Ma maman était usagée… · moments de la vie, des malentendus à la fois tragiques et « sans...

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Cristina MONTESCU Ma maman était usagée Nouvelles Excerpt of the full publication

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Cristina Montescu

Ma maman était usagée

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Ma maman était usagée

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De la même auteure

Chez d’autres éditeurs

Larmes cadenassées, Paris, L’Harmattan, 2003Tristesse à chien mauve, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2009La margelle du soleil, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2010

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Cristina Montescu

Ma maman était usagéeNouvelles

Collection

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Montescu, Cristina, 1975- Ma maman était usagée / Cristina Montescu.

(Collection « Vertiges »)Nouvelles.ISBN 978-2-923274-78-2

I. Titre. II. Collection : Collection « Vertiges »

PS8626.O577M3 2011 C843’.6 C2011-902415-2

Les Éditions L’Interligne261, chemin de Montréal, bureau 310

Ottawa (Ontario) K1L 8C7Tél. : 613-748-0850 / Téléc. : 613-748-0852

Adresse courriel : [email protected]

Distribution : Diffusion Prologue inc.

Papier ISBN : 978-2-923274-78-2PDF ISBN : 978-2-89699-006-1ePub ISBN : 978-2-89699-007-8

© Cristina Montescu et Les Éditions L’InterligneDépôt légal : deuxième trimestre 2011

Bibliothèque nationale du CanadaTous droits réservés pour tous pays

Au souvenir de ma grand-mère Melania qui, à l’âge de 13 ans, annonçait à sa mère :

« Maman, si vous ne m’inscrivez pas au lycée, le soir, quand vous reviendrez des champs, vous me trouverez pendue au plus grand noyer du village. »

Au souvenir de cette femme extraordinaire, la première de ma famille à avoir eu un abonnement au théâtre, une bibliothèque à la maison et le désir d’écrire.

Enfant, quand je marchais dans la rue avec elle, je ne voyais que ses jambes, dont l’une marquée d’un grain de beauté, marcher devant moi. Ma grand-mère n’aimait pas rester derrière les autres, soient-ils de simples passants, et elle pressait toujours le pas.

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Ma maman était usagée · 9

Préface

De sa grand-mère, elle voit encore, après tant d’années, les jambes « marquées d’un grain de beauté » trotter devant elle. De sa mère, l’un se rappelle le corps battu par les injures et les coups, alors qu’une autre en ressasse la méchanceté amère. De son amant, elle revoit les gestes assoiffés, menaçants. De la petite, il rumine l’extraordinaire perfide. D’une conversation passée, elle caresse un mot timide. Du métro, elle ressent encore la chaleur terrible, puis elle entend le bruit des souliers lancés sur les marches, au milieu des larmes...

À travers une série de personnages qui très souvent se racontent au « je », Cristina Montescu enchaîne des petits moments de la vie, des malentendus à la fois tragiques et « sans importance », comme on enfilerait des petites perles fines. C’est un collier aux teintes mélancoliques et pourtant franches et cruelles, où parfois deux perles scintillent en se faisant des clins d’œil que l’auteure offre ici à la lectrice que je suis. Parfois, ce collier magique se transforme en chaîne aux maillons bien ciselés, parfois il se fait sautoir afin que je le porte fièrement et qu’il me fasse rire à gorge déployée. Une ou deux fois, le collier s’est métamorphosé en corde pour me pendre, tant le désespoir et l’existence morose m’ont étranglée. Et puis tout à coup, le collier s’est découvert liane et m’a vue devenir une invincible Tarzan.

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Dans cet univers impitoyable, où il s’agit de faire l’épreuve de la banalité des petites violences du quotidien et de la désillusion, les personnages sont souvent abandonnés à leur sort à la fin d’une nouvelle. Ainsi ils font comme les marionnettes, « trois petits tours » sur le devant de la scène et puis repartent sans crier gare. C’est que Cristina Montescu joue malicieusement avec sa lectrice ou son lecteur, comme le chat repu, bien gras, joue avec la souris. C’est au moment où nous acceptons d’être séduits par la douceur d’une situation, la tristesse d’une jeune femme, les gestes un peu glauques d’un inconnu que l’auteure, semblable à un petit fauve curieux, décide de rester elle-même sur sa faim et de ne pas nous dévorer tout cru. Montescu clôt abruptement, par une pirouette ou une gifle le récit et nous laissera émerveillés, amusés ou encore étourdis.

Que retirer de ses histoires ? Quelle morale y démasquer ? La nouvelle chez Montescu ne se fait jamais récit d’apprentissage. Elle refuse de se donner comme leçon de vie. Tout restera mystère. La nouvelle se promène sur les trottoirs, emporte quelques hommes, quelques femmes, quelques enfants, dans une valse tumultueuse. Après avoir exécuté quelques pas splendides ou volontairement maladroits avec les personnages, la nouvelle court à toutes jambes vers un nouveau passant, avec lequel elle dansera langoureusement un moment. Si les lecteurs craignent de ne pas bien suivre la musique, ils ont tort ! Ils apprendront vite à calquer leurs mouvements sur ceux de la grand-mère aux jambes trotteuses avec laquelle Montescu ouvre le bal. C’est son pas à elle, rapide, puissant qui ne cesse ici de battre la mesure de toutes ces « vies minuscules ».

Catherine Mavrikakis

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Certaines de ces nouvelles, en versions différentes, sont parues dans les revues littéraires Art le Sabord (nº 66, nº 83), Les Écrits (nº 125, nº 127) et Virages (nº 46, nº 48, nº 52). Je tiens à remercier les directeurs et l’équipe éditoriale de ces publications. Leur confiance dans mes nouvelles m’a aidée à améliorer les textes présentés et à avoir le courage d’en écrire bien d’autres.

Un grand merci à mes premiers lecteurs : Jack Keguenne et Michèle Matteau. Leurs généreux conseils m’ont fait avancer sur le chemin de l’écriture.

C.M.

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La première porte

Je reste devant la fenêtre. J’y attends une réponse. Quelque chose qui me fasse entrer dans le ventre d’une

journée que je ne sais pas comment commencer. Suis-je la seule à avoir égaré ses espoirs, ces minces fils qui nous tiennent accrochés à la beauté du monde ?

J’ai honte de mon histoire personnelle. Elle n’est pas assez belle pour être racontée, tenue dans des mains étrangères, caressée du regard.

Je me cache donc derrière des hommes et des femmes auxquels je donne mon désir de trouver des porteurs d’espoir, des épaules sur lesquelles monter pour continuer à marcher.

Je suis devant la fenêtre et j’attends que l’avenir vienne me chercher. Et, pendant cette attente corrosive, j’écris des histoires que j’ai presque vécues.

C.M.

Ma maman était usagée · 15

Ma maman était usagée

Moi, je m’appelle Karim, et ma maman n’habite plus avec moi. Un jour, maman n’est pas venue me

chercher à l’école et, depuis, je ne l’ai pas revue. Papa dit qu’on n’a rien perdu, que maman, qu’il appelle Myriam, était déjà usagée avant qu’elle devienne ma maman. Je ne comprends pas très bien le mot « usagé », mais papa m’a dit que c’est comme le frigo qu’une autre famille a utilisé avant qu’il l’achète. Papa avait l’air fâché, et je n’ai pas osé lui demander s’il avait acheté maman depuis long-temps. Je demanderai peut-être à grand-maman, quand elle viendra habiter avec nous. Grand-maman habite dans un pays lointain, ça s’appelle… ça s’appelle… Ba… Pra… ouf ! j’ai de nouveau oublié. Parfois, je parle avec grand-maman au téléphone, mais le téléphone fait chi, chi, ploc, ploc et papa dit que ça coûte cher de parler à l’étranger. Il me laisse juste le temps de saluer grand-maman et de lui dire que je me porte très bien.

Quand maman est partie, j’ai dit à grand-maman que j’étais triste et j’ai commencé à pleurer. Papa n’a pas du tout aimé. Il s’est mis à me crier dessus et m’a enfermé toute la soirée dans ma chambre. Le lendemain, papa m’a expliqué qu’un garçon ne doit jamais pleurer. Les larmes

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sont faites pour les femmes qui restent à la maison, n’ont presque rien à faire et occupent leur temps à pleurer. Il ne faut pas pleurer. Même pas quand tu es tout seul et que personne ne te voit. J’ai promis à papa de ne plus pleurer, mais je n’arrive pas à tenir ma promesse. Maman préparait toujours quelque chose de bon, me souriait tous les jours et ne se mettait jamais en colère contre moi. Et maman est très belle, comme les princesses que je vois à l’école dans les livres de Madame Bérénice.

Depuis que maman est partie, j’aime beaucoup regarder les livres de princesses. Ragavesh et Leno me montrent du doigt et éclatent de rire chaque fois que je vais chercher un livre. Ils disent que je suis une fille. Ils ne veulent plus jouer avec moi. Madame Bérénice les a mis en punition et leur a expliqué qu’il n’y a pas de livres pour les filles et de livres pour les garçons ; les livres sont pour tous les amis. Mais ça n’aide pas beaucoup. Ragavesh et Leno ne veulent plus jouer avec moi. Maintenant, mon meilleur ami est Loulou, l’éléphant bleu ciel. Je le prends dans mes bras, nous choisissons un livre de princesses et nous allons tous les deux sous une table pour le regarder. C’est Loulou qui pleure le premier. Je vous jure. Il commence à pleurer et ne s’arrête plus. Alors, l’envie me prend de le serrer très fort dans mes bras et de pleurer avec lui. Nous sommes tous les deux dans le noir, le visage collé contre le mur et personne au monde ne nous voit. Il nous arrive de faire dodo tous les deux et nous nous réveillons juste quand nous entendons Madame Bérénice frapper fort dans ses mains et chanter :

C’est le temps de ramasserramasser ramasser

c’est le temps de ramasserramasser ramasser

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Je prends Loulou par la main et nous sortons tous les deux pour aider les amis à ramasser et nettoyer la salle de classe. Ensuite, je dois laisser Loulou dormir dans le coin des jouets. J’ai noué autour de son cou un mouchoir blanc que maman m’avait donné. Ainsi il saura que je l’aime bien, et il va rêver de moi.

Madame Bérénice m’a appris qu’il y a des choses et des êtres. Les êtres vivent ; les choses ne vivent pas. Moi, je vis ; Loulou ne vit pas. Je vis parce que je peux bouger à volonté mes jambes, mes mains et ma tête. Loulou ne peut pas le faire, donc il ne vit pas. Madame Bérénice doit se tromper. Elle n’a jamais remarqué le regard du petit éléphant. Lui, il peut me voir, m’entendre et m’écouter. C’est à lui que je peux confier tous mes secrets. Juste à lui. Il y a quelques jours, j’ai voulu demander à Madame Bérénice où s’en vont les mamans usagées. Elle était trop occupée. Elle n’a pas pu m’écouter. Elle m’a caressé les cheveux et m’a dit qu’on allait parler plus tard, comme les grands. J’attends toujours qu’elle m’appelle pour me parler. Je sais que je dois être sage et patient. Les grands ont beaucoup de choses à faire, leur temps est précieux, et ils se donnent rarement le loisir de se parler. En attendant, je suis content d’avoir Loulou.

Il y a des choses dont il ne faut pas parler. C’est pareil pour les choses qu’on ne doit pas faire. Une fois, Madame Bérénice m’a demandé ce que j’aimais faire avec maman et papa. Je lui ai répondu que j’aimais aller me promener dans le parc, jouer avec papa et manger ce que maman apportait dans un grand panier. Madame m’a regardé, m’a souri et a dit qu’elle était contente d’apprendre que je m’amusais bien avec maman et papa. J’ai dit oui d’un signe de tête. Elle continuait à me sourire et j’ai ajouté que je n’aimais pas quand papa frappait maman. Madame

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a été tout étonnée et elle a voulu savoir si, à son tour, maman frappait papa. Parfois, Madame Bérénice est très drôle. Maman ne peut pas frapper papa, tout le monde le sait. Si elle le faisait, les policiers viendraient la cher-cher. Shalini, qui était assise à côté de moi, m’a poussé du coude et m’a chuchoté à l’oreille qu’il ne faut jamais parler des choses qui se passent entre maman et papa. Alors je me suis tu. Madame Bérénice non plus n’a pas insisté. Mais, à la fin de la journée, elle m’a pris dans ses bras, m’a offert une pomme et m’a dit que tout allait s’arranger à la maison. Ça m’a beaucoup étonné. J’ai croqué dans la pomme et j’ai assuré Madame que tout allait bien chez moi. Elle n’avait qu’à nous rendre visite et le constater par elle-même.

Quelques jours plus tard, une dame est venue chez nous, à la maison. Papa était au travail, et elle a parlé avec maman. Moi, on m’a envoyé jouer dans ma chambre. Quand la dame est partie, maman était très fâchée contre moi. Elle a commencé à pleurer. Je l’ai entendue parler toute seule et dire qu’elle aurait préféré que je sois muet.

C’est à cause de moi si maman est partie. J’ai dû dire de gros mots et la dame est venue lui en parler. Je suis le seul à savoir pourquoi maman est partie. Je n’ose même pas le dire à papa. Il se mettrait sûrement en colère. Il irait ensuite chercher sa ceinture de cuir pour m’appliquer une correction. Il serait tellement fâché qu’il pourrait me mettre à la porte. Je suis courageux. Je n’ai pas peur de rester seul dans la rue, mais j’ai peur des monstres qui apparaissent quand la nuit tombe. Je ne suis pas capable de rester tout seul dans le noir. Je dois donc me taire, garder le secret, comme les grands.

Maintenant, je reste plus longtemps à l’école. Quand les amis s’habillent pour partir à la maison, je dois aller

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m’asseoir à côté des enfants qui restent au service de garde. Nous attendons Madame Fatima qui nous conduit dans un autre local. C’est une salle où je peux dessiner et jouer en attendant que papa finisse son travail. Les autres amis sont tout contents d’être là. Ils ont leurs jeux préférés et savent toujours comment occuper leur temps. Moi, je n’ai pas envie de jouer, je ne sais pas quoi faire et je reste dans un coin à regarder par la fenêtre. Ce sont les nuages et le ciel qui m’intéressent le plus. Le ciel est plein d’animaux qui flottent doucement. Des moutons, des chiens, des chats, et même des éléphants comme Loulou. Ils s’en vont loin, très loin. Maman disait que les nuages ne s’arrêtent jamais. Ils sont attelés à un char doré qui transporte la reine de la nuit. Personne ne peut voir la reine, mais quand son char apparaît, le ciel devient rouge. Ensuite, il s’éclaire, luit quelque temps, change de couleurs et, dès que le char est passé, c’est la nuit. Chaque jour, devant la fenêtre du service de garde, j’attends la reine de la nuit. Quand le ciel devient rouge, je sais que le char est apparu et je fais un vœu. Toujours le même. Reine de la nuit, reine de la nuit, toi qui voyages partout dans le ciel, trouve ma maman et dis-lui de m’emmener avec elle.

Une fois que la nuit est tombée, je quitte la fenêtre, je me cache sous une table et je commence à dessiner des princesses. Mes princesses ont les cheveux et les yeux noirs, comme maman. Je ne montre à personne ce que je dessine. J’ai peur que les enfants se moquent de moi et qu’ils disent que je suis une fille. Ou pire encore, qu’ils disent que je suis gai. Si tu es gai, tu aimes donner des bisous aux garçons, et personne ne veut jouer avec toi.

Quand papa vient me chercher, je plie mon dessin, je le mets dans la poche de mon pantalon et je vais m’habiller.

Ce soir, papa me caresse les cheveux et me prend par la main. Il doit être de bonne humeur. C’est lui qui m’a

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appris que l’amour est une question de justice. Qui aime bien châtie bien. Les femmes et les enfants gâtés tournent toujours mal. Papa m’aime bien, mais le monde est pourri et il ne veut pas que je tourne mal.

Je marche en silence à côté de papa. J’aimerais le regarder, mais je n’ose pas le faire par peur de le fâcher et de le décider à retirer sa main de la mienne. Mais papa s’arrête, me regarde et il commence à parler. « Ta maman est revenue à la maison. Elle a dû partir chez sa tante Soraya pour comprendre qu’elle était chanceuse d’avoir un enfant et un mari qui prend soin d’elle. Où voulait-elle partir ? Peux-tu me le dire ? Qu’est-ce qui lui manquait ? Qu’est-ce que je ne lui ai pas donné ? Je travaille six jours sur sept, j’apporte tout l’argent à la maison, je ne bois pas, je ne vois jamais d’autres femmes. Vous pouvez manger à volonté. Vous avez de quoi vous habiller. Qu’est-ce qui vous manque ? Peux-tu me le dire ? Quand j’avais ton âge, moi, je travaillais déjà. Toi, tu ne travailles pas, tu vas à l’école. C’est ta mère qui a voulu qu’on t’envoie tout petit à l’école. Tu parles déjà le français mieux que moi. Tu auras une meilleure vie que la nôtre et tu nous aideras quand nous serons vieux. Alors, qu’est-ce qu’il y a encore ? Qu’est-ce qu’il y a de plus que cela ? »

Papa se retourne et nous continuons à marcher en silence. Je voudrais courir embrasser maman, mais c’est mieux de ne pas le faire. Papa n’a pas l’air bien. C’est trop risqué.

Maman nous attend devant la porte. Elle me prend dans ses bras et me porte dans ma chambre. Elle me regarde attentivement pour voir si j’ai grandi pendant qu’elle était partie. Puis, elle se met à pleurer et s’assoit à côté de moi sur le lit.

Maman enlève son alliance, la regarde longuement et la laisse tomber dans ma paume. « Regarde cet anneau

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Ottawa (Ontario) K1L 8C7Tél. : 613-748-0850 / Téléc. : 613-748-0852

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Directrice de collection : Michèle Matteau

Œuvre de la page couverture : Caroline ArchambaultLa mariée dansante, octobre 2010

Graphisme : Estelle de la Chevrotière BovaCorrection des épreuves : Danielle Chassé

Distribution : Diffusion Prologue inc.

Les Éditions L’Interligne bénéficient de l’appui financier du Conseil des Arts du Canada, de la Ville d’Ottawa, du Conseil des arts de l’Ontario et de la Fondation Trillium de l’Ontario. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

Les Éditions L’Interligne sont membres du Regroupement des éditeurs canadiens-français (RECF).

Ce livre est publié aux Éditions L’Interligne à Ottawa (Ontario), Canada. Il est composé en caractères Minion Pro, corps douze, et a été achevé d’imprimer sur du papier Enviro 100 % recyclé par les presses de Marquis imprimeur (Québec), 2011.

Ma maman était usagée, Cristina Montescu

Cristina Montescu est originaire de Roumanie où elle commence des études de langue et de littérature françaises qu’elle poursuit au Maroc. Mais l’appel des Amériques a été le plus fort, et la voilà installée à Montréal depuis 2004. Présentement, elle enseigne le français et bon nombre de ses nouvelles ont été publiées au Canada. Plusieurs écrivains chevronnés ont accueilli chaleureusement ses trois livres de poésie « Larmes cadenassées » paru en 2003, « Tristesse à chien mauve » en 2009 et « La margelle du soleil » en 2010.

ertiges

si on parlait de ce recueil de nouvelles comme d’une personne, sans contredit elle serait une femme, portant sur ses épaules une tribu d’exilés du rêve qui s’enfuient avec une sphère dans les mains. Peut-être une boule de cristal que leurs paumes caressent et cachent comme le feraient des paupières pour les protéger des frissons et du feu de leur destin. Mais ces égarés n’échapperont pas aux mots de Cristina Montescu, elle les fera s’engouffrer tous nus dans des labyrinthes de plaisirs malsains. Il y aura bien des rencontres, des inclinaisons épidermiques, une quête de « je t’aime » que l’on consomme boulimiquement même s’ils sonnent faux, et l’espoir que procure le droit de choisir entre tous les livres comme l’on joue à cache-cache avec soi-même et son éternité.

Ces hommes et ces femmes sont à bout de souffle bien que leur innocence soit bénie, mais il y a des rôdeurs autour d’eux qui les condamnent au mal-être ; ils voudraient bien désobéir, mais il y a le châtiment du vide, de la solitude qui consume toute l’enfance qui espérait encore, tapie dans un placard. Un geste pourtant demeure en leitmotiv : « jeter ». Jeter l’alliance dans la cuvette, jeter ses souliers à talons hauts dans l’escalier du musée, jeter le chat par la fenêtre, se jeter sous le métro. Moins abandon que prémices à une fêlure, une cassure dans le moi des personnages principaux, l’émotion à fleur de peau tourne mal ; on est toute colère dehors, toute rage que rien ni personne ne pourra apaiser. Ma maman était usagée est un cri de chair et de sang, un appel au secours qui ne peut laisser le lecteur indifférent. Au contraire, ce livre le met face à un clic qui déclenche toutes les folies… les perverses surtout, en attendant avec espoir, les plus douces.

Œuvre de la couverture :Caroline Archambault

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