romantisme et mondialisation.pdf

download romantisme et mondialisation.pdf

of 12

Transcript of romantisme et mondialisation.pdf

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    1/12

    ROMANTISME ET MONDIALISATION

    Alain Vaillant

    Armand Colin / Dunod | Romantisme

    2014/1 - n163

    pages 3 13

    ISSN 0048-8593

    Article disponible en ligne l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-romantisme-2014-1-page-3.htm

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Vaillant Alain, Romantisme et mondialisation ,

    Romantisme, 2014/1 n163, p. 3-13. DOI : 10.3917/rom.163.0003

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour Armand Colin / Dunod.

    Armand Colin / Dunod. Tous droits rservs pour tous pays.

    La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votre

    tablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire que

    ce soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur en

    France. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

    Documenttlchargdepu

    iswww.cairn.info-Universit?deLausanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24/03/201511h12

    .

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    2/12

    Alain Vaillant

    Romantisme et mondialisation

    MONDIALISATIONS DHIER ET DAUJOURDHUI

    Dans lensemble des sciences humaines et sociales, quil sagisse de littrature,dhistoire conomique et sociale, voire de sociologie ou danthropologie, la mon-dialisation est lordre du jour et est en passe de devenir le principal objet dequestionnement ou de recherche. Il sagit pour les uns de relire lhistoire du monde laune de cette notion nouvelle, quon lappelle mondialisation ou, sous sa formela plus ngative et la plus alinante, globalisation, ou quon rflchisse justement,non ce quest aujourdhui, dans un village plantaire dsormais soumis aux mmesmcanismes mdiatiques et technocratiques, notre globalisation conomique, mais une mondialisation heureuse, humaniste et cologique : car, dans cet univers sanslimite o la culture parat ne plus connatre dautres frontires que celles quimpose

    la nature, lcologie, de quelque manire quon la thorise, est le nouvel humanisme,forcment universel.

    Les institutions du savoir et de la recherche, dont participe indirectement une revuecommeRomantisme, sont elles-mmes soumises cet impratif de dcloisonnementgographique : la mise en concurrence des universits lchelle du monde, lenomadisme de flux croissants dtudiants de toutes nationalits, la dterritorialisationde linformation scientifique permise ou impose par internet, tout conduit unfonctionnement internationalis de la vie intellectuelle qui rappelle, mais une

    chelle infiniment plus grande, la Rpublique des Lettres de lge classique. Lintenserflexion actuelle sur la mondialisation (et sur ses causes ou ses prodromes historiques)nest rien dautre, cet gard, que la consquence dun tat de fait actuel et, plusinsidieusement, le rsultat efficace des diverses pressions quexercent sur le travailsavant les institutions en tout genre qui en ont la tutelle.

    Il ny a pas l matire tonnement ni scandale. Malgr la vision idalise quadurablement impose le mythe de la clture mdivale, le monde des clercs na jamaiseu dautre fonction que fournir ses commanditaires les comptences, les outils, lesidologies, les discours descorte dont ceux-ci avaient besoin pour leur action. L

    encore malgr un prjug tenace, aucun univers nest sans doute aussi permableaux effets de mode et lair du temps, sous ses formes les plus superficielles, que lemilieu intellectuel prcisment grce son pouvoir inpuisable dautojustification,qui le persuade volont de son indpendance de pense et dinitiative. Puisque

    rticle on linerticle on line Romantisme, n163 (2014-1)

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    3/12

    4 Alain Vaillant

    mondialisation il y a, il nous revient den parler et, aussi pertinemment que possible,de la penser.

    Au demeurant, lactualit ou lopportunisme vident du dbat sur la mondialisa-tion nempche nullement, bien entendu, quil naboutisse dincontestables progrspistmologiques. Dans le domaine de la littrature franaise, la question a clat augrand jour mdiatique le 16 mars 2007, avec larticle-manifeste du Monde Pourune littrature-monde en franais , o la cible clairement dsigne des promoteursde cette littrature-monde tait une vision trop franco-centre et imprialiste dela francophonie, faisant de la littrature francophone une annexe priphrique, tous les sens du terme, de la littrature franaise1. Mais, de faon plus gnrale et cettefois-ci au sein de luniversit, la rflexion sur la littrature mondiale a bnfici du

    dveloppement et des progrs de la littrature compare laquelle revient, prioritai-rement et de plein droit, son tude et sa thorisation. Ds 1988, Ren tiemble, lamanire ruptive et narcissique qui tait la sienne, en appelait un comparatismeplantaire2 , aprs avoir t ds les annes cinquante un des principaux passeurs entreles cultures asiatiques et europennes. Plus prs de nous, Bertrand Westphal a essayde lancer lide et le mot joliment vocateur de gocritique3 . Surtout, reprenant etlargissant la vise europenne de la romanistique allemande, la littrature compareamricaine a connu une trs remarquable expansion aprs la Seconde Guerre mon-diale, adosse lautorit de grandes figures universitaires, comme Ren Wellek4 ou

    Northrop Frye5, puis rcemment alimente par une polmique thorique laquelleont notamment particip David Damrosch6 et Franco Moretti7, quvoque JrmeDavid dans son essai Spectres de Gthe8 et dont on peut suivre les prolongementsfranais dans un collectif dirig par Christophe Pradeau et Tiphaine Samoyault9.

    Cependant, que la mondialisation soit la mode nimplique pas ncessairementque le phnomne soit rcent. Au contraire, il est littralement prhistorique : ds le

    XIXe sicle, la paloanthropologie nous a habitus tudier les migrations humaines la surface terrestre, sans considration, et pour cause, des frontires nationales. Etsans mme remonter si loin dans le temps, lhistoire ancienne a aussi appris depuis

    1.Sur cette polmique, voir aussi Michel Le Bris, Jean Rouaud et Eva Almassy,Pour une littrature-monde, Paris, Gallimard, 2007.

    2.Ren tiemble, Ouverture/s/sur un comparatisme plantaire, Paris, Christian Bourgois diteur,1988.

    3. Voir Bertrand Wastphal,La Gocritique. Rel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007.4.Pour Ren Wellek, le comparatisme tait insparable de la rflexion thorique, comme on peut le

    voir travers son ouvrage monumentalA History of Modern Criticism, 8 vol., New Haven, Yale UniversityPress, 1955-1992.

    5. Bien quil y exert lui-mme comme professeur danglais et soit dabord connu pour ses travauxde thorie littraire, Northrop Frye a fond le Centre de littrature compare de luniversit de Toronto.

    6.Voir notamment : David Damrosch, What is World Literature ?, Princeton, Princeton University

    Press, 2003.7.Voir notamment : Hypothses sur la littrature mondiale ,tudes de lettres,n2, 2001, p. 9-24 ;Graphes, cartes et arbres : modles abstraits pour une autre histoire de la littrature , Paris, les Prairiesordinaires, 2008 (d. or. 2005).

    8.Jrme David,Spectres de Gthe. Les mtamorphoses de la littrature mondiale , Paris, LesPrairies ordinaires, 2007. Voir galement son article ci-dessous.

    9.Christophe Pradeau et Tiphaine Samoyault (dir.), O est la littrature mondiale ?, Saint-Denis,Presses universitaires de Vincennes, 2005.

    2014-1

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    4/12

    Romantisme et mondialisation 5

    longtemps que lvolution des civilisations et des empires tait faite dinfluencesrciproques entre les cultures, dhybridations ou de chocs de populations, dune

    lente, complexe et irrversible interpntration entre les divers foyers de culture dont tmoigne, en particulier lhistoire des religions, des modes de vie, des arts.Mais descendons encore le temps et restons cette fois dans le cadre de la recherchelittraire : en 2010, Christie McDonald et Susan Suleiman ont os choisir comme titreloxymoriqueFrench Globalpour un ouvrage10 qui revendiquait dans son sous-titre une nouvelle approche de lhistoire littraire , trs loigne de la conception trsfranco-centre de la littrature dont elles font en introduction le reproche peine voilaux travaux mens en France. Au fil des pages, il apparaissait ainsi que, ds le Moyen

    ge ou la Renaissance, la vie littraire franaise tait beaucoup moins homogne,

    centre sur elle-mme et sur ses dterminismes internes, quon se la reprsentait.La seule question srieuse, propos de cette mondialisation dont on parle

    aujourdhui, est donc de savoir ce quelle a de spcifique par rapport ce que noussavons du pass, sil sagit seulement de la prise de conscience rcente dun phnomneplus ancien ou dune inflexion rellement nouvelle et originale. Comme toujoursdans les questions historiques, il faut faire la part des choses et ne pas oublier que lesmcanismes sont toujours scalaires, ne se rduisent pas une alternative simplificatricemais admettent une infinit dtats intermdiaires. Tout bien pes, on doit nanmoinsreconnatre trois singularits remarquables la situation actuelle.

    Commenons par la plus spectaculaire : la prsente mondialisation saccompagne,pour la premire fois, dun dplacement de son centre de gravit gographique et nestplus europano-centre (voire occidentalo-centre)11. Le prodigieux dveloppementdes pays dits mergents a durablement dcentr vers lAsie une globalisation qui,jusque-l, pouvait lgitimement passer pour un avatar, faussement universaliste, delimprialisme occidental. Dans la trs clbre conversation que Goethe tient avecEckermann en 1827 et o il emploie le mot de Weltliteratur, le plus frappant estquil lui vient dj au dtour dune remarque sur un roman chinois : Mais, dis-je,peut-tre ce roman chinois est-il des plus exceptionnels ? Pas du tout, dit Goethe,les Chinois en ont des milliers de ce genre, et mme ils en avaient dj quand nosanctres vivaient encore dans les bois. [...] Le mot de Littrature nationalene signifiepas grand-chose aujourdhui ; nous allons vers une poque de Littrature universelle[Weltliteratur], et chacun doit semployer hter lavnement de cette poque12. En1827, il sagit encore dune curiosit dsintresse de lettr, prcdant la colonisationpuis lexploitation systmatique par les pays europens en phase dindustrialisationtriomphante de tous les territoires lointains. Aujourdhui, linsistance sur la diversit

    10.Christie McDonald et Susan Suleiman (dir.),French Global. A New Approach to Literay History,New York, Columbia University Press, 2010. Pour sa rception franaise, voir le dossier critique dActaFabula(janvier 2012, vol. 13, n 1).

    11.Ce fut le mrite dEdward Sad, dont les thses restent trs discutes en France, davoir du moinsinvit poser frontalement le problme de cet occidentalo-centrisme : voir en particulier LOrientalisme.

    LOrient cr par lOccident, Paris, Seuil, 1980 (1978).12.Conversations de Goethe avec Eckermann, Jean Chuzeville (trad.), Paris, Gallimard, 1988 (1833),

    p. 205-206.

    Romantisme, n163

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    5/12

    6 Alain Vaillant

    des changes, sur la complexit, lambivalence et la richesse des mcanismes detransferts, peut bon droit passer pour un remords postcolonial. Mais le remords ne

    doit pas oblitrer la ralit : les travaux de Pascale Casanova13 et de Franco Morettiont amplement montr que la diffusion internationale des littratures tait dabordaffaire de concurrence et de lutte pour le leadershipculturel entre les principalesnations productrices (notamment lAngleterre et la France au XIXe sicle, rejointespar les tats-Unis auXXe sicle). Ds 1904, au plus fort de la comptition entre lesprincipales nations europennes, Lanson avait dailleurs formul, dans son articlefondateur Lhistoire littraire et la sociologie , une loi des influences trangres ainsi dfinie : La grandeur politique et militaire dune nation lui confre un prestigequi fait que de cette supriorit partielle le respect si humain de la force conclut

    une supriorit gnrale de civilisation. Dautres peuples donc, sans consulter leurbesoin ni leur aptitude, ni leur tradition, ni leurs conditions dexistence, transportentple-mle, chez eux, tout ce quils trouvent dans la grande nation, murs, costumes,arts, littrature14. Mais les choses avancent si vite, laffaiblissement relatif des paysoccidentaux devient si patent quon se demande si le temps du remords nest pas djpass, et si, plus ou moins consciemment, lappel la mondialisation quilibre descultures nest pas aujourdhui une mesure conservatoire, un plaidoyer pro domodela part de cultures europennes dsormais menaces dans leur prennit et nayantdautre perspective que de constituer toutes runies un vaste muse ciel et livres

    ouverts.Justement, la deuxime singularit de cette globalisation est lacclration verti-

    gineuse des transferts culturels, la circulation presque instantane des modles, despratiques, des productions culturelles, suscitant lchelle du monde un trangesentiment de simultanit, dont participent la fois lhomognisation mondiale desclasses moyennes et la formidable volution des technologies de communication. propos de lmergence dune opinion publique lchelle dune nation, Gabriel Tardeavait not en 1901, dansLOpinion et la foule, que la presse quotidienne, en donnantlillusion que chacun avait accsen mme tempsaux mmes informations ou dbats,

    avait jou un rle capital : Un public spcial ne se dessine qu partir du moment,difficile prciser, o les hommes adonns aux mmes tudes ont t en trop grandnombre pour pouvoir se connatre ainsi personnellement, et nont senti se nouerentre eux les liens dune certaine solidarit que par dimpersonnelles communicationsdune frquence et dune rgularit suffisantes15 . Le mme phnomne sest rptdepuis, mais lchelle du monde et au rythme infiniment acclr que permettentnos actuelles industries mdiatiques, en vertu dun phnomne de mondialisation dela communication quAlphonse Gratry avait prophtis en 1871 : Aujourdhui [...]tous les peuples europens se touchent. Dans un mme jour, la mme heure, ils

    savent, ils voient et ils pensent les mmes choses. Il en sera bientt de mme pour le

    13. Voir en particulier La Rpublique mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 1999.14.Gustave Lanson, Lhistoire littraire et la sociologie , Revue de mtaphysique et de morale,

    1904-4, republi dans Robert Melanon, lisabeth Nardout-Lafarge et Stphane Vachon, Le Portatifdhistoire littraire, Montral, Paragraphes, 1998, p. 153.

    15. Gustave Tarde,LOpinion et la foule, Paris, Sandre, 2008 (1901), p. 13.

    2014-1

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    6/12

    Romantisme et mondialisation 7

    monde entier. Les mouvements ne sont plus successifs, ils sont simultans. En uncertain sens capital, la vie densemble du genre humain commence aujourdhui, au

    milieu du dix-neuvime sicle16 . Mais cette industrialisation de la mdiatisationira ncessairement de pair avec sa massification : cest le troisime caractre de lamondialisation actuelle, qui est trop vident pour quil soit utile de le commenter.

    LA VRAIE PREMIRE MONDIALISATION

    Tarde, Lanson : nos rfrences nous ramnent aux Riches Heures de la TroisimeRpublique. De fait, nombre dhistoriens, linstar de Suzanne Berger17, datentde la Belle poque la premire mondialisation , marque par un accroissement

    phnomnal des flux financiers lchelle du monde. conomiquement, cest sansdoute vrai, mme si lexpansion industrielle et coloniale de lAngleterre, au XVIIIe

    sicle, a donn une premire impulsion, que les donnes statistiques elles seules nesuffisent pas traduire. sa suite, lhomognisation des socits occidentales, tout aulong duXIXe sicle, reflte la progression hgmonique du modle socio-conomiqueissu de la rvolution industrielle, en Europe et dans sa zone dexpansion, et elle estaccompagne paralllement par une intensification spectaculaire de toutes les formesdchanges (marchandises, personnes, produits culturels, ides), qui concide avec lapopularisation du romantisme. En effet, non seulement le romantisme a profit de ce

    vaste march pour prosprer et stendre, mais, en retour, il en a reu des influencesqui inflchissent de faon dcisive sa physionomie. Venant aprs la premire vaguede dcouvertes et dexplorations qui commence avec la Renaissance, le romantismemarque de ce point de vue les vrais dbuts de la mondialisation culturelle18.

    On ne doit donc pas stonner si, ds 1827, Goethe, que ses convictions esthtiquesrattachent dailleurs la culture classique, parle de littrature mondiale. Comme lereconnat Jrme David, il ne fait que cristalliser une proccupation qui lui prexisteet pour laquelle, ajouterai-je, il nest mme pas utile de lui trouver quelque sourceque ce soit. Car la question est la mode et, vrai dire, Goethe ne fait quapporterson immense prestige une ide dj en passe de devenir un lieu commun. En Franceaussi bien quen terre allemande. En 1830, soit trois ans avant la publication originaledesEntretiens de Goethe et dEckermann, Jean-Jacques Ampre, dans son cours surlhistoire de la posie, avait fait entendre une vraie profession de foi mondialiste : Cest de lhistoire comparative des arts et de la littrature chez tous les peuples quedoit sortir la philosophie de la littrature et des arts19. Lanne prcdente, laRevue

    16.Alphonse Gratry, La Morale et la Loi de lhistoire, t. 1, Paris, Douniol/Lecoffre, 2e d., 1871,p. 198, cit par Guillaume Cuchet,Les Voix doutre-tombe. Tables tournantes, spiritisme et socit au XIXe

    sicle, Paris, Seuil, 2012, p. 46.17.Voir Suzanne Berger, Notre premire mondialisation. Leons dun chec oubli, Paris, laRpublique des Ides/Seuil, 2003.

    18.Cest du moins la thse que jai rcemment dfendue et que je rsume ici : voir Alain VAILLANT, Pour une histoire globale du romantisme , dans Alain Vaillant (dir.), Dictionnaire du romantisme, Paris,CNRS ditions, 2012, p. XIII-CIX.

    19.Jean-Jacques Ampre, De lhistoire de la posie , Marseille, Typographie de Feissat an etDemonchy, 1830, republi dansLe Portatif dhistoire littraire,ouvr. cit, p. 67-68.

    Romantisme, n163

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    7/12

    8 Alain Vaillant

    des deux mondes, destine devenir larevue franaise de rfrence, avait adopt un titre valeur de manifeste et, ds le 15 septembre 1824, Pierre Leroux et Paul-Franois

    Dubois en avaient fait autant en crant Le Globe, dont il vaut la peine de relire ceslignes extraites du numro de lancement : Les peuples sont aujourdhui unis par lesintrts ; la civilisation entretient avec eux un utile change de connaissances commede produits [...]. Rien de ce qui se fait chez lun nest tranger lautre ; et cetteconnaissance ne saurait mieux stablir que par celle des diverses littratures : car lalittrature des nations, cest leur vie.

    La mondialisation romantique est aux antipodes de luniversalisme de laRpublique des Lettres dont elle parat pourtant la continuatrice20. Ne la fois dela solidarit claustrale qui unissait les clercs du moyen ge et de lidal humaniste

    de la Renaissance, la Rpublique des lettres est dabord une invention dintellectuels.Or tout intellectuel, hier comme aujourdhui, se veut hors de son temps et deson lieu, et cest prcisment au nom de cette exterritorialit proprement utopiquequil revendique sa lgitimit de penseur ; il rve dune internationale de la pensethorique qui ignorerait les contingences concrtes mais aussi les solidarits socialesou nationales. Cest pourquoi il aspire une langue commune qui assurerait sacohsion tout en signifiant lextrieur son indpendance : le latin lorigine21, puisle franais lge classique, peut-tre langlais aujourdhui mais, toujours, le langagede largumentation abstraite contre la compromission avec les parlures du quotidien :

    le perptuel conflit de la rgle et du sicle.

    rebours, la mondialisation laquelle procde le romantisme est dabord littraire,artistique, culturelle ; elle se nourrit dune vritable curiosit lgard des spcificitsnationales, quitte paratre les rduire de la couleur locale . Les uvres littrairestmoignent de cette internationalisation croissante de limaginaire. Hugo entre enroman avec une histoire islandaise (Han dIslande) et simpose au thtre par undrame anglais dinfluence shakespearienne (Cromwell) puis en bouscule joyeusementles rgles par un autre, dallure et de sujet espagnols (Hernani). Tour tour, leroman historique, le roman de murs (sur le modle balzacien) et le roman-feuilletonaccoutument jouer des histoires nationales, faire se rencontrer dans un mmeespace fictionnel tous les types europens, voire ajouter le piment de lexotisme (telsle Brsilien deLa Cousine Bette oula mystrieuse Hayde duComte de Monte-Cristo,fille du pacha de Janina). Souvent venus des rcits des journaux, les bandits grecs,espagnols ou calabrais, les steppes russes, les bas-fonds de Paris ou de Londres, lesforts de Bavire, les savants de Berlin, les paysannes napolitaines, les highlandsdcosse, tous ces motifs, rpts de roman en roman, constituent peu peu lespersonnages ou les dcors dun thtre familier, o les crivains et leur publicpromnent leur imagination. Mme sur le mode mineur, la prolifration de cesstrotypes ethnographiques ou gographiques traduit un long processus douverture laltrit. Aussi ne doit-on pas considrer trop ngativement (et anachroniquement)

    20.Sur la Rpublique des Lettres, voir Hans Bots et Franoise Waquet, La Rpublique des Lettres,Paris, Belin, 1997.

    21. Voir Franoise Waquet,Le Latin ou lempire dun signe, Paris, Albin Michel, 2008.

    2014-1

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    8/12

    Romantisme et mondialisation 9

    ce que ces reprsentations ont dinvitablement caricatural. Loin des certitudesrationalistes dont tmoignait imperturbablement la pense abstraite de la culture

    classique, le strotype a fonctionn, lpoque romantique, comme un dclencheurpour le travail de limagination et un matriau indispensable la constitutiondun imaginaire collectif ; il a jou un rle dterminant dans le long processusde reprsentation et dapprhension de lautre qui, caractristique de la culturemoderne et li lmergence du mdia journalistique, sest dvelopp en mme tempsque prenait forme lesthtique raliste qui est la grande invention et le signe dereconnaissance de cette modernit mondialise.

    FACETTES DE LA MONDIALISATION ROMANTIQUE

    Bien sr, cette mondialisation aurait t impensable sans lextraordinaire intensifi-cation des changes culturels : sans lmergence dun puissant march du livre et de latraduction, sans lclat de lindustrie du spectacle et de ses vedettes, sans la circulationinternationale des artistes et de leurs productions, sans le volontarisme dhommes etde femmes qui, pour des raisons conomiques, politiques ou culturelles, ont jou lerle de passeurs. Mais surtout, elle est par sa nature mme un phnomne doriginemdiatique et rsulte de lentre du monde des lecteurs dans la civilisation dujournal22 . Non seulement le journal du XIXe sicle est par fonction le premier outil

    de transfert intellectuel, artistique et littraire, mais, par sa puissance de pntrationauprs de tous les publics, il apparat comme la principale force dhomognisationculturelle lchelle du monde, grce luniformisation des modles mdiatiquesquil diffuse presque instantanment par-del les frontires.

    consulter seulement les listes nationales de journaux, on est frapp de constater quelle rapidit un titre est repris de langlais au franais ou litalien, du franais lespagnol, lallemand ou au russe preuve quil existe dores et dj une culturemdiatique internationale, qui a pour enseignes, en toutes langues, Le Censeur, le Soleil,La Gazette, Le Temps, Le Spectateur, le Globe, Le Constitutionnel, La Presse... Cest ausein de la vaste communaut des journalistes que se diffusent dabord les doctrines,les modes, les nouvelles sensibilits artistiques, les chos divers venus des vedettesde la littrature et de la culture. On relve aussi, dans cette titulature mdiatique, laprsence persistante, travers toute lEurope et jusque dans le Nouveau Monde, desjournaux emblmatiques de la Rvolution franaise :LAmi de la patrie, LAmi dupeuple, La Voix du peuple, La Vrit,LAurore...Mais, cette idologie mondialisedu politique qui mle le nationalisme, les convictions librales et la thtralisation dela vie publique, sajoute puis se substitue de plus en plus limposition des nouveauxstandards culturels, souvent dinspiration franaise, o dominent le divertissement,le romanesque, la fantaisie, en mme temps que les reprsentations indfinimentrenouveles et diffractes de la ralit sociale.

    22.Voir notamment Dominique Kalifa, Philippe Rgnier, Marie-ve Threnty et Alain Vaillant (dir.),La Civilisation du journal, Paris, Nouveau-Monde ditions, 2012.

    Romantisme, n163

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    9/12

    10 Alain Vaillant

    bien des gards, cette mondialisation romantique est donc trs proche de lantre, une diffrence essentielle prs : elle nest pas massifie et a le charme dun

    privilge rserv une minorit de lecteurs et de consommateurs de culture. Si elle alargi sa base par rapport au cosmopolitisme aristocratique de lAncien Rgime, ellene touche gure encore que les classes moyennes ou, dans les grandes villes, une partvariable des milieux populaires. Entre les publics europens et, par exemple, lexotismedes peuples latino-amricains, ce sont les lites locales, plus proches socialement (voireethniquement) de leurs homologues ibriques ou franais, qui assurent le lien entreles deux cultures, mlangent dans leurs propres productions clichs occidentaux etstrotypes sur lindianit23. Et, bien souvent, cest moins lautre lointain qui estexotique, que le peuple des campagnes, dont lloignement des villes constitue, ici

    et l, le principal exotisme : en somme, une bourgeoisie mondialise regarde aveccuriosit le pittoresque singularisant des traditions populaires.

    Or la mondialisation daujourdhui fait craindre leffacement total de toutes lesdiffrences, la toute-puissance des stratgies commerciales, la constitution duneworld culturestandardise et coupe des traditions nationales. On comprend, pardiffrence, le parfum de nostalgie quon devine souvent travers lvocation de lamondialisation du XIXe sicle une mondialisation taille humaine, dirait-on, etqui a le charme des vieux daguerrotypes de voyageurs. Mais la nostalgie est toujoursmauvaise conseillre : il serait plus juste de parler dune mondialisation vue partir de

    lEurope, et dune Europe dominatrice et embourgeoise ; dune mondialisation djmoderne, mais de cette modernisation presque sduisante qui prcde lemballementindustriel de la fin de sicle. Bien sr, il ny aurait aucun sens hypostasier cettemondialisation dix-neuvimiste. Dabord, parce que le dcoupage sculaire na aucunejustification historique, on le sait bien : il est pourtant si frquent de lui en inventerquil nest sans doute pas inutile de le rpter, mme et surtout dans une revuesous-titre revue du dix-neuvime sicle . Ensuite et par voie de consquence, dansla mesure o ce dix-neuvime sicle romantique nest que la premire tape dunprocessus, lui aussi mondial, menant sans solution de continuit lexploitation

    coloniale grande chelle, au capitalisme industriel et au consumrisme outrance, luniformisation hgmonique des pratiques culturelles. Du moins ce dix-neuvimesicle, qui saisit lhistoire mondiale entre lveil des identits nationales, autour de laRvolution franaise, et leur monstrueux dvoiement par la Premire Guerre mondiale,constitue-t-il un observatoire privilgi pour comprendre la dynamique rcente denos socits contemporaines et les implications historiographiques, pistmologiqueset idologiques du processus mme de la mondialisation.

    On le voit, la vise de ce numro est large et ambitieuse : nous avons d, commenous le faisons toujours, dune part faire des choix (donc nous rsoudre des impasses),dautre part quadriller le champ de recherches de la faon la plus quilibre et la pluscohrente que possible, sans prtendre lexhaustivit.

    23.Voir notamment Marie-ve Threnty et Alain Vaillant (dir.), Presse, nations et mondialisationculturelle au XIXe sicle, Paris, Nouveau-Monde ditions, 2010.

    2014-1

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    10/12

    Romantisme et mondialisation 11

    Nous avons dabord cart tout ce qui touchait directement la mondialisationmdiatique et aux transformations des industries culturelles : non que nous les

    considrions comme des aspects secondaires, mais, bien au contraire, parce quil en adj t largement question dans des livraisons rcentes24. Nous ne voudrions pas que,aprs un trop long oubli, on tombe dans lexcs contraire et que notre vision du XIXe

    sicle ne se rsume plus qu la modernit de nos socits industrielles et urbainesainsi qu ltalage sduisant de ses motifs attendus. Le numro souvre ainsi parun double cadrage thorique, centr sur deux questions qui parcourent en filigranetout le dossier : Anne-Marie Thiesse revient sur larticulation capitale et dialectiquedu national et du mondial, Jrme David sattache prciser les rapports entre larflexion mergente sur la littrature mondiale, dans les milieux intellectuels du XIXe

    sicle et chez Goethe lui-mme, et les ralits socio-conomiques de la mondialisationculturelle. Ce sont ensuite les deux principales composantes artistiques de cetteculture globalise qui font lobjet dtudes particulires. propos du monde duspectacle, Olivier Bara, tudiant la starification de Rachel et de Sarah Bernhardtpendant leurs tournes nord-amricaines, montre que lcart parfois vertigineux entrele point dorigine (Paris, la capitale du XIXe sicle ) et le milieu daccueil (lestats-Unis, qui paraissent encore si lointains et si exotiques), totalement ignorant descodes du thtre europen et parisien, a des consquences dramaturgiques la foisfondamentales et sans doute irrversibles : la leon vaut dtre mdite, tous domaines

    confondus. Pour le domaine de la peinture, Batrice Joyeux-Prunel propose lafois un panorama des phnomnes de transfert et de circulation transnationale desartistes, des uvres ou des esthtiques au temps des avant-gardes, et une rflexionpistmologique reposant sur un vaste bilan historiographique. Enfin, le numro setermine par deux articles plus spcifiquement consacrs aux effets de la massification.Le premier, de Fabrice Bensimon, porte sur le monde du travail et sur la protectionde la condition ouvrire, qui, grce la cration de lAssociation internationaledu Travail, sinternationalise elle-mme pour contrebalancer le poids de la grandeindustrie. Dans le deuxime, Matthieu Letourneux, prenant pour objet les relations

    rciproques de la mondialisation et de la srialisation, dans le domaine de la cultureimprime et, en particulier, de la fiction, dmontre quelles ne cessent de sengendrerlune lautre, avec tous les effets collatraux, et parfois contradictoires, quimpliquecet attelage caractristique de nos socits librales industrielles.

    De ce parcours, mme partiel, une double conclusion me semble simposer, surlaquelle il faut demble insister.

    La premire est quon peut dautant moins opposer le fait national et lamondialisation que la seconde est ne de la premire, quelle sest adosse des nationsrevendiquant leur spcificit (notamment culturelle), dailleurs souvent concurrentesvoire conqurantes : en particulier, la mondialisation nest pas historiquement pensablesans tre mise en relation avec le vaste mouvement dimprialisme colonial du XIXe

    sicle, accompagn de ses multiples suites au XXe et au XXIe sicles. Dans cette

    24. Voir en particulierLa Communication,Romantisme, n 158, 2012-4.

    Romantisme, n163

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    11/12

    12 Alain Vaillant

    perspective, la mondialisation apparat comme le terme (trop) commodmentunique servant dsigner lensemble vari de relations, dchanges, de rapports de

    force, de transferts, de conflits, dalliances objectives, stablissant dans un systmedes nations dont la structure, sur le plan de la gostratgie politique, conomique etculturelle, doit se penser de plus en plus lchelle du monde mais qui, pour autant, neremet pas en cause linfluence des logiques nationales. cet gard, si toute tentationdessentialisme national est videmment proscrire, il ny a gure plus de sens nier, au nom don ne sait quel irnisme postcolonial ou dun mondialisme tout aussiessentialiste, la force de coalescence quimpliquent, sur la trs longue dure de lhistoiredes socits, la constitution puis la perptuation des communauts imagines selon lexpression trs suggestive de Benedict Anderson. Cest aussi pourquoi le XIXe

    sicle reste le plus passionnant point dobservation de cette imbrication du nationalet du mondial, car ces deux logiques nont jamais t autant en tension qu cettepoque. Mais la deuxime conclusion, encore plus troublante, est que, dans la culturemdiatise, srialise, massifie, industrialise qui se met progressivement en placeau cours de ce XIXe sicle, les images des idiosyncrasies locales ou nationales sontelles-mmes vhicules, autorises, voire produites par un systme de reprsentationset de codes culturels ds lorigine mondialise : de ce point de vue, la singularitdes images est sans doute peu de chose par rapport lhomognisation sociale (etdabord conomique) quinduit par avance la mcanique produire les images.

    En somme, plus il y a du mondial, plus il y a du local ; plus il y a du local,plus il y a du mondial. Mais on ne doit pas non plus en rester cet entre-deuxfinalement rassurant et consensuel mme sil permet les balancements rhtoriquesles plus gratifiants pour nos propres livres ou articles. On la dit en ouverture : le

    XIXe sicle ne constitue quune tape dans un long processus, o la cristallisation etlaffirmation des identits nationales jouent sans doute leur rle. Bien sr, mme sile got de la prophtie, volontiers apocalyptique, constitue la principale tentationdes intellectuels, il serait absolument draisonnable de vouloir imaginer le terme dece processus. Cependant, sans quon ait dailleurs le regretter ni sen inquiter,

    leffacement des particularismes est la tendance lourde de toute volution (naturelleou culturelle), considre sur la trs longue dure de lhistoire globale.

    Aussi ce numro deRomantisme, consacr une phase de lhistoire qui constitueun (relatif) moment dquilibre, est-il aussi une manire de prendre date. Puisquetout ne sera pas dit en une seule livraison, il faudra sans aucun doute y revenir. Maissurtout parce que limportance du sujet le justifie. Pour des raisons qui tiennent sonhistoire (et notamment au poids et au prestige de la tradition classique nationale),la France est peut-tre le pays le plus rtif lide de mondialisation culturelle (sauflorsquelle peut linflchir pour faire pice lhgmonie anglo-saxonne si redoute).Or leXIXe sicle, tel quil est dcoup par la pratique scolaire, offre un symbole, sinonpertinent et fond dans les faits, du moins particulirement saisissant. Il souvre avecChateaubriand, incarnation flamboyante du nationalisme littraire le plus exalt et leplus ancr dans les traditions du pass ; il se termine par le plus mondial des crivainsfranais, autant par son succs international que par le sujet de ses romans (ainsi de

    2014-1

    Documenttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D

  • 7/26/2019 romantisme et mondialisation.pdf

    12/12

    Romantisme et mondialisation 13

    lemblmatiqueTour du monde en quatre-vingts jours!) : Jules Verne. Entre les deux,la littrature franaise sest passionne pour la culture anglaise, la pense allemande,

    le roman russe, le thtre scandinave, lart asiatique ; elle a reconnu ses dettes ouelle a en contract de nouvelles. bien y rflchir et cette fois sans concession lair du temps, il tait normal et souhaitable que Romantismeft fidle la vocationdouverture laquelle linvite son nom.

    Romantisme, n163menttlchargdepuiswww.cairn.info-Universit?deLau

    sanne-

    -130.2

    23.2

    51.2

    27-24

    /03/201511h12.

    ArmandColin/Dunod

    m

    e

    g

    d

    s

    w

    c

    r

    n

    n

    o

    U

    v

    s

    ?

    d

    L

    1

    2

    2

    2

    2

    0

    2

    1

    A

    m

    a

    C

    n

    D