Séance thematique a l'Académie nationale de médecine: le bon usage des antibiotiques

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La r~sistance des bact~ries aux antibiotiques est notamment la r~sultante d'un mauvais usage : prescriptions non justih~es, choix erron&.. L'Acad~mie nationale de mddecine a rduni des experts de I'antibioth~rapie sur le th~me du bon usage. L a resistance, que I'on peut prevenir par I'antibiogramme systematique, est une strategie de protection des bacteries, dont I'acquisition souleve I'hypotheee d'une intelligence bacterienne collective, suggere le Pr Jean-Claude Pechere (Geneve) : ,, Chaque fois qu'un antibio- tique est d~couvert, les bact~ries trouvent un moyen de s'y opposer. Or pratique- ment aucune innovation significative n'a #merg6 depuis plus de 10 ans. Nous rai- sons donc face ~ une v~ritable crise, ob certaines infections graves apparaissent resistantes ~ tout ,,. II y a trois modes d'antibioresistance : pro- duction d'enzymes inhibitrices (beta-lacta- mases), alteration volontaire de la mem- brane neutralisant la liaison de I'antibio- tique aux molecules-cibles bacteriennes (SARM), efflux de I'antibiotique hers de la bacterie (Pseudomonas multir#sistants) ou induction d'une impermeabilit6 de la membrane (Gram negatifs). Phenomenes induits par mutations genetiques, ou par echange des caract~res de resistance par le biais d'elements genetiques mobiles tels les plasmides. Le Pr Pechere a presente les resultats d'une enquete realisee chez 3 254 per- sonnes en France, Allemagne, Italie et Espagne & propos des qualites de leur medecin et de la perception qu'ils avaient du traitement antibiotique re¢u dans les 2 mois precedents pour infection respiratoi- re benigne. Dans chaque pays on a inter- roge 600 adultes et 200 personnes ayant soigne un enfant de 18 mois & 12 ans. L'enqu~te a r~v~le six comportements, per- mettant de classer les patients en quatre categories : impfiques (30 %), deferente (23 0/o), ignores (13 O/o),critiques (17 °/0). Les impliques et les deferents respectent mieux le bon usage des antibiotiques et I'ordonnance et se disent mieux informes par leur medecin. Les ignores gardent plus souvent des antibiotiques non utilises pour une future automedication. Les cri- tiques decrivent plus souvent que tes autres de fa(~on negative leur medecin, mettant en doute sa competence, esti- mant savoir mieux que lui ce qu'il faut prescrire (en majorit6 Italie et France). Dans les quatre categories, une majorite de sujets estime qu'il faut traiter une grip- pe avec des antibiotiques. Les Fran~ais sont de loin les moins infor- mes par leur medecin. D'ailleurs, un veritable deficit d'informa- tion sur les antibiotiques est apparu, que le professionnel de sante est le mieux place pour reduire, notamment en ciblant les ignores qui accumulent les risques de mauvais usage et de selection de bacte- ries resistantes. R6sistance et hygibne hospitalibre Le Dr Didier Pittet (Service de prevention et contrele de Pinfection, CHU de Geneve) a souligne de rSle de I'hygieniete hospitalier : medecin, biologiste, infirmier, ~rues des ;s 6pilep- ~quentes, lat6ral. satisfai- patients is ou tr~s on dispo- tion de la bserv6s ¢lippon ingenieur, dans la reduction de I'antibiore- sistance. II est le referent de I'application et du resultat des strategies d'emploi rationnel des antibiotiques pour limiter la resistance bacterienne et sa propagation, impliquees dans les infections nosoco- miales. L'augmentation ou la stagnation de la nosocomialit6 est due autant aux erreurs de prescription qu'& des pratiques de soins erronees. En milieu de soins, on ne peut edicter des r~gles de bon usage des antibiotiques sans regles de bonne pratique des soins. Est-il possible de developper une poli- tique antibiotique rigoureuse en France, demande le Pr Patrick Choutet (Service des maladies infectieuses, CHU Bretonneau, Tours). Taux d'antibioresis- tance et consommation les plus eleves d'Europe, ville et hepital, ainsi que I'ab- sence previsible de nouveaux antibio- tiques, imposent une modification de com- portement des prescripteurs et du public. En 2001 a 6te mis en place un plan national pour preserver I'efficacite des antibiotiques, avec une circulaire (2002) definissant la fonction de referent en antibiotherapie et creation d'une Commission des anti-infec- tieux dans chaque 6tablissement. La cam- pagne de I'Aesurance maladie : - Les anti- biotiques c'est pas automatique ,,. a permis en deux ans de reduire de 17 % la prescrip- tion d'antibiotiquee surtout chez I'enfant, habituellement gros consommateur sous la pression parentale... J.-M. M. 12 Revue Frangaise des Laboratoires, novembre 2004, N° 367

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La r~sistance des bact~ries aux antibiotiques est notamment la r~sultante d'un mauvais usage : prescriptions non justih~es, choix erron&.. L'Acad~mie nationale de mddecine a rduni des experts de I'antibioth~rapie sur le th~me du bon usage.

L a resistance, que I'on peut prevenir par I'antibiogramme systematique, est

une strategie de protection des bacteries, dont I 'acquisition souleve I'hypotheee d'une intelligence bacterienne collective, suggere le Pr Jean-Claude Pechere (Geneve) : ,, Chaque fois qu'un antibio- tique est d~couvert, les bact~ries trouvent un moyen de s'y opposer. Or pratique- ment aucune innovation significative n'a #merg6 depuis plus de 10 ans. Nous rai- sons donc face ~ une v~ritable crise, ob certaines infections graves apparaissent resistantes ~ tout ,,. II y a trois modes d'antibioresistance : pro- duction d'enzymes inhibitrices (beta-lacta- mases), alteration volontaire de la mem- brane neutralisant la liaison de I'antibio- tique aux molecules-cibles bacteriennes (SARM), efflux de I'antibiotique hers de la bacterie (Pseudomonas multir#sistants) ou induction d'une impermeabilit6 de la membrane (Gram negatifs). Phenomenes induits par mutations genetiques, ou par echange des caract~res de resistance par le biais d'elements genetiques mobiles tels les plasmides. Le Pr Pechere a presente les resultats d'une enquete realisee chez 3 254 per- sonnes en France, Allemagne, Italie et Espagne & propos des qualites de leur medecin et de la perception qu'ils avaient du traitement antibiotique re¢u dans les 2 mois precedents pour infection respiratoi- re benigne. Dans chaque pays on a inter- roge 600 adultes et 200 personnes ayant

soigne un enfant de 18 mois & 12 ans. L'enqu~te a r~v~le six comportements, per- mettant de classer les patients en quatre categories : impfiques (30 %), deferente (23 0/o), ignores (13 O/o), critiques (17 °/0). Les impliques et les deferents respectent mieux le bon usage des antibiotiques et I'ordonnance et se disent mieux informes par leur medecin. Les ignores gardent plus souvent des antibiotiques non utilises pour une future automedication. Les cri- tiques decrivent plus souvent que tes autres de fa(~on negative leur medecin, mettant en doute sa competence, esti- mant savoir mieux que lui ce qu'il faut prescrire (en majorit6 Italie et France). Dans les quatre categories, une majorite de sujets estime qu'il faut traiter une grip- pe avec des antibiotiques. Les Fran~ais sont de loin les moins infor- mes par leur medecin. D'ailleurs, un veritable deficit d'informa- tion sur les antibiotiques est apparu, que le professionnel de sante est le mieux place pour reduire, notamment en ciblant les ignores qui accumulent les risques de mauvais usage et de selection de bacte- ries resistantes.

R6sistance et hygibne hospitalibre

Le Dr Didier Pittet (Service de prevention et contrele de Pinfection, CHU de Geneve) a souligne de rSle de I'hygieniete hospitalier : medecin, biologiste, infirmier,

~rues des ;s 6pilep- ~quentes, lat6ral. satisfai- patients

is ou tr~s

on dispo- tion de la bserv6s

¢lippon

ingenieur, dans la reduction de I'antibiore- sistance. II est le referent de I'application et du resultat des strategies d'emploi rationnel des antibiotiques pour limiter la resistance bacterienne et sa propagation, impliquees dans les infections nosoco- miales. L'augmentation ou la stagnation de la nosocomialit6 est due autant aux erreurs de prescription qu'& des pratiques de soins erronees. En milieu de soins, on ne peut edicter des r~gles de bon usage des antibiotiques sans regles de bonne pratique des soins. Est-il possible de developper une poli- tique antibiotique rigoureuse en France, demande le Pr Patrick Choutet (Service des maladies infectieuses, CHU Bretonneau, Tours). Taux d'antibioresis- tance et consommation les plus eleves d'Europe, ville et hepital, ainsi que I'ab- sence previsible de nouveaux antibio- tiques, imposent une modification de com- portement des prescripteurs et du public. En 2001 a 6te mis en place un plan national pour preserver I'efficacite des antibiotiques, avec une circulaire (2002) definissant la fonction de referent en antibiotherapie et creation d'une Commission des anti-infec- tieux dans chaque 6tablissement. La cam- pagne de I'Aesurance maladie : - Les anti- biotiques c'est pas automatique ,,. a permis en deux ans de reduire de 17 % la prescrip- tion d'antibiotiquee surtout chez I'enfant, habituellement gros consommateur sous la pression parentale...

J.-M. M.

12 Revue Frangaise des Laboratoires, novembre 2004, N ° 367