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APOCRYPHA

Fondee en 199

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APOCRYPHA

Revue Internationale des itteratures apocryphes

International Journal of Apocryphal Literatures

Directeur de Publication

S.C. MIMOUNI

Secretaire de Redaction

M.-J. PIERRE

Comite de Redaction

P. GEOLTRAIN,R. GOUNELLE,E. JUNOD

J -C. PICARD, S.J. V OICU

Comite scientifique

B. BOUVIER, F. BOVON, J.-D. DUBOIS, Z. IZYDORCZYK,

S. JONES,A. LE BOULLUEC,J.-N. PERES,M. STAROWIEYSKI

Revue publiee avec Ie concours scientifique

de l Association pour l etude de la litterature apocryphe chretienne

(A.E.LA.C.)

et

de la Societe pour l etude de la litterature apocryphe chretienne

(S.E.LA.C.

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La Societepour l etude de la litterature apocryphe chre-

tienne, voulant assurer au Comite de redaction de la

Revue une pleine liberte scientifique, decline la responsa-

bilite desarticles.

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 R POLS

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@ 1996BREPOLS

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without the prior permission of the publisher.

Depot legal: 4e rimestre 1996

D/1996/0095/52

Imprime en Belgique

ISSN 1155-3316

ISBN 2-503-50549-X

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SOMMAIRE

Antiquite tardive

Evangile de Thomas,Actes de Thomas, Livre de Thomas. Une tradition et ses

transformations,

Paul-Hubert POIRIER 9

La lettre sur 1'« Evangile secret» de Marc et Ie Quis dives salvetur ? de Clement

d' Alexandrie,

Alain LE BOULLUEC 27

Divergent Gospel Traditions in Clement of Alexandria and Other Authors of

the Second Century,

Annewies VANDENHOEK , 43

Flavius Clemens et Ie proto-Clement juif du roman pseudo-clementin,

Bernard POUDERON 63

Apocalypsed' Esdras grecque et latine, rapports et rhetorique,

Flavio G. NUVOLONE 81

Traditions apocryphes dans a Theosophiede Tubingen,

Pier Franco BEATRICE 109

Homerocentra et litterature apocryphe chretienne : quels rapports?

Andre-Louis REY 123

Texteset themesapocryphesau moyen age

Nicephorus Callistus' Physical Description of Peter: An Original Component

of the Acts of Peter?

Christopher R. MATrnEWS 135

Simon Magus: The Patristic -Medieval Traditions and Historiography,

Alberto FERREIRO 147

Die Legenda Aurea und ihre dominikanischen Bruderlegendare -Aspekte der

Quellenverhaltnisse apokryphen Gedankenguts,

Barbara FLEITH 167

La legende de saint Jacques Ie Majeur,

Marek STAROWIEYSKI 193

Lo Ps. Marcellus brevior in una traduzione italiana del Trecento,

Edoardo BARBIERI 205

Reflexions theologiques

Apocryphes et canon: leurs rapports et leur statut respectif -Un questionne-

ment theologique,

par Pierre GISEL 225

Kerygme et imaginaire,

Marc FAESSLER 235

Les apocryphes textes concurrentiels du Nouveau Testament,

Walter REBELL 243

L'apocryphe, fable catechetique,

Catherine P AUPERT 249

Iconographie

Litterature apocryphe et art copte,

Marguerite RASSART-DEBERGH 253

L'iconographie capadociennede l'affront fait a Anne d'apres Ie Protevangilede

Jacques,

Nicole THIERRY 261

L' Annonciation de Sainte-Marie-Majeure : image apocryphe ?

Giuseppe DE SPIRITO 273

Figurer l'apocryphe, ou la Verite devoilee par la peinture. Quelques icono-

graphes du XIxe siecle face a 1image chretienne,

Pierre-Alain MARIAUX 293

An Electronic Database of Pictorial ImagesParalleled in Christian Apocrypha,

David R. CARTLIDGE 301

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Liminaire

Le present volume d'APOCRYPHA rassemble a premiere

partie des contributions presenteesau Colloque sur la litterature

apocryphe chretienne qui s'est tenu les 22-25 mars 1995 a

Lausanne et a Geneve. La deuxieme partie paraitra dans Ie

volume 8 (1997) de cette meme revue. Le colloque a ete orga-

nise conjointement par la Faculte de theologie de l'Universite de

Lausanne et par la Faculte autonome de theologie protestante

de l'Universite de Geneve a l'initiative des membres du groupe

suisse de l' Association pour l'etude de la litterature apocryphe

chretienne (AELAC). Son objectif etait de favoriser les echan-

ges entre chercheurs associesa l'entreprise de recherche et d'e-

dition des textes apocryphes et representantsd'autres disciplines

(critiques et historiens de la litterature, medievistes, historiens

de l'art, theologiens, philologues, etc.). Soixante-huit interve-

nants venus de quinze pays ant mis en commun les derniers

resultats de leurs recherches autour de deux grands themes.

(1) Reecriture et image. Ce sujet recouvrait les divers types de

transformations qui caracterisent la production et la reception

des textes apocryphes, eurs metamorphoses et leur survie dans

la litterature medievale, l'iconographie et Ie folklore.

(2) Litterature apocryphe et questionnement heologique. Cette

problematique portait sur es rapports qu'entretiennent les ecrits

apocryphes avec es ecrits canoniques -en soulevant a question

de la delimitation du canon biblique -ainsi que sur la definition

et l'evaluation des caracteristiques heologiques des apocryphes.

11a semble important au comite d'organisation du colloque

-compose de M¥. Jean-Daniel Kaestli, Frederic Amsler,

Bertrand Bouvier, Eric Junod, Remi Gounelle, Enrico Norelli et

Albert Frey -de mettre a la disposition d'un public plus large les

etudes presentees au colloque. Aussi sommes-nousheureux que

Ie comite de redaction d'APOCRYPHA ait accepte de les

accueillir dans sa revue. Deux contributions, celles d' . Backus et

de M. McNamara, ant deja paTtidans e volume 6.

Les articles de ce volume d'APOCRYPHA sont regroupes

aut our de quatre poles: les traditions apocryphes dans

l'Antiquite tardive (P.-H. Poirier, A. Le Boulluec, A. van den

Hoek, B. Pouderon, F. G. Nuvolone, P. F. Beatrice et A.-L. Rey),

l'ecriture et la reecriture de textes apocryphes au moyen age

(Ch. R. Matthews, A. Ferreiro, B. Fleith, M. Starowieyski et E.

Barbieri), la reflexion theologique sur les textes apocryphes (P.

Gisel, M. Faessler,W. Rebell et C. Paupert) et la place des apo-

cryphes dans l'iconographie (M. Rassart-Debergh, N. Thierry,

G. De Spirito, P.-A. Mariaux et D. R. Cartlidge).

En decouvrant la diversite et la richessedes sujets abordes,

Ie lecteur se rendra compte, line fois de plus, de l'importance des

echangesentre specialistes de domaines trap souvent separes.

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Paul-Hubert POIRIER

Universite Laval, Quebec

EVANGILE DE THOMAS, ACTES DE

THO MAS, LWRE DE THOMAS.

UNE TRADITION ET SES

TRANSFORMATIONS *

The purpose of this paper is to examine the relation of the Gospel

According to Thomas (NH II, 2), the Acts of Thomas and the Book of

Thomas (the so-called Book of Thomas the Contender,NH II, 7), to the

ThomasTradition. A special attention s paid to the specificcontribution of

each one of these three literary works to the construction of the Thomas

Tradition.

Cet article considere es trois principaux representantsitteraires de la

tradition thomasienneet etudie la contribution de chacun d eux a la for-

mation de la tradition se reclamantde l apotre Thomas.

L histoire des traditions apocryphes relatives a l apotre

Thomas est assezsinguliere1. En effet, ces traditions ne doivent

apparemment rien a l episode evangelique dont Thomas est ac-

* Cette communication a ete redigee 11.a faveur d un sejour 11.

l Universite de Lausanne (fevrier-avrilI995), 11.itre de professeur nvite

de la faculte de theologie de cette universite. L auteur remercie les pro-

fesseurs Eric Junod et Jean-Daniel Kaestli de l accueil qu ils lui ont

reserve 11.ette occasion.

1. Pour line vue d ensemble de ces traditions et des reuvres dans les-

quelles elle s exprime, on lira R. KUNTZMANN,Le symbolisme des

jumeaux au Proche-Orient ancient. Naissance,onction et evolution d un

symbole (Beauchesne, Religions 12), Paris, 1983, p. 164-182 et S.

MIMOUNI,« 1. Thomas (apotre) », dans Dictionnaire de spiritualite 15,

Paris, 1991,col. 708-718.

Apocrypha 7, 1996, p. 9-26

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P.-H. POIRIER

teur central et qui a Ie plus contribue a camper la figure de

l'apotre dans la memoire chretienne, a savoir sa rencontre avec

Ie Christ ressuscite lui apparaissant pour dissiper son doute et

son obstination a ne pas croire sans avoir vu (In 20, 24-29). C'est

au contraire une simple glose de l'Evangile de Jean sur Ie nom

de l'apotre, en tout trois mots dont un article, qui semble etre a

l'origine de la tres fiche tradition litteraire thomasienne. Cette

glose, ew~a.S () AE'Y6~EVOSl8u~0S ,apparait a trois (eprises de

maniere identique chez Jean, en 11, 16; 20, 24 et 21, 2. Au plan

formel, l'explication que donne Jean du nom «Thomas» releve

de la pratique du« double nom », qui a ete bien decrite par G. H.

R. Horsley2. Cet auteur juge d'ailleurs que l'expression «A ho

legomenos B », «A appele B », n'est pas tres courante comme for-

mule d'un nom double3. D'apres la these generalement rec;ue4,

l'utilisation de cette formule dans l'Evangile de Jean ferait office

de traduction, Ie nom propre ew~a.S n'etant rien d'autre que la

transcription du terme arameen signifiant jumeau, que l'evange-

liste aurait rendu en grec pour Ie benefice de ses lecteurs. Quoi

qu'il en soit de la valeur de cette these, il est sur qu'on se trouve

la au point de depart des traditions thomasiennes apocryphes,

dont la caracteristique la plus frappante, du mains a premiere

vue, est de presenter l'apotre comme Ie double, ou Ie jumeau, du

Christ et d'en faire a ce titre Ie depositaire privilegie et l'inter-

mediaire par excellence de la revelation du sauveur.

Les problemes poses par Ie nom de l'apotre, a savoir (1) la

nature exacte de la relation de ew~a.S et de 8l8u~oS ,et du sub-

strat arameen que suppose Ie rapprochement de ces deux

termes, (2) ses variantes5 : Thomas, Jude/Judas, Judas Thomas,

'lou8aS () Kat 8(8u~oS , '1 ou8aS ew~a.S () Kat 8(8u~oS ,

A1AYMOC °OYAc},C 9WMc},C, (3) l'homonymie de Jude/Judas

(Thomas) avec l'autre Jude/Judas, lui aussi I'un des douze, et

2. Voir G. H. R. HORSLEY, New Documents Illustrating Early

Christianity. A Review of the Greek Inscriptions and Papyri Published n

1976, North Ride (Australie), Macquarie University, 1981,p. 89-96 (§

55), ainsi que ll., «Names, Double », dans The Anchor Bible Dictionary

4, New York, 1992,p.l0ll-l017.

3. G. H. R. HORSLEY,bid., p.l013.

4. Voir, par exemple, H.-Ch. PUECH,En quete de la Gnose, . II: Sur

I' Evangile selon Thomas. Esquisse d'une interpretation systematique,

Paris, 1978,p. 213-214,et B. LAYTON,The Gnostic Scriptures, Garden

City (N. Y.), 1987,p. 359.

5. Voir sur ce point la note tres precise de U. MONNERET E VILLARD,

Le leggende orientali sui magi evangelici (Studi e testi 163), Citta del

Vaticano, 1952,p. 46, n. 1 ; nous nous proposons de revenir plus tard sur

laquestion du nom de l'apotre et de ses ormes.

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VANGILE DE THOMAS, AcrES DE THOMAS, LIVRE DE THOMAS

(4) I affirmation parfois rencontree6 mais aussi contestee?qu il

s agirait d un seul et meme personnage, tOllS ces problemes

meriteraient d etre reexamines a nouveaux frais. Ce n est tou-

tefois pas Ie moment de Ie faire ici8, et l objectif de la presente

communication est beaucoup plus restreint. II s agit pour no us

d examiner les trois textes qui constituent les represent ants

principaux de la tradition thomasienne, non pour eux-memes

et de maniere isolee, mais plutot sous l angle de la relation

qu ils entretiennent les uns avec les autres. En d autres termes

et pour doDDera notre problematique un tour interrogatif : ces

trois textes, so t l Evangile selon Thomas9, les Actes de

ThomasIoet Ie Livre de ThomasII,peuvent-ils etre situes Ie long

6. Entre autres chez B. LAYTON,The Gnostic Scriptures, Garden City

(N. Y.), 1987,p. 359, a la suite d Helmut Koester. Cette opinion peut

toutefois s appuyer sur au moins un temoignage ancien, celui de

Priscillien, qui introduit une citation de Jude 14-15 par leg mots

suivants :« Ait Iuda apostolus clamans lle didymus domini » (Tractatus

III, Liber de fide et de apocryphis,p. 44, 12 Schepss); voir a ce sujet C.

H. TuRNER, Adversaria Patristica. VI. Priscillian and the Acts of Judas

Thomas », Journal of Theological Studies7 (1906),p. 603-605,et H.-Ch.

PUECH, n quetede la Gnose II, Paris, 1978,p. 42. D apres Puech, ap-

pellation « uda didymus » confirmerait que Priscillien puise a une sour-

ce orientale.

7. En particulier par R. BAUCKHAM, ude and the Relatives of Jesus n

the Early Church, Edinburgh, 1990,p. 172-173.

8. Voir a ce sujet A. F. J. KLIJN, «John XIV 22 and the Name Judas

Thomas », dans Studies in John. Presented to Professor VI: J. N.

Sevensteron the Occasion of his SeventiethBirthday (Suppl. to Novum

Testamentum 4), Leiden, 1970,p. 88-96, et H.-Ch. PUECH, n quetede

la Gnose I, Paris, 1978,p. 41-42.

9. Edition de la version corte (NH II, 2) par B. LAYTON,Nag Hammadi

Codex11,2-7 together with XIII, 2*, Brit. Lib. Or. 4926(1), and P. Oxy. 1,

654,655. Volume One (Nag Hammadi Studies 20), Leiden, 1989,p. 50-

93; edition des fragments grecs par H. W. A1TRIDGE, bid., p. 95-128;

traduction fran«;aise ans H.-Ch. PUECH, n quetede la Gnose I, Paris,

1978 p. 11-27.

10. i?:dition de la version syriaque par W. WRIGHT,Apocryphal Acts of

the Apostles. Edited rom Syriac Manuscripts n the British Museum and

others Libraries with English Translationsand Notes,Londres, 1871,vol.

1, p. ~ (172)-~ (333); edition de la version grecque par M.

Bonnet dans R. A. LIPSIUS -M. BONNET, Acta Apostolorum

Apocrypha, Leipzig, 1903, . 11,2, p. 99-288; traduction fran«;aise du

syriaque par P.-H. Poirier et Yves Tissot (a paraitre dans a Bibliotheque

de a Pleiade); traduction fran«;aisedu grec dans A.-J. FESTUGIERE,es

Actes apocryphes de Jean et de Thomas. Traduction franraise et notes

critiques (Cahiers d Orientalisme 6), Geneve, 1983,p.1-117. Dans notre

traduction du syriaque, nous avons introduit dans la numerotation des

chapitres de Bonnet une subdivision en paragraphes,qui est reprise ici.

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P.-H. POIRIER

d une trajectoire qui marquerait un developpement ineaire des

traditions relatives a l apotre Thomas? Ou encore: ces trois

textes presentent-ils une parente suffisante pour qu on considere

qu ils emanent d une «ecole thomasienne» ou d un courant de

pensee homogene se reclamant de Thomas? Ces deux ques-

tions, dont la formulation, comme nous Ie verrons, est imposee

par l histoire de la recherche, definissent, en meme temps que

son objet, les limites de notre enquete : celle-ci ne portera en

effet que sur les trois textes par lesquels a tradition thomasien-

ne est Ie plus massivement epresentee pour la periode all ant du

debut du lie a la fin du IIIe siecle, et encore ne prendra-t-elle en

compte qu un aspect des rapports complexes qu entretiennent

ces rois temoins.

Deja, en 1957-195812t en 195913, enri-Charles Puech avail

pense qu « un rapport etroit [pouvait] etre etabli entre les Actes

et l Evangile de Thomas». II basait son ugement sur l occurren-

ce, de part et d autre, du nom, «a la fois redondant et particu-

lier », de Jude Thomas, ou Thomas Didyme, ainsi que sur un

certain nombre de rapprochements ponctuels entre les deux

reuvres. II concluait de ces rapprochements non seulement que

l Evangile avail dfi etre compose anterieurement aux Actes14,

mais que ceux-ci s averaient etre dependants de l Evangile15.

Quant au Livre de Thomas,que Puech n avait pu analyserd une

11. Edition du texte corte (NH II, 7) par B. LAYTON,Nag Hammadi

Codex II, 2-7 together with XIII, 2*, Brit. Lib. 01: 4926(1),and P. Oxy. I,

654,655. Volume Two (Nag Hammadi Studies21), Leiden, 1989,p. 179-

205 ; traduction fran~aise dans R. KUNTZMANN, e livre de Thomas

(NH II, 7) (Bibliotheque copte de Nag Hammadi, section «Textes » 12),

Quebec, 1986. L intitule Livre de Thomas l Athlete est encore utilise a

l occasion (en particulier dans B. LAYTON, The Gnostic Scriptures,

Garden City [N. Y.], 1987) pour designer ce traite, me-mes il resulte

d une mauvaise traduction du titre final de la p. 145; voir a ce sujet R.

KUNTZMANN,OF. cit., p. 174 et H.-M. SCHENKE, as Thomas-Buch

(Nag-Hammadi-Codex II, 7) (Texte und Untersuchungen138), Berlin,

1989,p.193-194.

12. Dans ses e~ons du College de France, dont Ie compte rendu a ete

repris dans En quetede la Gnose I, Paris, 1978,p. 75-76.

13. H.-Ch. PUECH, « Gnostische Evangelien und verwandte

Dokumente », dans E. HENNECKE W. SCHNEEMELCHER,d.,

NeutestamentlicheApokryphen, I. Band: Evangelien, Tubingen, 1959,

p.205-207.

14. H.-Ch. PuECH,En quetede a Gnose I, Paris, 1978,p. 76.

15. H.-Ch. PUECH, « Gnostische Evangelien und verwandte

Dokumente », dans E. HENNECKE W. SCHNEEMELCHER,d.,

NeutestamentlicheApokryphen, I. Band: Evangelien, Tubingen, 1959,

p.207.

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VANGILE DE THOMAS, AcrES DE THOMAS, LIVRE DE THOMAS

maniere approfondie, il y a neanmoins retrouve, en p. 138, 1-21,

une interpretation et une explication des relations mutuelles

entre Thomas et Jesus,qu il rapproche du.logion 13 de I Evangi-

Ie : Thomas est « veritablement Ie frere (Ie frere jumeau) et Ie

 compagnon de Jesusparce qu il a connu celui-ci, c est-a-dire a

eu en lui et par Iui, qui s identifie a elIe, Ia connaissancede la

Verite »16. Et Puech de continuer: «Autant signifier que

Thomas possede Ia gnose , definie ici, au premier chef, et de

fa~n technique et toute classique,comme connaissancede soi,

connaissance onjointe de ce que I on etait originellement, de ce

que l on est ici-bas devenu, de ce que l on sera ou redevien-

dra »17.

Sous Ie titre «Un nouveau chainon dans la tradition syrienne

de Judas Thomas »18, ohn D. Turner, qui avail soutenu deux ans

auparavant une these de doctoral sur Ie Livre de Thomas19,

propose en 1972 une hypothese d ensemble pour rendre compte

de Ia situation de ce traite dans Ia tradition Iitteraire thomasien-

fie, essentiellement, celIe qui etait deja connue par l Evangile

selon Thomaset les Actes de Thomas.D apres Turner, Ie Livre de

Thomas est constitue de la juxtaposition de deux reuvresoriginel-

Iement distinctes; Ia premiere (section A du Livre, p. 138,4 -142,

21), un dialogue de Jesusavec Thomas, aurait porte Ie titre «Le

livre de Thomas I Athlete ecrivant aux parfaits », alors que la

seconde (section B, p. 142,21 -145, 19), constituee par un long

monologue du sauveur dans lequel Thomas n intervient plus, se

serait ntitulee « Les paroles secretes, elles que Ie sauveura dites

et que moi-meme, Mathaias, j ai ecrites »2°.Comme on Ie voit,

Turner tire parti, pour fonder sa theorie redactionnelIe, de la dif-

ference reelle des deux sectionsde l ouvrage qu il a distingueeset

de la disparite que presentent I un par rapport a I autre incipit et

titre final. Comme la premiere section du traite est Ia seule a

16. H.-Ch. PUECH, n quetede la Gnose I, Paris, 1978,p. 237.

17. Ibid.

18.J. D. TuRNER,«A New Link in the Syrian JudasThomas Tradition »,

dans M. KRAUSE, d., Essayson the Nag Hammadi Texts n Honour of

Alexander Bohlig (Nag Hammadi Studies 3), Leiden, 1972,p. 109-119.

19. J. D. TuRNER,The Book of Thomas the Contender rom Codex I of

the Cairo Gnostic Library from Nag Hammadi (CG II, 7). The Coptic

Text with Translation, ntroduction and Commentary (Society f Biblical

Literature. Dissertation Series23), Missoula (Montana), 1975.

20. Pour un expose de cette theorie redactionnelle, voir ibid., p. 215-

225.

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P.-H. POIRIER

faire une place a Thomas, il n y aurait a vrai dire que celle-ci qui

puisse etre imputee a la tradition thomasienne incarnee par

l Evangile et les Actes. Au sein de celie tradition, la section A du

Livre de Thomas occuperait tine place mediane entre ces deux

traites. En effet, la premiere partie du Livre serait a situer entre

l Evangile et les Actes,et ce, a un triple point de vue21.

En ce qui regarde tout d abord la date de composition, celie du

Livre serait anterieure a celie des Actes,mais posterieure a celie

de l Evangile. Deuxiemement, Ie role que joue l apotre Thomas

temoigne d une importance croissante au fur et a mesure qu on

passe de l Evangile au Livre puis aux Actes : alors que, dans

l Evangile, Thomas n est que Ie destinataire des paroles de Jesus

et que, dans es Actes, l fait toujours et partout figure de personna-

ge central, dans Ie Livre, en revanche,s il n occupe plus Ie devant

de la sceneetant donne l importance accordeeau sauveuren tant

que revelateur, l joue neanmoins un role important dans a mesu-

re ou il est l interlocuteur permettant au dialogue d avancer.

Inversement, en passantde l Evangile aux Actes, a place reservee

au sauveurdiminue au benefice de l apotre. On observe enfin, au

plan du genre litteraire des raites, un passage une collection de

dits (Evangile) a un dialogue entre Jesuset Thomas (section A du

Livre), puis a un veritable roman centre autour des exploits mis-

sionnairesde Thomas (Actes). Turner ajoute encore que Ie theme

de l ascetisme sexuel devient de plus en plus dominant en allant

de l Evangile au Livre et enfin aux Actes. Sur a basede cesobser-

vations, Turner conclut que «ces trois textes refletent tine tradi-

tion croissante ( a growing tradition ) centree sur l apotre

Thomas, umeau de Jesuset recipiendaire de sesparoles secretes,

et qui Ie comprend de plus en plus comme un athlete et un mis-

sionnaire pour la cause de l abstinence de tout de ce q\li est du

monde, specialement la sexualite »22.Des loTs, si Ie Livre de

Thomas doit etre situe entre l Evangile seton Thomaset les Actes

21. Cf. J. D. TuRNER,art. cit. (n.18), p.118, et «Thomas the Contender,

Book of », dans TheAnchor Bible Dictionary 6, New York, 1992,p. 529.

22.J. D. TuRNER,art. cit. (n. 18), p. 118.

23. Ibid. Voir aussiJ. D. TuRNER,«Thomas the Contender, Book of»,

dans The Anchor Bible Dictionary 6, New York, 1992, . 529 : «The Book

of Thomas he Contender ..was likely composed n the first half of the 3d

century A.D. Two products of this tradition have been dated with fair cer-

tainty : the Gospel of Thomas,composedc. A.D. 50-125,and the Acts of

Thomas,composedca. A.D. 225»; ainsi que Ie tableau recapitulatif dans

ro., The Book of Thomas the Contender from Codex II of the Cairo

Gnostic Library from Nag Hammadi (CG II, 7). The Coptic Text with

Translation, ntroduction and Commentary Societyof Biblical Literature.

DissertationSeries23), Missoula (Montana), 1975, . 238.

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 . BVANGILE DE mOMAS, AcrES DE mOMAS, LIVRE DE THOMAS 15

de Thomas dans Ie developpement de la tradition thomasienne, la

composition de la section A du Livre pourrait dater des environs

de 200, peu de temps avant celIe des Actes23.

Dans son anthologie de la litterature gnostique intitulee The

Gnostic Scriptures, Bentley Layton a regroupe, comme apparte-

nant a une meme «School of St. Thomas », trois textes, l' Hymne

de la perle des Actes de Thomas, l' Evangile selon Thomas et Ie

Livre de Thomas24. D'apres Layton, on y retrouverait deux ele-

ments caracteristiques permettant de les associer dans un meme

courant ideologique. Le premier de ces elements, cristallise

autour de la figure de Judas Thomas, est celui du modele de la

gemellite divine, qui constituerait, pour la tradition thomasien-

ne, un modele theologique exprimant la relation reciproque qui

unit Ie chretien et la lumiere divine interieure ou Ie «Jesus

vivant» : «se connaitre soi-meme, ecrit Layton, etait connaitre

son double divin et, par la, connaitre Dieu ; suivre Ie Jesus

vivant etait connaitre et unifier son propre maio »25Ainsi, la

gemellite de Thomas et de Jesus exprimerait metaphoriquement

un modele general de salut par la connaissance (YVWO LS')e

Dieu, mettant l'accent a la fois sur l'etat de disciple et sur la

connaissance de soi. De plus, la conviction de l'identite de ces

trois entites -Ie moi individuel, la source interieure de l'inspira-

lion divine (Jesus) et Dieu dans son sens Ie plus universel (Ie

peTe) -relie la litterature thomasienne a d'autres corpus de la

litterature gnostique, comme les ecrits de Valentin et de son

ecole26. Le second element constitutif de l'tic°e de saint Thomas

reconstituee par Layton est un my the des origines, dont Ie

meilleur representant serait l' Hymne de la perle, mais que l'on

retrouverait egalement dans Ie Livre de Thomas et dans l' Evan-

gile selon Thomas27. Selon ce mythe, Ie veritable t;rloi individuel,

originaire du royaume de la lumiere, residerait maintenant dans

un royaume ou un etat de sommeil, de tenebres ou de mort,

dont il serait sauve par la volante du peTe et par l'intervention

d'un sauveur, qui lui apprendrait a se reconnaitre lui-meme et a

distinguer la lumiere des tenebres28. Bien qu'il affirme l'impor-

lance de savoir dans quel ordre les trois reuvres qu'il retient -

24. Voir B. LAYTON, The Gnostic Scriptures, Garden City (N. Y.), 1987,

p.357-409.

25. Ibid., p. 359.

26. Ibid.

27. Voir Ie tableau synoptique dans B. LAYTON,The Gnostic Scriptures,

p. 368; plus loin, en p. 376, il parle d'un «Hellenistic myth of the hea-

venly origin, fall, incarnation, awakening, and return of the soul ».

28. B. LAYTON, p. cit., p. 360; on trouve une formulation assezproche

chezH.-Ch. PUECH, n quetede fa Gnose I, Paris, 1978,p. 237.

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16

P.-H.POIRIER

I Hymne de la perle, I Evangile seton Thomas et Ie Livre de

Thomas -ont ete composees29,Layton n apporte cependant

aucune reponse a cette question. Tout au plus remarque-t-il que,

si la date de composition du Livre de Thomas est inconnue,

celui-ci a dfi en tout cas etre compose avant 350, date approxi-

mative de la fabrication du codex II de Nag Hammadi, et apres

I Evangile de Thomas, au prologue duquel il fait allusion en p.

138, 1-23°. I note aussi que Ie contenu mythique du Livre res-

semble ai Hymne et ai Evangile. Par ailleurs, si Ie Livre fournit

une elaboration explicite du modele de la gemellite divine entre

Ie sauveur et Thomas, Ie my he de I ame represente par I Hymne

de la perle et auquell Evangile seton Thomas fait allusion, tout

en procurant Ie cadre de I enseignementdu sauveur ransmis par

Ie Livre, ne constitue pas pour autant une part importante de

son message31.

Alors que la theorie elaboree par J. D. Turner pour expliquer

les relations qu entretiendraient les trois textes thomasiens qui

DOllSnteressent fait montre d une coherence certaine, il n en va

pas de meme de I explication avancee par Layton. En effet, si Ie

theme de la gemellite divine est bien present dans les trois

reuvres qu il considere -bien qu a des degres divers -, Ie mythe

des origines que Layton isole comme caracteristique de son

ecole thomasienne se trouverait, d apres lui, exprime de la fa\on

la plus claire dans I Hymne de la perle. Or celie piece, tout en

etant incorporee aUKActes de Thomas et attestee uniquement

par ceux-ci32, en Testepasmoins une piece adventice. n est des

lOTSisque de lui attribuer une fonction normative dans a recon-

stitution d une hypothetique ecole thomasienne, d autant que ce

terme d « ecole» evoque d ordinaire quelque chosede plus precis

que ce que Layton semble mettle la-dessous.

La derniere contribution en date sur la tradition de Thomas a

ete presentee par Gregory J. Riley33. Celui-ci considere que la

communaute de Thomas, qui tenait de I apotre son inspiration et

sa legitimite spirituelle, et qui a cree la tradition thomasienne,a

29. B. LAYTON, op. cit., p. 369.

30. B. LAYTON, op. cit., p. 400.

31. Ibid.

32. Voir B. LAYTON, op. cit., p. 359 et 367-369.

33. G. J. RILEY, « Thomas Tradition and the Acts of Thomas », dans E.

H. LOVERING, Jr., ed., Society of Biblical Literature 1991 Seminar

Papers, One Hundred Twenty-Seventh Annual Meeting, November 23-

26, 1991, Kansas City, Missouri (Society of Biblical Literature Seminar

Paper Series 30), Atlanta (Georgia), 1991, p. 533-542. Cet article repose

en partie sur la these de l auteur, soutenue en 1990 et intitulee Doubting

Thomas: Controversies between the Communities of Thomas and John.

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17

VANGILEDE maMAS, AcrES DE maMAS, LIVRE DE maMAS

fait son apparition dans a periode anterieure aux evangilescano-

niques. D apres Riley, c est cette communaute qui a produit

l Evangile selon Thomaset Ie Livre de Thomas,et a provoque, de

la part de la communaute du disciple bien-aime, a redaction de la

pericope sur Ie doute de Thomas en In 20. Alors que l Evangile

selon Thomas et Ie Livre de Thomas s accordent sur Ie rejet du

corps, a negation de la resurrection, une commune nsistancesur

la YVOOLSt l illumination en lieu et place de la foi, ainsi que sur

l affirmation de l egalite spirituelle de Jesuset de Thomas, Evan-

gile de Jean, de son cOte,par reaction polemique, corrigerait, sur

chacun de ces points, l image de l apotre mise en avant par les

deux traites thomasiens «Thomas touche Ie corps physique res-

suscite de Jesus (confirmant ainsi la resurrection de la chair),

 croit et se soumet t Jesuscomme t son Seigneuret it sonDieu. »34

Pour Riley, it ne fait pas de doute que Ie redacteur de Jean con-

naissaitpour l essentiella position de la tradition thomasiennesur

res questions disputees. Quant aux Actes de Thomas, ts se trou-

veraient en continuite voulue avec cette meme tradition. Ils

reprennent en effet des elementspropres t la tradition thomasien-

ne, con~rnant notamment Ie nom de Thomas, sa gemellite avec

Jesus, a polemique contre Ie corps et ses dangers35.Mais, en

meme temps, les Actes trahissent influence de la figure canoni-

que de Thomas telie qu on la trouve chezJean: l apotre s adresse

it Jesuscomme t son Seigneuret it son Dieu, ill appelie son mai-

tre et se reconnait meme son esclave.Pour reprendre l expression

de Riley, Ie Thomas des Actes est un Thomas qui a bien appris sa

le~n johannique36.En ce sellS,es Actes de Thomasse situeraient

it mi-chemin entre Ie point de vue «confessant» de la Grande

Eglise, qui s impose de plus en plus, et la tradition thomasienne,

entendons,celie de l Evangile et du Livre de Thomas.

Apres avoir passe en revue quelques etudes37 ui se sont inte-

resseesd une maniere particuliere it la tradition thomasienne et it

34. G. J. RILEY, art. cit., p. 533; voir aussi p. 536: «The figure of

Thomas in the Gospel of John, however, s made to submit to Jesusas a

superior being and to address Jesus as my Lord and my God (John

20 28). »

35. Ibid., p. 534-535.

36. Ibid., p. 536.

37. Revue qui ne cherche en rien a etre exhaustive; ajoutons seulement

qu on trouvera dans R. KUNTZMANN, e symbolisme des umeaux au

Proche-Orient ancient. Naissance, onction et evolution d un symbole

(Beauchesne,Religions 12), Paris, 1983,p. 164-182,une bonne analyse

de la tradition de Thomas Didyme ; d apres KUNTZMANN, on peut ...

etablir l hypothese que Ie Livre de Thomas se situe entre I Evangile et

les Actes de Thomas» (p. 183).

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18

P.-H. POIRIER

ses principaux temoins litteraires, DOUg xaminerons main enant

les trois reuvres que DOUg vons retenues, afin, d'une part, de

voir de quelle maniere et dans que Ie mesure elles tirent partie

de 1'« argument thomasien », c'est-a-dire du recours justificatif

au nom de Thomas et a son etymologie traditionnelIe, et, d'autre

part, preciser es liens que, sous ce rapport, ces textes entretien-

Dent es uns avec es autres.

Si I'on accepte a datation habituellement re~ue pour la com-

position de l'Evangile selon Thomas, soit veTS14038,l appert

que cet ecrit est, apres I'evangile de Jean, Ie plus ancien repre-

sentant de la litterature thomasienne.L'appartenance de I' Evan-

gile selon Thomas a celie litterature peut etre etabli, d'un cote,

par I'occurrence du nom de I'apotre dans Ie prologue, Ie logion

13 et Ie titre final, et, d'autre cote, par la reprise de certains de

ses dits par un texte a haute densite thomasienne, es Actes de

Thomas.Toutefois, si DOUgonsiderons e temoignage de I' Evan-

gile en regard du nom de I'apotre, DOUg e trouvons pas a situa-

tion a laquelle on s'attendrait pour un document d'une si haute

antiquite. Examinons en effet les attestations du nom de I'apotre

dans Ie manuscrit du Caire et dans Ie papyrus d'Oxyrhynque.

Ces attestations sont au nombre de six, ainsi reparties :

-dans Ie prologue:

1. NH II, 32, 12-13 21. 21.MOC iOY2I.o.C WMo.C

2. P.Oxy. 654, 2-3 'lou8a ()] Kat E>w~ii

-dans Ie logion 13 :

3. NH II, 35, 2 9WMo.C

4. NH II, 35, 8-9 9WMo.C

5. NH II, 35, 11 9WMo.C

-dans Ie titre final:

6. NH II, 51, 28 9WMo.C.

II ressort de celie enumeration qu'il n'y a que les deux pre-

mieres occurrences a se ranger du cote de la forme reconnue

comme la plus caracteristique de la tradition thomasienne, qui

rejoint I' lsage des versions syriaques anciennes (sinaltique et

curetonienne), ainsi que celui de la legende d'Abgar (d'apres Ie

temoignage d'Eusebe, Histoire ecclesiastique , XIII, 11), de la

Doctrine d'Addai" (§ 7) et d'un ecrivain comme Ephrem39, a

38. Voir a ce sujet F. T. FALLON R. CAMERON The Gospel of

Thomas: A Forschungsbericht and Analysis », dans Aufstieg und

Niedergang der romischen Welt, Teil II : Principat, Band 25.6, Berlin,

1988,p. 4224-4226.

39. Pour les references, voir U. MONNERET E VILLARD, Le leggende

orientali sui magi evangelici (Studi e testi 163), Citta del Vaticano, 1952,

p. 46, l. 1.

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VANGILE DE THOMAS, ACIES DE THOMAS, LIVRE DE THOMAS

savoir la designation de l'apotre par Ie nom de 'lou8aS' ew~aS'

ou r<' C7mJ ~C7 r<d...A vrai dire, seule la seconde des occur-

rences repertoriees, celIe du papyrus d'Oxyrhynque, releve net-

tement de cette tradition. En effet, la forme qu'offre Ie pro-

logue, dans Ie manuscrit du Caire, est une forme hybride, une

sorte de lectio conflata, qui reflete a la fois la tradition syrienne

ancienne (ioy2I.b,c eWMb,c) et la formulation johannique

(8w~aS' 6 AE'Y6~EVOS'(8u~oS' In 11, 16; 20, 24; 21, 2]), mais

dans une sequence (21.0 oe., au lieu de la suite attendue °. eo 21..)

qui constitue a notre connaissance un hapax40.L'ordre normal

apparait dans les Actes de Thomas (chap. 1, 2; p. 100, 4-5

Bonnet), ou on lit 'Iou8aS' ew~aS' 6 Kat 8(8u~oS'.Quant a

l'ordre du corte, il est a vrai dire aberrant dans la mesure ou il

place en premier lieu ce qu'on considere comme Ie surnom de

l'apotre -ou plutot la traduction grecque de son surnom ara-

me en -, comme si Ie corte ne savait plus la fonction de ce 8(8u-

~OS'.Quant au P. Oxy. 654, s'il atteste la forme syrienne du nom

de l'apotre, ille fait a la grecque, en recourant a une suture (6

Kat) usuelle dans es noms doubles grecs41.

Ainsidonc, il n'y a que la version grecque de l' Evangile seton

Thomas a pouvoir etre nettement imputee a la tradition syrien-

ne ancienne, alors que la version corte temoigne tantot d'une

tradition hybride, deja remaniee, tantot d'une tradition proche

de celIe des synoptiques ou de l'usage occidental. En ce qui

concerne Ie theme gemellaire, s'il n'apparait pas comme tel dans

l' Evangile seton Thomas, on y trouve cependant affirmee une

intimite particuliere de Thomas avec Jesus, notamment dans Ie

logion 13. D'ailleurs, Ie simple fait que l'apotre soit presente

comme Ie recipiendaire des paroles secretes et vivifiantes de

Jesus suffirait a consacrer son statut de disciple par excellence.

Passons maintenant aux Actes de Thomas. Si nous discutons

ce texte immediatement apres l' Evangile seton Thomas,c'est en

raison de sa dependance averee par rapport a celui-ci, beaucoup

plus marquee, comme nous Ie verrons, que dans Ie cas du Livre

40. Des lors, on ne peut considerer sans plus que la fomlulation artifi-

cielle Didyme Judas Thomas est, au me-me itre que Ie nom Judas

Thomas « a phenomenon characteristic of and restricted to early Syriac

literature », comme l'ecrit H. J. W. DRIJVERS, Facts and Problems in

Early Syriac-Speaking Christianity», The Second Century 2 (1982), p.

158, article repris dans H. J. W. DRIJVERS, ast of Antioch. Studies n

Early Syriac Christianity, Londres, VI.

41. D'apres G. H. R. HORSLEY <Names, Double », dans The Anchor

Bible Dictionary 4, New York, 1992,p. 1012), «A ho (hos) kai ...is by

far the most common formula used to indicate a byname, nothwithstan-

ding that it occurs only once in the NT (Acts 13:9,Saul/Paul). »

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20

P.-H.POIRIER

de Thomas. I est en eifel assure, comme Henri-Charles Puech

l'a etabli depuis longtemps42, ue les Actes connaissentde fa<;on

precise l' Evangile, dont ils reprennent de fa<;onplus ou moins

litterale plusieurs logia. D'un autre cote, les Actes font ce que

l' Evangile n avail jamais fait: developper, a partir du nom de

Thomas, une veritable symbolique gemellaire. A ce titre, les

Actes ont joue un role decisif dans la formulation et Ie develop-

pement de la tradition thomasienne ; on peut meme a,ffirmer

que, sans eux, l'identification de cette tradition dans l' Evangile

et dans Ie Livre n'aurait guere ete possible.

Le temoignage des Actes de Thomas sur Ie nom de leur heros

reflete, par sa diversite, les ecarts que presentent es uns par rap-

port aux autres les versions syriaque et grecque des Actes, et les

manuscrits qui les out transmises. En simplifiant, on peut tracer

Ie tableau suivant. Le plus ancien temoin syriaque des Actes de

Thomas, Ie Sinaiticus (palimpseste) 30, des ye- VIe siecles, ne

connalt que Ie seul nom t< I Clm..,Judas, alors que Ie manuscrit Ie

plus complet, Ie British Library Addit. 14645,date de 936,utilise

celui-ci dans 88 des cas (en regard de 8 pour t<.:;,';Il<d..

t<'IClm.., udas Thomas, et 4 pour r(:::7;IClt<d..,homas). II taut

toutefois Doter qu'en quelques endroits, une main tardive a cor-

rige Ie manuscrit de Londres en substituant Thomas a Judas,

sans doute pour en harmoniser Ie texte a l'usage prefere par Ie

correcteur. Les autres manuscrits syriaques (Berlin, Sachau222,

date de 1881 ; Cambridge University Library Addit. 2822, date

de 1883 Harvard College Library, Houghton Library, Syr 38,

Xye- XYle siecles Vatican syriaque 597, XYlIe siecle) out tous

Thomas. Quant aux Actes grecs, ls sont plus partages 47 des

occurrences donnent 'I ov8as-,40 ew~as- et 13 'Iov8as-

ew~as-, avec une seule occurrence (chap. 1, 2) en faveur de

'I ov8as-ew~as- () Kat 8l8u~os-.

La caracteristique a plus frappante des Actes de Thomas,aussi

bien grecs que syriaques,demeure l'omnipresence de l'imagerie

gemellaire, qui constitue Ie veritable fil conducteur du fecit. Cette

imagerie apparait a quelques eprisesde maniere tout a fait expli-

cite. C'est ainsi qu'aux chap. 11-12 (grec et syriaque), Jesus se

manifeste aux eunes epoux que Thomas vient de convertir a l'en-

cratismesous es raits de l'apotre, qu'il appelle« mOll rere» (chap.

12, 1). Aux chap. 31 et 39, mais, celie fois, uniquement dans Ie

grec, Ie syriaque ayant vraisemblablement subi une retouche

42. Voir notamment H.-Ch. PUECH, Gnostische Evangelien und ver-

wandte Dokumente », dans E. HENNECKEW. SCHNEEMELCHER,d.,

NeutestamentlicheApokryphen, I. Band.. Evangelien, Tiibingen, 1959,

p.206-207.

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21

YANGILE DE maMAS, AcrES DE maMAS, LIVRE DE maMAS

orthodoxisante43, homas est qualifie de «didyme -ou jumeau -

du Christ », dans Ie premier cas, par un serpent noir, suppot du

demon, dans autre, par un anon sur e point de se mettre au servi-

ce de l apotre. Aux chap. 54-57,entin, dans un fecit de resurrec-

tion, la morte revenuea la vie raconte a l apotre savisite desenters

et commentelle a ete livree a l apotre par quelqu un d autre, mani-

festement e Christ, qui ressemblaita Thomas (chap. 57, 3). Par-

dela cesattestationsclaires d une identification de Thomas a Jesus,

c est ensembledes Actesqui, par un jell parfois subtil de citations

et d allusions aux evangiles canoniques44, ultiplie les analogies

entre Jesuset son apotre au point que Ie destinde Thomas devient

un decalquede celli de son seigneuret maitre. Sanscesse ffirmee

et suggeree, identite de Thomas et du Christ est neanmoinsniee

de la maniere la plus explicite. Une premiere fois, au chap. 65, 1

(syriaque seulement), Thomas replique au general Siphur, qui Ie

prenait pour Jesus: «Je ne sills pas Jesus,mais son serviteur et son

apotre.» Mais c est surtout avant sonmartyre, dans ultime exhor-

tation de Thomas aux femmes converties par lui, que la denega-

tion de son identite avec Jesus est Ie plus clairement formulee :

«Ecoutez, mes filles. Je ne suis pas Jesus,mais e sills Ie serviteur

de Jesus; e ne sills pas Ie Christ, mais e suis celui qui sert devant

lui; je ne suis pas Ie Fils de Dieu, mais je prie et supplie d etre

rendu digne de Dieu» (chap. 160,1, d apres e syriaque; Ie grec est

sensiblement dentique). Plutot que de voir dans les propos de

l apotre line attenuation orthodoxe du theme de la gemellite du

Christ et de l apotre, il taut sansdoute y discerner ine intention

theologique visant a marquer la distance en meme temps qu on

affirme l identite, et signifiant par la que la gemellite si habilement

orchestreepar les Actes est avant tout spirituelle.

Veritable corollaire au theme de la gemellite, nous relevons

par ailleurs dans les Actes de Thomasde nombreux cas de poly-

morphie45,de dedoublement ou d ubiquite d un meme person-

nage. Mentionnons tout d abord la polymorphie du sauveur, qui

se fait voir a de nouveaux baptises SOilSa forme d un jeune

43. A res endroits, Ie syriaque lit «abime» au lieu de Didyme ; sur ce

point, voir P.-H. POIRIER,«Une etymologie ancienne du nom de

Thomas l Ap6tre et sa source », Parole de [ Orient 10 (1981-1982),p.

285-290.

44. Cf. R. KUNTZMANN,p. cit. (n. 37), Paris, 1983,p. 176,qui donne des

chiffres.

45. Sur ce theme et sa fonction dans es Actes de Jean et les autres actes

apocryphes, voir D. R. CARTLIDGE, Transfigurations of Metamor-

phosis Traditions in the Acts of John, Thomas, and Peter », Semeia ~8

[The Apocryphal Acts of the Apostles] (1986), p. 53-66, et surtout E.

JUNOD J.-D. KAESTLI,Acta Iohannis (Corpus christiano rum, Series

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22

P.-H. POIRIlf.R

homme (chap. 27, 3), que Thomas lui-meme qualifie de poly-

morphe (chap. 48, 1 grec), dont illoue la polyonymie (chap. 48,

1 syriaque), et qui semble bien se dissimuler sous les traits du

jeune homme qui soutient Manashar aux chap. 154-155.

Semblable polymorphie affecte egalementThomas. En effet, au

chap. 34 (grec seulement), Ie jeune homme ressuscite par

l apotre lui declare: «Tu es un homme sous deux formes, tu te

trouves partout oil tu veux, et tu n es retenu par rien, a ce que je

vois »46.Un peu plus loin dans Ie meme chapitre, Ie theme de la

polymorphie de Thomas est combine a celui de la similitude

entre Ie Christ et l apotre, deja rencontre au chap. 11, alors

qu au chap. 118, c est Ie theme de l ubiquite qui est associe a

celui de la polymorphie, lorsque l apotre apparait a Magdonia et

que celle-ci ne Ie reconnait pas «a causede l abondante lumiere

qui Ie precedait ». Signalons enfin deux cas de polymorphie-

dedoublement demoniaque, au chap. 43, oil Ie demon prend

l apparence d un jeune homme et d un vieillard, puis aux chap.

63-64, oil il emprunte les traits d un homme noir et d un gar<;on,

identiques l un a l autre.

Par leur combinaison d un materiau traditionnel emprunte a

l Evangile selon Thomas,par la maniere dont ils developpent et

systematisent e theme de la gemellite de Thomas et du Christ,

par leur recours au cadre romanesque, es Actes de Thomas ont

veritablement elabore et construit la figure de Thomas Didyme

que vont reprendre les productions apocryphes ulterieures

consacreesa l apotre et meme la tradition chretienne en general.

Ce faisant, les Actes de Thomas n ont rien invente. Ils prenaient

stirement appui sur une tradition deja fermement etablie, dont Ie

temoin Ie plus explicite est l Evangile selon Thomas, mais qui

avait dti s elaborer, anterieurement a l Evangile thomasien, sur

la base de l Evangile de Jean, ou plutot de la tradition doni ce

dernier se fait l echo en qualifiant Thomas de Didyme.

Comme DOllS avons vu plus haut, John D. Turner, dans son

article de 1972, situait Ie Livre de Thomas a mi-chemin entre

l Evangile de Thomas et les Actes de Thomasdans Ie developpe-

apocryphorum 2), Turnhout, 1983, vol. II, p. 466-493 et 698-700 ;

d apres ces auteurs, les Actes de Thomas appartiennent au deuxieme

type d utilisation de la polymorphie, qualifiee de romanesque : «Par

suite de la jalousie ou de la malveillance d un homme, l ap6tre et (ou)

une ou plusieurs femmes sont incarcerees une apparition polymorphe

du Seigneur provoquera leur delivrance. Sons des formes legerement

differentes, ce scenario se retrouve dans les AI, les Actes d Andre, les

Actes de Paul et les Actes de Thomas» (p. 699).

46. Traduction Yves Tissot.

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VANGILE DE THOMAS, AcrES DE THOMAS, LIVRE DE THOMAS

ment de la tradition thomasienne. Bien que Turner etaye son

hypothese par des arguments non negligeables, celle-ci apparait

nettement mains solide quand on considere Ie materiau propre-

ment thomasien que comporte Ie Livre et surtout la maniere

dont ille met a contribution. Voici d'ailleurs les passages du

Livre de Thomas qui presupposent la connaissance et l'utilisa-

tion d'elements de la tradition litteraire thomasienne.

1. L'incipit du Livre de Thomas (p. 138, 1-4: «Les paroles

secretes, relIes que Ie Sauveur a dites a Judas Thomas et que moi-

meme, Mathaias, j'ai ecrites. Je marchais et je les ecoutais se par-

ler l'un a l'autre») est clairement inspire de celui de l' Evangile

seton Thomas (p. 32, 10-12: «Voici les paroles secretes que Jesus

Ie vivant a dites et qu'a ecrites Didyme Judas Thomas»).

2. Le prologue du Livre (p. 138,4-21) expose Ie theme thomasien

en recourant a un vocabulaire qui n'est atteste en son entier que

dans les Actes de Thomas: frere, C~N (Actes, chap. 11-12, 1 :

a8EA<j>6s-,< ..<); umeau, COEIW (Actes, chap. 31, 2 et 39, 2 : 8(-

8u~os-,t<:::IJ<r<>d1); mi ou compagnon, WBp MMHE (Actes, chap.

156, 1 : ETaLpos-,< .;].J.J).D'autre part, la maniere dont ce theme

est amene montre qu'il s'agit la d'un theme connu que Ie redac-

teur du Livre utilise pour authentifier Ie dialogue qui va

suivre : «Frere Thomas, tant que tu as du temps dans Ie

monde, ecoute-moi, que je te revele ce sur quai tu as reflechi

dans ton creur. Puisqu'on a dit (EBEl AE ~YXOOC XE) que tu

es man jumeau et man veritable compagnon, examine-toi et

comprends qui tu es et comment tu es ou ce que tu deviendras.

Puisqu'on te nommera (EBEIAH CEN~MOYTE EpOK' XE) man

frere, il ne taut pas que tu sois sans te connaitre toi-meme. ...

C'est pourquoi donc, toi, man frere Thomas (ETBE B~'i (fE

NTOK' B~CON 9WM~C'), tu as vu ce qui est cache aux hommes,

ce a quai ils achoppent par manque de connaissance.» L'emploi

dans ce passage de conjonctions comme EBEl et EBEIAH, et de la

formule ETBE BlJ:.i confere clairement aux elements thomasiens

du Livre de Thomas une valeur justificative.

3. Le corps du texte ne presente pour ainsi dire pas d'elements

thomasiens, si ce n'est la mention, dans la partie dialogique (sec-

tion A chez Turner) du nom 9WM~C, qui, une seule fois (p.

142, 7-8), apparait sous un forme qui Ie rapproche a la fois de

l'incipit du Livre et de la tradition syrienne; 'iOYA~C' B~'i

ETOYMOYTE EpO<J' XE 9WM~C, c'est-a-dire 'lou8as- ()

E:1TlKA1l6ds-ou KAll6Ets-)ew~as-47.

47. Sur cette formule, voir G. H. R. HORSLEY, Names, Double», dal

The Anchor Bible Dictionary 4, New York, 1992,p. 1013.

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P.-H.POIRIER

4. Enfin, on enregistre tine seule allusion a peu pres sure a

l Evangile selon Thomas (p. 140, 41 -141, 2) ; dans ce passage

malheureusement acuneux, on retrouve Ie vocabulaire du logion

2. Turner a signale tine serle de paralleles entre Ie prologue du

Livre et les logia 2-7, mais aucun de ces rapprochementsne s im-

pose.

Sans aller aussi loin que Hans-Martin Schenke48,pour qui

l auteur du Livre de Thomas, out en connaissantbien la tradi-

tion de Judas Thomas, ne se situe cependant pas dans celle-ci,

DOllS erlons d accord avec lui, sur la base des observations que

DOllS enons de taiTe, pour dire que cet auteur utilise d une

maniere toute litteraire tine tradition dont il se reclame nean-

moins pour authentifier Ie dialogue de revelation qu il produit

ou qu il transmet. Cela signifie que Ie Livre de Thomasn appar-

tient que secondairementa la tradition thomasienne. On ne petit

en tout cas pas Ie mettre sur Ie meme pied que l Evangile de

Thomas ou les Actes de Thomas,deux textes, surtout Ie dernier,

qui sont authentiquement thomasiens.

Au terme de cette analyse des trois textes que DOllSavions

retenus, qu est-il permis d affirmer de la nature des relations

qu ils entretiennent les tins avec les autres ? D emblee, il appa-

fait qu ils ne peuvent etre inscrits Ie long d une meme «trajectoi-

re » thomasienne dont Ie developpement ineaire exigerait de les

situer en dependancedirecte les tins des autres. On ne petit non

plus expliquer leur parente par l appartenance a tine «ecole de

Thomas », surtout si cette ecole est definie d une maniere aussi

generale que Ie fait Bentley Layton. A ne considerer que les

reuvres analysees, et bien que celles-ci ne representent qu tine

portion du legs thomasien, on se trouve en face d une tradition

plus ou moins eclatee. Dans Ie cas de l Evangile selon Thomas et

des Actes de Thomas, eur appartenancea un meme courant tho-

masien petit etre etablie, au moins a rebours. En effet, si l Evan-

gile offre au lecteur qui ne connaitrait TieDd autre, qu un maigre

materiau thomasien -l attribution de l ecrit au Didyme, son sta-

tut de recipiendaire des dits secrets du sauveur, l exaltation de

l apotre au logion 13, les Actes, en revanche, reprennent de

l Evangile tine matiere non negligeable qu ils inscrivent dans ine

large orchestration du theme gemellaire thomasien. Cela signifie

que l auteur des Actes avait conscienceque l Evangile apparte-

nait a la tradition a laquelle il puisait et qu il s employait a syste-

matiser.

48. H.-M. SCHENKE, as Thomas-Buch (Nag-Hammadi-Codex II, 7)

(Texteund Untersuchungen138), Berlin, 1989,p. 65.

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EVANGILE DE THOMAS, AcrES DE THOMAS, UVRE DE THOMAS

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Pour ce qui est du Livre de Thomas, a situation est tout a fait

differente. Nous sommes a en presence d'une reprise litteraire,

secondaire, pour tout dire artificielle, de l'idee gemellaire, aux

fins d'authentifier un discours de revelation qui ne rencontre

l' Evangile et les Actes que sur des themes trop largement diffu-

sespour fournir des indic~s surs d'une dependance du Livre par

rapport aux deux autres ecrits. Si Ie Livre de Thomas emarge a

la tradition thomasienne, il ne Ie fait que d'une maniere laterale,

alors que, pour l' Evangile et les Actes, il y a tine dependance

marquee des seconds par rapport au premier. En termes de

chronologie relative, cela veut dire que, si l' Evangile seton

Thomas est assurementanterieur aux Actes, rien n'empeche que

Ie Livre de Thomas soit posterieur a ceux-ci. C'est en tout cas ce

que suggere Ie fait que Ie Livre presuppose une thematique

gemellaire deja bien developpee et familiere a ses ecteurs ; or,

les Actes sont Ie seul texte connu de nous dans lequel tine telle

thematique est mise en place. C'est ce qu'indique aussi Ie fait

que Ie Livre qualifie Thomas de frere de Jesus,appellation attes-

,tee dans les Actes et pas ailleurs. En conclusion, nous dirions

que Ie Livre de Thomas trahit sa delle a l'endroit de l' Evangile

par son incipit, et des Actes par son prologue, .mais que, pour Ie

reste, il ne peut etre situe sur la meme «trajectoire» que ces

deux ouvrages. Ce que l'on illustrera par Ie schema suivant :

AcThom

Vne telle etude de la tradition thomasienne et de ses ransfor-

mations ne peut etre que somma re et partielle. Seule une

approche globale de l'ensemble de cette tradition permettrait de

corroborer ou d'infirmer les resultats auxquels nous avons abou-

ti. 11conviendrait en particulier de reconstituer, si toutefois cela

est possible, l'histoire des traditions thomasiennes anterieures a

l'Evangile de Jeaif9, traditions dont cet evangile serait dependant

pour son temoignage sur l'apotre Thomas, mais dont, au mains

partiellement, il assurerait aussi e relais. D'autre part, il faudrait

49. C'est dans une certaine mesure ce qu'essaie de faire G. J. RILEY

dans son article cite ci dessus, . 33.

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P.-H.POIRIER

etudier les traditions thomasiennes contemporaines de et exte-

rieures a l Evangile selon Thomas et aux Actes de Thomas chez

Eusebe de Cesaree, dans la Doctrine d Addai , dans les vieilles

syriaques, chez Ephrem et ailleurs dans la litterature syriaque,

pour determiner la provenance de ces elements traditionnels

epars et la maniere doni ils s articulent aux donneesde l Evangi-

Ie et des Actes. Une telle enquete restera cependant oujours tri-

butaire de ce que nous ignorons des deux premiers siecleschre-

tiens dans aire syriaque. Et ce n est pas peu.

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Alain LE BOULLUEC

Ecole Pratique desHautes Etudes,Paris

LA LETTRE SUR L « EVANGILE SECRET»

DE MARC ET LE QUIS DWES SALVETUR ?

DE CLEMENT D ALEXANDRIE

The long fragment of a letter attributed to Clementof Alexandria deal-

ing with a secretgospel of Mark, which was discoveredby Morton Smith

in 1958 and edited by him in 1973, is quite controversial. Since the tur-

moil causedby the oddities of the inventor about the historical Jesushas

abated, he NT exegesis ives more and more importance to the indica-

tions of he letter to rebuild the synoptical story. Yet no one agreeson the

chronological relation between he secretMark and the canonical Mark.

As for the genuineness of the letter, it is not clearly established. Our

inquiry is an attempt to find arguments n the comparison between he

letter and the Quis dives salvetur ? of Clement, where the latter com-

ments upon Mark 10,17-31. This book is almost certainly posterior to the

Stromateis and even o the Hypotyposeis. Moreover it contains a spiritu-

al interpretation of the versesof the gospel. Since the episode by secret

Mark is linked with the narrative of Mark 10, 17-31,we may nfer, if the

letter is Clement s, that the symbolical exegesisof QDS usesparts of

secretMark. The exampleswe have given here make the hypothesis ike-

ly, but not certain.

Le long fragment d une lettre attribuee i Clement d Alexandrie, sur un

«Evangile secret» de Marc, decouvertpar Morton Smith en 1958,et edite

par lui en 1973,pose de nombreuxproblemes. Depuis que l effervescence

creeepar les elucubrations de l inventeur sur Ie Jesus historique, i partir

de ce document, est retombee, es exegetes u Nouveau Testament ren-

nent de plus en plus au serieux es indications de la lettre,pour reconsti-

tuer la genesedes synoptiques. L accord ne s est pas encore fait, cepen-

dant, sur la relation chronologique entre Ie Marc «secret» et Ie Marc

canonique. Quant ii la questionde l authenticite de lalettre, elle n est pas

definitivement tranchee.L enquete presentecherche des arguments dans

la comparaison entre a lettre et Ie Quis dives salvetur ? de Clement,ou

celui-ci commente la pericopede Marc 10, 17-31. Cet ouvrage est tres

probablement posterieur aux Stromates, et meme aux Hypotyposes. II

Apocrypha 7, 1996, . 27-41

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A. LE BOULLUEC

comporte en outre une interpretation spirituelle des versets de Marc.

Btant donne que l'episode rapporte par Marc « secret» est narrativement

et thematiquement ie au recit de Marc 10, 17-31, on peut suppose/;si la

lettre estde Clement,que l'exegese ymbolique du QDS introduit desele-

ments tires de I' « Bvangile secret». Les exemples allegues ci rendent

l'hypothese plausible, mais ne permettentpas de conclusion certaine.

Le long fragment d'une lettre attribuee a Clement

d' Alexandrie, sur un «Evangile secret» de Marc, decouvert par

Morton Smith au monastere de Saint-Sabas,a l'ete 1958, et edite

par lui en 1973, avec un tres ample commentairel, distingue fort

clairement trois formes ecrites de Marc:

1. les «actes du Seigneur», rediges par Marc a Rome, a l'in-

tention des catechumenes.Ce « premier livre » serait notre Marc

canonique;

2. un «evangile plus spirituel », compose par Marc a

Alexandrie, completant Ie premier, a l'intention des «progres-

sants dans la connaissance», au moyen d'elements tires de ses

propres «memoires» et de ceux de Pierre «<memoires» qui

n'etaient pas destines a la publication), un «evangile secret» ;

3. un texte de cet « evangile secret » falsifie par Carpocrate, au

moyend'additions mensongeres.

A ces rois formes ecrites s'ajoutent trois traditions: l'une, l'en-

seignementmystique du Seigneur, est restee cachee; Marc ne l'a

pas divulguee ni livree a l'ecrit; la deuxieme est celIe que l'auteur

de la lettre annonce par la formule sur laquelle Ie fragment

s'acheve brusquement (et pour notre plus grande deception ):

c'est «l'explication (de l'evangile secret) veridique et conforme a

la philosophie veritable»; on peut supposerqu'elle dependait de

la premiere, par voie de transmissionesoterique la troisieme est

l'interpretation carpocratienne de 1'« evangile secret» alsifie.

Voici une traduction de ce fragment, lequel indique aussiavec

precision les points d'insertion, dans Ie «premier livre» de

Marc, de recits propres a 1'« evangile secret» :

1. Clement of Alexandria and a Secret Gospel of Mark, Cambridge

(Mass.) 1973.

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A LETrRE SUR L « BV ANGILE SECRET» DE MARC

Extrait des ettres du tres saint Clement, auteur des Stromates

A Theodore

Tu as bien fait de mettre un baillon sur leg enseignements

innommablesdesCarpocratiens.Ce sooteux eg « astreserrants »

(Jude 13) dont a parle la prophetie (cf. Jude 14), qui errent loin

de la voie etroite (cf. Mt 7, 14) vers abime infini des autes char-

nellesetcorporelles. Enfles de leur pretendueconnaissancecf.l

Co 8, 1) des «profondeurs de Satan» (Apoc 2, 24), ils ne s aper-

<;oiventpas qu ils se jettent eux-memesdans «l epaisseur des

tenebres» (Jude 13) du mensonge alors qu ils se vantent d etre

libres, ls soot devenus egesclaves e desirsabjects.

II taut donc s opposer a eux a toute force et de toute fa<;on.

Car meme s ils disaient quelque chose de vrai, l amant de la

verite ne leur donnerait pas pour aut ant son accord. Tout ce

qui est vrai n est pas la verite, et il ne taut pas preferer ce qui

passe pour verite d apres leg opinions humaines a la verite

veritable conforme a la foi.

Parmi leg rumeurs qui se repandent a propos de I Evangile

selon Marc, (Evangile) inspire, leg unes soot completement

fausses,eg autres, meme si elles comportent quelque chose de

vrai, ne soot pas pour autant ransmises omme Ie veut la verite.

Le vrai, melange aux fictions, est en effet a ce point adultere que

Ie gel perd sa saveur,comme il est dit (cf. Mt 5,13; Jer 28,17).

Marc, assurement,a mis par ecrit leg actes du Seigneurpen-

dant Ie sejour de Pierre a Rome, sans toutefois leg faire

connaitre tOllS ni indiquer ceux qui etaient secrets, mais en

choisissant ceux qu il avait pense leg plus utiles pour faire

grandir la foi des catechumenes.Apres Ie martyre de Pierre,

Marc partit pour Alexandrie ; il emportait a la fois sespropres

memoires et ceux de Pierre; tirant de ceux-ci leg elements

convenant aux progressantsdans a connaissance,lles fit pas-

ser dans son premier livre et composa un evangile plus

spirituel, a l usage de ceux qui se perfectionnent. Cependant l

ne divulgua pas encore leg mysteres eux-memes ni ne livra a

l ecrit la revelation sacree de l enseignement du Seigneur,

mais il ajouta d autres actes a ceux dont il avail deja rendu

compte par ecrit et y joignit encore certaines paroles dont il

savait que l explication initierait les auditeurspour les conduire

au ond du sanctuairede la verite sept ois cachee.

Voila donc leg dispositions qu il prit, sans montrer d envie ni

negliger leg precautions, je Ie crois, et a sa mort illaissa son

ecrit a l eglise d Alexandrie, on il s est conserve encore main-

tenant en toute surete, la lecture en etant reservee exclusive-

ment a cern qui soot nities aux grands mysteres.

Mais comme leg demons abominables ne cessentde machi-

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30

LE BOULLUEC

neT a perte ~es hommes, Carpocrate, pourvu de leur ensei-

gnement et habile a user de ruses trompeuses, Silt faire d'un

pretre de l'eglise d' Alexandrie son oblige et reussit ainsi a se

procurer aupres de lui line copie de l'evangile secret, qu'il

expliqua selon son opinion blasphematoire et charnelle. En

outre il Ie squilla, en melant aux enonces pUTS t saints les

mensonges es plus ignobles. Et c'est a ce melange qu'a pris sa

source a doctrine des Carpocratiens.

II ne faut donc jamais ceder, comme je l'ai deja dit, aces

gens-la et, quand ils presentent leurs faux, on ne do it pas

admettre qUf l'evangile secret soit de Marc, mais il faut Ie

flier, avec sequent a l'appui. Car toutes les verites ne sont pas

a dire a taus. Aussi la Sagesse de Dieu, par la voix de

Salomon, domne-t-elle cet ordre : «Reponds au foil d'apres sa

folie» (Prov 26, 5) ; elle enseigne que la lumiere de la verite

doit etre cacheea ceux dont l'intelligence est aveugle. I est dit

encore: «A elui qui n'a pas il sera retire» (Mt 25,29; Lc 19,

26) et : «Qu Ie foil avancedans es tenebres» (cf. Eccl2, 14).

Mais nailS, n us sommes es fils de la lumiere (cf. 1 Thess5,

5), illumines par Ie lever qui vient d'en-haut de l'Esprit du

Seigneur.« a ou est l'Esprit du Seigneur, est-il dit, la est la

liberte» (2 3, 17). «Tout est pur pour les purs» (Tt 1, 15).

Aux quest ODS ue tu as posees,donc, je n'hesiterai pas a

repondre, en denon~ant e faux au moyen des paroles memes

de l'Evangil. En realite, apres : «lIs etaient en chemin et

montaient a Jerusalem» (Mc 10, 32), et la suite jusqu'a :

«trois jours apres il ressuscitera» (Mc 10, 34), (l'evangile)

ajoute mot a mot: «Et ils arrivent a Bethanie et il y avait la

line femme dont Ie frere etait mort. Etant venue se prosterner

devant Jesus elle lui dit : 'Fils'de David, aie pitie de moi'. Les

disciples a rabrouerent. Et Jesus, rrite, s'eloigna avec elle jus-

qu'au jardin ou etait Ie tombeau, et soudain un grand cri se fit

entendre depuis Ie tombeau. Jesuss'approcha et fit fouler la

pierre de cote a la porte du tombeau. Etant aussitot entre la

ou etait Ie jeune homme, il etendit la main et Ie reveilla, en lui

saisissant a main. Le jeune homme Ie regarda, et il se prit a

l'aimer ; il se mit a Ie supplier de rester avec lui. Etant sortis

du tombeau, ils allerentdans la maison du jeune homme. Car

il etait fiche. Six jours apres, Jesus lui donna un ordre et, Ie

soir venu, Ie jeune homme vient aupres de lui, Ie corps vetil

seulement d'un drap de liD. Et il Testaavec lui cette nuit-la.

Car Jesus ui enseignait e mystere du royaume de Dieu. Puis,

au lever, il se dirigea de la vers l'autre cote du Jourdain.»

Apres cela suivent es mots: «et Jacqueset Jean s'approchent

de lui» (Mc 10, 35) et toute la pericope. Mais «nu contre nu»

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LALElTRE SUR L « EV ANGILE SECRET» DE MARC

et le reste,dont tu m as parle dans ta lettre, ne s y trouve pas.

Et apres : «Et il arrive a Jericho» (Mc 10, 46), (l Evangile)

ajoute seulement : «Et il y avait la la sreur du jeune homme

que Jesus aimait, sa mere et Salome, et Jesus ne les accueillit

pas. » Les autres longs developpements que tu as mentionnes

par ecrit paraissentetre et sont des mensonges.

Quant a l explication veridique et conforme a la philo~ophie

veritable:..

Cette lettre n a pas cesse, depuis la publication du livre de

Morton Smith, de susciter de vifs debats chez les exegetes du

NouveauTestament.One fois retombee effervescence rovoquee

par les elucubrations de l inventeur sur Ie «Jesus magicien» qu il

pretendait decouvrir dans ce texte, et par la disparition du manus~

crit, loin des regards des enqueteurs2, a critique cependant s est

peu a peu partagee entre deux tendances l une incline a faire du

« Marc secret» un apocryphe elabore a partir des evangilescano-

Diques,et datant du lIe siecle3; autre integre 1 « evangile secr~t»

a 1histoire redactionnelle des synoptiques et considere que cette

forme longue de Marc est anterieure au Marc canonique4. La

2. Thomas Talley (voir Studia Liturgica 14, 1982,p. 45) a tente en vain

de voir Ie manuscrit en 1980. II apprit seulement que l Archimandrite

Meliton avait fait deplacer Ie texte de Mar Saba a la bibliotheque du

Patriarcat grec de Jerusalem,apres la parution du livre de M. Smith, et

Ie Pere Kallistos lui dit qu ill avait vu et que lesltrois pages de la copie,

retirees de la fin d un exemplaire de l edition de 1646, par Isaac Voss,

des lettres d Ignace d Antioche, ou M. Smith les avait trouvees, etaient

en cours de restauration (d apres Marvin W. MEYER,«The Youth in the

SecretGospel of Mark », Semeia49, 1990,p. 129).

3. Telle est par exemple la conclusion de H. Merkel (qui donne l etat

bibliographique, arrete a l annee 1982, de la controverse autour de la

decouverte de M. Smith) dans son «Appendix» sur 1 «evangile secret»

de Marc (traduction anglaise de la 6eme dition de E. HENNECKEW.

SCHNEEMELCHER,ew TestamentApocrypha I, 1991, p. 106-109). En

recherchant la fonction litteraire du second fragment cite par la lettre,

R. Bauckham arrive au meme resultat : «Salome the Sister of Jesus,

Salome the Disciple of Jesus,and the Secret Gospel of Mark », Novum

Testamentum 3, 1991,p. 245-275 269-275).

4. Ainsi, selon des reconstructions diverses,H. KOESTER, History and

Development of Mark s Gospel (From Mark to Secret Mark and

 Canonical Mark) », dans Colloquy on New TestamentStudies: A Time

for Reappraisal and Fresh Approaches, ed. par B. C. Corley, Macon

1983,p. 35-57, eimprime dans H. KOESTER, ospel Traditions in Early

Christian Literature: Collected Essays,Londres -Philadelphie 1992

(etude dont les implications sont developpeespar Ph. SELLEW, ans The

Future of Early Christianity. Essays n Honor of Helmut Koester,ed. par

B. A. Pearson, Minneapolis 1991,p. 242-257); H. M. SCHENKE,The

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32

LE BOULLUEC

seconde endance est en train de devenir communis opinio, affir-

mee par l article de M. W. Meyer dans The Anchor Bible

Dictionary5. Elle est neanmoins vigoureusement combattue, au

profit de la premiere, par des savants comme John P. Meier6 et

Frans Neirynck7.

La plupart des exegetesdu Nouveau Testament qui utilisent Ie

temoignage de la lettre attribuee a Clement pour etudier la

structure de Marc et son histoire redactionnelle considerent au-

thenticite du document comme allant de soi, ou bien estiment

que la valeur des renseignements ainsi transmis n est en rien

diminuee si la lettre n est pas de Clement, etant entendu qu elle

ne peut etre posterieure au IIIe siecle8. i ne serait pourtant pas

Mystery of the Gospel of Mark », The Second Century 4, 1984,p. 65-82 :

Mc canonique pourrait etre tine version, purifiee et abregee en deux

etapes,de Mc utilise par les Carpocratiens (p. 76) ; J. D. CROSSAN,our

others Gospels: Shadowson the Contours of Canon,Minneapolis 1985

Mc canonique resulte d une censure de 1 «evangile secret », contre les

Carpocratiens, qui a disperse des mem,bres des deux recits rapportes

par la lettre en plusieurs endroits de 1 Evangile (Mc 10, 17-22; 14,51-

52; 16, 1-8).

5. Yolo 4, 1992, p. 558sq. M. W. Meyer resume son etude partie dans

Semeia49,1990, p.129-153.

6. A Marginal Jew. Rethinking the Historical Jesus,Yolo : The Roots of

the Problem and the Person (The Anchor Bible Reference Library),

New York -Londres 1992, p. 120-123. Dans tine etude importante,

toute recente, J.-D. Kaestli donne de nouvelles raisons de penser qu on

est en presence d une «amplification du texte canonique >~ J.-D.

KAESlLl, «L Evangile secret de Marc. One version longue de 1 Evangile

de Marc reservee aux chretiens avancesdans 1 Eglise d Alexandrie ? »,

dans Le mystere apocryphe. Introduction a une litterature meconnue,

sous la direction de J.-D. Kaestli et D. Marguerat, Geneve, Labor et

Fides, 1995,p. 85-106 97-100).

7. «La fuite du jeune homme en Mc 14, 51-52 », Ephemerides

Theologicae Lovanienses 55, 1979, p. 43-66 (etude reprise dans F.

NEIRYNCK, vangelica. Collected Essays,Louvain 1982,p. 215-238). F.

Neirynck recuse Ie temoignage de 1 « evangile secret» «<mixture»

d elements empruntes aux evangiles canoniques) en faveur de 1 inter-

pretation symbolique (baptismale et christologique) de Mc 14,51-52 qui

s est developpee depuis les suggestionsde J. Knox en 1951 (p. 51-52 =

223-224),en relation avec Mc 15,46.11 est surprenant qu il defende 1 in-

terpretation traditionnelle en proposant de supprimer E1Tl yul1vou en

Mc 14, 51, pour pouvoir comprendre yul1vQs-en Mc 14, 52 au sens de

«avec sa tunique seulement» (sans son manteau) (p. 63sq.).

8. Le recours a l autorite de Clement pour mettre en circulation un

evangile apocryphe de Marc (ou pour ressusciter un texte ancien)

n est guere vraisemblable a partir du IY. siecle (Ch.-B. Amphoux ne

dit pas ce qui Ie fait dater la lettre du IY. siecle : La Parole qui devint

Evangile, Paris 1993,p. 124). Par ailleurs, meme si l on petit souhaiter

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LA l.ETTRE SUR L'« EV ANGILE SECRET,. DE MARC

33

indifferent de parvenir a une conclusion sure a ce sujet. Si la

paternite clementine etait prouvee, l'antiquite d'un tel temoi-

gnage donnerait de la force a la tradition associantMarc a l'Egli-

se d' Alexandrie, tout en jetant de vives lumieres sur leg christia-

nismes alexandrins avant Clement et a son epoqut -. Les

patrologues dont Morton Smith avait sollicite leg avis etaient

loin d'etre unanimes, et il pouvait resumer ainsi la situati<;>n ix

aDSapres la parution de son ouvrage : «...most scholars would

attribute the letter to Clement, though a substantial minority are

still in doubt »9. Un an plus tard, Eric Osborn, l'un des meilleurs

connaisseursde l'reuvre et de la pensee de Clement, considerait

que la lettre etait une supercherielo. l y relevait notamment des

idees contraires a celles qui guident Clement dans ses critiques

de la gnose heterodoxe.

La critique d'authenticite est rendue difficile par la qualite lit-

teraire de l'ecrit et par sa fonction. Si c'est un pastiche, a reussi-

te est confondante. La fermete de la composition ne peut etre

invoquee contre l'authenticite. Dire et repeter que Clement est

confus et desordonne, c'est ignorer la subtilite de l'ecrivain et de

sesdesseins c'est negliger aussi ous leg exposes,meme dans eg

Stromates,dont l'agencement est impide. Quant a la fonction de

la lettre, elle est d'interdire au destinataire de divulguer l'exis-

tence de 1'« evangile secret». Aussi affaiblit-elle leg arguments

fondes sur leg differences avec leg renseignements fournis

qu'un examen paleographique du manuscrit puisse etre fait un jour, on

ne petit plus imaginer que M. Smith fit ete Ie faussaire, car 1'ecriture a

trop les traits d'une main du XVllle siecle, et la production d'un tel

faux en Orient au XVllle siecle n'est pas non plus plausible, comme 1'a

remarque notre collegue J. Paramelle lors d'un seminaire que nous

avons tenu a 1'EPHE/SR en avril 1991 avecA. van den Hoek et auquel

participaient aussi A. Desreumaux, P. Geoltrain, M. Tardieu (voir

Annuaire de l'EPHE/SR 99, 1990-1991, . 314sq. tine relation humo-

ristique de cette seance,extraite d'une lettre du Pere Paramelle, non

apocryphe, est parvenue usqu'a Julien Green, qui 1'a publiee, avec une

breve introduction peu conforme au sentiment meme du narrateur,

dans L'avenir n'est Ii personne. Journal 1990-1992,Paris 1993,p. 222).

9. « Clement of Alexandria and Secret Mark: The Score at the End of

the First Decade », Harvard Theological Review 75, 1982,p. 449-461.

10. « Clement of Alexandria: A Review of Research, 1958-1982», The

Second Century 3, 1983, p. 219-244(223-225). L'introduction du texte

grec de la lettre dans la deuxieme edition, revue par U. Treu, du tome

IV; 1 de ClemensAlexandrinus dans les GCS, en 1982,a beaucoup fait

pour conferer de l'autorite au document.

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34

A. LE BOULLUEC

ailleurs par Clement sur la redaction de Marc, a Rome exclusi-

vemenpl, ou meme sur Ie fait que les Hypotyposes opposaient a

Marc, comme «evangile spirituel », celui de Jean12.Certes, Ie

faux serment exige de Theodore, a l'appui de toute denegation,

a de quai surprendre; mais l'etonnement doit etre tempere si

l'on accepte de doDDer sa portee maximale a la formule du

Stromate VI (15, 124, 3) : « ls ne sont pas reellement menteurs,

ceux qui font des accommodements pour respecter Ie plan de

salut. » Le plqs troublant est que Clement ail pu prendre Ie

risque de repondre par ecrit aux questions posees par

«Theodore », si eleve que fill Ie degre d'avancement de ce

disciple, et de Ie faire aussi onguement. La lettre dispense un

enseignementdestine plutot a un cercle d'inities. Et meme si elle

etait privee, la personnalite de son auteur devait assurer la

conservation du document, au mains partielle, comme dans Ie

cas des fragments de lettres de Clement presents dans les Sacra

paral/eta, dont M. Smith a su faire habile usage. On vail cepen-

dant que meme ces arguments peuvent etre retournes.

Pour echapper a ce tourniquet, il faudrait trouver dans les

reuvres de Clement des allusions voilees a 1'«evangile secret».

Son art de pratiquer dans sesecrits Ie « cryptage » autoriserait de

telles allusions sansenfreindre la regIe de l'arcane. Le reperage

d'indices favorables reste cependant affecte d'un fort coefficient

d'incertitude, en raison meme de la prudence esoterique. Les

textes transmis sont trap eloignes de la relation vivante entre

maitre et disciples avertis qui devait en orienter la comprehen-

sion a l'origin,e, pour que taus les signes de reconnaissance

soient correctement interpretes. En outre, DOllSgnorons beau-

coup de traditions et d'ecrits que Clement et ses premiers lec-

leurs avaient en memoire, et qui eclaireraient sans doute mieux

que les references encore connues aujourd'hui les singularites de

tel ou tel de ses textes. Le breI parcours propose ici est donc

aleatoire.

lL D'apres des fragments des Hypotyposes et des Adumbrationes. PaulJ.

Achtmeier, d~ns son article sur Marc (The Anchor Bible Dictionary,

vol. 4, p. 543), signale Ie temoignage de Clement sur la redaction de

1'«evangile secret» a Alexandrie, sans preciser que la seule source est

la fameuse ettre.

12. Extrait du livre VI, cite par Eusebe, Histoire ecclesiastique I 14, 7,

fait deja souligne par E. Osborn, art. cit., p. 224. Notons que ce passage

est omis par M. Smith dans son tableau de la p. 21.

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35A'LETfRE SUR L' « BY ANGILE SECRET» DE MARC

L'ouvrage de Clement qui se prete Ie moins mal au test envi-

sage est en l'occurrence l'ecrit intitule Quel riche sera sauve ?13.

C'est en effet, comme on sait, un commentaire de la pericope

Mc 10, 17-31, de la plus longue citation neotestamentaire pre-

sente dans les reuvres de Clement, faite selon un texte de 'evan-

gile qui differe en de nombreux points du texte courant14.

L'interpretation pretend indiquer, au dela de la lettre, Ie messa-

ge spirituel, Ie «sens cache », «Ie secret de l'intention du

Sauveur»15.Le contenu du messagecorrespond a certains des

themes les plus importants de la «gnose» selon Clement, «l'im-

mortalite veritable », «l'incorruptibilite », l'evangile comme

« don de la vie eternelle »16. a connaissancedu « Dieu unique et

bon » est identifiee a la «vie »17.«Voici, ecrit Clement, Ie princi-

pe et Ie fondement immuables et inebranlables de la vie, la

science de Dieu qui est reellement et qui fait don des realites,

c'est-a-dire des choses eternelles »18. L'epithete aauAEuToS-,

«inebranlable », exprime une qualite inalienable du vrai gnos-

tique19. En outre Ie Quis dives salvetur ? est posterieur aUK

Stromates.Clement renvoie en effet, en QDS 26,8, a un expose

13. Le titre, absent du manuscrit principal, est transmis par Eusebe (HE

11123,5; VI 13,3; ct. Jerome, De vir. ill. 38; Photius, Cod. 111).

14. Voir M. MEES,Die Zitate aus dem Neuen Testament ei Clemensvon

Alexandrien, Bari 1970, , p. 59-62 II, p. 62-64. f"

15. QDS 5, 2. 4 (p. 163,18-19.31Stahlin). Tout Ie developpement 5,1-4

est une reflexion sur la profondeur spirituelle des paroles du Seigneur,

meme de relies qui sont tres simples en apparence, et sur Ie devoir d'al-

ler au dela du sens superficiel (cf. 12, 1). Sur Ie propos de Clement, voir

E. DAL COVOLO, «L'episodio del giovane ricco in Clemente e

Origene », dans Per foramen acus. Il cristianesimo antico di fronte alIa

pericope evangelicadel «giovane ricco », ed. par L. F. Pizzolato, Milan

1986,p. 88-94.

16. QDS 6, 1. 2 (p. 164,4.6). Le terme meme de yvwcrlS' st introduit en

QDS 7, 1.

17. QDS7, 1. 3 (p.l64, 17.21-23).

18. QDS7, 2.

19. C'est meme une auto-designation des gnostiques,comme l'a montre

M. A. WILLIAMS,The Immovable Race. A Gnostic Designation and the

Theme of Stability in Late Antiquity (Nag Hammadi Studies 29), Leyde

1985. Clement revendique aussi cette qualite pour son gnostique : voir

Strom. 1111,51,5-52,4. Passant«de la foi a la foi» (cf. Rm 1, 17), c'est-

a-dire, ici, du respect des commandements a l'evangile (cf. Strom. II 6,

29, 3), «alors qu'il est secoue (craAEuwv) erilleusement au mouillage

peu sur de la Loi, il gagne e havre du Sauveur» (QDS 8, 5). Le riche de

Mc 10, 17-20 est ainsi sur la voie de la connaissance.Mais il est encore

imparfait (QDS 9,1).

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36

LE BOULLUEC

« sur leg principes et sur la theologie » dont la redaction est seu-

lement annoncee au debut du Stromate VZo.L ouvrage est donc

compose a une epoque 011 e grand projet litteraire, devant cul-

miner avec « a physique reellement gnostique »21, st accompli.

Les lecteurs soul meme invites a se reporter, au besoin, aux

livres correspondants. Et Ie traite «sur Ie salut du fiche »,

comme nous Ie verrons, aborde des sujets relevant de l enseigne-

ment Ie plus profund. S il existe quelque part, dans leg reuvres

conservees de Clement, des traces d une interpretation de

1 «evangile secret », c est bien dans ce texte qu on a des chances

de leg retrouver. Les remarques qui suivent la citation de Mc 10,

17-31, sur Ie devoir de porter une attention plus grande encore

aux paroles de Jesus adresseessimplement, en apparence, aux

disciples, qu a celles dont l expression est enigmatique (QDS 5,

3-4), encouragent une telle recherche. On se met a penser que

«l explication veridique et confurme a la philosophie veritable»

promise par la lettre (mais derobee par la hate du copiste) doit

etre en harmonie, si Clement en est l auteur, avec son exegese

de Mc 10, 17-31. On est d autant plus enclin a Ie croire que leg

episodes nseres d apres la lettre par 1 «evangile secret» dans la

trame de Marc composent une sorte d « intrjgue secondaire », a

l interieur de l Evangile, avec l echec du fiche et avec d autres

figures de Marc. Cette notion d « intrigue secondaire» est ntro-

duite par Marvin W. Meyer22,pour completer un motif propose

par H. M. Schenke, qui voit dans Ie «jeune homme» une sorte

de symbole, ou un paradigme du disciple23. 11 suffit ici, sans

reprendre l interpretation de Meyer, d indiquer leg passagesmis

ainsi en relation avec Ie premier fragment de l <~ vangile

secret»: Mc 10, 17-22; Mc 9, 2; Mc 14, 51-52; Mc 15, 46; Mc

16, 1-8. Les apparitions successivesdu VEUVlUKOSuraient pour

function de mettre en demeure de choisir la vie difficile du dis-

ciple. L « intrigue secondaire» trace un itineraire spirituel, qui

passe par une initiation, et qui implique Ie port d un habit rituel,

On doit admettre, avec P. NAUTIN, «La fin des Stromates et leg

Hypotyposes de Clement d Alexandrie », Vigiliae Christianae 30, 1976,

p. 292-293),a la suite de Th. Zahn, que ce passage envoie a des pages

deja ecrites : «Le chameau , qui passeavant Ie riche par la voie etroi-

te et malaisee (cf. Mt 19, 24; 7, 4), peut avoir une signification plus

haute. C est un symbole mysterieux du Sauveur,comme on peut l ap-

prendre dans l exegese sur leg principes et sur la theologie» (QDS 26,

8).

21. Voir Strom. IV 1, 3,1, et P. NAUTIN,art. cit., p. 287-289et 298.22.11

parle de «subplot », art. cit. (voir ci-dessus, otes 2 et 5), p. 78.23.

Art. cit. (voir ci-dessusn. 4), p. 77-79.

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LA LETTRE SUR L'« BVANGILE SECRET DE MARC

37

linceul et vetement baptismal «<evangile secret» et Mc 14, 51),

remplace par la «robe blanche» de l'elu (Mc 16, 5). II n'est pas

necessaire d'accepter les conclusions de Schenke et de ses

emules sur les rapports entre Marc et 1'«evangile secret », ni la

legitimite de l'interpretation symbolique appliquee a Marc, pour

admettre que Clement ait pu, s'il a connu les textes cites par la

lettre, mettre en relation Mc 10, 17-31 et Ie fecit de la res:urrec-

tion du jeune homme fiche et de l'enseignement re~u de Jesus.

Certes, Clement ayant choisi de commenter Ie texte de Marc,

il ne designe pas comme un «jeune homme» celui qui vient

interroger Jesus sur Ie moyen de «recevoir la vie eternelle en

partage» (Mc 10, 17). Seul Matthieu (19, 20.22) Ie qualifie de

vEuviaKoS'. ais lorsque Clement explique les mots EK VE6TT]TOS'

(Mc 17,20), il caracterise manifestement son personnagecomme

un jeune homme (QDS 8, 3-5). Notons aussi que l'ouvrage

s'acheve sur l'histoire du «jeune homme» confie par l'apotre

Jean a 1'« episcope» d'une ville voisine d'Ephese, baptise, puis

devenu brigand, pour recevoir enfin, grace a la vigilance de

l'apotre, un secondbapteme, celui des armes de la repentance24.

Ajoutons que l'apotre Jean, Ie «disciple que Jesus aimait» (In

13,23; cf. 19, 26 ; 20, 2 ; 21, 7.20), comme Ie «jeune homme» de

1'« evangile secret» selon 1'« ntrigue secondaire », fait figure, a

la fin du traite, de double de Jesus, en portant a son comble, et

au successalutaire, la sollicitude de l'amour. L'aventure du jeune

homme, telle qu'elle se dessine selon la visee symbolique de

1'«evangile secret» et de Marc, epouse cell¥e Jesus25.

II ne s'agit la que de traits exterieurs26.Si l'on veut progresser,

il faut entrer dans 'exegesespirituelle de Clement. L'explication

de Mc 10, 17-31 se deploie comme tine reflexion sur Ie repentir,

la conversion, la purification. La parole «Vends ce que tu pos-

sedes» (Mc 10, 21) ordonne de quitter les desirs qui s'attachent

aux richesses,«les epines de l'existence qui etouffent la semence

24. QDS 42,14-15. Voir sur cette histoire, recopiee par Eusebe comme

«tres necessairea ceux qui aiment entendre des chosesbelles et profi-

tables» (HE 11123,5-19), 'etude de E. JUNOD,« a virginite de l'apotre

Jean: recherche sur les origines scripturaires et patristiques de cette

tradition », dans Lectures anciennes de la Bible (Cahiers de Biblia

patristica 1), Strasbourg 1987,p.113-135.25.

Voir H. M. SCHENKE,rt. cit., p. 78.

26. Serait-il trop force de rapprocher l'entretien nocturne rapporte par

1'«evangile secret » et, au niveau plus elementaire qui est celui de l'en-

seignement obvie du QDS, ces propos sur «l'homme de Dieu» qu'il

faut choisir comme entraineur et comme guide: «Qu'il passe a veiller

de nombreuses nuits, comme ton ambassadeuraupres de Dieu, pour

emouvoir Ie PeTepar la magie de sessupplications constantes» (41, 5) ?

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38

A. LE BOULLUEC

de la vie» (Qf)S 11, 1-2), et, plus generalement, es «passions»

de l ame (QDS 12, 1 ; 15, 1 ; 16,2; 25, 3-6) ; «Ie saint appartient

aux ames mpassibles et pures» (QDS 20, 6) ; Ie commerce mer-

veilleux du vrai disciple est d acheter l incorruptibilite avec ses

richesses, par ses dons genereux, et de recevoir une demeure

eternelle dans les cieux (QDS 32, 1) ; Ie pecheur qui se repent

pent esperer de Dieu la remission de ses autes (QDS 38, 4-40,

6) ; en ramenant au saint le brigand, l apotre Jean donne «un

grand exemple de penitence veritable, un grand signe de renais-

sance, un trophee de resurrection visible » (QDS 42, 15) ; «celui

qui ici-bas accueille l ange de la penitence» est conduit par Ie

Sauveur lui-meme «vers Ie sein du Pere, vers la vie eternelle,

vers Ie royaume des cieux » (QDS 42, 18.16).

Ainsi Ie commentaire de Mc 10, 17-31 est-il organise principa-

lement par Ie mouvement de conversion qui passepar l abandon

des passions ou par Ie repentir des fautes. Un tel enseignement

n a rien de secret. 11peut etre dispense en public. Meme a ce

niveau elementaire cependant, on pent reperer des images,

absentesde Mc 10, 17-31, qui ne sont pas sans rapport avec un

detail important de l episode nocturne de 1 « evangile secret» :

« Le soir venn, Ie jeune homme vient aupres de lui, Ie corps vetu

seulement d un drap de lin » ; ou plus litteralement : «enveloppe

d un drap de lin sur (son corps) nu (ETTlYlJI-1VOU). Or la meta-

phore de la nudite sert dans Ie commentaire a suggerer e sens

de l enseignement nouveau du Sauveur, qui «ne recommande

pas la chose visible, que d autres ont taite, mais une autre plus

grande, plus divine et plus parfaite, c est-a-dire de denuder

(YlJI-1VWcrQl)ame elle-meme et son intention des passionssour-

noises...» (QDS 12, 1). Et plus loin: de celie richesse en pas-

sions, «il taut presenter son ame purifiee, c est-a-dire indigente

et nue (YlJl-1v1 ]v),our ecouter alors seulement e Sauveur dire:

 Viens, suis-moi (Mc 10,21»> (QDS 16, 1). L ame ainsi «denu-

dee» est ame gnostique, d apres Strom. VII, 67,427.Quant au

motif du vetement, il est present aussi, mais dans un registre

oppose a la valeur symbolique de la ulv8wv portee par Ie «jeune

homme» de 1 « evangile secret» : il est assimile soit a «l enve-

loppe terrestre» que constituent les richesses,et qui n exclut ni

du combat ascetique (QDS 3, 5), ni du saint (QDS 26, 2), soit a

l apparence exterieure charnelle : «C est une forme jetee sur

nons de l exterieur comme vetement, a cause de notre entree

dans Ie monde, pour que nons soyons capablesde prendre place

27. Ct. Strom. IV 25,160,1-2 (exemple de Job); Strom. Villi, 61, 2

(exemple de Joseph).

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LA LETfRE SUR L « EV ANGILE SECRET» DE MARC

39

dans cette ecole universelle; mais cache a l interieur habite Ie

Pere, ainsi que son Fils (cf. In 14,23) qui est mort avec nous et

qui est ressusciteavec nous. Celie forme visible trompe la mort

et Ie diable ; car la richesse et la beaute interieures echappent a

leurs regards; ils font rage autour de ce morceau de chaIr, dont

ils meprisent la faiblesse, et restent aveugles aux possessions

interieures, sans savoir que Ie est la grandeur du tresQr que

nous portons dans un vase d argile (cf. 2 Co 4, 7), entoure

comme d un rempart par la puissance de Dieu Ie Pere, par Ie

sangde Dieu Ie Fils, et par la rosee de l Esprit Saint » (QDS 33,

6 -34, 1). Expose dense et elliptique, de contenu gnostique assu-

rement, mais etranger au sens du vetement rituel. Cette orienta-

tion du theme n est pas cependant incompatible avec une

connaissancede 1 « evangile secret». Rien dans Ie contexte du

traite n appelle Ie motif du vetement, mais l enseignement sur la

purification aurait pu inspirer ces reflexions sur la forme vile,

d argile charnelle, par contraste avec Ie «drap de lin» de l initia-

tion, qui evoquerait plutot la «tunique d incorruptibilite» dont

parle Ie Pedagogue I 9, 84, 3), celIe qui equivaut a la protection

«entourant comme d un rempart» Ie «tresor» interieur men-

tionne ici28.

Le discours sur l affranchissement des passions, puis sur Ie

repentir, est accompagne d un enseignement plus profond, qui

vise la situation des parfaits, et qui serait accorde au message

de 1 « evangile secret ». Comment ant la question inquiete des

disciples: «Mais qui peut etre sauve?» (,Mc 10, 26), Clement

explique qu ils etaient conscients de n avoir pas encore aban-

donne completement les passions -« car ils etaient depuis peu

des disciples et des hommes enroles ( ;V8pOAOYTjfJ.EVOl)out

recemment par Ie Sauveur» (QDS 20, 4-5). Ils doivent donc

etre conduits jusqu a l impassibilite et la stabilite de l homme

adulte, selon Ie sens donne par Clement a la formule de Eph 4,

1329.La metaphore militaire de l enrolement prend une autre

valeur quand elle est referee a la croissance spirituelle. Dans ce

contexte, Ie second fragment de 1 « evangile secret» aurait saplace:

Ie refus de Jesus d « accueillir» les femmes pourrait

alors signifier Ie rejet definitif des passions. Si Clement, en

28. C est Ie verbe TrEpl ElXlCElV ui est employe en QDS 34, 1 (p. 182,

22). La mention de «la rosee de l Esprit Saint» correspond it celIe de

l onction en Ped. I 9, 84, 3, avant a reflexion sur a mort du bon Pasteur

(85, 1-2).

29. Voir Ped. I 5, 18, 4; Strom. V 8, 48, 9; VI 12, 97, 1; 14, 107,3; 15,

114,4;VII2, 10,1 ;3, 18,2;7,46,7; 11,67,2-3. 8;68, 1; 14,84,2.

30. Ped. 14; ct. Strom. IV 8, 59. 1 : 60. 1 : 62. 4.

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40

A.LEBOULLUEC

effet, considere que « e Logos est egalement Ie pedagogue des

hommes et des femmes »3°, l fait du feminin Ie symbole du

desir31 et se risque it representer la perfection pour la femme

comme Ie fait de devenir male32.Les «hommes enroles », s ils

suivent Ie Sauveur en rejetant «les maladies de l ame », sont

appeles it «etre inscrits dans les cieux »33. attitude de Jesus t

l egard des femmes dans 1 « evangile secret» pourrait figurer Ie

choix definitif du disciple, qui se rend semblable it lui34. Ces

femmes representent aussi les proches, qui risquent de faire

obstacle au progres spirituel veTS«la vie d en-haut »35.

Le symbolisme du feminin est cependant oin d etre univoque

pour Clement. II s eleve jusqu it la representation de la divinite,

grace it la fecondite de l amour : «Considere les mysteres de

l amour, et alors tu contempleras Ie sein du PeTe,que seulle Fils

unique a fait connaitre (cf. In 1, 18). Dieu en lui-meme est

amour, et il s est rendu visible pour nous par amour. Si ce qui de

lui est ndicible est PeTe,ce qui a de la sympathie pour nous s est

fait Mere. En aimant, Ie PeTeest devenu feminin, et une grande

preuve en est celui qu il a engendre, ui, de lui-meme ; et Ie fruit

qui a ete enfante de l amour est amour36.» Cet enseignement,

qui introduit une meditation sur l Incarnation, est de niveau

gnostique. II penetre beaucoup plus avant dans les «mysteres»

que l explication prudente de l epithete orphique ~llTpO1TaTwp

donnee en Strom. V 14, 126,237. I intervient veTSa fin de la par-

tie du traite qui assimile amour et perfection, et qui serait bien

accordee it la situation mise en scene par 1 « evangile secret».

Cette partie commence avec Ie discours prete par Clement au

Sauveur, qui rappelle Ie don de la resurrection, du pain et du

breuvage d immortalite (QDS 23, 2-4) ; elle continue par l ex-

31. Strom. 11113,93, 1. 3.

32. Strom. VI 12, 100, 3 ; cf. 13, 93, 2-3. Clement semble hesiter, dans

son interpretation allegorique de Gal 3, 28, entre la suppressionde la

distinction sexuelle et la metamorphose de la femme en homme (a la

maniere des gnostiques : voir Extraits de Theodote 21, 3). Voir Kari

VOGT,« Devenir male ; aspectd une anthropologie chretienne primiti-

ve », Concilium 202, 1985, p. 94-107; P. BROWN,Le renoncementa la

chair (traduit par P.-E. Dauzat et Ch. Jacob), Paris 1995, p. 150-154

(selon es Valentiniens).

33. QDS 21,6, a propos de Mc 10,28.

34. Voir QDS 21,7.

35. Voir l explication de Mc 10,29 en QDS 22 (surtout 22, 7).

36. QDS 37,1-2.

37. Voir SC n° 278, p. 350sq. La reflexion sur la feminite de Dieu est

cependant plus simple que dans es Odes de Salomon (voir surtout Ode

19, et Ie commentaire de M.-J. Pierre, Turnhout 1994,ad loc.).

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41

A LETTRE SUR L « BY ANGILE SECRET» DE MARC

hortation a choisir Ie Sauveur, «Ie maitre de la vie infinie» (25,

7), a respecter Ie commandement supreme de l amou~, de Dieu

(27, 3-5) et du prochain (28) ; or Ie prochain par excellence est Ie

Sauveur, qui soigne et guerit ceux qui etaient SOliSempire de la

mort; il taut l aimer aut ant que Dieu (29, 5) ; aimer aussi es

freres du Christ (30-35). Mais « l en est qui sont plus elus que les

elus» (36, 1) ; ils sont «la semence», et ont re~u du PeTe, omme

Ie Fils, line mission dans Ie monde (36, 2). C est ici que Clement

invite son lecteur a considerer «les mysteres de l amour» (37),

avant de Ie guider sur la voie sans egale du salut, indiquee par

Paul en 1 Co 13 (QDS 38). II faudrait suivre de pres l enchaine-

ment des formules composant e messageprofond d un discours

qui persiste en meme temps a developper, a l intention des sim-

ples croyants, Ie sens de la pericope Mc 10, 17-3138. e sont les

propos sur l amour et sur les liens entre les disciples de choix et

Ie Christ, propos inseres dans Ie commentaire de la pericope et

orientes au dela d elle, qui seraient en harmonie avec« l explica-

tion veridique et conforme a la philosophie veritable» de

1 « evangile secret».

Les rapprochements presentes ci ne sont pas des preuves. is

sont incapables de garantir l authenticite de la lettre. lis preten-

dent indiquer seulement que Ie discours « sur Ie salut du fiche »,

loin de s opposer a cette authenticite, comporte line thematique

compatible avec line interpretation symbolique de 1 « evangile

secret» (et de Marc). Une objection forte viendrait cependant

de la nature meme de la question posee en Mc 10, 17 : que faire

«pour recevoir la vie eternelle en partage ? ». On pourrait dire

que la recherche d une reponse devait entrainer Clement a asso-

cier a line explication simple de la pericope un enseignement

mystique. Le mouvement du tourniquet, assurement, n est pas

encore arrete.

38. Voir en particulierQDS26,1-2 27, 1; 31,6;33, 1.

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Annewies VAN DEN HOEK

Harvard University

DIVERGENT GOSPEL TRADITIONS IN

CLEMENT OF ALEXANDRIA AND OTHER

AUTHORlSOFTHESECONDCENTURY

Les lEuvres de Clement contiennent plusieurs logia et d autres mate-

riaux evangeliques harmonises qui ant lite qualifies comme traditions

«extra-canoniques ». Ces textes se rapprochent d autres qu on trouve

chez Justin Martyr. Cettecontribution examine taus les textesdisponibles

et essaiede redefinir les ressemblances t les differences.Les procedesde

transformation reperespeuvent s expliquerpar une longue pratique d en-

seignement catechetiqueet / ou par des traditions homiletiques et litur-

giques.

Clements works contain a varietyof Gospel sayings,often in harmo-

nized form, and other Gospel harmonies that have been identified by

others as «extracanonical» traditions. These exts show similarities with

variant materials in the work of Justin Martyr. The presentpaper ana-

lyzes all available material and attempts to redefine the similarities and

differences. Thesepatterns could be explained in various ways, but it is

most likely that theywere basedon long time catechetical choolpractises

and / or connected 0 homiletical and liturgical traditions.

Introduction.

The surviving works of the Greek author Titus Flavius

Clemens, who spent he later part of the second century and the

early years of the third in Alexandria, encompass, as is well

known, a vast range of borrowings from earlier writers. Some of

his material from Christian sources are decidedly odd or puz-

zling from the point of view of the developing criteria of the

church in later times. In this article the focus will be on bits and

scraps of variant gospel traditions. There have already been

Apocrypha 7, 1996,p. 43-62

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44

A. V AN DEN HOEK

impressive works of compilation in this area, but relatively little

has been done to assesshe material, particularly in the light of

research n allied fields.

Clement's biblical quotations have been assembledand com-

mented on by various scholars over the past century. In 1899,

Percy Mordaunt Barnard published The Biblical Textof Clement

of Alexandria, a work that lists quotations in Clement from the

four gospels and the book of Acts and that is still a very useful

reference work? In the seventies Michael Mees brought out a

study on the same subject with the title Die Zitate aus dem

Neuen Testamentbei Clemens von Alexandrien.3 Compared to

the booklet of Barnard, he adds more materials including a criti-

cal apparatus to every NT text Clement uses with parallels to

manuscript traditions whether greek, latin, coptic, ethiopian,

arabic, syriac, armenian, and to other patristic evidence. He also

tries to give an assessmentof Clement's biblical text in the

broader context of the manuscript traditions.

Various gospel traditions in early Christian authors, and thus

those of Clement can, of course, be found in the small print of

the critical editions of the New Testament and are usually re-

1. We are greatly indebted to a number of studies: Helmut KOSTER,

Synoptische Oberlieferung bei den Apostolischen Viitern, Berlin, 1957;

IDEM, Septuaginta und Synoptischer Erziihlungsstoff im Schriftbeweis

Justins des Miirtyrers (Habilitationsschrift Theologische Fakultat

Heidelberg), 1956; Helmut KOESTER, The Text of the Synoptic

Gospels in the Second Century", in Gospel Traditions in the Second

Century, William L. PETERSONed.), Notre Dame, 1989; IDEM,Ancient

Christian Gospels,London -Philadelphia, 1990 [=KOESTER,Gospels]

Arthur J. BELLINZONI,The Sayings of Jesus n the Writings of Justin

Martyr, Leiden, 1967 [=BELLINZONI,Sayings] IDEM, The Gospel of

Matthew in the Second Century", The Second Century9 (1992),p. 197-

258. From a different perspective he Belgian scholarEdouard Massaux

published in 1950 a massive study dealing with the influence of the

Gospel of Matthew on writings in the time before Irenaeus. Massaux

almost indiscriminately favors the literary dependence of the individual

authors on the Gospel of Matthew; cf. Edouard MASSAUX,nfluence de

l' Evangile de saint Matthieu sur la litterature chretienne avant saint

Irenee, Louvain, 1950 [=MASSAUX,nfluence]. A similar viewpoint, but

including Jewish-Christian, gnostic and apocryphal sources,appears in

Wolf-Dietrich KOHLER,Die Rezeption des Matthiiusevangeliums n der

Zeit vor Ireniius, Tiibingen, 1987 =KOHLER,Rezeption].

2. P. Mordaunt BARNARD,The Biblical Text of Clement of Alexandria

(Texts and Studies V 5), Cambridge, 1899.

3. Michael MEES,Die Zitate aus dem Neuen Testament ei Clemensvon

Alexandrien, Rom, 1970 [=MEES, Zitate] ; IDEM, AuJ3erkanonische

Parallelstellen zu den Herrenworten und ihre Bedeutung, Bari, 1975

[=MEES,Parallelstellen].

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IVERIPENT GOSPEL TRADIll0NS IN CLEMENT

ferred to as vari~nt readings if they are mentioned at all. Since

some variants never made it to our Nestle-Aland edition, how-

ever, studies like those of Barnard and Mees are necessaryand

complementary tools. Equally important for finding variants are

the various volumes of Biblia Patristica.4

Although a latecomer n the history of the usageof the gospels,

Clement s still a great esource or traditions that were current in

the earlier days of the secondcentury.5His appreciation of these

traditions was not -in contrast o Irenaeus narrowed down to the

four gospelsas a matter of principle, for which a theological ratio-

nale was provided. Clement acknowledges he special position of

the four6, but he makes ample use of other gospels,sayings,and

whatever material he can find to illuminate his quest for the truth.

If this search equired that a gospel ext had to be combined with a

phrase of Plato, then those were the tools to use. If his opponents

referred to a source such as the Gospel of the Egyptians to

reinforce their positions, Clement would not question the logia

they quoted, but only their interpretation; he thought them

guilty of misuse of valid material rather than tainted by contact

with dubious exts

It is informative to see how not only Clement but also Origen

and other authors far into the fourth or fifth centuries preserve

readings that are reminiscent of but not quite identical with the

more establishedgospel edactions, all the more so since many of

their readingsare absent rom the major biblical manuscriptsof the

fourth and fifth centuries. Of course, he main difference between

Oement and someone ike Justin, or earlier authors of the second

century is that Oement clearly knew and used Gospels, whether

synoptic, Johanine or otherwise, as well as the letters of Paul.

Nevertheless, he text of his borrowings show interestingvariants,

which may be employed consistently throughout his works; at

other times two, three or more versionsof one text appearside by

side with no apparentpreferencesshownby the author.

4. Biblia Patristica, Index des citations et allusions bibliques dans la lit-

terature patristique (Centre d'analyse et de documentation patristiques,

CNRS), Paris, 1975ss.

5. See Annewies VAN DEN HOEK, «Clement and Origen as Sources on

'Noncanonical' Scriptural Traditions During the Late Second and Early

Third Centuries »,in Origeniana Sexta. Origene et la Bible -Origen and

the Bible. Actes d~ Colloquium Origenianum Sextum, Chantilly, 30 aout

-3 septembre 1993, Gilles DORIVAL and Alain LE BOULLUEC (eds.)

(Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 118),

Leuven, 1995, p. 93-113.

6. Str. III 93, 1.

7. See VAN DEN H~EK. art. cit.. 0.104.

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46

VAN DEN HOEK

One of the problems with such multiple readings within one

author is that in the course of time during the processof copying

changes could have been made. Industrious, clever or not so

clever Byzantine scribes could have corrected familiar biblical

phrases, revising them to their standard version. It is all the

more precious and remarkable to see that somehow hese vari-

ants did survive. If Clement were the only author in whom such

variants survived, it would be very hard to determine what their

significance was. In fact, in the material under investigation,

there are caseswhere Clement seems o be unique, and it thus

becomes difficult to define whether these variants represent ust

Clement himself or traditions shared by others.8

When Clement is not the sole producer of such variants, that

is, when others have similar formulations, we are on more solid

ground and can start speculating about the existenceof common

traditions. It could, of course, still be a coincidence when two

authors have the identical or very similar variations on a biblical

text. The more witnesses here are, however, the less likely it is

that the convergence came about by accident. Michael Mees9

8. Examples of unique variants are:

Mt. 11, 18-19ILk. 7,33-35. «The Son of man came eating and drink-

ing »Clement, Paed. 1132,4; Str. III 52, 4. In St7: II 52, 4 an interest-

ing variant occurs; instead of the Son of man who is perceived as «a

friend of tax collectors and sinners », Clement renders: «the son of

man »... «a friend of tax collectors and a sinner ». This variation is not

found elsewhere. Cf. MEES, Zitate, I, p. 195 ; II, p. 29.

Mt. 7,71 Lk. 9, 11. A widely spread wisdom-saying or sentence of paren-

esis : «ask and it will be given »(not in Justin, but in various gnostic

sources, Irenaeus, and Tertullian). Clement, Str. VI 78, 1 ; 101, 4; VII

73,1; [Paed. 191,3; III 40, 2; Str. 151,4; 11116, 2; III 57,5; IV 5, 3; V

11,1; 16, 6; VIII 1,2]. It is quoted a dozen times completely or partial-

ly by Clement. Three of the quotations show the variant: alT1]aal Kat

TTOlTJaalEVVOTJ81lTl at {jaw (Str. VI 78, 1 ; 101, 4 ; VII 73, 1 reversed

order). Possible influence of In. 14, 13 ? No other parallels for this

reading are known. Cf. Alfred RESCH, Agrapha, auf3ercanonische

Schriftfragmente (TV 30, 3-4), Leipzig 1906, p. 303, logion 14; Jean

RuWET, «Les 'Agrapha' dans les reuvres de Clement d'Alexandrie»,

Biblica 30 (1949), p. 133-160, p. 139; MEES, Zitate, I, p. 195, II, p. 18-19.

Mt. 8, 221 Lk. 9, 60. A saying about the dead burying the dead that Mt.

and Lk. present in different forms. Str. III 25, 3 ; [Paed. III 81, 1 ; St7: IV

155, 5 ; QD 23, 2]. One of the four occurrences in Clement mentions

Philip as the person spoken to. It is clear that Clement follows the order

of Mt. , but neither Mt. nor any other text mentions Philip in this con-

text. In Mt. 8, 21, however, one of the disciples is cited as a speaker.

Could Philip be Clement's interpretation of this? MEES, Zitate, I, p. 195

(extracanonical source), II, p. 22.

9. MEES, Zitate, I, p. 188-203.

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IVE~GENT GOSPEL TRADffiONS IN CLEMENT

assembled over thirty occurrences of variant gospel texts in

Clement that he listed under the heading «AuBerkanonische

Zitate ». This title is not too fortunate, since words like «extra-

canonical» or «apocryphal» reflect a later historical perspec-

tive. They are essentially anachronistic and therefore unhelpful

in dealing with the problems at hand: namely, the variegated

and often confusing text traditions of the first and second cen-

turies. Our attention will not be on all the passages hat Mees

selected, an impli>ssibleask in this time frame, but on those pas-

sages hat show ~ relationship with traditions in Rome a genera-

tion before Clement, as reflected in the writings of Justin

Martyr.

Discussion f the material.

1. Mt. 5, 16. A saying, «Let your light shine so before men, that

they may see your good works... », found only in Matthew. Justin,

Apol. I 16,2. Clement, Str. III 36, 4; IV 171, 2-3; [Exc. 3, 1 *; 41,

3*]. Origen, IoCom. II 1, 5 ; Mart. 18. Tertullian, Cult. II 13,1 ; Idol.

15, 1. Epistula Titi PL Suppl. II 1532, De Bruyne). Eusebius,

PsCom. XXVIII PG 23, 253).

All witnesses have the saying in a compressed form: «Let your

good works shine before men).» In Justin the context involves

humility and being free from anger. Clement and Tertullian offer

the most aphoristic versions. In Clement the saying is ascribed to

the Lord only in Exc. 3,1*; 41, 3* does Clement render the full

text of Mt., but those are the words of Theodotus). The context of

Str. III 36,.4 offers more sayings from the Sermon on the Mount and

a saying on pederasty; the following passage has O. T. precepts.

Since a wide variety of authors have the compressed rendering of

the saying, an inqependent tradition, presumably based on the text

of Mt. can be inferred.

See BELLINZONI,Sayings,p. 94; MEEs, Zitate, I, p. 190; II, p. 6/7 ;

MAssAux, Influence, p. 482-484 ; KOHLER, Rezeption, p. 180-181

 his suggestion that Justin is the author of this tradition is unten-

able ).

2. Mt. 5,28. A saying on lust, «whoever ooks at a woman ustful-

ly... », found only in Matthew Mt. 5, 27-28). Justin, Apol. I 15, 1.

Clement,Paed.11133,2; Sir. 1161,3; III 8, 4; 94,3 ; IV 114,2; VII

82,3; [passim].Qrigen,Princ. 1111,6; Cels.11144; oCom. XX 23

EzCat. PC 13,7,85).Cyril of Jerusalem,Catech.XIII 5. Apostolic

Constitutions 1. For a full listing, see MEES,Parallelstellen, . 97-

109).

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A. VAN DEN HOEK

Justin, who starts his section on chastity with this saying, uses the

compound instead of the simple verb [3AElTElVnd inserts a condi-

tional clause: ()so iv Ejl[3>-E /JI:1ersus lTaS- () [3AElTWVn Mt. (see for

the former also: syr. cur, sin, Diat., e/ a, ne, pers., Ps-Clementine

Recognitiones, lat., Origen partim). The cases have been revised;

accusative (YVValKU)changes to dative (YVVULKl) because of the

compound; traces of this also turn up in Clement, Origen, and

Cyril, but Clement and Origen have both versions) and accusative

(UUTllv) s replaced by genitive (uuTfjs-) (the latter may represent

better Greek; again both versions appear in Origen). Origen's

changes are quite comparable to Justin's, but some of them also

appear in Clement. They are versions of the Matthean saying, with

alterations and, at times, improvements of the Greek. Clement

abbreviates severely, almost aphoristically, and treats it as Scripture

(not as a saying of the Lord), connecting it with voluntary and invol-

untary acts; in Str. III 8, 4, he gives it as an example of the Gospel in

connection with the Law (the link with Exodus exists already in Mt.

itself). There is no reason to believe that Clement, Origen, or the

others used Justin. Therefore, these variations reflect an indepen-

dent tradition closely linked to Mt.

See BELLINZONI,Sayings, p. 57ft; MEES, Zitate, II, p. 8/9 (but in

St : IV 114, 2, () [3AEljJUS-s the text of L, () Ejl[3>-EljJUS-s a conjecture

of Sylburg ); MEES, Parallelstellen, p. 97-109; KOESTER,Gospels,

p. 362 (catechetical collection derived from Mt.).

3. Mt. 5, 29-30/Mt. 18, 8-9/ Mk. 9, 43-48. A saying about the

offending eye: «if your right eye gives you offence...» Justin,Apol.

I 15,2. Clement,Paed. II 70,1 ; QD 24, 2 ; in Ps-CaesariusPG 38,

1168,21-24).Theodoret, HistEccl. II 31,12-13.Cf. GTh. 22, I 2, 37,

31-35.

For the context in Justin, seeprevious entry. Justin offers a har-

monizationof the texts of Matthew and Mark. Clement,who identi-

fies the words as a saying,uses t in the context of restraint from

desire. He harmonizes n a way that is similar but not identical to

Justin. QD showsa sequentialcitation from and commentaryon the

Gospelof Mark (Mk. 10,17-31,beginning n QD 4 and continuing

through QD 26). Throughout hese passages, lementaddsharmo-

nizations of Mt. and Lk. from the Sermon on the Mount and

Sermonon the Plain (QD 17-19;22; 24; 26; 33; 36).

See MASSAux, nfluence,p. 467-468; BELLINZONI,ayings, . 87-

88; 96-97 Justin or his sourceharmonizedMt. 5,29 and Mk. 9,47,

and perhapsMt. 18, 9) ; MEES,Zitate, I, p. 191 II, p. 9; KOHLER,

Rezeption, . 180-181 Massauxand Kohler defend Justin'sdepen-

dence on Mt., although Kohler does not exclude he possibility of

anothersource).

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IVE~GENT GOSPEL TRADITIONS IN CLEMENT

4. Mt. 5, 34-37Ias. 5, 12. A saying about swearing: «Let the yes

that you saybe yes...» Justin,Apol. I 16,5. Clement,Sf . V 99,1 ;

VII 50, 5 [Paed.11103,2]. Eusebius,DemEv.1113,103 PsCom.14,

4 (PG 23, 152). Ps-Clementine, Hom. 3, 55; 19, 2. Cyril of

Alexandria, Ador: VI. Gregory of Nyssa,CantHom.13. Epiphanius,

AdvHaer: XIX 6, 21.

Justin has elements rom Mt. and as. combined. Bellinzoni con-

cludes that a paranetic saying about swearing existed that was

based on Mt. 5, 34-37and was harmonized either with las. 5, 12 or

with a parenetic teaching ying behind it. Koester notes that lames

preserved an earlier form of the saying than Mt. Clement, whose

context s about ying and swearing,offers only the shorter formu-

la seen n las. (see also Eusebius) Clement regards t as a saying

of the Lord. He has no direct link to Mt., unlike Justin who has a

Matthean sequence. It is hard to decide whether the saying in

Justin is based on a tradition that precedes Mt. (suggested by

Koester) or on a harmonization of Mt. and a catechetical radition

(Bellinzoni).

See BELLINZONI,Sayings, p. 64-67; KOESTER,Gospels, p.

74/75.363; MEES,Zitate, , p. 191 II, p. 10.

5. Mt. 5, 45/ Lk. 6, 36. A saying about love for one s enemies

and about God c;:ausing he sun to rise over both evil and good

people. Justin, D,ial. 96,3; Apol. I 15, 13. Clement, Protr. 114,3 ;

Paed. 172,2-3; 88, 2; Str. V 18, 7; VI 29, 2; VII 85, 2; [Str. IV

95, 1]. Ps-Athanasius, Quaest. ad Ant. 89 (PC 28, 635). Ps-

Macarius, Horn. 19, 2 (PC XXXIV 644, 836). Ps-Clementine,

Horn. III 57. Epiphanius, AdvHaer. 33,10,5; 66, 22, 4. Hilarius,

Tract in Ps. 118, VIII 18. Augustine, Contra Adam. VII 1. 3*

(Manichaeans).

In Justin the saying presents itself twice in harmonization with

Lc. 6, 36 as it does in the Ps-Clementine homilies, Epiphanius

and the Latin writers. In Clement there is no clear harmoniza-

tion, unless one qonsiders TOV 1TaTEpa~L~OU~EVOS-Protr. 114,4)

a free rendering bf the Lukan phrase Ka6ws-0 1TaTllP u~wv. The

word ~L~llTal is tllso found in the Apost. Canst. II 14 (the words

~L~Eo~aL or ~L~l}TllS-have a Pauline flavor). On five occasions,

Clement replaces avaTEAAELwith E1TLAa~1TEL.ariants involve

over whom the s1iIn ises (Mt. «over evil and good persons » ; oth-

ers follow Mt. ot reverse the order; Justin: «over sinful, good

and evil» ; again on five occasions, Clement renders it as «over

all» (see also Apost. Canst. VI 1) ; on two occasions, «over just

and unjust », thds telescoping the last section of the Matthean

saying.

See BELLINZONI,Sayings, p. 9-14; MEES, Zitate, I, p. 191; II, p.

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50

A. VAN DEN HOEK

11/12; KOESTER, ospels, . 375 (clusterof sayings n Justin, Apol.

115,10-17with catechetical haracter).

6. Mt. 6,19-21/ Lk 12, 33-34. A saying on treasures in heaven that

appears in different forms in Mt. and Lk. GTh 76b, cf. GTh 21.

Justin, Apol. I 15, 11. Clement, Protl: X 93, 3 ; 105, 3; Paed. III 34,

3; Stl: III 56, 2; 86, 3* ; QD 13, 3; 13, 7 [SrI: IV 33, 4]. Origen,

JerHom. 16, 4. Basil, IsCom. 2, 7 (PG 30, 252B). (For a more com-

plete listing, see MEES, Parallelstellen, p. 133-141)

Justin remains close to the Matthean saying, but with correc-

tions of the Greek; no doubling of 8Tluaupt(TlTE removing iI~lV;

A1JUT1')Snstead of KAErrTTlS ;he plural EV TOlS oupavolS .His con-

text deals with giving to the poor. Clement is related to Mt. but,

except for Stl: IV 33, 4 and QD 13, 3, more loosely than Justin is.

At times he regards it as saying of the Lord, and he uses it in a

variety of contexts. His language is often metaphorical, and at

other times down to earth. He defends wealth, saying it provides

the means to give to the poor (a Republican avant la lettre). Some

of Justin's « improvements» of the Greek can also be found in

Clement, but worked out in a different way. Thus Justin and

Clement seem in some way related, yet do not show interdepen-

dence. An interesting parallel exists between Paed. III 34, 3 and

GTh. 76b. A wide variety of authors share variants of this saying,

see MEES, Parallelstellen, p. 133-141 (a short, medium and long

form of the saying are distinguished).

See BELLINZONI,Sayings, p. 61-62; MEES, Zitate, I, p. 192; II, p.

15; KOESTER,Gospels,p. 145 (lists the saying as part of the synoptic

saying source Q with parallels in the GTh under « rules of the com-

munity » .

7. Mt. 6, 21/ Lk. 12, 34. See also the previous entry. «For where

your treasure is, there your heart will also be. » Justin, Apol. I 15,

16. Clement, Sir. IV 33, 5; VII 77, 6; QD 17, 1. Ps-Macarius, Horn.

43,3 (PG 34, 773A). Gospel of Mary (Pap. Ber. 8502, Till, p. 69, 15).

Justin leaves out the second verb of the saying and uses vovS'

instead of Kap8ia. Various authors including Clement show this vari-

ation. In Clement the order of 9flaaupOS' nd VOlls-s reversed twice

(as in GM and Ps-Macarius). Justin has an extension of VOlls-o VOlls-

TOV av8pwlTou as Clement in QD 17, 1). The dependence of these

authors on a common tradition seems clear. BeUinzoni states that it

is hard to determine whether such a reading existed before Justin or

whether he himself was the author. Because of the diffusion of this

reading and lack of signs of direct dependence on Justin, he is not

likely to have been the originator.

See BELLINZONI,Sayings,p. 92 ; MEES, Zilaie, I, p. 192 ; II, p. 15 ;

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51

IVE~GENT GOSPELTRADmONS IN CLEMENT

KOESTER,Gospel$',p. 375 (maintaining that Justin derived the say-

ing from a catechetical collection) ; in a separate publication, Mees

lists other forms of the saying that stay close to Mt. and Lk., but that

are varied, abbrfviated or extended; see Michael MEES, «Das

Sprichwort Mt. 6, 21/ Lk. 12, 24 (sic) und seine auBerkanonischen

ParalleleD », in Aug. 14 (1974), p. 67-89; Gilles QUISPEL,«Das

Hebraerevangelium im Gnostischen Evangelium nach Maria »,

VigChr. 11 (1957), p. 139-144.

8. Mt. 6, (32-)33/ Lk. 12, (30-)31. A saying on seeking the king-

dom. Justin, Apol. I 15, 15-16. Clement, Paed. II 103, 5 ; 120, 2; Str.

IV 34, 6 ; Ecl. 12,2. Tertullian, Drat. 6, 1.

Justin's context deals with concern for food and clothing. Justin is

related to Mt., but Bellinzoni finds it hard to determine whether

Justin's source was the pre-synoptic sayings tradition Q, Matthew

itself, or a post-synoptic text based on Mt. Both Justin and Clement

(Paed. II, 120, 2; Stl: IV 34, 6) have ~a<JLAEiav WV oupavwvwhich

does not appear in either Mt. or Lk. Clement shows real signs of

eclecticism. His contexts deal with luxurious clothing and true rich-

es. The passage in Paed. II 103, 5 is part of a commentary on the

Lukan text (Lk. 12,22-31). The other passages Paed. 11,120,2; Stl:

IV 34, 6) are loosely related to Matthew. Clement has 1TpWTOV,

which is found in Mt., but missing in Lk. (and Justin). The context

of Stl: IV 34,6 shows harmonizations of Mt. and Lk (Stl: IV 33,7-34,

6; for a harmonization of Mt. 6, 33 and Lk. 12, 31, see also

Tertullian, Drat. 6, 1). Clement fills in TaUTa 1TclVTa TpOTE81l<JETaL

with: Ta Ti'}s- Tpo<j>fjS-1TpOTE81l<JETaLPaed. II 103, 5) and TaUTa

yap ~EYclAaTa $E ~LKpa ...1TpoTE81l<JETaLStl: IV 34,6; cf. Stl: I

158, 2 : this sayin~ occurs in various authors and is identified as an

agraphon; A. RESCH,Agrapha [TV 30, 3-4], Leipzig 1906, p. 111,

no. 86, also in Otigen, Eusebius, and Ambrose). Koester observes

that the saying in Justin is part of a cluster of sayings with catecheti-

cal character.

See BELLINZONI,Sayings, p. 90-92; MEES, Zitate, I, p. 193; II, p.

17 ; KOESTER,Gospels,p. 375.

 

9. Mt. 11, 27/ Lt. 10,22. A saying about the authority given to the

Son: «nobody knows the Son except the Father...» Justin, Apo/. I

63, 3 ; 63, 13 ; Dial. 100, 1. Clement, Prall: 10, 3 ; Paed. 120, 2 ; 74, 1 ;

88,2; SrI: 1178,2; V 84, 3 ; VII 58, 4; 109,4. Irenaeus, AdvHael: II

14,7; IV 6,1.3. Tertullian, Marc. 1127,4. Ps-Clementine, Horn. 17,

4 ; 18, 4. 13. 20. (For a fuller listing, see RESCH,Au]3ere Para/tete (on

Lk. 10, 22) ; MEES, Zitate, II, p. 29).

Justin refers om three occasions to this saying and shows some

variations that appear in later writers as well. He stays close to the

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52

VAN DEN HOEK

Matthean version, but changes (ElTU'YlVWUKElo E'YVW,everses the

order of Father and Son and leaves out the verb f3oUAllTaloward

the end. The alterations and the reversal also occur in Irenaeus,

Tertullian and the Ps-Clementine Homilies. Clement changes the

verb, but does not have the reversal (contra Mees and Bellinzoni ;

Clement only seems to render the second half of the saying (Mt. 11,

27cd); this was already noticed by Barnard (p. 16 note). Barnard's

conclusion is still valid: «either Clement and many others were

curiously consistent in their 'misquotation' of this verse, or else

there was a type of text fairly widely current from the second to the

fourth century which is not represented in the Mss and versions now

extant.» Fran~ois Bovon points out the polemical context of the

saying in Irenaeus and Tertullian (against Valentinus, Marcion and

other groups) and suggests the possibility of gnostic influence (per-

sonal communication).

See P. M. BARNARD, The Biblical Text of Clement of Alexandria

(Texts and Studies V 5), Cambridge, 1899, p. 16; Leon E. WRIGHT,

Alterations of the Words of Jesus as Quoted in the Literature of the

Second Century, Cambridge (Mass.), 1952, p. 63 (inferring some

kind of documentary authority) ; BELLINZONI, Sayings, p. 26-28;

MEES, Zitate, I, p. 195 ; II, p. 29; KOESTER,Gospels, p. 56 (with bib-

liography and noting that this saying belongs to a group that is dis-

tinctly different from other sayings).

10. Mt. 16, (25-)26/Mc. 8, 36(-37) Lc. 9, (24-)25. A saying about

the conditions of discipleship.« What profit will there be to gain he

(whole) world » Justin, Apol. I 15, 12.2 Clement6, 2. Clement,

Str. IV 34, 4; VI 112,3. Origen, InProv. (PG 17, 209A) ; JoCom.

XIX 15.

Justin s speaking about giving to the poor (seealso under6. and

7.). He harmonizeselements of Mt. and Lk. Clement and Origen

offer similar harmonizations,but none of them are dentical. Origen

comes closest o Justin in this respect. Even the two harmonized

versions within Clement are not the same. In the first passage

Clement's ocus s on poverty and wealth (seeStr. IV 25,1), and the

immediate context providesvarious sayings rom the Sermonon the

Plain alternated with the Sermon on the Mount. In the secondpas-

sage (Str. VI 112, 3), which is closest o Justin's version, Clement

discusseshe Gnostic'sdisposition oward learning (the beginningof

this passage: TL yap TO O<j>EAOSay be an improvement of the

Greek and s identical in 2 Clem.6, 2).

See L. E. Wright, Alterations of the Wordsof Jesusas Quoted n

the Literature of the Second Century,Cambridge (Mass.), 1952,p.

142 (regarding he harmonizationbetweenMt. and Lk. in Origen as

a quotation from memory,an unlikely proposal,since Origen's har-

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53

IVE~GENT GOSPEL TRADITIONS IN CLEMENT

monization is cl~se to Justin's) ; BELLINZONI, Sayings, p. 89-90 ;

MEES, ZilaIe, II, p. 37 ; KOESTER,Gospels,p. 375 (regarding the say-

ing in Justin as part of a cluster of sayings around a particular theme

and with catechetical character).

11. Mt. 19, 17/Mk. 10, 18/Lk. 18,19. Words of Jesus in his

encounter with the rich man. Justin, Apol. I 16, 7; Dial. 101, 2 ;

Clement, Paed. 172,2; 74,1; SrI: II 114,3* ; 114,6* (Valentinus); V

63, 8; VII 58, 5. Ps-Clementine, Horn. 8, 1, 3; 3, 4. Irenaeus,

AdvHael: 120,2* (Marcos); Epiphanius, Pan. 33,7,5* (Epiph. I

456, 23; Naasenes) ; 42* (Epiph. II 144, 13; Ptolemaeus) ; 69, 27*

(Epiph. 111168,12 ; Marcion).

Mt. «One is there, who is good. » Mk./ Lk. : «No one is good

except the one God (God alone).» Justin, Apol. I 16, 7 : «No one is

good except God alone, who has made all things» (Mk./ Lk. ; the

extension can also be found in a number of mss, see MASSAUX,

Influence, p. 486) ; Dial. 101, 2 : «Why do you call me good? One

there is who is g(>od, my father who is in heaven », (thus starting

from Mk./Lk., moving on to Mt. and adding a relative clause); cf.

Clement, Paed. 172, 2 : «No one is good except my father, who is in

the heavens.» Many ancient texts have this addition, or traces of

the addition, and/or harmonizations. The harmonizations can also

be found in a large number of biblical mss.

See BELLINZONJ,Sayings, p. 19-20.119; MEES, Zitate, I, p. 198, II,

p. 42.43 ; for harmonizations in manuscript traditions, BELLINZONI,

Sayings,p. 19, note 3 and MEES Zitate, II, p. 43.

12. Mt. 22, 37-39/Mk. 12, 30-31/Lk. 10,27. Cf. Deut. 6,5. The

great commandment. Justin, Apol. I 16, 6; Dial. 93, 2. Clement,

Paed. III 88, 1 ; Str. IV 149, 8; QD 27 [passim]. Basil, Reg. Brev.

Tract., 158 (PG 23, 1188-1189). Cyprian, Unit. 15; Fort. 2. Hilary,

Trin. IX 24. Orosi,us,Apol. 31, 4. (For a fuller listing of authors and

mss traditions, see MEES,Zitate II, p. 48).

Justin shows a harmonized version with elements from Mt.,

Mk. and Lk. There may be an underlying Jewish tradition for the

extension KUPlOV TOV 6EOV TOV 1TOlllUaVTaUE in Apol. I 16, 6

(see H. KOSTER,Synoptische Uberlieferung bei den Apostolischen

Viitern, Berlin, 1957, p. 133ff and 170ff in connection with Barn.

19,2 and Did. 1,2; cf. also Apol. 116,7: () 6EOS-, ) 1TOlllUas- Q

1TavTa,and previous entry). In the middle section of the great

commandment there is a wide range of variations both in East

and West (in the prepositions EV/E~ and in the words Kap8(a,

~UXll, luxuS [8U\i'al1lS ], lavola). None of the versions coincide

exactly.

See BELLINZONl,Sayings,p. 39-40; MEES, Zitate, II, p. 47-48.

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54

A.VANDENHOEK

13. Lk. 3,22/ Mk. 1, 11/ Mt. 3, 17. The baptism of Christ. Justin,

Dial. 88, 8; 103, 6. Clement, Paed. I 25, 2. (For a listing of manu-

script traditions, see HUCK-LIETZMANNad loco ; of authors, MEEs,

Zitate II, p. 68).

At the end of Jesus baptism (vers 22 end), some mss of Luke

(Cod. D, vet. lat.) insert Ps. 2, 7 : viaS Ilov Et au, EYW mlllEPOV

YEYEVV1)Ka E, while others (Cod. Sin., A, B, W etc.) have a ver-

sion parallel to Mark: au Et 6 viaS IlOV 6 ayalnlTaS , EYW EV

aOl Eu8aK1laa. ustin agrees with Cod. D and vet. lat, and (presum-

ably) attaches this passage to the arrOIlV1)VEullaTa. lement has a

contamination of readings: «You are my beloved son, today I

have begotten you.» Many texts and authors of both East and

West have the quotation of Ps. 2, 7, cf. GHebr., GEb. (through

Epiphanius), Didascalia Apostolorum, Acts of Peter and Paul,

Origen, Methodius, Lactantius, Hilary, Juvencus, Tyconius,

Augustin.

See George ARCHAMBAULT, ustin Dialoque avec Tryphon, 1909,

t. II, p. 78-79 note; MEES, Zitate I, p. 78-79.200; II, p. 68. Fran~ois

BOVON, Das Evangelium nach Lukas (EKK 3,1), Neukirchen-

Zurich, 1989,p. 14 and 181.

14. Lk. 6, 27-28. 32-33/ Mt. 5, 44. 46-47. Love of one s enemies.

Didache 1, 3. Polycarp XII 3. Justin, Apol. I 15, 9. Ps-Clementine,

Horn. 12,32. Clement, Paed. 170,3; III 92, 3 [SrI: II 2, 2; VII 84, 5].

Justin shows a hannonization of Lk. and Mt. and has a rearrange-

ment of materials. Clement and other sources share some hanno-

nizing elements, but they all differ from one another. Belinzoni,

who does not include Clement in his review, does not believe that

all these sources agree in misquoting the gospel text purely by acci-

dent. He prefers the idea that they preserve another reading coming

from a catechetical tradition that could be dependent on the liturgi-

cal praxis of the post-apostolic church.

See H. KOSTER,Synoptische Oberlieferung bei den Apostolischen

Viitern, Berlin, 1957, p. 220ff (in connection with Did. 1, 3);

BELLINZONI,Sayings, p. 71-73.98; MEES, Zitate, I, p. 200-201; II, p.

70.

15. Lk. 6, 29/Mt. 5,40. «To him who strikes you on the cheek,

offer the other also» (see also preceding section). Didache 1, 4.

Justin,Apol. I 16,1. Irenaeus,AdvHaer. IV 13,3. Clement,Protl: X

108,5; Paed. II 92, 3; Stl: IV 61, 2; 77, 3; QD 18,4. Aphraates,

Horn. 9,4. (For a fuller listing, seeMEES,Zitate, I, p. 70).

Justin s passage s about forbearing, serving and being without

anger.He or his sourceare basedon Luke and harmonize elements

from Mt. Clement also harmonizes,and the «corrections» of the

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55

IVERGENT GOSPEL TRADmONS IN CLEMENT

Greek noticed by Bellinzoni all occur in Clement, although in dif-

ferent ways.

See BELLINZONI,Sayings,p. 71-73.98; MEES, Zitate, I, p. 200-201;II,

p. 70.

16. Lk. 6, 36. Cf. Mt. 5, 45. 48. Saying on love for one s enemies:

«Be merciful as your father is merciful. » Justin, Apol. I 15, 13 ;

Dial. 96, 3. Clement, Str. II 100, 4; [Paed. I 72, 2]. Ps-Clementine,

Hom. 11157. Ps-Athanasius, Quaest. ad Ant. 89. Ps-Macarius, Hom.

19,2; Cust. Cord. 13. Epiphanius, AdvHaer. 33, 10,5; 66, 22, 4.

Hilary, Tract. in Ps 118, VIII, 18 (PL 9, 559). Augustine, Contra

Adimantum* VIII. 3 (PL 42, 137.138).

Most authors harmonize Lk. 6,36 with Mt. 5, 45b (see Justin, Ps-

Clementine Homilies, Epiphanius and in the Western tradition,

Hilary and Augustine, but not Clement, Athanasius, and Macarius ;

see also under Mt. 5, 45). In Apol. I 15, 13, Justin deals with giving

to the needy without seeking glory. His most striking divergence

from the Lukan text is the addition to OlKTLp~OVESnamely YLVEu8E

8E XPTlUTOt Kat OlKTLp~OVES cf. Lk. 6, 35, where XPT]uT6Ss

used). In different ways this «doubling» occurs in .many other

authors. Clement, who attributes the saying to the Lord, has:

 YLVEU8E~~OVES- Kat OlKTLp~OVES .he Ps-Clementine Homelies :

a Ya60t Kal OlKTLp~OVES ;s-Athanasius : OlKTLp~OVESat a Ya60(;

Ps-Macarius : a Ya60t Kat XP1lC1TO(.ll the authors extend 1Tanlp o

1TaTi]p oupaVlOS (or EV TO1S oupavolS ),pater coelestis (qui est in

coelis) ; this may indicate a harmonization with Mt. 5, 48; it also

occurs in some mss of the Gospel of Luke (see BELLINZONI,

Sayings,p. 9, note 4).

See BELLINZONI,Sayings, p. 9-13.97; MEES, Zitate, I, p. 202; II, p.

71.

17. Lk. 12, 48. The parable of the servant s wages. «Everyone, to

whom much is given... », found only in Luke. Justin, Apol. 117,4.

Irenaeus, AdvHaer. IV 27, 2. Clement, Str. 11147,4. Apostolic

Constitutions 1118. Epiphanius, Ancoratus 26, 8.

Justin deals with this saying in a section on the coming judge-

ment. His version is presumably related to the saying in Luke but is

severely abbreviated. In that respect, Clement is comparable to

Justin, but he stays closer to the text in Lk., with 1:.86611CI.) for

E8wKEV Just., cf. Codex D l8WKQV). For other short versions varying

the quantity, see Irenaeus, Apostolic Constitutions, and Epiphanius

(TTOAU-TTOAUk., TToAu-TTAEOVodex D, TTOAU-TTEPLcrcr6TEpovpostolic

Constitutions, TTEPLcrcr6TEPOV-TTEPLcrcr6TEPOVpiphanius, plurimum-

plurimum Irenaeus, TTMOV Justin, TTAELOVlement).

See BELLINZONI, Sayings, p. 73-75; MEES, Zitate, I, p. 202 ; II, p. 81.

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56

V AN DEN HOEK

18. An eschatological saying not found in the synoptic gospels.

Ct. Ez. 33, 20 ; 18, 30 ; 7, 8. Justin, Dialogue 47, 5. Clement, QD 40,

1-2. Cyprian, Mort. 17. Hippolytus, Univ. (LAGARDE,p. 73, 4. 5). Ps-

Athanasius, Quaest. ad Ant. 36. (For a full listing, see A. RESCH,

Agrapha [TV 30, 3-4], Leipzig 1906,p. 102 ; 322-325).

Resch lists Justin and nineteen other sources with this saying.

Justin renders: «In whatever (l:.v olso av) I catch you (KaTaAa[3<JJ),

in those things (l:.v TOVTOLSO)will also judge you.» Clement has:

«For in whatever (l:.</>'olSOyap dv) I find you (EUpW), n those

things (l:.1TLTOUTOLSO)will also judge you; and on every occasion

He proclaims the end of aU things.» Clement and Hippolytus are

unique in having this extension: Kat 1Tap' EKaO"Ta~o(i TO TEAOSO

1TavTWvmap' EKaO"Tov o(i TO TEAOSO,ippolytus). Justin is unique

in having KaTaAaI1~aVWaU others have EUplO"KW.ustin, Clement,

Hippolytus have the plural l:.v olso (l:.</>' lso) ...l:.v TOVTOLSOl:.1TL

TOUTOLSO),hile aU others have the singular l:.v t\J ...l:.v TOUT ; or

variants). The saying has some resemblance with Ez. 33, 20, and

Justin refers to Ezechiel explicitly in the subsequent part of his text

(Dial. 47, 6). Justin attributes the saying to «our Lord, Jesus

Christ », and he seems to be unique in this respect. AU others have

God as speaker, either 8EOSO r KUpLOSO,hich may have led to

Justin's attribution. Some texts have the saying transmitted through

the prophet, who is specified as Ezechiel in a few cases.The source

may have been a pseudo-epigraphical book of Ezechiel. On another

occasion, in Paed. I 91, Clement explicitly refers to a saying from

such a book, and the saying is also found in 1 Clem. 8, 3.

See A. RESCH,Agrapha (TV 30, 3-4), Leipzig 1906, p. 102.322-

325 ; BELLINZONI,Sayings,p. 131-134; KOESTER,Gospels,p. 362.

ConcludingRemarks.

The studies of Barnard and Mees show how difficult it is to

give a simple and straightforward assessment f Clement's use of

NT texts. The problem is very complex, since Clement used a

rich gamut of sources n a highly eclectic fashion. Although this

investigation covers only a fraction of the NT texts assembledby

Barnard and Mees, the problems are still daunting. There are

simply too many trees in the forest of biblical quotations and

their variety keeps the onlooker from getting a clear view of the

forest as a whole. There are some easily recognizable quota-

tions, which stand out like tall oak and pine trees; there are the

abbreviations, the tree stumps, which are sometimeshard to dis-

cover and slippery when overgrown with lichens and moss, and

then there are the harmonizations and variations, the thorny

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57

IVE~GENT GOSPELTRADmONS IN CLEMENT

bushesand underbrush that keep the visitor tangled in minutiae.

So it is with some trepidation that an attempt is made to search

for common denominators. Tentative observations rather than

definitive conclusions will be offered.

Thirty-plus go$pelquotations in Clement are cited by Mees as

« uncanonical» ; ~nour terms we would prefer to speak of variant

readings. Seventeenof these variants (about half) share one or

more elements with variant gospel quotations in Justin. Yet, as it

turns out, Justin ,and Clement are hardly ever the only players in

this game. Every time that the two authors have something in

common, a third , a fourth, or many more also turn up with some

part of the variant. At times, all differ from each other, and the

only common ground seems o be that they all modify the same

gospel ext. In other words, the ways in which the modifications

were made are different, while the reasons for the changes may

have been the same.

The variants lire (almost) all designated as quotations, and

(almost) all involve sayingsof the Lord. In Justin a large number

of these sayings appear conveniently in one area, namely in his

first Apology, chapters 15 through 17. In his preceding para-

graph, Justin had explained that it would be beneficial to present

the emperor with some of the teachings of Christ himself. He

then sets forth words that exemplify the Christian way of life, an

ethical code wjth words close to Matthew's Sermon on the

Mount, or Luke1sSermon on the Plain, or harmonizations of the

two. He arrang~s hese sayings n groups as Greek anthologists

would arrange ,them, namely according to topiCS.l0Thus he

groups sayings on chastity, on love for one's neighbors, on love

for one's ennemies, on giving to the poor, on being free from

anger, on taking oaths, and so forth.

In Clement as well, most of the variant borrowings are speci-

fied as sayings of the Lord, sometimes simply as words from

scripture. In th~t respect Clement differs from Justin, since for

Justin only the words from the aT were regarded as scripture.

Another difference is that the variants in Clement do not occur

in one section, but are dispersed over almost all his writings. Yet

Clement also clusters sayings on moral behaviour somewhat as

Justin does, and these clusters likewise contain sequences rom

10. See Robert M. GRANT, Greek Apologists of the Second Century,

Philadelphia, 1988,p. 65.

11. There are thr,ee main sections in Clement's work where this hap-

pens: Str: II 26ffi(26; 27; 31 ; 33 ; 36; 46; 47; 54; 56; 57) ; SIr. IV 25ff

(26; 27; 31 ; 33; :116; 6; 47; 54; 56; 57); QD 16ft (16-19; 22; 24; 26;

33 ; 36).

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58

A. VAN DEN HOEK

the Sermon on the Mount or the Sermon on the Plain, or harmo-

nizations of the two.l1 Clement, in fact, displays an inclination to

preserve ogia and shows a certain reverence for them, whatever

their source may be. His borrowings from the letter of Clement

of Rome to the Corinthians contain several suchgroups of logia.

The Gospel of the Egyptians, which is primarily known through

Clement s quotations, contains logia exclusively. Other sources,

such as the Gospel of the Hebrews, Traditions of Matthias, and

some not-further-specified Gospel traditions, are all quoted by

Clement becauseof the sayings they contain,12 t is intriguing to

see that two-thirds of the material that Justin and Clement share

is related to the Sermon on the Mount and (to a lesser degree)

to the Sermon on the Plain. In both authors, this material is var-

ied, abbreviated, or harmonized. The harmonizations usually

involve Matthew and Luke, and less often, Matthew and Mark.

There are, of course, harmonizations in Justin that are not paral-

leled in Clement, and vice versa there are many harmonized

gospel texts in Clement that can not be found in Justin. The

focus here is on passageswhere divergent traditions and harmo-

nizations in both authors coincide.

Scholars of early saying raditions have questioned what rela-

tionship sayings such as in Justin and (especially) in earlier

authors have to the synoptic gospels, n particular to the gospel

of Matthew. In a nutshell and in overly simplified form, the

question is whether the sayings in these authors reflect direct

dependence on but free usage of the synoptic gospels, or

whether instead they reflect pre-synoptic collections, as elabo-

rated in various oral and (ultimately) literary traditions. Such

(hypothetical) collections would thus not only have been used

by the gospel composers hemselvesbut would have also contin-

ued to develop and lead an independent existence.

Arthur Bellinzoni gave a well balanced assessment f the situ-

ation in Justin, relying primarily on the synoptic solution but

occasionally having recourse to the pre-synoptic hypothesis.

Primarily «Justin used written sources which harmonized paral-

lel material from Matthew and Luke (and possibly Mark), and

which conflated related material from different parts of a single

gospel (either Matthew or Luke). »13n order to explain this phe-

nomenon, Bellinzoni postulates the use of a written catechismas

Justin s source, possibly made by Justin or his pupils in the cate-

chetical school in Rome in the mid-secondcentury.

12. See VANDENHOEK,art. cit. (supra note 5), p. 100,104-105.

13. BELLINZONI,Sayings, p. 141-142 A. J. BELLINZONI,«Gospel of

Matthew» (supra note 1), p. 240.

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59

IVERGENT GOSPEL TRADITIONS IN CLEMENT

A review of variant sayings n Clement indicates that the same

mechanisms,namely harmonizations of various gospels and con-

flations of one gospel can be observed, and, as was indicated

before, sayings from the Sermon on the Mount played a promi-

nent role in these materials. The suggestion that this kind of

material would have been used in a catechetical situation is quite

likely because here is other evidence to support such an idea.14

For example, the Didache,15whose title places the work in an

immediate catechetical context, has a section in which guidelines

are given for a Christian way of life and conduct.16This section

contains sayings characterized as «words of the Lord », similar

to some of the sayings n the Sermon on the Mount or the Sermon

on the Plain. Another document with catechetical elements is

the Letter of Clement to the Corinthians, which has a paragraph

containing «words of the Lord Jesus» and similarly has reminis-

cencies of the Sermon on the Mount or the Sermon on the

Plain; in this case, he sayings do not seem o be dependent on

the gospel texts as we know them. Helmut Koester attributes

this section of 1 Clement o a local oral tradition.17

Although material of the late first century obviously differs

from the works of Justin or Clement of Alexandria, it is striking

to see that early materials such as those in 1 Clement continued

to be used in close connection with catechetical instruction. A

similar observation can be made with another teaching: namely,

that of the Two Ways, which was a central issue for some of the

«Apostolic Fathers» and still remained an important issue in

Alexandrian teaching of later times}8

We do not know much about the details of catechetical

14. For the cultic and didactic background of some of the material in

the Sermon on the Mount itself, see Hans Dieter BETZ, Essayson the

Sermon of the Mount, Philadelphia, 1982,p. 51, 57 ; W. D. DAVIES,The

Settings of the Sermon on the Mount, Atlanta, 1989,p. 460-461.

15. The first words of the work, 8LBaxl ]KUPLOU,esemble Justin s notion

of 8L8a Y~aTa OUXPLUTOUsed in Apol. I 14,4 before his exposition of

sayings.

16. Didache I 3 -II 1. H. KOESTER, ynoptische Oberlieferung (supra

note 1), p. 239-241,argues that the sayings were taken from a saying

collection that existed in parallel with the synoptic gospels. Clayton N.

JEFFORD, he Sayings of Jesus in the Teaching of the Twelve Apostles,

(Suppl. to VigChr. 9), Leiden, 1989,p. 38-53, hinks that the section is

dependent upon synoptic texts that are derived from Q.

17. H. KOSTER, ynoptische Oberlieferung (supra note 1), p. 16.

18. Clement, Str. II 68,1 * ; IV 5, 3 ; 43, 1 ; 138,4 ; VI 2, 3 ; VII 93, 3 ; QD

26,8. Origen, CCels. 6, 16 ; ExHom. 5, 3 ; IerHom. 4, 3 ; 14, 16; 20,6. 7 ;

10Com. 6,103; 10,311; Mart. 31; 42; MtCom. 12,2; 14,1 ; 15,20; vari-

ous catenae.

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60

A. VAN DEN HOEK

instruction in the days of Justin or Clement: for example, how it

was done, how long it took, how initial instruction related to

baptism, and other such questions.19 ustin himself is one of the

first to provide some information about rituals in the church. In

the Apology he writes that it was common practice to read the

«Memoirs of the Apostles» (aTToflV1lfloVEUflUTUhat contained

words of the Lord) together with the writings of the prophets

«<prophets» presumably meaning the OT as a whole ).20Some

generations later in Origen (and Hippolytus) the contours of

instruction already become clearer. Origen mentions two stages

in the process, one rather substantial period for ethical instruc-

tion and another for the instruction of faith.21 The first phase

may have taken severalyears, presumably o accomodatea con-

tinuous reading of the Old Testament in daily services. There

are indications that this instruction was not a separate operation

but took place in the presence of the community, primarily dur-

ing daily gatherings without the eucharist. We can only conjec-

ture that in the timespan between Justin and Origen the rituals

became more elaborate and extensive (as rituals tend to do);2

while retaining traditional elements, such as readings of the

words of the Lord together with OT readings. Clement, unfortu-

nately, does not give much direct insight in any of these practical

matters23,but his passagesunder review show that the sayings

are often combined with exhortations from the Pentateuch.

Bellinzoni states that there are striking similarities between

Justin and Clement (and he also includes Origen and the Ps-

Clementine homilies in his comparison), and that these similari-

ties reflect a literary dependence on traditions used by Justin.24

This formulation, however, needs modification. On close exami-

19. Andre ME-HAT, Etude sur les «Stromates» de Cle~ent d Alexandrie,

Paris, 1966, p. 301-305.

20. Apol. I 67, 3 ; A. J. BELLINZONI, « Gospel of Matthew» (supra note

1), p. 241.

21. CCels. 3, 59-60; see Hans J6rg AUF DER MAUER and Joop

WALDRAM, «Illuminatio Verbi Divini-Confessio Fidei-Gratia

Baptismi », in Fides Sacramenti Sacramentum Fidei. Studies in Honour

of Pieter Smulders, Hans J6rg AUF DER MAUER et al. (eds.), Assen,

1981, p. 41-95.

22. See Apol. I 67, 3 ; Justin only speaks of gatherings on Sundays.

Other days of the week (Wednesdays and Fridays) are refered to in

Didache 8, 1 and in Tertullian. See D. B. CAPELLE, «L introduction du

catechumenat a Rome », Recherches de Theologie ancienne et medievale

5 (1933), p.129-154.

23. A. ME-HAT,op. cit., p. 304.

24. BELLINZONI, Sayings, p. 141-142.

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61

IVERjGENT GOSPEL TRADmONS IN CLEMENT

nation, the rela~ionship between Justin and Clement remains

rather fuzzy and puzzling. The relationship does not seem o be

very direct. Similar things are going on, but not the same. Most

of the common ground consists of harmonizations of the same

sayings, but the harmonizations themselves differ. Justin and

Clement both c(>ndensesayings, and they do it along similar

lines, but again the lines are not identical. In some cases,Justin

stays closer to the Matthean text than Clement, and in others

(but only rarely) Clement moves closer to Matthew or Luke

than Justin. Wh~n the Greek language of a gospel text is so to

speak « improvtd» in Justin, the same words seem to be

« improved» in Clement (or others) but in different ways. They

are curiously consistent in what they change, but strangely

inconsistent n how they change t.

Any effort to project the similarities into the realm of a liter-

ary dependence all short of the requirements normally and ust-

ly required to establish such a relationship. It seems ikely that

the problem has to be solved in a different way. Something sure-

ly lay behind the similarities just discussed,but this « something»

does not seem o have been a single literary work on which these

various authors drew directly. The common element responsible

for the similar variants was evidently rather complex: it was

probably a mode.llying well behind the immediate sources.This

model had branched out, and its diversification and elaboration

moved along paths that were less formal and academic han they

were communal and oral. Since it is likely that the connecting

link between Justin and Clement was the catechetical realm, it

becomes clear th,at he catechetical tradition must have had this

oral, more flexible character. ndeed, it seems ikely that this tra-

dition would have had the non-literary component that would

account for the lack of exact correspondences n the parallel pas-

sages n Justin, Clement, and others.

In other words, church readings or instructional material

based on saying,collections apparently were widely diffused

throughout the Christian world. Similarities among them seem

so great that one can speak of a model behind them, but on the

other hand, the differences in the passages nder discussion ndi-

cate that the model was used with some flexibility.

Harmonizations Of synoptic material must also have been avail-

able for catechetical or liturgical use, and again these harmo-

nizations could be imitated, but also freely used and changed.

The mixture of similarities and differences in the variant materi-

al in Justin and tlement could well reflect differences in local

church traditions, in Rome and Alexandria. The common themes

in the different localities indicate that these traditions were orig-

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62

A. VAN DEN HOEK

inally related but their common source or model is definitively

lost in the mists of time. The appearanceof these variant gospel

traditions in writers centuries apart indicates that the tradition

of liturgy and instruction had great longevity as well as geo-

graphical articulation. Thus some elements of the tradition could

continue to pop up at much later times as well as in unexpected

places}5

25. Many hanksgo to the «StichtingAanpakken» n the Netherlands

for its generous rant and to John Herrmannand Fran~is Bovon or

their constructiveemarksabout his article.

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Bernard POUDERON

Universitede Tours

FLAVIUS CLEMENS ET

LE PROTO-CLEMENT JUIF DU ROMAN

PSEUDO-CLEMENTIN

The person of Clement s the confiation of four -partially historical,

partially literary -figures. According to our hypothesis, he hero either of

a hellenized Jewish novel or of a Jewish apologeticdialogue and Flavius

Clemens, consul with his uncle Domitian in 95 and executed on the

charge of atheism, are one and the same person. The popularity of

Clement seems o be assertedby his presence n the Talmud where he is

found under the name of Keti a bar Shalom; this might explain why he

passed irst to the Jewish hellenisitic literature and then found his way

into the Pseudo-Clementines.

Le personnage de Clementparait resulter de la combinaison de quatre

figures, pour partie historiques,pour partie litteraires .celIe de Clement

Romain; celIe d un des heros d un roman juif hellenise; celIe d un des

protagonistesd une apologie uive en forme de dialogue; celle, enfin, du

consul Flavius Clemens,parent de l empereur Vespasien, xecuteen 95

pour « mlEurs uives ». Notre hypotheseest que e heros du roman uif ou

Ie protagoniste de l apologie juive (celui que nous appelons Ie « proto-

Clement uif») et Ie consul Flavius Clemensne torment qu une seule et

meme personne. La popularite de cet important personnage dans les

milieux juifs sembleen effet attestee ar sa presencedans e Talmud,sous

Ie nom de Keti a bar Shalom; elle expliquerait que sa igure soil d abord

passeedans la litterature juive hellenistique,avant de penetrer Ie roman

pseudo-clementin.

II est tres generalementadmis que Ie roman pseudo-clementin

resulte de la fusion de plusieurs sources itteraires, elles-memes

de differentes origines: juive, palenne et chretienne. Ce constat,

qui s applique au substrat narratif du roman et au contenu doc-

trinal qu il vehicule, doit necessairementetre etendu aux per-

sonDagesqu il supporte. Eux aussi sont susceptiblesde provenir

Apocrypha 7, 1996,p. 63-79

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64

B. POUDERON

de chacune des differentes sources qu a fondues dans Ie creuset

de la creation litteraire l auteur de l Ecrit prirnitif (Grundschrift)

-l ouvrage suppose qui a donne naissance aux deux versions

que nous avons conservees du roman pseudo-clement n : leg

Homelies (qui sont a la base de notre etude) et leg

Reconnaissances (dont leg textes paralleles ont aussi ete

etudies 1.

Le cas Ie plus remarquable est celui de Clement. Qui ne s est

deja etonne que Ie Clement des Homelies soit a la fois cet

« eveque» de Rome dont nous avons conserve une Epftre, un

proche parent de l empereur regnant, un proselyte juif et un

chretien neo-converti ? Cette inconsequence du redacteur ne

peut pas s expliquer seulement par leg errements de toute crea-

tion litteraire -il faudrait alors supposer notre auteur bien

etourdi, ou dote d une bien faible memoire -, mais elle trouve sa

L J. B. COTELIER,e premier editeur des Homelies (Sspatrum qui in

temporibus apostolicis floruerunt, Paris, 1672,vol. 1, p. 529-746), avait

deja attire l attention sur Ie fait que les deux recensions derivaient d un

meme ouvrage ; a sa suite, H. DODWELL,Dissertationes n Irenaeum,

Oxford, 1689,p. 439-446.Parmi les modemes, citons R. A. LIPSIUS, ie

Quellen der romischen Petrus-Sage,Kiel, 1872 et, apres lui, H. WAlTZ,

Die Pseudoklementinen.Homilien und Rekognitionen.Eine quellenkri-

tische Vntersuchung (TV 10, 4), Leipzig, 1904; W. HEINTZE, Der

Klemensroman und seine griechischen Quellen (TV 40, 2), Leipzig,

1914; C. SCHMIDT,Studien zu den Pseudoklementinen (TV 46, 1),

Leipzig, 1929; O. CULLMANN, e probl~me litteraire et historique du

roman pseudo-clemenin, Paris, 1930; B. REHM, «Zur Entstehung der

pseudoclementinischen Schriften », ZNW 37, 1938, p. 77-184; H. J.

SCHOEPS,heologie und Geschichte des ludenchristentum, Tl1bingen,

1949; G. STRECKER, as ludenchristentum in den Pseudoklementinen

(TV 70), Berlin, 1958 (19812); J. RIUS-CAMPS, «Las

Pseudoclementinas Bases filologicas para una nueva interpretacion »,

Revista Catalana de Teologia 1, 1976, p. 79-158. Seul J. WEHNERT,

«Literarkritik und Sprachanalyse. Kritische Anmerkungen zum

gegenwartigen Stand der Pseudoklementinen-Forschung », ZNW 74,

1983,p. 268-301 et «AbriB der Entstehungsgeschichte es pseudokle-

mentinischen Romans», Apocrypha 3, 1992,p. 211-235,developpe un

point de vue un peu different, preferant parler de «gemeinsame

Grundlage », de «fonds commun» -mais sans avoir totalement

convaincu; cf. W. PRATSCHER, er Herrenbruder lakobus und die

lakobus Tradition, Gottingen, 1987,p. 122-123; F. Stanley JONES, he

Pseudo-Clementines introduced, selected and translated, in New

TestamentApocrypha, a paraitre. Sur les differentes theses en presence,

voir F. Stanley JONES,«The Pseudo-Clementines: A History of

Research », The Second Century 2, 1982, p. 1-33; 63-96 -(avec une

bibliographie quasiment complete).

2. Sur Clement, voir en demier lieu la mise au point de G. ORY, «Qui

etait Clement? », Cahiersdu Centre E. Renan, 1994.

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65

LAVIUS CLEMENS ET LE PROTO-CLEMENT JUIF

justification si l on admet que Ie personnage de Clement resulte

de la fusion de plusieurs figures empruntees aux differentes

sources doni est issu e roman.

11 mporte donc de rappeler quelles sont ces sources. Depuis

les travaux de H. Waitz et de W. Heintze, il est generalement

admis qu elles sont au nombre de quatre3 :

-la trame narrative du conflit entre Pierre et Simon aurait ete

empruntee a des Actes de Pierre, aujourd hui perdus pour leur

plus grande partie;

-la substance des differents discours de Pierre (qui forment

l essentiel du « roman») proviendrait d hypothetiques Kerygmes

de Pierre, un ouvrage ebionite aujourd hui perdu, mais doni Ie

titre serait mentionne dans l un des ecrits liminaires4;

-la fiction des reconnaisances aurait ete reprise a un roman

palen, doni l influence atteste la popularite ;

-quant au debat entre Clement et Appion, qui occupe trois

chapitres sur les vingt que comptent les Homelies, l aurait vrai-

semblablement ete emprunte a un ouvrage apologetique juif de

langue grecque, mettant en scene dans un dialogue de type pla-

tonicien quatre personnages : un noble romain converti au

judalsme et trois palens, Ie grammairien alexandrin Appion, l as-

trologue Annubion et un inconnu nomme Athenodore.

Aces quatre sources supposees, il faudrait ajouter pour Ie

mains une cinquieme : la memoire des hommes, qui perpetuait

Ie souvenir de deux personnages appartenant a l histoire :

Clement, quatrieme « eveque» de Rome selon Eusebe, et son

homonyme, Ie consul Flavius Clemens, proche parent de l empe-

reur Domitien.

3. Voir F. Stanley JONES,«A History of Research », p. 14-33 (The

Sourcesof G).

4. Epist. Petroad Jacob. 1 et 3 ; cf. Epist. Clem. ad Jacob. 20. Cette these

a ete exprimee pour la premiere fois par H. DODWELL,Dissertationes n

Irenaeum, p. 440-442. Elle a ete reprise par H. WAlTZ, Die

Pseudoklementinen,qui a meme tente une reconstitution des Kerygmes

de Pierre d apres Recogn. 1-3 et Hom. 2-3 et 16-20 (publiee dans les

NeutestamentlicheApokryphen, ed. E. HENNECKE, ubingen, 1924, p.

151-163,et jugee tres severement par C. Schmidt). Elle est aujourd hui

presque unanimement rejetee apres es travaux de J. RIUS-CAMPS,«as

Pseudoclementinas», p.147-149; J. WEHNERT, Literarkritik», p. 33-

34; F. Stanley JONES,The Pseudo-Clementines ranslated (il paraitre).

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66

B.POUDERON

A. La confusion esdeuxClement.

11est indeniable que Ie redacteur de l Ecrit primitif a identifie

(ou confondu) Clement de Rome avec un de sescontemporains,

Ie consul Flavius Clemens. Flavius Clemens est surtout connu

par Dion Cassius,qui mentionne dans un meme passagees liens

qui l unissaient a l empereur Domitien et son execution en 95, a

l age de trente-cinq aDS, our crime d «atheisme» :

La meme annee (i. e. 95), Domitien fit executer un grand

nombre de personnes,entre autres Ie consul Flavius Clemens,

quoique celui-ci ffit son cousin et qu il efit epouse une de ses

parentes, Flavia Domitilla. Tous deux furent accusesd atheis-

me, un chef d accusation qui fit condamner egalement beau-

coup d autres personnesconvaincuesde s etre laisse entrainer

aux coutumes des Juifs. Les unes furent mises a mort, les

autres punies de confiscation. Quant a Flavia Domitilla, elle

flit simplement exilee a Pandataria5.

Selon line tradition ancienne dans l Eglise, ce haut personna-

ge et son epouse, condamnes pour «mreurs juives », etaient en

fait des chretiens6. I n est donc aucunement surprenant que Ie

redacteur de l Ecrit primitif ait imagine d identifier l eveque

chretien et Ie consul converti, puisqu ils portaient Ie meme nom

et vivaient a la meme epoque.

Dans leg Homelies,celie identification apparait dans Ie rappel

du double lien de parente (par la naissanceet par l alliance) qui

unit Clement a lafamille imperiale :

-Horn. IV, 7, 2 (dans la bouche d Appion, a propos de

Clement) : «Cet homme, vous disais-je, est de la famille de

Tibere Cesar»7;

-Horn. XII, 8, 2 (dans la bouche de Clement) : «II Teste

(de ma famille) des hommes nombreux et importants, de la

famille de Cesar. Mon peTe avait ete eleve avec Cesar; aussi

5. Dion Cassius Epitome de Xiphilin), 67, 4. Voir aussi Suetone,Dom.

15 : «Entin, il fit mettre a mort tout a coup, sur Ie plus leger soup~onet

presque dans exercice me-medu consulat, son cousin germain, Flavius

Clemens,personnage tout a fait decrie pour son inaction (contemptissi-

mae inertiae.. une allusion au respect du sabbat ?), dont il avait publi-

quement decide que les fils encore tout petits seraient sessuccesseurs...

Ce fut surtout ce crime qui precipita sa mort. »

6. Voir infra et notes 12 a 16 (temoignages d Eusebe, de Jerome, de

Georges e Syncelle).

7. Pour les extraits des Homelies, nous suivons la traduction de. A.

SIOUVILLE, es homelies clemen ines,Paris, 1933 (19912) pas de paral-

lele dans es Recogn.

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67

LAVIUS CLEMENS ET LE PROTO-CLEMENT JUIF

celui-ci lui donna-t-il pour epouse ine femme de sa famine, de

laquene naquirent trois fils, deux avant moi »8;

-Horn. XII, 15, 2 (dans la bouche de Mattidie, la mere de

Clement) : «Je suis d une famine des plus nobles. Sur l ordre

d un souverain, epousai un homme de sa parente »9;

-Horn. XIV, 6, 2 (dans la bouche de Faustus, Ie peTe de

Clement, qui raconte sa propre histoire en l attribuant a un

ami): «M etant lie avec un homme de la famine de

C

  10

esar...» .

II est vrai que Ie Clement des Homeliesestpresentecomme ie a

Tibere et non a Domitien, ainsi que l etait Ie Flavius Clemenshis-

torique. Mais cette divergence peut s expliquer soit par la source

romanesque utilisee (si l on admet qu elle connaissait e person-

nage de Clement ou son prototype), soit par des necessites or-

dre chronologique (puisque l histoire est censeese derouler peu

de temps apres a mort de Jesus, oTS e la mission supposeede

Pierre en Syro-Phenicie).De meme, Ie peTede Flavius Clemens,

T. Flavius Sabinus,s il etait bien parent de Vespasien son neveu,

pour etre exact), n avait pas epouse une de ses parentes par Ie

sang; c est son ils qui epousaune Flavia Domitilla, petite-fille de

Vespasienet niece de Titus et de Domitienll ; mais cette derniere

confusionest, somme oute, mineure.

B. La confession esdeuxClement.

La tradition chretienne selon laquelle Flavius Clemens etait

un chretien repose sur une selie de temoignages concord ants

concernant non pas Flavius lui-meme, mais son epouse Flavia

Domitilla. Les plus anciens se trouvent chez Eusebe, dans

I Histoire ecclesiastique abord :

Meme leg historiens etrangers a nolle doctrine n hesitent

pas a rapporter dans eurs histoires la persecution et leg temoi-

8. Parall. Recogn.VII, 8,2.

9. Parall. Recogn.VII, 15,2.

10. Parall. Recogn. X, 35,1-2.

11. Sur la gens Flavia, voir G. TOWNEND, Some Flavian Connections »,

The Journal of Roman Studies51, 1961,p. 58-62.T. Flavius Clemens (v.

60-95) est Ie fils de T. Flavius Sabinus III (30- ?), lui-meme neveu de

Vespasien,et (sans doute) d une Arrecina, dont la famille etait alliee a

Titus (qui epousa une Arrecina Tertulla); il est donc Ie cousin de Titus

et de Domitien. Son epouse,Flavia Domitilla III (64- ?) est la petite-

rille de Vespasienpar sa mere, Flavia Domitilla II, et la niece de Titus

et de Vespasien.

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68

B. POUDERON

gnages qui y furent rendus ; ils en ont indique la date tres

exactement, et ils racontent que la quinzieme annee de

Domitien (i. e. 95 AD), Flavia Domitilla, rille d'une sreur (E~

ci8EA<t>1lSEYovu'iuv) e Flavius Clemens, un des consuls de

Rome Ii cette date, rut elle aussi avec un tres grand nombre

d'autres, releguee dans l'ile Ponti a par punition, Ii cause du

temoignage rendu au Christ.12

De meme, dans a Chronique :

Bruttius ecrit que de nombreux chretiens subirent Ie marty-

re sous Domitien. Parmi eux, il y eut aussiFlavia Domitilla, la

niece du consul Flavius Clemens par sa sreur (Flavii Clementis

consulisex sorore neptem),qui rut relegueedans 'ile de Pontia,

parce qu'elle avait temoigne qu'elle etait chretienne}3

Son emoignage est d'ailleurs confirme par Jerome:

Les lies Pontiennes, qu'ont rendues celebres jadis l'exil

sous Domitien d'une femme d'un illustre renom, Flavia

Domitilla, pour sa profession de foi chretienne ; l'on y voit les

cellules dans lesquelles elle avait endure son long martyre...14

Et il semble aussi corrobore par l'archeologie, puisqu'on a

retrouve a Rome la trace d'un «cimetiere de Domitilla }}, vrai-

semblablement un terrain donne par la noble dame pour servir

de lieu de sepulture aux chretiens15,

12. Eusebe, HE. III, 18, 4 (trad. G. BARDY). L'expression EE a&>..<j>flS'

YEyovulav, « nee d'une s~ur », c'est-a-dire niece de Flavius Clemens

(alors que l'on gait que Flavia Domitilla III etait l'epouse de Flavius

Clemens), petit paraitre etrange. Selon Townend (art. cit., p. 58), la

source d'Eusebe devait la presenter comme la niece de Domitien, ou

bien encore camille la cousine (EEa&>..<j>1'])e Flavius Clemens. On petit

difficilement imaginer qu'il faille distinguer deux Flavia Domitilla,

toutes deux victimes de la politi que de repression religieuse de

Domitien, l'une epouse de Flavius Clemens et exilee a Pandataria (l'ac-

tuelle Ventotene) pour crime de judalsme, et l'autre niece de Flavius

Clemens et exilee a Pontia (l'actuelle Ponza) pour crime de christianis-

me ; la probabilite de cette double conversion est assez aible. II vaut

mieux supposer, soit que Flavia Domitilla, proselyte juive, s'etait

convertie au christianisme apres l'execution de son epoux, soit que leg

epoux etaient des judeo-chretiens, que chacun des deux camps pouvait

revendiquer camille etant des siens ces deux hypotheses peuvent etre

combinees, dans la mesure ou Flavia Domitilla, judeo-chretienne du

vivant de son maTi, a pu par la suite renoncer aux pratiques juives,

quand judalsme et christianisme sont devenus difficilement conciliables

(cf. note 16).

13. Eusebe, Chron. ad ann. 96 (HELM p. 192). Le denomme Bruttius

n'est pas autrement connu. Voir par ex. PRE, s. v. «Bruttius 2 ».

14. Jerome, Epist. 108,7.

15. ILCV (ed. E. DIEHL), n° 2150 : in clEmeterioDomit(illae).

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69

LAVIUS CLEMENS ET LE PROTO-CLEMENT JUIF

Toutefois, il peut sembler etrange que la tradition chretienne

la plus ancienne n ait garde Ie souvenir que de l exil de

Domitilla et non celui de la conversion ou du martyre de Flavius

Clemens, un personnage que ses fonctions, ainsi que Ie role

auquel etaient appeles ses propres enfants, rendaient beaucoup

plus important. Aussi faut-il vraisemblablement prendre a la

lettre Ie temoignage de Dion Cassius aisant de Flavius Clemens

un proselyte juif, ou pour Ie moins un chretien judalsant -assez

judalsant pour etre suspect aux yeux de la grande Eglise, qui

aurait prefere l ignorer, et pour pouvoir etre considere par la

Synagoguecomme l un des siens16.

Or, il est remarquable de constater que Ie Clement du roman

pseudo-clement n apparait tantot comme un chretien, tantot

comme un juif. Voici les deux passagesdans lesquels Clement

est presente sansambigulte comme un proselyte uif :

-Horn. V; 26, 3 : « C est pourquoi, ayant appris d un certain

Juif a penser et a agir comme il convient aDieu... »17

-Horn. V, 28, 2: «Jusqu a present, apres avoir etudie a

fond les systemesd un grand nombre de philosophes, e ne me

suis Tallie a aucun, sinon a celui des Juifs. Car un negociant en

toiles de cette nation, etant venu resider a Rome, m a, par

suite d une heureuse encontre, exposeavec beaucoupde sim-

plicite la doctrine de l unite divine18,

16. C est, estime-t-on generalement, a malediction prononcee contre

les Minim (les heretiques) et les Nazareens les judeo-chretiens) dans a

Douzieme benediction des ShemoneEsre qui marque la rupture entre

Israel et l Eglise chretienne ; cette malediction aurait ete introduite par

Gamaliel II vers la fin du siecle et rendait impossible a double apparte-

nance. II n est donc pas exclu qu en 95 (date de l execution de Flavius

Clemens), a double appartenance fut encore possible. C est Georges Ie

Syncelle, Chronographia (vol. 1, p. 650, ed. Niebuhr) qui Ie premier fit

de Flavius Clemens un chretien. De nos jours, si Flavius Clemens est

range parmi les chretiens par la plupart des historiens proches du chris-

tianisme (par ex. en France P. PETIT, Histoire generale de l Empire

romain, I, Le Haut-Empire, Paris, 1974, p. 288-289: «coupables

d atheisme et de mreurs juives, c est-a-dire chretiens»), il est considere

comme un proselyte juif dans les milieux proches du judalsme : H. J.

LEON,The Jews of Ancient Rome, Philadelphie, 1960,p. 33-35 p. 252

M. STERN,Greek and Latin Authors on Jews and Judaism, Jerusalem,

1974-1984,I, n° 435,p. 379-384; E. SCHURER,he History of theJewish

People in the Age of Jesus-Christ (English version revised by G.

VERMES, . MILLAR,M. GODMAN), II, 1, Edinburgh, 1986,p. 163,note

58; Encyclopedia Judaica, s. v. «Flavius Clemens », vol. 6, Jerusalem,

1971,col. 1338 I. GAFNIet U. RApPAPORT).

17. Pas de parall. dans es Recogn.

18. Pas de parall. dans es Recogn.

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B. POUDERON

L'expressionqui designe e rnissionnaire uif «<un negociant en

toiles »), ainsi que I'indication du lieu de la conversion (Rome),

ne peuvent en aucun cas s'appliquer a la rencontre de Clement

avec Pierre, pecheur de profession, et qui eut lieu a Cesaree, ni

avec celie du missionnaire anonyme dont la predication

publique entraina Ie depart precipite du jeune Clement, mais

non sa conversion immediate19.Ce fecit de conversion est donc

Ie reliquat d'une des sourcesde l'Ecrit primitif, dont Ie protago-

niste etait un proselyte uif.

C. Le proto-Clement juif.

La seule explication possible est donc la suivante : Ie Clement

des Ecrits pseudo-clementinsest un personnagecomplexe, qui a

emprunte ses raits a plusieurs figures differentes, les lines histo-

riques (Clement de Rome, Flavius Clemens), les autres litte-

raires (Ie heros du roman de reconnaissances,'un des nterlocu-

tenTS du Dialogue apologetique juif). Nous qualifierons

desormaisde proto-Clement Ie ou les personnages itteraires qui

ont fourni leurs traits a la figure de Clement. Seul nons interesse

ici Ie proto-Clement juif, dont Ie fecit de conversion a ete integre

dans Ie roman pseudo-clementin.

Le proto-Clement juif provient necessairementde l'une des

deux sources uives de l'Ecrit primitif. La premiere est Ie roman

19. On peut bien sur chercher a identifier Ie marchand de toile juif avec

Ie missionnaire chretien de Horn. 1,7, 1 : «Un jour enfin de cette meme

annee, veTSa fin de l'automne, un homme se presenta en public criant

a haute voix : Romains, ecoutez Le Fils de Dieu est present en

Judee...» Mais leg deux figures ne se recouvrent pas du tout: Ie mis-

sionnaire chretien est presente comme un anonyme, qui fait profession

d'annoncer de lieu en lieu la bonne nouvelle de la venue du Christ, sans

qu'on puisse dire qu'il «expose une doctrine» a qui que ce soit; Ie pro-

pagandiste juif est un marchand, dont l'activite proselytique semble

occasionnelle, voire fortuite «<une heureuse rencontre»), et qui joue

en eifel aupres de Clement Ie role de l'initiateur. Dans leg Recogn. , 7,

1-15, e missionnaire chretien n'est autre que Barnabe, qui ne peut pas

non plus Sire identifie au marchand de toile de Horn. V, 28, 2. Et il

serait bien hasardeux de l'identifier a Paul, l'apotre des Gentils, qui

exer~a e metier de fabricant de tentes, notamment loTsde son sejour a

Corinthe, chez Aquilas et Priscille (Ac 18, 3), meme s'il n'est pas exclu

que Ie redacteur du roman ail eu alors a l'esprit celie activite profes-

sionnelle de Paul et y fasse une allusion pleine d'ironie. Sur Ie prosely-

tisme juif en milieu romain, voir en demier lieu la mise au point d' E.

WILL et C. ORRIEUX,Proselytisme uif ? Histoire d'une erreur, Paris,

1992.

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LAVIUS CLEMENS ET LE PROTO-CLEMENT JUIF

qui a fourni la trame narrative des Home-lies et des

Reconnaissances. e roman, on ne peut en douter, etait d origine

juive20.En effet, de meme que la double conversion de Clement

traduit l origine juive des discussionsavec Appion, de meme la

double conversion des deux jumeaux traduit l origine juive du

roman de reconnaisances. es jumeaux, rappelons-le, se conver-

tissent deux fois. Une premiere fois au judalsme, a la suite de

leur adoption par la cananeenneJusta:

Une femme de la plus haute distinction, nommee Justa,

proselyte de la religion juive, nons acheta, nons garda comme

ses enfants et nons fit doDDeravec soin toute l education hel-

lenique. Ayant prig de la raison avec l age, nons aimames a

religion [la religion juive] et nons nons livrames avec ardenTa

l etude pour devenir capablesde discuter avec es hommes des

autres nations et de leg convaincre d erreur2l.

Ils se convertissent ensuite au christianisme petrinien, apres

un long passagedans a secte de Simon:

Cette femme [Justa], ayant embrasse e genre de vie pres-

crit par la Loi..., acheta et eleva deux enfants qui lui tinrent lieu

de fils. Ceux-ci, eleves des l en~anceavec Simon Ie magicien,

sont au courant de tout ce qui concerne Ie personnage. ...

Quand Zachee vint se fixer ici, ils Ie rencontrerent et furent ini-

ties par lui a la doctrine de verite [Ie christianismepetrinien]22.

De prime abord, les deux recits ne semblent pas se contredire,

et rien n empeche, en eIfel, que Ie redacteur de l Ecrit primitif

20. Cette hypothese, qui n est pas la plus repandue, a ete emise pour la

premiere fois par W. HEINTZE,op. cit., p. 42-51 (p. 45: «eine judische

Bekehrungsgeschichte »), puis reprise par W. BOUSSET, « Die

Geschichte eines Wiedererkennungsmiirchens », NGWG.PH, 1916, p.

469-551 (p. 533 : «die christianisierte Version eiDer udisch-hellenisti-

schen Novelle»), et plus recemment par J. WERNERT,«AbriB der

Entstehungsgeschichte », p. 214. L hypothese classique est celIe d un

roman palen (E. Rhode, W. Heintze, O. Cullmann, C. Schmidt, H. J.

Schoeps,F. Stanley Jones). Nous admettons qu il y eut un roman palen

a l origine du roman uif.

21. Hom. XIII, 7,3; parall. Recogn. VII, 32, 2 : (Latrones) vendiderunt

nos cuidam Judaeae,honestaeadmodum feminae,Justae nomine; quae

cum emisset, abuit loco filiorum, ita ut etiam Graecisnos litteris liberali-

bus adtentissimeerudiret. Ubi ourem adolevimus, etiam philosophorum

studiis operam dedimus, quo possemus eligionis divinae dogmata philo-

sophicis disputationibus adserentes onfutare gentiles.

22. Hom. 11,20, 1 et 3 ; 21, 1 ; parall. Recogn. VII, 33, 1 : Simoni ourem

cuidam mago qui nobiscum una educatusest. ..Nos interim, cum paene

jam deciperemura Simone,quidam collega domini mei Petri, Zacchaeus

nomine, monuit ne falleremur a mago, sed obtulit nos advenienti Petro...

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B.POUDERON

ail imagine cette succession e conversions.Toutefois, Ie person-

nage meme de Justa defiance l emprunt. En effet, la cananeenne

ne joue aucun role dans les Homelies, ou elle est remplacee

comme hotessede Pierre par sa fille Berenice, qui est une chre-

tienne fervente :

Selon l ordre de Pierre, qui no us avail envoyes, nous

all ames demander l hospitalite a Berenice, fille de la

ChananeenneJusta. Berenice nous accueillit avec un extreme

plaisir, temoignant a l envi un profond respect pour moi et une

grande affection pour Aquila et Nicete.23

II est donc vraisemblableque Ie personnagede Justa (ou plutot

celui de son prototype, la «proto-Justa» )24a ete emprunte au

romanjuif, qui etait lui-meme l adaptation a des ins apologetiques

d un roman palen de reconnaissances.Celie origine juive de la

trame narrative du roman pseudo-clementin e trahit par d autres

indices encore, et en tout premier ieu, par la reaction de Faustusa

la fin du roman, quand il apprend a conversionde sesenfants

«Faustus (...) ne veut plus voir sesenfants, parce qu ils sont

devenus uifs25.»

«Etre devenu uif », voila qui ne s applique guere au Clement

des Home-lies,qui certes s est fait baptiser par Pierre, mais qui

n est pas circoncis et n observe pas Ie sabbaf6.

La seconde source possible est Ie dialogue apologetique qui

fournit l essentiel de la discussion entre Clement et Appion.

23. Hom. IV; 1, 1-2; pas de parall. dans es Recogn.,qui ne connaissent

pas Ie personnage de Berenice, mais seulement celui de Justa (qui n y

apparait d ailleurs que dans un seul passage: VII, 32, 2, cite a la note

21). Pour cette etude, j ai utilise la Konkordanz zu den Pseudo-

klementinen de G. STRECKER,erlin, 1989.

24. Le personnage de Justa la Cananeenne est evidemment emprunte

aUKevangiles; toutefois, la Cananeennede Mt 15,21-28 et Mc 7, 24-30,

ne porte pas de nom. II semble evident que Ie personnagede Justa dans

Ie roman pseudo-clementin resulte de la fusion d une «proto-Justa»

empruntee au roman juif avec a syro-pheniciennedes evangiles.

25. Hom. XX, 22, 2 ; parall. Recogn. X, 64, 2 : ipso Faustiniano [Ie peTe

de Clement] deprecanteeum, pro eo quod nollet filios suos videre, quia

fudaei erant.

26. Les Hometies narrent Ie bapteme de Clement (XI, 35), mais ne font

evidemment aucune allusion a sa circoncision; d ailleurs il n est prati-

quement jamais fait reference dans les Hometies ni a la circoncision

(excepte en Diamart. I, qui represente sansdoute un etat plus ancien du

texte), ni au sabbat -ce qui peut paraitre etrange en milieu judeo-chre-

lien. En revanche,dans es Recogn. , 33 sq., l est fait allusion a la « cir-

concision du creur », line formule qui peut passer pour une condamna-

tion de la circoncision chamelle.

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LAVIUS CLEMENS ET LE PROTO-CLEMENT JUIF

Nous avons deja remarque que son protagoniste etait presente

comme un proselyte de la religion juive ; il taut ajouter a cela Ie

fait que la haine d Appion (digne heritier de I Apion historique)

est dirigee contre Ie judalsme et les Juifs et non contre Ie chris-

tianisme et la personne de Jesus,doni il n est pas fait mention et

qui semblent exclus du debat. Citons les passageses plus carac-

teristiques :

-Horn. V, 2, 4 : «Je [Clement] n ignorais pas qu Appion

avait les Juifs en horreur au point d avoir compose contre eux

plusieurs opuscules27.

-Horn. V, 27,1: «N ai-je [Appion] pas raison de haIr les

J

.

f 28

UI s... »

-Horn. V, 29, 1 : «Appion, qui bait les Juifs sans motif..}9»

II est bien dificile de dire si Ie proto-Clement juif provient du

roman ou du dialogue. Je serais tente de dire: des deux. Mais

pas de la meme fa~on. En effet, les critiques ant deja fait remar-

quer que Ie roman de reconnaisancesdont derivait l Ecrit primi-

tit ne connaissaitpas Ie personnagede Clement. Cela se cons ate

a plusieurs indices, et plus particulierement au fait qu a plusieurs

reprises Faustus, Ie pete, et Mattidie, la mere, ignorent totale-

ment Clement et ne s interessent qu aux deux jumeaux, comme

s ils etaient leurs seuls enfants :

-Horn. XII, 9 ; XII, 15 et XIV, 6-7 : Mattidie, dans son

depart precipite pour Athenes, emmene avec elle les deux

jumeaux, mais laisse Clement, Ie plus jenne, aux soins de son

epOUX30.

-Horn. XII, 10; XIV, 7 : Faustus, quand il part a son tour

a la recherche de Mattidie et des deux jumeaux, abandonne

son fils, alors age de douze aDS, la garde de tuteurs31.

-Horn. XIV, 10: Faustus, ayant appris que les deux

jumeaux avaient peri, decide de renoncer au monde, alors

27. Pas de parallele exact dans les Reconnaissances,u Ie personnage

d Appion n apparait qu a la fin de l ouvrage : X, 52-64 (parall. Horn.

XX, 11-22; source: la Konkordanz de Strecker). Dans cette version du

roman pseudo-clementin, il n y a pas de deb at entre Clement et

Appion : Clement obtient seulementde Pierre qu il puisse rendre visite

a son ancien ami Appion (Recogn. X, 52, 3). En revanche, dans ce

me-mepassage, Faustinianus, Ie pere de Clement, fait aUusion a un

debat entre Clement et Annubion sur horoscope.

28. Pas de paraU. dans es Recogn.

29. Pas de paraU.dans es Recogn.

30. ParaU. Recogn.VII, 8, 3-4 ; VII, 15,4 ; IX, 33,4-5.

31. ParaU.Recogn. VII, 10,2.

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B. POUDERON

qu il devrait savoir qu illui Testeencore un enfant, Clement

abandonne seul a Rome32.

II n est pas jusqu aux jumeaux qui ignorent parfois l existence

de leur frere :

-Horn. XIII, 3 : Nicete et Aquila, comprenant au recit de

Pierre qui ils sont, courent embrasser eur mere, sans se sau-

cier Ie mains du monde de Clement, qui se revele pourtant du

meme coup leur frere 133

Toutefois, s il parait certain que Ie proto-Clement n apparaissait

pas dans e roman palen d origine, il est difficile de dire ce qu il en

etait dans sa version udalsee : les fils de Faustus y etaient peut-

etre deja au nombre de trois. Et meme si Clement ne figurait pas

parmi eux, il n en demeure pas moins que les deux jumeaux du

roman uif sont des prototypes de la figure du Clement des ecrits

clementins, dont ils sont devenuspour ainsi dire les doubles.

En revanche, Ie Clement des scenesavec Appion (Horn. IV a

VI) est l heritier direct de l un des protagonistes de l Apologie

juive. L existence de celie source est rendue manifeste par Ie

caractere propre aces charitIes, qui torment une digression

dans Ie fecit et dont Ie ton est tIes different de celui des autres

discours. Rappelons que Clement y est presente comme un

jeune noble de la famille de Tibere, converti au judalsme, qu il

defend contre les palens avec les arguments de la philosophie ;

or, il taut vraisemblablement imaginer l adversaire des palens

dans l Apologie juive sous ces memes traits. C est donc ce per-

sonnage,plus encore que les deux jumeaux du roman de recon-

naissances ou qu un hypothetigue troisieme frere), qui serait Ie

prototype du Clement uif de l Ecrit primitif34.

32. Pas de parall. exact dans eg Recogn.

33. Parall. Recogn.VII, 28, 5-6.

34. Bien que la controverse avec Appion gait absente des Recogn., qui

ne font apparaitre Ie personnagequ a la fin de l ouvrage (cf. note 27), il

ne fait guere de doute que I Apologie juive «contre Appion» etait

confiDe a la fois de l auteur des Hometies et de celui des

Reconnaissances.es preuves en sont d une part la presence du person-

nage d Appion dans eg Reconnaissances,t d autre part l allusion a tine

controverse avec Annubion sur l horoscope en Recogn. X, 52, 3. Sur

cette Apologie juive en forme de dialogue, voir W. HEINTZE, p. cit., p.

42-51 (p. 50 : «eine judische Disputationsschrift », «eine judische

Bekehrungsschrift »), qui la presente comme one dispute entre un eune

homme eleve dans a culture grecque, et converti au judalsme, et Ie trio

Appion, Annubion, Athenodore; O. CULLMANN, p. cit., p. 117-121 p.

121: «l interlocuteur d Appion, d ~nnubion et d Athenodore etait pri-

mitivement un juif, qui, dans l Ecrit primitif, a ete remplace par

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LAVIUS CLEMENS ET LE PROTO-CLEMENT JUIF

D. Le proto-Clementuif et FlaviusClemens.

Une fois etabli qu il y eut un proto-Clement juif (et peut-etre

meme plusieurs), il devient tentant de chercher a l identifier

avec Flavius Clemens,qui, comme Ie Clement du roman pseudo-

clementin, etait a la fois un jeune noble romain, un proselyte uif

et un proche parent de l empereur.

Pour que pareille hypothese prenne corps, il taut s assurerque

la figure de Flavius Clemens proselyte a ete assez opulaire dans

les milieux juifs pour pouvoir etre appelee a un destin litteraire.

Or, il est bien possible qu il en ait ete ainsi. II existe en effet dans

la litterature talmudique un personnage, celui de Keti a bar

Shalom, que les exegetes du siecle dernier n ont pas hesite a

identifier a Flavius Clemens35.Celie identification n est plus

guere reprise de nos jours, sans doute faute de preuves suffi-

santes,mais elle offre un interet nouveau si elle est mise en rela-

tion avec Ie personnagede Clement.

Clement et ses deux freres »). W. Bousset>C. Schmidt et H. J. Schoeps

(op. cit., p. 42-43) situent la composition de cet ouvrage vers l an 100 de

notre ere, soit ires peu de temps apres l execution de Flavius Clemens.

O. Cullmann souligne a parente qui unit Flavius Clemens et Ie protago-

niste de l Apologie juive : « apologie juive connait line histoire ana-

logue sur la jeunessede l interlocuteur des trois philosophes.Nous pou-

vans donc admettre que c est de la que noire auteur a tire les details sur

l origine noble de Clement et sa passionde la philosophie» (op. cit., p.

132) « a parente de Clement avec a Camille mperiale parait avoir ete

soutenue pour la premiere fois par l auteur de l Ecrit primitif, ellelui a

peut-etre ete suggeree par l identification entre Ie philosophe juif de

l Apologie et Clement, et aussi par un rapprochement entre l eveque

Clement et Ie consul chretien Flavius Clemens, cousin de Domitien»

(p. 134).

35. Par exemple J. DERENBOURG,ssai sur l histoire et a geographie de

la Palestine, . 1, Paris, 1867,p. 334-340 a qui j ai emprunte la plupart

de mes references au Talmud); H. VOGELSTEINP. RIEGER,Geschichte

der Juden in Rom, Berlin, 1896,p. 74, note 2; et, plus recemment, R.

NEHER-BERNHEIM,e judaisme dans Ie monde romain, Paris, 1959,p.

119-120 (3 qui je suis directement redevable de l identification de

Flavius Clemens avec Keti a bar Shalom). Cette identification n est pas

reprise dans es editions modemes du Talmud (par ex. celles citees 3 la

note suivante), ni chez H. J. LEON, The Jews of Ancient Rome,

Philadelphie, 1960, ni dans l Encyclopedia ludaica de Jerusalem,1971

(art. «Flavius Clemens»; mais ct. s. v. « Keti a bar Shalom »)

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76

B. POUDERON

Le personnagede Keti'a bar Shalom apparait dans Ie Talmud

a propos d'une dispute entre Rabbi Haninah et l'empereur

Antonin, fils d' Asverus (vraisemblablement Caracalla)36.Keti'a

bar Shalom est alors evoque en ces ermes :

En verite, c'est ce qui a ete enseigne : ses lois, mais non

tOllSses rois ; tOllSsesprinces, mais non tOllSses officiers ; ses

lois, mais non tollS ses lois, a l'exclusion d' Antonin Ie fils

d' Asverus ; tOllSsesprinces, mais non tOllSsesofficiers, a l'ex-

clusion de Keti'a bar Shalom.

Que rapporte-t-on a propos de Keti'a bar Shalom? -Il

etait line fois un Cesar qui haissait es Juifs. Un jour il dit aux

grands de son Empire: Si un homme souffle d'un ulcere au

pied, doit-ille couper et vivIe (sans souffrance) ? au doit-ille

garder et avoir mal? lis lui repondirent : li doit Ie couper et

vivIe (sans souffrance) Alors Keti'a bar Shalom prit la paro-

le : D'abord, tu ne pourras lien contre eux tollS, car il est

ecrit : Ie vous ai dispersescomme les quatre vents des cieux

(Zach 2, 10). Que signifie ce verset ? Signifie-t-il qu'(Israel)

doit etre disperse aux quatre coins des cieux ? En ce cas, au

lieu qu'il soit ecrit : comme les quatre vents, l aurait ete ecrit :

aux quatre vents. Voici Ie seul sellSpossible: de meme que Ie

monde ne peut pas exister sans es vents, de meme Ie monde

ne peut pas exister sans Israel. Et qui plus est, votre Empire

sera appele l' Ampute. L'empereur lui repondit : Tu as tIeS

bien parle; cependant, celui qui tient tete au roi doit etre jete

dans a foumaise. Comme on l'emmenait, line matrone romai-

ne lui lan~a : Malheur au navire qui quitte Ie port sans avoir

paye l'octroi Aussitot il pratiqua sur lui sa propre circonci-

sion, puis s'ecria: J'ai paye l'octroi, je peux entrer au

paradis Comme il etait jete dans la foumaise, il dit : Tous

mes biens doivent revenir a R. Akiba et a ses amis. Ces

paroles, Rabbi Akiba les interpreta d'apres Ie verset suivant :

Ce sera a part d'Aaron et de ses enfants (Ex 29, 28) -ce qui

signifie qu'une moitie sera pour Aaron, l'autre moitie pour ses

fils. Alors line voix celeste se fit entendre: Keti'a bar Shalom

est assure de la vie eternelle dans Ie monde Ii venir: La-dessus,

36. Asverus est probablement l'empereur Severe, auquel cas Antonin

est Caracalla (Marcus Aurelius Antoninus Bassianus), e fils de Septime

Severe. D'autres passages du meme traite paTIent d' Asverus fils

d' Antonin (par ex. 10 a) ; on peut alors penser a Marc-Aurele (Annius

Verus), ils adoptif d' Antonin Ie Pieux, ou a Alexandre Severe, e fils de

Caracalla (Antoninus), ou a d'autres encore. Voir par ex. A. MISCHON,

The Babylonian Talmud, . 21, p. 19, note c 3. 11est evident qu'il yeut

fusion (ou confusion) de plusieurs empereurs en un meme personnage.

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77LAVIUS CLEMENS ET LE PROTO-CLEMENT JUIF

Rabbi pleura et dit : Tel gagne son saInt en une heure, tel

autre apresplusieurs nnees37.

Comment est-il posssible d'identifier Ie grand personnage

doni il est question? Par la mention du don fait a R. Akiba et a

ses amis38.Si cette expressiondesigne eg quatre TannaYtes, lors

l'execution de Keti'a est necessairementsimultanee ou poste-

rieure au voyage des quatre TannaYtesa Rome. Ce voyage est

souvent mentionne dans Ie Talmud -sans que toutefois il y ait

accord sur l'identite des participants, ni meme sur sa date39.

37. Talmud de Babylone, Aboda Zara 10 b, traduit d'apres les versions

allemande (Der babylonische Talmud, ed. L. GOLDSCHMIDT, erlin,

1967, t. 9, p. 465-466) et anglaise (The Babylonian Talmud, trad. A.

MISCHON, ondres, 1988, ol. 21, p. 20).

38. Elle est reprise dans Talmud de Babylone, Nedarim 50 a-b : «R.

Akiba devint riche a la suite de six incidents (...) Sixiemement : de

Keti'a bar Shalom» (Seder Nashim, vol. 3, Nedarim, ed. anglaise de I.

Epstein, Londres, 1936). Voir la note 4 de la p. 157 «Keti'a b. Shalom

was condemned to death by a Roman emperor -probably Hadrian (?)

-for giving counsel against he emperor and in favour of the Jews. He

made R. Akiba his heir. Aboda Zara 10 b. »

39. Les savantsde la fin du siecle demier et du debut de ce siecle n'hesi-

taient guere a sillier Ie voyage des quatre Tanna ites Rome en 95, c'est-

a-dire ala veille de l'execution de Flavius Clemens: voir M. RAPpoPORT,

Litteraturblatt des Orients I, p. 194 sq. (qui rapproche Ie voyage des

TannaYtes Rome du passage e la comete de Halley « dans es demieres

anneesdu regne de Domitien», d'apres Horaiot 10 a); J. DERENBOURG,

op. cit., p. 336-340; H. VOGELSTEINt P. RIEGER,Geschichte erJuden n

Rom, Berlin, 1896,p. 28-29; E. N. ADLER, art. «Akiba hen Joseph»,

Encyclopaedia of Religion and Ethics, 1908 (repr. 1971),vol. 1, p. 274

«He went to Rome in the automn of 95 as one of an ambassyo dissuade

Domitian from a cruel edict, only stopped by the emperor's death. His

companions were Gamaliel, Eliezer hen Asaria, and Joshua (Erubin 84

and Sukka 23). ...At Rome he was n favour at the court of the Emperor

Nerva, where Flavius Clemens (sic) and Flavia Domitilla and Akylas ...

became proselytes.» Les contemporains soot beaucoup plus prudents.

Certes, N. OSWALD ccepte de situer Ie voyage des quatre TannaYtes

durant Ie regne de Domitien (art. «Gamlielll », TRE, vol. 12, Berlin -

New-York, 1984) «Mehrfach wird in rabbinischenQuellen von (mindes-

tens) eiDer Romreise des Gamlieill. berichtet, wobei ihn hauptsachlich

R. Josua b. Chananja, R. Eleasar b. Asarja und R. Akiba begleiteten

(Siillev § 43; bMak Ende u. 0.). Nach DevR 2, 24 solI es ihm dabei

gelungen sein, einem drohenden Planzu weltweiter Judenverfolgung

erfolgreich zu begegnen.Die fur eine solche Reisetatigkeit nfrage kom-

mende Regierungszeit des Domitian liefert dafur allerdings keinen

Anhaltspunkt, wenngleich dieser romische Kaiser dem Judentum zuge-

neigte Mitglieder seiner Familie hinrichten lieB. » En revanche,de nom-

breux autres refusentde dater Ie voyageavec precision, ou meme de faire

figurer R. Akiba parmi les participants; pour DOllS n tenir aux articles

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78

B. POUDERON

Un midrash rapporte Ie meme evenement sous une forme un

peu differente et Ie situe sansambigulte au COUTSu voyage des

Tannaltes a Rome:

Nos maitres R. Eliezer, R. Josue et R. Gamaliel etaient a

Rome lorsque Ie senat de l'empereur decreta qu'au bout de

trente jours, il n'y aurait plus de Juifs dans Ie monde. Mais un

des senateursde l'empereur, un homme pieux, viol aupres de

R. Gamaliel et lui revela la decision, qui affecta douloureuse-

ment nos maitres ; toutefois, cet homme pieux leur dit de se

calmer, car dans les trente jours, Ie Dieu des Juifs viendrait

certainement a leur secours. Apres vingt-cinq jours, Ie sena-

leur en parla a sa femme. Voici deja vingt-cinq jours de passes,

dit-elle. -II en Testeencore cinq, fut la reponse. Plus pieuse

encore que son maTi,elle reprit : N'as-tu pas une bague (pour-

vue de poison) ? Suce-la et meurs : les assembleesdu Senat

seront suspenduespendant trente jours, et Ie decret ne sera

pas applique. Le senateur l'ecouta, su~a (Ie poison de) la

bague et mourut. Quand les Rabbis apprirent la nouvelle, ils

allerent trouver son epouse pour lui faire leurs condoleances.

Puis ils lui dirent : Malheur au bateau qui. quitte Ie port sans

avoir pare l'octroi Elle se precipita alors dans a chambre de

son maTi et en sortit avec une boite dans laquelle elle avail

place Ie prepuce encore sanglant. Les Rabbis appliquerent

alors a son epoux Ie verset suivant : Les princes des peuples

s'unissent,c'est e peuple du Dieu d'Abraham,. aDieu sont les

pavois de a terre, l est exalteau plus haufo

Malgre la forme differente prise par ce second recit, qui parle

de sacrifice volontaire et non d'execution, il semble evident qu'il

rend compte du meme evenementque Ie premier. Toutefois, sur

certains points, il est plus precis: d'une part, l'affaire est situee

lors du voyage des Tannaltes a Rome et a la veille d'un intense

mouvement de persecution; d'autre part, la matrone romaine

est clairement designeecomme etant la femme du senateur. Or,

de diversesencyclc;>pediesecentes, . NEUSNER,rt. «Akiba ben Josef »,

TRE, vol. 2, p. 146-147,ne mentionne pas Ie voyage d'Akiba a Rome,

non plus que G. G. PORTON,rt. «Aqiva' ben Josef», The Encyclopedia

of Religion, . 1, 1987,ou que Particle anomyme «Aqiva ben Yosef» du

Dictionnaire encyclopediquedu juda~me de G. WIGODERadapt. froA.

GOLDBERG,aris,1993).

40. Midrash rabba II, Vaetchanan24, d'apres Pedition de H. FREEDMAN

et M. SIMON, ol. II, Deuteronomy, trad. J. RABBINOWITZ, ondres,

1939 (19613), . 51-52. Vne note precise: «The Romans had a rule that

if the Senate made a decree and before it was carried into effect one of

the senators died, the decree was annulled. »

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79

LAVIUS CLEMENS ET LE PROTO-CLEMENT JUIF

si R. Akiba n est pas mentionne dans ce midrash parmi les rab-

bis, sa presence est mentionnee dans d autres sources, par

exemple dans Makkot 24 a41.Si donc Ie voyage des Tannaites

s est bien deroule sons Domitien, comme l affirment un certain

nombre d historiens, nons disposerions d un faisceau d indices

permettant d identifier Ie noble romain jete dans la fournaise

(Aboda lara) ou Ie senateur qui offre sa vie (Midrash rabba)

avec Flavius Clemens, Ie neveu de Domitien. Ainsi serait prou-

vee la popularite du personnage, qui aurait bien pu en effet

devenir une figure litteraire.

Cette etude, bien sur, ne prouve pas que Keti a bar Shalom

s identifie a Flavius Clemens, ni meme que Ie ou les proto-

Clement juifs que nons avons distingues ont ete inspires par Ie

personnage de Flavius Clemens; mais elle rend quasiment cer-

taine la these que Ie Clement du roman pseudo-clementin avail

un ou plusieurs prototypes dans a litterature juive hellenistique.

Or, il est possible que ce ou ces «proto-Clement juifs» aient ete

inspires par la figure de Flavius Clemens -alias Keti a bar

Shalom. Cette hypothese est en tout cas a seule qui permette de

TeDdIecompte de la fusion de differents personnages,pour par-

tie historiques, pour partie litteraires, dans la personne de

Clement, eveque de Rome et compagnon de Pierre dans Ie

roman pseudo-clementin.

4L Talmud de Babylone,SederNezikin (ed. I. EpSTEIN, ondres, 19351),

vol. 4, p. 174: Makkot 24 a-b : «Long ago, as Rabban Gamaliel, R.

Eleazar b. Azariah, R. Joshua and R. Akiba were walking on the road,

they heard the noise of the crowds at Rome (on travelling) from

Puteoli4 », et la note 4 : «A great sea-port in Italy. (This was on the

occasion of their journey to Rome in the year 95 C. E.»> Comparer

avec Talmud de Jerusalem,Sanh. 7, 19 (11), 25 d 33-53 : voyage de R.

Eleazar, R. Josue et R. Gamaliel a Rome, sans mention de lapresence

de R. Akiba. .

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Flavio G. NUVOLONE

Universitede Fribourg

APOCALYPSE D ESD RAS

GRECQUE ET LA TINE,

RAPPORTS ET RHETORIQUEl

Ezra, the prophet, traveller in Tartarusand guest n Heaven,beseeches

mercy or the sinners,disputes with God, haggles his death over. This is

the content of some strange and misused texts (Greek Apocalypses of

Ezra and of Sedrach, Latin Vision of Ezra). We give here a review of

research,we introduce a key or understanding these exts and propose

solutions on particular problems in the context ofa global view.

Esdras, e prophete, voyageuraux Tartareset invite aux Cieux, mplo-

re misericordepour les pecheurs,dispute avec Dieu, marchande sa mort.

Tel est e contenu de plusieurs textes curieux, multiformes et maltraites

(les Apocalypses grecques d Esdras et de Sedrach, la Vision d Esdras

latine). Cetteetude dresseun etat de la recherche,exposeune clef de lec-

ture et propose des solutions ponctuelles dans le cadre d une vue d en-

semble.

Sous ce titre un peu provocateur, notre but est d introduire -

d une taCsOnncore sommaire -quelques pistes de lecture « croi-

see» de trois textes traditionnellement intitules Apocalypsis

Esdrae (BHG 603, CANT 340), Apocalypsis Sedrach (BHG

1621, CANT 342) et Visio Esdrae (CANT 341). Le lecteur

s apercevra d un changement de perspective relativement

1. Mes remerciements a tous leg amis qui m ont encouragea poursuivre

Ie travail de recherche apres Ie grave accident de sante que j ai connu et

malgre tine situation fortement compromise, ainsi qu a ceux qui m ont

aide a des moments et des titres differents dans des contextes explicite-

ment «esdriens ». Parmi ces demiers, Y. Bourquin, G. De Spirito, A.

Desreumaux, F. Dolbeau, D. Ellul-Durand, A. Frey, F. Morard, E.

Norelli, F. Gbrist, S. Perentidis, J.-C. Picard, P. Piovanelli, G. Poupon,

M. Stone, S. Voicu, et en generalles membres des equipes parisienne et

romande de l AELAC. A J.-D. Kaestli ma reconnaissanceparticuliere

pour son soutien fidele et genereux.

7, 1996,p. 81-108

Page 82: Apocrypha 7, 1996

8/20/2019 Apocrypha 7, 1996

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82 F. G. NUVOLONE

important par *apport a la manierehabituelle d envisager es

ecritset eurs ~lations2.

1. La situationdesecrits.

Nous rappellerons d abord quelques jalons de la recherche

relative a nos textes, puis nous donnerons des indications som-

maires sur leur transmission manuscrite et sur leur etat textuel.

Cela nous amenera a isoler deux hypothesesmajeures -Ie carac-

teTe acephale de la Visio latine et Ie caractere morcele du texte

grec de l Ap. Esdrae -que nous verifierons a partir de la recen-

sion latine longue.

1.1. La recherche.

I

Dans une re~nte publication de Herbert Vorgrimler3, on peut

lire quelques remarques sur l Apocalypse d Esdras grecque et la

Visio latine. La premiere est qualifiee de mixture textuelle d ele-

ments uifs et chretiens ; sa composante uive serait a placer pro-

bablement au lie siecle, tandis que la reelaboration chretienne

daterait du ve siecle. Notre auteur, qui semble confondre cette

reelaboration et la piece latine, releve par ailleurs l absence de

toute discussio~avec Dieu dans l ecrit chretien.

II est regrett~ble que Vorgrimler non seulement soil peu clair,

mais surtout qu il ignore la publication en 1984 du texte latin

long, par les soins de Pierre-Maurice Bogaert; en eifel, ce texte

atteste pour la Ipremiere fois en latin la scene de la discussion

d Esdras avec )ieu.

2. Nous renvoyons Ie lecteur aux editions leg plus recentes : O. WAHL,

Apocalypsis Esdrae, Apocalypsis Sedrach, Visio Esdrae (Pseudepi-

grapha Veteris Testamenti graece 4), Leiden, 1977 notamment p. 25-

33, Ap. Esdrae; p. 37-46, Ap Sedrach p. 49-61, Visio Esdrae.De ce der-

nier texte, Wahl a edite deux recensions, moyenne et courte. On

trouvera une troisieme recension, breuissima, ans G. MERCATI,Note di

Letteratura Biblica e Cristiana Antica (Studi e Testi 5), Roma, 1901,p.

70-73, et une quatrieme recension, ongue, dans P.-M. BOGAERT, Une

version longue inedite de la Visio Beati Esdrae dans Ie Legendier de

Teano (Barberini Lat. 2318) », Revue Benedictine 94 (1984), p. 59-64.

Lorsque nous citons leg recensions atines, nous utilisons leg sigles sui-

vants: Visio B, pour la recension longue du manuscrit Barberinus ;

Visio L, pour la recension moyenne du manuscrit de Linz; Visio Cet.,

pour la recension courte, conservee dans «les autres manuscrits »,

temoins d un legendier autrichien; enfin Visio V, pour la recension

breuissima, onn~e grace a un manuscrit du fonds latin du Vatican.

3. Geschichteder Holle, Mtinchen, 1993,p. 113-114.

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83

POCALYPSE D'ESDRAS GRECQUE ET LATINE

,.

Alors que son but etait de dresser une vaste synthese sur I'en-

fer, Vorgrimler a traite hativement les ecrits qui nous interes-

sent. Pourtant, leur etude n'a cesse de progresser depuis mainte-

nant deux siecles, tant dans Ie domaine des editions que dans

celui des traductions ou des analyses.

Dans un premier temps, la recherche s'etait limitee a quelques

discussions sur la nature du texte manuscrit ; I'interet etait focalise

sur Ie IVe livre d'Esdras, et les autres ecrits attribues a Esdras n'in-

tervenaient que pour illustrer I'influence de ce dernier -comme

cela sera encore Ie cas, a une date plus recente, dans les ouvrages

de James-Bensly et de Violet. Les choses serieuses ont commence

avec C. Tischendorl; en 1851, il n'a pas eu de peine a montrer I'in-

teret du texte de l'Apocalypse grecque d'Esdras, dans sa recension

d'un ouvrage de F. Liicke4; en 1866, il en a fourni I'edition dans Ie

recueil des Apocalypses Apocryphae-'. Mais il faudra attendre plus

de cent ans (1977) pour que de nouvelles editions de ce texte

voient Ie jour, par les soins d'Otto Wahl6 et par ceux de D. EUul-

Durand, dans une these achevee la meme annee7.

Quelques annees apres l'Apocalypse grecque d'Esdras8, en

1871, on a vu paraitre, en appendice a une longue etude sur la

Vision de Tondale, I'editio princeps de la Visio Esdrae latine, sur

la base d'un manuscrit du monastere de Heiligenkr~uz9. Celie

-

4. Versuch einer vollstiindigen Einl(itung in die Offenbarung des

Johannes und die apokalyptische Litter~ iiberhaupt, Bonn, 18482; a

recension de C. TISCHENDORF paru dans Theologische Studien und

Kritiken 24 (1851),p. 419-456.

5. ApocalypsesApocryphae Mosis, Esdrae,Pauli, Iohannis,"item Mariae

dormitio, additis Evangeliorum et actuum Apocryphoruf1l supplementis,

Leipzig, 1866 (reimpression Hildesheim 1966) ; Prolegomena p. XII-

XIV; Apocalypsis Esdraep. 24-33.

6. cr. note 2.

7. L'Apocalypse grecque d'Esdras, Thesepreparee sous la direction de

Francis Schmidt, Ecole Pratique des Hautes Etudes, ve section, Paris,

1977; Ap. Esdrae, exte grec p. 13-39, rad. p. 40-54 Ap. Sedrach, exte

grec p. 304-325, rad. p. 326-338; Visio Esdrae, at. aUKp. 289-297, rad.

aUKp. 298-303. Madame Ellul s'est basee sur deux manuscrits pour

l'edition de l'Ap. Esdrae,contre un seul chez Tischendorf; pour l'Ap.

Sedrach elle a edite completement Ie ms. d'Oxford, dont James avait

omis la premiere partie (homelie d'Ephrem), et a egalement collation-

De, pour cette premiere partie, un manuscrit d' Athenes ; pour la Visio

Esdrae,elle n'a repris que Ie seul temoin de Mercati.

8. Cet ordre de parution ne sera pas sans consequences; l influencera

la chronologie erudite, qui Ie conservera.

9. Adolfo MUSSAFIA, «Sulla visione di Tundalo, appunti », in

Sitzungsberichteder Philosophisch-Historischen Classeder Kaiserlichen

Akademie der Wissenschaften 7 (1871), p. 157-206; Appendice p. 202-

206, avec transcription du manuscrit Heiligenkreuz in 11, f. 272v-273,

due au bibliothecaire G. A. Neumann.

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84 F. G. NUVOLONE

publication, qui est restee ignoree, sera suivie, en 1901, d'une

nouvelle edition diplomatique par leg goingde G. Mercati1°, ra-

vail fort intelligent qui exercera son influence jusque dans leg

annees quatre-vingt. L'ouvrage d'G. Wahl (1977) fera alors

connaitre deux recensions de la Visio latinell et provoquera,

sans e vouloir, la parution d'un inedit de grande importance: la

recension ongue12.

Une vingtaine d'annees apres a premiere edition de la Visio,

l'eminent apocryphologue M. R. James publie l'editio princeps

du troisieme texte qui nous interesse, 'Apocalypse de Sedrach13.

En 1892,Jamesavait deja releve leg parentes entre l'Ap. Esdrae

et Ie Testament 'Abraham, et en 1895, l va revenir sur leg liens

thematiques avec Ie corpus d'Esdras, dans l'introduction a son

edition de W Esdras14.

La voie a ete ainsi progressivementouverte a la traduction des

textes en langues modernes et a diverges etudes, de valeur fort

inegale.

En allemand, il y a eu d'abord leg traductions de Paul RieGler

en 192815,uis, 50 ans plus lard, celIe de Ulrich B. Miiller6. Les

i

i

10. Ct. note 2. J

11. Ct. note 2. Lune des deux recensions est editee sur la base d'un

unique temoin, le,ms. de Linz (Visio L), alors que l'autre est representee

par les deux man~scrits deja edites par Mussafia et Mercati. Une annee

plus lard, Wahl a complete l'apparat en publiant une simple collation

d'autres temoins du texte court (Visio Cet) «Vier neue Textzeugender

'Visio beati Esdrae' », n Salesianum40 (1978),p. 583-589.

12. Ct. note 2. P.-M. Bogaert assortit son edition d'un Lexique des prin-

cipales occurrences dans les trois recensions atines, qui est Ie pendant

de ce qui existait pour les textes grecs d. W. GOMBOCZ,Apocalypsis

Esdrae », in Chr. A. WAHL, Clauis Librorum Veteris Testamenti,

Apocryphorum philologica, lndicem verborum in libri pseudepigraphis

usurpatorum adiecit JohannesBaptista BAUER,Leipzig, 1853 reimpres-

sion : Graz, 1972),p. 799-814et M. KERTSCH,pocalypsis Sedrach,aux

p. 815-828 y rajouter les corrections de O. WAHL, op. fit. [note 2], p. 35

et 47-48).

13. Montague Rhodes JAMES,«On the Apocalypse of Sedrach », in

Apocrypha Anecdota, a Collection of Thirteen Apocryphal Books and

FragmentsNow First Edited rom Manuscripts (Texts and Studies II, 2),

Cambridge, 1893,p.127-137 (introd. p. 127-129; exte p.130-137).

14. Ct. respectivement The Testament f Abraham (Texts and Studies II,

2), Cambridge, 1892 (reimpression : Nendeln 1967), p. 64.68 et The

Fourth Book of Ezra (Texts and Studies III, 2), Cambridge, 1895, p.

LXXXVI-LXXXIX.

15. P. RIESSLER,ltjiidisches Schrifttum auj3erhalbder Bibel, Freiburg -

Heidelberg, 1928, reimpression : Heidelberg, 1966) «Apokalypse des

Esdras »; « Apocalypse des Sedrach»; «Gesicht des Esdras»;

« Erlauterungen », p. 126-137.156-167.350-354.1273-1274.1291.

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85

POCALYPSE D ESDRAS GRECQUE ET LAllNE

traductions anglaisesont ete Ie fait d A. Walker en 187017 t plus

recemment des collaborateurs de l ouvrage collectif dirige par J.

H. Charlesworth en 198318 t de H. F. D. Sparks en 198419. n

fran~ais, eg textes sont traduits dans la these de Mme D. Ellul-

Durand2°-,One traduction espagnoleest annonceedepuis un cer-

tain temps deja21.

Au chapitre des etudes, si l on met a part leg ntroductions des

travaux que nous venons de citer et quelques courtes mentions,

il faut attendre la publication en 1970 du repertoire-manuel des

pseudepigraphesde l Ancien Testament par Ie PeTeDenis pour

avoir un premier regard d ensemble sur la litterature attribuee a

Esdras22.

En 1973 et 1976, Peter Dinzelbacher a etudie Ie theme des

ponts de l au-dela au moyen age, en particulier dans la Visio

Esdrae, ce qui lui a fait decouvrir leg parentes saisissantes ntre

cet ecrit et la Visio Alberici du Mont-Cassin, du debut du Xile

16. U. B. MOLLER, Die griechischeEsra-Apocalypse », n Apocalypsen

(Jtidische Schriften aus hellenistisch-romischerZeit 5), Gtitersloh, 1976,

p. 85-102; Ie traducteur a mis a profit les collations et conjectures que

lui avait communiqueesO. WaW.

17. A. WALKER,Apocryphal Gospels, Acts, and Revelations (Ante-

Nicene Christian Library 16), Edimburgh, 1870,p. 468-476, vec version

anglaisede l Ap. Esdrae.

18. Michael E. STONE, Greek Apocalypse of Ezra (Second to Ninth

Century A.D.). A New Translation and Introduction », in The Old

TestamentPseudepigrapha , London, 1983,p. 561-579;J. R. MUELLER

-G. A. ROBBINS,« ision of Ezra (Fourth to Seventh Century A.D.), A

New Translation and Introduction », ibid., p. 581-590; S. AGOURIDES,

«Apocalypse of Sedrach (Second to Fifth Century A.D.), A New

Translation and Introduction », ibid., p. 605-613.

19. «The Apocalypse of Esdras » ; «The Vision of Esdras» ; «The

Apocalypse of Sedrach », in The Apocryphal Old Testament,Oxford,

1984,p. 927-941,943-951, 53-966.

20. Cf. note 7. Une nouvelle traduction annotee des trois pieces est pre-

vue pour Ie premier volume des «Ecrits apocryphes chretiens» dans a

collection« Pleiade », par les soins de D. Ellul et F. G. Nuvolone.

21. Cf. A. DIEZ MACHO,«Apocalipsis de Esdras (griego), Apocalipsis

de Sedrach, Vision de Esdras », in Introduccion general a los Apocrifos

del Antigno Testamento,Madrid, 1984, p. 281-283; Ie ve tome de la

serie (1987), dernier paru, signalait Ie deces du Directeur.

22. Cf. A.-M. DENIS, «L Apocalypse grecque d Esdras» ;

«L Apocalypse de Sedrach» «Les Fragments grecs de l Apocalypse 4

Esdras », in Introduction aux Pseudepigraphes recs d Ancien Testament

(Studia in Veteris Testamenti Pseudepigrapha 1), Leiden, 1970,p. 91-

99.194-200.On rapprochera de cette publication la plus recente Clavis

Apocryphorum Novi Testamenti, cura et studio Mauritii GEERARD

(Corpus Christianorum), Turnhout, 1992,p. 214-215 nOs 40-342).

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86 F. G. NUVOLONE

siecle ; il a repris sesconclusionsdans une anthologie et une syn-

these publiee en 198923.

La these de Madame Danielle Ellul-Durand (1977) comporte

pour la premiere fois une analyse poussee de l Apocalypse

d Esdras 24. On peut affirmer la meme chose -mais de fa~on

plus nuancee -de la presentation des textes figurant dans Ie

recueil de Charlesworth.

Les etudes de Robert Kraft (1979), Michael Stone (1982) et

Glickler Chazon (1986) offrent des analysesd une valeur sure, a

partir de perspectivesvariees. La premiere porte un regard d en-

semble sur les documents relatifs a Esdras, la deuxieme etudie

l evolution de la figure du prophete, et la troisieme s interessea

un motif particulier, celui du fetus de mourir, de MoIse a

Sedrach, en passantpar Abraham et Esdras25.

II est egalement question des Apocalypsesou de la Visio dans

les publications de Luigi Moraldi (qui s exprime dans des ermes

ires proches de ceux qu utilisera Vorgrimler en 1993), Stavros

Perentidis (1985), Jerome Baschet (1993) et Claude Carozzi

(1994 26.

23. Ct. Die Jenseitsbriicke m Mittelalter, Wien, 1973,p. 27-36; «Die

Vision Alberichs und die Esdras-Apokryphe », in Studien und

Mitteilungen zur Geschichtedes Benediktiner-Ordens87 (1976), p. 435-

442; Mittelalterliche Visionsliteratur: Eine Anthologie, Darmstadt, 1989,

p. 76-81.

24. Ct. op. cit. (note 7), p. 55-288.

25. Ct. Robert A. KRAFT, « Ezra Materials in Judaism and

Christianity», in Aufstieg und Niedergang der romischen Welt II,

Principat 19, 1, Berlin, 1979, p. 119-136; Michael E. STONE, The

Metamorphosis df Ezra: Jewish Apocalypse and Medieval Vision », in

Journal of Theological Studies N. S. 33 (1982), p. 1-18 (voir spec. p.

17s); E. GlicklerCHAzoN, «Moses Struggle for his Soul: A Prototype

for the Testament f Abraham, the Greek Apocalypse of Ezra, and the

Apocalypse of Sedrach», in The Second Century 5 (1985/1986),p. 151-

164.

26. Ct. Luigi MORALDI,L aldila dell uomo nella civilta babilonese,egi-

zia, greca, latina, ebraica, cristiana e musulmana con il testo

dell Apocalisse di Paolo, Milano 1985,p. 162-165; (trad. allemande:

Nach dem Tode. Jenseitsvorstellungen von den Babyloniern his zum

Christentum, Zurich, 1987); Stavros PERENTIDIS, La jonction de

l Apocalypse de Sedrach avec I Homelie sur l amour d Ephrem », in

Journal of Theological Studies N. S. 36 (1985), p. 393-396; Jerome

BASCHET, es justices de l Au-dela. Les representations de l enfer en

France et en Italie (XIIe-xve siecle) Bibliotheque des Ecoles Fran~aises

d Athenes et de Rome 279), Rome, Ecole Fran~aisede Rome, 1993,p.

104-105; Claude CAROZZI, e voyagede l dme dans au-dela d apres la

litterature latine i(ve-XIIIe siecle) (Collection de l Ecole Fran~aise de

Rome 189), Rome, 1994,p. 610.

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87

POCALYPSE D ESDRAS GRECQUE ET LATINE

Manuscrits.

Cet aper<;u sur l etat de la recherche evoque l image d un

chantier encore ouvert. Si I on considere maintenant la base

manuscrite des ecrits qui nous interessent et leur etat de conser-

vation, la situation n est pas tIes encourageante. Pour les deux

textes grecs et Ie texte latin long, les manuscrits sont fort tardifs

(xye et XYIe s.) ; pour les autres recensions atines, les temoins

les plus anciens sont medievaux (entre Ie xe et Ie Xye s.); les

formes textuelles conserveessont fragmentaires, transmisessans

grand soin, corrigees ou refondues. Cet etat de chosesexige que

l on examine l ensemble du dossier avec attention, tant du point

de vue textuel que du point de vue redactionnel.

II est necessairede faire quelques reflexions sur l etat de nos

textes, en lien direct avec certaines des recherches anterieures.

Textemorcele / texteacephale..deux remarquesa exploite7:

Dans son analyse de l Apocalypse grecque d Esdras, Danielle

Ellul-Durand releve qu elle n a pas pu deceler un plan logique,

mais plutot «une succession e fragments dont les themes s en-

trecoupent et s entremelent, ce qui met en relief l une des carac-

teristiques majeures de ce texte qui est e morcellement »27.

D autre part, Ie premier editeur de la Visio latine, Adolfo

Mussafia (1871), confronte a un texte dont Ie debut etait pour-

taut deja retouche, faisait la remarque suivante : «la composi-

tion semble etre acephale28 .

Ce soot la deux observations nteressantes,qui semblent rou-

vel aujourd hui confirmation grace a l analyse du texte latin

long, transmis par Ie manuscrit Barberini et publie par Ie PeTe

Bogaert.

Latin acephale?

De fait, Ie debut du texte latin dans la Visio L (le~on proche

dans la Visio B) a la teneur suivante : «Apres qu Esdras eut

adressesa priere au Seigneur, l dit : ». Cette allusion a une prie-

re d Esdras laisse supposer qu une portion du texte qui prece-

dait a ete omise; or l Apocalypse grecque d Esdras nous a

conserve es preliminaires de la vision d Esdras et de sa discus-

sion avec Dieu. Ces preliminaires soot racontes par Ie prophete

lui-meme a la premiere personne, et ils rattachent Ie fecit a une

27. Gp. fit. (note 7), p. 208.

28. Gp. fit. (note 8), p. 202.

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88

F.G. NUVOLONE

chronologie et a des symboles qui font d Esdras un nouveau

Moise; la vision prend place Ie jour de la fete des Semaines,ou

Ie jour du renolllvellementde l alliance, et est datee de la trentie-

me annee, comtne au debut de W Esdras (III, 1 de la numerota-

tion actuelle), dans un passagequi inaugure la lamentation du

prophete a propos de la situation des Juifs. On notera que, dans

la Visio, a lamentation du prophete concerne tous les humains,

ce qui semble etre aussi l idee sous-jacente du grec, bien que

celui-ci parle des « chretiens ».

II est probable que ce cadre introductif a cessed etre compris

et a alors ete ollis. Les referenceschronologiques qu il contient

ne sont certes pas explicitees, mais elles correspondent bien aux

paralleles traces entre Esdras et Moise dans la partie finale de

l Apocalypse et conservesaussidans e texte latin long.

Relevons encore que la Visio Cet a sans doute per~u Ie carac-

teTe equivoque de la phrase initiale ; elle l a remplacee par l ex-

pression « Esdras pria la Seigneur en disant » et a fait disparaitre

du meme coup toute trace de l amputation.

lndice d un textemorcele

« je » / « il »,

Interessons-nous maintenant a la remarque de D. Ellul-

Durand: Ie morcellement topographique, thematique et narratif

de l Apocalypse grecque.

On peut aujourd hui faire Ie constat suivant : l alternance

recurrente en grec entre la premiere et la troisieme personne

dans les references au personnage d Esdras correspond a une

bipartition dans Ie texte latin long; dans les § 1b a 6929,e fecit

est a la premiere personne, du § 70jusqu a la fin (§ 117), il est a

la troisieme petsonne.

La comparaison de ces deux sections du texte latin long avec

l Apocalypse gtecque permet de faire une seconde observation

interessante.Mis a part les passages sseznombreux oil Ie latin -

ou Ie grec -n a pas d equivalent dans autre langue, on constate

dans la plupartdes portions paralleles une bonne correspondan-

ce entre leur aontenu thematique, la localisation des faits et

On remarquera cependant que la limite n est pas parfaitement

nette. Au § 69, ~s recensions atines ne soot plus representeesque par

la seule recension ongue. Les sections qui precedent et qui suivent res-

tent lacuneuses i; de plus, la conclusion des recensions breves a ete

reamenagee enfin, la recension moyenne, representee par Ie manuscrit

de Linz, ne reprend malheureusementpas toujours avec fidelite Ie dis-

COUTS la premi~re personne, alors que la recension breve, qui derive

de Ie recension i1oyenne,simplifie Ie probleme en introduisant partout

la troisieme personne.

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89

POCALYPSE D ESDRAS GRECQUE ET LATINE

I emploi de la premiere ou de la troisieme personne. Les

quelques exceptions a cette regie s expliquent facilement par les

procedes redactionnels caracterisant un ou I autre texte.

En s appuyant sur cet important constat, il est permis de

considerer Ie texte actuel de I Apocalypse grecque comme Ie

resultat d un exercice de rhetorique sacree: Ie redacteur de ce

texte a voulu composer un ouvrage nouveau a partir d elements

plus anciens, qu il a demembres d une fa~on tIes particuliere. II

s agit certes la d une simple hypothese, mais qui n est pas sans

analogie ailleurs. Par exemple, quelle theorie aurait-on elaboree

pour expliquer la genesede I un des textes du Papyrus Bodmer

XXIX publies par Ie professeur Andre Hurst, si la piece avail

ete copiee et diffusee sans I inscription initiate -« Ce que pour-

fait dire Cain apres avoir tue Abel» -qui la caracterise claire-

ment comme un exercice de rhetorique30 ? Pour reconstituer

aujourd hui la genesede telles pieces, nons n avons pas d autre

moyen, a defaut de tout element extrinseque, que la seule analy-

se interne et comparative. Pour cette analyse, tous les indices

sont dignes d attention.

2. Les rapports entre Ie latin et Ie grec.

Les deux points qui viennent d etre releves coincident avec

des hypotheses emises par nos predecesseurs; a pertinence de

leurs remarques est d autant plus frappante qu ils ne disposaient

pas encore des elements que nous fournit aujourd hui Ie texte

latin long. A partir de la, nous aimerions formuler quelques sug-

gestions concernant es relations entre Ie latin et Ie grec. Compte

tenu du procede redactionnel que nous avons decele grace au

texte latin long, comment faut-il interpreter les autres diver-

gences qui caracterisent les rapports entre Ie grec et Ie latin?

Chacune de ces divergences merite d etre soigneusementeva-

luee. Voici, a titre d exemple, l analyse de quelques cas.

30. II Y a quelques temps, nails avons nous-meme reconstitue la genese

d un texte -certes plus tardif et d un tout autre caractere -, qui avail

d abord ete edite camille line oeuvre authentique et ancienne,mais qui

s est avere etre line compilation tardive, grace a l analyse de manuscrits

et de documents d archives qui a permis d en identifier les sources et

meme d en retrouver line etape intermediaire oul assemblage etait

declare et signe. Voir F. G. NUYOLONE, II Compendiolum Jonae, il

Sermo de Charitate Dei ac proximi, il viaggio di Colombano aRoma e

l aggiogamento dell orso », in Archivum Bobiense 4 (1982), p. 91-165.

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90

F.G. NUVOLONE

2.1. Meilleur etat du latin?

Il n'est naturellementpas question d'affirmer que Ie grec deri-

ve du latin, ni que l'etat actuel du latin dans son integralite est

chronologiquement anterieur a l'Apocalypse grecque. Mais la

constatation que nous avons faite a propos du caractere « artifi-

ciel » du texte grec confere un a priori favorable au texte latin, et

nous aide a identifier certains cas oil ce dernier est clairement

meilleur que legrec.

2.1.1. Description de ['Antechrist.

Le texte grec et Ie texte latin long offrent deux descriptions de

l' Antechrist. Or C. Tischendorl avait deja releve, en 1866,que la

description de l'Apocalypse grecque correspond de pres a celIe

qui figure dans a IereApocalypseapocryphe deJean31.

La synopse figurant dans la Table permet de comparer trois

textes : l'Ap. Iohannis I, selon l'edition de C. Tischendorl (1866)

basee sur une dizaine de temoins (quelques le~ons soot sujettes

a discussion,mais sansque nous puissionsnous prononcer ici sur

leur valeur) ; l'Ap. Esdrae, selon l'edition de O. Wahl; la Visio,

texte latin longedite par P.-M. Bogaert.

La maniere clont la description de l' Antechrist vient s'inserer

dans l'Ap. Esdtae temoigne d'un travail redactionnel complexe.

Celie description prend place en effet au COUTSu voyage

d'Esdras dans ~s parties inferieures du Tartare (IV; 4 ss), voyage

qui est ui-me~e composea l'aide de materiaux assezproches de

ceux de la Visio. Apres un episode commun32,'Ap. Esdrae pre-

sente une scene originale : Esdras est conduit «au Nord» et y

voit un homme retenu par des barres de fer -dans cet episode,

Ie visionnaire parle a la premiere personne, comme c'est aussi e

cas dans a partie qui precede dans a Visio. La situation du per-

sonnage semblt deja dependre de l'Ap. Iohannis33, t en meme

temps elle s'accorde, par son caractere pre-eschatologique,avec

la perspective «finale » decrite dans a Visio.

31. Ct. op. cit. (note 5), p. 29. L'eminent erudit a edite Ie texte de la [ere

Apocalypse apocryphe de Jeandans ce me-me olume, aux p. 70-94.

32. Ct. Ap. Esdrae IV; 22-24 et Visio B 19-22.

33. Dans ce sen$, voir aussi la teneur de ce passage dans la version

armenienne (selon la traduction communiquee par Jean-Marc

Rosenstiehllor.s du Colloque sur la litterature apocryphe chretienne de

mars 1995) «Eqoute, juste Jean Apres tout cela apparaitra I'Homme

de l'Iniquite, Ie fils de la Perdition, Ie Negateur, 'Intidele emprisonne

dans es tenebres~qui est appele Antichrist. »

Page 91: Apocrypha 7, 1996

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,

APOCALYPSE D'ESDRAS GRECQUE ET LATINE 91

Table

ApIohannis 6-7 ApEsdrae IV, 25-32 [Wahl] Visio Esdrae B 71.73.75-76

[Tischendorf)

6. Kat lTaALv EIlTov' KiJPlE,

alTO TOTE TL ~EllilS' lTOlEll>

Kat i\Koooa </xI vf)S'XEyolJcrT)S'

~Ol' QKOOOOV, BLKalE

'1I.xivVI]' 25.Kat amlyay6v ~E ElTt

[3oppav,

T6TE </>av1']UETal Kat tBov EKEl Qv6pwlTOV 71. Ante paruum soluitur

b apVl]T1')S' ulB1)po1S' ~oXAolS'

Kat E~oplU~EVQS' v TfI OKoTLlq, KaTEx6~EVOV.

b XEy6~EVOS'aVTLXPlaTOS'Antechristus

cum merore ac temptacione

populi

26. Kat ElTE~TT)Ua'

TLS' EUTlV OOTOS'

Kat EIlTEV ~Ol' et dicet

27. 01rr6S' EaTlV b ).ly(l)v' se predicaTe in nomine meo.

'Eyw Et~l b VlOs- TO\) 6Eo\)

73. ..,De serpente fadt piscem,

Kat TOW >J.80VS'dpTOVS' de petra panem,

lTOlfpaS'

Kat TO f&up OLVOV. de arena aquam...

Kat lTaALV EIlTOV' 28.Kat EtlTEV b lTPO<Pl'jTT)S" 75. Et dixit Exdra :

KilPL C, KUPL C,

a1TOKaA II/I6v J1.DLTOTalT6S' yvwpLu6v J1.°L lTol0V uxil~a. Quam similitudinem

IO'TLv. IO'TLv, habet

ipse Antechristus

Kd'Yw lTapa'Y'YE).ALIJ ut annuntiem

TO 'YEVOS'TWV dv6ptfm(l)V, liIiis hominum ?

7.Kat i\Koooa </>(I)vf)S' Eyou- '(va ~1'llTlUTEUU(I)UlV aUTc'\ .

GT)S' OL' 29. Kat £tlTEv J1.°L' 76. Et dixit Dominus:

TO Cf13os-OU 1TfX)(Jlff1TOUUrou To CT8QS' OU 1TPOUW1TOU Frons illius

«xt>w&S'. al TPLXES'TflS' < alta est multum,

KE</>aAflS' UTO\) Qf.Elal cl)S' caput longum habet,

[3I.A1). Ol IS</>PVES'UTO\) > aliTou supercilia pilosa

£{}O' Ctypou £{}O' Ctypou' habebit in unum,

0 6<f>(JaAJ1.0s0liTou 0 &fLOso 0 0cp8aAJ1.f)5"liTou 0 8IfLOS' oculi eius

£lJSO acm'lp 0 1TplJ)tava- £lJSOcm'lp Tfii 1TplJ)tava- sicut Lucifer,

TE>J.i1JV, TE>J.i1JV,

Kat 0 ET CPOS'IJS'AEOVTOS'. Kat 0 ET CPOS' uciAEVTOS" nasus illius Baratrum erit,

TO 0'T6J1.aaliTou £lJSOTijxvv 30. TO 0'T6J1.a aVTOu 7TijXLS" laber eius desuper

J1.lav, J1.la'

or 686VT CS'aliTou or 686VT CS' aVTOu

U1TL(JaJ1.LaLOL, U1TL(JaJ1.LaLOL' subtilior,

or 8aKTUAOL aliTou £lJSOpt:'- 31. or &IKTUAOL aliTou £lJSO

1Tava, 8pt:'1Tava' genuculum non habebit.

TO lXIIOS' TWV 1To&1V aliTou TO lxvOS' TWV 1To&1V aliTou

U1TL8aJ1.WV00, U1TL8aJ1.WV00'

Kat CiS' TO J1.ETUJ1TOVliTou Kat CiS' TO J1.ETUJ1TOVliTou

ypat/>1'/ avrlXPLO'TOS" ypat/>Jj' aVTlXPLUTOS'.

E'UJS' OU O~vou ~ CTaL 32:'E'UJS'TOU Ovpavou IJI/Il:IO1),

Kat E'UJS'TOU tj8ou KaTa(3Jj- EUJS' Tou(i80u KaTa(3JjU CL.

U CTaL, 33.lloTE ~EV 'YEv1']UETal

lTOlWV tjlEv80</>aVTacrlaS'. lTalBLOV,lTOTE BE YEPWV.

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92

G. NUVOLONE

Apres une premiere explication sur la pretention du person-

nage a etre « Fils de Dieu» (IV; 27), 011on retrouve des parentes

etroites avec a Visio, Ie texte fait brusquement intervenir Esdras

a la troisieme personne : «Et Ie prophete dit» (IV; 28). A cet

endroit, Ap. Esdrae est a nouveau parallele a la Visio, mais dans

sa deuxieme partie, c'est-a-dire dans la discussion du prophete

avec Dieu (Visio B, § 75). Cependant, la description meme de

l'Antechrist est empruntee a l'Ap. de Jean, et la premiere per-

sonne retail son apparition: « Il me dit » (IV, 29-32).

Comme on Ie voit, l'emprunt a l'Apocalypse de Jean permet

de comprendre pourquoi Esdras est mentionne altemativement

a la premiere et a la troisieme personne. De son cOte, e texte

latin offre ici une description aux traits assezoriginaux, qui a

bien des chances d'etre primitive, tant par son contenu que par

la place qu'elle occupe dans Ie fecit.

L'emprunt a l'Ap. Iohannis trouve confirmation dans d'autres

passages.D'une part, l'Ap. Esdrae est seule a mentionner leg

«douze plaies », qui se rencontrent de maniere isolee dans un

manuscrit de cette meme Ap. de Jean34.D'autre part, elle rap-

porte en I, 191a promessede Dieu a Esdras Ie vierge de Ie «gar-

der comme Paul et Jean». Ce demier passage., ui a ete identifie

depuis longtemps comme une addition redactionnelle

chretienne35, evele leg possibles ectures apocalyptiques de l'au-

leur. L'image en question est absente dans Ie texte latin long, qui

formule ainsi la promesse aite a Esdras (§ 88) : «Mais toi, avec

mes prophetes tu auras ete elu », et qui exprime ainsi une pers-

pective clairement prophetique.

Une comparaison du texte grec de l'Apocalypse d'Esdras avec

l'Apocalypse de Paul revele la possibilite d'emprunts analogues.

Nous pensons notamment a la remarque des damnes constatant

qu'ils ont beneficie d'un rafraichissement grace a la seule pre-

sence du juste36.Cette remarque est Ie seul element qui subsiste

dans l' Apocalypse grecque sur Ie theme du «rafraichissement»

ponctuel des reines, bien que Ie texte insiste de maniere repetee

et rhetorique sur la volonte d'Esdras de plaider contre Dieu,

d'entrer en jugement avec lui et de deplorer la naissance de

l'homme. Cet unique element a survecu a une correction syste-

matique et non pas fortuite, qui reflete un souci d'orthodoxie et

qui a influence tOllS eg temoins, sauf Ie texte latin long; l'obten-~

34. Comparer Ap. Esdrae IV, 21 et C. TISCHENDORF,p. cit. (note 5), p.

94.35.

Ct. par ex. P. RIESSLER,p. cit. (note 15), p. 1273; U. B. MULLER,

op. cit. (note 16), p. 88.

36.Ct. Ap. EsdraeV, 10 et Ap. Pauli44.

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93

POCALYPSE D'ESDRAS GRECQUE ET LATINE

tion d'un decret formel de la part de Dieu, proclamant une sus-

pension periodique des peines pour un laps de temps donne, a

ete ressentiecomme genante et a ete eliminee37.

Revenons au remplacement de la description de l' Antechrist

par un exemple «plus noble » emprunte a la tradition apocalyp-

tique -pour un chretien une description garantie par l'autorite

de Jean vaut plus qu'un fecit emanant d'Esdras Cet emprunt a

l'Apocalypse apocryphe de Jean doit nous rendre attentif au fait

que l'Apocalypse grecque d'Esdras a pu etre enrichie par

d'autres insertions ex novo, ou par d'autres substitutions d'ele-

ments -emprunts qui peuvent etre litteraux ou resumes.

2.1.2. Le fetus de remettreson ime

Un autre exemple va dans Ie meme sens: Ie dialogue entre

Esdras et l'envoye -ou les envoyes -venant reclamer son ame.

La synapse figurant dans la Table II porte sur Ie noyau de ce

recit, constitue par Ie dialogue entre Esdras et l'envoye. Ce dia-

logue est mains developpe dans Ie fecit haggadique de la Petirat

Moshe38,qu'on retrouve sous une forme etonnament proche

dans deux petits textes CallOUSrace Ii Weil39et Ii Faltlovitch4°.

Considerons d'abord l'identite des envoyes dans e latin nous

avons affaire Ii Michel, dans l'Ap. Esdrae probablement aux

neuf anges de l'accomplissement, et dans l'Ap. Sedrach au Fils

unique.

Les neuf anges charges de l'accomplissement (ou de la fin)

soot mentionnes en Ap. Esdrae VI, 1, dans un passageou Dieu

adresse i Esdras une sorte d'« objection-revelation », du meme

style que les precedentes eponsesdivines aux divers plaidoyers

37. La presenced'une structuration rhetorique repetitive ne represente

certes pas line nouveaute dans notre piece et pourrait donc etre primiti-

ve; mais elle relit aussi etre Ie fait d'une nouvelle redaction. Qu'on

nous permette de renvoyer ici a un cas que nous avons etudie prece-

demment : il s'agit de la reprise d'une piece patristique tardive, qui a

ete transformee pour l'occasion en un faux. Cf. F. G. NUVOLONE, II

Sermo pastoralis Pseudoambrosiano e il Sermo Girberti philosophi

papae urbis Romae qui cognominatus est Silvester de informatione

Episcoporum », dans Gerberto scienza, storia e mira, Atti del Gerberti

Symposium,Bobbio, 1985,p. 379-565,en particulier p. 438-439.

38. «La Mort de Moise» dans A. MEYER,Legendes uives apocryphes

sur la Vie de Moise, Paris, 1925,p. 93-113,en particulier p.l08-112.

39. G. WElL, Biblical Legends of the Musulmans, Londres, 1846,p. 140-

143.

40. «Recit arabe de la Mort de Moise» dans J. FAITLOVITCH,Mota

Muse (La Mort de Moise), Paris, 1906,p. 31-35.

Page 94: Apocrypha 7, 1996

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F.G. NUVOLONE

d'Esdras (cf. II, 6 ; II, 32; IV, 2). Le sellSde l'objection est Ie sui-

vant : «Comment toi, Esdras, qui ignores to us ces mysteres -

dans Ie cas de VI, lIes noms des anges de l'accomplissement-

oses-tu me poser de telles questions?» Ces repliques ont un

role specifique dans l'Ap. Esdrae et sont totalement absentesen

latin. Sur es neuf noms angeliques qui sont ici reveles, es quatre

premiers sont bien connus et reviennent ailleurs dans les recen-

sions latines de la Visio. Quatre des cinq autres noms -ceux qui

ont une terminaison grecque -n'ont pas de parallele connu. Seul

« Aker» fait exception. Le nom apparait a plusieurs titres dans

la mythologie egyptienne; dans l'au-dela, il designe celui qui

s'oppose aux divinites nefastes qui veulent faire obstacle au

voyage du defunt41.Ap. EsdraeVI, 1 semble bien avoir recupere

cette «divinite» benefique et l'avoir «angelisee» en raison de

ses fonctions. Que les neuf anges enumeres ici aient pour mis-

sion de ramener l'ame d'Esdras trouve confirmation dans la

suite du fecit, oil Esdras a effectivement pour interlocuteurs une

pluralite d'anges (Ap. EsdraeVI, 5.7.9.etc.).

L'Ap. Sedrach,en faisant intervenir Ie Fils, anticipe sur a suite

des evenements(tels qu'ils sont racontes dans Ap. EsdraeVI, 16

ss.), puis elle en resume d'autres et offre pour finir des develop-

pements rhetoriques qui lui sont propres.

A la place de Michel (Visio B, § 93-94),Ap. EsdraeVI, 3 rap-

porte l'intervention d'« une voix» qui adressea Esdras l'invita-

lion a mourir : «Alors une voix vint veTSmoi : 'Meurs mainte-

nant, Esdras mOll bien-aime Donne Ie depot ' ». Ce

changement inattendu d'interlocuteur est sans do ute l'indice

d'une intervention redactionnelle. L'indice est confirme par

l'utilisation de la premiere personne en VI, 3, immediatement

suivie d'un retour a la troisieme personne dans la reponse (VI,

4). Cette maniere d'introduire les interventions divines se

retrouve dans l'Apocalpyse de Paul (§ 4; 5; 6 [leT] ; 8; 9; etc.).

Elle a aussiun parallele dans outes les reponsesdivines de la [ere

Apocalypse aPt?cryphede Jean, oil Ie visionnaire est reguliere-

ment mentionne a la premiere personne.

Enfin, en Ap. Esdrae VI, 16-17,plusieurs indices vont dans Ie

sellSd'une transformation secondaire: l'ordre donne au «Fils

unique» (que I.'Ap. Sedrach semble avoir anticipe), contrastant

avec l'emploi ambigu du terme «Seigneur» au v. 17 (voir aussi a

mention de « Dieu » au v. 19). De me-me,a mention de la « nom-

breuse armee d'anges» sect a rappeler (de maniere emphatique)

41.Ct. E. Ho~G, «Aker », n Lexikonder Agyptologie,Wiesbaden,

1975,, c.114-11$.

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Q7

POCALYPSE D ESDRAS GRECQUE ET LATINE

l intervention des neuf anges charges de l accomplissement et

leur echec. Tout cela indique que Ie «Fils unique », absent en

latin, a ete insere apres coup dans e grec.

II est donc tres probable que Ie latin conserve ci Ie texte origi-

nal. II attribue a Michel line fonction qui est par ailleurs bien

attestee, en particulier dans les traditions relatives a la mort de

MoIse, dont notre redacteur s est nspire. II en va de meme dans

la partie finale, ou Dieu lui-meme descend pour recueillir l ame

du prophete -MoIse ou Esdras.

La synopse permet de faire line deuxieme observation. Dans

son dialogue avec Esdras, l envoye divin enumere successive-

ment les parties du corps par lesquelles il pourrait faire sortir

l ame du prophete. L ordre de l enumeration et Ie contenu des

reponsesd Esdras sont differents dans Ie grec et dans e latin. La

successiondes trois premieres parties est «bouche -narines -

yeux» dans l Ap. Esdrae, au lieu de «bouche -reil -narines»

dans la Visio. Sur la base d une comparaison avec Ex 33, 11-22,

Ie texte de l Ap. Esdrae semble a premiere vue etre original.

L ordre des elements et Ie contenu du dialogue direct avec Dieu

correspondent en effet a trois motifs du fecit de l Exode : la

conversation ace a face avec Ie Seigneur, e passagede la gloire,

la vue du « dos » de Dieu. II faudrait alors admettre que Ie latin a

change l ordre des elements et remplace Ie «Je parlais avec

Dieu bouche a bouche » par line motivation apparemmentbana-

Ie «<ma bouche a proclame la louange du Seigneur»). Si Ie grec

etait original, cela impliquerait que Ie redacteur a non seulement

voulu rapprocher etroitement Esdras de MoIse, mais qu ill a mis

en rapport avec Ie MoIse du texte biblique. II y a cependant de

bonnes raisons de penser, sur la base des deux textes edites par

Weil et par Faltlovitch (voir Table II), ainsi que d un bref fecit

armenien pub ie par M. Stone42, ue c est Ie latin qui a conserve

I ordre primitif et que I Ap. Esdrae est secondaire.

D une part, Ie texte de l Ap. Esdrae est lacuneux. En VI, 13-

14, line omission explique sans doute Ie passaged une affirma-

tion concernant les «ongles» (c est-a-dire les mains) a line

reponse qui parle des pieds. II est vraisemblable que l ordre des

trois premieres parties du corps resulte d un changementprovo-

42. Cf. Armenian Apocrypha relating to the Patriarchs and Prophets,

edited with Introductions, Translationsand Commentary by Michael E.

STONE, erusalem, 1982,p. 155 : «The prophet said, My mouth spoke

with God and my eyes saw the light of the Godhead and my nostrils

smelt the fragrance of sweetnessand my ears heard the word of the

redeemer and the voice of the Holy Spirit, and how do you take my

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o .».

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F. G. NUVOLONE

que par line omission analogue, a. aquelle Ie scribe aura remedie

par la suite.

D autre part, Ie texte de l Ap. Esdrae porte les traces d un

reamenagement. L affirmation du v. 12, «apres MoIse j ai aussi

marche sur la montagne », parait correspondre a. ine reponse

concernant les «pieds ». Cette incoherence a pousse Michael

Stone43 a. completer Ie texte en ajoutant line requete ou les

anges proposent de reprendre l ame «par les pieds» -requete

qui existe effectivement en atin, mais tout a. a fin du dialogue (§

104). Par ailleurs, la reponse d Esdras a. a requete concernant e

«sommet de la tete » existe aussi en latin, ou elle est tout-a.-fait

appropriee (§ 102). En Esdras 7, 5, Aaron Ie grand-pIetTe est

l aleul de toute line genealogie qui aboutit a.Esdras. Ce passage

de la Visio semble vouloir authentifier Ie caractere sacerdotal

d Esdras en rappelant la lignee du sacerdoceaaronide. nest dif-

ficile de savoirs il vent signifier davantage et suggererqu Esdras

a ete oint par Aaron lui-meme. Quoi qu il en soil, la reference a.

MoIse en Ap. EsdraeVI, 12 a toutes les chancesd etre secondai-

re, alors que la presenced Esdras sur la montagne pourrait bien

provenir d une information ancienne44.

En conclusion, nos textes temoignent d un emprunt aUK radi-

tions sur la mort de MoIse qui permet de presenter Esdras sons

les traits d un nouveauMoIse. Mais on constate ine relative inde-

pendance dans la maniere dont l Ap. Esdrae et la Visio latine

longue ont traite res materiaux traditionnels. De plus, il faut tenir

compte du fait que Ie texte de l Ap. Esdrae est corrompu et sans

doute partiellement reamenage.Les traces de ce reamenagement

sont perceptibles sur plusieurs points: dans l introduction de la

scene avec la mention des anges et de leur nom, qui entraine la

pluralite des nterlocuteurs «< es anges») dans ordre d enume-

ration des elements du corps, ou line ou plusieurs omissions (par

saul du meme au meme) ont rendu necessaire ajout de comple-

ments; enfin dans l attenuation de l autonomie d Esdras, peut-

etre deja. mplicite dans introduction du terme « depot ».

Reste un probleme : Ie grec rapproche explicitement l image

d Esdras de celIe de MoIse, alors que Ie latin semble plutot

l orienter veTSine identification avec l Esdras scribe et pIetTe

d Esdras-Nehemieet de IV Esdras45.

43. Ct. op. cit. (note 18), p. 577.

44. Ct. V Esdrai5 33, latin, recension «tran~aise» : «Moi Esdras, j ai

re~u sur Ie Mont Horeb un commandementpour Israel, mais celui-ci l a

repousse».

45. Voir par ex. Visio 102 et Esdras 7, 5 ; Visio 103 et Esdras 12, 28-36

Visio 104 et IV Esdras V; 22-VI, 17.

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POCALYPSE D ESDRAS GRECQUE ET LATINE

2.2. Meilleur etat du grec?

Venons.,enmain enant a deux exemples qui illustrent Ie fait

que Ie grec peut aussi avoir conserve un meilleur etat du texte

que Ie Iatm. L analyse doit etre menee cas par cas. Etendue a

d autres passages, lle aboutira sans doute a un bilan plus fiche

que celui que nous presentons ci.

2.2.1.Christologie.

Un premier exemple conceme ce qu on pent appeler Ie patri-

passianisme de notre texte. Dans Ap. Esdrae II, 24, Dieu «se

souvient» des creatures dont il est nvite a avoir pitie et rappelle

que ce sont elles qui lui ont fait boire du vinaigre et du fiel -pas-

sage sans parallele formel en latin (Ap. Esdrae II, 24, doublet

secondaire de VII, 1 ?). La mention du vinaigre et du fiel se

retrouve dans Ie dialogue final entre Dieu et Ie prophete (voir

Table III, Ap. Esdrae VII, 1-2). II s agit ici d une reponse divine

a la penTqu Esdras ressent ace a la mort: Dieu lui-meme cite

en exemple des faits relatifs a sa passion. Ce qui est etonnant,

c est qu il ne mentionne ni sa resurrection Ie troisieme jour, ni

meme sa mort de maniere explicite. Ce silence est-il

intentionnel ? En tout cas, ons les faits evoquesse rapportent a

la passion: c est loTSde la passionque des saints nombreux ont

ete ressusciteset qu a pris place la visite dans les regions infe-

rieures de la terre pour en «ramener» Adam (voir Ev. de

Nicodeme 5 [21] 1 sS.,qui se referent explicitement a la libera-

tion d Adam; dans Ie Nouveau Testament, voir Ep 4, 8s et 1 P 3,

19).

Examinons main enant Ie texte de la Visio latine, qui semble

bien avoir ete retouche, du moins en partie.

On a en effet l impression que Ie latin s est inspire ici d un

«Credo» orthodoxe (§ 110) et qu il a introduit ainsi une refe-

rence a la personne du Fils. Ce faisant, il a procede d une autre

maniere que Ie grec, qui parle de l envoi du Fils apres l echec

des anges (Ap. Esdrae VI, 16 ss.). A cet endroit (§ 106), Ie latin

mentionne la decision du «Seigneur », auquel Michel vient de

faire son rapport, de descendre ui-meme pour ramener ame du

prophete ; il est clair que si Ie latin avail dispose d un texte men-

tionnant l envoi du Fils, il ne l aurait certainement pas corrige,

puisque un tel envoi allait clairement dans Ie sellSde sa christo-

logie. Notons d ailleurs que l accent est mis sur la christologie

des Ie debut de la Visio B, dans la transition redactionnelle du

§ la, qui s ecarte sur ce point de tons les autres temoins latins :

la priere d Esdras n est pas adressee «au Seigneur», mais «au

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100 F.G.NUVOLONE

Table II

Visio Esdrae B 109-112 ApEsdras VI, 21-VII, 3 [Wahl] ApSedrach IX, 4-Xll, 1 [Wahl]

l09EtdixitDominus: VI,21.Kat El1TEV b 6E6s-. IX, 4. AfYEl aVTov b lJl~'C...)

Ego omnia concedo ut petisti,

set tantum da animam tuam. b.bs- EWS'1')V TapaKaTaef)KTlv. 80s- ~Ol T1')V1To6ElVOTaTTjV

b UTE<f>av6s-JOl JTol~aUTal' \Jxf]v <JOlJ. ...)

22.BEDpo TEAE1JTa,

lva E1TlTUX\1S-1JToD.

110 t dixit 23. T6TE i\Pl:aTo AEYElV X, 5. TaDTa 1TaVTaaKoooas-

Exdra : b 1TPO<PllTTjS- b u8pQX Kat Evev~T)6Ets-

~ETa OOKpixllv' TOU6avaTOlJT1')V~v1'j~T)V,

ECE<JTTjav Kat n1TEV

~E8pQXTOV 6E6v.

Domine, '0 8EarroTa, (.,,) b.as ~Ol KUplE C...)

timeo 24. O'(~~Ol, O'(~~Ol, OTl XI, 1. Kat i\ptaTO KAalwv

mortem. 25. (.,,) Kat 6avaT(jI 1Tapa- C...)

8l86~EVOV. * C...)

Et respondit Dominus: YD, 1. Kat El1TEV llT~ b XII, 1. AEYEl allTov b

6E6'};. XPlUT6'};.

.AKOOOOV,E<J8p<i1L,yaTTT]- llaooov, ~E8p<iX. EWS' T6TE

Tf ~OlJ. OOKPU(ElS-Kat <JTEva(ElS-

Ego mortuus fui EYWaMvaTos- wv

et crucifixus <JTalJpOv aTEBEca~T)V,

<>CasKat XOA1'lV 'YEooa~T)V,

EV Ta<P<l> aTETE6T)V, .

2. Kat TOllS'EKAEKTOUs-OlJ

et resurrexi aVfO'TT)<Ja,OV A&l~ EK

ToD lj80u aVEKaAE<Ja~T)V,

et modo sedeo ad dexteram,

lva TO TWV av6pW1TwvYfVas

et mortem non timeo. ~1'l ow <I>o~T)6fIOV edvaTov.

111Respondit Exdra : Si tu

mortem non timuysti, quare

dissisti tristis est anima mea

usque ad mortem?

112Respondit Dominus:

lam multum loqueris,

da animam [f. 110r] tuam

quia non morieris. b 1Tap<iBEl<J6'};JOl1'1'YolYT)

3. To 'Yap EC E~oD,

i\'YOW fJ ljIuxf], '

a1TEPXETal EtS- TOV oupav6v.

TO 8E EK Tils- 'YfIs-,

Corpus i\'YOW TO <Jw~a,

uadit a1TEpXETalls- T1')V ¥fIV, Kat a1To6avwv

unde uenit, EC 1')S- All<P6T1.

anima

reddijt ad Patrem (ll<JElS-.

qui earn dedit.

.Kat 6a~T(jI 1Tapa8L86ILEVOVom. WAHL, sed erl:

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8/20/2019 Apocrypha 7, 1996

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APOCALYPSE D ESDRAS GRECQUE ET LATINE

Seigneur Jesus-Christ ». La Visio B explicitera dans Ie meme

sens a priere finale d Esdras au § 114.

Revenons au sommaire christologique du § 110 de la Visio B.

Comme Ie grec, il se refere a la mort et a la crucifixion, mais Ie

sens est radicalement different. Alors que Ie grec introduit la

declaration par «Moi, qui suis immortel, j ai subi la croix », Ie

latin dit «Moi, je fus mort et (mort) crucifie ». Le fait que Ie

latin inverse la sequencechronologique habituelle (crucifixion -

mort), indique probablement qu il a opere une transformation a

partir du texte grec, meme si l on ne peut pas exclure une

influence de Ph 2, 8.

L affirmation «je n ai pas peur de la mort», au present et en

fin de phrase, est curieuse apres la proclamation christologique

qui precede. Dans Ie texte actuel, elle donne l impression d etre

une reprise inversee du «j ai peur de la mort» d Esdras, et de

servir de transition pour introduire l objection suivante (§ 111).

Cependant, a la lumiere du passagequi suit, il y a lieu de penser

qu elle faisait partie du texte originel.

En effet, la citation de Mt 26, 38 / / Mc 14, 34 pourrait bien

etre un reste du texte primitif, puisqu elle a un lien avec es faits

de la passion. Elle se refere non seulement au meme contexte

narratif, mais elle est aussi utilisee dans les recits de descente

aux enters (liberation d Adam) comme argument dans a bouche

de Satan pour demontrer la vulnerabilite humaine du Christ.

Dans les emplois patristiques, cette citation sert a souligner Ie

fait de la peur de la mort -comme dans l objection haggadique

de notre texte -et a alimenter la discussion sur la nature du

Christ. Dans notre texte, ou elle prend place a l interieur d une

question «effrontee » d Esdras, sa presence a pu faire difficulte

et conduire a son omission, ainsi qu a certaines corrections. Le

grec, qui conserve par ailleurs des elements tIes utiles, efface

toute trace de la peur «divine » et se contente de renvoyer a la

peur d Esdras (VII, 2) ; illaisse ensuite de cote la troublante

promesse aite au prophete (§ 112 : «car tu ne mourras pas»), et

rejoint finalement Ie latin dans la declaration divine sur Ie sort

respectifdu corps et de l ame (en latin, Visio B 112,ces elements

sont particulierement proches de W EsdrasVII, 78).

S agissant du sort d Esdras apres sa mort, il est difficile de

savoir ce que Ie texte contenait a l origine. D apres l~ latin, on a

l impression qu Esdras recevait une promesse d immortalite en

depit de sa mort apparente (§ 112: «remets[-moi] ton arne, car

tu ne mourras pas »)46.Mais Ie latin a ici une formulation qui, en

46. Le lecteur se souvient que nous avons deja cite (supra, p. 92) a pro-

messe que Dieu fait a Esdras de partager Ie sort de Jean et Paul

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102

F. G. NUVOLONE

tout cas pour ce qui est du style, n existait certainement pas en

grec.

De son cote, Ie grec, qui rapporte des lamentations du pro-

phete confronte a la mort (Ap. EsdraeVI, 23 et VII, 4), evoque

l action destructricedes veTS t la coupe de I Hades (VI, 23), ce qui

contraste avec Ie theme de la restitution de l ame. I1 n est ques-

tion ni d un etat intermediaire de l ame dans l attente de la

resurrection et du jugement, ni de l immortalite promise au pro-

phete. Esdras est purement et simplement confronte a la dure

condition mortelle des humains.

Terminons par une remarque d ensemble sur la perspective

doctrinale de notre texte. I1 conserve es Testesde certaines tra-

ditions anciennes. Parmi celles-ci, es affirmations apparentees

au patripassianisme -encore depourvues des argumentations

qui seront developpeesplus tardivement -ont de fortes chances

d etre primitives -cela d autant plus que Ie passageque nous

avons etudie aete «pudiquement» retouche dans Ie texte latin.

2.2.2. Prome~sesour les devots.

L attitude face au livre et au saint (cf. Table V) va nous four-

niT un deuxieme exemple illustrant la superiorite occasionnelle

du texte grec.

Le texte latin revient a deux reprises sur ce probleme (§ 95-96 et

108-109), e qui fait penser a un doublet. Le livre -«mon livre »

dans e premier passage devient « e livre de ma passion» dans e

second.De plus, en contrepartie des depensesencourues pour la

transcription et l achat du livre, Ie devot se voit promettre une

pharamineuse ecompensematerielle : pour chaque denier verse,

Ie gain sera d une livre d or (§ 95). On ne trouve pas trace d une

telle promesseen grec, qui parle en revanche d une benediction,

tres concrete elle aussi (VII, 10) : «benis toute sa vie comme la

nouvelle condition de Joseph ms. A) / de Job (ms. B) ».

A premiere vue, il est difficile de choisir entre les deux

variantes grecques.O. Wahl (cf. Table V), qui connait les deux

manuscrits,ne fait que reprendre la le~onde C. Tischendorf. Les

(Ap. Esdras I, 19) ou, probablement plus original, de partager celui de

ses prophetes (Visio B 88) ; cela est confirme un peu plus loin (Visio B

92) dans ce qui pourrait sembler etre une premiere conclusion:

«Esdras, va en paix et fais route avec roes prophetes. La oil sont les

justes, toi aussi u seras». Voir egalement, en Visio B 60, es «prophetes

des Eglises» qui accueillent Esdras loTSde son ascensiondans un ciel

superieur a celui des anges, et qui sont invites par lui a s incliner et a

prier pour les pecheurs,comme loTS une liturgie communautaire.

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104

F. G. NUVOLONE

traductions de H. F. D. Sparks et de U. B. Miiller, qui ont pour-

tant dispose a l'avance d'un choix de variantes du deuxieme

manuscrit utilise par O. Wahl, font de meme. Miiller propose

tine traduction plutot laborieuse : «und segne <ihn> in allem,

wie auch die letzten Worte Josephs (oder: fiber Joseph) <lau-

ten> »; a l'appui de cette traduction, il renvoie au Testament de

Joseph 18 ss. e;t a Dt 33, 13 ss. Ce rapprochement petit certes

avoir inspire la le~on du scribe de A, qui puisait probablement

surtout a des lectures patristiques. A notre avis cependant, il

faut doDDer la preference a la le~on du manuscrit B, en suivant

l'hypothese de R. Kraft rapportee par M. Stone, qui la considere

comme possible tout en la pla~ant en note «<' Joseph' is the

results of a scribe's misreading of 'Job' as an abbreviation

for Joseph ») et en rejoignant aussi Ie choix judicieux de

D. Ellul-Durand47. Le passage s'accorde ainsi remarquablement

avec Jb 42, 12 : «() BE KUPlOS" VAOYT1crEVa lcrxaTa I(1)j3 Tl Tcl

EI.I.TTPOcr8EV».

La tournure du grec a donc toutes les chances d'etre originale.

Elle a dft paraitre trop allusive, ce qui a amene Ie latin a la rem-

placer par tine promesse refletant Ie point de vue d'un «investis-

seur» occidental.

2.3. Rapports entre es recensionsatines.

La situation des pieces latines et leurs rapports respectifs

constituent un autre chapitre de l'histoire de notre Apocalypse.

Nous ne pouvons que l'effleurer dans Ie cadre limite de cet

article.

2.3.1. Un texteoriginal peu chretien?

L'edition du manuscrit de la Bibliotheque Vaticane, Vat. Lat.

3838, par les soins du Cardinal Mercati, en 1901,a cree l'illusion

qu'on avait retrouve la un etat textuel proche de l'ouvrage pri-

mitif. Comparant Ie texte latin aUK deux pieces grecques,

Mercati lui-meme ecrivait : « ora si puo aggiungere una terza,

latina, finora sconosciuta, a quale nella tradizione dell'apocrifo

sembra destinata ad accuraTe un posta molto pill cospicuo delle

altre due » ; il relevait que dans ce texte « sopratutto mancano Ie

tante citazioni od allusioni a passi del Nuovo Testamento, onde

47. Ct. dans l'ordre des mentions: O. WAHL, op. cit. (note 2), p. 34; C.

TISCHENDORF, p.. cit. (note 5), p. 32 ; H. F. D. SPARKS, p. cit. (note 19),

p. 940; U. B. MOLLER, op. cif.. (note 16), p.100; M. STONE,op. cit. (note

18), p. 578, note d ; D. ELLUL-DuRAND, op. cit. (note 7), p. 186.

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105

POCALYPSE D ESDRAS GRECQUE ET LATINE

son pieni gli altri apocrifi accennati », et que «sembra potersi

asserire, che il tipo e la stessa Visio Esdrae debbono essere pin

antiche della Visio Pauli, la quale e certo pin antica

dell Apocalisse della Vergine »48.Ce jugement a ete renforce par

une analyse plus recente, qui identifiait dans les autres manus-

crits de la forme moyenne et courte une serie d interpolations et

de doublets -dont la fameuse scene du ponr9. Cela a amene es

traducteurs anglais des recueils de 1983 et de 1984a privilegier

Ie texte edite par Mercati et a releguer dans l apparat les autres

temoins des recensionsmoyenne et courte. L. Moraldi, en 1985,

a procede de la meme maniere, en detaillant Ie contenu de notre

apocryphe d apres cette meme edition5O e me demande si J. R.

Mueller, qui prepare un volume reunissant ensemble des textes

relatifs a Esdras, soutient encore a meme position quand il affir-

me : « I have worked with the Bogaert material from RBen, but

I am not convinced that it is earlier than the existing Latin texts

used by Wahl »51.

Une analyse seTTee ontre que Ie manuscrit du Vatican edite

par Mercati, bien qu utile, est loin d etre exceptionnel. La main

du scribe revele un manque d assurance ; la transcription est

influencee par un certain arbitraire et une relative meconnais-

sance des abreviations, ainsi que par des omissions. Ces omis-

sions soot nombreuses et de taille. Elles ne soot pas toutes for-

tuites, mais resultent parfois d une volonte simplificatrice. Elles

soot en contradiction avec Ie texte atteste par les autres recen-

sions et, dans des cas importants, s opposent au grec lui-meme.

Plutot que d identifier une sorte de Ur-Text,qui serait a l origine

de l ensemble des recensions atines, il convient d opter aujour-

d hui pour une vision d ensemble des pieces atines et grecques.

Cette maniere de faire permettra de relativiser et de nuancer des

solutions fondees sur une vision trop antinomique.

2.3.2. La censuredes Legendaires.

Un fait majeur, qui caracterise ensemble des emoins latins, a

la seule exception du texte long, est a disparition des § 67 a 117

48. Op. cit.. (note 2), p. 64.65.66.

49. Cf. P. DINZELBACHER,p. cit. (note 23).

50. Cf. op. cit. (note 26).

51. Courtier electronique qu il m a adresse e 20.04.93,en reponse a

mes questions du 23.03.93. A propos du volume mentionne, M.

MUELLERdisait ceci : « It is my hope to have the Ezra volume to the

editor of the series in camera-ready form by the end of June.

Publication would then be sometime in mid-1994».

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106

F. G. NUVOLONE

transmis par ce demier. Cette disparition correspond ii environ

40 du texte QOnserve.On ne peut pas s'empecherde voir dans

ce fait Ie resultat d'une operation de reduction, guidee par plu-

sieurs motifs:

-reduction de la vision ii l'essentiel, c'est-ii-dire aux chati-

ments infemaux, comme c'est Ie cas dans l' Apocalypse la plus

repandue et la plus fameuse, 'Ap. Pauli,.

-reduction c1 ne sequence topographiquement homogene

«Enfer -para~is -Ciel », incompatible avec la contigulte expli-

cite qu'etablit Ie texte long entre les chatiments et Ie paradis

dans es Tartares ;

-reduction i't une logique theologique qui n'acceptait ni la

contestation frdntale de la justice divine, ni Ie decret divin sus-

pendant tempotairement les reines, ni Ie marchandage du pro-

phete sur sa prdpre mort;

-enfin, accommodation au caractere edifiant d'une lecture

liturgique monastique.

Des elements escapes?

Ce qui vient d'etre dit montre que des elements anciens peu-

vent subsister dans l'un ou l'autre de nos textes. 11conviendrait

d'etendre l'investigation aux diverses ecensions atines, qui sont

a lire attentivement comme un tout. Un seul exemple nous per-

mettra d'illustrer ce principe.

Au § 37, a V~io L presente de fa~on progressive e personna-

ge Herode, doRt l'identification ne sera donnee explicitement

que par la reponse de l'ange ; mais elle Ie qualifie d'emblee de

uirum bonum. Cette epithete est solee, et elle ne peut que sem-

bIer deroutante a une lecture superficielle, ce qui explique son

absencedans es autres recensions atines.

Mais regardons la situation textuelle dans sa globalite. Dans

l'Apocalypse d'Esdras grecque, a scene occupe une autre place

qu'en latin et inaugure la visite d'Esdras dans les parties infe-

rieures du Tar~are. Celie position dans Ie recit renvoie a un

milieu chretien precis, ou les destinees individuelles ont plus

d'importance que Ie jugement collectif separant globalement es

bons et les meclilants,et ou Ie monarque est considere comme Ie

«premier» des damnesparce qu'il a commis un crime lie a la vie

du Christ (on notera cependant l'absence de Judas dans l'en-

semble de nos textes I). En revanche, es pieces atines revelent,

des leur entree en matiere, une autre perspective; preuve en est

la double scene du debut (Visio 3-11), qui fait aussisuite a une

requete d'Esdras et a sa descentedans l'enfer ou il est emmene

par sept anges tartarouchoi (Visio 1-2; ct. Ap. Esdrae IV; 5-7).

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107

POCALYPSE D'ESDRAS GRECQUE ET LATINE

Les justes y sont presentes des Ie depart comme justifies en rai-

son de trois elements: les aumones, interpretees comme offran-

de d'un sacrifice; l'reuvre de misericorde, «vetir ceux qui sont

nus », qui correspond a la premiere reuvre misericordieuse, inau-

gurant la Torah et enseignee par Dieu lui-meme ; enfin Ie desir

ardent du bien, qui recapitule les commandements de l~ Loi. Les

pecheurs y sont fondamentalement qualifies par leur refus de

reconnaitre Dieu, par leur rejet d'une relation preexistante qui

conduit al'infidelite.

En latin, la scene concernant Herode precise qu 'Esdras voit

un homme « siegeant sur un trone de feu. Les anges de Satan lui

administraient du feu de tous les cotes. Ses conseillers aussi se

tenaient debout autour de lui» (Visio B, § 37). Le grec donne

une description synthetique : Kat '(8ov 1TUPLVOV povov, Kat E1T'

aUTOV Ka8E'O~EVOV 'YEpOVTa Kat clVLAEU>S UTOV 1] KpLULS Ap.

Esdrae IV, 9). On notera qu'Herode est ici presente comme un

vieillard (mais Ie terme comporte vraisemblablement une nuan-

ce de dignite) et qu'il est question du caractere impitoyable de

son jugement. Madame Ellul-Durand a probablement raison de

souligner l'ambigulte de la formule : «soit Ie jugement qu'il ren-

dait, soit Ie jugement auquel il etait soumis »52

Si nous revenons au latin, nous y retrouvons une meme nuan-

ce de dignite, exprimee par Ie terme uir bonus, qui designe l'as-

sesseur dans un tribunal medieval et qui signifie ici tIes proba-

blement «un homme de qualite, investi d'autorite ». Le

personnage est entoure de consiliarii, c'est a dire de juges asses-

seurs, appeles a deliberer avec Ie juge principal. La scene est bel

et bien celIe d'un jugement, telle qu'elle apparait dans l'icono-

graphie ancienne du massacre des Innocents. On comprend

alors Ie caractere «impitoyable» de la sentence d'Herode, qui

est executee directement devant son trone, et surtout la logique

d'un chatiment qui frappe Ie monarque-magistrat et son conseil

par ou its out peche.

Conclusion.

Ce qui vaut pour Ie latin, vaut aussipour Ie grec : chaque exte

doit etre etudie avec attention pour etre interprete dans sa cohe-

rence; mais pour en saisir a portee et bien Ie comprendre, il doit

aussi etre place en parallele avec les autres -en respectant Ie

caractere specifique de chacun.

52. Gp. cit. (note 7), p. 122.

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108

F. G. NUVOLONE

Le texte latin long en est Ie meilleur exemple. Nous devons sa

conservation aux hasards d un recueilliturgico-penitentiel tran-

ciscain. Mais sa lecture suscite des impressions melees, car il

souffre de diverses imperfections: il remonte a une traduction

deja approximative; il a ete transcrit et retranscrit rapidement, a

des epoques de latinite recente, par des scribes qui n ont pas

toujours su interpreter correctement leur modele. 11 aut donc

avoir recours au grec pour reconstituer les liens logiques entre

les elements qui Ie composent, et Ie comparer aux autres recen-

sions latines pour deceler es evolutions d un texte qui est long-

temps Testeun texte vivant.

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Pier Franco BEATRICE

Universitede Padoue

TRADITIONS APOCRYPHES DANS LA

THEOSOPHIE DE TUBINGEN

In this paper two passages of the so-called Ttibingen Theosophy are

taken into consideration. This work was written at the beginning of the

sixth century by an,anonymous theologian well informed on Greek reli-

gious and philosophical traditions. The Byzantine compiler of the eighth

century tells us that the author of the Theosophy had also used some

apocryphal works: an attempt s made here to identify them. In the sec-

ond passage, reserved n an original fragment, the author speaksabout

the provisional immortality of Elijah and Enoch. The analysis of these

textsprovides good arguments n favour of the monophysite origin of the

Theosophy and confirms its attribution to Severus f Antioch.

Cette contribution examine deux passages de la Theosophie de

Tiibingen, ouvrage compose au commencement du VIe sieGlepar un

theologien anonymepetri de culture grecque.Au VIIIe sieGle,e compila-

leur byzantin d un epitome de l original perdu dit que l auteur de la

Theosophie avail fait usagede livres apocryphes,et il en donne la lisle.

Nous tenterons ci d identifier ces ouvrages.Dans Ie deuxieme passage,

contenu dans un fragment original, l auteur soutient l immortalite provi-

soire d Elie et Henoch. L analyse de ces textesconduit a placer l auteur

de la Theosophie dans un milieu monophysite et afire des arguments

pour confirmer son attribution a Severed Antioche.

1. Un temoignage peu connu sur es Apocryphes.

La Theosophic constituait l appendice en quatre livres d un

traite en sept livres Sur fa vraie toi compose dans les premieres

annees du VIe siecle. L auteur, un theologien chretien anonyme

possedant de profondes connaissancesdans Ie domaine de la

m~hologie palenne et de la philosophie grecque, se proposait de

demontrer l harmonie substantielle entre la revelation biblique

7, 1996,p. 109-122

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110

P.F. BEATRICE

sur la Trinite et l'Incarnation et leg verites religieuses transmises

dans leg oracles des dieux grecs, dans leg theologies des sages

grecs et egyptiens et dans leg oracles des Sibylles1. Le scribe

byzantin anonyme qui composa au VIIIe siecle un epitome de la

Theosophie, parvenu jusqu'a DOUg dans un manuscrit du XVIe

siecle conserve a la Bibliotheque universitaire de Tiibingen,

DOUg nforme que, dans cet ouvrage, l'auteur faisait usage, a cote

d'autres sources chretiennes et palennes, de certains ecrits apo-

cryphes:

MEIlVTlTal 8E Ka6E~f}S' Kat [3l[3Ai.WVTlVWV iTapE'Y'YpaiTTWVlTOl

8laef]KTlS' TlvC>s-TO\) KUplOU Kat 8laT~EWV TWV a'YlWV uiTOOT6Xwv

Kat 'YEVv1'Jo"EWS'at UVaAl'1 jJEWS'flS' UXpUVTOU &O"iTOlVTlS' illwv

6EOTOKOU Ensuite l'auteur fait aussi mention de quelques

livres «apocryphes », a savoir d'un Testament du Seigneur

et d'Ordonnances des Saints Apotres et de la Naissance et

de l' Assomption de Notre Dame immaculee Mere de

Dieu)2.

Depuis longtemps deja, leg chercheurs ant tente d'identifier

ces ecrits. K. Neumann par exemple, qui Ie premier decouvrit

l'epitome byzantin dans Ie manuscrit de Tlibingen, s'exprimait

ainsi a ce sujet dans line lettre adressee a Buresch :

...ich beschranke mich darauf, festzustellen, daB der

Excerptor die apostolischen Konstitutionen als apokryph

bezeichnet, worur dieselben im Jahre 692 auf der trullanischen

Synode erklart wurden. Gemeint sind ohne Zweifel at TWV

UYltUV alTOO"TOAtUV laTa~ElS", die mir in der Ausgabe de

Lagarde's vom Jahre 1862 zur Hand sind; wenn der

Tubingensis [§ 4] BlaTa~E/JJS"WVUYltUV alTOOTo>.£IJvietet, so

wird darur BlaTa~EtUVKTA. zu schreiben sein. Die vom

Theosophen [ebenda] erwahnte Blae1'jK1lTOUKVPlOVst 1856 in

den Reliquiae iuris ecclesiastici antiquissimae. Graece ed. de

Lagarde gedruckt worden. Uber die YEVVT)O"lS"llS" axpaVTOV

BEO"lTOlVT)S"'JI1WV EOTOKOV§ 4] vgl. Thilo's Codex apocryphus

novi testamenti, I, 1832, p. 319 sqq.; p. XCI sqq. ; sowie

Tischendorfs Evangelia apocrypha, 1853, p. 106-114; p. XXV-

XXXIV: Uber die Himmelfahrt, die aVaATlljJlS"er Maria [§ 4]

1. Pour une premiere presentation de cet ouvrage je renvoie a mon

article «Pagan Wisdom and Christian Theology according to the

Tiibingen Theosophy», Journal of Early Christian Studies3 (1995), p.

403-418.

2. Theos. §4. Le texte grec est cite d'apres I'edition critique de H.

ERBSE,Theosophorum Graecorum Fragmenta, Stuttgart -Leipzig 1995,

p.2-3.

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A 1HEOSOPHIE DE TUBINGEN

s. Bonnet, Zeitschrift ftir wissenschaftlicheTheologie 23, 1880,

S. 222-247undbesonders S. 236 f3.

Quelques annees apres, P. Batiffol ecrivait :

L'auteur de la 8Eouo</>la mentionnait aussi certains livres

subreptices (lTapEyypalTToL), a savoir une ~La(1f]KTl TOU KUplOU,

des ~LaTa~ELS' TWV aYlWV alTOUTOX£uV,ne rEVVflULS' Kat avaAT) jJLS'

TflS' axpaVTOU 8EUlTOlVT)S' lf1WV EOTOKOU.Par rEVVT)ULS' l faut

entendre Ie Protevangile de Jacques. Par' AVaAT) jJLS', Ie

Transitus Mariae. Par ~LaellKTl T. K., Ie Testamentum Domini

que Rahmani a retrouve et pub lie en syriaque. Par ~LaTa~ELS'

les Constitutions apostoliques. Ces identifications ne font pas

difficulte4.

Nous pensons qu'une nouvelle enquete sur ce texte se justi-

fie -bien qu'il soit brei -pour au moins deux raisons. En pre-

mier lieu, il s'agit d'analyser l'information fournie par son

auteur a la lumiere des tout derniers resultats de la critique his-

torique autour de ces ouvrages qui sont appeles ci et definis de

maniere generale comme «apocryphes », c'est-a-dire non

authentiques et, en definitive, heretiques. D'autre part, cette

analyse doit permettre de souligner l'importance de la

Theosophie pour l'etude de la litterature apocryphe et des tra-

ditions particulieres qui y sont vehiculees. La chose est d'au-

tant plus importante si l'on pense que la Theosophie est gene-

ralement ignoree dans leg etudes sur leg apocryphes et qu'on

n'a donc pas suffisamment mis en valeur, jusqu'a present, leg

apports import ants qu'elle est en mesure d'offrir, comme no us

entendons Ie demontrer.

2. Le Testamentdu Seigneuret les Ordonnances es Saints

Apotres.

On designe par ces titres deux ouvrages issus probablement

de milieux syriaques, dont la tradition apparait extremement

complexe. On petit trouver rapidement des renseignementssur

l'etat actuel de ,nos connaissancesa ce sujet dans les travaux

recents de Bradshaw5 et de Steimer6. 11 aut cependant remar-

3. Voir K. BURESCH,laros. Untersuchungen um Orakelwesendesspii-

teren Altertums, Leipzig 1889,p. 89.

4. P. BATIFFOL, Oracula hellenica », Revue biblique 13 (1916), p. 177-

199. 180.

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112

P. F. BEATRICE

quer que Ie temoignage de la Theosophie a ete ignore par tOllS

les chercheurs qui se sont occupes de ces textes. Or, que nous

apprend la Theosophie a leur sujet ?

La premiere observation a faire est que l'auteur de la

Theosophie utilisait ces reuvres en grec ; par consequent, a cote

du texte grec des Ordonnances des Saints Apotres, l'original grec

du Testamentum Domini syriaque devait exister au ye siecle ega-

lement. Consequence encore plus importante : Ie fait que dans

nolle texte res deux titles soient cites ensemble offre une preuve

supplementaire et, dans un certain sens, decisive de l'existence,

veTS 'an 500, de la recension grecque primitive de l'Octateuque

de Clement. Cette collection, ainsi designee par P. De Lagarde

pour la distinguer des Constitutions apostoliques, etait compo-

see d'un premier livre intitule J:lLUeflKTl aU KVptOV']j.lWVI TlUOU

XPLUTOUt de sept autres livres de J:lLUTclCELS'.lle est mention-

nee, quelques annees apres la Theosophie,par Severe

d' Antioche dans une lettre a une certaine Thecle comitissa, sous

la double appellation de Ordonnances des Apotres et de

Testament du Seigneur:

Au sujet de cette question et de sa liceite il est ecrit dans les

8LUTclCELS'es Apotres, que l'on a appelees J:lLUeflKTl du

Seigneur, que Ie diacre peut proceder a la renovation baptis-

male d'un enfant quand on ne trouve pas de pIetTe et qu'on

est pre sse par la menace d'une issue mortelle. Le Testament

proclame cette observance licite par ces paroles: En cas de

necessite, en l'absence du pIetTe, Ie diacre baptisera7.

On pent ainsi se rendre compte de }'apport documentaire de

5. P. F. BRADSHAW, «Kirchenordnungen, I. Altkirchliche »,

TheologischeRealenzyklopiidieXVIII (1988),p. 662-670.

6. B. STEIMER,Vertex Traditionis. Die Gattung der altchristlichen

Kirchenordnungen (Beihefte zur Zeitschrift fur die neutestamentliche

Wissenschaft63), Berlin -New York 1992.

7. E. W. BROOKS,The Sixth Book of the Select Letters of Severus,

Patriarch of Antioch, London -Oxford 1902-1904; exte syr.1/2, p. 482;

trad. anglo11/2,p. 426. La traduction fran aise citee est de F. NAU, «La

version syriaque de l'Octateuque de Clement. Introduction », Le cano-

niste contemporain 30 (1907), p. 452-467,459,reproduite dans IDEM,La

version syriaquede l'Octateuquede Clement Ancienne litterature cano-

nique syriaque, asc. IV), Paris 1913,p. 8-11. Voir aussi es travaux de J.-

M. HANSSENS,a liturgie d'Hippolyte. Ses documents,son titulaire, ses

origines et son caractere (Orientalia Christiana Analecta 155), Roma

19652, . 58-60, et B. STEIMER, ertex Traditionis, p. 95-105 et 141-148.

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113

A THEOSOPillE DE TUBINGEN

la Theosophiea l'etude de la tradition de ces extes apocryphes

elle offre en eifel Ie plus ancien temoignage connu a ce jour,

anterieur a ce1.ui de Severe lui-meme, sur l'existence de

l'Octateuque de Clement en grec. Mais d'autre part, la citation

d'un texte comme l'Octateuque de Clement, qui flit largement

utilise dans leg eglises monophysites, constitue un argument de

poids pour attribuer l'origine de la Theosophie a des milieux

caracterisespar line claire tendance monophysite. Le temoignage

examine est toutaussi important pour l'etude des textes du cycle

de la naissanceet de l'assomption de Marie.

3. Naissance t Assomption e Marie.

Le papyrus Bodmer V; datant du debut du lye siecle, donne

sons Ie titre rtVEO"LS' apLaS' Ie texte couramment appele

Protevangile de Jacques8.Nous pouvons tenir pour assure qu'en

utilisant Ie terme rEVV1lO"LS''auteur de la Theosophie voulait

indiquer precisement celie reuvre. Sur ce point, nons ne

devrions pas rencontrer d'obstacle. Mais il semble plus difficile

d'identifier l'reuvre intitulee 'AVclATl jJLS'.

Dans la bibliographie desormais iche dont nons disposons sur

Ie TransitusMariae, a commencer par l'etude classiquede Jugie9

et les editions fondamentales de WengerD et d' Arras11 usqu'aux

publications recentes de van Esbroeck12,Gribomonr3, Manns14

et Mimouni15, e temoignage de la Theosophieest systematique-

8. E. DE STRYCKER, a forme la plus ancienne du Protevangile de

Jacques.Recherches ur Ie papyrus Bodmer 5 avec une edition critique

du texte grec et ulle traduction annotee (Subsidia Hagiographica 33),

Bruxelles 1961,p. 211-212.

9. M. JUGE, La mort et l'Assomption de la sainte Vierge. Etude histori-

co-doctrinale (Studi e Testi 114),Citta del Vaticano 1944.

10. A. WENGER, 'Assomption de la I: S. Vierge dans a tradition byzan-

tine du VIe au xe siecle Archives de 1'Orient chretien 5), Paris 1955.

11. V. ARRAS,De TransituMariae Apocrypha Aethiopice I (CSCO 343),

Louvain 1973.

12. M. VANESBROECK,Les textes litteraires sur l' Assomptiori avant Ie

xe siecle », dans F. BOVONet alii, Les Actes apocryphes des Apotres.

Christianisme et m()nde palen (Publications de la Faculte de Theologie

de 1'Universite de Geneve 4), Geneve 1981,p. 265-285, eimprime dans

IDEM,Aux origines de la Dormition de la Vierge. Etudes historiques sur

les traditions orientales,London 1995,n. I.

13. J. GRIBOMONT,Le plus ancien Transitus' marial et l'encratisme»,

Augustinianum 23 (1983),p. 237-247.

14. F. MANNS,Le recit de la dormition de Marie (Vatican grec 1982).

Contribution a l'etude des origines de l'exegese chretienne (Studium

Biblicum Franciscanum.Collectio Maior 33), Jerusalem1989.

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114

P. F. BEATRICE

ment ignore -pour autant qu'il nous a ete possible de Ie verifier.

Toutefois, meme si la Theosophie n'offre aucun element pour

definir avec precision Ie contenu de ce texte marial, nous

sommes en me sure d'affirmer qu'il existait veTS 500 une

Assomption en langue grecque et que celle-ci rut jugee, deux

siecles plus tard, comme «apocryphe» par Ie pieux auteur

byzantin de l'epitome. Ce dernier avait ete precede par l'auteur

latin anonyme du soi-disant Decretum Gelasianumqui avait ecrit

au debut du VIe siecle : Liber qui appellatur Transitus dans cer-

tains manuscrits on a ajoute id est Adsumptio) sanctaeMariae

apocryphus16.

11 est un probleme encore plus delicat: L'auteur de la

Theosophie considerait-illa rEVVTlULS"t l' ,Ava;\,, /JLS"omme

deux ouvrages distincts ou comme une seule et meme reuvre

contenant tout Ie cycle de l'histoire de Marie, de la naissancea

l'assomption ? Le Protevangile de Jacquesa eu, des sesorigines,

une large diffusiow7. 11est facile d'imaginer qu'au lendemain du

concile de Chalcedoine, surtout dans les milieux syriaques

monophysites, on ait rapidement entrepris d'ajouter au fecit tra-

ditionnel et eprouve de la naissancede Marie et de Jesus e fecit

plus recent de la mort-assomption de Marie.. Cette operation a

eu pour result at la production de compilations comme celIe

qu'on trouve dans Ie palimpseste publie par Agnes Smith Lewis

et qui remonte a l'epoque de la Theosophie Ve-VIe siecles)ls,ou

comme celIe qu'on lit dans la Vie syriaque de la Bienheureuse

Vierge Marie editee par Wallis Budge19.11y a donc lieu de pen-

seTque l'auteur de la Theosophiea utilise une narration compo-

site comprenant Ie Protevangile de Jacqueset quelque forme du

Transitus qui, etant donne l'epoque tres reculee, devait etre

assezproche de la forme originale. On peut legitimement suppo-

seTqu'elle ne differait guere du texte qui nous est parvenu dans

15. S. MIMOUNI,Dormition et assomption de Marie. Histoire des tradi-

tions anciennes Theologie historique 98), Paris 1995.

16. E. VONDOBSCHUTZ,as Decretum Gelasianum de libris recipiendis

et non recipiendis in kritischem Text herausgegeben und untersucht

(Texte und Untersuchungen 38/4), Leipzig 1912,p. 53 et 303-304.Voir

en demier lieu S. MIMOUNI,«Les Transitus Mariae sont-ils vraiment

des apocryphes? », dans E. A. LIVINGSTONEed.), Studia Patristica

XXV, Leuven 1993,p. 122-128.

17. E. DE STRYCKER,a forme la plus ancienne,donne toutes les refe-

rences.

18. A. SMITHLEWIS, pocrypha Syriaca: the ProtevangeliumJacobi and

TransitusMariae (Studia Sinaitica XI), London 1902.

19. E. A. WALLISBUDGE,The History of the BlessedVirgin Mary and

the History of the Likeness of Christ, London 1899, , p. 3-146.

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115

A THEOSOPHIE DE TUBINGEN

leg fragments des Obsequiae syriaques et dans Ie Liber requiei

ethiopien20, c'est-a-dire du texte qui fut rejete par la suite, a par-

tir des VII'- VIII' siecles, comme apocryphe et heretique par des

auteurs tels que Ie Ps.-Meliton et Jean de Thessalonique. Les

mots r~VVTlUlS" Kat 'AVaAll< JlS" e designent donc pas deux

ouvrages distincts mais bien un seul texte pourvu d'un titre com-

pose, semblable au titre L1la81']KTl aU KUPlOU at 8laTa~ElS"TWV

clYlWV TTooToAwvquidesigne l'Octateuque de Clement.

4. L'immortaliteprovisoired'Elie et d'Henoch.

L'information qui nous est fournie par I'auteur de I'epitome

sur I'utilisation de traditions apocryphes dans la Theosophie est

confirmee par la presence imposante d'Oracles sibyllins dans Ie

seul fragment original de I'ouvrage qui nous soil connu jusqu'a

present. Ce fragment flit edite par K. Mras qui I'identifia dans Ie

codex Ottobonianus gr. 378, f. 18r-2Sv,du XVIe siecle21 mais Ie

me me texte se trouve deja dans Ie codex Mutinensis gr. 126

(olim III D 7), f. 288v-294v, des XIIIe-XIVe siecles22. Nous ne

pouvons aborder ici les problemes poses par la presence de ces

oracles dans la Theosophie; its meriteraient d'etre traites a part.

II convient toutefois de signaler que I'auteur de la Theosophie,

en commentant Ie vers d'une Sibylle, affirme :

8l E'YKpaTElav 'Yap 'HAlas- clVEATj<j>~ Kat 8la 1TlUTEWs-EvWX

~ETETE~ ElS-TOVclEl8aAfl1Tapa8Eluov (pour sa chastete, en effet,

Elie flit eleve auciel et pour sa foi Henoch flit transfere dans Ie

paradis toujours fleuri) ;

aussitot apres on

~it :

Kat 8lU TOt) ul anilaal TOV TOt) 8Eot) AOyov '1 wavVTlS' () Evay-

YEMaTf]S' lEVEL' Ot iTpoAEXeEVTES' WS' f]S' &:UTEpaS'TOt) Kuptou

iTapouataS' 8avaTou U[lOlpOS' (et du fait qu'il aima Ie Logos de

Dieu, Jean l'evangeliste Teste exempt de mort comme les per-

sonDages susdits jusqu'a la seconde venue du Seigneur)23.

L'idee qu'Elie et Henoch n'ont pas connu I'epreuve de la mort

20. Arras a eu Ie merite de signaler que Ie texte ethiopien reproduit des

fragments syriaque;s eja publies par Wright.

21. K. MRAS, «Eine neuentdeckte Sibyll en-Theosophie », Wiener

Studien28 (1906),p. 43-83.

22. Voir O. STAHLIN,ClemensAlexandrinus (GCS 123),Berlin 1972,p.

XXV-XXVII.

23. ERBSE, . 86-87.

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117

A THEOSOPHJE DE TOBINGEN

Bibliotheque de Photius :

Comme temoins de ces paroles, il y a Henoch, Elie et Jean

Ie Fils du Tonnerre, qui survivent avec leur corps... Que Jean,

Ie disciple vierge, survive lui aussi, comme tu as cherche a Ie

savoir, tout comme Henoch et Elie, la tradition l'atteste et les

paroles de l'Evangile nous conduisent dans Ie meme sens...

Cette opinion a aussi 'appui des Actes de Jean e Bien-aime et

sa vie que beaucoup mettent en avant31.

A la meme epoque, Andre de Cesareeaccepte cette croyance

dans son Commentaire de l'ApocalYPse32. r, si l'on admet que

Ie texte transcrit dans les manuscrits Mutinensis et Ottobonianus

est authentique et original, il taut admettre que l'auteur de la

Theosophie appartient au groupe de ceux qui, camille Ephrem

et And~e, affirmaient l'assomption de Jean au meme titre que

celIe d'Elie et de Henoch. Il serait par consequent e plus ancien

temoin connu de cette tradition. On ne peut toutefois pas exclu-

re que la phrase concernant Jean ait ete ajoutee apres coup par

un copiste qui entendait combler ainsi ce qui devait passera ses

yeux pour une lacune irrespectueuse; la Theosophie n'aurait

alors affirme que l'immortalite provisoire d'Elie et d'Henoch.

Quoi qu'il en soit, l'introduction des deux figures d'Elie et

Henoch, avec ou sansJean, nous invite a considerer de plus pres

les conceptions eschatologiquessous-jacentesa notre texte.

Une chroniquemillenariste.

'ElTL TEAEl BE TOU TEUXOUS' XPOVlKOV UVVTOI1WTaTOV TE6ElKEV

alTO 'Aool1 EWS' TWV Zi]vwvQS' XpOvwv, EV c/J KaL 8llUxvpl(ETal

I1ETU TJ'jv UVl1lTAi]pwalV TOU E~aKlUXlALaaTOU 'ETOUS' YEvi]UEaful

Tl'}V uuVTEAElav. 'ElTEL yap YEypalTTal, <I>TlUl, ()Tl XlALa 'ET'l lTapa

Tl J KUplcp cly:; 1'lI1Epa I1la, EV E~ 8E 1'lI1EpalS' b 8EOs- TOV KOOl10V

lTOlTpQr; Tfj Ef3&JI11JKQTElTQOOE, lTclVTWS' XM ~ETa Tl'}V lTQpEAEOOlV

TWV E~QKlUXlMwv ETWV, alTEr aVTL E~ 1'l~Ept'j)V AOYl(ETQl, Ta lTclVTQ

KQTQlTQOOQl. 8l0 KaL b XplaTOs- EV Tl J lTEVTQKlUXlALOOTl J lTEVTQ-

KOOlOOTl J 'ETEl EVQvepw1Ti]UQr;, ELT' oW EV Tl J I1EUcp ~ 1'l~EpaS',

'EAEYEV OTl EUXUTll wpa EUTlV.

31. Photius, Bib/. 229 (ed. R. HENRY, . IV, Paris 1965,p. 139-141).Voir

a ce propos E. JUNODet J.-D. KAESTLI,L'histoire desActes Apocryphes

des Apotres du IIIe au Ixe siec/e.. e cas desActes deJean (Cahiers de la

Revue de Theologie et de Philosophie 7), Geneve -Lausanne -Co

Neuchatel1982, p. 115-116.

32. Andre de Cesaree,Com. Apoc. 29 (PG 106, 309B-C).

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P. F. BEATRICE

Voici ma traduction:

A la fin de l ouvrage, l auteur de la Theosophiea place une

chronique tres concise qui allait d Adam jusqu aux temps de

Zenon (t 491), chronique dans laqiielle il soutient que la fin

du monde adviendra apres l achevement de la six millieme

annee. « Camille il est ecrit, dit-il, que mille aDs pour Ie

Seigneur sont camille un seul jour (2 P 3, 8) et que Dieu,

ayant fait Ie monde en six jours, se reposa Ie septieme, il est

absolument necessaireque, passessix mille aDS,qui sont cal-

cules au lieu des six jours, Ie monde finisse. C est pour cela

aussi que Ie Christ, qui s incarna dans l annee 5500, c est-a-

dire au milieu du jour, dit que c est Ie dernier jour (1 In 2,

18)33. »

L importance historique de cette information tIes interessante

ne semble pas avoir ete saisie dans toute son amp eur. L auteur

de la Theosophieraftage evidemment, comme beaucoup

d autres chroniqueurs des lye et ye siecles, la conception de

l histoire fondee sur la typologie hexameronale de la semaine

cosmique, qui place l incarnation du Christ dans l annee 5500 a

partir d Adam et Ie second avenement du Christ en l an 6000,

c est-a-dire veTS 00 ap. J.-C. Cette conception, comme nous Ie

savons grace aux etudes fondamentales de Gelzer34 et de

Grumel35,a ete elaboree au debut du lIIe siecle par Hippolyte36

et par Jules Africain37, et elle s est imposee comme canonique

dans la tradition chronographique protobyzantine. En particu-

lief, on peut noter que si Ie Theosophiste suivait, comme c est

probable, la chronologie alexandrine de Panodore et Annianus,

ERBSE, . 2.

34. H. GELZER, Sextus Julius Africanus und die byzantinische

Chronographie, Leipzig 1885, , en particulier p. 24-26.

35. v: GRUMEL,Traite d etudes byzantines, . La chronologie, Paris 1958.

D autres travaux utiles sur cette matiere tres compliquee sont : K.-H.

SCHWARTE,Die Vorgeschichte der augustinischen Weltalterlehre

(Antiquitas, Reihe 1 : Abhandlungen zur alten Geschichte, Band 12),

Bonn 1966, p. 119-176, et A. STROBEL,Ursprung und Geschichte des

fruhchristlichen Osterkalenders (Texte und Untersuchungen 121),

Berlin 1977,p. 397-412.Pour la diffusion de cette idee dans a litteratu-

re syriaque voir en dernier lieu W. WITAKOWSKY, The Idea of

 Septimana Mundi and the Millenarian Typology of the Creation in

Syriac Tradition», dans R. LAVENANT ed.), V Symposium Syriacum

(Orientalia Christiana Analecta 236), Roma 1990,p. 93-109.

36. Hippolyte, Com. Dan. IV, 23, 2-5 (GCS 1/1, p. 240 suiv.).

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LA 1HEOSOPHIE E TUBINGEN 119

il devait attendre la fin du monde pour l an 507/838.Ce n est

qu au VIe siecle qu Hesychius de Milet et Jean Malalas ant prig

leurs distances avec cette chronologie pour placer l incarna-

tion en l an 5967 et la crucifixion en l an 6000, demontrant

ainsi que Ie dernier millenaire etait deja amorce depuis de nom-

breux siecles sans que la fin du monde si redoutee ne se

produise39.

Dans ce contexte, DOUg evons considerer plus attentivement

l information sur la breve chronique qui concluait la Theosophie.

Partant d Adam, elle s etendait jusqu a l epoque de l empereur

Zenon. Cela signifie qu elle fut composee aux temps d Anastase,

plus precisement, entre 491 et 507/8, date presumee de la fin du

monde. Nos connaissances ur la chronographie des deux siecles

qui vont d Eusebe a Malalas sont malheureusement tres limi-

tees, a cause du silence des sources.Celie situation documentai-

re difficile ne DOUg mpeche outefois pas de relever que la chro-

nique qui concluait la Theosophie presente des similitudes

impressionnantes que perganDe,a ma connaissance,n a encore

signalees -avec leg Excerpta latina Barbari, c est-a-dire la tra-

duction latine, composee a l epoque merovingienne, d une chro-

nique grecque universelle aujourd hui perdue. Celie traduction

est connue egalement SallS e titre de Barbarus Scaligeri, du nom

de son premier editeur. Des opinions divergentes ant ete expri-

mees au sujet de la provenance et de la structure de sa source

grecque40.A man avis, il existe au mains trois bonnes raisons de

la mettre en rapport avec la chronique finale de la Theosophie.

En premier lieu, s il est vrai que la chronographie du Barbarus

s interrompt en l an 387, il faut admettre que sa source grecque

directe, qui developpe et met a jour une chronographie alexan-

drine datable du debut du Ve siecle, a ete composee SallS

37. Jules Africain, Exc. 10 (ed. M. J. ROUTH,Rei. sacr. II, Oxonii 18462,

repro Hildesheim-New York 1974,p. 246) ; Exc. 50 et 51 (p. 297-306).

38. Sur Panodore voir en dernier lieu W. ADLER, Time Immemorial:

Archaic History and its Sources n Christian Chronography from Julius

Africanus to George Syncellus (Dumbarton Oaks Studies 26),

Washington D. C. 1989,p. 72-105.

39. Malalas, Chronogr. X (ed. DINDORF, . 228-229). Bonne discussion

dans es Studies n John Malalas,ed. by E. JEFFREYSith B. CROKE nd

R. SCOTT Byzantina Australiensia 6), Sydney 1990, en particulier p.

116-121.

40. Voir l introduction a l edition de C. FRICK, Chronica Minora,

Lipsiae 1892, , p. LXXXIIl-CCIX.

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P.F. BEATRICE

Anastase (491-518), exactement comme la Theosophie,puisque

Ie laterculum mperatorum inclut cet empereur41, euxiemement,

il faut souligner -outre celie coincidence chronologique impor-

tante concernant a date de composition des deux textes -que la

source grecque du Barbarus, tout comme Ie Theosophiste, date

l incarnation en l an 550042, n reprenant la chronologie de Jules

Africain, un auteur explicitement mentionne avec approbation

dans deux autres passages e la chronique43.Troisiemement -et

il s agit 1ftsans doute de I. element e plus important pour notre

theme -, la source grecque du Barbarus utilise quelques extraits

du Protevangile de Jacques44 our l histoire de la naissancede

Jesuset de saint Jean Baptiste; ce texte apocryphe n est genera-

lement pas employe dans la tradition chronographique mais il

etait, comme nous l avons vu, bien connu de l auteur de la

Theosophie.

La tentation est donc forte d identifier la source grecque du

Barbarus avec la chronique qui concluait la Theosophie. Dans

tOllS es cas, a comparaison entre ces deux textes est eclairante,

comme l est aussi a comparaison avec certains textes de Severe

de Sozopolis, devenu patriarche monophysiste d Antioche (512-

518).

6. La Theosophie t Severe Antioche.

On a vu que l auteur de la Theosophieutilisait, entre autres,

un texte « apocryphe» de tendance clairement monophysite,

l Octateuque de Clement,et cela quelques annees avant qu il ne

soil cite par Severe d Antioche. II s agit d une coIncidence qui

confirme l existence de profondes affinites culturelles et theolo-

giques entre les deux ecrivains, sur lesquelles ai deja attire l at-

tention ailleurs45. Un element supplementaire, qui va dans Ie

meme sells, est foumi par la conception de l histoire et de l es-

chatologie. Severe, si l on en uge par la documentation qui nous

est parvenue, ne s est amais attarde longuement aux problemes

41. C. FRICK, . 330.

42. C. FRICK, . 338.

43. C. FRICK, . 264 et 266.

44. C. FRICK, . 338-343.Voir H. GELZER,Sextus ulius Africanus, II, p.

316-329.

45. J ai developpe cet argument dans la communication presentee au

Third Meeting of the International Society for the Classical Tradition,

Boston University, 8-12 March 1995 «Monophysite Christology in an

Oracle of Apollo ».

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121

A THEOSOPHIE DE TUBINGEN

touchant aux realites ultimes46.Toutefois, il revele son point de

vue dans deux textes, que je cite dans la traduction anglaise de

E. W. Brooks:

In six days, as the writings of the blessed Moses mystically

teach us, God made this visible world, and on the seventh he

rested. This same period therefore during which we men live

in this world, like a wheel, turns and revolves round itself in

the spaceof sevendays...47

If Jews and heathens accepted the words of the apostles,

we should have said what Peter says in the second epistle:

« One day with the Lord is as a thousand years, and a thou-

sand years as one day...» John the Evangelist also when he

said in his epistle, «Children, it is the last season hour) », did

not speak falst:ly... And, to put it in another way, since 5000

years and more had passedsince he world came nto being, as

the writings of Moses have handed down to us, and from

Christ's coming there has not yet been completed as much as

600 or 700 or 1000 years (let us concede this), how can it

appear unreasonable to apply the term «last» to the days of

the 600 years or may be 1000, when compared with those of

the 500048?

On ne manquera pas de remarquer la coincidence impres-

sionnante constituee par la presencedans la citation de la lettre

81 des de~ versets bibliques -2 P 3, 8 et 1 In 2, 18 -que nons

retrouvons dans a Theosophie, ans un contexte analogue.Dans

la lettre 93, Severecritique ouvertement, sur a base de In 21, 23,

l'ignorance et Ie manque d'information de ceux qui soutiennent

que Jean l'evang~liste ne partage pas Ie destin mortel commun

aux hommes, mais continue a vivre comme Henoch et Elie49. I

se range ainsi du cote des critiques de cette theorie, comme l'au-

teur des Dialogues du Ps.-cesaire50, t rejette la position defen-

due par l'antimo1 lophysisteEphrem, son successeur ur Ie siege

episcopald' Antioche, et par Andre de Cesaree. I est donc diffi-

cile de penser que Severe, s'il est vraiment l'auteur de la

Theosophie, ait pu ecrire que Jean partageait Ie sort d'Elie et

d'Henoch. Nous avons peut-etre ici un element renfor<r'ant otre

46. Des textes sont recueillis par W. DE VRIES,«Die Eschatologie des

Severus van Antiochien », Orientalia Christiana Periodica 23 (1957),p.

354-380.

47. Severe,Epist. 79 (PO XIV, p. 125).

48. Severe, Epist. 81 (PO XIV, p.128-131).

49. Severe,Epist. 93 (PO XIV, p. 170-177).

50. Ps.-Cesaire,Dial. 198 (GCS, p.173-175).

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122

P.F. BEATRICE

hypothese: la phrase de la Theosophie elative a l immortalite

provisoire de Jean ne serait pas originale et devrait etre conside-

fee comme une interpolation posterieure, emanant de milieux

oil la croyance en l assomption de Jean etait consideree comme

absolument necessairea l orthodoxie.

Ce que nous venons d exposer demontre a notre avis la neces-

site de considerer la Theosophiesous un nouveau our. Si dans

ce demier siecle ce sont surtout leg historiens des religions et des

philosophies de l Antiquite palenne qui ont exploite sa richesse,

Ie moment semble venu de l introduire dans Ie circuit non moins

prometteur des recherches sur la litterature chretienne, patris-

tiQue et apocryphe, des premiers siecles.

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LouisREY

Universitede Geneve

HOMER 0 CENTRA ET LITTERATURE

APOCRYPHE CHRETIENNE : QUELS

RAPPORTS?

This paper begins with an introduction about the cento genre, an

extreme orm of paraphrasis,and summarizes he information on the two

main collections of Homerocentra, i. e. homeric centones on the

Incarnation, life and Passionof Christ. Although the canonical Gospels

are their main source,an influence of apocryphal traditions can be estab-

lished in some cases.On the other hand, the centonists reatedsome top-

ics for which no direct model was available, and their text can achieve

there a certain apocryphal status.Examplesare given from the collection

of Homerocentra of which the author will shortly publish the first com-

plete and critical edition in the SourcesChretiennes series.

Apres une introduction sur Ie genre du centon, orme extremede para-

phrase, et l etat des connaissances ur les deux principales collections de

centons homeriques chretiens (les Homerocentra), cette communication

traite des sources de ces derniers. Bien que les Evangiles canoniques

soient la principale d entre elles, l influence de traditions apocryphes

connuespeut parfois etre decelee; d autre part, en l absencede modeles

directs pour certains episodes raitespar les auteurs des centons,on peut

y voir des developpements paralleles a certains apocryphes. Des

exemplessont donnes,a partir de la collection de Homerocentra dont

l auteur a etabli la premiere edition complete et critique, a paraure pro-

chainementdans a collection SourcesChretiennes.

Pour pouvoir repondre de maniere sure et exhaustive a la

question que pose ce titre, il faudrait disposer d editions cri-

tiques fiables tant des diverses collections de centons home-

riques chretiens que de I ensemble de la litterature apocryphe

qui pourrait avoir existe en grec dans I Antiquite tardive. Or, si

Ie travail est en COUTSt progressedans es deux:domaines, l est

loin d etre acheve. Ce sont donc plutot des pistes de recherche,

Apocrypha 7, 1996,p. 123-134

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124

A.-L. REY

etablies sur des bases partielles, que je vais tenter d esquisser.

Malgre Ie caractere foisonnant de la litterature apocryphe chre-

tienne, je puis supposer ici qu elle est familiere au lecteur, et il

ne revient certainement pas a un philologue venu de l etude de

la litterature grecque classiquea celIe de la civilisation byzantine

de completer son information sur ce point. Peut-etre en

revanche Ie genre litteraire du centon et ses manifestations

grecques chretiennes meritent-ils quelques mots d introduction.

centons et Homerocentra.

Le renton, piece composee sur un theme donne avec des ele-

ments empruntes a un ou plusieurs ouvrages preexistants, peut

etre considere comme une forme extreme de paraphrase. En

effet, la paraphrase varie la forme d un texte, en substituant par

exemple la prose a la poesie ou un niveau stylistique a un autre:

dans Ie renton, c est la totalite des mots et des toumures qui est

empruntee a un auteur et mise au service de l expression d un

nouveau contenu. Un exemple celebre est, dans Ie domaine latin,

Ie centon nuptial d Ausone1 : des veTsde Virgile sont agencesde

maniere a evoquer les diversesphasesd une noce ; dans la lettre

qui encadre ce texte, Ausone donne les regles de la composition

d un centon de qualite, et sa definition est regulierement citee

dans les etudes consacreesa ce genre. Les centons conserves,en

particulier en angue grecque, sont cependantsouvent d un niveau

d exigence technique inferieur a celui que preconise Ausone, et

leurs auteurs se satisfont notamment de la juxtaposition de veTS

entiers la ou Ie lettre bordelais recommandait de combiner deux

hemistiches pour former un veTS u un veTset demi et un hemis-

tiche pour en former deux. La mention de ces regles nous permet

d evoquer ici la lourdeur des contraintes formelles qui resent sur

la redaction d un renton, et ce meme dans Ie cas d un centon mal-

habile : il faudrait en principe reprendre leis quels, ou a defaut

alterer Ie mains possible les veTS mpruntes au texte qui sert de

1. Compose dans la deuxieme moitie du lye siecle, peut-etre en 368-

369, alors qu Ausone etait en service contre les Alamans, ct. A.

PASTORINO, pere di Decimo Magno AUSONIO, urin 1971,p. 93, ou

veTS374, a l occasion des noces de Gratien, selon l opinion du demier

editeur, R. P. H. GREEN,The Works of AUSONIUS, xford 1991,p. 518.

Sur le genre du centon en general, ct. G. SALANITRO Centoni », dans

Lo Spazio letterario della Grecia antica, dir. G. Cambiano, L. Canfora,

D. Lanza, vol. 1 : Produzione e la circolazione del testa, . 3 : I greci e

Roma, Rome 1994,p. 757-774.

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125

OMEROCENTRA ET LITrERATURE APOCRYPHE

materiau et de modele stylistique, epopee homerique dans e cas

qui DOUgnteresse, out en parvenant a une syntaxeacceptablede

l ensemble et a une expression uffisante du gensde chaqueepiso-

de traite. Sur ce dernier point, leg decalagesde vocabulaire et

d univers ideologique et culturel qui separent epopee classique

du fecit chretien dressentde serieuxobstaclessur Ie parcours des

centonistes qui ont entrepris de doDDer un habit virgilien ou

homerique a Jesusde Nazareth.

Nous laisseronsde cote leg centons virgiliens et la tradition de

paraphrases epiques latines de textes scripturaires, a laquelle

d ailleurs ont ete consacreesplusieurs etudes2,pour DOUg tta-

chef aux collections de centons homeriques chretiens qui DOUg

ont ete conserveespar la tradition manuscrite directe du Moyen

Age byzantin. II existe en effet plusieurs collections de longueur

et de composition differentes, meme si leur ordonnance genera-

Ie est toujours analogue. J ai pu repertorier pour l instant pres

de trente manuscrits, parmi lesquels eg uns se rattachent a une

tradition e:ditee a la Renaissance, dont Ie texte, avec ses 2343

vers repartis en 53 chapitres, est Ie plus long, tandis que la plu-

part des autres donnent des versions succinctes, longues de

quelques centaines de vers seulement3. Un manuscrit du xe

siecle, Ie Parisinus suppl. gr. 3884 est enfin Ie seul -a part leg

restes de deux folios relies au debut d un recueil de la

Bibliotheque Vaticane, Vaticanusg7: 9155 -a DOUgransmettre

2. Notamment les monographies de R. HERZOG,Die Bibelepik der latei-

nischen Spiitantike (Theorie und Geschichte der Literatur und der scho-

nen Ktinste, 37), Munich 1975 D. KARTSCHoKE, ibeldichtung, Studien

zur Geschichteder epischenBibelparaphrase van Juvencus his Otfrid

van Weij3enburg, Munich 1975; M. ROBERTS,Biblical Epic and

Rhetorical Paraphrase n Late Antiquity (ARCA, 16), Liverpool 1985,

ainsi que l edition du centon de Faltonia Betitia PROBA ar E. CLARKet

D. HATCH,The Golden Bough, the Oaken Cross, he Virgilian Cento of

F. B. P. (American Academy of Religion), s.l. 1981.

3. Sur ces differentes traditions des Homerocentra,cf. P. MORAUX, La

Redemption racontee en vers homeriques », dans Actes du xe congres

(Toulouse,8-12 avril 1978), Association Guillaume Bude, Paris 1980,p.

132-133; A.-L. REY, «Un manuscrit de la Renaissance con enant les

Homerocentra : Ie Palat. gr. 326 complete par des sections du recueil

factice Vallic. F 16 », dans Scritture, Libri e Testinelle aree provinciali di

Bisanzio, Atti del seminario di Erice (18-25 settembre1988),a cura di G.

Cavallo, G. de Gregorio e M. Maniaci, Spoleto 1992,p. 603-616; et R.

SCHEMBRA,La quarta redazione degli Homerocentones», Sileno 19

(1993),p. 277-293.

4. Les deux epigrammes-prefacesdont il va etre question et Ie texte des

Homerocentra occupent es fol. 2 a 44.

5. Les fol. 1 aet 2.

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126

A.-L. REY

un choix de centons de divers auteurs, si l'on en croit son titre6;

ce choix est legerement plus court que la collection editee a la

Renaissance puisqu'il comporte 1950 veTSenviron, en 50 cha-

pitres. La disparite des niveaux de qualite de ces chapitres, ou

centons, chaque chapitre formant un tout, est considerable et

concorde avec la pluralite d'auteurs mention nee dans Ie titre,

sans qu'on puisse malheureusementpour l'instant atlribuer indi-

viduellement les centons a tel ou tel d'entre eux.

Les donnees que l'on peut lifer des titres des manuscrits soot

completees par deux epigrammes, transmises par une partie

d'entre eux. La premiere presente en outre une tradition inde-

pendante, car elle figure dans l'Anthologie Palatine I, 119, sous

Ie titre de 'liTo6EULS WV O~llPOKEVTpWV.lle mentionne tout

d'abord, aux veTS1 a 4, l'auteur, la methode et Ie but de son

ouvrage :

BL[3AOSaTpLKLoLOEou8EOSPllTflP°S ,

oS E'YaEP'YOVpE~EV,O~llPELllS iTO3L[3AOU

Ku8aAL~wviTEWVEu~aS PLL~OVUOL81'1v,

iTP1'I~LaS U'Y'YEAAouuav UVLK1lTOLO 8EO1o7.

Ensuite, dans une longue enumeration qui,n'est malheureuse-

ment pas toujours aussidetaillee qu'on Ie voudrait pour pouvoir

identifier leg centons qui se rattachent a ce programme, l'epi-

gramme donne l'argument d'une collection de centons qui va de

l'incarnation a la resurrection.

La seconde epigramme est donnee dans leg manuscrits qui la

transmettent comme etant l'reuvre d' Aelia Eudocia8,epouse de

Theodose II, imperatrice dont la biographie est fiche en evene-

ments romanesques,et romances des eg chroniqueurs byzantins.

Ceci explique qu'on ait parfois eu tendance a ne preter attention

qu'a ce personnage certes important, et qui etait aussi l'auteur

de paraphrases epiques commentees par Photius dans sa

Bibliotheque, cod. 183 et 1849.Le nom d'Eudocie ne figure pas

6.' O~TlpoKEVTpwV laTplKloU ETTlcrK6TrOUat 'OrrTl~OU </>lAOO6<j>oUat Ei.&KlaS'

AiJyolxm]S' Kat Koo~a 'IEpooOAUI1lTOU TWV TTclVTWVElS' EV(y;; cruvef]~aTOS'

EKAOy1']V.

7. «Livre de Patrikios, pretre qui a la crainte de Dieu, et qui executa un

grand ouvrage, pour avail bati, des vers illustres tires du livre home-

rique, un tres precieux poeme, annonciateur des actes de Dieu, l'invin-

cible ».

8. PLRE II (AD 395-527) s. n. «Eudocia 2» ; ct. A.- M. ALFIERI,

«Eudocia Augusta», Rose di Pieria (ouvr. colI.), Bari 1991, p. 315-336.

9. II s'agit d'une paraphrase de l'Octateuque (cod. 183) et de la para-

phrase des livres prophetiques de Zacharie et de Daniel, accompagnee

dans Ie meme volume (TEUXOS-) par celIe du roman hagiographique de

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127

OMEROCENTRA ET LITrERATURE APOCRYPHE

dans 'epigramme, mais son auteur est bien une femme (v. 34-35)

et pretend avoir acheve et corrige l'ouvrage de Patrikios :

"H8E ~E:V L<JTopt11 8EOTEplTEOC; E<JTlV aol8fJC;.

llaTptKloC; 8', ()soT1'JV8E <Jo<j>wc; vEypatJ;aTo (3t(3AOV,

E<JTl ~E:V aEvaolo 8la~lTEpE:C; a~lOS" d(vov,

owEKa 8T1lTa~lTpWTOC; E~1']<JaTo Ku8l~OV EPYOV.

5 aAA E~TrT1C;u lTay~v ET1'JTV~aTaVT'ayopEvEV'

a).J..'E .lTTllS' uvoS' .lEVE<PU TOVOS' .l<poTEpOLUL

35 llaTpLKLcp Ka .lOL, KaL 1flAUTEPlJ TEP OVU1]IO.

Un troisieme auteur, Ie «philosophe Optimus» est mentionne

par Ie titre du Parisinus suppl. gr. 388, et en quatrieme et dernier

lieu COmede Jerusalem, 'hymnographe dont la tradition fait Ie

frere adoptif de Jean Damascene, et qui vivait au VIIIe siecle11.

Cyprien d'Antioche, en trois livres ou chants (cod. 184). Le resume que

fait Photius de ce demier texte a permis d'en identifier des Ie XVllle

siecle des fragments etendus dans un manuscrit de Florence (Laur. VII,

10), dont un folio, arrache au XVII" siecle, se trouve a Leyde (Leid.

BPG 95). Cf. l'edition dans la Bibliotheca Teubneriana par A.

LUDWICH, EUDOCIAE AUGUSTAE,PROCLI LYCII, CLAUDIANI carminum

graecorum reliquiae, accedunt Blemyomachiae fragmenta, Leipzig 1897,

que l'on peut completer par E. SALVANESCHI,«Un Faust redento» et

«Eudocia, De S. Cypriano », <TVy/(ptc1tS", Testi e studi di storia e filoso-

fia dellinguaggio religioso, Genes 1982, p.1-10 et 11-99, et, pour Ie folio

de Leyde, C. BEVEGNI, «Eudociae Augustae Martyrium S. Cypriani I,

1-99 », Prometheus 8 (1982), p. 249-262. Sur l'activite poetique d' Aelia

Eudocia ell; general, on consultera A. LUDWICH, «Eudokia, die Gattin

des Kaisers Theodosios II, als Dichterin », Rheinisches Museum fur

Philologie, N. F. 37 (1882), p. 206-225 ; E. SALVANESCHI, E:E AAAOY

AAAO, Antico e tardo-antico nelle opere di Eudocia Augusta », L1E<TJ10S"

/(otVlIJv{aS",Scritti di filologia e filosofia per Gianfranco Bartolini nel

secondo anniversario della scomparsa, a cura di Gianfranco Fabiano e

di Enrica Salvaneschi, Genova 1981, p. 125-188; et AI. CAMERON,«The

Empress and the Poet: Paganism and Politics at the court of

Theodosius II », Yale Classical Studies 27 (1982), p. 217-289.

10. V. 1-5 : «Voici l'histoire d'un chant agreable aDieu: Patrikios, qui

ingenieusement ecrivit ce livre, est certes digne d'un eloge continuelle-

meat intarissable, parce qu'assurement il imagina, Ie tout premier, un

glorieux ouvrage. Mais cependant il n'enon~a pas tout d'une maniere

absolument vraie : ...» ; v. 34-35 : «Mais quoi qu'il en soit, un travail

s'est developpe, commun a tous deux, a Patrikios et moi, bien que je

sois femme; ...».

11. Cf. A. KAZHDAN -S. GERO, « Kosmas of Jerusalem: a more critical

approach to his biography», Byzantinische Zeitschrift 82 (1989) p. 122-

132.

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128

A.-L.

REY

Bien que cette serie d auteurs nommes dans Ie titre du manus-

crit de Paris offre une palette assez arge de contextes d origine

possibles pour la redaction des divers centons, la finalite origi-

Delle probable de ces textes est vraisemblablement celie qui est

attestee pour nous par Ie caractere scolaire du manuscrit12,et

qui est confirmee par celui de plusieurs manuscrits, recueils poe-

tiques ou mixtes, qui transmettent les autres collections de

Homerocentra. Ces derniers permettaient l apprentissage de la

langue epique sans exposer es jeunes eleves a l influence perni-

cieuse de l ideologie palenne du veritable Homere : nous avons

la Ie reflet des debats sur l enseignement chretien que nous pou-

vans suivre aux quatrieme et cinquieme siecles. Heureusement

pour la transmission des textes classiques, a solution qui preva-

lut rut la generalisation d une attitude de respect a l egard des

modeles stylistiques authentiques, dont la lecture rut jugee pos-

sible, pour peu qu elle flit assortie des gardes-fous que consti-

tuent la selection des passagesa lire et l interpretation morale,

souvent allegorique, de ceux-ci.

Les editions modernes, depuis la Renaissance usqu au XIxe

siecle, vont perpetuer cette perspective, comme en temoigne

l epitre dedicatoire de l edition Aldine, datant de 1502, dans

laquelle les Homerocentra soot integres a un choix de poesie

chretienne ancienne, grecque et latine. Parmi les editions ulte-

rieures, je ne mentionnerai que l edition genevoise d Henri

Estienne, en 1578, a un format de «livre de poche» qui laisse

supposer une large diffusion, puis celie du libraire Claude

Chapelet (Paris 1609), a l usage des colleges jesuites, et enfin

celie de Ludwig Heinrich Teucher (Leipzig 1793) derniere edi-

tion de cette tradition du texte. On notera par ailleurs que la tra-

duction latine seule (reprise de l Aldine) rut accueillie dans les

editions successives de la Magna Bibliotheca Patrum de

Marguerin de la Bigne, des a premiere edition de 157513.

12. Tel qu il ressort de la presence de nombreuses gloses nterlineaires

dans certaines sections du manuscrit, ainsi que du choix des textes

didactiques, gnomiques et epiques qui Ie composent.

13. Le texte grec apparait dans Appendix qua Christiani Poetae Graeci

et Latini continentul; Paris 1624. Sur les collections patristiques

anciennes, on consultera P. PETITMENGIN, Les patrologies avant

Migne », Migne et Ie renouveaudes etudespatristiques,Actes du colloque

de Saint-Floul; 7-8 uillet 1975,edites par A. Mandouze et J. Fouilheron,

Paris 1985 (Theologie historique, 66), p. 15-38; cette etude se termine

par un precieux appendice bibliographique decrivant ces Bibliothecae

Patrum. L edition de 1575 est Ie n° 1 de cette liste, l Appendix de 1624

Ie n° 11.

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129

OMEROCENTRA ET LITrERATURE APOCRYPHE

En revanche, la tradition representee par Ie Paris. suppl. gr.

388, n'avait fait l'objet jusqu'a present que d'une edition partiel-

Ie par A. Ludwich14; l'edition commentee que j'en ai realisee

paraitra prochainement dans la collection Sources Chretiennes.

En reference a Ludwich, je designe es chapitres de la tradition

qu'il a partiellement editee par la lettre L suivie du numero

d'ordre du centon.

En ce qui conceme enfin les etudes recentes consacreesaux

Homerocentra, diverses recherches italiennes sur les centons

sont tIes marquees par ce qu'on pourrait appeler la theorie

ausonienne du centon d'une part, et par la recherche des rap-

ports entre les contextes de depart et d'arrivee des veTSutilises

d'autre part15. Parmi ces lectures intertextuelles qui font une

large place a la theorie litteraire, il y a lieu de citer un travail de

litterature comparee dil a un savant hongrois, Attila Faj, et qui

porte sur les sources d'inspiration d'ouvrages de James Joyce16.

Thematique des Homerocentra et apocryphes.

Examinons maintenant Ie theme general des Homerocentra et

donc Ie type d'ecrits apocryphes avec lesquels des points de

contact peuvent etre attendus.

Les Homerocentra ont pour theme centrall'economie du saint

de l'humanite et sa realisation par l'incarnation du Christ, dont

la vie et la passion sont narrees usqu'a l'ascension, moment de

son retour dans les cieux ou II se trouvait, aupres du PeTe, oTS

du dialogue initial de l'ouvrage, dont nons verrons tine partie

plus en detail. C'est donc a priori essentiellement e theme des

Evangiles (Ie Protevangile de Jacques etant compris dans cette

categorie), et non celui d' Actes, d'Epitres ou d' Apocalypses, qui

14. Elle est ncluse dans Ie volume mentionne ci-dessus, ote 9, au sujet

de la paraphrasehagiographique sur Cyprien d' Antioche.

15. L'utilisation des centons camille elements de la tradition indirecte

des textes de depart, Homere et Virgile essentiellement,est egalement

un theme de ces etudes. Cf. A.- M. ALFIERI, «Eudocia e il testo di

Omero », Sileno 13 (1987), p. 197-219; EAD.,«La tecnica compositiva

nel centone di Eudocia Augusta », Sileno 14 (1988), p. 137-156; A.

PIGNANI, II modello america e la fonte biblica nel centone di Eudocia

imperatrice », Koinonia (KOLVwvta) (1985), p. 33-41 ; R. SCHEMBRA,

«L'Omero 'cristiano'. Varianti di cristianizzazione e 8ola s- nella 'quar-

ta' redazione degli Homerocentones », Sileno 20 (1994),p. 317-332.

16. A. F AI, « Probable Byzantine and Hungarian Models of Ulysses and

FinnegansWake »,Arcadia 3 (1968),p. 48-72.

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130

A.-L. REY

est traite dans ce texte. Des rapports peuvent neanmoins etre

envisagesavec d'autres textes apocryphes, notamment relatifs a

la descente du Christ aux enters. On connait en effet l'importan-

ce du theme de la passion et de la resurrection dans la memoire

chretienne ancienne et les developpements pris dans certaines

traditions par la periode separant la crucifixion de la resurrec-

tion. C'est ainsi que des recits la concernant se retrouvent dans

divers textes apocryphes, alors que cette periode, qui dans Ie

corpus canonique releve des Evangiles, n'est guere developpee

dans ceux-ci17. Des apocryphes prophetiques tels que

l'Ascension d'Isai e peuvent d'autre part fournir des paralleles

occasionnels, en l'occurrence pour Ie dialogue initial du PeTe et

du Fils dans les cieux. Enfin, des motifs isoles peuvent avoir ete

empruntes, que ce soit directement ou bien par des ntermediaires

litteraires ou iconographiques, a des sources apocryphesvariees,

que seuls les specialistes de ce domaine seront en mesure de

reconnaitre. Comme on peut Ie supposer a la vue du sommaire

des centons de Patrikios que donne l'epigramme AP I 119, les

Evangiles canoniques sont certainement Ie fondement de la

majeure partie des diverses collections de Homerocentra, de

meme que Ie corpus homerique fournit la quasi-totalite de leur

substance epique, avec de ires fares veTs d' Apollonios de

Rhodes et quelques veTS apparemment fabriques de to utes

pieces dans Ie style epique. Pour des raisons tenant largement a

la disponibilite du materiau narratif homerique, la part des recits

de miracles est ires importante dans l'ensemble des episodes

traites par les centonistes.

Sourcesapocryphesdes Homerocentra et caracteristiques

apocryphes e ceux-ci.

Jusqu'ici, j'ai evoque des influences eventuelles des apo-

cryphes sur les Homerocentra, nfluences dont nous examinerons

plus loin les modalites ; mais il y a lieu egalement d'envisager un

autre type de rapport: des elements plus ou moins etendus des

Homerocentra peuvent en effet presenter pour des raisons

diverses un caractere apocryphe original- j'utilise bien entendu

Ie terme «apocryphe », sans Ie jugement de valeur depreciatif

traditionnel, pour faire reference aux multiples ecrits non cano-

17. Ct. J.-C. PICARD, Memoire des origines chretiennes », Introduction

a H. KOESTER t F. BOYaN, Genesede ['ecriture chretienne, Turnhout

1991, . 12.

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-, HOMEROCENTRAET LnTERATURE APOCRyPHE 131

niques qui sont au centre du colloque de Lausanne-Geneveet de

la presente publication. 11ne faut bien entendu pas etiqueter '

comme apocryphe tout discours chretien des qu'il s'eloigne, ne

serait-ce que pour les expliquer et les completer, des elements

transmis par la tradition canonique : dans ce cas, une g'rande

partie de la predication chretienne devrait etre consideree

comme apocryphe Toutefois, dans Ie cas des Homerocentra, en

consideration de leur caractere de paraphrase evangelique'syste-

matique, il me semble legitime de rapprocher certaines donnees

du texte de ce que no us pourrions appeler 1a mouvance apo-

cryphe. Le caractere d'intertextualite present dans de tres nom-

breux ecrits apocryphes est par ailleurs inevitable du fait de la

nature meme du genre du centon : une double reference, a la

tradition epique et a la tradition evangelique, est constante,

meme si elle est diversement significative.

Examinons maintenant, dans un ordre de generalite croissante

et d'originalite croissante des Homerocentra, quelques cas ou,

dans l'etat actuel des recherches, l est possible de deceler une

influence d'un texte apocryphe, d'etablir un parallele entre cen-

tons et apocryphes, ou enfin de considerer qu'un centon presen-

te un apport original, distinct des traditions canoniques.

-Le cas Ie plus simple est celui ou un element du texte des

centons n'a pas de source canonique, mais correspond a une

donnee aisement identifiable dans un apocryphe : ainsi la que-

nouille que tient Marie dans Ie centon L3, v. 17 correspond a son

activite de fileuse pour Ie voile du temple daps Ie Protevangilede

Jacques ch. 10-11) et Ie trone sur lequel elle siege (L3, v. 7) yest

egalement mentionne18.Faut-il conclure a une influence directe

du texte du Protevangile sur Ie centon ? La prudence commande

d'envisager au moins deux autres explications: la reprise de ces

elements de maniere non intentionnelle dans Ie modele home-

rique, au gre de l'utilisation de vers susceptiblesde decrire une

jeune fille dans sa demeure, ou bien, ce qui est plus probable du

fait de la presence de deux elements communs, la quenouille et

Ie trone, l'utilisation d'une source iconographique, dependante

elle-meme du Protevangile,et dont Ie centon representerait une

sorte d'ekphrasis19; e centon presente toutefois, outre ces ele-

ments visuels, des points de contact thematiques, analyses par

18. Cf. K. SMOLAK,«Beobachtungen zur Darstellungsweise in den

Homerzentonen », lahrbuch der Osterreichischen Byzantinistik 28

(1978),p. 29-49,39 s.

19. Cf. par ex. la representation de cette scene sur un tissu de soie du

Museo Sacra du Vatican, reproduite dans A. GRABAR, Christian

Iconography, A Studyof its Origins, Londres 1969, ig. 249.

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132

A.-L. REY

Kurt Smolak dans l'etude citee en note, avec Ie Protevangile de

Jacques.Ce qui est certain, c'est que la sobriete du fecit de Luc

se perd dans leg tastes homeriques de la description de la scene.

-Apres ce cas ou une source apocryphe possible etait identi-

fiable, voyons-en un ou un element non canonique et peu com-

prehensible des centons pourrait s'expliquer par l'influence de

l'iconographie, refletant peut-etre aussi quelque tradition apo-

cryphe. Au centon L34, consacre a un miracle de multiplication

de pains et de poissons,se lit un veTS omerique transforme qui

met en scene Ie Christ prenant Pierre par une main et Paul par

l'autre; il est tentant de voir ici Ie centon comme une ekphrasis

reinterpretant une representation du type de celIe qui figure sur

Ie trone de l'eveque Maximien de Ravenne, il est vrai d'epoque

justinienne20. D'autres representations de la paire apostolique

formee par Pierre et Paul sont frequentes, sous des formes tou-

tefois plus eloignees de l'iconographie impliquee par Ie centon21.

-L'utilisation de sources preexistantes non canoniques ou Ie

recours a des innovations eventuelles du centoniste etaient inevi-

tables lorsque l'episode traite ne possedait pas de modele dans

leg evangilescanoniques. C'est notamment Ie cas du centon L222,

qui est une partie d'un dialogue entre Ie PeTe et Ie Fils, situe

dans leg cieux avant l'incarnation. L'Ascension d'Isai e, 10, 7,

comporte bien un discours du PeTe au Christ, mais Ie ton et leg

preoccupations de ce discours, parallele au premier centon de la

collection que DOUg tudions ici, sont bien differents, et il n'y a

pas de reponse du Christ. L' Evangile apocryphe arabe de Jean

(CANT 44) presente certes dans son premier chapitre (II, 1,

apres l' Introduction) des reflexions sur Ie statui des personnes

de la Trinite, qui sont un echo de In. 1,1-5, mais sansechangede

repliques entre PeTeet Fils. Un parallele plus etroit est constitue

par la doctrine de Marcion, au temoignage d'Eznik de Kolb : si

20. Ibid., fig. 257.

21. Cf. M. RASSART-DEBERGH,Representation d'apotres aux Kellia »,

Journal of Coptic Studies2 (1992),p. 29-42,35s.

22. Ce texte a ete reproduit a la p. 77 du volume des pre-actes du

Colloque, dans tine version allegee de l'edition a paraitre dans S. C.,

mais il fait partie de la section des Homerocentra publiee par Ludwich ;

apres un veTSormulaire d'introduction, il comporte (v. 2-148)a repon-

se du Fils, par laquelle il accepte e plan du PeTepour Ie saint, a savoir

l'incamation (L1, v. 26-63), et se conclut par trois veTS xprimant l'iden-

tite de leurs vues sur Ie saint. Cf. A. PIGNANI, Eu/)oKladel Padre, U1TOO-

TO).. ed u1TaKo del Figlio nel Homerocento di Eudocia

imperatrice »,Ta).ap[aKOS ,tudia graeca Antonio Garzya sexagenario a

discipulis oblata, Naples 1987,p. 209-223.

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HO:MEROCENTRAET uTrERATURE APOCRYPHE

133

l'expose que ce peTe armenien du ye siecle en fait est exact,

Marcion aurait mis dans a bouche de Dieu (Ie Dieu etranger au

monde) une injonction au Fils a aller sur terre, a accomplir des

miracles, usqu'a etre en butte a l'hostilite du Dieu des creatures,

a etre crucifie, puis a aller en liberateur dans leg enfers23.

L'absence de toute mention de reponse du Fils pourrait s'expli-

quer par Ie caractere de resume de l'expose, mais l'enchaine-

ment des injonctions du PeTe et du fecit de la resurrection

semble ires coherent et pourrait remonter a la source d'Eznik.

Des elaborations paralleles mais independantes me paraissent

ici pouvoir rendre compte des ressemblances ntre leg centons et

Ie texte heretique perdu, plutot qu'une derivation directe. Je

gerais donc tente de conclure ici a une elab~ration originale du

centoniste, construite logiquement, a la

cr nier~ de certains

exercices rhetoriques, a partir des donnees de la tradition, et

pour combler un vide de celle-ci. Je rattache ai a la mention de

ce discours la question des paroles mises aDS a bouche du

Christ dans eg centons, paroles conditionnee par ce qui se trou-

vait disponible dans leg materiaux homeriq~s. C'est ainsi que

leg paraboles manquent completement, et au'un discours du

Christ aux disciples qu'il vient de choisir, L 1~, constitue l'essen-

tiel de sa predication doctrinale. \

-La descente du Christ aux enfers est Ur1autre episode oil

l'influence des apocryphes est inevitable.IUn rapport avec

I' Evangile de Nicodeme (Acta Pilati) est en p rticulier plausible,

mais leg contraintes imposeesa la compositioq par la reprise des

materiaux homeriques soot telles qu'il est ~i~icile de conclure.

Quant a l'architecture generale des HomerJcentra, l'etude de

l'ordre des episodes decrits dans leg diverges ~raditions des cen-

tons et dans leg apocryphes pertinents n'est pas achevee, du fait

notamment qu'au moins l'une des collections :de centons est un

choix. II faudrait pouvoir reconstituer l'ordre originel de chaque

tradition, ce qui est d'autant plus difficile qu'ily a un risque que

leg collections aient connu des accroissementssuccessifs.Parmi

leg sources possibles de la sequence des miracles, il semblerait

en tOllScas que l'ordre du Diatessaronn'ait pasete suivi.

Si un certain caractere apocryphe semble b~.en insi etre pre-

sent dans une partie des Homerocentra et pou'jait preter Ie flanc

a des critiques de la part d'une orthodoxie nor~[lative, e fait que

leg centons pouvaient etre caracterises, pour majeure partie

23. Ct. EZNIK DE KOLB, De Deo, traduction tran~aise, notes et tables

par L. Maries et Ch. Mercier (Patrologia Orientali~ 28, tasc. 4), Paris

1959,§ 358,p. 663 s. .I

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134

A.-L.

REY

de leur texte, comme tine forme extreme de paraphrase, a but

scolaire, des Evangiles canoniques me semble expliquer la tole-

rance dont ils ant beneficie durant Ie Moyen Age byzantin. De

meme, la modestie relative de leurs pretentions theologiques et

leur caractere ouvertement secondaire en garantissaient 'inno-

cuite : on ne vail guere un groupe heretique s'appuyer pour sa

predication sur des centons homeriques Photius, qui avail

condamne leg Actes apocryphes24, 'avait rien trouve a redire

aux paraphrases (~ETa<t>paaElS'ans sa terminologie) d' Aelia

Eudocia dont il a ete question tout a l'heure ; il est dommage

que Ie savant patriarche ne nous ail pas laisse de notice sur les

Homerocentra.

]'annon'1'aisau debut de cet article des pistes de recherche. Le

dialogue, loTs du Colloque et, pour Ie lecteur, entre leg pagesdes

volumes des Actes, avec leg specialistes du domaine

apocryphe25, a permis et permettra de mieux identifier leg

influences des apocryphes et de caracteriser leg initiatives des

centonistes. 'espere que celles que je viens de mentionner don-

neront quelque envie de jeter un coup d'reil aces curieux

hybrides que sont leg Homerocentra. La prise en compte de ces

textes n'est sansdoute pas appelee a revolutionner leg etudes sur

leg apocryphes, pas plus d'ailleurs que leg etudes neotestamen-

taires ou homeriques; mais ils illustrent tres bien la fluidite de

l'espace culture 1 dans lequelleurs auteurs travaillaient, entre

Antiquite tardive et Moyen Age byzantin, entre textes et

images, a la croisee de domaines culturels et religieux qui

n'etaient pas rigoureusement cloisonnes.

24. Cod. 114; cf. E. JUNOD, Actes Apocryphes et heresie : Ie jugement

de Photius », in F. Bovon & alii, Les Actes apocryphes des apotres.

Christianisme et monde pai'en (Publications de la Faculte de Theologie

de l'Universite de Geneve 4), Geneve 1981,p. 11-24.

25. J'aimerais en particulier remercier ici MmesM. Rassart-Debergh et

N. Thierry pour les informations et confirmations que je leur dois dans

Ie domaine des rapports avec 'iconographie.

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Christopher R. MATTHEWS

WestonJesuit School of Theology

Cambridge, MA, USA

NI CEPH 0 RUS CALLISTUS' PHYSICAL

DESCRIPTION OF PETER: AN ORIGINAL

COMPONENT OF THE ACTS OF PETER ?

La description que Nicephore donne de Paul a souventete rapprochee

du portrait que les Actes de Paul donnent de I'apotre. La description de

Pierre, par contre, n'a gu e ete etudiee. Le portrait litteraire que

Nicephore brosse de Pierre a probablement ete extrait des Actes de

Pierre et en reflete ainsi un aspect nconnu. Les deux descriptionssem-

blent provenir des Actes apocryphes qui, a leur foul; refletent I'utilisation

litteraire de theories physiognomoniques tres populaires aux premier et

deuxiemesieclesde I'ere chretienne.Ces raditions apocryphessont peut-

etre au depart de la differenciation des representations e Pierre et Paul

dans 'art chretien.

Although Nicephorus' description of Paul has often been elated to the

portrait found in the Acts of Paul, little attention has been paid to the

description of Peter that precedes t. It is possible that Nicephorus' liter-

ary portrait of Peter was drawn from and preservesan otherwise unat-

testedeature of the Acts of Peter. Both descriptionsappear to stem rom

the Apocryphal Acts, which in turn reflect the literary employment of

physiognomical theory so popular in the irst and second centuriesof the

common era. Such apocryphal traditions may haveprovided a basis or

the eventual artistic differentiation betweenPeter and Paul in Christian

art.

1. Introduction.

In Book II, chapter 37, of the Historia Ecclesiastica of

Nicephorus Callistus «Xanthopoulos », at the conclusion of his

accounts of the lives and martyrdoms of Peter and Paul,

Nicephorus provides physical descriptions of both apostles.The

introduction to these descriptions is simple and somewhat

Apocrypha 7, 1996,p. 135-145

Page 136: Apocrypha 7, 1996

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.

,

.J

136 c. R. MA1THEWS

abrupt: «The constitution of the form and bodies of the divine

apostles may be outlined as follows. »1 What is the origin of these

descriptions, and why has Nicephorus included them here?

2. A Physical Description of Peter.

The description of Peter reads as follows:

The divine Peter was of moderate stature and he stood

quite erect. His face was pale yellow and very fair. The hair of

his head and beard was woolly and thick, but not flowing. He

presented eyes that were bloodshot and dark, and his eye-

brows were raised. His nose was long but did not end in a

point; he was flat-nosed as it were.

This description is striking in several respects. Following on

the narrative of Peter s activities and martyrdom in Rome in the

preceding chapters of Book II, it initially has the character of an

afterthought. What is Nicephorus source for this information?

Does he simply reflect standard Byzantine artistic representa-

tions of Peter? Does he reproduce a description from a contem-

porary written source, such as a painter s handbook? An exami-

nation of Nicephorus handling of sources, particularly his

valuation of apocryphal materials, raises the possibility that his

description of Peter may derive from an early Christian literary

source, indeed, perhaps from the Acts of Peter itself.

3. Nicephorus and the Apocryphal Acts.

Nicephorus lived approximately from 1256 to 1335 and proba-

bly spent much of his life as a priest at Hagia Sophia in

Constantinople.2 It is significant for our considerations to bear in

mind that Nicephorus was a prolific author. Although he is best

known for his Ecclesiastical History, he wrote numerous other

L The text (PG 145,col. 853c-d) may be found in the appendix. English

translations of Nicephorus are my own, with thanks to Brian E. Daley

for his counsel.

2. For details of Nicephorus biography and literary output, see Hans-

Georg BECK,Kirche und theologischeLiteratur im byzantinischenReich

(Byzantinisches Handbuch 2,1), Munich: C. H. Beck sche Verlagsbuch-

handlung, 1959, p. 705-707. Also see M. JUGIE, « Nicephore Calliste

Xanthopoulos », in Dictionnaire de theologie catholique, Paris:

Letouzey et Ane, 1931,11,col. 446-452.

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8/20/2019 Apocrypha 7, 1996

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137

ICEPHORUS CALLISTUS DESCRIPTION OF PETER

historical, liturgical, exegetical, oratorical, and hagiographical

works. It is equally important to bear in mind that Nicephorus

had access o a great repository of documents n the library asso-

ciated with Hagia Sophia. Analysis of the Ecclesiastical History

demonstrates he wide array of sources at his disposal, and these

materials included the Apocryphal Acts.

This latter point may be suitably reinforced by reading the

text of chapter 37 following the description of Peter, for here

one finds a description of Paul familiar to all devoteesof the ear-

liest Apocryphal Acts:

The divine Paul was small and compact of body, having it

crooked as it were, and slightly hunchbacked.His face was fair

and gave the impression that he was older than he was. His

head was bare, his eyeswere bright, and he had eyebrows that

inclined downward. He possessed handsomely curved nose,

which dominated his entire face. His beard was thick and

flowed down fully. Both his beard and the hair of his head

were sprinkled with gray.

This description of Paul immediately brings to mind its likely

source n Acts of Paul and Thecla3. There we read that Paul was:

a man small of stature, with a bald head and crooked legs,

in a good state of body, with eyebrows meeting and nose

somewhat hooked, full of friendliness; for now he appeared

like a man, and now he had the face of an angel.3

Stylistic variations in Nicephorus description from what we

read in extant versions of the Acts of Paul appear to fall within

the ordinary range of Nicephorus revision of his sources.4

3. Translation from Wilhelm SCHNEEMELCHER,d., New Testament

Apocrypha, rev. ed., English trans. ed. R. McL. WILSON,Cambridge:

JamesClarke; Louisville (KY): Westminster/John Knox, 1991-92,2, p.

239. On the description of Paul, see Giuseppe RICCIOTTI,Paul the

Apostle, trans. A. I. ZIZZAMIA,Milwaukee (WI) : Bruce, 1953,p. 151-

159; Robert M. GRANT,«The Description of Paul in the Acts of Paul

and Thecla », Vigiliae Christianae 36 (1982), p. 1-4; Abraham J.

MALHERBE,« A Physical Description of Paul », Harvard Theological

Review 79 (1986),p.170-175.

4. On this point, see below. Variation may also be located at the level of

the production of copies of the Acts of Paul. As Harry Y. GAMBLE om-

ments (Books and Readers in the Early Church: A History of Early

C;hristian Texts,New Haven: Yale University Press, 1995,p. 85) with

respect to the publication and circulation of Greco-Roman literature:

« Since every copy was made by hand, each was unique, and every

owner of sucha copy was free to do with it as he or she chose.»

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"

C. R. MATTHEWS

Several observations support the supposition that Nicephorus

drew his description of Paul directly from the Acts of Paul: (1)

his use of the Acts of Paul elsewhere in Book II of the

EcclesiasticalHistory; (2) his customary method of dealing with

literary sources in that work; and (3) his employment of other

Apocryphal Acts.

(1) In chapter 25 of Book II of the Ecclesiastical History,

Nicephorus explicitly indicates his dependence on « hose who

compiled the travels of Paul ».5 t is reasonable o assume hat this

designation refers to a copy of the Acts of Paul that Nicephorus

read in the library at Hagia Sophia.6 A particularly instructive

example of Nicephorus' dependence on the Acts of Paul is his

account of Paul's 8llplo~ax(a in Ephesus in the same chapter

Prior to Carl Schmidt's publication of the Hamburg Papyrus in

1936, this incident was known almost exclusively through

Nicephorus.8An allusion to this story in Hippolytus' Commentary

on Daniel 3, 29 attested he tale's early pedigree, and M. R. James

was convinced that it belonged somewhere n the Acts of Paul and

so printed Nicephorus' version in his translation.9The Hamburg

Papyrus both confirmed the good judgment of James and the

worth of Nicephorus' EcclesiasticalHistory in .the search or apoc-

ryphal traditions. In fact Nicephorus was not the first author to

employ the apocryphalresourcesof Hagia Sophia in the serviceof

his ecclesiastical ompositions. Some centuries earlier Nicetas of

Paphlagonia utilized the Acts of Paul, including the Ephesus

account, n his encomium o Paul.1O

5. On the distinction between 1TEpt08olnd 1Tp<i~ElS',ee Leon VOUAUX,

Les Actes de Paul et ses ettres apocryphes. Introduction, textes, raduc-

tion et commentaire, Paris: Letouzey et Ane, 1913, p. 25; Carl

SCHMIDT, d., lTPAZEILJ lTAYAOr: Acta Pauli. Nach dem Papyrus der

Hamburger Staats- und Universitiits-Bibliothek, Gluckstadt and

Hamburg: Augustin, 1936,p. 94, n. 2.

6. As Vouaux (Actes de Paul, p. 25) suggested.

7. PG 145,col. 831.

8. For Schmidt's discussionof the relation between Nicephorus' account

of the Ephesus incident and the Hamburg Papyrus, see Acta Pauli, p.

85-98. An unpublished fourth-century Coptic text containing an almost

complete version of the Ephesus narrative is described by Rodolphe

KASSER, «Acta Pauli 1959 », Revue d'histoire et de philosophie

religieuses 40 (1960), p. 45-57; see SCHNEEMELCHER,ew Testament

Apocrypha, 2, p. 263-65.

9. M. R. JAMES, he Apocryphal New Testament.Being the Apocryphal

Gospels, Acts, Epistles, and Apocalypses with Other Narratives and

Fragments Newly Translated,1924 (reprint, Oxford: Clarendon, 1960),

p.291-292.

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139

ICEPHORUS CALLISTUS DESCRIPTION OF PETER

(2) Recognition of the fact that the Hamburg Papyrusprovides

a much fuller version of Paul s encounter with the wild beasts at

Ephesus than the one offered by Nicephorus raises he question

of the nature of Nicephorus utilization of sources.We must ask

whether Nicephorus has summarized this story himself, from a

firsthand examination of the Acts of Paul, or whether he is depen-

dent on some intermediate source which has already made the

abbreviation? If we may extrapolate from Nicephorus treatment

of his other sources, it appears that his preferred method is to

work from «original» sources himself.12 t is important to note,

however, that his adaptation of sources s characterized by a ten-

dency toward abbreviation and a pronounced preference for

10. SeeA. VOGT, «Deux discours inedits de Nicetas de Paphlagonie»,

Orientalia Christiana 23 (1931),p. 5-97. The two panegyrics are of Peter

and Paul. Vogt points out «<Deux discours», p. 12-16) that Nicetas, in

addition to his extensive usage of earlier historians, had a decided pref-

erence for apocryphal sources,notably the Acts of Paul, notwithstand-

ing their condemnation in orthodox circles and despite his status as a

disciple of Photius. Similarities between Nicephorus narrative of the

Ephesus account and the version of this incident in Nicetas (see VOGT,

«Deux discours», p. 15-16.81-83)might suggest hat both authors had

access o a copy of the Acts of Paul with a truncated version of the

Ephesus incident. But an abridged version of the story is readily

explained in Nicetas caseby the genre of the work in which we find his

account, and in Nicephorus case by his penchant for abbreviation. In

any event, one might imagine, as Willy Rordorf suggested o me in con-

versasion after this paper was presented in Geneva, that Nicephorus

utilized the same copy of the Acts of Paul at Hagia Sophia earlier

handled by Nicetas.

11. Richard Adelbert LIPSIUSDie apokryphen Apostelgeschichtenund

Apostellegenden : Ein Beitrag zur altchristlichen Literaturgeschichte,

Braunschweig: Schwetschke, 1887, 1, p. 188-89; 2/1, p. 214-17) and

other nineteenth-century scholars proposed that Nicephorus more or

less plagiarized some earlier work(s) (variously identified as a Catholic

compilation of the acts of the apostles or an anonymous full-scale

church history). Subsequent investigation has demonstrated that

Nicephorus alleged dependence upon an anonymous tenth-century

church history is without foundation, and that the arrangement and

execution of the Ecclesiastical History represents his own work. See

GUnter GENTZand Kurt ALAND, «Die Quellen der Kirchengeschichte

des Nicephorus und ihre Bedeutung fur die Konstituierung des Textes

der alteren Kirchenhistoriker », Zeitschrift fur die neutestamentliche

Wissenschaft 42 (1949), p. 104-141, especially p. 110-117; GUnter

GENTZ,Die Kirchengeschichte des Nicephorus Callistus Xanthopulus

und ihre Quellen (Texte und Untersuchungen 98), Berlin: Akademie-

Verlag, 1966.

12. GENTZ nd ALAND, « Quellen », p. 117.

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140

c. R. MA1THEWS

recasting he vocabulary of the appropriated materiaV3 Thus we

may not rely on Nicephorus to provide a literal, continuous text

for his citations from source documents, ncluding the Apocryphal

Acts. Nevertheless, his work provides us with an opportunity to

supplement our knowledge with respect o the subject matter and

generalnarrative content of the various acts.

(3) In addition to the Acts of Paul, chapters 27 and 35 of Book

II of the Ecclesiastical History also betray the influence of the

Acts of Pete1:Nicephorus has clearly consulted these apocryphal

texts in the process of extending the narration of the lives of the

two most prominent apostles beyond the limits of the canonical

Acts. One may also presume that the notices beginning with

chapter 38 concerning the activities and fates of James,Andrew,

Philip, Bartholomew, Thomas, and so on, also rely on diverse

apocryphal sources e. g., the Acts of Philip14).

If Nicephorus description of Paul is firmly anchored to the

early model in the Acts of Paul, is it not conceivable that the

description of Peter admits of a similar origin? Richard

Bauckham has recently echoed the often-made observation that

the physical description of Paul in the Acts of Paul reflects a

standard feature of Greco-Roman biography, and he speculates

that «since we do not have the earliest sections of the Acts of

Peter, he Acts of Andrew or the AcLYof John, we cannot be sure

that such descriptions did not occur in them ».15Has Nicephorus

preserved one of these conjectured missingdescriptions?

Ernst von Dobschillz advanced the thesis that Nicephorus

drew his apostle descriptions from the ninth-century painter s

13. Ibid., p. 138.

14. On Nicephorus witness to the Acts of Philip, see Franc;:oisBOVON,

«Les Actes de Philippe », in Wolfgang HAASE, ed., Aufstieg und

Niedergang der romischen Welt: Geschichte und Kultur Roms im

Spiegel der neueren Forschung, II: Principat, Band 25/6, Berlin: de

Gruyter, 1988,p. 4455-4456.

15. Richard BAUCKHAM, The Acts of Paul as a Sequel o Acts », in The

Book of Acts in Its Ancient Literary Setting,ed. Bruce W. WINTERand

Andrew D. CLARKE (The Book of Acts in Its First Century Setting 1),

Grand Rapids (MI) : Eerdmans; Carlisle: Paternoster, 1993,p. 138,n.

93. Geneva MISENER«< conistic Portraits », Classical Philology 19

[1924], p. 115) notes that in biography, as well as other genres, «the

iconismus may serve two widely different purposes: that of vigorous,

incisive, usually satiric, portraiture or the dry transcription of features ».

See also Ludwig BIELER, BEl OJ; ANHP. Das Bild des « gottlichen

Menschen» in Spiitantike und Frilhchristentum, Vienna: Oskar Hofels,

1935, 1, p. 49-56. Elizabeth C. EVANS «<Roman Descriptions of

Personal Appearance in History and Biography», Harvard Studies in

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141

NICEPHORUS CALLISruS DESCRIPTION OF PETER

handbook of Elpios of Rome.I6 GUnter Gentz, in an appendix to

his detailed investigation of the Ecclesiastical History of

Nicephorus and its sources, disagreed with von Dobschtitz s

identification of Elpios, preferring to attribute the descriptions

to some unknown painter s handbook. I? But if Nicephorus

description of Paul reflects knowledge of the description found

in the Acts of Paul, as has often been assumed, hen there is no

need to postulate recourse to a painter s handbook to explain

the presence of Paul s description in Nicephorus. Further clarity

on this issue may be gained by approaching the question in

terms of the relation between literary descriptions and artistic

depictions.

4. Developmentsn Early Christian conography.

The description of Paul found in the Acts of Paul, if we place

this work in the latter part of the second century, s apparently

predates any fixed Pauline iconography in the early Christian

figurative repertoire by some 150 years.19 imilarly, the physiog-

nomical definition of Peter in the figurative arts does not appear

Classical Philology 46 [1935], p. 43-84) ndicates in detail how physiog-

nomical theory influenced Suetonius descriptions of the Roman

emperors, a regular feature of {hose biographies. She observes that

« handbooks on physiognomy enjoyed in reality a far greater popularity

with the writers of the Roman Empire than has been granted to them »

(p. 74). Greek literature of the same period also reveals the popularity

of physiognomical theory. Of course the most influential treatises on

the art of physiognomy were in Greek, those of pseudo-Aristotle and

Polemon of Laodicea.

16. Ernst VONDOBSCHOTZ,er Apostel Paulus, Halle, 1928,2/2, p. 46,

n. 8 ; cited in GENTZ,Kirchengeschichte, . 209, n. 1.

17. GENTZ,Kirchengeschichte, . 209-210.

18. SCHNEEMELCHER,ew Testament Apocrypha 2, p. 235; J. K.

ELLIOTT, The Apocryphal New Testament.A Collection of Apocryphal

Christian Literature in an English Translation, Oxford: Clarendon,

1993,p. 357.

19. Danilo MAZZOLENI,«Paul, Iconography», in Encyclopedia of the

Early Church, ed. Angelo DI BERARDINO,rans. Adrian WALFORD,

New York: Oxford University Press, 1992, 2, p. 659 ; Ruth Wilkins

SULLIVAN, Saints Peter and Paul: Some ironic aspects of their imag-

ing », Art History 17 (1994), p. 67-68. On the status of early Christian art

in general, see Ernst KITZINGER,Byzantine Art in the Making. Main

lines of stylistic development in Mediterranean Art, 3rd- 7th Century,

Cambridge: Harvard University Press,1977,p. 19-21.

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142

c. R. MATrnEWS

before the mid-fourth century}OThus in relation to the differen-

tiation in iconography for Peter and Paul that is established by

ca. 360, the description of Paul in the Acts of Paul is quite early.

If Nicephorus' description of Peter were also to be accepted as

early, perhaps even a component of the missing first section of

the Acts of Peter, one might conjecture that the contrasting

images of Peter and Paul, so prominent in later Christian art-

work, began as an intertextual development connected with

these apostles' respective Apocryphal Acts} Although it is dif-

ficult to establish precisely, he Acts of Paul and the Acts of Peter

do share a relationship of some kind}2

Whether or not apocryphal descriptions of Peter and Paul

influenced subsequent developments in Christian art,23 the

descriptions that Nicephorus provides seem clearly to possessa

literary rather than an artistic ancestry. Already by the time of

Chrysostom (ca. 347-407) iconographical developments had

become quite complex,24n comparison with which the descrip-

tions Nicephorus provides appear rather restrained. Although

Nicephorus refers to paintings of Christ, Mary, and the chief

apostles in chapter 43 of Book II, he gives no indication that he

relies on information connected with artwork for his descrip-

tions in chapter 37. Further, several elements of the descriptions,

20. Umberto BROCCOLI, Peter, Iconography», in Encyclopedia of the

Early Church 2, p. 677; SULLIVAN, Saints Peter and Paul », p. 65-67.

See also Manuel SOTOMAYOR,. Pedro en la iconografia paleocristiana

(Biblioteca Teol6gica Granadina 5), Granada: Facultad de Teologfa,

1962,p. 163-164; on the influence of the PetTine apocrypha, see p. 25-

31.

21. One may allow that such interplay between the images described

also had roots in the oral tradition.

22. On the issue of dependence with respect to these two works, see

SCHNEEMELCHER,ew TestamentApocrypha 2, p. 215.275 Dennis R.

MACDoNALD, « The Acts of Paul and The Acts of Peter.. Which Came

First?» in Society of Biblical Literature 1992 Seminar Papers, ed.

Eugene H. LOVERING SBL Seminar Papers 31), Atlanta: Scholars

Press, 1992,p. 214-224; Robert F. STOOPS,Peter, Paul, and Priority in

the Apocryphal Acts », in 1992 Seminar Papers,p. 225-233.

23. That the Acts of Peter otherwise inspired early Christian art is indi-

cated by the inclusion of Simon Magus' fall from the sky in the frescoes

of Old Saint Peter's. See Thomas F. MATHEWS, he Clash of Gods. A

Reinterpretation of Early Christian Art, Princeton (NJ) : Princeton

University Press,1993,p. 86.

24. Margaret M. MITCHELL, « The Archetypal Image: John

Chrysostom's Portraits of Paul », Journal of Religion 75 (1995), p. 15-43,

especiallyp. 28.34-38.

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143

ICEPHORUS CALLISTUS DESCRI~ON OF PETER

such as Peter s bloodshot eyes or the short and crooked Paul, are

absent or extremely uncommon in both early and medieval artis-

tic renderings of Peter and Paul. As has been shown by others,

the description of Paul in the Acts of Paul is comparable to

Archilochus depiction of a general or Suetonius physical

description of Augustus.25 Such rhetorical pieces were devel-

oped in connection with physiognomic manuals, which included

methods for the «photographic description of the entire

body ».26Physiognomical theory, which « attached definite moral

attitudes to specific bodily features ...had captured the imagina-

tion of a broad spectrum of the Graeco-Roman literati ».27 t is

precisely in this arena that we should look for the meaning of

Peter s «bloodshot» eyes, a characteristic that signals a « spirit-

ed, fiery glance ».28

25. GRANT,« Description » ; MALHERBE, Physical Description ».

26. Patricia Cox, Biography in Late Antiquity. A Quest or the Holy

Man (Transformation of the Classical Heritage 5), Berkeley and Los

Angeles: University of California Press, 1983,p. 14. See Evans s survey

«( Roman Descriptions », especially p. 45) of physical descriptions in

the writings of Roman historians and biographers. As Misener observes

«( Iconistic Portraits », p. 117) : « From the time of Suetonius he photo-

graphic iconismos becomes the accepted mode of description in Latin

biography. »

27. Cox, Biography, p. 15. Evans demonstrates (Elizabeth C. EVANS,

« The Study of Physiognomy in the Second Century A.D. »,

Transactionsand Proceedingsof the American Philological Association

72 [1941], p. 96-108) he widespread interest iff the subject of physiog-

nomy among writers of the second century C.E. As Daniel MARGUERAT

and Walter REBELL emark «( Les Actes de Paul. Un portrait inhabituel

de l apotre », in Le mystere apocryphe. Introduction ii une litterature

meconnue,ed. Jean-Daniel KAESTLIand Daniel MARGUERATEssais

bibliques 26], Geneva: Labor et Fides, 1995,p. 114) : « La description

physique, dans l antiquite, revet en effet une portee beaucoupplus sym-

bolique que documentaire; l effet de la personne est rendu, plutot que

Ie souvenir (s il existe) des temoins oculaires.»

28. Although found in a factitious context, the description of the

favored recruit in Lucian, The Parasite 41, nevertheless clarifies the

meaning of ilcpall10S-« In the first place, s he not generous in his pro-

portions and pleasing in his complexion ...and besides, has he not a

spirited look, with a fiery glance like mine, high and bloodshot (I1Eya

Katv</>alI10V)?The translation is that of A. M. HARMON, ucian (Loeb

Classical Library 130), Cambridge: Harvard University Press, 1921, 3,

p;285.

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.

--

144 c. R. MATTHEWS

5. Conclusion.

It is quite possible that Nicephorus physical descriptions of

Paul and Peter stem from the Apocryphal Acts, which in turn

reflect the literary employment of physiognomical theory so

popular in the first and second centuries of the common era.

Such apocryphal traditions may have provided a basis for the

eventual artistic differentiation between Peter and Paul in

Christian art.

Nicephorus concern, however, is neither with the literary ori-

gins of these descriptions nor the artistic depiction of the apos-

tles. He cites these descriptions not merely to satisfy the curiosi-

ty of his readers but, as his comment indicates, to invoke the

presence of these apostles and the grace that was inevitably con-

nected with their images. He concludes his citations of the

descriptions of Peter and Paul by informing his readers hat:

When they appeared, both disciples of Christ were almost

divine in form, with a full measure of the Holy Spirit and

divine grace. Consequently they dispensed grace invisibly

even to those faithful who only glanced. at them, with the

result that their lives were established according o the rhythm

of faith and led toward the better.

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NICEPHORUS CALLISTUS' DESCRIPTION OF PETER

145

Appendix.

Nicephorus Callistus' descriptions of Peter and Paul. From

Book II, chapter 37, of the Historia Ecclesiastica PG 145, col.

853c-d, slightly emended).

ELX6v YE ~l'Jv TflS' 6EaE(J}S flS' ~OP<j>flS'Kat TOV aw~aTOS' ot

6ElOl OtJTOl aTTOOTOAOl,Ws- EV TUTTtp8laAal3Elv, OUT(J}S .

.0 ~EV 6ElOS' llETpOS' Tl'JV liAlKLav ~ETplOS' ~V, ETTt TO Op6l0V

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<j>EPTlS'./JlAOs-Tl'JV KE<j>aATlV' apoTTot 8E aUT~ ~aav ot 6<t>6a~ot

KUTW 8E Kat TclS' 6<j>p'i)so 1XE VEuouaaS'. EUKa~TTfl Kat pETTouaav

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Ka6El~EVTlV apKOUVTWS' EXWV. palVO~EVTlV 8E TaUT1lV Kat Tl'JV

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dYEaeal. A>J..cl TTEpt ~EV TWV Kopu<j>aLOU plaTOV ~aftJ1TWV apKEl

ToaaVTa.

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Alberto FERREIRO

SeattlePacific University, WA, USA

SIMON MAGUS:

THE PATRISTIC -MEDIEVAL

TRAD ITI 0 NS AND HISTO RI OG RAPHY

Simon le magicien, connu par les Actes des apotres (8,9-24), es Actes

de Pierre (Actus Petri cum Simone) et la Passio Sanctorum

Apostolorum Petri et Pauli, a ere utilise par l Eglise de maniere meta-

phorique et typologique pour combattre les pratiques immorales, les

heresies doctrinales, a magie et la sorcellerie. Depuis les debuts de l ere

chretienne jusqu iJ la fin du moyen age, on trouve des traditions sur

Simon le magicien qui ant leur source principalement dans des textes

apocryphes et canoniques et d autres qui en sont completement ndepen-

dantes. Cette contribution rente de donner un vue d ensemble des diffe-

rentes traditions, de resumer es acquis de la rechercheet d evaluer e tra-

vail encore iJ ournir sur Simon le magicien.

Simon Magus, who is known from the Acts of the Apostles (8 :9-24),

the Actus Petri cum Simone (Acts of Peter), and the Passio Sanctorum

Apostolorum Petri et Pauli (passio), was used metaphorically and typo-

logically by the Church to censure mmoral behaviol; doctrinal heresy,

and magic and witchcraft. We also witness rom the Early Christian era

to the end of the Middle Ages the emergence of traditions about Simon

Magus that are primarily based upon canonical and apocryphal textsand

those that are wholly independent of hesesources.The intent of this arti-

cle is to provide an overview of the traditions, the researchdone up to

now, and the work that remains to be carried out on Simon Magus.

Of the many villainous personalities of the Old and New

Testaments few captured the attention of patristic and medieval

biblical exegetesas did Simon Magus. The two principal sources

about Simon Magus that perpetuated his memory are found in

the Acts of the Apostles 8 :9-24, n the canonical New Testament;

Apocrypha 7, 1996,p. 147-165

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148

FERREIRO

the second source is in two apocryphal Christian documents

known as the Actus Petri cum Simone Acts of Peter) and the

Passio Sanctorum Apostolorum Petri et Pauli Passio).l In the

ensuing centuries, however, Simon Magus was transformed by

the Church into the quintessential «bad guy» -who allegedly

embodied and engendered every imaginable form of doctrinal

error and moral depravity. Another fascinating development is

the emergence of parallel Simon Magus tales that had either

minimal or not any dependency whatsoever upon the canonical

or apocryphal traditions.

Almost four years ago I initiated a search o collect in toto ref-

erences to Simon Magus in patristic and medieval sources,

including any relevant modem scholarship. My larger agenda s

to write a booklength monograph, Simon Magus in the Early

Christian and Medieval Tradition, and what I offer here is an

overview of the research that lies ahead. These efforts received

enormous support from the UCLA Center for Medieval and

RenaissanceStudies through a summer 1992 fellowship awarded

to me by the Center, that allowed me to retrieve from the

Princeton Index of Christian Art all of their catalogued conogra-

phy on Simon Magus. Having now completed this preliminary

groundwork it has now become clear that several distinct Simon

Magus legends circulated widely in the post-New Testamentcen-

turies. The intent of this article is to present a brief description

of each radition, a select survey of notable modem research, an

identification of the major sources, and avenuesof investigation

that require further inquiry.

Seven major traditions are clearly identifiable, they are: 1)

Simon Magus as the first Gnostic and founder of that sect; 2)

Simon Magus/Simon Peter confrontations involving Mad Dogs;

1. The text of the Acts of Peter is found in Acta Apostolorum

Apocrypha, R. A. LIPSIUS nd M. BONNET ed.), Ohlms: Hildesheim-

New York, 1972,p. 45-104; in the same volume the text of the Passio s

at p. 119-177.For a translation of the Acts of Peter,see New Testament

Apocrypha, W. SCHNEEMELCHERed.) and R. McL. WILSON trans.),

vol. 2, Philadelphia: Westminster Press, 1965,p. 279-322. A translation

of the Passio may be found in The Ante-Nicene Fathers,vol. 8, Grand

Rapids: Wm. B. Eerdmans, 1951,p. 477-485.Two studies that address

issues surrounding the Acts of Peter and with rich bibliography are by

G. POUPON, Les Actes de Pierre et leur remaniement », Aufstieg und

Niedergang der romischen Welt II, 25, 6 1988), p. 4363-4383and C. M.

THOMAS, «Word and Deed: The Acts of Peter and Orality»,

Apocrypha 3 1992), p. 125-164.A thorough study of the Passioand its

survival in the medieval centuries has never been carried out. In my

book-length monograph I intend to remedy this neglect.

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SIMON MAGUS TRADffiONS

149

(3) Simon Magus in Irish ecclesiastical olklore and in the Celtic-

Irish/ Anglo-Saxon tonsure debates; (4) Simon Magus as

founder of a pseudo-apostolic succession; (5) Simon Magus in

Christian anti-Muslim polemics; (6) Simon Magus as the father

of filthy lucre-simony; and (7) the aerial flight of Simon Magus

made possible by demonic assistance. n every instance, where

applicable, attention will be given to identify artistic depictions

of these distinctive legends.

1. SimonMagnsand Gnosticism.

If there is one single area of research on Simon Magus that

has solicited significant scholarly attention, it has been within

the field of Gnostic studies? Irenaeus in his Against Heresies

2. The literature on Simon Magus and Gnosticism is voluminous, I cite

here a very selective listing. One of the earliest studies is by A.

REDLICH,«Die' A1T6c/>aulSes Simon Magus », Archiv fur Geschichte

der Philosophie 23 (1909-1910), . 374-399.537-548. collection of sem-

inal studies are gathered in L. CERFAUX, ecueil Lucien Cerfaux,vol. 1

(Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 6-7),

Gembloux : J. Duculot, 1954. An important study on Hippolytus is by J.

FRICKEL,Die« apophasismegale» in Hippolyt's Refutatio, VI 9-18. Eine

Paraphrase zur «Apophasis» Simons (Orientalia Christiana Analecta

182), Roma, 1968. Fundamental still J. M. A. SALLES-DABADIE,

Recherchessur Simon Ie Mage. 1. L'«apophasis megale» (Cahiers de la

Revue Biblique 10), Paris, 1969. An overview with revisionist ideas s in

K. BEYSCHLAG, Zur Simon Magus Frage », Zeitschrift fur Theologie

und Kirche 68 (1971), p. 395-426,and equally valuable B. ALAND, «Die

Apophasis Megale und die simonianische Gnosis », Theologie und

Philosophie 48 (1973), p. 410-418. An extensive investigation is in K.

BEYSCHLAG, Simon Magus und die christliche Gnosis

(Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament 16),

Ttibingen, 1974. In a broader Gnostic context see A. HILGENFELD,

«Der Gnostizismus», in Gnosis und Gnostizismus, K. Rudolph (ed.)

(Wege der Forschung 262), Darmstadt, 1975, p. 174-230. See also K.

RUDOLPH, Simon Magus oder Gnosticus? », TheologischeRundschau

42 (1977), p. 279-359. On the question of origins see R. McL. WILSON,

«Simon and Gnostic Origins », in Les Actes des Apotres. Traditions,

redaction, theologie, J. KREMER (ed.) (Bibliotheca Ephemeridum

Theologicarurn Lovaniensium 48), Leuven, 1979, p. 485-491. A study

that engages Simonians together with Simon Magus is by J. FOSSUM,

«The Simonian Sophia Myth », Studi e materiali di storia delle religioni

11 (1987), p. 185-197.An essaywhich considers Simonianism in regard

to the Acts of the Apostles is in G. LUDEMANN,«The Acts of the

Apostles and the beginnings of Simonian Gnosis », New Testament

Studies33 (1987). D. 420-426.

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FERREIRO

claimed that Sitnon Magus had not only founded the Gnostic

sect of the Simonians, but was also the spiritual «father» of all

of Gnosticism in general.3 This claim by Irenaeus became the

catalyst that moved modern scholars to embark upon the quest

to confirm the «historical» links between the Simon Magus in

the Acts of the Apostles and the sect of the Simonians who

allegedly continued to perpetuate his teachings. The belief by

patristic writers that Simon Magus had established Gnosticism

became widespread as evidenced by the detailed references in

the writings of ~renaeus,Against Heresies,Hippolytus, Against

all Heresies, the Constitutions of the Apostles, the Pseudo-

Clementines, and the Panarion by Epiphanius of Salamis.4

Wayne Meeks, ijn a recent historiographical essay,has noted that

the efforts by modern scholars to confirm the connections

between the ~anonical Simon Magus and any form of

Gnosticism, and specifically the Simonians has come to a dead

3. Irenaeus, Contra haereses (PG 7, 670-680 ; and the edition by A.

ROUSSEAUand Lt DOUTRELEAU, IRENEE DE LYON, Contre les heresies.

Livre I, tome 2 lSources chretiennes 264], Paris, 1979, p. 312-321).

Studies connectihg Marcion and Simonianism are in F. M. BRAUN,

«Marcion et la gnose simonienne », Byzantion 25-27 (1955-1957), p.

631-648. An extensive well documented study is by G. LUDEMANN,

Untersuchungen zur simonianischen Gnosis, Gottingen, 1975. See also

S. ARAI, «Simon~anische Gnosis und die Exegese fiber die Seele », in

Gnosis and Gnqsticism. Papers read at the Seventh International

Conference on phtristic Studies (Oxford, September 8th_13th1975), M.

KRAUSE (ed.) (Nag Hammadi Studies 8), Leiden, 1977, p. 185-203 and

by the same author, «Zum 'Simonianischen' in Authlog und Bronte », in

Gnosis and Gnosticism. Papers read at the Eighth international

Conference on Patristic Studies (Oxford, September 3m-8th 1979), M.

KRAUSE (ed.) (Nag Hammadi Studies 17) Leiden, 1981, p. 3-15.

4. Irenaeus, Contra haereses (PG 7, 670-680; SC 264, 312-321);

Hippolytus, Refutatio omnium haeresium (ed. P. WENDLAND, Refutatio

omnium haeresium [Hippolytus Werke 3 ; GCS 26], Leipzig, 1916, p.

134-232) ; Constitutions of the Apostles (PG 1, 919-932; and the edition

by M. METZGER, Les constitutions apostoliques. Livres III-VI, tome 2

[Sources chretieI1nes 329], Paris, 1986, p. 310-321) ; Pseudo-Clement,

Recognitiones (ed. B. REHM, Die Pseudoklementinen, II. Rekognitionen

in Rufins Obersetzung, zum Druck besorgt durch F. PASCHKE GCS 51],

Berlin, 1965) ; Epiphanius, Panarion (ed. K. HOLL, Ancoratus und

Panarion haer. 1-33 [Epiphanius 1; GCS 1], Leipzig, 1915, p. 238-267;

trans. F. WILLIAMS, The Panarion of Epiphanius of Salamis. Book 1

(Sects 1-46) [Nag Hammadi Studies 35], Leiden, 1987, p. 55-62). A sur-

vey of Simon Magus in patristic literature is in H. WAlTZ, «Simon

Magus in der altchristlichen Literatur », Zeitschrift fur die neutesta-

mentliche Wissenschaft und die Kunde des Urchristentums 5 (1904), p.

121-143.

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SIMON MAGUS TRADmONS

end: «The use of reports about Simon Magus as evidence for a

pre-Christian gnosticism has been effectively refuted» ...and

«The quest for the historical Simon (and Helena ) is even less

promising than the quest for the historical Jesus».5The labors of

scholars, however, have been fruitful insofar as they have

attained a better understanding about what patristic writers

taught concerning the origins of Gnosticism and the sect of the

Simonians.6Fortunately, not all scholarly inquiry has come to an

end on this topic. There is another area of research regarding

Simon Magus and Gnosticism that is deservingof attention.

As patristic writers attempted to create typological bridges

between the canonical Simon Magus and Gnosticism they did

not all create an identical « type ». To date, there has never been

a study that fully unfolds the various portraits of Simon Magus

and his female companion Helena who also occupies a signifi-

cant place in these sources: Equally instructive is the prolifera-

tion of their images beyond the third century, especially he tan-

talizing portrayal of Helena as heresiarcha and companion of

Simon Magus. Some patristic writers went so far as to suggesta

Wayne A. MEEKS, «Simon Magus in recent research », Religious

StudiesReview 3, 3 (1977), p.137-142, at 141.

6. For the origins of Simonianism in addition to the studies in notes 2, 3,

and 4 above see R. P. RICHARDSON,Paul, alias Simon the Magician »,

Open Court 44 (1930), p. 467-488and H.-J. SCHOEPS,Simon Magus in

der Haggada? », Hebrew Union College Annual 21 (1948), p. 257-274.

A brief survey is in R. GRANT,«The Earliest Christian Gnosticism »,

Church History 22 (1953), p. 81-97. Useful are the little known essays

by G. ORY, «Simon (dit Ie magicien) Dieu sauveur des Samaritains»,

Cahiers du Cercle Emest-Renan 2, 5 (1955), p. 1-16, and «La 'conver-

sion' de Simon Ie Magicien », Cahiers du Cercle Ernest-Renan 3, 9

(1956), p. 1-16. For broader and fascinating studies see R. McL.

WILSON,«Simon, Dositheus and the Dead Sea Scrolls », Zeitschrift Ur

Religions und Geistesgeschichte (1957), p. 21-30; H. J. W. DRUVERS,

«Quq and the Quqites », Numen 14 (1967), p. 104-129; A. F. RAINEY,

«Gath-Padalla », Israel Exploration Journal 18 (1968),p. 1-14; see also

R. BERGMEIER, Zur Fruhdatierung SamaritanischerTheologumena »,

Journal for the Study of Judaism 5 (1974), p. 121-153;J. FOSSUM,The

origin of the Gnostic concept of Demiurge », Ephemerides Theologicae

Lovanienses61 (1985), p.142-152.

7. Studies on Helena are in L.-H. VINCENT,«Le culte d'Helene a

Samarie », Revue Biblique 45 (1936), p. 221-232; G. Quispel, «Simon

en Helena », Nederlands TheologischTijdschrift 5 (1951),p. 339-345 G.

ORY, «Le my he Samaritain d'Helene », Cahiers du Cercle Emest-

Renan 3,12 (1956), p. 1-32; D. FLOSSER, The great goddess of

Samaria », Israel Exploration Journal 25 (1975),p. 13-20. Also, the stud-

ies below in note 8.

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FERREIRO

female line of heretics initiated by Helena that paralleled the

male one established by Simon Magus.8 There are two known

representations of Helena in patristic and medieval art respec-

tively from each era.9 n light of the importance of Gnostic stud-

ies for the study of Early Christianity a survey as described

above will enlighten our understanding as to how patristic

exegetes explained the origins of Gnosticism through their

respective portraits of Simon Magus and Helena.

2. SimonMagusand Mad Dogs.

In the Acts of Peter and the Passio there are two distinct

episodes nvolving dogs. In the first Simon Peter pacifies a guard

dog at the house of Marcellus, gives him the power to speak with

a human voice, and in the end together they confound the

machinations of Simon Magus.1o n the Passio, Peter and Paul

have a confrontation with Simon Magus in the presence of the

Emperor Nero. Simon Magus magically conjures up rabid dogs

to attack and discredit the apostolic authority of Peter, but the

apostle presents the dogs blessedbread whic1.t e had previously

hidden in his sleeves and causes he animals to disappear. The

superior nature of Peter s power and authority is vindicated and

it results in the humiliation of Simon Magus.ll

Both canine encounter stories have been the object of

research by a few modern scholars. What has been accomplished

up to now is of a limited and specialized nature, that is, not one

study has ever carried out a full systematic survey of these leg-

ends for the patristic and medieval centuries. One of the earliest

studies by Geneseo Turcio, although very brief, brought to the

attention of the scholarly community the abiding endurance of

these legends in the art and literature of the Middle Ages.12

A. FERREIRO, Sexual depravity, doctrinal error. and character assas-

sination in the fourth century: Jerome against the Priscillianists »,

Studia Patristica 28 (1993), p. 29-38 and IDEM, «Jerome s polemic

against Priscillian in his Letter to Ctesiphon (133,4) », Revue des Etudes

Augustiniennes39 (1993),p. 309-332.

9. See the studies in note 7, especially he study by L.-H. VINCENT, Le

culte d Helene II.Samarie », which has a plate of a statue of Helena. She

appears also in the archivolt sculpture at SessaAurunca ; see Dorothy

GLASS, The archivolt sculpture at SessaAurunca », The Art Bulletin

52 (1970),p.119-131.

10. Acts of Peter,p. 45-104,especially n chapters 9-12,p. 56-60.

11. Passio,chapters 24-27,p.139-143.

12. G. TuRCIO,«San Pietro e i Cani », Ecclesia 7 (1948),p. 297-299.

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1 ~

154 A. FERREIRO

In medieval sources he canine legends appear in the Blickling

Homilies, Orderic Vitalis, Amatus of Montecassino and in a

twelfth century liturgical hymn dedicated to the feast day of

Peter and PauV6 The single major source to popularize the sto-

ries far and wide is the thirteenth century Golden Legend by

Jacobus of Voragine. A tantalizing element in this source are the

addendums to both legends that Jacobus liberally incorporated

into his own narrative. He also, for example, in addition to the

Acts of Peter and the Passio made use of the Acta S.S. Nerei et

Achillei when describing the dog confrontations. ? What easily

4. G. WILPERT, Sarcofagi Cristiani Antichi. Testo, ol. 2, Rome, 1932,p.

348-351,has both the Mantua and Verona sarcophagi. A discussion s

also in G. TuRCIO,«San Pietro e i Calli », p. 299. A drawing of the now

missing Nimes sarcophagus s in E. LE BLANT, Les sarcophageschre-

tiens de la Gaule (Collection de documents inedits sur l'histoire de

France, serie 3 : archeologie), Paris, 1886,p. 114,no. 136. The Cracow

sarcophagus is analyzed by J. A. OSTRqWSKI,«Apocryphal and

Canonical Scenes. Some Remarks on the Iconography of the

Sarcophagus rom the Collection of the National Museum in Cracow»,

in Etudes consacrees Marie Louise Bernhard par ses amis, collabora-

teurs et eleves,M. MARCINIAK ed.) (Etudes et Tra:vaux13; Travaux du

Centre d'archeologie mediterraneenne de l'academie polonaise des sci-

ences,26), 1978,p. 305-309.This article includes the Verona and Nimes

sarcophagi. The Toldoth Jeshu is translated with commentary in H. J.

SCHONFIELD,ccording to the Hebrews,London, 1937.

16. R. MORRIS (ed.), The Blickling Homilies of the Tenth Century

[EETS 58], London, 1880,p. 170-193; Orderic Vitalis, Historica ecclesi-

astica (PL 188, 128-133) A. LENTINI (ed.), It Poema di Amato su S.

Pietro Apostolo, 2 vols (Miscellanea Cassinese 30-31), Montecassino,

1958; the text is at 1, 132. The hymn which draws from the Passio s in

C. BLUME ed.), Sequentiae neditae. Liturgische Prosen des Mittelalters,

vol. 5 (Analecta Hymnica Medii Aevi 37), Leipzig, 1901, p. 244.

Relevant lines are reproduced and analyzed by J. SZOvERFFY, sallat

Chorus Caelestium. Religious Lyrics of the Middle Ages (Medieval

Classics 15), Berlin, 1983,p. 298-299.There is also an allusion in D. S.

WRANGHAM, he Liturgical Poetry of Adam of St. Victor.. from the text

of Gautier, vol. 2, London, 1881,p. 87.

17. The Latin text is in Th. GRAESSEed.), Jacobi a Voragine Legenda

Aurea, reprint of 1890edition, Osnabrtick, 1969,p. 368-379.See he trans-

lation by W. G. RYAN,The Golden Legend. Readingson the Saints, ol. 1,

Princeton, 1992, p. 340-350. For a study on Jacobus's use of the term

«apocrypha» see, R. GOUNELLE, Sens et usage d'apocryphus dans la

Legende Doree », Apocrypha 5 (1994), p. 189-210.Editions of the Acta

Nerei etAchillei are: the Latin version,Acta SanctorumMaii, vol. 3, Paris,

1866,p. 4-16, he dog story s at 9-10. Greek text editions are by A. WIRTH,

Acta SS.Nerei et Achillei graece,Leipzig, 1890,and H. ACHELIS, cta SS.

Nerei et Achillei (Texte und Untersuchungen11,2), Leipzig, 1893.For tex-

tual questions seealso F. SCHAEFER,Die Acten der Heiligen Nereus und

Achilleus », Romische Quartalschrift 1894),p. 89-119.

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155

IMON MAGUS TRADmONS

qualifies as the lengthiest and most imaginative re-telling of the

dog legends is found in a 6135 line fifteenth-century Proven<;al

mystery play known as the /storia Petri et Pau[.l8 These and

many other sourceshave yet to be studied as a cohesive estimo-

ny so as to determine what novel alterations were made to the

original stories as they were passed down over time. The

medieval art depicting the dog stories is as diverse in its forms as

it is in its interpretations. The apocryphal dog scene from the

Passio in medieval art is preserved in the archivolt sculpture in

the Cathedral of SessaAurunca (Italy), a lost piece for which we

have a line drawing from San Piero a Grado (near Pisa), an illu-

mination in a Vatican Library Latin Passional, and a fresco in

the cloister church at Mtistair, Switzerland. Lastly, there is a pos-

sible disputed relief on the tomb of Pope Sixtus IV which may

depict some of the Acts of Peter material involving the dog.19A

comparison of the art and the literary narratives likewise reveals

a wide array of creative exegesis and adaptations by medieval

interpreters.

The last area meriting attention is the typological image of the

dog in literature and theological texts external to but including

18. P. GUILLAUME (ed.), Istoria Petri et Pauli. Mystere en langue

provenfale du XV siecle,publie d apres Ie manuscrit original, Geneva:

Slatkine Reprints, 1977 18871).Remarks on this mystery play are in M.

LAZAR, «The Saint and the Devil: Christological and Diabological

Typology in Fifteenth Century Provenl;:alDrama », in Essays n Early

French Literature presented to Barbara M. Craig, N. J. LACY and J. C.

NASH ed.), York South Carolina, 1982,p. 81-92,at p. 84-88.

19. An in-depth study on SessaAurunca is in D. GLASS, The Archivolt

Sculpture at SessaAurunca », The Art Bulletin 52, 2 (1970), p. 119-131,

especially at 125-128, and for the dogs figure 16. Useful also are C.

STORNAJOLO,I rilievi dell arco suI portico della cattedrale di Sessa

Aurunca », Dissertazioni della Pontificia Accademia 6, 2 (1896), p. 163-

180, and A. VENTURI,Storia dell arte Italiana, vol. 3: L arte romanica.

Milano, 1904, p. 570-571, igures 532, 534, 535. An extensive study of

the church S. Piero a Grado is by P. D ACHIARDI,«Gli affreschi di S.

Piero a Grado presso Pisa e quelli gia esistenti nel portico della basilica

vaticana », in Atti del Congresso ntemazionale di scienzestoriche (Roma

1-9 aprile 1903), vol. 7: Atti della Sezione IV. Storia dell arte, Rome,

1905 (Kraus Reprint, 1972), p. 193-285,especially at 212-216and 257-

258. A microfiche copy of the Latin Passional s in the Princeton Index

of Christian Art under the Simon Magus file, 32R76LV+82, OA, Roma

Lib. Bibl. Vaticana, at. 8541,Passional. A thorough study of the fresco

at Mtistair is in B. BRENK,Die romanische Wandmalerei n der Schweiz

(Basler Studien zur Kunstgeschichte 5), Bern, 1963,p. 44-49 and figure

21. A brief description of the Pope Sixtus IV tomb relief is in TURCIO,

«San Pietro e i Cani» (n. 12), p. 299.

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156

FERREIRO

the apocryphal material in patristic and medieval thought. By

casting he apocryphal dogs in a broader context it makes it pos-

sible to determine its own unique canine typology, its contribu-

tion to the wider typology of dog, and to ascertain specific bor-

rowing from sources contemporaneous to and possibly those

predating the apocryphal writings. A suggestive morsel, for

example, is the similarity between the Greek legend about the

dog Cerberus, the guardian of Hell, in a version of Virgil s

Aeneid and the dog story in the Passio.zoDo we have here a

Virgilian influence on the Passio ? These and many other ques-

tions will fill a void in our present understanding as to how the

apocryphal dog legendswere handed down and entered into the

wider medieval typological dog tradition.

3. SimonMagus n Ireland and England.

The presenceof Simon Magus legends n Ireland and England

is a compelling case study of two traditions which are virtually

independent of both the New Testament nd the apocryphal eg-

ends. And there is a third artistic one that does have direct

dependencies on the apocryphal material, but it is also quite

innovative in its adaptation.

In the first, Simon Magus is associated with a sinister Druid

priest named Mog Ruith and together they plot the horrifying

beheadingof John the Baptist. The account draws from the New

Testament only in so far as it borrows the person of John the

Baptist; it certainly has absolutely no dependencyon the Acts of

the Apostles and is far more removed from the apocryphal

accounts.Even though several textual studies have engaged un-

damental paleographical issues, here are still many questions

regarding he origins and purpose of this intriguing murder story.21

20. R. D. WILLIAMS ed.), The Aeneid of Virgil. Books 1-6, New York-

London, 1972,p. 138 and notes at 484. The Passio,27,8-11, p. 143. For

Cerberus in the Middle Ages see J. J. SAVAGE,«The Medieval

Tradition of Cerberus », Traditio 7 (1949-51),p. 405-410.

21. For sources seeJ. F. KENNEY,The Sources or the Early History of

Ireland, vol. 1 : Ecclesiastical (Records of civilization 11), New York,

1966. Specific studies are by A. M. SCARRE, The Beheading of John

the Baptist by Mog Ruith », Eriu 4 (1910), p. 173-181 D. MACKINNON,

«The executioner of John the Baptist », The Celtic Review 8 (1912-13),

p. 168-170; K. MULLER-LISOWSKI, Texte zur Mog Ruith Sage »,

Zeitschrift fiir celtische Philologie 14 (1923), p. 145-153; EAD. , «La

legende de St. Jean dans la tradition lrlandaise et Ie Druide Mog

Ruith », Etudes celtiques3 (1938),p. 46-70.

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IMON MAGUS TRADITIONS

The second Simon Magus legend originates from the works of

Venerable Bede and Aldhelm of Malmesbury. In the Historia

Ecclesiastica ede invoked Simon Magus within the context of the

tonsure debates between the Celtic-Irish monks and the

Continental Benedictines. According to Bede, the Irish were

guilty of wearing the tonsure of Simon Magus while the

Benedictines claimed that theirs was patterned after that worn by

the Apostle John. Aldhelm recalled these confrontations over

tonsures in one of his works and there are other English and Irish

sources such as the Leabhar Breac and Aelfric and even some

Continental sources that are relevant on these issues.z2 dward

James in a seminal article on haircuts in early medieval culture,

«Bede and the Tonsure Question », touched upon the broader

social and ecclesiastical implications of haircuts. He does cite

briefly the references from Bede on Simon Magus; but once

again, an in-depth study of these sources s desirable and awaits

us? As in our first example, this tradition is independent from

the Acts of the Apostles and the apocryphal accounts on Simon

Magus.

The third legend is found in the not so abundant artistic tradi-

tion and it is not connected with the two previously described

traditions. The art in question is contained in several Irish cross-

es located at Market Place-Kells, Monasterboice, and a possible

disputed third one at Castledermot.z4All three of the crosses

draw their inspiration from the apocryphal accounts describing

the aerial flight of Simon Magus made possible by the aid of

demonic powers.z5The three crossesdo have their peculiar way

22. Texts and editions are in B. THORPE,The Homilies of the Anglo-

Saxon Church. Homilies of Aelfric, vol. 1, London, 1844,p. 364-385 R.

ATKINSON, he Passions and the Homilies from Leabhar Breac (Todd

Lectures Series 2), Dublin, 1887,p. 64-68.304-309.86-95.329-339.or a

brief discussion of the Leabhar Breac see, M. McNAMARA, The

Apocrypha in the Irish Church, Dublin, 1975,p. 11-12; M. LAPIDGE nd

M. HERRENtrans.) Aldhelm. The Prose Works, Cambridge, 1979,p. 51-

58; 108-111 136-143and 155-161.

23. E. JAMES, Bede and the Tonsure Question », Peritia 3 (1984),p. 85-

98.

24. SeeA. K. PORTER, he Crossesand Culture of Ireland, 1931,p. 123

F. HENRY,La sculpture Irlandaise pendant les douze premiers sieclesde

l ere chretienne, vol. 2: Planches, Paris, 1933, plate 2; R. A. S.

MACALISTER, onasterboice Co. Louth, Dundalk, 1946,p. 1-13and 45-

53; H. M. ROE, The High Crosses of Kells, Meath Archaeological and

Historical Society, 1975,p. 10-13.22-29.36-41; DEM,Monasterboiceand

its Monuments. County Louth, 1981,p. 44-49 and 54-55.

25. The flying incident is in the Acts of Peter,chapter 32, p. 82-85. In the

Passio,chapters 54-56,p. 164-167.

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158

A. FERREIRO

of capturing thIs aerial display by Simon Magus when we com-

pare them to Continental depictions of this scene. The

Continental artistic pieces invariably prominently display the

demons holding up Simon Magus, Peter kneeling on the pave-

ment praying to God to thwart such a prideful display of false

power, and the slamming of Simon Magus on the pavement as

his power (demonic) is removed as a result of Peter s prayers.

The Irish crossesshow Simon Magus falling headfirst and strik-

ing the pavement, with the crosiers of both Peter and Paul either

jammed into his mouth or around his neck. The demons are not

visibly displayed nor Peter kneeling in prayer, although anyone

familiar with the story would have been acquainted with this

basic background. The focus of the crosses s clearly upon the

episcopal authority of the chief apostles, as represented by the

crosiers, and here they are credited in dramatic fashion with

bringing down the false magician Simon Magus.

All of these iterary and artistic traditions require careful nternal

scrutiny and they need to be interpreted in relation to the broader

ecclesiastical evelopmentson the Continent. One thing is surely

apparent n this most cursorypresentation; in Ireland and England

we find two uniquely independent adaptations of the figure of

Simon Magus and in one instance a creative interpretation of the

flight of Simon Magus drawn from apocryphal iterature.

4. SimonMagus he pseudo-Apostle.

Simon Magus as founder of a pseudo-apostolic succession

derives principally from the anti-Gnostic polemic and is once

again another instance of a tradition wholly independent of the

Acts of the Apostles and the apocryphal legends}6 The same

anti-Gnostic writers who created the fascinating portraits of

Simon Magus and Helena likewise engendered the idea of a

false apostolic successionparalleling and in direct opposition to

the legitimate one established by Simon Peter. This concept per-

sisted very strongly in the fourth and fifth centuries and is

expanded in the works of Jerome and Vincent of Lerins. I have

demonstrated in previous studies how both Church Fathers elab-

orated the notion of a Simon Magus pseudo-successionhat con-

tinued well beyond Gnostic successors}? erome, in what is per-

haps his most creative exegesis,suggesteda female pseudo-suc-

26. Seesources n note 4 above.

27. See my articles (n. 8), «Sexual depravity, doctrinal error », p. 29-38,

«Jerome s polemic against Priscillian », p. 309-332and «Simon Magus

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IMON MAGUS TRADffiONS

cession stemming from Helena and paralleling the male line ini-

tiated by Simon Magus. Writers such as Augustine, Filastrius of

Brescia, Isidore of Seville and others mediated various forms of

this concept to the Middle Ages}8 Medieval writers did not

abandon this idea; rather they continued to associatealmost all

ancient and medieval heresies ultimately back to Simon Magus.

The invocation of Simon Magus into the Celtic/Benedictine

tonsure debates described above is evidence of the medieval

adaptation of the pseudo-succession idea in Anglo-Saxon

England.29The single common thread in this tradition is that it

consistently exalts the primacy of Peter over doctrinal and

moral heretics, the successorsof Simon Magus. A study of this

anti-heretical polemical weapon will yield numerous insights

into the use of this specific typology in patristic and medieval

doctrinal controversies and no less important the place of the

Simon Magus type as the spiritual «father» of them all. I have

not discovered any iconography that displays Simon as a pseu-

do-apostle.

5. SimonMagusand Muhammad.

The most formidable challenge to the Christian faith came

from the eastern Mediterranean with the advent of Islam in the

seventh century. It was not until the High Middle Ages, howev-

er, when an intensive Christian anti-Muslim polemical literature

surfaced to challenge the doctrines and morals of Islam.

Medieval attacks of Islam targeted not only doctrine and

morals; they also assailed the character of Muhammad as

founder of a false religion and deviant morality.

and Priscillian in the Commonitorium of Vincent of Lerins », Vigiliae

Christianae49 (1995),p. 180-188.

28. Augustine, De haeresibus1 (Aurelii Augustini opera 13, 2; CCSL

46, p. 290) Filastrius of Brescia, Diversarum hereseon iber (CCSL 9, p.

228-229); Isidore of Seville, Etymologiarum VIII, De haeresibus

Christianorum 8.5.5 (ed. and trans. J. OROZ RETA et ai., SAN SIDORO

DE SEVILLA, Etimologias, vol. 1 : Libros I-X [Biblioteca de Autores

Cristianos 433], Madrid, 1982,p. 692-702).

29. Venerable Bede accused he Irish monks of having been nspired or

seduced by the spirit of Simon Magus into adopting an erroneous ton-

sure in a letter from Abbot Ceolfrid to Nechtan, King of the Picts,

which he reproduced at 5. 21, in B. COLGRAVEnd R. A. B. MYNORS

(ed. and trans.), Bede s Ecclesiastical History of the English People,

Oxford: University Press,1969.

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FERREIRO

Medieval polemicists who sought to establish he illegitimate

origins of Islam associated Muhammad with an enigmatic

Magus. The Magus is especially prominent in the popular

eleventh century medieval Vita Mahumeti written by Embrico of

Mainz and he is not the only one to mention this mysterious

magician.3D he Magus is portrayed as being responsible for ini-

tiating Muhammad into the false teachings that characterize

Islam. The Vita Mahumeti and other Christian anti-Muslim

sources share parallels with the Simon Magus in the Acts of

Peter and the Passio that can hardly be considered coincidental.

Two examples are suggestiveof creative borrowing and reinter-

pretation of the apocryphal Simon Magus into the anti-Islamic

literary campaign. In some accounts Muhammad flies in the air

through the use of magical (demonic) powers and he fails in an

effort to imitate the resurrection of Jesus Christ. Both of these

deceptive feats are reported of Simon Magus in the apocryphal

texts.3 Medieval writers, who had to challenge Islamic morality,

continued their assault by borrowing from Early Christian anti-

Gnostic sources such as Irenaeus. In separate corollary legends

Muhammad is introduced by an ascetic Bahira -later known as

30. On Embrico of Mainz see G. CAMBIER (ed.), EMBRICONDE

MAYENCE,La vie de Mahomet (Collection Latomus 52), Bruxelles,

1961,p. 5-92. For discussionon two anti-Islamic texts in Spain see K. B.

WOLF, «The earliest Latin lives of Muhammad », in Conversion and

Continuity. Indigenous Christian Communities n Islamic Lands. Eighth

to Eighteenth Centuries,M. GERVERSnd R. J. BIKHAZI (ed.) (Papers n

Mediaeval Studies 9), Toronto, 1990, p. 89-101. Also Peter the

Venerable, Adversus nefandam sectam Saracenorum ibri duo (PL 189,

663-720 M. Th. D' ALVERNY,«Pierre Ie Venerable et la legende de

Mahomet », in A Cluny. congres scientifique, fetes et ceremonies

liturgiques en l'honneur des saints Abbes Odon et Odilon, 9-11 juillet

1949, travaux du congres Art, Histoire, Liturgie, Dijon, 1950, p. 161-

170); Eulogius of Cordoba (ed. I. GIL, Corpus Scriptorum

Muzarabicorum 2, Madrid, 1973,p. 483-486).

31. I wish to thank John Tolan for letting me consult the typescript of

his «Anti-Hagiography: Embrico of Mainz's Vita Mahumeti », Journal

of Medieval History (forthcoming). The botched resurrection attempt is

found in various texts (see WOLF,«The earliest Latin lives », p. 97) and

is repeated by Eulogius (Corpus Scriptorum Muzarabicorum, p. 486).

According to the Passio, after Simon Magus died from the aborted

flight, Nero ordered to keep the body for three days, believing the

magician would rise from the dead (57, 13-15,p. 167). For the alleged

flight of Muhammad see G. CAMBIER, «Les sources de la Vita

Mahumeti d'Embricon de Mayence », Latomus 20 (1961),p. 364-380,at

p. 375-377, and A. ECKHARDT, Le cercueil flottant de Mahomet »,

Melanges de philologie romane et de litterature medievale offerts Ii E.

Hoepffner, Paris -Strasbourg, 1949,p. 77-88

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SIMON MAGUS TRADmONS

Sergius -to yet another mysterious character known as Nicolas,

who subsequently is said to have led the Prophet into moral

lapses, specifically polygamy.32According to Irenaeus, the first

« successor»of Simon Magus in the line of Gnostic teachers was

a Nicolas of Antioch, the purported founder of the Gnostic sect

of the Nicolaitans. He was allegedly the same heretical leader of

the Nicolaitans that was censured by the apostle John in the

Book of Revelation (2:14-16). The bishop of Lyon also claimed

that this Nicolas in John s Revelation was also one of seven dea-

cons consecrated by the apostles n the Acts of the Apostles (6 :5-

6). As in the case of Simon Magus, Irenaeus created «typologi-

cal» links between the Nicolas of the New Testamentand the

Gnostic sect of the Nicolaitians which flourished in the begin-

ning of the second century.33Although the eminent Clement of

Alexandria did not concur with Irenaeus on these alleged con-

nections, the tradition perpetrated by Irenaeus prevailed and

proliferated into the Middle Ages.34As Simon Magus was the

« father» of doctrinal error, Nicolas was transformed into the

« father » of moral lapses which are characteristic of all heretics.

Simon and Nicolas also share a common bit of background:

See A. ANCORA, «La Leggenda di Maometto in Occidente »,

Giornale storico della letteratura Italiana 13 (1889), p. 199-281 ; A.

MANCINI, «Per 10 studio della leggenda di Maometto in Occidente »,

Rendiconti della Reale Accademia Nazionale dei Lincei 10 (1934), p.

325-349; M. Th. D ALVERNY, «Pierre Ie Venerable», p. 161-170; G.

CAMBIER, Les sourcesde la Vita Mahumeti d Embricon de Mayence »,

100-115 and 364-380. For Bahira consult A. J. WENSINCK, Bahira »,

Encyclopaedia of Islam, vol. 9, Leiden, 1911,p. 576-577.33.

Irenaeus, Contra haereses ,26,3 (SC 264,p. 348-349).

34. Clement of Alexandria, Strom. 3,4 (ed. O. STAHLIN,Stromata Buch

I-VI [Clemens Alexandrinus 2; GCS 1], Leipzig, 1906,p. 207-208). For

the survival of Irenaeus s nterpretations see Augustine, De haeresibus5

(Aurelii Augustini opera 13, 2; CCSL 46, p. 291-292) Isidore of

Seville, Etymologiarum VIII, De haeresibus Christianorum 8.5.5 (ed.

and trans. J. OROZ RETA et al., SAN S/DORODE SEVILLA,Etimologias,

vol. 1 : Libros I-X [Biblioteca de Autores Cristianos 433], Madrid, 1982,

p. 693-695). Relevant studies on the Nicolaitans are by A. von

HARNACK,«The sect of the Nicolaitans and Nicolaus, T~ deacon in

Jerusalem », Journal of Religion 3 (1923),p. 413-422; M. GO~EL, «Les

NicolaYtes », Revue de l histoire des religions 58 (1937), p. 5-36; N.

BROX,«Nikolaos und Nikolaiten », Vigiliae Christianae19 (1965),p. 23-

30; P. PRIGENT, «L heresie Asiate et l eglise confessante de

I Apocalypse a Ignace », Vigiliae Christianae 31 (1977), p. 1-22; A.

FERREIRO, Jerome s polemic against Priscillian », p. 316-319. For the

heresy of the Nicolaitans in the High Middle Ages see G. B. BORINO, I

decreti di Gregorio VII contro i simoniaci e i nicolaiti sono del sinodo

quaresimale del 1074», Studi gregoriani 6 (1959-61),p. 277-295.

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162

A.FERREIRO

both heretics had lapsed from the apostolic faith. There existed

no doubt in the minds of medieval polemicists that Muhammad

was clearly in line with the doctrinal and moral error of Simon

and Nicolas.

It is rather amazing that most modern researchersat this junc-

ture have not looked seriously at the apocryphal Simon Magus

as the possible principal source that inspired the Magus figure in

medieval anti-Islamic texts. This has not been the case regarding

Nicolas of Antioch. Even so, the typological function of Simon

and Nicolas together in medieval polemics against Islam has not

been appropriately examined or expounded upon. We encounter

again, as in Irish and English sources, creative usagesof Simon

Magus, and this time directly drawing from the apocryphal nar-

ratives of the Acts of Peter, the Passio and even the Church

Fathers. One last example will suffice to demonstrate the «vir-

gin» state of this aspect of Simon Magus research. The exceed-

ingly crucial text known as the Liber Nicholay, of which there is

a copy at the Bibliotheque Nationale in Paris, has never been

edited or adequately treated by scholars. M. Th. D Alverny

promised an edition of the manuscript, but to my knowledge it

never saw he light of day.35 do not have any references o illu-

minations or any other art forms that depict Muhammad with

the Magus or with Nicolas of Antioch, but given the lack of full

accountability of the iconography in this area of research, we

can not rule out the possibility that some might exist.

SimonMagns,Filthy Lucre,and Simony.

The singular image of Simon Magus that dominated the minds

of medieval polemicists is that of « simony» : the buying and

selling of ecclesiasticaloffices, and rooted directly in the Acts of

the Apostles 8 :9-24. In modern medieval scholarship there has

been no shortage of books and articles on this topic.36There is

35. D ALVERNY,«Pierre Ie Venerable», p. 166, note 2. Also ANCORA,

«La leggenda di Maometto », p. 199-281.MANCINI,«Per 10studio », p.

325-349,at 330-349.

36. R. A. RYDER, Simony. An historical synopsis and commentary

(Catholic University of America Canon Law Studies 65), Washington,

1931; J. LECLERCQ, Simoniaca heresis », Studi gregoriani 1 (1947), p.

523-530 H. MEIER-WELCKER, Die Simonie im frtihen Mittelalter »,

Zeitschrift Ur Kirchengeschichte64 (1953-53),p. 61-93; P. DE VOOGHT,

«La simoniaca haeresis selon les auteurs scolastiques», Ephemerides

Theologicae Lovanienses 30 (1954), p. 64-80; J. B. RUSSELL,Dissent

and Reform in the Early Middle Ages (Center for Medieval and

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163

IMON MAGUS TRADmONS

also no dearth of material from patristic and medieval writers

who consistently across the centuries inveighed against this

activity. With this said, however, the topic is far from exhausted

and there are still some avenues in need of exploration. The

apocryphal material, which has hardly been addressed in this

context, is not silent about Simon Magus s appetite for money

and riches.37How these apocryphal «money hungry» images

compare and supplement that which is found in the Acts of the

Apostles when both are invoked in medieval polemics is an area

requiring attention. Another well known feature of this tradition

is the belief by patristic and medieval writers that in the Old

Testament a prototype of the simoniacal Simon Magus could be

identified. H.-J. Horn in a groundbreaking study focusing mostly

on the Early Christian tradition, yet not wholly ignoring the

medieval era, demonstrated how biblical exegetes found that

Old Testament type of Simon s simony in the person of Gehazi,

the servant of the prophet Elisha, who after hoarding ill-gotten

money was struck by Elisha with leprosy (2 Kings 5 :19-27).38n

medieval literature, the figure of Gehazi occupied a significant

place in anti-simoniacal campaigns as the Church attempted to

eradicate this persistent greedy practice. How the relationship of

Simon Magus in the Acts of the Apostles and in the apocryphal

sources and t,he Old Testament Gehazi changed in the Middle

Ages merits further thought. Equally instructive are additional

« types» of Simon Magus not rooted in the Acts of the Apostles

incident, which circulated in patristic and medieval times that

promote him as a money loving false teacher. The anti-Gnostic

literature comes immediately to mind in this context where

Simon Magus does surface as a gigolo seducing wealthy women.

Finally, we do possessexamples of the sin ~f simony depicted in

art, found primarily in Canon Law texts, a~ we need to estab-

lish what relationship they may have to the various literary tradi-

tions.

RenaissanceStudies [UCLA] 1), Berkeley -Los Angeles, 1965,p. 128-

136 ; J. WEITZEL, Begriff und Erscheinungformen der Simonie bei

Gratian und den Dekretisten (Munchener Theologische Studien 3.

Kanonistische Abteilung 25), Munchen, 1967; J. H. LYNCH,Simoniacal

entry into religious life from 1000 to 1260 A social economic and legal

study, Ohio State University, 1979.

37. See he Acts of Peter 8, 13-16,p. 55 and 17, 1-25,p. 63.

38. H.-J. HORN, «Giezie und Simonie », lahrbuch fur Antike und

Christentum 8/9 (1965-66),p. 189-202.See he instructive essayby T. L.

BRODIE,«Towards unraveling the rhetorical imitation of sources in

Acts: 2 Kgs. 5 as one component of Acts 8, 9-40 », Biblica 67 (1986),p.

41,67.

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164

FERREIRO

SimonMagus: the Flight and Crashora Magician.

There is no argument that Simon s aerial flight with the aid of

demonic power became overwhelmingly pervasive in medieval

literature and art. The abundance of sources e-telling this apoc-

ryphal tale is testimony of the extent that it captured the imagi-

nation of the Church. The applications, metaphors, and typolog-

ical moral lessonsderived from the flight of Simon Magus are as

diverse as the sources that conserved the story. The flight

became more specifically a medium through which the Church

censured heresy, nsubordination to Church authority, and magic

and witchcraft.39 This specific chapter of Simon Magus adven-

tures in the apocryphal accounts s found in almost every tradi-

tion that I have already outlined above: from Irish folklore to

condemnations against slam. The numerous works of art which

extend well into the sixteenth-century about Simon Magus s

flight forever preserved the legend in capitals, windows, fres-

coes, manuscript illuminations, and sculpture.4oThe material is

so abundant that an exhaustive survey of the art alone would

stand on its own merits. What is more tantalizing, however, s to

arrive at an understanding of the adaptations of the tale in art

and its relationship to the literary traditions that circulated in

parallel fashion at every stage of development.

I am thoroughly convinced of the existence of additional

iconography of this story and others that have not been entered

into the Princeton Index of Christian Art. An example of an art

piece on the Fall of Simon Magus not catalogued in the Index is

one found in the tympanum at Neuilly-en-Donjon reproduced

39. See L. WHITE,Jr., «Eilmer of Malmesbury. An eleventh century avi-

ator», Technologyand Culture 2 (1961), p. 97-111; R. B. HERZMAN nd

W. R. COOK, «Simon the Magician and the medieval tradition »,

Journal of Magic History 2 (1980), p. 29-43; V. I. J. FLINT, The Rise of

Magic in Early Medieval Europe, Princeton, 1991,p. 338-344. A flying

witch is compared to Simon Magus in a document entitled «A mar-

velous incident at Rheims », reproduced in W. L. WAKEFIELD nd A. P.

EVANS trans.), Heresies of the High Middle Ages, Columbia, 1969, p.

251-254.

40. There is not a single volume to date that has exhaustively cata-

logued and studied these images. For now see STUHLFAUTH,ie apoc-

ryphen Petrusgeschichten G. CELl, «Sulle memorie e i monumenti dei

SS. Apostoli Pietro e Paolo aRoma », La civiltii cattolica 86 (1935), p.

247-257 and 587-594; E. MALE, The Gothic Image. Religious Art in

France of the Thirteenth Century, New York, 1958,p. 296-299; L. REAU,

Iconographie de l art chretien, vol. 3, Paris, 1959, p. 1225-1226; R. B.

HERZMAN nd W. R. COOK,« Simon the Magician », p. 29-43.

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165

IMON MAGUS TRADmONS

with commentary by W. R. COOk.41The archivist at the

Cathedral of Oviedo, Spain, Dr. Agustin Hevia Ballina, has

alerted me to a Simon Magus relief in the altar of the chapel

dedicated to Simon Peter. This icon has never been catalogued,

researched, much less appended to the Princeton Index. In the

summer of 1995 I will be in Oviedo to photograph and research

the relief so as to determine, among many other things, which of

the Simon Magus legends is depicted therein. It is encouraging

that efforts by some members of the Association pour [ etude de

[a [itterature apocryphe chretienne o systematicallycatalogue the

presence of all apocryphal themes preserved in iconography may

also bring to light other unresearched Simon Magus art pieces.42

Conclusion.

It is all too obvious from the preceding brief select survey of

primary and secondary sources on the patristic-medieval Simon

Magus traditions that a gold mine of opportunity awaits explo-

ration. Scholars have long recognized the ubiquitous presenceof

the Simon Magus type in patristic and medieval polemics. What

has been lacking up to now is an interdisciplinary study that

brings all of this Simon Magus material together into a coherent

systematic study of this figure. We have not yet arrived at the

full implications of the convergenceof apocryphal and canonical

sources into what the patristic and medieval Church called

Orthodoxy and the central place the arch-villain Simon Magus

type had in this complicated fascinating process. My efforts in

the next several years will be dedicated to bringing such a study

to fruition.

41. See «A new approach to the tympanum of Neuilly-en-Donjon »,

Journal of Medieval History 4 (1978),p. 333-345.

42. My work and that of ProfessorsDavid Cartlidge and Claude Berard

at this colloquium will help to remedy this deficieny of our understand-

ing of Simon Magus iconography.

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Barbara FLEITH

Universite de Geneve

DIE LEGENDA AUREA UND IHRE

DOMINIKANISCHEN BRUDERLEGENDARE

ASPEKTEDER QUELLENVERHALTNISSE

APOKRYPHENGEDANKENGUTS.

Pour son legendiel; Voragine a aussi utilise des sourcesapocryphes. l

a caracterisehuit de ses ecits explicitement comme « apocryphes», ce qui

a conduit a penser que l auteur etait assez ritique a leur egard. En com-

parant son reuvre avec les legendiers qui lui ont servi de sources, on

constate cependantque Voragine a ajoute ou rehabilite ces recits,ce qui

est indice d un penchant pour Ie spectaculaire,et non d une attitude cri-

tique. Pour mieux apprecier Ie travail « critique» du compilateul; il fau-

dra determiner a l avenir s il y a, dans ses sources, des recits qualifies

explicitementd « apocryphes» et analyser usage que Voragine en a fait.

Voragine benutzte ar seine Legendar auch apokryphe Quellen; acht

Berichte weist er ausdracklich als apokryph aus, was zu der Meinung

fahrte, der Autor sei besonderskritisch gewesen.1m Vergleich zu ande-

Tenvan ihm benutztenLegendaren iigte der Autor dieseBerichte edoch

in Eigeninitiative hinzu oder rehabilitierte sie, was nicht far kritische

Einstellung, sondern ar den Hang zum Spektakuliiren spricht. Um die

« kritische» Arbeit Voragines richtig einzuschiitzen, maftte in Zukunft

gekliirt werden, ob es in seinen Quellen apokryph gewertetesErziihlgut

gibt, und wie er mil so markiertem Material umgegangenst.

I. Drei Quellenlegendare.

Einleitung.

Die folgende Untersuchung ist entstanden auf Anregung

Remi Gounelles, der 1995 eine Studie zum Gebrauch des

B~griffs «apokryph» in der Legenda Aurea (LA) des Jacobus

deYoragine (JdV) ver6ffentlichte.

7, 1996,p. 167-192

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B. FLEITH

UnleT dem Titel« Senset usage d'apocryphus dans a Legende

doree» versucht Gounelle flir acht Erziihlkomplexe aufzu-

deckeD, in welcher Weise JdV die Qualifikation «apokryph»

benutzt, «si, face a des textes non canoniques, Jacques de

Voragine a fait acte de vilipendeur ou de canonisateur ...ou bien

s'il a travaille avec ces textes en critique eclaire, DOUgmontrant

d'une certaine maniere que textes canoniques et apocryphes

peuvent etre compatibles dans la vie des Eglises chretiennes»1.

Gounelle hat den Eindruck, daB JdV den Terminus «apokryph»

dann verwendet, wenD nicht kanonisierte Erziihlabschnitte linter

dem Aspekt ihrer «vraisemblance» und «tenue theologique »2

im Urteil des JdV anzuzweifeln waren. Da man die direkten

Quellen des JdV nicht kenne, sei die Frage allerdings nicht end-

gtiltig beantwortbar3, denn die Hinweise auf den apokryphen

Charakter der benutzten Quelle und die deshalb yon JdV ange-

ratene Vorsicht bei der Wiederverwertung des Materials konn-

ten ja aus seineD Vorlagen iibemommen worden sein. Aber erst

wenD aIle yon JdV benutzten Quellen -auch die yon ihm

benutzten Quellenlegendare -und die LA selbst in kritischen

Ausgaben vorliegen, werden definitive Aussagen zur kritischen

Kompilationsarbeit des JdV moglich sein4.

Bei den Quellenlegendarenhandelt es sich urn die Abbreviatio

in Gestis et Miraculis Sanctorum des Jean de Mailly, den

Epilogus in Gesta Sanctorum des Bartholomiius yon Trient und

das Speculum Historiale des Vincent de Beauvais5.Zwar liegen

immer noch keine kritischen Editionen dieser Legendare vor,

dennoch mochte ich je einen Textzeugendieser drei dominikani-

schen Quellenlegendare auf ihren Umgang mil dem in der LA

als ap°kryph gekennzeichneten Erziihlgut bin untersuchen, urn

damit zu weiteren Fragen anzuregen6.

L R. GOUNELLE, Sens et usaged'apocryphus dans a Legende doree»,

Apocrypha 5 (1995), 189-210,193.

2. Ebd., 208f.

3. Ebd., 210.

4. Auf dieses Problem hat schon Bernard DE GAIFFIER n seinem

Forschungsbericht zum Problem «L historia apocrypha' dans la

Ugende doree », Analecta Bollandiana 91 (1973), 265-272,hingewiesen

und in diesem Zusammenhang nach kritischen Ausgaben der betroffe-

DenWerke verlangt.

5. Zuletzt diskutiert bei Giovanni Paolo MAGGIONI,«Aspetti originali

dell a 'Legenda Aurea' di lacopo da Varazze », Medioevo e

Rinascimento. Annuario del Dipartimento di Studi sui Medioevo e il

Rinascimento dell'Universitd di Firenze IV [D. s. I] (1990), 143-201.

6. 1m Folgenden werde ich diese Textzeugen als reprasentativ fur das

jeweilige Werk und seineD Autor behandeln, obwohl dies natfirlich

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LEGENDA AUREA UND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 169

Textgrundlage meiner Untersuchung ist flir die Abbreviatio in

Gestis et Miraculis Sanctorum die Handschrift der Basler

Universitatsbibliothek B. 111,14, tir den Epilogus in Gesta

Sanctorum die Ausgabe dUTCh Gobbi aufgrund der

Klosterneuburger Handschrift 12367 und ftir das Speculum

Historiale die Reprint-Ausgabe van 1964/58.Die LA babe ich in

der Ausgabe van Graesse9 enutzt.

Die Quellenlegendare er LA

Reute kann mil Sicherheit gesagtwerden, daB die Quellen fliT

jeden einzelnen Text der LA nicht ohne den Vergleich mil den

oben genannten zeitgenossischenLegendaren bestimmt werden

konnen. DaB in der ForschungsgeschichtelOrrttimer tibeT die

Quellenlage einzelner Texte der LA aufkommen konnten, liegt

daran, das die genannten Legendare lange nicht bekannt oder

nicht zuganglichwaren.

Reute liegen folgende Erkenntnisse tibeT diese drei

Quellenlegendare vor :

2.1. Abbreviatio in Gestiset Miraculis Sanctorum.

Johannes de Malliaco (Jean de Mailly, OP) veroffentlichte

zwei Fassungen seiner Abbreviatio in Gestis et Miraculis

Sanctorum (Ab) : 1. Fassung, entstanden 1225-1230, ., erweiter-

te Fassung entstanden 124311.Der Text liegt schon seit 1947 in

nicht der Fall ist. Ich bin mir dieses Problems bewuBt, aber ohne diese

Hilfskonstruktion ware die yorliegende Oberlegung, die Y. a. dazu die-

Den solI, weitere Untersuchungen anzuregen, nicht moglich gewesen.

7. Domenico GOBBI Hrsg.), Bartolomeo da Trento domenicano e agio-

grafo medievale. Passionalede sanctis. Textus Index (Bibliotheca ciyis

III), Trento 1990,Teil2, 17-193.

8. VINCENTDE BEAUVAIS, peculum quadruplex, Graz 1964-65,4Bande

(Photogr. Wiedergabe der Ausgabe Douai, 1624), Bd. 4 : Speculum

historiale.

9. Th. GRAESSE, acobi a Voragine Legenda Aurea vulgo Historia

Lombardica dicta ad optimorum librorum fidem recensuit, Erstaufl.,

Dresden, 1846; Nachdruck der 3. Aufl. yon 1890,Osnabrtick, 1969.

10. VgI. dazu den Forschungsbericht yon B. FLEITH, «The Patristic

Sources of the Legenda Aurea: A ResearchReport », in Receptionof the

Church Fathers in the West,hrsg. yon Irena BACKUS in Vorbereitung).

11. Siebe zur Ab : A. DONDAINE,«Le Dominicain fran<;ais Jean de

Mailly et la Legende doree », Archives d histoire dominicaine 1

(1946), 53-102; DERS., ean de Mailly, O. P., Abrege des Gestes et

Miracles des Saints, raduit du latin (Bibliotheque d histoire dominicai-

ne 1), Paris 1947 G. PHILIPPART,Le manuscrit 377 de Berne et Ie sup-

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170

B. FLEITH

der franzosischen Ubersetzung durch Dondaine vor. In der

Einleitung antwortet der Ubersetzer auf die Frage, ob JdV die

Ab gekannt babe : «L etroite parente des deux ouvrages (Ab

und LA), dans leur forme litteraire comme dans leur contenu,

ne permet guere d en douter il parait indubitable qu il (JdV)

s inspire des Gesteset Miracles tout au long de son reuvre »12.

Ein Jahr vorher hatte Dondaine13noch vorsichtiger die Ab zwar

als Hauptquelle der LA deklariert, jedoch mit der

Modifikation: «Principale source, qu on nons entende bien: il

s agit moins du materiel utilise par Jacques de Voragine..., que

de l idee creatrice de la Legende doree». Yon den 177 Kapiteln

der LA fanden sich 136 auch in den Ab, «dans Ie fond, la forme

et la langue, parfois a la lettre. »14DaB die Ab dennoch direkte

Quelle war fur einen Teil der Legenden der LA ist inzwischen

mehrfach herausgearbeitetworden15.

Auch in die Ab sind narrative Elemente, Fabeln und apo-

kryphe Berichte eingeflossen; wie JdV so hat auch Jean de

Mailly in einigen Fallen seine Quellen in Frage gestellt und an

deren Angaben gezweifelp6. «Si nons rapportons ces choses,

sagt Jean de Mailly an eiDer Stelle, c est pour refuter leg ecrits

apocryphes au nom des reuvres qui font autorite17...»

plement au Legendier de Jean de Mailly», Analecta Bollandiana 92

(1974), 63-78; DERS., «Le Legendier de Jean de Mailly it Meillerie sur

Ie Leman en 1447 », Analecta Bollandiana 97 (1979), 128; K.-E. GEITH,

«Die Juliana-Legende in der Abbreviatio in gestis et miraculis sanc-

torum yon Jean de Mailly», Analecta Bollandiana 103 (1985), 95-104;

DERS., «Die Abbreviatio in gestis et miraculis sanctorum yon Jean de

Mailly als Quelle der Legenda Aurea », Analecta Bollandiana 105

(1987),289-302.

12. DONDAINE, Jean de Mailly (wie Anm. 11), 14. «Le texte de base de

la traduction est principalement celui du manuscrit latin 10843 de la

Bibliotheque Nationale, probablement un des plus anciens qui nous

soient parvenus» (S. 21).

13. Dondaine, «Le Dominicain...» (wie Anm.ll), 54.

14. Ebd., 91.

15. Vgl. zuletzt GEITH, «Die Abbreviatio ...» (wie Anm. 11),289-302;

G.-P. MAGGIONI, «II codice novarese di Jean de Mailly e la Legenda

aurea », Novarien 17 (1987), 173-184.

16. DONDAINE, Jean de Mailly (wie Anm. 11), 15 : «En intention Jean

de Mailly voudrait eliminer la fable de son reuvre, mais on ne peut

echapper d un coup it l ambiance de son siecle, il y faudrait du geniearfois, cependant, Jean de Mailly esquisse une critique des faits rap-

portes dans les sources de son legendier. »

17. Ebd., 16.

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LEGENDA AUREAUND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 171

2. 2. Epilogus n GestaSanctorum.

Bartholomeus Tridentinus (Bartholomaus van Trient, OP)

beendete seineD Epilogus in Gesta Sanctorum (Epil) 1245 in

Trient; es liegt noch keine kritische Edition vor, aber der Text

ist durch die Ausgabe van Gobbi nun endlich zuganglich18.

Boureau weist ausdriicklich daraufhin, daB JdV den Epil

gekannt babe : «il (JdV) Ie cite explicitement dans Ie chapitre

sur la nativite du Seigneur; il lui emprunte probablement une

anecdote sur Dominique qu'on ne retrouve Dulle part ailleurs; il

copie (mais sans Ie citer) textuellement son chapitre sur saint

Patrick19.» Boureau kennzeichnet den Epil als ein Legendar, das

sich auch dem nichtkanonisierten und weltlichen Erzahlgut

6ffne : «Barthelemy y contribue lui aussi, mais il donne droit de

cite, egalement, aux Apocryphes, certes bien CallOUS vant lui,

mais marginalises2O.

3. SpeculumHistoriale.

Das Speculum Historiale (SpH) bildet den 3. Teil der

Enzyklopadie mit dem Titel Speculum maiu.s des Vincentius

Bellovacensis (Vincent de Beauvais, OP). « En effet, sur les 3800

chapitres dont se compose son Speculum historiale, pres de 900

relatent de la vie et des miracles des saints... II n'en reste pas

mains vrai que celui-ci est un ouvrage d'histoire generale et non

pas proprement un legendier1... }} Poncelet glaubt, daB das SpH

18. GOBBI wie Anm. 7). In diesem Band finden sich Beitrage verschie-

dener Autoren zu Bartholomaus yon Trient. V gl. auch A. DONDAlNE,

«L Epilogus in Gesta Sanctorum' de Barthelemy de Trente », in Studia

mediaevalia et mariologica P. Carolo Balic, OFM... dicata, Rom 1971,

333-360 ; DERS.,«Barthelemy de Trente, O. P. », Archivum Fratrum

Praedicatorum 45 (1975),79-105; A. BOUREAU, Barthelemy de Trente

et l'invention de la 'Legenda nova' », in Raccoltedi vite di Santi dal XIII

al XVIII secolo, hrsg. yon Sofia BOESCHGAJANO Universita degli

Studi di Roma« La Sapienza» Collana del Dipartimento di Studi storici

dal Medioevo all'eta contemporanea 5), Brindisi 1990,23-39,mit weite-

fen Literaturangaben. Es ist durchaus moglich, daB sich einige der

« Auswahllegendare » oder Handschriften mit dem Titel

«Pronunciamentum» im Katalog der lateinischen LA-Handschriften

bei B. FLEITH, Studien zur Oberlieferungsgeschichte der lateinischen

Legenda Aurea (Subsidia hagiographica 72), Bruxelles 1991, als das

Legendar des Bartholomaus yon Trient entpuppen konnten.

19. Ebd., 24.

20. Ebd., 35.

21. A. PONCELET,Le legendier de Pierre Calo », Analecta Bollandiana

29 (1910), 5-116,20.

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172

B.FLEITH

zum erstenmal 1244 veroffentlicht worden sei, 1250 jedoch -

oder etwas spater -babe Vincent de Beauvais eine zweite

Ausgabe erstellt22. Dondaine beobachtete, daB Vincent de

Beauvais einen groBen Teil der Kapitel der Ab wortlich in sein

SpH iibemommen hat23.

1m ersten Buch, Kapitel 9, seines SpH verteidigt Vincent de

Beauvais den Gebrauch der Apokryphen : «Ich sage das nicht,

weil ich, was zuviel der AnmaBung ware, den Apokryphen

Geltung (Autoritat) verschaffen wollte, sondem weil es, wie ich

meine, erlaubt ist, das zu lesen und auch zu glauben, was nicht

gegen den katholischen Glauben ist, mag es auch nicht die

Sicherheit der Wahrheit haben... So babe ich auch ene wenigen

Dinge aus den Apokryphen diesem Werk eingefUgt in der

Meinung, daB sie weder wahr noch falsch seien, aber daB sie ein-

tach vorzutragen sind und daB sie ohne Schaden fUr den

Glauben geglaubt und gelesenwerden konnen24,

2. 4. Zusammenfassung.

Die Ab, das iilteste der uns bier interessierendenLegendare,

hat das SpH beeinfluBt ; Ab, SpH und Epil haben der LA als

QueUegedient.

22. Weiterfiihrende Ergebnisse lassen sich von dell Forschungsprojekt

der Mitarbeiter des «Atelier Vincent de Beauvais» in Nancy erhoffen,

die den Text der Handschrift Douai 797 (14. Jh.) auf CD-ROM gespei-

chert haben und ihn in dieser Form fur Anfragen der Forschung zur

Verfiigung stellen. Der neueste Beitrag zur Textgeschichtewurde vor-

gelegt von J. B. VOORBIJ,Het Speculum Historiale van Vincent van

Beauvais.Een studie van zijn onstaansgescheidenis,roningen 1991 er

war mir fur diese Studie nicht zuganglich. Zu Vincent de Beauvais als

Kompilator vgl. Alastair J. MINNIS,«Late-medieval discussionsof com-

pilatio and the role of the compilator », Beitriige zur Geschichte der

deutschenSpracheund Literatur 101 (1979),385-421.

23. A. DONDAINE, «Le Dominicain fran~ais Jean de Mailly et .la

 Legende doree », Archives d histoires dominicaine 1 (1946),53-102,60.

24. «Nec hoc dico quia velim apocriphis quod nimie presumption s

esset auctoritatem dare, sed quia licet ut opinor ea legere et etiam cre-

dere que non sunt contra catholicam fidem, licet non habeant veritatis

certitudinem... Sicque ego pauca ilIa de apocriphis huic operi inserui,

non vera vel falsa esseasserendo, ed tamen ea que legi simpliciter reci-

tando, que salva fide possunt etiam credi et legi. » Text nach Auskunft

des «Atelier Vincent de Beauvais» in Nancy. Die Buchzahlung ist im

Vergleich zum Druck aus Douai eine Nummer im Ruckstand : Buch I

ist in der Hs ein« Libellus apologeticus». An dieser Stelle mochte ich

Monique PAULMIER-FoUCARTnd Marie-Christine DUCHENNEerzlich

fur ihre prompte Hilfsbereitschaft danken.

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LEGENDA AUREA UND DOMINlKANISCHE BRUDERLEGENDARE 173

Es ist zu beobachten, daB JdV die Martyrer-, Jungfrauen-,

Bekenner- und Wtistenvaterlegenden aus den anderen domini-

kanischen Kurzlegendaren meist ohne groBe Modifikationen

tibernimmt ; die Apostellegenden und die Lebensgeschichten

der groBen Kirchenlehrer erfahren eine groBere Uberarbeitung

unter Zuhilfenahme verschiedenster Quellen, konnen abeT n

ihrem Kern auch aus den Kurzlegendaren stammen. Die im fol-

genden zu diskutierenden Textausschnitte gehoren aIle zu die-

gem etzten Legendentyp.

Erstaunlich war flir mich die Beobachtung verschiedener

Forscher, daB JdV und seine Ordensbrtider zwar die gleichen

Exzerpte aus einem enormen Inventar an Informationen wie-

dergeben, diese jedoch in alIen Legendaren unterschiedlich aus-

flihrlich sind, so daB einige Forscher soweit gehen, an eine

gemeinsameQuelle flir aIle dominikanischen Legendare zu den-

ken25.

Es ist jedoch kaum vorstellbar, daB von einer solchen wichti-

gen Quelle keine Spur auf uns gekommen sein soIl

II. Jacobus e VoraginesHinweiseauf apokryphes

Gedankengut.

lnwieweit waren diese Quellenlegendare Vorlage ftir die

Stellen, an denen sich JdV mil clem apokryphen Charakter sei-

ner Quellen auseinandersetzt,und wie haben die anderen domi-

nikanischen Autoren an diesen Stellen mil clem apokryphen

Gedankengut operiert?

Den Untersuchungen R6mi Gounelles zufolge qualifiziert

JdV acht seiner Erzahlpassagen als «apokryph» ; vier dieser

Passagenseien aus einer «Historia apocrypha» tibernommen,

eine aus einer «Historia apocrypha Graecorum» und drei

Abschnitte aus anderen apokryphen Quellen.

Eine« Historia apocrypha» alsQuelle der LA.

JdV gibt ftir seineBerichte zur JudasherkunftMathiasc. 45),

zum Pilatusleben (Passio Domini c. 53), zur Bestrafung der

Juden(JacobusMin. c. 67) und zu Verbrechen nd Untergang

Neros (PetrusAp. c. 89) eine «Historia apocrypha»als Ouelle

an.

Vgl. FLEITH wie Anm. 10).

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LEGENDA AUREA UND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 175

er sich ausdrticklich auf eine « historia apocrypha »31.Dieser

Motivationsbericht findet sich weder im Epi/, im SpH noch in

derAb.

Wie in der LA finden sich jedoch in der Ab am Ende der

Legende -nach dem Motivationsbericht aus der « Historia

apocrypha» in der LA -die Berichte fiber die Hungersnot in

Jerusalem32 nd die Auffindung des eingemauerten Joseph yon

Arimathia, die in beiden Legendaren zum Teil wortw6rtlich

tibereinstimmen, so daB man davon ausgehen kann, daB JdV

bier die Ab als Vorlage benutzt hat.

In der Ab wird dieser Bericht als « nicht wahr »33 bgewertet,

da er eiDer anderen Uberlieferung -genannt wird das

Evange/ium Nicodemi -widerspreche. Dies ist our ein Beispiel

daftir, daB es schon bei Jean de Mailly eine Auseinandersetzung

mit dem Wahrheitscharakter seiner Quellen gibt.

JdV unterlaBt die Bezeichnung « nicht wahr », und versucht

die ursprtinglich konkurrierenden Berichte zu harmonisieren34

diese Tendenz zum Harmonisieren, zum « Retten» eines

Erzahlmotivs findet sich immer wieder in der LA.

31. LA, 299 : «Haec autem fuit causa adventus ipsorum in Jerusalem,

sicut in quadam hystoria invenitur, licet apocrypha.» Diese Episode

wird S. 301,36 abgeschlossenmit der Bemerkung : «Utrum autem haec

hystoria narranda sit, lectoris judicio relinquatur. »

32. LA, 301-302 «Biennio igitur a Tito Jerusalemobsessa nter caetera

mala, quae obsessos graviter perurgebant, tanta fames omnes tenuit,

quod parentes filiis et filii parentibus ; ( ) ViTi uxoribus et uxores viris

cibos non tantum e manibus, sed etiam ex ipsis dentibus rapiebant.» -

Ab, fol. 25ra : «Biennio igitur obsessacivitate inter cetera mala que

obsessos gravissime perurgebant tanta fames omnes pariter invasit

quod parentes filiis et filii parentibus ViTi uxoribus et matTesparvulis

cibum non tantum e manibus sed ex ipsis dentibus rapiebant. »

33. Ab, fol. 25rb : «Legitur autem quod tytus intrans ierusalem vidit

quendam murum densissimum et iussit ilIum perforari et statim facto

foramine invenerunt senem quendam aspectu et facie venerabilem et

quesitus ab imperatore quis esset respondit se esse oseph ab arimathia

civitate iudee ...sed secundumverba nychodemi hoc non est verum qui

scripsit in libello suo de passionedomini. »

34. LA, 302-303 «Legitur quoque quod Titus intrans Jerusalemquen-

dam murum densissimum vidit, ipsumque perforari praecepit, factoque

foramine quendam intus senem adspectu et canitie venerabilem inve-

nerunt, qui requisitus, quis esset, respondit, se esse Joseph ab

Arimathia... In evangelio tamen Nicodemi dicitur, quod cum Judaei

iusum reclusissent...Potest dici... »

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,

' (

178 B. FLEITH

teuflisch Bose und seine Vernichtung dUTCh ie himmlischen

Machte dramatisch in Szenezu setzen.

2. Eine «Historia apocrypha Graecorum» als Teilquelle der

Kreuzesholzlegende Inventio crucisc. 68).

2. I. Legenda Aurea.

JdV eroffnet seine Inventio-Legende mit der Eingliederung

der Kreuzesholzlegende. Diese Kreuzesholzlegende ist dreistu-

fig: Die erste Stufe besteht aus eiDer Rahmenhandlung und

einem eingeschobenen Kern; die Rahmenhandlung -nach

Aussage des JdV dem Evangelium Nicodemi nachgestaltet -

erzahlt die Aussendung Seths an die Paradiesespforte, urn dart

zur Heilung des erkrankten Vaters Adam 01 yom Baum des

Mitleidens zu erhalten. Der ParadieseswachterMichael verwei-

gert ihm dieses 01, gibt ihm jedoch einen Zweig, den er auf dem

Berg Libanon pflanzen soIl. An dieser Stelle weist JdV auf eine

apokryphe Quelle der Griechen bin, deren Bericht er als Kern

in seine Rahmenhandlung einfugt : Der Engel gibt Seth yom

Holze, an dem Adam geslindigt batte, und trostet Seth mit dem

Hinweis, wenD dieser Zweig Frucht briDge, werde sein Vater

gesund. Als Seth nach Hause kommt, ist der Vater tot; so

pflanzt er den Zweig auf des Vaters Grab, woraus ein groBer

Baum erwachst, der bis in Salomons Zeiten besteht. Hier endet

der eingeschobene Bericht, und der Kompilator liberlaBt dem

«lector» das Urteil, ob dieser Bericht, der sich in keiner

bewahrten (authentischen) Historie oder Chronik befinde, wahr

sei oder nicht47.

Danach fuhrt JdV seine Rahmenhandlung weiter : Salomon

sieht den Baum, will ihn fur sein Waldhaus benutzen. Nun folgt

die zweite Stufe : Da sich -nach Johannes Beleth -das Holz

dafur abeTnicht eignet, wird es in ein Wassergeworfen, in dem

es der Konigin yon Saba auffallt, und sie es nach eiDer Vision

anbetet. Flir die dritte Stufe seiner Erzahlung beruft sich JdV

auf die Historia Scholastica, n der erzahlt wird, daB der Konigin

yon Saba das Holz im Waldhaus des Salomon auffallt und sie

daraufhin den Untergang des jlidischen Reiches dUTCh ieses

Holz voraussagt. Deshalb laBt es Salomon in der Erde vergra-

beD.

47. LA, 304 : «Utrum autem haec vera sint, lectoris judicio relinquatur,

cum in nulla chronica vel hystoria authentica haec egantur. »

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1

B.FLEITH

fiber die Ereignisse urn die Konigin yon Saba52, obei die zweite

und dritte Quellenstufe des JdV ineinander verarbeitet wurden.

Wahrend sich dieser Bericht bei JdV am Anfang der Legende

tindel, ist er derjenigen yon Jean de Mailly eher aufgepfropft,

vielleicht sogar nachtraglich angehangt. Auf jeden Fall wird

auch bier der apokryphe Kern nicht erwahnt.

2.

5. Zusammenfassung.

Meiner Meinung nach tibernahm JdV diesen apokryphen

Kern aus eiDer zusiitzlichen Quelle deshalb sehr bereitwillig,

weil er clem Benutzer des Legendars erlaubt, an eiDer kleinen

Erziihlung den Sinn der gesamten Heilsgeschichte zu ent-

wickeln.

3. Zur «bestraften Ohrfeige» (Thomas c. 5) -unkritische Uber-

nahme in den Bruderlegendaren -kritische Auseinandersetzung

bei Jd~

.

1. Legenda urea.

In del Thomaslegende findet sich die Episode, daB del

Apostel in Indien bei einem Hochzeitsbankett die Augen zu

Gott erhebt, urn zu belen. Eine hebraische Sangerin und

Flotenspielerin erkennt daran seine iidische Herkunft und singt

ihm ein Lied aus seiner Heimat, das im Text zitiert wird53.Da

Thomas nichts iBt, schlagt hm der Mundschenk ns Gesicht. Mit

clem Argument, es sei besser,daB dieser Schlagclem Tater in sei-

ner Lebenszeit vergolten und er dadurch im zukiinftigen Leben

verschont werde, sagt daraufhin Thomas voraus, daB er nicht

yom Festtisch aufstehen wird, his ihm die Hand des Taters

gebracht werde54.Gleich darauf wird der Tater auBerhalb des

Hauses yon Tieren umgebracht ein schwarzerHund bringt die

rechte Hand in den Festsaal. JdV fiihrt dazu eine

Augustinusstelle an55, n der der Kirchenvater darauf hinweist,

daB die Stelle aus eiDer apokryphen Schrift stammt ; mil Hilfe

eiDer zweiten Augustinusstelle kann der Kompilator jedoch zei-

52. Ab, Col. 26r : «Legitur autem quod regina saba q. (?) cum venisset

audire sapientiam salomonis vidit in domo saltus et cognovit per spiri-

turn... »

53. LA, 33 : «unus est Deus Hebraeorum, qui creavit omnia et fundavit

maria. »

54. LA, 33 : «melius est, ut in futuro indulgentia tibi tradatur et hic

transitoria plaga reddatur. »

55. Augustinus, Contra Faustum XXII, 79.

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LEGENDA AUREA UND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 181

gen, daB diese Erzahlung trotzdem eine theologisch akzeptable

Aussagekraft hat. Thomas babe damit zwar eine grausame

Bestrafung im irdischen Leben des Taters vorausgesagt, aber

gleichzeitig fUr ihn urn Verzeihung im kiinftigen Leben gebeten,

und ihm damit den «ewigen Trost» erwirkt56. Nur die

Flotenspielerin hatte die Worte des Thomas gehort ; als die

Hand gebracht wird, fallt sie Thomas zu FiiBen und erklart den

Anwesenden die Zusammenhange.

2. Abbreviatio in Gestiset Miracu/is Sanctorum.

In der Ab singt die Flotenspielerin zwar ihr Lied, dieses wird

jedoch nicht zitiert. AuBerdem findet sich bier our Thomas

Voraussage der Bestrafung, nicht abeT die damit verbundene

theologische Rechtfertigung und vor allem nicht das

Augustinuszitat, das die Stelle als apokryph wertet. In der

Episode heiBt es auBerdem ediglich, ein Hund briDge die Hand

des Taters57.Zwar lassen sich wortwortliche Ubereinstimmun-

gen58zwischen den beiden Textausschnitten beobachten, den-

noch kann die Ab wegen des in der LA zusatzlichenSonderguts

nicht die einzige Quelle flir die LA gewesen sein. Der

Kompilator der Ab ktimmerte sich jedenfalls nicht urn das

Problem der Quellenwahrheit.

3. 3. Speculum Historiale.

Das SpH tiberliefert sowohl den hebraischen Liedanfang59

sogar etwas ausftihrlicher -als auch die theologische

Rechtfertigung in del Vorausdeutung des Thomas -wiederum

ausftihrlicher60. Hier -wie in del LA -bringt ein schwarzer

Hund die rechte Hand61.Die in del LA und im SpH gemeinsa-

LA, 34 : «et illi post hanc vitam quandoque finiendam in aetemum

consolarentur. »57.

Ab, tot. 5ra : «unus attulit manum eius ad apostolum.»58.

Vgl. z. B. LA, 33 : «non hinc surgam donec manus, quae percussit,

huc a canibus afferatur.» -Ab, tot. 5ra : «non surgam hinc donec canis

afferat mihi manum que me percussit. »59.

SpH, 344 : «Vnus est Deus Hebraeorum, qui creavit omnia, ipse

fecit crelum et terram et fundavit maria. »

60. SpH, 344 : «Melius est vt tibi in futuro saeculo detur indulgentia,

vbi nullus plagae finis occurrit : ista autem tibi reddetur, vt tu ipse inte-

Teas,manus veTo, quae me percussit it.canibus rosa, huc apportetur. »

61. LA, 33 : «unus niger canis manum ejus dextram in medium convi-

vium apportavit.» -SpH, 344 : «unus niger canis dextera manum eius

in ore suo ferens in medio conuiuij apportauit. »

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1 2

B.FLEITH

men Sondergutstellen im Vergleich zu der Ab stimmen meist

wortwortlich uberein, auBer daB JdV leicht kurzt. Der

Kompilator des SpH geht, wie derjenige der Ab, nicht auf die

Augustinische Quellenkritik ein.

Als Quelle fUr diesen Abschnitt kommen damit entweder

beide Legendare zusammen n Frage oder eine Sammlung, aus

der sowohl die Ab als auch das SpH schopf en. Fur diese

Episode ist das SpH nicht abhangig van der Ab wegen des oben

diskutierten Sonderguts.

3.

4. Epilogus in GestaSanctorum.

Der Epil faBt die Episode so kurz zusammen, daB man sie

nicht in ein Abhangigkeitsverhaltnis mit den anderen drei domi-

nikanischen Legendaren bringen kann.

3.

5. Zusammenfassung.

Resultat des Vergleichs der vier dominikanischen Legendare

ist, daB lediglich JdV es ftir notig halt, den apokryphen

Charakter dieser Erzahlung herauszustellen.Gleichzeitig jedoch

schwacht er ihn ab, indem er clem Bericht mil Hilfe der Kritik

und Argumentation des Augustinus eine verborgene theologi-

sche Wahrheit zuschreibt. Gounelle meint dazu : «Nous assi-

stalls ici au sauvetaged une tradition »62, ben auch wieder eiDer

Tradition, die zu Erstaunen und zur Verbltiffung des Horers bei-

tragen soIl.

4. Die Aufforderung zur Luge (Clemensc. 170) Auslassung

der apokryphen Passage in den Bruderlegendaren (?) -

Aufnahme und kritische Auseinandersetzung ei Jd~

4.

1. LegendaAurea.

Ahnlich wie bei den schon angefiihrten Beispielen verhalt es

sich mit der Kritik in der Clemens-Legende In Antiochia hatte

Simon der Magier den Apostel Petrus verleumdet und das Yolk

gegen hn aufgebracht. Bei eiDer Verfolgung zaubert der Magier

dem Faustinianus aus Not sem eigenes Zauberergesicht auf, urn

den Verfolgern zu entkommen. Der Apostel Petrus schlagt nun

dem verzauberten Faustinianus vor, nach Antiochia zu gehen,

sich dort als Simon der Magier auszugebenund dessen riihere

Reden zu widerrufen, urn dadurch den guten Rut des Apostels

204.

2. GOUNELLEwie Anm

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LEGENDA AUREA UND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 1.83

wiederherzustellen63. JdV merkt bier an, daB ein solcher

Vorschlag ein Auf trag zur Ltige dUTChden Apostel gewesen

ware und deshalb nicht glaubwtirdig sei ; deshalb auch sei das

Buch, das diese Episode tiberliefert, apokryph. In einem zweiten

Schritt legt JdV diese Stelle jedoch aDders aus64; dUTCh iese

neue Sinngebung wird die Episode weniger unglaubwtirdig und

kann deswegen n seinem Korpus bleiben65.

4.2. Abbreviatio in Gestiset Miraculis Sanctorum.

In der Basler Handschrift der Ab kommt diese Episode nicht

vor.

3. Epilogus n GestaSanctorum.

In der Klosterneuburger Handschrift des Epi fehlt die

Clemens.,Legende.Der Mangel an kritischen Ausgaben macht

sich bier schmerzlichbemerkbar.

4. SpeculumHistoriale.

Ausftihrlich werden die Ereignisse urn Faustinianus dagegen

im SpH behandelt66. Allerdings vermerkt eine Randglosse :

«Transformatio vultus Simonis in Faustinianum in altera editio-

De, quam Rufinus vt meliorem sequitur, non continetur et quae

nec mihi satis probetur sed quia vetustissimuscodex, qui Basilea

in bibliotheca canonicorum id habebat, libuit praemonere lecto-

rem; nec dubium qUiD Vincentius hic secutus sit etiam aliquem

vetustum codicem si non supracitatum qui alliteram habet prout

nos hic correximus67.»Neben dem «unglaubwurdigen» Auftrag

zur « Luge » dUTchden Apostel Petrus steht als Glosse : «Neque

illae habentur in nonnullis codicibuS68.

63. LA, 783 : «Dixit ergo Petrus Faustiniano : quoniam quidem Symon

magus esse videris, perge Antiochiam, coram omni populo me excusa

ac ea, quae de me dixit Symon, ex persona sui retracta. »

64. VgI. dazu ausfiihrlicher GOUNELLEwie Anm. 1),205-206.

65. LA, 783,17-28.

66. SpH, 334-336.

67. SpH, 335.

68. SpH, 335; der Auf trag lautet hier: «Petrus ...ait: Audi

Faustiniane, cum nobis prius aliquid vtilitatis contulerit error isle trans-

formationis, tunc ego veram tibi vultus tui imaginem reddam. Praecede

nos Antiochiam, et in loco publico stans denuncia penitentiam tuam, et

Dic. Ego Simon denuncio vobis, et confiteor me omnia fefellisse de

Petro, neque enim seductor est, neque Magus, neque homicida... »

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184

B. FLEITH

Der Autor des yon mir eingesehenenSpH-Textes hatte diesen

Text unkritisch iibemommen, der Glossator zweifelt nicht -wie

JdV -an clem Aussagegehaltdes Textes, sondem an der Frage,

ob diese Stelle iiberhaupt auf Vincent zuriickgeht. Auch wenn es

keine wortwortlichen Ubereinstimmungen zwischender LA und

dieser SpH- Version gibt, konnte JdV den Erzahlabschnitt unter

starken Kiirzungen aDS ieser Version -oder abeTeiner gemein-

samenVorlage -iibemommen haben.

4.

5. Zusammenfassung.

Rtickblickend ltiBt sich feststellen, daB dieser Abschnitt min-

destens in einem der Vorlagenlegendare fehlt ; er findet sich

lediglich in eiDer SpH-Version, die eventueU nicht identisch ist

mit dem Original. Raben die anderen dominikanischen

Kompilatoren auf die Episode verzichtet, weil sie auf einer apo-

kryphen QueUeberuht?

JdV tibernimmt die Episode, setzt sich kritisch mit der QueUe

auseinander und leitet zu einer eigenen Auslegung tibeT. «La

consequenceest double... : Jacquesde Voragine est couvert a l

egard de l autorite -puisque Ie texte qu il a rapporte est inter-

pretable dans un gensbon grace a des distinctions traditionneUesi

-et a l egard de ses auditeurs -en leur disant... ce qu il faut y

lire -ou des predicateurs dominicains -qui disposent ainsi de la

clef d interpretation leur permettant d utiliser ce texte69.»

5. Die Gurtelspende nach der Himmelfahrt Mariens : Jedes

Legendar berichtet und bewertetdie Episodeauf seineWeise.

5.1. Abbreviatio in Gestis et Miraculis Sanctorum.

In del Basler Ab-Handschrift tragi die Legende den Titel ~

«De assumptione beate Marie apocrifice »7°.Nachdem Jean de

Mailly die Himmelfahrt geschildert hat, die mil del leiblichen

Aufnahme Mariens in den Himmel, bezeugt duTchdie Apostel,

endet, hebt der Autor nochmals an, um auf eine andere

Erzahltradition fiber die Himmelfahrt hinzuweisen, die besagt,

daB die Apostel den Leichnam Mariens im Tale Josaphatbeer-

digt batten und daDo nach Jerusalem zurtickgekehrt seien.

Thomas sei erst spater zum Grabe gekommen und babe beob-

achten kannen, wie die Engel den Karper Mariens in den

Himmel getragen batten. Thomas bittet daraufhin Gott, ihm ein

69. GOUNELLEwie Anm. 1),206.

70. Ab, fol. 43v und im Inhaltsverzeichnis fol.1v.

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LEGENDA AUREA UND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 185

Zeichen zu geben, mil dessenHilfe er die Apostel yon der leibli-

chen Aufnahme Mariens liberzeugen konne. Daraufhin faUt

Mariens Glirtel zur Erde. Thomas bringt den Glirtel den

Aposteln, die das Grab offnen und es leer finden71.Der Autor

weist dann abeTdaraufhin, daB es sich hierbei wohl urn den yon

Hieronymus als apokryph verurteilten Bericht «De transitu

Beate Virginis» handele72.

Nun flihrt der Autor die Revelationen der Elisabeth yon

Schonau an, die in eiDer Vision Mariens Himmelfahrt schaut.

Auf die Frage Elisabeths, ob sie darliber schweigen solIe, ant-

wortet Maria: «Ceci ne t'a point ete revele pour que tu l'effa-

ces, mais afin d'exalter mODculte chez ceux qui ont un amour

special pour ma personne et qu'ils me rendent des honneurs

nouveaux de ce chef, desquels ls recevront line recompensespe-

ciale de mOD reur3 »

Jean de Mailly ziehl daraus die Konsequenz : «On petit con-

cluTe de tout ceci que l'ecrit apocryphe de l'assomption de la

Vierge est sans autorite et que la revelation faite a Elisabeth ne

doit pas etre publiee sans reserve. Dans l'ecrit apocryphe, en

effet, si Ie debut parait avoir quelque vraisemblance, la fin est

manifestement nepte. Il convient donc de s'en tenir a l'usage de

l'Eglise et a l'autorite des saints, surtout a celIe de saint

Jerome74...» Jean de Mailly zitiert zwei Schriften des

Hieronymus, in defieD dieser schreibt, daB es keine Beweise in

dieser Angelegenheit gebe ; deshalb mlisse weise und nUTkurz

yon der Himmelfahrt erzahlt werden, anstatt leichtfertige und

apokryphe75Dinge zu erzahlen.

In seiner spateren Redaktion der Ab fligt Jean de MailIy76

71. Ab, fol. 44ra : «Autem alibi scriptum essequod cum apostoli sepe-

lissent corpus beatae Marie in valle iosaphat et rediissent Thomas unus

eorum non fuerat tunc cum eis. Et cum veniret subito vidit et audivit

angelos cantantes et corpus beatae marie in celum deferentes et oravit

dominum ut daret ei signum ad( ) per quod apostoli crederent beatam

mariam in celum ab angelis esse delatam et tunc cecidit zona qua cor-

pus beatae Mariae in volutum erat quod cum apostolis detulisset per-

exerunt ad sepulcrum et corpus eius non invenerunt. »

72. Ab, fol. 44ra-44rb : «sed quia non hoc / est autenticum et quod pre-

dictum est uideretur esse llud (Satzlucke) de quo dicit leronimus ne

forte si venerit in manibus nostris id apocrifum de transitu eiusdem vir-

ginis dubia pro certis recipiatis. »

73. Ab, fol. 44rb ; franzosischer Text zitiert nach DONDAINE, ean de

Mailly (wie Anm. 11),326.

74. Ab, fol. 44rb ; Zitat ebd. 326.

75. Ab, fol. 44va : « friuolum et apocrifum ».

76. DONDAINE, ean de Mailly (wie Anm. 11), 10, geht davon aus, daB

Jean de Mailly bei Erstellung seiner Kompilation noch Weltgeistlicher

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LEGENDA AUREA UND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 187

3. LegendaAurea.

In der Ausgabe bei Graesse finden sich zwei Berichtblocke

fiber die Aufnahme Mariens in den Himmel: Zuerst wird die

Beerdigung und spatere leibliche Aufnahme Mariens in den

Himmel nach clem Buch des Johannes erzahlt mit ausdrtickli-

chern Hinweis auf dessen apokryphen Charakter82 im

Einleitungssatz zur Legende. Gounelle weist daraufhin, daB es

sich bei diesem Bericht urn den «Transitus Mariae », der Joseph

von Arimathia zugeschriebenwurde, handelt83.

Den AbschluB dieser ersten Erzahlung bildet die Episode, in

der clem unglaubigen Thomas die leibliche Aufnahme Mariens

in den Himmel dUTChden herabfallenden Gtirtel bewiesen

wird84. Dazu zitiert JdV einen Brief des Hieronymus, der die

Meinung vertritt, obwohl der ganze Bericht apokryph sei, z. B.

auch die mit der Gtirtelspende verbundenen Ereignisse85,an-

den sich doch mehrere Punkte darin, die glaubwtirdig seien86.

Gounelle bemerkt, daB die Tradition diesen Brief zwar von

Hieronymus glaubte, die Forschung ihn abeT inzwischen

Radbert von Corbie zuschreibt. Die Kritik an der Gtirtelspende

fand Gounelle in clem Brief allerdings nicht87

Nun folgt ein erster Mirakelbericht, danach die Revelationen

der Elisabeth von Schonau, in defieD Maria der Elisabeth

erklart, daB das Wunder ihrer leiblichen Aufnahme nUT den

Frommen und Glaubigen kund zu machen sei88.Nach diesem

Zeugnis bekennt sich JdV ausdrticklich zu der leiblichen

Aufnahme Mariens : « Assumta est enim integre in anima et cor-

pore, sicut pie credit ecclesia89.» Und dies wird mit den

82. LA, 504 : «Assurntio beatae virginis Mariae qualiter facta sit, ex quo-

dam libello apocrypha, qui lohanni evangelistae adscribitur, edocetur.»

83. GOUNELLEwie Anm.l), 198,Anm. 22.

84. LA, 509,24-27.

85. LA, 509-510 «Porro alia multa sunt ibi posita potius ad simulatio-

nem, quam ad veritatem, ut, quod Thomas non affuerit et veniens dubi-

taverit, et his similia, quae per se patent, quod sunt relinquenda potius

quam asserenda.»

86. LA, 509: «Hoc autem, quod praedictum est, totum illud

apocryphum (Var. : videtur esse) est, de quo Hieronymus in epistola

sive sermone ad Pallium et Eustochium sic ail : ille sane libellus vere

apocryphus est censendus,nisi quo ad aliqua fide digna, quae videntur a

sanctis approbata, quae sunt novem... »

87. GOUNELLE,995 (wie Anm. 1), 198,Anm. 24.

88. LA, 510 : «nec carnalibus et incredulis revelanda, nec devotis et

fidelibus abscondenda».

89. LA, 510.

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188

B. FLEITH

Zeugnissen des Bernhard, Hieronymus, Augustinus und

Gerardus untermauert. Dieser erste Erzahlblock endet mil

Mirakelberichten.

Der zweite Erzahlblock folgt nach Aussage des JdV einer

Predigt, die aus verschiedenen Reden der «Heiligen » zusam-

mengeftigt sein soI19°.Erzahlt werden wiederum der Tod, die

Aufnahme der Seele Mariens und die Ereignisse bei ihrer

Beerdigung, teilweise wiederholend je nach Darstellung des

jeweiligen Autors; in Details ahnelt del rote Faden diesel

Berichtkompilation demjenigen del Ab. Bei JdV sehen die

Apostel Christus auf die Erde kommen «et corpus virginis cum

gloria tam immensa transferre »91.Ein Apostel ist bei diesel

Szene nicht anwesend und verlangt zum Beweis die

Grabesoffnung : das Grab ist leer; es linden sich nUTdie Kleider

Mariens. Die Gtirtelspende wild bier nicht erwahnt.

Auch diesel Erzahlblock wild abgeschlossen uTcherne Kette

yon Kirchenvaterkommentaren zu dem Ereignis. Dieser zweite

Block ist wohl kaum eine nachtragliche Hinzuftigung, da er sich

schon in frtihen Handschriften del LA findet; wegen del

Redundanz des Berichts kann es sein, daB er grater weggelassen

wurde. Hier lage eventuell die Erklarung daftir, daB diesel zwei-

te Erzahlblock in 11 yon 56 Handschriften del Bibliotheque

Nationale in Paris fehlt. Diese Frage kann jedoch endgtiltig erst

auf del Grundlage einer kritischen Edition gelost werden.

4. Epilogus in GestaSanctorum.

Unter stalkeD Kurzungen im Vergleich zur LA benutzt auch

del Epil den «lohannesbericht» als Quelle. Bartholomaus

rechtfertigt dies folgendermaBen : «In der Tat soIl es bei den

90. LA, 517-527; 517 : «Modus sacratissimaeassumtionisMariae tradi-

tur in quodam germane ex diversis dictis sanctorum compilato, qui in

pluribus ecclesiis solemniter legitur... » ; Philippe VERDIER, Les textes

de Jacques de Voragine et l iconographie du couronnement de la

Vierge », in Legenda Aurea.. Septsieclesde diffusion. Actes du colloque

international sur la Legenda Aurea.. texte atin et branches vernaculaires

a l Universite du Quebec a Montreal 11-12 mai 1983. Ouvrage publie

SOliS a direction de Brenda DUNN-LARDEAU (Cahiers d etudes

medievales. Cahier special 2), Montreal -Paris 1986, 95-99, 97, meint

dazu: «Cette homelie, que l on trouve dans l Augiensis 80, est un cen-

ton en latin d homelies grecques sur l assomption de saint Andre de

Crete, saint Germain de Constantinople, et de quatre homelies de

CosmasVestitor. »

9L LA, 521.

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LEGENDA AUREA UND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 189

Griechen ein Buch gegeben haben, das Johannes, ihr (Marias)

Beschtitzer, nach dem Evangelium fiber die Himmelfahrt unse-

ref Jungfrau geschrieben haben solI, aus dem ein in der griechi-

schell Sprachfertigkeit wenig erfahrener lateinischer Autor eini-

ges tibersetzt hat, was nicht zu Unrecht apokryph genannt

werden kann. Das Wahre, das ich in dem genannten Buch des

Johannes erkannt babe und in den Worten des Hieronymus und

den Schriften anderer als bestatigt gefunden babe fiber die ehr-

wtirdige Himmelfahrt dieser Jungfrau, werde ich vorlegen und

auch das, was der katholische Glaube ehrftirchtig davon halt

( pie ...sentit ). Fest steht, daB die Jungfrau, von der zu sprechen

war, dem Johannes anvertraut wurde92...

Bartholomaus von Trient tibernimmt daDo abeToboe weitere

Kritik auch die Gtirtelspende93 n der Version, in der sie spater

auch in der LA gefunden wird, obwohl diese nach dem Zeugnis

der LA gerade von jenem Hieronymus als « apokryph» heraus-

gestellt worden war. Der Kompilator benutzt diese Episode

geradezu als letzten Beweis «ut ultro sic intelligeret Mariam

totaliter assumptam uisse et vere assumptamquia in nulla con-

sumptam »94.

Folgt man den Aussagen der LA zum Urteil. des Hieronymus,

das die Umstande der Gtirtelepisode klar als apokryph kenn-

zeichnet, muB man annehmen, daB sich Bartholomaus von

Trient einfach -gegen seine ursprtingliche Absicht -fiber dieses

Urteil hinwegsetzt. Da abeT Gounelle diese Kritik nicht bei

« Hieronymus» rand, kann es sein, daB die LA bier eine falsche

Quellenangabe macht, octeTdie Kompilatoren verschiedene

Fassungenbenutzt haben.

5. Resultate.

AIle vier Legendare setzen sich mit den gleichen Quellen aus-

einander : mit der Tradition, die auf Johannes den Evangelisten

Epil, fat. 74v-75r: «Vere apud grecos liber esse dicitur, quem

Iohannes eius custos post ewangelium de assumptione nostre Virginis

scripsisse perhibetur, ex quo forte latinus aliquis in greca eloquentia

minus edoctus aliquam transtulit quam non inmerito possent apocrifa

nominari. Verum que ex predicto Iohannes libro intellexi et ex verbi

Ieronimi et aliorum dictorum approbata cognovi de veneranda huius

virginis assumptione prosequar et quod pie super hiis sentit katholica

fides. Constat Iohanni virginem de qua agere fuisse commissam; ...»93.

Epil, fat. 76v : «De quibus dum secundum suam consuetudinem

Thomas forte dubitaret, zonam, qua precinctum corpus fuerat, illesam,

recepit ab aere. »

94. Epil, fat. 76v.

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190.FLEIlli

zuruckgehen soll und yon alIen als apokryph gewertet wird, den

Revelationen der Elisabeth und Stellungnahmen der

Kirchenvater, bier vor allem der Kritik durch Hieronymus. Da

wir aber nicht genau wissen, worin diese Kritik hestand, ist es

schwierig, aus dell Vergleich Konsequenzen fur den U mgang

mil apokryphem Gedankengut zu ziebell.

Wir konnen lediglich festhalten, daB das alteste Legendar, die

Ab, in seiner ursprunglichen Version, bei der Behandlung des

Themas in Nachfolge des Hieronymus zu Vorsicht und Kurze

rat. Solche Berichte seien nur fur ein bestimmtes Publikum ver-

stehbar.

Auch das SpH siehl dell Bericht mil relativer Distanz

gegenuber es verzichtet ganz auf die Glirtelspende. Die Kirche

bestatige die leibliche Aufnahme nicht, obwohl es andere

Zeugnisse gibt. Vincent de Beauvais scheint die Frage offen las-

sen zu wollen.

Bartholomaus yon Trient glaubt an den Bericht, der auf

Johannes zurUckgehensoll, sogar an die Glirtelspende, die bei

ihm die Funktion eines Beweisesannimmt.

Die LA scheint nun aus all dell eine Synthese erstellen zu

wollen. 1m BewuBtsein des apokryphen Charakters schildert

JdV die Geschichte nach «Johannes» mil der Glirtelspende,

merkt an, daB bier Wahres und Unglaubwlirdiges miteinander

vereint worden ist. In Nachfolge der Argumentation des

Hieronymus -und vielleicht auch seiner dominikanischen

Vorganger -lehnt JdV die Glirtelspende zwar als unglaubwlir-

dig ab, erzahlt sie aber rotzdem Flir ihnhat sie jedoch nur den

Stellenwert eines Mirakelberichtes.

Diese Episode ist die einzige der acht in der LA als apokryph

bezeichneten Episoden, deren apokrypher Charakter auch in

den Quellenlegendaren diskutiert wird.

6. Zusammenfassung und Ausblick.

WenD Remi Gounelle vermutet : «Somme toute, la plupart

des remarques critiques a l'egard des apocryphes dans la

Legende doree provient soil assurement soil fort probablement

de ses sources »95,gilt dies nicht in Bezug auf seine direkten

Vorlagen, die dominikanischen Kurzlegendare : JdV hat an ftinf

oder sechsder acht Stellen den Stoff der anderen drei Legendare

angereichert mil apokryphem Erzahlgut, an eiDer Stelle als ein-

ziger auf den apokryphen Charakter hingewiesen,die Erzahlung

95. GOUNELLEwie ADm. 1),203.

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LEGENDA AUREA UND DOMINIKANISCHE BRUDERLEGENDARE 191

aber durch Uminterpretation gerettet, und nur an eiDer einzigen

Stelle diskutiert er -wie seine Quellenlegendare -den apo-

kryphen Charakter seiner Geschichte. Die Auseinandersetzung

mit apokryphen Gedankengut ist Frucht seiner Auseinander-

setzung mit zusatzlichenQuellen.

WenD JdV den Ruf hat, vor allem als Abbreviator gearbeitet

zu haben, so tritt er bier als Amplifikator auf: er fligt spekta-

kulares Erzahlgut in sein Legendar ein, liberlaBt jedoch clem

Benutzer die Entscheidung, ob das Material brauchbar ist oder

nicht. In anderen Fallen bietet er Interpretationen an, die inter-

essantes Material, das van den Kirchenvatern als apokryph

bezeichnet wird, gebrauchsfahig machen konnen. Nur im Fall

der Glirtelspende scheiDt er van den Urteilen seiner dominika-

nischen Kollegen beeinfluBt zu sein.

Seine «Amplificatio » scheiDtmir entweder das Resultat eiDer

besseren Quellenkenntnis oder aber eiDer geanderten

Erzahleinstellung zu sein : es geht nicht urn die Vermittlung der

kanonisierten Wahrheit, sondern urn Heilswahrheit schlechthin :

immer da, wo das Gute fiber das Bose siegt, erfilllt sich Gottes

Heilsplan, auch wenD die Fakten van offizieller Seite her nicht

bestatigt werden. .

Meiner Meinung nach mliBte man nun die Ausgangsfragen

umkehren, urn die Kompilatorentatigkeit des JdV und den kriti-

schell Umgang mit seineD Quellen van eiDer anderen Seite her

zu beleuchten : Gibt es in den drei frliheren Legendaren eine

Auseinandersetzung mit apokryphem Erzahlgut an Stellen, an

defieD dies in der LA nicht mehr deutlich wird ? Was hat JdV

mit der Qualifikation «apokryph» in den Quellenlegendaren

gemacht ? Als Beispiel sei auf die Hebammenepisode in der

Geburtsgeschichte Jesu hingewiesen, die in der Ab als

Geschichte aus «gewissen apokryphen Blichern und Marchen

alter Frauen »96 ezeichnetwird.

Eine solche Untersuchung ist dann definitiv moglich, wenD

aIle Daten der zuklinftigen kritischen Ausgaben mit Hilfe des

Computers abrufbar sind. Diese Datenbanken werden kaum

mehr flir unser Jahrhundert sein, und somit bleibt vieles ein

Geheimnis. Daher dlirfen wir bier aus den Revelationen

Mariens zitieren : « II ne taut pas divulguer en public ce mystere

car Ie siecle est pervers, et ceux qui l entendraient se troublerai-

ent et ne sauraient s affranchir de leurs doutes97.»

96. DONDAINE,Jean de Mailly (wie Anm. 11), 50; Hinweis durch

BOUREAU, 990 (wie Anm. 18),35.

97. Ab, in der Obersetzung yon DONDAINE, ean de Mailly (wie Anm.

11),326.

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Marek STAROWIEYSKI

Universitede Varsovie

LA LEGENDE DE

SAINT JACQUES LE MAJEUR

The legendof Saint James s probably one of the most intricate about

an apostle.Although James was an important figure and the only apostle

whosedeath is related n the Bible, traditions about his work, his life and

death went lost verysoon. In Spain venerationof Jamesbegan only in the

9th century and even f we have evidence ofJames' presence n this part

of the world from the 7th century on, no legend about this stay n Spain

dating before the 12th century s known. This article tries to put together

the different traditions about Saint James and to outline some relation-

ships between hem.

La legendede saint Jacques e Majeur est probablement la plus com-

plexe des egendes ieesa un apotre.Jacquesetait en eifel une des igures

apostoliques les plus importantes, et il est Ie seul apotre dont la Bible

raconte la mort. Mais la tradition s'est rapidement perdue,et on n'a plus

parle par la suite ni de son activite, ni de son tombeau; seulesquelques

mincesreliquesde cette radition ant subsiste.Ce n'estqu'au IX' siecleque

Ie culte de saint Jacqueseclatea Cofflpostelle,sans toutefois qu'aucune

legendesur son apostolatn'apparaisseen Espagne.Le but de cettecom-

munication n'est pas d'expliquer la legendede Jacques ce qui me semble,

du mains pour Ie moment, mpossible mais de rassembler es diverses ra-

ditions dont il a fait l'objet, et de tracer au mains quelques iens entreelles.

Le NouveauTestament.

Saint Jacques est mentionne plusieurs fois dans les evangiles1

II apparait aux cotes de Jesus dans les episodes es plus impor-

1. La vocation de Jacques est racontee en Mt 4, 21s par. La mere de

Jacques est Salome (Mt 27, 55s); elle demande des faveurs pour ses ils

(Mt 20, 20-24 cf. Mc 10, 35-41 011 e ont es fils eux-memes qui font la

demande). Jacques et Jean demandent a destruction de la Samarie (Lc

9, 51-55).lls sont qualifies ailleurs de« Boanerges» (Mt 3, 16s).

Apocrypha 7, 1996,p. 193-203

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M. STAROWIEYSKI

tants de la vie de son maitre2. Dans leg listes d'apotres (Mt 10,

21-24; Mc 3, 16-19; Lc 6, 13-16; Ac 1, 13), il est nomme ala

deuxieme ou a la troisieme place. II n'est mentionne que deux

fois dans Ie livre des Actes ; il Y apparait au Cenacle avec leg

aut es apotres, et sa mort est brievement decrite: «A celie

epoque-la, Ie roi Herode entreprit de melire a mal certains

membres de l'Eglise. II supprima par Ie glaive Jacques, rere de

Jean»3.L'auteur des Actesne donne aucundetail supplementaire

on ne gaitpas ou saintJacquesa ete decapite,ni ou il a ete enterre4.

Clementd' Alexandrie.

La plus ancienne description extra-canonique de la mort de

saint Jacques se trouve dans les Hypotyposes de Clement

d' Alexandrie, EKTTapa86aE(uSWV TpOvTov5

2. Jacquesest temoin de la resurrection de la rille de JaYre Mc 5, 37), de

la guerison de la belle-mere de Pierre (Mc 1, 29-31), de la

Transfiguration (Mt 17, s par.). II veut connaitre Ie temps de la destruc-

tion du Temple (Mc 13, 1-4). II est a Gethsemani (Mt 26, 36s; Mc 14,

32s). II rencontre Jesusapres a resurrection (In 21, Is). Ct. J. CATINAT,

«JacquesApotre », Catholicisme6 (1967),p. 252s P.C. BANAK,Slownik

konkordancja os6b Nowego Testamentu, oznan, 1991,p. 139-142.

3. Ac 1, 13 (Cenacle); 12, 1-3 (mort). Dans ce dernier texte, E.

SCHWARTZit non «frere de Jean», mais «et Jean» «<Uber den Tod

der Sohne Zebedaei. Ein Beitrag zur Geschichte des

Johannesevangelium », Abhandlungen der Konigl. Gesellschaft der

Wissenschaftem zu Gottingen, Philologisch-historische Klasse, 7/5

[1904], p. 1-53). II s'appuie pour cela sur Ie fragment 16 de Papias

(numerotation de J. KURZINGER,Papias van Hierapolis und die

Evangelien des Neuen Testaments,Regensburg 1983,p. 116s), ire de

l'epitome de I'Historia Christiana de Philippe de Side (ed. C. DE BORR,

TV 5/2, p. 170) et sur un martyrologe syriaque (ed. H. LIETZMANN, ie

drei iiltestenMartyrologien [KIT 2], Bonn 1911,p. 7-8). Si cette lecture

est correcte, ce texte serait l'accomplissementde la prophetie de Jesus

sur a coupe que leg deux freres doivent boire (Mt 20,33 ; 10,39).

4. Quelques lignes apres Ie fecit de la mort de Jacques,on lit celui de la

mort d'Herode (Ac 12, 20-25). Ce motif est ferris par leg Actes de

Jacques 13 (ed. J. EBERSOLT, aris 1902, p. 9s), a partir de Flavius

Josephe (Antiquites 19, 343-351), et d'Eusebe de Cesaree (Histoire

Ecclesiastique 2, 10, SC 31, p. 62-64) ; ct. Liber Sancti Jacobi. Codex

Calixtinus, ed. W. M. WHITEHILL,Santiago de Compostela 1944, 1,4 (p.

36-38,passio modica) et 1,21 (p.25).

5. Hypotyposes VII, frag.14 (ed. O. STAEHLIN, CS 17/2, p. 200,4-11).

Ce texte est connu grace a Eusebe de Cesaree (Histoire Ecclesiastique

2,9, SC 31, p. 61s). Le me-me ragment se retrouve chez Suidas (ed. A.

ADLER,vol. 2, Stuttgart 1967,p. 589s)et chez Georges Syncelle (Ecloga

chronographica,Bonn 1829,vol. 1, p. 633).

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M. STAROWIEYSKI

Philetus1°contre saint Jacques, eur defaite et leur conversion;

2) l arrestation de Jacques et son long plaidoyer devant les

Juifs pour montrer, en recourant a l Ecriture, que Jesus est Ie

Messie -ce qui correspond assezbien a la notice sur Jacques

transmise par les Reconnaissancesll

3) la mort de Jacques, en un recit qui paraphrase Ie texte de

Clement deja cite.

La Passio magna est reprise sous une forme remaniee dans es

VirtutesApostolorum du Pseudo-Abdias12,ans Ie Leabhar Breac

irlandais13, ans e Liber Calixtinus14 t dans Histoire armenienne

de l apotre Jacques15,t dans es Actesde SaintJacques.

II est donc possible de parler d une tradition latine -encore

qu assezmaigre -sur saint Jacques e Majeur.

Absence e egendes nmondegrec.

Dans Ie monde grec, on ne trouve que quelques traces de

legende sur cet apotre. Comme nous l avons vu, les Actes des

Apotres mentionnent a decapitationde Jacques,mais ne precisent

pas oil il a ete enterre. Aucune tradition n a existe sur Ie lieu de

sepulture de saint Jacquesavant Ie IXe siecle, soit avant a decou-

verte de son tombeau a SaintJacquesde Compostelle.A partir du

XIIe siecle ont circuitSdes legendes sur Ie sanctuaire abritant sa

tete a Jerusalem16.

Ainsi, au VIIIe fIXe siecle, orsque Hippolyte de Thebes et Epi-

phane Ie moine parlent de la richessede zebedee, ls ne mention-

DentJacquesqu en passant17.es Actes de saintJacques18 ui ont

10. Ces deux personnages sont mentionnes en Col 4, 14; 2 Tm 4, 9;

Phlm 24 (Demas); 2 Tm 1, 15 (Hermogene).

11. Rec. I, 57. Dans ce plaidoyer, Jacquesparle particulierement de la

resurrection universelle. Les objections que lui opposent es Samaritains

correspondenta cette defense.Ct. R. A. LIPSIUS,p. cit.,p. 205-207.

12. a. Lib. IV (ed. J. A. FABRICIUS,ambourg 1703,p. 516-531).

13. Ed. R. ATKINSON, ublin 1887,p. 346-351.Ct. R. M. M~AMARA,

The Apocrypha in the Irish Church, Dublin, 1975,p. 94s.

14. Ed. cit.

15. CCSA 3, p. 274-284.

16. Ct. plus bas note 43. Ct. R. PLOTZL, «Der Apostel Jacobus in

Spanien bis zum 9. Jahrhundert », Gesammelte Aufsiitze zur

Kulturgeschichte Spaniens, 0 (1982),p. 50-54.

17. Hippolyte de Thebes,ed. F. DIEKAMP, ippolytos yon Theben,Munster

1898,p. 113-118.Epiphane Ie Moine, Vita Deiparae,20, PG 120,col. 209;

ct. les importantes notes dans la traduction espagnole de G. PONS,

Madrid 1990. Selon Epiphane, Jacquesa demande a Jesus a permission

d ensevelir son peTe (cf. Mt 8. 21s: Lc 8. 59): Jesus a commence uar

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A LEGENDE DE SAINT JACQUES LE MAJEUR

ete composes probablement au VIIIe ou au Ixe siecle, ne sont

quant a eux qu une compilation des donnees du Nouveau

Testament,d Hippolyte de Thebes, de la Passiomagna, du texte

de Clement deja mentionne et des recits de Flavius Josephe et

d Eusebe de Cesaree. Ces Actes confondent en outre, comme

d autres legendes,deux Jacques: Ie frere du Seigneuret Ie fils de

Zebedee. Le caractere confus de cet ouvrage confirme l absence

de tradition sur Jacquesdans e monde grec avant e Ixe siecle.

Les ViesdesApotres ou Listes d Apotres transmettentegalement

des informations non seulementdesordonneesmais aussicontra-

dictoires19.On y trouve par exempledes nformations concurrentes

sur Ie lieu de sepulture de l apotre, par exemple Marmarique -

nom que es historiens n ont pu identifier -et Cesaree.

Les autres sources sur saint Jacques (menologes, panegy-

riques) n apportent eUesnon plus rien de nouveau2O.

Du cote de l Egypte : Les Actes et Ie Martyre de Jacques.

Si il est difficile de parler d une tradition grecque, on constate

cependant qu existe, a cote de la tradition latine de la Passio

magna, une autre tradition assez mportante, qu on pourrait

refuser, puis a accepte; les deux freres I ont donc enseveli, et ant

conduit leur mere devant Jesus (Vita Deiparae, 18, ibid., col. 208). cr.

M. GLYCAS, nnales, a mundi exordia usquead obitum Alexii Comneni

imper.,vol. 3, Venise 1729,p. 165,qui polemique contre Epiphane.

18. Ed. cit. (n. 4)

19. Ed. Th. SCHERMANN,rophetarum vitae abulosae, ndices apostolo-

rum discipulorumque domini, Dorotheo, Epiphanio, Hippolyto aliisque

vindicata, Leipzig 1907,particulierement p. 109, 154, 162, 165, 171, 177,

185s.,195, 198, 201, 203, 205, 208, 212. cr. aussid autres listes publiees

par la suite. Cela n aurait aucun sens d enumerer ici toutes les informa-

tions contradictoires transmises par cette litterature, sur laquelle l opi-

nion de Louis DUSCHESNEeste alable : «One critique sage et pruden-

te a ainsi pour premier devoir de ne tenir aucun compte de ces

catalogues et de leurs diverses recensions ...). Tout ce qu ils ant de par-

ticulier peut et doit meme etre considere comme Ie produit de l imagi-

nation de personnes inconnues, ncapables de temoigner, meme en fait

de tradition populaire» «<Les anciens recueils de legendes aposto-

liques» [no9], p. 74-78).

20. cr. F. HALKIN, «One notice byzantine de I:Apotre saint Jacques,

CreTe e Jean », Biblica 64 (1983), p. 565-570 Ed. de l Encomio di S.

Giacomo Maggiore par G. LUNGO ans Annali della Facoltii di Lettere e

di Filosofia dell Universitii di Napoli, 26 (n. S. 14) (1983-1984),p. 147-

165; cr. aussi es textes de Nicetas Ie Paphlagonien PG 105,80-100), e

Menologe de ~asile a la date du 16 novembre (PG 117, 469) et Ie

synaxaire de l Eglise de Constantinople (ed. H. DELEHAYE, ruxelles,

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M. STAROWIEYSKI

appeler egyptienne. Les temoins les plus anciens en sont les

Actes et la Passion de Jacques, conserves avec des lacunes en

corte (ye-Yle siecle), mais integralement en arabe (traduction

du corte, Xlie siecle) et en ethiopien (traduction de l'arabe,

XIIIe siecle )21. Cette tradition n' a rien en commun avec les

autres. Ainsi Ie fragment de Clement n'y est meme pas cite. On

peut donc supposer que Ie texte corte n'est pas traduit du grec,

mais qu'il constitue la source originale de cette tradition.

Dans les Actes deJacquesethiopiens, nollS voyons Pierre et Jacques

precher ensemble, faire des miracles et fonder une Eglise. Le Martyre

ne conceme que Jacques, qui enseigne aux douze tribus dans la dia-

spora -nouvelle confusion entre Jacques Ie Majeur et Jacques Ie

Mineur Jacques invite les convertis a donner les premices au

Seigneur, ce qui provoque la fureur d'Herode, qui Ie fait decapiter.

On peut deduire de ces deux pieces que leurs auteurs ne pos-

sedaient pas beaucoup d'informations sur saint Jacques.

Le casde 'Espagne

Les traditions les plus difficiles et les plus compliquees a expli-

quer sont celles qui ont circule en Espagne sur Ie sejour de saint

Jacques en terre hispanique et sur la translation de son corps et

son ombeau22.

1902,p. 225s,639-642, 80). Ct. aussi eg divergessourcescitees par Th.

SCHERMANN,p. cit.

21. Version copte des Actes : edition I. GUIDI, «Frammenti corti », dans

Atti dell'Accademia dei Lincei, Series 4 : Rendiconti 3 (1887), p. 54-59

traduction IDEM, « Gli Atti apocriti degli Apostoli nei testi corti, arabi

ed etiopici », Giornale della Societa Asiatica ltaliana 2 (1888), p. 15-18.

Version corte de la Passion: ed. cit., p. 59-60; trad. cit., p. 19s. Version

arabe des Actes: edition A. SMITH LEWIS, Acta mythologica

Apostolorum (Horre Semiticre 3), Londres, 1903,p. 26-28; traduction

EAD., The Mythological Acts of the Apostles (Horre Semiticre 4),

Londres, 1904,p. 30-34. Version arabe de la Passion: edition ibid., p.

30s; traduction ibid., p. 35s. Version ethiopienne : edition E. A. WALLIS

BUDGE,The Contendings of the Apostles, Londres, 19352, ol. 1, p. 247-

253; traduction ibid., vol. 2, p. 246-252; version ethiopienne de la

Passion: ibid., vol.), p. 254-257 traduction ibid., vol. 2, p. 253-256.Les

Actes et la Passion ont ete traduits aussipar S. C. MALAN The Conflict

of the Holy Apostle, Londres 1971,p. 172-181).Selon R. A. LIPSIUSop.

cit., p. 214), cette version date du ve siecle; la datation avancee par I.

GUIDI «<Gli Atti... », op. cit., p. 1-15) nailSsemble plus probable.

22. La question du sejour de saint Jacques en Espagne reste ouverte,

malgre une multitude de travaux. Ct. en particulier L. DUCHESNE,

«Saint Jacques en Galice», Annales du Midi, 12 (1900),p.145-179. On

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A LEGENDE DE SAINT JACQUES LE MAJEUR

La tradition de l apostolat et du sejour de saint Jacques en

Espagne reste en effet inconnue dans Ie pays jusqu a la fin du

VIIIe siecle. Elle apparait pour la premiere fois dans Ie

Breviarium Apostolorum, compose probablement en Gaule au

milieu du VIle siecle23. lle est egalementconnue en Angleterre

au Vllle siecle comme l atteste Aldhelm de Malmesbury24,En

Espagne meme, elle n apparait cependant qu a la fin du Vllle

siecle dans Ie Commentaire de l Apocalypse de Beatus de

Liebana25 et dans deux hymnes liturgiques anonymes26 mais

elle n est pas encore fermement etablie au XlIe siecle27.

Au debut du Ixe siecle a lieu la decouverte du corps de saint

Jacques a Compostelle. Compostelle devient un important

centre de pelerinage des Ie milieu du Ixe siecle, comme en

temoignent les Martyrologes de Florus de Vienne et d Adon de

Lyon28.Si on en croit Ie Liber Cali.xtinus, lusieurs legendes sur

la presence de saint Jacques a Compostelle existaient

egalement29.Nous ne posse ons cependant que des textes qui

trouvera un bon etat de la recherche avec tine bibliographie dans R.

GARCIA-VILLOSLADA,dir., Historia de la Iglesia en Espana, vol. 1,

Madrid 1979,p. 149-156.Ct. aussiR. PLOTZL, rt. cit. (n. 16), qui donne

tine fiche documentation.

23. Sur es manuscrits et les editions 011 on petit trouver ce texte, ct. B.

DE GAIFFIER, «Le Breviarium Apostolorum BHL 692. Tradition

manuscrite et reuvres apparentees», Analecta Bollandiana 81 (1963),p.

92-101; Th. SCHERMANN,F. cit. (n. 19), p. 207-211(particulierement p.

208 sur saint Jacques).

24. PL 89, 293. Ct. aussi Monumenta Germanire Historica, Auctores

antiquissimi 15, 1919,p. 23.

25. Commentarius n Apocalypsin, 2, prol. 3, 17 (rec. E. ROMERO-POSE,

Rome 1985, ol. 1, p. 191 : «Petrus Roma, Andreas Acia, Thomas India,

Iacobus Spania, Iohannes Asia, etc.»). Sur Beatus de Liebana, ct. M.

DfAZ Y DfAZ, Diccionario de Historia Ecclesiasticade Espana, vol. 1,

Madrid, 1972, . 201set Acteasdel Simposiopara el studiode los codices el

«Comentarioal Apacalipsis» de Beatode Liebana,1-2,Madrid 1978-1980.

26. M. DfAZ Y DfAz, «Los himnos en honor de Santiago de la liturgia

hispanica», dans IDEM,De Isidoro al Siglo IX, Barcelone 1976, . 235-272.

27. Ct. R. PLOTZL, rt. cit. (n. 16), p. 21.

28. Ct. Libellus de festivitatibus sanctorum apostolorum en date du VIII

des calendes d aout : Huius beatissimi Apostoli sacraossaad Hispaniam

translata, et in ultimis earum finibus, videlicet contra mare Britanicum

condita, celeberrima illarum gentium veneratione excoluntur.» (PL 123,

183; ct. aussi edition de J. DUBOIS G. RENAND, aris 1984,p. 5).

29. Liber Calixtinus, 1, 17, 144s,qui recenseplusieurs legendes, hacune

etant introduite par «Alii ». On petit egalement se demander si

nous ne trouvons pas chez Aldhelm tine information au sujet des

legendes perdues de saint Jacques (cf. plus haut, n. 24) : «[Iacobus]

Primitus hispanias convertit dogmate gentes, Qure priscos dudum Titus

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200

M. STAROWIEYSKI

traitent de la translation du corps de saint Jacques a

Compostelle. Les plus anciens temoins de cette tradition -la

celebre lettre du pape Leon, contemporain de saint Jacques( ),

conserveeen quatre versions -datent du XIe siecle3°.

Selon cette lettIe, les sept disciples de saint Jacques out porte

Ie corps de leur defunt maitre de Jerusalem au bold de la mer,

d'oil un navire l'a emporte miraculeusement a Iria, puis douze

lieues a l'interieur du pays chez une palenne, nommee Luparia.

Celle-ci envoya es disciples chez e roi palen qui se mit en colere

et les chassa. Un pont s'ecroula et ecrasa es persecuteurs qui

suivaient les disciples. Ceux-ci retoumerent chez Luparia qui les

mit a l'epreuve. Mais il surent calmer un dragon grace au signe

de la croix et apprivoiser les taureaux sauvages de Luparia.

Luparia se convertit. On construit Ie tombeau de l'apotre qui

deviendra plus tard un lieu de pelerinage. Tous les disciples par-

tirent evangeliser es autres regions de l'Espagne, sauf deux qui

resterent aupres du tombeau oil, apres leur mort, ils out ete

enterres au cote de l'apotre.

Cette legende, qui se trouve dans es differentes versions de la

lettIe, est un remaniement de la legende des sept eveques

apotres en Espagne «< os siete varones apost6licos»), qui est

apparue apres a naissanceet Ie developpement du culte de saint

Jacquesa Compostelle31.

La Historia Compostellana, quant a elle, explique l'oubli du

culte de saint Jacquesa Compostelle32.

Cet etat de fait est etrange : Ie sejour de saint Jacques en

Espagne est atteste des Ie Vile siecle, mais DOllS e possedons

aucune legende qui en rende compte avant Ie Xlle siecle. Et

encore ne disposons-nousa cette date que d'une pale adaptation

de la Passio magna et de l'histoire des sept evangelisateursde

l'Espagne, oil Hermogene devient eveque et Philetus diacre33.

et lurida fana / Dremonis horrendi decepta fraude colebant. / Plurima

hic prresul patravit signa stupendus, / QuO nunc in carris scribuntur rite

quadratis. »

30. On trouvera Ie texte de ces quatre versions dans R. PLOTZL, art. cit.

(n. 16), p. 125-139. II taut y ajouter la translation en vers qui se trouve

dans Ie Liber Calixtinus (ed. cit., p. 409-411). Ct. P. DAVID, «La lettre du

Pseudo-Leon sur la translation de saint Jacques », Bulletin d'etudes

Portugaises, n. s. 15 (1951), p. 180-188; B. DE GAIFFIER, «Notes sur

quelques documents relatifs a la translation de saint Jacques en

Espagne », Analecta Bollandiana, 89 (1971), p. 47-66.

3L Sur cette legende, ct. M. SOTOMAYOR ans R. GARCIA VILLOSLADA,

op. cit., p. 156-159. La legende date du VIIIe -voire du Vile -siecle.

32. Historia Compostellana I, 2 (CCL 70, p. 9).

33. Liber Calix tin us 3, ed. cit., p. 289.

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201

A LEGENDE DE SAINT JACQUES LE MAJEUR

Le developpement de cette legende est lie au sanctuaire marial

de Saragosse, et date du XIII/Xlye siecle. Elle contient des

traits etranges, par exemple l apparition de Marie it.Jacques sur

une colonne, qui n est pas sans rappeler la legende armenienne

que nous presentonsplus bas34.

L absence de legende espagnole sur Ie sejour de saint Jacques

en Espagne est peut-etre un reflet des hesitations qui ant eu

COUTSur Ie sejour de l apotre dans ce pays, mais ausside l utili-

sation polemique de ce sejour par les Eglises de Narbonne et de

Catalogne dans leur lutte d influence contre celIe de

Compostelle35.

Do cotede I Armenie

La derniere etape de la formation de la legende de saint

Jacquesest a legende armenienne, connue generalement au tra-

vers de la traduction qu en a donnee Ie regrette dom Louis

Leloir. Cette legende est probablement nee pres du sanctuaire

armenien de la Tete de saint Jacquesa Jerusalem,mais sous in-

fluence des legendes espagnoles.Elle apparait dans deux apo-

cryphes : L Histoire de l apotre Jacques36 t les trois premiers

chapitres de l Histoire de Jacqueset Jean les ils du tonnerre, des

apotresdu Chrisf7.

Le premier apocryphe parle de l apostolat de Jacques en

Espagne, oil il n a pas eu un grand succes.Jacques etourne en

Palestine accompagne d une femme riche qui desirait voir les

lieux oil Ie Christ et sa sainte Mere avaient vecu. Jacquescom-

mence alors en Palestine une mission apostolique, et on retrouve

ici un resume de la Passio magna. Apres la mort de l apotre, sa

tete est emportee par un ange et deposee devant saint Jacques

(il s agit de Jacques, rere du Seigneur) dans son palais episco-

34. Texte dans Espana Sagrada 30, appendix, p. 426-428.Ct. Z. GARCIA

VILLADA, Historia ecclesiasticade Espana.,vol. 1/1, Madrid, 1929,p.

67-79. Ce miracle se trouve dans un manuscrit des Moralia in Hiob de

Gregoire de Grand, que certains ont attribue a Talon de Saragosse. es

informations leg plus anciennesconcernant e sanctuaire de S. Maria del

Pilar datent du 27 mai 1299.

35. Ct. par ex. la lettre de Cresarius, bbe de Montserrat, au pape Jean

XXII, citee dans R. PLOTZL, rt. cit. (n. 16), p. 21 : «Istum apostolatum

quod est nominatum Spania et Occidentalia loca (...) non est apostola-

tUg sci. Iacobi, quia ille Apostolus interfectus hic venit nullo modo

autem vivus ».

36. CCSA 3, p. 268-288.

37. CCSA 3, p. 408-412.

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202

M. STAROWIEYSKI

pal. La femme veut retourner en Espagne avec Ie corps de

l'apotre pour Ie ramener dans Ie pays qu'il avail re~u comme lot

-motif recurrent dans cet apocryphe. Elle Ie porte jusqu'a

Joppe avec la colonne ( ), mais de la Ie corps est transporte

miraculeusement en Espagne et depose sur la rive d'un fleuve.

Un aveugle qui etait en train de descendre Ie long du fleuve

touche Ie corps et est gueri. Des rumeurs se repandent et des

follies de malades viennent se faire guerir par «Ie Dieu sans

tete ». Arrive saint Paul qui explique qu'il ne s'agit pas d'un

Dieu, mais de saint Jacques e Majeur.

II faut souligner deux elements dans cette legende. En pre-

mier lieu, la mysterieuse colonne. N'est-ce pas une influence de

la legende de Saragosse38?Deuxiemement, a la fin de l'apo-

cryphe, on trouve une allusion aux pelerinages saint Jacquesa

demande au Christ que les pechesde ceux qui se rendront a son

tombeau soient pardonnes39. e plus, je pense que ce qui est dit

des miracles du «Dieu sans tete» est une allusion aux miracles

accomplis a Compostelle et est lie a la veneration de saint

Jacquesdeja mentionnee dans les Martyrologes40.Comment les

Armeniens de Jerusalem ont-ils su tout cela? Le Liber

Calixtinus mentionne que des pelerins armeniens viennent a

Compostelle41.Mais on peut aussi supposer que des pelerins

espagnols aient apporte avec eux ces legendes a Jerusalem. De

plus, on connait bien les contacts, un peu plus tardifs, des pro-

vinces d' Aragon et de Catalogne avec I' Armenie42.

Dans l'autre apocryphe -qui mele elements bibliques et apo-

cryphes -on trouve un element etrange : Ie «Dieu sans ete » a

ete amene en Espagne avec sa tete (a la difference de l'apo-

cryphe precedent), mais un ange a reprit et la porta a Jerusalem

ou un sanctuaire fut construit pour l'abriter. Cette information

sur Ie sanctuaire armenien de Jerusalem est confirmee par un

pelerin allemand, Jean de Wurtzbourg, en 116543.

38. La colonne est mentionnee deux fois dans I'Histoire de l'apotre

Jacques: § 25 (ibid., p. 285) et § 27 (ibid., p. 286). Ce motif apparait

aussi dans la legende de N. D. du Pilar: ct. Z. GARCIAVILLADA, op.

cit., p. 75.

39. a. § 30 (ibid., p. 288).

40. Ct. plus haut n. 28.

41. Codex Calixtius, 1,22, ed. cit., p. 193; 1, 17, ibid., p. 148: «Armeni,

Greci, Apuli, / Angli, Galli, Daci, Frisii, / Cuncte gentes, ingue, tribus.

/ Illuc pergunt muneribus ».

42. Sur les contacts entre l' Armenie et la Catalogne, ct. AASS, 6 sep-

tembre, p. 563-565.

43. Le Liber Calixtinus souligne 1'integrite du corps de saint Jacques:

«Noscat fraternitas vestra (...) qualiter in Yspania integrum corpus bea-

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203

A LEGENDE DE SAINT JACQUES LE MAJEUR

Pour finir, il convient d ajouter une etrange coIncidence. Le

sanctuaire de la Tete de saint Jacquesetait situe sur Ie lieu 011 e

trouvait anciennement Ie sanctuaire de saint Menas. Or, selon

une legende sur Ie martyre de saint Menas attribuee a saint

Athanase et datant probablement du xe siecle, Menas prechait

Ie Christ avec un zele particulier, comme Saint Jacques; accusa-

teur de saint Menas s appelait Hermogene, comme un des per-

sonDagesde la Passio magna et, comme dans la Passio, il se

convertit. Le corps de saint Menas arrive en outre miraculeuse-

ment par la mer en Chalcedoine comme Ie corps de saint

Jacques en Espagne44.Aux specialistes de l hagiographie de

determiner si ces elements montrent ou non une dependancede

la legende de saint Jacquesa l egard de celIe de saint Menas.

Conclnsion

A la fin de celie etude, plusieurs questions restent ouvertes.

Pourquoi Jacques n a-t-il pas beneficie d une legende plus

consequente alors qu il fait partie des apotres les plus impor-

tants? Pourquoi, alors que la mort de Jacques est decrite dans

les Actes des Apotres, n avons-nous pas de tradition sur Ie tom-

beau de saint Jacques autres qu obscures et hesitantes, comme

celIe du tombeau a Marmarique? Pourquoi les notices mention-

nant Ie sejour de saint Jacquesen Espagnen ont-elles pas provo-

que la naissanced une legende espagnole? Comment expliquer

la tradition du tombeau de l apotre a CompostelIe? Comment

expliquer la naissanced une tradition independante en Egypte,

comme je Ie suppose? Comment expliquer les ressemblances

entre les traditions armenienneset espagnoles?

Ma presentation synthetique des divers elements de la legen-

de de saint Jacques e Majeur a plutot pose des questions que

resolu des problemes45,

tissimi Jacobi apostoli territorio Galecie translatum est» (3,2, ed. cit., p.

294). Y aurait-il ici la trace d une polemique avec ce que la version

armenienne dit de la tete de saint Jacques? Sur Ie probleme de la tete

de Jacques, t. R. PLOTZL, rt. cit. (n. 16), p. 55, n. 22.

44. Ct. H. VINCENTF. M. ABEL, Jerusalem,vol. 3, Paris 1922,p. 516-

528. Ct. H. DELEHAYE,An Boll 29 (1910),p.115-11?

45. Un article plus developpe paraltra, en polonais, dans les

WarszawskieStudia Teologiszne.

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Edoardo BARBIERI

Universitii Cattolica, Milano

LO PS. MARCELLUS BREVIOR IN UNA

TRADUZIONE ITALIANA DEL TRECENTO

En Italie, la forme breve de la Passiode Pierre et Paul, dire egalement

du Ps-Marcellus, a joui d une tres grande popularite; dans la premiere

moitie du xwe siecle,elle a aussiere traduite en langue vemaculaire. Ce

texte, esteusqu d present inedit, est originaire de la Toscane ccidentale.

Dans a production vemaculaire talienne de la in du moyen age, a diffu-

sion du recit de la confrontation avecSimon le magicienet du martyre de

Pierre et de Paul a ere assuree galement ar un petit corpus d autresecrits

hagiographiquesen prose et en vers (tout particulierement a Ugende des

SS Pierre et Paul); l etude de leurs relations nouspermet d identifier Pise

comme l un des centres possibles pour la diffusion de ces textes. En

annexe,nous donnons a transcription de la Devotissima storia de Ii bea-

tissimi sancto Pietro e sancto Paulo d apres e plus ancien temoin connu.

In Italia ebbe largo fortuna la versione atina brevior della Passio dei

ss. Pietro e Paolo detta dello ps. Marcello; sullatino fu anche condotto,

nella prima meta del Trecento,un volgarizzamento. Questo estae rimas-

to sinora inedito e appartieneall area Toscanaoccidentale.La diffusione

della narrazione dello scontro con Simon mago e quindi del martirio di

Pietro e Paolo e affidata, nella produzione volgare italiana del fordo

Medioevo,anchea un piccolo corpus di altri racconti agiografici in prosa

0 in versi (in particolare la Leggenda dei ss.Pietro e Paolo), dei quali si

indagano i reciproci rapporti, giungendo a indicaTe n Pisa una dellepro-

babili zone di irradiazione di questi testi. In appendicesi fornisce anche

una trascrizione della Devotissima istoria de Ii beatissimi sancto Pietro e

sancto Paulo, basatasui piu antico testimonenota.

AUe origini deUa radizione volgare.

Come e noto, 10ps. Marcellus breviar (CANT 193.1) e per-

venuto nel testo originale greco, tramandato da un unico mano-

scritto, il Marciano Gr. VII 37, e in una versione latina del VI

7, 1996, . 205-224

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BARBIERI

secolo, che ebbe invece larghissima diffusione ; entrambi i testi

furono pubblicati dal Lipsiusl. La versione longior dello ps.

Marcello, che qui non interessa direttamente, e opera di un

monaco greco dell Italia meridionale attivo Del IX secolo

(CANT 193.2).

Lo ps. Marcello si pone al centro della ricca ramificazione

degli apocrifi neotestamentari riguardanti l attivita apostolica e

il martirio di s. Pietro, e spicca sia per concinnitas espositiva e

coerenza interna, sia per essere la pill antica azione narrativa a

uniTe il martirio di Pietro e quello di Paolo. Ma cosa racconta 10

ps. Marcello?

II testa prende Ie masse dalla predicazione di Pietro e Paolo a

Roma, dove giunge anche Simon mago, legandosi strettamente a

Nerone. Davanti all imperatore, che e convinto dai prodigi

procurati da Simone con Ie sue arti magiche e 10 crede un clio, si

svolge una lunga disputa tra Simone da un lata e Pietro e Paolo

dall altro, disputa che culmina con la pretesa di Simone (vero

alter Christus 0 meglio antichristus) di ascendere al cielo. Pietro

e Paolo, che con Ie lara orazioni 10 fanno precipitaTe a terra2,

vengono poi martirizzati per ordine di Nerone. La narrazione

termina con un aggiunta nella quale Marcello si dichiara testi-

mane e autore del racconto.

Nella prima meta del XIV secolo 10 ps. Marcello brevior fu

volgarizzato in lingua italiana col titolo di Martirio dei santi

Pietro e Paolo. Si sta lavorando alIa pubblicazione di questo

testa sinora inedito. La traduzione venne condotta, come e nor-

male in questi casi, sulla base del testa latino, diffusissimo in

area toscana3 ; di cio rendono testimonianza alcuni errori del

traduttore, spiegabili solo con una incomprensione paleografica

dellatino :

§ 46 T1)v EUIJ.EVELaVclementiam > dementiam > pa~ia

§ 54 1TETQa8aLper 1TOTQa8aL) volare > vocare > chiamare.

Sulla base di una sia pur incompleta recensio dei testimoni

1. Acta apostolorum apocrypha, ed. R. A. LIPSIUS M. BONNET, ,

Lipsiae 1891 (= Hildesheim 1959) d ora in poi citato AAA), p.118-177.

Pill sopra con la sigla CANT si e fatto riferimento a Clavis

Apocryphorum Novi Testamenti, ur. M. GEERARD, urnhout 1992.

2. Secondo a splendida raffigurazione iconografica, presa come simbo-

10 dall AELAC, presente Dei mosaici di Monreale presso Palermo (si

veda a esempio S. GIORDANO, o splendoredi Monreale,Palermo 1982,

p.80).

3. AAA, I, p. LXXV-LXXXIII (in particolare LXXX).

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207

O PS. MARCELLUS BREVIOR

manoscritti4, si puo indicaTe che una consistente parte di tali

codici unisce il Martirio a un altro volgarizzamento, questa volta

hen noto, quello degli Atti degli apostoli del domenicano pisano

Domenico Cavalca, da datare probabilmente tra il 1320 e il

13305. I Martirio si inserisce come un appendice allibro neotes-

tamentario, fomendo la narrazione degli eventi finali della vita

terrena degli apostoli Pietro e Paolo6.Tale stretto legame viene

hen esplicitato da un testimone, che aggiunge, al termine dell e-

4. Sono stati identificati e collazionati una decina di mss. per un primo

orientamento si veda A. CORNAGLIOTTI, I volgarizzamenti italiani

degli apocrifi neotestamentari », in Actes du XIIIe Congres nternational

de linguistique et de philologie romanes. Laval (Quebec, Canada), 29

aout -5 septembre1971, I, cur. M. BOUDREAULTF. M6HREN,Quebec

1976,p. 681-682,dove perIJ autrice mescola tra loro testi sicuramente

diversi.

5. C. DELCORNO,Cavalca Domenico », in Dizionario biografico degli

italiani, XXII, Roma 1979,p. 577-586con gli aggiornamenti bibliografi-

ci proposti in D. CAVALCA,Cinque vile di eremiti dalle «Vite dei santi

padri», a c. di C. DELCORNOEsperia), Venezia 1992,p. 11-71.Sempre

utile anche Th. KAPPELI, criptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi,

I, Romae 1970,p. 304-314e IV (con E. PANELLA), oma 1993,p. 67-69.

La migliore edizione disponibile resta quell a curata da F. NESTI,

Firenze 1837,sulla quale si veda F. ZAMBRINI S. MORPURGO,e opere

volgari a stampa dei secoli XIII e XIV, I, Bologna 1884,col. 44. Ho in

progetto, a Dio piacendo, di portare a termine una nuova edizione criti-

ca del volgarizzamento cavalchiano. Per il momento si vedano S.

BERGER, La Bible italienne au Moyen Age », Romania 23 (1894), p.

390-395e G. DE POERCKR. VAN DEYCK,«La Bible et l activite tra-

ductrice dans les pays romans avant 1300 », in Grundrij3 der romani-

schen Literaturen des Mittelalters, VI/1, Heidelberg 1968, p. 21-48 e

VI/2, Heidelberg 1970,p. 54-80. Per una panoramica generale si veda-

no, ma con qualche cautela, saggi raccolti per cura di JacquesDelarun

sotto il titolo di «Bibles italiennes », Melanges de I Ecole frant;aise de

Rome. Moyen Age 105 (1993),p. 825-886.

6. Tale esigenza di completare la narrazione offerta dagli Atti con altro

materiale, riguardante la fine degli apostoli Pietro e Paolo, si esplicita

anche altrimenti nella tradizione del volgarizzamento di Cavalca. Nel

ms. Firenze, Biblioteca Nazionale Centrale, II. IV. 115 agli Atti segue a

traduzione italiana della Epistula ps. Dionysii Areopagitae ad

Timotheum de passionePetri et Pauli (CANT 197; per la versione latina

H. FROS,Bibliotheca hagiographica latina antiquae et mediae aetatis.

Novum supplementum, Bruxelles 1986 [Subsidia hagiographica 70]

[=BHL.S], 6671-6672). Invece Del ms. Firenze, Biblioteca Nazionale

Centrale, Palatino Capponi 109 si trova inserita, sempre in appendice

agli Atti, la predica del domenicano Benedetto da Orvieto, tenuta a

Firenze il 25 gennaio 1366, esta della Conversione di s. Paolo (L. FuMI,

«Saggi di volgare orvietano del buon tempo », It Propugnatore 14

[1881],p. 110-120: tale omelia, ma in diversa successione, pure in uno

dei mss. che tramandano anche il Martirio). Ancora il ms. Firenze,

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208

E. BARBIERI

lenco delle rubriche dei capitoli in cui sono suddivisi gli Atti, una

rubrica dedicata per l appunto al Martirio, considerato come il

capitolo finale degli Attf. Gli Atti del Cavalca, che ebbero

all inizio vita autonoma, vennero hen presto introdotti come

parte integrante di un Nuovo Testamentovolgare. L inserimento

del Martirio a fianco degli Atti cleveprobabilmente risalire a uno

stadio pill alto della tradizione, quando gli Atti volgarizzati cir-

colavano ancora indipendenti da altro materiale biblico. Anche

gli altri mss. identificati del Martirio, dove non compaiano gli

Atti del Cavalca, comprendono pero altri libri del Nuovo

Testamentovolgare.

Per quanto concerne l interesse dell ignoto volgarizzatore per

il Martirio, ollIe alIa sua capacita di concludere in modo co-

erente it racconto degli Atti, avra senzadubbio giocato a spettaco-

larita della narrazione. A cio si aggiunge l fatto che il volgariz-

zamento degli Atti veniva di fatto a proporre a livello popolare

una esatta conoscenza ipologica del predicatore apostolico, con-

tro la possibile infiltrazione di modelli alternativi non ortodossi8.

Proprio 10 ps. Marcello, a prescindere dall evidente suggerimen-

to circa la fondazione apostolica della chiesa di Roma, mette in

bocca a Pietro la condanna di «pseudochristi... pseudoapostoli...

et pseudoprophetae» (§ 39). Anche l accostamento al Martirio

della leggenda di s. Silvestro papa, attestato Dei manoscritti che

non tramandano gli Atti, pare svolgere una funzione di «se-

gnale» antiereticale. Uno dei topoi dell eterodossia tardomedio-

evale di area italiana e infatti quello secondo il quale la Chiesa

cattolica, dopo la donazione di Costantino a papa Silvestro,

sarebbe degenerata in ecclesiamalignantium9. La leggenda sil-

vestrina ha un suo particolare sviluppo in epoca medioevalelo,

Biblioteca Riccardiana 1762 tramanda, unito agli Atti, un compendio

volgare di diverse narrazioni agiografiche (tra Ie quali 10ps. Marcello e

10ps. Dionigi Areopagita) sulla morte di Pietro e Paolo.

7. Sembra che il primo a segnalare a presenza del Martirio a fianco del

volgarizzamento degli Atti degli apostoli nei tre manoscritti della

Biblioteca Riccardiana di Firenze a lui noti sia stato J. LAMI, De erudi-

tione apostolorum, Florentiae 1738,p. 186,311 e 323, ripreso poi da J.

C. THILO,Acta ss.Apostolorum Petri et Pauli, I, Halis Saxonum 1837,p.

28, dal quale dipende Lipsius (AAA, I, p. XC), fonte a sua volta di Gli

Apocrifi del Nuovo Testamento, c. di M. ERBETTA,I: Atti e leggende,

CasaleMonferrato 1966,p. 179.

8. R. RUSCONI, Forma apostolorum : l immagine del predicatore nei

movimenti religiosi francesi e italiani », Cristianesimo nella storia 6

(1985),p. 513-542.

9. A. MOLNAR, Storia dei Valdesi, I : Dalle origini all adesione alla

Riforma (1176-1532) Studi storici), Torino 1974,p. 309-313e la biblio-

gratia segnalata da G. G. MERLO,Eretici e inauisitori nella societa Die-

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209

O PS. MARCELLUS BREVIOR

ma in particolare quella scritta da Iacopo da Varazze, che si

ritrova appunto volgarizzata Dei testimoni di cui si sta parlando,

pare non ignorare una problematica di tale genere, se conclude

un elenco delle virtu di Silvestro dicendolo caritate diffusus, cioe

dispensatore dei belli ricevutill. .

La narrazione offerta dallo ps. Marcello era sufficientemente

nota proprio nella Toscana del primo Trecento, se risulta. incor-

porata, ma in forma assai breve, Dei due volgarizzamenti del

Chronicon Pontificum et Imperatorum di Martin Polono, l uno

inedito e l altro, noto in numerose edizioni a stampa, detto dello

ps. Petrarca12.

Il racconto era anche bell conosciuto proprio negli ambienti

domenicani, come testimoniano gli scritti di Vincenzo di

Beauvais e Iacopo da Varazze. Con cio non si intende evidente-

mente sostenereche l Ordo praedicatorum detenesseun qualche

diritto esclusivo sulla leggenda. Pure Bonaventura da

Bagnoregio scrive, Delle Collationes in Hexaemeron,che Simone

«in altum ascendit ut postea cecidit, qui daemones nvocavit »13.

La narrazione agiografica di Iacopo da Varazze ebbe larghissima

fortuna in ambiente italiano, oltre che Dei numerosissimi mano-

scritti del testo latino, splendidamente studiati da Barbara

montesedel Trecento (Studi storici), Torino 1977,p. 23, n. 22 e p. 38, n.

46. Tale posizione e del tutto differente da quella di chi, come Dante,

considerava a Donazione illecita sui piano legate e dannosa dal punta

di vista ecclesiale (P. G. RICCI, «Donazione di Costantino », in

Enciclopedia dantesca, II, Roma 1970, p. 569-570 e A. PENNA,

«Silvestro I», ivi, V, p. 251-252).

10. E. AMANN, «Silvester Ier (saint) », in Dictionnaire de theologie

catholique, XIV /2, Paris 1941, col. 2068-2075; A. AMORE,«Silvestro

I », in Bibliotheca sanctorum, XI, Roma 1968, col. 1077-1079; P. DE

LEO, Ricerche sui falsi medioevali, I : Il «Constitutum Constantini»

(Univ. della Calabria. Dip. di storia. Studi e documenti 1), Reggio di

Calabria 1974 e R. J. LONERTZ, Constitutum Constantini : destina-

tion, destinataires, auteur, date », Aevum 48 (1974), p. 199-245; BHL.S

7725-7743.

11. JACOBIA VORAGINE egenda aurea vulgo historia lombardica dicta,

rec. Th. GRAESSE, ratislaviae 18903 = Osnabruck 1969), p. 70-79, in

particolare 71.

12. Per il testa adespota si veda il manoscritto Firenze, Biblioteca

Nazionale Centrale, E. 5. 8. 12, . 6r e per il testa dello ps. Petrarca l edi-

zione di Firenze 1625,p. 24. Devo queste informazioni sui volgarizza-

meDii di Martin Polono a Antonella Lurati, che ringrazio. Stille cro-

nache citate si veda A. DEL MONTE,«La storiografia fiorentina dei

secoli XII e XIII», Bullettino dell /stituto storico italiano per il Medio

Evo 62 (1950),p. 174-282.

13. S. BONAVENTURAE,pera omnia, V; Ad Claras Aquas 1891,p. 399b.

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E. BARBIERI

Fleith14, Dei diversi volgarizzamenti sia dell'intera Legenda

aurea, sia, soprattutto, di sue parti15, n Vincenzo di Beauvais

invece la narrazione, come si addice a una summa della sapienza

clericale quale e 10 Speculum,viene ridotta agli elementi essen-

ziali16.Quanto all'influenza dell'opera di Vincenzo di Beauvais

sulla letteratura italiana del Due e Trecento, essa e stata certo

vastissima,anche se in gran parte ancora da studiare17,

E in effetti Domenico Cavalca conosceva bene il contenuto

della leggenda, perche 10 ricorda almeno due volle Delle sue

opere, nella Specchiode' peccati al cap. X e Del Pungilingua al

cap, xxx. Nonostante il convergere della scuola domenicana da

un lata, e della tradizione volgare toscana (e, come si vedra, in

particolare pisana) dall'altro verso la leggenda petrina, il

Martirio non andra certo attribuito al Cavalca18, ib e dimostra-

to sia dalla diversita di stile tra i due volgarizzatori (assai et-

terale quello del Martirio, pill libero quello di Cavalca19) ia dal-

14. Si vedano Ie schede allestite da B. FLEITH, Studien zur Oberliefe-

rungsgeschichte der lateinischen Legenda Aurea (Subsidia hagiographica

72), Bruxelles 1991, p. 55-331, 349-351 e 367-373.

15. Si vedano V. MARUCCI, «Manoscritti e stampe antiche della

'Legenda aurea' di Jacopo da Varazze volgarizzata », Filologia e critica

5 (1980), p. 30-60; E. BARBIERI, recensione a «Legenda aurea ». Sept

siecles de diffusion. Actes du colloque international, Universite du

Quebec a Montreal, 11-12 mai 1983, cur. B. DUNN-LARDEAU (Cahiers

d'etudes medievales. Cahier special 2), Montreal -Paris 1986, in

Aevum 62(1988), p. 393-396 e C. DELCORNO, «Nuovi studi sull exem-

plum'. Rassegna », Lettere italiane 46 (1994), p. 473-478.

16. VINCENTII BELLOVACENSIS,Bibliotheca mundi seu speculum maius,

IV: Speculum historiale, Duaci 1624 (=Graz 1965), p. 326-327 (libro IX,

§ 12-15).

17. Si veda il polittico G. BILLANOVICH -M. PRANDI -C. SCARPATI,

«Lo 'Speculum' di Vincenzo di Beauvais e la letteratura italian a

dell'eta g6tica», [talia Medioevale e Umanistica 19 (1976), p. 89-170

nonche Vincent de Beauvais: intentions et receptions d'une oeuvre ency-

clopedique au Moyen Age. Actes du XW. Colloque de l'lnstitut d'etudes

medievales, 27-30 avril 1988, cur. M. PAULMIER FOUCART S. LUSIGNAN

-A. NADEAU, Saint Laurent -Paris 1990.

18. SuI problema della patemita cavalchiana delle opere a lui tradizio-

nalmente attribuite si vedano DELCORNO, «Cavalca, Domenico », p.

578-579 e R. LOTTI, «Prime annotazioni sui 'Frutti dell a lingua' del

Cavalca », Atti e memorie dell'Accademia di scienze e lettere «La

Colombaria» 37 (1986), p. 105-206 ora in ID., Contributi su Domenico

Cavalca, Amsterdam 1987, in particolare p. 25-40. Si veda anche, ma

con qualche riserva, M. CICCUTO,«Tradizione delle opere di Domenico

Cavalca. Gli esempi dei trattati morali », [talianistica 19 (1990), p. 39-67

e 20 (1991), p. 281-310.

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LO PS. MARCELLUS BREVIOR

l assenza di un qualsiasi cenno nel prologo che Cavalca premise

alIa sua traduzione degli Atti. Rimane per il Martirio la sugge-

stione di un testa COSt mogeneo al volgarizzamento degli Atti

degli apostoli e per tradizione COStrossimo alIa lara forma orig-

inale, tanto da far pensare allavoro di un traduttore molto vici-

no a Cavalca stesso.

compilazioni giografichen prosa.

In realta e noto che nell Italia del tardo Medioevo circolavano

in lingua volgare altre leggende derivanti dallo ps. Marcello e

riguardanti l ultimo periodo della vita dei santi Pietro e Paolo.

Una di queste, pill estesa, u pubblicata da Luigi Razzolini sulla

base di un manoscritto quattrocentesco ora perduto2O. La

Leggenda de ss. Pietro e Paolo e suddivisa in due paTti. Nella

prima, dopo alcuni dati introduttivi, si giunge al nucleo del rac-

conto, la predicazione degli apostoli in Antiochia e, in partico-

laTe, apostasia della comunita antiocena. Pietro e Giovanni,

recatisi a predicare21, engono beD presto denunciati all autorita

locale e interrogati circa la vita di GeSll; il «re duca

d Antiochia» ordina contro i due apostoli tutta una serie di tor-

menti e supplizi dai quali i due si liberano ripetutamente per

intervento divino22.

A questo punto giunge ad Antiochia, accompagnato da

19. Sullo stile di Cavalca volgarizzatore si veda almeno R. SALSANO,I

volgarizzamento cavalchiano della « Vita Beati Antonii Abbatis» (Saggi

di letteratura italiana 34), Firenze 1972.20.

Si vedano Leggendade ss. apostoli Pietro e Paolo. Testoantico to-

scano ora per la prima volta stampato [a c. di L. RAZZOLINI],Reggio

1852 (si e consultato l esemplare Citta del Vaticano, Biblioteca

Apostolica Vatican a, Ferraioli IV. 6121, con dedica del curatore a

Francesco Zambrini) e Leggende del secolo XIV a c. di I. DEL LUNGO,

II, Firenze 1863,p. 34-160. Lipsius, per una parzialmente errata segna-

lazione di Francesco Rodiger, credette di identificare la Leggenda pub-

blicata da Razzolini con il volgarizzamento dello ps. Marcello (AAA, I,

p.XC).

21. In Galati 2,11 si accennaall arrivo di Pietro a Antiochia, ma ancora

durante la presenza di Paolo e in un momenta connesso alIa disputa

stille usanze giudaiche, cioe prima del concilio di Gerusalemme.

22. Tali dettagliati elenchi di torture ricordano una certa sadica antasia

hen nota sia agli acta martyrum (H. DELEHAYE, es passions des mar-

tyrs et les genres litteraires, Bruxelles 19662 Subsidia hagiographica

13/B], p. 197-207),sia agli apocrifi apostolici (F. MoRARD,«Souffrance

et martyre dans les actes apocryphes des apotres », in Les actes

apocryphes des Apotres. Christianisme et monde pai en, Geneve 1981

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212

E. BARBIERI

Barnaba, Paolo, che si presenta come un pagano. In una fittizia

gara tra Paolo e Pietro, il primo mostra l impotenza degli dei

gentili a compiere miracoli pari a que Ii dei discepoli di Gesu, e

suggerisce al signore di Antiochia di aderire alIa nuova reli-

gione, cosa che il signore fa di huon grado assiemea tutto il suo

popolo. La conclusione dell episodio vede la consacrazione di

numerose chiese nella citta e soprattutto l insediamento di

Pietro a Patriarca di Antiochia23,notizia questa abbastanzadif-

fusa nel Medioevo occidentale, dal Liber pontificalis sino alIa

Legenda aurea, che dipende in questo caso da Isidoro di

Siviglia24.

Esiste pero in volgare italiano anche una Storia di s. Pietro

nella cittii d Antiochia, pubblicata, sulla base di un manoscritto

bolognese del XV secolo, da Di Mauro Di Polvica25. ale Storia

corrisponde nella sua sostanza a tutta la prima parte della

Leggenda,dove il testa appare pero qui e la ampliato. La Storia

dipende a sua volta da una narrazione latina assaisimile ai Gesta

Petri et Iohannis Antiochiae, noti in redazioni leggermente dif-

ferenti in due manoscritti dei secoli XII-XIII, entrambi di area

italiana centro-meridionale26,

La Storia e dotata di un prologo, ignoto alIa tradizione latina,

e suI quale e utile soffermarsi un istante. Gia la rubrica della

Storia indica l autore del testa in Gregorio Magno, il quale, pro-

[Publications de la Faculte de Theologie 4], p. 95-108), sia alia produzio-

ne agiografica medioevale, come la Legenda aurea (per una ricca analisi

della «morfologia» del martirio si veda A. BOUREAU, La Legende

doree. Le systeme narratif de Jacques de Voragine (t 1298), Paris 1984,

p.116-135).

23. Da ricordare anche che Pietro aveva gia subito, per derisione, il

tagiio dei capelli, il che gli aveva data l occasione di proclamare l uso

della chierica come tipico della Chiesa roman a (H. LECLERCQ,

«Tonsure », in Dictionnaire d archeologie chretienne et de liturgie,

XV /2, Paris 1951, col. 2430-2443).

24. Liber Pontificalis, I, ed. Th. MOMMSEN, Berolini 1898 (Monumenta

Germaniae historica. Gestorum Pontificum Romanorum 1), p. 2-4;

JACOBUSA VORAGINE, Legenda aurea, rec. GRAESSE, . 375 e ISIDORUS

HISPALENSIS,De ortu et obitu patrum, § LXVIII n° 116 (Patrologia lati-

na 83, col. 149-150 = BHL.S 6670d). Si veda pure F. H. CHASE, «Peter

(Simon) », in A Dictionary of the Bible, cur. J. HASTINGS, II, Edinburgh

1900, p. 768.

25. Per l edizione del testa si veda «Storia di s. Piela apostolo nella

citta d Antiochia ora per la prima volta pubblicata », a c. di F. DI

MAURO DI POLVICA, I Propugnatore 5 (1872), II, p. 194-239. Dopo l in-

troduzione (p. 194-203), il curatore pubblica la StaTio (p. 204-229),

seguita da un testo sulla testa di s. Pietro in vincula (p. 229-239).

26. BHL.S 6678b e 6678d.

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213

O PS. MARCELLUS BREVIOR

prio Del prologo, parI ando in prima persona, narra come un

giorno avesse ncontrato l amico Pietro, e come questi, dopo

aver narrato a Gregorio alcuni fatti circa l apostolato di s. Pietro

a Antiochia, da lui ascoltati per bocca di un monaco siriano,

Abramo, l avessepregato di volere mettere per iscritto in latino

tali racconti. Gregorio acconsente e, con l aiuto dell interprete

Eudelgrimo, stende operetta27.

Tornando alIa Leggenda, a seconda parte, dopo l avventura

antiocena, vede il ritorno degli apostoli a Gerusalemme e l in-

contro tra Pietro e Simon mago, secondo l racconto di Atti 8, 9-

24. Dopo un successivo incontro-scontro con Simone, questi

decide di lasciare la Palestina. Pietro pero viene a sapere da un

ex-discepolo di Simone che questi aveva gettato i propri libri di

magia in mare e annunziato di volersi recare a Roma, dove

Pietro decide di raggiungerlo. Segue quindi un racconto molto

simile, ma ampliato (a esempio con l episodio della storia di s.

Clemente), allo ps. Marcello.

Un certo interesse suscita il tredicesimo capitolo di questa se-

conda parte della Leggenda,dove si narra dello sbarco di Pietro

nella cilia di Pisa. La notizia non e di per se nuova, se a si ritro-

va in alcune antiche cronache pisane28.Collegando pero la pre-

senza di tale notizia alIa formazione dei racconti circa il sog-

giorno di Pietro in altre cilia dell Italia centrale e meridionale29

se ne ricava l ipotesi che la Leggendasia connessacon Pisa, Del

senso che in tale cilia sia stato scritto il suo originale latino, se

gia conteneva l episodio, 0 che piuttosto l estensore del testo

volgare lavorasseper l appunto fi.

La notizia dell arrivo di Pietro a Pisa, legata all origine della

chiesa ocale, ha destato un continuo interesse n chi si e occupa-

to delle antichita pisane3O.n particolare tale leggenda si con-

Delle con la fondazione della chiesa di S. Piero a Grado, presso

27. Per gli autentici testi gregoriani di argomento petrino si veda L.

SERENTHA,La figura di san Pietro rievocata da s. Gregorio Magno », La

Scuola Cattolica95 (1967),p. 529-568.Un informato orientamento biblio-

grafico viene fomito da R. GODDING, ibliografia di Gregorio Magno

(1890-1989) Opere di Gregorio Magno. Complementi 1), Roma 1990.

28. Rerum italicarum scriptores, cur. L. A. MURATORI,VI, Mediolani

1725,col. 165-167.Si veda anche BHL.S 6679b. Utili Ie osservazioni di

O. BANTI, « Studio sulla genesi dei testi cronistici pisani del sec. XIV»,

Bullettino dell lstituto italiano per il Medio Evo 75 (1963),p. 259-319, n

particolare 267-279.

29. F. LANZONI,Le diocesi d ltalia dalle origini al principio del secolo

VII (a. 604),2 vol., (Studi e testi 35), Faenza 1927.

30. R. GREGOIRE, La prima cristianizzazione delia regione di Pisa »,

Bullettino storico pisano 59 (1990),p. 3-5.

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214

E. BARBIERI

l antica zona portuale della citta, dove si conserva un altare che

sarebbe stato edificato da s. Pietro e consacrato poi da s.

Clemente. E comunque probabile che tale culto petrino a Pisa

abbia avuto un suo momenta di rilancio nella secondameta del

Duecento per opera dell arcivescovo Federico Visconti, il quale

nel suo omiliario naIra appunto di tale devozione, conferman-

done in qualche modo la storicita31. n tal modo la chiesapisana

guadagnava un particolare prestigio con l asserzione della sua

fondazione per opera di Pietr032.Coerente a tale progetto pare

anche la diffusione delle leggende circa la cattedra di Pietro a

Antiochia, prova che l origine petrina non era certo una carat-

teristica solo della chiesa di Roma.

PliO confermare in qualche modo questa interpretazione un

altro testa che si pliO in fine citare : e una Leggenda di s. Pietro,

tramandata da un manoscritto tardotrecentesco e pubblicata a

meta dell Ottocento da Francesco Zambrini33. L inizio della

leggenda prende Ie mosse dal ministero di s. Pietro a Antiochia,

per passare poi al suo arrivo aRoma, allo scontro con Simone

mago e al martirio di Pietro e Paol034.Da evidenziare anche qui

l inserzione della sosta pisana di Pietro durante il suo viaggio

verso l Urbe : «E poi venne a Pisa e fece fare la bell a chiesa di

SanPiero in Grado ».

31. Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, XXXIII sin. 1 (A. M.

BANDINl, Catalogus codicum latinorum Bibliothecae Mediceae

Laurentianae, V, Florentiae 1777,col. 273-283).L omelia che qui inte-

Tessa la XXXVI, intitolata In Ascensione Domini, quem idem domi-

nus ecit in vulgari apud SanctumPetrum ad Gradus.

32. Studi fondamentali sono quelli di C. PlANA, «I sermoni di Federico

Visconti, arcivescovo di Pisa (t 1277)», Rivista di storia delta Chiesa n

Italia 6 (1952), p. 231-248e J. B. SCHNEYER,Das Predigtwirken des

Erzbischofs Friedrich Visconti yon Pisa (1254-1277) auf Grund del

Rubriken des Cod. Florenz, Laur. Pluto 33. sin. 1 », Recherches de

Theologie ancienneet medievale32 (1965),p. 307-332.

33. Per l edizione del testo si veda Collezione di leggende nedite scritte

net huon secolo,a c. di F. ZAMBRlNl, , Bologna 1855,p.1-17 (aIle p. 18-

22 alcune osservazioni del curatore). Sulla Leggenda di s. Pietro un

breve cenno in CORNAGLlOTfl, I volgarizzamenti taliani », p. 682.

34. La Leggendadi s. Pietro meriterebbe forse un analisi pill dettagliata,

anche per gli episodi curiosi in essa riferiti. SuI velo macchiato del

sangue di Paolo, si veda qui nell Appendice ; sull errata notizia circa

l erezione in Roma di una statua dedicata a Simon mago, proposta da

Giustino e divulgata da Eusebio, si veda EUSEBE E CESARE-E,istoire

ecclesiastique. ivres I-IV, cur. G. BARDY (Sources chretiennes 31),

Paris 1952,p. 67,n. 3.

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O PS. MARCELLUS BREVIOR

Un tardo racconto n versi.

Andra probabilmente attribuito alIa prima meta del XVI se-

cola l ultimo testa che si vuole ricordare, la Devotissima istoria

de Ii beatissimis. Pietro e Paulo, un poemetto di 29 altaye (per

un totale di 232 endecasillabi), tipico prodotto della letteratura

popolare a stampa ; di esso si conoscono6 edizioni distribuite tra

la meta del Cinquecento e la meta del Seicent035. Questo

cantare, probabilmente diffuso (parallelamente alIa sua trasmis-

sione a stampa) anche attraverso la recitazione orale di cantim-

banchi e cantastorie, segnala n modo evidente i « tempi lunghi »

della sopravvivenza dei testi apocrifi, in questo caso saldamente

incorporati entro un complesso testuale che puo hen essere

riportato a quel tipo di produzione definita come Trivialliteratur.

Dopo la narrazione dello scontro di Simone mago con Pietro e

Paolo e della maTte degli apostoli, viene aggiunto un curiosa

racconto di derivazione folclorica : un contadino, testimone del

martirio, si addormenta risvegliandosi dopa 500 anni per indi-

care illuogo (un pozzo) dove erano stati occultati (0 semplice-

mente deposti?) i carpi degli apostoli. La Devotissima istoria,

dal punta di vista agiografico, mostra quasi una saturazione dei

dati, tale da ridurre la leggenda a pura esposizionedel gia nota e

insieme da indurre a sottolineare altri elementi del meraviglioso,

i miracoli connessicol culto delle reliquie e l episodio del risve-

glio del villano.

Nonostante il tragitto fin qui percorso, Testaevidentemente

ancora molto da fare per chiarire la formazione e la diffusione

delle leggende petTine di derivazione pseudomarcellina

nell ltalia del tardo Medioevo e della prima Eta moderna. Con

cia, una migliore conoscenzaproprio del volgarizzamento dello

ps. Marcello, che spero di vedere presto pubblicato, pub con-

tribuire a meglio intendere almeno un tratto di questa vivace

tradizione36.

35. La Devotissima istoria (riprodotta in Appendice), e segnalata da

Bibliografia della poesia popolare dei secoli XIII a XVI, I, La poesia

religiosa. I cantari agiografici e Ie rime di argomento sacra, a c. di A.

CIONI Biblioteca bibliografica italica 30), Firenze 1963,p. 215-216.

36. I dati qui offerti, e sinora inediti, fanno parte di una pili ampia ricer-

ca in parte svolta nel1993 grazie a una borsa di studio della Katholieke

Universiteit di Leuven. Ringrazio chi nel corso di questo lavoro mi ha

offerto suggerimenti e correzioni, Giuseppe Frasso, Aldo Menichetti,

Gianni A. Papini e Gerard Poupon.

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E. BARBIERI

Appendice : Devotissima istoria de Ii beatissimi sancto

Pietro e sancto Paulo.

Vista l'interesse che il reperimento della Devotissima istoria

de li beatissimisancto Pietro e sancto Paulo ha suscitato in diver-

si partecipanti al convegno di Losanna-Ginevra, si e pensato

bene di offrirne una trascrizione, basata suI pill antico testimone

nota, un'edizione a stampa attribuita, ma assaidubitativamente,

a Venezia post 155037.n generale i tratti della narrazione, che

anche si discostano dal racconto fornito dallo ps. Marcello, sana

sufficientemente evidenti, 0 almeno chiaribili : l'episodio del

vela macchiato dal gangue di Paolo (ottave XIII-XVI) dipende

dal Martyrium s. Pauli apostoli dello ps. Lin038 quello del mar-

tirio di Paolo aIle Aquae Salviae (Tre Fontane), presso Ie quali

fu poi edificata la chiesa di S. Anastasio, trova riscontro in

antiche tradizioni ancor oggi vive39.Alcuni passaggi del breve

cantare risultano invece oscuri : il modello del sanna di 500 anni

del villano (ott. XVIII) ; l'episodio della «moneta di corame [di

rame?]» (ott. XX-XXI); il significato del ritrovamento in un

pozzo dei carpi dei due martiri (ott. XXII-XXIII). Altri, che

meglio conosce e antichita cristiane, sara ceria in grado di spie-

garli, anche n riferimento alIa leggenda dei Sette dormienti.

Il testa, scritto Del metro dell'ottava toscana ipica dei cantari

di argomento epico e politico, ma anche agiografico, presenta

serie di endecasillabi non sempre regolari, ma secondo un mo-

dello di tollerabilita hen nota in questo genere di produzione

popolareggiante. Da questo tipo di narrazioni deriva il frequente

ricorso a un'auctoritas scritta (XII, 4; XV, 2; XVI, 4; XXVIII,

1) che, anzich6 essere un vera rimando a una route letteraria, e

37. Nel testimone seguito, l titolo dell'opera e veTO eggermente diver-

so : «HISTORIA DE / I SANTI DEVOTISSIMI, / Pietro, e Paolo

Apostoli di Chri- / sto, con illaTa Martirio, / Morte./ E come

fuTon trouati Ii lara beatissimi / carpi in vn pozzo. » Edizione in 80 di cc.

[4] in caratteri romani; alIa c. A1r due piccoli legni assaiconsunti raffi-

guranti rispettivamente Pietro e Paolo. La lingua impiegata Del testa e

sostanzialmente iorentina.

38. CANT 212; AAA, I, p. 38-42 § 14-17. Sulla diffusione di tale leg-

genda,che puo esserecollegata a quella dell'immagine di Gesu ricevuta

da Abgar (Histoire du roi Abgar et de Jesus, ur. A. DESREUMAUX,. I.,

Brepols, 1993) nonch6 aile questioni riguardanti la Veronica e la

Sindone,siveda Gli Apocrifi, a c. di ERBETTA,I, p. 295,n. 4.

39. Si vedano almeno A. NIBBY,Analisi storico-topografico-antiquarie

della carta de' dintorni di Roma, III, Roma 18492,p. 268-279; H.

LECLERCQ, Paul (saint) », in Dictionnaire d'archeologie chretienne et

de liturgie, XIII/2, Paris 1938, col. 2658-2664; D. BALBONI,«Paolo

apostolo. Culto », in Bibliotheca sanctorum, X, Roma 1968,p. 194-195.

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O PS. MARCELLUS BREVIOR

semplicemente un tapas atto a conferire veridicita al dettato.

Con cio si noti comunque a non banalita dell'ottava XXVII, che

tenta di giustificare teologicamente il concerto stesso di

miracolo40.

Si trascrive dall'unico esemplare conservato di questa edi-

zione, ora a Lucca, Biblioteca Statale, B.ta 368-841.

EI nome42 ia di Dio glorificato.

0 buona gente, piacciavi d'udire

di santo Pietro, apostolo beato,

e di sanPaolo; ancor vi vogiio dire

si come fu ciascunmartirizzato

e che per Dio ebber tanto martire ;

al tempo di Nerone imperadore

sostennermorte con grave dolore.

Quando sanPietro in Roma predicava

la f6 di Gesu Cristo omnipotente,

una gran turba si 10seguitava

per Ie parole sue tanto possente,

per Ie qual molta gente battezzava,

gl'idoli disprezzandoapertamente.

Come l'imperador l'ebbe spiat043,

per Simon mago presto ebbe mandato.

II

40. In alcune delle ristampe pin tarde il raccontto viene pero ridotto a

27 ottave, essendostate eliminate proprio la XXVI e la XXVII, dedica-

te ai miracoli operati dalle reliquie degli apostoli.

41. L. MA1TEUCCI, Descrizione ragionata delle stampe popolari della

Govemativa di Lucca»,lllibro elastampa, n. s. 5 (1911),p. 74-75 n° 37.

Nella trascrizione ci si avvale di criteri conservativi, dividendo pero Ie

parole, inserendo i segni d'interpunzione e quelli diacritici, distinguen-

do u da v e maiuscole da minuscole secondo Ie abitudini invalse. Si e

inoltre normalizzata la presenza di h e quella di i indicante palatalizza-

zione, riducendole all'uso modemo; si e anche reso sempre 0 et con

e. Si sana scritte semplicemente con caratteri corsivi quelle lettere la cui

espunzione permette di rendere regolari versi altrimenti ipermetri ; tra

parentesi uncinate si sana proposte alcune rare integrazioni a correzio-

ne di versi ipometri. In altri casi, nei quill la correzione sarebbe stata

pin complessa, i si e limitati a segnalare e irregolarita metriche. Nelle

brevi note esplicative si citano in forma compendiosa l Grande diziona-

ria delta lingua italiana, XVII volumi pubblicati, Torino 1961ss.,

(=GDLI) e G. ROHLFS,Grammatica storica delta lingua italiana e dei

suoi dialetti, 3 vol., Torino 1966 =ROHLFS).

42. Nella stampa Nel nome che non da sensa.

43. Dopo che Nerone ebbe minutamente investigato l'operato di Pietro.

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218

E. BARBIERI

III

IV

Per essergran maestro pur dell'arte44,

fe' Simon mago a se presto chiamare,

qual con ngegno, astutia e false carte

agli demon sapevacomandare.

E presto il fe' veniT n quelle parte

per voler con sanPietro contrastare,

sendo 'imperatore ivi al presente,

per veder chi di loro e pill potente.

E Simon mago fe' fare un castello

tutto di legno e su vi fu montato.

Chiamo45 ciascundemonio, iniquo e fello,

quel Simon mago presto ebbe pigliato,

portandolo nell' aria come uccello,

onde che 1 popol fu maravigliato.

L'imperatore, stando Delpalazzo,

facea del mago festa e gran sollazzo.

Stando ciascun apostol 11 l presente,

Pietro e Paulo, attoniti come un sasso,

ciascunsi volse a Cristo omnipotente

per far lui col castelcadere al basso;

e in presenza di tutta la genie

ecco sentir per l'aria un gran fracasso,

che Simon mago, abbandonato e solo,

per l'ariacon rovina viene a yolo.

Era bell alto pill di cento brazza46

quando i demonii 10 ascior cadere

col capo in giuso in mezzo della piazza,

presente il popol che stava a vedere,

e si distrussecome al fuoco giazza47.

Non valse 10suo ngegno ne sapere,

v

VI

44. Per arte nel sensospecifico di «magia» si veda GDLI arte 17.

45. La sintassi del passo non e chiarissima. Si e interpretato riferendosi

al ricordato errore di lettura dello ps. Marcello volare > vocare > chia-

mare; si veda anche qui III, 4. Si potrebbe interpungere, in modo meno

chiaro ma forse pin coerente rispetto alIa sintassi popolare, Chiamo

ciascun demonio iniquo e fello ,. / quel Simon mago presto ebbepigliato,

avvertendo che il soggetto del secondoverbo e ciascundemonio.

46. Vale «braccia », si veda qui VIII, 2 e XXIX, 3.

47. Giazza e forma etimologica (da glacies,ROHLFS 355) di «giazzo »,

forma arcaica per «ghiaccio» (GDLI ghiacciol). In Dante e presente

ghiaccia (in rima con braccia e confaccia In XXXIV, 29 : 31 : 33, non

a caso il canto di Lucifero) nel significato di «ghiaccio ». 11suffisso

-azzo dell'Italia settentrionale e meridionale e parallelo al toscano

-accio : ROHLFS 1037.

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219

O PS. MARCELLUS BREVIOR

VII

VTTT

che tutto si disfece mmantinente48

l'anima sua n'ando al fuoco ardente.

L'imperatore fu forte crucciato,

vedendo per costui la mala testa

qual era tutto in terra fracassato

con gli occhi e col cervel fuor della testa;

e con gran furia presto ha comandato,

con voce a tutto il papal manifesta,

che Pietro e Paolo sien presi e legati

e in un fondo di torTe ncarcerati.

Eran tante catene e ferramenti

che braccia e gambe aveano ncatenato ;

gl'apostoli pativan pelle e tormenti

(mangiar ne bere a lor non era data),

pur ringraziavan Dio de' buon talenti49.

Stando ciascunocas incarcerato,

come piacque al Signor, con mente accorta

fur liberati e uscimo della porta.

Messer sanPietro, apostolo beato,

usa della prigion molto veloce ;

in Gesu Cristo si fu riscontrato5O,

ch'in spalla aveva llegno della croce.

L'apostol Pietro gli ebbe domandato

« Maestro, dove vai? », con umil voce;

Cristo si valse a quello e prese a dire:

«Un'altra volta in croce vo <a>morire51».

Allora Pietro con umil sermone

a Gesu Cristo chieseperdonanza52

e prestamente ritomo in prigione,

dandosi n colpa d'ogni sua fallanza.

II terzo giomo quel falso Nerone

mando per sanPietro, con disianza,

IX

x

48. Si vedano anche XI, 8 e XIV, 2 : francesismo di antica penetrazione

in Italia, vale «subito» (GDLI immantinente).

49.« Di buona voglia », «volentieri ».

50. Qui riscontrareyarra «incontrare », ma si veda anche XXVI, 1.

51. Nella stampa vo morire che potrebbe anche valere va' morire =

«vogiio morire ». Ma 10ps. Marcello § 611egge Sequereme, quia vado

Romam iterum crucifigi ; si preferisce percio interpretare e correggere

per vo = «vado ». Forse potrebbe non essereneppure necessaria 'inte-

grazione di a.

52. Le rime in -anza di questa ottava usano il suffisso di derivazione

francese, comune nell'italiano antico (ROHLFS 1106) perdonanza e

«perdono» (GDLI perdonanza 3), aLLanza«fallo» 0 «errore» (GDLI

faLLanza), isianza «desiderio» (GDLI desianza).

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220

E. BARBIERI

XI

XII

e per sanPaolo, ch'era suo compagno,

per dare ai santi morte con gran agno.

L'imperatore gli fece sententiare53

che tutti dua dovessino moTile,

la testa a lor si dovessetagliare.

Misser sanPietro alloT gli plese a dire:

« 0 imperadore, io ti voglio pregare

ch'in su a croce mi vogli far moTile

coi piedi in su e col capo pendente ».

« COSt ia fatto -disse -inmantinente ».

L'apostol Paulo, essendosententiato

della sentenzadel crudel Nerone

che fuor di Roma fusse dicollato,

e sanPietro (come illibro pone )54

SOrIa a croce fusse conficcato

e lassatomoTif con passlone,

vedendo il popol tal comandamento,

SOrIa di lor facean gran amento.

Menati alIa giustizia55n quella dia56

e57egal lor Ie man con un capresto58.

E una sua discepola dicia :

« Dove menate questo mio maestro? »

Un dei famigli a lei rispondia59

«A tagliargli la testa, molto destro60 .

E sanPaolo pallo con voce onesta :

« Prestami, donna, il velo ch hai in testa »

Quella donna il velo ebbe pigliato61

e presto glielo poIse inmantinente.

Essendo giunti alluogo deputato,

53. 11 verba sentenziare qui significa «emettere una sentenza »,

« condannare con una sentenza» si veda anche XII, 1-2.

54. Verso ipometro, regolarizzabile con dialefe dopa come.

55. La giustizia e una« esecuzionecapitale» (GDLI giustizia 8) : si veda

XVIII, 2.

56. La forma dia femminile e attestata in antico per il maschile die, di =

«giorno» (GDLI di).

57. Congiunzione para-ipotattica (C. SEGRE, La sintassi del periodo

nei primi prosatori italiani », in Lingua, stile e societa,Milano 1976,p.

79-270,ad indicem).

58. Per « capestro », come sarebbe richiesto dalla rima (con metatesi di

r : ROHLFS 322e qui n. 26), a tune con cui si egano gli animali (GDLI

capestro).

59. Verso ipometro regolarizzabile con dialefe dopa famigli.

60. Avverbio di attestazione tardoquattrocentesca,vale «velocemente»

(GDLI destrol 15).

61. Verso ipometro, regolarizzabile ponendo dialefe dopa donna.

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221

O PS. MARCELLUS BREVIOR

xv

XVI

XVII

XVIII

la testa gli taglio subitamente

venne l angel di Dio, dal ciel mandato,

e quel velo sl plese veramente

e dentro il ganguedell apostollego62

e a quella donna poi l appresento.

E ire gran salti fece quella testa

di sanPaolo (come illibro spiana).

Odite che maraviglia fu questa:

che ad ogni saIto nacque una fontana,

acqua preciosa, che mai posa 0 Testa

per tutto l anno, giorno e settimana.

Chi va a Santo Anastasio il pub vedere

e di quell acqua ognuno ne pub here.

Quel velo che da l angelo fu dato

col ganguea quella donna santa e pula

ebbe tanti miracoli mostrato,

secondoche dichiara la scrittura ;

chi era zoppo, cieco e chi storpiato

quel santo ganguea tutti dava cura,

e per gli molti segniche fu visto

dimolta genie si conversea Cristo.

Messer sanPietro, apostolo beato,

per la fede di Cristo omnipotente

sopra una croce grand e conficcato.

Coi piedi in su e col capo pendente

ire giorni stelle che non gli uscl l fiato ;

alloT si convertl dimolta genie.

II terzo giorno quel santo svenia

e I anima dal corpo si partia.

E un villan che vidde il giorno fare

quella giustizia, che vendea al mercato

una vitella, poi plese a camminare63

per esseral casalsuo ritornato

e in un orto s ebbe a ddormentare.

Per miracol che Dio64ebbe mostrato,

cinquecento anni 10 ece dormire ;

da poi quegli anni si ebbe a risentire.

Levato in piedi, si pose per via

per voler a sua casa ar ritorno

XIX

62. Raccolsecioe nel vela il sangue di Paolo. Verso ipermetro.

63. Verso ipermetro.

64. Nella stampa Per miracolo di Dio che non da sensa al verso succes-

siva fece con Dio soggetto sottinteso (anacoluto).

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222

E. BARBIERI

e camminando giunse all'osteria

ch'era di gia passatomezzogiorno.

Questo huon uomo fame e sete avia,

a chiamar 'oste non fece soggiorn065,

del qual si fe' da mangiar portar tosto ;

mangiato ch'ebbe valse pagar 'osto.

Moneta di corame66 i trovo allat067,

ch'avea toccata della sua vitella68;

valse pagar di quel ch'avea mangiato.

L'oste gli die' con man su a mascella,

dicendo : « Falso, adro, svergognato

questa moneta e trista, iniqua e fella »

Pigliar 10 ece a grida e gran romore

e fe'l menar davanti al Senatore.

El Senatorprese quella moneta

e aIle lettere l'ebbe conosciuta.

Con quell'uomo paTIoalIa secreta69

«Questa moneta, donde l'hai tu avuta ?

E lui rispose con la mente quieta:

« D'una vitella che ieri ho venduta,

quando che Pietro e Paulo fu mort07O

e io m'addormentaidrent071 d'un octo ».

65. Non indugio, non aspetto.

66. Semplice sembra la correzione rame (anche in generale un metallo

di scarsovalore : GDLI rame) per corame(che sara del cuoio decorato :

GDLI corame), che eliminerebbe l'ipermetria del verso. Si conserva

pero la lectio difficilior la quale potrebbe 0 trovare conferma nell'uso di

monete in cuoio in periodo d'assedio (E. MARTINORI,La moneta.

Vocabolario generale,Roma 1915,p. 358 s. v. Osstdiali), 0 addirittura

nascondere a corruzione della voce *« dicorsiva» 0 *« decorsiva» (.41

~ame ~ tro~) nel sensa di «fuori corso» (per «moneta corsiva» nel

sensa di «moneta corrente» : GDLI corsivo 4). Aggiustamenti alIa lun-

ghezza del verso potrebbero essere ottenute con correzioni del tipo

Moneta di corame trovo allato (accenti di 6", 9", 10") 0, ancora meglio,

Moneta di corame trova allato (accenti di 6", 8", 10") con un presente

storico.

67. «AI fianco », «con se» (GDLI allato 3).

68. Vale «che gli era toccata per la sua vitella », «che aveva avuto in

cambia della sua vitella ».

69.« In segreto », «segretamente».

70. Verbo singolare con soggetto plurale (ROHLFS§ 642), motivato

anche dalla rima in -orto. Fu marta eoorma passiva del verba morire =

«uccidere ».

71. Forma arcaica e dialettale per dentro (con metatesi di r : ROHLFS

322): si vedano anche XXIII, 5 e XXIV; 1 (GDLI dentro), ma dentro in

XIV; 7.

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224

E. BARBIERI

(corpi vessatida spiriti maligni,

muti, lebbrosi, sordi, ciechi, attratti76

che in un momento ognun fu fatto sano)

saria tenuto il dir bugiardo e vano.

XXVII Ma pur, perche la fede dar si vuole

senzaveder miracoli ammirandi,

dico che Quel che fece il mondo e il sole

e ch'e Signor sopra Ii signor grandi,

dell'aspro peccator gl'incresce e duole

quando e sepolto negli error nefandi :

gli mostra per correggerlo alcun segno

accio si emendi e sia poi del ciel degno.

XXVIII E come dice il veTo n molte carte,

come piacque a Colui che mai non erra77

dei corpi a pes078ur fatte due parte:

una parte in SanPietro si sotterra,

l'altro dal primo il Papa 10disparte

a Santo Paolo, ch'e fuor della terra79;

e Ie lor teste a San Giovanni Laterano

Ie pose con sua propria manoso.

XXIX Prego questi duoi santi con fervore,

sanPietro e Paulo apostoli beati,

che con Ie braccia aperte al Creatore

preghin che al fine in ciel siamo salvati

e che non guardi al nostro grande errore,

E la Madre del ciel ancor pregate,

che preghi il Figlio che ne dia vittoria

e 'n l'altro mondo la sua santa gloria.

76.« Storpi », «paralitici» (GDLI attratto 5).

77. 11verso ricalca il dantesco come Livio scrive, che non erra (Inf.

XXVIII, 12, in rima con terra e guerra), ma si tratta di una espressione

formulaTe hen attestata anche altrimenti (A. MARTINA,«Livio », in

Enciclopedia dantesca,II, Roma 1971,p. 674).

78. «Con grande cura e attenzione» (GDLI peso 31).

79. « Che e fuori citta» : S. Paolo fuori Ie Mura.

80.11verso 7 e ipermetro di 2 sillabe, il verso 8 invece ipometro, sempre

di 2 sil1abe ma si potrebbe forse correggere <egli>e pose...)..

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PierreGISEL

Universitede Lausanne

APOCRYPHESETCANON:

LEURS RAPPORTS ET

LEUR STATUT RESPECTIF

UN QUESTIONNEMENT THEOLOGIQUE

The differencesbetween he biblical canon and the apocryphal writings

need to be analysed.Otherwisewe risk to reduce he biblical texts eceived

by the church to a simple collection of historically developed exts a col-

lection to which the canonical and extra-canonicalwritings belong, f we

take into consideration he samecriteria. In this case,we will deprive our-

selvesof the possibility of understanding Christianity in its true nature,

both from a theologicalperspective s well as rom a point of view of the

religious studies. n analysing the differences between he biblical canon

and the apocryphal writings we are ed on the one hand to reflectingon the

institutional reality of Christianity, and on the other hand on the meaning

of this institutional reality in history. For those reasonsa seriesof argu-

mentshave been proposed,seeking o lay down a platform for a debate.

La dualite canon/apocryphesdoit etrepensee.Sansquai on s exposea

resorber es textesbibliques ecclesialement efus a la pure diversite d une

production historique multiforme et a laquelle effectivement les textes

canoniques et extra-canoniques ressortissent selon des donnees iden-

tiques. On se prive alors de la possibilite de comprendre Ie christianisme

comme tel, rant en perspectiverigoureusement heologique quesous un

angle de sciences religieuses. Penser la dualite canon / apocryphes

conduit a reflechir au fait institutionnel qu estproprement Ie christianis-

me et a ce qui s y indique d une forme d insertion dans histoire. Une

serie de thesessont ici proposees,visant a baliser et a susciter un debar.

Introduction.

Uneserie de constats.

De nombreux textes -retrospectivement dits «apocryphes »,

avec es connotations de repulsion ou de seduction qui vont s at-

Apocrypha 7, 1996,p. 225-234

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226

P.GISEL

tacher a cette expression..:. circulent aux premiers siecles du

christianisme :

-ils sont contemporains des textes qui vont se trouver « cano-

nises » par l Eglise, au lye siecle (ou au llle deja pour les quatre

evangiles), canonisesde fait sinon par decision conciliaire (celle-

ci ne tombera qu a Trente, face et en riposte ala Reforme pro-

testante) ;

-ils peuvent meme, pour certains d entre eux, etre plus

anciens;

-ils sont expressions et vecteurs de la foi des communautes

« chretiennes » ; ils ont, au lIe siecle par exemple, un statut et des

fonctions analogues a ceux des textes qui seront ulterieurement

reconnus comme « canoniques» ;

-ils sont asseznombreux (par exemple, au lIe siecle, ine dou-

zaine d evangilesl a cote de Matthieu, Marc, Luc et Jean) ; ils

apparaissent bien repandus, aussi connus que les futurs textes

canoniques et utilises par les memes auteurs2

-ils peuvent etre independants des textes qui deviendront

« canoniques», voile fondes sur une tradition plus ancienne3

-s ils sont l objet d entreprises de reecriture constante ou de

modifications repetees, c est egalement Ie cas, et de la meme

maniere, des extes appelesa devenir « canoniques».

Au total, on pent des oTsconclure, avec Helmut Koester, qu il

taut aller «a l encontre de theories qui veulent que seuls les

textes canoniques aient eu autorite a enregistrer l histoire des

tout debuts du christianisme. Celie histoire est beaucoup plus

fiche que ne Ie suggerent es textes canoniques beaucoup plus

interessante aussi parce que plus diversifiee dans ses options

theologiques »4.

On pent lire egalement, dans Ie meme sens, d Eric Junod:

«Le principe selon lequel notre connaissancede la foi des pre-

miers chretiens et des traditions anciennessur Jesus doit exclusi-

1. Ct. Eric JUNOD, Les ecrits apocryphes une concurrence heretique

aux ecrits bibliques ? », in : Sciences.. aison et deraisons cours general

public de I Vniversite de Lausanne), Lausanne, Payot, 1994, p. 18 et

Helmut KOESTER, Evangiles apocryphes et evangiles canoniques »,

in: Helmut KOESTER t Franl;ois BOVON,Genesede [ Ecriture chretien-

ne, Turnhout, Brepols, 1991,p. 59-106,p. 66.

2. Ct. Helmut KOESTER,bid., p. 66.

3. Helmut KOESTER,bid., p. 89.

4. «Vne production de la communaute chretienne : leg paroles du

Seigneur», in: Helmut KOESTER t Franl;ois BOVON,Genesede [ Ecri-

lure chretienne, Turnhout, Brepols, 1991, p. 23-58, p. 56 (postface de

1986) ct. aussi«Evangiles apocryphes», p. 98.

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APOCRYPHESETCANON:

LEURS RAPPORTS ET LEUR STATUT RESPECflF

227

vement s appuyer sur les ecritures canoniques est un a priori

insoutenable du point de vue historique »5.

Au total toujours, il taut donc abandonner es jugements qui,

des Ie lye siecle surtout, dans l Eglise et non sansanalogies,des

Ie XYIIIe, dans la critique historico-philologique, ont tendu a

deprecier les textes dits apocryphes (ceux des premiers siecles

j entends, et pour leur majorite) comme reuvres de

«faussaires »6, comme textes «inauthentiques» et «menson-

geTs», marques d « influences religieuses etrangeres» au chris-

tianisme, de «qualite mediocre» ou faisant abusivement place

au «merveilleux », qui «inflechiraient »7entin, negativement, Ie

message riginaire.

Au total encore et entin, il taut se departir de la vision -ana-

chronique -partant d un ensemble de textes canoniques et d un

ensemble postule d apocryphes -les «Apocryphes du Nouveau

Testament »8 , comme s ils pouvaient delimiter deux champs

differents et separes.

Positivement, on dira donc que se tient au depart une plurali-

te, irreductible, et qu elle est a inscrire dans un grand jell de

«recomposition religieuse », sur Ie fond d une mutation du

judalsme, d une rencontre avec I Antiquite dite tardive et d une

reference a une figure nommee Jesus.

Questionnement.

De cette serie de cons ats sourd un questionnement. II est

sous-jacent,et irrepressible a mOll sellS, haque fois qu on s inte-

resse,a a litterature apocryphe dans l orbite de la theologie ou

de l Eglise, mais hors de l Eglise aussi: dire «apocryphe» sup-

5. Art. cit., p. 24. Ct. egalement«Le mystere apocryphe ou leg richesses

cacheesd une litterature meconnue », in : Le mystere apocryphe, Jean-

Daniel KAESTLIet Daniel MARGUERATed.), Geneve, Labor et Fides,

1995,p. 9-25,p. 25.

6. Ct. Eric JUNOD, Les ecrits apocryphes tine concurrence heretique

aux ecrits bibliques ? », p. 9 (et ct. p. 13). Ct. egalement Helmut

KOESTER,Evangiles apocryphes », p. 61.

7. Ainsi France QUERE,dans l introduction a Evangiles apocryphes

(Points-sagesse),Paris, Seuil, 1983, critique par Jean-Daniel KAESTLI,

«Les ecrits apocryphes chretiens. Pour tine approche qui valorise leur

diversite et leurs attaches bibliques », in : Le mystereapocryphe,p. 27-

42, p. 28.

8. Ct. Eric JUNOD, Les ecrits apocryphes tine concurrence heretique

aux ecrits bibliques ? », p. 12; p. 13, n. 12 (avec indications bibliogra-

phiques); p.16.

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228

P. GISEL

pose un rapport a «canonique », favorable ou defavorable, cri-

tique, ouvertement ou secretement egitimant, etc.

Ce questionnement peut s enoncer ainsi : la canonisation de

nos textes des loTs bibliques est-elle arbitraire ? La question se

renforce encore de ce que l on sail de son caractere tardif, hesi-

tant parfois (cf. par exemple l Apocalypse de Jean ou Ie Pasteur

d Hermas9), et de ce que l on soup~onne d interets institution-

nels (donc de pouvoirs). Ne faut-il pas des loTs, pour Ie moins,

etargir un champ abusivement reduit et marque d une dichoto-

mie relevant de procedures deologisantes ?

Poursuivons interrogation. Mais non ici pour enumerer; plu-

tot pour approfondir.

Que faut-il elargir ? Le champ de nos sources? Assurement ;

mais sources de quoi ? d un evenement «originaire », place au

depart du christianisme, Jesus par hypothese, ou selon les

auteurs, un « kerygme» ?

Ou faut-il plutot dire que no us devons elargir nos sources

quant a la connaissancedes debuts du christianisme : des temps

et des conditions de sa constitution? mais, dans ce cas, quellien

suppose-i-on alors a Jesus? plus precisement quel statui res-

pectif attribuons-nous -de fait ou par decision reflechie -a la

figure de Jesusd une part, a ce qui est proprement Ie christianis-

me de l autre ?10

C est exactement sur ce carrefour de questions que doit a moo

sens prendre corps la reflexion touch ant les rapports entre

« apocryphe » et « canonique ».

Sur la base de la mise en place proposee ici en introduction -

reprise d une selie de constats et ouverture ou esquisse d un

questionnement -, je vais proposer a la discussionune selie de

theses.Ce soot des theses heologiques, mais e pense qu on n y

echappe ustement pas, des loTs qu on a affaire au couple apo-

cryphe-<:anonique; et on y a affaire, qu on soil croyant ou non,

theologien ou non, des oTs qu on veut aborder et comprendre Ie

christianisme comme phenomene religieux : hOTS e cela, on a,

au plus, une «litterature chretienne primitive », non des «apo-

cryphes» et des textes «canoniques », mais du coup Ie christia-

nisme comme tel n existe plus (il est dissout, entends : au titre

de fait historique meme).

9. Ct. par exemple Ie texte d introduction a la collection de poche

« Apocryphes » des editions Brepols, p. 6.

10. Pour un debat et une mise en perspective a ce sujet, e me permets

de renvoyer a mon dossier «Jesus (images de»> (redige en collabora-

tion avec Serge MOLLA), in Encyclopedie du protestantisme, Paris -

Geneve, Cerf -Labor et Fides, 1995.

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APOCRYPHESETCANON:

LEURS RAPPORTS ET LEUR STATUT RESPECfIF

229

Theses.

These .

II nons taut ratifier, sons un certain aspect out au moins, qu il

n y a effectivement pas de «difference intrinseque »11entre

textes apocryphes et textes canoniques. II n y a pas de criteres

prealables, de type historique, qui puissent egitimer, quasiment

de l exterieur, la repartition en «canoniques» et «hors-canon» :

ni la proximite d un evenement originaire (variante : que Ie

texte soit temoin « authentique » ou non, au gensde ce mot chez

leg historiens), ni l usage dans Ie deploiement de la foi, ni Ie sta-

tut litteraire (son integrite, etc.) ou historique (son auteur, etc.).

These.

La difference entre ces textes tient centralement a leur inser-

tion dans e canon. Dans ce statut, des lors lies a cette collection

-cette dispositiow2 et cette cloture -, ils ne soot plus Ius de la

meme maniere. La critique historico-philologique a d ailleurs pu

dire -a raison a son niveau -que ces textes risquaient des lors

de ne plus etre compris (ainsi Franz Oberbeck par exemple13).

Personnellement, je pense que la lecture de tel ou tel apo-

cryphe -meme la lecture historico-critique nee avec Ie XVI lIe

siecle et epanouie au XIXe -serait differente si Ie texte en cause

avait prig place dans Ie canon, comme e pense, reciproquement,

que la lecture de notre evangile johannique par exemple serait

egalement autre si Ie texte etait partie intrinseque d un canon

gnostique.

These3.

La canonicite est line decision d Eglise. Elle ressortit comme

telle it l institutionnel, avec ses eux propres et dans ine fonction

donnee.

lL Ct.l introduction deja citee a la collection de poche «Apocryphes »,

p.6. ,

12. Y compris leurs titres, ct. Fran~ois BOYaN,«Evangiles synoptiques

et Actes apocryphes des Apotres », in : Helmut KOESTER t Fran~ois

BOYaN, Genese de [ Ecriture chretienne, Turnhout, Brepols, 1991, p.

107-138, p.113.

13. Ct. ibid., p. 109.

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230

P.GISEL

En tant que canonique -fait d Eglise ou d institution -, l Ecri-

ture occupe e lieu de l origine, tout en etant un phenomene his-

toriquement second.

These 4.

Que Ie lieu ou doit etre reconnue la verite, Ie lieu ou elle est

dite et re<;ue,gait une Ecriture canonique est un element cardi-

nal de l economie proprement chretienne.

Se trouve en effet notamment sanctionne ici et ainsi -par

l etablissement d une collection de texteset de textes canonises

au gre d une cloture -qu en christianisme justement, la verite

passe intrinsequement par un temoignage qui se noue au gre

d une reception active et productrice (Ie temoignage est texte,

avec eg eux de l expression, des projections imaginatives ou des

subversions symboliques qui s y cristallisent, comme avec leg

figures qui s y mettent en scene)et un temoignage nscrit dans a

difference temporelle que marque Ie fait Eglise (I institution est

insertion dans Ie temps, appelee par Ie deploiement temporel et

regulant sesdifferenciations).

A ce double titre -Ie texte comme temoignage productif et

figuratif, Ie recueil comme donnee institutionnelle -, la verite

proposee par Ie christianisme est irreductiblement et intrinseque-

ment historique : elle renvoie a une origine autre ou differente

(en «amont»), et elle est en appel de reprises autres ou diffe-

rentes (en « aval »)14.

These 5.

Le christianisme a proprement parler -la forme et Ie type

religieux qui sont leg siens -se cristallise, du lie siecle au lye

environ, dans Ie champ de 1 «Antiquite tardive». II en propose

une synthesepropre15.

14. Sur certains de ces points, je me permets de renvoyer a mes deux

ouvrages, Croyance incarnee. Tradition, Ecriture, canon, dogme,

Geneve, Labor et Fides, 1986 (chap. 2 a 4) et L Exces du croire.

Experience du monde et accesa soi, Paris, Desclee de Brouwer, 1990,p.

40-47.

15. Je renoue ici avec la vision de Ernst Troeltsch, cf. ma contribution

«Troeltsch : un theologien pour aujourd hui ? », in : Histoire et theolo-

gie chez Ernst Troeltsch,P. GISEL ed.), Geneve, Labor et Fides, 1992,p.

383-414.Pour une reference plus recente,cf. notamment les travaux de

Peter R. L. BROWN, par ex. Genese de l Antiquite tardive, Paris,

Gallimard, 1983.

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APOCRYPHESTCANON:

LEURS RAPPORTS ET LEUR STATUT RESPECrIF

231

Le christianisme it proprement parler n est donc pasJande (ni,

it proprement parler toujours, initie) par Jesus. I ne l est ni de

fait (tout Ie monde Ie sait, au mains chez es ferns d histoire...),

ni de droit (se tiennent lit peut-etre des ambivalences qu il

importe justement, it man sellS,de clarifier).

Concretement : dans et selon la forme et Ie type religieux

qu est Ie christianisme, c est l Ecriture qui est canonisee,non les

faits et dits de Jesus. On, autrement exprime : tine parole apo-

cryphe mais historiquement «authentifiee» comme parole de

Jesus est, en christianisme, sans aucune valeur canonique (elle

pent etre de grand interet, mais lateral, ce qui ne vent pas dire

sans effet ni sans mportance, j y reviendrai, notamment en these

9) ; reciproquement, tine parole mise dans la bouche de Jesus

par les textes de l Ecriture biblique mais reconnue historique-

ment « nauthentique » a -et doit avoir, en christianisme-pleine

et entiere valeur canonique.

These 6.

Le fait canonique suppose une pluralite. II tranche sur cette

pluralite, mais pour en permettre une regulation. Du meme

coup, il reclamecette pluralite ; il en a besoin pour etre compris

et pour fonctionner seton ce qui lui est imparti : selon ce qui Ie

legitime et Ie limite.

Concretement, les textes canoniques et les textes apocryphes

sont habites des memes questionnements et ressortissent aux

memes champs de references: comment comprendre et mettre

en scene a croix, la resurrection et la glorification de l Envoye

ou du Sauveur ? Quelle est a verite de Jesuset qu entendre par

revelation? Qu en est-il d un rapport au passe et au nouveau,

d une reception, d une memoire et d une recreation? Ou qu en

est-ilIa du corps et du temps, et qu en est-iI, la toujours, de

Dieu ? etc.

These .

Oublier Ie statut du Canon -un fait institutionnel a visee regu-

lative -comme oublier la pluralite, initiale et toujours a nouveau

aussi bien donnee que requise dans l histoire, conduit a une

ideologisation.

Sur une face, c est Ie temoin qui se trouvera en effet deposse-

de de son lieu et de sa force propres (historiques et singuliers),

l espace d une difference d avec l origine se trouvant obture (ou

tout au moins non valide) au risque d une fixation idolatre sur ce

qui devrait autoriser directement et fonder im-mediatement Ie

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232

P. GISEL

texte re tu (Ie texte est rapporte ou replie sur un moment tout a

la fois historiquement inaugural et verite originaire et finale).

Sur l autre face, c est Ie fait canonique qui se trouve empeche de

faire valoir sa proposition propre (dirimante et ouvranteI6), la

problematique me-me ont il repond s etant evanouie au profit du

seul enonce textuel et de sa polarisation croyante (qu elle se

reprenne au titre d un fondement supranaturaliste, en regime

catholique ou fondamentaliste, ou d un «kerygme» originaire

ou d une «essencedu christianisme », en regime neo-protestant,

«theologie dialectique» heritee de Karl Barth et Rudolf

Bultmann comprise).

These .

Un canon ou une absencede canon ne va pas indifferemment

de pair avec tel ou tel type, telle ou telle forme religieuse, mais

affecte au contraire la verite meme qui est en ell.

Concretement, metlre sur Ie meme plan textes canoniques et

textes apocryphes, c est s empecher de pouvoir cerner et com-

prendre ce qu est Ie christianisme -son identite, son statut et ses

modes de fonctionnement, etc. -, meme en perspectivede strictes

sciences religieuses et non necessairement de theologie.

Concretement toujours, c est en effet l aveu soil que seule une

enquete quant aux circonstanceset autres donneeshistoriques est

ici pertinente (releguant du coup a l ideologique ou au prive ce

qui se tient au creur du religieux comme tel: Ie croire, ses ormes

et ses regulations), soil que tel evenement ou donnee historique

serait comrne tel de valeur religieuse (antecedence,ou commen-

cement historique, et origine radicale faisant alors nombre sous

pretexte d incarnation...17).A moins, tierce possibilite, que l on

sanctionne -sans forcement Ie savoir ni l assumer -Ie religieux

que peut vehiculer apocryphe laissea lui-meme, hOTSnstitution,

et qui, comme tel, peut avoir une grande valeur religieuse, mais

selon un autre type -et donc une autre verite -que Ie type -et la

verite -strictement et simplement chretiens une verite qui n est

pas dans un rapport a l histoire du meme mode que l est la verite

liee au christianisme comme tel (avec, ci, sa donne irreductible-

ment institutionnelle) : Ie rapport au cosmos, e statut de l etre

croyant et son rapport au vrai ou a l origine different.

16. Un canon comme cloture tranche et met it distance.

17. Comprise de fac;on supra-naturaliste.

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8/20/2019 Apocrypha 7, 1996

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APOCRYPHESETCANON:

LEURS RAPPORTS ET LEUR STATUT RESPEcrIF

233

These .

Faire voir la specificite d'un canon, c'est Ie restituer a une plu-

ralite, potentielle ou effective, des types qui donnent forme et

consistanceau religieux : un canon chretien n'est pas un canon

gnostique, manicheen, etc.18. ire sa proposition -ses enonces ,

ce sera du coup faire resonner es questions, es references et les

registres communs dont il repond a sa maniere. Et ce sera, du

meme coup, aller au-dela de ses seuls enonces19 t dire -sur

l'axe de donnees que d'aucuns appelleront largement anthropo-

logiques2OIe rapport a l'absolu, au temps et au corps, qui s'y

nOlle. Ici, la lecture des apocryphes est requise, aut pour cerner

ce qu'est Ie christianisme comme tel que pour la rectitude de

l'exercice theologique.

Concretement, lire les apocryphes ne peut que relancer la

reflexion -salutaire -sur ce qu'il faut entendre par revelation,

contre toute consideration de l'enonce canonique dans son auto-

suffisance (son idolatrie possible), dramatiquement hOTS mys-

teTe»21et en fin de compte deconnecteedes realites anthropolo-

giques -culturelles et cosmiques de touS22.

18. Ni quant a la selection, ni quant a l'organisation (cf. par exemple : la

structure tripartite du Canon juif : Torah -Prophetes -Ecrits ; ou la

dualite du Canon chretien, avec son jeu d'opposition et de renvois :

Ancien et Nouveau Testament; pour leg Manicheens ou leg gnostiques,

ct. d'autres contributions du present congres).

19. En l'occurrence : culturellement syncretistes.

20. Que cette anthropologie gait de type philosophique ou religieux,

vis ant leg structures permanentes de l'homo religiosus (cf. par ex.

Michel MESLIN, L'experience humaine du divino Fondement d'une

anthropologie religieuse,Paris, Cerf, 1988ou leg travaux de Julien RIES)

ou qu'elle gait dite «culturelle », attentive aux transformations et accul-

turations historiques (cf. par ex. Melville J. HERSKOVITZ,es basesde

l'anthropologie culturelle, Paris, Payot, 1952, Roger BASTIDE,

Anthropologie appliquee,Paris Payot, 1971 ou Mondher KILANI, par ex.

La construction de la memoire, Geneve, Labor et Fides, 1992), ou enco-

re tine anthropologie qui vise a dire leg registres et leg fonctionnements

mis a jour par leg scienceshumaines.

21. On touche la Ie service que petit de fait rendre au christianisme la

lecture des apocryphes aujourd'hui : nous reouvrir a tine dimension

proprement spirituelle.

22. La aussi, a lecture proposee des textes «apocryphes» petit rendre

aujourd'hui un service au christianisme Ie premunir contre des entations

de replis sectarisants ur sesdonneespropres souspretexte d'identite.

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234

P. GISEL

These10.

Deux precisions heologiques finales:

(a) En christianisme a proprement parler, Jesus a Ie statut

d une reference, a partir d un present des Ie depart et irreducti-

blement different, et des Ie depart et irreductiblement a distance

(c est Ie present de l aujourd hui croyant). Jesus essortit des oTs

foncierement ala « mise en scene»23.I est igure (proprement, il

n est donc ni fondateur ni commencement)24: il est investi

comme image, renvoyant a une dramatique du monde25.

(b) Le christianisme vit foncierement d un jell de memoire, et

d une memoire prise dans la matrice d une ecriture et d une

reecriture (Midrash; corrections, imitations; etc.z6) s y donne

l intrigue d un passage,passaged un ancien a un nouveau qui,

loin de disqualifier ou de remplacer ancien, Ie suppose et y ren-

voie a jamais. C est la Ie secret de la dualite d une tradition et

d une Ecriture. La tradition dit une condition historique donnee,

dans laquelle on est pris, de toujours et a jamais (c est Ie lieu 011

nait l homme27) mais la tradition chretienne est d un type tel

qu elle requiert une Ecriture -un canon -qui tranche et permet

que sa pluralite ou son histoire d une naissance oujours repri-

se28 e soit pas dissemination ou pure prolongation, comprise

sur Ie mode d une vie naturelle, mais bien Ie lieu d une naissance

singuliere (on peut, a cet effet, parler de la tradition comme

genealogie .

23. Ct. Eric JUNOD, Le mystere apocryphe », p. 19.

24. Theologiquement, on redecouvrira que Ie christianisme parle du

Christ en termes de mediation (et non de « nature » propre).

25. Theologiquement toujours, rappelons que Ie christianismea pense e

salut comme recapitulation, reprise interne ou subversion,de la creation.

26. Franyois BOVON, rt. cit., p. 127ss.

27. Originairement donc.

28. Pour chacun des croyants d abord, mais egalement, mutatis mutan-

dis, pour Ie deploiement me-me e la realite ecclesiale.

Page 231: Apocrypha 7, 1996

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Marc FAESSLER

Universite de Geneve

KERYGME ET IMAGINAIRE

There is an essential difference between canonical and apocryphal

texts. The comparison of John 20,11-18 with a short passage rom the

«Book of the Resurrectionof JesusChrist by Bartholomew the Apostle»

(8.1-11.3) shows that the apocryphal text (in its hermeneutical status)

loses he power of revelation constitutional of the canonical text (keryg-

matic status).

Une difference essentielleoppose un texte canonique et un texte apo-

cryphe. Le premier se donne dans un statut kerygmatique qui utilise Ie

langage dans sa capacited ouverture symbolique a l Autre. Le secondse

presentedans un statut hermeneutiquequi referme e langagesur un ima-

ginaire du Meme. Le texteapocrypheperd ainsi Ie pouvoir revelantprop-

re au texte canonique. Demonstration en est aite dans une comparaison

entre Jean20,11-18 et un passagedu «Livre de la resurrection de Jesus-

Christ par l apotre Barthelemy» (8.1-11.3).

Les apocryphes out, a l evidence, nourri la piete de nom-

breusescommunautesdans es premiers siecles du christianisme,

malgre l opposition et la progressive marginalisation dont its out

fait l objet de la part des autorites ecclesiastiques.Aujourd hui,

notre interet scientifique tend a rehabiliter ces textes trop long-

temps enfouis dans les oublis de la memoire officielle.

L intention est louable. Mais doit-elle nous conduire a affirmer

qu en definitive «il n y a aucune difference intrinseque entre

canoniques et apocryphes»1 ? Intrinseque voudrait dire ici que

1. Liminaire de la «Collection de poche Apocryphes », in L evangile de

Barthelemy (traduction, introduction et notes par Jean-Daniel Kaestli

et Pierre Cherix), Brepols, Tumhout, 1993,p. 8. Nous soulignons.

Apocrypha 7. 1996.p. 235-241

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236

M.FAESSLER

TieD ne differencie dans son essenceun texte retenu dans Ie

canon d un texte considere comme apocryphe. Seulesdes carac-

teristiques secondaires liees aux genres litteraires ou aux cir-

constances historiques constitueraient des marques reperables

d elements distinctifs. Nous pensons devoir nous ecarter d un tel

point de vue, en avan~antque1ques eflexions sur la signifiance

symbolique du langage mis en jeu dans ces deux types d ecrits.

L ecrit biblique se donne dans un statut kerygmatique. Cela

signifie qu en son noyau originaire, l instance enonciatrice qui

traverse les enoncesne se confund pas avec eux, mais rouvre en

eux la question de l Autre. Le texte devient index de ce qu il ne

peut contenir. Il se fait temoin. Ses mots, liberes de leur seule

function d usage dans l imaginaire de la langue, revetent une

function symbolique : au travers des traces qu ils laissent, ils

referent ce qui est dit, a l Autre qui s y entredit, et au sujet

lecteur pris a paTti. Dans l ordre des significations dont releve

toute mise en reuvre d une ecriture, Ie statut kerygmatique du

texte articule une function de signifiance qui ouvre au sujet Ie

chemin de son rapport a l Autre. Kerygme et imaginaire demeu-

rent donc en tension creatrice. Le kerygme, pour s exprimer, ne

peut se passer de l axe imaginaire du langage oil les significa-

tions lient les mots a l objet et aux representations du discours.

Mais il doit en meme temps Ie subvertir par l axe symbolique de

la signifiance pour restituer au langage l ordre tout autre des

sujets qui y paTIent. C est ainsi qu il maintient son pouvoir reve-

lant. Le risque subsiste outefuis que la signifiance s estompe et

se perde dans Ie jeu des significations, notamment si la logique

du discours tend a se clore sur elle-meme en substituant un ima-

ginaire du Meme la oil Ie langage s ouvrait kerygmatiquement

au symbolique de son rapport a l Autre. Les apocryphesencou-

rent largement ce risque.

L ecrit apocryphe se presente en effet dans un statut herme-

neutique. Il prolonge et reinterprete Ie deploiement biblique du

kerygme par une suite de developpements egendaires et vision-

naires. Cela signifie que l instance enonciatrice qui traverse les

enonces tend a se confundre avec eux, dans l elaboration d un

langage qui cherche a faire se recouvrir imaginaire et symbo-

lique. Le texte ne devient plus l index que de son propre conte-

flU. Il ne se fait plus temoin, mais auto-manifestation de lui-

meme. Ses mots reintegrent leur seule function d usage dans

l imaginaire de la langue et se substituent a toute function sym-

bolique. Au travers des traces qu ils laissent, plus rien ne refere

ce qui est dit a l ordre irrepresentable de l Autre et du sujet lec-

teur pris a paTti, sans immediatement Ie rabattre dans l ordre

identificatoire des representations. La subversion des significa-

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237

ERYGME ET IMAGINAIRE

tions par l'axe symbolique de la signifiance echoue. Le texte

perd son pouvoir revelant.

Ce diagnostic relativement severe sur la derive apocryphe

nons fait obligation d'apporter la demonstration d'un exemple.

Nous choisirons un bref passagedu «Livre de la resurrection de

Jesus-Christpar l'apotre Barthelemy}} (8.1 -11.3)2 compare a In

20,11-18 dont il est une large amplification imaginaire. L'interet

de la comparaison vient de ce que la tradition johannique de

l'apparition du ressuscite a Marie-Madeleine se presente deja

comme un double commentaire narratif du kerygme. Ce demier

pent en effet etre mis en evidence par une analyse litteraire

fine3. Voici une disposition graphique du resultat :

3

14

15

Or Marie se tenaitpres du sepulcre,dehors, leurant.

Comme donc elle pleurait, elle se pencha vers Ie

sepulcre

et elle voit deux anges,en blanc, assis,un 1:1a tete et

un aux pieds, 11:1il gisait Ie corps de Jesus.

Et ceux-ci ui disent : -Femme, pourquoi pleures-tu ?

Elle leur dit : -lIs out enleve mOll Seigneuret e ne

sais oil ils l'ont mis.

Ayant dit cela

Elle se touma en arriere et elle voir Jesus,debout.

Et elle ne savaitpas que c'etait Jesus.

Jesus ui dit : -Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui

cherches-tu ?

Elle, pensantque c'etait Ie jardinier, lui dit :

-Seigneur, si tu l'as emporte, dis-moi oil tu l'as mis,

et moi je Ie prendrai.

Jesus ui dit : -Mariam

Retournee, celle-ci lui dit en hebreu : -Rabbouni (ce

qui se dit «Maitre»)

2. Ibidem, p. 143-241.Texte commente : p. 194-204.

3. Nous laissonsde cote la question du lien eventuel, dans In 20, du ver-

set1 avec es versets 11-18.Dans ces demiers, on petit isoler un premier

bloc (1Ib-14a) delimite par les deux chevilles redactionnelles visibles :

« Comme donc elle pleurait... », «Ayant dit cela...». Un second bloc se

detache (14c-16+17) construit autour de «Et elle ne savait pas...» et

dans lequel on constate Ie redoublement de la question «Femme, pour-

quai pleures-tu ?» (15a/13a). En detachant ces deux blocs (et en recon-

naissant en 18c un ajout redactionnel maladroitement accole), on laisse

emerger en lla+14b+18ab une tradition de forme kerygmatique qui est

Ie noyau primitif de l'ensemble. Nous considerons ce qui l'entoure

comme un deploiement narratif du sellSdu kerygme, amplification qui

a pu connaitre tine histoire redactionnelle assez omplexe.

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238 M.FAESSLER

7

Jesus ui dit : -Ne me touche pas Car je ne suis pas

encore monte vers Ie Pere. Va chezmes reres et dis-'

leur «Je monte vers mon Pere et votre Pere, mon

Dieu et votre Dieu ».

Mariam la Magdaleennevient, annonr;antaux disciples:

-J'ai vu Ie Seigneur

£t qu'illui a dit cela.

18

Si les mots en italique ont quelque chance de circonscrire

effectivement Ie premier etat narratif du kerygme, on constatera

d'emblee combien leur signification paradoxale ouvre ala signi-

fiance symbolique de I' Autre. Marie-Madeleine voit Jesus,c'est-

a-dire Ie crucifie. Mais elle Ie voit « debout », indice d'un releve-

ment qui lui echappe4. L' Alterite qui s'entredit ainsi est alors

enoncee kerygmatiquement au suspensde son enigme : « J'ai vu

Ie SEIGNEUR, allusion a la Transcendance rrepresentable du

Nom impronon~able. Avoir vu ce qui demeure soustrait a la vue,

tel est Ie paradoxe. II ouvre l'humain a une position symbolique

nouvelle. Son commencement dans les choses,dans la mise en

lumiere de l'apparaitre, dans Ie langage qui l'ordonne, n'est pas

l'origine sour~ante de sa presence au monde. Celle-ci releve de

l'insaisissable,de ce Don immerite qui se donne de se derober.

De meme que Dieu, s'il s'incarne, n'a son origine ni dans nos

violences mortiferes ni dans nos projections emotionnelles, mais

dans a Parole qui s'en absout en nous rendant temoins. Dans Ie

kerygme biblique de la resurrection, c'est Ie sujet varIant dans sa

relation a l' Autre qui est nstitue, a la brisure de l'imaginaire 011

s'atteste l'insu de l'origine.

La signifiance symbolique ouverte par ce non-savoir para-

doxal va creuserde son echappee e jell des significations dans Ie

deploiement narratif que Ie kerygme suscite (v. 14b-17.18b et

Ilb-14a)5. Elle y parvient avec une economie de moyens remar-

quable. Interrogation sur l'alterite : « Qui cherches-tu ?» (v.

4. Le participe parfait EcrTWTa debout» a comme afTiere-fond semi-

tique en hebreu, arameen et syriaque, la racine qwm utilisee dans Ie

sellSde « relever, ressusciter» cf. Ap 5, 6 : «Je vis ...un agneau,debout

(E<JTI1K6s-),omme egorge... », et Ac 7, 55 : Stephane « vit la gloire de

Dieu et Jesus,debout (EaTWTa),la droite de Dieu ».

5.11 est probable que Ie fecit d'apparition des anges (11b-14a)est poste-

rieur au fecit de reconnaissance 14c-16+17),car il semble forme d'ele-

ments proches du fecit synoptique des femmes au tombeau. 11viserait

un souci d'harmonisation de la tradition et s'appuierait sur un redouble-

ment de la question: « Femme, pourquoi pleures-tu ?» empruntee au

verset 15a.

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239

ERYGME ET IMAGINAIRE

15a)oEquivoque du malentendu relayee par de constantsdouble

sells des mots: Seigneur / celui que j'ai suivi (vo13b), Seigneur /

Monsieur (vo15b), Rabbouni / Seigneur enseignant (vo16b) , ne

me touche pas / ne me retiens pas (vo17a)oSubtile entrelacs de

designations du corps: corps gisant de la depouille du crucifie

«< a ou gisait Ie corps de Jesus» v. 12), corps manquant de la vie

dans a disparition «< is ont enleve moo Seigneur» v. 13b, « si tu

l'as emporte» Vo15b), et finalement corps parlant du crucifie

«< esus ui dit» v. 15a. 16ao 7a)oEnfin, denouement du motif de

la reconnaissance par Ie truchement de la Voix nominatrice

engageant la parole en verite dans Ie pur signifiant du nom

propre, en appelant a la vie du sujet : «Mariam » (v. 16a). En

moins de six versets a signifiance du renversement paradoxal de

la foi au crucifie-Ressusciteest articulee. L'instance enonciatrice

qui parle dans ce texte s'y specifie et specifie celui qui ecoute

comme etant «autre» que tout ce qui est representable, donc

origine dans l'arcane sans representation d'ou la parole vient a

l'humain dans un don qui suscite et re-suscite sanscessesa pre-

sencevivanteoLa narration parvient a indiquer obliquement que

Ie lieu illocalisable du sujet vivant toujours a naitre n'est pas

notre commencementdans es pleurs et leur possible compensa-

tion imaginaire, mais la grotte originaire que Ie Tout Autre creu-

se en nons par Ie manque qui nons rend a la vie dans l'epreuve

de la mort.

Or, si nons nons tournons vers Ie developpement apocryphe

que Ie Livre de la resurrection de Jesus-Christ par l'apotre

Barthelemygreffe sur Jn 20, 11-18,que constatons-nous ? Pour

l'essentiel, une prolixite visionnaire s'exprimant dans Ie genre

litteraire du discours et procedant, comme dans Ie travail du

reve, par deplacements, condensations et figurations. Bien

qu'ancre sur es tenons de la tradition biblique, l'imaginaire tend

a conquerir toute la place au detriment de toute signifiance sym-

bolique qui Ie deprendrait de lui-meme. Tout se passecomme si

une tendance incoercible poussait Ie lissage des significations a

effacer ce qui relie a l' Autre pour lui substituer inconsciemment

un attachement au Meme. La mise en evidence de ce qui est en

jell dans e travail du deplacement,ci, pent eclairerce phenomene.

La substitution de Marie mere de Jesusa Marie-Madeleine est

evidemment un deplacementdecisif. li s'appuie d'ailleurs sur un

leger flottement de la tradition manuscrite du texte canonique6.

6. Outre l'hesitation entre Mapta et la transcription semitique MapLUj.l,

on remarque que In 20 donne successivement : Mapta 1']May8aATlvl'] (v.

1), Mapta (v. 11), MapLUj.l v. 16), MapLclj.l1']MayooATlvl'] (v. 18). La tradi-

tion apocryphe s'est engouffree dans cette mince faille

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240

M.FAESSLER

Mais ill amplifie. En enumerant une liste completee et detaillee

de toutes les femmes qui se rendent au tombeau (Marie de

Magdala etant la premiere nommee, sans specification), l apo-

cryphe met en scene Marie mere de Jesus comme figure de

toutes les femmes (8.1). Cette condensationsubstitue une image

conceptuelle (Marie va devenir « Ie» ventre maternel) a ce qui,

d un actant de la narration (Marie-Madeleine), renvoyait a

l ordre du sujet vivant. Des lars, ce qui dans Ie texte biblique

relevait, SallS e motif symbolique des anges,de l annonce voca-

tionnelle, se trans forme en entretien descriptif entre Marie

(dont l instance du nom propre est iee a une specification esote-

rique) et Ie vrai jardinier Philogene qui vient prendre, en l occul-

tant, la place du non-savoir paradoxal qu occupait Jesus (8.2).

Ce nouveau deplacement permet a Philogene de decrire dans Ie

registre de la representation visionnaire, ce qui, dans la narra-

tion johannique n avait lieu que de se soustraire a la prise de

Marie-Madeleine. La resurrection devient image de la resurrec-

tion. Elle s « idolatrise» pour entrer dans la logique d un dis-

COUTSmaginaire. «Le PeTesortit des hauteurs et de sa tente de

lumiere. 11vint au tombeau du (Sauveur) et Ie ressuscitad entre

les morts» (8.5). Le temoignage se confond avec objectivation.

Mais ce retour au Meme de l imaginable cache une nostalgie

plus profonde, celIe sansdoute de notre propre commencement.

C est pourquoi la mise en scene, par notre apocryphe, du dia-

logue entre Ie Sauveur et Marie va deployer ses arborescences

autour de ce qu il taut bien nommer Ie fantasme d une nostalgie

matricielle.

A nouveau la voix nominatrice qui devrait en appeler a

l ordre du sujet est estompeesous a comprehensionde formules

cryptees (9.1). Mais surtout, Ie rapport Fils / mere devient -a

l egal de la Transcendancedu PeTe la condition de possibilite

de l annonce de la resurrection. La paix est promise «a qui-

conque croira en man nom, et a Marie ma mere, vierge veri-

table, moo ventre spirituel, man tresor de perles, l arche des fils

d Adam...» (9.3). Le corps matriciel de notre commencement

figure tend a recouvrir Ie corps parlant de notre origine infigu-

fable. Et la benediction du ventre de Marie -demandee par elle

(10.1), authentifiee par Barthelemy (10.3), effectuee par Ie

Seigneurpuis par la Trinite elle-meme (10.4) et qui se prolonge-

ra au-dela du trepas (10.6) -vient tres exactement combler la

rupture signifiee dans Ie paradoxe ohannique du « ne me touche

pas / ne me retiens pas »... La au, au creur de la parole qui ren-

voie a l origine insue, on ne se laisse pas toucher par la

Transcendancede l Autre, Ie besoin de saisir, comprendre, tou-

cher la verite no us ramene a notre commencement, ou nous

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KERYGME ET IMAGINAIRE

241

benissonsce que DOllSmaginons La logique imaginaire qui en

decoule efface Ie reel de la Transcendancesalls une continuite

que notre apocryphe transcrit dans Ie my he d'une conception

virgin ale ou Ie Christ est un etre angelique qui a etabli sa

demeure dans Ie ventre de Marie et qui prolonge sa presence

corporelle de fa~on sacramentelle 11.2 et 11.1).

Cette comparaison d'un texte canonique articule au kerygme

pour en epouser la signifiance symbolique, et d'un texte apo-

cryphe prolongeant Ie donne biblique dans un retour aux seules

ressources maginaires de l'esprit et du langage,pose a question

de fond. N'avons-nous pas affaire dans Ie secondcas a un recou-

vrement de la force revelante novatrice qui, dans Ie premier cas,

s'est elle-meme imposee au choix canonique ? Camille si la

resistance en DOllS 1'« in-ouI» de la revelation christique pui-

sait sanscesse,de fa~on refoulee, dans les ressourcesmemes du

langage qui a servi a la communiquer. Le paganismenature de

notre etre-au-monde, la nostalgie archalque d'etre tout pour la

mere et en elle, nos echouementsa vivre Ie manque comme un

appel a quitter la terre natale pour advenir dans a parole, toutes

ces dimensions secretesen DOllSet d'autres encore -peuvent

a tout moment investir notre langage et Ie transformer pour sub-

tilement refuser l'heritage revelant. L'apocryphe temoignerait

de cette resistance,malgre et en depit de son apparence eligieu-

se. Notre tache serait alors d'en user a contrario, pour faire res-

sortir l'originalite du kerygme et de son premier deploiement

dans es ecrits canoniques.

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Walter REBELL

Universitede Lausanne

LESAPOCRYPHES-TEXTES

CONCURRENTIELS DU

NOUVEAU TESTAMENT

Every text acts in a particular way on its reader; comparing the

Apocryphon of John, the Epistle of Barnabas and the Gospel of the

Hebrews with New Testament exts, he author analyses his impact and

concludes that a certain number of apocryphal texts functioned -or

might have unctioned -in the same wayas canonical texts.

En s interrogeant sur les effets de l ecrit sur le lecteur -La pragmatique

du texte , cette contribution compare,a titre d exemples, Apocryphon

de Jean, la Lettre de Barnab6 et l Evangile des H6breux avec es textes

du Nouveau Testament our arriver a la conclusion qu un certain nom-

bre de textesapocryphesont eu -ou auraientpu avoir -les memes onc-

tions que les ecrits canoniques.

En qualifiant les apocryphes -ou plutot : un certain nombre

d ecrits apocryphes -de «textes concurrentiels du Nouveau

Testament», e ne pense pas a la definition classique mais faus-

se) que voici : Les apocryphes essaientde remplacer ou de sur-

passer es ecrits du Nouveau Testament.Telle n est pas man opi-

nion, car a l epoque de la redaction des apocryphes es ecrits qui

composeront plus tard Ie Nouveau Testament n avaient pas

encore accede au statut normatif qu ils ant aujourd hui pour

nous. On pouvait librement ecrire des textes, sans prendre en

compte un canon de textes saints et intouchables.

Le point de depart de ma reflexion est a fonction theologique

et sociologique d un texte -que ce soit un texte neotestamentai-

re ou un texte apocryphe. Un texte a des effets, il agit ; un texte

est formateur et exerce une influence sur la communaute qui Ie

lit. En part ant de ces effets, on peut comparer les textes apo-

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244

W. REBELl

cryphes et ceux du Nouveau Testament pour decouvrir qu il y a

des ressemblances. Les apocryphes -ou plutot : un certain

nombre d entre eux -ont les memes fonctions theologiques et

sociologiquesque les ecrits neotestamentaires.

Pour mieux comprendre comment un texte agit sur nons, ses

lecteurs, j aimerais inserer ici quelques reflexions hermeneu-

tiques en me basant sur l reuvre de Paul Ricreur. Ricreur parle

souvent du «monde du texte ». Pour Ricreur un texte est une

proposition de monde, d un monde que e peux habiter en y pro-

jetant une de mes possibilites es plus profondes.

M inspirant de cette idee, j ai fait -il Y a quelques anneesdeja

-des recherches sur l Evangile de Jean, et j ai decouvert que cet

ouvrage cree vraiment un monde, un monde sui generis.Dans

l Evangile deJean on pent vivre.

Un texte qui est une «proposition de monde» -pour

reprendre la formule de Ricreur -construit une realite et nons

invite a l habiter. Ce texte a une force enorme. Il nons attire, et il

structure par son potentiel semiotique notre fa~on de percevoir

Ie monde et de nons regarder nons-memes.Pour finir, nons ne

pouvons plus no us passer de ce texte. Nous devons y revenir

encore et encore pour nons confirmer dans nos convictions.

C est Ie signe que Ie texte nons a vaincus. Il definit maintenant

qui nons sommes, il etablit notre identite ; il determine egale-

ment de quelle maniere se compose notre realite, Ie monde spi-

rituel que nons habitons.

Pour ma part, je dois confesserque je me trouve -de la fa~on

que je viens de decrire -sons l influence des ettres de Paul et de

l Evangile de Jean. Sansces ecrits, je serais perdu, je serais sans

orientation. Je depends completement de ces textes. C est mOll

destin de vivre pour toujours avec eux -ainsi que de leur consa-

crer mOll potentiel de travail.

Voila comment un texte pent agir sur nons. Et cela ne vaut pas

seulement pour les textes du Nouveau Testament. C est egale-

ment Ie cas pour un certain nombre d ecrits apocryphes. Eux

aussi peuvent developper une force enorme et orienter notre

perception du monde et de nous-memes.Aussi sont-ils de veri-

tables textes concurrentiels du Nouveau Testament. C est ma

these principale.

Un texte pent donc construire un univers semantique et nons

inviter, voire nons forcer, a y vivre. N importe quel texte n a pas

cette capacite. Le texte qui construit un monde pour qu on y

vive doit avoir une consistance itteraire telle qu elle nons force

a quitter notre propre conception du monde et a suivre celIe du

texte. Ce texte s impose par l interaction de sesstructures semio-

tiques avec nos structures psychiques.SenIle texte qui arrive a

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TEXTES CONCURRENnELS I1IU NOUVEAU TESTAMENT

245

etablir cette interaction peut gagner de l influence sur DOllS.En

lui, DOllSDOllS etrouvons Dolls-memes.Et lui, de son cote peut

DOllSmontrer Ie chemin et no\ils y accompagner. li en va de

meme pour les relations humaines : ce ne sont que certaines per-

sonDesqui DOllS ttirent et que I1lous ommespreis a suivre. Au

fond, leur attirance, l influence qu ils exercent sur DOllS, e peut

s expliquer ; elle Testeun mystere.

Quittons maintenant ces reflexions hermeneutiques pour par-

courir quelques textes apocryphes. J aurais aime vous montrer

egalement comment un texte du Nouveau Testament -par

exemple l Evangile de Jean -fonctionne, comment il s impose et

DOllS ttire. Mais Ie temps a ma disposition ne suffirait pas; je

me limiterai donc aux «textes concurrentiels du Nouveau

Testament », aux apocryphes, et commencerai par l Apocryphon

de Jean.

L Apocryphon de Jean DOllSest transmis par la bibliotheque

de Nag Hammadi. On y a trouve trois versions differentes de ce

texte. Une quatrieme DOllSest donnee par Ie Papyrus de Berlin

8502. Avec l Apocryphon de Jean, la gnose a cree un ouvrage

capital qui exprime bien ses pensees et sa theologie. Plusieurs

generations de gnostiques ont vecu avec ce texte ; ils y ont trou-

ve leur propre definition et celie de leur perception de Dieu et

du monde. lis sont egalement ntervenus sur Ie texte -ce qui est

un signe de l importance que l on lui accorde : on s occupe de

lui.

Pour une certaine communaute (ou plutot : pour un cercle de

communautes), l Apocryphon de Jean a joue Ie me-me ole que

l Evangile de Jean pour sa communaute : toute la vie se basait

sur ce texte. Et l Evangile de Jean, lui aussi, a ete souvent retra-

vaille, complete, change. Du point de vue de la fonction qu ils

ont dans la communaute, l Evangile de Jean et l Apocryphon de

Jean sont des textes concurrentiels. Grace a ces deux textes, des

gens ont trouve leur cadre de vie.

Je Ie repete : n importe quel texte ne peut doDDerun cadre a

to ute la vie; l Evangile de Jean Ie peut ; ou l Apocryphon de

Jean Ie pouvait. Mais -pour prendre un exemple -Ie commen-

taire d Origene sur la lettre aux Romains n a pas cette capacite.

L Apocryphon de Jean raite presque tOllS es sujets de la theo-

logie, de la creation jusqu a la redemption. Tout ce que Ie

croyant doit savoir, ille trouve ici, il n a pas besoin de chercher

ailleurs, de consulter d autres textes. Ce n est cependant ni

l etendue du texte ni la variete des sujets traites qui font que Ie

texte s impose avec autant de vigueur. Cela tient plutot a sa psy-

chagogie.

L Apocryphon de Jean presente un systememythologique qui

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246

W. REBELL

est a la fois fascinant et absurde. J ai essayede classer e texte,

d y trouver un ordre, d en decrire Ie fil conducteur. Cela m a pris

plusieurs jours et je ne suis pas content du resultat de man tra-

vail. J ai eu l impression que Ie texte vent etre confus et que c est

par son desordre qu il no us captive. Petit a petit, il nons

encercle. Par beaucoup d allusions de toutes sortes -qui avaient

bien evidemment plus de sens pour les lecteurs de l epoque qui

partageaient l environnement socio-religieux de l auteur que

pour nons aujourd hui -Ie texte nons force a nons enfoncer tou-

jours davantage dans Ie monde qu il construit. Parce qu il a cette

capacite, il est un texte concurrentiel du Nouveau Testament.

Autrement dit : l Apocryphon de Jean savait doDDerune base de

foi et de vie a sa communaute.

En cherchant dans l Apocryphon de Jean Ie mythe gnostique,

tel qu il a ete reconstruit par Bultmann et Jonas, la recherche

moderne s ecarte du texte et se fourvoie. Ce mythe n a jamais

existe. Pour comprendre un texte comme l Apocryphon de Jean,

il taut lui appliquer une analyse pragmatique qui cherche a iden-

tifier Ie jell que Ie texte joue avec Ie lecteur afin de Ie captiver et

de l encercler. C est seulement lorsqu on approche Ie texte de

cette maniere qu on comprend sa structure «chaotique ».

J en veux pour preuve un autre exemple d un texte concurren-

tiel du Nouveau Testament: la Lettre de Barnabe. Cet ecrit n a

TieDde gnostique, ce qui montre que man approche de la littera-

ture non-canonique ne se limite pas aux documents gnostiques.

La Lettre de Barnabe n est pas vraiment une lettre, mais plu-

tot un traite religieux provenant d une ecole theologique, ecrit

par un auteur sans grande envergure, par un petit savant poin-

tilleux. Cependant, elle presente une conception de la foi qui

aurait pu devenir dangereuse pour l eglise. Pendant un certain

temps, la Lettre de Barnabe a occupe Ie meme rang que les ecrits

du Nouveau Testament et a beaucoup nfluence les communau-

tes chretiennes.

La specificite de la Lettre de Barnabe est son explication alle-

gorique et typologique tres poussee de l Ancien Testament.

Celui-ci se dissout completement et devient un deuxieme

Nouveau Testament. Il ne Testepas un seul fait dans l Ancien

Testament qui ne soit lu christologiquement. L Ancien

Testament porte en lui deja toutes les affirmations christolo-

glques.

L auteur de la Lettre de Barnabe dit par exemple qu il n y a

jamais eu d alliance entre Dieu et Israel. L ancienne alliance

etait en fait deja la nouvelle, l alliance chretienne. Qui pretend

que l alliance de MoIse etait pour Israel et non pour les chre-

tiens commet un peche. Ainsi, la Lettre de Barnabe derobe aux

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247

EXTESCONCURRENTIELSdu NOUVEAU TESTAMENT

Juifs toute leur histoire du salut et la revendique pour les chre-

tiens. Pour l auteur, si les Juifs et les chretiens avaient une partie

de l histoire du salut en commun, l exclusivite de la foi chretien-

ne serait aneantie.

A man avis, la Lettre de Barnabe foumit un exemple typique

d un texte concurrentiel du Nouveau Testament, et cela du point

de vue hermeneutique. Tout en prolongeant des tendances qui

existaientdeja, cette lettre offrait au christianismeprimitif un che-

min seduisant.Elle vehiculait toute une hermeneutique chretien-

ne concurrentielle au sujet de l utilisation de I Ancien Testament.

Mais cette hermeneutique aurait detruit la conception d une his-

to ire du salut et coupe les chretiens de leurs racines. L eglise

ancienne a donc pris une bonne decision en refusant finalement

d accepter a Lettre de Barnabedans e canon.

J ai choisi un troisieme et demier texte concurrentiel du

Nouveau Testament, un evangile judeo-chretien, I Evangile

seton es Hebreux.

L Evangile seton les Hebreux est proche des evangiles synop-

tiques sans pour autant dependre d eux. C est un melange extre-

mement interessant il reprend la matiere synoptique, des pen-

seesmythologico-gnostiques et des reflexions de la sagesseuive.

II pourrait confirmer la these de Dieter Georgi selon aquelle la

gnose est nee dans Ie judalsme, plus exactement dans Ie cou-

rant sapiential du judalsme. L Evangile seton les Hebreux est un

ecrit qui exprime la foi d un judeo-christianisme de la diaspora -

probablement egyptienne. L Evangile seton les Hebreux a joue

pour ce christianisme Ie meme role que I Evangile de Matthieu

pour sa communaute (judeo-chretienne, elle aussi).

Conclusion: Les apocryphes -ou plutot : un certain nombre

d ecrits apocryphes -ont eu ou auraient pu avoir les memes

fonctions que les ecrits du Nouveau Testament. Le point de

depart de ma comparaison entre les ecrits neotestamentaires et

les ecrits apocryphes n est pas Ie caractere ni Ie genre litteraires,

mais plutot la pragmatique du texte, la question des effets de

l ecrit sur Ie lecteur.

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CatherinePAUPERT

Paris

L'APOCRYPHE, FABLE CATECHETIQUE

Story-telling is an important means or transmitting cultural and reli-

gious traditions. In a Christian context apocryphal talesmight haveplay-

ed this educational and catechizing ole.

La fable joue un role essentieldans a transmission des traditions cul-

turelles et religieuses.Les apocryphespourraient bien avoir rempli cette

fonction pedagogique et catechetique ans a tradition chretienne.

Avant d'entrer dans Ie vif du sujet, il serait bon d'en delimiter

les contours, de dessiner es frontieres du territoire a explorer:

-Par fable, on entendra toute histoire racontee.

-Par catechese ou catechisme, on designera essentiellement

Ie symbole des Apotres et l'Ecriture canonique.

-Enfin, l'apocryphe sera considere dans les limites etroites

des textes qui ont vecu et prospere dans la tradition chretienne

occidentale. Presents dans toutes les formes d'expression, litte-

rature, devotions, theatre, liturgie, iconographie, ils ont forme

comme une quasi Vulgate: Vie de Marie, Enfance du Christ,

Passions,Vie des Apotres.

Il y a grand nombre de fa<;onsd'apprehender la realite : fa

philosophie, la theologie, l'histoire, les arts, et enfin Ie langage

de la fable.

De tout temps, la fable a ete un Dutil pedagogique (6 ~ueoS'

8TlAOlOTletc...), que ce soit la Genese, es paraboles, es midra-

shim, l'Iliade ou l'Eneide. C'est un Dutil efficace : on dira ainsi

«c'est un bon samaritain» ou encore «il a vendu la peau de

l'ours»; plus encore, il pourra meme provoquer des comporte-

ments extremes, et on se suicidera apres avoir lu Werther ou Ie

Disciple de Paul Bourget

Apocrypha 7, 1996, p. 249-251

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250

C. PAUPERT

Mais la fable est un langage symbolique qu'on a cessed'en-

tendre clairement depuis Ie XVlIIe siecle jusqu'a une bonne

moitie du XXe. L'esprit scientifique et rationnel, ou scientiste et

rationaliste, l'ont pen a pen occulte et ridiculise. Dans Ie domai-

ne religieux, un Duchesne ou un Dom Leclercq sont de bans

exemplesde celie surdite.

Depuis quelques decennies, a fable commence a regagner un

statut positif. On prendra quelques exemples dans la litterature

enfantine, particulierement significative. Les remarquables

intuitions d'un Bethelheim ant coIncide avec les phenomenes

qu'on pent observer dans Ie domaine de l'edition. Apres l'echec

des livres «realistes» d'inspiration suedoise, apres les «regle-

ments de comptes» d'un Frederic Dard ou d'un Fran<;ois

Caradec avec a Comtessede Segur, on voit aujourd'hui reeditee

in extenso a meme Comtessede Segur, ediffusee sansdisconti-

filler «La petit maison dans la prairie» ou encore «Les contes

d' Andersen» et bien d'autres enfin qui n'ont pas la pretention

de photocopier Ie « reel » quotidien.

Et l'interet porte aux apocryphes n'est sansdoute pas un phe-

nomene d'une autre nature.

Si, comme on est en droit de Ie penser, un certain nombre de

textes apocryphes remontent a la plus haute antiquite chretien-

De, ls soot donc, dans leur noyau primitif, contemporains des

premiers peres apostoliques. Si on prend en compte la rapide

expansion du christianisme (en effet, meme s'il est exagerement

optimiste, on ne peut negliger l'affirmation d' renee selon

laquelle l'Evangile est diffuse par toute la terre), Ie messagene

s'adressaitpas uniquement a ceux qui etaient capables de rece-

voir l'enseignement d'un Paul ou d'un Justin.

Est-il temeraire de penser qu'une evangelisationmoins elitiste

pouvait utiliser les moyens pedagogiques d'un usage courant et

tout naturellement en forger les outils ?

Si on se souvient de la destruction quasi tot ale des biblio-

theques chretiennes, deja fort importantes, sous la persecution

de Diocletien (303-313), on peut s'etonner que ces textes aient

survecu : ils devaient avoir une valeur et une fonction. A consi-

defer la fa~on dont ils out ete transmis -homelies, «recueils»

destines a former les clercs ou les moines, en general d'origine

monastique plus qu'universitaire -il ne parait pas outrecuidant

de leur attribuer une fonction pedagogique ou catechetique.

On en prendra comme exemple Ie manuscrit Iatin 11867de Ia

Bibliotheque nation ale de Paris (Marmoutier -Saint-Germain

des Pres) qui comprend, entre autres textes apocryphes, 'J ;van-

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L' APOCRYPHE, FABLE CATECHETIQUE

gile du Pseudo-Matthieuaugmente de quelques textes de l' Evan-

gile du Pseudo-Thomas et d'evangiles armeniens de l'enfance.

Quel enseignementse degage-t-il de ses differentes parties?

L'ouvrage commence par une Vie de Marie. On situe sa famil-

Ie, doni l'origine est davidique tant du cote paternel que'mater-

Del. Son peTe est un pasteur noble et juste, comme bon nombre

de personnagesde l' Ancienne Alliance. Elle est nee de parents

ages, comme Isaac, Samuel, Samson. Comme eux, elle a ete

offerte a Dieu des son eune age. Elle s'enracine doncbien dans

l' Ancienne Alliance.

Mais elle annonce deja la Nouvelle Alliance par sa virginite

consacree aDieu, insolite dans Ie judaisme. Pourtant Ie grand-

pretre non seulementaccepte son vreu, mais aide a sa realisation

en la pla~ant sous a garde d'un maTi age -tout au long du fecit

Ie pauvre Joseph est presente de fa~on si defavorable qu'il ne

peut en aucun casetre Ie vrai peTede Jesus.

Voila qui donne un premier gage de la virginite de Marie, qui

sera confirmee ensuite par l'ordalie et Ie temoignage des sages-

femmes.

La virginite de Marie est ordonnee a la divinite de Jesus qui,

loTs de sa naissance, avant meme que ne viennent les bergers,

sera manifeste comme la lumiere qui eclaire les tenebres.

Quand survient la illite en Egypte, par une serie de miracles,

Jesus-enfant affirme sa royaute sur toute la creation, les dra-

gons, es betes sauvages,es plantes, les eaux, Ie temps, l'espace,

et pour finir, sur les demons que soot les idoles. Jesus est donc

bien Dieu, fils de Dieu, ne de la Vierge Mirie.

Avec Ie retour de la sainte famille a Nazareth, on quitte Ie

domaine du dogme pour entrer dans celui de la morale, des devoirs

enversDieu, du comportementnormatif envers e prochain.

Si on se moque de Dieu, si on ne Ie reconnait pas, si on detruit

ses reuvres, si on veut lui en remontrer, Ie chatiment est imme-

diat; mais il peut etre aboli par la mediation de Joseph et de

Marie, par la confession de foi. Enfin, l'enfant Jesus donne

l'exemple de la bonne conduite a tenir envers sesproches : tou-

jours pret a rendre service, a prendre sa part des taches fami-

liales, a soulager es miseresdes uns ou des autres.

Devoirs envers Dieu, devoirs envers Ie prochain, c'est donc

l'essentiel de la morale chretienne qui est esquisse ci.

La fable a donc bien rempli sa fonction, grace a des images

simples et frappantes (0 combien ), elle a fait passer 'essentiel

du message: a Nouvelle Alliance est bien l'accomplissement de

l' Ancienne ; Jesus est bien Dieu, fils de Dieu, ne de la Vierge

Marie; il doit etre reconnu et revere comme tel. Et elle DOllS

invite a suivre l'exemple.

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MargueriteRASSART-DEBERGH

F.N.R.S.Bruxelles

LITTERA TURE APOCRYPHE

ET ART COPTEI

On the basis of a few examples aken rom iconographic representa-

tions of Christian Egypt, the author concludes hat the artists-although

they knew the apocryphal texts quite well -did not illustrate them too

accurately.

Sous ce titre trap vaste,e me suis bornee i presenter quelquesexem-

pies de l'iconographie d'Egypte chretienne; au terme de ce brei aper(:u, l

appert que les artistes out en ignorant nullement les textesapocryphesne

les ant guere llustres avec unegrande rigueur.

Dans la rubrique «apocryphes» du DACL, publiee il y a

soixante-dix aDs, Dom Leclercq constatait : « . Le role que

jouent les apocryphes dans la piete ' est considerable... Les

parents de la Vierge doivent aux apocryphes eur etat civil... Ce

qui fait l'interet considerable des apocryphes, c'est l'influence

qu'ils ont exercee sur l'iconographie chretienne »2, L'opinion de

Reau est identique : «La legende a toujours ete pour l'art reli-

gieux aussi econde que Ie dogme et les artistes, qui partageaient

la credulite du peuple, ne tenaient aucun compte de la differen-

ce etablie entre les ecrits canoniques et apocryphes qu'ils met-

1. Mes recherchesse imitent a la periode anterieure au xe siecle.Apres

cette date -comme l'a fort bien montre l'abbe Leroy pour les manus-

crits (1. LEROY, Les manuscrits caples et coptes-arabes illustres

[Bibliotheque archeologique et historique 96], Paris, 1974) -, l'art chre-

tien d'Egypte s'ouvre davantage aUK nfluences exterieures; en s'enri-

chissant, l perd ausside son originalite.

2. H. LECLERCQ, Apocryphes », DACL I, 2 (Paris, 1924), col. 2555-

2579 en part. col. 2555.

4pocrypha 7, 1996,p. 253-259

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254

M. RASSART-DEBERGH

taient naivement sur Ie meme plan »3. Et, dans ce domaine de

l art, plusieurs monographies centrees sur l Ancien et Ie

Nouveau Testament ant prouve l interet et la justesse de ces

remarques; je m en tiendrai a l une d entre elles. Dans la vaste

etude qu elle a consacree aux representations de l enfance de

Marie, Jacqueline Lafontaine-Dosogne met en lumiere de nom-

breusesnouveautes citons, parmi ces elements: la pourpre que

file Marie au moment de l Annonciation, l episode de Salome

dont la main se dessechepour avail mis en doute la virginite, la

grotte ou nail l Enfant, les mages representescomme des rois4.

L auteur note que les textes apocryphes n influencerent pas la

liturgie avant Ie VIe siecle ; elle cite Jean d Edesse qui se declare

oppose aces «histoires etrangetes et superflues, qui sont alle-

guees par beaucoup et sont ...lues, mais ne font pas partie des

livres saints »5; elle rappelle encore que c est en vain que saint

Jerome s est battu cantle les deliramenta apocryphorum et que,

des la premiere moitie du me s., Ie fecit de l enfance de la

Vierge est bien connu.

Un detail m avait frappe a la lecture de celie etude: l influen-

ce qu exer~a l Egypte dans la constitution du dossier

apocryphe6. Or, roes propres recherches dans Ie domaine de la

peinture caple? m avaient conduite a constater que les represen-

tations testamentaires demeuraient rares; celie caracteristique

se verifie dans les autres formes artistiques8. Partout dominent

3. L. REAU, Iconographie de l art chretien. I. Introduction generale,

Paris, 1955,p. 34-35.

4. J. LAFONTAINE-DoSOGNE,conographie de l enfance de a Vierge dans

I Empire byzantin et en Occident (Academie royale de Belgique.

Memoires de la Classedes beaux-arts,2esene 11, 3), Bruxelles, 1964

reed. augmentee 1994.

5. Ibid., p. 14 et n. 2 pour la citation.

6. Ibid., p. 18. Pour une vue d ensemble, voir M. v: MARINI-CLARELLI,

«Apocnfi », Enciclopedia dell Arte Medievale 2 (Rome, 1991), p. 167-

175.

7. M. RASSART-DEBERGH,La peinture corte avant Ie XlIe siecle. Une

approche », dans Coptica (Institutum Romanum Norvegiae. Acta ad

Archaeologiam et Artium Historiam Pertinentia 9), Rome, 1981,p. 221-

285 ; Ie tableau que j avais alors dresse a ete reproduit, en annexe de

mon texte, dans les pre-actes du colloque; on Ie completera par

«Representation d Apotres aux Kellia», Journal of Coptic Stu~ies 2

(1992), p. 29-42, et par «Alexandrie et la peinture chretienne d Egyp-

te », Graeco-Arabica 5 (1993),p. 321-328.

8. Vue generale dans The Coptic Encyclopedia, ed. A. S. ATIYA, 8 vol.,

New York -Toronto -Oxford, 1991 (=CE) ; cf. P. DU BoURGUETM.

RASSART-DEBERGHt al., «Biblical Subjects in Coptic Art », CE 2, p.

382-390,et « Christian Subjects in Coptic Art », CE 2, p. 526-544; pour

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LITrERATURE APOCRYPHE ET ART COPTE

255

les figures du Christ et de la Vierge, les archanges Michel et

Gabriel, les moines, les saints locaux, les cavaliers. Dans les

rares exemples nspires par I Ancien Testament, es artistes ont

privilegie Ie sacrifice d Abraham, les trois Hebreux dans a four-

naise9,Daniel dans la fosse aux lions, des episodes de la vie de

David, de Joseph et plus rarement de Jonas. Dans Ie Nouveau

Testamenro, ils ont surtout ete attires par I Annonciation, la

Nativite et les sujets s y rapportant, Ie Bapteme du Christ, l en-

tree a Jerusalem. On note certes quelques variantesl1, mais Ie

choix demeure assezsemblable jusqu au xe siecle. Toutefois,

meme au sein de l iconographie chretienne du VIe siecle, subsis-

tent une forme de paganisme et un gout pour les scenesde genre

qui amenent artiste a meler la vie quotidienne aux representa-

tions sacrees12.

II y a quelques annees, e professeur Gerard Roquet presen-

tait dans cette revue une communication metlant en evidence a

maniere doni les chretiens d Egypte avaient re~u et interprete

leg tissus, ct. P. DU BOURGUET, « Iconography of WaveD Textiles », CE 7,

p. 221-2230.

9. M. RASSART-DEBERGH, «Les trois Hebreux dans la fournaise en

Egypte et en Nubie chretiennes », Rivista degli Studi Orientali 58 [Studi

in onore di Ugo Monneret de Villard] (1987), p.141-151.

10. En peinture, leg themes inspires de la Bible se trouvent avant tout

dans leg chapelles funeraires d EI-Bagawat, dans l oasis de Khargeh

(reuvres du Ive au Vile s.) oil ils voisinent avec leg bateaux, leg

pampres, leg phenix et leg croix ankh, ainsi que dans un des edifices de

la region d Antinoe (pour la bibliographie, ct. n. 7). Quelques-uns figu-

rent sur des tissus isoles, mais ils soul surtout regroupes sur de grandes

tentures partiellement conservees : leg morceaux de l une d elles se

trouvaient autrefois it Berlin, d autres it Londres au Victoria and Albert

Museum; Ie morceau Ie mieux conserve est it Cleveland et un autre est

en restauration it la Fondation Abegg.

11. Le tableau que j avais dresse pour leg peintures (cf. n. 7) s applique

aux textiles, gaUr en ce qui concerne leg trois Hebreux, qui en paraissent

exclus, et it l exception de Joseph, credite d un cycle bien plus complet

que dans leg autres formes artistiques : Ie gouge, la trahison de ses freres

qui Ie jettent dans Ie puits, l enlevement par leg marchands et la vente it

Putiphar y sont representes ; par contre, Ie Teste de la legende est passe

sous silence.

12. C est ainsi qu on constate que l artiste n hesitera pas it remplacer,

autour de la croix, leg animaux symboliques par ceux qui l entourent :

des perdrix, des perroquets et meme des canards. Ces motifs apparais-

sent sur des peintures kelliotes reproduites dans P. MIQUEL -A.

GUILLAUMONT -M. RASSART-DEBERGHPh. BRIDEL -A. DE VOGUE,

Deserts chretiens d Egypte. Les Kellia, Nice, 1993, fig. 61, 149, 70-72.

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256

M. RASSART-DEBERGH

les apocryphes13. pres s etre longuement nteresse aux textes, il

mentionne un «choix de figurations integrant des motifs d apo-

cryphes »14.Ce choix pertinent n a rien perdu de son actualiteo

J aimerais simplement mentionner en complement des travaux

d ensemble ou des trouvailles survenus apres cette publication,

et proposer au jugement des specialistesquelques commentaires

personnels15. e suivrai l ordre adopte par Gerard Roquet dans

son enumeration: 1. Anne, mere de la Theotokos; 2.

l Annonciation et 3. l index de la Vierge indiquant son oreille ; 4.

Ie bain du Nouveau-Ne; 5. la Nativite; 6. la fuite en Egypte; 7.

l extraction des clous a la descente de croix; 80 e martyre d E-

sale; 9. la figure de Thecle ; 10. « notre Mere Ama Sibylle ».

En ce qui conceme Annonciation, Gerard Roquet mentionne

la celebre sculpture en bois conserveeau Louvre, une peinture de

Baomt, un bijou en or et trois evangeliaires.Une secondepeinture,

contemporaine de celIe de Baouit, fut decouverte au debut du

siecle en Basse-Egypte, Abou Girgeh; on y voit Marie assisesur

un trone et l archangeGabriel, qui s approcheen recitant a saluta-

tion16 mais c est surtout sur es tissusque Ie motif connut un grand

succes17. a representation particuliere de la «conception par

l oreille» a fait l objet d un travail de fin d etudesuniversitairesqui

constitue une mise au point excellenteet bien documentee18.

Outre les deux sculptures mentionnees par Gerard Roquet, Ie

bain de l Enfant est present sur quelques tissus19 t ressemble

13. G. ROQUET, «La reception de l image et du texte a motif d apo-

cryphes dans les chretientes d Egypte et de Nubie. Quelques aperCt us ,

Apocrypha 2 (1991), p.181-225.

14. Ibid., p. 204-212. ,

15. Dans Ie present article, je m en tiendrai a l Egypte.

16. E. BRECCIA, Rapport sur la marche du Service du Musee en 1912,

Alexandrie, 1912, p. 3-14; ferris dans M. RAsSART-DEBERGH,

«Peintures cortes de la regiion mareotique : Abou Girgeh et Alam

Shaltout », Annales de l Institut de Philologie et d Histoire Orientale et

Slave 26 (1982), p. 91-107.

17. Cf. notes 10 et 11.

18. K. URBANIK-W ALCAK, Die « Conceptio per Aurem ». Untersuchungen

zum Marienbild in Agypten unter besonderer Berucksichtigung der

Malereien in EI-Bagawat, Altenberge, 1922. L Annonciation est Ie theme

Ie plus souvent represente sur les tissus coptes; de l etude que j ai consa-

cree Ii. ce sujet «<La Vierge aux Kellia », Ii. paraitre dans les Actes de la

VIle Joumee d F;tudes coptes, Neuchatel, 18-19 mai 1995), il appert qu il

n existe aucun canon; les details varient d un objet Ii. autre.

19. Specialement sur les vastes tentures mentionnees Ii. a note 10; ega-

lement sur un tissu d Akhmin conserve au Metropolitan Museum Ii.

New York. Bon apercu ~lobal du theme par V. JUHEL. «Le bain de

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LITrERATURE APOCRYPHE ET ART COPTE

257

curieusement a celui de Dionysos tel qu'il figure sur une autre

grande tenture2o.

A la Nativite de Faras21, n ajouterales representations sur

les textiles et sur quelques sculptures22 on y note toujours une

construction on repose 'enfant, la presencede Joseph, ainsi que

celIe de l'ane et du breuf23.

La fuite en Egypte a peu retenu les artisans avant Ie xe siecle ;

on mentionnera outre la peinture du Deir Abou Hennis24,un

tissu du Musee Benaki a Athenes25.11en va de meme pour Ie

supplice du Christ, doni on note toutefois l'existence des Ie lIIe

siecle26.

Je m'attarderai un moment aux deux derniers exemples cites

par Gerard Roquet. La serie des Vertus de l'Esprit mentionnees

comme compagnesde Sibylle sur une peinture de Baouit (cha-

pelle III) figure a plusieurs reprises dans les monasteres de

l'Enfant Jesus. Des origines a la fin du 12e siecle »,. Cahiers

Archeologiques 39 (1991), p.111-132,

20. A. GRUBER, La tenture de Dionysos de la Fondation Abegg,

Riggisberg, 1987.

21. CelIe peinte dans a cathedrale est seule prise en compte; elle est la

plus complete, mais d'autres exemplaires furent decouverts dans

d'autres egiises, ainsi a Paras «<Rivergate Church»), a Abdallah Nirqi

et a Sonqi fino.

22. M. RASSART-DEBERGH,Nativity», CE 2, p. 534-536.

23. Le role de Joseph a ete souligne par P. 1ESTINI, «AIle origini

dell'iconografia di Giuseppe di Nazareth », Rivista di Archeologia

Cristiana 48 [Miscellanea in onore di Luciano de Bruyne e Antonio

Ferrua I] (1972),p. 271-274.

24. H. LECLERCQ,Antinoe », DACL I, 2 (Paris, 1907),col. 2326-2359,

en. part. col. 2344-2350; ct. egalement M. RASSART-DEBERGH,La

peinture corte avant Ie XlIe siecle » (n. 7), p. 236-240.

25. L. DE CHAVES,«'La Illite en Egypte et Ie retour des Mages'.

Medaillon corte de la collection du Musee Benaki », Bulletin de la

Societed'Archeologie Caple 23 (1994),p. 57-62.

26. M. RASSART-DEBERGH,Le Christ et la Croix dans l'art corte »,

dans Coprology. Past, Present, and Future. Studies in honour of

Rodolphe Kasser,ed. S. GIVERSENM. KRAUSE P. NAGEL Orientalia

Lovaniensia Analecta 61), Leuven, 1994, p. 45-69. On lui prefere la

representation de la croix glorieuse, ct. M. RASSART-DEBERGH,

« Quelques croix kelliotes » dans Nubia et Oriens Christianus. Festschrift

fur C. Detlef G. Muller zum 60. Geburtstag, ed. P. O. SCHOLZet R.

STEMPEL Bibliotheca Nubica 1), Cologne 1987, p. 373-385, et M.

RASSART-DEBERGH,Le theme de la croix sur les peintures murales

des Kellia, entre l'Egypte et la Nubie chretiennes », dans Nubische

Studien. Tagungsakten der 5. internationalen Konferenz der

International Society or Nubian Studies. Heidelberg,22.-25. September

l ,1iB,2,d. M. KRAUSE,Mayence, 1986,p. 363-366.

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258

M. RASSART-DEBERGH

Baouit et de Saqqara27, t leur nombre varie d'une peinture a

l'autre28.

Quant a Thecle29, elle semble avoir joui d'une certaine

faveur3°; on peut ajouter aux deux peintures d'EI-Bagawat (cha-

pelle 30 et 80), a l'ampoule en terre cuite et au relief du Caire

mentionnees, un second relief (conserve au Brooklyn Museum,

inv. 40.299) et plusieurs ampoules: au moins deux au Louvre

(inv. AF 7035 et MNC 1926), une a Londres (BM, inv. EA

69839) et une autre a Kansas City (Nelson Fund 48.10) l'icono-

graphie de la sainte et des fauves auxquels elle fut livree vane

d'un objet a l'autre. Les figurations de Thecle a EI-Bagawat sont

sans doute plus nombreuses Fakhry interprete leg personnages

de la chapelle 25 comme etant Thecle et Paul conversant31,et

dans la chapelle 30, ce sont deux episodes du martyre de Thecle

qui sont representes32. n outre, il n'est peut-etre pas ininteres-

sant de rappeler deux remarques faites par H. Stern et J.

Schwartz33a propos des peintures d'EI-Bagawat; ce dernier

constate que «Aux motifs typologiques du choix de Thecle

comme image de salut ...s'ajoute peut-etre Ie fait, dans un mau-

solee, que selon leg 'Acta Pauli et Theclae' c'est la priere de

Thecle qui a sauve l'ame de la defunte... » .34.De son cote, H.

Stern avail fait remarquer que leg rraepEVOLont au nombre de

sept au lieu de cinq ; au lieu des Vierges sages, l propose35 oil

de lief Ie cortege a l'image de Thecle, l'interpretant alors comme

27. M. RASSART-DEBERGHJ. DEBERGH,«A propos de trois peintures

de Saqqara », dans Coptica (Institutum Romanum Norvegiae. Acta ad

Archaeologiam et Artium Historiam Pertinentia 9), Rome, 1981,p. 187-

205, en part. «Des murs et des Vertus », p. 193-201.

28. R.-G. Coquin leur a consacre ine,penetrante etude: R.-G. COQUIN,

«Les vertus (aretai) de l'Esprit en Egypte », dans Melanges d'Histoire

des Religions offerts i Henri-Charles Puech, Paris, 1974,p. 447-457.

29. L. HAYNE,«Thecla and the Church Fathers », Vigiliae Christianae48

(1994), p. 209-218.

30. R. DU BOURGUET,« hecla, Saint », CE 2, p. 540-541.

31. A. FAKHRY,The Necropolis ofel-Bagawat in Khargeh Oasis (SAE,

The Egyptian Deserts), Le Caire, 1951, fig. 74; l'ensemble est repris

dans M. RASSART-DEBERGH,La peinture corte avant Ie XII siecle»

(n. 7), p. 232-235,en part. fig. 4.

32. H. STERN, «Les peintures du Mausolee de 1 Exode' a El-

Bagaouat », Cahiers Archeologiques 11 (1960),p. 93-229,en part. p. 100

et 105.

33. J. SCHWARTZ,Nouvelles etudes sur les fresques d'EI-Bagawat »,

CahiersArcheologiques 11 (1960),p.1-11.

34. Ibid., p. 6 et notes 1 a 3.

35. H. STERN, rt. cit., p. 106.

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259ITrERATURE APOCRYPHE ET ART COPTE

«une procession de religieuses servant dans une des basiliques

de la martyre », soit d y voir les vierges saintes, Piste, Helpis,

Agape et Sophia, les «Vertus de l Esprit» jouissant, en eifel,

d un culte particulier en Egypte36.

Je voudrais, pour terminer, mentionner un theme qui connut

un grand succes dans l art chretien: la Descente aux Enters.

L art byzantin, comme l art ethiopien ant aime montrer Ie Christ

qui ramene des Enters Adam et Eve. Ce sujet est absent,

semble-t-il, de la premiere iconographie copte, ce qui me parait

d autant plus etonnant qu il existe une filiation de «la Descente

aux Enters» entre les textes coptes et egyptiens37.I me parrot,

au terme de ce brei aper~u de l iconographie copte, que les

artistes n ont certes pas ignore les textes apocryphes,mais qu ils

ne les ant pas suivi avec une grande rigueur lorsqu il s agissaitde

les illustrer.

36. Ct. notes 27 et 28. J ai en cours une etude sur l iconographie de

Thecle au depart de peintures encore inedites decouvertes aux Kellia.

37. A. PIANKOFF, La descente aux enters dans les textes egyptiens et

dans es apocryphes coptes », Bulletin de la Societed Archeologie Copte

7 (1941),p. 33-46.

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Nicole THIERRY

Ecole Pratique desHautes Etudes,Paris

L ICONOGRAPHIE C

L AFFRONT FAIT A

PROTEVANGIL

In the ProtevangeliumJacobi we ind a scenewhere a servant s offen-

ding her mistress.Whereas he insult to Anne has beenpreserved in the

Greek text, it was altered in the versions and soon misunderstood and

forgotten in Byzantine world. Illustrations of the episodeare very rare.

The one preservedat K,ZU C;ukur revealsGraeco-Oriental characteristics

and stands or the sameHellenistic background as the text itself

Dans l histoire de la conception de Marie d apres Ie Protevangile de

Jacques, episode de l affront fait a Anne par sa servantese trouve dans

la plus ancienne redaction (Papyrus Bodmer 5). Le sujet a ere conserve

dans Ie texte grec, mais altere dans d autres versions. Dans Ie monde

byzantin lui-meme, il a ere vite incompris et oublie. Les illustrations en

sont exceptionnelles.Celie conservee Klzll C;ukur; en Cappadoce, ele-

ve d une iconographie greco-orientalequi ref/ere e meme trefonds helle-

nistique que Ie texte.

Il s agit de l episode qui objective la honte attachee ala sterilite

premiere d Anne et, par constraste, la gloire de sa future matemi-

te. Sa servante Judith lui offre « un bandeau royal» qu Anne refu-

se, s en trouvant indigne. Cette peripetie repond a l affront fait a

Joachim dont les offrandes au Temple sont refusees.

Judith dit a Anne: « ...Voici qu est arrive Ie grand jour du

Seigneur et il ne t est point permis de te lamenter. Prends plutot

ce bandeau (KE<j>a>.o8EUfJ.LOV)ue m a donne la maitresse du servi-

ce et qu il ne m est pas permis de ceindre, parce que je suis une

servante et qu il a une marque [au : une allure] royale (xapaKTi }pa

EXEL 3auL)..LKOV).t Anne dit : Va-t -en loin de moi ; et je ne Ie ferai

pas, et Ie Seigneur m a humiliee a l exces...» (Protev. 11,2-3).

Avocrvvha7. 1996. .261-272

APPADOCIENNE DE

ANNE D APRES LE

E DE JACQUES

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262

N. THIERRY

A proposdo texte.

Nous utili sons deux editions en raison de leur presentation

critique differente, celles des R. P. Emile Amann et Emile de

Strycker. L episode et Ie vocabulaire ont donne lieu a des inter-

pretations, mais Ie texte est Ie meme. A propos du bandeau, E.

Amann a traduit xapaKT1 )pa EXEl f3aalAlKov par «il a une allure

royale » et E. de Strycker par « il porte une marque royale ».

E. Amann considerait qu il s agissait en fait d un diademe

(8la8Tl~a) «au sens etymologique du terme, c est-a-dire Ie ban-

deau plus ou moins orne qui sert a retenir les cheveux, et qui,

fixe au bas de la tiare perse, devient un ornement royal »2. Le

bandeau etait aussi un «embleme de consecration dans les cir-

constances les plus diverses »3.

D un autre cote, E. de Strycker a retrouve Ie mot KE<j>aAo6Eal,J.lOV

dans les dictionnaires de Sophocles et de Stephanus et dans Ie

Lexicon de Miiller. Enfin, dans l Edit du maximum de

Diocletien (fin du lIIe s.), ce bandeau figure dans la lisle des

objets tarifes, trois categories de qualite y etant distinguees4. Le

sens d « estampille », «marque », pour xapaKTf Jpn est pas connu

pour un tissu, mais de Strycker pense qu il convenait ici, Ie ban-

deau pouvant provenir d un atelier de lissage royal5. Cependant,

ce bandeau qu il dit «objet usuel de la toilette feminine »6 reste

une rarete du vocabulaire et ne correspond pas a ce que DOllS

connaissons de la velure des femmes des premiers siecles, dont

la tete etait Due ou couverte d un voile leger ou d un pan du

1. E. AMANN, Le Protevangile de Jacques et ses remaniements latins,

Paris 1910 [=AMANN], p. 184-187. E. de STRYCKER,La forme la plus

ancienne du Protevangile de Jacques (Subsidia hagiographica 33),

Bruxelles 1961 [=STRYCKER],p. 68-71, 305-306, 406-407.

2. AMANN, p. 186.

3. DAREMBERG-SAGLIO, Dictionnaire des Antiquites grecques et

romaines, II, 1892, p. 119-121. Dans un courrier tres documente, dont

nailS Ie remercions vivement, M. E. Will nailS a precise qu Alexandre

l emprunta aux Perses «mais Ie diademe royal hellenistique est un ban-

deau blanc orne sur les bards, porte nOlle autour de la tete nile, ses

extremites a franges dorees tombant dans Ie dos» (d apres Ie Kleine

Pauly, s. v. «diadema») ; ce diademe macedonien a ete largement diffu-

se par les successeurs d Alexandre et legue a une serie de souverains

orientaux, dont les rois parthes (lettre du 16-3-1994). Pour la symbo-

lique royale du diademe dans Ie monde hellenistique, voir plus bas.

4. STRYCKER, . 305-306.

5. STRYCKER, . 308 et p. 71, n. 7.

6. STRYCKER, . 407.

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L ICONOGRAPHIE CAPADOCIENNE DE L AFFRONT FArr A ANNE 263

maphorion, exceptions faites des personnifications allegoriques

ou des mperatrices7.

E. Amann datait l histoire de Marie de la fin du lie siecle et

attribuait l reuvre a un chretien hellenisant d Egypte, l ensemble

du Protevangile etant place au debut du lye siecle8.

E. de Strycker datait l reuvre de la secondemoitie du lie s., Ie

plus ancien manuscrit, Ie Papyrus Bodmer 5, deja cQmplet,etant

situe entre 200 et 400 il hesitait a dater d avant l an 300 Ie fecit

de la Nativite de Marie9. II fixait l origine du Protevangile en

Egypte, par elimination des autres contrees possibleslo.

D apres ces etudes, Ie passage qui nous interesse est donc

place a l epoque 0\1 hellenisme etait encore florissant, aussi

bien en Egypte que dans Ie Testedu bassin mediterraneen orien-

tal.

Le bandeau comme la scene elle-meme out embarrasse les

traducteurs anciens. Les versions syriaques, es plus anciennes,

tantot sont fideles au texte gredl, tantot Ie modifienP2. La ver-

sion georgienne parle d un accessoiredoni on se couvre la tete13,

les armeniennes antot n identifient pas l objet offert, tantot sup-

priment l episode14 l ethiopienne, de date plus tardive, parle

d un omement royal offert par une voisine15.

Nous ne donnons la que des indications, l enquete etant evi-

demment a completer. II apparait cependant clairement que Ie

sujet a rapidement paru obscur.

Temoignagesrcheologiqnes.

C estce qui ressortegalement e l imagerie qui nous estpar-

venue. L illustration de la scenen est connueque par un tres

7. R. BIANCHIBANDINELLI, ome. La fin de [ art antique,Paris 1970, ig.

263,264,285,318,327,328 (allegories, fig. 228, 304); A. GRABAR,Le

premier art chretien, 200-395,Paris 1966, ig. 58, 68, 69, 114-120, 146,

231-232,etc.

8. AMANN,p. 77-100.

9. STRYCKER,. 14,22,195-197.

10. STRYCKER,. 419-423.

lL AMANN,p. 186,n. 2.

12. STRYCKER,. 305,n. 1.

13. G. GARITfE, «Le Protevangile de Jacques en georgien », Le

Museon 70 (1957), p. 243. Nous remercions ici B. Guttier de sa traduc-

tion du texte.

14. Dans les versions traduites par H. QUECKE, ans STRYCKER,. 448,

460.

15. AMANN,p. 187.

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264

N. THIERRY

petit nombre d exemples et a vile donne lieu a confusion avec a

scene res signifiante de la Visitation, visite de Marie enceinte de

Jesusa Elisabeth enceinte de Jean-Baptiste.

Comme illustration ancienne, on peut citer un episode du

cycle de la Vierge sculpte sur une des colonnes du ciborium de

Saint-Marc de Venise16, ne plaquette d ivoire d un cycle aujour-

d hui incompleP7 et la scene d un cycle peint a KIZll (:ukur, en

Cappadoce18.

Apres des siecles d oubli, la scene reapparait sur deux aers

brodes fusses doni l encadrement est constitue par Ie cycle

mariap9.

L exemple venitien est particulier : la servante vient veTS nne

en tenant a bout de bras une sorte de large bandeau duquel pen-

dent deux rubans (fig. 5). Les scenesdes broderies fusses fig. 3)

proviennent d une imagerie ancienne disparue ou sont Ie fruit

d une relecture de l apocryphe grec; l illustration est realiste ;

Judith presente sur sa main un mince bandeaudeplie. Les jalons

iconographiques sont fares, l un peint peut-etre a la Peribleptos

de Mistra, un autre altere dans eglise de Pelendri de Chypre oil

l une des deux servantes qui assistenta I Annonce a Anne tient

deux rubans; ailleurs la servante n est qu un temoin20.

16. CEuvre du Ve-VIe siecle rapportee de Constantinople ou pastiche

venitien du Xllle ; Ie cycle tres developpe comprend 18 scenes; ct.

Jacqueline LAFONTAINE-DoSOGNE,conographie de l Enfance de la

Vierge dans [ Empire byzantin et en Occident, , Bruxelles 1964,p. 62,pl.

1, p. 68-70.

17. Ivoire de Leningrad, du VIe siecle, dont ne Testequ une seconde

scene, I Annonce Ii Anne de sa maternite; W. F. VOLBACH,

Elfenbeinarbeitender Spiitantike und des riihen Mittelalters, Mainz 1952

, n° 129; H. L. KESSLER, ans Age of spirituality. Late Antiquity and

Early Christian Art, Third to Seventh Century,ed. K. WEITZMANN,New

York 1979, n° 459-460,p. 510-512. La scene de I affront etait decrite

camille une Visitation, jusqu li son identification par H. L. Kessler et

nous-meme «< dentification de deux ivoires paleochretiens », Journal

des Savants 1978],p.185-188).

18. Cycle de treize scene que nailS attribuons au Vile siecle ; ct. N.

THIERRY,Haut Moyen Age en Cappadoce. Les eglisesde la region de

<;avu~in, I, Paris 1994,p. 215-232

19. Aers de Souzdal et Riazan, xve siecle; J. LAFoNTAINE-DoSOGNE,

op. cit.,p. 72, ig. 24, 25 (notrefig. 3), 26.

20. J. LAFONTAINE-DoSOGNE,p. cit., p. 72-73, ig. 27; elle a pu exister

aussi en Georgie ou les cycles mariaux etaient nombreux et developpes,

avec des episodes rarement representes,camille Joachim lisant Ie Livre

des Douze tribus Ii Axt ala; ct. A. LIDOY, The murals Paintings of

Akhtala, Moscou 1991,p. 43-44, ig. 27.

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265

 ICONOGRAPHIE CAPADOCIENNE DE L AFFRONT FAIT A ANNE

L ivoire de Leningrad est incontestablement ancien, faisant

partie de cette production d epoque protobyzantine attribuee

tantot a l Egypte tantot a la Syrie. II mantle Judith et Anne

debout et conversant, Judith brandissant sur Ie cote Ie bandeau

plie en deux (fig. 1). Celie image des deux femmes face a face a

longtemps ete decrite comme une Visitation.

II est curieux de voir que celie confusion des historiens de

l art avait deja ete faite par les imagiers contemporains eux-

memes, puisque la scene a ete utilisee comme Visitation des Ie

VIe-VIle siecle sur une reliure d ivoire, Ie plat posterieur de l E-

vangeliaire de Saint Lupicin21 ou l attitude des deux femmes est

a peu pres celIe qui est la leur sur l ivoire de Leningrad (fig. 2).

Si l on ne remarque pas Ie linge tenu par une des nterlocutrices

de celie scene de conversation, la confusion est facile en effet.

Elle etait renforcee par la proximite, dans les deux cas, d une

scene d apparition de l ange, soit qu elle suive la scene de l af-

front a Anne, soit qu elle precede la visite de Marie a Elisabeth.

Celie confusion caracterise une petite selie d encensoirs syro-

palestiniens, dont Ie meilleur exemple est celui de Florence (fig.

4)22. Autre devoyement, Ie nom de la servante Judith,

H Or8AN, fut donne ala servante de Marie dans les scenesde

Visitation d un petit groupe d eglises cappadociennesdes Ixe-Xe

siecles23.

On peut conclure que Ie schema conographique de l ivoire de

Leningrad correspond a un prototype rapidement abandonne en

tant qu affront fait a Anne, l episode de l apocryphe etant deve-

nu incomprehensible. Cependant, e schemaen tant qu image de

la Visitation ne lui survecut guere, et la selie des encensoirs

« mesopotamiens» testa sanssuite.

L ivoire de Leningrad a aussi l interet d offrir des ressem-

blances avec leg peintures cappadociennes de la chapelle de

Joachim et Anne dans Ie vallon de KtZll (:ukur, tant par Ie style

que par la typologie de la scenesuivante -I Annonce a Anne de

sa maternite par un ange est semblable dans eg deux cas24.

21. W. F. VOLBACH, Op. cit. (n.17), n° 145.

22. lIs sont dits du type 6 a A et 6 d ; cf. IIse RICHTER-SIEBELS, Die

paliistinensischen Weihrauchgefiij3e mil Reliefszenen aus dem Leben

Christi, Berlin 1990, p. 22, 27,57,288-289.

23. Trois eglises des environs d Ihlara, STRYCKER,po 69, 313-315; N. et

M. THIERRY, Nouvelles eglises rupestres de Cappadoce, Region du

Hasan dagI, Paris 1963, p. 49, 118, 144,248 (add. corr.), fig. 144, pl. 30 b.

24. N. THIERRY, op. cit. (n. 18), pl. 111 et 118. C est it partir de la suite

cappadocienne qu a pu etre identifie Ie sujet de l ivoire (cf. n.17).

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266

N. llllERRY

Le cycle cappadocien de la conception et de l enfance de la

Vierge, que DOllS atons du VIle siecle25, pporte de nouvelles

donnees. L originalite de la scenede l affront vient de ce qu elle

est representee comme une scene d investiture (fig. 6). La ser-

vante debout devant Anne, Ie bras leve, lui tend Ie bandeauplie

comme un diademe ou une couronne. La raideur du bras tendu

et les formes sans epaisseurdes personnages appellent l art du

temple de la Triade palmyrenienne it Doura Europos; en

revanche, Anne est figuree dans l attitude greco-romaine de la

conversation assise26,e style de la peinture correspond it un art

byzantin orientalise, qui associe es survivances de l hellenisme

et la schematiquedes regions syro-mesopotarniennes27.

Cet heritage explique les analogies que DOllS onstatons avec

la gestuelle de l iconographie royale parthe, malheureusement

peu representee, et de l iconographie royale sassanidequi suivit.

La premiere a conserve une sobriete proche des sources

grecques, alors que la seconde, abondamment llustree, est tres

sophistiquee, caracterisee par Ie volume et les plis des pans des

diademes qu on tend aUKvainqueurs ou aUK ois (fig. 8, 10), et

qui contraste avec Ie rub an assezmince sur les tetes des suces-

seursd Alexandre28.

Le schema cappadocien de celie pseudo-scened investiture

provient sans doute d un repertoire de scenes profanes dans

lequelle peintre aura puise -repertoire ayant conserve e theme

connu d inspiration hellenistique. En Iran, sur les monuments

sassanides, n multiplia les representations dites «dynastiques »,

derniers temoins de la tradition29.

25. Sur un faisceaud elements concordants; cf. N. THIERRY, p. cit. (n.

18), p. 229-236.

26. R. GHIRSHMAN, arthes et Sassanides, aris 1962, ig. 59 et 60 (plus

lard chez es Sassanides fig. 242, 244-254,259). Encyclopediephotogra-

phique de l art, III, Paris 1938 , p. 313 c; A. GRABAR,L Age d or de

fustinien, Paris 1966, ig. 110; W. F. VOLBACH,op. cit., ivoires no 129

(celui de Leningrad), 161, 169,174.

27. Cf. l analyse de cet art de la fin du VIe siecle et du Vile dans V.

LAZAREV,Storia dellapittura bizantina, Turin 1967,p. 73-75,85-88; N.

THIERRY, p. cit. (n.18), p. 229-232 etude du style).

28. R. GHIRSHMAN,p. cit., fig. 157, 211, etc. ; IDEM,«Les scenesd in-

vestitures royales dans l art rupestre des Sassanideset leur origine »,

Syria 52 (1975),p. 119-129 souvent, es pans flottent au vent). Pour les

rois seleucides, f. J. CHARBONNEAUXR. MARTIN F. VILLARD,Grece

hellenistique.330-50 avant f.-C., Paris, 1970, ig. 369, 378, 379, 384; W.

WROTH, Catalogue of the Greek Coins of Galatia, Cappadocia and

Syria,Londres 1899,pl. VI, XIV, XXV

29. Tradition assureepar les textes ; ct. E. WILL, « L art sassanideet ses

predecesseurs», Syria 39 (1962), p. 47-49, pl. I et II; H. VON GALL,

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L ICONOGRAPHIE CAPADOCIENNE DE L AFFRONT FAff A ANNE 267

Le type de ce bandeau est encore mis en question par l image

cappadocienne d Anne expectante (fig. 7), sujet unique a notre

connaissance3o.nne ne porte plus Ie maphorion qui couvrait sa

tete, mais un bandeau assez arge qui retient ses cheveux repan-

dug sur leg epaules. La scene fait suite au baiser qu echangent

Joachim et. Anne lorsqu ils se rencontrent a la porte de la ville

(Prote-v. V, 2-3), scene conventionnelle de la conception d un

enfant, suivie par consequent de celIe de sa naissance31. nne

est deb out entre deux petites servantes qui appuient sur son

ventre. Contrairement a diverges scenes d accouchement, l en-

taut ne parait pas entre leg pieds de la parturiente, Ie peintre

ayant sans doute hesite a etre trop realiste32. On remarque

d ailleurs la pose hieratique d Anne, composition de type triom-

phal dont la frontalite peut etre definie comme caracteristique

de l Orient hellenise33.

Cette creation iconographique ne correspond pas au texte. II

est vraisemblable que l artiste a voulu repondre a la scene de

l affront, et qu il a represente comme une reine Anne mettant la

Vierge au monde. Anne est alors coiffee du «bandeau royai »,

ici brode et orne de franges, dont leg pans encadrent sa tete au-

dessusdes epaules. La fa~on dont Ie bandeau est dispose sur Ie

front et nolle en arriere, leg pans tomb ant lateralement, evoque

Ie port du diademe suivant la mode parthe (fig. 9)34.D autre

«Beobachtungen zum arsakadischen DiadefJ und zur partischen

Bildkunst », Istanbuler Mitteilungen 19-20 (1969-1970), . 315.

30. N. THIERRY, p. cit. (n. 18), p. 221-224.31.

Etude faite par J. LASSUS, illustration byzantine du Livre des Rois,

Vaticanusgraecus333, Paris 1973,p. 32, ig. 3.32.

Meme ainsi, Ie sujet ne semble pas avoir ete reproduit, alors qu il

Testad usage pour illustrer certaines scenesd enfantement de l Ancien

Testament ou de recits profanes (mais de fa~on realiste : ct. n. 31, et

dans A. GRABAR, Christian Iconography. A study of Its Origins,

Princeton 1968, ig. 308-310; ce demier, p. 129, presentait la scene de

KIZII C;ukur comme une immaculee conception de Marie, second stade

d une iconographie connue par une peinture des environs de l an 1300,

a Ohrid; il suivait en cela J. Lafontaine-Dosogne et Gordana Babic; la

demonstration de J. Lassus a infirme cette hypothese aux bases erro-

nees).33.

Telle que l ont definie E. WILL, «Art parthe et art grec », dans

Etudes d archeologie classique 2 (=Annales de l Est publiees par

l Universite de Nancy 22), Paris 1959,p. 133-135; IDEM,«Les elements

greco-romains dans l art sassanide», dans Iconographie classique et

identites nationales (Bull. de Correspondance hellenique, Supplement

14), Paris 1986,p. 440-444 theme du souverain tronant de face) ; IDEM,

op. cit. (n. 29) et H. yon GALL, op. cit. (n. 29), p. 315-317.34.

H. VONGALL, op. cit. (n. 29), p. 299-318 (303), pl. 59-62; fig. 4 (notre

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268

N. TmERRY

part, leg longues boucles de cheveux etalees sur leg epaules

appartiennent it une tradition hellenistique repandue dans Ie

monde romain et oriental et qui disparait au COUTSe l epoque

protobyzantine35.

En bref, la figure d Anne expectante (fig. 7) est unique dans

l imagerie byzantine, comme la typologie particuliere de l af-

front (fig. 6).

Aussi, no us pensons que leg deux representations qui se

repondent -l affront et Ie portrait triomphal d Anne -refletent

Ie trefonds hellenistique du texte, sans doute par Ie hasard de

survivances conographiques relevant du meme milieu d origine.

La revendication de la descendancedavidique d Anne corres-

pond aux traditions qui voulaient que leg souverains aient

d illustres ancetres, leIs leg Lagides qui se disaient descendre

d Heracles et leg Seleucidesd Heracles et surtout d ApolIon36. A

la notion de dignite d origine dynastique s ajoutait celIe de la

bienveillance et de l intervention divines37 ui, en ce cas, allaient

faire d Anne, femme agee, a mere de Marie.

n est remarquable que la peinture cappadocienne reproduise,

d une part, Ie schemad une investiture et, d autre part, une pre-

sentation frontale evoquant celIe d un souv~rain encadre par sa

figure) ; D. HOMES-FREDERIca, atra et ses sculptures parthes. Etude

stylistique et iconographique, Istanbul 1963,p.17-18.

35. Boucles souples et ondulees a l epoque hellenistique; cf. J.

CHARBONNEAUXR. MARTIN F. VILLARD, Grece hellenistique.330-50

avant J.-C., Paris 1970, ig. 91, 296, 332, 336-338; boucles souvent plus

raides et serreesa l epoque romaine, pour Isis par exemple (F. CuMONT,

Les religions orientales dans le paganisme romain, Paris 1929,pl. V; n°

1) ou Diane (L. PIRZIOBIROLI STEFANELLIB. PETTINAU, L argento

dei Romani », Dossier Archeo VIII, n° 12 [dec. 1992], fig. p. 79). A

l epoque protobyzantine, cette coiffure (plutot a boucles epaisses) se

limite aux personnifications : la Terre sur tine tapisserie d Egypte (A.

GRABAR, Age d or de Justinien de a mort de Theodosea l Islam, Paris

1966, ig. 380), menades ou Tyche (K. WEITZMANN, ge of Spirituality.

Late Antique and Early Christian Art, Third to Seventh Century, New

York 1979,n° 122, 156, 160). En Cappadoce,nous ne l avons rencontre

que pour tine representation de l Egypte, (N. THIERRY, Haut Moyen

Age en Cappadoce. L Eglise n° 3 de Mavrucan », Journal des Savants

[1972], fig. 12). Chez es Sassannides,a deesseAnahita a la fin du lIIe

siecle et la reine Boran (vers 630) sont coiffees de quelques boucles

raides assez comparables a celles a Anne a KIZII <:;ukur; cf. A.

GODARD,L art de l Iran, Paris 1962, ig. 100; J. de MORGAN,Monnaies

orientales,Numismatique de la Perse antique, I, 3e asc., Dynastie sassa-

nide, Paris 1933,pl. 76-77.

36. F. CHAMOUX, a civilisation hellenistique,2e ed., Paris 1985,p. 235.

37. F. CHAMOUX, p. cit., p. 233-234.

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269

 ICONOGRAPIllE CAPADOCIENNE DE L AFFRONT PArr A ANNE

garde (bien qu Anne soil debout, assistee de servantes-sages-

femmes, conformement a la comprehension du fecit )38. es deux

images complementaires, compte tenu du texte, font partie, en

eifel, de l iconographie royale, dont les nombreuses igurations

sassanides raduisent la persistance dans Ie domaine de la sym-

bolique du pouvoir issue du monde hellenistique.

E. de Strycker, contredisant E. Amann sur la nature de ce

bandeau, dont il faisait un accessoirecourant du costume femi-

Din, citait l image cappadocienne de l affront mais ignorait son

complement, celIe d Anne portant Ie bandeau decore. Les obs-

curites qu il constatait ainsi a propos de l episode s expliquent

aisement si l on pense qu il s agit d une mise en evidence de la

figure privilegiee d Anne, issue du roi David et choisie par Dieu

pour engendrer a Mere du Sauveur39.

Pour Amann, Ie Protevangile etait «une doctrine que l auteur

veut faire passersous Ie couvert de son histoire », Ie but etant la

glorification de Marie; Ie bandeau «d allure royale» lui parais-

sail une claire allusion a l origine davidique d Anne40.Et, dans e

monde romain hellenise oil fut con~u e Protevangilede Jacques,

Ie diademe etait Ie signe de la royaute41.

Quant a la peinture, si l on se souvient que la Cappadoce ne

s est detachee du patriarcat d Antioche qu au debut du IVe

siecle42, n peut supposer une origine syrienne a son iconogra-

phie. On peut preferer cependant voir la une creation cappado-

cienne ; la province, en eifel, etait une veritable terre de religion

et, au IVe siecle, oute empreinte encore de l hellenisme romain,

comme Ie Proche-Orient. On connait l histoire commune de ces

territoires durant les trois sieclesde l ere seleucide 311-63 avo .-

C.) et les sept siecles qui suivirent sous les empires romain et

byzantin, jusqu a ce que les invasions arabes y mettent fin au

COuTSu VIle siecle43.Ainsi s expliquent les difficultes que les

38. Les representations sassanides du souverain tronant ant surtout en

commun cette frontalite et leg pans lateraux du diademe, mais flottants

SOliSa couronne; cr. GHIRSHMAN, op. cit. (n. 26), fig. 214, 244-246

39. STRYCKER, . 305-306 et 407.

40. AMANN, p. 10, 52, 186. Que Ie bandeau ait porte l ~stampille d un

atelier royal ne change rien a la symbolique supposee, au contraire.

4L F. CHAMOUX, op. cit., p. 233-234.

42. Avant Nicee, 325, pour devenir Ie siege du diocese du Pont, cr. Mgr

LAGIER, L Orient chretien, I, Paris 1935, p. 224.

43. F. CHAMOUX, op. cit., p. 83-88. D autre part, la civilisation seleucide

cohabitait avec l iranienne en Anatolie, dans leg royamnes du Pont, de

Cappadoce, de Commagene et d Armenie. L empire romail} recouvrit

ensuite l ensemble de ces provinces, de I Asie Mineure a l Egypte, ses

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270

N. nIIERRY

historiens de l art eprouvent pour dater avec precision et pour

localiser l origine de certaines sculptures hellenistiques comme

de certains ivoires protobyzantins44.Au debut dl} christianisme,

cet hellenisme perpetue regnait egalement en Egypte, lieu ou

l on s accorde pour situer l elaboration du Protevangile de

Jacques45.

On voit ainsi que l episode de l affront, tel qu il est peint 1:1

KIZll <::ukur, emoigne encore de l entendement de sa significa-

tion profonde, comme dans Ie texte grec d origine. Decrit ou

peint, il nous semble dans les deux cas issu du meme trefonds,

l Orient hellenise. L ivoire de Leningrad, qui banalisait Ie face 1:1

face d Anne et de Judith, fut un premier pas dans l abandon de

la specificite du sujet et dans l incomprehension de la scene, qui

finalement se devoya et disparut.

institutions y perpetuant «Ia vie de l heIIenisme au service de Rome»

(ibid., p. 107-173).

44. F. CHAMOUX, f. cir., p. 405-408; W. F. V°I;BACH, of. cir. (n. 17), p.

17: ivoires attribues a l Asie Mineure ou a l Egypte ou a Ia Syrie, n°

125-131,140,142,145

45. Voir n. 8 et 10. Sur Ie passe de I epoque des Lagides, ct. F.

CHAMOUX, . 75-83,141-147.

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L ICONOGRAPHIE CAPADOCIENNE DE L AFFRONT FAIT A ANNE 271

Fig. 1. Ivoire de Leningrad.

Affront fait a Anne (d apres la Fig. 2. Reliure de Saint Lupicin.

photo du Musee de l Ermitage) Visitation (d apres la photo de la

bibliotheque Nationale de Paris)

Fig. 3. Detail de l aer de brode de Fig. 4. Detail de l encensoir de

Riazan. Affront a Anne (dans J. Florence. Annonciation a Marie.

Lafontaine-Dosogne, ig. 25) Visite de Marie a Elisabeth (dessin

de Cahier et Martin dans I.

Richter-Siebels,p.27)

Fig. 5. Detaildu

ciborium de

Saint-Marc de

Venise. Affront

fait a Anne

(ph. N. Thierry)

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\

272 N. THIERRY

-

 ,~

Fig. 6. Kizil ~ukur. Affront fait a Fig. 7. Kizil ~ukur. Anne

Anne (schemaN. Thierry) expectante coiffee du ban-

deau (schema N. Thierry).

Fig. 8. Coupe de Baltimore. Roi Fig. 9. Buste d'un prince arsacide

sassanideoffrant tine couronne de provenant d'Hatra. Musee de

banquet a la reine, Yle- Ylle s. Mossoul, ler-ller s. (schema H. von

(dans Ghirshman 1962, fig. 259) Gall, fig. 4).

Fig. 10. Taq-i-

Bostan. Detail

de l'investiture

d' Ardeshir II,

lye s. (dans

Ghirshman

1962, ig. 233)

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GiuseppeDE SPIRITO

Universitede Geneve

L' ANNONCIATION DE

SAINTE-MARIE-MAJEURE :

IMAGE APOCRYPHE ?

E. M. Steinbydicatum

This study re-examines he first representation of the Arch mosaics at

S. Maria Maggiore in Rome, interpreted as the Annunciation. Contrary

to the common opinion which related this image to apocryphal texts,

think it has to be connected with the textual tradition of the induere

carnem. The theological message of the mosaic is an attempt to refute

Pelagian propositions, asserting hat the virginal flesh of Christ has not

be injured by sin.

Dans cette etude, nous essayons d'interpreter la scene de

[,Annonciation desmosai ques e ['arc absidal de Sainte-Marie-Majeure i

Rome. Contrairement Ii ['opinion communement admise, qui met cette

representationen rapport avec es textes apocryphes,nous montrons les

liens etroits avec Ie theme de [,induere carnem. La mosai que ente de

refuter la doctrinepelagienne en affirmant que e corps virginal du Christ

n'a subi aucuneatteintepar Ie peche.

1.Avant-propos.

Ces pages se veulent une approche de I'interpretation des

mosalquesde I'arc absidal de Sainte-Marie-Majeure de Sixte III

(432-440)a Rome1,en se fixant sur la premiere scene, en haul a

gauche du premier rang. Pour I'ensemble de nos opinions sur ce

1. Sur tons les problemes lies a cette fondation : R. KRAUTHEIMERW.

FRANKL S. CORBETf,Corpus Basilicarum Christianarum Romae. Le

basiliche paleocristiane di Roma (sec. IV-IX) (Monumenti di Antichita

Cristiana, II Selie 2), vol. III, Citta del Vaticano 1971,p. 1-60; Santa

ADocrVDha 7. 1996. D. 273-292

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274

G. DE SPIRrrO

sujet DOUgDOUg emlettons de renvoyer a la monographic que

DOUg ommes en train de rediger. D autre part, pour rester dans

leg limites de la presente contribution, on a essayede reduire

l apparat bibliographique en s appuyant sur Ie resume des

etudes foumies par F. W. Deichmann2 et M. Andaloro3.

Toutefois, DOUgenons a souligner que toutes leg opinions que

DOUg van~onspourraient peut-etre etre reviseesala lumiere de

l etude de V Belli sur leg restaurations des mosalques4.Cette

recherche, conduite sous a direction de M. Andaloro, a ete pre-

sentee comme these a la Faculte des Lettres de l Universite de

Maria Maggiore a Roma, a cura di C. PIETRANGELI,resentazione i G.

ANDREOTTIChiese Monumentali d ltalia), Firenze 1988; M. RIGHETTI

TOSTI-CROCE,L Architettura tra il 1254 e il 1308», dans Roma nel

Duecento. L arte nella citta dei papi da Innocenzo III a Bonifacio VIII,

coordinatore dell opera A. M. ROMANINI, orino -Moncalieri (Torino)

1991,p. 108-169, . 113-115;S. DE BLAAUW,Cultus et Decor. Liturgia e

architettura nella Roma tardoantica e medievale. Basilica Salvatoris.

SanctaeMariae. Sancti Petri I (Studi e Testi 355), Roma 1994,p. 333-

447 mais cf. aussiB. M. ApOLLONJGHETTI,Nuove considerazioni sulla

basilicadi SantaMaria Maggiore in Roma,Roma 1988.

2. F. W. DEICHMANN, Einfiihrung in die christliche Archiiologie,

Darmstadt 1983,p. 229-230. Pour les mosalques de l abside de Nicolas

IV (1288-1292), f. M. R. MENNA,«Niccolo IV, i mosaici absidali di S.

Maria Maggiore e l Oriente », Rivista dell Istituto Nazionale

d Archeologia e Storia dell Arte s. III, 10 (1987), p. 201-224; G.

MATTHIAE, Pittura romana del Medioevo, vol. II : Secoli. XI-XI~

Aggiomamento scientifico e bibliografia di F. GANDOLFO, oma 1988,p.

343 ; A. TOMEI,Torriti pictol: Una vicenda igurativa del tardo Duecento

romano, Roma 1990,p. 107-114; M. R. MENNA,«I mosaici torritiani,

Franz Wickhoffe Ie immagini di Filostrato », Studi Romani 39 (1991),

p.236-251.

3. G. MATTHIAE,Pittura romana del Medioevo, vol. I : Secoli. IV-X,

Aggiomamento scientifico e bibliografia di M. ANDALORO, oma 1987,

p. 228-230.

4. S. SPAIN,The Programm of he Fifth-Century Mosaicsof Santa Maria

Maggiore. A dissertation in the Department of Fine Arts submitted to

the Faculty of the Graduate School of Arts and Science n partial fulfill-

ment of the requirements for the degree of Doctor of Philosophy at

New York University. October 1968,Ann Arbor (Michigan) 1969,prin-

ted in 1991, p. 112-122.264-276; B. BRENK, Die friihchristlichen

Mosaiken in Santa Maria Maggiore zu Rom, Wiesbaden 1975,p. 5-7; S.

SPAIN, Carolingian Restorations of the Mosaics of S. Maria Maggiore

in Rome », Gesta 16 (1977), p. 12-22; S. SPAIN, The Restorations of

Sta. Maria Maggiore Mosaics », The Art Bulletin 65 (1983),p. 325-328

contre P.J. NORDHAGEN,The Archaeology of Wall Mosaics: A Note

on the Mosaics in Sta. Maria Maggiore in Rome », The Art Bulletin 65

(1983),p. 323-324 M. ANDALORO, p. cit. (n. 3), p. 229.~

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275

 ANNONCIAll0N DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

Chieti pendant l annee academique 1993-94; no us esperons

qu elle sera bientot publiee.

2.

3

scene.

La representation (fig. 1) montre line femme assise sur un

trone, revetue d un costume d or et paree de bijoux; SOliS on

bras droit, elle tient line quenouille et dans ses mains un tissu

aux memescouleurs que Ie fond de la mosaique : blanc, rouge et

azur. La femme est entouree de trois figures angeliques vetues

de pallia. A gauche, deux d entre elles sont placees entre la

femme et un edifice dont l entree est fermee ; leurs pallia portent

Ie sigma lunaire C. Sur celui de la figure qui se trouve a droite,

on lit la lettre L. Les autres personnagesplaces a cote de« l an-

ge », a droite, semblent plutot faire partie de la scene suivante.

La scene a longtemps ete consideree comme representant ap-

parition de l ange a Joseph5ou la promesse aite a Abraham6; il

semble cependant qu elle illustre la rencontre des «deux anges»

avec Jacob de Gn 32, 4 et 7, selon un modele que l on retouvre

de maniere similaire dans line miniature de la Genesede Vienne

5. Protevangile de Jacques 14, 1-2: E. AMANN, Le Protevangile de

Jacques et ses remaniements latins (Les apocryphes du Nouveau

Testament),Paris 1910,p. 232-235 E. DESTRYCKER.a forme la plus an-

cienne du Protevangile de Jacques.Recherchessur Ie Papyrus Bodmer 5

avec une edition critique du texte grec et une traduction annotee

(Subsidia Hag,iographica 33), Bruxelles 1961, p. 126-131; Pseudo-

Matthieu 11: E. AMANN, op. cit., p. 316-317. Sur l identification: Ch.

PIETRI,«Les premieres images de Marie en Occident », dans Quaeritur

Inventus Colitur. Miscellanea in onaTedi padre U. Fasola II (Studi di

Antichita Cristiana 40), Cilia del Vaticano 1989,p. 587-603,p. 600-601

J. E. BARCLEY LOYD,«Das goldene Gewand der Muttergottes in der

Bildersprache mittelalterlicher und fruhchristlicher Mosaiken in Rom »,

Romische Quartalschrift fur christliche Altertumskunde und Kirchen-

geschichte 85 (1990), p. 66-85, p. 73; E. JASTRZEBOWSKA,ild und

Wort: das Marienleben und die Kindheit Jesu in der christlichen Kunst

vom 4. bis 8. Jh. und ihre apokryphen Quellen (Vorabdruck der

Habilitationsschrift), Warszawa 1992,p. 31; M. R. MILES,«Santa Maria

Maggiore s Fifth-Century Mosaics: Triumphal Christianity and the

Jews », The Harvard Theological Review 86 (1993), p. 155-175,p. 159.

6. N. A. BRODSKY, L iconographie oubliee de I Arc Ephesien de

Sainte Marie Majeure a Rome », Byzantion 31 (1961), p. 413-503,p.

437-439.446-448;S. SPAIN, p. cit., p. 136-139; S. SPAIN, The Promised

Blessing: The Iconography of the Mosaics of S. Maria Maggiore », The

Art Bulletin 61 (1979),p. 518-540, . 534-537.

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8/20/2019 Apocrypha 7, 1996

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276

G. DE SPIRITO

datant du VIe siecle7.Enfin, dans Ie ciel, une colombe descend

sur la femme, tandis qu'un autre «ange» vole vers elle.

Interpretations des savants.

Selon certains savants, 'image represente ' Annonciation telle

que la relatent Ie Protevangile de Jacques 11, 1-3 (datant proba-

blement du milieu ou de la seconde moitie du lIe siecle pour sa

partie plus ancienne, remanie par la suite au lye siecle)8 et l' E-

vangile du Pseudo-Matthieu 9, 1-2 (ou Nativite de Marie; entre la

premiere moitie du ye siecle et l'annee 690)9: reprenant un

theme classique1O,es textes representent Marie occupee a tis-

7. Nationalbibliothek in Wien. Die Wiener Genesis. Farbenlichtdruck-

faksimile der griechischen Bilderbibel aus dem 6. Jahrhundert n. ChI:,

Cod. Vindob. Theol. Graec. 31. Herausgegeben und Erlautert yon H.

GERSnNGER,Wien 1931,p. 92-93. 169,pl. XIV fig. 72; H. SCHRECKEN-

BERG K. SCHUBERT,ewish Historiography and Iconography in Early

and Medieval Christianity (Compendia Rerum Iudaicarum ad Novum

Testamentum, Section III: Jewish Traditions in Early Christian

Lit erature 2), Assen/Maastricht 1~92,p. 220,pl. 51.

8. E. AMANN, op. cit., p. 220-227; E. DE STRYCKER,p. cit., p. 112-115;

H. J. FREDE,Kirchenschriftstellel: Verzeichnis und Siegel (Vetus latina.

Die Reste der altlateinischen Bibel Ill), Freiburg (Br.) 1981

(Aktualisierungsheft 1984 und 1988], p. 112-113 (VIe-VIle siecle); R.

McLachlan WILSON, « Apokryphen des Neuen Testaments.

Protoevangelium des Jakobus », Theologische Realenzyklopiidie IV

(1978), p. 333-334 M. ERBETTA,Gli apocrifi del Nuovo Testamento.

Vangeli, vol. 1/2 : Infanzia e passione di Cristo. Assunzione di Maria,

Casale Monferrato -Torino 1981,p. 7-20 (200 environ) ; o. CULLMANN,

« Kindheitsevangelien », dans NeutestamentlicheApokryphen in deut-

scher Obersetzung herausgegeben yon W. SCHNEEMELCHER,. Band:

Evangelien, Tiibingen 1987,p. 330-372,p. 334-338; A. QUACQUARELLI,

«Sull'iconografia apocrifa della Nativita », Vetera Christianorum 25

(1988), p. 199-215,p. 206 (vers le lIIe siecle); M. v: MARINI-CLARELLI,

«Apocrifi », dans Enciclopedia dell'Arte Medievale II (1991), p. 167-

175) .171 (200 environ).

9. E. AMANN, op. cit., p. 313; sur la datation : M. BERTHOLD, Zur

Datierung des Pseudo-Matthaus-Evangeliums », Wiener Studien 102

(1989), p. 247-248. Le texte etait auparavant date soit de la premiere

moitie du ve siecle ou du VIIe-Vllle siecle environ: H. J. FREDE,op.

cit., p. 113; M. ERBETTA, p. cit., p. 44-46; O. CULLMANN, rt. cit., p.

364-365; M. V. MARINI-CLARELLI,art. cit., p. 171-172. Par contre, L.

MORALDI,Apocrifi del Nuovo Testamento, ol. I, Torino 19752 1971),

p. 197,pense qu'une partie etait connue au ve siecle, mais que la com-

position actuelle remonte au VIe-VIle siecle.

10. A. W ASOWICZ, «Traditions antiques dans les scenes de

l'Annonciation», Dialogues d'Histoire Ancienne 16 (1990), p. 163-177.

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277

' ANNONCIATION DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

serlo La scene serait a rapprocher de la theologie de la

Theotokosl2, du theme de l'Incarnationl3 tel qu'il apparait chez

lL F. GANDOLFO,« La basilica sistina : i mosaici della navata e dell'arco

trionfale », dans Santa Maria Maggiore a Roma, a cura di C.

PIETRANGELI, Presentazione di G. Andreotti (Chiese Monumentali

d'ltalia), Firenze 1988, p. 84-123; Ch. PIETRI,« Le Origini », dans Imago

Mariae : Tesori delta civilta cristiana. Roma, Palazzo Venezia, 20 giugno

-2 ottobre 1988, Roma 1988, p. 5 ; P. AMATO, «Introduzione », dans De

vera effigie Mariae. Antiche icone mariane. Roma, Basilica di S. Maria

Maggiore, 18 giugno -3 luglio 1988, Roma 1988, p. 14; A.

QUACQUARELLI, art. cit., p. 205; A. QUACQUARELLI -F. BISCONTI,

«L'iconografia mariana antenicena e i suoi presupposti », dans La

mariologia nella catechesi dei Padri (Eta prenicena). Convegno di studio

e aggiornamento. Facolta di Lettere cristiane e classiche (Pontificium

Institutum Altioris Latinitatis). Roma, 18-19 marzo 1988, a cura di S.

FELICI (Biblioteca di Scienze Religiose 88), Roma -Citta di Castello

(PG) 1989, p. 241-256, p. 256; Ch. PIETRI, art. cit. (n. 5), p. 600-603; J.

E. BARCLEY LLOYD, art. cit. (n. 5), p. 73 ; E. JASTRZEBOWSKA, F. cit. (n.

5), p. 30.74-75; S. DE BLAAUW, of. cit. (n.1), p. 355.

12. E. STAUFFER, «Antike Madonnenreligion », dans Aufstieg und

Niedergang der romischen Welt 11,17/3 (1984), p.1425-1499, p.1426.1487-

1488; R. L. FREYTAG, Die autonome Theotokosdarstellung der friihen

lahrhunderte. Teil I : Textband. Teil II : Katalog- und Abbildungsband

(Beitrage zur Kunstwissenschaft 5), Miinchen 1985, I, p.100-102.188-202;

A. EFFENBERGER, ruhchristliche Kunst und Kultur: Van den Anfiingen

his zum 7. lahrhundert, Miinchen -Leipzig 1986, p. 229-232; P. J.

NoRDHAGEN, «Le monde chretien », dans C. BERTELLI, Les mosai ques,

avec la participation de X. Barral i Altet, M. G. Branchetti, P. J.

Nordhagen et A. Pica. Edition franc;:aise SOliS a direction de J. Fayt.

Traduit par R. de Merleymont, Paris 1989 (ed. orig. Milano 1988), p. 45-

100, p. 48; J. SNYDER,Medieval Art. Painting -Sculpture -Architecture,

4th-14th Century, New York 1989, p. 47; G. HELLEMO, Adventus Domini.

Eschatological Thought in 4th-Century Apses and Catecheses, Leiden

1989, p. 35.61.86-87.96.106-107.109.115; J. E. BARCLEY LLOYD, art. cit. (n.

5), p. 71-74.77; E. JASTRZEBOWSKA, F. cit. (n. 5), p. 31-121; J. PuSTKA,

Santa Maria Maggiore (Guide d'oro. Arte e Spiritualita), Roma 1992, p.

20-22.39.68-74.80-86 ; S. BENKO, The Virgin Goddess. Studies in the Pagan

and Christian Roots of Mariology (Studies in the History of Religions

LIX), Leiden -New York -K6ln 1993, p. 97.194.216; L. CASTELFRANCHI

VEGAS, L'arte del Medioevo. Con un contributo di A. CONTI (Storia

dell'arte europea), Milano 1994 (19931), p. 24; Chr. BELTING-IHM, «Zum

Verhiiltnis yon Bildprogrammen und lltuli in der Apsisdekoration friiher

westlicher Kirchenbauten », dans Testo e lmmagine nell'Alto Medioevo,

15-21 aprile 1993 (Settimane di Studio del Centro Italiano di Studi

still' Alto Medioevo 41), Spoleto 1994, p. 839-884 p. 859-862; M. v:

MARINI CLARELLI, «La controversa nestoriana e i mosaici dell'arco trion-

fale di S. Maria Maggiore », dans Bisanzio e rOccidente : arte, archeolo-

gia, storia. Studi in onore di F. de' Maffei, Roma 1996, p. 323-344.

13. B. BRENK, OF. cit. (n. 4), p. 35-52; R. KRAUTHEIMER,Rome. Profile of

a City, 312-1308, Princeton (New Jersey) -Oxford 1980, p. 46.51; R.

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278

G. DE SPIRITO

Augustin14, chez Ambroise15 et chez Leon16 au, enfin, d'une

polemique contre Ie judalsme combinee avec Ia doctrine de Ia

Theotokos17.

Quant aux vetements de Ia Vierge, ils representeraient mains

I'image de Maria regina18que celIe de Marie virgo virginum et

regina virginum selon es paroles du Psaume45, 1-1819.

Cependant, line minorite des critiques, tenant compte de cer-

taines reticences des Peres de I'Eglise face aux ouvrages apo-

cryphes2O, t surtout de I' Epistula ad Exuperium d'lnnocent leT

(401-417) de 405 qui Ies condamne21,est d'avis qu'il s'agit de

I' Annonciation a Sarah, emme d' Abraham22.

KRAlTrHElMER, Roma. Profilo di una citta, 312-1308, Roma 1983, p. 61.63 ;

Ch. PlETRI art. cit. (n. 5); S. DE BLAAUW, op. cit. (n.1), p. 333-365.

14. N. A. BRODSKY, art. cit. (n. 6); S. SPAIN,op. cit. (n. 4), p.108-109; B.

BRENK, op. cit. (n. 4), p. 9; E. KITZINGER, The Byzantine Art in the

Making. Main Lines of Stilistic Development in Mediterranean Art 3rd-

7th Century, London 1977, p. 66-68 ; W. TRONZO, «I grandi cicli pittorici

romani e la loro influenza », dans La pittura in 1talia. L'Altomedioevo, a

cura di C. BERTELLI, Milano 1994, p. 355-368, p. 357.

15. Sur la figure de Marie chez cet auteur, voir R. SPATARO,« Uterum

mysterii. La tigura di Maria in Ambrogio », Salesianum 55 (1993), p.

641-656, p. 641-653.

16. Diacre pendant l'episcopat de Sixte III, puis eveque de Rome apres

la mort de ce dernier (440-464); ct. B. STUDER, «Una persona in

Christo. Ein augustinisches Thema bei Leo dem Grossen », dans

Augustinianum 25 [Miscellanea di studi agustiniani in onore di P. A.

Trape] (1985), p. 453-487; ct. J. D. SIEGER, «Visual Metaphor as

Theology: Leo the Great's Sermons on the Incarnation and the Arch

Mosaics at S. Maria Maggiore », Gesta 26 (1987), p. 83-91.

17. M. R. MILES, art. cit. (n. 5).

18. Ch. PIETRI, , art. cit. (n. 5), p. 601-602; M. R. MILES, art. cit. (n. 5), p.

159; d. aussi: S. SPAIN,op. cit. (n. 4), p. 122-136; S. SPAIN, art. cit. (n.

7), p. 5.

19. J. E. BARCLEY LLOYD, art. cit. (n. 5), p. 74-77.

20. N. A. BRODSKY, art. cit. (n. 6), p. 413-415; M. STAROWIEYSKI,

« Problem apokryt6w u pisarzy IVw [De apocryphis Christianis a scrip-

toribus saec. IV vituperatis] », Meander 46 (1991), p. 495-501 (=

Miscellanea Historiae Ecclesiasticae 6 [1983], p. 132-141); sur Ie canon

biblique : O. WERMELINGER, «Le canon des Latins au temps de Jerome

et d' Augustin. Annexe. Dossier des principales sources latines », dans

Le canon de l'Ancien Testament. Sa formation et son histoire, ed. J.-D.

KAESTLI -O. WERMELINGER(Le Monde de la Bible), Geneve 1984, p.

152-210; W. KuNNETH, «Kanon », dans Theologische Realenzyklopiidie

XVII (1988), p. 562-570.

21. Chap. [6] 7: Caetera autem quae vel sub nomine Matthiae sive Jacobi

minoris ...vel sub nomine Thomae, et si qua sunt alia non solum repu-

dianda verum etiam noveris esse damnanda (PL 20, 502). Pour tine ten-

tative d'attenuer l'importance de ce passage, voir E. JASTRZEBOWSKA,

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279

'ANNONCIAllON DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

Enfin, la critique concorde sur Ie fait que la pourpre de l'eche-

veau de laine qui s'echappe de la corbeille est a mettle en rela-

tion soit avec Ie theme du Christ-Empereur soit avec l'exegese,

rabbinique aussi bien que patristique, du voile violet du

Tabernacle (Ex 26) et du drap de la meme couleur qui envelop-

pait l' Arche de l' Alliance (Nb 4)23,

4. Essaid'interpretation.

La these du programme iconographique qui exalterait Marie

Theotokos ne tient pas compte de deux faits: d'une part Ie

concile d'Ephese fut un synode christologique et non pas

mariologique24; d'autre part la dedicace de la basilique n'utilise

pas Ie mot clef Genetrix Dei mais virgo Maria et Genetrix gnara

virl 25.

«Archetyp ewangelii Pseudo-Mateusza », Studia Zr6dtoznawcze 30

(1987),p. 151-157; sur toute la question, voir O. CULLMANN, rt. cit. (n.

8), p. 330-334.

22. S. SPAIN, p. cit. (n. 4), p. 100-207; S. SPAIN, rt. cit. (n. 7).

23. H. PAPASTRAVOU,Le voile, symbole de l'Incamation. Contribution

a tine etude semantique », Cahiers archeologiques 1 (1993),p. 141-168,

p.141-144. Sur a typologie comme instrument d'exegeseet sur ces iens

avec l'iconographie, cr. I.-N. GUINOT,«La typologie comme technique

hermeneutique », dans Figures de l'Ancien Testamentchez les Peres

(Cahiers de Biblia Patristica 2), Stasbourg 1989,p.1-34.

24. B. STUDER, La recezione del Concilio di Efeso del 431 », dans La

Tradizione: forme e modi. XVIII Incontro di studiosi dell'antichita cris-

tiana. Roma 7-9 maggio 1989 (Studia Ephemeridis «Augustinianum»

31), Roma 1990, p. 427-442; B. STUDER, 11 Concilio di Efeso (431)

nella luce della dottrina mariana di Cirillo di Alessandria », dans La

mariologia nella catechesidei Padri (Eta postnicena). Convegnodi stu-

dio e aggiomamento. Facolta di Lettere cristiane e classiche Pontificium

Institutum Altioris Latinitatis). Roma 10-11 maTZO1989, a cura di S.

FELICI Biblioteca di ScienzeReligiose 95), Roma 1991,p. 49-67.

25. cr. Inscriptiones Christianae Urbis Romae Septima Saeculo

Antiquiores, ed. I. B. DE ROSSI, ol. II, Romae 1888,p. 60, n° 6; p. 71,

n° 42; p. 98, n° 6 ; p. 139, nO28; C. CECCHELLI, mosaici della basilica

di S. Maria Maggiore, Torino 1956, p. 64; E. DIEHL, Inscriptiones

Latinae Christianae Veteres I-IV, Berolini 1925-1967,n° 976; G. A.

WELLEN, Theotokos. Eine ikonographische Abhandlung abeT das

Gottesmutterbild in frahchristlicher Zeit, Utrecht -Antwerpen 1961,p.

120 ; R. KRAUTHEIMERW. FRANKLS. CORBETT, orpus Basilicarum

Christianarum Romae. Le basiliche paleocristianedi Roma (sec. IV-IX)

(Monumenti di Antichita Cristiana, II Serie 2), vol. III, Citta del

Vaticano 1971, p. 5-6; Th. KLAUSER, «Rom und der Kult des

Gottesmutter Maria », ahrbuch flir Antike und Christentum 15 (1972),

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8/20/2019 Apocrypha 7, 1996

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280

G. DE SPIRffO

Plus generalement, Ie theme de l'induere carnem est si large-

ment repandu dans la litterature patristique26 qu'il est difficile

de relief cette image a la seule doctrine de l'Incamation de Leon

Ier. De plus, sur Ie plan artistique, il semble bien que l'evolution

des mosalquesde l'epoque de Sixte III soit differente de celIe du

temps de son successeur27.

Entin, la these anti-juive qui se tonde sur leg lois du Codex

Theodosianus XVI, 8, 1-29 de Iudaeis28et sur leg home ies de

Jean Chrysostome (entre l'automne et l'hiver de 386 et l'autom-

p. 120-135; B. BRENK,op. cit. (n. 4), p. 1-2; R. L. FREYTAG, p. cit. (n.

12), fl, p. 24, E 1; F. GANDOLFO, rt. cit. (n. 11), p. 87; J. E. BARCLEY

LLOYD,art. cit. (n. 5), p. 71-72,n. 19; E. WIRBELAUER, wei Piipste in

Rom.. Der Konflikt zwischen Laurentius und Symmachus (498-514).

Studien und Texte (Quellen und Forschungen zur antiken Welt 16),

Munchen 1993,p. 263,n. 126; Chr. BELTING-IHM, rt. cit. (n. 12), p. 860

(avec traduction en langue allemande); S. DE BLAAUW,op. cit. (n. 1), p.

356 et n. 93. Ce n'est pas ici Ie lieu de discuter de l'emplacement de la

dedicace aujourd'hui perdue; il nous parait cependant difficile de la

situer sur la fa"ade interieure de la basilique.

26. Ct. par exemple pour la premiere moitie du ye siecle Pierre

Chrysologue, eveque de Ravenne, Sermo 29.4 Velatur in humano cor-

pore, qui homini uoluit essecommunis; ...maiestatem texit, qui fragilem

studuit parentis amore complecti (CCSL 24, p.l71).

27. M. ANDALORO, Pittura romana e pittura aRoma da Leone Magno

a Giovanni YII », dans Committenti e produzione artistico-letteraria

nell'Alto Medioevo occidentale,4-10 aprile 1991 (Settimane di Studio

del Centro Italiano di Studi still' Alto Medioevo 39), Spoleto 1992, p.

569-609, . 569-578.

28. XYI, 8, 1 du 18 octobre 315 : ...Si quis vera ex populo ad eorum

nefariam sectam accesseritet conciliabulis eorum se adplicaverit, cum

ipsis poenas meritas sustinebit; 8, 2 du 29 novembre 330; 8, 3 du 11

decembre 321 ; 8, 4 du 1 erdecembre 331 ; 8, 5 du 22 octobre 335 : ...

Eum, qui ex /udaeo Christianus actus est, nquietare /udaeos non liceat

...; 8, 6 du 13 aout 339 : Quod ad mulieres pertinet, quas /udaei in turpi-

tudinis suae duxere consortium in gynaeceo nostro ante versatas, lacet

easdem restitui gynaeceo idque in reliquum observari, ne Christianas

mulieres suis iungant flagitiis vel, si hoc fecerint, capitali periculo subiu-

gentur; 8, 7 du 3 juillet 357 [ou 352]; 8, 8 du 17 avril 392: ...Quam

omnino submoveri ubemus iniuriam nec eorum in ea superstitionesedu-

Ius coeptus aut per vim iudicum aut rescribti subreptione nvitis primati-

bus suis, ..; 8, 9 du 29 septembre 393 : ...Sublimis igitur magnitudo tua

hac iussione susceptanimietatem eorum, qui sub Christianae religionis

nomine inlicita quaequepraesumunt et destruere ynagogasadque expo-

liare conantul; congrua severitatecohibebit; 8, 10 de fevrier 396; 8, 11

du 24 avril 396 ; 8, 12 du 17 uin 397 ; 8, 13 du 1 er uillet 397 : /udaei sint

obstricti caerimoniis suis 8, 14 du 11 avril 399 : Superstitionis ndignae

est, ut archisynagogi sive presbyteri /udaeorum vel quos ipsi apostolos

vacant,qui ad exigendum aurum adqueargentum a patriarcha cerra tem-

pore diri~untur, a sin~ulis svnaJ o~is xactamsummam adaue susceDtam

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281

 ANNONCIATION DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

ne 387)29a Ie tort de ne pas voir qu il s agit plutot d une pole-

mique visant a empecher des contaminations entre la nouvelle

religion d etat et la tradition juive3O.

ad eundem reportent; 8,15 de fevrier 404; 8,16 du 22 avriI404; 8,17 du

25 juillet 404 8, 19 du 29 mai 408 : Iudaeos quodam estivitatis suaesol-

lemni Aman ad poenae quondam recordation em incendere et sanctae

crucis adsimulatam speciem in contemptum Christianae idei sacrilega

mente exurere provinciarum rectores prohibeant, ne iocis suis idei nos-

trae signum inmisceant,sed itus SUDSitra contemptum Christianae egis

retineant,amissuri sine dubio permissa hactenus, isi ab inlicitis tempera-

verint; 8, 19 du 1er avril 409: ...Certum est enim, quidquid a fide

Christianorum discrepat, egi Christianae essecontrarium ...Et quamvis

qui haec admiserint,priscorum principum legibus jure damnati sint, non

ramen paenitet saepiusadmonere,ne mysteriis Christianis inbuti perver-

sitatem Iudaicam et alienam Romano imperio post Christianitatem

cogantur arripere. Ac si quisquam id crediderit esse emptandum, auc-

tores facti cum consciis ad poenam praeteritis legibus cautam praecipi-

mus constringi, quippe cum gravius morte sit et inmitius caede, i quis ex

Christiana ide incredulitate Iudaica polluatur ; 8, 20 du 26 uillet 412 ; 8,

21 du 6 aout 412 [ou 418] : ...Sed ut hoc Iudaeorum personis volumus

esse ro visum, ta illud quoque monendum esse ensemus, e Iudaei for-

sitan insolescantelatique sui securitatequicquam praeceps n Christianae

reverentiam cultionis admittant; 8, 22 du 20 octobre 415: ...Si

Christianum vel cuiuslibet sectaehominem ingenuum servumve Iudaica

nota oedare temptaverit vel ipse vel quisquam Iudaeorum, legum severi-

tati subdatur; 8, 23 du 24 septembre 416 : ...has, quos neque constantia

religiosae confessionis n hoc eadem cultu inhaerere perspexerint neque

venerabilis baptismatis ide et mysteriis inbutos esse, d legem propriam,

quia magis Christianitati consulitu1; liceat remeare; 8, 24 du 10 mars

418; 8, 25 du 15 fevrier 423 ; 8, 26 du 9 avril 423 ; 8, 27 du 8 jilin 423 ; 8,

28 du 8 avril 426 : Si Iudaei vel Samaritanaeilius filiave seu nepos,unus

aut plures, ad Christianae religionis lucem de tenebrispropriae supersti-

tionis consilio meliore migraverint, non liceat eorum parentibus, d est

patri vel matri, avo vel aviae,exheredarevel in testamento ilentio praete-

rire vel minus aliquid eis relinquere, quam poterant, si ad intestato voca-

rentu1; adipisci; 8, 29 du 30 mill 429 (Theodosiani ibri XVI cum consti-

tutionibus Sirmondianis, ed. Th. MOMMSEN, dsumpto apparatu P.

KRUEGERI, .2,Berolini 1905,p. 887-895).

29. Adv. Iud. 1, 1,5; 1, 2, 3; 1, 3,1; 1, 6, 2-3; 1,7,1-2; 1,8,1; 7,1,2

(PG 48, 844-847.852-855.915). Ct. W. KINZIG, « Non-Separation :

Closenessand Co-operation between Jews and Christians in the Fourth

Century », Vigiliae Christianae45 (1991),p. 27-53,p. 36; L. V. RUTGERS,

«Archaeological Evidence for the Interaction of Jews and Non-Jews in

Late Antiquity», American Journal of Archaeology 96 (1992), p. 101-

118.

30. W. KINZIG, art. cit. ; ct. aussiJ. DOIGNON,«Occisus Christus. La

meditation d Augustin sur la relation de cet evenement t la conquete

romaine et it la defaite juive », dans Figures du Nouveau Testament hez

les Peres Cahiers de Biblia Patristica 3), Strasbourg 1991,p. 43-52; E.

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282

G. DE SPIRITO

En fait, la scenemontre Marie vetue d'or et de bijoux symbo-

lisant Ie vetement chaste qu'elle a donne au Logos. De plus, il

faut rattacher les mots d' Es 7, 14, de Ps 18, 6, et de Mt 22, 2, soit

l'embleme de l' ncarnation du Verbe31.

Par ailleurs, la laine qu'elle tisse n'est pas de couleur pourpre

mais plutot de la couleur de l'aube, qui est aussi a couleur utili-

see pour Ie fond de toutes les scenesde la mosalque de l'arc.

Elle exprime, selon Prudence, la venue du Messie, aube de la

nouvelle epoque qui delivre du peche32 t soleil qui reveille des

tenebreS33. e tissu, qui se rattache directement a l'idee de la

nature humaine du Fils de Dieu dans la litterature patristique,

semble etre prepare pour la colombe, symbole du Saint-Esprit,

et pour «l'ange» qui pourrait bien representer a nature divine

du Christ34. I est l' Ange du Testament et de l' Alliance (Es 3, 1)

BAMMEL,«Heidentum und Judentum in Rom nach einer christlichen

Darstellung des fiinften Jahrhunderts », Augustinianum 34 (1994), p.

437-446.

31. A. DE NICOLA,«Metafore e figurazioni sulla divina maternita di

Maria nei Padri postniceni », dans La mariologia nella catechesi dei

Padri (Eta postnicena). Convegnodi studio e aggiornamento.Facolta di

Lettere cristiane e classiche(Pontificium Institutum Altioris Latinitatis).

Roma 10-11 marzo 1989, a cura di S. FELICI (Biblioteca di Scienze

Religiose 95), Roma 1991,p.159-199,p. 196-197.

32. Cathemerinon 11.57-64 0 quanta rerum gaudia I aluus pudica conti-

net, ex qua nouellum saeculum procedit et lux aurea I vagitus lle exor-

dium I uernantis orbis prodidit; I nam tunc renatus sordidum I mundus

ueternum depulit (ed. M. LAVARENNE, rudence, ome I: Cathemerinon

Liber [Livre d'heures) [Collection des Universites de France], Paris

1943, p. 64; ed. M. P. CUNNINGHAM,Aurelii Prudentii Clementis

Carmina [CCSL 126], Turnholti 1966,p. 62) ; Ambroise (?), Hymnes

2.1-4: Splendor paternae gloriae, I de luce lucem proferens, I lux lucis et

fans luminis, I dies dierum illuminans ; et 29-32 : Aurora cursusproue-

hit; I aurora tofus prodeat I in Patre tofus Filius, I et tofus in Verba Pater

(ed. M. SIMONETTI, MBROGIO,nni (Biblioteca Patristica 13), Firenze

1988,p. 27-29; ed. J. FONTAINE, MBROISE E MILAN, Hymnes, Paris

1992,p. 184-187). Sur ce texte et leg deux passages, t. M. SIMONETTI,

op. cit., p.161-162; J. FONTAINE,p. cit.,p.177-183.188-191.201-204.

33. Cathemerinon 2, 1-4 : nox et tenebraeet nubila, I confusa mundi et

turbida, I lux intrat, albescit polus, I Christus venit, discedite; 9-12 : Sic

nostra mox obscuritas I fraudisque pectus conscium I ruptis retectum

nubibus, I regnantepallescet Deo ; 25-28 : Sol eccesurgit igneus; I piget,

pudescit paenitet, nec testequisquam lumine I peccareconstanterpotest

(ed. LAVARENNE,. 8; ed. CUNNINGHAMCCSL 126],p. 7; comrnentai-

re: M. M. VAN ASSENDELFf, ol eccesurgit igneus. A Commentary on

the Morning and Evening Hymns of Prudentius [Cathemerinon 1,2,5

and 6), Groningen -Assen 1976,p. 42.92-94.100-101).

34. Justin, Apol. 1.33.7-8 (PG 6, 381); A. WARTELLE,Saint Justin.

Apologies (Etudes Augustiniennes),Paris 1987,p. 142-145 mais il s'agit

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283

' ANNONCIATION DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

et l'ales diei nuntius qui reveille de la nuit et du sommeil, sym-

boles du peche, oujours selon eg paroles de Prudence35,

Finalement, ce vetement s'echappe d'une corbeille, qui est

tres probablement line image de Marie (JTci~voS"36,t il presente

leg couleurs de l'aube qui symbolisent Ie corps du Christ, pur et

different de celui des autres hommes qui, eux, sont marques par

Ie peche d' Adam. La scene explique donc leg mysteres de

l'Incarnation et de la Trinite selon line exegese qu'on retrouve

par exemple chezHippolyte, L' Antechrist 437,

Dans ce texte d'Hippolyte, la quenouille avec la «laine-corps

d'une seule apologie : Ch. MUNIER, L' apologie de Saint Justin philosophe

et martyr [Paradosis 38], Fribourg 1994) ; ct. aussi M. FRIEDMAN, «The

Angelic Creation of Man », Cahiers archeologiques 39 (1991), p. 79-94.

35. Cathemerinon 1, 1-4: Ales diei nuntius Ilucem propinquam praeci-

nit; I nos excitator mentium I iam Christus ad uitam uocat; et 97-100:

Tu, Christe, somnum dissice, I tu rumpe noctis uincula, I tu solue pecca-

turn uetus I nouumque lumen ingere (ed. LAVA RENNE, p. 4.7; ed.

CUNNINGHAM [CCSL 126], p. 3.6; commentaire: M. M. VAN

ASSENDELFT, of. cit., p. 39.41.59-61.90-91). Sur ces metaphores de

Prudence, ct. M. M. VAN ASSENDELFf, of. cit., p.13-35.

36. A. DE NICOLA, art. cit. (n. 31), p.168.

37.4, 1.' ETTEL8l'Jap <>A6yos <>TOU 8EOUaaapKos WV EvE8uaaTo T1']V

aylav a<lPKa EK Tfjs aylas TTap8EVOU WS vu~<I>los L~aTLov, E~u<lxivas

EaUT i\ EV T i\ UTaupLK i\ TTa8El, OTrWS cruYKEpaaas TO 8VT]TOV 1']~WV

aw~a Ttj EaUTOU 8uva~El, Kal ~l~as TO <l>8apTov T i\ a<l>8apT i\ Kal TO

aa8EvEs T i\ Laxup i\ a Ij(JlJ TOV aTTo)J..u~EVOVv8pwTrov. 2. "EaTl ~Ev

ow <>LUTOSTOU Kuplou Ws TO TTa8osTO ETrl T i\ aTaup i\ YEYEVT]~E-

vov, aT1')~V BE EV auT i\ 1'] TOU aylou TTVEu~aTos uva~ls, Kp6KTl 8E

WS 1'] ayla aap.a; Evu<l>alvO~EVT]V T i\ TrVEU~aTl, ~l TO$" 8E 1'] 8l'

aya1TT]sXplaTou xapls a<l>lyouaa Kal Evouaa Ta a~</>6TEpaELS EV,

KEpKls BE 0 A6yos, Ol 8E Epya'6~Evol TraTplapxal TE Kal TTpo<l>ftTaL

Ol TOV KaAov Tro81']Pll Kal TEAElOV XlTwva ixpalvoVTEs XPlUTOU, 8l' &v

0 A6yos 8llKVOU~EVOS KEpKl80s 8lKTlv E~u<j>alvEl 8l' aUTwu TaW' aTTEp

~OUAETal <> TTaT1']pE. NORELLI, IpPOLITO, L 'Anticristo (Biblioteca

Patristica 10), Firenze 1987, p. 70-73). Voici ma traduction de ce texte :

«4,1. C'est pourquoi Ie Logos de Dieu, qui n'avait pas de chair, areve-

tu la sainte chair de la Sainte Vierge tell'epoux Ie vetement. Il n'a ter-

mine de Ie tisser qu'au moment du sacrifice sur la croix afin de sauver

l'homme qui s'etait perdu, en melant notre corps mortel avec sa puis-

sance et en melangeant l'incorruptible avec Ie corruptible et Ie faible

avec Ie fort. 2. Le metier it tisser du Seigneur c'est donc la passion

accomplie sur la croix, sa chaine c'est la puissance du Saint-Esprit, la

trame c'est la sainte chair tissee dans l'Esprit, Ie filla grace qui les lie et

les unit it travers l'amour du Christ de fac;:on t les rendre tine seule

chose, la quenouille c'est Ie Logos et les ouvriers ce sont les patriarches

et les prophetes qui tissent la belle soutane, la parfaite tunique du

Christ, Ie Logos passant it travers eux camille la quenouille tisse parfai-

tement, grace it eux, ce que Ie Pere veut. » Ct. aussi Novatien, Trinite 21

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284

G. DE SPIRITO

du Sauveur »38 epresente Ie Logos. Le «tissu-corps du Christ»

ne sera termine qu au moment du sacrifice sur la croix, quand

s accomplira son reuvre redemptrice. C est pourquoi, dans la

scene du «trone vide» qui apparait au sommet de l arc absidal39,

un tissu de couleur azur, symbole de lumiere et donc de Dieu40,

est pose sur Ie traDe et au-dessous e la croix (fig. 2).

Selon la critique, il s agirait d une pourpre royale, mais les

lettres C qui l oment, identiques it celles des habits des «anges»

it gauche de la Vierge, semblent demontrer qu il s agit d un pal-

lium. Ce vetement blanc comme la purete et l integrite du

Seigneur41,epresente donc la nature humaine du Christ et l ac-

complissementde l reuvre redemptrice du Sauveur42. ailleurs,

pour Tertullien Ie pallium grec symbolise Ie vetement du chre-

tien face it la loge romaine, embleme du paganisme,et represen-

te Ie corps du Fils de Dieu43 venti sur la terre afin de purifier

(PL 3, 928-929); 21, 9[124]-16[125] (H. WEYER, Novatianus. De

Trinitate. Obeyden dreifaltigen Gott, Darmstadt 1962,p. 144-147; G. F.

DIERCKS, ouatiani Opera quae supersuntnunc primum in unum collec-

ta ad fidem codicum qui adhuc extant necnon adhibitis editionibus uete-

ribus [CCSL 4], Tumholti 1972,p. 53-55).

38. Cette metaphore se rattacherait ainsi a l idee du travail dans Ie

milieu des moniales : A. QUACQUARELLI, La teologia del lavoro

nell antico monachesimo femminile prebenedettino », Vetera

Christianorum 22 (1985),p. 233-258, . 239.

39. Sur la signification de l image, voir B. BRENK,op. cit. (n. 4), p. 37-

38 ; A. COLLI,dans La Gerusalemmeceleste.«La dimora di Dio con gli

uomini» (Ap. 21,3). Immagini della Gerusalemmecelestedal III al XIV

secolo. Catalogo della mostra. Milano, Universita Cattolica del S.

Cuore, 20 maggio -5 giugno 1983,a cura di M. L. GATTIPERER,Milano

1983, p. 185, nO71; F. DE MAFFEI, «L Unigenito consustanziale al

Padre nel programma trinitario dei perduti mosaici del bema dell a

Dormizione di Nicea e il Cristo trasfigurato del Sinai. I», Storia

dell Arte 45 (1982), p. 91-116; J. E. BARCLEY LOYD,art. cit. (n. 5), p.

73; P. K. KLEIN, «Apocalisse », dans Enciclopedia dell Arte Medievale

II (1991), p. 151-167,p. 151; J.-M. SPIESER,Le programme iconogra-

phique des portes de Sainte-Sabine», Journal des Savants 1991),p. 47-

81, p. 80; E. JASTRZEBOWSKA,p. cit. (n. 5), p. 30 ; M. R. MILES,art. cit.

(n. 5), p. 159; mais ct. surtout Y. CHRISTE, apocalypsede Jean, Paris

1996,p. 66-67.

40. Ct. F. DE MAFFEI,art. cit., p. 107-109.

41. Ambroise (?), Hymnes 5, 17-20: Procedat e thalamo suo, I pudoris

aula regia, I geminaegigas substantiae alacris ut currat uiam (ed. M.

SIMONETTI, p cit. (n.32), p. 38-41 ; ed. J. FONTAINE, p cit. (n. 32), p.

263-271.274-275.284-288)ct. aussi Acta Sanctorum, Mai I (1866), p.

383 : Thronum stratum,super quem iacebatstoia alba et corona.

42. Sur ce theme ct. aussiA. DE NICOLA,art. cit. (n. 31), p. 177-178.

43. Tertullien, De pallia 6 (PL 2, 1104-1106; CSEL 76, 124-125; S.

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285

 ANNONCIATION DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

l habit d Adam44. Si au moment de l incarnation, Ie Fils de

Dieu, en tant qu homme parfait (Ph 3, 20-21 ; He 2, 10)45et

saint46,etait vetu d un corps ad similitudinem carnis peccati, il

revet apres sa mission line sarx transfiguree. L Annonciation et

Ie «trone vide » semblent donc representer image du Christ au

moment de l incarnation et apres sa resurrection.

Il est donc possible que les «trois anges», a cote de la Vierge,

vetus de pallia ornes du C qui signifie Sauveur47, t du L, symbole

de la «pierre d angle »48,soient a identifier avec les anges, en

representant la Trinite, qui rencontrerent Abraham a Mambre.

De plus, en harmonie avec exegesed Es 7, 14 commune a la lit-

terature patristique, les «anges» pourraient representer Ie nom

d Emmanuel, «Dieu avec nous» (Mt 1, 20-23), et temoigner que

Jesus Christ etait vraiment Ie Fils de Dieu. D ailleurs, selon Lc 1,

35, il Y a un lien particulier entre Marie et la Trinite. En demeu-

rant en elle, Dieu a accompli sa promesse de son cote, la Vierge

se met au service de l economie du salut49.

Enfin, l image de l edifice avec son entree fermee presente,

dans Ie tympan, un cercle en tons points similaire a celui qui

orne l Arche de l Alliance dans les scenes du siege de Jericho,

COSTANZA,TERTULLIANO, e Pallia [Collana di Studi Classici 3],

Napoli 1968,p. 75-76.139).

44. Irenee, Contre les heresies3,18,7; 5, 14, 2 (PG 7, 937-938.1161-

1162; A. ROUSSEAUL. DOUTRELEAU,RENEEDE LYON,Contre les

heresies.Livre III [Sources chretiennes 211], Paris 1974,p. 364-370 et

Livre V [Sourceschretiennes 153],Paris 1969,p.186-189).

45. Pseudo-Ignace, Lettre aux Smyrniotes 4 (Ph. T. CAMELOT,gnace

d Antioche. Polycarpe de Smyrne. Lettres. Martyre de Polycarpe

[Sourceschretiennes 10], Paris 196~, p. 134-137).

46. Meliton, Sur la Paque 66 (0. PERLER,MELITONDE SARDES, ur la

Paque et fragments [Sources chretiennes 123], Paris 1966,p. 96-97; G.

H. STUART,MELITO OF SARDIS,On Pascha and Fragments [Oxford

Early Christian Texts], Oxford 1979,p. 34).

47. A. QUACQUARELLI,Eucarestia e Ie scene conografiche dei primi

secoli », Civilta Classicae Cristiana 6 [Studi di Letteratura Cristiana in

Ricordo di A. Pastorino] (1985),p. 475-488, . 487.

48. A. QUACQUARELLI, La gammadia pietra angolare : L », Vetera

Christianorum,21 (1984),p. 5-26.

49. M. STAROWIEYSKI,L omeletica mariana palestinese nel secolo V»,

dans La mariologia nella catechesi ei Padri (Eta postnicena). Convegno

di studio e aggiornamento. Facolta di Lettere cristiane e classiche

(Pontificium Institutum Altioris Latinitatis). Roma 10-11 marzo 1989, a

cura di S. FELICI (Biblioteca di Scienze Religiose 95), Roma 1991,p.

117-128, .127-128; A. DE NICOLA,art. cit. (n. 31), p.167-168. Nous ne

traiterons pas ici du theme de la loquela digitorum affiche par les

« anges» ni du sensde leur representation a quatre.

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287

 ANNONCIATION DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

occupe l autre extremite de l arc, dans la scene qui est interpre-

tee soil camille Ie songe de Joseph55, oil camille l Annonciation

1:1 arie56,soil encore camille la visio Isaiae57 selon line icono-

graphie comparable 1:1elIe d une miniature de la Topographie

du Casillas Indicopleustes (texte qui nailS est parvenu 1:1ravers

line carie de l original datant du VIe siecle)58 et il symbolise

l Urbs devenue chretienne59.Notre edifice semble donc designer

egalement taus ceux qui n acceptent pas que Ie Christ se soil

revetu d un corps ad similitudinem carnis peccati 1:1ause du

peche d Adam60.C est pourquoi il semble mprobable que l edi-

fice de la scene de l Annonciation soil seulement embleme de

55. Pseudo-Matthieu 11 : E. AMANN, op. cit. (n. 5), p. 336-339. Sur

I identification: Ch. PIETRI, , art. cit. (n. 5), p. 602; J. E. BARCLEY

LLOYD,art. cit. (n. 5), p. 73 ; E. JASTRZEBOWSKA,p. cit. (n. 5), p. 34-35.

56. N. A. BRODSKY,rt. cit. (n. 6), p. 450-451 S. SPAIN, p. cit. (n. 4), p.

146-148; S. SPAIN, rt. cit. (n. 6), p. 535-537.

57. G. DE SPIRITO, rt. cit. (n. 51). A cette occasion,nous tenons a pre-

senter nos excuses aux savants pour les nombreuses erreurs typogra-

phiques presentesdans cette etude, dont il taut attribuer la responsabi-

lite au seul auteur. De meme, on voudra bien no us pardonner la

confusion entre Zacharias et Symeon dans notre intervention loTs du

debat suscite par la communication de M. ANDALORO, rt. cit. (n. 27),

p.616.

58. Topographie 5,166-167 (W. WOLSKA-CONUS,osmas ndicopleustes,

tome II [Livre V] [Sources chretiennes 159], Paris 1970,p. 248-251,p.

249 fig.). Sur ce texte et sur I iconographie des prophetes dans I art

paleochretien en general, cf P. SEVRUGIAN,Prophetendarstellungen n

der fruhchristlichen Kunst », Friihmittelalterliche Studien 26 (1992), p.

65-81,en particulier p. 74-75.

59. C. FRUGONI,«L iconografia del matrimonio e della coppia nel

Medioevo », dans II Matrimonio nella societa altomedievale, 2-28 aprile

1976 (Settimane di Studio del Centro Italiano di Studi sull Alto

Medioevo 24), Spoleto 1977,p. 901-963, . 913-914; Ch. PIETRI, rt. cit.

(n. 5), p. 602; G. DE SPIRITO, rt. cit. (n. 51), p. 569-574.577-578.

60. Ct. Ie traite homonyme d Eutropius datant du debut du ve siecle :

H. S. EYMANN,Eutropius Presbyter und sein Traktat »De similitudine

camis peccati« (Regensburger StudieDzur Theologie 30), Frankfurt am

Main -Bern -New York, p. 113-192; H. S. EYMANN, Eutropius aus

Aquitanien. Ein wiederentdeckter Kirchenschriftsteller des 5.

Jahrhunderts », Kairos 28 (1986), p. 61-74; H. S. EYMANN,«In Christo

enim possidendum est quod cum Christo estpossidendum. Rm VIII als

Verstehenshorizont ftir asketisches Leben in einem Trostbrief des

Eutropius », dans Philologia Sacra. Biblische und patristische Studien

fiir Hermann J. Frede und Walter,ed. R. GRYSONAus der Geschichte

der lateinischen Bibel 24), vol. 2: Apokryphen, Kirchenviiter,

Verschiedenes,Freiburg (Br.) 1993, p. 514-522. Sur I image d Adam

pecheur, cf G.-H. BAUDRY, Le retour d Adam au Paradis,symbole du

~

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288

G. DE SPIRITO

Marie «porte fermee », selon Ez 44, 1-361, t Temple du Logos62,

theme deja present dans l'hymne 5 d' Ambroise (claustrum

pudoris)63.A notre avis en effet, cette image ne s'est repandue

que plus tardivement dans l'art chretien.

5. Conclusions.

Au terme de cette analyse, on peut tout d'abord affirmer que

celie scene epresente effectivement l' Annonciation a la Yierge,

telle qu'on la retrouve dans Ie sarcophage dit de la fa mille

Pignatta a Ravenne, date de la fin du IY. et du debut du Y'

siecle64.Dans l'un et l'autre exemple, les elements symboliques

l'emportent sur une representation de type narratif.

L'image ne semble pas dependre des textes apocryphes,mais

plutot de l'exegese patristique de Lc 1, 26-39 et d' Es 7, 14 cite

par l'evangile65, exegese iee au theme de l'incarnation et au

schemade l'induere carnem.

De plus, en soulignant a difference entre Ie corps du Christ et

celui des autres hommes, la scene montre qu'il etait necessaire

que Ie Fils de Dieu naisse d'une Yierge et assumeune sarx ad

similitudinem carnis peccati pour sauver l'humanite du peche

d' Adam. II semble donc evident que Ie probleme theologique est

celui de la refutation de la doctrine pelagienne66 e Julien d'E-

salut de l'humanite », Melanges de SciencesReligieuses51 (1994), p.

117-147.

61. A. DE NICOLA,art. cit. (n. 31), p.195-1 .

62. Ibid., p.169-170.

63. Ambroise (?), Hymnes 5,14 (ed. M. SIMONElTI,op cit. (n. 32) p. 38-

39.89; ed. J. FONTAINE, p cit. (n. 32) p. 272-273) ct. aussi Hymne 8, 10

(ed. M. SIMONElTI, . 50-51.91; ed. J. FONTAINE,. 376-377); exegese

du demier texte et des deux passages ansJ. FONTAINE,. 285-286.361-

374.388-389.

64. Pour la scene qui nous interesse, l suffit de renvoyer Ii R. FARIOLI

CAMPANATI,La cultura artistica nelle regioni bizantine d'ltalia dal VI

all'XI secolo », dans I bizantini in Italia (Antica Madre 5), Milano 19862

(1982),p. 137-425, . 146, ig. 48 ; p. 171,n° 4.

65. Ct. Esaias.Pars I : Introductio generalis. Capita 1-39,ed. R. GRYSON

(Vetus Latina. Die Reste del altlateinischen Bibel12), Freiburg (Br.)

1987,p. 9-33.236-250.

66. Fl. G. NUYOLONEA. SOLIGNAC,Pelage et pelagianisme », dans

Dictionnaire de Spiritualite,Ascetique et Mystique,Doctrine et Histoire 12

(Paris 1986),col. 2889-2942;G. BONNER, Pelagianismand Augustine »,

RecherchesAugustiniennes26 (1992),p. 33-51 H. HoPING,«Pelagius»,

dans Biographisch-bibliographischesKirchenlexicon VII (1994), p. 168-

Page 281: Apocrypha 7, 1996

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289

 ANNONCIAllON DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

clane, qui affirmait que l homme n avait pas he ite naturelle-

ment de la culpa Adami a travers la concupiscentia carnis67.

Cette hypothese s accorderait d ailleurs bien avec l idee selon

laquelle il taut reconnaitre Adam dans Ie personnagevetil d une

exomis et figurant dans la scene a droite du deuxieme rang de

l arc68,selon une iconographie du protoplaste que l on retrouve

dans des Psautiers69.

La scene signifierait alors que Christ n etait pas seulement un

exemplum de redemption pour les hommes, mais qu il etait

necessaireque son corps flit different de celui d Adam. Il semble

des oTs evident que la scene epresente a position de l eglise de

Rome face a un probleme «christologique» presque exclusive-

ment occidental, et qui ne touche en lien Ie probleme de la

Theotokos. Enfin, sur Ie plan iconographique, la scene semble

relief Ie theme de l incamation du Christ au pallium, c est-a-dire

173; J. TAUER, «Neue Orientierungen zur Paulusexegese des Pelagius »,

Augustinianum 34 (1994), p. 313-358.

67. Ct. Augustin, Contra secundam /uliani responsionem 4, 122: ...vos

ipsam camem sanctam de uirgine procreatam caeterae camis hominum

coequatis, similitudinem camis peccati non distinguentes a carne peccati

(PL 45, 1418). Sur celie polemique, ct. surtout M. LAMBERIGTS,«Julian of

Aeclanum : a Plea for a Good Creator », Augustiniana 38 (1988), p. 5-24;

IDEM, «Augustine, Julian of Aeclanum and E. Pagels Adam, Eve, and

the Serpent », Augustiniana 39 (1989), p. 393-435; IDEM, «Julien d Eclane

et Augustin d Hippone : deux conceptions d Adam », dans Collectanea

Augustiniana. Melanges 7: J. van Bavel, ed. B. BRUNING M. LAMBERIGTS

-J. VAN HOUTEM (Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum

Lovaniensium 92), Leuven 1990, p. 373-410; Ph. L. BARCLIFf, «In

Controversy with Saint Augustin: Julian of Eclanum on the Nature of

Sin », Recherches de Theologie ancienne et medievale 58 (1991), p. 5-20.

68. Pour d autres hypotheses, ct. S. SPAIN, OF. cit. (n. 4), p. 151-161

(Salomon); S. SPAIN,art. cit. (n. 7), p. 524 (Isale); Ch. PIETRI, art. cit. (n.

5), p. 602 (un philosophe selon Ie schema traditionel d interpreter celie

scene); M. R. MILES, art. cit. (n. 5), p. 159-160 (Isale). Sur Adam pro-

phete et sur son role dans l exegese patristique, ct. E. OSBORN,«The

excellence of Adam in second century Christian thought », dans Figures

de l Ancien Testament chez les Peres (Cahiers de Biblia Patristica 2),

Strasbourg 1989, p. 35-59; D. A. BERTRAND, «Adam prophete », dans

Figures de l Ancien Testament chez les Peres (Cahiers de Biblia

Patristica 2), Strasbourg 1989, p. 61-81.

69. M. BERNABO, «Adamo, gli animali, Ie sue vesti e la sfida di satana.

Un complesso rapporto testo-immagine nella illustrazione bizantina dei

Settanta », Miniatura 2 (1988), p. 11-33, p. 23-26; ct. aussi certaines

remarques dans P. PLANK, « Die Wiederaufrichtung des Adam und ihre

Propheten », Ostkirchliche Studien 41 (1992), p. 34-49, p. 45-49. Sur Ie

Psautier chez les Peres, cf.le volume Le Psautier chez les Peres (Cahiers

de Biblia Patristica 4), Strasbourg 1994.

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290 G. DE SPIRITO

a l habit sacerdotaPO, t non pas a la pourpre. Ce vetement se

rattacherait plutot a l image du Christ-consul au, surtout a

l epoque byzantine, du Christ-David71,un personnageque DOllS

pensons pouvoir reconnaitre dans la figure qui se tient a cote de

celui en exomis72.

Finalement, Ie programme iconographique general des

mosalquesse rapprocherait probablement de celui de la pyxis de

Josephde Saint-Petersbourg premiere moitie du ye siecle), qui

semble marque par une polemique cantle Ie pelagianisme73.

C est pourquoi il DOllS emble que ces images refletent aussi

bien l evangile de Luc, Ie livre d Esale et les Psaumesque leur

exegese patristique et leur representation (en particulier les

Psautiers). D autres litteratures, comme les sources rabbi-

niques74 ules apocryphes, qui pourtant affleurent dans certains

textes75et dans l art chretien76n y interviennent guere. Le fait

que no us sayans parvenu a trouver les explications les plus

70. U. SCHUBERT,Christus, Priester und Konig. Eine politisch-theolo-

gische Darstellungsweise in der friihchristlichen Kunst », Kairos 25

(1973),p. 201-238, . 201-215.

71. Sur les deux metaphores, cf. A. DE NICOLA, art. cit. (n. 31), p.

173.177-181.

72. S. SPAIN, p. cit. (n. 4), p. 151-157; S. SPAIN, rt. cit. (n. 7), p. 524-

526; M. R. MILES,art. cit. (n. 5), p. 160. U. SCHUBERT,Der politische

Primatanspruch des Papstes dargestellt am Triumphbogen yon Santa

Maria Maggiore in Rom », Kairos 23 (1971), p. 194-226,p. 212-214,

incline plutot a y reconnaitre l empereur Auguste; G. A. WELLEN,op

cit. (n. 25), p. 115, et B. BRENK,op. cit. (n. 4), p. 30.40, pensent a un

empereur a l identite non precisee; par contre, N. A. BRODSKY,rt. cit.

(n. 6), p. 477-479,Y reconnait Valentinien III. L idee traditionnelle est

que ce personnage representerait Aphrodisius ; cf. Ch. PIETRI,art. cit.

(n. 5), p. 602.

73. B. DRAKEBOEHM, The Program of the Leningrad Joseph Pyxis »,

Gesta26 (1987),p.11-16.

74. K. KOGMAN-ApPEL, Die alttestamentlichen Szenen m Langhaus

yon Santa Maria Maggiore und ihr Verhaltnis zu jiidischen Vorlagen »,

Kairos 32/33 (1990/91), p. 27-51.

75. Cf. par exemple E. PATLAGEAN,Remarques sur a production et la

diffusion des apocryphes dans Ie monde byzantin », Apocrypha 2

(1991), p. 155-163;C. PAUPERT,« resencedes apocryphesdans a litte-

rature monastique occidentale ancienne », Apocrypha 4 (1993), p. 113-

123.

76. G. ROQUET, La reception de l image et du texte a motifs d apo-

cryphes dans leg chretientes d Egypte et de Nubie : quelques aper~us»,

Apocrypha 2 (1991), p. 181-215; N. THIERRY, L illustration des apo-

cryphes dans les eglises de Cappadoce», Apocrypha 2 (1991), p. 217-

247.

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 ANNONCIATION DE SAINTE-MARIE-MAJEURE

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Pierre-Alain MARIAUX

FNRS, Bruxelles

FIGURER L APOCRYPHE, OU LA vERITE

DEVOILEE PAR LA PEINTURE.

QUELQUES ICONOGRAPHES DU XIXe

SIECLE FACE A L IMAGE CHRETIENNEI

The study of the renewal of religious art in the XIX h century reveals

an ambiguity inherent to Christian pictures of that period: Having been

politically used at leastsince the French Revolution -and trying to take

up with the primitive Church, he Christian iconography has an apocryp-

hal scent.

A lire les iconographesdu sieclepasse,dans Ie mouvementgeneralde

renouveaude l art religieux au XIX siecle, une ambigultepropre a l ima-

ge chretiennepeut etre mise au our. En etter, celle-ciporte en germeavec

elle un soupfon d « apocryphie », dont l origine doit etre recherchee ans

l emploi a des ins politiques, au mains des la Revolution, d une icono-

graphie essentiellement hretienne. C est a degager cette articulation que

sont consacreeses quelques ignes qui suivent.

Le renouveau de l art religieux au siecle passe s accompagne

d une reflexion fiche et complexe, qui touche a l histoire genera-

Ie de l art -une histoire qui, sous certaines plumes, se confond

volontiers avec l histoire du christianisme -, ou leg penseurs

catholiques du XIxe siecle cherchent a enrayer Ie processusde

decadence (ou de degenerescence morale) telle qu ils la

voyaient refletee dans la proliferation des genres et Ie combat

entre leg divergesecoles artistiques. D autres iconographescher-

cheront au contraire a renover fondamentalement l iconogra-

L Le texte qui suit reprend les articulations de la communication orale.

Je precise que les quelques reflexions que ron va lire sont les premiers

fruits d une recherche consacreeau «my he pictural ».

Apocrypha 7, 1996,p. 293-300

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294

P.-J.

MARIAUX

phie chretienne : ainsi Charles Rene Forbes de Montalembert

(De [ etat actuel de l art religieux, 1837) et Fran~ois-Alexis Rio,

apotre du preraphaelisme en France (De la poesie chretienne

dans son principe, 1836, premier tome de son Art chretien,ache-

ve en 1867 seulement), qui influenceront de maniere durable

taus les auteurs de manuels. Parcourir les ecrits des icono-

graphes chretiens du siecle passe offre l occasion de mettre au

jour un phenomene relativement peu connu, qui touche de pres

a la definition de l apocryphe, et que je definirai provisoirement

comme «l articulation dialectique de l ancien et du nouveau ».

C est en m arretant a une image traduisant visuellement Ie fecit

apocryphe de la descente du Christ aux limbes que je tacherai de

debusquer cette articulation. L exemple d Hippolyte Flandrin,

baptise par ses contemporains du titre tres envie de Fra

Angelico de son siecle, servira de point de depart a un parcours

de quelques manuels d iconographie chretienne. Grace a ce par-

COUTS,l sera possible d entrevoir comment comprendre la

reception visuelle de l apocryphe au XIxe siecle d une part, mais

surtout de debusquer une ambigulte que je crois fondamentale

et ce, a travers l exemple d une Descente du Christ aux limbes,

realisee par Theophile-Alexandre Steinlen.

On a coutume de dire que la peinture religieuse du XIxe

siecle est un combat d arriere-garde, qui appartient a la petite

histoire de l art en un siecle ou «triomphe la lalcite» -petite

histoire ponctuee d efforts certes, mais d efforts vains et peu

couronnes de succes2.Apres 1830pourtant, un renouveau s est

accompli. II s appuie sur la recherche de modeles antiques que

l on debusque dans les siecles d or du primitivisme et manifeste

la volante d un rigorisme iconographique, reflet des preoccupa-

tions morales contemporaines. Ceci est un point essentiel : la

peinture religieuse doit en effet concilier les exigencesde la tra-

dition et de la modernite.

L art chretien en pleine renaissance,que servaient des artistes

desireux de devenir les Fra Angelico de leur siecle selon un pro-

gramme ambitieux de retour historique, se devait en effet d ac-

corder une attention particuliere aux images et donc de develop-

per une restauration de l iconographie, en tachant d eviter deux

ecueils: d une part l hermetisme, propre a une iconographie

2. Sur ce point, voir Bruno FOUCART, e renouveaude Lapeinture reLi-

gieuse en France (1800-1860),Paris, Arthena, 1987. La presente contri-

bution doit beaucoup au travail pionnier de Bruno Foucart, notamment

pour la comprehension du contexte dans lequel apparait ce renouveau

de l art chretien; mais l ambigulte dont il est question ici semble avoir

echappe a notre auteur.

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LA vERITE DEVOILEE PAR LA PEINTURE

295

trap epuree et precise; d autre part la privation de l initiative

personnelle, chere a l artiste.

Si l ideal de l artiste chretien est de traduire Ie vrai, Ie beau et

Ie bien, il va de soi qu il est appele a la perfection, ala saintete,

et qu en lui se retrouvent ces qualites. Le PeTeFelix, qui profes-

sa ses sermons sur l art chretien a Notre-Dame de Paris pour les

faire paraitre ensuite SOilSa forme d un recueil intitule L art

devant Ie christianisme (1867), appelait a line complete renova-

tion morale, qui puisse contredire Ie mouvement general de

decadencede l art chretien amorce, selon lui et d autres, depuis

les compositions de Raphael. Mais comment faire ? A la bete de

l Apocalypse, dont les tetes multiples sont la «negation absolue

du surnaturel », Ie «pantheisme », Ie « materialisme », Ie «positi-

visme », Ie «scepticisme », il taut opposer un ideal serein, pro-

prement chretien, qui s inscrit dans Ie cadre reconfortant de la

tradition. Seulle secours de la religion relit desormais reveiller

de son souffle et ressuscitercet art moribond.

Une partie des vreux du PeTeFelix semblait comblee oTsde la

fondation a Rome, Ie 21 juillet 1839, de la Confrerie de saint

Jean SOilS egide du peintre Henri Lacordaire. Le but de celie

confrerie etait «la regeneration [du monde] par l emploi chre-

tien de l art »3, regeneration que prenaient a leur compte

quelques artistes fran~ais en reaction au mouvement des

Nazareens et des Preraphaelites. L experience tourna court

pourtant, car plusieurs des membres eminents de celie noble

assemblee, las des activites mondaines sans doute, entrerent

dans es ordres.

Mais celie confrerie possedait un saint, un peintre inspire qui

«reposa sa tete avec amour sur la poitrine de Jesus et [qui] la,

dans d ineffables contacts avec Ie creur de son maitre, a puise a

la source la pleine science des miracles suscites dans Ie monde

nouveau par Ie sang du calvaire »4. Ce saint, c est Hippolyte

Flandrin, qui eut maille a partir avec la critique lorsqu il realisa

les fresques de la net de Saint-Germain-des-Presentre 1856 et

18635. Sur les deux paTois de l edifice, Flandrin developpe en

eifel un cycle de vingt grands tableaux, divisant l espace de

3. Cite par B. FOUCART,e renouveau..., . 45.

4. Lettre circulaire de Mgr l eveque de Nfmes invitant Ie clerge de son

diocese i prier pour l lime d Hippolyte Flandrin (Nimes -Paris 1864)

citee par B. FOUCART, e renouveau..., . 50.

5. A propos de ce cycle, voir la notice de Bruno HORAISTdans

Hippolyte, Auguste et Paul Flandrin. Une fraternite picturale au XIX

siecle,Paris, Reunion des museesnationaux, 1984,p.124-153.

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P.-J. MARIAUX

chaque travee en deux parties. La scene representee a gauche

renvoie au Nouveau Testament et guide la lecture, tandis que

celIe de droite est choisie dans les episodes de l Ancien

Testament que l on considere comme prefiguration du Nouveau.

L Ancien Testament est donc subordonne au Nouveau

Testament, en accord avec les conceptions qui avaient COUTS

dans l art chretien primitif, et l artiste donne la priorite a l Evan-

gile qu il deroule de l Annonciation a l Ascension. Chacun se

plaisait a retrouver en Saint-Germain-des-Prescomme un echo

du cycle de la basilique superieure d Assise. Flandrin proposait,

aide en cela d un comite dans lequel figurait Ie PeTeCahier, un

programme ambitieux pour l epoque, que les contemporains ne

comprirent pas tout de suite.

L abbe Lecanu, auteur entre autres d une Histoire de Satan,

accusait e peintre de ne yas respecter iconographie tradition-

nellement rec;ue par l Eglise, de ne pas s etre conforme a

1 « archeologisme» strict, et surtout de ne pas avoir suivi la tra-

dition des evangiles, fussent-ils apocryphes. Dans la scene de

l Annonciation en effet, il s etonne que la Vierge porte un vete-

ment a la franc;aiseet condamne Ie meuble de l extreme gauche

qu il juge incomprehensible; il eftt prefere, dit-il, que l artiste se

fiat au fecit du Protevangile de Jacques. Claudius Lavergne,

peintre et membre de la Confrerie de saint Jean, garant de l or-

thodoxie en matiere de peinture religieuse qu il avait contribue

a reformer, mais surtout ardent defenseurd Hippolyte Flandrin,

moque Ie choix de l apocryphe recommande par Lecanu, choix

qu il attribue a une volante de verite anecdotique. L abbe Hurel

resumera, assezbien semble-t-il, Ie sentiment general que devait

susciter a composition: «Ie dogme est ici exprime sans ealisme

mais sansequivoque aussi ...] »6.

Car il s agit bien d un conflit, gentle par la difficulte d articu-

leTde fac;onsatisfaisante a tradition et la modernite, qui s incar-

ne dans Ie realisme. La reaction, severe, de Dom Renon a la

parution en 1858des Institutions de l art chretiende l abbe Pascal

est revelatrice : il condamne chez l abbe la recherche pointilleu-

se de la vraisemblance historique et sa mefiance envers es tradi-

tions iconographiques appuyees par les evangiles apocryphes,

l accusant de sacrifier au «realisme » en foulant aux pieds la tra-

dition. Dom Renon veut s en tenir quant a lui aux peintures

approuvees.N est-ce pas la Ie combat du realisme que l on qua-

6. Abbe HUREL, L art religieux contemporain, Paris, 1868,p. 358; cite

par B. FOUCART,e renouveau..., . 71.

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P.-J. MARIAUX

sells la disparition de certaines scenes qui traduisent les recits

apocryphes. Car nous devons tenir compte de deux faits qui, a

ma connaissance,out ete ignores par les historiens d art.

1. L apocryphe contient en germe quelque chose de revolu-

tionnaire, car il ramene aux sourcesmemes du christianisme ; les

auteurs sont clairs a ce sujet. Renan par exemple dit de l art

chretien qu il s incarne en deux formes: la forme medievale,

austere et sublime, sans reflexion ni culture, qui correspond a la

foi de grandes massesd hommes (qui est en un mot une foi revo-

lutionnaire qu il a contribue a ranimer dans sa Vie de Jesus)

cette forme est surannee et doit etre remplacee par une forme

moderne, plus abstraite, plus epuree, correspondant a un senti-

ment individuel.

2. Dans son apparition forme Ie du moins, l image chretienne

est contaminee par des idees revolutionnaires ; la renovation

d un art qui serait religieux doit donc tenir compte de ce pheno-

melle, au risque de repeter une confusion8.

8. Jonathan P. RIBNER (Broken Tablets. The Cult of the Law in French

Art from David to Delacroix, Berkeley, University of California Press,

1993) a publie quelques exemples frappants, images ambigues mais pre-

cieuses; en voici un echantillon. En tant qu expression de la volonte

generale, la loi revolutionnaire s incarne dans une forme traditionnelle-

ment reservee aux Dix commandements. Ainsi, l assemblee legislative

decrete, Ie 12 juillet 1792, que son insigne, nouvel ostensoir, reproduira

les tables de la Loi sur lesquelles seront inscrits en lettres capitales

«DROITS DE L HOMME» et «CONSTITUTION» (ibidem, pl. 2). Apres disso-

lution de l assemblee legislative et proclamation de la republique en

septembre 1792, la nouvelle constitution de l an 1(24 juin 1793) rempla-

ce la premiere, mais garde son enveloppe materielle; les tables de la loi

presentent ainsi leurs 35 articles sous l reil de la Trinite et Louis-Jean

Allais commemore l evenement par une gravure des plus explicites : la

constitution de 1793, c est la Loi rec;:uepar MoIse au Mont Sinal, oule

Sinal vaut evidemment pour la Montagne, c est-a-dire la section radica-

Ie de la Convention (ibidem, fig. 4). La parente est des plus saisissantes

lorsque l on sait d autre part que l original de la nouvelle constitution

prend place dans une arche de chene. Aces emprunts veterotestamen-

taires, les contre-revolutionnaires repliquent par une iconographie neo-

testamentaire : l une de leur feuille satyrique se nomme les Actes des

apotres par exemple. La destitution du roi s apparente a un nouveau

calvaire, oul on peut reconnaitre Robespierre tendant l eponge imbi-

bee de vinaigre au Christ-Louis XVI crucifie entre ses freres, Ie futur

Louis XVIII et Charles X (gravure de M. Webert, voir ibidem, fig. 12).

Pour James Gillray, caricaturiste anglais, Ie coup d etat du 18 brumaire

de l an VIII (9 novembre 1799) ne souffre d aucune ambigulte : Ie gene-

ral Bonaparte apparait en Christ chassant les marchands du temple (ibi-

dem, fig. 16). Plus tard, en raison de sa reforme legislative, Napoleon

devient, dans quelques compositions presentees aux salons, MoIse tra-

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LAvE-RITE DEVOILEE PAR LA PEINTURE

Certains artistes de la fin du siecle opposent, par un retour

conscient et reflechi aux sources iconographiques du passe, Ie

souhait de retourner a l evangelisme initial. Dans ce contexte, il

est interessant de s attarder sur une Descente du Christ aux

limbes assez inguliere : La Liberatrice de Theophile-AI~xandre

Steinlen (fig. 1), qui presente de fa~on eclatante cette ambigulte

fondamentale.

De la narration apocryphe consignee dans leg Actes de Pilate,

l iconographie ne retient que Ie denouement paroxystique, Ie

moment ou Ie Christ saisit Adam par Ie poignet pour l emporter

au-dela de l enfer. C est Ie theme de l anastasisbyzantine, exem-

plum du salut promis a toute l humanite. 11est plus que probable

que Steinlen se gait inspire du fecit apocryphe, ou tout au mains

d une image l illustrant, pour realiser sa composition. En effet, la

lumiere, marquee ici par Ie flambeau jetant un vif eclat sur leg

ouvriers, leg chaines brisees qu exhibe la foule implorante, mais

surtout Ie groupe central, DOUgont penser a une veritable anas-

tasis revolutionnaire. Ainsi, l ouvrier au torse nu, tenant une

pioche en main droite, evoque Ie premier homme, Adam, chasse

du paradis et condamne par la sentence divine a la peine ter-

restre (Gn 3, 19). Dans ce vibrant appel visuel au changement

social, Steinlen cree un amalgame puissant ou Marianne prend

leg traits du Christ descendantaux limbes ; eUe essusciteAdam-

Ouvrier et Ie transforme dans sa nature meme. Par cet acte, eUe

entraine Ie flat des ressuscitesveTS e paradis, qu ils atteignent

en renversant ordre ancien9. r

QueUe le~on retenir de cette image, consideree ici comme

exemplaire? EUe DOUg ermet de mettre au jour l articulation de

l ancien et du nouveau, dans Ie gensou eUe manifeste un conflit

propre au XIxe siecle, conflit qui tient tout entier me semble-t-il

dans la dichotomie catholique-chretien. L attitude chretienne,

qui vise a retourner a l Eglise primitive, tolere leg epanchements

versant la Mer Rouge, et peut, parfois, se substituer aDieu lui-meme

en tant qu il est Ie sol invictus (voir un tableau circulaire de Anne-

Louis Girodet Trioson, 1804 environ, a la Galerie Wildenstein, New

York) ou qu il remet Ie code civil a MoIse en personne (idem, fig. 24).

Sur Ie plan litteraire, oil se retrouve un phenomene similaire, voir leg

deux ouvragesremarquables de Frank Paul BOWMAN, e Christ roman-

tique, Geneve, Droz, 1973 et Le Christ des barricades. 1789-1848,Paris,

Cerf,1987.

9. Pour une demonstration plus complete, voir, de l auteur de res lignes,

«Detoumements iconographiques chez Theophile-Alexandre Steinlen.

A propos de La Liberatrice », Gazette des Beaux-Arts CXXI, n° 1492-

1493 (1993),p. 231-240.

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300

P.-J.MARIAUX

apocryphes en ce sells, et en raison surtout de la contamination

presentee plus haul, toute image chretienne qui appuierait ce

retour est consideree a juste titre comme apocryphe (ou non-

canonique). L attitude catholique, quant a elle, cherche a retrou-

ver l idee d une Eglise perenne, telle qu on devait la penser au

moyen age selon les auteurs du siecle passe, unique periode

pour Ernest Renan qui offrit a l homme un contact plus ou

moins etroit avec l infini. Mais l image chretienne est contami-

nee, ou pervertie selon es auteurs, orsqu elle aborde la periode

calme qui s ouvre apres la monarchie de juillet : Ie retour aux

origines est en effet seme d embfiches.

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David R. CARTLIDGE

Maryville College, TN, USA

AN ELECTRONIC DATABASE OF

PICTORIAL IMAGES PARALLELED

IN CHRISTIAN APOCRYPHA

A l'aide d'une iche descriptive, 'auteur presenteson projet d'une ban-

que de donnees (APOCICON) qui met en parallele les expressionsigu-

ratives et litteraires desapocrypheschretiens.

The author's project of an electronically searchable databaseof art

which parallels the literary versions of Christian Apocrypha is presented

here with a sample entry rom the database.

The increasing interest of the academy in Christian

Apocrypha (a. k. a. «New Testament Apocrypha») includes

investigation of the pictorial art which either parallels or shows

the influence of this literature. There can be a fruitful outcome

when one follows the development of the narratives in the

Christian Apocrypha in conjunction with the history of the

iconography of these narratives. Unfortunately, a search for the

art of the Apocrypha is often difficult and always time-consum-

ing, even if one has access o one of the loci of The Index of

Christian Art . The Index is attempting to gain the monies to

create an electronic version of its more than seven million cards

and entries, but, even when funded, this project will not be com-

pleted for some time.

1. The collection is at Princeton University, and there are copies of this

collection at Utrecht, the Vatican, Berkeley, and Dumbarton Oaks

(Washington,DC).

7,1996, p. 301-303

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D. L. CARTLillGE

I have begun a continuing project, namely, an electronically

searchabledatabaseof art which parallels the literary versions of

Christian Apocrypha (the file name is APOCICON). At this

point the database references about 1500 monuments (each

entry in various stages of editing)2, The entry form of the data-

base ollows this example3

APOC [ T ] PHOTO [ 834.00and 834.10]

CYCLE [ John Evangelist, Life Cycle; John Living Wife to Be ; John

on bosom of Christ; St. Alexis Leaving his Wife]

MEDIUM [ ms. ill., narrative]

ARTIST [ ]

PROVENANCE [ Anselmus, Meditationes et Orationes, fol. 56ro.

Originally from the Nunnery of Traunkirchen. ]

LOCATION [ Monastery of Admont, Stiftsbibliothek, lat. 289, fol.

56ro ]

CITY [ Admont] STATE [ Austria] DATE [1160 ca ]

CENTURY [ 12]

TEXT [AJn 113; AJn (from the lost beginning ?) ]

DESCRIPTION [ Two scenes in one frame. Scene 1 : Left. John

leaves his wife (or fiancee). John s wife is far left, facing frontally,

wearing a cap, with her L. hand at her face,head tilted to the right.

She holds a book. John is to her right, nimbed, wearing a philoso-

pher s tunic. John strides to the right, his right leg forward. His

upper body is turned back toward the woman; his right hand half

raised, gestures for her to remain. His left hand is in the tunic s

sling. Also gesturing for the woman to stay. John s garments flow

in a manner depicting motion. The woman is a static figure. Scene

2, Right. John leans on Christ s bosom. Both figures face frontally.

Christ is seated on the right half of a backed bench; he is cross

nimbed, his head tilted left, over John s head. John is left, not nim-

bed, seated on the left half of the bench, reclining, with his head

on Christ s breast. Christ is beardless,with his right hand and arm

draped across John s shoulders. John s right hand is placed on

Christ s abdomen. B. B. John in left sceneand Jesus n right scene

bear the same facial features. Inscription in the top border is from

an hymn attributed to Notger : « Tu leve coniugis / pectus respuisti

/ Messiam secutus / / Ut eius pectoria / sacra meruisses / fluenta

2. The database uSesa program called « askSam», wich can be «down-

loaded » in ASCII or DOS langage.

3. This entry was mported from the databaseand edited in the author s

word processing program. The field PHOTO [ ] refers to the author s

collection of images.

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