Création d une start-up technologique (software)

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Date de publication : 10 janvier 2018 Mots-clés innovation | ERP | management opérationnel Keywords innovation | Enterprise Resource Planning | operational management Pour toute question : Service Relation clientèle Techniques de l’Ingénieur Immeuble Pleyad 1 39, boulevard Ornano 93288 Saint-Denis Cedex Par mail : [email protected] Par téléphone : 00 33 (0)1 53 35 20 20 Réf. : REX24 V1 Création d’une start-up technologique (software) Cet article est issu de : Innovation | Management et ingénierie de l'innovation par Luc ÉMILE BRUNET Résumé Créer une start-up est devenu un avenir souhaitable pour beaucoup de jeunes entrant sur le marché du travail. Dans ce retour d’expérience, le cas d’une création mise en œuvre par un entrepreneur ayant déjà fait la démarche au XXe siècle, au début de l’économie numérique, sera analysé. Abstract Founding a start-up is now an advisable future for many young professionals. In this article, the business case of an entrepreneur having formerly founded a venture company at the end of the XXth century, at the internet beginnings, will be analyzed. Document téléchargé le : 19/09/2020 Pour le compte : 7200034804 - universite de bretagne occidentale // 195.83.247.32 © Techniques de l'Ingénieur | tous droits réservés

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Date de publication :10 janvier 2018

Mots-clésinnovation | ERP |management opérationnel

Keywordsinnovation | EnterpriseResource Planning |operational management

Pour toute question :Service Relation clientèleTechniques de l’IngénieurImmeuble Pleyad 139, boulevard Ornano93288 Saint-Denis Cedex

Par mail :[email protected] téléphone :00 33 (0)1 53 35 20 20

Réf. : REX24 V1

Création d’une start-uptechnologique (software)

Cet article est issu de : Innovation | Management et ingénierie de l'innovation

par Luc ÉMILE BRUNET

Résumé Créer une start-up est devenu un avenir souhaitable pour beaucoup de jeunes

entrant sur le marché du travail. Dans ce retour d’expérience, le cas d’une création mise

en œuvre par un entrepreneur ayant déjà fait la démarche au XXe siècle, au début de

l’économie numérique, sera analysé.

Abstract Founding a start-up is now an advisable future for many young professionals. In

this article, the business case of an entrepreneur having formerly founded a venture

company at the end of the XXth century, at the internet beginnings, will be analyzed.

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RETOUR D’EXPÉRIENCE

Création d’une start-up technologique (software)

par Luc ÉMILE BRUNETPrésident de R&D MédiationChercheur associé au Laboratoire LPC de l’Université Clermont-Auvergne, Clermont-Ferrand, France

a création de start-up attire. Une étude de 2015 montre que seulement 9 % des jeunes estiment que l’entreprise les intègre bien et 40 %

d’entre eux envisagent de créer leur entreprise. Les succès des GAFA (Google – Apple – Facebook – Amazon), et la théorisation du concept de licorne, start-up à forte croissance capitalisée à plus d’un milliard d’euros et ne représentant pourtant que 0,1 % des sociétés dans lesquels les fonds de capital-risque investissent), font que beaucoup se tournent vers les acti-vités mettant en œuvre le Web, attirés par l’apparente faiblesse des investissements à engager et la promesse de levée de fonds massive. Dans ce retour d’expérience, nous vous proposons d’analyser le cas d’un serial entrepreneur ayant créé une start-up au tout début du Web, dans les années 1990, puis, après l’avoir rendue prospère puis revendue, en a créé une autre, dans le contexte des années 2015. Ce « business case » est intéressant, dans la mesure où il met en évidence l’évolution de tout un domaine économique, aujourd’hui devenu majeur, dont on oublie souvent qu’il n’a que 25 ans.

Points clés

Domaine : systèmes d’informationEntreprises concernées : Enjoy Your BusinessTechnologies-méthodes impliquées : systèmes d’information d’entreprisesSecteurs : IT

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RETOUR D’EXPÉRIENCE

1. Contexte – enjeu – problématique – objectifs du projet

Toute attractive qu’elle soit [1] et bien que les licornes [2] soient rares, la création d’entreprises innovantes nouvelles et à forte croissance demeure une aventure. Emmanuel Derrien a fondé Qualnet en 1998. Cette entreprise s’est spécialisée dans les systèmes d’information d’entreprises et plus particu-lièrement dans la gestion documentaire [3]. Aujourd’hui large-ment entrée dans les mœurs, voire normalisée (ISO 2709), la gestion électronique des documents était alors à ses débuts. Lorsqu’il crée Enjoy Your Business en 2014, Qualnet a 450 000 utilisateurs. Pourtant, Emmanuel Derrien considère cette création comme une aventure, car tout a changé, du contexte économique et social aux technologies.

■ Objectif du projet

Qualnet a été créé en 1998, dans le contexte de la bulle internet pendant laquelle de nombreuses entreprises ont été créées. Il convient de rappeler que le Web lui-même (l’idée du lien hypertexte) date de 1991 seulement [4] et le premier navigateur, MOSAIC, de 1993 [5]. Il était alors possible de gagner de l’argent dans un environnement stratégique « océan bleu » [6] : peu de compétiteurs, peu d’alternatives pour les clients, fortes marges. Certaines start-up de cette époque ont pu croître avec des produits de qualité que nous jugerions aujourd’hui moyenne, puisque tous devaient inven-ter les normes en même temps que les produits. Jusqu’en 2002, les banques capitalisaient assez facilement et sans réfléchir les projets des entreprises informatiques, sans forcé-ment avoir à faire appel à des investisseurs exigeants quant à la technologie et aux perspectives de retour sur investisse-ments tels que les capital-risqueurs.

En 2014, Emmanuel Derrien crée Enjoy Your Business et, de son propre aveu, les efforts à fournir pour se capitaliser sont sans commune mesure avec ceux d’avant la bulle internet. Enjoy Your Business développe une solution de messagerie intégrée collaborative d’entreprise, destinée à limiter la sur-charge de travail induite par les emails, marché qui devrait atteindre 1,9 milliard de dollars en 2019 [7]. Même si la part des chatbots, ces systèmes plus ou moins intelligents de dia-logue avec le client, dans ce marché devrait être massive, il s’agit d’une tendance de fond de l’économie numérique actuelle.

■ Contexte social et économique

La création de Enjoy Your Business a fortement bénéficié de l’aura engendrée par le succès de Qualnet, notamment pour ce qui relève de la levée de capitaux, de prêts bancaires ou de soutiens publics. Le marché de Enjoy Your Business est essen-tiellement B2B (Business to Business), c’est-à-dire qu’il consiste à vendre des solutions à des personnes morales (entreprises, collectivités…) et non B2C (Business to Consu-mer) destiné aux particuliers. Le B2B est jugé plus complexe que le B2C pour lequel il est plus simple et plus rapide de pro-poser une solution, avec souvent une barrière pour entrer sur le marché [8] moins contraignante. Si l’on compare le lance-ment de produits informatiques à l’époque précédant la bulle internet et aujourd’hui, le comportement des premiers clients a fortement changé. S’ils acceptaient autrefois d’acquérir un produit non encore développé, encore au stade de concept, il n’en va pas de même aujourd’hui où les solutions doivent être développées et testées pour motiver l’intention d’achat. Il est probable que les débuts de l’informatique ont engendré une appétence et une curiosité qui n’existe que très moindrement aujourd’hui. L’attrait de la nouveauté semble avoir quelque

peu disparu chez les acheteurs et l’énergie nécessaire à la création d’un « will to pay » (propension à payer) [9] est beaucoup plus importante en 2016. Le comportement d’achat de la plupart des opérateurs les pousse, de par leurs proces-sus internes et la structuration, à privilégier les solutions éprouvées (c’est-à-dire acceptées par les pairs) plutôt que des solutions innovantes même plus performantes. Ce comporte-ment est à rapprocher du développement de l’aversion au risque dans la société occidentale, qui est une tendance de fond structurelle [10]. En effet, dans le cas d’une solution innovante, il n’existe que peu de pairs équipés de celle-ci. Il n’est donc pas possible d’obtenir une évaluation d’un risque (produit d’une fréquence de défaillance et d’une évaluation de la gravité de celle-ci), dans la mesure où le retour d’expé-rience est inexistant. Par conséquent, le risque n’étant pas calculable il n’est pas assurable. Le décideur aura donc ten-dance à rejeter l’incertitude de la nouvelle technologie pour une technologie moins performante, mais dont le risque est calculable. Bien qu’inefficace économiquement – puisque c’est la gestion intelligente de l’incertitude qui engendre le profit [11] – ce comportement d’achat est largement majoritaire, et peut-être spécialement dans le contexte français.

Il semble également exister un décalage majeur entre les start-up, dont le business model adaptatif change chaque année et parfois de manière notable, et les industries ou entreprises traditionnelles, très structurées par leur processus. Cette dissonance entre un univers de changements rapides, parfois inclus dans le référentiel métier pour les start-up du numérique ayant adopté des méthodes de développement réactif (AGILE, SCRUM…), et un univers d’évolution contrôlée, pose parfois des problèmes de compréhension et d’adaptation. Dans cette interaction commerciale entre celui qui a choisi le pilotage (la start-up) et celui qui a choisi le guidage (le grand compte), la tendance semble, moins qu’auparavant, au par-tage des risques et des incertitudes dans l’objectif d’une per-formance accrue, mais plutôt à une relation client-fournisseur presque identique dans le cas d’une innovation dans le cas d’un produit sur étagère.

2. Mise en œuvre du projet – actions menées

2.1 Aspects techniques

Le produit de Enjoy Your Business (EYB ci-après) par lui-même est une intégration de technologie préexistante et l’innovation se situe au niveau de l’expérience utilisateur (UX pour user experience) [12]. La technologie doit être aussi dis-crète que possible, limitant les interactions avec l’utilisateur au minimum. De nombreuses interfaces de service utilisent désormais cette approche, avec des écrans proposant très peu de moyens d’action de la part de l’utilisateur, parfois seule-ment un bouton et un champ texte. Or, la réalisation de ce type d’interaction spartiate requiert beaucoup d’effort techno-logique pour détecter, anticiper, corriger les actions de l’utili-sateur. Elle nécessite également en amont une bonne analyse des processus cognitifs des utilisateurs.

Le produit est un système d’information d’entreprise ou un système de messagerie d’entreprise.

La réalisation des interfaces utilisateurs a globalement suivi quatre phases :

1/ absence d’interface : l’humain code directement en lan-gage machine ; la machine ne comprend pas le langage humain : ex. Z80, 6502 ;

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2/ operating system : la machine comprend l’alphabet et interprète un nombre limité de mots (commandes), en mode texte : ex. MS-DOS, Unix ;

3/ interface graphique : la machine comprend les gestes sur la base de la désignation (click) ou de la commande graphique (menus) : ex. Windows, Gtk… ;

La quatrième phase, qui sous-tend les axes de recherche et développement de Enjoy Your Business, est le remplacement de l’interface homme-machine par une expérience utilisateur, la machine devant dès lors comprendre toutes les entrées humaines, formulées (gestes, mouvements, paroles, etc.) ou informulées (anticipation des souhaits, reconnaissance du contexte). Une telle interface (voir Fig. 1) doit être :

– intelligente : qui comprend, au-delà des actions, les désirs de l’utilisateur ;

– réactive : fonctionnant à la vitesse de l’utilisateur ;– inspirante : libérant l’utilisateur de tout ce qui n’est pas son

action métier et masquant les fonctionnements en background.

L’émergence des systèmes d’information d’entreprise (SIE) conduit à ce que chaque salarié, sous-traitant ou client puisse publier une information non structurée (lien URL, RSS…) qui va être transmise, le plus souvent en temps réel, à une popu-lation ciblée assortie d’une injonction (consulter, regarder, agir, conseiller…). Le rendement de cette procédure est faible, car l’information est probablement reçue superficiellement, puis fait l’objet d’un report (liste de tâches, notes, cahier de laboratoire…) avec plus ou moins de catégorisation et de prio-risation. Son non-traitement, conscient ou inconscient, est générateur de frustration, de culpabilisation et d’autres biais cognitifs (biais de confirmation, mimesis…) conduisant à une baisse significative de l’efficacité individuelle et collective, ainsi qu’une hausse du stress.

L’objet du projet est double. D’une part, être capable d’établir des scénarios de transit information-action dans les SIE prenant en compte l’état de l’art des neurosciences, d’autre part d’être capable de les optimiser pour réduire le stress et/ou en amélio-rer l’efficience. Le groupe s’intéresse en premier lieu aux sys-tèmes d’information d’entreprise et notamment à l’expérience utilisateur dans un contexte professionnel, mais pense que le projet pourrait également apporter une contribution à l’éduca-tion, notamment dans le cadre des MOOC, et à la défense, sécu-rité civile ou toute situation dans laquelle un individu ou une équipe réduite est amenée à devoir recevoir des informations non structurées, à prendre une décision, et à agir dans une chro-nologie très rapide, voire présentant de multiples rétroactions.

La bibliographie fait apparaître de premiers travaux à ce sujet, dans le domaine de la défense notamment. À titre d’exemple, le système limbique y apparaît comme crucial dans la prise de déci-sion et le comportement de l’utilisateur, quand le cortex orbi-tofrontal intervient dans la gestion de l’ambiguïté. Le projet adresse des aspects mesurables et pouvant faire l’objet d’expéri-mentation, mais aussi des concepts plus relatifs, tels que la confiance, la culpabilité, le libre arbitre, la gestion de l’incertitude et la créativité-curiosité. Les travaux menés au cours de ces trente dernières années ont conduit à une progression rapide des interfaces, mais l’adoption généralisée du modèle WIMP (Win-dows, Icons, Menus, Pointer) y a marqué un point d’arrêt depuis le milieu des années 1990 (Figure 2).

Seule, l’apparition des tablettes et moindrement des widgets a significativement modifié le paradigme scientifique. La modélisation des expériences utilisateurs passe par la conver-gence des modèles de représentation des connaissances et des aspects plus biologiques des sciences cognitives.

■ Modélisation des workflows

Dans les années 1990, de nombreux logiciels de gestion des processus furent produits, mais les études théoriques furent relativement rares. On distingue pourtant :

– des modèles issus des réseaux de Petri, c’est-à-dire sur une approche d’ordonnancement des tâches ;

– des modèles issus de la théorie des actes du langage (Speech Act Theory).

La première approche a produit le formalisme ICN (Informa-tion Control Net) qui représente un ensemble de procédures reliées par des actions valides, la seconde le formalisme ACTION fondé sur des groupes ayant des capacités de dialo-gues et de prise de décision. Ce dernier propose une approche client-fournisseur absente de l’ICN.

La méthode OSSAD (Office Support System Analysis and Design) permet quant à elle l’identification des points durs à traiter par le système.

Les processus eux-mêmes peuvent être classés en trois catégories :

– fondés sur les activités, paradigme dominant actuellement et représentent un ensemble d’activités dédié à un objectif ;

– fondés sur le produit, qui représentent un ensemble d’activités transformant le produit jusqu’à l’obtention du pro-duit final ;

– fondés sur la prise de décision, qui représente un ensemble de décision conduisant à la réalisation du produit.

La norme FD X 50-176 classe les processus en réalisation, support-soutien et management-direction. Une meilleure clas-sification serait :

– production (résultats répétitifs et totalement prévisibles) ;– administratifs (également répétitifs et prédictibles) ;– collaboratifs (résultats itératifs) ;– ad hoc (sans structure prédéfinie).Figure 1 – Caractéristiques du produit cible

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Accessible

Désirable

Crédibleet fiable

Générantde la valeur

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1962

• Interface mécanique• Utilisateur adapté à la machine

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• Souris

1978

• Window mode texte• Ligne de commande

1983

• GUI (Lisa)• Icônes• Longue durée de vie de ce modèle

2011

• Widget

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RETOUR D’EXPÉRIENCE

L’étude Indulska montre une divergence de priorité perçue en fonction des différentes populations. Ainsi, les vendeurs mettent la priorité sur l’amélioration des processus, quand les chercheurs ne la placent qu’en troisième position, derrière l’exécution dirigée par les modèles et la compréhension.

Cette différence est notable avec la population de cher-cheurs, mais également entre vendeurs et praticiens.

La flexibilité des modèles de processus semble être un enjeu notable des futurs développements, soit par adaptabi-lité a posteriori du processus durant son exécution, soit par sélection a priori par des modèles intrinsèquement flexibles. Des travaux nombreux engagent à explorer la voie de work-flows flexibles. Pour cela, deux voies sont possibles : d’une part la modélisation des processus par les buts qui se foca-lise sur le « comment », et d’autre part la modélisation déclarative des processus qui semble mieux connectés aux processus cognitifs, le processus étant alors considéré comme un chemin dans l’espace des états-produits. Cette dernière approche permet également d’envisager de pouvoir prendre en compte la créativité dans le processus d’élabora-tion d’un produit.

Le développement d’interface permettant une UX optimale relève aussi des approches d’innovation frugale [13], même s’il s’agit en fait d’une frugalité d’information.

2.2 Aspects financiers

Pour une start-up en croissance, la recherche de fonds est cruciale puisque les salaires se versent régulièrement et que les revenus sont irréguliers. La notoriété engendrée par l’expérience précédente de Qualnet a permis de rassurer une partie des investisseurs. Là aussi, la comparaison avec la situation des années 2000 est frappante. Alors qu’il était alors possible, avec peu de ressources financières, d’aborder un marché et de trouver des clients et des investisseurs ayant l’esprit d’aventure, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Alors que les exemples de licornes (start-up valorisées à plus d’un mil-liard de dollars) [2] sont donnés en parangon de développe-ment, force est de constater que l’investissement dans l’innovation n’est pas naturel en France, à tel point que le pro-verbe « on ne prête qu’aux riches » pourrait être un slogan pour la plupart des banques et des investisseurs publics.

La création de Enjoy Your Business a nécessité un investis-sement personnel massif de son créateur, ce qui a contribué, avec sa notoriété, à rassurer les investisseurs. Cela est évi-demment peu motivant pour les créateurs jeunes, ou en étant à leur première création. En France, selon les chiffres INSEE 2014, la moitié des entrepreneurs démarre avec moins de 8 000 euros de financement (en ne prenant pas en compte les autoentrepreneurs). Les entrepreneurs créent de cinq à sept entreprises, peut-être pour acquérir cette fameuse noto-

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RETOUR D’EXPÉRIENCE

riété nécessaire à l’obtention de la confiance des structures de l’économie traditionnelle.

2.3 Aspects organisationnelsLe contexte start-up implique une grande capacité à gérer

intelligemment l’incertitude. C’est cette gestion de l’incerti-tude, au sens de Knight [11], qui engendre les profits du futur. Au-delà d’une organisation très horizontale, s’appuyant dès le début sur deux compétences fortes en technique et en design, c’est bien l’embauche de personnalités sans aversion pour le changement qui permet le démarrage de l’entreprise. Le président cite Google comme un exemple de capacité à changer. L’innovation est un regard nouveau que l’on porte à quelque chose ce qui semble plus naturel pour l’économie anglo-saxonne que pour l’économie latine. Il estime que le temps pour convaincre un nouveau client, mais aussi un sala-rié, est un tiers plus long que pour un produit établi et consi-dère mortifère l’incapacité, voire le retard, à changer de business model en fonction des événements. Pour embaucher, l’entreprise s’est basée sur des tests. Sur 25 personnes ayant postulé, la moitié d’entre elles a directement refusé de faire ces tests. La mesure de travail par le temps de travail semble inadaptée à des activités intellectuelles. La start-up a crû de 2 à 15 personnes en quelques années et les fonctions « frais généraux » ont été pourvues après les fonctions techniques directement liées au produit. EYB a préféré l’embauche de salariés à la sous-traitance, a priori dans un souci de garder le savoir-faire en interne (ce qui n’est assuré, comme dans le cas de la sous-traitance, que dans la limite des clauses contractuelles et dans la capacité juridique à les faire respec-ter). Il s’agit donc plus d’un choix de dirigeant qu’un choix étayé par un business model. Le président d’EYB évoque éga-lement une expérience dans le management hiérarchique d’une organisation salariée plus importante qu’en mode fonc-tionnel d’un projet impliquant des sous-traitants.

2.4 Aspects juridiquesLa société a été créée sous la forme SAS, permettant au

dirigeant d’avoir un salaire et un statut assimilé salarié. Cette forme permet également une intégration plus efficace d’actionnaires nouveaux.

2.5 Aspects de communicationLe président de EYB souligne une sensation de manque de

curiosité généralisée en France pour les nouvelles technolo-gies. Les start-up doivent mettre les utilisateurs en confiance alors qu’elles ne sont pas encore connues. La communication revient donc plus à prouver que l’on est bon, par exemple par des réponses rapides en maintenance et en évolution, qu’à engager des actions de publicité classique. Les utilisateurs acceptent curieusement que leurs logiciels classiques (traite-ment de texte, système d’exploitation…) aient des bugs, alors que les bugs d’un nouveau produit de start-up semblent immédiatement soulignés et rejetés. Ceci implique la nécessité d’avoir des salariés de très haut niveau, d’autant qu’aucun client B2B n’accepte de payer pour développer ou maintenir les compétences. En B2B, les clients veulent plus d’adaptation à leur spécificité, bien que parfois il y ait moins d’écart qu’ils ne le croient par rapport au produit générique. Cette suréva-luation des spécificités induit des surcoûts importants et, comme dans d’autres business, la demande de justification de spécification est aussi un instrument de communication. Par rapport à la situation d’il y a quinze ans, où il était possible

d’être moins performant sur quelques aspects, il est aujourd’hui nécessaire d’être bons dans tous les domaines (vente, technique, support…). Les réseaux sociaux ont donné un résultat mitigé quant à la communication de l’entreprise. En B2B, le bouche-à-oreille et l’approche directe demeurent plus efficaces.

3. Bilan et perspectives

3.1 Points positifs

L’expérience du chef d’entreprise a permis de bien préserver sa vie privée. Il a pu gérer les priorités. Le créateur de start-up est souvent quelqu’un qui prend du plaisir à débuter les projets, mais ce plaisir décroît avec le temps et l’apparition de tâches plus chroniques. Pour EYB, les opportunités export rapidement arrivées laissent envisager des projets intéres-sants. L’existence de nouveaux projets à l’intérieur du projet principal est jugée cruciale et le chef d’entreprise a actuelle-ment trois autres projets de start-up en cours (en France, un créateur d’entreprise en crée en moyenne entre cinq et sept dans sa vie).

3.2 Points négatifs

Le manque de curiosité des prospects demeure le principal point négatif pour le créateur de start-up. Un certain conser-vatisme, qui fait que les acheteurs ne s’engagent que lorsque l’entreprise a plus de quatre ou cinq ans d’existence, provoque une traversée du désert entre les early adopters (clients pré-coces, mais volatiles) et les clients classiques.

En période de création, le temps du chef d’entreprise est majoritairement absorbé par le temps passé avec les déve-loppeurs, le commercial et le suivi des clients existants. Il convient donc d’oublier d’être bénéficiaire les premières années. En France, les capital-risqueurs apparaissent comme des « petits bras » par rapport à leurs homologues anglo-saxons. Ils ne sont à la fois pas assez ambitieux et surtout pas assez nombreux. Les capitaux français se dirigent trop majoritairement dans des investissements conservateurs tels que l’immobilier.

3.3 Axes d’amélioration

EYB arrive dans une phase plus stable en termes de person-nel et de marché. Cela permet au fondateur de se projeter pour peu qu’il accepte de déléguer, ce qui est le cas de celui d’EYB. Engagé dans l’action, il éprouve aussi le besoin de se découvrir en tant que personne, d’un point de vue de son accomplissement personnel. Cette dimension est souvent ren-contrée chez les entrepreneurs, puisque leur propre personna-lité, leurs valeurs, leur éthique, leur philosophie sont finalement les matières premières de l’entrepreneuriat. Leur reconstitution après une phase d’intense création est donc vitale, et elle passe aussi par une contribution à une dyna-mique sociétale matérialisée par un engagement dans diverses organisations.

Fiche entrepriseNom de l’entreprise : Enjoy Your BusinessSecteur d’activité : ITNombre de collaborateurs : 4-15Siège social : BourgesSite : http://enjoyyourbusiness.fr

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Président de R&D Médiation

Chercheur associé au Laboratoire LPC de l’Université Clermont-Auvergne, Clermont-Ferrand, France

Sources bibliographiques

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À lire également dans nos bases

de SAINT PALAIS (A.). – Propriété intellectuelle, [AG2620] (2006).

CHRISMENT (C.), LE MAITRE (J.) et SÈDES (F.). – Bases de données documentaires [H7248] (2000).

DUPOIRIER (G.). – Tendances industrielles en ges-tion électronique des documents [H7600] (2004).

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