordonnons que les manichens, les hrtiques, les schismatiques ainsi que les astrologues et toute secte ennemie des catholiques soient chasss loin de la vue mme de la ville de Rome pour qu elle ne soit pas souille par la contagion due la prsence de ces criminels. On devra leur adresser un nergique aver-tissement, eux qui se sparent de la communion du vnrable pape par d excrables conseils et qui vicient mme de leur schisme le reste de la plbe. Cet aver-tissement une fois donn, Nous leur accordons un dlai de vingt jours au bout duquel, s ils ne sont pas revenus l unit de la communion, expulss au-del du centime mille, ils se mortifieront dans la solitude de leur choix.

    8. CTh, XVI, 10, 1 Constantin Maximus, PP. dc. 320/ mars 321Si quid de palatio nostro aut ceteris operibus publicis degustatum fulgore esse constiterit, retento more ue-teris obseruantiae quid portendat, ab haruspicibus requiratur et diligentissime scriptura collecta ad nos-tram scientiam referatur, ceteris etiam usurpandae huius consuetudinis licentia tribuenda, dummodo sa-crificiis domesticis abstineant, quae specialiter prohi-bita sunt. 1. Eam autem denuntiationem adque interpretationem, quae de tactu amphitheatri scripta est, de qua ad Heraclianum tribunum et magistrum officiorum scripseras, ad nos scias esse perlatam.

    S il arrivait qu une partie de Notre palais ou de tout autre difice public soit frappe de la foudre, que les haruspices recherchent le sens du prodige en respec-tant les formes de l ancienne observance et qu un rapport rsum soit port en toute diligence Notre connaissance. Il est mme permis tous de se servir de cette coutume pourvu qu on s abstienne des sacri-fices domestiques qui sont tout particulirement in-terdits. 1. Sache que l on Nous a transmis le texte du rapport et de l interprtation sur la chute de la foudre sur l amphithtre, au sujet duquel tu avais crit au tribun et matre des offices Heraclianus.

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    L Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles 243

    9. CTh, XVI, 10, 2 Constance II Madalianus, vi-caire du PP.

    341

    Cesset superstitio, sacrificiorum aboleatur insania. Nam quicumque contra legem diui principis parentis nostri et hanc nostrae mansuetudinis iussionem ausus fuerit sacrificia celebrare, conpetens in eum uindicta et praesens sententia exeratur.

    Que cesse la superstition, que soit abolie la folie des sacrifices. Car quiconque osera clbrer des sacrifices contre la loi du divin Prince Notre pre et contre cette dcision de Notre mansutude, sera frapp du chtiment appropri et d une sentence immdiate.

    10. CTh, XVI, 10, 4 Constance II et Constant Taurus, PP.

    dc. 346 [corr. en 356 ou 357]

    Placuit omnibus locis adque urbibus uniuersis claudi protinus templa et accessu uetito omnibus licentiam delinquendi perditis abnegari. Volumus etiam cunc-tos sacrificiis abstinere. Quod si quis aliquid forte huiusmodi perpetrauerit, gladio ultore sternatur. Facultates etiam perempti fisco decernimus uindicari et similiter adfligi rectores prouinciarum, si facinora uindicare neglexerint.

    Il Nous a plu que les temples soient immdiatement ferms en tous lieux et en toutes villes et que leur en-tre soit interdite ; ainsi la possibilit de pcher sera refuse tous les hommes perdus. Nous voulons ga-lement que tous se tiennent l cart des sacrifices. S il arrivait que quelqu un perptre un crime de ce genre, qu il soit frapp d un glaive vengeur. Nous dcrtons aussi que les biens du supplici soient revendiqus par le fisc et que ce mme chtiment frappe les gou-verneurs des provinces qui auraient nglig de tirer vengeance de ces crimes.

    11. CTh, XVI, 10, 9 Valentinien II, Thodose et Ar-cadius Cyngius, PP.

    mai 385

    Ne quis mortalium ita faciendi sacrificii sumat au-daciam, ut inspectione iecoris extorumque praesagio uanae spem promissionis accipiat uel, quod est dete-rius, futura sub execrabili consultatione cognoscat. Acerbioris etenim inminebit supplicii cruciatus eis, qui contra uetitum praesentium uel futurarum rerum explorare temptauerint ueritatem.

    Qu aucun mortel ne s arroge audacieusement le droit de faire un sacrifice pour obtenir, par l inspection du foie et le prsage des viscres, l espoir d une vaine pro-messe ou, ce qui est pire, pour chercher connatre l avenir par cette excrable consultation. Car la tor-ture d un supplice particulirement cruel est sus-pendue au-dessus de ceux qui, malgr l interdiction, tenteraient d explorer la vrit des choses prsentes et futures.

    12. CTh, XVI, 10, 12 Arcadius et Honorius Rufin, PP.

    nov. 392

    []Quod si quispiam immolare hostiam sacrifi-caturus audebit aut spirantia exta consulere, ad exemplum maiestatis reus licita cunctis accusatione delatus excipiat sententiam competentem, etiamsi nihil contra salutem principum aut de salute quae-sierit.[]

    []Si quelqu un osait immoler une victime en sa-crifice ou consulter des viscres palpitants, consid-r comme coupable de lse-majest et pouvant tre librement dnonc par n importe qui, il endurera une condamnation approprie, et cela mme s il n a interrog les victimes ni contre le salut des Princes ni son sujet.[]

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    244 Gilles van Heems

    13. CTh, XVI, 10, 13 Arcadius et Honorius Rufin, PP. aot 395Statuimus nullum ad fanum uel quodlibet templum habere quempiam licentiam accedendi uel abomi-nanda sacrificia celebrandi quolibet loco uel tempore. Igitur uniuersi, qui a catholicae religionis dogmate deuiare contendunt, ea, quae nuper decreuimus, pro-perent custodire et quae olim constituta sunt uel de haereticis uel de paganis, non audeant praeterire, sci-turi, quidquid diui genitoris nostri legibus est in ipsos uel supplicii uel dispendii constitutum, nunc acrius exsequendum. Sciant autem moderatores prouincia-rum nostrarum et his apparitio obsecundans, pri-mates etiam ciuitatum, defensores nec non et curiales, procuratores possessionum nostrarum, in quibus sine timore dispendii coetus illicitos haereticos inire com-perimus, eo, quod fisco sociari non possunt, quippe ad eius dominium pertinentes, si quid aduersus scita nos-tra temptatum non fuerit uindicatum adque in uesti-gio ipso punitum, omnibus se detrimentis et suppliciis subiugandos, quae scitis sunt ueteribus constituta.[]

    Nous avons tabli que personne ne doit avoir la moindre libert d accs un sanctuaire ou un temple quel qu il soit ou de clbrer les sacrifices dignes d abo-mination en quelque lieu ou quelque moment que ce soit. Que tous ceux donc qui s efforcent de dvier du dogme de la religion catholique s empressent de respecter ce que Nous avons dcrt rcemment et qui a t tabli depuis longtemps, soit au sujet des h-rtiques, soit au sujet des paens. Qu ils n osent passer outre et qu ils sachent que tout ce qui a t tabli par les lois de Notre divin gniteur contre eux, en matire d amendes ou de supplices, doit tre excut actuelle-ment avec une ardeur encore plus grande. Que sachent les modrateurs de Nos provinces et les appariteurs qui les secondent, de mme que les premiers des cits et aussi les dfenseurs et les curiales, ainsi que les procura-teurs de Nos domaines dans lesquels Nous avons appris que des runions hrtiques illicites se tiennent sans crainte de dommage du fait que ces biens ne peuvent tre runis au fisc puisqu ils lui appartiennent, que si l on perptre quelque chose contre nos dcrets sans entraner aussitt chtiment et punition, ils doivent tre soumis toutes les amendes et tous les supplices tablis par les anciens dcrets.[]

    14. CTh, XVI, 10, 14 Arcadius et Honorius Caesarius, PP. dc. 396Privilegia si qua concessa sunt antiquo iure sacer-dotibus ministris praefectis h[o]rofantes agrorum [Mommsen : hierofantis sacrorum] siue quolibet alio nomine nuncupantur, penitus aboleantur nec gratu-lentur se privilegio esse munitos, quorum professio per legem cognoscitur esse damnata.

    Que les privilges qui auraient t concds par le droit ancien aux prtres, aux ministres, aux prfets, aux prtres qui dlimitent les champs [corr. : aux hirophantes des rites paens] ou de quelque autre nom qu on les appelle soient totalement abolis. Qu ils ne se rjouissent pas d tre protgs par un privilge, ceux dont on sait bien que la croyance est condamne par la loi.

    15. CTh, XVI, 10, 15 Arcadius et Honorius Macro-bius, vicaire des Espagnes, et Pro-clianus, vicaire des Cinq Provinces.

    janv. 399

    Sicut sacrificia prohibemus, ita uolumus publico-rum operum ornamenta seruari. Ac ne sibi aliqua auctoritate blandiantur, qui ea conantur euertere, si quod rescriptum, si qua lex forte praetenditur. Erutae huiusmodi chartae ex eorum manibus ad nostram scientiam referantur [].

    De mme que Nous interdisons les sacrifices, de mme Nous voulons que les ornements des difices publics soient sauvegards. Que ceux qui s efforcent de les renverser ne se prvalent d aucune autorit, s ils allguent quelque rescrit, voire quelque loi. Qu arrachs de leurs mains, les textes de ce genre soient soumis Notre connaissance [].

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    L Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles 245

    16. CTh, XVI, 10, 16 Arcadius et Honorius Euty-chianus, PP.

    juil. 399

    Si qua in agris templa sunt, sine turba ac tumultu diruantur. His enim deiectis atque sublatis omnis su-perstitioni materia consumetur.

    S il se trouve des temples dans les campagnes, qu ils soient dtruits sans attroupement ni dsordre. En les jetant bas et en les supprimant, on tera toute base la superstition.

    17. CTh, XVI, 10, 17 Arcadius et Honorius Apol-lodorus, procos. d Afrique

    aot 399

    Vt profanos ritus iam salubri lege submouimus, ita festos conuentus ciuium et communem omnium lae-titiam non patimur submoueri. Vnde absque ullo sacrificio atque ulla superstitione damnabili exhiberi populo uoluptates secundum ueterem consuetudinem, iniri etiam festa conuiuia, si quando exigunt publica uota, decernimus.

    De mme que Nous avons dj aboli, par une loi salutaire, les rites profanes, de mme Nous ne souf-frons pas que soient abolies les runions festives des citoyens et la liesse populaire. En consquence, Nous dcrtons que, sans sacrifice et aucune superstition condamnable, des rjouissances soient offertes au peuple selon la coutume ancienne et que se runissent aussi les banquets de fte lorsque l exigera la clbra-tion des vux publics.

    18. CTh, XVI, 10, 23 Honorius et Thodose II As-clpiodote, PP.

    juin 423

    Post alia : paganos qui supersunt, si aliquando in execrandis daemonum sacrificiis fuerint comprehensi, quamuis capitali poena subdi debuerint, bonorum proscriptio ac exilium cohercebit.

    Aprs d autres choses. Quoiqu ils dussent tre sou-mis la peine capitale, la confiscation de leurs biens et l exil puniront les paens qui subsistent si jamais ils taient surpris en train de faire des sacrifices ex-crables en l honneur des dmons.

    19. CTh, XVI, 10, 25 Thodose II et Valentinien III Isidorus, PP.

    nov. 435

    Omnibus sceleratae mentis paganae exsecrandis hostiarum immolationibus damnandisque sacrifi-ciis ceterisque antiquiorum sanctionum auctoritate prohibitis interdicimus cunctaque eorum fana templa delubra, si qua etiam nunc restant integra, praecepto magistratuum destrui collocationeque uenerandae christianae religionis signi expiari praecipimus, scien-tibus uniuersis, si quem huic legi aput conpetentem iudicem idoneis probationibus inlusisse constiterit, eum morte esse multandum.

    Nous interdisons toutes les immolations excrables de victimes faites dans un esprit de sclratesse paenne, ainsi que tous les sacrifices condamnables et tout ce qui a t prohib par l autorit des lois anciennes. Nous ordonnons qu en vertu d un dcret des magistrats tous leurs sanctuaires, leurs temples et leurs chapelles, s il en reste encore maintenant qui soient intacts, soient dtruits et purifis par l appo-sition du signe de la vnrable religion chrtienne. Que tous sachent que, s il tait tabli par des preuves idoines auprs du juge comptent que quelqu un se moquait de cette loi, il sera puni de mort.

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    246 Gilles van Heems

    Code Justinien : principales dispositions concernant l Etrusca disciplina

    20. C, I, 4, 10 = CTh, IX, 16, 12 Mathematicos, nisi parati sint codicibus erroris proprii sub oculis episcoporum incendio concre-matis catholicae religionis cultui fidem tradere numquam ad errorem praeteritum redituri, non solum urbe Roma, sed etiam omnibus ciuitatibus pelli decernimus. Quod si hoc non fecerint et contra clementiae nostrae salubre constitutum in ciuitatibus fuerint deprehensi uel secreta erroris sui et professionis insinuaue-rint, deportationis poenam excipiant.

    Si les astrologues n taient pas disposs, une fois les livres de leurs erreurs rduits en cendres par le feu en prsence des vques, transporter leur foi au culte de la religion catholique et ne jamais re-tourner leurs anciennes erreurs, Nous ordonnons qu ils soient expulss non seulement de Rome mais de toutes les cits. Ceux qui ne l auraient pas fait et qui seraient arrts l intrieur des cits en contravention avec la salutaire dcision de Notre clmence, ou qui y auraient introduit les secrets de leurs erreurs et de leur croyance, subiront la peine de la dportation.

    21. C, I, 11, 1, 1 = CTh, XVI, 10, 4 Volumus etiam cunctos sacrificiis abstinere. Nous voulons galement que tous se tiennent

    l cart des sacrifices.22. C, IX, 18, 3 = CTh, IX, 16, 1 (infl. par CTh, IX, 16, 2)

    Nullus haruspex, nullus sacerdos, nullus eo-rum, qui huic ritui adsolent ministrare, limen alterius accedat nec ob alteram causam, sed huiusmodi hominum amicitia quamuis uetus repellatur : concremando illo haruspice, qui ad domum alienam accesserit, et illo in insulam detrudendo post ademptionem bonorum, qui eum evocaverit suasionibus vel praemiis.

    Que nul haruspice, nul prtre ou nul parmi ceux qui sont habituellement au service de ce rite n approche le seuil d autrui, mme pour une autre raison, mais qu on repousse l amiti de ce genre d homme, si ancienne soit-elle. L haruspice qui aura approch la maison d autrui devra tre brl vif et celui qui l aura appel par des incitations ou des cadeaux de-vra tre dport dans une le aprs confiscation de ses biens.

    23. C, IX, 18, 5 = CTh, IX, 16, 4 Nemo haruspicem consulat aut mathematicum, nemo hariolum. Augurum et uatum praua confessio conticescat. Chaldaei ac magi et cete-ri, quos maleficos ob facinorum magnitudinem uulgus appellat, nec ad hanc partem aliquid moliantur. Sileat omnibus perpetuo diuinandi curiositas. Etenim supplicium capitis feret gla-dio ultore prostratus, quicumque iussis obse-quium denegauerit.

    Que personne ne consulte un haruspice, un astro-logue ou un devin. Que cesse la profession dprave des augures et des prophtes. Que les Chaldens, les mages et ces autres que le commun des hommes ap-pelle faiseurs de malfices en raison de l ampleur de leurs forfaits, ne machinent rien en ce sens. Que se taise pour tous et tout jamais la curiosit de la di-vination. En effet, que soit soumis la peine capitale et frapp d un glaive vengeur celui qui aura refus d obir aux prescriptions.

    24. C, IX, 18, 8 = CTh, IX, 16, 8 Culpa similis est tam prohibita discere quam docere.

    On est autant coupable d apprendre des savoirs in-terdits que de les enseigner.

  • La divination dans le monde trusco-italique, X

    L Etrusca disciplina dans les sources juridiques des ve et vie sicles 247

    25. D, X, 2, 4, 1 = Ulp., XIX ad ed. Mala medicamenta et uenena ueniunt quidem in iudicium, sed iudex omnino interponere se in his non debet : boni enim et innocentis uiri officio eum fungi oportet. Tantundem debebit facere et in libris improbatae lectionis, magicis forte uel his similibus. Haec enim omnia proti-nus corrumpenda sunt.

    Les potions nocives et les poisons font encourir un procs ; mais le juge ne doit pas intervenir, car il doit tenir le rle de l homme vertueux et innocent. Pareillement, il devra se comporter de la mme fa-on avec les livres interdits, comme les ouvrages de magie ou autres semblables : car ils doivent tous tre immdiatement dtruits.

  • L Etrusca disciplina au ve sicle apr. J.-C.

    248 Gilles van Heems

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