Contes Licencieux de Constantinople

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. CONTES 'LICENCIETIX

DE CONSTANTINOPLE

ET DE L'ASIE MINEURE

. ToME I "r'DEs

coNTRrBUTroNs au FoLKLoRE Énorrque

Page 3: Contes Licencieux de Constantinople

TONTRIBUTIONS ÂU FOTKLORE ]ÉNOTIQUE

Pour p ar aît r e pro ch ai neme nt :

Tome IL - Contes licencieux de Ia Êas-cogne, recueillis par ArvroNrN pennosc.

Tome III. - Contes licencieur dela Corse,racontés par GreN-DuMENrcu Dr Cen_GIÂCCA.

Tome IV. _. Contes licencieux de I'Alsace,racontés par le MacNIEx nr Roucruoisr.

Tome V.- qontes licencieux de la Nor_mandie, racontés par le MecrsrER DBNeuvrr,Lu.

Tome VI et suivants. - Contee licencieuxdo divers pays, recueillis aur traditionsorales par nos Cot L.e,sonaTEURs.

Nous acceptons auec plaisir pour cette col-lection, tous les contes, chansons, etc., re cuê illisoralement que l,on youdra bien nous enyoyerécr.its.ou

.traduits en francais (avec texte oigi,nalr.s'il s'agit dc ptoësies, chansons, prouerb"es,etc,)

çJ

CoTiTRTBUTIONS AU FOLKLORE ÉnOrtQUrcoNTES, CHI'NSONS, USÀGES, ÈTC.

IECT'EILL]S AUX SOURCEE ORALE6

TOME I*

CONTES LICET'ICIEUXDE CONSTANTINOPLE

ET DE L'ASIE MINEURE

RECUEILLMPAl.

JEAN NICOLAIDÈSPtoFEsExut .l,u r.rcÉn DE crrros

KLEINBRONN

-æT AIR=I DEPOSIEIATRT

NûIA. U|È{RIT G'TÉR{U [T INTXNNÀTIONTI,Dl- DE !^volr, 5, nrnte (vr.)

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Cet ouvrage a été tiré à:

zoo exemplaires surpapier vergé à .3o de Hol-

lande à+o- exempiaires sur papier du

Japon à.

PAR

J.tcos MARTINImprinour

à KLEINBRONN

- 19o6 -;

20 fr.

30 fr.

50 fr.

IYIRTISSEIIENT DES ÉITTNUNS

f,y tqahze oa ùngt enl, Ltn groupe d,e sa_af,rznpis et étrangers donna sous le titre* Igcl-âc, atæ cerie de einq uolumes con_

-â a tolklare érotique. Cette publication

t e qtun gtand nombre de thèrnes qui,4i pbsoe maîns lreureasement, ont pricbt grsdîs lcttres de naturalisation dansb tfliraturc (théôtre, Jabliaur, nouuelles.&-)- æ rctrowabni identiques d.ans les réciti--ft"ra- Quelqaes éruilits ont aoulu trouuerb.dgitres dans dcs récits importés par les

ry mquements de peuples qui accompa_tÊret lzs Croisades, par eæempLe, ou d.ansG jabias écriles, colportées par les mar-ùdJ d, lcs nauigaleurs, ou encore dans

ÇGtril j6rt bien en notre siècle d,e uulgartsa_b 1w limprimerîe, mais qui paratt inac-*L pt le moXen ôge.

tt lon æaîdère qactn tittérature érotiquepret æ wnntc, eât anç dcs basec de la

_ furoan liiléraire, phënomène qui s'eæpli-

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avrs DEs Éprtruns

mlthologie, de I'histoire d,es reliqions et desphiLos, 'phies, et ctu fott . Iore, en

"méme temps

qu'une des dssises de Ia tit!érature cte tous iespeaples, nous pensons qu'it est nécessaire d,ecomplëter les collections eæistantes et de recueil_lir pendant qtt'il en est temps encore, ce qui,de.main, sera sabmergé par I'instraction'gë_nërale.

Naus auons I'espoir que les chercheurstlittërateurs et Jolkloristes, uoudront bien nousaid.er llans notre td.che en nous comtnanioaantIeurs obseruations, ert norts siJnqlani les oiurages anciens ou modernes qui d,onnent cl,es le_çons ou uariantes des récits publiés, en nousenuoy ant, les r ectteils rnanus cr i ts qa' eu:r_ménte sauront ptt en.faire et que nous publierons dnnsla collection, s'ils offrent rte I'intérêt.

Peut-être l'histoire d,es arigines de ta litté-ro.ture et de nombreuses questiotts d.e folklore,d'ethnographie, de linguistique et d,inthropo-Iogle lrouueront-elles clans nolre publicationles étëmenls , le solut ions ,,qtncinent cherchëes

jusqu'ici.

LES ÉDITEURS

Kleinbronn, noyombre IgOb.

NOTICE SUR L'ÀUTEUR

Jean Nicolaïdes naquit à Intlgé-Sou, I'an-cienne Césarée, en Asie-Mineure, le 2ll9fecembre {8/16. Son père, Nicolas Zoéoglou,mourut peu après à Constantinople. Sanère, Hadji-Photény, née Papaantonoglu-Eustache, se vit forcée de travailler à desou\Tages de couture pour élever ses deutfflr. Jean et Yikentios.

J. ficolaïdes suivit à Indgé-Sou les leçonsd'un ercellent professeur, Basile Philippidis,qui avait attiré toute la jeunesse studieusede; environs. Le ûls de Nicolas Zoéoglou fut,en 186l, chargé d'enseigner la grammairedanr In même école. Il suivit son professeurphiliFpidis lorsqu'il fut désigné comme di-iÉ':t?ul des écoles cle la ville.

Jean \icolaides quitta Césarée en {863 poureller continuer ses études à Constantinople.li[sreilleusement doué, il étudia les dialectesgrÈ!s, le turc, l'arabe, le persan, le russe,.!'italien et le français. Entre temps, il donnait

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NOTICE SUR L'AUTEUR

des leçons dans des familles grecques de Né-ochorie, de Qandilly et des Iles des princes.

En {871, apprenant que Basile philippidisétait à Triested'Àutriche, il le rejoignit pouraller ensuite dans l'île de Chios.

< On était au mois de décembre. dit-il;je fus charmé de trouver le printemps ouj'attendais les rigueurs de I'hiver. Les arbresétaient verts; les orangers et les citronniersdisparaissaient sous I'or des fruits mtrrs. Labeauté de l'ile m'entraîna, et je passai quel-ques années dans ce site charmant. l

Les principales familles de Ohios lui con-ûèrent leurs enlants pour l'étude du fran-çais. De nombreux élèves de l,École deMédecine, de l'École des Mines et de la Sor-bonne luidurent depouvoir venir conquérirleurs grades universitaires à paris.

En lBB0, Nicolaides vint en France ou il netarda pas à se lier d'amitié avec l(. [Ienry. Car-noy, qui, depuis quelques années, s'occupaitde recueillir le folklore de la picardie.tr{. Carnoy, comme M. paul Sébillot et Gas-ton Paris, engagèrent Jean Nicolaides à réu-nir les riches traditions de la Turquie et del'Àsie Mineurs. Rappelé à Chiospar la décon-Sture d'un banquier augual il avait remis sq

NorrcE sun r.'eutpun

petite fortune, Jean Nicolaides fut nomméinspecteur des tabacs, puis inspecteur de laCompagnie française des phares des côtes defArchipel. Courant les iles, parcourant lesvillages, interrogeant les pêcheurs, les pâtreset les paysans, il rassembla une immensecollection de notes relatives aur contes, auxlégendes, aux usages et aux coutumes dupays'

Puis, pour compléter son travail, il s,en-fonça parmi les peuplades de l'Asie Mineureetacheva les Traditions populaires de yAsietlineure qui lui avaient demandé quatreannées de recherches (un vol. in-B elzévir(Paris, lBB9; Maisonneuve, éditeur; en col-l,aboration avec M. Henry Carnoy, professeurau lycée Montaigne).

Le folklore de Constantinople et de sesenvirons le tentait. N'ayant d'autre ambitionque celle d'être utile à la science, il aban-donna ses fonctions offlcielles et partit pourStamboul.

L'année suivante il écrivait :n Il n'y apas à Constantinople de popula-

tion compacte. Les Turcs de la TurquiedTurope, de l'Àsie Mineure et du littorallerantfn sontmêlés de tellesorte que I'onne

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NOTICE SUR L'AUTEI'R

saurait distinguer si une tradition est alba-naise, bosniaque, bulgare, serbe, géorgienne,circassienne, tatare, arabe ou turque. Onpourrait en dire autant pour les traditionsgrecques, arméniennes et tziganes.

< Le iravail est long et difûcultueux.c Si je vivais dans un village, un volume

ne me demanderait pas plus d'un an. Ici,il faut rester douze mois dans une province,faire le tour du pays, passer et repasser parchaque village, posséder toutes les tranguesde Babel pour réussir à recueillir les tradi-tions populaires. Les voies de communica-tion. ne rappellent, en rien celles du beaupays de France. Je ne parle pas des voleurs,des bandits et des brigands. Vous avez luleRoi des Xlontagnes! Si vous connaissez unyoyrgeur qui alt eu le malhcur de parcourirla Turquie, i l vous donnera de pius longsdétails. Et cependant un Français est unper-sonnagc chaudement recommandd par sonambassadeur au Ministère de l'intérleur.tandis que Jean Nicolaïdes n'est qu'un misé-rable raya - chien de chrétien!...

a Et maintenant voici à quoi j'en suis ré-duit pour surmcnter les di{Iicultés que jerencontre à Constantinople,

NOTICE SUN L'AI'TEUR

< Pour recueillir les traditions turques,jeisuis entré dans une famille ottomaneou je donne des leçons de français. LesTurcs ne connaissent point leshonoraires duprofesseur et ie ne r€çois pas le moindreliard.

< Comme je ne puis entrer en relations

ayec le$ femmes turques, je donne encoredes leçons de français dans une famille grec-que qul habite à côté du quartier ottom&nt

sous cette conclition que la mère de mesélèves fréquente les maisons turques et menote les coutumes du harem'

< Entre temps, je vais chez un iournalisteùménien qui m'occupe à des traductions dejournaux français et je I'interroge sur le

folklore de sa nation.< Je ne parle pas du danger que I'on

court à visiter les mosquées, les couvents,

les cimetières ottomans. Les Turcs sont si

intolérants et si fanatiques I Et je laisse de

côté le chapitre déPense Ia Jefréquente les tavernes où se réunissent

les voleurs, les escarpes et les gueur de la

capitale des Osmanlis, aûn d'entendre unjoliconte, desurprendre une coutume ou de

noter un roman. rle rentre chez moi couvert

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NOTICE SUR L'ATJTEUR

de poux. Et ceur qui me voient disent :< Cet homme est fou I ))

Une partie des documents réunis par JeanNicolardes à Constantinople, puis à Rodosto,aparu dans la Tradition, Revue internatio-nale de folklore, années {BBB à t899, et dansles volumes suivants : Les Liures de Diuination(un vol. in-{B; T. II de la Qollection interna-tionale d.e Ia Tradition; Paris, {BBB); - ?ra-d.itions popalaires d,e Qonstantinople ( in-8;Paris, lB9{); - Folklore de eonstantinople(in-{B; Tomes XII-XIII cle lae,ollection intdr-nationaledeltj Trddition; Paris, l8g3). M. Car-noy possède encore un manuscrit : Le liuredes Sorts de Id Sphère, qui paraitra prochai-nement dans la Tradition.

Àu mois d'août lBg3, Jean Nicolaïdes, euiétait depuis quelques années professeurâuLycée de Chios, et qui avait réuni une gran-de quantité de notes sur le folklore de l,Ile,moulut subitement. Les circonstances mvs-térieuses de sa mort amenèrent la saisie deses papiers qui eussent été si précieux nourles traditionnistes. Il futimpossible à son col-laborateur, malgré de hautes recommanda_tions à Constantinople, de se faire délivrerles manuscrits saisis. Quant à sa famille, elle

NOTICE SUR L'AUTEUR

ne put jamais savoir ou était passée la pe-tite fortune que Nicolaides avait amassée aucourg des dernières années de sa lie.

C. pu W.

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tES CONTES ÉNOTTQUNS

DE L'ANCIEt'truE enËce

ua'- tittératuro populaire de I'ancienneGrèee est peu connue' Ce qui en est resténe nous est généralement parvenu que sousla forme classique des mythes, des ré-cits mythoLogiques, des aventures épisodigues des héros d'Homère, des histoireslabuleuses rapportées par Héroclote et quel'ques autres àuteurs. La forme orale pri-ri.tive s'est perdue sous les cIéveloppementset les travestissements des écrivains et ilesmvtholoAues.'Et ceJendant les Grecs étaient naturel-lement ôonteurs. Pas plus que les autrespeuples, certainement, ils n'avaient eu be-ioin d.tmprunter à leurs voisins la matièredes récitJ faits à la veillée, en lamillgpour charmer les longues heures du soir.Leur amoor pour les histoires merveil-leus€s €st attesté par d.e nornbreux pas'sages rles écrivains anciels' Comme au-

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DE L'ÀNCIENNE CRÈCE XVIILEs coNTEs Énorrguas

jourd'hui et eomme par.tout, Ies mèreset Ies nourrices amusaient les enlants oardes_contes (1). les oisifs répétaient dànsles boutigues des barbiers des récits scan-daleux, érotiques ou facétieux (2), les pa_rasites pavaient leur écot à ta iâtte âesriches par des histoires variées dont quel_que,s-unes nous ont été conservées (B). I_esGrecs connaissaient même les co"t.uis pu_blics. Aristophane (plutus, v. l7Z) pa?fed'un certain Philepsius dont Ie métier étaitde Dârcourir les rues ei de débiter aux pas_sants des contes facétreux.

Ces contes, comme nos contes modernes.ftai-ent des plus variés. Il y avait O'abordla Conte moral dans Ie genre de l,Apologue

ésopique et de la Sable lgbi4û,e. Puis venaitle Conte Satirique désigné le plus souventso'us le nom de labla Bybarôtique. A I'ori-$ne il est permis d'aflirmer que læ fablessybaritiques qu'on appela quelquefois /.po-pktegmes sybari,tiques (1) étaient moins unrécit gue Ia relation d'un bon mot (2).Ce genre a joui plus tard d'une grandevogue daas la littérature de I'Orient. C'estce earactère qu'offrent plusi€urs de ces pe-tits contes mis par Aristophane dans la bou-ehe de Philocléon. Plus tard, ces récits seconfondirent ayec les Eables tuil,ési,ennes.C'est du moins ce que I'on peut coniectu-rer de certains passages d'Ovide, de Lucienet de Martial (3).

l. Y. Scholies d'Aristophanô, Païæ, 814; Sù^das, Hésychius.

2. Elien (Hi.st.aar., XIY, 20) cirs uno de cosfables sybaritiques : c Un enfant, conduit par sonpédagogue dans los rues de Sybaris, dérobe unofigue et se dispose à Ia rnanger. Le maitrs I'arrê-to, lui fait une verto remortrancs sur Ia sour-mandiso, lui areache Ia figue des mails er l'avâle. I-Ces fables dégénérèront ot surpassèroni on obe-cériL6 les Milétiennes. Otido cite la S g b arit i que,ouvrago composé do soo temps, sans doute àI'instar des anciennos fabiss de-Sybarie, commoun des produitr los plus monstrueux do I'olpritd.o ilébauche.

3. Voy. eharsang, Ë{iat, d,u rawan greÊ d,ans

LV.

d.'êcrire I'héa-

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xvrrr LEs coNTEs Énorreuss

l-es Contes milés,iens eurent la plus gran.de vogue chez les Anciens aussi bien lors-qu'ils ne furent transmis qu'oralement,que lomqu'ils eur€nt passé dans la litté'rature.

L'élégnte et molle Ionie fut tout natu-rellement le foyer de ces fables érotiquee.Les contes se développèrent dans le mi-lieu favorable que leur offrait le peuplele plus heureusement doué de toute laGrèce, le peuple où s'étaient développésde meilleure heure la poésig la philo-qophie, la musique, I'architecturg toutesles élégances et tous les raffinements dela civilisation. < Je n'ai trouvé dans mesvoyages qu'une ville libre, disait un Sybari-

t'd,ntiquité; Coray, Préf, de sonôdition cl'Hélio'dore. - Ovido cito, à côié des Milésiennesd'Aristide do Milot, we Sybaritique composderécemment, et qui ayait le même caractàrs delubricité (Tristes, Il ' 4W). C'est sans doute à deecontes du môme genro que Lucien (A un igno'rant, - Le ltenteur\ et Martial (Epigramm.,XII, 96) font allusion quand ils parlont de I'obs-cénité des Liores sgbari'tiques. Pewt-ètre aussi,dit M. Chassang, les Sybaritiques d^o Clitonymeétaiont-ils un recueil do contee do ce genre, plu-tôt qu'uno histoiro do Sybaris. Du moine trou-vons-nous dans Plutarqua (Parollela minora,in C. MûIlor, Eist. gr.lr. IV, p. 336) un récit

Qxtririt de celivro qui estun vrai Conte milësien'

DE L'ÀNCIENNE GRÈCE

te, c'est 1\4itet (1). > Cette liberté des Milé-siens, n'étâit point la liberté politique, maisla liberté des moeurs. Milet n'était-elle pointla patrie d.'.dspasie et des, plus célèbrescou;isânes ? Sybaris et Milet, villes demollesse, devaient s'admirer mutuellement'C'est cte leur société raffinée que sortirentune faule de contes âgréables, liceneieux lenLus souvettt, qui répanclirent dans toutti'Ëi.lhd", puis

^dans le monde romain' le

goût des moeurs voluptueuses et la ré-putâtion des deux villes.

Le dé.relopp€ment de la littérature mi-lésienne fut donc le produit des moeut'dissolucs ds5 l6nfens. Au moyen âge, I'ex-trême liberté des mæurs en Italie donnaégalement origine aux contes licencieuxdæ nooellàéri,sries. Ces eontes, mis à la mo-de à la cour frivole des Valois d'Angou-lême, remplacèrent les fabliaux, et eu-rent .en Fiance un renouYeâu de succèsjusqu'au xt'uie siècle.-

Les Contes milésiens, les nouvelles duDécaméran, les îacétdes du Pogge, les ré-cits de l'ileptamêron et de La Fontaînese touchent de près. Sortis du tond po-pulâire, raieunis et embellis par les lettrés,

l. Diorloro, Fragments, Liv' VII.

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LES coNTES Énorrquns

]ls "9n! conquis une place importante dans

la l ittératur'e des sociétés diisolues.Le pius aircien auteur eonnu de -llfz'll-

s'iennes est Aristide de Milet. Ses ouvra-9€6 ont péri ainsi que la traduction gu,enavait laite L. Corn. Sisenna, historien ro_main, contemporain de Sylla et de Ma-rius. Ovide cstimait peu ce genr.e licen-:i"l*. u Aristide, dit-il, a compbsé des MiIe-srennes, et cependant il n'a pas été chas_sô de sa patrie >. Ovide semble Drésen_lg. q.^t ouvrâge comme historique (ùristes,I I , 43):

Vertit Aristiileyn Sisenna,nec obfuit iniHistoriæ turpes inserui.sse j ocos.

C'est probablement, pense M. Chassang,un livre qui, après une courte histoiÉde nli let. donnail de nombreuses anecclolessur la vie milésienne. Ces anecdoies n'é-taient autres gue des eontes milésicns.

Des ouvrages du même genre avaient étécomp,osés par Hégésippe et guelques au-tres écrivains auxquels parl.hénius dc Ni_cée fait allusion sans les nommer. Cedernier grammairien nous a laissé guel_ques conles d'amour âppârtenant pou, laplupart au genre des fibies miléiiennes,car, avec Chassang, on peut considéreicomme des conles rnilés;éns, non seule-

DE L'ÀNCIENNE GRÈCE

ment les récits gue Parthénius emprunteà lIégésippe ou à quelque auteur d'Ilis-todres mi,trési,ennes (l), mais ceux dont laseène est plaeéo à Milet et gui ont pres-que tous pour sujet I'incontinence des fem-mes de cette ville (2).

L'antiquité nous â conservé de nombreuxsouvenirs de ces récits. Apulée, par exem-ple, ne fit que réunir des contes milé-siens, pour en composer, en les itrtercâ-lant dans une fable également milésienne,le rornan de l'Ane d,'Or. L'histoire de laVeuue du Livre Il le conte de Psyché,celui de la Bel,l,e-mère amoureuse oommePhèdre, le Conte d,u Cuui,er dont La Fon-taine a fait son profil. (Contes, IV, 14)sont autant de fables de Milet. Un desinterlocuteurs du dialogue de Lucien inti-tulé: Zes Amours (Ch. i), parlant de sem-blables récits gu'il vient d'entendre, lesappelle des Contes rnàlésiens. Septime Sé-vèro traitait les Mitési,ennes de Contes il,eti,eôl,l,es f,emrnes, Apulée ne met-il pÊs le

l. Nanati.ons, XIV et XVI.2, Narrat., VII, XI, XYIII. Les coûtôE de

Perthénius ne sont malheureusoment qu'unocompilation fort abrégé0, un choir rlo matêriauxquo l'auteur destinait à son propreurage et à lacomposition tle ses poèmee.

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XXII LES coNfEs ÉnorrQuss

joli récit de ?sgckê dans Ia bouche d'ungvieille servante de voleurs ?

Pétrone; dans son Satirgcon, intercalaplusieurs milésiennes. Une de ces fablesæt pariiculièrement obscène (Batgr.. Ch'LXXXV). Une autre esl avec Psllché, l'undes réciis milésiens les plus eéièbres: e'estI'histoire de la Matrone d'EPhèse.

Albinus, rival de Sévère et quelque tempsempereur, avait écrit des Milésiennes assezmédiocres et vantées au delà de leur va-leur, suivant Capitolinus, mais auxquellesle Sénat lui-même n'avait pas refusé cetteadmiration de commande qu'il professaitpour tout ce qui portait la pourpre (1)'' Plutarque (vie dà Crassus), raconte que

Surena, ïainipeur des Romains, trouvadans le bagage d'un soldat les lables deSisenna et- les envoya à Séleucie, pourmontrer aux Parthes combien devaient êtredégradés tles ennemis qui, même

"o eP-pagne, ne pouvaient se pâsser de pareruesdistractions.

Cornnoe Sybaris, et comme Milet, Ephè-se eut probablement sa littérature éro-ticrue. Eile produisit en Xénophon d'E-phise, son Aristde de tr{ilet. Comme Mi-

l. Ch. Zévort, Introd', a:ux Romans grecs de

Ia collection Charpontier; Paris, 1884'

or l'ÀNcrENllp cnÈce xxtrl

let, du moins, Ephèse fut célébre Parla liberté de ses mceurs et sa vie vo'luptueuse.

C'est à Ephèse ou à tr{ilet que les ro-manciers grécs plaçaient la soène de leursrécits.

Le,s Contes mi,l,ésiens sont la premièreforme des récits érotiques de I'Antiquitéclassique. Légères et rapides esquisses, dansle genre de nos Fabtriawæ, nouvelles amou-reuses analogues aux contes de Boccacæou de Marguerite de NavarLe, ils avaientété empruntés aux contes, aux bons m-otset ioyeux devis qui depuie longtemps {aisaiàni te c.harmd du peupie' Les lettréss'en emparaient, mais n'inventaient guela forme. Par leur foncls, les rnôlésiannesne sont pas d'origine ionienne plutôt quede source orientale, comme quelques cri-tiques t'ont soutenu. Le conte de Psgché,nai exemple, ne se retrouve-t-il pas dansia littérature populaire dq toutes les na-tions ?

T-a Matrone d'Ephèse se rencontrq dansles contes de la Chine I

L'influencæ des lables môIési'ennes Iutconsidérable. On voit par I'ouvrage deParthénius (1), par un recueil sembla-

L Voir sur Partbénius de Nicée ot les autoursaurquels il a emprunté dos narrations : Lebeauclrtit, Acodém. âet lrccripft., XXXIY, p' 63.

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xxlv LES CONTES EROîIQUES

ble de Plutarquc (1), par quelques-unesdes Narratdons de Conon et des Histoiresrariées d'Elien (2), que ces contes s'étaientiniroduits iusque dans I'Histoire. On rap-porta que Ia courtsane Rhodope avaitéievé une pyramide en invitant ses amantsà venir y apportel chir.cun une pielre (3).Suivant d'autres, Rhodope serait devenuereine gr 'âce à Ia pelte de sa pantouif ic (4):c'esi I'histoire de Cendri,ll,on.

Plutarque (Guures mor&l,es, gt,'on ne peùtui,ure agréabl,ement d'après I,a d,actrine d,'E-pàcure, Ch. X.) cite, avcc la Pantltée deXénophon, la Timoclée d'Aristobule et la?kébé d.e Théopompe. Ce sont les nomsde guelques-unes de ces héroïnes de con-tes érctiques mêlés à I'histoire. On aug-menterait considérablement cette liste avecles récits du même genre qui ontété extraits ile I'Histoire par Conon, Par-thénius et Plutarque; on aurait pu lefairo également avec un livre aujo'urd'hui

l. Plntarque, (Euo. mor,, Nanat. amour, -Julien, Disc. Ir) nous avcrtit quo ces récits ôtaionttctifs.

2. Elien, Hist. oar., XII, I ; XIII, 1.3. Hérodote, I I , 134; - Diodoredo Sici le, l ,

64; - Athéné0, XIII , p.396.4. Strabon, XXII, 808; -- Elion, Ilist. uar,.,

XIII , 33"

perdu et qui était faussement attribué auiogographe Cadmus de Milet; i l pcrtait lemême tilre que celui de Parihénius: -Eé-cits d.t I ' t :ssio;ts anz:iureuses (L).

Aristènèr.e. qui périt au iremblement deterre qui renversa la ville de Nicomédieen 358. a passé pour I'auteur de lettreso'ir I'on rettouve quelques contes éroiiques.Le recueil d'Aristénète €st une sorte deccrnpilation: Platon, Philostrate, Piutar-aue. Lucien en font surtout les frais. Les:e'.t;es scnt divisées en deux livres dontle premier contient XXVIII morceaux et lesecond, inconpiet, XXII. Elles scnt d'une

Eande variété. Tantôt, c'est le réeit cl'uneÀvelture galante à la manière de BoccaceLi.,re 1,

-Lettres V, IX, XXI, et I-i-r'reII . Lettres YII, XV, XIX, XXil); tantôL,:-i p:r'sonnages scnt eux-mêri,cs en scène.I z L:tirc YII da Li,ure ler oflre un ta-i-e:u eharment. Une ieune fille a prié':* r.cllrur de lui gariler ses habits pen'i.-:-- ::u elle se baigne dans la mer. Quand.--. : : .1 : :- tre. le pêcheur veut la touchgr,=-,-. =: l= l , i=:cu.s: et lui écirappe, après.- ' - : ' . ---s l : lutt l . rejeté à ia mer les

DE L'ANCIENNE GRÈCE XXV

r - -- ii1-:lit pil; auparavant, de

:- :- . : ; : ' - ;=:1 à ia fois sa conquêtq et

t. î . C. ! Ia, l :r . .E;si. gr. fr . , I I , p. 2etsuiv.a

Page 15: Contes Licencieux de Constantinople

xxvl LES coNTES Énorrqurs

sa pèche. 'llvàr, dit-il , zruçeor.ixzLv' xai oùçi4r.7aciu'4v 0o1vr),v. xei iv oûr il,rrroo uer!duoçàzcx'jov. Remarquons encore dans ce Zi-,tre I"r, les Lettres XllI, XtrV et XXVI.La première reproduit, sous des nomssupposés, l'l:[istoire i],'Ant,ioclttr,s et d,e Séleu-clrs, llue I'on retrouve aussi dans Ia vieri'Avicenne, et oh l'on voit un père sacri-fier son âmour pour sauver son fils quipôr i t d 'urre m;r lxdis dr langrrcur. (1) . Lasuivânte est nette, vive et brusque: llnecourtisane y expose sa pensée à des jeu-nes gens qui la poursuivent de leurs hom-mages et de leurs vers. - < De I'argent,dit-elle, et moins de chansons (2) ! > Ceticréponse, dans son laconisme, est supé-rieure à la lettre de Philumène à Criton({ ciphron, lre Parti,et Lettre XVI).

Les anciens récits du genre milésiense conservèrent sous forme ù'épisodes dansles longs et fast idieux roma,ri que virentéclore l'époque romaine et l'époque by-zantine. En général, ils servirent de thè-rncs à des narraticns beaucoup plus alrr-ples qui embrassèrent un grand espace de

l. Appien, 59; Plutarque, Démétriusr\B; -trralère-Maxime, V, ?, etc,

2. Victor Chauvin, les û.omanciers grecs etlal ins; Paris, Hetzel ; 1867.

DE L'ANCIENNE GRÈCE XXVII

, . - r - . : : J. l . P. l lonceau{,4rulée,Roman etMa-. . : . - : : : : : : .

l l3S, orpor i r ra i t ranger ces réci ts: : : : : : : F. : i , l :s n i lésienrtes.

: . -" l ; , r : . , . - . . ,4. . , de C. Mt l ter , I I , p.313 et

IIII

II

L

Page 16: Contes Licencieux de Constantinople

LEs coNTES Énouguns

,ires éclairerait d'un jour tout nouveauI'histoire des con{es érotiques. Ce travailtentera peut-être guelque érudit. Un tra-ditionniste seul pourrait m€ner à biencette æuwe, pour ie grand profit des étu-des de Folklorg , tlij

G. Fnomunp n'AusrcNr6.

CO\TES LICEhITMUXDE CONSTANTINOPLE

I

LE FILS DU ROI ET LE BOUCHER

L-n roi ar.ait un fils c1ui, arrivé à l,âgeC'hornrne. se prii d'aruour pcur une je-u-re filie merveilleusemcnt Èeile. ChaLuej-:ur. ie prince parcoirrait les rues dcia ri-lle dans I'espoir de rencontrer celieq-n-!.I. âimail mais il n'y pafvenait guer-=menL

L-:r matin. le fils du roi raconta autrl;ciei dl palais son amour pour l,in-c,l-:r"r tr= et iui demaeda de l,aider deges c,;:seis

, S-,n.:':s par la lille. proposa lelrl:c:-ii. ti. ço:r-ons si nous rencontre-r.:s ceil* ![ue rcus aimez. ,

Par cha-uce. ils la rencontrèrent encÀer: i rr.

1,

Page 17: Contes Licencieux de Constantinople

CONTDS LICENCIEUX

( Jc sais où elle dcmeurc, affirn.ra leconrl)uguon du pr.i i ice , Nous pr_ruv<.rnsmaurtertant relttt 'er au palais. )

Le lcudcmain, le ïirs du roi, déguiséen garçon boucirer, accolupâgna son con-fidcnt dans la maison de ta be,le. Cei.tedemeure étai t magnit ique. La jcune l i r leI'habitait avec urre gouverniitrLe accorteet j<-ri ie.

0r ce jour tombait le . B; : I ram , . Encette lête tr:ut .\ l . isuinran d,.ri i sacrif icrul l ou piustcurs l t louiols, do: t t l l c i tu i resI c l .s,r ,b-éJ aJx l ) : r . ] \ r .s. Le l touch.rs 'c l l r l ) i ' (ssa c i 'égoigcr ie l l io*ton r , tu l l .

La bc^. lc jcunc f ; l ie, do so,r côré, f i tpréparcr un t 'ôti i)oJr lcs tlcux élrau-gefs.

e Au lieu de manger comme il con-vient, d i t le bouchcr au pr ince, ayonsI'air de gens sans éducatiotr; agissonscomme si nous étious des idiots. Cro-quons les osl ,

Quand on seryit le rôti, les dcux hom-mes prirent les os et se rtrircnt à lesmâchcr.

La jeune f i l le di t à sa gouvcrnante:< C'est donrnurgc que ccs pauvres g&r-

çons ne sachent pûs ntal lgcr cornnte i lconvient à dcs gcns biel élerés. Appre-nons-Ieur ae .qu'ils ignorent. Je vais uron-

DE ÇONSTANTINOPLE

trer au gârçon boucher ce qu'i l fauti - l:; : :, : -; ioi. tu te c.irargeras clu pa-*--'- :. r

It;c: ':r l:t ie rôti. ellcs le servirent parF-c-:-s

*-- :C:âl l5 ' âu]( bOuCherS.

Le r=p.ts f.ni. Ia gouvernante apportai.e i =a-r p,lur lts mains. Les deux hom-EeË cûinmencèrent par se laver le vi-s: :È.

_ . C est dommage! s'écria la jeune fi l le.L:: g:ns ne Savent pirs se laver. I l fautie-.r enseigner cet ârt. ,

Et elle Ieur apprit à se rincer lesd: - : ts.

Le frls du roi et son compagnon ma-r.li:s:Èient aLors une belle envie de dor-=i:.

< Ces jeunes gens sont fatigués, repritl: j:Lie ii-ile. Qu'on leur prépare deuxLi_ ,

Le I;t préparé. lcs deux compagnons sec.l:;c:.èrent en travers.

. ) l : is i ls ne saçent pas comment onc:- t s. . co.chrr l s 'exclamèrent les deuxi ; :=:s I l ia: t re ieur apprendre. r

E-.e s= : : t au Ll à eôté du pr ince; lag::: i ' ;r:.: ie e:r f i i aata:it avec le bou-ci.er.

Àussitôt les deu-: amis comnencèrent

Page 18: Contes Licencieux de Constantinople

CONTES LICENCIEUX

à passer la main sur Ie nombril d.es fem-mes.

o Ce n'est pas ainsi, dit Ia maîtresse. >Et elle guida l:r main du prince quel-

çlue peu plus bas.Le jeune homrne sortit son n bâton

royal r et voulut le faire entrer au lieumême où, aup,arar,ânt, ii avait mis lamarn.

, c I l ne sait rien, le rnalheureux! I l faut

lur rpprendre cct art! rCe fut bieniôt fait. Elle saisit solide_

ment Ie < Diable " et le rnit en paraclis.Puis, se trémoussant, elle ne taraa nasir se féiiciter de son élève et à meterisessoupirs à ceux de Ia gouvernante.

- La leçon avait suflf i. Jusclu'au matin"

Ie prince et le bouch"r, àÉniuirés _Jla belle ct. sa gouvernarrfe le croyaicntDren - nc 1:erdirent dc tcrnps ni à dor_mir n i à babi l ler . Et quant l i ls qui t_tèrent les amourcuses, èe fut,.uJ lrr.promesse de revenir la nui t suir .autc etcelles- qui suivraient. Ce à quoi le princeet le boucher acquiescèrent, commè bienYOUS le pensez..,

(Constantinop Ie, conte turc,)

DE CO\STANTINOPLE

II

LE CH{LTE

qui était chauve, avaitccndamné pâf un cer_

: -': CaCi était marié et il avait com_J: ,ieus jclies rierges fort capa-: c:, . :rprendre les choses de i ,a_

I

IIt

I

III

, : is . :* : t ccucher avec Iac-r::n:ent 1- parvenir?-+ t:rda paS à en trou-

Page 19: Contes Licencieux de Constantinople

CONTES LICÊNCIEUX

L'ingénieux Cadi a1 ant envoyé sa fa-mille aux bains chauds, i l fut convenuque la servante accolnpqgllerait les fem-mes, mais que, suivant I'expresse recom-mandation du maitre de Ia maison, elledevrait reveuir après ar-oir- remis le lirrgeblanc qu'elle portait.

Dès qu'on fut au . 114s164n r, lafausse servante dit aux dcux demoisellcs:

r Allons prier pour devenir des hom-mes I

- Devenir des hommes? mais com-ment?

- Je sais une prière rnerveilleuse, etc'est un grand sccret qui pcrmettra àI'une de nous de se changer en homme.

- Que nous faudra-t-i l iait 'e?- Tout simplement réponilre: Amcn r.Les trois feltrnres se prosternèrent.

Après une longue oraison, Ia servantedeilanda:

r Quelle est cclle d'entre nous qui estdevenue un homme?

- Commcnt lc saurons-nous?- Voyez s'i l ne vous est Pas Poussé

un brus entre lcs cuisscs.- Nous avons toujours le mêrde per-

tuis.- Alors, c'est que je suis devenue un

hommel dit Ia servante. t

DE CÔI(ST.A.NTINOPLE

burettes.

Cadi arriva presque

n"ère. s ' fcr ièrent Ies demoi-:: l-: i l cst ar-rir 'é un miracle! La ser-r.:1. P :éc!1é une prière magique quiI = : ' - ' : : r ie en honme.

- ' l ' . ' i d ' t . :s-r 'o'-rs. plt i tes sottes ?- ) : , - . :e d 's:ns q ' rc l l vér i té. I l a

: ' - - : : . . ' , : - - . f - l : et 11:s buret tes entre: : : . . . I . - : l s : is l r te. Si b ien qt te

: : ' - - - - - : :s. ; - -e : l :s a c langées en fcm-i- :s

- ;'3 ç::tr .i::ger du miracle.. Voyons,!::';-ti. i.:s-r:oi Yoir ta fiole. r

Ji

Page 20: Contes Licencieux de Constantinople

CONTES LICENCIEUX DE CONSTANTINOPLE

Le chauve rnontra son outil que lafemrne du cadi tourna, retourna et em-brassa si bien qu'il reprit sa vigueurperdue.

o Cela ne ressemble pas à une f iole,mais bien à nne p... , di t Ia femrne, quoi-qu'el lc soi l plus forte et plus bel le quecelie clu Carli. Cependant, je croiraiqu'eile esi véritable quând tu me l'aurasessayée.

- Jugez-en tout de suite. 'Et le chauve sc rcmit à la besognc.Quand les jardins des trois belles fu-

rent convenablement culiir,és, la servanteretourna chez le Cadi..

Le juge fut charr:eé de se trouvertout seul : lvcc la clomestique. I l com-mença par dcs baisers, des caresses, desdéclaratious anolrreuses, de petiles ta-pes qrLi cn disr icnt longJ sur sa passion.

c AIIons, viens sur le lit, rna petite pou-le! impiora-t-ii. .i'ai hâte de te tenirtoute nue eltre mes bras. r

En ce moment rnêtrre, un marchanclde poircs passa dans la rre.

q Achetcz-moi des poires, et je seraià 'r'ous I dit Ia servante qui faisait sem-blant de se pârner.

- Bien volontiers, ma i:elle ! >Le Cadi se pencha par Ia fenêtre pour

appeler le marchand ambulant. La ser-lante laissa aussitôt retomber le châssisqLri était fort lourcl, et Ie juge se trouvapiis entre les deux battants.

Sans perdre ctre temps, le chauve Iedéshabil la et, quoi qu' i l f î t , Iui montrala particulière façon de cultiver les jar-dins qu'il avait dé,jà expliquée à la fem-me et aux filles.

Le soir venu, on servit une poule surla table du Cadi.

La f i l le cadctte pri t unc ai le, et, lapassant à sa sæur aînée. lui dit :

u X[angez cette p,ioche de poulet! ,L'aînée s'en défendit et la donna à sa

mère.< I{on, c'est pour le Cadi.* I lon, bon, s'ôcria le juge. Ce qui

vous cst arl i r 'é tn'est advenu aussi! ,L'ai le du poulet lui rappelait la pio-

che de la servaate.r Que vous est-il donc arri.vé? inter-

rogea la femme du Cadi.- Je m'entendsl.. . La même histoire

qu'â vous. rLa femme songea:< La servante a tout raconté. rEt elle s'enqr"1it de ia domestique que

I'on n'avait point revue.T.

Page 21: Contes Licencieux de Constantinople

CONTES LICENCIEUX

( Femme, je le répète, el i t le Cadi, cequi vous cst arr. ivé rrr 'est advenu. r

Àlors i l raconta son histoire.< Ce n'était pxs une servante, ajoutâ-

t-il, mais un solide gaillard, r

(Constantinople, conte turc,)

III

LE VOYAGELIR EGANE

Un Russe, très riche, voyageait pourson agrément dans une voiture aménagéeainsi qu'une maison. II conduisait ùi-même, n'ayant pas de dornestique, et i ls'arrôtait dans Ies villes qu'il voulaitvisiter.

Une nuit, ce Russe, s'étant égaré dansun mauvais chemin aux environs deJalina d'Albanie, fut surpris par unetempête épouvantable qui ne tarda pasà renverscr la voiture et le chcval.L'homme et la bête s'en tirèrent sanstrop de mal. Comme la voiture avaitperdu un brancard et une roue, l'étran-ger reconnut qu'il ne pouvait continuerson voyage. II releva le eheval, le prit

DE CONSTANTINOPLE 11

p:r lr brirle et chercha aux environs: ' - - t : : , ' - : r 'e la i t un abr i

-r- :-. :. e,:r ' d'un éclair. i l . découvrit une:: : i : : i : . : : re.

. ,-r r ' . is 1- demander I 'hospitalitél sei- t - r - . ,

I .:r ira der-ant la porte et frappa dou-::::re:t. pr-ris plus fort. L'orage et le vent. i - - :e: l t touiours aussi v io lents; les gens:: I a maison n'entcndaient rien des: r '-: DS f rappés au dehors.

Lè Russe retourna à la voiture, prit.: L.rancard cassé et s'en servit pour--err tÈr à la porte.

. Homme. dit la pa-vsanne, je crois que:-:al,: l 'un frappe au dehors.

- Tu es follel Qui songerait à voyager3l : r :n temps prrc i l ?

- On heurte, te dis-jel Ce sont Peut-ËL-e d ' :s br igands?

- Plutôt quelque vo-vâgeur égaré. Que:::-:-:elt nous I 'ouloir les bandits?). : ' . s n:r-ons pâs une piastre d 'argent 'S- : .st un vo: 'âgeur. nous ne pouvonsl : . - . . ;=: s: , ' - ts l ' tverse. )

L ' : . : . t r a l la ol l r r i r .

, i : -* . . : - ' . r t étranger l Qui vous amè-- : à 3. : : : 'e l rÈ? t

L: Î ' :ss:. q:i i ne comPrenâit Pas unn.,L rio-.Ji.it s'expliquer en sa langue.

Page 22: Contes Licencieux de Constantinople

L2 CONTES LICENCIEUX DE CONSTANTINOPLE 13

aussi violent, montra le lit, p,uis sâ fem-me et lui-mêrne, allongea trois cloigts,ferma les yeux et fit sembiant cte dorriir.

- L'étranger alait conrpris, et pour bicn

le montrer, i l se rnit à se déshabil ler.Le paysan et sa femrne en firent autant,se couchèrent, le fermier contr-e la mu-raille, la femnc au milieu et le Rlsse aubord du lit.

Bientôt le paysân ronfla profontlé-ment.

Le voyageur et la fermière ne dor-maient pas. La fernme tournait le dosà I'étranger gui pensait à profiter deI'aubaine.

Le Russe passa doucement le brassous les seins de sa voisine et I'attiraccntre sâ poitrine. La bonne pièce lelaissa faire et se plaça le plus commodé-ment qu'elle put. L'arne du Russe trou-1'â sâns peine son passage et le lit s'a-riita de soubresauts endiablés qui fini-rent par réveiiler le paysan.

. Femrne, dit-il, ie crois que l'étran-ger te touche!

- Je le crois aussi.- Est-il entré chez toi?- Il me sernble que oui. En tout cas,

il -v

en a déjà un bout plus long quecelui dont tu me régales.

n Je ne sais ce que vous dites, étran-ger, mais gu'importe | )

Et il lui fit signe d,entrer.

_ Le paysaa mena le cheval à l'écurie,lui donnc à nrrnger, et introduisit le.t{usse drr is I 'unique piècc d,habitat ion.

( Femmê, dit-il, cet homme est unétranger qui parlc la langue du Diable.Inutile cl'cssl3'gs cle carser avec lui. l\{etsla_labie ct soignc ic souper. ; .

La pa; 'sanne étn i t jeirne, fraiche claccorte. EIie eut bientôt préparé un boilrepas auquel le Russe fit grand honneur..

o I I faut rcnrai.qua lè paysan, qucnous gardions cet homme à coucher.

- Tu as I 'a ison, mais. . .- Mais auoi?

, . - I \ .ou1 n'rr .ons 11u'un l , l . tu le saisbren. A

-n'cn pas r ioutcr, l 'étr.anger est

un .grand pei:soru1age, un prince pour lemorns; on ne peut le faire coucher à l'é-tal:le.

-_ Notre lit est large. euatre p€rsonnesy tiendraient. Nous ferons une placeà l 'étranger.

- Tu es un homme de coeur.- Je veis par signes dire à l 'Ëxcel_

Ience de rester ici_ >Le paysan étendit le bras vers la rou_

te, indiqua que l,orage était toujours

Page 23: Contes Licencieux de Constantinople

1{ CONTES TICENCIEI]X

- Dis-lui de te laisser tranauil le.- Pourq: :o i ne te c l rargrs-Lu pas de la

commission ?- I l vaut mieux que ce soit toi.- hlais tu sais bien qu'i l ne comprend

goutte à notre parler.- Je n'y avâit pas songé, femme.

Il faut nous résisner'! rLe paysan se tu.t.-et I'étranger fit passer

à la femme une nuit délicieuse et aufermier un supplice épouvantable.

Le lendemain. le Russe al ia à la v i l leet s'occupâ de faire réparer la voiture.Ilais qrand il vint le soir demander en-core l 'hospltalité, le paysar lui fermala porte au nez.

(Conté à Constant inoDle, pd.r AnaniaErdgyas-Ogtou.)

IY

LE PLAISIR ET LE DEPLAISIR

Dans un village, il y avait un prêtrequi vivait âvec sâ femme. Le popesseétait jeune et iolie; le curé était grison-nant et mal bâti; de plus, c'était I 'hom-me le plus avare du p_ays. Après la messe,

DE CONSTANTINOPLE

il allait chaque matin au bord de la ri-vière oth scn bac était arnaré, et i l pas-sai t bêtes et gens, mol 'e:rnant une pct i lesomme d'argcnt. Le pope Nicolas y trou-vâit grand avantage pour sa bourse.

Un mrtin, le crrré, revenant de I 'off ice,avait été s'installcr auprès de son bac,quxnd il s'ententl it i ;,terptl ler de l 'autrerive.

. Hé! papa! n'âs-tu point vu le pas-seur ?

- Je suis I'homme que tu cherches.- Alors, détache le bac et viens me

prendre. rQuand lc batelier fut sur I'autre rive,

l 'étranger lui dit:. Papâ, il faut que je te prévienne

d'une chose.- De laquelle?- Je n'ai pas d'argent.- Pas d'argent! Serait-ce possiblel Un

jeune homme de si bonne mine et de sibelle mise!...

- C'cst pourtant la vérité.- Alors, reste sur la rive. Je ne te pas-

serai pas, fils de chien, enfant de putain !* Ne t'emporte pas, si tu savais qui

je suis, tu m'aurais bientôt conduil del'autre côté |

: Qui tu es ! eela m'imBorte bien !... Tu

Page 24: Contes Licencieux de Constantinople

IO CONîES LICENCIEUX DE CONSÎANTINOPLE LI

tourner ta barque sens dessus dessous.- Voilà Ia chose faite.- C'est fort bien! Attentionl )Ce disant, le jeune étranger ouvre sa

culotte et en tire un aviron si gros, silong que le prêtre en reste bouche béel

< Ah! la chose merveilleuse! s'excla-me le batelier. Ta rame a plus d'unpied de long!... '

Et du coup, il se met à rire si fort,si fort qu'on l'en entend à une lieue.

" T'ai-je menti, papa? Voilà le . Plai-sirl... ' Et maintenant voici le < Déplai-sir! r

Prenant de ses deux mains son mer-veilleux bâton, I'inconnu l'élève, puisL'abat sur le bac qui se fend par le mi-lieu.

Le pauvre curé cesse de rire. Main-tenant il regarde piteusement son tracéventré.

* Seigneur Dieu, que vais-je devenir?Voilà mon bac qui est brisé ! s'écrie-t-il enfin. Un bateau qui m'a coûtévingt-cinq livres turques!... Ya-t'en, chiengaleux" étranger de malheur, porteur demaléfices, jeteur de sortsl... Que jamaisSatan ne te renvoie vers moi!... Ah!tiens-toi heur€ux que je ne puisse fexoç-ciser !

n'as pâs d'argent, tu ne monteras pasoâns mon bateau.

_. - On pourrait peut-être s,arrangcr.voyons.,-pope, si au l ieu t le quelques pau_wes pièces de monnaie, le tè faisaisvoir le r Plaisir > et le n Déplaisir r ?

- Le . Plais i r r e[ le o Déplais i r , l Tuparles par, énigmes. eu'est-èe donc queces choses?

- Prends-moi dans ton bateau et tu lesaufas. )

Si Nicolas est avare, il est non moinscurieux. l l rendrri f pour cela des pointsà une vieille Chiotè. Aussi réflé;hit-ilà la proposition de l'étranger, mettanten balance d'un côté les quelques souseu'i] avait espérés, de l'autre, la grancleenvie qu'il a d'être renseigné iur Ie. Plaisir r et le r Déplaisir >. -

. Au fait, pense-t-il, il me faudraquand même repasser la rivière. Je puisDlen prendre ce conlprrgnon. ,

I l laisse le jeune hômme monter danssa barque et I'on est bientôt à I'autrerlve.

" Nous voici arrivés, dit Ie pope. Il tereste à me pâyer en me faisant con_naître ce que tu m'as promis.

,.- C'est ce que j 'ententls faire.. . l \{ais,ots-mol, papa, es-tu assez fort pour re.

Page 25: Contes Licencieux de Constantinople

18 CONÎES TICENCIEUX

Après le u Pl : r is i r o, le o Déplai-s i r l . . . o Ne t 'avais- . ie pes prévetru?.. . Aurevoir . qLre Dietr [e grrdel ,

. Le-- jeune homme prencl congé clu prê-tre Nicolas et cor-rt inue sa route. . l .outpenaud, le passeur rentre à la maison._ o Qrr 'as-tu dnnc, Nicolas? lu i deman-

de la ieune femme.- I \{ iséricordc 1... I lalheur ! . . . Abomi_

nation!.. . répond le curé qui verse deslarrnes abondantcs. r

- . -Puis songeant au nrervci l ler :x orr l i l del 'ôtrr.ngr.r, i l parl . t I 'un bru;.ant éclaide r l re.

_ n l \ lor pxuvre rrr i . cs-tu c lcvenrr f ru?

,r ,u ptcurcs et t r r r is . t , r r is et tu plerrrs!

r_rs-rnot donc ta cloulcur et ton bon_heur.

. - Demande-moi plutôt mon < plai_sl l t et mon ( Dénlais i r lo

- o Plr isir , ou o Déplaisir ! , commei l te convient i ,

À la f in, le pope Nicolas raconte sonaventnre sans en r ien cacirer. La fcm_T. 1,r .épro:rve u ' re gl lndc jo ic: lc bacer i ln[ ( !er l t (J l l , son nrar i rcstcre ù ia nr l i -son, et i l aura airs i le tenrps c le cares-scr dj lva.ntage sa femme, l i jcnnc An-nita. L'histoire de la famcusc rame n.in-téresse p-as moins la curieuse. C.

",.it

DE CONSTÀNTINOPLÉ 19

certes pas son mari qui possède un p1-

reil instrument I Ah ! que t1e tient-ellel'étranger pour quelques heures au ples-

bytèrei. . . I l lui vient une inspirat iôn.

" Qu'as-tu fait de eet homme? deman-de Annita.

- Parbleu, je l'ai envoYé à tous lesdiables !

- Es-tu devenu fou. vieillard éhonté?* Que dis-tu?- Oui, n'as-tu Pas serré contre ton

cællr ce frère si impatiemment âtten'du?

- Ce frèrel . . .I\{on bon frère, Basile, qui re'

v ient d 'un voyrge en lo i r t ta ins pavs!. . .Radotes-tu, imbéci le? Tu atrrais cl.ras-sé mon Brsi lel Je ne veux plus resteravec un vaurien tel que toi l n'as-tu pashontcl un pope, un oint du Seigneur las-tu oubl ié la lcttre qu' i l nous écrivi tl 'année dernièrc?

- Je n'ai souvenance de r ie:r de toutceci. Je ne te conilais qu'ull frère, Geor-ges.

- Et Brsi le? Al lons donc! Taisez-vous,prôtre int l igne, épottx dissolu ct mé-

èhantt Non, je ne resterai p ls une hett-re de plus avec un maudit! Et je Pré-

Page 26: Contes Licencieux de Constantinople

CONTES LICENCIEUX DE CONSTANTINOPLE 2L

reconnu. Cornment va-t-elle, cette bonnesceur? Toujours jol ie?

- Ccmme la Vierge, si ce n'étaitblasphémer... liais viie, rnonte sur ûrâmule. EIle connaîl la rouie ei tu pcurrasbientôt embrasser Annita. Pour rnoij ' i rai à picd.

- Je te remercie, fi.ère, car la mulearrive à point. Je suis fatigué. Dis-moiencore comrne:rt vont. vos affaires?

- Fort bien, grâce à Dieu ! N'étaitIa perie clu bac... Àhl air! je meurs der i rc en v sorrreânl ' nous scr ions lor tà l'aisc. On gagne sa vie daus le pays.L'argent et les pièces ci'ci s'accumulentelans le coffre qui bientôt sera trop pe-tit. Et I'on prête à gros iltérôts âux pâ-roissiens momentanément à court d'ar-gent, nais que l'on sait riches en biensfonciers.

- Allons, tant mieux! Je cours em-brasser ma chère Annita.

- Je te suis. f rèrc i ,La mule part au trot suivie au galop

par le brave curé Nicolas. Si bien quel'étranger. Ia moirture et ie pope arri-vent en même ternps au presbytère oùles attend Annita vêtue cle ses plus beauxatours.

t trfon cher frère Basilet

viendrai I'évêque, et je le dirai à l,ar-cneveque, et le palr iarche i r srura..,

- paix, femme, pour l .a;nour dc Dieu.rr est_encore temps de letrouvtr nolrecner lrère. Je vais sel ler ma mule. Encoumnt à bride abattue, je reioindraice cher Basile. plus un mct. Jô fileraicomme l,éclair l r

Cinq minutes ne se sont pas écoulées{.ue 19 pr-être Nicolas est pàrti à lt-r;-cherche de son beau_frèie.

, , I l n'a pas loin à ai lcr. - \ la croiséeo'un ct lemin, à l 'ombre d,un plr tanc.r nomme au mervci l leux outi l el t assiégrignotant des olives et des figir"s sàehes.

Nicolas pousse un long soupir cle joie.

- .

-Ah ! mon cher frèrel s,éôrie_t iil

-;;

le. baisant sur la bouche, ;"; i l ; ;suis heureux rlc te retrout,e'rl Et commesera heureuse ta sæur., Annita, ;;;*.me.l Elle t,attend aveô impatie;;; ;;puis qu'cl lc â rcçu t:r jel lrc . f* f :à" aË"_Itier ! r

Le jeune horame compiend vite ce quise pâsse.

, , , . To n ' ts pas voulu m'écoutcr tout àr neurc. Jc le t l isais quc si tLr savais à

g-qt , , , prr lais, iu inc passerais avecJole uans ton l)ac. nlais Annil .a m.a vite

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CONÎES LICENCIEUX

: XIa chère sceur Annita! rDéjà les deux jeunes geus sont dans

les bras I 'un de I 'autre. La jeune fernnte,dans cette étreinte, a senti le merveil-leux outi l qui fréii l le sous la culottede l'étranger.

o Embrassez-vous, mes enfants I dit lepope. Et parlez donc de ntls parents.

- Ah! oui, nos cirers plrents, reprendla popesse. Dis-moi, Bastie, que font-i ls?

- I is vont bien, ma sæur, et i is m'<lntchargé de vcnir pieudre de tcs nouvelles.- Air! ces chels p,rrents!.,. ÀIais uronbon tsasiie chéri, tu dois avoir faim. Jevais servir le diner. Tu mangcras le pre-mier et nous te regarderous faire... Al-lons, assieds-toi. trIalge et bois. Ne laisserien. Le bonheur cle ta présence nousrassasie. r

L'étranger mange eomme guatre etboit comme six, sous I'æiI atteldri duprôtre.

Le voyageur en a des histoires à ra-conter t lepuis son dépurt de la nraisonpatcrnellel On appor[e un gios flacon derahhi et tous trois trinrluent joycusenrent,Anniia ne cesse d'emi:gasser son frère.Basire chante des cl.ransrrns lesLes. Le çq-ré psalmodie les olfiees. Si bieq que le

DE CONSTANTINOPLE

soir arrive et que le pope, prcsqiie gris,se sent un grarld bcsoin de dormir.

n Couche-toi, Nicolas, lui dit Annita.Je partagcrai le lit de Basile. Àitisi nouscause-rons de ceux q.i i sont e[ de c. ux quine sont plus. Pour ut te nui t , tu voudrasbien te contenter du cellicr. Tu dormirastranquille et ne seras poi*t opportuné parnotre conversation.

- Ah! la bonne chère femmel mur-mure lc curé. I lonsoir, Anti ital bonsoir,mon frèrc! r

Le prctrc est à peine étcndu sur untapis dans le ccii icr que ia femme en-traine I 'étrangcr dans lc l i t con jugal.Vite, i ls se mcttcnt entièrement nus etse jcttent dans lcs bras I 'un de I 'autre,s'embrassent, s'étreignettt, comme s'i lsse connaissaient dcpuis tl ix ans. Le mer-veil leux outi l u'a pas besoin de caressespour s'éveil lcr. I l a bienLôt fait de trou-ver sa cage. Et voilà que le l it est prisde vertige et que tout danse dans Iamaison. Anuita, peu accoutumée à depareil les attatlrres, n'y t ient plus. Eliepousse des gémissements qui remplissenttout Ie presbytère.

r Ahl mon petit garçonl... Quel extra-sldinsir6 instrumentl s'éa.rie't-elle de

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24 CONTES LICENCIEÛX

temps en temps. Pas si vite !... pas si forilJe vais mourirl r

llais le voyageur n'en travailie que deplus belle!

Le prêtre finit par en être réveiilé. IIentend des soupirs et des plaintes; iis'inquiète, et se demancle ce qui arrive.

* Annita, qu'y a-t-il donc?- Ah! je suis bien malheureuse.- Eh bien?-- Mon père est mort.- Il ira en Paradis. Je prierai Dieu

pour luil rEt le curé se rendort.

. L'étranger commence une seconde par-tie. Annita gémit encore. IVIais comme elleest heureuse! Jamais une femme de curén'a si bien travaillé !

Le pope lui crie de nouveau:o De quoi pleures-tu, mon enfant?- Ma mère est morte.- Elie accompagnera ton père en para-

dis. Je vais dire une prière à son in-tention. r

Toute la nuit se passe de la sorte.l'étranger à se servir de son aviron, lapopesse à se pâmer dans les bras deson frère supposé, le prêtre à marmon-ner des oraisons pour le repos de tous les

DE CONSTÂNTINOPLE 75

membres défunts de la familie d'Annita...jusqu'aux anière-cousins !

Le matin venu, il faut bien se lever.< Ahl mon cher Basilel dit Ia popesse;

tu vas me quitter!... La nuit a été triste,rnais tu m'as donné bien du plaisir. r

A ce mot de < plaisir, Ie pope Nicolaspart d'un grand éclat de rire.

< Oh ! le méchant ! rep,rend Annita. Jepleure et il rit cornme un foul

- Je compatis à ton chagrin, femme,mais je songeais à I'aventure d'hier...Voyons, Annita, régale ton frère avantson départ, tandis gue j'irai sonner lamesse. Boure-lui les poches de gâteauxet de < loukhoums r, donne-lui une gran-de fiole de rakhi.

- Je 1r'y rnânquerâi pas, Nicolas...Et toi, cher pigeon, frère bien-aimé,quand tu reviendras dans cette contrée,a'oublie pas de descendre chez nouset de m'apporter beaucoup de nouvellesde ceux q e ie toi1 Dieu nous a con.rervésdans 5g miséricorde.

- Qr:i. rle nous oublie pas, frère Basile,ajoute \icolas. Je prierai Dieu pour tonbonheurl >

Le jeune homme fait honneur au repaset vide pr€sque le llacon d'eau-de-viede mastic...

2

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26 CONÎES LICENCIEUX

Le pope revenait de son église commeI'homme à I 'outi l se prôparàit à partir.

r Mon bon Basile atloré, dit Annlta, jeveux te reeonduire jusque par-dessusla coll ine.

--. .Et je t'accompagnerai aussi, ajouteNrcolas. D .

Les voilà en marche. On parle des vi-vants, on s'apitoie sur les défunts. Onarrive dans la plaine.

r Allons, Nicolas, dit la jeune femme,retourne au presbytère. Le temps estfrais: c'est mauvais pour ta santé.

- Basile ne me pardonnerait pas de lelaisser partir seuL.

- Si, si, mon frère. Tu m,as reçu roya-lement. Je t'en remercie et mes parents tecombleront de louanges. Adieu!

- Au revoir mon frère! r

_ Le curé reprend le chemin du village.Il fait quelques eentaines de pas et seretourne agitant son bonnet pour en-voyer un dernier adieu à $on cher beau-frère.

r Ils otnt déjà dépassé le faîte de lacolline, murmure le prêtre Nicolas. r

Là-haut, le jeune hôrnrne a renvcrséIa popesse et la chauffe pour le coupdu déparl Le rusé compagnon a placéson chapeau sur le pied droit dAnnita

DE CONSTANTINOPLE 27

et celle-ci t ient cette jambe en I 'air. Ahlla luronne, comme elle est heureusel etcomme le chapeau et la jambe dansentde droite et de gauche. d'avant et d'ar-rière !

Prêtre Nicolas est toujours arrêté, les)ieux t-ournés vers le coteau !

r Ahl le bon parent, le cher frère, lebon Basilel Il est déjà loin, mais il pen-se à son beau-frère. ll me salue toujourset de son chapeau m'envoie son au re-Yoir ! r

Le curé balance son bonnet à I'unissondu chapeau endiablél

. Adieu, Basile! Adieul crie Nicolas.Ne tarde pas à nous revenirl r

L'étranger qui en a fini avec Annita,embrasse une dernière fois sa sæur etcontinue sa mute.

Reïenue au presbytère' elle ne faitque chanter et répéter:-

. Ahl papa, que je suis heureuse d'a-voir revu mon cher Basilel r

Et le pope songe, heureux:r Yoilà bien des mois et des ans que

je vis avec Annita, et cependant je neI'avais jamais ertendue ehanter!

- lfon homme, interroge la PoPesse,j'ai reeonduit mon frère bien-aimé. Mesera-t-il donné de le revoir?

- La misericorde du Seigneur est

Page 30: Contes Licencieux de Constantinople

28 CONTES LICENCIEUX

IIiiItgrande, ma filie. Je prierai Dieu pour

ç[u'rt €xauce ton væu ! a(Contë à Samos, par un maître d,'école

d, lkare.)

vTROX{PE DE SACREI{ENT

_Une dévote passait son temps à i,é_glise. EIIe y taisait tout l,ouvrage dusacristain, balavait. nettoyait, ép6usse-tait surveil iait les lampei des lcones.

Un matin, elle se leva plus tarrt que ilecoutume et fut très mortifiée, en arrivantau temple, de voir que la lampe de saintNicolas s'était éteinte faute à,huile._ Elle tomtra prosternée devant l,image

et se mit à sansloter.< Que se passà-t-il? demanda le sacris-

tain qui venait d'arriver..- La lampe de saint Nicolas est étein_

te et c'est de ma faute. J'ai dormi troolongternps. Le Seigneur me punira. J,iraien enferl

- Pn effet, c'est un péché épouvanta-ble.-.Mais il y aqrait peut-être rnoyende l'effacer.

DE CONSTANTINOPLE 29

- Un moyen? Ah! r'ite, dis-moi, sa-cristain, ce que je dois faire. Je te don-nerai un pot de miel et une jarre d'oliveset de I'argent si tu le désires. r\Iais parle,parle rite!

- Eh bienl il faudrait vous graissercertaine partie du corps avec I'onguentbénit de saint Damase.

- Quelle partie du corps? Et, d'abord,as-tu de ce fameux onguent?

- J'ai justement un cierge et la graissemerveilleuse. Mais je n'ose dire l'endroitqui doit être fi"otté.

- Dis toujours, mon bon garçon.- Je ne le peux pas; cependant, je puis

montrer la place.- Pour éviter l'enfer, je suis prête à

tcat.- Alors, couchez-r'ous sur le dos et

leissez-moi faire. 'La femrne s'étend et vite le sacristain

lui relève les vêtements sur la figure.. Que fais-tu. sacristain?- C'est dans I'incantation. Il faut que

l'on n'y voie goutte.- llais où entres-tu le cierge bénit?- Où le diable rous guette. rEt voilà que la dér'ote se met à a faire

des yeux blancs r.. ..À$! le boue médecine! pirnit-etrlc.

2.

Page 31: Contes Licencieux de Constantinople

30 CONTES LICENCIET]X

Fais entrer le cierge. Je sens que j'entreen Paradis.. . Ah! voi là l 'onguent de saintDamaqel Je ureurs de bo:heur! . . . Vais- jemourir l I l me semble être déjà auprèsdu bon Dieu I r

Le sacristain a terminé. I\Iais la dé-vote:

u Ecoute, sacristain, ie te donnerai enplus une outre d'hui le, si tu me graissesencore de I 'oneuent de saint Damase!

- Soit, ma pltite mère. Je vois que tuveux être assurée d'éviter I'enfer. ,

Et le sacristain recomraence la beso-gne.

La clévote voudrait bien, pour assurerson salut éternel, aller jusqu'au troisièmeexorcisme.

. C'est impossible, dit le gai l lard; j 'aiusé tout le baume de saiat Damase. >

La dévote s'en va chantant des can-t iques.

Quelques mois se passèrent. Qu'arri-va-t-i] ? Son ventre enfla et enfla chaqueio'rr davantace. I i l le crut bien vitc êireatteinte d'hvt lropisie et consulta les bon-nes femmes qui hi f i rent prenCre clesbains et clcs t isanes de toutes scrtes. I{é-las ! I 'hydropisie continua. Un beau jour- il y avait bien neuf mois que la dé-vote âvait laissé éteindre la lampe de

,

DE CONSTANTINOPLE ùL

saint Nicolas - elle se sentit prise deterr ibles dorr letrrs et crut que sa der-nière heure étr i t venue!

Le bruit s'en répand aussitôt dans levillage. Les commères accourent, don-nent les conseils Ies plus bizarres et seprennent même aux cheveux, chacunevoulant imposer son remède.

Enfin, une femme plus sensée courtchez le médecin,

r Monsieur le docteur, âccourez vite;ma voisine, la dévote, I'hydropique vamourir l

* Laissez-moi donc tranquille, dit lemédecin en riant. Je suis renseigné surson cas. Votre voisine n'en mourra pas.Dites-lui que j'irai la guérir après mondéjeuner. "

Les souffrances âlrgmetltent; le méde-cin n'arrive pas. Toutes les commèressont p€rsuâdées qrre la dér'ote a vu ve-nir sa dernière heure. On va chercherle curé qr.ri apporte les saintes huiles.Le prôtre s'approche du l i t .

. Eh bien! d;t i l tout bas au niédecinqui, son déjeuner achevé, vient d'ar-river.

- Ecoutez, Lonsieur le curé. Enten-dez-vous ce vagissement? r

I

Page 32: Contes Licencieux de Constantinople

CONTES LICENCIEUX

Et ce disant le docteur présente âuxassistants un superbe gârçon.

. Iml:éciles! s'écrie le orêtrer vieillesfernel lcs ! Vous rrcLLs êtes trompées desacrementl C'est po.ur Ie baptême qu' i lfallait m'appeler I r

(Contè par Georgesle Sozcd., d'Indgé-Sou,à Conslant inople\ .

VI

LE CADI Eî LA PAUVRE FEX{tr,IE

Un cerlain Cadi se promenait dans unevailée où il avait comme oronriété unevigne et quelques chonlps paisemés dcvieux oiir,iers. La vignc était bien entre-tenue, mais les champs étaicnt couvertscl'arbustes et d'ireiL;es sâuraqes.

Torr t à cor: l ) , le j i 'q: s ' r r rê iâ. Dcs chè-vres broutaient da:rs son champ" - tleschè' i ' res élr iugèrcs, puisqui l nê possé-riait comme bétail rç.r'rine mnle et un ânc.Qui était assez osé pour se pelmettrrtl'user C,-r bicn du Cadi?

. Ces chèr,res ne sont pas seules, pensale juge. CLrercirons le berger! "

Il ne f',rt pâs longirî:ips à trouver sorr.

DE CONSTANIINOPLE

voleur. Derrière l'abri d'une roche, iltrouva uire jeune femme qui faisait paî-

+ tre d'autres chèvres et une vache re-tenue par une corde.

" Ah! ahl je t 'y prends, coquinel ton-na ie Cadi. Je savais bien gu'on me volaitI'herbe rlc mes charnps ! tr{isérabie, tuoses voler le jugel Ton affaire est claire.Ou tu pâyerâs une amende de cinq

" medjidieh ' (110 fr.) ou tu iras pourriren prison!

- Seigneur Cadi, s'écria Ia femme,ayez pitié de moil Que vous font ces her-bes que vous ne réeoltez p'oint et quine v{rus servent de rien? Les riches eties puissants doivent â\'oir pitié des pau-1'res gens.

- Tu payeras l'amende, ou tu iras enPrisonl )

La pauvre fcmme pieurait et soupirait.Le Cadi restait insensible.- II le parais-sait pl'.rtôt. Une idée lui étaii venue. Lafille éirii fraîche comme Ia rose et io-

3 l ie. s i jo i ie! . . .' . Ecoute. iirllt-il par dire, nous pou-

\.ons pe'.rt êre no:ls arfarger.: - Oh| dites, seigneur Cadi! que faut-il

faire ?- Nous sommes bien seuis ici: tu es

Page 33: Contes Licencieux de Constantinople

o* CONTES LICENCITUX It

IIItI,

DE CONSTANTINOPLE 35

une jolie fille. L,envie m'est venue decoucher avcc toi.- Vous vous moguez?

.- Pas du touil Allons, couche_toi,et nous nous amuserotrs pour passer lel:Tlrl

i.. re .permertrai O.'fou".àg"r-mes

cnamps tout à son aise.- Jamais je n'oserais...* Alors c,est I 'amendel' .- Où voulez-vous rrue je trouve citrg

medjidieh, à moins de'venore ma vacheet mes chèvres?

- Tu iras en prison ! >_La femme réf lèchit . Après tout. cou_

chcr avec le Cadi, un , i r ,uui oà"JJi_nage.,^.ce n'était pas déshonorantj Et lesacnf ice n 'étai t_pas bien grcnd!

.. .1_ÂIlonr, te décit les-tu? Tntcmogea leJuge.

- Je suis décidée, mais.. .- tr lais quoi ?

_-- Penrlant gue nous nous amuserons,

ma vache pourra s'échapper, et alors.. . i- Sctte! je vais attaèl ier ' la corclà'à

mon pied. Tu seras tranquil le. r.Ainsi f i t le juge. La fernrnc se coucha.

s'étendit sur l herbe et le Catl i n;euir ien

.de plus pressé que de p.cna"Ë Jï! l : l : r i .

l j rentôt, les jambes du jugc semrrent à danser et à secouer la iache

qui. étonnée. pris effarée, troubla I'or;é-raLion et s'enfuit . fol le de terreur, èn-trainant le juge do;LL la p;oclre labourai tles herbes. l .s épines ef les cai l ioux.

r -\rrètel arrète! cr iait la fcmme. rLa vache n'en courait que cle plus

belle. Les vêtements du Cadl étaieni enloques. Bientôt le magistrat se trouvatout nu. La maudite bête dévalait main-tenant la route de la ville. Aux cris deIa femme, Ies gens sortaient des maisonset criaient comme des possédés. La vaches'abattit enfin et l'on put délivrer lenra.lheureux Cadi qui était à moitié mortde honte et de mal.

L'histoire s'ébruita. Le juge guéri n'o-sa plus recevoir les piaideurs, et, peuaprès, il se fit nommer Cadi dans unpa.r.-s lointain.

i.C. n s a t, t i ttop I e, r d,cont é par C ara-Eass an-Oglou 1

TiI

LES ÏROIS N.\TFR\GES

Ln honme. sa fenme et leur petit en-fa:rt fireut nau.hage dans une lle déserte.

Page 34: Contes Licencieux de Constantinople

ôo CONTES LICENCIEUX

Six mois après, des marins abordèrentdans ce lieu désert et les trouvèrent envie. Il n'y avait ni eau ni vivres danscette île. Comment avaient vécu les nau-fragés ?

C'est bien simple. La fernme donnaitses mamelles à son rnari et à son enfant.

- Et la femrne ?* Elle suçait le bâton de son maril

{8e raconte un lteu partout en Tttrrluieil;Europe.)

vII

LA CONFESSION

Un jeune homme ya trouver un prê-tre,

. Je voudrais me confesser.- C'est bien; viens à l'église. rIl lui raconte une foule de péchés insi-

gnifi.ants et s'arrête.o Est-ce tout? demande Ie curé.- Je voudrais bien qu'il en fût ainsi,

soupire le pénitcnt. ÀIais ne crois pas,mon père, que je sois venu pour cespetites peccadilles.

- Àlors" continue.

DE CONSTANTINOPLE 37

!

Ii

51

II

I

II{"l'tJ

_ : J9 n'ose pIus. Au fnit , j 'eusse mieirxfait d'al ler à Constantincple en pré_textant quelque voyage et de me confes-ser a un autre gu'à toi. r

Le prêtre bontiit.

" -Est ce que je ne vaux pas un autre

curé, ffrt-il mêrne de Constântinop.le?

. I Ne te fàche pas. .fu vaux le pa-triarche. Mais ce que j'ai à te confesierest.bien étrange... pour tci . l l s 'agit desott ises que j 'ai fai tcs avec des gensl.. quite touchent de près.

_ - Q-u'cst-ce que cela peut bien mefaire? Je suis ici lc rcpréseitent dr Jésus_Christ. Je n'ai r ier i à voir avec mesamis. I

- S'it ne s'agissait que d,arnis!- Hein! quoi?- Oui, voilà le difficile. Cela inté-

resse...r mais je n'ose pas alier plus loin!- Dieu a parclonnd à saint pierre qui

I'avait renié par trois fois; il a p.rÂi,que des tas de va-nu-pieds, cle banditset de garces devinssent des saints et dessaintes g'rie nous vénér.ons. pourguoi.1ei, ch.étii, ne saurais-t-r être pardoinéi

- Ces É\ implcs me t- ,nt- ,ut . Eh bicnlje m'accuse. petit père, d.'avoir couchéaveç votre fânte.

- Ua taate? laquelle?3

Page 35: Contes Licencieux de Constantinople

s8 CONÎES LICENCIEUX

- Calliope.- Call iope, la borgnel Ce n'est pas

un péchél Tu lui as rendu un fier ser-vice; malgré ses quarante-cinq ans, per-sonne n'avait jamais pensé à la dépuce-Ierl C'est bien, très bien! Tu iras eu Pa-radis pour avoir eu pitié de la borgneCalliope I r

Et le curé se met à rire si fort queles boutons de sa r<ibe en éclatent.

< Est-ce tout? demande-t-il un peu cal-mé.

- Hélas ! non.- Allons, courage, mon enfantt- Votre mâtine de nièce, la fille de

votre frère Jean, me surprit avec CaI-l iope. Pour obtenir son silence, je dusIui faire faire connaissânce aveç I'ins-trument qui m'avait scrvi.

- Ceci est plus grave... Mais, au fait,mon frère Jean ne I'a pes volé. Nlalgrétous mes sages conseiis, il élève trèsmal sa fi l le... En fin de cotupte, tu esexcusable. Tu as bien fait ccpendantd'avouer ces actions déshonnôtcs. Priele Seigneur de te pardonuer cornme jete pardonne.,.

- I\[ais, Lonsieur Ie curé, ma confes-sion q'es.t Pas finie. Je @stlEue.

DE CONSTANÎINOPLE 39

- Quoi, encore? murmure le popeinquiet.

- Yotre garce de nièce a bavardé avecvotre iille...

- Et puis?- Mon Dieu, il paraît qu'on ne s'en-

nuie pas aveo rnoi, je veux dire avec lehavail de ma pioche; on a vanté mesfaibles mérites. J'ai rencontré votre fillequi m'a sauté au cou et, comrne la chairest faible et que le Diable nous conduit,j'ai couché avec votre fille... quatre foisle samedi...

- La veil le du dimanchel- Et trois fois le dirnanche.- llisérablel hurle le curé. Tu as

abusé de ma fille! mon Andromaquecheriel une vierge que je destinais auplus riche marchand de la villel Bandittu iras en Enfer!...

- Voyons, mon petit père...- Oui, tu peux bien maintenant m'ap-

peler ton petit pèrel...- Yous m'avez dit tout à I'heure que

j'irais el Paradis pour avoir pioché lepre de la rieille borgne! \rous vouleztn:infspa1t m'espédier en Enfer!...

- Uais ce n'est plus du tout la mêmechose. Tu as touché à un saint de Iatribu de IjyL Coucher avec [a fille d'ua

Page 36: Contes Licencieux de Constantinople

40 CONTES LICENCIEUX

pope! c'est un crime que Dieu ne tepa.rdonnera jamais I

- Alors, je me fais Turcl A suoi meservira-t-il désormais de prier, ae jeùner,de me mortifier, d'assisÈr à'vos lofficesinterminables? Damné pour damné, jepréière alter à Co,nstantincple et eml:ral-ser la religio,n de Mahoinet. Au moins.aurai-je autalt de fcmnrcs qu i i nrc plai-ra et Allah m'en fournira de p,lus bèlleset de plus amoureuses après ma moit.

- Tuis-toi, matheurcuil Tais-toil Tuprofanes cetie église... À{ais, dis-moi,irais-tu bien te faire infidèlel. - Certes, si vous ne nr'écoutez pasjusqu'au bout.

- Allons, mon enfant, parle et oubliece que je t'ai dit.

- Je termine, mon père, et je ne se-rai pas long. J'ai aussi couché avecvotre femme ! r

I-e curé ny peut tenir davantage. IIrelève sa robe, jette bas sa culotte. etprésentant ses fesses au pénitent:

q Allons, dit-i l , baise-moi aussi: tu au-ras baisé toute la famille ! r

(Raconté ù Rodosto put 'u?L pope or ig i -naire de .Lerbos ).

DE CONSTANTINOPLE 4L

VIII

POURSIJOI LA FEM}I8 A UN PENTUISET LTIOMME UN BATON

, Dieu créa I'homme, Adam, du limon de13 terry Puis il fit Éve A'une côte à,À_dam. Et Adam et Eve jouaientâ;";l;Paradis terrestre. Ils étàient

"o, "i-","iasaient point. honte, ignorants q;,ilsétaient du Bien et du'l laï._ Eve avait été faite sur le mo<tèle deDieu, comme Adam. Et Dieu eiuil p*_tagé en un côLé droit, le père, et- uncôtg gauche, l 'Espr:t. De sorte qu'Aan*€t F;ve avaient le corps séparé sur le dc_:".1t .puf une longue ouverture qui nl_lait de la bouche jusqu,au milieu desculsses.

- L-n matin que Dieu se promenait dans

Ie Paradis. il vit Adam ef Erre endormis._ . Ce n'est pas bien joli. cette o.ri,""-turei pensa-t-il. Il faut que je remédieà ce défar--tl r

- . I l r : fécl ' i t et p- i t deux aiq"r i l lées de

iir q:' i ! eri i 'a. puis. réveil iant Adamet Eve. i l leur dit:

. Tenez. conserçez la bouche, rnais3etrez-ïoEs 4e ce fil FoW rpçoqdre çettÊ

Page 37: Contes Licencieux de Constantinople

longue plaie qui vous rend fort vilains. rAdam, peu habile à la couture, se

mit à coudre à longs points de Jérusa-lem; il arriva au bas du ventre ayantparfait son ouvrage, alors qu'il lui res-iait encore un bon bout de fil.

Quant à Eve, en Petite femme méti-culeuse, elle cousait, cousait à petitspoints,'si bien que I 'aiguil lée de fi l neiut pas suffisante. Il restait encore unepetite ouverture à coudre.- . CeIa va bien. dit le Père Eternel'

Que la femme collserve ce pertuis etoue I 'homme Possède un membre delà lonsueur du fil, dont il n'a pas faitusaget r

Ciest depuis ce temPs que I'homme aun petit bout pendu entre les cuisses,alors que la femme a un trou... qurn'est pâs inutile du reste, n'est-ce pas'gaillards qui m'écoutez?

(Chios')

42 CONTES LICENCIEUX

IX

LE CORDONNIER DU COUVENT

Un cordonnier travaillait chez un mar-chaud de la ville. Quand vinrent lee

DE CONSTANTINOPLE T8

fêtes de Pâques, le patron alla se eon-fesser. Le popelui f ifremarquer que sonouwier n'était pâs encore venu._ r Je lui en parlerai à mon retour, difle maître. r

Rgltré chez lui, il dit à son employé:< Voici les fêtes de Pâques; tu Abis

te eonfesser et communier comme lefont tous les honnêtes gens.

- Que me chantez-vous là? Que veu-lent dire ces mots: se confesser et com-munier?

- Es-tu donc un palen?... Apprendsque se confesser, c'est aller trouver lepère confesseur et lui raconter tous lespéchés sans lui en celer aucun: com-munier, c'est, avec la perrnission duprêtre, être admis à manger le pain età boire le vint

- La belle affaire I Ai-je besoin de Iapermission de quiconque sur la terrepour manger du pain, des figues ou desolires, boire du vin bon ou mauvais.selon l 'ét:rt de ma bourse? Vous voujrnoquez de moi!

- Pauçre ignorant! Je vois par tesblasphèmes que tu ne sais rien dessaintes pratlques de la religion! Ecoute-rnoi donc. Le pein et le vin du prêtre&e sont pas le paia dont tu te nourris et

Page 38: Contes Licencieux de Constantinople

44 CONTES LICENCIEUX

le vin dont tu abuses. Sous leurs espèces,nous communions du corps et du sangmêmes de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

- Bien çlue n'y comprenant pas grand'chose, je vepx en essayer. NIoi aussije me confesserai et je communierai,Et, pour ne pas différer, je cours àI'instant chez le pope. t

Notre cordonnier s'en va chez le prê-tre et s'accuse, comme on le lui a dit,de tous ses péchés, gros, moyens etpetits, sans en onrettre aucun) ce quilui prend bien une heure. Le curé enest effaré. Jamais il n'a entendu pa-reille confessicn!

* l\{on fils, dit-il au cordonnier, jene puis t'admettre à communier sousles espèces du pain et du vin. Tes pé-chés exigent tout d'abord une punitionrigoureuse. Tu vas quitter la ville etto rendre au désert.

- Au désert?- Oui, comme les anachorètes de ja-

dis qui, partis voleurs, paillards, gour-mands et ivrognes, trouvèrent dans lasolitude la force de s'aflranchir de leursvices et méritèrent de prendre plaeeà côté des plus grands saints.

- Je vous avoue, mon père, que jene déslre pas un€ place qussi élevée dans

DE CONSÎANTINOPLE 45

le ciel. Je ne suis gu'un pauwe ouwiercordonnier...

- Dieu ne s'occuPe Pas du rang qu'ontpu avoir ses élus sur la terre. Tu iras auàésert. Et là, durant trois années, troisans. entends-tu bien, tu t'abstiendras detoui ce que tu as aimé: le pain, la viandeet le vin...

- Est-ce tout? dit Ie cordonnier fai-sant la grimace.

- Tu n'auras aucun commerce avecles femmes,..

- Ceci est inutile. Je crois qdau dé-sert les femmes ne doivent Pas êtrenombreuses.

- Au bout de ces trois années, tespéchés te seront remis. Ce temps d'é-

ireove achevé, tu seras adtnis à mangerie

"o"ps et à boire Ie sang divin du

Christ. rLe cordonnier regrettait d'être venu

se confesser. Enfin, puisque le vin étaittiré, il fallait le boire!

Il se mit donc en route vers le désert,où il arriva après un lotrg voyage' -

Âlors il vécut de la r-ie des anacho-rètes. Ses habits le quittèrent par mor-ceaux. lI técut un Peu comme Adanrasant la faute. Il se nourrit d'herbeset de racines amères; il but I'eau sau-

3.

Page 39: Contes Licencieux de Constantinople

46 CONTES LICENCIEUX

mâtre des rares sources. Bientôt il parufque ses os perçant la peau vori laientabandonner son pauvre corps émacié.

Il allait, de droite et de gauche, d'avantet d'arrière, ne rencontrant jamais âmequi vive.

Un an se passa ainsi. Tant qu'unjour le cordonnier trouva un iheminescarpé qui le mena à un couvent oùvivaient trois cent soixante jeunes fillestoutes issues de sang royal, et toutesplus belles les unes que les autres.

Le couvent était gardé par plusieurscentaines de soldats qLri avaient I 'ordrede nc laisser approcher aucun mâle vi-vant, fût-il un animal des forêts ou unoiseâu de l 'air. . .

Par hasard, le cordonnier était arrivépendant Ia nuit et avait pu échapperà la vigilance des soldats. Il put toutjusle arr iver au fossé qui entôurait leeouvent. Là, il tomba exténué de fati-gue et s'endormit.

Au soleil levant, Ia supérieure du mo-nastère ouvrit sa fenêtre. Se p,enchantdistni tement. e l le aperçut le cordonnierqui, tout nu, dorrnait à quelques pas,Vite elle prit un manteau et alla le dé-poser sur le dormeur qui se réveilla etqu'elle fit entrer dans sa charnbre.

DE CONSTANTINOPLE u7.:II

I

N'allez pas croire que c'était par cha-rité que la supérieure faisait pareil ac-cueil à I 'anachorètel

EIle commença par faire Prendre unbain parfumé au pauvre pénitent quien avàit grandement besoin. Puis ellele revêtit de fins habits de soie et luiprépara à manger.-

* I\{on ami, lui dit-elle, voici du painde fin froment, Prenez-le pour retrouvervos forces.

- Hélasl mon confesseur m'a défendude toucher au Pain!

- Défendu dè manger du Painl Maisceci n'est pas du Pain: c'est de l'<of-frande r.

- S'il en €st ainsi, je mangerai I'of-frande âvec un vif plaisir. Cela me chan-gera des racines sâuvages auxquelles j'a'Yâis dû m'habituer... r

Le cordonnier mângea plusieurs painssans pouvoir se rassasier. Alors la jeunefemme lui offrit de la viande.

. llon confesseur me I'a défendu.- l lais. mon ami, ce n'est Pas de-la

riande que je vous donne: ee sont despigeons rôtis.- I- si ce sont des pigeons, je les pren-drai avec joie! r

Et il dévora les Pigeons.

Page 40: Contes Licencieux de Constantinople

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a8 COIYTES LICENCIEI]X

( Tenez, mon bon arni, buvez de cettefortifiante Lqueur.

- N'est €e pls du vin?- Q iie non ! C'est de la tisane de raisin.- Ccttc tisane ne rn'cst pas défenduel

s'écria jcyeuse:nelt Ie cordonnier. >Et ii bul pLusieurs f.iacons de ce vin

royal.Cet excellent régime et toutes les dou-

ceris ciont ie corni-rlait la supér.ieurecurunt bicnïôi- Iait dc renrlre â l 'ana-ehorèie ses iraîches couleurs et son em-bc,lp,oint.

Aussi, un soiq la bonne jeune fille I'ap-peia et lui dit :

n rlIon cirer ami, venez donc me tenircompagnie dans mon lit. Nous y seronstrès bien pour causer de vous, des vôtreset de r/otre pays.

- Ce serait avec grand pl4isir que jewucherais avec vous, mâis mon confes-seur me l'a défendu.

- À{on ami, je ne suis pas une femme;je suis une religieuse, Votre confesseurvorrs a-t-il défendu de coucher avec Bnereligieuse ?

- I l ne m'en a pas parlé.- Alors rien ne vous en empêche. aSa conscience en repcs de ce côté, le

pénitent fut trientôt auprès de la supé-

DE CONSîANTINOPLE 49

i{rt

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*

rieure. Et aussitôt aussi il fut son hôte.Jusqu'au matin, il ne pensa pas à dor-mir; la bel le ne jugea pas à ProPos del'arrôter dans les charmants combatsqu'il en8eprit avec elie. Jamais Ie cor-donnier n'avait été à pareille fête. Ja-mais il n'avait conduil son fr'ère jumeauen si bel asile. Aussi ce diable ne selassalt-il pas de visiter le logis royal etil s'y conduisait pius vaiilamment quedans les pautres nasures où on I'avaittrop souvent mené. Quant à Ia jeune

fille, la perte de son pucelage était ledernier de ses soucis.

II ar:riva qu'un jour une des trois ccntsoixante rcligieiiscs s'ap:rçut que la su-périeure avait dans sa chanrbre un fo;'tbeau jeune homme.

Elle fit part de sa découverte auxpl.incesses ses s{!ui's) qui se rendirentchez leur aînée-

" Un homme est chez toi, dirent-elies.

Qu'il soit comrnun à nous toutes, ounous préviendrons le r-oi à sa premièr-elisite. ,

Bien à regret. câr elle saYait ce qu'ellev perdait. la supéi'ieure consentit à par-

tager arec ses sceurs.Èt soilà noti:e cordonnier maîire et

se-igneur d'un harem sans rival de trois

tr

Page 41: Contes Licencieux de Constantinople

50 CONTES LICENCIEUX

cent soixante jeunes filles, toutes viergeset belles comme le jour!

Le pénitent ne mâIlquait pas de beso-gne. Mais on lui servait si bonne chère,si bons vins, si bon rali lr. i ! Au bout dequelques mois, grâce à sa pioche si so-lide, il avait défriché le champ inculte.Il n'y avait plus une vierge dans Iecouvent. Les jeunes religieuses voyaienttoutes leur taille s'arrondir par un inex-plicable prodige. Les innocentes attri-buaient ce résultat au bonheur de Pa-radis dont ellcs jouissaient auprès dupénitent. Quelques-unes disaient que lecierge de I'anachorète jouissait de ver-tus particulières.

Le temps oir le roi devait visiter sesfilles allait arriver. Le cordonnier enavait été informé. Craignant d'être sur-pris, l'ancien anachorète prit Ie partide s'enfuir du monastère non sans em-porter les diamants superbes dont luiavaient fait cadeau les princesses.

Un jour de grande fête, tandis que lesreligieuses étaient aux offices nocturnes,il put sortir du couvent sans être aper-çu.

II rentra dans le désert et, s'orientantpar la lune et les étoiles, supportant tou-tes sortes de privations, redevenant l'a-

I

DE CONSTANÎINOPLE 51

nachorète maigre et nu de jadis, il ar-riva dans sa ville et s'en fut trouver lepère confesseur.

. Ouvrez-moi, mon père!- Qui es-tu?- Le cordonnier que vous avez en-

voyé faire pénitence dans le désert. Lestrois années sont écoulées et me voici. t

Le père spirituel ouvrit. Il vit un êtredont la barbe et les chevertx étaient'comme ceux du Diable et dont le corpsétait tout noir. Il crut que c'était Satanet i l lui ferma la porte au nez.

Le cordonnier se coucha devant laporte et s'endormit sans tarder.

Le lendemain il put entrer chez sonconfesseur qui le reconnut.

r Es-tu resté trois ans au désert?- J'5- suis resté trois ans.* As-tu mangé du pain?- Je ne me suis nourri que d'herbes,

de racines et d'offrande.- As-tu mangé de la viande?- Je n'ai mangé que des pigeons.- As-tu bu du vin?- Je n'ai bu que du jus de raisin.- N'as-tr"r pas eu commerce avec une

femme?- Jamais avec une femme, mais avec

hois cent soixante religieuses.

Page 42: Contes Licencieux de Constantinople

52 CONTES LICENCIEUX

- Ah! le mauditl le gourmand! I ' i-wognel le paillard! Tu ne crains doncpas Notre-Seigneur? Ne sais-tu pas gueles reliqieuses sont les sceurs de Jésus-Christ? Jamais tes farrtes ne te serontpardonnées. Va-t'en, maudit!

- Ah! les reliqieuses sont les sæursde Jésus-Christ! Ma foi, je vais les re-trouver. Si Jésus-Christ est mon beau-frère, qu'ai-je besoin de ton pardon,fils de putain? Je serai toujours millefois plus puissant que toi! Je me moquede tes sermons et de tes malédictions.,ddieu ! "

Et, ce disant, le cordonnier reprit lechemin du désert et alla retrouver lessæurs de Jés:s-Christ qui le reçurentcomme l'Enfant prcdigue et tuèrent plusd'un veau gras en son honneur!

(Cnnté par Nicolns Chrysnpor,holos, ile l'îlelle Spetzia, médecin ti Méteilin, Lesbos.)

xLE SACRISTAIN ET LE DIABLE

Un jour de Vendredi-Saint, un prêtresurprit le sacristain de l'église occupé

DE CONSTANÎINOPLE DÔ

à secouer une vieille dévote. A côté,cles ceufs cuisaient sur la lamp'e quibrûle nuit et jour devant la sainte iconede Jésus crucifié.

< Misérables! s'écria le prêtre en s'a-dressant aux deux coupables; vous com-mettez quatre péchés qui sont de-s crimesép,ouvantables. Vous forniquez dans-uneegtise; vous faites gras le jour d-u Ven-diedi-Saint; vous mangez dans le tem-ple consacré au Seigneur; vous faitesèuire des ceufs à la flamme de la lampeéternelie! r

Le sacristain et la femme ne savaientque répondre. Enfin I'homme prit une

résolution.< Père spirituel, priez pour-nous! C'est

le Diable qui nous a conseillés! I

A l'instant même, le Diable se présentamalsré la sainteté du lieu'

n Je suis diablc dcpuis quarante anst

s'écria-t-il, j'ai vu faire gras le -jour

duVendrediSàint; j'ai vu mânger dans-uneégl ise; j 'a i vu'plus C'un prôtre labou-.Ë" fn i igne dei dévotcs; mais-jamaisil ne me"serâit venu à I'esprit de faire

cuire des ceufs sur la lampe du sanctuai-

re. Cet homme et cette femme en re-

montreraient à tous les diables de l'en-

fçr! r

Page 43: Contes Licencieux de Constantinople

51 CONTES LICENCIEI]X

Pourrité.

une fois, le démon disait la vé-

(Ind,gé-Sou.l

XI

L'HOMME QUI COUCHA AVEC LEDiABLE.

_ Un homme en voyâge arriva au milieud'rrne plaine immense où ne se trou_vaient ni_un arbre, ni un rocher pourI'abriter. Une averse épouvantable êtantsurvenue, le voyagcur se déshabilla, mitses vêtements dans une mesure (pourles grains), renversa Ia mesure et'i'as_sit dessus.

Au b_out de quelques heurcs, la pluiecessâ. L'homme prit ses vêtementj quin'avaient pas été mouillés, s'habilla etse remit en route.

Chenrin faisant, i l rencontra un démonddguisé en femme. Ce diable fut qranrle_ment élonné de voir un homme dont lcshabits étaient rcstés secs malsré I 'a-verse, tandis que lui, démon, était tren_p,é jusqu'aux os.

CONSTÀNTINOPLE 65

Le malin voyageur, de son côté avaitremarqué que I'iriconnu était déguisé

-enfemme. Coirment? C'est bien simple' Larobe mouillée collait au corps du démonet moulait un outil et des grelots qui

nétaient Pas de Petite taille'

" Comnùnt, s'éciia le Diable, commentas-tu fait pour rester sec sous la pluie

torrentiellé qui vient de tomber?- Ceei est mon secret.- Fa-is-Ie moi connaitre, ie fen con-

iure.- - Je le veux bien, mais j'Y mets une

condition.- Laquelle?- Je monterai sur toi.- Tu es fou! Je suis une femme sa-

9e...- Tu n'es Pas une femme'..- Que suis-je donc, voYageur?- Un homme.- Et à quoi Peux-tu assurer que Je

suis un homme?- Ne voit-on Pas ton outil et tes

sonnettes ?- C'est 'l'rail murmura le démon"'

Mais si je suis un homme, tu ne Peuxmonter sur moi.-

- J'ai dit r monter r. Allons, es-tu

prêt?

Page 44: Contes Licencieux de Constantinople

ao CONÎES LICENCIEUX

- Je suis assez curieux pour te sa-tisfaire. "Le voyageur sauta sur le d.iable et!e- piqua à lui faire demander grâce.L'homme n'en eut cure jusqu,au mo-rnent où, ayant pris son plaisir, il laissale pauvre dérnon.

< Àfaintenant, dit le voyageur, je tedois l'explication promise. r

Et il lui raconta comment il s,v étaitpris pour mettre ses vêtements à l,a-bri de la pluie.

u Voilà un homme ptrus fin que moilrpensa le diable....

Bien des années ap,rès, I'homme vintà mourir. Le mauvais ange Ie porta àla porte de I'Enfer. Le gardien s'écriaaussitôt:

<Va-t'en; i l n'y a pas ici de placepour toi! 'Les autres démons étaient étonnés.

< Pourquoi ne reçois-tu pas cet hom-ne? interrogèrent-ils.

- C'est que cet ho'mme est trop, ru-sé. Je dus lui servir de fernme un ioursur la terre. Si je I'acceptais en Enfôr, iltrouverait bien le rnoyen de nous baiser

;. t

(Indgë-Sou.l

tous ! r

DE AONSTANTINOPLE OI

xII

POUR FAIRE UN PATRIARCHE

Une jeune fille venait de se marieraves un riche propriétaire très avare. Lepope était arnoureux de la beile; cepen-dant, par crainte du scantlale, il n'avaitjamais essayé de lui faire partager sapassion.

C.omme un jour la mariée était occu-pée dans son jardin, Ie prêtre se mità pisser de son côté, semblant igno-rer la présence de la fernrae. Celle-ciayant levé les yeux derncura strrpéfaite.La pioche du curé était peinte en troiscouleurs: le bas était rouge, le milieujaune et le haut noir.

La jeune femme n'eut rien de pluspressé gue d'aller raconter à son maricetle chose extraordinaire.

< En es-tu certaine ? demanda I'hom-rne.

- Aussi strre gue de mon existence.- Je n'ai jamais ouï parier de ceci.- Les curés sont peut-être faits au-

lrement que les autres hommes?- Que non! On le saurait! En tout

cas, je m'en informerâi auprès du papa.

Page 45: Contes Licencieux de Constantinople

58 CONTES LICENCIEUX

Invitons-le à souper. On fera festin.Nous boirons du bon vin et clu meiileurrakhi et l'on racontera des histoiresépicées; je ferai jaser le prêtre Atha-nase.

- L'idée n'est pas mauvaise. Invitele pope pour ce soir.

- J'y cours sans tarder. lL'homme n'eut pâs de peine à décider

le prêtre. Le soir venu, on se mit àtable et chacun mnngea et but commequatre. Le bon vin et le rakhi aidant,la conversation prit un tour très profa-ne. Le curé raconta des histoires peuédifiantes; le marié chanta des chan-sons très lestes.

r Un nouveau verre de rakhi, monpère ?

- Avec plaisir, Alcibiade.- A propos, est-ce vrai. ce que I'on

raconte dans le viliage?- Que dit-on?- Voici; on assure que votre bâton

pastoral cst tricolore l- C'cst I'exacte rérité. Ne sais-tu pas

que c'est un don du ciel. On m'a ensei-gné qu'un prôtre seul par demi-siècle,était doué comme je le suis. J'en re-mercie chaque jour le Seigneur. Et siyg_Ep feg!Êe D,'était p-as Ià...

DE CONSTANÎINOPLE 59

- Retire-toi un instant, Cléo... Là,maintenant vous pouvez parler. t

Le prôtre mit en I'air son bâton.r Vois-tu Alcibiacle?... Si je n'intro-

duis gue le bout uoir, je fais un po-pe; si j 'enlonce le jaune, j 'engendre unévêque; si je pousse jusqu'au bout, jecrée un patriarche. As-tu eompris ?

- Certai.rement! C'est mcrveil ieux!- Rappelle ta fcnnre et ne souffle

mot de ceci à qui que ce soit. Autrèmenton viendruil nre lrouver de partout pourfaire dcs évêques et des patriarches.Cela m'curichirait certcs, mais que di-rait ma feurnre ? r

Le papa retourné auprès de la popes-se, les deux jeuues mariés tinrent con-seil.

. I l nous viendra des enfants plustard, s' i l plaît à Dieu. ÀIais nous som-mes richcs et i l nous serait agréabled'avoir un fi ls qui serait évêque.

- Non, pas évêque, mâis pal.-riarche!Vois, Alcibiade, quel honneur it en ad-viendrait pour nous! Et ne serions-nouspas assurés du Paradis éternel?

- Tu as raison. Veux-tu que je supplie le prôtre Àthanase de te faire unpatriarche?

- $i cela p,o,qvait r$jo.u!a ton cæ,grl

Page 46: Contes Licencieux de Constantinople

60 CONÎES LICENCIEUX

- Certainement. Et puis coucher uneseule fois avec un saint homme, prédes-tiné par Dieu, est-ce un péché? Du reste,ce serait âvec mon consentement. On nepounait pas colporter que je suis cocu.

- Alors, vois Ie pl.être Àthanase.- Je ferai i'irupossible pour lui parlel

demain à l'insu de sa fcmme... Pensonsà tout. Combien crois-tu qu'il me de-mandera pour te faire un patriarche?

- S'iI ne demande que vingt médji-clieh, accepte vite.

* Réfléchissons. Vingt medjidieh,c'est une forte somme !

- Oui, certes, mais notre fils nousles fera regagner au centuple.

- Acceptons vingt medjidieh ! Celale m'emp,êchera pas de marchander. r

Le lendemain, le jeune marié abordele prêtre. Il lui parle du beau temps,des oliviers, de la vigne, de la récolte dumastic, il entame enlin la fameuse ques-tion qui lui tient au cceur.

u Ma femme et moi, nous n'avons prufermer I'ceil de la nuit, dit-il. Nous som-lres assez à notre aise, vous Ie savez.Nous pourrions donner à un fils I'ins-truction qui lui permettrait d'arriveraux plus hautes fonctions de I'Eglise.

- Cela je le sais. Aussi hâtez-vous de

DE CONSTANTINOPLE 61

travailler en conscience pour croître etmuitrpiier selon la palore des SaintsLivres.

- Nous aurons des enfants, je n,endoute pas, mais je ue possède pas l'ou-til tricoiore qui fait les popes, les évê-ques et les patriarches. Aussi ayerls-nous rlécidé, en considération de no-tre voisinage et de notre amitié, de vousdemander de nous engeudrer un patriar-che.

- Est-ce bien sérieux, Alcibiade?- Très sérieux. Seulement, avant de

prendre une décisiou ferme, je vcudraisnr'entenclrc avec vous pr.iur le prix. Leservice méiite rémunération... Et il v aaussi votre femrne qui sera lésée etqu'i l faut indenrniser.

- Je l 'ai toujours dit à la popesse:Alcibiade est un brave homme; il n,estpas cet avare dont se gaussent les malin-tentionnés.

- i\Ierci, père spirituel!... Quel prixme dernanderez-vous pour... le petit tra-vail. -r..

I- À{a foi, ce sera vingt medjidiéh

pour un pope, cinquante pour un évê-que et cent pour un patriarche. r

Le marié réfléchil. Mon père, à y bien songer, je ne

4

Page 47: Contes Licencieux de Constantinople

62, CONTES TICENCIETIX

puis mettre cent medjidieh dans I'en-treprise,

- Contente-toi d'un évêque pour cin-quante medjidieh.

* Non, pas cinquantel L'année estmauvaise. Le vin ne se vend pas. Lesorangers sont attaqués par la maladie.Les oliviers n'ont pas donné.... Je necommanderai qu'un p,ope... pour cettefois. Nous verrons l'année prochaine sije puis vous demander un évêque ou unpatriarche.

- A tes souhaitsl C'est entendu pourun pope. Quand. Iaut-it venir appôrterIa semence ?

- Ce soir, quand votre femme sera âulit, vous prendrez quelque bon prétex-te pour accourir chez nous. Il y auraun joyeux rep,as pour vous donner desforces.

- C'est entendu: à ce soir ! rLe prêtre rentre au presbytère où il

raconte à sa femme sa conversation avecAlcibiade.

n Que faut-il faire?- Remets des couleurs à ton bâton

pasto,ral, et cours souper chez cet im-bécile. Vingt medjidieh me seront utrlespour acheter quantité de choses quimargu€gt à notr"e p:auyre ménage.

DE CONSTANTINOPLE 63

- D'autant que je ne t'oublierai pas€n rentrant, et que je te laboureraiavec plus de plaisir {ue Cléo. r

Le soir venu. pêtre Athanase se rendchez ses voisini.-La table est mise. Lesvingt medjidieh sont là et passent dansla bourse au papa.

Enfin, voici le moment. Athanase sedéshabille, Cléo se voile les yeux desa main, non sans écarter tes doigtspour admirer le merveilleux bâton pas-toral.

< Allons, Cléo, dit Alcibiadq dévêts-toiet mets-toi au lit. r

Toute rougissânte, la jeune mariéeobéit. Vite le p,rêtre l'empoigne et saisitson bâton; il ne laisse passer

-que lapartie peinte en noir qu'il met dans lepertuis de la belle. Et tous deux com-mencent à sauter et à se trémousser. Lafemme soupire à I'unisson avec prêtreAthanase.

Soudain, sentant Ie moment venu, Alci-biade saute sur Ie lit et enserrant safémme et le curé. fait entrer le bâton detoute sa longueur.

r Cette fois, s'écrie-t-il. je suis strd'avoir un patriarche et il ne m'en coûteque vingt medjidieh!r

(Kardamyla, île de Chios, contë par lcDr. Ç. L. S.)

Page 48: Contes Licencieux de Constantinople

b+ CONTES LICEI{CIEUX

XiII

LES TROIS TOURS XIERVEILLEUX

Un pope étrit veuf. Il était aimé égale-ment de trois vieil.les f;Iies dér,otcs quise disputaient le bonheur cle partagerson lit.

Le père spirituel était fcrt embariassé.Toutes trois étaient assez bien conser-vées et également riches. A qui donne-rait-il la préf3rence?

II lui vint une idée. Réuuissant lestrois femrncs, il leur dit:

r Je coucherai avec celie qui fcra letour le plus habile. Je vous donne huitjours pôur y réfléchir. '

Nlacrine, NIaria-Sar,a et Caliope, nostrois amcureu.s3s. s3 relirèreni et s: li-vrèrent à leurs réfiexions. Q,-rels toursinventeraient-el les p,our entrer en posses-sion dr"r bâton pestoral vacant?

tr{ ' ; i t jours après,1es viei l les f i l les arr i-vèrent au rentlez-vous do prôtre Jcan-Baptiste.

Oa t ira au sort pour savoir quel leamoureuse coamencerait les épreuves.l\Iaria-Sava eut ie prer$ier nLlnréro el

"\iaçrùrc iç dçu;riè$c,

;

DE CONSTAI{TINOPLE

i{aria-Sava tira de sa poche une aman-r1e, la la,iça err I'air ei pr?stotnent re-troussa ses vêieire-.ts si- ir le cios ei reçutle iruit sec juste eilti'e les de:rx fesses.

n Voilà un tour merveilieux! s'cxciamaprôlre Jean-Baptiste. A votre tour, Ma-c-rùre!>

l,{acrine prit un dé à jouer, le Posaau cirrq el plaça un grain de millet danscliacune des p,eiites cavités. Puis, sou-Ie'rairt ses jupons et sa chemise, elle lan-çâ un pct formil:rblc qui fit tremblerto.ute la maison. Se relevant, elle mon-tra au curé ébahi, qu'elle a"'ait faiL voierer l'air les quatre grains clcs angles el.tlue seul celili du nrilieu éiait resïé clanssa cav-té.

u Et vous, Caliop'c, qu'aliez-vous faire?ciit prôtre Jean-Baptrste.

- Vous aliez le vcir, pèie spirituel. 'Caliope prit une aiguille à son corsage,

i.;va une jambe et, tenant l'aiguille paria pcinte, pissa si délicatement et si finquè tout passa par le chas. sans qu'ily manquât une goutte.

A q-Lri donner lâ vict'iile ? rr'otis eussiezété tout aussi cmbarrassé que prêtreJcan-Bapi iste.

Lc curô i tr i t un hcmn:c juste. comnierl sicd à uu rcpr'éser:ia;it dr'' -!':igllr'.ir.

1

)

Page 49: Contes Licencieux de Constantinople

66 CONTES LICENCIEUX

Les trois tours se valaient. Il se décida àfaire ce qui aurait dû lui venir à I'esprithuit jours auparavant. Il prit l{aria-Sa-va, Caliope et Macrine comme maîtres-ses, leur accordant à chacune deux joursde la semaine et réservant le dimanchepour s'occuper de son salut éternel.

(Lesbos, conté par Strati Pammia, em-plogé itre commerce,)

XIV

LE NID DE GUEPES

Une fille se confessait. Elle avouaqu'elle était enceinte de quelques mois.

s l{alheureuse ! s'écria le prêtre, n'as-tu pas honte?... Mais, dis-moi, quel estle garçon ou l'homme marié qui a cou-ché avec toi?

- Mon père, dit la fille, supposez quevous posiez votre cul nu dans un nidde guêpes. Pourriez-vous me dire la guê-pe qui vous a piqué?r

(Ch,i,os, conté par Constantin StraaéLahis,méitrecin.\

è

DE CONSTANTINOPLE 67

XVLE TALIST{AN D'HADJI-DEMETRIOS

Hadji-Demetrios était un saint ana-chorète qui avait fait, en marchant àreculons, le pèlerinage de Jérusalem. Ilvivai l dans une cabane qu' i l avait bàtiede ses mains au somnet d'une montagneélevée. Sa nourri ture étai l . cel le que-luiapportaient les gens clui de vingt lieuesà la ronde venaient lui demander sesprières ou ses conseils.

Un jeune homme vierge vint à se ma-rier avec une jeune fille dont il étaitpassionnément amoureux. La nui t desnoces, i [ eut beau vouloir accomplirl'agréable devoir, il n'y put parvenir.

Son outil était si excité qu'il se tenaitcollé contre son ventre sans qu'aucuneforce pût l'en arraeher.

II en fut de rnême les jours qui sui-rirent.

Le nouveau marié était au désespoiret sa fernme partageait sa douleur. Tantqu'enfin l'homme s'en ouvrit à sa mère,qui était une femme de beaucoup d'en-tendement et de bon conseil.

< Mon fils, lui répondit ia vieille, ilfaut aller trouver Hadji-Demetrios.

!'

I

ï

Page 50: Contes Licencieux de Constantinople

CONTES LICENCIEUX

- Qui est cet Hadji?- Un saint homile qiri vit en errnite

à dix lieues d i':i, vcrs le leva:rt. Em-porte dcs provisions; j:rins-y une pouleglasse, des æufs et un lromâge que tuofiriras à l'anackrorète, et prirs salis tar-der. Les gens du village te montrerontIâ route qui conduit à la cabane dugrand Hadji. ,

Le jeune bomme suivit ces instruc-tions et arriva le lendemain au hautde la montagne où il tnouva }IaCji-Dcme-trios en prière.

* Tu arrives à temps, ami, dit l'ermite.Les maur.a-s temps ont éloigré lcs fidè-les; je n'avais plus de provisions. Qucm'apportes-tu ?

- Un fromage, une poule et des ceufs.* Voilà des vivres pour huit jonrs-

Sois-en Ie bien rcmcrcié. i\iaintcna::i dis-moi ce qui t'âmène dans ces tristcsPârâges, '

L:i-@ râconta son inibrtunc.

" Je vois ce que c'est, dit le saint.Tu aimes trop ta fernme; I'arc est tropbandé; la flèche ne vent pas se mettredans la ligne de tir. Déjeunons, puis jeme rnet'rrai ea Prières. *

L'anachcrèie eut bieritôt fait de pren-

+

DB CONSTAIITINOPLE

dre son repas. Un æuf cru et quelquesfigues sècires y suifirent.

s Jeu.ne homme, meis toi en prières,c,rdonna l; saint. Je rais m: r:tir:r sousce bouq"iet de platanes pour demanderà l ieu I lnspir:rt ion qui mc ma;i{ iue. ,

Àprès unc heure d'oraison, iiaciji-De-metrios sortit du bois de plataaes etprise:rta au pèltr in une brg :ette ie bcisiongue de pli;s d'un pietl ei. tcrmirée parune fourche.

o Voici, mon fiis, le talisman qqi tepermettra de cultiver la belle prairieque tu as achetée. Quand tu seras montésur ta femme, tu abaissel'as ton outil àI'aide de cette fourche. Et ainsi tit pour-râs semer et récolter, ainsi qu'il nousest recornmcndé par le Seigneur lui-même. r

Le jeune homrne examinait la fourche.o Nc crr ins r icn, mon f i ls; ies paroles

sa-ramr:ntelles oat été prcno:rcées. Tun'éprotvcras pas de mécomptes avecmon ta-lisrnan. "

FIaCii Dernetrios donna sa bénédictionà son visi teur qu' i l corgédiâ.

Rentié chez hri , le j : tne marié n'eutrion dc pl',is pressé qrre de nettre àl'énrenle ie fameux talisman du saint'û iniraclel I'qutii récalcitr4nt s'abaissa

; 1 .l,! i :Li-.

k.-c i" '" '-t-

Page 51: Contes Licencieux de Constantinople

t0 CONTES LICENCIEUX

et trouva son passage. On juge de la joiedes deux mariés.

Après un repos, l'épreuve fut recom-mencée, et iI en fut encore plusieursfois de suitc sans mécompte.

La nouvelle, rapportée aux parents,ne tarda pas à se répandre dans le vil-lage et les alentours et Hadji-Demetriosen vit s'accroître sa haute réputationde saint et de thaumaturge.

Un mois se passa. La fourche lai-sait toujours merveille et venait à boutde I'instrument récalcitrant.

Puis un autre mois s'écoula. Et unsoir quo le marié n'avait pas songé àse munir du talisman, et qu'il lui étaitvenu l'idée de faire un tour dans sa vi-gne, il s'aperçut que la fourche étaitinutile. Il en fut de même les jours sui-vants.

Le jeune hbmme n'était pas égoiste.Maintenant qu'il n'avait plus besoin dutalisman, I'honnêteté lui commandait dele reporter à l'anachorète qui pouvaiten faire profiter quelque garçon tropamoureux.

Il sella son mulet, le chargea de vic-tuailles et de fruits, enveloppa la four-che dans une belle bo,îte de cèdre, ets'en ella vers la monl.agne.

+

DE CONSÎANÎINOPLE 7l

*tAh! c'est toi, mon f i ls! dit Hadji-Demetrios. Eh bienl es-tu satisfait âemon talisman?

-. Grâ99 à Dieu, il m'a rendu grandservice. Ma femme a été dépuceléie, cequi m'a enlevé en même temps ma vir-giaité

.qui me pesait. De plui, je seraipere dilts sept mois.

- Alors tu venais pour me remercier?- .bt pour vous rendre Ie talisman

mainlenant inuti le.-- Inutile, dis-tu! Quelle erreurl Con_

serve la fourche avec le plus grandsoin. Un jour viendra où êlle tJ ren_dra de nouveaux services.

- Et comment donc?- Eh! oui. L'âge viendra. Àlors la

fourche te servira encore... pour sou-Iever ton diable bien radouci et quipendra Iamentablement entre tes jaia-besl r

(Conté à Mételin, Lesbos, par le Dr. M.rI. D.)

Page 52: Contes Licencieux de Constantinople

72 CONTES LICENCIEUXi

I

XVI

LE MARCIIAND D'IIUILE QUI SE

FÀIT COCU

Un certain Antoine Papadopoulos étaitmarcliand d'huiie à Iiartlaniyla (Chios).It était marié à urre belle jeune femmedont ii iaissait la vigne presque tou-jours en friche. lr.nloine s'en excusaitpar ses occupations qui le tenaient par-lois ph,sieurs journées dehors.

La vér;[é, c 'csi qi.e btsugner avec safemrne ne lui piaisait pas beaucoup.Apr 'ôs un mois dc mrl ia3e. son ardeuls'était éteinte. Le marchand d'huile n'a-vait dans la tête qu'uDe jeune veuved'un village voisilr cilez laquelle il trou-vait moyen de s'arrÛter presque ciraquejour, et qu'il ne cessait de tourmenterpoilr la décider à lutier avec lui au jeude la bêie à huit Pattes.

La veuve était honnête, câr il est desfemmes honnêtes.

Un matin, An",oine Papadopculcs pas-sa chez Ia veuve à son habitude.

c Voyons, Iaisse-rnoi coucher avec tcicette nuit, et je te donnerai deux medji-

DE CONSTANTINOPLE 7ts

dieh, lui dit-il. Je monte dans la rronta-gne avec mon clotnestique. Je reviendraiquand tout le rnonde dormira. Personnene saura ce qri i s 'est pa_ssé.

- ÙIais.. . ta fenrne?- Je lui ai dit que je ne rentrerais que

demain matin. EIle ne se doutera derien.

- Allo,ns soit. Je t'attendrai cette nuit;car enfin, soupira la veuve, je suis pau-vre et les merljiciieh me renciront service.

- Voici les pièces d'or promises. Al-Ions, laisse-moi t'emi:rasser avant departir.

- Non; eette nuit, tu m'embrasseraslout autant qu' i l te plaira.

- Al lons. à ce soir! rLe marchancl d'huile s'en va tout heu-

reux rejo.indre ses mulets et son compa-gnon.

La veuve, à peine a-t-il disparu, n'arien de plus pressé que de courir à l(ar-damyla chez la dame Papadopoulos etde lui racoater ce qui. se pâsse.

<Voici ce gue vous ferez, lui dit-el le:je coucherai chez une yoisine et vousprendrez ma place dans mon lit. Ayezsoin de re pas dire un mot qui puissedétromper votre mari.

- Je vous remerciel j'irai vous rem-

o

Page 53: Contes Licencieux de Constantinople

t+ CONTES LICEI{CIEUX

plâcer. Mon mari vous a clonné deuxrredjidieh. En vcici un troisième ilûurvotre honnêteté. ,

Le soir venu, ilfme Papadopoulos secoucha dans Ie lit de la veurre et atten-dit.

Bientôt l'on frappe à la porle.q Entrezl dit la femrne dissirnulanf sa

voix. nLe rnarchand d'huilc se déshabille,

saute dans le lit et cûlilirrence l'aftaque.ç Ah I rna chèrc, que tr:. me rends heu'

reux! 0e n'est pas ma ferture qui medonnerait ce bonheurl:

La femme ne répcnd qr're 1lâr des sou-pirs... Et le marchaed d'huitre fait desprodiges. Enfin, apr'ès quatre assautscouronnés de succès, Antoine quitte laveuve et se rhabilie.

.Je sors pour pisser! d i t - i l r .Mais it en a assez. I1 dit à son domes-

tique qui fait le guet au dehors:c J'ai fait la chose quatre fois et suis

éreinté. La veuve est solide. Va me rem-placer, je t'attendrai.,

Heureux de I'aubaine, Ie domestiqueentre dans la chambre, trouve le lità tâtons, saisit la femme étonnée cle tantd'ardeur et la baise trois fois.

DE CONSîANTINOPLE l { )

- u Le patron doit s,ennuyer, pense le

dou.estique. Je vais le relôinârè.,II embrasse la femme et va retrouver

le marchand d'huile.. Fh bien? interroge celui-ci.

. - Trois fcis. mais j 'eusse é1.é plus lcinsl Je n'arais craint de vous impatienter.

- Eirfin, quatre et trois font sept.\vus en avons pour nos mccljidr.ehi ,

Et les deux hommes s,en vont Dasserie reste de Ia nuit dans une maisbn oiréiaient des joueurs.

Le iendemaia, Antoine rentre chezi-iI

r Te roilà déjà revenul dit la iemme.- -Yes affaires ont été réglées plus

; ' t : ç.e je.ne le croyais. -{ussi nous ien_=::s û: fJorl l :e heure. Donne_moi unr::- Ai pri;hi. r

l: f.rr2 lui r-erse un verre qu'il+ar -":-: trart puis encore trois autres.

. - -__i

r r erm. iÀna_ -:- lerre. dit Ia damer&;t&:1:.:ra:-: S-

- I.- 't_e:ri me sufiiselt.- !f - e:: !}ir .ï:atte. mris sept._-

Èj ; ' :_- :_:- 5._: i i r: - r . - : - ;

-

=a: à f -L--, -{].las, r-rf!,rs- à rrr çerre par voya_

EE: Ëia f*it bl.s sept yerzei.

Page 54: Contes Licencieux de Constantinople

CONTES LICEI{CIEUX

- Que me chantes-tu avec tes voya-ges ?

- Ne fais pas l'imbéciie. Qu'as-tu faiteeite nuit au village voisin ? Tu ascouché a\rec urre femrne, et tu t'es mon-tré solide gaillard. Je ne I'aurais jamaiscru. Tu es lat ire à ia maison, nrais audehors tu sais te montrer prodigue.

- Tu deviens fol le; je ne sais de quoitu parles.

- Je vais te rafraîchir la mémoire.Après la quatrième partie n'es-tu pasreyenu pour refaire trois part ies?... Tuvois que je suis bien rensergnée1... Ahltuas été trompél Tu pensais avoir affaireà la veuve et tu as couché avec ta fem-me, car c'était rnoi qui avais pris lapiace de cette honrrête créature à quij 'ai donné un medjidieh pour l 'ajouteraux tiens.

- Femme, tais-toil pardonne-moi!murmure le pauvre mai'chand d'huilequi s'était fait cocufier par son domes-tique. Que personne ne sache rien decette aventure! À partir de ce jour, jecultiverai ta vigne en conscience. Unesi bonne vigne mérite d'être bien la-bcr-rrée I u

lKardanzyIa,:

DT CONSTANTINOPLE 77

+ XVII

LE CADI CHATRE

Aux environs de Rodosto, l,ivait unpaysan d'une quarair laine d'années guiétait bien le garçon lc plus jovial etle

-plus farceur qu'on pùt imaginer. Avec

cela i l éLait gros et grâs comme unmoine, et frais et rose d,autant qu'iln'avait pâs un brin de barbe.

Il finit par se marier avec une femmed'un village voisin, qui était tirée dumême moule et qui lui ressemblait entout.

Un nouveau Cadi venait cl'arriver dansle pays. Il empioya quelques journéesà se promener dans la région. Si biengu' i l rcncontra le gros parian qui étaitoccupé à labourer son champ.

Le Crdi étai t lonc, maigre, snc commeun viei l échalas. La mine réjouie etresplerdissante du par-san I 'enthousias-ma. I I s 'à\ 'rnc:r vers I 'homme.

. Hél l emi l bonjour! Je suis le nou-veau Cadi.

- IIes c.ompliments, jrge. Le besoinne se faisait pas autrement sentir d_,un

t?

Page 55: Contes Licencieux de Constantinople

78 CONÎES LICENCIEUX

nouvel homme de loi. Mais enfin, autantvous qu'un autre.

- Tu es jovial, l'ami. Je voudraiste demander un conseil.

- Vous êtes bien aimable. A chargede revanchel

- Regarde-moi bien. J'ai à peu prèstorn âge. Je ne fais pas æuvre de mesmains. Je mange conrme quatre et boisde mêrne tout ce qu'il y a de meillleur.

- Je n'en doute p.as, seigneur Cadi.- Et toi, tu m'as l'air de travailler du

matin jusqu'au soir, de vivre comûreles paysans d'une cro,ûte de pain etde queiques figues sèches.

- C'est à peu près exact.- Alors d'où vient-il que tu sois gros,

gras et rose et que moi je sois sec com-me un chardon séché?

- Cela, seigneur Cadi, c'est un se-cret de famille.

- Je le conçois. Aussi, suis-je disposéà te payer ce secret. Je t'en offre centIivres turques.

- Cent livres, Cest une somme con-venable...

0... Mais je ne veux pas prendre la res-ponsabilité de l'opération qu'il faudraitfaire.

- Parle ïranchement, ou autxement

ttI

L

DE CONSTANTINOPLE 79

tu te feras un ennemi de celui qui teparle.

- Diable, il n'est pas bon d'être malavec les grands seigneurs. Je vo,us crainsplus que notre illustre empereur. Il estioin et vous êtes tout près. Si vousI'exigez, je vo'us ferai connaître monsecret.

- Parle, voic: les cent livres.- Eh bien I la chose est simple. Je

rne suis châtré.- Châirél que me racontes-tu là?- Voyons; réiféchissez. Comment en-

graisse-t-on les bceufs, les chapons etun tas d'autres bêtes? En commençantpar les châtrer. Pourquoi les ennuquessolt-iis si gras? Parce qu'ils sont eunu-ques !

- C'est wai, acquiesça le Cadi. Maiscette opération doit tuer ul homme.

- Oui. si elle est fa:te par un ignorantl{:i i'';:-: est châtreur cie père en filsr : - r r : i : - i ] : . . Je =e S:: iS CbâÉ i l: à :: :- at s:-s altc!-rre douleur. J'é-t"z.s - a-;:: cf :frf : ii: i'at d'église.F.;,r3i --- e=\-.->o'-t .

- -!,i=i tË s':ss'rcs qrie I'opérationse faii s:.s 9:i:iir:lce'-?

- Je rous I'ai ass-r:ré.- IIa i-ol dit le Cadi, plutôt que de

Page 56: Contes Licencieux de Constantinople

80 CONTES LICENCIEUX

rester ridicule comme une cigogne per-chée sur un minaret, je me laisseraisbien o,pérer... Peux-tu me châtrer icimême?

- Tout de suite. Nous sommes seuls.Couehez-vous sur le dos. r

Le Cadi s'étend de son long. Vite lelaboureur lui saisit ses deux battants decloche, perce un petit trou et retireles deux raisins. Vite aussi, il écrasedes herbes et én fait un cataplasmedont il recouYre la plaie.

< Yoilà qui est fait, dit le paysan.Vous ai-je fait rnal.

- Pas du tout! s'exclarne le Juge. All-lons, tu es un homme habile. A monprochain passage, si je grossis commetu rne I'as prorrris, tu auras les centliwes. r

Le Cadi rentre chez lui et ne tardepas à raconter à ses amis qu'un grandsavant lui a liwé un secret qui va luipermettre de grossir comme un tonneau.

Deux jours se passent. Voici une autrechanson. La ptaie s'enflamme, s'enve-njme. Le Carii est en proie à des dou-leurs intoùérables. Ce qui lui restepourrit et répand une odeur affreuse.

. Je vais mounr, se dit-il; auparâvantl

b

DE CONSTÂNTINOPLE 81

je veux punir le bandit qui m'a châ-tré. r

Et il fait appeler le laboureur.< Je suis perdu ! pense l'homme. Fem-

îne, que faut-il faire?* Ne crains rien. Je vais te remplacer.

Vêtne de tes habits, j'irai trouver le Ca-di. Nous nous tirerons d'affaire. '

La femme p,art pour la ville €t se rendchez le juglê.

r Ahl te .r,'oilà. chien de ehiennel Voisce que tu as fait. r

Et iI lui mo,ntre ses affaires en oiteuxétat.

L'autre hausse les épaules.

" Croyez-vous que la plaie guérisse sirapidement. seigneur Cadi. Voyez donc.Je rne suis châtré complètement. Laplaie est plus longue; el le est maintenantde belle couleur, mais elle empeste tou-jours. Regardez pour vous en convâin-Cfe. t

La femme lèr"e Ia iamtre, montre unegranrie plaie rose et lâehe une vessepuante qui force le Cadi à se boucherle nez.

c Eh bien ! que vous disais-je ? J'enai encore p,our quelques mois à me re-mettre. Quant à vous qui n'avez perduqr-le 1es r:,relots, vcus sêrez .sur pied

c.

Page 57: Contes Licencieux de Constantinople

82 CONTES LICENCIEUX

dans quelques semaines. Et vous allezgrossir, grossir comme jamais ne futgros un Cadi. r

Ce raisonrielrrent avâit convaincu lejuge. Il donna une belle récompeirscau labourcur.

Et, comme peu après, la plaie se cica-trisa et que l'crnbonp.oint vint commeon I'avait annoncé, le Cadi considéra lepaysan comme le plus grand médecincle la Turquie et de l'Europe.

(Rodosto, lurquùe d; Asie.)

XVIII

LA VEUVE ET SON VALET,

Une femme veuvc avait un valet fortbeau garçon.

Un jour de pr.intemps, elle était à lafenêtre âvec son domestique causant dechoses et d'autrcs. quand un couple depetits oiseaux vint se poser sui un âr-bre voisin. Et voilà que ie mâle sautesur la femelle, fait : u p, iuit !>, redes-cend, remonte, ct n'en f ini t pas.

La fcrnme sc mel à rire.

a

DE CONSÎANTINOPLE 83

n Ce ne sont pas les hommes qui enferaient autant! dit-elle à son valet.

- Et pourquoi pas, madame?- Oublies-tu que tu parles à une veu-

ve et non à une vierge. Constantin, mondéfunt épo.ux, n'a jamais dépassé le troi-sième assaut. Et tout le monde saitque c'était un garçon solide, un vraiPalikare.

- Trcis! peuhl fait le domestique encrachant par terre.

- On voit bien que tu es un vantard|répliqua la fernme. Maigre comme tul'es" tu lâcherais nrise à la deuxièmedanse.

- Vous voulez dire à la douzième?- Que le diable emporte des menteurs

comrne toi !- Je serais prêt à le parier contre

une année de gagesl Je garantirais ladouzaine à une lemme jeune et aceor-te, mais pas à une vieille édentée.

- Si je rn'écoutais, je tiendrais lepari !

- Tenez-le!- Eh bienl soit. Veux-tu essayer tout

de suite.- Tout de suite. Les gens sont dehors.

\ienez sur v3f1s |il. ;'La gaillarde prend une plancire et

Page 58: Contes Licencieux de Constantinople

84 CONTES LICENCIEUX

un morceau de pierre blanche, puis s'é-tend sur le tit. Le valet commence l'é-preuve. trl a bientôt fait de compter:

" un r, puis < deux >, Puis < trois r' Puis< guatre , ! La femme à chaque assaut:trâce une barre sur la Planche.

Et cela continue, continue. Si bienqu'elfil l'homne sante à bas du lit etlui dit :

n Cornptez, j'ai gagné mon Pari!- No'ir, réplique la fenme. Cela ne fait

que onze.- - \rous en avez oublié un! IOn se chamaille, on se dispute. Mais

la fenme, ,effaçant les rnarques, s'écrie:< Eh bien ! puisque nous ne sommes

pas d'accord, recommençons l'épreuve! r(Chios.\

XIX

L'ANNEAU MAGIQUE

Un jeune hcmme de bonne familleavait voyagé par tout le monde. II avaitrapporté de ses vo_vages des choses mer-veilleuses avec lesquelles il était capa-ble de faire cles miracles.

DE CONSTANTINOPLE ëc

I

Un jour, il rencontra dans une forêtla fillè unique du Roi. EIle était bellecomme le soleil. Le ieune homme endevint amoureux et n'eut pas de peine,par son pouvoir, de faire parlager sonâmour à Ia belle Princesse.

Il la demanda en mariage. Le roifit d'abord des difficultés pour lui ac-corder sa main. Mais les prodiges qu'ac-comp it Ie soupirant levèrent tous lesobstacles.

Le lendemain des noces, la reine in-terogea sa fille.

o Ohl ma mère, dit la ' jeune mâriée;j'aimais mon mari, maintenant j'en suisfolle. Il n'y a pas une femme au mon-de qui puisse avoir autânt de bonheurque m'en a donné mon éPoux'..

- Alors, j'en suis heureuse! murmu-ra la reine. Aime bien ton cher mari! ,

La vieille eurieuse ne manquâ pas lesjours suivants de bavarder a1'ec sa {illedont l'enthousiasme ne faisait q'-re croî-tre. Elle songea aux prodiges <îu'avaitdéjà acco,mplis son gendre et pensa qu'ily avait là encore un secret qu'elle eùtbien voulut connaître. tr'Iais sa fille étaitrnuette sur ce point, ce qui redoublaitla curiosité de la reine.

Elle n'aurait sans doute jarnais pénétré

Page 59: Contes Licencieux de Constantinople

86 CONTES LICENCIEUX

le secret, quand un jour elle s'avisade visiter l'écrin de sa fille. Parmi lesjoyaux, il y avait un anneau. d'or deforme bizarre qu'elle n'avait jamais nr.

n Qu'est-ce que cette bague? deman-da-t-elle? r

La jeune mariée se troubla et restasans mot dire.

o Bien, 1'o là le secretl pensâ lal.elne. t

Et elle cajola si bien sa fille, lui pro-mettant d'être muette comme un tom-beau, que celle-ci finit par lui conter:

r C'est le talisman de mon bonheur.Quand mon rnari joue avec moi ainsiqu'ont coutume de le faire les époux.i l passe la bague à son irrt lex. Pius i iI'enfonce, plus s'allonge ce qu'il porteentre les jambes. Et alors quel bonheuril me donne ! >

La vieille n'en demanda pas davan-tage et tout un mois elle ne put dormircn pensant au pouvoir magique de l,an-neâu.

Oi', il arriva que les médecins reco,m-mandèrent à la jeune niariée de se ren-dre pour quelque temps à des bainschauds naturels à quelques lieues de laCaqitale. Le marié n'avait rien à y faire;

DE CONSÎANTINOPLE 87

aussi resta-t-il au palais s'ennuyânt àmourir et dormant une partie du jourdans les jardins.

La vieille ne perdit pas de ternps. Ellefouilla si bien dans la chambre de safille qu'elle trouva l'anneau enchanté.

Le lendemain de ce jour, elle se mità la recherche de son gendre. Il étaiià l'ombre d'un bouquet de petits ar-bres. Par fo.rtune, se ct:oyant seul, ils'était mis à l'aise et .se trouvait pres-que nu.

Vite la reine se ccuche sur le jeunehomme, intr,cduit où il faut la petitebête et passe l'anneau âu petit doigtdu dormeur.

Hélas! le doigt était trop mince! Labague s'enfonce si bien que I'outil s'al-longe, s'allonge, avec une vitesse verti'gineuse et monte, monte, au-dessus descyprès, puis des platanes, puis des col-lines, portant tout en haut comme un pa-villon la vieiile reine qui se cramponnedes pieds et des mairis à ce mât extraor-dinaire, et po,usse des cris assourdissantsqui ne réveillent pas le dormeur, maisfont accourir tout le palais, le roi entête !

Il fallut réveiller le marié qui, remo,n-tant I'anneau petit à p.etit, fit rétréeic

Page 60: Contes Licencieux de Constantinople

88 CONTES LICENCIEUX

Ia colonne enchantée et put enfin per-mettre à la reine de regagner le sotrsans accident.

Ce qui s'ensuivit, je n,en sais rien.Peut-être, vous, malins, le devinerez-vous I

(Raconté ù Àndrinople.)

DE CONSÎANTINOPLE 89

gaillard, rencontra la fille du prêtre eten devint amoureux. Il la suivit, re-connut sa demeure, sut tout ce qu'il dé-sirait savoir et pensa bien que faire laco'ur à la belle était inutile, puisquele papa ne consentirait jamais à donnersa fille à un pauvre mârin.

Après y avoir bien réfléchi, il se Iitrâser jusqu'à la racine, s'habilla en fem-me, se gonfla Ie ventre avec de la pail-le el la nuit venue, alla fraPPer à laporte du père spirituel. Celui-ci étaità souper chez des amis et le matelot lesavait bien.

Une vieille servante vint ouvrir.' n Qui vient à cètte heure? demanda-t-elle.

- Une pauvre malheureuse, Je viensde trois lieues de loin. Je suis sur lepo'int d'accoucher. On ne sait jamaissi I'on vivra ou si I'on mourra auxsuites des couchcs. Le prêtre est un sainthomme; il est très savant, al.ors que no-tre curé est un ignorant, un ivrogneet un blasphémateur. J'ai pensé à ve-nir demander la bénédiction de votremaître.

- Ce serait bien si le père était ici.Mais il ne rentrera pas aYant deuxheUfeS. . . - . . , ,1: : , . , , . , , . r , ; i . * . : i

, ' XX

, Lt V. a déjà longtemps de cela, vivaita K.aroamyla

-un pope très riche qui n,a-

vait qu'une fi l le unique, bonne à ma_rier, car elle était clans ses seize anset jolie comme I'amour. Le prêtre l,avaiif_ait élever comme une reine et ii fuidisait toujours:

c Je ne te marierai qu'avec un grandp€rsonnâge qui soit capable de t,appré_cier et, joignant sa .fortune à Ia miàÀne-de te faire couler des jours dou* comÀlle miell

'.Il arriva un jo,ur dans le port un na-

vrrc qui venait de Grèce à Kardamvlap-our y prendre un chargement de mâr_chandises, Un des matelo"ts, un fort beau

Page 61: Contes Licencieux de Constantinople

90 CON?ES LICENCIEUX

-_ Je l,attendrai deho,rs couchée sur leseuil de la porte._ - Je nc puis vous laisser dehors.EnÉrez donc et yous vous reposerez surun banc. r

La femme enceinte reaercie, entre etse couche sur un banc non sans pousserdc temps en temps o"r-se;irr'"";Ë"i,de douleur.

Enfin, le prêtre rentre.< Quelle est cette femme? interroge_t-il. r

. La_ vieille servante le met au courantde lÏ.istoire. Le papa se fâche.c Et euoi ! vieil le truie I est_ce ainsiqu'on,reçoit une sainte r"**" q;ri iiu,itd.e si lo.in et dans une pareille position

pour demandei' ma lengaictioni J"-;;sais ce qui me retient au fa""n"frlites yeux chassieuxl... préparÀ ;;;;';qre tu as de meilleur pour te soupe"de cette_ malhcureuse.. bl-;";.";ï;;rnon enfaxt, vous asseoir a ma ianËËirecevoir toutes mes bénédictions pouivous et I 'enfant qui naîtra l ientôff-,

Le matelot. riant sous cape, geignanttout h-aut, remercie I'excellàni ;#ili:malgrg_ses douleurs, fait bon u";;;il ;;pgg..t froiC que lui sert en tremttantlivieille domesiique. La servante n,a plus

DE CONSTANTINOPLO 91

qu'une idéq rentrer dans les bonnes grâ-ces du pope.

Elle I'appelle sous un prétexte et luidit : , '

c Mon père, cette paurre femme abien soupé, mais allons-nous la laisserdehors par ce, temps et cette nuit pourrentrer à son village, à trois lieues deKardamyla?

- Ce serait manquer de charité. Jevois que tu as bon cæur... Mais où cou-cher la femme?

- Avec moi.- Non, ce ne serait pas digne de mon

hospitalité.* Vo.us savez bien que uous n'avons

pâs un lit de libre, mo.n père.- I\da fille a uu lit très large. Que

l'étrangère couche avec mâ fille. Re-commande à cette femme de se mettreau lit sans bruit pour ne pas réveillerma colombe chérie. r

Ainsi fut fait. La femme grosse sedébarrassa de ses robes et de son ventreet se couctra auprès de la vierge quin'avait rien entendu.

Le curé ne tarda pas à se coucherdans la chambre contiguê et le mate-lo,t I'entendit bientôt ronfler comme unbienheureux

Page 62: Contes Licencieux de Constantinople

s2 CONTES LTCENCIEUX

. C'est le moment! pensa le matelot. rEt, s'approchant de la jeune fille, il

lui passa la main sur les reins, puis surle ventre, ce qui la réveilla.

<- Mon père, cria-t-elle, iI y a _quei-qu'un qui est couché dans mon lit! u

Le pope se réveilla.t Eh ! ma fille, je le sais. C'est moi

qui l'ai envoyéel rLe galant devenait plus entreprenant.

II embrassait la belle et lui faisait sen-tir quelque part quelque chose qui n'é-tait pas d'une femme.

. Mon père, cria de nouveau la jeunefillg c'est un garçon I

- Nous Ie verrons demain! Il vautmieux un garçon qu'une fille. Si I'o-pération s'est bien faite, j'en suis heu-reux. Laisse-moi dormirl r

Le pope pensait bien que la femmevenait d'accoucher d'un garçonl

< Puisque c'est la volonté de mon pè-re, se dit la fille, je ne veux pas lecontrarier. ,

Et elle se livra, avec beauco,up de plai-sir, du reste, aux assauts répétés dumatelot. Enfin tous cleux s'endàrmirent.

Le prêtre se leva de bon matin pourprendre des nouvelles de la mère etde sou gargon. Soulevant doucemeât les

DE CONSÎANîINOPLE 93

couvertures, il vit... un bâton Sge.leli;tid;; àe ia nuit n'avaient pas abattu!

I l- eut d'abord I ' idée d'assommer le

onià"i. mais, ayant bien réfléchi' il pen-

3-'1";i i ï^râit '*i"n*. éviier le scandale

en àarianl sans tariler sa lille avec le

;;;t" matelot. Ces deux derniers, on

oeut I 'aiouter, n'y f irent aucune opposl-

il;;l Ei plui târo ils firent un bon

;;;"g; et'prospérèrent en fortune et en

enf ants' (Kard'anryla, chios')

xxI

LE DRAGON ET LE LÀBOUREUR

Un pauvre paysan qui vivait a-u !or!de la-mer n'avait pour toute rorruneàn" sa maisonnette, un jardin, un

"h"*p éIoigné, et un vieux mulet'

--tn'nati i l que le PaYSan était à la-

bourer son champ' i l vit sortir de ra

ilo ""

dragon épouvantabte qui Iui

dit:--.'C" champ est à moi. Comme tu !e-n

es emp.;é, je devrais te dévorer' Mais

Page 63: Contes Licencieux de Constantinople

94 CONTES LICENCIEUX

f"ff", veux rien faire. Je prends ton

.I-e pauvre homme était plus mort gue

^*c JÏgno.rais, finit-il par ciire, que ce

,,"f^-1Tl appartint à vorr-c Seigneurie.rvra$ ayez pitié de Itoute ma fârô;r:: *o,. ce champ esi

-_ Aussi je te laisstPr€nds ta mule. o ' '"

chamP, mais jeu1e i{ée vint au paysan.<. eue ferez-vous drq,' taîne la charru"

cette pauvre bêteer prus? N* ,o.u"r-.,"1-

oçuis vingt ansquË. t"''

";"JTi;J;us Pas qu'elle n'a

1;*1 ;;.ï" Ëii"';;,^i"ii "'ffH,";ïriir

un beau cheval er ru préfères

^^;^Cl""t fou, mais c'es.t ainsi. J,ai élevécefie pauvre bête etLaisseZ-moi h ;;j, ;i j;t ji:'"*ii:lji

qemain le cheval.-- Soit. Ilfais ie te oréviens que si tu

Itjtngue,s à ta larolg ,;e te châtreraitn-quelque l ieu du :"","1.1,- je. sau_rai

" i"""T,1"r":Te tu te

. r-e monstre disparut dans ia mer. LeraDoureur laissa là seretourna t.Gt.i"ft *

r"n**r" rr".t *'"o

DE CONSTANîINOPLE 95

A peine rentré, il raconta son aventureà sa femme.

< Le dragon me poutsuivra, ajouta-t-il,je n'en doute point. Et comme je n'aipoint de cheval, le monstre me trou-vera et me châtrera. J'aime mieux mou-rir que de rne voir privé de ce quifait notre bonheur en cette dure exis-tence... Au fait, n'eus-je pas nieux faitd'abandonner mon mulct?

- Tu aurais eu tort, mon ami.- Tort? Alors tu préfères la mule à

mes grelots?- Que non point! Je dis que tu as bien

fait de sâuver ia mule et que tu ne seraspoint châtré. Laisse-moi faire. Tu saisque ton Irène n'est pas une sotte. Je tétirerai d'embarras. Demain, tu t'occu-peras du jardin et j'irai voir Ie dragon. ,

Le laboureur avait confiance en safemme. Il la laissa libr'e de faire pourle mieux.

Dès le mati.n, dame Irène releva sescheveux, revêtit les habits de son mariet, suivie de la mule, s'en alla au champproche de Ia hrer.

Le dragon ne tarda pas à sortir deI'eau.

. Eh! eh! brave homme! hurla-t-il;j'avais bien pensé que tu me trompais.

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96 CONîES LICENCIEUX

Voici la mule étiquo et non le chevalbien gras que tu m'avais promisl... Puis-.qu'il en est ainsi, je vais te châtrerl

- Châtre-moi ! dit le laboureur. rEt, levant la jambe et l'appuyant sur

la chamue, il montra l'entre-deux deses jambes.

< Qu'est-ce que cela? s'écria le dragon., < Qu'est-ce que cette longue plaie bar-bue? Où est ton battant? Où sont tescloches ?

- Ne vo,is-tu pas que l'on m'a châ-tré?

- Certes et mieux que je nefait!... Demeure en paix. Je techamp et la mule. Âdieu ! r

Et le dragon disparut p.ourdans la mer.

(Constantinople, conte turc.)

I'auraislaisse le

toujours

xxtr

L'HOROSCOPE

Un puissant sultan eut un jour deuxjumeaux, un garçon et une fille, de safemme p_référée. Cornme de coutume,

DE CONSTANTINOPLE 9?

les astrologues et les devins furent con-sultés et tous répondirent:

< Avant que ces enfants aient seizeans, ils auront des bâtards qui ferontleur honte ! >

Le sultan fut grandement chagriné parcette prédiction. Sur l'avis de savantsdocteurs, et pour prévenir les suites decet horoscope, il fit élever Ie frère et lasceur dans un vieux châtcau ento,uré dehautes murailles infranchissables, et ilne leur donna pour compâgnie que deseunuques dévoués.

Les enfants grandirent, igno'rant toutde la vie. Ils arrivèrent ainsi à leur quin-zième année.

Comme un jour les jeunes ,gensjouaient dans le parc du château, ilsvirent un chevreuil qui lutinait sa fe-melle.

. Quel jeu curieux! dit le jeune hom-me. Essayons donc d'imiter ces aai-maux. ,

Sa sceur se mit à courir sur les piedset les mains et son frère voulut fairecomme le chevreuil.

" Ce ieu n'est pas amusant, se dirent-ils.

- Mais, remarqua le prince, Ie raisonen est peut-être que nous somme gênés

6

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98 CONîOS LICENCIEUX

par nos vêtements. Abandonnons-les. r. Cela ne les avança pas de bcaucoup,

sr ce n'est que la jeune fi l le remarquapour _ la première fois que son frèreportait quelque chose qu'elle ne possé-dait pas et qu'elle examina avec àtten-tion, si bien que cette chose enlla comrnepar miracle.

Le lendemain, les enfants du sultanvirent un pigeon qui travaillait une co-lombe et qui en semblait tout heureux.

c Encore ce jeu I se dirent-ils. Es-sayons encore et voyons si nous y trou_verons enfin le plaisir qu'y trouvent lesbêtes à quatre pieds et-à deux pattes. n

Le prince était plus lourd que ia prin-cesse. Celle-ci roula sur le dos èt lehasard voulut que son frère tomba surelle si bien à propos que son pieu trou-va la cage où l'on a coutume de mettrecertaia oiseau insupportable. Du coup,la princesse y perdit sa virginité. L,oi-seau se trouvait bien dans la cage; ily resta longtemps et depuis y retournasouvent.

La seizième année arrivée, le sultanet la sultane favorite accoururent auchâteau peûsfl1t bien avo,ir trro,mpé leDestin... Ils y trouvèrent leur fiIè quivenait cl'aeeoueher d'un bâtard!

lI

I

DE CONSTANTINOPLE 99

Ou ne peut rien contre la Destiuée. Cequi est écrit est écritl

(Cotrstantinople, Raconté par un aieurdcroichc,\

XXIII

CELUI QUI N'A PAS DE SONNETTES

A Smyrne, il y avait - vo'ilà de eelaune trentaine d'années - un riche mar-chand qui faisait commerce avec toutel'Europe ei toute l'Asie, sans compterI'Egypte et d'autres pays.

Il arriva à la cinquantaine sans avoireu Ie temps de se marier. Ses amis luireprésentèrent qu'à sa mort ses biensseraient dispersés entre des parents éIoi-gnés et qu'il était préférable de prendreune jeune femrne qui pouvait encore luidonner des enfants, puisque le proverbedit qu'un hornme peut jouer au ieu deI'amour tant qu'il ne succombe pas sousuD sac de plumes.

Le riche marchand finit par entrerdans ces idées.

r Mais qui épouserai-je? demanda-t-ilà ses amis.

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COI{îES LICENCIEI]X

- Les femmes jeunes et vieillcs nemanquent pas à Smyme et dans les îles.Vous en trouverez cent pour une.

- Encole faut- i l que jè prenne uncfemme sage, honnête et instruite. quin'al)usc pas de ma fortune el. ; le tnaviei l lcsse.

- Prenez, lui conseiila un arni, unefemme veuvc d un cerlain âge, au cou-rant du ménage et sachant diriger unernaison-

- Non, je ne veux pas d'une veuvequi ne cesserait de me rappeler sondéfunt mari.

* Prenez alors une vieille fille.--- Son caractère serait trop difficile.* Alors une jeune beauté qui aurait

une belle dot.- Que voulez-vous que je fasse de

sa fortune? Trouvez-moi une sentillef i l le de vingt ans, inslrui te mais sansfortune. Je veux qri'elle rne doive lafortune et le bonheur. Ainsi ie serai as-suré qu'el le ne me trompera pas. r

Ses amis se rnirent en campagne et ûeurent bientôt trouvé la vierqe dcman-dée. C'Ét l i t h f i l le c i un crpi ta ine dcvaisscau qui était mort dans un nâu-frage et qui n'avait pas laissé un scuà son unigue enfant,

DE CONSTANTINOPLE 101

ç

La de'moiselle, entreprise par les com-mères, se décida à épcus'r l : marchandEt les noces furent célébrées.

Les premiers temPs, tout alla biendans le nouveau ménage. Le marchandlabourait son champ comme l'eût faitle meilleur labo.ureur. Puis il revint àses affâires, et la belle ne gcfita plusque rirernent un plaisir qui lui sem-blait bien doux. Enfin, ce ne fut plusqu'aux grandes fôtes que l'e vieil épouxse résol.ut à faire halte en la chapellequ'il avait acquise.

ûieu sait pourtant si la jeune fem-rne épârgnâit rien pcur râppelcr son ma-ri au cievoir conjugal. Repas erquis, vinsexcellents, caresses, rien n'y faisait. Unsoir, le mârchand était fatigué; Ie len-demain il avait à écrire des lettres pres-santes; ou bien i l était mâlade; ou €n-core il avait fâit un væu à Saint-Ni-colâs pour la bonne travei:sée d'un vais-seeu qui Lui apportait des rnarchandisesprécieuses.

I-a pauvre femme était désolée... Cef'.rt bien pis bientôt. Le vieil époux quivc1'lii l-i:n I'srlleur de sa femme, ardeurqu'il ne po'-rvlit satisfaire. eut peur- queJa Cassandre allât chercher ailleursle jardinier qui lui faisait défaut. Il

6.

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102 CONîES LICENCIEUX DE CONSîÂNTINOPLE 103

devint épouvantablement jaloux. Il eom_mença par éloigner tous ses amis, puisil remplaça ses employés ei ses

'sôrvi-

teurs per des vieux et des vieilles guis'acheminaient vers la tombe. Il fit en-tourer sa maison et son jardin de mu-railles très élevées.; enfin personne neput plus s'intro.duire chez lui et il dé_fendit à sa femme de mettre les pieclsdehors.

- Cela ne faisai i pa;; l 'affaire de la mal-

heui 'euse. C'étai i trr ,rp t lc privationsà la fois. Que lui faisait cettè fortunesans la liberté et surtout sans les petitsjeux auxquels elle avait pris goût.

NaturelLement, toute la ville fut bien-tôt au courant de la jalousie clu mar-chand. L'histoire en airiva à un ieunegaillard qui avait été ailour.eux àe labelle, iirais que celie-ci avait re.pc,usséparce qu' i l était srns r 'ortune. I i ima_gina un 1:lar: pcur tromper le riehemarchancl.

Il s'avisa clonc de se mettre sur leehemin du inari de Cassandre et de lcrencontrer tous les jours. Il marchaitcomme un honime i',rre, geignant et pleu_rantl on eùt dit qu' i l tenait. de perdreson père et sa rnère.

Les premLères fois, le marçhand n,y

fit pas attention. Puis il remarqua le mal-heureux, pensa qu'il devait être en proieà une terrible afflictir;n. et finit Dar l'âr,rêter et lui en demandcr la cause.

< llélas ! dit le jeune homme, monmalheur esi si grand que j'en perdrai lesyeux à force de pleurer. r

Le marchancl insista si bien que l'hom-me f ini l par lui dire:

< Vencz chez mo'i, Cans ura pauvre de-nlcure, e[ vous ven'ez si jc ne suispas le plus malheureux qui se puisserever. )

Le marchand l'accompagna.q Tenez, voici ce qui me rend si mi-

sérable, dit le garçon. rEt il montra un bâton des iambes

sol ide el" v igcureux et , au-t lessot is, unclongue vessie sèche et recroquevilléecl'où les grelots étaient a]:scirts. (Les gre-l , , ts ei leurs l :ourses y étaient bien, maisi!: ,:vaieirt éié attachés et refoulés par11::: ière. '

. E- effel dit le vieux. jamais jer ' . i v.r ul homme si nal pait igé. l \{ais,C.;-c.:- d: s ' ,roi cel;r t 'est- i l venu?

- D', :- : prerre que me lança un ga-r in e- i - - - . . : f

- -\-I.-,r-s t:: -'es

plus un homme?- Si. mais uû ei.rnuque.

.

t

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104 CONTES LICENCIEIJX

- Je voudrais bien faire quelque cho-so pour toi, car je ne pourrais que teconsoler en te disant que dans trenteans tu n'éprouveras plus le besoin deces choses, somme toute, incommodes.Que fais-tu?

- J'ai honte de tout le monde. Et ce-pendant je suis très instruit et pouraisfaire un bo'n emptroyé. Mais je serais gê-né de travailler avec des hommes bienbâtis...

- Tu fais mon affaire. Viens chezmoi. J'ai besoin d'un bon employé. Tuseras seul avec des vieillards et avec majeune femme que tu dis,trairas de tonmieux. Tu seras bien logé, bien nourriet bien payé. Et, qui sait? peut-êtrequelque jo'ur te céderai-je ma maisonlr

Le jeune homme se jeta aux pieds dumarchand, l'appela son bienfaiteur etson père et le suivit dans sa maisonoù il fut présenté à la jeune femme.

Puis, le prenant à part, le marchandlui dit:

c Ma femme est jeune et jolie. .Jete prie de la surveiller pas à pas. 'Necrains pas, so,us toutes sortes de prë-tettes, de La suivre partout, même danses appartements. Je te co,nfie ce que

j'ai de plus précieux.

DE CONSTANTINOPLE 105

- Ne craignez {ien, mon bienfaiteur.Votre chère femme est en bonnesmains. r

Dès ce jour, le marchand vaqua tran-quillement à ses affaires. Débarrassé dusouci de sa femme, ayant sous la mainun employé modèle qui ne tarda pas àse mettre au courant des mille entre-prises du patron, il se mit dans la têtede décupler sa fortune pour ensuite allervivre de ses rentes en pâys étranger.

Il déjeunait, dînait et soupait dehorsâvec ses correspondants et ses amis, en-treprenait même à l'occasion des voya-ges à Chios, à Lesbos, à Chypre ou àConstantinoplo. Qu'avait-il à craindre? Safemme était bien gardée par ses do.mestiques et surtout par son employéeunuque !

Hélas I le malheureux ! Pendant cetemps on le cocufiait d'une façon hon-teuse. La jeune femme avai! reconnuson premier âmoureux, et celui-ci n'a-vait pas été lgngtemps avant de lui ap-prendre par quelle histoire il avait mys-tifié Ie marchand. Après lui avoir ra-conté I'aventurq il lui prour-a que cen'était pas une pauvre vessie flasqueet sèche qui remplaçait ses sonnettes.Profitant des droits que lui avait donpés

t

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106 CONTES LICENCIEUX DE CONSTANTINOPLE 107

Il passait ses nuits à lire des manus-crits très anciens écrits dans toutes leslangues qui se parlent aux quatre coinsdu monde.

Or, un jour, le père spirituel reçutune lettre de Constantinople dans la-quelle il lui était ordonné de se pré-senter le jo'ur de Pâques à Stamboul,po'ur la messe du maiin tlans jo nesais quelle église.

Bien entendu, le papa fit to,us sespréparatifs po{r se rendre à cet ordrede son chef spirituel. Il retint son Jâs-sage sur un bateau qui allait inettreà la voile et qui devait arriver le Sa-medi saint à Constantinople.

Tout bien réglé, Hilarion pensa qu'ilavait le temps de lire un livre que luiavait prêté un savant de sa connaissance)et il s'enferma dans sa chambre, aprèsavoir envoyé sa femine à Lesbos chezune de ses s@urs.

Le livre était magique sans doute, carprêtre Hilarion mit six jours ei stx nuitsà le lire ei à le méditer, sans songer àboire ni à nanger, sans penser au tempsqui s'écoulait sans se rappeler qu'ilétait attendu à Constantinople pour lesfêtes solennelles de la Résurrection duChrist.

son patron, l'amoureux pénétrait danstous les endroits où alâit h belle. Ilfallait bien la surveillerl Brel il culti_vait en conscience le domaine dont onl'avait chargé. Chaque année un nou_veau_ rejeton vint se greffer à la vieillesouche du marchand heureux et contentde réussir si bien dans un travail où ilrnettait si peu de labeur. euand le mar_chand-mourut, il laissait plusieurs mil_uons â sa veuve et à ses cinq enfants.La femme se remaria peu aprèj av"" .o"amant et, comme elle eut d'autres en_fants. ils ne furent pas plus choyés parleur pere que ceux du premier maria_ge. Et ce fut justice!

(Raconté à Smyrne.J

XXryCE QUE LE DIABLE NE PUT FAIRE

Lo prêtre Hilarion était, comme vousle savez, un homme très savant et fortentendu dans les choses magiques. Ilpouvait faire des miracles, mais- il s,engardait, car la sainte Eglisc défend decopier les ceuvres réservées à Dieu eeul.

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108 CONTES LICENCIEUX

Quand le papa eut tourné la dernièrepage du livre, il se sentit une faim etune soif dévorantes. Alors seulement ilvit un grand concours de peuple devantsa rnaison.

tr-es uns criaient; d'autres pleuraientou gémissaient.

< Que se passe-t-i l? se demanda lecuré. r

Ouvrant sa porte, il fut bientôt ren-seigué. La Sernaine sainte s'était passéesans offices. On I'avait cru parti pourConstantinople et l 'on ne s'étâil inquié-té que lorsque des gr.ns du por i" avaientappris que ie pope n'avait pas pris p:ts-sage sur le navire qui devait le corrduire.On I'avait cru mort dans son oresbv-tère et l'on se préparait à e.nforicer lésportes.

Prêtre Hilarion rassrtra ses paroissienset leur demand.a en quel jàur on setrouvait.

c Mlis, lui dit-on, nous sommes dansl'après-midi du samedi saintl

- Allez chez vous, mes enfants, ditle curé. Fêtez Pâques au village voisin.Il faut que demain matin je sois à Cons-tantinople. o

Les gens se retirèrent ébahis, mais

DE CONSTANTINOPLE 109

heureux d'avoir pri constater giie le cti_gne pasfeur était tci i icurs vivant.

Prôtre Hilarion so,ipo aue" ul. appéiitque I'on cornprenrl, puis réfiéc,lit.

Uomment p,ourrait-i l êtr.e à I 'hcure di_te à Constantino-ple? Aucuri mo;en hu_maln ne Ie permeltait. Le diable seulpouvait lui venir en aide.

. Soit, appelons Satan I se clit_il. rrit par ses con j urations it f i t venir

le ciia6le., Que verix-tu. Hilarion?- Tu vas me prendre sur to.n dos et

;rie co;rduire au 1:ont de Galata à Cons_ir.ntinople. Tu y seras avant minuit.

- Qu'auraije en échange?- flon âme, bien enteurlu; mais fâi_

::: : nos couditions.- J écoute.- Tu me conduis à Constantinople.

-:,::.., ie,- srl i:tts oîl ices tu mc raniènesici,

- C'es: er tendu.- T:: ..-:;as raon â;ne aussitôi gue tu

1:r!IâS â:-t: I;,ii i:.s i:.ois eutres tàChesÇur ; r i t - , - - . r l i I ner iure.

- Celr ne va.- Àlors. eû route. mon vieux Sa-

tanl rPère Hilarion fut à Constantinople à

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110 CONTES LICENCIEUX

I'heure dite. Il put assister aux o'Tfices_et au. synode et rentrer au presbytèrele soir de Pâques, ce qui augmental'estime et I'admiration de ses parois-siens.

< Et maintenant) que faut-il faire? de-manda le diable.

.--Tu_vas nettoyer les rues de Smyrneet de Constantinople jusqu'à ce .qu,iln'y reste plus aucuue ordure.

- Tu es malin.. Hilarion! J'aurai biende la peine à venir à bout de cette p,re-mière besogne. r

Satan partit. Le prêtre comptait bi.enne plus jamais le revoir. Cependan!deux jours ne s'étaient pas écoulés quéle Diable revenait radieux.

< C'est fait, dit-il. On peut se mir€,rdans les rues de Smyrne et de Constan-tinop!e, et les chiens y rneurent cle faim,,

Hilarion sc mit à trembler de tousses membres.,Qu'allait-il ordonner à Sa-tan.

Jetant un co{rp d'æil au dehors. ilvit une peau d'agneau noir que i'onavait mise à sécher.

" Prends cette peau d'agneau recou-verte de son poil et rapp,orte-la moiblanche comme crème.

- Hum! grogna le diable; tu me don-

DE CONSTANTINOPLE 111

nes des besognes bien difficiles. Je ne saissi J'en viendral à bout. Enfin j'essaye!

"Et il partit emportant la toison.< Jamais iI ne bianchira l'agneau noir!

pensait prêtre Hilarion. Je puis dormiren paix et mo,urir dans l'espoir du Sei-$neur. r

Quelques jours après, sa femme rentrade Mételin. II lui raconta son aventureet la bonne farce qu'il avait €n dernierlieu jouée à Satan.

Il avait à peine achevé que le démo,nse présentait montrant triomphalementla toison devenue blanche comme neige.

r Est-ce bien celle que je f ai remise?interrogea le père épouva-nte.

- Yois-le toi-même. N'y as-tu pas miston cachet et ta signature?

- C'est vrai! murmura Hilarion. Maiscomment qs-tu pu accornplir ce pro-dige?

- J'y ai eu bien du mal sarrs avancerd'un pas. l{ais enfin un autre démonbès malin m'a conseillé d'arroser latoison avec I'urine d'un juge honnête.Tu vois les rccherches que j'ai dû fai-re. Eh bienl je l'ai houvé ce juge:il avait été nomrié Cadi la veille mêmeet n'avait pas errcore eu le temps dejuger! Aiasi j'ai pu blanchir la toison de

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1L2 CONTES LICENCIEUX

I'agneau noir... l\{ais, assez }avardé.QuelLe troisième tâche d.ois-je accom-plir? r

Prêtre Hilarion, malgré toute sa séien-ce, se voyaii vaincu. Il ne savait à qiroise résoudre, quand sa femme, qui aïaittout entendu. lui cria:

< Hél père,'n'as-tu pas honte de boiretomme un ivrognel I l n'y a plus devin dans le tor,neau qui étail" pli i ;t quand.jo part is i l ny a pas quinze jours!

- Fernrne!... vculut protester Ie prê-tre.

- Tais-toi, ivrognel Suis-moi à lacaYe! t

Ne sachant ce que voulait dire salg**9, pensani qu'il était venu peut-eLre des voleu.rs, le cur'é laissa Ià lcDiable et suivit sa femme.

Quand il fut au cellier, la vieille sou-leva ses robes €t sa chemise:

. Arrache-moi un poil du c...1 dit-elle.

- Ivlais... que veux-tu que j'en fasse?* Pauvre sot qui se crqit nialinl.. Ar-

rache, te dis-je ,Lc poil enlevé:

....9h bien! dit-elle, donne ce poil audiable, et ordonne-lui de te le raip,orteraussi droit qu'un çrin d.e cheval. r

DE CONSTANîINOPLE 113

Père Hilarion obéit. Jamais il n'en-tendit plus parler drr démon qui doit êtretoujours occupé à défriser le poil dela dam,e Hilarion.,

(Rodosto,)

xxvLE POU ET LA PUCE

Un Pou et une Puce devisaient dansles jupons d'une femme.

Soudain la femme est ietée sur ledos. Le Pou se réfugie daïs le cul etla Puce dans le c.. de la commère.

Une demi-heure se passe. La femmese relève.

c Eh bien! interoge la Puce.- Ah ! ma chère, ils éiaient deux qui

voulaient entrer et qui battaient la portecomme des enragés.

- Et moi donc! I l est venu un granddia-1le qui est entré, qui a fureté par-tout et gui po'rr fiair. m'a craché aunez! > , ,..;T

(C onstantinople ,l

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CONTES LICENCIEUX

XXVI

LES PELOTES DE FIL

Une vieille disait un jo'ur à sa fillesui se, rendait à Ia ville voisine:''

o Surtout ne perds pas en route tonoucelaqe !^ - N; crains rien, maman, je le raP-oorterail r' Un jeune homme avait entendu cetteconveisation. Il pensa en profiter'

A la sortie du village, il rejoignit lafille et marcha avec eIIe, causant de

choses et d'autres'Au fond d'une vallée, la route tra-

versait la rivière sur un petit pont for-mé de quelques Planches'

u VouJ rr'avez Pas crainte de Passerla rivière? interrogea le jeune homme'On dit que Plus d'une jeune fille Ya perdu son Pucelage.^

Que me-racon{ez-vous là! 's'excla-ma la vierge effrayée. Que dirait mamansi ie revenais sans mon Pucelage!

I Aussi tenez-le bien en traversantla passerelle. I

La fille s'avance en tremblant sur lesplaaches qui fléchissent' Soudain, elle

DE CONSTANTINOPLE 115

jette un cri. Boum! vient de faire unegrosse pierre que le gars a jetée dansla rivière.

u Avez-vous entendu? interroge lafille.- Certes, et je I'ai vu. C'était quel-

que chose de rond et de blanc quivous est glissé d'entre les jambes etqui est tombé dans le torrent'

- Avez-vous reconnu ce que c'était?- Oh! oui; c'était un beau Pucelage-

Il pesait deux livres pour Ie moins. rLa pauvre fille s'assied sur un quartier

de roc et se met à sangloter.c Que dira ma mère! EIle va me bat-

trel Et je ne pourrai plus rne marierl

- Voyons, la belle, ne Pleurez Pasainsi. Ne savez-vous pas que les fem-mes ont deux pucelages? Vous avez per-du le premier psrce que vous ne m'avezpas éco,uté. Voulez-vous conserver le se-èond de façon à ne Plus le Perdre età ce que vo,tre mère ignore la Pertedu premier?

- Si je le veux! Mais vous vous mo-quez d'une pauvre fille!

- Je ne me moque Pas. J'ai jus-tement le fil et I'aiguille avec les.quelson recoud les pucelages,

- Et r-ous r-oulez bien me reooddre

Page 74: Contes Licencieux de Constantinople

116 CONTES LICENCIEUX

celui gui me reste?... Que vous donnerai-je pour cette obligearice?

- Je ne veux r.ien que le plaisir devo'lrs rendre service. Àllons. entrons dansle bois... Là; couchez-vous sur le dos. u

La belle s'étend; le galant tire sonaiguille et recoud le pucelage.

" J'avais peur de I'aiguilte, avo,ue lanaive, mais elle ne m'a fait qu'un peude mal à la première piqûre. It{ainte-nart ehaque po,int me fait un plaisir queje n'ai jamais connu. '

Le garçon rit bien en lui-mêiiË touten continuant I'assaut.

u À{ais vo,us rne m,ouillez ! remarque lajeune fille entre deux soupirs.

- Laissez, sotte, je mels un peu decolle pour maintenir la couture. r

Et il se relève. Cela ne fait pas I'affairede la belie.

--< Les garçons cousent à longs points,dit-elle; ce ne sera pas assez solidè. Vou-driez-vous donner' quelques nouveauxcoups d'aiguille?

- 3e ne vo,us cÀagrinerai pas. Allonsremettez-vous comnle tout à l'heure.,

La gourmande a pris goût à la cou-ture. trl lui feut une troisième reprise, et,guand elle I'a obtenue, elle insiSte pourun nouveau couP d'aiguille,

DE CONSÎANÎINOPLE 117

( 'Ah ! non? s'écrie Ie jeune hommequi est fourbu. Je n'ai plus de fil pourcoudre.

- Ah ! le grand menteurT proteste lapaysanne, tout en serrant dans sa mainles sonnettes du galant. Qu'est-ce queje tiens là? Les deux pelotes de fil sontencore grosses comlne des noir! t

(Chiot.)

xxul

LA VEUVE VIERGE

Une femme avait été mariée à unvieux juge, qui, en mo,urant, lui avaitlaissé toute sa fortune. Elle ne tardapas à être recherchée en maringe partous les garçons du pays. Enfin ellefit choix d'un médccin de bonne famille.beau garçon, mais de peu de biens.

Le soir du mariage, le garçon se metau lit avec la jeune femme et lui placece qu'il faut au bon endroil

La dame saute en bas du lit et ssmet à crier:

c Espèce de pourceau! Crois-tu queje vais accepter toutes tes salctés! r

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118 CONTES LICENCIEI]X

Le médecin n'y comprend rien. Enfinon s'explique: le premier mari n'avaitjamais attaqué sa femrne qu'à la façonde certains Turcs et n'avait jamais faitusage du pertuis habituel. La Veuveétait encore Vierge!

(Conttantinoplc.l

XXVIII

L'AIGUILLE

Une jeune fille appelle devant le Ca-di un jeune homme qui I'a violée tandisqu'elle était à travailler dans une vigne.La fille est grande et fonte. Le garçonest petit et mince.

o T'a-t-il frappée? demande le juge.* Oh! non, mais n'empêche que je

ne suis plus vierge et que je l'étaisavanT d'entrer dans la vigne.

* Bienl dit le Cadi. "Il sort un instant ct revient avec une

aiguille et un bout de flrl.u Approche I ordonne-t-il à la plai-

gnante. Prends ce fil et passe-le dans lechas de l'aiguille. ,

La fille pense que ce lui sera facile. il

DE CONSTANTINOPLE 119

Mais chaque fois que le brin de lin vaentrer dans le chas, le Cadi fait un mou-vement.

o Je a'y arriverai jamais, dit-elle, sivous remuez sa:rs cesse !

- Eh bien I que n'en faisais-tu autrntaves ton chas? Jamais ce garçon ne fttparvenu à t'enlever ton p-ucelagel r

(Roilosto.)

IXIx

LE POPE ET LE SACRISTAIN

Un certain prêtre avait un domestiquequi était en mêrne temps son sacristain.On ne fait jamais trop d'économies!

Un jour que le sacristain rangeait leblé dans la grange, il entendit au de-hors la voix de prêtre Nicolas et celle dela jeune l{acrine, Ia fille du voisin.

o Viens dans la grange, disait le curé.Viens, ma petite poule! Je te montreraiun jeu que tu ne connais pas.

qh ! mon père, que dirait-on si I'onôous voyait entrer seuls dans votregrange.

- Ton père et ta mèrs sont dehors.

Page 76: Contes Licencieux de Constantinople

120 CONTES LICENCIEUX DE CONSTANTINOPLE 121

fants, et vousgui se tue de

voudriez que ce soit moitra.vail pour les élever! r

(Lctbor'l

xxxL'ANE PERDU

Un Césariote, qui s'était arrêté chezun compatriote de la campagne, avaitattaché son âne à une forte touffe dechardons-

Ces lo'urdauds de Césariotes n'en fortjamais d'autres i

Bien entendu, l'âne mangeâ les char-clons, puis s'en alia se promener jus-c1u'i\ ce qr,i'un Juif cle rencontre l'arrêtap,ensant qle iiieu ie lui en-,'o:/ait. Le Jnifmonta sur l'âne et alla le vendre à unedizaine de lieues de là.

Quand le Césario'te eut raconté à sonami toutes ses histoires et toutes cellesdes auti:es, il songea à reprendre le che-miia d'Indgé-Sori, et à ailer rcti"oiiverses conciloyeirs < teinturiers d ânes ,,comme on les appeile en Asie ilIineure.

Son âne avait disparu. Il y avait là del'enchantement ou griclque nraléfice. C'é-

Mon sacristain est parti à ma vigne.Tu n'as rien à craindrel , "

, -Le dornestigue était renseigné. Il se

hâta de grimper Eur un tas de-gerbes etse tint coi.

La -porte ne tarde pas à s'ouvrir. Le

prêtre et la belle entrent. nettent leloquet et vont s'asseoir sur la oaille.Le Père spirituel reprend la cônver-sation et réussit à arriver à ses fins.lVTacrine s'étend coinme il sied et Ni-c-olas lui montre que tout curé qu' i l esti t vaut un gârs sol ide. Quand enf in i ln'en peut plus, il s'assied à côté de lafille et continue à I'embrasser.

o Ah I soup,ire liilcrine. qu,arrivera-t- i l de notre péché, mon père?

- Je suis prêtre et t'en donne I'abso-lution.

- Cela ne m'inquiètc pes. l ,{ais votrediaL-r lc m'a peut-èlre fourré un enfant'dans le ventre. Qui sc charscra cle i'é-lever ?

*,Ne crains rien, ma fille. Celui quiest là-haut s'en chargeral r

- A ces mots, le sacristain dégrir:gole

de son perchoir.. Âhi fils de putains! s,écrie-t_il. C'est

vols gti avr:;, lc pleisil de faire dcs en_

ô

Page 77: Contes Licencieux de Constantinople

t22 CONTES LICENCTEUX

tait I'avis du Césariote et de son hôte.Mais un passant, qui s'était arrêté àleurs latnentations, eut bientôt fait d'ex-pliquer qu'un Césariote seul pou-vait avoir I'idée biscornue d'attacher sonâne à une touffe de chardons.

r L'âne a mangé les chardons, ajouta-t-il, et il est en quelque prairie occu-pé à parfaire son repas.

- Cet hornme'est un grand savantl redirent les Césariotes. r

Ils le remercièrent et lui promirentleurs prières, puis ils se concertèrentsur ce qu'il fallait faire.

< Je ne vois ici que trois routeq dit lemaltre de l'âne. Que ta femme gardecelle du milieu pour empêcher le bour-ricot de rebrousser chemin s'il I'a prise.Je vais m'occuper de cette route et toide I'autre.

- C'est bien irnaginé, co'mpère. Ren-trons pour boire le coup du départet mettons-nous en rpute. r

Le Césariote qui avait perdu son ânepartit en quête. Il interrogeait les pay-sens:

n N'avez-vous pâs vu mon âne? de-mandait-il. r

Mais à son costume on le reconnaissalt

DE CONSTANTINOPLE 123

pour un Césariote; les gens haussaientles épaules.

oVa-t-en, < teinturier d'âne r ! criait-ou.Comment saurait-on reconnaître l'âned'un Césariote? Aujourd'hui il est noir;demain, s'il pleut, il sera grislr

Ces réflexions ne I'avançaient guère.Sur le soir, las de chercher, il arriva

dans une forêt, Il s'y aventura et netarda pas à s'Y égarer. Que faire? Ilgrimpa sur un grand arbrq au bor-dâ'un sentier, et s'installa sur une mal-tresse branche dans I'intention d'y pas-ser la nuit et d'Y attendre le matindu lendemain.

I1 était à peine sur cet observatoirequ'arrivèrent un prêtre et une jeunefille. Ce n'était pas la fille du papa!

<Vo,ilà un endro,it charmant" dit le pèresoirituel. Personne ne viendra nous dé-rânger. Profitons de ce qu'on y voit en-ccre âssez clair. Tu m'as promis de memûntrer toutes tes beautés; je meursd'envie de les contemPler. r

Le fille, qui n'était Pas troP Prude,s'assi-ed avec le curé au pied de I'arbreet se met à se ciévêtir si bien quebientôt elle fut telle que la femme d'A-dam avant le péché. Le prêtre l'imite etse montre nu comme un Petit ange.

Page 78: Contes Licencieux de Constantinople

t24 CONTES LICENCIEUX

.. Et voilà que le pap.a examine la bellefille.

. Ahl les beaux petits pieds! dit-il. rEt il les baise.

" Ah! les beaux molletsl ,Et il lcs embrasse.n Ahl les peti ts genoux! tEt il y colle ses grosses lèvres.s Ahl les belles cuisses fraîches et

rosesl rEt il se pârne dessus.< Ah! cette fois, je vols la terre, je

vois le ciel, je r"ois le Paradisl 'A ce moment, la voix du Césariote se

fait cntenrlre du h:rut de I'al'bre:n Ehl popel puisque tu vois le monde

entier, ne saurais-tu me dire où estrnon âne?

- Ton âne? s'écrie le prêtre stupéfait.- Eh! oui, mon âne, puisque je viens

de voir son membre entro tes jambesl ,(8myrnc.)

XXXi

LES PAROLES MÀGIQUES

La femn:.e cl'un riche marchand étaitCésclée cie ne pas avoir d'enfants. Sur

DE CONSTAI{TINOPTE 1tÉ

les conseils de ses voisines, elle se renditda-ns Ia montagne en un errnitage oirvivait un anachorète nomrné père Hi-larion,

La dame, après lui avoir rernis quel-ques victuailles, lui €xposa le but deson péIerinage.

L'ermite malgré sa vie solitaire n'étaitpas détaché des passions de ce monde.

c Le cas est intéressant, dit-il. Avantd'y réfléchir, il me faut examiner sivous n'avez pâs quelque infirmité se-crète qui mette obstacle à votre désir. o

La vertueuse dame jeta les hauts cris.r Je n'insiste pas, dit l'anachorète. l\[et-

tez-\'ous à prier tandis que je me tien-drai en oraison. r

La femme du marchand pria Dieu etlous ses sr ints el lc rnoine ntar lnonl l i ldes oraisons.

Deux heures pâssées ,l'ermite se re-Ieva.

n Dieu m'a insp.iré, clit-il. Un angem'est apparu qui m'a dit:

.n Voici les

( paroles magiques qui feront que eette

" femrne deviendra mère et trouvera len bonheur et la considération de sonu mari et de ses amis. Seulement, par( ces paroles? cette femme croira queu tu oouçhes avec elle €t que tu te per'

Page 79: Contes Licencieux de Constantinople

t26 CONTES LICENCIEUX

( mets d'agir comme si tu étais son mali.< Mais ce sera une illusion. r

L'anachorète s'arrêta un instant.u Avez-vous compris? interyogea-t-il.- Alors ce ne sera gu'une illusion?- Je vous I'ai dit. rLa femme du marchand assura qu'elle

était prête à se soumettre aux pârolesmagigues.

< Couchez-vous sur le gazon, commesi vous étiez avec votre maril ordonna lesolitaire. r

'La dame s'allongea sur l'herbe et lepère, avec de grands éclats de voix,se mit à réciter des mots incomnréhen-sibles tout autant pour lui que pour lapélerine.

n Me voyez-vous auprès de vous? de-manda-t-il en s'interrompant.

* Non, vous êtes toujours à genoË..- Patience, les paroles magiques ne

tarderont p,as à produire leur effet. rEt il continuâ ses litanies.c Eh I eh ! s'écria tout à coup la fem-

me, je crois gue vous êtes prés de moiet que vous m'embrassez I

- Allons le charme opère, continuezde prierl

- Mais vous me déshabillezl

DE CONSTANTINOPLE L27

* C'est-à-dire que vous le pensez,Priez, priezl

- Mais que cherchez-vo:tls entre mesjambes?

- J'étais bien sùr des paroles magi-ques.

- Mais vous me faites ce gue fait monmaril

- Priez, priez, ma fille.- Ah ! jamais mon mari ne m'a donné

tant de bonheurl- Priez, priez, mon enfantl Dieu va

exâucer vos væux! tLe paillard amiva ainsi à ses fins. La

femme .Bartit en le remerciant de sesparoles magicJues, persuadée qu'elle n'a-vait eu que l'illusion de coucher avecle saint homme.

Et neuf mois, jour P'our jour, aPrèsson pèlerinage, elle accoucha d'un grosgarçon qui remplit d'aise toute la maisonet toute la famille.

(Chios'\

XXilI

A L'ENDROIT EÎ A L'ENVERS

Un jeune homme de bonne famille fai-sait la cour à une de ses voisines gu'il

Page 80: Contes Licencieux de Constantinople

128 CONTES LICENCIEUX

comptâit bien épouser. Un iour qu'i]trouva seuie la belle à la maison'. i is_e_ mit à I'embrasscr, à la caresser, :\ ladécouwir puis à lui planter au boir cn-droit, sans la pcrmission du prêtre, uirepique solide dont il se servail du reste.pour la première fois.

La fille avait été très étonnée de cetteopération. Aussi, sa mère rentrée. elle luidit:

" Mon fiancé est venu tout à l,heure3t il mr'a mis entre les jambes une longuemachine qui rn'a fait bien peur. C,éIaiteomme une bête qui en traînait deuxautres attachées, et gui sautaient et guidansaient! La grosse bête poilue a eu-dela peine à entrer dans ce qui mesert-à pisser. Enfin elle y est oa-rvenue.tandis gue les deux autres me-battaientle cull Enfin, le grand animal s'est misà cracher et il s'est aussitôt radoucipour se remettre en colère deux autresfois. Je croyais qu'il était enragé.

- Ah I malheur-euse I et tu fas pascrié à I'aide?

- J'avais une telle frayeurl puis celaavait fini par lne faire si grand plaisirl

^ - Tais-toi, chienne, putain. chârogne !

lu as p€rdu tou pucelagc! Te voilà uneftle de mauvaise viel Ton fiancé est un

DE CONSTANTINOPLE 129

brigatrri! Jamais, non, jamais, iI ne t'é-pousera!

* Ainsi je ne me marierai pas?* Tu te marieras, mais avec un autre

garçon. Je ne veux plus voir le fils decochon qui a abusé de ta faiblesse d'es-prit... Ce qui est fait est fait. Ne parlede ceci à pcrsonne, si tu ne veux pasnous faire mourir de hontela

tr-a fille réfléchit. Le soir même, elles'arrange po,ur rencontrer secrètementcelui qui lui a volé son pucelage.

< N'as-tu p,as hontel Iur dit-elle. Tu t'esintroduit cirez moi comme un voleur.J'ai. tout raconté à rna mère. Et mainte-nârt nous ne nous marierons pas.

- Idiote, ùnbécile! jure le garçon. Fal-lzr-it-ii raco,nter cela à ta mère!... Le vilest tiré, il faut le boire. I.{ous nous ma-rierons chacua de notre côté, mais au-paravant, je veux te rendre ce que jet'ai p,ris.

- Le peut-on?- Certes. Pour te voler ton pucelage,

tu t'es mise sur le dos et rnoi sur ton ven-tre. Recommenç\lns, mais à I'envers. Jeserai sur le dos et toi sur mon ventre.Ainsi tu repnendras cette chose à }aguel-le ta mère tient tant. r

La fiile est bien heureuse. Elle so,ulève

Page 81: Contes Licencieux de Constantinople

130 CONTES TICENCIEUX

sâ chemise et a yite fait de montrerle chemin à la bête furieuse, qu,elle finitpar_ calmer après plusieurs attaques...

( Là, m2intenant va trouver ta mère etdj-s-lui gue je t'ai rendu ton pucelage.ElIe pourra te marier avec qui elle levoudra. r

Bien entendu, la sotte n'a rien de pluspressé que d'aller, triomphanLe, entrete-nir sa mère de la nouvelle aventure.La, bonne femme lève les bras au ciel.

e Je vois, nigaude, que nous devons temarier sans retard, autrement tout levillage oouchera âvec toi. Une commèrem'a parlé d'un jeune homme aussi bêteque toi, mais qui a de l'argent. Vous fe-tez le plus beau mariage d,imbécilesqui se soit jâmais vu!'

La fille est bientôt mariée. Son ancienfiancé a bientôt fait de son côté, 'detnouver chaussure à son pied.

La première nuit des nôces, sa feunefemme, entre deux parties du jeu d'a-mour, lui demande pourquoi il n,a pasépousé sa première fiancé.

q L'histoire est bien amusa[te, lui dit-iI.,. r

Et il lui raconter oomment il vola etrendit le p,ucelage de I'innocente. Lamariee rit comme une foUe.

DE CONSÎANTINOPLE

o Tu as bien fait de ne pas épousercette sottel dit-elle. Raconte-t-on ces his-toires-là à sa mère I Âinsi. rnoi, notre do-mestique a couché plus de cinquântefois avec moi; me suis-je amusée à enfaire co'nfidence à mes parents? )

(Enui,rons de Rodosto.)

XXXIII

LA FEMIIIE EN COUCHES

Une jeune femme mariée avec un hom-me d'âge mûr, était ,enceinte et elle allaitaccoucher.

n Cela ne saurait tarder, dit la sage-femme. Encore une ou deux minutes...Voyons si. je ne vois rien, 'Et elle examine i'endroit par lequelsortent les pauwes et les riches.

r Encore rien I c'est bien étonnantl- Dites-d.onc, remarque la jeune fem-

me. Voyez donc si l'en{ant ne se ptrésentepâs par le deuxième trou, car mon marime bâise aussi souvent par derrière quepar devanl t

(Conttantinople.)

Page 82: Contes Licencieux de Constantinople

L32 CONTES LICENCIEI]X

xxiiiri

LE TROU DANS LA PLAÀICHE

, Un eertain pnêtre itoursuivait ciepuis

l:"C-l.pq: une jotie fi l te avec laquelteu dcsirail joucr à certain jeu què lespopes connaissent bien.

La pucelle l init par lui dire..

. J,J vous prêl.erais bicn cc à quoi voustenez tant. Ifais j,ai oui clire par ila màre que les curés ont un bâton trop grosci lrop, long et que qand i.Ls s'en sèrientavcc une vierge, cela produit grandesouffrance.

- Ta mère €st une sotte, répliqua lep'ère spiritu€l. Nous sommes des -hom_rnes cornme les autres; nous ne I'avonsni plus ni.moins long que

"' i-poite qui.

- uur-oal vous voulez m,cn faire ac-croire I M.a

- n-lère, aliez, est bien rensei_

gnee. Je l 'ai vue plu.s d'une fois couchéeavec ie curé qui fut ici avant yous.

-_ I a mère criait_elle ?-* Non, mais aussi son affaire était

plus vieille que la micnne et elle avait eule temps de grandir. r

Le prêtre réfléchit.u Ecoute, dit-il, trouve-toi ce soir chez

DE CONSTÀNTINOPLE loD

moi sous un prétexte quelconque. J,en_verrai ma femme chez ses parents. J'aitrouvé le moyen de ne pas te fairede mal. r

_ La fille accepta et fut exacte au ren-ûez-vous.

- : Tu vois cette pianchctte, dit-i l . Jei ai percée d'un pctit tr-ou, dans lequelJe vars passer mon bâtou. Ainsi tu n'enauras pas plus gros que le trou.

* L'idée est bonne. Je suis pnête àvous p.rêter le mien.

- Alors entre dans le lit et couche-ûoisur le dos. r

Le pope prend sa bête au repos et lapasse facilement dans l'étroite ouverturede Ia planchette, piiis ,vite, il saute suria fille Mais voilà que le cliable enfle etgrlSdit- et grossit de plus en plus parl'effet du désir et ausii r]e la ôompres-sion. Le curé veut le retirer. Impossible.Il souffre comme un damné. -

r A I'aidel crie-t-il.- Que faut-il faire?_- Tire sur .la planche... Aiel tu me

I'arraches! tu me l'écorches! iI est ensang! r

Ah! le prêtre ne pense plus au jeuamoureuxl

I

Page 83: Contes Licencieux de Constantinople

734 CONÎES LICENCIEUX

( Il faut aller chercher un médecin,pr:opose la fille. r

Tous deux s'épuisent en efforts inu-tiles. Le pope hurle à réveiiler la maisonvide heureusement.

r Quelle drôIe d'inventio,n I espèce deputain! gémit-ill

- Est-ce moi qui ai trouvé cette idée?proteste la pucelle.

- Non, certes, mais pourquoi I'as-hrvo,ulu si petit? Il fallait me laisser fairecomme tout le monde en a la coutume.

- Je serais bellel s'écrie la fille. Mevo5/ez-vous avec ce diable dans le corps.Il ne peut pas sortir de 'la planchette,comment serait-il sorti de mon trbu? r

(Constantinople.l

xxxvLE CHAUVE ET LA JEUNE FILLE

Une jeuue fille se moguait d'un hom-me qui âvait p,erdu ses eheveux.

. Je vais vous indiquer un moyende faire repousser votre chevelurq luidit la prrcelle. Lavez-vous la tête pendant

DE CONSTANTINOPLE 135

huit jours avec I'urine de votre femme. r- Allez raconter cela à d'autreE! s'é-

cria le vieillard. rEt tirant son priape:r Yoyez plutôt, dit-il. il y a cinquan-

te ans que je fais anoser celui-ci parI'urine de ma femme. Lui a-t-il p-ousbéle moindre cheveu sur la tête? r.

(Constantinople.\

xxxvl

COMME NOTRE ÀNE

Une jeune lille venait de se marier. Lelendemain sa mère va la voir plutôt parcuriosité que pour âvoir des nouvellesde sa santé.

. Eh bien! interroge la vieille; es-tu contente de ton mari ?

- C'est un beau garçon et il est trèsaimable.

- Cela, je le sais. Aussi je te parled'autre chose. La nuit s'est-elle bienpassée?

- Je n'ai gnère dormi.._ C'est I'habitude. $ais eufig' tu sais

Page 84: Contes Licencieux de Constantinople

tôo CONTES LICENCIEUX

maintenant pourquoi I'on se marie. Ehbien! Ton mari t 'a-t- i l donné du plaisir?Combien de fois est- i i reiourné'âu jeu?

- Du plais i r '? I I en a eu; i l .s 'e i r

est même donné cincl ou si i fois.. .- Alo'rs tu es bien heuretse?- Eh bien ! non ma mère..- Comment donc! crnq ou six fois ne

te suff isent pas? Ah! si ton père m'endonnait seulement une fois paf se-mainel

- Et comment serais-re heureuse?mon mari nen a pasr ou si p-eul

- Que me dis-tu?- La véri té. Son outi l est peti t" tout

pet i t . Ce n'est pas un homme. I I n 'ena guère plus qu un chien. >

La vieille se désole ei va consulter sonmari qui va trouver le curé.

. S'il en est ainsi. dit le prêtre, le ma-riage n'est pas val ide. I l faut demanderson annulat-on. b[:ri.; âuparavant, je pen-se que nous devots exeminer cette infir-mité. Au so,uper de ce soir, vous niin-vitercz avec dcs iémoins honorablcs.Nous arriverons bien à constater I'inr-puissance du marié. t

Le soir venu. on se met à table. Oaruange, on boit, on chanie et l'on daq-se Puis orr se rassicd

IIt.II

II

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DE CONSTANTINOPLE r5t

. Eh bien ! mon fils, dit le prêtre;il paraît gue vous n'êtes pas un hom-me comme un autre et que voire frèieà tête chauve ne ressemble prs à cequ'on a coutume de trouver sousie nornbril.

- Je l'ignorais, riposte le marié. 'Et il tire de sa culotte un superbebâton que la bonne chère avait misen belle humeur.

- Que nous chantiez-votis? s'excla-rnent le curé, les pareuts et les té-moins. Jarnais nous n'avons vu plusbel outil.

- Vous appelez celâ un bel outil ! s'é-crie la mariée. Vous n'avez donc ja-mais vu celui de notre âne I Il est troisfois plus fortl Pensez-vous me faire ac-croire qu'un homme ne vâui pas unâne! r

(Lhi , , t : " t

XXXVII

FAUT-IL S'EN ÀLLER

Aux errvircns de Césarée, iI y avaitune fernrne velr-"'c qui avril beatcouit dc

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1

Page 85: Contes Licencieux de Constantinople

138 CONTES LICENCIEUX

biens. Elle en avait tant que persornedans le pays n'osait la d.emânder enmeriage. Elle avait. parmi ses nombreuxdomestiques, un solide gail lard qui nerêvait que de coucher avèc sa maîiresse.

Un jour la femme et son serviteura-llérent de compagnie à Césarée, I ls yfirent un bon repas et burent un peuplus que de raison. euand on reitraà la _maison, le gaillard était dégrisé,mais la femme avait grande envie dJdor_mir. Elle se retira done aussitôt danssa chambre, se déshabilla sans trop sa-voir .ce qu'elle faisait, si bien qù,ellese mit toute nue sur le lit où elle s'en_dormit.

Son travail terminé. Je valet passaprès .de la chambre de sa maîtresseet la trouva entrebâillée. Il entra surIa pointe des pieds et put conternplerà son aise les charmes de la veuve.

Du coup, son diable se mit à danser.

" Tiens-toi tranquille I dit-il. Je vaiste mener à la fontaine!,

_ .Le gaillard ferme la porte? se désha_bille et se couche sur sa patronne. Elle::1-."i- bien ptacée qu'il ne lui est pasdiff ici le de I 'embrocher.

D'abord la femmc ne bonge pas. Mais

DE CONSîANTINOPLE 139

bientôt elle remue, puis elle suit la ca-dence, enfin .elle se réveille.

< Que fais-tu là? malheureux! dit-elle.- Vous Ie voyez bien. Je vous baise.- N'as-tu pas honte, bandit?- Alors, excusez-moi, je me retire!- Je ne t'ai pas dit cela, imbécile!

Puisque tu as cornmencé, il faut finir! r(tresôos.)

XXVIII

LES DEUX SCEURS

Deux sæurs avaient épousé deux frè-resl aussi les deux ménages avaient-ilsl'habitude de prendre leurs repas encommun, bien que demeurant chacunchez eux.

Un inatin, comme les frères étaientà travailler à leurs vignes, un étrangerpassa dans le village. Il avait soif; aussis'arrêta-t-il pour entrer dans une mai-son. C'était celle de la sæur cadetie.

o Pourriez-r'ous me donner un verred'eau ? tieinanda-t-il. Je suis très altéré.

- Reposez-vous un instant, Je vaisvous serYir du vin frais. ,

Page 86: Contes Licencieux de Constantinople

140 CONTES LICENCIEUX

. I, 'étranger remerçia et but deux cutrols verres de vin. non sans enqagerla conversation avec la jeune f;il;;.,

* X{a -foi,

dit-il tout à coup,; j,ai unedemande à vous faire. Vous

'et"" fieti

la plus jolie femrne que j,aie vu" Ounsmon voyage. Il y a plus d'un mois gueJe n'ai couché âvec tlne femme. Je côu_cherais volontiers avec vous.

- Que dites-vo.us là, étranger? Je suismariée.

,- Raison de plus. Votre mari estabsent. I l rr 'en saura rien et cria nelui enlèvera pâs une trouchée.

* Mais ce sera_it mal agir.. - Au contrrire. Vous n,étes pas bien

riche et- j'ai la bourse tiicn gâ.nie. -iË

vous offr-e vingt pièces cl,or qui vousrendront bien service. Vous pouvez bienaccepter ma proposition. r. L'hcmme parlait rais.on:rablement. Lajeune femme se coucha avec l,inconiruqui prit une heure de bon temps, don-na les medjidiehs €t repdt sâ io,ute.

.Lui parti, la femme courut aux pro_visions et prépara un rriai

".pa.' d"

noces.Vers midi, les deux frères rentrèrent,

suivis de près par la sæur aînée.

DE CONSTANTINOPLE 141

" Que se passe-t-il? s'écrièrent lespâysâns.

- Vous le saurez tout à I'heure. Man-geons et buvons. "

Le dîuer expédié, la femme servit lerakhi et déposa dix-neuf pièces d'or etquelque menue monnaie sur la table.Jamais on n'avait vu tant d'argent.

n Allons, vite; dis-nous où tu as eucette fortune!

- C'est bien simple; un étranger debelle mine est entré ici pour me deman-der à boire. Je lui ai donné du vin.1l m'a trouvée à son gofit et m'a Pro-posé vingt medjidiehs pour coucher aveclui. Devais-je les accepter?

- Certainementl dirent les deux frè-res.

- C'est ce que j'ai fait. Et j'ai eu lesvingt pièces d'or. ,

Son beau-frère se retourna furieuxvers la sæur aînée:

" Fiile de putain ! s'écria-t-il. Quel dia-ble m'a fait marier avec cette garcelCe n'est pas à toi que I'on donnera ja-mais vingt medjidiehs pour percer tonvieux con!

- Est-ce de ma faute! dit la femme enpleuran! I+e curé e[ ]e juge çQ'uchent

Page 87: Contes Licencieux de Constantinople

742 CONTES LICENCIEUX

avec moi deux fois par semaine. et lesraores ne me d.onnent jamais un'sbut ,(Métetin.l

xxxIxLA FEI\{ME QUI EN A UN A LOUER

{Jn benêt Césariote avait épousé unefemme des IIes. Elle était

"ur'ri -ufi*uet_ adroitè qu'il était lourdaud "i

-.'J

-Un_e certaine nuit, notre Césarioté se

reverlle et se sent I'envie de pïquer safemme. La lance était pnête. e tdto",l"marié l'enfonce et recônnaît seulementalors qrrs sa'femme lui présente i" d;;:

Stupéfait, le Césariote i,ecrie,"'Mais tu as donc deux conè?- Tu ae t,en étais donc p,as encore

aperçu ?

_ - J'étais à cent lieues de m'en dou_ter. Aussi est-ce la première fois aue ieme sers du con du derrière. On'y estau_ssi bien que dans l,autre, s",rt "qu,iia Ia gueule plus étroite. r

- L-e femme le laisse faire, non sans rire

de la naiveté de son mari.Le lendemain, le Césariote n'a rien de

DE CONSTANTINOPLE 143

p,lus pressé que d'aller raconter à toutIe monde la cas particulier de sa femmeet de donner force détails pour prouverso,n dire.

L'histoire ne tarde pas à arriver auxoreilles du curé qui, àepuis longtemps,avalt envie dc co,ucher avec la jeunefenarne.

Un soir, le père spiriLuel arrive chezle Césariote.

c Je m'ennuyais à la rnaison. dit-il. Lavie est triste depuis que j'ai perdu mafemme. J'ai pensé à venir souper avecvous €t j'ai apporté un panier de vinet de provisions.

-.9oy9, le krienvenu! répond le jeunemarié. ùIa femme va met[re la ta-ble_ o

To,ut en rnangeant, ,on cause cle choseset d'autres. Enfin le papa en arriveà ce qur lui tient au cæur.

.91 q'u assuré que ta femme, dit-i lau Césariotc, n'est pas comme toutes lesgarces du pays...

- Oui, o.ui, père; elle a deux oonsl- C'est cela même. Eh bien ! te serr-tu

des deux?- Une seule fois je me suis servi du

petit.- Un seul ne te suffit donc pe.s?

Page 88: Contes Licencieux de Constantinople

L44 CONTES LICENCIEUX

- Il en a bien trop d'un I interromptla femme.

- Trop, non; assez, oui.- Que penses-tu faire du second?- Ma foi, je n'y ai pas songé.- Ce serait sot de le laisser sans enr._

p'loi. Tu n'es pas riche et tu pourrais lelouer pour un bon revellu.

- -

^Mais à qui voulez-vous que je le

loue ?- Je le prendrais bien, si tu étais

raisonnable pour le prix. Combicn en d,e-mandes-tu I'an?

, --Femme, qu'en dis-tu! Serait-ce trop,de dix medjidieh?

- Tu es le maître, mon ami... Celatrcus convient-il, monsieur le curé?

- C'est un p,eu élevé pour ma bôurse.mais je ferai un sacrifice si tu me donnescelui de devant.

- C'est justement celui que je voulaisYous proposer.

. Af9rs, le bail est eonclu. Je paie sixmois d'avance et j'entre en jouissancede suite.

- L'affaire est entendue.* Eh bienl couchons-nous. Tu te met-

tras au fond du lit et ta femme te tour_nera, le c... du derrière; pour nroi, jeaoucherai surle bord_

DE CONSTANTINOPLE t45

- Ce sont bien nos oonventions, rLe Césariote, la femme et le curé se

rnettent au lit et le pope fait tout desuite I'lnspection de sa nouvelle acqui-sition, secondé merveilleusement par iajeune mariée qui pnend un plaisir fou àI'aventure.

Voyant que sa femrne et le euré rnet-tent tant d'action à leur travail, Ie Césa-riote craint qu'on n'empiète sur son ter-rain.

o N'oubliez p,as père spirituel que je nevous ai loué que celui du devant. Ne tou-chez pas à l'autrel

- Je te le laisse et ne suis pas envieuxdu bien de mo'n pnochain. Tu peux dor-mir e.n paix! lui répond le curé. n

C',est ce que fit le Césariote, non toute-fois sans pnendre la précaution de bou-cher avec la main le c... qu'il s'était ré-servé.

(Smgme,)

XL

L'ALENE DU CORDONNIER

Un cordonnier se maria. A peine au.pnès de sa femme, iI lui dit:

I

Page 89: Contes Licencieux de Constantinople

146 CONîES LICENCIEUX

c AIIons, vife, que je cousel

d";TËi";*s-tu faire? Er que partes_tu

_. - Certes, ne suis-je pas cordonnieret un cordonnier ne aoii_ii p* Ë;i;du matin jusqu'au soir?

bi; ;",i"i"$i,iH*;;ï, soir, je re veux

- C'cst ce oui te trompe. Tiens_toibienl Voici mdn aienelEt Ie cordonnier nique, pique, mettantplus d'arcleur qu'à'rapelasser des sou_liers.

" {9 n* te connaissais p,as une si bon-ne alène I s'écria la mari'ée. Eli; ;;oË_m;ncé par me piquer, nrais r.naintenaîtelle me fait joliment'du bien.. - y9 sera mieux tout à l,heure quand3e mettra Ia poix ! o

Peu après-la femme avoue:, iTu ne me mentais purf- iu es unhabile cordonnier! >

^^Yl-"-**", la besogne achevée, la re_commence pour s,ariêt."

"t "."J_irËi_cer-encore. Enfin, iI en a assez et tournete dos à sa femm'e. r\Iais "li;;*"i,;;;;;pas ainsi.

,_l H: ! I'ami, retourne_toi. Il faut cou-gLu d" s-oir au marin; ;"-l,il;;;ctrt quand nous nous sommes couchés?

DE CONSTANTINOPLE t47

- Laisse-moi. Mon alène est faussée.- Ah! misèret déjà faussée. eu,allons-

nous devenir? >Et elle prend I'alène, la tourne. la re-

F*":. L'outil, qui n'en peut plus, estrnsensrDle aux caresses._ o Pourquoi n'as-tu pas pris une alène

plus solide? demanrle la mariée.- Pourguoi? me crois-tu riche comme

Rhalli? Je ne suis qu'un pauvre savetier.J'ai acheté I'alène que j,ai pu trouverd'occasion, et encore y àije mis toutesmes économies.

- Combien en coûterait-il pour enavoir une le.uve qui soit bien trempée?

- - Hélasl je ne I'aurais p,as à m'oins

de trois livres turques..- - C'est justement les économies quej'avais confiées à ma sæur. Dès le soîeilIevant, j'irai les chercher et tu courraschez le marchand. r

Le lendemain, muni des trois liwes. lecordonnier prend le chemin de la viile.U y rencontre des compagnons avec les_quels il fait la noce et dépense tout sonargenL

Rentré à Ia maison ,il trouve sa femmequi fattend impatiemhenl Elle est déjàcoucnee

. Eb bien? intemoge"t-elle.

Page 90: Contes Licencieux de Constantinople

148 CONTES LICENCIEUX

* Je rapporte une alène de premièrequalité.

* Allons, tantcher. r

Il est à p,einei'acquisition.

mieux. Viens te cou-

au lit qu'elle examine

r Ah! comme elle bien trempéel euellebonne idée j'ai eue d,économisiô cestrois l ivres!... r

Puis une idée lui vient:tQu'as-tu fait de la vieille alène?

_ - Je.l'qi p,erdue en passant sur le pontde la rivière.

- C'est bien malheureux I Ma mère meI'avait demandée I r

Après avoir besogné une partie de lanuit et pris un !,eu de repoi, la mariéese lève, p,répare le déjeuner clu cordon_nier et dit qu'elle va passer un momentav€c ses parents.

Mais ce n'€st pas Ià son idée. Elle courtau pont de la rivière et cherche l,ai_guille.

Le pope vient à passer.r Que cherchez-vous, mon enfant?- Une alène merveilleuse que mon

mari a laissé choir dans ce cours d'eau.-_ Ellr ne peut être gu'au milieu. Je

vais vous aider à la chercher.,Le p,rêtre relève sa robe et fouille Ie lit

DE CONSTANÎINOPLE 149

de la rivière. Mais soudain la femmeaperçoit le bâton épiscopal du curé.

" Allons, allons! s'écrie-t-elle; ne faitesp,as semblant de chercher plus long-temps. Je la vois krien I'alène de mon ma-ri; elle p,end entre vos jambes. Rendez-làm'oi, ou allez Ia porter à ma rnère à quije I 'ar pnomise!r

(Chios,)

XLI

CELUI QUI EN ABAT DOUZE D'UN

SEUL COUP

Un autre cordonnier avait, la premièrenuit de ses noces, dép,ucelé sa femmeen douze parties ininterrompues. Aussile lendemain s'était-il fait une ceinturesur laquelle il avait écrit: "-Je suis celulqgi en abat douze d'un seul coup! r

Le femme n'avait ni mère, ni sceur etelle était très discrète. De sorte que per-sonne dans le pays ne comprenait lesens de I'inscription.

Quelque temps se pâssa. Le cofdonniereut un jour affaire à la ville pour ramas-

Page 91: Contes Licencieux de Constantinople

150 CONTES LICENCIEÏ]X

ser les chaussures fatiguées qr'il devaitrapetasser et remettre à neuf,

Il passa devant la maison du juge.r Hé! I'homme, lui cria la femme du

Cadi. J'ai des souliers à te donner tLe cordonnier déposa son sac de

chaussures et entra dans la maison.La femme ferma la porte au vernou,

fit retirer sa serrrante, apporta une demi-douzaine de vieux souliers et convint duprix.

r N'avez-vous p,as faim? demanda-t+lleau compagnon,

- Je vous remercie; mais je p,rendraibien un verre d'eau ou de vin.

- Voici du vin... Mais, dites-m,oi donc,que signifie cette inscription: cJe suiscelui qui en abat douze d'un seul coup?

- Madame, je n'ai jamais voulu l'ex-pliquer à personne. I\{ais vous êtes si ai-mable que je vous en ferai confidence. r

Et il lui donna la vraie raison.< Mais c'est merveilleux! s'exclama

la dame. Mon mari n'a jamais pu dépas-ser deux coups. Seriez-vous encore capa-ble d'un pareil exploit?

- Certainement; mais pour ces chosesil faut du nouveau. Avec ma femme, jen'ai plus jamais été plus loi.n gue cingou six.

DE CONSTANTINOPLE 151

- Les cordonniers sont des hâbleursldit la femme du juge. Je gagerais bienvingt liwes que vous ne pouvez m'enabattre douzê sans vous y reprendrel

- Je tiens le Pari.- Essayons. Mon mari est au tribunal

et ne reviendra p'as de sitôt. Venez surces coussins; Dous Y serons bien. t

Le cordonnier tire une solide alène et

se met à coudre. La femme n'a jamais

été à pareille noce) ce qui ne I'empêchepas de faire ses comptes... Un.. ', deux"',

t ro is. . . lLe onzième est terminé et le douzième

bien en train, quand on fraPPe à laporte. I

< Le juge! muûnure la femme. o

Et vite eIIe remet les coussins en ordretandis que le cordonnier range I'alènedans son étui. Puis elle va ou\Tir à son

cocu de maître.Le Cadi n'a Pas de souPçons, tant le

cordonnier paraît occupé à faire craquerles semelles et à mesurer les trous deschaussures. Il salue l'inconnu et passedans sa chambre.

. Eh bienl €t mes vingt liwes? deman-de le oordonnier.

- Je ne te les dois Pas' dit l4 femme'

Page 92: Contes Licencieux de Constantinople

L52 CONTES LICENCIEUX

Tu n'€n as abattu que onze et nousétions oonvenu de douze.

- Ce n'est p,as de ma faute si je n'aipas achevé le douzième que j'avais com-mencé.

- Ceci ne me regarde pas; je nepayerai pasl r

L'homme se fâche et crie si haut quele Cadi accourt pour s,enquérir du brùit.

n Que se passe-t-il à propos de cesmaudites chaussures? demande-t-il

- I1 ne s'agit pas de chaussures. ripos-te.le cordonnier, mais d,un pari {ue-j,aifait avec votre femme. Comùe ellè avaitlu I'inscription gui est sur ma ceinture.elle m'en a demandé l'explication. Je luiai.dit que d'un coup de bâton je me fai-sais fort d'abattre douze fruitl sur uncertain pommier de votre jardin. Ellea prétendu que j'étais un menteur. Bref.nous _avons parié vingt livres que j'ac_complirais cet exploit. J'ai bien abâttudouze pommes, mais la douzième n'étaitpas- bonne à malger. Ai-je gagné monpari, seigneur Cadi? r

Le Cadi était un homme juste.u Le cordonnier a raison. Ce n'est pas

de sa faute si le douzième fruit n'éiaitpas mangedble. Femme,'donne les vingtIiwes à ce garçon, ét une a.utxe fols

DE CONSTANTINOPLE 153

n'aventure plus ma fortune dans desparis aussi ridicules. r

(Srngrne.

XLII

SERMON D'UN CURE

Un certain prêtre exhortaii ses fidè-les contre les maléfices du démon.

* Les plus grands péchés auxquelsnous incite Satan, disait-il, uous viennentpar I'intermédiaire de la femme. Et lepéché de cette sorte qui est le Plusgrave est celui de I'adultère. Il n'estpas de crime plus abominable que deeoucher avec la femme de son prochain.Tel que vous me voyez, tout prêtre queje suis, j'aimerais mieux dépuceler unedo,uzaine de vierges que de commettrele péché de luxure avec lâ plus sale desfemmes mariées de toute notre île.

- No,us sommes de votre avis! s'ex-clamèrent les fidèles tout d'une voix. '

Ghiot.\

9.

Page 93: Contes Licencieux de Constantinople

154 CONTES LICENCIEUX

XLUI

CELLE DU POPE

Une femme demandait le divorce pré-textant que so,n mari n'avait pas iuf_fisamment de ce qui fait un homme. Ilfut convenu qu'uite douzaine de commè-res seraient chargées de se renseigner< ûe vlsu r en examinant le membre enlitige. , ': ;;. Or, le mari était bien dans le cas si-

gnalé. Il alla consulter le pcpe pour enprendre un bon avrs.

< Vas-tu te présenter to,ut nu devantle tribunal? demanda le prêtre.

- Non, nous en aurions honte. elleet mo,i. Il est convenu que je me'tien-drai derrière une cloison et {ue je feraipasser mon pauyre instrument par untrou- suffisament large pour y loger unoutrl cle bonne taille. Les bonnes fem_mes seront de l'autre côté et prongnce_ront leur jugement"

- En ce cas, je puis t'être utile etconfondre ta feinme.

- Je vo,us donnerai trois pièces devin si vous me sauvez de cette situationridicule.

.- C'est entendu. Je serai avec toi

ti

DE CONSTANTINOPLE 155

derrière la cloison et je leur ferai voirmon bâton pastoral qui, grâce à Dieu,est de première taille. >

Le pope se trouva au rendez-vous-Au signal donné, il passa sa pique dansle tro.u de Ia cloison.

r Ahl ahl s'écria une des commèreslje ne suis pas dupe! Ceci Cest la p... denotre pope. Je I'ai tenue assez souYentdans la main et ailleurs! Il n'y a quelui dans le village pour en avoir unesi bellel r

(Lesbos,)

XLIV

LA SAINTE-RELIQUE

DE SAINT-CYRIAQUE

Le capitaine d'un vaisseau marchandaffrété pour le cabotage de l'Àrchipel,avait une jolie femme qu'un curé cour-tisait. L'hômmg par son métier, étaitplus souvent en mer qu'à la maison;âussi I'abandonnée ne trouvait-elle pasdans le mariage, tout le plaisir que samère lui en avait fait esPérer.

Page 94: Contes Licencieux de Constantinople

156 CONTES LICENCIEUX

Le prêtre finit par vaincre les scru_pules de la belle ôt par obtenir fe ràn_

,liÀËJ'"turne qu^',il sotucitau îepiiis

Si le,plillard fut heureux, inutile duvous le dire. Sa maîtresse, qui ;ètndidepuis -près

d'un mois, se brècipîta suïJCs ro,ukoums et f it lcs borrchéès dou-Dles.., irvous all. l ls conmenccr la cinguiÀmernesse,-.ma petite colombel dit t"'p"eù- Et no,us continuerons par làs au_tres offices, mon petit pe"ô

"f.Aî rlîLe papa reprenait son bâton, quand onfrappa._rudement à la po.rte.

" V-o,ilà mon rnari ! rnurmura la fern-rne. Que le Diable l,empo,rte! A_t_on idéede revenir à pareille rreuret.,- ô;; ^f^ï

re? r

.f-9 cu1é tremblait de peur, car le ca_pitaine.était un g"". .oiid. 'qil-n;;;;pas froid aux veix._ : V,{tq. pè_re, iamasse tes habits et filepar l'échelle r

A.u dehors, ler capitaine jurait et sa_crâit.

,^1-Olvriras-tu, enfin? eue se passe_t-iloâns ma maiso,n? Oula p,crte, sale femellevre

ou i'enfonceLe curé avait disparu en arrière de la

DE CONSîANTINOPLE LDI

maiso'n et courait déjà, en chemise, versson presbytère.

La femme amiva presque nue à laporte de devant et l'ouvrit.

" Ah! c'est toi. mon amour! Si tu sa-vais comme tu'm'as fait peurl Je rê-vais que tu étais couché à mes côtéset que tu alrosais mon petit jardin,quand j'entendis un grand fracas. Jeme réveillai et crus que des banditsattaquaient la maiso,n. Jo me suis ca-ché la figure avec les couvertures. Puisla raison m'est revenue. J'ai écouté etj'ai reconnu ta voix... Vitg mon poulet,viens continuer mon songe. Il y a deuxmois que tu n'es pas allé à ta vigneef la terre en est joliment sèche. ,

Le capitaine s'était rado,uci. Tout ense déshabillant, il jeta un coup d'ceildans la rnaison et ne trouva rien desuspect.

( Vite, viens me rejo,indre, mon pi-geon. Viens, je meurs de t'attendre! "Le mari fut bientôt à continuer letravail si bien co,mmencé par le prêtre,travail qu'il reprit pour son oompte àla einquième partie et qu'il ne terminaqu'à la huitième. La garce po,uvait sevanter d'avoir un pré bien arroséI

Le matin, la femme se leva et se mit

Page 95: Contes Licencieux de Constantinople

158 CONTES LICENCIEUX

à vaquer aux soins habituels du mé-tl3g". Le capitaine fatigué po,ur plusq.-une ralson, resta au lit.

Iout à coup, en se retournant vers lar39-l_le, il sentit comme un paquet dechiffons entre les draps. Il j'aiti"a ôitrouva que c'était un caleçon commeen portent les curés.

Le capitaine pensa d,abord à assom-mer sa ïemme, puis à aller expéd.ierle pope dans I 'autre monde.

Mais, devant repartir le jour mêmepour reconduire ses marchandises àSml'rne, il ne vo'r.rlut pas se créer d'his_toires pour le moment et remit I'exnli-cation à son retour. Il se leva. déiàu_na, embrassa sa femrne et partit im-portant le fameux caleçon du père spi-rituel.

- Dès que le' vaisseau eut quitté le port,

le curé acco,urut chez sa maitresse quile reçut en riant._ -

< Tout s'est bien passé, lui dit_elle..$lo,n mari a trouvé le four tout chaudet .n'a pas manqué d,y faire euire sonpam.

- Laisso,ns cela. N'as-tu pas trouvémon caleçon que j'ai laissé dans le lit?

- Il y est sûrement encone. Si monmari I'avait trouvé, nous étions en belle

DE CONSTANTINOPLE 159

posturel II nous ett tués, violent com-me il I'est. r

La femme so,ulève les draPs, fouillepdrtout: pas de caleçon!.

o Nous sommes perdus ! s'exclamentles deux amants. Le capitaine a mis lamain sur le caleçon et I'a emPorté.Qu'allons-nous devenir à son retour? r

Les deux gaillards pleurent à chaudesIarmes. Cornment se tirer de I'aventure?

u Il me vient une idée, dit enfin lepope. Il y a plus d'esPrit dans deuxcervelles que dans une. Je cours ex-pliquer le cas au curé de la ville. C'estun saint vieillard dont I'expérience etla sagesse pourront peut-être nous tirerde cette maudite affaire. r

Le père prend son bâton, va trouverso,n vénérable collègue et lui nane l'a-venture.

Le vieillard rit comme un fou.uIl n'y a pas là de quoi rire! dit

I'amoureux. Songez que c'est une ques-tion de vie ou de mort pour cette femmeet pour moi.

- Aussi. vous ne mourrez Pas encoreflour cêtte fois-ci. Laisse-moi rire touthon saoûI, après je te dirai ce qu'il fautfaire. ,

Au bout d'un moment:

Page 96: Contes Licencieux de Constantinople

160 CONîES LICENCIEI]X

( Voyons, dis-rnoi comment €st fait cecaleçon?

- Il est en to,ut pareil à celui queje po'rte err ce moment et que voici.

- Bien, je Ie reconnaîtrais e-ntre cenlMaintenant voici ce que nous ferons dela sainte relique de Saint-Cyriaque.

- La relique... l Saint-Cyriaquàt...- Oui, laisse.moi faire.

-Retourne €n

paix Je te prévienCrai de ce gu,il fau_dra faire quand le, m6-att, se"â lre.ru. ,_ Le paillard reto,urne au village et dità Ia femme de se tranquilliser. -

TI:: it jours passés, le vieux pope ap-prenC que le navire du capitaine

-arrive

à quai. Vite le vieil lard s'àrrange pourrenco.ntrer le cocu.

< Bonjour, capitaine. Avez-vous eubeau temps? Le commerce va-t-il?

- Je vous rernercie, mon père. Voiciune piastre po,rr votre église.

Merci, mon fils... A propos, re.tcurnez-vous bientôt à la màison?'

- Dès ce so,ir.- Eh bien ! vo,us seriez bien aima-

ble de dire bonjour à votre vertueusedame et de la prier de me rappo.rter lasainte relique.

- La sainte relique I De quoi parlez-vous? :

DE CONSTANTINOPLE 161

- Mais ne vo,us en a-t-elle Pas Parlé?- Je ne sais de quoi il est question !- Mais de la sainte relique du glo-

r ieux eyr iaque. Votre femnre est vcnuenous la demander pour une quinzeine etnous la lui avons prêtée. Or, elle tardeà nous la rendre et Plus d'une femmenous importune Pour I'avoir.

- A quoi Peut bien servir cette re-lique?

- Elle donne des enfants aux femmesqui n'en ont point, et vous savez bienque votre épouse prie Dieu matin et soirde vous donner un héritier.

- Oui, o,ui, murmure le ç,aPitaine.Mais dites-moi. encore: cornment est faitecette relique?

- Mon Dieu, c'est une relique qu'àprenière vue on ne ramasserait pas suria rqute. C'est tout simplement Ie caleçonque portait le grand saint Cyriaque aucours de sa vie mortelle.

- C'est bien, mon Père. Je sais ce quevous voulez dire. Je ferai votre commis-sion. Et pour vous remercier d'avoir prê-té la sainte relique, acceptez cette bo'ursepour I'entretien de votre église' t

Le capitaine laisse là ses aÏfaires et s'enva en cLantant rejoindre son pigeon ché-ri. Il n'est p]us jaloux. 54 trouvaille

Page 97: Contes Licencieux de Constantinople

162 CONTES LICENCIEUX

mystérieuse est expliquée. Mais il a hon-te- d'avouer ses io.upçons. tt ""ctru

-ie

:11*ç"" dans te paniei âu l inge ;Ë;;-Drasse sâ femme et retourne- a sàri il_teau.Le pope accourt.r Eh bien ! demande_t_il.- Il est rentré et parti de bonne heu-re, Je I'ai vu cacher^le

""t.ç;;;;. i;panier à linge sale.

- Et voici pourquoi. rLe curé lui raconte l,histoire du cal+

çon de saint Cyriaque. La t.-r" "*itfign tu'ette va"mourir d.

"t;;.'Èr ;1;;;u-Ien mleux, quand le lcndemain tout le_clergé des environs, conduit p";l;;l;;;prêtrg vient cherôher processionnelle_

,T.l^r l"^:3i"te rclique qo" r" uoi.i"Ë;;;,t1g^u.:oI1, avait quelgue p,eu profinéelrur-ce I 'æuvre de saint Cyriaque? fût_ce celle

.dl popu ou du cafitairier fou_Sours est-il_ que la femme -du

capitàineaccoucha dans I'année d,un g".-r^;;;:ço,n.

Depuis, le calecon de saint Cl,riacueest f_ameux à vingt tieues'--e l;''rïni;Les Temmes stéri lËs vienneni ;;"raiinombre- prier devant ta sainte--"."rjôiËqui. opère toujours, g.acà--àox Ëil;curés de I'endroit.'(Chios,(

DE CONSTANTINOPLE 163

xLv

CELUI QUI EN AVAIT DEUX

Un marchand, qui faisait Ie co'mmercedu mastic en notre pays, en avait vu detoutes les couleurs au cours de ses voya-ges dans I'îls de Chios. Beau gârçon'beau parleur, beau jo'ueur et n'estimantI'argent que pour le plaisir qu'il enpouvait tirer, on pouvait dire qu'il avaitdes maîtresses dans chaque village, etl'o'n eût été embarrassé de les citer sansen faire une litanie interminable.

Ce qu'on savait bien, Par les diresdes co,mmères jeunes et vieilles, richeso,u pauvres, qui en avaient tâté, c'estquo-le marchand n'avait rien à envierâ un âne, et I'on sait que les ânes sontbien montés de ce qui fait le plaisirdes ânesses.

L'âge yenant, Ie marchand résolut dequitter cette vie de péché qui ne pou-vait le conduire ailleurs qu'en enfer.II pensa à prendre femme et jeta lesyenx *.," la Îille unique de son confrèreét co,ncurrent, Théodore, le marchandde mastic. De cette faço r, il aurait unejeune pucelle bien considérée dans le-pays

ef it accaParerait dans la fami[e le

Page 98: Contes Licencieux de Constantinople

164 CONTES LICENCIEUX

commerce de la précieuse golnnle que segrsputent les femmes des harems et lesfabricants de rakhi.

-L'affaire fut vite conelue avec le beau_père et la belle_mère. euant t h i";;fïle,. ,ce fut une toute autre affaire. Lemarié lui plaisait, mais l.histoi"" à" î

3:l lTT d'âne l.épouvanrait. C.esr qu,ellen'etart pas novice colnrne certainej vier-ges et qu'elle savait bien quel étaii ie:,Ï: .1" m31iasg. plus d,une fois, elles'etart arrêtée devant un âne de mai_et glle s'était demandée comme;i ,;;;la déchirer on pourrait taire entre" îîpareil outil dans le si perit

"ËÀ-à,iilguil,le qu'eile, portait enlre les jambes.eue refusait donc d'épouser ls Aalant.Sa_ mère finit par ta confesserl-'*-^"

_-< Ce n'es[ gue cela qui te gônel luidit-etle. Eh bien ! ta frâyeur J.i -rui"Ë

Cet homme n'est pas comme les isungggens du pays. Il en a deux, un petii poursa femme et un gros Oont it ;"; i; iavec les garccs et les putains. Tu n,asoonc rlen à craindre._ Ce raisonnement leva les scrupules dela pucelle. Et peu up"è, .[;-tô;;;; j;ma-rcnând de mastic.

Lo lendemain des noces, la mère viDtvoir sa fille.

DE CONSTANÎINOPLE 165

o Eh bien! Iui dit-elle. De quel outils'est servi ton mari?

- Oh! du Petit, bien que dès I'abordil se soit trompé, car cela me faisait mal'Il a repris I'autre et je fassur€ que

c'était bien bon.- Tu vo'is, sotte, que j'avais bien

raison de te conseiller le mariage ! r -

Tout alla pour Ie mieux pendant clueJ-ques jours. Fuis, une nuit, Ia gourmandes'écria:

o Àllons, tu m'as fait connaître tonoetit outil. Maintenant fais-moi goùter duqros, de celui dont tu te servais avecIes garces et les putainsl r

(Ciios,,.

XLVI

APRES LE MANGER, LE BOIRE!

Une femme de Lesbos avait marié safille à un garçon de Syra. u*n mois aprèsle mariage] la-mère prit le bateau et s'enalla passer quelque temps chez son gen-dre.

Co,mme de coutume, lâ vieille n'eutrien de plus pressé que de s'enquérir

Page 99: Contes Licencieux de Constantinople

166 CONTES LICENCIEUX

*ilî,:3ï.ï j:, îï' rffJ :î'j#,i::*^.

Jg t,avouerai, dit-la fi l le, que jene suis pas conténl

:*:"c. ï;J";;i,:"" i,J"iJ ;:#l:. jîî:^_S1" tu m'avais dônné"à;;Ë;;:i:go TTi se couchq me serre d";;;;::3.r "t

je sens son gios. bâb;Hiàï;;::"1T"

,'n diable. Jiespère tou.;.iu"rïulîva le, mettre au t"ou qu. uoilr-Ë,Ii#go"lq .Il n,en est rien..M"r, i;;;.-;;I::l,fottg à m.exciter en me manianr tes.?_ur{.:, Ies aisselles, .Ies seins,l;;,;-tre et le nombril: oIoin, it Ë];;;;"rTt',:1ot. aller Plus

^,-- u4,ï Ë,ii"i,,3,"ï*_l ï^.*;ij.Afors;. trl es e.ncore vrerge?__- rjerles, et je pourràis me remarier.:.:yl"nl."u_d'oràngtr. Mais j,en ;i;:;supporté

-J,ai bien l,intentioï a"l.î""iinerà Lesbos et de laisser i"i no"-.oiîu

,.*I-\'" fais pas cela, ma fille. Tu as faitun ,beau mariage; le garçon est ricfre lïd€ bonne ramixe: it eit Ëien Ëi.Ë"dine gâte rien...

-,.;_-Qu" voule.z_vous que cela me fasse^s'u se mogue de moi r

cne pas au bon roa"oitl s'il ne m'app.roi

DE CONSÎANTINOPLE Itr i

- Je suis de ton sentiment. Mais onpeut arranger les choses.

- C'est bientôt dit. Comment pensez-vous y mettre ordre?

- Voici ce que tu feras dès ce soir.Quand ton mari t'aura bien chatouillée,tu saisiras son outil et tu te mettras àcrier: Miaou! miaoul comme une chattequi demande à manger. Il te demanderace que signitient ces cris, et tu lui dirasque ta chatte veut de la bonne viande.S'il ne te co,mprend pas, c'est qu'ilest waiment faible d'esprit, et alors noussongerons à faire annuler le mariage.

- J'essaierai de la recette, ma mè-rel r

Le so,ir venu, les deux mariés se met-tent au lit. Le garçon recommence àpasser les mains sur le corps de safemme. Quand il arrive au ventre, lamal servie se met à sauter et à se tré-mousser. EIle tient ferme la pioche dumauvais.laboureur et crie:

r Miaou! miaou! miaou!- Pourquoi miaules-tu comme une

chatte? interroge le jeune marié.- Je crie pour ma petite chatte qui

ae sait pas eneor€ p_arler, mais gui de-mande à manger.

- Et où est ta petite chatte?

Page 100: Contes Licencieux de Constantinople

168 CONîES LICENCIEUX

- Là, €ntre mes jambes.- Que désire-t-elle?* Ce que je tiens dans la main.

^ _- N" la.laisse pas crier davantage.

uonne-Iul â manger tout solr saoûl! >. La femme profite de la permission etintroduit la viand.e au bon endroit. Lebenêt n'est pas fâché cl,apprenclre cemétier qu'il ne connaissait pas et lafemme rend grâces à sa mèie de luiavoir appris à miauler comme les chat-tes.

Aussi à chaque fo,is que son mari veutp'i"endre un peu de repos, elle crie:

u Miaou ! miaou I donnez à manger àma chatte ! r

Les plus belles choses ont une fin.surtout les choses arnoureuses. Le marifinit par quitter la partie po,ur tout debon, car il n'en peut plus, comme n'enpeuvent plus non plus son outil épuiséet ses sonnettes sèches cornme de vieillesamandes.

r Miaou! miaou! eontinue la gour-man-de. r

Le marié saute à bas du lit, pnendle vase et le présente à sa femme.

< Je crois gue la chatte a assez man-gé pour cette nuit, dit-il. Il est bon delui do,nner à boire! r

{syra.)

DE CONSTANTINOPLD 169

XLvIL

LES CHÀUSSURES

A Syra, vivait un pauvre diable quiétait marié à une jeune femme, joyeuse,luronne et putain enragée. Il suffisaitde lever le doigt pour la faire couchersur le lit ou sur l'herbe. De sorte queI'ho'mme était oocu chaque jour que Dieufaisait.

Un matin, la garce se plaignit den'avo;r plus de scu^iers à se me"tre auxpieds et elle fit si bien, qu'elle décida sonmari à se rentlre à la vilie pour .Iui enacheter une paire.

n Pour te récompenser, lui dit-elle, jete préparerai un bon dîner.,

L'homme parti, la femme tue un pou-let, le prépare et le met à cuire. Puis ellearrange des pâtés avec du hachis, pé-trit des gâteaux, met la table et s'assieddevant la p,orte.

Un garçon passe et lève le doigt.. Tu peux entrer, dit-elle, mon mari

est parti à la ville et ne rentrera pas desitôt. r

Comme il fait beau temps, l'obligeanteeréature emmène Ie gaxçon dans Ie jardin

10

Page 101: Contes Licencieux de Constantinople

170 CONTES LICENCIEIIX

€te sâns perdre de temps, retrousse sescotillons et aide de son mieux le nou-veau laboureur.

Sur ces entrefaites. le mari revientavec les souliers. II ramène un camaraderencontré sur le chemin et qu'il a invi-té à dîner.

On cherche la femme dans la maison.Elle n'y est pas.

" Peut-êLre Ia trouverons-nous au jar,din, dit le compagnon. ,

En effel le mari reconnalt, derrièrede gra"ndes herbes, d.eux jambes dresséesvers Ie ciel, qui dansent, qui s'ébattentet se trémoussent. Ce sont les jambescl,e sa femme, il n'en peut douter.

. Holàl hé! crie I'homme. Si c'est ainsique tu te prornènes, tu n'useras pasbeaucoup de souliers. Pourquoi m'as-tuenvoyé chez Ie cordonnier?,

(8yra,)

XLvIII

MOISE EN TERRE PROMISE

Un gertaiJl pope était marié. Commesl fsmm€ n'ellait pas tarder à acccu-

DE CONSTANSINOPLE L7t

eher, elle gardait le lit et son mâri' de-puis'longtemps déjà, était obligé de sui-vre la loi du jeûne.

Le prêtre; sur le co'nseil de sa femme,avait pris pour le ménage la fille dusacristàin, une grande gaillarde qui n'a-vait pas froid aux yeux et qui n'auraitpu dire en quel endroi,t elle avait perduson pucelage.

Une nuit, il arriva un vent violent qui

ieta bas une bonne partie des fruitsâu jardin. Dès qu'it fit jour, le curé sautaà bâs du lit conjugal, passa sa robe pourtout vêtement, réveilla Ia serva:rte etcourut au verger.

c Le vent â cessé, dit-il à la fille. Pro'fito,ns de ce qu'il ne pleut plus pour ra'râmasser et ranger tous ces fruits que

la tempôte de cette nuit a semés surIa terre. t

La jeune fille relève sa robe pâI 99-vant ôt s'en sert comme de corbeillepour y serrer les fruits, ne se doutantpas qu'avec Ie jupo'n elle a aussi re-Ievé sa chemise.

c Qu'est-ce que tu as là, de no'ir, depoilu et de rose au-dessous du ventre?interroge Ie curé.

- Çomment le voYez-vous?

Page 102: Contes Licencieux de Constantinople

\72 CONTES LICENCIEUX

- Tu as relevé ta ehemise avec ton vê-tement de dessus.

- Eh bien ! répond la fille. Cela s'ap-pelle la Terre Promise.

* C'est un jo,li nom pour une joliechose ! remarque le prêtre. o

Et voilà qu'à son tour, il relève sarobe et ramâsse les fruits. laissant aoer-cevoir un gailtard raide comme un pieu.

. Mon père, interroge la luronne, dites-moi donc le nom de ce que vous avezentre les jambes?

- Cela s'appelle Moise, mon enfant.As-tu bien retenu ton histoire sainte?Voyons, dis-moi ce que tu sais de Moise.

- Il fut sauvé des eaux en Egypte etconduisit les IsraéIites dans Ie désert.

- Est-ce tout ce que tu as retenu?- Il y a encore un tas de balivernes:

de la farine qui tombait du ciel, des gre-nouilles qui arivaient en guise depluie...

- Tu manques de respect aux chosessaintes, mais c'est à peu près cela. Maisdis-moi, qu'allait faire Moîse dans leDésert?

- Il voulait entrer da:rs la Terre Pro-mise. r

* Y est'il entré?

DE CONSTANTINOPLE 173

- Non, il est mort avant d'avoi" .ù"ôâbonheur.

- Mais il est ressuscité entre mes iam-bes et il voudrait bien entrer dans laTerre Pro,mise. r

La fille rit si fort qu'elle laisse roulerles fruits dans l'herbe.

c Si l[o,îse tient tant, dit-elle, à péné-trer dans la Terre Pro'mise et si Dieului a permis de ressusciter dans ce but,comrnent m'Y oPposerais-je!

- Allols, tu es gentille, ma mignonne.Retiro,ns-nous dans cette resserre, nous ysero,ns à l'aise. ,

Le curé et la fille du sacristain en'trent dans le petit bâtiment. Vite la fillese couche et le prêtre saisit son arme.

r Ah! je revo,is enfin Ia Terre Promise!dit-il.

- Viens, Mo,îse, la Tere Promise t'estouverte !

- \{oise est entré dans la Terre Pro-misel constate heureux le père spiri-tuel. t

Après plusieurs volrages dans le paysmerveilleux, le curé en a assez et vase reûlettre à râmasser les fruits duverger.

Câ travait achevé, le prêtre revientà Ia maison où il trouve le sacristain.

10.

Page 103: Contes Licencieux de Constantinople

_ " Y at-il longtemps que tu es arrivé?lur demande-t-il.

- Oui, un bon moment, queiques mi_nutes avant I'entrée de Moise dans laTerre Promise.

-- Tais-toi, Lais-loi, malheureuxl euema remme ignore tout ceci ! Je te donne_Tui dii.. piastr.es et je paierai une roÈea _ra_ lrlle, mais ne dis plus une pareillehérésie: C'est Josué et non fftoise qui euil'honneur de conduire le peuple d tsraêldans Ie pays promis par iEternel. ,

!(Constantinople.)

t74 CONTES LICENCIEUX

XLffi

LE POPE, LE JUGE ET LE NICHE

MARCHAND

Un charpentier était marié à une fem-.me qgi étai t b ien la plus jo l ie eL ta ptusno,nnête de Césarée. Les aaroure,rf o"rnanquaien-t pas cependant, mais *came savait les tenir à distance et aucunne. pouvait se vanter de lui avoir baisé39I.i te borrt du doigt. re

"n*pu"ii"in'etart pas de ces sots qui souffrent

DE CONSTANTINOPLE t75

le martyre de la jalousie dès qu'ils ontépousé une jolie femme. Sûr de la sienne,il vaquait à ses occup.ations sans se met-tre martel en tête pour des péchésqu'elle ne po,uvait commettre.

Parmi les galants les pl.us empressésautour de la jolie femme, il y avait lecuré, Ie Cadi et un riche marchand detapis.

Déclarations p'ar paroles et par lettres,p,etits cadeaux de toute nature, promes-ses d'argent, rien n'était négligé par lesgalants po,ur parvenir à leurs fins, Cest-à-dire pour obtenir de coucher avec lafemme du charpentier. Celui-ci était misau courant par la belle.

* Accep,te les cadeaux, disait-il. C'estbien le moins que nous nous amusionsaux dépens de ces paillardsl r

Le ternp,s passait sans faire avancerd'une semelle les affaires des amoureux.Leur ardeur n'en était que plus grande.ïls pensaient bien avoir à lutter avec unecoquette qui leur tenait haut la dragéedans I'espoir de se faire payer pluscher ses faveurs.

Le mois de mai ariva. Anes et hom-mes voient en cette saison leurs idéesse ponter vers les joies d'arnour, commele dit le p,roverbe. Les trois amoureux

Page 104: Contes Licencieux de Constantinople

1?6 CONTES LICENCIEUX

résolurent, chaeun de son côté et sansse .concerter _ puisqu,ils iqnoraientavolr des rivaux _ de tenter lJpossibleet I'impossible pour arriver a f"ir".-ii"scnarnelles. L,occasion était propice. lecharpentier travaillant u, d"i;.:-;; i;ville et ne revenant que rarement à larnaison.

Un matin donc, à la pique du iour. lecure pâssa comnre par hasard -devântIa .maison du charpentier. La femmeerarr occupée déjà à sa lessive_

. " Bonjour, ma petite chatte, dit_il. Tuoors t'ennuyer toute seule au logis.

. - II est wai que Ia vie est bieln dure tmurmura la belle.- Aussi pourquoi ne nous arrân-geons-norrs pas ensemble pour prendre

un peu de plaisir?

,,-- C'est que. j,ai pcur de mon mari.vous savez qu,i l n'est pas homme à piai_sâxter sur ces choses.

.^-^N'est-i l pas absent pour quelquesJours ?

. ; Certes, il m,a dit qu,il resterait9,.-T^ j":Fr,à la fin de i* ,.;;;;;;c'est mardi aujourd,hui.

- -S'il

€n €st ainsi, laisse_moi venirc"oueher cette nuit avéc toi. l* iei g.i

DE CONSTANTINOPLE r77

mis cinquante p'iastres; eh bienl je t'enapporterai cent.

.- Cela me serait bien utile, car je nesuis pas riche et je voudrais m'habillerun peu mieux. Mais je n'ai pas con-fiance en vos paroles. Quand je vousaurai donné ce que vous cherchez, vousoublierez votre promesse.

- Ahl -mon petit cæurl C'est mal dene pas avoir confiance en moi. Tiens,je vais te donner l'argent tout de suiteet j'y joins deux pi.astres pour que tunous prépares un bon souper. r

Le galant donne I'argent et s'en vâ,6'i-maginant qu'il a vingt ansl

Peu après amive le Cadi.. Bonjour, bellel dit-il.- Juge, bonjour.- Ton mari est dehors Pour la se-

maine; je le sais. Eh bien! veux-tu dixmedjidieh pour ce que je t'ai demandé? r

La femme proteste, puis finit par Pren-dre les dix p'ièces d'or.

A peine le Cadi est-il parti, qu'arrivele riche marchand de tapis.

n J'ai appris, dit-il, que ton charpentiertravaille au village. Belle comme tu I'eset mariée à un p'auvre homme, tu asbçsoin d'argent. J,e t'apporte inq cent$

Page 105: Contes Licencieux de Constantinople

1?8 CONîES LTCENCIETTX

piastres. Veux-tu coucher ce soir avecmoi?

- Il y a longtemps que je le désirais,mais j'ai si peur du charpentier, monmari!

- Alors, c'est entendu. A quelle heuredois-je venir?

- A dix heuresl- A ce soir, mon petit pigeonl rLa rusée range ses piastres et ses

medjidieh qui sont une fortune pour leurénage. Puis elle charge la fillette desa voisine d'aller trouver son mari etde lui dire de revenir à onze heuresde la nuit. Elle va faire ses p,rovisionspour le souper, renoontre Ie prêtre à quielle dit de venir à neuf heures, et Ie Cadiqu'elle convoque p,our huit heures.Le soir venu, le juge arrive chez la belle.

< Ah I ma pigeonne I que nous allonsêbe heureux I s'écrie le p,aillard.

- Le jeu auquel nous allons nous€xercer dem:rnde des forces, fait remar-quer la femme, j'ai préparé un bon sou-per. Mettons-nous d'abord à table.

- Nous mangerons bien tout à I'heu-rel

- Non, le souper serait refroidi, Man-geons d'abord. r

DE CONSTANTINOPLE L79

Le Cadi mânge et boit, pmis il chântedes chansons.

Soudain, on frappe à la Porte.r Voilà le charpentierl murmure la

femme. Nous sommes perdus. Qu'allons-nous devenir? r

Le Cadi se jette so'us la ta-ble, on frapp,e toujours.

o Àttendez, dit la femme comme Prised'uae inspiration. Cachez-Yous dans le

Pgtrin. 'Le Cadi a vite fait de se fourrer dans

la maie sur laquelle la femme rabattre couvercle. Puis, eile va ouvrir au pèrespirituel, non sans avoir débarrassé latable.

< J'ai eu bien de la peine à quitterma femme, dit la PoPe. Mais je luiai inventé une si belle histoire qu'ellem'a permis de sortir pour Ia nuit... Ai-lons, vite, au lit. Ne perdons Pas det€mps.

- Et le so;uper que vous m'avez faitpréparer?

- Je n'ai faim que de ta petite poule.- Ahl le gourmandl Ifangeons d'a-

bord. Nous avons la nuit tout entièrepour nous rassasier d'autre chose.,

A regret le pope se met à table. Lafemmr l'amusc Ilar ses histoires et

Page 106: Contes Licencieux de Constantinople

180 CONTES LICENCIEUX

ses chansons. L'heure lui tarde d.e beso-gner à un autre travail.

< Le moment est venu, dit enfin larusée. Déshabillez-vous, €t... mais jen'ose pas le dire.

- Dites, ma colombe.- Je voudrais vous voir tout nu.- Je vais te satisfaire, ma bellelrA peine le curé est-il nu comme Adam

que l 'on cogne joyeusenent à la porte.rMon maril s'écrie la femme. Vite.

mettez-vous les bras en croix dans cécoin sombre. Si mon mari vous voit. ielui dirai que c'est unc icône O'un nâu_v€au genre que j'ai achelée. r

Le prêLre obéit et presque aussitôtanive le marchand.

s Les heures m'ont semblé lonsues-dit-i l . I l y a une demi-heure queleiOaddevant ta maison. J,ai appcrié ,rï norr_let froid et du bon rtn pôur nous met_tre en appétit d'amour._ - Cela tomb,e à merveille. J'ai fait desIoukhoums. Régalons-nous. r

Lâ matoise berne le marchand. jus_qu'au moment où, p,our de bon, descoups retentissants sont frappés' à laporte.

. Ouvriras-tu, femme? Je frappe d.e_purs uR guart d'heure !

DE CONSTANTINOPLE 181

- Je suis perdu I dit le marchand.* Attendez!... J'ai une idée. Jetez cette

peau de bique sur votre dos et allezvous mettre à quatre p.attes dans ce coin.Je dirai, si mon mari le remarque, quej'ai acheté une bique. r

Le marchand otréit. heureux de cetteinvention.

Le charpentier entre enfin, jurant etsacrant.

< Quelle bonne fortune te ramène àcette heure? lui demande sa femme.

- Je m'ennuyais loin de toi, mais j'é-tais à cent lieues de p,enser que tu fai-sais bombance aYec des am,oureux.

- Des amoureux! pr,oteste la femme.Tu sais bien que je suis une femme hon-nête. J'ai eu un rêve cette nuit qui m'an-nonçait ton arrivée. Aussi ai-je préparéun bon repas pour t'attendre.

- Ne te fâche pas, ma colombe. Jesais que tu es vertueuse et les amoureuxsavent bien aussi que le charpentierserait homme à les changer en chairà pâté si j 'cn surprenais quelqu'un.Mettons-nous à table. ,

Le charpentier et sa femme mangenttout ce qui reste des provisions.

" Si nous allions nous coucher? p,ro-pose I'homme. Je me sens gaillard, mal-

11

Page 107: Contes Licencieux de Constantinople

182 CONTES LICENCIEUX

gré mon t-oyage, €t je veux faire cruel_ques tours dans ma vigne L ^r.a belle ne demande p"as-mieux. Elle

se déshabille et bientôt fôs t.oi, mafire*reux entendent des soupirs et des bruitsqui, en d'autres circonitances, teur eus_selt mis le diabte au corps.. Enji1, le charpcntier eË a assez. Ils-assrect sur Ie l it et s,écrie:

. Tu as donc acheté une chèlre?- 9ri, je I'ai eue pour aeux piastres;

ce n'est pas cher.

, * C'est vrai, mais je ne veux pas dechèwe ici. Cette bête sent fe muc. i"va_is la tuer et nous la

-uns.À;r. "La_ femme essaie de roi.e eniàià"à-"îi_son à son Tgi S_oi ne veut pas démor_ctre de son idée. Il veut tuer la chèvre!Le marchand de tapis ooit .u-a.ï"iÂi"

:i:"_I."ir. It se. précipire vers la porte,

mars pas. assez vite pour ne pas reôevoiiune magistrale volée de coups de bâtondu charpentier gui crie:, -(

Ce n'est pas une chèvrel c'est le dia_DIe que tu as achetét Tuons le démonl,

-Poussé vers la porte, le marchand

reussit à l 'ouwir et s'enfuit comme s,i lavait une meute à ses trousses.

Le charpentier revient.< Je ne p.tris dornir, dit-il, après eette

DE CONSTANTINOPLE 183

aventure. Je vais nettoy'er le pétrin etpréparer la pâte.

- Tu feras ce travail demain.- Non, cette nuit. rIl enlève Ie couvercle et p,araît ne pas

voir le Cadi qui se fait petit, tout petit.Vite, il prend un sac de farine èt leverse dans la maie. Le juge éternue.

< Qu'est-ce cela? s'écria le charpentier.Encore un autre diable I Attends. fils deSatan ! >

Le Cadi, tout enfariné, saute dans lachambre et l'homme le frappe à le tuerjusqu'au rnoment oir le juge parvient às'esquiver.

u J'ai p,erdu ma farine, dit alors lecharp'entier. Que vais-je faire pour at-tendre le matin?

- Reviens te coucher.- Non pas!... Voyons ce qui reste à

faire ici. rII parcourt I'appartement, remue et

déplace tout, tant qu'enfia iI arrive dansle coin sombre.

I Quoi encbre? demande-t-il.=_ C'est une nouvelle icône gu'on m,a

vendue.- Et tu n'as pas allumé la lampe?* Je n'y ai pas songé.- Je veux réparer cet oubli. r

Page 108: Contes Licencieux de Constantinople

184 CONTES LICENCIEUX

Le -charpentier allume une lampe et,

sous le prétexte de contempler I'icône, iipromène la flamme sous les pieds, surles mollets, sur les jambes du pope, quisoullre le martyre et n'ose remuer.

< Que vois-je? dit tout à coup le char.pentier. Cette image est obicène. CeChrist a un membre et des clocires com_me un homme. D,habitude ces choses-là se cachent, je ne veux pas cle cettermage.

- Ce serait un sacrilège cie la jeterdehors.

- Soit! Mais je vais lui couper cesrnembres dégoûtants qui devraienl te fai_re ro,ugir. Oir as-tu mis mes grands ci_seaux? r

Tandis que le charpentier cherche sesciseaux, le pope bondit, Tout nu qu'ilest, d'un bond iI arrive à la portô etd'un deuxièrne iI est dehors. ^

- Bien entendu, ni le juge, ni le mar_

chand, ni le prêtre ne s,avisèrent deréclamer leur argent et ils s,abstinrentde demander des renclez-vous à la fem_me du terrible charpentier.

(Céserëe.)

DE CONSTANTINOPLE 185

L

LE MARCHÀND DE BON SENS

IJn curé rapporta un jour à la maisonun baril de poissons salés que lui avaitdonné un capitaine de navire marchandqui revenait des pays lointains.

< Ma femme, dit-il à sa ménagèrg cesp,oiss.ons se conserveront jusqu'à fhi-ver. Conserve-les p'our Noël ".

La femme rangea les poissons et quel-ques semaines se passèrent.

Un matin, le prêtre étant absent, unétranger entra au presbytère.

u Ma bonne dame, dit-il, j'ai faim etj'ai soif. Pouvez-vous rne donner à man-ger et à boire? '

La popesse avait bon cæur, mais sonmari était avare.

o Je ne puis rien vous donner, dit-elle; le prêtre me I'a défendu.

- N'avez-vous pas quelques olives?- J'ai bien un grand baril de pois-

sons salés, mais mon rnari les réservepour NoëI.

- Cela lombe bien; je me nommeNoëI. Ah! je savais bien, en venânt ici,que ce cher pope n'avait pas oublifpon cousip malheureuX[

Page 109: Contes Licencieux de Constantinople

186 CONTES LICENCIEUX

'- Ah! vous êtes son eousïnt que nele disiez-vous plus tôt? Vous êtes sansdoute son cousin fioêI, celui qui est àConstantinople et qui a tant'd,esprit

- C'est justement cela._ - Alors, je vais vous donner à manger

et yous emporterez le baril. ,.- Le _pauwe diable mange et boit, puisil embrasse sa cousine eis'en v"

"*bor_tant le baril.

. La femme, sitôt Ie prêtre revenu) n'arien de plus pressé que de lui donnerdes nouvelles de son cousin NoëI. celuiqui est à Constantincple.

_ ( Et i l n'a pas attendu mon retour?clemande le curé étonné.

, *. Non, mais il m'a dit qu'il revien_

drait par ici... A propos, je' lui ai don_ne Ie baril de poissons, comme il étaitconvenu.

- Convenu? de quoi?

,. * N'avez-vous pâs àit que ces poissons

étaient p'our NoëI ?

_--- C-.fr.t._ mais pour être mangés auxfêtes de Ia Nat iv i té de Notre-Seigîeur! . . .Ah I waiment, vous êtes folle. Ëa tem_mel Vous avez été la dupe d,un vaga_bond qui n'est_pas plus môn cousin qîenotre mulet. Vous r!,avez jamais eu'debon sensl je vois maintenânt qlr" uooi

DE CONSTANTINOPLE 187

avez perdu le peu qui vous en res-tait. r

La femme pleure et gémit. Le papa sorten faisant clâquer les portes et s'en vaau village voisin.

Le mendiant revient alors au pres-bytère.

r Bonjour, ma chère cousine.- Allez au diable, étranger. Vous n'ê-

tes pas mon cousin NoëI, celui de Cons-tantinople.

- Votre erreur est grande... Mais moncousin n'est-il pas là?

- Non, il m'a grondée de vous avoirdonné le baril de poissons qu'il réservaitpour les fêtes de Noë1, et il est partifurieux me disant que je n'avais p'asde bon sens.

- Pourquoi n'en achetez-vous pas?Cela tombe à merveille. Je vends I'es-prit et le bon sens à ceux qui en sontprivés.

- J'en prendrais bien pour quelquespiastres.

- A votre volonté. Pour combien envoulez-vous ?

- En donnez-vous pour dix piastres,car je n'ai que cctte somme dans macachette.

- Oui, et vous aurez bonne mesune.

Page 110: Contes Licencieux de Constantinople

188 CONTES LICENCIEUX

Seulement l 'opération est assez comnli_quée. Il ne faut vous étonner de riende ce qui arrivera.

- Je ferai tout ce que vous me direz,car je veux avoir dè l,esprit. , '

, Le vagabond ferme Ia porie, fait éten_clre la femme sur le l i t et lui 'bande lesyeux. Puis il agit ayec elle comme lepope, gui à cause de sa mauvaise santé,ne se le permet que rarement.-

r Qu'est-ce que vous faites-là? deman_de la femme.

- J'introduis le bon sens par la meil-leure voie.

. .l Ah ! qu'il est bon, votre bon sens.Ah! vous m'en donnerez enoore pourles dix piastres de ruon autre cachetiel ,

Quand l'homme s,en ya, il emporte lescinquante piastres qui fâisaierit touiestes éconornies de la ménagère.,,,T..nl." Ie_ prêtre qui veut-revenir surr nrsrotre du matin. La femme souritd'un air entend.u. Et comme fe- coJcontinue.

* o lfaisez-vous donc, vieil âne, dit_elle.

r-le I 'esprit et du bon sens, j,en ai plusque vous depuis que votre cousin NoêIm'en a mis pour cinquante piastres dansmon c"' ! r '

(Rod.osto.)

DE CONSTANTINOPLE 189

LI

LE DOIGT MALÀDE

lln certain prêtre désirait jouir d'unefemme veuve très jolie, mais il ne sa-vait comment s'y prendre pour aniver àses fins.

A force d'y réfléchir nuit et jour, iIlui vint une idée qu'il s'cmpnessa demettre à exécution.

Il prit de la charpie et des linges pro-pres et s'enveloppa I'index de la maindroite comme s'il eût été souffrant d'unpanaris, et durant plusieurs jours il sepromena le bras en écharpe, s'arrêtantde temps à autre comme s'il souffraitd'intolérables douleurs, surtout quandil passait devant la demeure de la veuve.'-fl arriva, comme il se conçtiit, que laveuve remarquâ ce qui se passait ets'intéressa à la maladie du p,rêtre. AussiI'arrêta-t-elle un soir pour prendre desnouvelles de sa santé.

a Ma fille, je vous remerôie, lui dit-il; je souffre d'un panaris ceucharis-tique... ,

- Eucharistique? jamais je n'ai enten-du parler de celà.

- Ce rfest pas étonnant. Nous autres11.

Page 111: Contes Licencieux de Constantinople

190 CONTES LICENCIEUX

prêtres, nous ne sommes poinT crééscornrne ceux gui ne sont p,as de la tri-bu de Lévi...

- - Oui. je comprends, c'est un panaris

de prêtre._. C'est cela même.- Eh bien! que disent. les médecins?- Je n'ai consulté personne. sachant

bien que c'eût été peine peidue. Onnous â appris cela à nous autres. Dau-vres prêtres. Le panaris o eueharistique ,ûesceno doucement, tout doucemerit; ilmonte vers le p,oignet, vers le bras eti l arrive au cceur. hlors., c'est Ia fin!

*- iï{a.is on p,eut encore vous sauver?- Oui et non. Allez doac chercher

une femme qu, so'rt née le jour Te larésurrection de Notre-seigneur, qur'toitl'€uve et qui ait trente-trois ans commenotre divin Maître quand il mourut.

, {'il y a une femme sur la terre quisoit dans ces conclitions, je suis ceûe-là.

- -C'est merveilleux!... ilIais ceci neme sâuvera pas.

- Et pourquoi donc?- I-l faudrait que je puisse placer

mon doigt, au moins durant un quârtd'heure, en I 'endroit le plus secret decette femme privilégiée. P-ourrais-je, moi

DE CONSTANîINOPLE 191

pauwe prêtre, vous demander un pareilsacrifice ?

- Je ne voudrais Pas, dit la veuve,p'orter devant Dieu la responsabilité devotre mort p,rématurée. S'il ne slagitque de votre doigt, iI n'Y a Pas de Pé-ché, n'est-il pas vrai?

- Certes, il n'y a pas de Péché, ily a plutôt une bonne action.

- Venez chez moi. Comme je veuxqu'on ne trouve Pas à gloser sur mavertu, je congédierai la servante. r

Le p'rêtre est enchanté. II suit la veuve,mange des loukhouns et des confitures,boit quelques verres de vin de Samos.

u Etes-vous toujours décidée? deman-de-t-il à la veuve. Ce sacrifice ne vousrebute-t-il point?

- Que ne ferait-on Pour une actiotrqui vous sera comPtée dans le ciel?

- Alors, comme il faut que mon doigtreste longtemps en ce réduit qui le sou-lagera, couchôns-nous. Je ne vous fati-guerai pas. r

La veuve se couche. Le Prêtre sedéshabille et se met à côté de la belle.Vite il met à I'air, non son doigt, maisson grand. bâton p,astoral, et I'introduità la p'lace où le vaurien a coutume depnendre ses ébats. ,

Page 112: Contes Licencieux de Constantinople

192 CONTES LICENCIEUX

_ u Ç'9.1 curieux, dit la veuve, mais vo_tre doigt m'a t;ut i'air de iessemblerà la p... de mon défunt rnari. Je le iure_rais même s'il n'était et plus long et plusgros I r

Peu .après, la femme reprend:, .c l\Iais ce n'est pas un doigt, c'estJlren une p... de curé que vous m,avczfourrée entre les jambèsl Elle me faiiplus d'effet gue celle de mon pauvreorsparu. t

T,e p,rêtre se tait et n'en continue pasmoins son travail.

La femme se pâme de bonheur. Lecuré en fait tout autant et dit:.

., Je suis guéril L'abcès a crevé; iI aJeIe son Pusl r

(samos).

LII

L'AVARICIEUSE TROMPEE

.-{Jne .vieille. fille, bien conservée, maIor,. était restée vierge parce qu,elle n,a_vart Samais trour'é de fiancé âssez richequi lui demandât de l'épouser. EË;:vait, n'espérant plus rièn du cOie OeI'amour, dans une avarice sorrlide.

DE CONSTANTINOPLE 193

C'est pourquoi un de ses voisins se miten tête he lf posséder à son loisir et delui faire payei ltls moments de bonheurqu'il voudrait bien lui consacrer-

Un matin, la trouvant seule à la mai-son, iI se mit à parler de choses amou-reuses et à finir par lui dire qu'il cou-cnerait bien avec elle, dût-il lui encoûter cent medjidieh.

"La vieille fille dressa I'oreille'n Cent medjidieh, s'écria-t-elle; mais

c'è'st crnq cents Piasties I- Certes, dit-il. Pensez-vous que le

bonheur que vous me donneriez ne vail-le pas cette petite fortune? r

La fille réfléchit et songea à tout ceque pourraient lui valoir ces cent piècesd'or.r < J'accepterais bien, mais je craindraisd'avoir un enfant, ce qui me déshono-rerait aux Yeux de ma famille et dumonde entier.

- N'est-ce que cela? s'écria Ie jeunehomme. Yoici les cent medjidieh et jem'engage à ne mettre où il faut que latête de mon instrument.

- Si ce n'est que le chef, j'accePte.Mais jurez-moi que vous n'ir€z p'as plusloin.

Page 113: Contes Licencieux de Constantinople

10t CONÎES LICENCIET]X DE CONSTANTINOPLE 195

LIv

LA FEMME CHAI'VE

Une jeune femme qui avait perdu-tousses chàveux des suites d'une maladieque les vierges ne prennent point, était

.- -Je le jure, à moins que vous nem'obligiez à vioier mon serment. )

_.La vieil le f i l le t ient a gugne"-sân pari.Elle_ n'est pas si sotte- fruà- àT;rL;;où. doit se -bourer

re tatoi-lui fi;i';;pgix_ $ans les ménages, et elie a bien_tôt fait de montrer -la 'route.

Alors-le gârçon se met en danse. sanscnrrerndre Ies conditions. La fêmmecommenee à épnouver quelque choseq'rnconnu qui la fait se trémousser.( ptonge! plongel dit_elle entre d.euxsouprrs.

.- {'r.i jurét répond_il. Je ne puis allerplus loin.- Je te relève de ton serment, plonge

encore un peu.- I l t 'en coûtera cent mediidieh.- Soit. Je te rendrai ton argeit.^M-;is

cvance un peu. mon petit pieeon ,. Le gail lard descend jusqir,àux deuxliers. La fitle le serre et veut atter ptus

loin. Et comme il s'v refuse

- ..Va_ jusqu'au bout, ;e t,en eoniureJe re donnerai cent medjidieh et, i i ee

f_9st n1a9-assez, tout ce gue ;e pbssèaeest à toil r

LIII

LE MOIS DE MAI

Un riche PnoPriétaire, qui avait debelles vignes à Chios, demandait unjour à soi fermier en guel mois il avaitle plus de besogne.

* Pour., les autres années, ie n'Y aipas fait attention, lui répondit-il. I\taispour cette année, je puis vous assurerôue c'est au mois de mai. C'est la sâisonoi, tcs chamPs et les vignes ne vousdonnent pas

-de repos. Il faut surveil-

ler les ânès qui vous feraient des muletsde nartout: ma femrne est exigeante etla vôtre âurâit voulu que je fusse toutela journée à la baiserl '

1ctLfor.l

(Cowtantinople,l

-

Page 114: Contes Licencieux de Constantinople

allée en pèlerinage au tombeau de iene sars plus quel le sainte pour tui dË_mander un nrari assez benôt pour l iÈ_pouser.

Une. des pèlel ines lui dit :( . t \-av-ez_\ 'ous p.oint honte de montrervo-tre- crâne aussi chauve que mon der_rière? r

Inst inct ivement, Ia femme retroussarsbe et chcmisc et s,en couvrit Ia tête.montrart à tous les pèlerins une Uett"paire de fesses.

(Rodosto.)

LV

LA SERVANTE DU CADI

La femme d.,un cadi soupçonnait sas_ervante de coucher uo.c i,un d;-.;;deux_ fils. pour en avoir le à; *tlelle _lui demanda un Jour :_-. Leguel préférez-vous de mes deuxgarçons ?

.-^Je n'ai pas de préférencc pour l,unplutôt que pour l,aùtre. Ces eilfarlts ;;savent pas encore le métier, q".iquà

196 CONTES LICENCIEUX DE CONSTANTINOPLE 197

mal que je me donne Pour Ie leur aP-prendre, Je ne crois pas du reste qu'ilsanivent à rae baiser aussi bien que lecadil r

(smgrne,)

LYI

LE FORGERON

Un forgeron qui se rendait à SmYrneet qui se mourait de faim et de soifentra dans une auberge de Césarée etse fit servir à boire et à manger. Aumoment de partir, il rernit à la femmeveuve qui tenait la maison I'unique pias-tre qu'il possédait.

< Cette pièce est fausse ! s'écria Ia veu-ve. Donne-m'en une autre.

- Je ne possède que cette Pièce.- Alors je vais te faire arrêter et me-

ner en prison. rL'étranger suppiie et prie sans pouvoir

fléchir I'hôtesse.r Laissez-moi partir, dit-il eirfin; je

vous laisserai rnon manteau.- Soit, dit la veuve. 'Le forgeron enlève son manteau et

frI

IIiIIII

t \

Page 115: Contes Licencieux de Constantinople

198 CONTES LICENCIEUX

t

,[

DE CONSTANTINOPLE 199

laisse alors entrevoir un marteau d.'a-mour de tai l le gigantesque.

< Ecoute, dit lâ"femme, veux-tu mesuiwe dans ma chambre. Je te diraiquelque chose. r

Le -

compagnon l'accompagne.. Veux-tu me donner quel(ues coups

de marteau sur mon enalurne? lui di-mande-t-elle,

- Avec grand plaisir. Mettez-vous surle lit. r

L'aubergiste découvre son enclume etle forgeron se met à battre ferme deson marteau, si ferme mênre qu'aprèsquatre ou cinq assauts elle doit deman-der grâce.

-< Non, non, dit le gai l lard, je ne m'ar_

rête pas ainsi.- Veux-tu changer d'enclume?- Si l 'enclume est bonne! rLa femme va chercher sa servante

et l'étranger continue avec elle le tra-vail si bien commencé. La veuve re-vient alors rapportant le manteau et d.ebons vêtements de dessous gui viennentde son défunt mari.

n Prends ces habits, lui dit-elle. Ilsne sont pas troués. Ainsi tu ne risquerasp.as de perdre ton merveilleux mar-

Le forgeron reste huit jours à l'au-berge et tie s'en va que Ies poches plei-nes d'argent, en promettant de revenirvisiter les enclumes quand il repassera

Par césarée (césarée,\

LVII

LES TROIS PELERINS

Trois jeunes gens oourtisaient depuislongtemps la fille d'un prêtre. Celle-ci ie moquait de ses trois amoureux€t ne pouvait se décider à faire sonchoix. il arriva que les garçons se fâ-chèrent et qu'ils pnirent le parti. dechercher aitléurs des belles plus sérieu-ses. Mais auparâ\'ant, ils imaginèrentun tour pour se vellger de la coquette'

Déguisés en pèlerins, i ls-se-cachèrento"" ,in. nuit nôire tout près du presby-

ière. Puis I 'un d'eux alla frapper à laoorte du Prêtre.' u Qui fiaPPe à cettc heure? deman-da le curé.

- Hadji-Stamatoulos' de Constantino-teau, r

Page 116: Contes Licencieux de Constantinople

200 CONÎES LICENCIEUXDE CONSTANîINOPLE 201

pt1r' f9 reviens de Jérusalem et je suisbrisé de fatigue.__- C'est un saint homme, dit le prètre.No-us ne pouvors lui refJser iir;;;il;:lité. r

Et il alla ouwir au p,èlerin.. < Entrez, Hadji; ma malson est Ia vô_tre; vous allez souper, car vous en avczgranct b€soin. ', La femme du pope eut bientôt fait!e .prepar-gr le repas auquel Hadji_Sta_uatoulos fit grand honneur et qu,il payade sa bénéd--iction.

_. Le souper achevé, le prêtre dit au pèle_

rul:

,^f-1i"t.lo-mc, vous ne repartirez queo_emarn. Vous coucherez sous mon tôit.Malheureusement nous n'avons q". Ol,ïil i ts p,our_la popesse et moi et por,r no_tre fi l le. Vous coucherez avec nolre en_fant. r

_Hadji-Stam^atoulos, p.our la forme, fitquelques diff icultés, mais errfin s,éîen_d-rt tout habilté à côté de Ia coquette.l{utglg le costume, i l n'eut p", à"=p.i"ia sort i r son bour<lon et à commêncerl 'attaque de la belte.

_,1 N{on p,ère, cria Ia fille, Ie pèlerin

me passe quelque chose entre les jàmbes.* Lajsse faire Ie saint hommel serre_

le bien pour €n avoir un enfant, et nousen aurons un Prêtre. r

Le p,èIerin, sa-tâche achevée, se lève etsort dans la rue. Le PoPe {ui ne dortpas, pense que Hadji-Stamatoulos estiorû p,our pi-ser. Mais le voilà qui ren-tre et se recouche. Personne ne s'ap€r-

çoit que ce n'est plus Ie même pèlerin.-

u Môn p,ère, crie la fille, voilà le sair]thomme qui

'recommence ce qu'il m'afait tout à I'heure.

- Ser-re-le bien. Tu auras un évêque I rLa filie serre et serre et s'amuse.c Il faut que je sorte un instant, dit Ie

pèlerin. r^ Hadji-stamatoulos revient' ou

-plutôtle troiiième qui fit le voyage de Jérusa-lem.

o }\Ion père, le saint homme est enra-pé. Voità gu'il se remet à me travailler'- - S.t".-fort! serre fort ' ma li l lel Nousn'âurons ni un poper ni un évêque, maisbien le patriaréhe de Constantinoplel r

(Indgé'Eou')J

Page 117: Contes Licencieux de Constantinople

202 CONÎES LICENCIEUX

LvIU

LE PHILOSOPHE

,,,Y::y1"t homme avait composé unuvre- de toutes les ruses que t.ri.m*ilemploient ou ont employËes ;,;luïil,r":ff:^tT hommes. l poriait ô;t;";;;"iffi, â::"JËi*,, ;Ë*ï",:ïa'ii' ain.i ï..^:1",1t €n.voyage, iI arriva un jour de_vanr la tente d,un Arabe du déJ."t-a;;_:,rS_i: L:Aïbe érait utr""i .iJol;.;s'occupait de préparer t. piË- * î,mouton.. Commè nïtre phitos"ph" ;;;;h9.s91". de se reposer, it aemaïJ" rî#lpitalité. gui ne -tui

fui p;.-;;r;ili;l^l:rit, à..l,enrrée de la tËnre. Ai;;; 3.;:l:1:t il remarqua que la f.;;;;r"ir*:ff';[JriilË:t*l; ": v'u* qu;ài"l ourrir .";-ii;r"-;; #ant

quelque tour,

,._: q'{ a-t-il de si intéressa.rit Ëài, lrot"uI lvre?,lui demanda la ;eune femme.

" r: i:i{ J,j, Ii iËiï,liî i' il,ï#T: ï"::sesret préserts que les remmes-il;f;ï.a reurs maris ou à leurs

"_*à. l-"me suis assuré ainsi contre il;;ig4i;;

DE CONSTANTINOPLE 203

de cet être pervers créé gar Allah p,o'urIe malheur de I'ho,mme

- Votre livre est-il bien complet?- Il n'y manque aucune ruse.- En êtes-vous bien assuré?- Comme de mon existence. rUne idée vient à la malicieuse Arabe.

Sans paraître s'occuper du philosophe,elle se déshabille, fait sa toilette et mon-tre des merveilles qui ont bientôt fait dedonner des idées amoureuses au p,auvresavant.

II referme son livre et s'apploche dela belle.

< Co,mme tu es belle, ma mignonne,dit-il. Laisse-moi poser la main sur tajolie poitrine, sur ce ventre sans un pli,sur ce Paradis que Dieu t'a mis entre lesjambes comme une coupe de bonheur. ,

La femme le laisse faire. Et quand Iephilosophe saisit sa plume pour la metredans I'écritoire, Ia rusée s'écrie:

< Ciell voici mon maril ii accourt surso,n chameau le plus agile. Je n'ai quele temps de m'habiller. Il va vous tuer,car il est d'une jalousie épouvantable! r

Le pauwe plilosophe ne sait gue de-v€rur.

r Sauvez-moi! implore-t-il.- 0ù vous cacher?... Ah! tenez, met-

Page 118: Contes Licencieux de Constantinople

204 CONîES LICENCIEUX

tez-vo'us dans ee coffre que je fermeraià clef. r

_ Le savant entre d.ans le coffre dontIa.femme referme la serrure.

Peu après amive I'Arabe...

n Ah! mon arni, dit la femme en riant.Irgurez-vous qu'en votre absence il esivenu ici une sorte de fou qui a voulume faire violence. Je me suii cléfenduejusqu'au mo,ment oùr je vous ai vu revl-nir. Saisi de peur, cet ho,mme slest cachédans ce coffre dont j'ai tiré la clef.

- Ah! le bandiil jure le Bédo,uin. Jevais

-le pe-rcer de màn yatagan. Donne_

moi la clef ! rDans le coffrg le philosophe était pius

mont que vif!< Vo,ici la clef, mon ami! dit la fem-

me. )L'Arabe p-rend la clef et s,apprête à

ouvrIrc Arrêtez I lui crie sa femme. Vo,us avez

perdu une piastre!- LTne piastre! eue rne ihantes-tu là?- Oltbliez-vo.us que nous avons fait

un. pari? N'est-il prs convenu que celuiqui Ie. premier recevra de l,auùe suel_Que objet sans dire: < Cigogne!, p.e;draune piastre?

-'C'est wai, je l,avais oubliél

DE CONSTANTINOPLE 205

- Et vous voyez qu'avec cette histoireextraordinaire je vous ai fait prendrela clef sans que vous songiez' à d.ire:o Cigogne ! ,

- - C'est vrai, j'ai perdu. Reprends la

clef.- r Cigogne ! , Merci. Donnez-moi une

piastre et mangeons le pilau. ,Le repas fini, Ie Bérlouin quitte la tente

et remonte sur son chameau.Quand il est bien lo,in, Ia femme met le

philosophe en l iberté.

-.o.Allez, lui dit-elle, et n'oubliez pas

d'ajouter ce tour à tous ceux que vousavez mis dans votre livre. ,

(Q o tts t on tino p I e, cont e tur c.)

LIx

LE BASSIN D'EPREUVE

Un roi cl'Arménie avait marié son filsà une jolie princesse douée de toutesles qualités de l'esprit. Et comme ce roiavait été autrefois trompé par sa femmgporT éviter ce chagrin à son fils, ilavait fait entourer le château de murail-

t2

Page 119: Contes Licencieux de Constantinople

206 CONTES LICENCIEI]X

les infranchissables et, à I'unique p-orte,iI avait placé une garde fidèle.

Les premiers temps du mariage, lajeune femme se trouva fort heureuse.Bientôt les caresses de son mari dimi-nuèrent ei la princesse rêva de guelqueamart plus vigoureux qui ne laisseraitpas en friche son jardin d'amour. Oùle trouver, puisque so;r mari ,et son beau-père étaient les seuls hommes qui pou-vaient pénétrer dans Ie palais et quetous les serviteurs appartenaieut au sexeféminin?

La malheureuse se désolait, qirancl unmatin une vieille femrne se tro'uva de-vant elle dans le jardia royal.

u Ma belle princesse, lui dit I'entre-metteuse, je suis envoyée par un beaujeune homme qui se meurt d'amour pourvous, depuis qu'il a pu vous entrevoirà une fenêtre du palais. Comme je saisgue vous vous ennuyez, j'ai pensé à ve-nir vous demander un rendez-vous poltrce beau garçon?

* Allez-vous-en, mauCite vieillel s'é-cria la princesse. Je ne sais ce qui meretient d'appeler mon mari et de vousfaire metl,re à mort! Mais j'ai pitié de .vos cheve'r blancs. Sortez du palais;

:i

DE CONSTANÎINOPLE 207

par une issue secrète que seule je co9'nais. ,

La jeune femme conduisit I'entremet-teuse jusqu'à un aqueduc qui traversaitla muraille.

u Passez par ici, dit.elle. Au bout devingt pas, vous serez dans un coin deforêt et vous rentrerez facilement dans laville. r

La vieille partit et s'empressa de pré-venir le jeune homme qui se désola.

o Que vous êtes sot! dit la commère enriant. Ne voyez-vous pâs que la bellefille a voulu vous indiquer le moyende pénétrer,dans la place? Prenez cettenuit le chemin de I'aqueduc et vous tnou-verez la princesse. )

Le jeune homme se rendit à ces rai-sons et Ie soir venu, guidé par la vieille,il entra dans le château.

La princesse I'attendait tout auprèsdans un kiosque fleuri. ElIe sauta aucou de I'inconnu et, sans plus d'explica-tions, se déshabilla et laissa le galantdéfricher la vigne qui en avait tant be-soin. En deux heures, le champ fut remisen bon état et arrosé rnerveilleusement.

r Il est ternps do pârtir, dit alors laprinoesse. Tu connais le chemin de l'a-

Page 120: Contes Licencieux de Constantinople

208 CONTES LICENCIEUX

queduc. Reviens toutes les deux nuits. Jet'attendrai dans Ie kiosque. '

A partir de cette nuit, I'amant futfidèle au rendez-vo,us et la princessen'eut plus à se plaindre de voir sonchamp en friche. Elle était redevenuevive, alerte et enjo,uée comme aux débutsde son mâriage, ce qui finit par attirerl'attention du roi.

" Ma belle-fille a un amant, ie le jure-rais ! pensa le vieillard. Je vais la sur-veiller. >

Et une nuit il aperçut sa bru quisortait furtivement de sa chambre et sedirigeait vers le kio,sque.

Il attendit quelque temps et ne lavoyant pas revenir, il s'avança ters lekio'sque et, au clair de lune, il vit laprincesse et un jeune homme qui toutnus s'étaient endormis dans les brasI'un de l'autre. Pénétrant sans bruit dansle pavillon il enleva I'anneau nupti:rl desa belle-fille et rentra se coucher sansse do,uter que Ia princesse s'était réveil-lée et s'était aperçue du larcin et duvoleur.

u Vite, fuis! ordonna la jeune femme.Laisse-moi arranger cette aflaire. r

Le galant parti par l'aqueduc, la prin-çesse rentre dans sa chambre et passe

DE CONSTÂNTINOPLE 209

dans celle de so'n mari. Elle a vite fait

de I'éveiller par des caresses très -sa-vantes.

. j" tt. puis dormir, dit-elle' Vois ce

beau clair de lune. Ah! que lon serârt

bien tout deux à s'aimer dans le parc au

chant des rossignols.-.: T; as raisôn, réPoncl le Prince' Al-

Ions coucher dans Ie kiosque' r

La rusée I'emmène et lui aYant Per-

"r"Je-au se dévêtir cornplètement, elle

continue avec lui la partie colnlnencee

avec son amant.--ià tutto"*ain, le vieux roi n'a rier

Au pt". pressé que de prévenir son fils

cies^déportements de la jeune prrnccsse'o Oui, dit-il, je l ai surprise nue dans

les bras d'un autre hornme et comrnep*"". :" Iui a-i pris I'anneau que tu lui

ôffris l" jour de tes nocesl )

Le Prince se met à nre'

" Mbn père' lui répond-il, je vous re-

mercie aô I'intéret que vous prenez â

mon honneur. Mais vous vous êtes -abu-

sé. C'est moi que vous avez trouve €n-

àormi tout nù dans les bras de ma

femme. No'us ne pouvions dormir à cag-

t" àt fa chaleur et nous sommes allés

nous reposer dans le kiosque' 'Le vieux roi ne veut rien crolre de cette

Page 121: Contes Licencieux de Constantinople

210 CONÎES LICENCIEUX

explication, tant il ,est certain que I'a-moureux n'arrait rien de la taille et dela figure de son fils. Le prince soutientâvec non moins de conviction qu'il n'estpas co.cu.

< Eh bien i finit par dire Ie vieillard,no'us soumettrons ta fenime à l'épreuveclu Bassin. o

*'

Ce bassin était une grande pièce d'eaud'une vertu particulière. Celui o,u cellequi faisait un faux serment coulait àpic dans le bassin dès qu'on l'y plon-geait. Si le serment était véritable, l'ac-cusé surnageait.

Il fut convenu gue l'épreuve auraitlieu le lendemain devant toute la po-pulatio,n rassemblée.

L'entremctteuse pénétra par I'aqueducet rencontra la princesse qui la rnit aucourânt de ce qu'avait décidé le roi.

n Dites à mon a-mant qu'il se couvre dehaillons sordides, qu'il conLrefasse le fouet I'insensé et qu'il se trouve sur laroute qui mène au Bassin d'épreuve.Quand j 'arriverai* i l s'élanceia sur moi,me prendra dans ses bras et m'embras-sera. Po'ur le reste, qu'il me laisse agirà mon sentiment. r

Le lendemain, to,ute la ville fut surle passage de la princesse. Un misérable

DE CONSîÀNîINOPLE 211

couvert de boue, vêtu de loques, gesti-culait et criait cornme un enragé. Lesuns se reculaient pour ne pas se sâlirà so,n contact, d'autres le repoussaientà co,ups de bâton. Soudain le cortègearriva près du Bassin. On vit f insensécourir à la princesse, la soulever dansses brâs so,lides et I'embrasser à plu-sieurs reprises. Les gardes, revenus deleur stlpéfaction, chassèrent le palvrqfou. , t, 'ii

La femme marcha vers le Bassin.* Je jure, dit-elle que nul autre que

mon mari et le pauvre mâlheureux detout à I'heure ne m'a prise dâns ses braset ne rn'a embrassée depuis le jour où jesuis femme. ,

Et elle sauta dans le Bassin d'épreuvesur leq'rel elle surnagea.

Le prince n'avait jamais douté de safemme. Il la retira de l'eau d'épreuveet l'embrassa devant le peuple non'sanscrier bien haut que la princesse étaitla plus vertueuse des femmes du royau-me.

Quant au vieux roi, il se retira con-vaincu qu'il y a-rait là-desso,us quelquestratagème €t qu'iI ne lui servirait àrien de lutter avec une femme si habile.Prenant donc lo bon parti de laisser son

Page 122: Contes Licencieux de Constantinople

212 CONTES LICENCIETIX

fils seul juge de la vertu de sa femme,il aceepta I'inévitable, ne s'en tracassaplus et ne fit plus rien pour gêner lebesoin d'arnour de sa bru.

lCans tantinople, conte arménien,)

LX

LE BATON ENCHANTE

Un mendiant qui possédait un bâtonenchanté, demanda un soir le gîte etle co,uvert à un prêtre très riche quivivait, depuis son veuvage, avec unejeune do,mestique, sa maîtresse.

Le curé lui fit donner quelques croûtesde pain rassis, trois olives et un verred'eau et I'envoya coucher dans le gre-nier. i

Le matin, le vagabond se réveilla èts'aperçut qu'un trou dans le plancherlui permettait de voir ce qui se passaitdans la chambre du prêtre. Il regarda.La servante to,ute nue marchait à quatrepattes et Ie papa, dans le même aPPa-reil, le bâton planté au bon endroit,la chevauchait, criant: n Hue! dia! hue!dia! hue! '

DE CONSTANÎINOPLE 2t3

n J'ai trouvé ma vengeance! se dit

le pauvre diable. ,

Ei, saissisant le bâton noueux qui I'ai-

dait à marcher, il dit:r Po,pe et servante, restez ainsi et sor-

tez dans Ia ruel ,

Vite, il dégringole l'échelle et suit la

,e".nuttt" quiemporte, sans pouvoir s'ar-

rêter. le curé dans la rue.Bientôt cles cris s'éIèvent de partout '

To.us les paysans accourent et voient leprôtre nu-qi i chevauche sa domestique,àt oui cr ie ' n Huel d ia! huel d ia! '

Une vieille lemme s'écrie:

< C'est dégoûtantl Ahl chienne de gar-

cel attendsl je vais t'apprendre-à faire

Ia truie aveà notre pasteur d'âmesl 'Et elle lui jette ce qui lui tombe sous

la main, des cailloux, des oranges, en-

f in. une botte d'asperges sauvâges qur

ou. oua I 'ordre du mendiant, se col ler au

oeiiiere du curé.Une vache aperçoit la botte d'asper-

ges et va Pour la mânger' Le charme

la saisiL et Ia voi là qui ne peut lâcner

les légumes.

La foule augmente. Un taureau sort

cle son étable, voit la vache, saute dessus

et lui fait ce JIue le prêtre fait à la ser-

Page 123: Contes Licencieux de Constantinople

2L4 CONTES LTCENCIEIIX

vante. Et le voilà aussi qui ne peut sedépétrer de la vache.

.. Le propriétaire du taureau accourt ett ire sa bête par la queue. te voita pi is.rr appelle au secours. Sa femme ari iveen- chemise et saisit son mât:i par lacu-lotte dont elle fait sauter ta ceinture.Ies enfants viennent et s,alouteni-î-Ëgrappe.

<. Hue! dia! huel dial cr ie le prêtre. rFt la servante court toujours â q;"1";

pattes, el- le village est iur tes iatonsde I 'attelaee

Le_ mendiant s,est assez vengé.< Que chacun rentre chez soi !'dit-il.

"Et. tandis qu' i l continue son chemin. lecuré et sa servante, entin Aenar"assôse

,.sauverrt au presbyt.ère avec la ra-'prorre d'un âne à qui on a mjs IeIeu au derrière.

(Lesbos,\

FIN

TABLE DES MATIÈRES

Àvertissement des EditeursNotice sur i'Auteur.Les Contes érotiques cle l'ancienne Grèce

I. Le Fils clu Roi et le Boucher.II. Le Chauve. .III. Le Yoyageur égaré.IV. Le Plaisir el le Déplaisir . . .V. Trompé de SacrementVI" Le Cadi et Ia pauvre Femme. .VIi. La Confession.

VIII. Pourquoi Ia Femme a un per-tuis et I'Homme un bàton. .

IX. Le Cordonnier au Couvent.X. Le Sacristain et le Diable. . .

XI. L'Homme qui coucha avec leXII. Pour faire un Patriache. . . .

XIIL Les trois tours merveilleux.XIV. Le Nid cle Guèpes. . . .XV. Le Talisman d'Hadji.Deme.

i r in"

XYL Le Marchanrl tl'Huile aui seiai t Cocu. . . . . .

XVII. Le Caili châtré.XVIII. La Veuve et son Valef, , . . ,

XIX. L'anneau magique.XX. La Fillc du Pope. .

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Page 124: Contes Licencieux de Constantinople

2L6 TABLE DES MATIERES

XXL Le Dragon et ie Laboureur.XXII. L'Horoscpe. .

XXIII. Celui qui n'a pas de SonnettesXXIV. Ce que le Diable ne put faire.XXV. Le Pou et la Puce.

XXVI. Les Pelottes de Fil.XXVII. La Veuve vierge.

XXVIII. L'AiguilleXXIX. Le Pope et Ie Sacristain.XXX. L'Ane perdu.XXXL Les Paroles Magiques.

XXXII. A I'enclroit et à l'envers.XXXIII . La Femme en couche:. . . ,XXXIV. Le trou dans la planche.XXXV. Le chauve el Ia jeune f i l le. . .

XXXVI. Comme notre Ane.XXXVII. Faut-il s'en aller ? .

XXXVIII. Les deux Sæurs. .XXXIX. La Femme qui en a un à louer.

LX. L'Alène ilu Cordonnier. .XLI. Celui qui en abat douze cl'un

XLII.XLII I .XLIV.

XLV.XLVI.

XLVII.XLVIII.xLx.

L.

seul coup.Sermon d'un Curé. . . . . . :Cel le du Pope. .La Sainte-Relique tle saint Cy-

riaque.Celui qui en avait ileux. .Après 1e Manger, le Bo.re.Les Chaussures. ,Moïse en Terre Promise.Le Pope, le Juge et Ie riche

Marchand.Le Marchand cle bon sens.

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TABLE DES MATIERES 2L?

LL Le doigt malacle. . .LII. L'Avaricieuse trompée.LIII. Le mois de lfai. . . .LIV. La Femme chauve.

LV. ,La Servante de Cadi.LVI. Le Forgeron.

LVII. Les trois PélerinsLVIII. Le Philosophe.

LIX, Le Bassin d'épreuve. . .LX, Le Bâton enchanté. . . . . .

Table des Matières.

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Page 125: Contes Licencieux de Constantinople

Nous avons dû éléminer de ce recueiiun granûnombre do contes alecdotiques liceniieux laséssul d.es répartiee ou des jeux demots qui sonr lesot du textsgrec, turc ou arménien, et quiseraientinintelligibles pour dês lecteurs étra[gers à ceslangues.

Nous avons auegi omis unnon moins granal nom-bre de conies uniquement scatologiquÀ et quiré-pugûoraient à jusie titro.