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Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 1 Les communautés agricoles dans l’environnement libéral chilien : transformations foncières et risques environnementaux Agrarian communities in the Chilean liberal environment: land transformations and environmental risks Fabián Héctor REYES, Université de La Serena (Chili) Yveline PONCET, IRD Orléans (France) Pablo ALVAREZ, Université de La Serena (Chili) Résumé La mondialisation de l’économie permet au Chili de confirmer sa politique d’exportation agricole. Dans la Quatrième Région, la grande propriété entreprenariale irriguée et technifiée constitue le fondement de ce développement, ce qui a des conséquences importantes sur les autres types de propriété et d’exploitation rurale, en zone irriguée et en zone non irriguée et sur les mutations foncières : les petits et moyens exploitants perdent une partie de leur autonomie de décision sur leur production et ne peuvent la rétablir par l’investissement productif sur leurs propres terres ; ceci est particulièrement le cas pour les propriétés communautaires. Une approche historique à l’échelle de la parcelle et de l’unité d’exploitation permet de faire la part entre les continuités séculaires et les marginalisations récentes issues des politiques d’exportation et des orientations vers la monoculture. Mots-clés : Propriété communautaire, grandes entreprises agricoles, irrigation, monoculture d’exportation, histoire foncière, investissements agricoles, Chili. Abstract Economic globalisation allows the chilean republic to confirm its policy of agricultural exportation. In the Fourth Region, the large irrigated and technified estates are the basis of this kind of development, with important consequences upon other types of ownership and rural farming, in the irrigated as well as in the dry areas, and upon the transfer of property : small and middle size farmers lose a part of their capacity of decision making on their own production and are unable to reestablish it with any productive investment on their own land ; this is particularly the case for the common land property.

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  • Colloque international Les frontires de la question foncire At the frontier of land issues, Montpellier, 2006 1

    Les communauts agricoles dans lenvironnement libral chilien :

    transformations foncires et risques environnementaux

    Agrarian communities in the Chilean liberal environment: land

    transformations and environmental risks

    Fabin Hctor REYES, Universit de La Serena (Chili)

    Yveline PONCET, IRD Orlans (France)

    Pablo ALVAREZ, Universit de La Serena (Chili)

    Rsum

    La mondialisation de lconomie permet au Chili de confirmer sa politique dexportation agricole.

    Dans la Quatrime Rgion, la grande proprit entreprenariale irrigue et technifie constitue le

    fondement de ce dveloppement, ce qui a des consquences importantes sur les autres types de

    proprit et dexploitation rurale, en zone irrigue et en zone non irrigue et sur les mutations

    foncires : les petits et moyens exploitants perdent une partie de leur autonomie de dcision sur leur

    production et ne peuvent la rtablir par linvestissement productif sur leurs propres terres ; ceci est

    particulirement le cas pour les proprits communautaires. Une approche historique lchelle de la

    parcelle et de lunit dexploitation permet de faire la part entre les continuits sculaires et les

    marginalisations rcentes issues des politiques dexportation et des orientations vers la monoculture.

    Mots-cls : Proprit communautaire, grandes entreprises agricoles, irrigation, monoculture

    dexportation, histoire foncire, investissements agricoles, Chili.

    Abstract

    Economic globalisation allows the chilean republic to confirm its policy of agricultural exportation. In

    the Fourth Region, the large irrigated and technified estates are the basis of this kind of development,

    with important consequences upon other types of ownership and rural farming, in the irrigated as well

    as in the dry areas, and upon the transfer of property : small and middle size farmers lose a part of

    their capacity of decision making on their own production and are unable to reestablish it with any

    productive investment on their own land ; this is particularly the case for the common land property.

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    An historic approach at the scale of the land parcel and of the exploitation unit let us take into account

    the centuries-old continuation and the more recent fringes generated by the exportation policies and

    monoculture.

    Keywords: Common land property, large scale farming, irrigation, export monoculture, land tenure

    history, farming investments, Chile.

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    Introduction

    La question de laccs la terre est prsente depuis longtemps dans les discussions scientifiques,

    politiques et sociales en Amrique latine et aux Carabes. De nombreux pays prsentent une

    distribution de la terre trs ingalitaire et un niveau de pauvret lev. Au sicle dernier, et jusqu la

    dcennie 1980, intervint une srie de rformes agraires qui cherchrent transformer

    fondamentalement la structure sociale et rduire la pauvret rurale travers lamlioration de la

    production et la modernisation de lagriculture. Dans ce contexte, laccs la terre et sa rgularisation,

    outre quelques autres actions, furent les enjeux principaux des politiques de dveloppement agricole.

    Les rsultats furent varis mais une chose est visible : il y eut en effet changement de structure de la

    proprit et de lusage du sol dans la majorit des pays dans lesquels les processus de rforme agraire

    furent mens, bien que certains de ces changements naient pas t considrables et que se

    produisirent des retours vers la concentration de la proprit de la terre. La pauvret rurale na pas t

    rsolue dans la majorit des pays de la rgion. Le Chili, par exemple, a progress, mais 19 % (2005)

    de la population rurale reste en situation de pauvret. Actuellement, les politiques agricoles et

    foncires cherchent moderniser lagriculture et rduire la participation de lEtat : cette

    transformation est affiche comme devant se produire par le march.

    A partir de cette constatation, les organismes internationaux (entre autres le CEPAL, la FAO, la

    Banque Mondiale, la Banque Interamricaine de Dveloppement) ont commenc promouvoir un

    dbat autour de laccs la terre comme mcanisme damlioration de la situation des populations

    rurales. Vaste dbat en effet : il implique damliorer laccs des pauvres aux actifs productifs, entre

    autres au capital, lducation et la terre. Or, dans le cas de la terre, les formes daccs ne font pas

    consensus. Pour les uns, il faut favoriser la formation de marchs de la terre, pour dautres il faut

    passer par des attributions de terre par lEtat.

    Par ailleurs, le processus de mondialisation de lconomie ouvre des opportunits que le Chili

    approuve travers son ouverture commerciale, poursuivant activement une politique de

    dveloppement rural fonde sur les exportations. En Quatrime Rgion, lun des piliers de cette

    stratgie est lagriculture. Au dbut du XXIme sicle, le Chili voit se consolider sa stratgie

    exportatrice grce la signature dimportants accords commerciaux, les plus significatifs avec

    lEurope et les Etats-Unis.

    Dans ce scnario, lagriculture a de bonnes possibilits de croissance et de contribution importante au

    produit intrieur brut. Dans la Quatrime Rgion particulirement, le secteur agro-pastoral y contribue

    dj pour environ 20 %, en tant lactivit conomique la plus importante aprs les mines et lune des

    plus dynamiques, et en absorbant la plus grande partie de lemploi rgional. Le secteur agro-pastoral

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    de la rgion doit augmenter encore sa production exportable pour amliorer les indicateurs. Lun des

    moyens dy parvenir est conu travers le changement technologique, conduisant une meilleure

    efficacit productive. Un autre moyen est daccrotre les superficies cultives. Si nous considrons que

    les niveaux actuels defficacit de lagriculture irrigue pour lexportation sont dj levs, cest la

    seconde option qui est renforce, cest dire intgrer de nouvelles superficies aux espaces cultivs.

    On assiste depuis une quinzaine dannes (le dbut des annes 1990), dans la rgion, une demande

    de terres cultivables manant de plusieurs groupes sociaux :

    - les petits agriculteurs non propritaires qui dveloppent dj des activits agricoles, principalement

    de jardinage et de cultures rotation rapide ;

    - les leveurs caprins qui ne possdent pas de terres ou nen possdent pas suffisamment pour nourrir

    leur troupeau ; parmi eux on trouve des reprsentants des leveurs caprins, dont la lgitimit en tant

    que reprsentants de ce secteur dactivit peut tre discute, qui demandent lEtat de coordonner les

    mcanismes daccs la terre afin damliorer leurs conditions de vie ;

    - les entreprises agricoles grandes et moyennes et les investisseurs qui recherchent des terres

    supplmentaires pour lagriculture dexportation ;

    - des ruraux qui ne possdent pas de terre et ne cultivent pas actuellement mais qui, sils en avaient la

    possibilit, entreprendraient des activits de production agricole.

    Le problme de la pauvret et la plus value agricole donnent du poids la proprit de la terre comme

    facteur dintgration : la proprit est reprsente comme permettant de rsoudre la pauvret et

    daccder aux marchs dexportation.

    Les travaux de recherche scientifique qui ont t effectus et qui sont en cours sur le rapport entre le

    social, lconomique et le territorial en Quatrime Rgion (Pouget et al., 1996 ; Coutard et al., 2003 ;

    Alvarez, 2005) montrent que les paradigmes relatifs au dsquilibre conomique et social dans le

    monde rural, tels que couramment exprims au Chili et ailleurs par les mots de pauvret, instabilit,

    quilibrage par lEtat, accs aux moyens de production, etc., ne sont pas ou ne sont plus totalement

    pertinents, pour des raisons quil est indispensable dapprofondir. Il est en mme temps ncessaire de

    savoir si la situation actuelle du rapport des ruraux la proprit y est exceptionnelle (en raison de

    caractres rellement spcifiques : montagne, histoire du peuplement et de la proprit foncire,

    densit de la population rurale en climat aride) ou si elle reprsente une phase de transition dans un

    modle dvolution de larchasme vers la modernit , suppos se reproduire dans dautres rgions

    du pays ou des pays voisins.

    Notre propos est dexaminer quelques processus de changement daccs et daccdants la terre en

    portant attention une catgorie particulire dexploitants agricoles, les comuneros, propritaires

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    communautaires. En abordant les transformations foncires qui concernent actuellement les

    communauts agricoles (Avendao et Gallardo, 1986), on aborde la distance considrable qui spare

    le projet politique chilien rformateur de la fin des annes 1960 de lactualit conomique no-librale

    du pays : cette dernire saffiche comme lune des caractristiques revendiques de lmergence,

    portant au pinacle une partie des systmes de production rurale et abandonnant les autres un avenir

    incertain ou des solutions aspirine selon lexpression dune dpute. On peut alors se demander

    si cette politique na pas pour consquence (assume ?) de revenir un systme plus ancien,

    dinspiration coloniale et post-coloniale pourrait-on dire, celui de la grande entreprise agricole,

    potentiellement plus rentable grce une intgration foncire, technologique et financire, c'est--dire

    un regroupement des dcisions et des initiatives techniques et financires entre les mme mains.

    La montagne aride, terre dexportation agricole

    La Quatrime Rgion du Chili reoit en moyenne 120 mm de pluies dhiver par an, ce qui la place

    lextrme limite de lagriculture sous pluies, laquelle a maintenant presque disparu. Le pastoralisme,

    en revanche, occupe de vastes superficies, avec un levage caprin, en partie transhumant1, entre la

    cte2 en hiver et la haute montagne de la Cordillre en t. Cest lirrigation qui permet lagriculture (y

    compris de prairies fourragres). Elle a t mise en place ds la priode diaguita pr-incaque (XIV et

    XV sicles), puis poursuivie et dveloppe par les colons espagnols. De grandes proprits

    latifundiaires ont alors remplac les systmes communautaires locaux de partage de la terre et de

    leau, en mme temps que les espces vgtales et animales de la zone tempre mditerranenne

    europenne taient vigoureusement introduites comme bases de lagriculture et de llevage.

    Lhabitude dexporter les produits hors de la zone de production a t prise trs tt puisque

    lagriculture et llevage alimentaient les travailleurs des mines et des villes ctires situes plus au

    Nord, l o lagriculture et lirrigation ntaient plus praticables.

    Une rvolution agricole a donc pris place ds la seconde moiti du XVI sicle, transformant

    radicalement le systme daccs la terre et daccs leau, les producteurs, les productions et leurs

    destinations. Au cours du XX sicle, les transformations sociales et technologiques (rforme agraire,

    codes de leau, construction de barrages et de canaux interconnects) ont eu des consquences sur une

    partie de ce systme, sans le modifier totalement.

    1 Entre 1990 et 2000, 13,6% du cheptel caprin de la province du Limari transhumait vers les estives locales(ULS, 2002). Ce pourcentage se trouverait augment si lon tient compte du fait quune autre partie du cheptelcaprin transhumait cette poque vers les estives argentines limitrophes.2 La "cte", zone de transhumance hivernale, dpasse largement les zones littorales. Cialdella & Dubroeucq(2003) dfinissent la "cte" pour un transhumant de la moyenne cordillre comme toute terre d'altitudeinfrieure son village dorigine.

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    Sur le plan foncier, la grande proprit intgre a pris dautres formes ou dautres noms, et se

    dveloppe nouveau ; lexportation est devenue lobjectif prioritaire du dveloppement rgional ; elle

    seffectue non seulement vers les marchs de consommation de la sous-rgion andine et argentine,

    mais aussi et surtout vers ceux de lhmisphre nord, sous forme de fruits et lgumes dhiver .

    Plusieurs facteurs ont contribu renforcer les dynamiques rgionales :

    - la mise en place de systmes technologiques nouveaux et de grande ampleur dans la valle du Limari

    puis dans les valles voisines, qui ont permis, partir des annes 1930, le stockage et la distribution de

    leau en grande quantit toute lanne, assurant ainsi la scurit de lirrigation et permettant

    laugmentation des superficies irrigues sous culture intensive ;

    - la diffusion, pilote par les compagnies exportatrices, de paquets technologiques destins aux

    agriculteurs ;

    - la disponibilit de llectricit bas prix, qui permet de pompage de leau dirrigation au dessus de la

    cote des canaux et donc de faire reculer vers lamont la frontire des terres sches ;

    - ladoption, au niveau national, de mesures destines favoriser les stratgies des entreprises

    agricoles : elles ont favoris entre autre la transformation des entreprises exportatrices en entreprises

    agro-exportatrices, propritaires et productrices.

    Lensemble de cette volution technique, politique et conomique en Quatrime Rgion a engendr

    des conditions favorable la monoculture fruticole dexportation : raisin de table et agrumes.

    Le climat et la position de la Quatrime Rgion dans lhmisphre Sud lui permettent de mettre sur le

    march des produits agricoles de contre-saison destins aux consommateurs de lhmisphre Nord.

    Les conditions modernes dirrigation ont permis la valle du Limari et de ses affluents de devenir

    lune des plus importantes productrices de fruits et lgumes. Cependant, avec un peu moins de seize

    millions dhabitants, le Chili ne dispose que dune capacit limite de consommation de sa production

    fruitire : compte-tenu du niveau de revenu de la majorit de la population et des investissements

    levs exigs par cette agriculture, le march intrieur ne peut en assurer les dbouchs. Par ailleurs, le

    dveloppement spectaculaire de lexportation agricole sexplique par des raisons de politique

    financire et conomique. Le gouvernement Pinochet (1973-1989) engagea lapplication de

    lconomique nolibrale et prit des mesures pour amliorer la rentabilit du secteur agricole :

    lobjectif tait douvrir le Chili aux marchs internationaux afin de financer le dveloppement

    agroindustriel par les investissements trangers ; de mener une politique de libert des prix rgule

    par le march et une politique douanire destine favoriser limportation des produits agricoles

    trangers sur lesquels les producteurs chiliens ntaient pas comptitifs ; de dvelopper le march des

    capitaux afin que lagriculture chilienne dispose du systme de crdit rapide et efficace correspondant

    ses besoins. Par ailleurs, pour crer un march de la terre, le gouvernement modifia plusieurs lois

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    afin de lever les restrictions la vente, la location et au fermage. Ces mesures de libralisation du

    march, en mme temps que les procdures de la contre-rforme agraire, rendirent possible lentre de

    nouveaux acteurs dans lagriculture chilienne : des entrepreneurs chiliens et trangers constiturent

    des socits transnationales dans le secteur fruitier, lequel prsentait les meilleures perspectives sur le

    march mondial. Des subventions furent verses aux exportateurs pour couvrir leurs frais financiers,

    bancaires et commerciaux ltranger et leurs emprunts court et long terme.

    En mme temps que cette agriculture spcialise se dveloppait de faon foudroyante, de nombreux

    agriculteurs du Limari se sont retrouvs carts ou vincs de la proprit foncire (individuelle ou

    communautaire) pour se lier, sous forme rmunre, aux entreprises agricoles en dveloppement. Ils y

    ont gagn en scurit et en revenus (notamment grce laccs des femmes au travail salari), bien

    que de nombreux salaires ne soient que saisonniers (Alvarez, 2005).

    Laccs au crdit foncier agricole, qui faisait partie des mesures conomiques prises par le

    gouvernement Pinochet, ne donna pas, en fait, les rsultats escompts. Jusqu aujourdhui, les

    difficults daccs au crdit ne sont pas rsolues, tout particulirement en agriculture. La proprit

    foncire peut certes constituer une garantie, mais elle nest quune condition initiale qui ne permet pas

    rellement damorcer la procdure. Seules les grandes entreprises et quelques entreprises moyennes

    peuvent rellement accder au crdit bancaire. Cependant, la proprit de fait est un argument pour

    obtenir un prt, ce qui a permis dans certains cas des producteurs-entrepreneurs de dvelopper une

    stratgie dacquisition de terres dans le but de leur faire prendre de la valeur. Cette situation

    dsquilibre affecte particulirement les producteurs qui ne sont pas propritaires mais qui ont des

    droits dusage reconnus : la non proprit affecte leurs possibilits de mise en valeur et empche la

    constitution dun patrimoine. Les plus reprsentatifs de cette situation sont les comuneros,

    propritaires communautaires et non individuels, ainsi que les propritaires dtenteurs de droits non

    formaliss sur les terres quils cultivent. Dans les deux cas, ces propritaires de fait, mais aussi de

    droit dans le cas des communes agricoles, nont pas accs au crdit foncier, non plus quau crdit

    dinvestissement agricole. La viticulture et la fruticulture, trs exigeantes en investissements rentables

    moyen terme, ne sont donc pas rellement accessibles a toute une catgorie dagriculteurs.

    Des accs fonciers multiples

    Le peuplement et les ressources exploites de la rgion, avant la colonisation espagnole (c'est--dire

    avant 1536), ne sont connus que dans quelques grandes lignes : les valles taient occupes depuis

    probablement le treizime ou quatorzime sicle par une population sdentaire dagriculteurs-leveurs,

    les Diaguita, qui pratiquaient lirrigation et une forme dorganisation communautaire pour

    lexploitation des terres, des ptures et des eaux, et qui taient sous domination inca. A larrive des

    Espagnols, furent constitues les grandes proprits haciendas, dabord au bnfice de la Couronne

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    espagnole (mandatrice des conquistadors), puis au bnfice des colons sous forme prive. Pendant

    toute la priode coloniale et mme aprs (jusqu la fin du dix-neuvime sicle), ces entreprises

    agropastorales trs consommatrices de main doeuvre devaient non seulement se suffire elles-mmes

    mais surtout exporter hors de la rgion tous les produits (crales, viande, bois, etc.) dont avait

    besoin lEspagne, puis les mines et les ports de la vice-royaut du Prou3, rattaches plus tard au Chili.

    Lirrigation sest dveloppe en adoptant les techniques de lirrigation flanc de montagne dj

    pratique par les Diaguitas et connues des Espagnols et surtout en adoptant les productions

    europennes de climat tempr et mditerranen nettement plus humide : btail, bl, vigne, agrumes,

    lgumes. La grande proprit dun seul tenant, consacre la production commerciale, a donc une

    histoire de plus de trois sicles. Le statut juridique de la terre gnralement la proprit individuelle

    prive mais aussi communautaire prive et la proprit de lEtat ne changeait pas ou peu.

    A partir du code civil de 1855, les politiques de lEtat chilien lgard de la terre et de leau se

    prcisent dans le sens de plus grande quit et scurit du partage de ressources reconnues comme non

    infinies. Ces politiques atteignent leur point culminant en 1967 avec la Rforme Agraire (1965-1967,

    ingalement applique dans la Quatrime Rgion) et avec le seconde code de leau (1969). La

    Rforme Agraire a officiellement et lgalement reconnu les droits des communauts agricoles qui

    existaient dj, a cr de nouvelles communauts agricoles la place de certaines grandes proprits

    (le plus souvent abandonnes ou sous exploites), a confirm les droits des grands et petits

    propritaires exploitants. La rforme de 1967 puis les mesures de contre-rforme qui furent prises

    entre 1973 et 19852 engendrrent en Quatrime Rgion une grande varit de types de proprit.

    Les diffrents types de proprit foncire

    On peut identifier au moins cinq types de proprit foncire, cits ici en fonction de limportance des

    accs la dcision sur lespace exploit (inspire de Schlager et Ostrom, 1992).

    Tableau 1

    Type de tenure Types de droits sur lespace exploit

    Alination Exclusion Gestion Prlvement Accs

    Proprit immatricule + + + + +

    Proprit non immatricule ? + + + +

    Proprit communautaire + + +

    Location avec contrat + + + +

    Location sans contrat ? ? ? +

    3 Dont dpendait la colonie du Chili

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    La proprit prive avec titre de proprit (proprit immatricule, individuelle ou entreprenariale) est

    la forme la plus frquente de proprit de la terre. Le propritaire dtient tous les droits, ce qui lui

    permet une exploitation la fois dynamique et stable, des productions de long terme et des

    investissements levs. Pratiquement toutes les units de production fruticoles moyennes et grandes

    sont dans ce cas.

    La proprit prive non immatricule, moins frquente que la prcdente, se rencontre majoritairement

    chez les petits producteurs. Elle a pour origine une vente ou une succession qui nont pas t

    formalises devant notaire. Les droits sont moins tendus, puisque la possibilit de vendre lgalement

    nexiste pas dans ce cas. Passer de la proprit non immatricule la proprit immatricule, en cas

    dhritage par exemple, est un processus compliqu car donner une existence juridique la proprit

    est un processus long et coteux. Le fait dtre propritaire non immatricul aline laccs aux

    emprunts auprs des banques prives aussi bien quauprs de lEtat. Cela dit, lusage du sol et la

    production agricole sont les mmes.

    La proprit communautaire est dans la plupart des cas celle des comunidades agricolas les

    communauts agricoles historiques de la rgion. La proprit de la terre est collective, mais la plupart

    des dcisions son endroit, sauf la vente, sont individuelles4. A lintrieur de la proprit

    communautaire, on rencontre trois types de terrains correspondant trois rgimes fonciers distincts :

    - le campo comun, proprit communautaire proprement dite, soumis aux dcisions et usages

    communs ;

    - la lluvia, une ou plusieurs parcelles dtermines, assignes un comunero et sa famille de faon

    temporaire: la dcision sur lusage revient layant-droit individuel ;

    - le goce singular, parcelle dtermine, domaine de la communaut lorigine, assigne un

    comunero et sa famille pour exploitation et usage permanents et exclusifs.

    Chaque communaut, fonctionnant comme une association diffrente, a ses propres rgles de gestion.

    La plupart des communauts agricoles sont constitues de terrains de secano, cest dire quelles ne

    peuvent disposer pour lirrigation que de leau qui se trouve lintrieur de leur primtre : en gnral,

    ces eaux ne permettent dirriguer que de petites superficies sur les parcelles individuelles dhabitat et

    de jardinage domestique. Seules peuvent donc tre rellement pratiques une agriculture sche

    extensive, une petite agriculture irrigue et llevage extensif. Les droits du comunero (comme

    personne individuelle) sur les parcelles de rgime diffrent sont dcrits dans le tableau suivant.

    4 Le gouvernement dAugusto Pinochet assigna individuellement la terre aux comuneros (propritairescommunautaires) des communauts agricoles engendres par la Rforme Agraire ; en mme temps, il avait levcertaines restrictions lgales sur les transactions relatives la terre.

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    Tableau 2

    Type de proprit Type de droits

    communautaire Alination Exclusion Gestion Prlvement Accs

    Goce singular - + + + +

    Lluvia - + + + +

    Campo comn - - - + +

    La communaut, cest dire lensemble des comuneros, dtient la totalit des droits sur la terre et sur

    les biens de la communaut (chemins, btiments, quipements) mais les rgimes de proprit

    communautaire sont clairement diffrencis et personne ne peut vendre individuellement une parcelle

    communautaire. Laccs la proprit prive individuelle partir de biens fonciers de la communaut

    est possible, il est dfini par la loi qui tablit les normes de partition de la communaut agricole pour

    constituer des proprits individuelles (Solis de Ovando, 2004). Le comunero bnficiaire ne perd pas

    sa condition de comunero, mais il perd certains droits dans la communaut. Un comunero ne peut

    perdre sa condition de comunero que par vente (alination) de son droit de communaut ou par

    expulsion de la communaut.

    On rencontre dans la Quatrime Rgion quelques exploitations rurales sous rgime collectif, qui nont

    pas une origine historique mais sont issues de la Rforme Agraire de 1967 ; le systme de

    proprit et daccs est le mme que celui des communauts historiques .

    La location est une modalit daccs pratique essentiellement par les petits et moyens producteurs. La

    terre porte dans ce cas des cultures cycle court (marachage, cultures annuelles, prairies artificielles),

    plus rarement des arbres fruitiers. Les droits dusage sont restreints et dpendent, dans le dtail, du

    contrat de location. Le fermage (medieria) peut tre considr comme une location dont le contrat

    implique dans tous les cas une logique de partage des risques. Ce sont plutt les petits exploitants non

    propritaires qui le pratiquent, ou les propritaires de superficies trop limites pour dvelopper une

    exploitation rentable. Les producteurs concerns jouissent dune moins grande stabilit que les autres.

    Ces formes daccs la terre ne sont pas mutuellement exclusives et il est courant den rencontrer des

    combinaisons varies : cest par les stratgies daccs la proprit pleine et entire que les

    producteurs agricoles actuels et potentiels souhaitent affermir leur dveloppement.

    Accs foncier et accs bancaire

    Le Chili manque presque compltement de systmes financiers ajustables aux caractristiques du

    systme agricole : variabilit climatique, variabilit du march et des prix, htrognit des systmes

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    de production, entre autres. Linstitut de dveloppement agropastoral (Instituto de Desarollo

    Agropecuario : INDAP), organisme dEtat, travaille sur lensemble de la petite production et le

    secteur bancaire priv soccupe de lagriculture comme de nimporte quel autre secteur conomique

    productif, sans dvelopper de services financiers rellement spcifiques.

    Laccs au crdit bancaire est actuellement un problme au Chili, particulirement pour les entreprises

    petites et moyennes, parmi lesquelles celles de lagriculture : on sait aujourdhui que labsence de

    ressources financires fut lun des facteurs qui empchrent les propritaires issus de la Rforme

    Agraire de mettre en valeur les terres quils avaient reues. Cest la proprit individuelle de la terre

    qui permet daccder au crdit en jouant le rle de garantie de lemprunt, mais condition que la terre

    soit une proprit lgalement reconnue : les producteurs agricoles non lgalement propritaires

    nont pas accs au crdit ni aux autres ressources bancaires, mme pour mettre la terre en valeur. Le

    cas des communauts agricoles est une illustration particulire de cette impossibilit puisque la

    proprit de la terre est collective alors que lexploitation et lutilisation des ressources sont

    individuelles. Le cercle vicieux se referme alors : pour accder au crdit, la proprit de la terre est

    indispensable, et pour avoir accs la terre sous forme de proprit lgale, il est ncessaire de disposer

    de ressources financires.

    Il existe cependant des situations dans lesquelles la proprit reconnue de la terre nest pas suffisante

    pour assurer laccs au capital, que ce soit par les banques ou par les systmes de financement des

    grandes entreprises agro-exportatrices. Outre sa terre comme garantie, le candidat lemprunt

    doitprsenter un projet dinvestissement dont la rentabilit se montre intressante pour le prteur. Les

    units de production qui produisent pour le march intrieur ont beaucoup de difficults pour prsenter

    un projet dont les caractristiques soient convaincantes, la diffrence des secteurs agricoles plus

    dynamiques, gnralement lis lexportation. Dun autre ct, les moyens et petits agriculteurs sont

    rticents lgard du crdit bancaire par peur de lendettement et de ses consquences : cela a t

    visible la fin de la dcennie 1980, quand des producteurs perdirent leurs terres parce quils ne

    pouvaient pas payer la banque ou aux entreprises agro-exportatrices les dettes quils avaient

    contractes par anticipation sur la rcolte venir.

    Accrotre les superficies

    Les accords commerciaux que le Chili a signs rcemment ouvrent de nouvelles opportunits

    commerciales par largissement des destinations des produits dexportation. De nouvelles filires de

    production et laugmentation des superficies cultives sont les moyens de rpondre cette politique.

    En outre, le dveloppement de lagriculture dexportation haute valeur ajoute et cot

    dinvestissement lev demande des conomies dchelle pour en amliorer la comptitivit et en

  • Colloque international Les frontires de la question foncire At the frontier of land issues, Montpellier, 2006 12

    rentabiliser les investissements. Une des bases de ces conomies dchelle parat tre la taille de

    lexploitation, ce qui engendre un processus dexpansion de loccupation du sol par lagriculture

    irrigue.

    Les conomies dchelle travers lagrandissement des exploitations sont galement attendues dans

    certains secteurs de lagriculture pour le march intrieur, notamment dans le secteur maracher dont

    une grande partie des producteurs accdent la terre par fermage et location. Les producteurs qui

    accdent lusage de la terre sous ces formes cherchent affermir leur exploitation travers une

    acquisition dfinitive. Comme laccs au capital est en relation directe avec la proprit de la terre,

    laccroissement des superficies donne aux units de production la garantie dont elles ont besoin pour

    demander des prts.

    Enfin, dans les secteurs haut potentiel productif comme la Province du Limari, augmenter la surface

    de terre des units de production peut aussi tre interprt comme lamorce dun processus de

    spculation puisquon attend une augmentation de la demande de terre et par consquent une

    augmentation des prix.

    Les moyens daugmenter les surfaces des units de production sont classiques : achat, hritage,

    location, auxquels nous devons en ajouter un quatrime, lachat indirect. Ce moyen dacquisition est

    illustr dans les cas o le transfert de terre est la consquence daccords financiers entre un exploitant

    propritaire et une banque ou une entreprise agro-exportatrice : le cas a t frquent dans la Province

    du Limari depuis le milieu de la dcennie 1990. Le processus est bien particulier : les terres

    concernes sont toutes de secano, cest dire non irrigues ou peu irrigues ; elles appartiennent des

    communauts agricoles, mais aussi, dans certains cas, des propritaires individuels. Les terres de

    secano sont de bien moindre valeur que celles de riego (les fonds de valles et les basses pentes

    techniquement irrigables et lgalement irrigues) ce qui les rend plus convoites dans la transaction.

    Les pentes orientes au Nord sont aussi les plus favorables pour la production fruticole. Les plus

    grandes entreprises agricoles mnent alors une stratgie daquisition de terres dans des lieux

    gographiques diffrents afin de tirer parti de la saisonnalit de la production, doptimiser les

    processus de production et dviter dimmobiliser leur capital. Les procds pour aqurir les terres des

    communauts agricoles sont multiples. Comme ces terres sont des proprits collectives et que les

    comuneros y sont fortement attachs, ces derniers nacceptent pas facilement de vendre. Les

    entreprises qui voulaient acheter la terre ont dabord acquis des droits collectifs dans la communaut

    afin de sy intgrer de plein droit ; une fois lintrieur du systme de dcision, elles ont influenc les

    comuneros et elles ont pu peser sur leurs rticences vendre.

  • Colloque international Les frontires de la question foncire At the frontier of land issues, Montpellier, 2006 13

    La valeur de leau

    Le statut juridique et les rglementations sur leau, considre comme ressource essentielle et bien

    de tous , ont t plusieurs fois prciss et transforms. La notion dusage et de rglementation du

    droit dusage de ce bien commun est apparue ds le dbut de la colonisation par des formulations

    crites au bnfice dusagers privs. Les concepts et les rglementations ont ensuite volu tout au

    long de lhistoire du pays, en tentant de concilier le caractre commun de la proprit de leau avec les

    destinations privatives de ses usages, les interprtations de la notion dintgrit dun bassin et la

    permanence du droit face lpuisement (ventuel) de la ressource ; le code de leau de 1967-1969

    rapprocha la correspondance entre les droits dusage de leau et la terre irriguer dans le cadre dun

    concept defficacit et de bienfaisance concordant avec la Rforme Agraire de mme inspiration.

    Mais partir de 1979, les concepts directeurs changent : actuellement, toutes les eaux continentales du

    Chili sont rgies par le code de leau de 1981, qui na reu que des modifications mineures depuis

    cette date. La loi assigne un objectif clair laction dirriguer : produire des plus-values montaires

    dans le cadre priv, en ne laissant lEtat quun rle nul ou de simple observateur. Mais plus

    important, le code de leau en vigueur tablit que les droits dusage de leau cessent dtre rattachs

    la proprit de la terre quils permettent dirriguer. Or ni les droits ni les eaux ne correspondent un

    objet qui pourrait tre dplac partout o sexprime une demande (Alvarez, 2005 : 95), ce qui rend

    lapplication de la loi et son contrle - compliqus et sujets interprtations varies. La sparation

    lgale de leau et de la terre a videmment des consquences importantes sur la valeur de la terre

    (irrigue et potentiellement irrigable) et sur le march de la terre, ainsi que sur la nature des

    transactions foncires.

    Les comuneros, qui nont pas les moyens de raliser des investissements importants sur leur terre, ne

    disposent au mieux, sauf exceptions, que de droits deau modestes qui ne leur permettent pas

    dirriguer de grandes superficies ; ils ne disposent pas non plus des moyens den acqurir. En

    revanche, les grandes entreprises exportatrices et productrices ont ces moyens, renforcs par leur

    capacit investir dans des pompes et dans la consommation de lnergie ncessaire leur

    fonctionnement : elles achtent des terres sches (communautaires et aussi prives individuelles)

    dpourvues de droits deau donc de faible valeur et les mettent en valeur au sens propre en y

    apportant les droits deau et les investissements techniques. On voit alors les cultures irrigues

    progresser le long des pentes, au dessus de la cote topographique des rivires et des canaux

    dirrigation, constituant ainsi un front pionnier agricole qui progresse sans cesse vers lamont. Il est

    utile de rappeler ici que la vigne na pas besoin de sol stricto sensu pour prosprer.

    Les aspects environnementaux des transformations qui se produisent sur les territoires concerns nont

    pas encore t toutes identifis, encore moins mesurs. Les organisations dirrigants, qui sont charges

  • Colloque international Les frontires de la question foncire At the frontier of land issues, Montpellier, 2006 14

    de ladministration et du partage de leau correspondant au droit dirriguer de leurs socitaires partir

    de ressources bien prcises, manifestent quelque apprhension lgard de la viabilit des cultures

    nouvelles ainsi gagnes sur des terres auparavant pluviales : lirrigation de ces nouvelles terres exige

    des volumes deau qui excdent la capacit relle du systme et du climat les fournir. Les effets sur

    les sols et sur la qualit de leau dune agriculture irrigue intensive sur de grandes superficies en

    pente nont pas non plus t quantifis. Ces aspects sont pourtant dun grand intrt puisque la

    Province du Limari est suppose dvelopper encore davantage une agriculture dexportation durable

    sur tous les plans. En outre, les risques de spculation sur les droits deau, comme sur la terre, sont

    loin dtre ngligeables.

    Conclusions

    La Quatrime Rgion parat spectaculairement prospre si lon regarde lexpansion visible des

    superficies cultives, la qualit des routes ou le nombre des supermarchs. Mais de mme que dans

    dautres rgions du Chili, ce dynamisme reste juxtapos de grandes ingalits conomiques et

    sociales. Certains secteurs de la production (tels que llevage caprin) et les producteurs des hautes

    valles semblent de plus en plus dpendants de filires dans lesquelles ils ne matrisent rien et sans

    possibilits dquilibrages financiers. Ils tentent dintresser lEtat leur fragilit mais la priorit reste

    donne lagriculture irrigue dexportation, ce qui ne rduit pas rellement les carts. Les fragilits

    du systme dominant (encore peu visibles et en cours dtude) ne doivent pas non plus tre ignores

    mais elles sont masques par une effervescence conomique rassurante.

    Ce dveloppement rapide, visible depuis une vingtaine dannes, se produit dans le contexte de

    lconomie librale et de la loi du march. Mais cest un libralisme et une conomie de march qui ne

    datent pas des dernires dcennies : les fonctionnements ruraux qui sont montrs comme modles de

    production de richesses taient prsents depuis plusieurs sicles, que ce soit conomiquement : la

    valeur ajoute par lexportation ; socialement : la grande proprit entreprenariale donne du travail

    tous ; et techniquement : lirrigation et la gestion du partage du leau permettent de produire beaucoup

    et dalimenter les marchs porteurs. Or, au del des raisonnements mcanistes fonds sur la capacit

    du march produire des richesses, et qui sont relativement rcents en effet, ce sont toutes sortes de

    fragilits qui menacent le systme et conduisent les producteurs scuriser le plus possible leur

    exploitation. Nous navons abord ici que celles de la parcelle et de lexploitation lies au changement

    de proprit de la terre et de leau, mais ces fragilits paraissent bien sexercer toutes les chelles.

    Dans ces transformations, les comuneros sont socialement et conomiquement perdants car ils

    acceptent ou subissent une perte de valeur foncire dans une ngociation asymtrique. Laccs la

    ressource physique eau, fondement du systme fort , ne leur est pas assur non plus. Le systme de

  • Colloque international Les frontires de la question foncire At the frontier of land issues, Montpellier, 2006 15

    production communautaire se trouve donc marginalis, soit par viction pure et simple, soit par perte

    de dcision sur les fondements de la production agricole rgionale que sont la terre et leau. Se

    trouvent marginaliss galement les exploitants des petites superficies irrigues, qui ne peuvent faire

    autrement que de sassocier aux grandes entreprises (ne serait-ce que pour la commercialisation et

    lexportation) ou que sendetter auprs delles. La mis en question de la durabilit du dveloppement a

    donc quelque lgitimit, mme si elle est encore discrte.

  • Colloque international Les frontires de la question foncire At the frontier of land issues, Montpellier, 2006 16

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