Monsieur Laby de St-Aumont - Bouquineux.com · 2017. 1. 8. · Monsieur Laby de St-Aumont...
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The Project Gutenberg EBook of Oeuvres complegravetes de lordByron Volume 4 by George Gordon Byron
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Title Oeuvres complegravetes de lord Byron Volume 4comprenant ses meacutemoires publieacutes par Thomas Moore
Author George Gordon Byron
Annotator Thomas Moore
Translator Paulin
Release Date February 14 2009 [EBook 28081]
Language French
START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE LORDBYRON
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de France (BnFGallica)
Monsieur Laby de St-AumontMazous-Laguian
____________________________IMPRIMERIE DE DONDEY-DUPREacute
Rue St-Louis ndeg 46 au Marais
ŒUVRES COMPLEgraveTESDE
LORD BYRONAVEC NOTES ET COMMENTAIRES
COMPRENANT
SES MEacuteMOIRES PUBLIEacuteS PAR THOMASMOORE
ET ORNEacuteES DUN BEAU PORTRAIT DE LAUTEUR
Traduction Nouvelle
PAR M PAULIN PARIS
DE LA BIBLIOTHEgraveQUE DU ROI
TOME QUATRIEgraveME
Μήτ ἄρ microε microάλ᾿ αἴνεε microήτε τι νείκει(Hom Il κ 249)
ParisDONDEY-DUPREacute PEgraveRE ET FILS IMPR-LIBR
EacuteDITEURSRUE SAINT-LOUIS Ndeg 46
ET RUE RICHELIEU Ndeg 47 bis
1830
HEURES DE LOISIRPOEgraveMES COMPOSEacuteS OU TRADUITS
PAR LORD BYRON MINEUR
He whistled as he went for want of thought(Dryden)
Il sifflait en marchant agrave deacutefaut de penseacutees
AU TREgraveS-HONORABL
LAUTEUR
FREacuteDEacuteRIC COMTE DECARLISLE
CHEVALIER DE LA JARRETIEgraveRE ETC ETC
SON PUPILLE RECONNAISSANT ET PARENTAFFECTIONNEacute
Why dost thou build the hall son of thewinged days Thou lookest from thy towerto-day yet a few years and the blast of thedesert comes it howls in thy empty court
(Ossian)
Pourquoi bacirctis-tu ce palais fils du tems agravelaile rapide Aujourdhui tu regardes du hautde ta tour quelques anneacutees encore et le ventdu deacutesert arrive il murmure dans ta cour solitaire
HEURES DE LOISIR
I
DEacutePART DE NEWSTEAD-ABBEY (1803)
1 A travers tes creacuteneaux Newstead freacutemit le sourdmurmure des vents ocirc demeure de mes pegraveres ton heureest venue dans ton jardin jadis riant la cigueuml et le chardonont eacutetouffeacute la rose qui en ornait les alleacutees
2 De ces barons couverts de maille qui fiers etbelliqueux conduisaient leurs vassaux des confins delEurope aux plaines de la Palestine que reste-t-ilaujourdhui un bouclier un eacutecusson qui retentissent agravechaque souffle des airs voilagrave lunique et triste vestige deleur grandeur
3 Le vieux Robert naccompagne plus des sons de saharpe ces vers qui allument dans les cœurs lamour de laguerre et des lauriers pregraves des tours dAscalon John deHoristan 1 sommeille la mort a paralyseacute la main de sonmeacutenestrel
Note 1 (retour) Le chacircteau dHoristan dans leDerbyshire est une ancienne habitation de la familleByron
4 Paul et Hubert dorment dans la valleacutee de Creacutecy ilssuccombegraverent pour la cause dEacutedouard et de lAngleterreO mes pegraveres les larmes de votre patrie vousreacutecompensent Quel fut votre courage quelle mort fut lavocirctre nos annales peuvent encore le dire
5 A Marston Moor 2 quatre fregraveres reacuteunis agrave Rupert 3 pour
combattre les traicirctres enrichirent de leur sang le sombrechamp de bataille ils deacutefendaient les droits du monarqueceacutetait encore deacutefendre la patrie la mort vint mettre lesceau agrave leur royalisme fidegravele
Note 2 (retour) Bataille de Marston Moor ougrave lespartisans de Charles Ier furent deacutefaits
Note 3 (retour) Fils de leacutelecteur Palatin et parent deCharles Ier Il commanda ensuite larmeacutee navale sous leregravegne de Charles II
6 Ombres des heacuteros salut Votre descendant vous ditadieu en quittant le seacutejour de ses ancecirctres Sous un cieleacutetranger ou dans sa patrie votre souvenir lui inspirera unenouvelle ardeur il ne songera quagrave la gloire et agrave vous
7 Une larme obscurcit ses yeux agrave lheure de cette tristeseacuteparation mais cest la nature non la crainte qui exciteses regrets il va bien loin animeacute de la mecircme eacutemulationjamais il noubliera la renommeacutee de ses pegraveres
8 Cette renommeacutee ce souvenir voilagrave ce quil cheacuteriratoujours il fait vœu de ne jamais ternir leacuteclat de votre nomil vivra comme vous ou comme vous il peacuterira apregraves samort puisse-t-il mecircler sa cendre agrave la vocirctre
II
Ἀστὴρ πρὶν microὲν ἔλκmicroπες ἐνὶ ζώοισιν ἑῷος
(Laertius
EacutePITAPHE DUN AMI (1803)
)
Oh mon ami toi que toujours jaimerai que je regretteraitoujours combien dinutiles larmes ont baigneacute ton cercueilhonoreacute Combien de sanglots ont reacutepondu agrave ton derniersoupir quand tu te deacutebattais dans les angoisses delagonie Si les larmes pouvaient arrecircter la mort dans sacourse les soupirs sopposer agrave linvincible force de sondard tyrannique la jeunesse et la vertu reacuteclamer quelquesinstans de deacutelai la beauteacute charmer le spectre et le distrairede sa proie ah tu vivrais encore pour reacutejouir mes yeuxdeacutesoleacutes pour faire la gloire de ton camarade et les deacutelicesde ton ami Si pourtant lesprit aimable qui tanimait planeautour du lieu ougrave ton corps maintenant se reacutesout enpoussiegravere ici tu liras le deuil imprimeacute dans mon cœurdeuil trop profond pour ecirctre confieacute agrave lart du sculpteur Nulmarbre nindique la couche de ton humble sommeil maison y voit des statues vivantes fondre en pleurs le simulacrede laffliction ne sincline pas sur ta tombe mais lafflictionelle-mecircme deacuteplore larrecirct qui condamna ton jeune acircgeHeacutelas quoique ton pegravere pleure le coup qui frappe ainsi sarace la douleur paternelle ne peut eacutegaler la mienne Nulaussi bien que toi nadoucira sa derniegravere heure toutefois
aussi bien que toi nadoucira sa derniegravere heure toutefoisdautres enfans calmeront alors son angoisse Mais aupregravesde moi qui te remplacera ton image que ne sauraiteffacer une amitieacute nouvelle non jamais Les larmes dunpegravere cesseront de couler le tems apaisera les regrets dunfregravere enfant agrave tous hormis un seul la consolation estconnue tandis que lamitieacute geacutemit dans la solitude
III
FRAGMENT (1803)
Quand la voix de mes pegraveres appellera dans leur aeacuterienseacutejour mon ame joyeuse de leur choix quand mon ombrevoltigera au greacute de la brise ou que visible agrave peine aumilieu du brouillard elle descendra le flanc de la montagneoh puisse cette ombre ne voir aucune urne sculpteacutee quimarque la place ougrave la terre retourne agrave la terre aucunepierre funeacuteraire qui soit encombreacutee de louanges Que monnom seul soit mon eacutepitaphe Si ce nom nentoure point monargile dune aureacuteole de gloire oh nul autre honneur nestducirc agrave ma vie Ce nom ce nom seul distinguera ma placeimmortaliseacutee par lui ou avec lui agrave jamais oublieacutee
IV
O lacrymarum fons tenero sacrosDucentium ortus ex animo quaterFeacutelix in imo qui scatentemPectore te pia Nympha sensit
(Gray)
LES LARMES (1806)
1 Lorsque lamitieacute ou lamour eacuteveille notre sympathielorsque la veacuteriteacute devrait paraicirctre dans le regard ces legravevresqui sentrouvent ou sourient peuvent ecirctre trompeusesmais la preuve fidegravele de notre eacutemotion est une larme
2 Trop souvent un sourire nest quun pieacutege de lhypocritepour masquer la haine ou la crainte donnez-moi le douxsoupir tandis que lœil miroir de lame est terni un instantpar une larme
3 La tendre chariteacute en embrasant lame de ses ardeurs lapurifie ici-bas de toute souillure de barbarie lacompassion inondera le cœur ougrave cette vertu est sentie etreacutepandra sur les yeux une bien douce roseacutee une larme
4 Lhomme condamneacute agrave mettre agrave la voile au premiersouffle dun vent favorable pour traverser les flots delAtlantique se penche sur labicircme qui bientocirct peut-ecirctredeviendra son tombeau et les flammes de son regard ne
brillent plus quagrave travers une larme
5 Le soldat brave la mort pour une couronne imaginairedans la romantique carriegravere de la gloire mais il relegravevelennemi une fois terrasseacute et arrose chaque blessure dunelarme
6 Retourne-t-il enfleacute dorgueil aupregraves de sa fianceacutee apregravesavoir renonceacute au glaive rougi de sang humain toutes sespeines sont reacutecompenseacutees lorsque embrassant la jeunefille il baise sur sa paupiegravere une larme
7 Heureux theacuteacirctre de ma jeunesse seacutejour de lamitieacute et dela franchise ougrave lamour faisait fuir mes rapides anneacutees jete quittai agrave regret lame en deuil je me tournai pour te voirune derniegravere fois mais le clocher mapparut agrave peine agravetravers une larme
8 Je ne puis plus adresser mes sermens agrave ma Marie maMarie jadis si chegravere mais je me rappelle lheure ougrave souslombrage de son berceau favori elle reacutecompensait messermens avec une larme
9 Posseacutedeacutee par un autre puisse-t-elle vivre toujoursheureuse Mon cœur doit toujours reacuteveacuterer son nom ensoupirant je me reacutesigne agrave perdre ce que je crus autrefoismon bien et je pardonne son infideacuteliteacute en versant unelarme
10 O vous amis de mon cœur je vais vous quitter mais je
nai pas banni lespoir du retour peut-ecirctre nous nousreverrons dans cette retraite champecirctre alors revoyons-nous comme nous nous seacuteparons avec une larme
11 Quand mon ame aura pris son vol vers les reacutegions dela nuit et que mon cadavre sera gisant dans une biegravere sivous passez pregraves de la tombe ougrave se consumeront mescendres ah mouillez ma poussiegravere dune larme
12 Que le marbre pour moi ne se change point en unsplendide monument eacuteleveacute par les enfans de la vaniteacute quenul eacuteloge mensonger ne ceacutelegravebre mon nom je ne demandeje ne deacutesire quune larme
V
PROLOGUE DE CIRCONSTANCE
PRONONCEacute AVANT LA REPREacuteSENTATION DE laquoTHEWHEEL OF FORTUNE (LA ROUE DE LA FORTUNE 4)raquoSUR UN THEacuteAcircTRE DE SOCIEacuteTEacute
Note 4 (retour) Piegravece de Richard Cumberland
(N du Tr)
Aujourdhui que la politesse raffineacutee du siegravecle a chasseacute du
theacuteacirctre la raillerie immorale et que le goucirct a stigmatiseacute cetesprit de licence qui imprimait la honte sur les eacutecrits de toutauteur aujourdhui que nous cherchons agrave plaire par desscegravenes plus pures et que nous nosons appeler la rougeursur la joue de la beauteacute ah permettez agrave une musemodeste de reacuteclamer quelque pitieacute et de rencontrerlindulgence ougrave elle ne peut trouver la gloire mais ce nestpas pour elle seule que nous deacutesirons des eacutegards dautrespersonnages paraicirctront plus convaincus encore de leurpeu de talent vous naurez point ce soir des Roscius vieillisdans les secrets de laction sceacutenique nul Cooke nulKemble ne peut ici vous saluer 5 nulle Siddons 6 arracherune larme agrave votre sympathie vous ecirctes rassembleacutes pourvoir dans le drame nouveau le deacutebut dacteurs encore engerme Ici nous faisons lessai de nos ailes agrave peine garniesde plumes ne rognez pas les ailerons avant que lesoiseaux puissent voler Si nous succombons dans cepremier essor heacutelas faibles que nous sommes noustombons pour ne plus nous relever Il ny a pas quun seulmalheureux qui trahi par la peur espegravere et presque aussiredoute vos eacuteloges mais tous nos personnages attendentdans une poignante incertitude la crise de leur destineacuteeAucune penseacutee veacutenale ne peut retarder nos progregraves vosgeacuteneacutereux applaudissemens sont notre unique reacutecompensepour les meacuteriter le heacuteros deacuteploie toutes ses forceslheacuteroiumlne baisse son œil timide devant votre regard celle-ciau moins doit avoir des protecteurs on ne peut refuser sabienveillance au sexe le plus aimable quand la jeunesse etla beauteacute forment leacutegide dune femme le plus grave
la beauteacute forment leacutegide dune femme le plus gravecenseur doit ceacuteder agrave tant dattraits Mais si nos faiblestentatives nont aucun succegraves si nos plus grands effortsapregraves tout sont steacuteriles que du moins la pitieacute inspire vosames et quagrave deacutefaut de bravos elle nous accorde gracircce etmerci
Note 5 (retour) Un acteur anglais en paraissant sur lascegravene fait toujours un salut au public
(Note du Tr)
Note 6 (retour) Ceacutelegravebre actrice sœur des deux Kemble
(N du Tr)
VI
SUR LA MORT DE M FOX
Un journal avait publieacute limpromptu anti-libeacuteral suivant
laquoLes ennemis de notre nation pleurent la mort de Foxmais ils beacutenissent lheure ougrave Pitt rendit le dernier soupirque le bon sens et la veacuteriteacute expliquent ces sentimensopposeacutes nous donnerons la palme agrave qui en est vraimentdigneraquo
Lauteur de ces poegravemes envoya la reacuteponse suivante
O factieuse vipegravere dont la dent empoisonneacutee voudraitencore deacutechirer les morts en corrompant la veacuteriteacute Quoiparce que les ennemis de notre nation animeacutes dungeacuteneacutereux sentiment pleurent la mort de lhomme de bien etdu grand homme faudra-t-il que des langues infacircmesessaient de ternir le nom de celui dont la dignereacutecompense est une renommeacutee eacuteternelle Quand Pittexpira agrave lapogeacutee du pouvoir ah malgreacute les revers quiobscurcirent sa derniegravere heure la pitieacute eacutetendit au-devantde lui ses ailes humides de larmes car les ames nobles nefont pas la guerre aux morts ses amis en pleurs luidonnegraverent une derniegravere priegravere quand toutes ses erreurssendormirent dans le tombeau il plia comme Atlas sous lepoids de tant de soins de tant de luttes qui fatiguaientnotre patrie Mais en Fox apparut aussitocirct un Hercule quireleva pour un moment la machine eacutebranleacutee heacutelas luiaussi il est tombeacute lui qui reacuteparait le malheur de laBretagne nos espeacuterances si rapides agrave renaicirctre sontmortes avec lui il ny a pas quun grand peuple qui eacutelegraveveune urne en son honneur toutes les contreacutees de limmenseEurope sont en deuil laquoQue le bon sens et la veacuteriteacuteexpliquent ces sentimens opposeacutes pour quon donne lapalme agrave celui qui en est vraiment digneraquo Mais ne laissonspas limpure calomnie assaillir notre homme deacutetat ouenvelopper sa gloire dun voile teacuteneacutebreux Fox dont lecorps inanimeacute reccediloit les pleurs du monde en deuil dont lesrestes cheacuteris dorment sous un marbre honoreacute sur qui lesnations armeacutees contre nous geacutemissent elles-mecircmes dont
tous amis ou ennemis reconnaissent le geacutenie Fox brilleraagrave jamais dans les annales de la Bretagne et ne ceacutederapas mecircme agrave Pitt la palme du patriotisme palme quelenvie cacheacutee sous le masque sacreacute de la candeur a oseacutereacuteclamer pour Pitt et pour Pitt seul
VII
STANCES A UNE LADY
EN LUI DONNANT LES POEgraveMES DE CAMOENS
1 Peut-ecirctre ocirc vierge cheacuterie appreacutecieras-tu en ma faveurce gage sacreacute dune tendre estime ce livre dit les recircvesenchanteurs de lamour sujet que nous ne pouvons pointmeacutepriser
2 Qui blacircme lamour cest la sottise envieuse cest lagravevieille fille deacutesappointeacutee ou leacutelegraveve dune eacutecole de prudescondamneacutee agrave se faner dans un ennui solitaire
3 Lis donc vierge cheacuterie lis avec abandon car tu neseras jamais au nombre de telles femmes ce nest pointen vain que je reacuteclamerai de toi quelque pitieacute pour lesmaux du poegravete
4 Ceacutetait un barde vraiment inspireacute son feu ne fut ni faibleni mensonger puisse lamour qui fut sa reacutecompense ecirctreaussi la tienne Mais puisse ta destineacutee necirctre point aussicruelle 7
Note 7 (retour) Allusions aux malheureuses amours deCamoeumlns avec Alayde
VIII
A M (1806)
1 Oh si ces yeux brillaient non dune flamme ardentemais dune tendre eacutemotion peut-ecirctre exciteraient-ils demoins vifs deacutesirs mais tu serais aimeacutee plus quunemortelle
2 Malgreacute les rayons sauvages de ces astres tesangeacuteliques attraits nous obligent agrave ladmiration qui bientocirctfait place au deacutesespoir car ce coup dœil fatal nous deacutefendlestime
3 Quand la nature tintroduisit si belle en cette vie ellecraignit que la terre ne fucirct indigne de la divine perfection detes charmes et que le ciel ne tappelacirct parmi ses habitans
4 Aussi pour garder son plus cher ouvrage pour
empecirccher les anges de lui en disputer la possession ellecacha dans ces yeux naguegravere ceacutelestes un eacuteclair terribletoujours precirct agrave eacutetinceler
5 Ces yeux pourraient faire pacirclir le plus hardi des sylphesquand ils rayonnent comme le soleil en son midi ta beauteacutedoit nous enflammer tous mais qui peut affronter le feu deton regard
6 On dit que la chevelure de Beacutereacutenice meacutetamorphoseacutee eneacutetoiles orne la voucircte de lEmpyreacutee mais toi tu ny serasjamais admise tu eacuteclipserais trop les sept planegravetes
7 Car si tes yeux brillaient dans lespace agrave peinelaisserais-tu paraicirctre la lumiegravere des planegravetes dont tu seraisdevenue la sœur les soleils eux-mecircmes qui reacutegissent lesdivers mondes ne jetteraient quune sombre lueur dansleur propre sphegravere
IX
A LA FEMME
O femme lexpeacuterience a pu me dire que tous ceux qui teregardent doivent taimer sans doute lexpeacuterience a pumapprendre que tes plus solides promesses ne sont rienquand tu es placeacutee devant moi dans tout leacuteclat de tes
quand tu es placeacutee devant moi dans tout leacuteclat de tescharmes je ne songe plus quagrave tadorer O souvenir biendeacutelicieux quand lespoir laccompagne quand nousposseacutedons encore lobjet de notre amour Mais comme ilest maudit par les amans quand lespoir sest envoleacutequand la passion est eacuteteinte O femme belle et tendreenchanteresse comme les jeunes hommes sont prompts agravete croire comme le cœur palpite quand pour la premiegraverefois nous voyons cet œil qui roule dans un eacuteclatant azur ouresplendit tout noir ou lance ses doux rayons de dessousun sourcil chacirctain Comme nous nous hacirctons de croire agravetes sermens de tentendre engager ta foi de plein greacutedans notre ravissement nous espeacuterons que ta fideacuteliteacute seraeacuteternelle et voilagrave que tu changes en un jour Donc il seratoujours vrai de dire laquoFemme tes sermens sont eacutecrits surle sable 8raquo
Note 8 (retour) Cette derniegravere penseacutee est la traductionpresque litteacuterale dun proverbe espagnol
X
A M S G
1 Quand je recircve que vous maimez vous me le pardonnezsans doute et vous neacutetendez pas votre colegravere jusque surmon sommeil car ce nest que dans mes songes quexiste
votre amour je me legraveve et il ne me reste quagrave pleurer
2 O Morpheacutee empare-toi donc vite de mes faculteacutesreacutepands sur moi ta bienfaisante langueur si je dois avoirun songe semblable agrave celui de la nuit derniegravere quelledivine extase mest reacuteserveacutee
3 On nous dit que le Sommeil fregravere de la Mort est limagede notre sort futur oh comme je deacutesire rendre agrave la Parquele frecircle souffle qui manime si cest lagrave un avant-goucirct desceacutelestes feacuteliciteacutes
4 Ah cessez douce dame de froncer votre aimablesourcil et ne me croyez point en cela trop heureux si jepegraveche dans mon recircve jexpie mon peacutecheacute maintenantcondamneacute que je suis agrave voir le bonheur sans latteindre
5 Quoique dans mes songes douce dame vous puissiezquelquefois sourire ne croyez pas ma peacutenitenceinsuffisante quand votre preacutesence imaginaire abuse monesprit qui sommeille le reacuteveil seul sera un assez grandsupplice
XI
CHANT DE REGRET
1 Quand je rocircdais jeune highlander 9 sur la bruyegraveresombre et que je gravissais ton sommet escarpeacute ocircMorven mont de neige 10 afin de contempler le torrent quigrondait au-dessous comme un tonnerre ou le brouillardde la tempecircte qui se grossissait sous mes pieds alorsjerrais libre de la tutelle de la science eacutetranger agrave lacrainte aussi acircpre que les rocs ougrave grandissait monenfance un sentiment unique eacutetait cher agrave mon cœur ai-jebesoin de vous dire ocirc ma douce Marie quil eacutetaitconcentreacute en vous seule
Note 9 (retour) Mot consacreacute agrave la deacutesignation desmontagnards eacutecossais nous avons cru devoir leconserver comme tous ceux qui donnent une couleurlocale agrave la poeacutesie
(N du Tr)
Note 10 (retour) Morven haute montagne danslAberdeenshire laquoGormal mont de neige (Gormal ofsnow)raquo est une expression quon rencontre souventchez Ossian
2 Cependant ce ne pouvait ecirctre lamour car je nen savaispas le nom quelle passion peut habiter dans le sein dunenfant Mais jeacuteprouve encore une vive eacutemotion la mecircmeque je ressentais dans mon jeune acircge sur les cimes desmontagnes deacutesertes une seule image eacutetait graveacutee dansmon cœur jaimais mon froid pays je ne soupirais pasapregraves de nouvelles contreacutes javais peu de besoins carmes deacutesirs eacutetaient combleacutes mes penseacutees eacutetaient pures
car mon ame eacutetait avec vous
3 Je me levais avec laurore et je bondissais avec monchien pour guide de montagne en montagne je luttaiscontre les ondes du Dee11 ballotteacutees par la mareacutee etjeacutecoutais de loin le chant du highlander le soir je mecouchais sur un lit de bruyegraveres mes songes nepreacutesentaient que Marie agrave ma vue avec quelle brucirclanteardeur mes deacutevotions seacutelevaient au ciel car ma premiegraverepriegravere eacutetait de vous beacutenir
Note 11 (retour) Le Dee est une belle riviegravere qui prendsa source pregraves de Mar Lodge et se jette dans la mer agraveNew-Aberdeen
4 Je quittai ma froide demeure et mes recircves ont fui lesmontagnes se sont eacutevanouies et ma jeunesse nest plusdernier rejeton de ma race je dois me fleacutetrir dans lasolitude et ne trouver la joie que dans le souvenir des jourspasseacutes ah la grandeur en eacutelevant ma destineacutee la rendueamegravere plus douces furent les scegravenes que connut monenfance quoique mes espeacuterances aient eacuteteacute deacuteccedilues je neles ai point oublieacutees quoique mon cœur soit froid il languitencore pregraves de vous
5 Quand je vois quelque noire montagne dresser sa crecirctevers le ciel je songe aux rochers qui couvrent Colbleen 12
de leur ombre quand je vois le doux azur dun œil quiexprime lamour je songe agrave ces yeux qui me faisaient
cheacuterir un sauvage seacutejour quand par hasard je vois unechevelure ondoyante dont la teinte soit un peu semblable agravecelle de vos blondes tresses je songe agrave cette longuechevelure dor apanage sacreacute de la beauteacute et de Marie
Note 12 (retour) Colbleen est une montagne agravelextreacutemiteacute des Highlands non loin des ruines de Dee-Castle
6 Toutefois le jour peut venir ougrave les montagnes encoreune fois mapparaicirctront vecirctues de leur manteau de neigemais tandis quelles seront ainsi suspendues au-dessus demoi et telles quelles furent toujours Marie sera-t-elle lagravepour me recevoir Heacutelas non Adieu donc ocirc collines ougravemon enfance fut nourrie et toi aussi Dee dont les eauxseacutecoulent si paisibles je te dis adieu Nulle demeurenabritera ma tecircte dans la forecirct ah Marie quelle demeurepourrait ecirctre habiteacutee sans vous
XII
A
1 Oh oui javouerai que nous eacutetions chers lun agrave lautre lesamitieacutes de lenfance quoique leacutegegraveres sont vraies lamourque vous sentiez eacutetait un amour de fregravere et moi jenourrissais pour vous la mecircme tendresse
2 Mais lamitieacute peut renoncer agrave ses douces lois uneaffection de plusieurs anneacutees en un moment expireComme lamour lamitieacute a aussi des ailes rapides maiselle ne brucircle pas comme lamour de flammesinextinguibles
3 Bien souvent nous avons erreacute ensemble sur lIda 13heureuses furent les scegravenes de notre jeunesse Je lavoueAu printems de notre vie comme le ciel est serein Maisaujourdhui samoncellent les rudes tempecirctes de lhiver
Note 13 (retour) Nom poeacutetique de Harrow-on-the-hill ougraveLord Byron fut eacuteleveacute Voir la Vie de Byron
(N du Tr)
4 La meacutemoire cessant de sunir agrave laffection ne nousretracera plus les plaisirs accoutumeacutes de notre enfancequand lorgueil couvre le sein dacier le cœur est inflexibleet ce qui serait justice ne semble plus que honte
5 Cependant cher S car je dois encore vous estimerje ne puis jamais adresser un reproche agrave ceux que jaimeet ceux-lagrave sont en petit nombre le hasard qui vous a perdupeut un jour racheter vos torts le repentir effacera leserment que vous avez fait
6 Je ne me plaindrai pas et quoique notre affection soitglaceacutee aucun secret ressentiment ne vivra dans mon
cœur mes esprits sont calmeacutes par une reacuteflexion simplecest que tous deux nous pouvons avoir tort et que tousdeux nous devrions pardonner
7 Vous saviez que mon ame mon cœur mon existencevous appartenaient si le danger leucirct demandeacute voussaviez que ni les ans ni leacuteloignement ne pouvaient mechanger que jeacutetais deacutevoueacute tout entier agrave lamour et agravelamitieacute
8 Vous saviez mais arriegravere cette vaine image du passeacuteLes liens de laffection sont deacutesormais briseacutes trop tardpeut-ecirctre vous retrouverez ces tendres souvenirs qui vousaccableront et vous soupirerez sur la perte de votre ancienami
9 Pour le moment nous nous seacuteparons jespegravere que cenest point pour toujours car le tems et le regret vousrendront enfin agrave lamitieacute Nous devons tous deux tacirccherdoublier nos dissentimens je ne demande pas dautreexpiation que des jours semblables aux jours passeacutes
XIII
A MARIE
EN RECEVANT SON PORTRAIT
1 Cette image de tes charmes imparfaite il est vrai maisaussi ressemblante que lart des mortels pouvait la fairedeacutelivre de la crainte mon cœur fidegravele reacuteveille mesespeacuterances et mordonne de vivre
2 Je puis retrouver ici ces boucles dor qui flottent sur tonfront de neige ces joues qui sortirent du moule de labeauteacute elle-mecircme ces legravevres qui me firent esclave de labeauteacute
3 Ici je puis retrouver mais non cet œil dont lazur nagedans un feu liquide doit deacutefier le peintre et le forcerdabandonner sa tacircche
4 Jy vois bien ce beau bleu qui le colore mais ougrave donc lerayon si pur qui sen eacutechappait qui donnait un nouveaulustre agrave son azur comme fait agrave loceacutean la tremblantelumiegravere de la lune
5 Douce copie tout inanimeacutee tout insensible que tu es tumes cent fois plus chegravere que ne le pourraient ecirctre toutesles beauteacutes vivantes hors celle qui te placcedila sur mon cœur
6 Elle ly placcedila mais avec tristesse avec la vaine crainteque le tems pourrait eacutebranler mon ame inconstante sanssavoir que son image retient et enchaicircne agrave jamais tousmes sens
7 Cette image embellira pour moi les heures les anneacuteesle cours entier du tems elle relegravevera mon espoir dans lesmomens de sombre inquieacutetude mapparaicirctra dans laderniegravere lutte de la vie et rencontrera lamour dans monregard expirant
XIV
DAMEgraveTE
Enfant 14 par la loi adolescent par son acircge et par soname esclave de toute joie vicieuse sevreacute de toutsentiment de honte et de vertu adepte en fait demensonge deacutemon en fait de ruse verseacute dans lhypocrisielorsquil nest encore quun enfant capricieux comme levent plein dinclinations sauvages faisant de la femme sadupe de son imprudent ami un instrument vieux dans lemonde quoique agrave peine eacutechappeacute des bancs Damegravete aparcouru tout le labyrinthe du peacutecheacute et il est arriveacute au boutagrave lacircge ougrave les autres commencent encore aujourdhui despassions tumultueuses eacutebranlent son ame et luicommandent de vider jusquagrave la lie la coupe du plaisirmais deacutegoucircteacute du vice il rompt sa chaicircne et ce qui eacutetaitjadis ambroisie ceacuteleste ne lui semble plus quinfernalpoison
Note 14 (retour) Cest-agrave-dire mineur
(N du Tr)
XV
A MARION
Marion pourquoi ce front pensif quel deacutegoucirct as-tu pour lavie Change cette mine meacutecontente ces traits fronceacutes neconviennent pas agrave une personne si belle Ce nest paslamour qui trouble ton repos lamour est eacutetranger agrave toname il paraicirct dans la bouche qui sentrouvre au sourire ilreacutepand sa douleur en larmes douces et timides ouabaisse une paupiegravere languissante mais il eacutevite cet airsombre et repoussant Reprends donc le feu qui animaitton regard quelques-uns taimeront tous tadmireront tantque ce froid aspect nous glace nous ne pouvons querester dans la froideur de lindiffeacuterence Si tu veuxsurprendre les cœurs errans souris au moins ou feins desourire des yeux comme les tiens ne furent pas faits pourcacher leur eacuteclat sous de sombres nuages en deacutepit de toutce que tu voudrais dire ils se jouent en regards friponsTes legravevres--mais ici ma modeste et chaste muse refusedobeacuteir agrave mon impulsion elle rougit fait la reacuteveacuterence etfronce le sourcil--bref elle craint que le sujet ne metransporte et senfuyant pour chercher la raison elle
ramegravene agrave tems la prudence--Tout ce que je dirai (car ceque je pense nest exprimeacute ni plus haut ni plus bas) cestque de telles legravevres dont la vue nous enchante eacutetaientformeacutees pour quelque chose de mieux quun souriremoqueur cet avis deacutepouilleacute de complimens quiladoucissent est au moins deacutesinteacuteresseacute tels sont les versque je tadresse naiumlfs et libres de tout meacutelange de flatterieun conseil comme le mien est le conseil dun fregravere moncœur est donneacute agrave dautres cest-agrave-dire quinhabile agravetromper il se partage entre une douzaine de maicirctressesMarion adieu oh je ten prie ne meacuteprise pas cetavertissement quelque deacutesagreacuteable quil puisse ecirctre etafin que mes preacuteceptes ne deacuteplaisent point agrave ceux quiregardent la remontrance comme chose importune je tedonnerai enfin notre opinion concernant le doux empire dela femme quoique nous contemplions avec admiration desyeux dazur ou des legravevres brillantes de vie quoique lestresses ondoyantes nous attirent quoique ces beauteacutespuissent nous distraire papillons leacutegers nous sommestoujours precircts agrave voltiger tout cela ne peut encore fixer nosames agrave lamour Ce nest point une censure trop seacutevegravereque de dire que cela forme un joli portrait mais si tu veuxsavoir la chaicircne secregravete qui nous attache humbles esclavesagrave votre suite et vous fait saluer reines de la creacuteationapprends-le en un mot cest lanimation
XVI
OSCAR DALVA
BALLADE
1 Comme agrave travers la voucircte azureacutee le flambeau nocturnedes cieux brille dun doux eacuteclat sur le rivage de Lora ougraveseacutelegravevent les blanches tourelles dAlva qui nentendent plusle fracas des armes
2 Et cependant la lune qui parcourt cet horizon fit souventjouer ses rayons sur les casques dargent et aperccedilut aumilieu de la nuit silencieuse les guerriers dAlva revecirctus deleurs eacutetincelantes cottes de mailles
3 Et sur les rocs ensanglanteacutes que le chacircteau domine etqui semblent menacer les sombres flots de lOceacutean elle vitjetant sa pacircle lueur parmi les rangs clair-semeacutes de la mortmaint brave eacutetendu par terre dans le racircle de lagonie
4 Plus dun regard qui ne devait pas revoir le lever delastre des jours se deacutetourna languissamment de la plainesanglante et se fixa mourant sur la lumiegravere mourante delastre des nuits
5 Pour ces yeux deacutefaillans ceacutetait naguegravere un flambeaudamour dont ils beacutenissaient la propice lueur mais
maintenant elle flamboyait den haut comme une torchesombre et funegravebre
6 La noble race dAlva sest eacuteteinte et lon voit encore auloin ses tours grises ses heacuteros ne pressent plus la chassene soulegravevent plus les rouges vagues de la guerre
7 Mais quel fut le dernier rejeton du clan dAlva pourquoila mousse croicirct-elle sur la pierre dAlva ces tours neretentissent plus du pas des hommes leacutecho ny reacutepondquau bruit du vent
8 Et lorsque ce vent est violent et fort on entend dans cechacircteau un murmure qui surgit sourdement dans les airs etvibre sur les murailles vermoulues
9 Oui lorsque geacutemit louragan il eacutebranle le bouclier dubrave Oscar mais on ne voit plus seacutelever ses banniegraveres niflotter son panache noir
10 Le soleil eacuteclaira des feux brillans de son lever lanaissance dOscar Angus beacutenit son premier-neacute et lesvassaux accoururent en foule autour du foyer de leur chefpour applaudir agrave cette heureuse matineacutee
11 Ils savourent sur la montagne la chair du daimsauvage le pibroch perce lair de ses accens aigus poureacutegayer davantage ce festin de highlanders les sons delinstrument se succegravedent en meacutelodie martiale
12 Et ceux qui entendirent cette musique acircpre et guerriegravereespeacuteregraverent quun jour les accords du pibroch preacuteceacutederaientcet enfant du heacuteros lorsquil guiderait les braves qui serevecirctent du tartan
13 Une autre anneacutee a passeacute vite deacutejagrave Angus beacutenit unautre fils cette naissance est ceacuteleacutebreacutee comme la premiegravereet cette fecircte joyeuse ne fut pas courte
14 Instruits par leur pegravere agrave bander larc sur les sombres etorageuses montagnes dAlva les deux fregraveres dans leurenfance chassaient le chevreuil agile et deacutepassaient leursleacutevriers dans leur course
15 Puis avant que les anneacutees de la jeunesse soientpasseacutees ils se mecirclent aux rangs des guerriers ils manientavec leacutegegravereteacute la brillante claymore et envoient au loin laflegraveche sifflante
16 Les cheveux dOscar eacutetaient noirs ceacutetait avec unemajesteacute sauvage quils flottaient au greacute de la brise Mais lachevelure dAllan eacutetait brillante et blonde sa joue eacutetaitpensive et pacircle
17 Oscar avait lame dun heacuteros les rayons de la veacuteriteacuteeacutetincelaient dans son œil noir Allan avait de bonne heureappris agrave se maicirctriser et ses paroles avaient eacuteteacute doucesdegraves sa jeunesse
18 Tous deux oui tous deux eacutetaient vaillans la lance du
Saxon se brisa plus dune fois sous leur acier Le cœurdOscar meacuteprisait la crainte mais le cœur dOscar savaitsentir
19 Lame dAllan au contraire ne reacutepondait pas agrave sestraits indigne quelle eacutetait dune aussi belle envelopperapide comme leacuteclair de la tempecircte sa vengeancemortelle frappait ses ennemis
20 De la tour lointaine du haut Southannon vint une jeuneet noble dame avec les terres de Kenneth pour dot vintune vierge aux yeux bleus la fille de Glenalvon
21 Oscar reacuteclama cette belle eacutepouse et Angus sourit agraveson Oscar lorgueil feacuteodal du pegravere eacutetait flatteacute dobtenir ainsila fille de Glenalvon
22 Eacutecoutez les accords du pibroch sont gais Eacutecoutezlhymne nuptial seacutelegraveve les voix se reacutepandent en accensjoyeux et prolongent encore le chœur bruyant
23 Voyez comme les plumes couleur de sang des heacuterosassembleacutes flottent dans le chacircteau dAlva Les jeunesmontagnards prennent leurs plaids barioleacutes et attendentlappel de leurs chefs
24 Ce nest pas la guerre que leurs regards demandent lepibroch joue le chant de la paix les clans se pressent auxnoces dOscar et les sons du plaisir ne cessent pas
25 Mais ougrave est Oscar certes il est tard est-ce bien lagravelardente flamme dun fianceacute tandis que les hocirctes en fouleque les dames attendent ni Oscar ni son fregravere narrivent
26 Enfin Allan joignit la fianceacutee laquoPourquoi Oscar ne vient-il pas dit Angus--Est-ce quil nest pas ici reacutepliqua lejeune homme Il neacutetait pas venu se promener avec moidans la clairiegravere
27 laquoPeut-ecirctre dans loubli de ce jour solennel il chasse lechevreuil bondissant ou les flots de lOceacutean prolongent sonabsence cependant la barque dOscar est rarementretardeacutee par les flots
28--Oh non non reacutepliqua le pegravere alarmeacute ni la chasse niles flots ne retiennent mon enfant voudrait-il faire un telaffront agrave Mora quel obstacle lempecirccherait daccouriraupregraves delle
29 laquoOh cherchez vous tous amis oh cherchez tout agravelentour Allan vole avec eux et parcours les domainesdAlva Trouvez Oscar trouvez mon fils faites hacircte etnosez pas reacutepliquerraquo
30 Tout est confusion Le nom dOscar reacutesonne en crissourds dans la valleacutee il seacutelegraveve sur la brise qui murmurejusquagrave lheure ougrave la nuit eacutetend ses ailes noires
31 Ce nom interrompt le calme de la nuit mais cest envain que les eacutechos le reacutepegravetent agrave travers les teacutenegravebres Il
retentit dans le brouillard du matin mais Oscar ne vient pasdans la plaine
32 Durant trois jours durant trois nuits sans sommeil lechef du clan dAlva parcourut agrave la recherche dOscartoutes les cavernes de la montagne donc lespoir estperdu Abicircmeacute dans la douleur ce malheureux pegravere deacutechireles boucles flottantes de ses cheveux gris
33 laquoOscar mon fils Toi Dieu du ciel rends-moi lappuide mes anneacutees chancelantes ou si cet espoir mestdeacutesormais refuseacute livre son assassin agrave ma rage
34 laquoOui sur quelque rivage deacutesert et heacuterisseacute de rocs lesos de mon Oscar doivent blanchir Accorde-moi donc ocircgrand Dieu une seule gracircce quaupregraves de lui peacuterisse sonpegravere eacutegareacute par la fureur
35 laquoMais peut-ecirctre il vit encore Arriegravere deacutesespoir Ahsois calme mon ame peut-ecirctre il vit encore Cesse ocirc mavoix daccuser mon destin Grand Dieu pardonne-moi unepriegravere impie
36 laquoQuoi si je lai perdu je tombe oublieacute dans lapoussiegravere de la mort lespoir des vieux jours dAlva nestplus Heacutelas de pareils coups sont-ils justesraquo
37 Ainsi pleura ce pegravere infortuneacute jusquagrave ce que le temsqui adoucit le plus cruel malheur eucirct rameneacute le calme dansson esprit et tari la source des larmes
38 Car toujours survivait en son cœur un secret espoirquOscar pouvait un jour reparaicirctre Son espoir tour-agrave-toursaffaiblit ou se reacuteveilla tandis que le tems compta lesheures dune anneacutee allongeacutee par lennui
39 Les jours se suivirent lastre de lumiegravere avait deacutejagravetermineacute une seconde fois sa course accoutumeacutee Oscarneacutetait point venu reacutejouir la vue de son pegravere et le chagrinlaissait une plus faible trace
40 Car il restait encore le jeune Allan maintenant uniquejoie de son pegravere et le cœur de Mora fut vite gagneacute car labeauteacute couronnait le front de ce jeune homme agrave la blondechevelure
41 Mora songeait quOscar eacutetait descendu dans la tombeet que le visage dAllan eacutetait dune merveilleuse beauteacuteque si Oscar vivait encore quelque autre femme avaitsubjugueacute son cœur infidegravele
42 Et Angus leur disait que si une anneacutee encore seacutecoulaitdans une vaine espeacuterance ses plus tendres scrupulescesseraient et quil fixerait le jour de leur hymeacuteneacutee
43 Les mois se succeacutedegraverent agrave pas lents mais enfin millefois beacutenie arriva la matineacutee au bonheur consacreacutee cetteanneacutee danxieacuteteacute et de crainte une fois passeacutee quelssourires embellissent le visage des amans
44 Eacutecoutez les accords du pibroch sont gais Eacutecoutezlhymne nuptial seacutelegraveve les voix se reacutepandent en accensjoyeux et prolongent encore le chœur bruyant
45 De nouveau le clan foule vive et gaie se presse agrave laporte du chacircteau dAlva des bruits de fecircte frappent au loinles eacutechos et rappellent la joie dautrefois
46 Mais quel est celui dont le noir sourcil reste sombre aumilieu de la gaicircteacute geacuteneacuterale Devant les farouches eacuteclairsde ses yeux languissent les flammes bleues du foyer
47 Noir est le manteau qui lenveloppe son haut panacheest dun rouge de sang sa voix est comme louragan quiseacutelegraveve mais sa marche est leacutegegravere et ne laisse aucunetrace
48 Il est minuit on porte les toasts agrave la ronde on boit agravegrands traits agrave la santeacute du fianceacute les voucirctes retentissent demille cris et tous les convives unissent leurs voix pourceacuteleacutebrer cette heureuse journeacutee
49 Tout-agrave-coup leacutetranger se leva et la foule bruyante fitsilence et le front dAngus exprima la surprise et la jouedeacutelicate de Mora rougit soudainement
50 laquoVieillard seacutecria-t-il ce toast est fini tu mas vu boiremoi-mecircme et ceacuteleacutebrer les noces de ton fils maintenant jereacuteclamerai de toi un autre toast
51 laquoTout ici nest que fecircte et que joie pour beacutenir le destinfortuneacute de ton Allan mais dis-moi nas-tu jamais eudautre enfant Dis pourquoi donc Oscar serait-il oublieacute
52--Heacutelas reacutepondit le malheureux pegravere laissant eacutechapperde grosses larmes agrave mesure quil parlait quand Oscarquitta mon chacircteau ou mourut ce cœur vieilli fut presquebriseacute
53 laquoTrois fois la terre a renouveleacute sa course sans quelaspect dOscar vicircnt reacutejouir mes yeux Allan est ma derniegravereespeacuterance depuis la mort ou la fuite du vaillant Oscar
54--Cest bien reacutepliqua le grave eacutetranger et son œilroulant dans son orbite lanccedilait de farouches eacuteclairsjapprendrais volontiers le destin de ton Oscar peut-ecirctre leheacuteros na pas peacuteri
55 laquoPeut-ecirctre si ceux quil a tant aimeacutes lappelaient tonOscar reviendrait peut-ecirctre le guerrier na fait querrer auloin et pour lui ton beltane 15 peut encore brucircler
Note 15 (retour) Beltane tree arbre quon plante aupremier mai (jour de fecircte dans les Highlands) et autourduquel on allume des feux brillans
56 laquoRemplis le bowl tout entier et quil fasse le tour de latable Nous ne reacuteclamerons pas ce toast par surprise quechacun ait sa coupe pleine de vin Bois avec moi agrave la santeacutedOscar absent
57--De tout mon cœur dit le vieil Angus et il remplit songobelet jusquaux bords je bois agrave la meacutemoire de monenfant mort ou en vie je ne retrouverai jamais un filscomme lui
58--Tu as bravement porteacute ce toast vieillard maispourquoi Allan est-il lagrave tout tremblant Viens bois agrave lameacutemoire du mort et legraveve ta coupe dune main plus fermeraquo
59 La rougeur eacuteclatante du visage dAllan fit soudain placeau teint dun fantocircme la sueur de la mort tombait en roseacuteeglaciale
60 Trois fois il eacuteleva son gobelet et trois fois ses legravevresrefusegraverent dy goucircter car trois fois il surprit lœil deleacutetranger fixeacute sur le sien avec une mortelle indignation
61 laquoEt cest ainsi quun fregravere ceacutelegravebre ici la meacutemoire cheacuteriedun fregravere Si la force de lamitieacute a un tel effetquattendrions-nous donc de la crainteraquo
62 Exciteacute par lironie il eacuteleva le gobelet laquoPlucirct agrave DieuquOscar partageacirct aujourdhui notre joieraquo Une terreurintime glaccedila son ame il dit et jeta la coupe agrave terre
63 laquoCest lui jentends la voix de mon meurtrierraquo seacutecrieun sombre spectre de feu laquoLa voix dun meurtrierraquoreacutepondent les voucirctes du chacircteau et louragan qui eacuteclategrossit de plus en plus
64 Les flambeaux pacirclissent les guerriers frissonnentleacutetranger sen est alleacute--Au milieu de la foule on voit unspectre en tartan vert ombre terrible qui grandit demoment en moment
65 Un large ceinturon attachait ses vecirctemens sonpanache noir ondoyait sur sa tecircte mais sa poitrine eacutetaitnue avec de rouges blessures et morne eacutetait leacuteclat de sonœil comme sil eucirct eacuteteacute de verre
66 Et trois fois de son sinistre regard il sourit agrave Angus enpliant le genou et trois fois il lanccedila un sombre coup-dœilsur un guerrier tombeacute agrave terre que la foule ne regarde plusquen tremblant dhorreur
67 On entend crier les verroux dun bout du chacircteau agravelautre les tonnerres mugissent dans les airs et le fantocircmeau milieu des nuages est emporteacute en haut sur laile de latempecircte
68 La fecircte fut glaceacutee le repas interrompu--Qui est lagraveeacutetendu sur la dalle Lame oppresseacutee du vieil Angus avaittout oublieacute enfin son pouls bat de nouveau et le rend agrave lavie
69 laquoArriegravere arriegravere que lart essaie de rouvrir les yeuxdAllan agrave la lumiegravereraquo Cen est fait de son argile sa courseest acheveacutee ah jamais Allan ne se relegravevera
70 La poitrine dOscar est froide comme la poussiegravere sescheveux sont souleveacutes par la brise la flegraveche empenneacuteedAllan est resteacutee dans son sein il gicirct dans la noire valleacuteede Glentanar
71 Et dougrave vient le terrible eacutetranger Ou qui eacutetait-il Aucunecirctre mortel ne peut le dire mais on ne peut douter de laforme que revecirctit le spectre de feu car les fils dAlvaconnaissaient bien Oscar
72 Lambition donna la force au bras dAllan son dard volasur laile dun deacutemon triomphant de joie quand lenvie agitases brucirclans tisons et reacutepandit son venin dans le cœur dujeune homme
73 Rapide fut le trait qui parti de larc dAllan se souilladun sang abominable le panache noir du brun Oscar esttombeacute le dard fatal a tari en lui les sources de la vie
74 Cest Mora dont le regard rendit Allan coupable cestelle qui fit reacutevolter son orgueil blesseacute Heacutelas ces yeux quieacutetincelaient des rayons de lamour devaient pousser uneame agrave un crime infernal
75 Regarde ne vois-tu pas un tombeau solitaire quiseacutelegraveve sur la cendre dun guerrier il brille dun eacuteclatsombre agrave travers le creacutepuscule cest le lit de noces dAllan
76 Cest loin bien loin du noble seacutepulcre qui renferme lesmacircnes illustres de son clan Nulle banniegravere ne flotte au-
dessus de ses restes car elle serait souilleacutee du sangfraternel
77 Quel meacutenestrel aux cheveux gris quel barde aux blancscheveux ceacuteleacutebrera sur la harpe les exploits dAllan Lechant du poegravete est la plus belle reacutecompense de la gloiremais qui peut chanter les louanges dun meurtrier
78 La harpe doit rester immobile insonore nul meacutenestrelnose reacuteveiller cette histoire sa main paralyseacutee se glaceraiten punition de sa faute et les cordes de sa harpe sebriseraient
79 Aucune lyre illustre aucun hymne solennel ne reacutepandrasa gloire dans le monde Quel en serait leacutecho lamaleacutediction amegravere dun pegravere expirant le geacutemissement dunfregravere assassineacute
XVII
AU DUC DE DORSET
AVANT-PROPOS DE LAUTEUR
En faisant la revue de mes papiers afin dy choisirquelques nouveaux poegravemes pour cette seconde eacutedition je
trouvai les vers suivans que javais totalement oublies Jeles avais composeacutes dans leacuteteacute de 1805 peu de tems avantmon deacutepart de Harrow-on-the-Hill Cest une piegraveceadresseacutee agrave un jeune condisciple de haut rang qui mavaitsouvent accompagneacute dans les courses que je faisais dansle voisinage il na cependant jamais vu ces vers et tregraves-probablement ne les verra jamais Comme en les relisantje ne les ai pas trouveacutes pires que quelques autres piegravecesde ce recueil je les publie aujourdhui pour la premiegravere foisapregraves de fort leacutegegraveres corrections
Drt dont le jeune acircge unit ses pas aux miens pourexplorer les sentiers de la clairiegravere de lIda 16 toi quelaffection mapprit agrave proteacuteger toujours et te fit de moi unami plutocirct quun tyran quoique les usages seacutevegraveres de notreeacutecole teussent prescrit lobeacuteissance et meussent donneacute lecommandement 17 toi sur qui vont pleuvoir dans quelquesanneacutees les richesses et les honneurs aujourdhui mecircme tupossegravedes un nom illustre placeacute haut dans le monde et nonloin du trocircne Cependant Drt ne laisse pas seacuteduire toname au point de fuir les beauteacutes de la science ou desecouer toute espegravece de joug bien que des maicirctres faibles18 craignant de blacircmer lenfant titreacute qui un jour distribuerades gracircces regardent les erreurs du duc avec tropdindulgence et ferment les yeux sur des fautes quilstremblent de chacirctier
Note 16 (retour) Le nom dIda est donneacute par
antonomase agrave Harrow-on-the-Hill ougrave Byron seacutetait trouveacutedans la mecircme eacutecole que le duc de Dorset
(N du Tr)
Note 17 (retour) Dans les eacutecoles publiques les jeunesgens sont entiegraverement subordonneacutes aux classessupeacuterieures jusquagrave ce quils y aient pris place eux-mecircmes nul rang social nexempte de cette espegravece denoviciat
Note 18 (retour) Je deacuteclare navoir eu en vue aucuneallusion personnelle mecircme la plus eacuteloigneacutee Jementionne simplement dune maniegravere geacuteneacuterale ce quinest que trop souvent vrai la faiblesse des preacutecepteurs
Quand de jeunes parasites qui fleacutechissent le genou devantla richesse leur idole doreacutee et non pas devant toi car unenfant mecircme agrave laurore de sa grandeur trouve desesclaves qui le flattent et le cajolent quand ils te dirontlaquoque la pompe devrait seule environner le jeune hommepreacutedestineacute par sa naissance agrave ecirctre si grand que les livresne sont faits que pour de pauvres diables que les noblesesprits meacuteprisent les regravegles communesraquo ne les croispoint--ils te marquent le chemin de la honte et cherchent agraveternir lhonneur de ton nom reviens vers ce petit nombredeacutecoliers de lIda dont les ames ne deacutedaignent pas decondamner ce qui est mal ou si parmi les camarades deta jeunesse aucun nose eacutelever la voix seacutevegravere de la veacuteriteacuteinterroge ton propre cœur il te dira laquoJeune hommeabstiens-toiraquo car je sais bien que la vertu y demeure
Oui je tai observeacute dans plus dune journeacutee maisaujourdhui de nouveaux objets mappellent ailleurs Ouijai observeacute dans cet esprit geacuteneacutereux des sentimens quimucircris avec soin feront le bonheur de tes semblables Ahquoique la nature mait fait moi-mecircme altier et sauvageque lindiscreacutetion mait nommeacute son enfant favori quoiquetoute erreur me marque de son sceau et me condamne agravetomber cependant je voudrais bien tomber seul quoiquenul preacutecepte ne puisse aujourdhui dompter mon cœurhautain jaime encore les vertus dont je ne puis me fairehonneur agrave moi-mecircme
Ce nest point assez de briller avec les autres fils dupouvoir comme le folacirctre meacuteteacuteore dune heure de remplirocirc faible orgueil une page des annales de la pairie avec delongs titres qui ne figurent plus loin dans aucune autrepage partage donc la commune destineacutee de la foule titreacuteeadmireacute durant ta vie oublieacute dans le seacutepulcre lorsque rienne te distinguera des morts vulgaires sinon la lourde etfroide pierre qui couvrira ta tecircte leacutecusson tombant enpoudre ou le chef-dœuvre de lart heacuteraldique ce blasonbien armorieacute mais neacutegligeacute ougrave les lords que rien naillustreacutes trouvent dans la tombe tout juste assez de placepour laisser apregraves eux un nom sans gloire Ils dorment lagraveignoreacutes comme les sombres voucirctes qui cachent leurpoussiegravere leurs folies et leurs fautes race dont les vieillesarmoiries les vieux titres sont coucheacutes dans des registresdestineacutes agrave necirctre jamais lus Oh que je voudrais dunregard propheacutetique te voir prendre une place eacuteleveacutee parmi
les bons et les sages poursuivre une glorieuse et longuecarriegravere le premier en talent comme en rang fouler auxpieds tous les vices fuir toute basse action enfin necirctreplus le mignon de la fortune mais son plus noble fils
Parcours les annales des anciens jours lis les faitseacuteclatans de tes premiers aiumleux Un deux 19 tout courtisanquil eacutetait fut un homme de rare meacuterite et eut la gloire dedonner le jour au drame anglais Un autre 20 non moinsrenommeacute pour son esprit nest deacuteplaceacute ni agrave la cour nidans les camps ni dans le seacutenat vaillant sur le champ debataille favori des neuf sœurs destineacute agrave briller dans toutehaute sphegravere distingueacute de la foule doreacutee il fut lorgueil desprinces et lhonneur de la poeacutesie Tels furent tes pegraveresporte donc ainsi leur nom heacuteritier non-seulement de leurstitres mais encore de leur gloire Lheure approchequelques jours encore et ce petit theacuteacirctre de joies et dedouleurs sera fermeacute pour moi Chaque moment mavertitde renoncer agrave ces ombrages ougrave lespeacuterance la paix etlamitieacute faisaient tout mon bien lespeacuterance qui variaitcomme les couleurs de larc-en-ciel et qui dorait les ailesrapides du tems la paix que neacuteloigna jamais la sombrereacuteflexion en recircvant les orages des jours agrave venir lamitieacutedont lenfance connaicirct seule le sincegravere langage Heacutelas ilsnaiment point assez long-tems ceux qui aiment si bienAdieu donc seacutejour de mon jeune acircge Et nadressons pasagrave ce theacuteacirctre cheacuteri un long et peacutenible adieu comme faitlexileacute agrave son rivage natal dont il seacutecarte lentement sur lasurface de labicircme azureacute et quil regarde dun œil attristeacute
surface de labicircme azureacute et quil regarde dun œil attristeacutemais incapable de pleurer
Note 19 (retour) laquoThomas Sackville lord Buckurst creacuteeacutecomte de Dorset par Jacques Ier fut une des premiegravereset des plus brillantes gloires de la poeacutesie nationale etle premier il donna un drame reacutegulierraquo
(Andersons British poets)
Note 20 (retour) Charles Sackville comte de Dorsetregardeacute comme lhomme le plus accompli de son temsse distingua eacutegalement agrave la cour si voluptueuse deCharles II et agrave la cour si sombre de Guillaume III Il secomporta en brave au combat naval livreacute en 1665 contreles Hollandais un jour avant quil composacirct son ceacutelegravebrepoegraveme Son caractegravere a eacuteteacute peint avec les plus vivescouleurs par Dryden Pope Prior et Congregraveve
(Voy Anderson British poets)
Drt adieu Je ne demanderai point dun si jeune cœur unsentiment de triste souvenance la matineacutee de demainchassera mon nom de ta jeune meacutemoire et nen laisseraaucune trace Et neacuteanmoins peut-ecirctre dans un acircge plusmucircr puisque le hasard nous a jeteacutes dans la mecircme sphegraverepuisque le mecircme seacutenat la mecircme cause peut reacuteclamer unjour notre suffrage pour leacutetat nous nous rencontrerons lagraveet passerons lun agrave coteacute de lautre avec un œil indiffeacuterentavec un regard froid et lointain Pour moi agrave lavenir niennemi ni ami eacutetranger agrave toi agrave ton bonheur ou agrave toninfortune je nespegravere plus repasser en souvenir avec toi lecours de nos premiegraveres anneacutees je naurai plus comme
naguegravere la joie de passer mes heures dans ta compagnieje nentendrai plus que dans la foule ta voix si familiegravere agravemon oreille Cependant si les vœux dun cœur inhabile agravedeacuteguiser ses sentimens que peut-ecirctre il aurait ducircrenfermer si ces vœux (mais il faut finir cette longueeacutepicirctre) Ah si ces vœux ne sont point exprimeacutes en vain leseacuteraphin gardien et guide de ta destineacutee te laissera aussiillustre quil te trouva grand
TRADUCTIONS ET IMITATIONS
Il est eacutevident que nous navons pas ducirc traduire cette partiedes Heures de loisirs voici seulement la liste des diversespiegraveces traduites par Lord Byron
1deg Apostrophe dAdrien agrave son ame sur son lit de mort
Animula vagula blandula etc
2deg Traduction dune eacutepicirctre de Catulle Ad Lesbiam
3deg Traduction de lEacutepitaphe de Virgile et de Tibulle parDomitius Marsus
4deg Traduction de Catulle Luctus de morte passeris
5deg Imitation de Catulle Les Baisers
6ordm Traduction dAnacreacuteon A sa lyre ϑέλω λἐγειν Ἀτρείδας
7deg Ode III du mecircme LAmour mouilleacute
8deg Fragmens dexercices classiques traduits duPromeacutetheacutee enchaicircneacute dEschyle (Harrow-on-the-Hill Deci 1804)
9deg Paraphrase de leacutepisode de Nisus et Euryale Eacuteneacuteid livix
10ordm Traduction dun chœur de la Meacutedeacutee dEuripide
PIEgraveCES FUGITIVES
I
PENSEacuteES
SUGGEacuteREacuteES PAR UN EXAMEN DE COLLEacuteGE (1806)
Au milieu de lassembleacutee entoureacute de sa cour des pairsMagnus 21 eacutelegraveve son front ample et sublime placeacute sur lefauteuil de preacutesident il semble un dieu qui dun signe faittrembler les veacuteteacuterans et les nouveaux 22 Lorsque tousautour de lui observent sur leurs sieacuteges le plus sombresilence sa voix de tonnerre eacutebranle le docircme retentissanten adressant de seacutevegraveres reproches aux miseacuterables peuhabiles agrave seacutevertuer aux mystegraveres matheacutematiques Heureuxle jeune homme verseacute dans les axiomes dEuclide quoiquefaible dailleurs dans tout autre art Heureux celui quisachant agrave peine eacutecrire un vers anglais scande les megravetresattiques avec le coup-dœil dun critique Comment donc Ilne sait pas comment peacuterirent ses aiumleux lorsque nosdiscordes civiles entassaient les morts dans les champs
lorsquEacutedouard guidait ses troupes conqueacuterantes ou queHenri foulait aux pieds lorgueil de la France il seacutetonne aunom de la Grande Charte mais il reacutecapitule fort bien leslois de Sparte il peut dire quels eacutedits fit le sage Lycurguetandis quil a laisseacute sur la planche de sa bibliothegraveque lelivre de Blackstone il vante la gloire immortelle desdrames grecs lorsquil se rappelle agrave peine le nom dubarde de lAvon
Note 21 (retour) Je nentends donner lieu agrave aucunereacuteflexion deacutefavorable agrave celui que je mentionne sous lenom de Magnus il est simplement repreacutesenteacute commeaccomplissant une fonction indispensable de sa chargeDailleurs le ridicule retomberait sur moi puisque cegentleman est aujourdhui aussi distingueacute par soneacuteloquence et par la digniteacute avec laquelle il remplit saplace quil leacutetait dans ses jeunes anneacutees par son espritet sa bonne humeur
Note 22 (retour) Sophs and freshmen les sages et lesnouveaux termes consacreacutes agrave Cambridge pourdeacutesigner les eacutetudians de premiegravere et de seconde anneacutee
(N du Tr)
Tel est le jeune homme dont le cerveau scientifiqueobtiendra les honneurs scholaires les meacutedailles lesbourses ou peut-ecirctre mecircme le prix de deacuteclamation sileacutelegraveve ses regards jusques agrave ce faicircte glorieux Mais ce nestpoint un talent ordinaire qui peut espeacuterer datteindre agrave cettecoupe dargent si envieacutee non pas que nos esprits exigentbeaucoup deacuteloquence le style brucirclant de lorateur atheacutenien
ou le feu de Ciceacuteron une matiegravere claire ou animeacutee estinutile puisque nous nessayons pas de convaincre par laparole Que dautres orateurs soient fiers du talent deplaire nous parlons pour nous plaire agrave nous-mecircmes et nonpour eacutemouvoir la multitude notre graviteacute preacutefegravere le ton dumurmure un meacutelange approprieacute du cri et du geacutemissementaucune gracircce ne doit ecirctre emprunteacutee de laction le geste leplus leacuteger deacuteplairait au doyen et tous les gradueacutes eacutebahisclabauderaient contre ce quils ne pourraient jamais imiter
Lhomme qui espegravere obtenir la coupe promise doit se tenirtoujours dans la mecircme posture et ne jamais lever les yeuxni sarrecircter mais manger chaque mot peu importe quonnentende rien Quil se presse donc sans songer au reposqui parle le plus vite est certain de parler le mieux quiprononce le plus de mots dans le plus court espace detems peut espeacuterer agrave coup sucircr de gagner le prix agrave cettecourse de paroles
Voilagrave donc les enfans de la science ceux quireacutecompenseacutes ainsi vieillissent agrave laise sous les tranquillesombrages de Granta 23 Lagrave sur les bords mareacutecageux duCam 24 ils demeurent oisifs vivent sans reacuteputation sanshonneur--meurent sans ecirctre pleureacutes Sourds comme lesportraits qui ornent leurs salles ils croient que tout savoirest renfermeacute dans leurs murs Grossiers dans leurs mœursexacts agrave de sottes formaliteacutes ils affectent de deacutedaignertous les arts modernes mais ils prisent les notes deBentley de Brunck 25 ou de Porson 26 beaucoup plus que
Bentley de Brunck ou de Porson beaucoup plus quele vers commenteacute par le critique Vains comme leurshonneurs lourds comme leur ale tristes comme leur espritet ennuyeux comme leurs reacutecits morts agrave lamitieacute quoiquilssachent encore ecirctre sensibles alors que leur inteacuterecirct oucelui de leacuteglise requiert un zegravele fanatique Ils vont engrande hacircte faire leur cour au maicirctre du pouvoir soit quePitt ou Petty regravegle lheure des audiences 27 Ils inclinentleurs tecirctes devant lui avec un sourire suppliant lorsque lesmitres sont eacutetaleacutees en perspective agrave leurs yeux mais sileacutetait renverseacute par lorage de la disgracircce ces hommesvoleraient agrave la rencontre de son successeur Tels sont ceuxqui gardent les treacutesors du savoir telle est leur coutumetelle est leur reacutecompense Au moins pouvons-nous noushasarder agrave dire que la prime ne peut exceacuteder leurdeacutebourseacute
Note 23 (retour) Nom poeacutetique de Cambridge
(N du Tr)
Note 24 (retour) Le Cam riviegravere de Cambridge
(N du Tr)
Note 25 (retour) Critiques ceacutelegravebres
Note 26 (retour) Professeur actuel de langue grecqueau colleacutege de la Triniteacute agrave Cambridge homme dont leshautes faculteacutes et les eacutecrits justifient peut-ecirctre unepareille preacutefeacuterence
Note 27 (retour) Depuis que ces vers ont eacuteteacute eacutecrits lord
H Petty (aujourdhui marquis de Lansdown) a perdu saplace et subseacutequemment jallais dire conseacutequemmentlhonneur de repreacutesenter luniversiteacute un fait si clair napas besoin de commentaire
II
AU COMTE DE
Tu semper amorisSis memor et cari comitis ne abscedat imago
(Valeacuterius Flaccus)
1 Ami de ma jeunesse Quand nous errions ensembleeacutecoliers lun de lautre aimeacutes embraseacutes de lamitieacute la pluspure le bonheur qui emportait sur son aile ces heures deroses eacutetait une pluie de deacutelices telle quil en tomberarement sur les mortels dici-bas
2 Le souvenir seul mest plus cher que toutes les joies quejaie jamais connues Loin de vous cest une peine maiscest encore une peine agreacuteable que de repasser enmeacutemoire ces jours et ces heures et de soupirer encore lemot dadieu
3 Ma penseacutee meacutelancolique se nourrit de ces scegravenes dontje ne jouirai plus de ces scegravenes que je regretterai toujours
la mesure de notre jeunesse est combleacutee le recircve du soirde la vie est sombre et noir Nous rencontrerons-nousAh jamais
4 Comme deux fleuves enfans dune mecircme fontaine envain sortent ensemble dune commune source bientocirctdivergeant de cette unique origine suivent chacun enmurmurant une route diverse jusquagrave ce quils seconfondent dans lOceacutean
5 Ainsi nos vies deacutesormais couleront seacutepareacutees leursondes heureuses ou funestes quoique voisines heacutelas nese mecircleront plus comme naguegravere rapides ou lentes noiresou limpides elles arriveront au gouffre sans fond de lamort pour quitter agrave jamais le rivage
6 Nos ames ocirc mon ami quanimait auparavant un seuldeacutesir qui vivaient de la mecircme penseacutee sont aujourdhuientraicircneacutees dans des sphegraveres diffeacuterentes Deacutedaignant leshumbles amusemens de la campagne cest votre destinde vous mecircler agrave une cour eacuteleacutegante et de briller dans lesannales de la mode
7 Le mien est de perdre mon tems agrave lamour ou dexhalermes recircveries en rimes sans le secours de la raison car lebon sens et la raison au su et au vu des critiques ontabandonneacute tout poegravete amoureux et ne se sont laisseacutessaisir par aucune de ses penseacutees
8 Pauvre Little 28 barde agrave la voix douce et meacutelodieuseOn vient de traiter tes sublimes chants comme œuvresmonstrueuses celui qui deacutevoila les secrets de lamourdevait ecirctre stigmatiseacute par les terribles Reviewers commeun ecirctre sans esprit et sans mœurs 29
Note 28 (retour) Little (petit enfant) nom sous lequelThomas Moore publia ses poeacutesies eacuterotiques
(N du Tr)
Note 29 (retour) Ces stances furent eacutecrites peu de temsapregraves quune Revue du nord eucirct inseacutereacute une critiqueseacutevegravere sur une nouvelle publication de lAnacreacuteonanglais Thomas Moore
9 Et cependant lorsque tu as en partage les eacuteloges de labeauteacute ne te plains pas de ton lot harmonieux favori desneuf sœurs on lira encore tes lays deacutelicieux quand le brasde la perseacutecution sera mort et que les critiques serontoublieacutes
10 Pourtant je dois accorder quelque meacuterite agrave ces dignespersonnages qui chacirctient avec une implacable ardeur lesmauvais vers et ceux qui les composent et quoique jepuisse moi-mecircme ecirctre le premier en proie aux sarcasmesdes critiques certes je ne me battrai point avec eux 30
Note 30 (retour) Un poegravete (horresco referens) deacutefia sonreviewer agrave un combat agrave mort Si cet exemple preacutevalaitnos censeurs peacuteriodiques devraient se plonger dans le
Styx car comment se sauveraient-ils autrement de lanombreuse armeacutee de leurs assaillans furieux
11 Peut-ecirctre feraient-ils tout aussi bien deacutecraser la lyredun tel commenccedilant cette lyre aux sons acircpres et rudescelui qui offense si impertinemment agrave dix-neuf ans avanttrente deviendra je gage un peacutecheur endurci
12 Maintenant je reviens agrave vous et certes je vous doisdes excuses Recevez donc mon apologie en veacuteriteacute cher-- dans lessor de mon imagination je vole agrave droite et agravegauche ma muse aime la digression
13 Je vous disais ce me semble que votre destin seraitdajouter une eacutetoile au royal empyreacutee puisse un royalsourire vous accueillir Sous le regravegne dun noble monarquevous ne chercheriez pas en vain ce sourire si le meacuteritevous sert de recommandation
14 Mais la cour abonde en peacuterils de perfides rivaux yeacutetalent un eacuteclat trompeur Puissent les saints vous garantirde leurs pieacuteges Puisse votre amour ou votre amitieacute nedemander une tendre affection quagrave ceux qui seront le plusdignes de vous
15 Puissiez-vous ne pas vous eacutecarter un moment du sucircr etdroit chemin de la veacuteriteacute necirctre jamais leurreacute par lappacirctdes plaisirs Puissent vos pas imprimer leur trace sur lesroses vos sourires ecirctre toujours des sourires damour voslarmes des larmes de joie
Ἀργυρέαις λόγχαισι microάχου καὶ πάντα κρατήσαις
16 Oh si vous souhaitez que le bonheur charme vos jourset vos anneacutees agrave venir et que les vertus couronnent votrefront soyez toujours ce que vous eacutetiez aussi pur que jevous ai connu soyez toujours ce que vous ecirctes aujourdhui
17 Une part leacutegegravere de gloire qui viendrait reacutejouir mes ansagrave leur deacuteclin me serait alors doublement chegravere maislorsque je beacutenis votre nom cheacuteri je renoncerais agrave larenommeacutee du poegravete pour ecirctre au moins ici un prophegravete
III
GRANTA MACEacuteDOINE (1806)
1 Oh si le miracle du deacutemon de Lesage 31 pouvait sereacutealiser agrave mon greacute Asmodeacutee cette nuit soulegraveverait moncorps tremblant dans les airs et irait le placer sur le clocherde Sainte-Marie
Note 31 (retour) Le Diable Boiteux de Lesage le deacutemonAsmodeacutee place Don Cleacuteophas sur un lieu eacuteleveacute etdeacutecouvre agrave ses regards linteacuterieur des maisons
2 Lagrave il me montrerait les salles de lantique Granta dontles toits deacutecouverts narrecircteraient plus mes regardspleines dhabitans peacutedantesques gens recircvant le surplis delinon ou la stalle dhonneur qui doivent ecirctre la proie de leurvote veacutenal
3 Lagrave je verrais les concurrens rivaux Petty et Palmerstonaux aguets cabaler de toute leur puissance pour leprochain jour deacutelection
4 Quoi candidats et votans troupe sainte tous sont dansles bras du sommeil cest une race renommeacutee pour sapieacuteteacute et dont les remords ne troublent jamais le repos
5 Lord Henri 32 ne peut avoir un doute les votans sontpersonnes sages et reacutefleacutechies ils savent bien que lespromotions ne peuvent arriver que rarement et de tems entems
Note 32 (retour) Henri Petty
(N du Tr)
6 Ils savent que le chancelier a maintenant quelques jolisbeacuteneacutefices agrave sa disposition chacun deux espegravere en avoirun en partage et sourit par conseacutequent agrave ses offres
7 Maintenant que la nuit savance je deacutetourne mes yeux decette scegravene soporifique pour voir sans ecirctre le moins dumonde aperccedilu les studieux enfans de lAlma mater 33
Note 33 (retour) Alma mater (megravere bienfaisante) motconsacreacute pour designer luniversiteacute
(N du Tr)
8 Lagrave dans une chambre eacutetroite et humide le candidatpour les prix de colleacutege travaille le nez sur ses cahiers agrave laclarteacute dune lampe nocturne se couche tard et se legravevematin
9 Certes il meacuterite bien de gagner ces prix avec tous leshonneurs de son colleacutege celui qui faisant de si peacuteniblesefforts pour les obtenir court ainsi apregraves un steacuterile savoir
10 Celui qui sacrifie ses heures de repos pour scanderavec preacutecision les megravetres attiques ou fatigue sa cervelleagiteacutee agrave reacutesoudre des problegravemes matheacutematiques
11 Celui qui lit des fautes de quantiteacute dans Sele 34 ou quise met la tecircte agrave la torture sur un triangle eacutenigmatique quipriveacute souvent dun repas salutaire est condamneacute agravedisputer dans un latin barbare 35
Note 34 (retour) Louvrage de Sele sur les megravetres grecsfait preuve dun talent et dune sagaciteacute rares maiscomme on doit sy attendre dans un genre de travail sidifficile nest pas remarquable pour lexactitude
Note 35 (retour) Le latin des eacutecoles est de lespegravececanine (canina species) et fort peu intelligible
12 Qui renonce aux pages agreacuteables et utiles deseacutecrivains historiques et preacutefegravere agrave la litteacuterature le carreacute delhypoteacutenuse 36
Note 36 (retour) Theacuteoregraveme deacutecouvert par Pythagore lecarreacute de lhypoteacutenuse du triangle rectangle est eacutegal agrave lasomme des carreacutes des deux autres cocircteacutes
13 Mais du moins ces occupations sont innocentes et nefont de mal quau pauvre eacutetudiant elles sont louables encomparaison dautres reacutecreacuteations qui rassemblent latroupe imprudente
14 Comme la vue est choqueacutee de leurs deacutebauchesdeacutesordonneacutees lorsquils unissent le vice et linfamielorsque livresse et les deacutes les entraicircnent lorsque tous leurssens sont noyeacutes dans le vin
15 Telle nest pas la bande des meacutethodistes qui meacuteditentdes plans de reacuteforme ceux-ci invoquent le Seigneur dansune humble attitude et prient pour les peacutecheacutes dautrui
16 Mais ils oublient que leur esprit dorgueil leurtriomphante fierteacute dans cette vie deacutepreuves diminuegrandement le meacuterite de cette abneacutegation dont ils setarguent si fort
17 Cest le matin--Je deacutetourne ma vue de ce spectacle--Que rencontre alors mon regard Une foule nombreusevecirctue de blanc 37 traverse la pelouse agrave pas mesureacutes
Note 37 (retour) Le jour de la fecircte dun saint leseacutetudians portent des surplis dans la chapelle
18 La cloche de la chapelle retentit agrave grand bruit dans lesairs elle se tait--quels sons entends-je alors Les accordsdoux et ceacutelestes de lorgue peacutenegravetrent mon oreille attentive
19 A cela se joint lhymne sacreacute le chant solennel du roipoegravete et toutefois lorsquon entend long-tems cettemusique on ne deacutesire pas lentendre une seconde fois
20 Nos chœurs seraient agrave peine excusables mecircmecomme troupe de commenccedilans novices tout pardonmaintenant doit ecirctre refuseacute agrave un tel synode de peacutecheurscroassans
21 Si David apregraves avoir acheveacute sa tacircche sublime eucirctentendu ces lourdauds chanter en sa preacutesence jamais sespsaumes ne seraient descendus jusquagrave nous il les eucirctdeacutechireacutes tout en fureur
22 Les malheureux Israeacutelites dans leur captiviteacute eacutetaientpar lordre dun tyran inhumain obligeacutes de chanter le cœurplein damertume sur les bords du fleuve de Babylone
23 Oh sils eussent chanteacute sur un ton semblable soit parruse soit par crainte ils auraient pu rassurer leurs espritsdu diable si une ame eucirct voulu les entendre
24 Mais si je griffonne le papier encore davantage audiable si une ame voudra me lire ma plume est eacutemousseacuteemon encre agrave sec il est en veacuteriteacute tems de marrecircter
25 Adieu donc Granta aux vieux clochers Je ne voltigeplus comme Cleacuteophas tes scegravenes ninspirent plus mamuse le lecteur est fatigueacute et moi aussi
IV
LACHIN Y GAIR
AVANT-PROPOS DE LAUTEUR
Lachin y Gair ou comme on le prononce en langue erseLoch na Garr seacutelegraveve comme une orgueilleuse tour dansles Highlands du nord pregraves dInvercauld Un de nosmodernes tourists en parle comme de la plus hautemontagne de la Grande-Bretagne quoi quil en soit cest agravecoup sucircr une des plus aeacuteriennes et des plus pittoresquesde nos Alpes caleacutedoniennes Laspect en est dune teintesombre mais le sommet est le sieacutege de neiges eacuteternellesJe passai pregraves de Lachin y Gair une partie de mespremiegraveres anneacutees et cest le souvenir de ce tems qui adonneacute naissance aux stances suivantes
1 Arriegravere gais paysages et vous jardins de roses Queles mignons du luxe se promegravenent au milieu de vous Quonme rende ces rocs ougrave lavalanche repose seacutejour sacreacute dela liberteacute et de lamour Oui Caleacutedonie tes montagnes mesont chegraveres quoique les eacuteleacutemens se livrent la guerre autourde leurs blanches cimes oui quoique au lieu de sourcespaisibles mugissent les cataractes eacutecumantes je soupireapregraves la valleacutee du sombre Loch na Garr
2 Ah cest lagrave que mes pas erregraverent dans mon enfancejavais la toque pour coiffure et pour manteau le plaid 38Pendant que je faisais ma course quotidienne souslombrage des pins ma penseacutee contemplait ces chefs declans morts autrefois sur le champ de bataille je neregagnais le foyer domestique quapregraves que leacuteclat mourantdu jour eut fait place aux rayons de la brillante eacutetoilepolaire car mon imagination se complaisait dans lestraditions que me racontaient les habitans indigegravenes dusombre Loch na Garr
Note 38 (retour) Ce mot est vicieusement prononceacuteplad la vraie prononciation conforme agrave celle dEacutecosseest connue par lorthographe
(Note de Lord Byron)
--Byron fait cette remarque juste dailleurs parce quilfait rimer plaid avec glade (ombraqe)
(N du Tr)
3 Ombres des morts nai-je pas entendu vos voix seacuteleveravec le souffle de la brise murmurante du soir Certeslame heureuse du heacuteros parcourt sur laile du vent lavalleacutee qui fut son domaine autour de Loch na Garr tandisque les vapeurs de louragan samoncellent lhiver preacutesidedans son char de glaces les nuages y environnent lesombres de mes pegraveres qui seacutejournent dans les tempecirctesdu sombre Loch na Garr
4 Hommes vaillans neacutes sous une eacutetoile funeste 39 desvisions propheacutetiques ne vous annoncegraverent-elles pas que ledestin avait abandonneacute votre cause Heacutelas destineacutes agravemourir agrave Culloden 40 la victoire nentoura point votre mortdapplaudissemens mais vous ecirctes heureux tout ensevelisque vous ecirctes dans le sommeil de la mort Vous reposezavec votre clan dans les cavernes de Braemar 41 Voshauts faits ceacuteleacutebreacutes au son du pibroch 42 par la voix gravedu chanteur montagnard frappent les eacutechos du sombreLoch na Garr
Note 39 (retour) Je fais ici allusion agrave mes ancecirctresmaternels les Gordon dont plusieurs combattirent pourlinfortuneacute prince Charles plus connu sous le nom dePreacutetendant Cette branche eacutetait presque allieacutee auxStuarts par le sang comme par laffection Georgessecond comte de Huntley eacutepousa la princesseAnnabella Stuart fille de Jacques Ier dEacutecosse il laissadelle quatre fils dont jai lhonneur de compter le
troisiegraveme sir William Gordon au nombre de mesancecirctres
Note 40 (retour) Je ne suis pas certain si quelquundeux peacuterit agrave la bataille de Culloden mais commeplusieurs succombegraverent dans linsurrection jai useacute dunom de la principale action pars pro toto
Note 41 (retour) Reacutegion des Highlands ainsi appeleacutee ily a aussi un chacircteau de Braemar
Note 42 (retour) Nom de la cornemuse eacutecossaise(Note de Lord Byron)
--Erreur de Byron amegraverement releveacutee par la RevuedEacutedimbourg Le pibroch est proprement un air decornemuse
(N du Tr)
5 Que danneacutees ont fui Loch na Garr depuis que je taiquitteacute Que danneacutees seacutecouleront encore avant que tureccediloives la trace de mes pas La nature ta deacutesheacuteriteacute deverdure et de fleurs mais quimporte tu mes encore pluscher que les plaines dAlbion Angleterre tes beauteacutes sontfades et bourgeoises aux yeux de celui qui erra au loin surles montagnes Oh gloire aux cimes sauvages etmajestueuses Gloire aux rocs escarpeacutes et sourcilleux dusombre Loch na Garr
V
AU ROMAN
1 Megravere des recircves doreacutes ocirc muse du roman reine sacreacuteedes joies enfantines toi qui guides au milieu de dansesaeacuteriennes ton fidegravele corteacutege de jouvencelles et de jeunesgarccedilons enfin tes charmes ne me retiennent plus je briseles fers de mon premier agravege je ne prends plus part agrave taronde mysteacuterieuse mais jabandonne tes royaumes pourceux de la veacuteriteacute
2 Et pourtant il est peacutenible de laisser les recircves qui habitentlame libre de toute deacutefiance qui nous font voir chaquenymphe comme une deacuteesse dont les yeux rayonnentdimmortelles flammes lorsque limagination tient sonsceptre tout-puissant et quelle embellit tout de millecouleurs varieacutees lorsque les vierges ne semblent plus unechimegravere que tout est vrai jusques aux sourires de lafemme
3 Mais devons-nous avouer que tu nes quun nom etdescendus de ton palais de nueacutees ne plus trouver uneSylphide dans chaque dame un Pylade 43 dans chaqueami laisser tes royaumes aeacuteriens agrave la troupe des feacuteesavouer enfin que la femme est aussi fausse que belle etque les amis ont de la sensibiliteacute--pour eux seuls
Note 43 (retour) Il est agrave peine neacutecessaire dannoter quePylade fut le compagnon dOreste et un heacuteros de cesamitieacutes ceacutelegravebres qui avec celles dAchille et PatrocleNisus et Euryale Damon et Pythias ont eacuteteacute transmisesagrave la posteacuteriteacute comme des exemples remarquables dunattachement qui suivant toute probabiliteacute na jamaisexisteacute hors de limagination du poegravete et de la page dunhistorien ou dun romancier moderne
4 Je lavoue avec honte jai senti ta puissance je merepens aujourdhui ton regravegne est passeacute je nobeacuteirai plus agravetes preacuteceptes je ne meacutelancerai plus sur les ailes delimagination Pauvre sot aimer un œil eacutetincelant et croirecet œil cher agrave la veacuteriteacute se confier agrave la premiegravere coquettequi soupire et mollir devant la coquette qui pleure
5 O muse trompeuse Deacutegoucircteacute de tes illusions je fuis loinde ta cour bigarreacutee ougrave sieacutegent laffectation et lalanguissante sensibiliteacute dont les sottes larmes ne peuventjamais couler pour dautres douleurs que pour les tiennesqui se deacutetourne des maux reacuteels pour baigner de pleurs tespompeuses idoles
6 Unis-toi maintenant agrave la sympathie vecirctue de noircouronneacutee de cypregraves qui niaisement soupire avec toi dontle cœur saigne pour toutes les ames appelle ta courfeacuteminine et champecirctre pour pleurer un adorateur perdu agravejamais qui jadis put brucircler dune ardeur eacutegale mais nesincline plus aujourdhui devant ton trocircne
7 Et vous tendres nymphes dont les larmes sont precirctes agrave
It is the voice of years that are gone Theyroll before me with all their deeds
7 Et vous tendres nymphes dont les larmes sont precirctes agravecouler agrave grands flots en toute occasion dont les cœursgeacutemissent sous le poids de craintes imaginaires et brucirclentdimaginaires deacutelires dites pleurerez-vous mon nomabsent pleurerez-vous un apostat de votre aimablecorteacutege Un barde enfant peut du moins reacuteclamer de vousquelques accens de sympathie
8 Adieu troupe folacirctre adieu pour toujours Lheure dudestin approche deacutejagrave paraicirct le gouffre ougrave vous devez ecirctreenglouties sans causer de regrets je vois le lac noir deloubli agiteacute par des vents que vous ne sauriez apaiserabicircme ougrave vous et votre gracieuse souveraine devez heacutelaspeacuterir ensemble
VI
EacuteLEacuteGIE SUR LABBAYE DE NEWSTEAD44
Note 44 (retour) Comme un poegraveme sur ce sujet estimprimeacute au commencement du recueil lauteur neut pasprimitivement lintention dy inseacuterer celui-ci en lyajoutant aujourdhui il cegravede au deacutesir de quelques amis
(Ossian)
Cest la voix des ans qui sont passeacutes Ils roulentdevant moi avec tous leurs eacuteveacutenemens
1 Newstead que le tems deacutevore si vite seacutejour autrefois sibrillant asile de la religion gloire de Henri repentant 45Cloicirctre qui renfermes les tombes de tant de guerriers demoines et de nobles dames dont les ombresmeacutelancoliques rocircdent autour de tes ruines
Note 45 (retour) Henri II fonda Newstead peu apregraveslassassinat de Thomas Becket
2 Salut eacutedifice plus honoreacute dans ta deacutecadence que nosmodernes demeures encore debout sur leurs colonnesLorgueil majestueux de tes voucirctes porte un sombre deacutefiaux orages de la destineacutee
3 Je ne chante pas les serfs 46 qui revecirctus de leurs cottesde mailles pour obeacuteir agrave leur suzerain demandent dans unsombre appareil la croix deacutecarlate 47 ou sassemblentpleins dalleacutegresse autour de la table du festin fidegravelessoldats de leur chef bande vaillante et immortelle
Note 46 (retour) Ce mot est employeacute par Walter-Scottdans son poegraveme The wild Huntsman (le Chasseursauvage) comme synonyme de vassal
(Note de Lord Byron)
--Les mots anglais sont comme en franccedilais serf vassalTous nos lecteurs en connaissent la diffeacuterence
(N du Tr)
Note 47 (retour) La croix de drap rouge eacutetait le signedes croiseacutes
4 Autrement le magique regard de limagination pourraitsuivre leur marche agrave travers le cours du tems etcontempler toute cette ardente jeunesse destineacutee agrave mourirsous le ciel de la Judeacutee pour accomplir le peacutelerinage dontelle fit vœu
5 Mais ce nest pas de tes noires murailles ocirc Newsteadque le baron part pour la guerre son domaine feacuteodal estdans dautres contreacutees Dans ton enceinte la consciencedeacutechireacutee cherche le repos et fuit leacuteclat importun du jour
6 Oui dans tes obscures cellules et sous tes ombragesprofonds le moine abjura un monde quil ne pouvait plusrevoir--le crime tacheacute de sang vint en son repentirchercher la consolation et linnocence eacutechappa agrave latyrannie de ses oppresseurs
7 Un monarque ordonna que tu teacutelevasses pregraves de cesbois deacuteserts ougrave jadis les bannis de Sherwood avaientcoutume de rocircder et les crimes de la superstition agravecouleurs si diverses trouvegraverent un abri sous le frocprotecteur du precirctre
8 Ougrave maintenant croicirct lherbe mouilleacutee de roseacutee humidevecirctement de largile dont la vie sest eacuteteinte lagrave jadis lesreacuteveacuterends pegraveres vivaient en odeur de sainteteacute etneacutelevaient leurs voix pieuses que pour prier
9 Ougrave maintenant la chauve-souris agite ses larges ailesaussitocirct que le creacutepuscule 48 eacutetend son ombre sur le jourqui seacutevanouit lagrave jadis le chœur unit ses chants pour lesvecircpres ou paya le tribut des matines agrave la Sainte-ViergeMarie 49
Note 48 (retour) Byron pour dire creacutepuscule sest servidu mot eacutecossais gloaming il fait agrave ce sujet la remarquesuivante--Comme gloaming mot eacutecossais pour twilightest plus poeacutetique et a eacuteteacute recommandeacute par plusieurslitteacuterateurs eacuteminens particuliegraverement par le docteurMoore dans ses Lettres agrave Burns je me suis hasardeacute agravelemployer en raison de son harmonie
Note 49 (retour) Le prieureacute eacutetait deacutedieacute agrave la Vierge
10 Les ans suivent les ans les siegravecles chassent lessiegravecles les abbeacutes se succegravedent lun agrave lautre sansinterruption la charte de la religion est leur eacutegide jusquagravece quun royal sacrileacutege ait deacutecreacuteteacute leur condamnation
11 Un Henri 50 de pieuse meacutemoire eacuteleva ces gothiquesmurailles et donna agrave leurs saints habitans le repos et lapaix un autre Henri reacutevoque ce geacuteneacutereux bienfait et faittaire les sacreacutes accens de la deacutevotion
Note 50 (retour) A leacutepoque de la suppression desmonastegraveres Henri VIII confeacutera labbaye de Newstead agravesir John Byron
12 Vaine est la menace ou la suppliante priegravere Il leschasse de leur fortuneacute seacutejour les condamne agrave errer dansun monde odieux proscrits deacutesespeacutereacutes sans ami sansasile sans refuge hormis leur Dieu
13 Eacutecoutez Les eacutechos reacutepondent aux nouveaux bruits decette musique martiale qui les eacutebranle Les heacuterauts dunseigneur belliqueux et hautain agitent les hautes banniegraveresdans lenceinte de ces murs
14 Les cris lointains eacutechangeacutes par les sentinelles le bruitdes fecirctes le cliquetis des armes eacuteclatantes leshennissemens de la trompette et les sons graves dutambour sunissent de concert et accroissent lalarme
15 Antique abbaye te voilagrave devenue une forteresse royale51 entoureacutee dune armeacutee rebelle qui tinsulte La guerredirige ses redoutables machines contre ton front menaccedilantet lance sur toi la destruction en pluie de soufre
Note 51 (retour) Newstead soutint un sieacutegeconsideacuterable durant la guerre de Charles Ier contre sonparlement
16 Vaine deacutefense Un traicirctre ennemi quoique vingt foisrepousseacute dans ses assauts triomphe enfin de la bravoure
par la ruse Les assaillans agrave flots presseacutes eacutecrasent levassal fidegravele les eacutetendards fumans de la reacutebellion flottentau-dessus de sa tecircte
17 Le baron furieux ne cegravede pas la place sans vengeanceil engraisse du sang des traicirctres la plaine couleur depourpre Toujours invaincu il demeure armeacute de son sabreet les jours de la gloire luisent encore pour lui
18 En ce moment le guerrier souhaitait de souvrir agrave lui-mecircme une tombe au milieu des lauriers quil cueillait maissans doute une feacutee protectrice de Charles vint sauverlami et lespoir du monarque
19 Tremblante elle le retira de cette lutte ineacutegale pourlopposer au torrent sur dautres champs de bataille ellereacuteservait sa vie pour de plus nobles combats 52 il devaitconduire les rangs ougrave tomba le divin Falkland 53
Note 52 (retour) Lord Byron et son fregravere sir Williamoccupegraverent des postes eacuteminens dans larmeacutee royale lepremier fut geacuteneacuteral en chef en Irlande lieutenant de laTour et gouverneur de Jacques duc dYorck depuisJacques II le second prit une part active agrave plusieursbatailles Voir Clarendon Hume etc
Note 53 (retour) Lucius Cary lord vicomte Falklandlhomme le plus accompli de son tems fut tueacute aucombat de Newberry en chargeant dans les rangs dureacutegiment de cavalerie de lord Byron
20 Et toi pauvre abbaye livreacutee au plus effreacuteneacute pillagetandis que les mourans soupirent leur derniegravere priegraverecombien est changeacute lencens que tu fais monter vers leciel Que de victimes se deacutebattent sur ton sol ensanglanteacute
21 Plus dun brigand farouche souille ton gazon sacreacute deson cadavre horrible et pacircle sur les hommes et leschevaux entasseacutes amas dimpure corruption court unebande sauvage de pillards
22 Les seacutepulcres rangeacutes en longues alleacutees et couvertsdes tristes insignes du deuil sont eux-mecircmes saccageacutes etrendent par force agrave la lumiegravere la poussiegravere mortelle Lesmorts neacutechappent pas aux griffes de ces bandits quitroublent le repos de la tombe pour chercher lor enseveli
23 La harpe se tait la lyre guerriegravere est silencieuse lamort a glaceacute la main du meacutenestrel qui attaquait avec tantde feu les cordes freacutemissantes et chantait la gloire de lapalme martiale
24 Enfin les meurtriers rassasieacutes de sang et gorgeacutes debutin se retirent--On nentend plus le bruit des combats Lesilence rentre dans son auguste empire et lhorreur noirfantocircme garde la porte massive
25 Cest lagrave que la deacutesolation eacutetablit sa redoutable courQuels satellites annoncent son funeste avegravenement Desoiseaux de sinistre augure accourent avec des cris
funegravebres pour veiller dans le temple sacreacute
26 Bientocirct les rayons reacuteparateurs dune nouvelle aurorechassent du ciel de la Bretagne les nuages de lanarchie lefier usurpateur redescend dans lenfer sa patrie la naturetriomphe de joie agrave la mort du tyran
27 La tempecircte salue les geacutemissemens de son agonie lavoix des orages reacutepond agrave ses derniers soupirs la terretremble en recevant ses ossemens elle accueille agrave regretloffrande dune si sombre mort 54
Note 54 (retour) Cest un fait historique Une tempecircteviolente arriva immeacutediatement apregraves la mort oulenterrement de Cromwell ce qui occasiona maintedispute entre ses partisans et les cavaliers Les deuxpartis saccordegraverent agrave y voir une manifestation de lapenseacutee divine mais eacutetait-ce approbation ou improbationcest ce que nous laissons agrave deacutecider aux casuistes dece siegravecle Jai tireacute parti de cette circonstance comme ilconvenait au sujet de mon poegraveme
28 Le pilote leacutegitime 55 reprend le gouvernail il guide lenavire de leacutetat agrave travers de paisibles mers Lespeacuterancecomme jadis reacutejouit de son sourire le tranquille royaumeet gueacuterit les blessures saignantes de la haine lasseacutee
Note 55 (retour) Charles II
29 Alors Newstead les mornes habitans de tes cellulesabandonnent en hurlant leurs nids violeacutes le suzerain
reprend possession de son fief dont apregraves tantdabsence il jouit avec enthousiasme
30 Les vassaux dans ton enceinte hospitaliegravere beacutenissentagrave grands cris et le verre en main le retour de leur seigneurla culture embellit de nouveau la joyeuse valleacutee et lesfemmes naguegravere en deuil cessent de se lamenter
31 Mille chants frappent les eacutechos meacutelodieux les arbresse vecirctissent dun feuillage inaccoutumeacute Eacutecoutez le correacutesonne sur un ton suave le cri du chasseur se prolongedans le souffle de la brise
32 Les valleacutees seacutebranlent sous les pas des coursiersQue de craintes que dinquiegravetes espeacuterancesaccompagnent la chasse Le cerf expirant cherche unrefuge dans le lac de cris de triomphe annoncent que toutest fini
33 Jours heureux trop heureux pour durer Voilagrave lesplaisirs simples que connaissaient nos vertueux ancecirctresAucun vice brillant ne les leurrait de son eacuteclat trompeurleurs joies eacutetaient nombreuses et rares eacutetaient leurssoucis
34 Durant un long espace les fils succegravedent aux pegraveres letems emporte les anneacutees et la mort lance son dard Unautre baron presse le cheval eacutecumant une autre bandepoursuit le cerf haletant
35 Newstead quel triste changement de spectacle Ta nefqui sentrouvre preacutesage les progregraves dune lentedeacutecadence Le dernier et le plus jeune dune noble racetient aujourdhui sous son empire tes tourelles tombant enpoudre
36 Il escalade tes vieilles tours grises maintenant sideacutesertes il regarde tes voucirctes agrave labri desquelles dormentles morts des acircges feacuteodaux tes dortoirs ouverts aux pluiesde la froide saison il regarde il regarde et pleure
37 Pourtant ses larmes ne sont point lemblegraveme du regretcest une affection bien chegravere qui leur commande decouler la fierteacute lespeacuterance et lamour lui deacutefendent detoublier et allument dans son sein une flamme brucirclante
38 Oui il te preacutefegravere aux docircmes brillans dor ou auxmesquines grottes que la vaniteacute des grands deacutecoredornemens bizarres oui il soupire au milieu de testombes humides et moussues sans exhaler un murmurecontre la volonteacute du sort
39 Peut-ecirctre ton soleil encore se legravevera et teacuteclairera deseacuteblouissans rayons de son midi peut-ecirctre les heuresredeviendront pour toi aussi brillantes que jadis et tes joursagrave venir nenvieront rien agrave tes jours passeacutes
Nil ego contulerim jucundo sanus amico
(Hor Epist)
VII
A E N L Esq
Cher L dans cette retraite isoleacutee quand tout autour demoi est plongeacute dans le sommeil les jours heureux de notrevie passeacutee renaissent et se deacuteroulent au regard delimagination Ainsi lorsque au milieu de lorage et malgreacuteles nuages amonceleacutes qui obscurcissent le jour je vois unebande eacutetincelante de couleurs varieacutees se dessiner surlhorizon alors je salue larc ceacuteleste qui reacutepand le signal dela paix future et qui commande aux eacuteleacutemens de cesser leurguerre Ah quoique le preacutesent napporte que des peinesje songe que ces jours dautrefois peuvent revenir ou sidans un moment de noire meacutelancolie une crainte envieusede mon bonheur se glisse par surprise en mon seincombat ma plus chegravere penseacutee et interrompt mon songedoreacute--jexorcise le malin esprit et je mabandonne encoreagrave ma recircverie accoutumeacutee Quoique nous ne devions plusdeacutesormais reacutepeacuteter dans la valleacutee de Granta la leccedilon dupeacutedant ni poursuivre agrave travers les bocages de lIda nosdeacutelicieuses visions quoique la jeunesse ait fui sur sesailes de rose et que lacircge mucircr fasse valoir ses droitsseacutevegraveres le tems ne deacutetruira pas toute espeacuterance et nous
accordera quelques heures dune joie modeacutereacutee
Oui jespegravere que laile vaste du tems versera autour denous quelques roseacutees printaniegraveres mais si la fatale fauxdoit moissonner toutes les fleurs de ces bosquetsmagiques ougrave la riante jeunesse se plaicirct agrave demeurer ougrave lescœurs palpitent dun naiumlf enthousiasme si lacircge mucircr aufront sombre aux froides contraintes arrecircte lentraicircnementde lame glace dans lœil les larmes de la pitieacute oucomprime le soupir de la sympathie sil entend sanseacutemotion le geacutemissement de linfortune et quil mordonnede navoir plus de sensibiliteacute que pour moi seul oh puissemon cœur napprendre jamais agrave eacutetouffer ses naiumlfs etgeacuteneacutereux instincts puisse-t-il toujours meacutepriser un seacutevegraverecenseur et noublier jamais le malheur dautrui Oui tel quevous mavez connu dans ces jours sur lesquels monsouvenir sarrecircte encore puisse-je errer toujours sansguide sans sociales entraves et jusques au deacuteclin delacircge rester enfant par le cœur Quoique emporteacuteeaujourdhui par daeacuteriennes visions mon ame est toujoursla mecircme pour vous ccedila eacuteteacute souvent mon destin de pleureret toutes mes anciennes joies sont refroidies Mais loin demoi heures aux couleurs noires votre sombre empire estpasseacute mon chagrin nest deacutejagrave plus jen jure par toutes lesfeacuteliciteacutes que connut mon enfance ma penseacutee ne se fixeraplus sur votre ombre Ainsi quand la colegravere de louraganest tombeacutee et que les cavernes de la montagne nelaissent plus eacutechapper leurs tristes mugissemens nous nesongeons plus agrave la bise dhiver inviteacutes au repos par la
douce haleine du zeacutephir Trop souvent ma muse enfantinemit au ton de lamour sa lyre languissante mais aujourdhuisans objet aucun que je puisse choisir mes chants expirenten soupirs agrave demi formeacutes Heacutelas mes jeunes nymphes ontfui E--est eacutepouse C--est megravere Caroline soupire solitaireMarie sest donneacutee agrave un autre et Cora dont le regard sepromenait naguegravere sur moi ne saurait plus aujourdhuiranimer mon amour En veacuteriteacute cher L il est tems de fuircar le regard de Cora brille pour tous Et quoique le soleildispense eacutegalement agrave tous la lumiegravere de ses rayonsbienfaisans et que lœil dune femme soit un soleil cedernier ne devrait luire que pour un seul Le meacuteridien delame ne convient pas agrave celles dont le soleil dispense ununiversel eacuteteacute Ainsi toutes mes anciennes flammes sonteacuteteintes et lamour pour moi nest plus quun nom Quandles flammes de lincendie saffaissent ce qui naguegraveres enaccroissait la lumiegravere et la deacutevorante ardeur en dispersemaintenant dans lombre toutes les eacutetincelles ainsi fait lefeu des passions lorsque le jeune garccedilon ou la jeune fillese souviennent encore mais que toute la force de lamourexpire et seacuteteint sur une braise mourante Mais aujourdhuicher L il est minuit et les nuages obscurcissent la lunevaporeuse dont je ne redirai pas les beauteacutes deacutecritesdans les vers de tous les eacutecoliers car pourquoi marcherai-je dans le sentier que tout barde a fouleacute avant moiToutefois avant que ce flambeau argenteacute des nuits ait troisfois parcouru son cercle accoutumeacute trois fois renouveleacute sacourse de lumiegravere et chasseacute les teacutenegravebres profondes jecompte ocirc mon aimable ami que nous verrons son disque
errant au-dessus du seacutejour paisible et chegraverement aimeacute quiservit naguegravere dasile agrave notre premier acircge Lagrave nous nousmecirclerons agrave la bande joyeuse de ceux que connut notreenfance maint reacutecit des jours passeacutes emportera les heuresriantes et nos ames sinonderont de la roseacutee sacreacutee desplaisirs intellectuels jusquagrave ce que le croissant de Dianepacirclisse et luise agrave peine agrave travers le brouillard du matin
VIII
A 56
Note 56 (retour) Il est aiseacute de voir que ces vers sontadresseacutes agrave Marie Chaworth Voir la Vie de Byron
(N du Tr)
1 Oh si ma destineacutee eucirct eacuteteacute jointe agrave la tienne comme jadisce don en semblait le gage jamais tant de folies nemeussent entraicircneacute car alors ma paix neucirct point eacuteteacutetroubleacutee
2 A toi je dois ces fautes de mon jeune acircge agrave toi lacensure des sages et des vieillards car ils savent mespeacutecheacutes et ils ne savent pas que le tien fut de rompre lesliens de lamour
3 Naguegravere mon ame eacutetait pure comme la tienne et pouvaiteacutetouffer toutes ses flammes naissantes Mais ougrave sontaujourdhui tes sermens cest un autre qui les a reccedilus
4 Peut-ecirctre je pourrais deacutetruire la paix de mon rival luiravir le bonheur qui lattend mais que la joie lui sourietoujours en meacutemoire de toi je ne puis le haiumlr
5 Ah depuis que je tai perdue ange de beauteacute moncœur ne peut rester fidegravele agrave aucune femme Ce quilcherchait en toi seule il tente heacutelas de le trouver enplusieurs maicirctresses
6 Adieu donc otilde fille perfide Te regretter serait vain etsteacuterile Ni lespeacuterance ni le souvenir ne me precirctent leuraide mais lorgueil seul peut mapprendre agrave toublier
7 Et pourtant toute cette folle deacutepense danneacutees cerclefatigant de plaisirs eacuteventeacutes ces mille et mille amours cescraintes dune matrone ces chants de deacutelire inspireacutes par lapassion
8 Si tu avais eacuteteacute agrave moi tout cela ne serait pas--ces jouesque les deacutesordres de mon jeune acircge ont pacirclies nauraientjamais eacuteteacute coloreacutees par la fiegravevre des passions maisauraient fleuri dans le calme du bonheur domestique
9 Oui naguegravere les scegravenes champecirctres meacutetaient doucescar la nature semblait sourire devant toi naguegravere moncœur abhorrait lillusion car il ne battait que pour tadorer
10 Mais aujourdhui je cours apregraves dautres joies lareacuteflexion jetterait mon ame dans la deacutemence au milieudune foule irreacutefleacutechie et dun bruit vide de penseacutees jetriomphe agrave demi de ma profonde tristesse
11 Cependant une ideacutee funeste se glisse encore dansmon sein en deacutepit de mes vains efforts et des deacutemonseux-mecircmes plaindraient ce que je sens agrave penser que tu esperdue pour jamais
IX
STANCES
1 Plucirct agrave Dieu que je fusse encore un enfant eacutetourdiseacutejournant encore dans ma caverne des Highlands errantdans la sombre forecirct ou jouant sur la vague bleuacirctre Lapompe incommode de lorgueil saxon 57 ne va pas agrave uneame libre qui aime les flancs escarpeacutes de la montagne etcherche les rocs ougrave se brisent les ondes
Note 57 (retour) Sassenagh ou Saxon mot de la langueerse signifiant ou Lowlander (habitant de la partie bassede lEacutecosse) ou Anglais
2 Fortune reprends ces plaines cultiveacutees reprends ce
nom eacuteclatant Je hais lattouchement des mains serviles jehais les esclaves qui rampent autour de moi place-moi surles rochers que jaime qui reacutepondent aux rugissemenssauvages de loceacutean Je ne te demande quune faveur--celle derrer encore au milieu des scegravenes que ma jeunessea connues
3 Jai veacutecu peu danneacutees et je sens deacutejagrave que le mondenest pas fait pour moi--Ah pourquoi deacutepaisses teacutenegravebrescachent-elles lheure ougrave lhomme doit cesser decirctreAutrefois javais devant les yeux un recircve eacuteblouissant unescegravene imaginaire de bonheur O veacuteriteacute--pourquoi tesodieux rayons eacuteclairegraverent-ils agrave mon reacuteveil un monde tel quecelui-ci
4 Jaimais--mais ceux que jaimais ne sont plus javaisdes amis--mes jeunes amis ont disparu Ah quelletristesse pegravese sur un cœur solitaire quand toutes sesespeacuterances sont mortes Quoique de gais compagnons leverre en main chassent un instant le sentiment du malheurquoique le plaisir agite lame deacutelirante ah le cœur--lecœur est toujours vide
5 Quel ennui Entendre la voix de ceux que le rang ou lehasard que la richesse ou le pouvoir associent sans amitieacuteou inimitieacute agrave nos heures de fecircte Rendez-moi quelquesamis fidegraveles dont lacircge et les sentimens soient les mienset je fuirai la reacuteunion nocturne et bruyante ougrave la joie nestpourtant quun nom
6 Et toi femme ecirctre adorable mon espoir maconsolation mon tout Combien mon sang doit ecirctrerefroidi puisque je commence agrave me blacircser de tes souriresJabandonnerais sans soupirer cette scegravene agiteacutee de mauxbrillans pour posseacuteder ce contentement calme que la vertuconnaicirct ou semble connaicirctre
7 Je fuirais volontiers les demeures des hommes Je veuxfuir et non haiumlr le genre humain mon cœur soupire apregraves lasombre valleacutee dont lobscuriteacute convient aux sombrespensers Oh que nai-je les ailes qui portent la tourterelle agraveson nid je meacutelancerais vers la voucircte des cieux pourmenfuir et maller reposer 58
Note 58 (retour) Psaume LV vers 6--laquoEt je dis Ohque nai-je des ailes comme la colombe alors jemenfuirais et mirais reposerraquo Ce verset fait partie de laplus belle antienne de notre langue
X
VERS EacuteCRITS SOUS UN ORME
DANS LE CIMETIEgraveRE DE HARROW-ON-THE-HILL
Septembre 2 1807
Asile de ma jeunesse toi dont les vieux arbres soupirentagiteacutes par la brise qui rafraicircchit ton ciel serein tu me voisrecircver solitaire moi qui souvent ai fouleacute ton doux etverdoyant gazon avec ceux que jaimais avec ceux quidisperseacutes au loin deacuteplorent peut-ecirctre comme moi lesheureuses scegravenes de leurs jours passeacutes En suivant denouveau les contours de la colline mes yeux tadmirentmon cœur tadore encore toi vieil ormeau dont lombragemabrita tant de fois pendant ces recircveries qui emportaientrapidement les heures du creacutepuscule Je viens encorereposer mes membres au mecircme lieu mais heacutelas mespenseacutees ne sont plus les mecircmes Oh comme tesbranches geacutemissant sous leffort du vent invitent moncœur agrave rappeler le passeacute et semblent dire dans leuraimable murmure laquoJouis quand tu le peux encore dunlong et dernier adieuraquo
Quand le sort enfin glacera ce sein brucirclant de fiegravevre et encalmera pour jamais les soucis et les passions Souventjai penseacute quil serait doux agrave ma derniegravere heure (si quelquechose peut ecirctre doux agrave linstant ougrave la vie reacutesigne sapuissance) de savoir quune humble tombe une celluleeacutetroite renfermerait mon cœur lagrave ougrave il aima demeurer Ouije le crois il y aurait un charme agrave mourir dans ce recircve icibattit mon cœur ici puisse-t-il reposer Puisseacute-je dormir ougravenaquirent toutes mes espeacuterances dans ce lieu theacuteacirctre demon jeune acircge et asile de mon eacuteternel sommeil puisseacute-jerester agrave jamais eacutetendu sous ce dais de feuillage cacheacute parle gazon sur lequel joua mon enfance couvert par le sol qui
revecirct un lieu bien aimeacute confondu avec la terre que foulegraverentmes pas beacuteni par les voix qui charmegraverent ma jeune oreillepleureacute du petit nombre damis que mon ame reconnaissaitici regretteacute par ceux qui furent mes compagnons agrave laurorede mes jours et oublieacute de tout le reste du monde
LA MORT DE CALMARET DORLA
IMITATION DOSSIAN MACPHERSON 59
Note 59 (retour) Il est peut-ecirctre neacutecessaire deremarquer que cette histoire quoique la catastrophe soitfort diffeacuterente est tireacutee de leacutepisode de Nisus et Euryaledont nous avons deacutejagrave donne une traduction dans cevolume
(Note de Lord Byron)
Voir la liste des piegraveces classiques traduites ou imiteacuteespar Byron Il est agrave peine besoin davertir que cettehistoire est eacutecrite en prose dans loriginal
(N du Tr)
LA MORT DE CALMARET DORLA
Chers sont les jours de la jeunesse La vieillesse arrecircteson regard sur leurs souvenirs agrave travers le brouillard dutems Elle rappelle au creacutepuscule de la vie les heureseacuteclaireacutees par le soleil du matin Elle legraveve sa lance dunemain tremblante laquoCest avec un bras moins faible seacutecrie-t-elle que je maniai le fer devant mes pegraveresraquo La race desheacuteros nest plus mais leur renommeacutee retentit sur la harpeleurs ames volent sur les ailes du vent Ils entendent lechant de gloire agrave travers les soupirs de la tempecircte et sereacutejouissent dans leurs palais de nuages Tel est Calmar lapierre grise marque leacutetroite demeure de sa cendre ilregarde la terre du haut des orages il roule son ombredans le tourbillon de louragan et plane sur la brise de lamontagne
Morven 60 eacutetait la patrie de ce chef foudre de guerre enlarmeacutee de Fingal 61 Ses pas sur le champ de bataillelaissaient leurs traces dans le sang les enfans de Lochlin62 avaient fui devant sa lance irriteacutee Mais doux eacutetait lœil
de Calmar douces eacutetaient les ondes de sa jaunechevelure qui brillait comme le meacuteteacuteore de la nuit Aucunevierge ne fit soupirer son cœur ses penseacutees eacutetaient toutesdonneacutees agrave lamitieacute agrave Orla dont les cheveux sont noirs agraveOrla destructeur des heacuteros Leurs eacutepeacutees eacutetaient eacutegalesdans le combat Orla avait un orgueil farouche qui nesadoucissait que pour Calmar Tous deux ils demeuraientdans la caverne dOiumlthona
Note 60 (retour) Montagne eacuteleveacutee de lAberdeenshire
(N du Tr)
Note 61 (retour) Fingal chef suprecircme du clan deMorven
(Note du Tr)
Note 62 (retour) Lochlin clan rival de celui de MorvenSwaran en eacutetait le roi
(N du Tr)
De Lochlin le roi Swaran seacutelanccedila sur les flots bleus Lesenfans dErin 63 tombegraverent sous sa puissance Fingalexcita ses chefs au combat leurs vaisseaux couvrentloceacutean Leurs troupes se pressent sur les vertes collinesIls accourent au secours dEacuterin
Note 63 (retour) Les enfans dEacuterin cest-agrave-dire lesIrlandais Eacuterin est le nom erse de lIrlande (Ireland vientlui-mecircme dErin et land terre pays)
(N du Tr)
La nuit seacuteleva dans les nues Les teacutenegravebres couvrent lesarmeacutees mais les checircnes qui flambent brillent dans lavalleacutee Les enfans de Lochlin dormaient leurs recircves eacutetaientde sang Ils brandissent en penseacutee leurs lances et Fingalsenfuit Autre est larmeacutee de Morven Veiller fut le postedOrla Calmar se tenait agrave son cocircteacute Leurs lances eacutetaientdans leurs mains Fingal appela ses chefs ilssassemblegraverent autour de lui Le roi eacutetait dans le milieu sescheveux eacutetaient gris mais redoutable encore eacutetait le brasdu roi Les ans navaient point fleacutetri ses forces laquoEnfans deMorven dit le heacuteros demain nous attaquons lennemi maisougrave donc est Cuthullin ce bouclier dEacuterin Il se repose dansles palais de Tura il ne sait pas notre venue Qui voleravers le heacuteros agrave travers le camp de Lochlin et appellera auxarmes le chef vaillant La route est au milieu des eacutepeacuteesennemies mais nombreux sont mes heacuteros ce sont tousdes foudres de guerre Parlez chefs qui se legravevera
--Fils de Trenmor que cet exploit me soit accordeacute dit lenoir Orla et accordeacute agrave moi seul Quest-ce que la mort pourmoi Jaime le sommeil des forts mais le danger est petitLes enfans de Lochlin recircvent agrave cette heure Jirai chercherCuthullin dont le char est si rapide Si je tombecommandez le chant des bardes et placez-moi sur lesbords des ondes du Lubar--Et tomberas-tu seul dit leblond Calmar Laisseras-tu ton ami loin de toi chefdOiumlthona Mon bras nest pas faible dans la bataille Te
verrais-je mourir sans lever ma lance Non Orla nousavons ensemble chasseacute le chevreuil et pris place au festinensemble parcouru le chemin du peacuteril ensemble habiteacute lacaverne dOiumlthona ensemble donc dormons dans uneplace eacutetroite sur les bords du Lubar--Calmar dit le chefdOiumlthona pourquoi ta jaune chevelure se ternirait-elle dansla poussiegravere dEacuterin Laisse-moi tomber seul Mon pegraverehabite son palais aeacuterien il se reacutejouira daccueillir son filsmais Mora aux yeux bleus preacutepare le festin pour son filssur le Morven Elle precircte loreille aux pas du chasseur sur labruyegravere et croit reconnaicirctre la marche de Calmar Je neveux pas que lon dise Calmar est tombeacute sous le fer deLochlin il est mort avec le sombre Orla le chef au noirsourcil Pourquoi les larmes obscurciraient-elles lœil azureacutede Mora Pourquoi la forcer agrave maudire Orla qui guidaCalmar agrave la mort Vis donc Calmar vis pour eacutelever surma cendre une pierre que couvrira la mousse vis pour mevenger dans le sang de Lochlin Joins-toi au chant desbardes sur ma tombe La voix de Calmar rendra le chantde mort bien doux agrave Orla Mon ombre sourira au bruit deseacuteloges--Orla dit le fils de Mora pourrais-je unir ma voix auchant de mort de mon ami pourrais-je livrer aux vents sarenommeacutee Non mon cœur ne parlerait quen soupirsfaibles et briseacutes sont les accens du chagrin Orla nosames entendront ensemble le chant funegravebre Une seuleurne nous enfermera tous deux lagrave-haut les bardes mecirclerontles noms dOrla et de Calmar
Ils quittent le cercle des chefs Leurs pas se dirigent vers le
camp de Lochlin La mourante flamme du checircne ne reacutepandplus quune sombre lueur dans les teacutenegravebres Leacutetoile dunord dirige leur course vers Tura Swaran repose sur sacolline solitaire Lagrave les troupes sont confondues lesommeil fronce leurs paupiegraveres Les soldats ont mis leursboucliers sous leurs tecirctes Leurs eacutepeacutees brillent au loinreacuteunies en faisceaux Les feux sont expirans les tisonssen vont en fumeacutee Tout se tait mais la brise geacutemit sur lesrochers au-dessus du camp Dun pas leacuteger nos heacuteros secoulent agrave travers larmeacutee endormie Deacutejagrave la moitieacute duvoyage est faite quand Mathon reposant sur son bouclierfrappe le regard dOrla Soudain lœil du guerrier darde aumilieu des teacutenegravebres deacutetincelans eacuteclairs la lance est enarrecirct laquoPourquoi froncer ce sourcil furieux chef dOiumlthonadit le blond Calmar nous sommes au milieu des ennemisEst-il tems de sarrecircter--Il est tems de me venger dit Orlachef aux noirs sourcils Mathon de Lochlin dort vois-tu salance cest le sang de mon pegravere qui en rouille la pointe Lesang de Mathon fumera sur le mien mais le tuerai-jeendormi fils de Mora Non il sentira sa blessure marenommeacutee ne seacutelevera pas sur le sang du sommeilDebout Mathon debout le fils de Connal tappelle ta vielui appartient debout au combatraquo Mathon se reacuteveille ensursaut mais se leva-t-il seul non les chefs se legravevent enfoule dans la plaine laquoFuis Calmar fuis dit le noir OrlaMathon est agrave moi je mourrai avec joie mais Lochlinsamasse agrave lentour fuis agrave travers lombre de la nuitraquo Orlase retourne le heaume de Mathon est fendu son boucliertombe de son bras Mathon frissonne baigneacute dans son
sang il roule agrave terre pregraves du checircne enflamme Strumon levoit tomber sa colegravere sallume son arme flamboie sur latecircte dOrla mais une lance a perceacute son œil sa cervelleseacutechappe agrave travers la blessure elle eacutecume sur la lance deCalmar Comme roulent les vagues de loceacutean contre deuxpuissans navires du nord ainsi se jettent les hommes deLochlin sur les deux chefs Comme en brisant la houleeacutecumante naviguent fiegraverement les navires du nord ainsiseacutelegravevent les chefs de Morven sur les casques disperseacutesde Lochlin Le cliquetis des armes est venu agrave loreille deFingal Il frappe son bouclier ses enfans se pressent agravelentour les soldats foulent aux pieds la bruyegravere Rynobondit de joie Ossian accourt en armes Oscar brandit salance Les plumes daigle de Fillan flottent au greacute desvents Terrible est le bruit de la mort Nombreuses sont lesveuves de Lochlin La force de Morven a preacutevalu
Laurore eacuteclaire les collines on ne voit aucun ennemivivant mais ceux qui dorment sont en grand nombre ilssont gisans lair farouche sur le sol dErin La brise deloceacutean soulegraveve leurs cheveux cependant ils ne seacuteveillentpoint Les eacuteperviers poussent des cris aigus au-dessus deleur proie
Quelle est cette jaune chevelure qui ondoie sur la poitrinedun chef Brillante comme lor de leacutetranger elle se mecircle agravela noire chevelure de son ami Cest Calmar il gicirct sur lesein dOrla Il ny a quun seul ruisseau de sang Faroucheest le regard du noir Orla Ce heacuteros ne respire plus mais
son œil est encore une flamme il brille dans la mort agravetravers sa paupiegravere ouverte La main dOrla est fortementserreacutee dans celle de Calmar mais Calmar vit encore Il vitquoique dun souffle bien faible laquoLegraveve-toi dit le roi legraveve-toi fils de Mora cest agrave moi de panser les blessures desheacuteros Calmar peut encore courir sur les collines deMorven
--Calmar ne chassera plus le daim de Morven avec Orladit le heacuteros quest pour moi la chasse sans mon ami Quipartagerait les deacutepouilles du combat avec Calmar Orlarepose pour toujours Ton ame eacutetait acircpre Orla mais ellemeacutetait douce comme la roseacutee du matin Ceacutetait pour lesautres leacuteclair de la foudre pour moi le rayon argenteacute dujour Portez mon eacutepeacutee agrave Mora aux yeux bleus quon lasuspende en ma salle deacuteserte elle nest pas pure de sangmais elle na pu sauver Orla Placez-moi avec mon amicommandez le chant des bardes quand je ne serai plusraquo
Ils sont ensevelis pregraves des ondes du Lubar Quatre pierresgrises marquent la demeure dOrla et de Calmar
Quand Swaran eucirct eacuteteacute soumis nos voiles seacutelevegraverent surles flots bleus Les vents rendirent nos navires agrave MorvenLes bardes commencegraverent leur chant
laquoQuelle ombre seacutelegraveve sur le rugissement des mers quelsombre fantocircme paraicirct sur le torrent rouge de feu destempecirctes sa voix roule dans le tonnerre cest Orla le chef
dOiumlthona dont les cheveux eacutetaient noirs Il eacutetait sans pareildans la guerre Paix agrave ton ame Orla ta renommeacutee nepeacuterira pas Ni la tienne ocirc Calmar Quaimable eacutetait tagracircce fils de Mora aux yeux bleus mais ton eacutepeacutee neacutetaitpas inactive Elle pend aujourdhui dans ta caverne Lesfantocircmes de Lochlin geacutemissent autour de ce fer Entendsta louange Calmar Elle habite dans la voix des forts Tonnom eacutebranle les eacutechos de Morven Legraveve donc ta blondechevelure fils de Mora eacutetends-la sur larc-en-ciel et sourisagrave travers les pleurs de la tempecircte 64raquo
Note 64 (retour) Je crains que la derniegravere eacutedition deLaing nait tout-agrave-fait renverseacute lespeacuterance que lOssiande Macpherson fucirct une traduction dun recueil depoegravemes complets en eux-mecircmes mais limposture unefois deacutecouverte le meacuterite de louvrage demeureincontesteacute quoiquil y ait des fautes et particuliegraverementen quelques passages des formes de style fortampouleacutees--Lhumble imitation quon vient de liretrouvera gracircce devant les admirateurs de louvrageoriginal cest un essai bien infeacuterieur il est vrai mais quifait preuve dattachement pour leur auteur favori
FIN DES HEURES DE LOISIR
Tis the sunset of life gives me mystical loreAnd coming events cast their shadows before
(Campbell)
Cest le soir de la vie qui me donne une mysteacuterieuseleccedilon et lavenir projette son ombre devant moi
LA PROPHEacuteTIEDU DANTE
DEacuteDICACE
Femme adoreacutee 65 Si pour le froid et nuageux climat ougrave jesuis neacute mais ougrave je ne voudrais pas mourir jose imiter lepatriarche de la poeacutesie italienne et bacirctir en rimes duresune copie runique 66 des sublimes chants du sud cest toiseule qui en es la cause et quoique je demeure au-dessous de son immortelle harmonie ton cœur aimant mepardonnera mon crime Oui fiegravere de beauteacute et dejeunesse tu parlas et pour toi parler ecirctre obeacuteie cestmecircme chose mais ce nest que sous le soleil du sud quede tels sons se prononcent que de tels charmes sedeacuteploient quun si doux langage sort dune si jolie bouche--Ah quels efforts ta parole ne pourrait-elle inspirer
Ravenne juin 21 1819 67
Note 65 (retour) MAP traduit lady par belleAusonienne
(N du Tr)
Note 66 (retour) Nom donneacute agrave la langue aux caractegraveresalphabeacutetiques aux poeacutesies aux monumens desanciens Scandinaves ou peuples du nord
(N du Tr)
Note 67 (retour) La date seule nous apprendrait quecette deacutedicace est adresseacutee agrave la comtesse Guicciolialors maicirctresse de Byron
(N du Tr)
PREacuteFACE
Pendant le cours dune visite agrave la citeacute de Ravenne on fitentendre agrave lauteur quayant composeacute quelque chose surlemprisonnement du Tasse il devrait en faire autant surlexil du Dante--le tombeau du poegravete eacutetant un des objetsles plus inteacuteressans de cette ville tant pour les habitanseux-mecircmes que pour les eacutetrangers
laquoSur cet avis je parlairaquo et il en est reacutesulteacute les quatrechants in terza rima 68 que joffre aujourdhui au lecteurSils sont compris et approuveacutes cest mon dessein decontinuer le poegraveme en divers autres chants jusques agrave saconclusion naturelle cest-agrave-dire jusquau siegravecle preacutesent Lelecteur est prieacute de supposer que le Dante sadresse agrave luidurant lintervalle qui seacutepare lachegravevement de la DivineComeacutedie et leacutepoque de sa mort et que cest mecircme peude tems avant ce dernier eacuteveacutenement quil propheacutetise dunemaniegravere geacuteneacuterale les destineacutees de lItalie dans les siegraveclessuivans En adoptant ce plan jai eu dans lesprit laCassandre de Lycophron et la Propheacutetie de NeacutereacuteedHorace aussi bien que les propheacuteties de lEacutecriture-Sainte Le rhythme adopteacute est le tercet du Dante rhythme
que je ne sais pas avoir eacuteteacute jusquagrave ce jour employeacute dansnotre langue si ce nest peut-ecirctre par M Hayley de latraduction duquel je nai jamais vu quun extrait citeacute dansles notes de Caliph Vathek Ainsi donc--si je ne metrompe--ce poegraveme peut ecirctre consideacutereacute comme uneexpeacuterience de meacutetrique Les chants sont courts et agrave peupregraves de la mecircme longueur que ceux du poegravete dont jaiemprunteacute le nom et tregraves-probablement emprunteacute en vain
Note 68 (retour) Terza rima On nomme ainsi dans lameacutetrique italienne un mode de versification dans lequeltrois vers de mecircme rime se croisent toujours avec troisautres vers eacutegalement de mecircme rime de telle sorte quele poegraveme entier est disposeacute en tercets dont le derniervers reproduit la rime pour la troisiegraveme et derniegravere foisCitons pour exemple les six premiers vers de laPropheacutetieOnce more in mans frail world which I had left
So long that t was forgotten and I feelThe weight of clay again--too soon bereft
Of the immortal vision which could healMy earthly sorrows and to Gods own skiesLift me from that deep gulf without repeal etc
(N du Tr)
Entre autres inconveacuteniens queacuteprouvent les auteurs dans cesiegravecle-ci il est difficile agrave quelquun qui sest fait unereacuteputation bonne ou mauvaise deacutechapper agrave la traductionJai eu loccasion de voir le quatriegraveme chant de Childe-Harold traduit en ce que les Italiens nomment versi sciolti--cest-agrave-dire un poegraveme eacutecrit en vers blancs suivant le
mode de la stance spenseacuterienne sans aucun eacutegard auxdivisions naturelles de la stance ou du sens Si le preacutesentpoegraveme roulant sur un sujet national eacuteprouve le mecircme sortje prierai le lecteur italien de se rappeler quen eacutechouantdans limitation de son grand Padre Alighieri jai eacutechoueacute agraveimiter ce que tous eacutetudient et ce que peu comprennentpuisque jusquagrave ce jour on na pas encore deacutetermineacute lesens de lalleacutegorie du premier chant de lEnfer agrave moins quelingeacutenieuse et probable conjecture du comte Marchetti nesoit consideacutereacutee comme ayant deacutecideacute la question
Mais jobtiendrai dautant mieux le pardon de moninsuccegraves que je ne suis pas du tout sucircr que mon succegravesfasse plaisir puisque les Italiens par un sentimentexcusable de nationaliteacute sont particuliegraverement jaloux detout ce qui leur reste de national--de leur litteacuterature etpuisque dans lamertume de la guerre actuelle entre leclassicisme et le romantisme ils sont fort peu disposeacutes agravepermettre agrave un eacutetranger de les approuver ou de les imiteret agrave ne pas trouver quelque blacircme dans sa preacutesomptionultramontaine 69 Je le conccedilois aiseacutement sachant ce quonpenserait en Angleterre dun Italien qui imiterait Milton oubien encore si une traduction de Monti de Pindemonte oudArici eacutetait preacutesenteacutee agrave la geacuteneacuteration qui seacutelegraveve commeun modegravele pour leurs essais poeacutetiques agrave venir Mais jemaperccedilois que ma preacuteface deacutegeacutenegravere en adresse auxlecteurs italiens lorsque reacuteellement je nai affaire quauxlecteurs anglais et dailleurs que le nombre en soit petit ougrand je dois prendre congeacute des uns et des autres
(N du Tr)
grand je dois prendre congeacute des uns et des autres
Note 69 (retour) En franccedilais ultramontain signifie leplus ordinairement ce qui existe en Italie Cela estsimple le mot dans son eacutetymologie veut dire qui estau-delagrave des monts Pour un Franccedilais un Italien est unultramontain mais pour un Italien cest lAnglais leFranccedilais lAllemand etc qui sont ultramontains IciLord Byron a employeacute le mot dans le dernier sens
Chant Premier
Me voici encore une fois dans le frecircle monde de lhommejen avais eacuteteacute si long-tems absent que je lavais oublieacutemais je sens de nouveau le poids de mon argile--trop tocirctpriveacute de limmortelle vision qui gueacuterissant mes terrestreschagrins menleva jusquau ceacuteleste seacutejour de Dieu du fondmecircme de cet immense gouffre ougrave il ny a plus despeacuteranceougrave naguegravere mes oreilles avaient retenti des hurlemens desesprits agrave jamais damneacutes--menleva de ce lieu de moindrestourmens dougrave les hommes peuvent seacutelever purifieacutes par lefeu pour se joindre agrave la race angeacutelique parmi laquelle labrillante lumiegravere de ma Beacuteatrix 70 eacuteclaira mon ame ravie--menleva jusquaux pieds de leacuteternelle Triniteacute du Dieugrand origine et fin de toutes choses tregraves-bon mysteacuterieuxtriple unique infini ame universelle--enfin conduisitdeacutetoile en eacutetoile le voyageur mortel que tant de gloire nefoudroyait pas jusquau trocircne de la toute-puissance OBeacuteatrix dont le beau corps est si long-tems demeureacute sousle gazon et sous la froide pierre de marbre toi qui fusseule agrave mes jeunes anneacutees un pur ange damour--amourineffable qui sempara de mon cœur tout entier car rienautre que toi sur la terre ne fit degraves-lors palpiter mon sein
car te rencontrer dans le ciel ceacutetait rencontrer ce quecherchait mon ame errante semblable agrave la colombe delarche qui ne reposa son aile quapregraves avoir trouveacute lerameau dheureux preacutesage--oui Beacuteatrix sans ta lumiegraveremon paradis eucirct toujours eacuteteacute incomplet 71 Degraves que le soleileut reacutejoui ma vue de mon dixiegraveme eacuteteacute tu fus ma vie tu fuslessence de ma penseacutee je taimai avant de connaicirctre lenom damour tu brilles encore dans les yeux ternes duvieillard tout affaiblis quils sont par la perseacutecution par lesans par le bannissement par les larmes pour toi verseacuteeset que dautres douleurs nauraient pu marracher car cenest point ma nature de fleacutechir sous la tyrannie dunefaction ou devant les criailleries de la multitude Apregraves unelutte longue et vaine je fus chasseacute jamais si ce nestquand le regard de mon esprit perce les nuagessuspendus sur lApennin et seacutetend jusquagrave Florence jadissi fiegravere de moi non jamais je ne puis retourner sur mon solnatal mecircme pour y mourir nimporte ils nont pas encoredompteacute lame seacutevegravere et haute du vieil exileacute Mais le soleilquoique brillant encore sur lhorizon doit enfin se coucherla nuit vient je suis vieux en jours en actions et enmeacuteditations jai rencontreacute la destruction face agrave face danstoutes les voies Le monde ma laisseacute aussi pur quil matrouveacute et si je nen ai pas encore obtenu les louanges jene les ai point rechercheacutees agrave laide de vils artificesLhomme outrage le tems venge mon nom formera peut-ecirctre un monument entoureacute de quelque clarteacute et certes ceneucirct point eacuteteacute le but la fin suprecircme de mon ambition quede grossir la vaine liste de ceux qui naviguent dans la
de grossir la vaine liste de ceux qui naviguent dans labasse mer de la renommeacutee et font enfler leurs voiles parlinconstante haleine des hommes que dobtenir la faussegloire decirctre classeacute avec les conqueacuterans et les autresennemis de la vertu dans les sanglantes chroniques desacircges passeacutes Jaurais voulu voir ma Florence grande etlibre 72 ocirc Florence Florence Tu fus pour moi commecette Jeacuterusalem sur laquelle le Tout-Puissant a pleureacutemais tu ne voulus pas comme loiseau cache sa tendrecouveacutee je taurais cacheacutee sous une aile paternelle si tuavais eacutecouteacute ma voix mais sourde et farouche comme lacouleuvre tu dirigeas ton venin contre le sein qui techeacuterissait tu confisquas mes biens et condamnas au feuma personne maudite Heacutelas combien sont amegraveres lesimpreacutecations de la patrie agrave celui qui pour elle aurait expireacutemais ne meacuteritait pas dexpirer par elle agrave celui qui laimeoui laime encore malgreacute son injuste colegravere Le jour viendrapeut-ecirctre ougrave elle cessera de fermer les yeux agrave la veacuteriteacute lejour viendra peut-ecirctre ougrave elle serait fiegravere de posseacuteder lapoussiegravere quelle condamne agrave ecirctre le jouet des vents 73 etde transfeacuterer dans son enceinte le tombeau de celui agrave quielle a refuseacute une demeure Mais cela ne lui sera pointaccordeacute il faut que ma poussiegravere dorme ougrave je serai tombeacutenon le pays ougrave je respirai pour la premiegravere fois mais quidans un accegraves de furie menvoya respirer lair dun cieleacutetranger ne reprendra pas mes ossemens indigneacutes parcequen son caprice il oublie son courroux et reacutevoque sasentence non--il ma refuseacute ce qui eacutetait agrave moi--mon toit ilnaura pas ce qui nest pas agrave lui--ma tombe Trop long-
tems ses armes irriteacutees ont maintenu loin de lui le sein quipour lui aurait saigneacute le cœur qui pour lui a battu lame quifut agrave leacutepreuve de la tentation lhomme qui combattitfatigua voyagea remplit enfin tous les devoirs dun fidegravelecitoyen et vit pour reacutecompense les artifices triomphansdes Guelfes 74 faire passer sa proscription en loi Ceschoses ne sont point faites pour loubli Florence sera plutocirctoublieacutee Trop profonde est la blessure linjure trop cruellela dureacutee dune telle misegravere trop prolongeacutee pour quejaccorde un pardon plus complet pour que linjustice soitmoindre apregraves un tardif repentir et pourtant--je sens pourma patrie une tendre sympathie et pour toi aussi maBeacuteatrix cest avec peine que tomberait ma vengeance surla terre qui jadis fut la mienne et mest encore sacreacuteecomme asile de tes cendres oui ces cendres comme unsaint reliquaire proteacutegeraient la ville meurtriegravere et lurneseule qui les renferme sauverait dix mille de mes ennemisQuelquefois il est vrai mon cœur solitaire comme celui duvieux Marius dans le marais de Minturnes 75 ou sur lesruines de Carthage peut se gonfler de mauvais sentimensde passions brucirclantes et terribles quelquefois un recircvemoffre un vieil ennemi se deacutebattant dans les angoisses delagonie et mon sourcil seacutepanouit dans lespoir dutriomphe--arriegravere telles penseacutees Voilagrave les derniegraveresfaiblesses de ceux qui long-tems ont souffert une misegravereplus quhumaine et qui neacuteanmoins eacutetant hommes nont derepos que sur la couche de la vengeance--la vengeancequi dans le sommeil ne recircve que de sang et durant la
veille brucircle du deacutesir inextinguible et souvent deacuteccedilu dunchangement qui nous remonte sur le faicircte qui mette sousnos pieds ceux dont les pas nous foulaient apregraves que laMort et Ateacute 76 auront couru sur les fronts humilieacutes et sur lestecirctes trancheacutees--Grand Dieu eacuteloigne de moi ces ideacutees--je remets dans tes mains mes injures nombreuses et taverge toute-puissante tombera sur ceux qui me frappegraverent--sois mon eacutegide comme tu las eacuteteacute dans les peacuterils dansles peines dans les citeacutes turbulentes et au milieu destentes guerriegraveres--dans les fatigues dans les travaux sansnombre que jai supporteacutes en vain pour Florence--Jenappelle delle agrave toi agrave toi que jai vu dans ton sublimeempire vision glorieuse jusquagrave ce jour il navait point eacuteteacutedonneacute den jouir et de vivre et cependant tu me laspermis Heacutelas avec quelle lourdeur je tombe sur ma tecircte lesentiment de la terre et des choses terrestres passionsdeacutevorantes affections tristes et basses rapidespalpitations du cœur reacutepondant aux tortures de lespritlongues journeacutees nuits cruelles souvenirs dun demi-siegraveclesanglant et sombre et le peu danneacutees que je peux encoreattendre briseacutees par la vieillesse abandonneacutees delespeacuterance--mais moins peacutenibles agrave supporter car troplong-tems a dureacute mon horrible naufrage sur le roc solitairedu morne deacutesespoir pour que je porte doreacutenavant mesyeux vers le navire qui passe et qui fuit cet eacutecueil si affreuxet si nu pour que jeacutelegraveve la voix--qui donc ferait attention agravema plainte Je ne suis pas de ce peuple ni de cet acircge etcependant mes chants deacuterouleront un tableau quieacuteternisera la meacutemoire de ces tems lorsque pas une page
eacuteternisera la meacutemoire de ces tems lorsque pas une pagede leurs annales semeacutees de troubles nattirerait un regardsur la rage des discordes civiles si mes vers comme unparfum preacuteservateur neussent pas conserveacute maintesactions aussi indignes que ceux qui les firent Cest ledestin des esprits de ma trempe que decirctre tourmenteacutesdans la vie duser leurs cœurs de consumer leurs joursdans une lutte sans fin et de mourir dans labandon puisles geacuteneacuterations futures se pressent autour de leur tombemille et mille peacutelerins arrivent des climats divers ougrave ils ontappris le nom de cet homme--qui nest plus quun nom etprodiguant leurs hommages sur la pierre funegravebre ilsreacutepandent au loin la renommeacutee de qui nentend plus cebruit de qui nen est plus toucheacute La mienne au moins macoucircteacute cher mourir nest rien mais languir ainsi--eacutetoufferlardeur immense de mon esprit--vivre agrave leacutetroit avec depetits hommes en vulgaire spectacle agrave tout regardvulgaire errer agrave laventure lorsque les loups eux-mecircmestrouvent une taniegravere sans famille sans foyers sans rien dece qui rend la socieacuteteacute douce et allegravege la peine--me sentirdans la mecircme solitude que les rois avec le pouvoir et lacouronne de moins--envier au ramier son nid et les ailesqui le transportent jusquaux lieux ougrave lApennin voit lArnocouler agrave ses pieds jusquagrave son perchoir quil choisit peut-ecirctre dans lenceinte de mon inexorable patrie ougrave sontencore mes enfans et cette femme funeste 77 leur megraverefroide compagne qui mapporta la ruine en douaire--agrave voiret sentir tous ces maux agrave les savoir irreacuteparables jai reccediluune amegravere leccedilon mais je suis resteacute libre jai subi mon sort
sans deacuteshonneur comme je me leacutetais attireacute sansbassesse ils ont fait de moi un exileacute--non un esclave
Note 70 (retour) Le lecteur est prieacute dadopter pour lemot de Beatrice (Beacuteatrix) la prononciation italienne ougraveaucune syllabe ne reste muette
(Note de Lord Byron)
--Byron fit cette remarque afin que les Anglais neprononccedilassent pas Beatrice en trois syllabes mais enquatre sans quoi son vers se fucirct trouveacute faux
(N du Tr)
Note 71 (retour)Che sol per le belle opreChe fanno in cielo il sole e l altre stelleDentro di lui si crede il paradisoCosigrave se guardi fisoPensar ben dei ch agni terren piacere
Canzone ougrave Dante deacutecrit la personne de Beacuteatrixstrophe 3
Note 72 (retour)LEsilio che m egrave dato onor mi tegnoCader tra buoni egrave pur di lode degno
Sonnet de Dante dans lequel il repreacutesente la justice lageacuteneacuterositeacute et la tempeacuterance comme bannies de chez leshommes et cherchant un refuge dans lamour qui habiteen son cœur
Note 73 (retour) laquoUt si quis praeligdictorum ullo tempore infortiam dicti communis pervenerit talis perveniens ignecomburatur sic quod moriaturraquo Deuxiegraveme sentence deFlorence contre le Dante et les quatorze co-accuseacutes--Le latin est digne de la sentence
Note 74 (retour) Dante appartenait au parti des Gibelinsou des Blancs toujours opposeacute en Italie agrave celui desGuelfes ou des Noirs Voir Sismondi Hist desreacutepubliques ital
(N du Tr)
Note 75 (retour) Marius fuyant de Rome pour eacutechapperagrave Sylla senfonccedila jusquau cou dans un marais pregravesMinturnes il en fut retireacute et conduit dans cette prison ougraveil effraya par son regard le soldat cimbre envoyeacute pour letuer
(N du Tr)
Note 76 (retour) Deacuteesse du mal Ἄτη misegravere souventpersonnifieacutee dans Homegravere
(N du Tr)
Note 77 (retour) Cette femme dont le nom eacutetaitGemma appartenait agrave une des plus puissantes famillesdu parti guelfe agrave la famille Donati Corso Donati fut leprincipal adversaire des Gibelins Gemma estrepreacutesenteacutee comme eacutetant admodum morosa ut deXantippe Socratis philosophi conjuge scriptum esselegimus suivant Giannozzo Manetti Mais LionardoAretino dans sa Vie du Dante sirrite contre Boccacequi a dit que les hommes de lettres ne devraient pas se
marier Qui il Boccacio non ha pazienza e dice le mogliesser contrarie agli studi e non si ricorda che Socrate ilpiugrave nobile filosofo che mai fusse ebbe moglie e figliuolie uffici della republica nella sua cittagrave e Aristotele cheetc ebbe due mogli in vari tempi ed ebbe figliuoli ericchezze assai--E Marco Tullio--e Catone--e Varrone eSeneca--ebbero moglie etc Il est bizarre que lesexemples de lhonnecircte Lionardo agrave lexception deSeacutenegraveque et peut-ecirctre dAristote ne soient pas les plusheureux La Terentia de Ciceacuteron et la Xantippe deSocrate ne contribuegraverent nullement au bonheur de leurseacutepoux si toutefois elles contribuegraverent agrave leurphilosophie--Caton reacutepudia sa femme--nous ne savonsrien de celle de Varron--quant agrave celle de Seacutenegraveque noussavons seulement quelle eacutetait disposeacutee agrave mourir aveclui mais quelle se ravisa et veacutecut encore plusieursanneacutees Mais dit Lionardo Luomo egrave animale civilesecondo piace a tutti i filosofi et il conclut de lagrave que laplus grande preuve du civisme de lanimal est la primacongiunzione dalla quale multiplicata nasce la cittagrave
Chant Deuxiegraveme
Lesprit des anciens jours de ferveur alors que la paroleeacutetait chose reacuteveacutereacutee et que lavenir se deacutevoilant agrave lapenseacutee elle commandait aux hommes de lire le destin desenfans de leurs enfans dans labicircme ouvert du tems qui doitecirctre et de contempler le chaos des eacuteveacutenemens ougrave gisentagrave demi formeacutes les ecirctres qui subiront un jour lhumainecondition--cet esprit que les illustres voyans dIsraeumllportaient dans leur sein est aujourdhui en moi commejadis en eux et si jai le sort de Cassandre si au milieu dubruit des factions personne nentend ou neacutecoute cette voixqui crie du deacutesert la faute en soit agrave eux et que maconscience me donne la seule reacutecompense que jaiejamais connue Nas-tu pas verseacute ton sang et dois-tu leverser encore Italie Ah un tel avenir que me deacutevoile unelumiegravere sombre et seacutepulcrale mordonne doublier dansles maux irreacuteparables qui te frappent ceux qui mont frappeacutemoi-mecircme Nous ne pouvons avoir quune patrie et tu esencore la mienne--mes ossemens seront dans ton seinmon ame dans ton langage qui reacutegna jadis avec notre vieilempire romain dans toute leacutetendue de lOccident mais jeferai surgir une autre langue aussi sublime et plus douce
dans laquelle lardeur du heacuteros ougrave les soupirs de lamanttout sujet enfin trouvera pour son expression de telsaccens que chaque mot aussi brillant que ton cielreacutealisera le plus beau recircve dun poegravete et te fera proclamerreine du chant par lEurope entiegravere ainsi toute parolecompareacutee agrave la tienne semblera ce quest agrave la voix durossignol celle des autres oiseaux et toute langue devantla tienne confessera sa barbarie et cet honneur tu ledevras agrave celui que tu as tant outrageacute agrave ton barde toscanau Gibelin banni Malheur malheur le voile des siegraveclesfuturs est deacutechireacute--mille anneacutees qui restent encoreimmobiles comme les vagues de lOceacutean tant que lesvents ne se legravevent pas savancent balanceacutees dunesombre et morne ondulation du fond de leacuteterniteacute jusques agravemon regard les orages dorment encore les nuages semaintiennent toujours en leur place le volcan souterrain quieacutebranlera le sol nest pas encore allumeacute le sanglant chaosattend encore la creacuteation mais tout est disposeacute pourlexeacutecution de ta sentence les eacuteleacutemens nont besoin quedun mot laquoQue les teacutenegravebres soient 78raquo et soudain tudeviens un tombeau Oui toi contreacutee si belle tu sentiras leglaive toi Italie lieu charmant paradis ressusciteacute ougravelhomme retrouve sa feacuteliciteacute primitive Ah les fils dAdamdoivent-ils donc perdre deux fois leur heureuse demeureItalie dont les plaines feacutecondes pourraient sans la charrueet par le seul bienfait du soleil suffire agrave nourrir le mondetoi ougrave le ciel se dore deacutetoiles plus brillantes se revecirct dunbleu plus fonceacute toi ougrave leacuteteacute bacirctit son palais en maintendroit deacutelicieux berceau de cet empire qui orna la ville
endroit deacutelicieux berceau de cet empire qui orna la villeeacuteternelle de la deacutepouille des rois vaincus par les hommeslibres patrie des heacuteros asile des saints ougrave dabord lagloire terrestre puis la gloire ceacuteleste a fixeacute son seacutejour toiqui nous reproduis tout ce qua recircveacute limagination la plusvive et dont laspect efface les faibles couleurs du portraitque nous nous en eacutetions figureacute aussitocirct que notre regard--du haut des Alpes au milieu des neiges affreuses desrochers et de lombrage sombre du pin ami des deacutesertsdont la cime deacutemeraude obeacuteit agrave lorage--seacutetend aveccomplaisance sur toi et pour ainsi dire appelle avecardeur agrave son aide la vue de tes campagnes doreacutees par lesoleil de tes campagnes qui devenant de plus en plusproches deviennent de plus en plus chegraveres et ledeviendraient encore davantage si elles eacutetaient libres cestdonc toi mon Italie--cest toi qui dois te fleacutetrir au greacute detous les tyrans Le Goth agrave eacuteteacute--le Germain le Franc et leHun sont encore agrave venir--et du haut de limpeacuteriale colline ladestruction deacutejagrave fiegravere des œuvres accomplies par lesanciens barbares attend ceux des acircges nouveaux assiseau mont Palatin sur un trocircne elle voit agrave ses pieds Romevaincue et prisonniegravere nager dans le sang de ses enfanstant de victimes humaines tant de Romains massacreacutesreacutepandent une teinte sanglante dans lair naguegravere si bleuet colorent en rouge les eaux safraneacutees du Tibre combleacutede cadavres le faible precirctre et la vierge encore plus faibleet non moins sainte qui avaient voueacute leur vie agrave Dieu sesont enfuis en criant et ont cesseacute leur ministegravere les nationssaisissent leur proie voici venir Ibeacuteriens AllemandsLombards voici venir aussi becirctes feacuteroces et oiseaux
Lombards voici venir aussi becirctes feacuteroces et oiseauxdeacutevorans loups vautours plus humains que ces hommescar la brute mange la chair et boit le sang des morts puispasse son chemin mais ces sauvages agrave face humaineeacutepuisent tous les genres de tourmens et cherchent toujoursun nouvel aliment agrave leur rage aussi insatiable que la faimdUgolin La lune neuf fois se legravevera neuf fois se coucheradurant ces horribles scegravenes 79 larmeacutee qui se rassemblasous la banniegravere dun prince feacutelon a perdu son chef et en alaisseacute les restes inanimeacutes aux portes de la ville si le royalrebelle eucirct veacutecu tu aurais peut-ecirctre eacuteteacute eacutepargneacutee mais sadestineacutee a entraicircneacute la tienne ocirc Rome qui tour agrave tour pillasla France ou fus pilleacutee par elle depuis Brennus jusquagraveBourbon 80 jamais non jamais leacutetendard eacutetranger nesavancera contre tes murs sans que le Tibre ne devienneune riviegravere de deuil Oh quand les eacutetrangers franchissentles Alpes et le Pocirc eacutecrasez-les ocirc rochers et vous flotsabicircmez-les et pour toujours Pourquoi sommeillent ainsi lesavalanches oisives qui fondront ensuite sur la tecircte dupeacutelerin solitaire Pourquoi lEacuteridan 81 ne sort-il de son litturbulent que pour engloutir la moisson du laboureur Leshordes barbares ne seraient-elles pas une plus nobleproie Le deacutesert reacutepandit son oceacutean de sable sur larmeacuteede Cambyse lempire des ondes amegraveres ensevelitPharaon et ses mille et mille soldats--pourquoi doncmontagnes et riviegraveres ne faites-vous point ainsi Et vousRomains qui nosez mourir vous fils des conqueacuterans quivainquirent ceux qui avaient vaincu le fier Xerxegraves aux lieuxougrave gisent encore les guerriers dont la tombe ne connut
jamais loubli les Alpes sont-elles donc plus faibles que lesThermopyles leurs passages plus propices agrave linvasionNest-ce pas vous plutocirct qui ouvrez la porte agrave toute armeacuteequi laissez les envahisseurs marcher librement et en paix agravetravers vos montagnes Quoi donc la nature elle-mecircmearrecircte le char du vainqueur et rend votre pays imprenableautant du moins que cela est possible car la terre touteseule ne se deacutefendra pas 82 mais elle aide le guerrierdigne decirctre neacute sur un sol ougrave les megraveres donnent le jour agravedes hommes Il nen est pas de mecircme pour ceux dont lesames nont que peu de valeur nulle forteresse ne peut leurservir--la retraite du pauvre reptile qui conserve son dardest plus sucircre que des murailles de diamant quand il ny adans leur enceinte que des cœurs tremblans Necirctes-vouspas braves Oui le sol de lAusonie a encore des cœursdes bras des armes des soldats agrave opposer agraveloppression mais tout effort sera vain tant que ladissension segravemera les germes du malheur et de lafaiblesse et toujours leacutetranger viendra remporter nosdeacutepouilles O ma belle patrie si long-tems humilieacutee silong-tems le tombeau des espeacuterances de tes propresenfans quand il nest besoin que dun seul coup pour briserla chaicircne mais--le vengeur heacutesite le doute et la discordese placent entre toi et les tiens et joignent leur force (agrave) quivient tassaillir Que faut-il pour tassurer la liberteacute et pourmontrer ta beauteacute dans son plus grand eacuteclat Il faut rendreles Alpes impeacuteneacutetrables et nous tes fils nous pouvons lefaire en accomplissant un seul devoir--celui de nous unir
Note 78 (retour) Allusion au mot fameux de la GenegraveselaquoQue la lumiegravere soitraquo MAP traduit laquoQue tout soitdans les teacutenegravebresraquo
(N du Tr)
Note 79 (retour) Voir Sacco di Roma geacuteneacuteralementattribueacute agrave Guichardin Il y a un autre reacutecit composeacute parun Jacopo Buonaparte gentiluomo samminiatese che visi trovograve presente
Note 80 (retour) Charles de Bourbon conneacutetable quimourut en 1537 en donnant lassaut agrave Rome cest legrand-pegravere de Henri IV
(N du Tr)
Note 81 (retour) Nom poeacutetique du Pocirc
Fluviorum rex Eridanus
Virg
(N du Tr)
Note 82 (retour) MAP traduit laquoLe sol ne combattrapas seulraquo
(N du Tr)
Chant Troisiegraveme
Que vois-je sortir de lineacutepuisable oceacutean du mal pestesprinces eacutetrangers et glaives vases de colegravere ne se vidantque pour se remplir et deacuteborder de nouveau je ne puis diretout ce qui soffre en foule agrave mon œil propheacutetique la terre etla mer ne fourniraient pas assez despace pour eacutecrire cettehistoire et pourtant elle saccomplira oui tout a eacuteteacute graveacutemais non par le burin de lhomme lagrave ougrave prennent naissanceles soleils et les astres les plus lointains Deacuteployeacutee commeune banniegravere agrave la porte des cieux flotte la sanglante pagede nos mille anneacutees de misegravere et leacutecho de nosgeacutemissemens se prolonge agrave travers les sons du chant desarchanges Italie nation martyre la vapeur de ton sang nemontera pas en vain jusquau trocircne eacuteternel de la toute-puissance et de la miseacutericorde comme le vent frappe lescordes de la harpe ainsi le bruit de tes lamentationsseacutelegravevera sur les voix des seacuteraphins et ira toucher le Tregraves-Haut Pour moi le plus humble de tes enfans limonterrestre eacuteveilleacute par limmortaliteacute au sentiment et agrave lasouffrance oui quelles que puissent ecirctre les railleries dessuperbes et les menaces des tyrans quoique de plusfaibles victimes puissent se courber devant lorage dont le
souffle est si rude cest agrave toi ma patrie terre jadis aimeacuteeencore aimeacutee aujourdhui cest agrave toi que je deacutevoue ma lyreen deuil et le triste privileacutege que jai de lire dans lavenir Sima verve nest pas ce que tu la vis autrefois pardonne Jene peux que preacutedire tes destins--puis expirer Ne crois pasque apregraves un tel spectacle je puisse vivre encore Lespritme force de voir et de parler et maccorde pourreacutecompense de ne pas y survivre mon cœur sera briseacute etse fondra en larmes sur toi Mais avant que je deacuteroule denouveau le noir tissu de tes infortunes je veux parmi leseacuteclairs qui eacutetincellent dans tes teacutenegravebres saisir un rayon dedouce lumiegravere dans ta nuit mecircme brillent quelques astreset plusieurs meacuteteacuteores sur ta tombe se penche une statuedont la beauteacute deacutefie la mort de tes cendres seacutelegraveventmaints esprits puissans qui feront ta gloire et le charme dumonde ton sol sera toujours fertile en hommes sagesgais savans geacuteneacutereux ou braves tu es leur patrienaturelle comme tes cieux le sont de leacuteteacute Tes fils font desconquecirctes sur les rivages eacutetrangers et sur les merslointaines 83 deacutecouvrent des mondes nouveaux quiprennent leur nom 84 cest pour toi seule que leur bras estimpuissant et toute ta reacutecompense est dans leurrenommeacutee noble il est vrai pour eux mais non pour toi--Ilsseront donc illustres et toi tu resteras la mecircme Oh bienplus grande que la leur sera la gloire du grand homme--quipeut-ecirctre est deacutejagrave neacute--du sauveur mortel qui te rendra librequi replacera sur ton front ce diadegraveme tant useacute et deacuteformeacutepar les modernes barbares qui verra le soleil bienfaisant
eacuteclairer tout ton horizon ton horizon moral trop long-temsobscurci par les nuages et par ces infectes vapeurs delAverne faites pour necirctre respireacutees que par ceux qui sontavilis par la servitude et qui ont leur ame en prisonCependant au milieu de cette eacuteclipse milleacutenaire de taprospeacuteriteacute quelques voix se feront entendre et la terreprecirctera loreille maints poegravetes me suivront dans la routeque jouvre et la rendront plus large ce mecircme ciel dontleacuteclat anime le chant des oiseaux enflammera leur verveet leur inspirera des accens aussi naturels et aussi beauxharmonieux seront leurs vers beaucoup chanteront lamourquelques-uns la liberteacute mais peu prendront lessor delaigle et jetteront un regard daigle sur le soleil aveclaisance et lintreacutepiditeacute du roi des airs leur vol sera pluspregraves de la terre Combien de phrases sublimes serontprodigueacutees agrave quelque petit prince avec une profusionadulatrice Le langage eacuteloquemment faux trahiralavilissement du geacutenie qui comme la beauteacute oublie tropsouvent le respect quil se doit agrave lui-mecircme et regarde laprostitution comme un devoir Celui qui entre comme hocirctedans le palais dun tyran 85 devient aussitocirct un esclaveses penseacutees sont la proie dautrui et le jour qui voit lecaptif attacheacute agrave la chaicircne 86 le voit soudain moitieacute moinshomme--la castration de lame eacuteteint toute son ardeurainsi le barde trop voisin du trocircne perd sa verve obligeacutee agraveplaire--Quelle tacircche servile que de ne travailler quagraveplaire Polir ses vers pour les rendre agreacuteables aux heuresdaise et de loisir de son souverain ne seacutetendre trop long-
tems sur rien sauf leacuteloge du prince trouver et saisir parforce ou ruse 87 quelque sujet heureux Ainsi entraveacute ainsicondamneacute aux accens de la flatterie le poegravete fatiguetremblant toujours de faillir comme il craint quune noblepenseacutee par une reacutebellion ceacuteleste ne seacutelegraveve dans soncerveau coupable de haute trahison il chante commeparlait lorateur atheacutenien avec des cailloux dans la boucheafin que la veacuteriteacute ne puisse beacutegayer dans son style Maisdans la longue file des faiseurs de sonnets il y en aura quine chanteront pas en vain et lun deux 88 prince de latroupe prendra rang parmi mes pairs lamour sera sontourment mais sa douleur produira une immortaliteacute delarmes lItalie le saluera comme le chef des poegravetes-amanset le chant de liberteacute quun plus sublime enthousiasme luiaura inspireacute lui vaudra encore une couronne de lauriersnon moins verts Mais plus tard naicirctront sur les bords duPocirc deux hommes encore plus grands que lui le monde luiavait souri mais eux ils seront perseacutecuteacutes jusquagrave ce quilsne soient plus que poussiegravere et quils soient venus reposeravec moi Le premier 89 creacuteera une eacutepoque avec sa lyre etremplira lunivers des exploits de la chevalerie sonimagination ressemble agrave larc-en-ciel le feu de son geacutenieest immortel comme celui du ciel sa penseacutee est emporteacuteedun vol infatigable le plaisir comme le papillon quunenfant vient de saisir agitera sur le poegraveme ses charmantesailes et lart lui-mecircme semblera devenir nature tant le recircvebrillant du poegravete aura de transparence--Le second 90 surun ton plus tendre et plus triste eacutepanchera son ame sur
Jeacuterusalem lui aussi il chantera les armes et le sangchreacutetien verseacute aux lieux ougrave le Christ versa le sien pourlhomme sa harpe sublime renouvellera le chant de Sionpregraves des saules du Jourdain combats opiniacirctres triomphecomplet des guerriers braves et pieux efforts varieacutes delenfer pour deacutetourner ces heacuteros de leur grand desseinbanniegraveres agrave croix rouge flottant enfin ougrave la premiegravere croixfut rouge du sang des veines de notre sauveur voilagravelargument sacreacute du poegravete La perte de ses anneacutees de safaveur de sa liberteacute mecircme de sa gloire quon lui contestequelque tems lorsque le langage poli des cours glisse surson nom oublieacute et nomme sa captiviteacute un bienfait qui leprotegravege contre la folie ou la honte voilagrave quel sera sonsalaire agrave lui qui fut envoyeacute pour ecirctre le poegravete-laureacuteat duChrist--Les hommes le reacutecompensent bien Florence neme condamne quagrave la mort ou au bannissement Ferrare lecondamne agrave la ration et au cachot du criminel sort plus duret moins meacuteriteacute car moi jai attaqueacute les factions que jemefforccedilai de dompter mais cet homme doux quiregardera la terre et le ciel avec lœil dun amant quidaignera immortaliser de sa ceacuteleste flatterie le plus pauvreecirctre qui ait jamais eacuteteacute mis au monde pour reacutegner--quefera-t-il pour meacuteriter un tel sort Peut-ecirctre il aimera--Quoidonc aimer en vain nest-ce pas lagrave une torture suffisanteFaut-il donc encore ecirctre enseveli vivant dans une tombeCependant telle est la loi du destin--Lui et son eacutemule lebarde de la chevalerie consumeront tous deux denombreuses anneacutees dans la peacutenurie et dans la peinemourant dans le deacutesespoir ils leacutegueront au monde entier
qui leur accordera agrave peine une larme un heacuteritage fait pourenrichir tous ceux qui vivent des treacutesors de lame dun vraipoegravete--et agrave leur patrie une double couronne sans eacutegaledans le cours des acircges non la Gregravece mecircme ne peut dansles annales de ses olympiades montrer deux noms telsque les leurs quoiquun de ses enfans soit puissant--etcest lagrave toute la destineacutee de tels hommes ici-bas Les plusbelles penseacutees lesprit le plus vif le sang eacutelectrique quicoule dans leurs artegraveres leur corps devenu lui-mecircme uneame par le sentiment profond de ce qui est et par laconception de ce qui devrait ecirctre tout cela doit-il doncconduire agrave une telle reacutecompense Leur brillant plumagesera-t-il jeteacute ccedila et lagrave par lorage cruel Oui et il en doit ecirctreainsi formeacutes dune trop subtile matiegravere ces oiseaux duparadis ne songent quagrave retourner agrave leur seacutejour natal ilstrouvent bientocirct que les brouillards de la terre neconviennent pas agrave leurs ailes si pures ils meurent ou sedeacutegradent car lesprit succombe agrave une longue infection etau deacutesespoir mille passions ennemies suivent de pregravesleurs pas comme des vautours qui attendent le momentdassaillir et de deacutechirer leurs victimes et lorsquenfin leuraile fatigueacutee les laisse choir cest alors le triomphe deloiseau de proie cest alors que les ravisseurs partagent ladeacutepouille des malheureux eacutecraseacutes au premier choc decette horrible attaque Toutefois quelques esprits ont eacuteteacutehors datteinte ce sont ceux qui apprirent agrave supporter lavie quaucune puissance ne put jamais abattre qui purentreacutesister agrave eux-mecircmes tacircche peacutenible et deacutesespeacutereacutee par-dessus toutes Mais enfin quelques esprits ont eu ce
privileacutege et si mon nom eacutetait inscrit parmi eux il serait plusfier de cette destineacutee austegravere et neacuteanmoins sereine quedune gloire plus eacuteclatante mais si funeste Les Alpes ontleurs cimes de neige plus voisines du ciel que ne lest lecrategravere du redoutable volcan dont la splendeur eacutemane dunoir abicircme la montagne brucircleacutee dont le sein bouillant vomitavec effort une flamme eacutepheacutemegravere ne luit que pour une nuitde terreur puis renvoie ses torrens de feu agrave lenfer dougrave ilssortirent agrave lenfer qui sieacutege toujours dans ses entrailles
Note 83 (retour) Alexandre de Parme SpinolaPescaire Eugegravene de Savoie Montecuculli
Note 84 (retour) Christophe Colomb Ameacuteric VespuceSeacutebastien Cabot
Note 85 (retour) Vers dune trageacutedie grecque quePompeacutee prononccedila en prenant congeacute de Corneacutelielorsquil entrait dans la barque ougrave il fut tueacute
Note 86 (retour) Le vers et la penseacutee se trouvent dansHomegravere
Note 87 (retour) Il y a dans le texte un jeu de mots uneparonomase intraduisible or force or forge
(N du Tr)
Note 88 (retour) Peacutetrarque
Note 89 (retour) LArioste
(N du Tr)
Note 90 (retour) Le Tasse
(N du Tr)
Chant Quatriegraveme
Il est plusieurs poegravetes qui nont jamais traceacute sur le papierleurs inspirations et peut-ecirctre sont-ce les meilleurs ilssentirent ils aimegraverent ils moururent mais ne voulurent pascommuniquer leurs penseacutees agrave des ecirctres infeacuterieurs Ilsrenfermegraverent le dieu dans leur sein et rejoignirentlempyreacutee sans avoir ceint leur front du terrestre lauriermais cent fois plus heureux que ceux qui deacutegradeacutes par letrouble des passions et par les faiblesses attacheacutees agrave lagloire ne conquiegraverent une haute renommeacutee quau prix demille cicatrices Il est plusieurs poegravetes qui nen portent pasle nom mais ougrave reacuteside la poeacutesie sinon dans ce geacuteniecreacuteateur qui sent le bien et le mal plus vivement que levulgaire qui tend agrave vivre par delagrave sa mort qui nouveauPromeacutetheacutee dune race nouvelle apporte le feu du ciel etvoit trop tard quun horrible supplice est le salaire desplaisirs donneacutes aux hommes Les vautours deacutevorent lesentrailles de celui qui a vainement rendu agrave la terre unsublime bienfait et qui gicirct enchaicircneacute sur un roc solitaire sanscesse battu par les flots Ainsi soit le destin nous sauronsle souffrir--Donc tous ceux dont lintelligence est unpouvoir dominateur qui se deacutegage des entraves de largile
corporelle ou la transforme presque en esprit ceux-lagravequelle que soit la forme que revecirctent leurs creacuteations sonttous de veacuteritables bardes Le buste de marbre que leciseau anima peut sur son front eacuteloquent deacutevoiler autantde poeacutesie que toutes les pages dHomegravere Un noble coupde pinceau peut douer de la vie ou deacuteifier cette toile quibrille dune beauteacute tellement surhumaine que ceux quifleacutechissent le genou devant une idole si divine ne violentpas le sacreacute commandement car le ciel mecircme est lagravetransporteacute transfigureacute Les accens de poeacutesie qui nepeuplent que lair de notre penseacutee et des ecirctres reacutefleacutechispar elle ne peuvent rien faire de plus Laissons donclartiste partager la palme il partage le peacuteril et consterneacutese meurt sur son travail deacutedaigneacute--Heacutelas le deacutesespoir etle geacutenie sont trop souvent lieacutes ensemble Durant les acircgesqui passent devant moi lart ressaisira son sceptre toutaussi glorieux que le lui firent Apelle et le vieux Phidiasdans les jours immortels de la Gregravece Vous serez instruitspar les ruines agrave ressusciter du moins les formes grecquesdu sein de leur deacutecadence enfin les ames des Romainsrevivront dans des statues romaines tailleacutees par les mainsitaliennes Des temples plus eacuteleveacutes que les templesantiques donneront de nouvelles merveilles au monde ettandis que laustegravere Pantheacuteon est encore debout un docircme91 son image seacutelancera jusquaux cieux 92 docircme dont labase est une eacuteglise immense qui surpasse tout ce qui futauparavant et ougrave les vivans viendront en foulesagenouiller Jamais pareil spectacle ne fut offert par unportique tel que celui-ci ougrave toutes les nations viennent
portique tel que celui-ci ougrave toutes les nations viennentdeacuteposer et racheter leurs peacutecheacutes comme agrave la vaste entreacuteedu ciel et cet architecte hardi agrave qui sera confieacute le sointeacutemeacuteraire deacutelever ce monument cet homme que tous lesarts reconnaicirctront comme leur maicirctre soit que du chaos demarbre ougrave il plongera son ciseau renaisse cet Heacutebreu 93
dont la voix entraicircne Israeumll hors dEacutegypte et tientsuspendus les flots de pierre soit que son pinceau eacutetendesur les damneacutes les couleurs de lenfer devant le trocircne dusuprecircme juge 94 et quil rende ce spectacle tel que je laivu tel que tous le verront soit enfin quil bacirctisse destemples de grandeur jusqualors inconnue eh bien cethomme aura pris de moi le germe de ses grandespenseacutees oui de moi le Gibelin 95 qui ai traverseacute les troisroyaumes de lempire de leacuteterniteacute Au milieu du cliquetisdes eacutepeacutees et du choc retentissant des heaumes lacircge queje preacutevois nen sera pas moins lacircge des beaux arts ettandis que les nations geacutemissent sous le faix du malheur legeacutenie de ma patrie seacutelegravevera tel quun cegravedre sublime ausein du deacutesert charme les yeux par laspect de sesrameaux et reconnu de loin reacutepand dans les airs sonparfum non moins suave que son apparence est belle Lessouverains sarrecircteront au milieu de leurs joutes guerriegraveresse seacutevreront de sang une heure ou deux pour tourner etfixer leur regard sur la toile ou sur la pierre et ceux quigacirctent tout ce que la terre a de beau forceacutes agrave leacutelogesentiront le pouvoir de ce quils deacutetruisent Lart abuseacutedans sa reconnaissance eacutelegravevera des emblegravemes et desmonumens en lhonneur des tyrans qui ne font de lui quun
hochet et prostituera ses charmes aux pontifes orgueilleux96 qui nemploient lhomme de geacutenie que comme la plusvile brute condamneacutee agrave porter les fardeaux et agrave servir nosbesoins vendre ses travaux cest vendre aussi son ameCelui qui travaille pour les nations sera pauvre peut-ecirctremais libre celui qui fatigue pour les monarques nest riende plus que le laquais doreacute qui habilleacute et nourri aux frais deson maicirctre garde agrave sa porte une posture humble etservile Oh puissance suprecircme qui regravegles toute chose etinspires tout esprit comment se fait-il que ceux dont lepouvoir sur la terre se manifeste de la maniegravere la plussemblable au tien dans le ciel soient eux-mecircmes si loin detes divers attributs foulent aux pieds les tecirctes humilieacuteesdevant eux et nous assurent ensuite que leurs droits sontles tiens Comment se fait-il que les enfans de larenommeacutee ceux agrave qui linspiration semble luire den hautceux dont les peuples reacutepegravetent le nom doivent passer leursjours dans la peacutenurie ou dans la peine ou bien marcher agravela grandeur par les chemins de la honte porter un stigmateplus profond une chaicircne plus fastueuse ou bien si leurdestineacutee les a fait naicirctre loin de la classe pauvre ou en lesy laissant leur a fait eacuteprouver de vaines tentations soutenirau fond de leurs ames une plus rude eacutepreuve le combatinteacuterieur de passions profondes et intraitables OFlorence quand ta sentence cruelle rasa ma maison jetaimais cependant la vengeresse colegravere de mes vers etla haine de tes injustices grossie danneacutee en anneacutee parde nouvelles maleacutedictions survivront agrave tout ce qui test leplus cher agrave ton orgueil agrave tes richesses agrave ta liberteacute et
plus cher agrave ton orgueil agrave tes richesses agrave ta liberteacute etmecircme au plus infernal de tous les maux dici-bas audespotisme des petits tyrans de leacutetat car le despotismenest pas exclusif aux rois les deacutemagogues ne le cegravedent agraveceux-ci quen date ils disparaissent plus tocirct dailleursdans tout ce qui force les hommes agrave se haiumlr eux-mecircmes oules uns les autres en discorde en couardise en cruauteacutedans toutes les horreurs neacutees de lincestueux commerce dela mort et du peacutecheacute 97 dans lart de loppression sous saplus rude forme un chef de faction nest que le fregravere dusultan et le singe cent fois moins humain du pire desdespotes Florence long-tems mon esprit solitaire avainement soupireacute comme le captif qui travaille agrave soneacutevasion pour te revoir en deacutepit de tes outrages je restaidans lexil la plus triste de toutes les prisons errer dans lemonde entier comme dans un donjon sans issue les mersles montagnes ou plutocirct lhorizon pour barriegravere qui ferme agravelhomme le seul petit coin de terre dans lequel--quel que fucirctson destin--il serait encore lenfant de son pays et pourraitmourir ougrave il naquit--Florence quand mon esprit solitaireretournera dans le monde des esprits tu sentiras alors ceque je valais tu chercheras agrave honorer avec une urne videles cendres que tu nobtiendras jamais--Heacutelas laquoQue tai-jefait mon peuple 98raquo Tous tes chacirctimens sont seacutevegraveresmais ceci passe les limites communes de la malicehumaine car tout ce quun citoyen peut ecirctre je le fus eacuteleveacutepar ta volonteacute tout agrave toi dans la paix comme dans laguerre et cest pour cela que tu as dirigeacute tes armes contremoi--Cen est fait je ne puis franchir leacuteternelle barriegravere
eacuteleveacutee entre nous je mourrai seul regardant avec lœilsombre dun prophegravete ces jours de malheur reacuteveacuteleacutes auxames privileacutegieacutees et preacutedisant ces jours agrave des hommesqui nentendront pas plus que dans les anciens acircgesjusquagrave ce que lheure soit venue ougrave la veacuteriteacute frappera leursyeux couverts de larmes et forcera leur bouche agravereconnaicirctre le prophegravete dans sa tombe
Note 91 (retour) La coupole de Saint-Pierre
Note 92 (retour) MAP traduit laquoPoseacute sur laustegraverePantheacuteon un docircme son image seacutelancera jusquaucielraquo Cest un contre-sens qui precircte agrave Byron une lourdeerreur celle de croire que leacuteglise Saint-Pierre ait eacuteteacutebacirctie sur les restes du Pantheacuteon
(N du Tr)
Note 93 (retour) La statue de Moiumlse sur le monumentde Jules II
SONNETTO
di Giovanni Battista Zappi
Chi egrave costui che in dura pietra scoltoSiede gigante e le piugrave illustre e conteProve dell arte avvanza e ha vive e pronteLe labbia sigrave che le parole ascolto
Quest egrave Mosegrave ben mel diceva il foltoOnor del mento e l doppio raggio in fronteQuest egrave Mosegrave quando scendea del monteE gran parte del Nume avea nel volto
Tal era allor che le sonanti e vasteAcque ei sospese a segrave dintorno e taleQuando il mar chiuse e ne fegrave tomba altrui
E voi sue turbe un rio vitello alzateAlzata aveste imago a questa egualeCh era men fallo l adorar costui
Note 94 (retour) Le tableau du Jugement dernier dansla chapelle Sixtine
Note 95 (retour) Jai lu quelque part (si je ne me trompecar je ne puis me rappeler ougrave) que le Dante eacutetait lauteurfavori de Michel-Ange agrave tel point que celui-ci avaitdessineacute tous les sujets de la Divine Comeacutedie mais quele volume contenant ces eacutetudes se perdit dans la mer
Note 96 (retour) On sait comment Michel-Ange fut traiteacutepar Jules II et combien il fut neacutegligeacute par Leacuteon X
Note 97 (retour) Voir Milton Paradis perdu ch II Lepeacutecheacute deacutemon feacuteminin sorti de la tecircte de Satan commeMinerve de celle de Jupiter fut soudain aimeacute par Satanlui-mecircme et en eut un fils la Mort qui aussitocirct apregraves sanaissance viola sa megravere
(Note de Lord Byron)
Les Anglais donnent agrave la mort (death) le sexe masculinet au peacutecheacute (sin) le sexe feacuteminin
(N du Tr)
Note 98 (retour) laquoE scrisse piugrave volte non solamente aparticulari cittadin del reggimento ma ancora al popolo
e intra l altre un epistola assai lunga che conuncia--laquoPopule mi quid feci tibiraquo
(Vita di Dante scritta da Lionardo Aretino)
FIN DE LA PROPHEacuteTIE DU DANTE
MISCELLANEacuteES
I
LE REcircVE
1 Notre vie est double le sommeil a son empire cest unintermeacutediaire agrave ces deux choses quon deacutesigne si mal sousles noms de Mort et dExistence le sommeil agrave son empiremonde immense de triste reacutealiteacute Les recircves dans leurentier deacuteveloppement ont de la vie des larmes destourmens et des joies ils laissent apregraves le reacuteveil un poidssur nos penseacutees ils allegravegent les fatigues de la veille ilsdivisent notre ecirctre ils deviennent une portion de nous-
mecircmes tout aussi bien que de notre tems et semblent ecirctreles heacuterauts de leacuteterniteacute ils passent comme les esprits dupasseacute--ils parlent comme des sybilles de lavenir ils ontun pouvoir tyrannique--imposent le plaisir et la peine ilsnous font ce que nous neacutetions pas--ce quils veulent nousfaire ils nous frappent de la vision qui a disparu de lacrainte dombres eacutevanouies--Est-il vrai Le passeacute toutentier nest-il pas une ombre Que sont les recircves sinondes creacuteations de lesprit--Lesprit a le pouvoir de creacuteer--depeupler sa sphegravere decirctres plus brillans que ceux du mondereacuteel et de donner la vie agrave des formes qui peuvent survivreagrave toute matiegravere Je voudrais rappeler une vision que jairecircveacutee par hasard durant mon sommeil--car une penseacuteeoui une penseacutee de lhomme endormi peut en soiembrasser des anneacutees et condenser une longue vie enune seule heure
2 Je vis deux ecirctres pareacutes des couleurs de la jeunessedebout sur une colline--une colline charmante verte depente douce semblable agrave un cap qui termine une longuechaicircne de coteaux hormis quagrave ses pieds il ny avait pas demer qui la baignacirct mais un paysage vivant des forecircts etdes moissons ondoyantes les demeures des hommeseacuteparses ccedilagrave et lagrave et une aureacuteole de fumeacutee seacutelevant de cestoits rustiques--la colline eacutetait couronneacutee dun diadecircmedarbres disposeacutes en cercle non par le jeu de la naturemais par lhomme Oui tous deux eacutetaient lagrave--la jeune filleregardait ce paysage aussi aimable quelle-mecircme--maisle jeune homme ne regardait quelle tous deux eacutetaient
jeunes et cette fille eacutetait belle tous deux eacutetaient jeunes--mais non de la mecircme jeunesse 99 Elle comme la doucelune au bord de lhorizon elle eacutetait agrave la veille decirctre tout-agrave-fait femme lui il avait vu moins de printems mais soncœur avait devanceacute de beaucoup ses anneacutees agrave ses yeuxil ny avait sur terre quun visage digne damour et cevisage alors brillait sur lui il avait contempleacute cet astre tantque cet astre ne seacuteclipsa point il ne respirait nexistaitquen elle la voix de cette vierge eacutetait sa voix il ne luiparlait pas mais il tremblait aux paroles quelle prononccedilaitla vue de cette vierge eacutetait sa vue car il ne voyait plus quepar ces beaux yeux qui precirctaient leur eacuteclat agrave tous lesobjets--il avait cesseacute de vivre en lui-mecircme la vie de cettevierge eacutetait sa vie loceacutean ougrave venait aboutir le fleuve de sespenseacutees ceacutetait elle lui disait-elle un mot le touchait-elledu doigt soudain le sang du jeune homme hacirctait ouretardait son cours ses joues changeaient de couleur--etpourtant son cœur ignorait la cause de cette orageuseagonie Elle au contraire ne prenait aucune part en cestendres sentimens elle ne poussa jamais aucun soupirpour lui elle le traitait comme un fregravere--mais pasdavantage ceacutetait beaucoup car elle navait point de fregraverehors celui agrave qui la naiumlveteacute enfantine de son amitieacute en avaitdonneacute le nom elle eacutetait lunique rejeton dune race antiqueet honoreacutee--Quant agrave lui le nom de fregravere lui plaisait etpourtant lui deacuteplaisait aussi--et pourquoi le tems lui fit unereacuteponse profonde--quand elle en aima un autre mecircmealors elle en aimait un autre et du sommet de la colline
elle regardait au loin si le courrier de son amant eacutegalait enardeur sa propre impatience et volait aupregraves delle
3 Lesprit de mon recircve changea Je vis un vieux chacircteauet au devant de ses murs un cheval tout harnacheacute dans unoratoire antique eacutetait le jeune garccedilon dont je parlais tout-agrave-lheure--il eacutetait seul et pacircle et se promenait agrave grands pasil sassit saisit une plume traccedila des mots que je ne pusdeviner puis il pencha sa tecircte entre ses mains et lasecoua comme par un mouvement convulsif--puis il sereleva et avec ses dents et ses mains freacutemissantes ildeacutechira ce quil avait eacutecrit mais sans verser une larmeEnfin il se remit et donna agrave son front une sorte de calmelagrave-dessus la dame de ses penseacutees rentra elle avait un airserein et riant et pourtant elle savait quelle eacutetait aimeacutee delui--elle savait (car un tel savoir vient vite) que ce cœureacutetait plein de son image elle voyait que ce jeune hommeeacutetait malheureux mais elle ne voyait pas tout Il se leva etdune eacutetreinte froide et polie il serra la main de cette filleun moment sur son visage se peignit une page de penseacuteesindicibles puis tout cela seacutevanouit encore plus vite illaissa tomber la main quil tenait et se retira agrave pas lentsmais non comme sil lui eucirct dit adieu car tous deux sequittegraverent avec de mutuels sourires il franchit la portemassive du vieux chacircteau monta agrave cheval se mit enchemin et deacutesormais ne repassa plus ce seuil antique
4 Lesprit de mon recircve changea Le jeune garccedilon eacutetait unhomme Dans les deacuteserts dun climat de feu il seacutetait fait
une demeure et son ame savourait agrave longs traits lesrayons du soleil il eacutetait environneacute de spectacles eacutetrangerset sombres il neacutetait plus lui-mecircme ce quil avait eacuteteacute jadisceacutetait un voyageur errant sur la mer et sur ses rivages Jevoyais devant moi mille et mille images saccumuler enmasse comme des ondes et lui faire partie de toutesEnfin je laperccedilus se reposant de laccablante chaleur dumilieu du jour coucheacute parmi les colonnes tombeacutees agravelombre de murailles ruineacutees qui survivent aux noms deceux qui les ont eacuteleveacutees pendant son sommeil leschameaux broutaient lherbe agrave son coteacute quelques chevauxde belle apparence eacutetaient attacheacutes pregraves dune fontaineun homme vecirctu dune robe flottante faisait la garde tandisque plusieurs gens de sa tribu dormaient agrave lentour ilsnavaient pour pavillon 100 au-dessus de leurs tecirctes que leciel bleu si serein si clair si pur que Dieu seul eucirct pu ecirctreaperccedilu dans lempyreacutee
5 Lesprit de mon recircve changea La jeune dame naguegravereaimeacutee en vain eacutetait unie agrave un eacutepoux dont agrave son tour elleneacutetait point aimeacutee--en sa demeure agrave mille lieues de cellede son malheureux amant--en sa demeure natale elleregardait grandir autour delle ses enfans filles et fils de labeauteacute--mais voyez elle avait la douleur peinte sur sonvisage quobscurcissait lombre dune lutte inteacuterieurelinquiegravete langueur de son œil semblait dire que sapaupiegravere eacutetait chargeacutee de larmes long-tems retenuesQuelle pouvait ecirctre sa douleur--Elle avait ce quelle aimaet celui qui lavait tant aimeacutee neacutetait point lagrave pour troubler
dune espeacuterance impure ou de criminels deacutesirs ou duneaffliction mal reacuteprimeacutee la paix dune ame innocente Quellepouvait ecirctre sa douleur--Elle ne lavait point aimeacute ni ne luiavait donneacute motif de se croire aimeacute ce neacutetait pas lui quipouvait ecirctre ce qui la tourmentait--un spectre du passeacute
6 Lesprit de mon recircve changea--Le voyageur errant eacutetaitde retour--Je le vis debout devant un autel--avec uneaimable fianceacutee oui leacutepouse eacutetait belle mais pas commelastre qui avait lui agrave lenfance de leacutepoux--mecircme au piedde lautel le front de cet homme prit le mecircme aspect sonsein palpita du mecircme frisson que jadis dans la solitude deloratoire antique et puis--comme autrefois--un momentsur son visage se peignit une page de penseacutees indicibles--puis tout cela seacutevanouit encore plus vite Il resta calme etpaisible il prononccedila les vœux dusage mais nentendit passes propres paroles autour de lui tout chancelait il ne putvoir ni ce qui se faisait ni ce qui avait ducirc ecirctre fait--mais levieux manoir le chacircteau la chambre le lieu le jour lheurele mecircme soleil les mecircmes ombres enfin toutes lescirconstances de ce lieu et de cette heure et cette femmede qui deacutependit sa destineacutee tout cela revint et se glissaentre lui et la lumiegravere quavaient agrave faire tous ces souvenirsen un pareil instant
7 Lesprit de mon recircve changea Je vis la jeune damenaguegravere aimeacutee en vain--oh elle eacutetait bien changeacutee et parquoi par la maladie de lame Son esprit lavaitabandonneacutee ses yeux navaient plus leur eacuteclat ordinaire
mais un regard qui nest pas de ce monde elle eacutetaitdevenue la souveraine dun royaume fantastique sespenseacutees eacutetaient des combinaisons de chosesdiscordantes des formes impalpables et inaperccedilues agrave lavue des autres eacutetaient familiegraveres agrave la sienne et le mondenomme cela deacutemence mais les sages ont une folie encoreplus profonde Le coup dœil de la meacutelancolie est un donfuneste quest-ce sinon le teacutelescope de la veacuteriteacute quideacutetruit les illusions de la distance qui nous montre la vie depregraves dans toute sa nuditeacute et rend la froide reacutealiteacute tropreacuteelle
8 Lesprit de mon recircve changea--Le voyageur errant eacutetaitseul comme auparavant les ecirctres qui lavaient entoureacuteneacutetaient plus lagrave ou eacutetaient en guerre avec lui il eacutetaitmarqueacute dun signe de ruine et de deacutesolation environneacute dehaines et de discordes la peine eacutetait mecircleacutee agrave tout ce quonlui offrait jusquagrave ce quenfin devenu semblable agrave lancienmonarque du Pont 101 il savouracirct impuneacutement les poisonsqui navaient plus de force mais qui eacutetaient pour lui unesorte daliment il vivait de ce qui aurait donneacute la mort agrave laplupart des hommes Il devint ainsi lami des esprits desmontagnes il conversait avec les eacutetoiles et avec lamesubtile de lunivers il apprit dans ces confeacuterences lesmagiques mystegraveres de la creacuteation le livre de la nuit paruttout ouvert agrave ses yeux et des voix du noir abicircme luireacuteveacutelegraverent une merveille et un secret--Ainsi soit
9 Mon recircve seacutevanouit il ne moffrit plus dautre tableau
Ceacutetait vraiment fort eacutetrange que le sort de ces deux ecirctreseucirct eacuteteacute traceacute presque comme une reacutealiteacute--eucirct abouti pourlun agrave la folie--pour tous les deux agrave linfortune
Note 99 (retour) Ce preacutetendu recircve de Lord Byron nestcomme on le voit que le souvenir de son premier amourCe jeune homme et cette jeune fille cest lui-mecircme etMarie Chaworth Tous les autres tableaux de ce recircverepreacutesenteront pareillement les principalescirconstances de la vie de lauteur
(N du Tr)
Note 100 (retour) They were canopied by the blue sky
Gilbert a dit
Ciel pavillon de lhomme etc
(N du Tr)
Note 101 (retour) Mithridate roi de Pont
II
LES TEacuteNEgraveBRES
Jeus un recircve qui neacutetait pas tout-agrave-fait un recircve Lastrebrillant du jour eacutetait eacuteteint les eacutetoiles deacutesormais sanslumiegravere erraient agrave laventure dans les teacutenegravebres de lespace
eacuteternel et la terre refroidie roulait obscure et noire dansune atmosphegravere sans lune Le matin venait et sen allait--venait sans ramener le jour les hommes oubliegraverent leurspassions dans la terreur dun pareil deacutesastre et tous lescœurs glaceacutes par leacutegoiumlsme navaient dardeur que pourimplorer le retour de la lumiegravere On vivait pregraves du feu--lestrocircnes les palais des rois couronneacutes--les huttes leshabitations de tous les ecirctres animeacutes tout eacutetait brucircleacute pourdevenir fanal Les villes eacutetaient consumeacutees et les hommesse rassemblaient autour de leurs demeures enflammeacuteespour sentre-regarder encore une fois Heureux ceux quihabitaient sous lœil des volcans et queacuteclairait la torche ducrategravere Il ny avait plus dans le monde entier quune attenteterrible Les forecircts eacutetaient incendieacutees--mais dheure enheure elles tombaient et seacutevanouissaient--les troncs quicraquaient seacuteteignaient avec fracas 102--et tout eacutetait noirLes figures des hommes pregraves de ces feux deacutesespeacutereacutesnavaient plus une apparence humaine quand par hasardun eacuteclair de lumiegravere y tombait Les uns eacutetendus par terrecachaient leurs yeux et pleuraient les autres reposaientleurs mentons sur leurs mains entrelaceacutees et souriaientdautres enfin couraient ccedilagrave et lagrave alimentaient leursfunegravebres bucircchers et levaient les yeux avec une inquieacutetudedeacutelirante vers le ciel sombre dais dun monde aneacuteantipuis avec dhorribles blasphecircmes ils se laissaient roulerpar terre grinccedilaient des dents et hurlaient Les oiseaux deproie criaient aussi et frappeacutes deacutepouvante agitaient dansla poussiegravere leurs ailes inutiles Les becirctes les plusfarouches eacutetaient devenues douces et craintives Les
farouches eacutetaient devenues douces et craintives Lesvipegraveres rampaient et se glissaient parmi la foule ellessifflaient encore mais leur dard ne blessait plus--on tuaitces animaux pour sen nourrir et la guerre qui pour unmoment avait cesseacute deacutevorait de nouveau maintesvictimes--Un repas ne sachetait quau prix du sang etchacun assis agrave leacutecart se rassasiait dans les teacutenegravebresavec une morne gloutonnerie Il ny avait plus damour laterre entiegravere navait plus quune penseacutee--et ceacutetait lapenseacutee de la mort de la mort sans deacutelai et sans gloire Lesangoisses de la famine deacutevoraient toutes les entrailles--leshommes mouraient et leurs ossemens navaient pas detombeau ceux qui restaient encore faibles et amaigris semangeaient les uns les autres les chiens eux-mecircmesattaquaient leurs maicirctres hormis pourtant un seul qui veillaitpregraves dun cadavre et tenait agrave distance les animaux et leshommes affameacutes jusquagrave ce quils tombassent dinanitionou quau bruit de la chute dun nouveau mort ils courussentdeacutechirer de leurs macircchoires deacutecharneacutees les chairs encorepalpitantes quant agrave ce chien fidegravele il ne cherchait point denourriture mais avec un geacutemissement pitoyable et noninterrompu avec un cri aigu de deacutesespoir leacutechant la mainqui ne reacutepondait pas agrave sa caresse--il mourut La faminereacuteduisit par degreacutes le nombre des vivans enfin deuxhabitans dune citeacute immense survivaient seuls et ils eacutetaientennemis ils se rencontregraverent pregraves des tisons expirans dunautel consumeacute ougrave lon avait entasseacute pour un objet profaneun monceau dobjets sacreacutes de leurs mains froides etsegraveches comme celles dun squelette ils remuegraverent etgrattegraverent tout en frissonnant les faibles cendres du foyer
grattegraverent tout en frissonnant les faibles cendres du foyerleur faible poitrine exhala un leacuteger souffle de vie etproduisit une flamme qui eacutetait une vraie deacuterision puis laclarteacute devenant plus grande ils levegraverent les yeux et sentre-regardegraverent--se virent poussegraverent un cri et moururent--ilsmoururent du hideux aspect quils soffrirent lun agrave lautreignorant chacun qui eacutetait celui sur le front duquel la famineavait eacutecrit deacutemon Le monde eacutetait vide lagrave ougrave furent desvilles populeuses et puissantes plus de saison plusdherbe plus darbres plus dhommes plus de vie rienquun monceau de morts--un chaos de miseacuterable argileLes riviegraveres les lacs loceacutean eacutetaient calmes et rien neremuait dans leurs silencieuses profondeurs les naviressans matelots pourrissaient sur la mer leurs macirctstombaient piegravece agrave piegravece chaque fragment apregraves sa chutedormait sur la surface de labicircme immobile--les vagueseacutetaient mortes le flux et reflux aneacuteanti car la lune qui leregravegle avait peacuteri les vents avaient expireacute dans latmosphegraverestagnante et les nuages neacutetaient plus les teacutenegravebresnavaient pas besoin de leur aide--elles eacutetaient lunivers lui-mecircme
Note 102 (retour) Nous avons essayeacute de rendrelharmonie imitative du texte
The crackling trunksExstinguished with a crash
(N du Tr)
III
TOMBEAU DE CHURCHILL 103
FAIT EXACT A LA LETTRE
Jeacutetais pregraves du tombeau de celui qui brilla comme unecomegravete dans son acircge et je vis le plus humble de tous lesseacutepulcres je contemplai non sans un vif chagrin et unprofond respect ce gazon neacutegligeacute et cette pierre paisiblemarqueacutee dun nom aussi effaceacute que les noms inconnusdalentour dont personne ne tente la lecture puis jedemandai au gardien du jardin pourquoi les eacutetrangersinterrogeaient sa meacutemoire sur ce monument agrave travers lesmorts amonceleacutes dun demi-siegravecle et il me reacutepondit--laquoMafoi je ne sais pas du tout pourquoi tant de voyageursviennent en peacutelerinage agrave cette tombe ce mort est ici arriveacuteavant que je fusse concierge et ce nest pas moi qui fiscreuser cette fosseraquo--Est-ce lagrave tout me dis-je en moi-mecircme--deacutechirons-nous le voile de limmortaliteacute voulons-nous je ne sais quel honneur et quelle gloire dans les acircgesencore agrave naicirctre pour endurer un tel outrage si tocirct et simalheureusement--Comme je me parlais ainsilarchitecte de tous ceux que nous foulons aux pieds (car laterre nest quun vaste tombeau) essaya de deacutebrouiller lessouvenirs de cette argile dont la combinaison confondraitla penseacutee dun Newton sil neacutetait pas vrai que la vieterrestre ducirct aboutir agrave une autre dont elle nest que le recircve--
enfin le gardien saisissant pour ainsi dire le creacutepusculedun soleil coucheacute me dit ces mots--laquoJe crois quelhomme dont vous vous informez et qui gicirct dans cettetombe choisie fut un tregraves-fameux eacutecrivain de son tems etles voyageurs seacutecartent de leur route pour lui payer untribut dhommages--et payer ma peine de ce quil plaira agravevotre honneurraquo--Alors tout content je tirai du coin avare dema poche quelques piegraveces dargent que je donnaipresque par force agrave cet homme quoiquil eucirct eacuteteacute fortinconvenant deacutepargner cette deacutepense--vous souriez je levois hommes profanes pendant tout mon reacutecit parce quema plume grossiegravere vous peint la veacuteriteacute toute nue Cest devous quil faut rire et non de moi--car je restai avec unepenseacutee profonde et avec un œil attendri sur la phrase duvieux concierge sur cette homeacutelie naturelle ougravecontrastaient lobscuriteacute et la gloire leacuteclat et le neacuteant dunnom
Note 103 (retour) Charles Churchill poegravete satirique neacuteen 1731 mort en 1764 Il publia plusieurs poegravemesremarquables par une raillerie fine et mordanteentrautres la Rosciade la Nuit lEsprit etc
(N du Tr)
IV
PROMEacuteTHEacuteE
1 Titan dont les immortels regards ne virent pas lessouffrances de la race mortelle dans leur affreuse reacutealiteacuteavec le froid meacutepris des dieux quelle fut la reacutecompense deta pitieacute un horrible supplice en silence souffert un rocherun vautour une chaicircne tout ce que les ames fiegraveres sententde peine lagonie quelles ne veulent pas montrer cetaccablant sentiment de misegravere qui renferme sa voix en lui-mecircme qui craint de rencontrer dans les airs quelque oreilleattentive agrave sa plainte qui retient ses soupirs tant quuneacutecho pourrait y reacutepondre
2 Titan agrave toi fut donneacute de soutenir un combat cruel entre lasouffrance et la volonteacute veacuteritable torture de lecirctre quil nepeut tuer Le ciel inexorable la sourde tyrannie du destince souverain principe de haine qui creacutee pour son plaisir cequil pourrait aneacuteantir te refusa jusquagrave la faveur de mourirLe don fatal deacuteterniteacute fut ton lot--et tu las bien supporteacuteTout ce que le maicirctre du tonnerre tarracha ce fut lamenace qui rejeta sur lui les tourmens de ton supplice tupreacutevoyais la destineacutee mais tu ne voulus pas dire un motpour apaiser ton perseacutecuteur dans ton silence fut son arrecirctdans son ame un vain repentir et une crainte funeste quilsut si mal dissimuler que les foudres en sa maintremblegraverent
3 Ton divin crime fut decirctre bon de diminuer par tesenseignemens la somme de lhumaine misegravere de faire
puiser agrave lhomme sa force dans son esprit Mais puni denhaut comme tu le fus cest encore toi qui par ton eacutenergiepatiente par ta constance par les refus de ton ameinflexible que la terre et le ciel ne purent eacutebranler nous asleacutegueacute une leccedilon puissante Tu es aux mortels un symbole etun signe de leur destin et de leur force comme toilhomme est en partie divin une onde troubleacutee descenduedune source pure lhomme peut en partie preacutevoir safunegravebre destineacutee sa misegravere sa reacutesistance son existencetriste et isoleacutee--mais son ame peut opposer sa force agravetous les maux--peut opposer une volonteacute ferme et uneintelligence profonde qui mecircme au sein des torturesdeacutecouvrent leur propre reacutecompense en elles-mecircmes soname triomphe degraves quelle ose porter le deacutefi et soudain ellefait de la mort une victoire
V
MONODIE
SUR LA MORT DU TRES-HONORABLE R BRINSLEY SHEacuteRIDANPRONONCEacuteE AU THEacuteAcircTRE DE DRURY-LANE
Quand les derniers rayons du soleil couchant se perdentdans les ombres dun creacutepuscule deacuteteacute quel homme napas senti le doux charme de cette heure se reacutepandre dans
le cœur comme la roseacutee sur les fleurs Qui na eacuteteacuteabsorbeacute dun sentiment pur et auguste tandis que la naturefait cette pause meacutelancolique et quelle exhale son derniersoupir sur cette arche sublime que le tems a jeteacutee entre lalumiegravere et les teacutenegravebres Qui na partageacute ce calme sipaisible et si profond la muette penseacutee qui ne peutsexprimer quen pleurs une sainte harmonie--un vif regretune sympathie glorieuse avec lastre qui seacutevanouit Cenest pas un deuil cruel--mais une peine douce sans nomchegravere aux cœurs bien neacutes dici bas sentie sansamertume--un attendrissement complet et candide uneheureuse tristesse--une larme transparente pure deschagrins du monde ou des souillures de leacutegoiumlsme larmeverseacutee sans honte larme secregravete sans douleur cuisante
Semblable agrave lattendrissement que nous inspire un jourdeacuteteacute seacutevanouissant derriegravere les collines une doucemeacutelancolie remplit notre cœur et fait couler nos larmeslorsque la mort frappe le geacutenie et aneacuteantit tout ce qui en luieacutetait mortel Un esprit puissant sest eacuteclipseacute--un astre apasseacute du jour dans les teacutenegravebres--astre qui agrave son heure delumiegravere fut sans eacutegal--sans nom digne de lui--foyeruniversel de tous les rayons de la gloire eacuteclairs despritsplendeur dintelligence flammes de poeacutesie feuxdeacuteloquence tout a disparu avec le soleil qui en eacutetait lasource--mais il nous reste encore les durables productionsdun geacutenie immortel les fruits dune joyeuse aurore et dunmidi glorieux impeacuterissable portion de celui qui peacuterit troptocirct Mais ce nest quune petite partie dun tout merveilleux
ce ne sont que des segmens du disque eacutetincelant de cetteame qui embracircsait tout--eacuteclairait tout pour eacutegayer--toucher--plaire--ou eacutepouvanter Du conseil que sa raisoncharmait agrave la table quanimait sa gaicircteacute ceacutetait le souverainmaicirctre des cœurs les voix les plus illustreslapplaudissaient agrave lenvi les hommes combleacutes delouanges--les hommes remplis dorgueil--senorgueillissaient agrave le louer Lorsque lHindostan opprimeacutepoussa un cri aigu pour en appeler de lhomme au ciel 104cest lui qui fut le tonnerre--la verge vengeresse--lacolegravere--la voix de Dieu lui-mecircme qui eacutebranla les nationspar la bouche de ce mandataire choisi--et tonna jusquagrave ceque les seacutenats tremblans eussent obeacutei en admirant et icimecircme ici dans cette salle les riantes creacuteations de songeacutenie vous charmeront encore tout eacutechauffeacutees du feu de lajeunesse ce dialogue incomparable--ces sailliesimmortelles qui ne savaient pas tarir ces eacutetincelansportraits frais de vie qui portent dans notre cœur la veacuteriteacuteougrave ils ont pris leur source ces ecirctres merveilleux enfans deson imagination eacuteclos du neacuteant agrave une soudaine perfectionpar la volonteacute creacuteatrice de sa penseacutee 105 cest ici questleur premiegravere patrie cest ici que vous pouvez les revoiranimeacutes encore de la chaleur vitale que leur donna cenouveau Promeacutetheacutee Lumineuse aureacuteole qui trahit lasplendeur du disque eacuteclipseacute
Note 104 (retour) Voir Fox Burke Pitt unanimes agravelouer le discours de Sheacuteridan sur les chefs daccusationarticuleacutes contre M Hastings dans la Chambre des
Communes M Pitt pria la Chambre dajourner laffaireafin de consideacuterer la question avec plus de calme que nele permettait leffet immeacutediat de ce discours
Note 105 (retour) Il y a dans le texte laquoBy the fiat of histhoughtraquo mot agrave mot par le fiat de sa penseacutee Cest uneallusion au fiat lux de la Genegravese Avons-nous eu tort dereculer devant la version litteacuterale
(N du Tr)
Mais sil est des hommes agrave qui leacutechec fatal de la sagesseentraicircneacutee par lerreur doive procurer une basse jouissancesil est des hommes qui triomphent de joie lorsquune voixceacuteleste deacutetonne au milieu du chœur pour lequel elle estneacutee je leur commande le silence--Ah combien ils saventpeu que ce qui leur semblait vice meacutetait peut-ecirctre quemalheur Dure est la destineacutee de celui sur qui les regardspublics sont agrave jamais fixeacutes pour le blacircme ou pour lalouange Le repos se refuse agrave son nom et le vulgaire seplaicirct au spectacle du martyre dune grande renommeacuteeLennemi secret dont lœil ne sendort jamais et qui se faitsentinelle--accusateur--juge--espion le rival--le sot--lejaloux--et le vaniteux lenvieux enfin qui ne respirelibrement que dans la peine dautrui voilagrave une armeacutee dedeacutetracteurs qui poursuit la gloire jusques au tombeau quiguette les fautes dont un geacutenie hardi doit la moitieacute agrave sonardeur native qui deacutefigure la veacuteriteacute amasse le mensongeet bacirctit la pyramide de la calomnie Tel est le partage delhomme public--mais si par surcroicirct dinfortune la maigrepauvreteacute se ligue agrave la maladie deacutevorante si le geacutenie doit
oublier son vol eacuteleveacute et descendre agrave terre pour combattrela misegravere qui assieacutege sa porte pour adoucir dindignesfureurs--rencontrer face agrave face une rage sordide et luttercontre la disgracircce pour ne trouver dans lespeacuterance queles caresses les embrassemens nouveaux dun serpentqui lui reacuteserve de nouvelles perfidies si tels peuvent ecirctreles maux qui assaillent les hommes est-ce donc chosemerveilleuse quenfin les plus puissans succombent Lesecirctres agrave qui fut deacutepartie toute la force du sentiment portentun cœur eacutelectrique--surchargeacute du feu ceacuteleste noir derudes froissemens inteacuterieurement deacutechireacute environneacute denuages entraicircneacute par louragan porteacute sur la neacutebuleuseatmosphegravere source de ces penseacutees qui tonnent--eacuteclairent--et foudroient Mais loin de nous et de notrescegravene comique doivent ecirctre de telles images--si toutefoiselles ont eu quelque reacutealiteacute Accomplissons ici un plustendre deacutesir une tacircche plus douce payons agrave la gloire letribut quelle na pas besoin de reacuteclamer pleurons lastreeacutevanoui--et apportons notre grain dencens pour prix dunlong plaisir Vous orateurs que nos conseils possegravedentencore pleurez le heacuteros veacuteteacuteran de vos champs debataille le digne rival de ladmirable Triniteacute 106 lhommedont les paroles eacutetaient des eacutetincelles dimmortaliteacute Vouspoegravetes agrave qui la muse du drame est chegravere il eacutetait votremaicirctre--rivalisez ici avec lui Vous hommes desprit et deconversation eacuteloquente il eacutetait votre fregravere--emportez sescendres dici Tant que nous admirerons ces talensdimmense porteacutee aussi parfaits que varieacutes tant que nous
sentirons leacuteloquence--lesprit--la poeacutesie--et la bonnehumeur dont lharmonie plus humble charme les ennuisdici-bas tant que nous serons fiers de la noblepreacuteeacuteminence du meacuterite nous chercherons long-tems ungeacutenie pareil--et chercherons en vain nous nous tourneronsvers tout ce qui nous reste de lui en regrettant que lanature nait formeacute quun seul homme de cette trempe etquelle ait briseacute son moule--en y jetant Sheacuteridan
Note 106 (retour) Fox--Pitt--Burke
VI
ADRESSE
PRONONCEacuteE A LOUVERTURE DU THEacuteATRE DE DRURY-LANEsamedi 10 octobre 1812
Dans une nuit horrible notre citeacute vit et pleura le palais de lamuse du drame reacuteduit de fond en comble en cendres enmoins dune heure les flammes deacutevoregraverent le templeApollon tomba et Shakspeare cessa de reacutegner
Vous qui contemplacirctes ce spectacle admirable et tristedont leacuteclat insultait agrave la ruine qui en fut illumineacutee vous quivicirctes les fragmens massifs du monument au milieu desnuages de feu chasser du ciel la nuit comme autrefois la
colonne dIsraeumll 107 qui vicirctes la longue pyramide desflammes tournoyantes agiter son ombre rougeacirctre sur laTamise eacutepouvanteacutee la foule presseacutee autour de lincendiefrissonner deffroi et trembler pour ses propres demeuresagrave mesure que le deacutesastre saccroissait et reacutepandait dansles airs la lumiegravere funegravebre deacuteclairs aussi terribles que ceuxde la foudre qui vicirctes enfin les cendres noires et un mursolitaire occuper le royaume des muses et en signaler lachute dites--cet eacutedifice nouveau et non moins ambitieuxconstruit ougrave fut naguegravere leacutedifice le plus puissant de notreicircle jouira-t-il de la mecircme faveur que le premier ce templevoueacute agrave Shakspeare--sera-t-il digne de lui et de vous
Note 107 (retour) La colonne de feu qui guidait pendantla nuit le peuple israeacutelite agrave sa sortie dEacutegypte
(N du Tr)
Oui--il le sera--la magie dun pareil nom deacutefie la faux dutems la torche de lincendie deacutedie encore le mecircme lieuaux jeux de la scegravene et commande au drame decirctre lagrave ougrave ila deacutejagrave eacuteteacute La naissance de ce monument atteste lapuissance du charme--favorisez notre honorable orgueilet dites cest tregraves-bien 108
Note 108 (retour) How well combien bien cest le cridacclamation correspondant agrave notre bravo
(N du Tr)
Ainsi que ce temple seacutelegraveve pour eacutegaler lancien ainsipuissions-nous du passeacute tirer nos preacutesages puisse uneheure propice agrave nos priegraveres senorgueillir de noms tels queceux qui consacrent agrave jamais le souvenir du theacuteacirctre deacutetruitCest agrave lancien Drury que lart touchant de votre Siddons109 foudroya les cœurs sensibles agita les cœurs les plusseacutevegraveres cest agrave Drury que grandirent les derniers lauriersde Garrick cest ici que le moderne Roscius fit couler voslarmes pour la derniegravere fois soupira ses derniersremerciemens et vous adressa lœil en pleurs sesderniers adieux Mais pour les talens vivans peuventencore fleurir ces couronnes dont les parfums sexhalenten pure perte sur une tombe Ce que Drury reacuteclama jadis ille reacuteclame encore--ne refusez pas le tribut neacutecessaire agrave lareacutesurrection de sa muse qui sommeille Ornez deguirlandes la tecircte de votre Meacutenandre et nallez pasinutilement reacuteserver tous vos honneurs pour les morts
Note 109 (retour) Ceacutelegravebre actrice sœur des Kemble
(N du Tr)
Bien chers nous sont les jours qui donnegraverent tant de lustre agravenos annales avant que Garrick disparucirct ou que Brinsley110 cessacirct deacutecrire Heacuteritiers de leurs travaux noussommes aussi vains de nos ancecirctres que le sont desleurs les heacuteritiers dun noble sang Tandis quainsi lesouvenir emprunte le miroir de Banquo 111 pour reacuteclamerces ombres couronneacutees agrave mesure quelles passent tandis
que nous tenons cette glace magique qui repreacutesente lesnoms immortels graveacutes sur notre arbre geacuteneacutealogiqueheacutesitez--avant de condamner leurs faibles descendanssongez combien il est difficile deacutegaler de tels rivaux
Note 110 (retour) Sheacuteridan
(N du Tr)
Note 111 (retour) Voir le Macbeth de Shakspeare
(N du Tr)
Amis du theacuteacirctre vous de qui comeacutediens et comeacutediesdoivent solliciter un pardon ou un eacuteloge juges suprecircmesdont la voix et le regard usent du pouvoir illimiteacute dapplaudirou de rejeter si jamais la licence conduisit agrave la renommeacuteeet nous mit dans le cas de rougir de ce que vous aviezcesseacute de blacircmer si jamais le theacuteacirctre deacutegradeacute putsabaisser agrave flatter un goucirct deacutepraveacute quil nosait corrigerpuissent les scegravenes preacutesentes reacutepondre agrave tous lesreproches passeacutes et reacuteduire agrave un juste silence lesclameurs dune sage censure Oh puisque vous mettez ledernier sceau aux lois du drame ne vous jouez plus denous en applaudissant mal agrave propos alors une noble fierteacutedoublera les forces de lacteur et la voix de la raison auraun eacutecho dans la nocirctre
Apregraves cette adresse solennelle apregraves laccomplissementde lantique regravegle apregraves ce tribut dusage que la muse dudrame a payeacute par la bouche de son heacuteraut recevez aussi
nos complimens de bienvenue complimens qui partent denos cœurs et voudraient bien gagner les vocirctres Le rideause legraveve--puisse notre theacuteacirctre vous offrir des scegravenes dignesdes anciens jours de Drury-Lane Puissions-nous toujoursecirctre agreacuteeacutes et des Bretons nos juges et de la naturenotre guide--et vous puissiez-vous long-tems preacutesider agravenos fecirctes
VII
ODE A VENISE 112
Note 112 (retour) On entend ordinairement par ode unpoegraveme diviseacute en strophes ou stances de mecircme nombrede vers et de mecircme rythme Cette apostrophe agrave Venisenest donc pas une ode sous le rapport de laversification mais elle en meacuterite bien le nom si lon aeacutegard agrave la magnificence de poeacutesie qui sy deacuteploie
(N du Tr)
O Venise Venise lorsque tes murs de marbre seront deniveau avec les ondes alors les nations pousseront un crisur tes palais submergeacutes et une lamentation bruyante seprolongera sur les flots qui tengloutiront Si moi voyageurdu nord je pleure pour toi que devraient faire tes enfans--Ne devraient-ils que pleurer--et pourtant ils ne murmurentque dans leur sommeil Quils ressemblent peu agrave leurs
que dans leur sommeil Quils ressemblent peu agrave leurspegraveres--Ce que la vase le sable verdacirctre laisseacute agrave nu par laretraite de la mer est aux vagues eacutecumantes de la hautemareacutee qui jette le matelot naufrageacute jusquau bord de sademeure voilagrave ce que les hommes daujourdhui sont auxhommes dautrefois ils se traicircnent en rampant comme lecrabe agrave travers les ruines de leurs antiques rues Ohdeacutesespoir--tant de siegravecles ne pas recueillir de meilleursfruits Treize cents ans de richesse et de gloire ont abouti agravela poussiegravere et aux larmes tous les monumens queleacutetranger rencontre eacuteglises palais colonnes laccueillentavec un air de deuil le lion lui-mecircme paraicirct tout abattu et letambour barbare aux sons acircpres et discords reacutepegravetechaque jour comme un sombre eacutecho la voix de ton tyran lelong de ces ondes paisibles charmeacutees jadis du chantharmonieux qui seacutelevait au clair de la lune de mille et millegondoles--charmeacutees de lactif bourdonnement decirctresjoyeux dont les plus coupables actions neacutetaient que lafiegravevre du cœur et le deacutebordement dun bonheur trop grandqui a besoin du secours de lacircge pour isoler son cours dece voluptueux torrent de douces sensations luttant sanscesse avec le sang Mais cela vaut mieux que les mornesorgies le deuil des nations agrave leur deacuteclin alors le vicepromegravene partout ses irreacutemeacutediables terreurs la gaicircteacute nestque rage et ne sourit que pour tuer lespoir nest rien quundeacutelai trompeur eacuteclair de lhomme malade une demi-heureavant le treacutepas Ainsi la deacutefaillance derniegravere source despeines mortelles et la torpeur des membres sombre deacutebutde la mort dans sa froide et vacillante carriegravere se glissentde veine en veine et savancent agrave chaque battement du
de veine en veine et savancent agrave chaque battement dupouls neacuteanmoins cest un tel soulagement pour largileeacutepuiseacutee de souffrances que le moribond y voit lerenouvellement de ses esprits et se croit libre lorsquil nestquengourdi par le poids de sa chaicircne--lors il se met agraveparler de vie--de ses forces quil sent revenir--peu agrave peuet de lair plus frais dont il voudrait jouie mais comme ilmurmure ces mots il ne sait pas quil respire agrave peine queson doigt effileacute ne sent plus ce quil touche cependant unvoile tombe sur ses yeux--la chambre chancelante tournetourne autour de lui--des ombres rapides que sa mainveut en vain arrecircter paraissent et disparaissent--enfin ledernier racircle eacutetouffe sa voix suffoqueacutee tout est glace etteacutenegravebres--et la terre ce quelle fut avant lheure de notrenaissance
Nul espoir pour les nations--Interrogez les chroniques demille et mille anneacutees--Que nous ont appris ces scegravenesjournaliegraveres ce flux et reflux deacuteveacutenemens rameneacutes parchaque siegravecle cet eacuteternel retour de ce qui a eacuteteacute rien oupeu Toujours nous nous appuyons sur choses quipourrissent sous notre pied et nous usons notre force enluttant contre lair car cest notre propre nature qui nous faitchoir les brutes agrave toute heure immoleacutees pour nos fecirctessont dun ordre aussi eacuteleveacute--elles vont partout ougrave lespousse laiguillon de leur guide mecircme agrave la sanglanteheacutecatombe et vous hommes qui pour les rois versez votresang comme leau quest-ce que vos enfans ont reccedilu enrevanche un heacuteritage de servitude et de misegraveres unesclavage aveugle dont les coups sont lunique paiement
Quoi donc ne vois je pas les socs de vos charrues rougirdune chaleur brucirclante Ny chancelez-vous pas dans uneeacutepreuve perfide vous qui croyez cela une preuve reacuteelle dela loyauteacute baisez la main qui vous guide aux tortures vousfaites gloire de marcher sur les barres en feu Tout ce quevos pegraveres vous ont laisseacute tout ce que le tems vous legraveguede liberteacute et lhistoire de sublime sort dune sourcediffeacuterente--Vous regardez et lisez vous admirez etgeacutemissez puis vous succombez et perdez votre sangSauf ces esprits en petit nombre qui en deacutepit de tous lesobstacles reacuteels et imaginables engendregraverent soudain lescrimes en foudroyant les murs de la prison qui voulurentboire agrave longs traits les douces ondes offertes par laliberteacute--alors que la multitude dont les siegravecles ont changeacutela soif en rage se soulegraveve en criant alors que les hommesseacutecrasent les uns les autres pour obtenir la coupe ougrave ilspuissent trouver loubli de la chaicircne lourde et douloureuse--qui long-tems les attacha au joug de la charrue sur un soldont les jaunes eacutepis neacutetaient pas pour eux (car leurs tecircteseacutetaient trop courbeacutees et leurs palais inanimeacutes neruminaient que la douleur)--oui sauf ces esprits en petitnombre qui en deacutepit des forfaits quils abhorrent neconfondent pas la sainteteacute de leur cause avec cesbouleversemens momentaneacutes des lois de la naturebouleversemens qui comme la peste et les volcans nefrappent que pour un tems puis seacuteteignent et laissent lecours ordinaire des saisons reacuteparer en quelques eacuteteacutes lesdommages de la terre la repeupler de villes et degeacuteneacuterations--belles quand elles sont libres--car sous toi ocirc
tyrannie rien ne peut jamais fleurir
Gloire empire liberteacute--ocirc triniteacute divine--ces tours furentjadis votre sieacutege A lheure ougrave Venise fut un objet denvie laligue des plus puissantes nations put abaisser son nobleorgueil mais non laneacuteantir--tout fut entraicircneacute dans sa ruineles monarques inviteacutes agrave ses fecirctes connaissaient etaimaient leur magnifique hocirctesse ils ne pouvaientsapprendre agrave la haiumlr quelque humilieacutes quils fussent--lafoule des humains pensait comme les rois Venise recevaitles hommages du voyageur de tous les jours et de tous lesclimats--ses crimes eux-mecircmes naissaient de la source laplus douce--de lamour elle ne buvait point le sang nesengraissait point de cadavres mais portait la joie partoutougrave seacutetendaient ses innocentes conquecirctes car elle relevaitla croix gui den haut sanctifiait les banniegraveres protectricesincessamment flottantes entre la Terre et le Croissantprofane si ce croissant a pacircli et deacuteclineacute le monde peut enrendre gracircces agrave la citeacute quil a chargeacutee de chaicircnes dontmaintenant le bruit retentit aux oreilles des peuples quidoivent le nom de liberteacute agrave tant de glorieux effortscependant Venise partage avec eux une misegravere communeelle se nomme laquole royaumeraquo dun conqueacuterant ennemi ellesait ce que tous--ce que nous plus que tous les autres nesavons que trop bien avec quels termes doreacutes un tyranamuse ses esclaves
Le nom de reacutepublique a disparu sur les trois parties duglobe geacutemissant Venise est abattue la Hollande daigne
reconnaicirctre un sceptre et souffre le manteau de pourpre Sila Suisse seule est libre encore et jouit sans entraves deses montagnes ce nest que pour un tems car de nosjours la tyrannie est devenue fine et dans ses heures detriomphe eacutetouffe sous ses pieds les eacutetincelles de noscendres Une grande contreacutee seacutepareacutee de nous parlOceacutean nourrit une race vigoureuse dans lamour de laliberteacute pour laquelle leurs pegraveres ont combattu et quils leuront leacutegueacutee--heacuteritage dorgueil et de bravoure nobledistinction davec toute autre terre dont les enfans doiventfleacutechir le genou au greacute dun monarque comme si sonsceptre insensible fucirct une baguette doueacutee du magiquepouvoir de la science occulte--Oui une grande contreacuteebravant le despotisme legraveve encore ses drapeaux invaincuset sublimes par delagrave lAtlantique--Elle a montreacute agrave unenation trop fiegravere de son droit daicircnesse que le pavillonhautain dAlbion peut baisser devant ceux dont les eacutepeacuteesont conquis des franchises que le sang ne paie pas tropcher Oui certes mieux vaudrait le sang de tout hommefucirct-il une riviegravere mieux vaudrait quil coulacirct agrave pleins bords etmecircme deacutebordacirct que de languir dans nos veines oisivesde stagner comme dans un canal fermeacute de verroux et dechaicircnes davancer comme un malade endormi trois paspuis sarrecircter--mieux vaut ecirctre lagrave ougrave les Spartiatesmassacreacutes sont encore libres dans le noble charnier desThermopyles que de croupir dans nos marais--ou bien ilfaut fuir sur labicircme azureacute et ajouter un courant agrave lOceacuteanune ame aux ames de nos pegraveres et agrave toi Ameacuterique unhomme libre de plus
laquoExpende Annibalem--quot libras in duce summoInvenies--raquo
(Juveacuten Sat X)
VIII
ODE A NAPOLEacuteON BUONAPARTE 113
Note 113 (retour) Lempereur Neacutepos fut reconnu par leseacutenat par les Italiens et par les provinces de la Gauleses qualiteacutes morales et ses talens militaires furenthautement ceacuteleacutebreacutes et ceux qui tiraient de songouvernement quelque avantage particulier annoncegraverenten chants propheacutetiques la restauration de la feacuteliciteacutepublique
Par cette honteuse abdication il prolongea sa vie dequelques anneacutees dans une position eacutequivoque tout agrave lafois empereur et exileacute jusquagrave ce que--raquo
(Gibbon Deacutecadence et chute etc)
1 Cen est fait--mais hier encore tu eacutetais roi et les armesen main tu combattais contre les rois--maintenant il ny apas de nom qui te convienne te voilagrave si bas--et tu visencore Est-ce lagrave lhomme aux mille trocircnes qui jonchaitnotre terre dossemens ennemis et peut-il ainsi se
survivre agrave lui-mecircme Depuis celui que nous appelonssans raison du nom de leacutetoile du matin 114 nul mortel nuldeacutemon nest tombeacute de si haut
Note 114 (retour) Lucifer nom du chef des deacutemons estdans la mythologie paiumlenne et dapregraves son etymologie(Lucem fero) leacutetoile de Venus quand elle preacutecegravede etannonce le lever du soleil
(N du Tr)
2 Homme mal inspireacute pourquoi te fis-tu le fleacuteau de tessemblables qui sagenouillaient devant toi Devenuaveugle agrave force de te contempler toi-mecircme tu appris agrave voirau reste du monde Maicirctre souverain du pouvoir--tu naslaisseacute pour don unique que le tombeau agrave ceux quitadoraient et jusquagrave lheure de ta chute les humains nepurent deviner combien lambition a de bassesse
3 Rendons gracircces au ciel pour une telle leccedilon--elleinstruira les guerriers agrave venir plus que tous les discours dela haute philosophie discours si vains jusquagrave ce jour Lecharme qui fascinait lesprit des hommes est deacutesormaisrompu pour ne plus renaicirctre charme qui forccedilait dadorerces idoles de lempire du sabre ces colosses au frontdairain et aux pieds dargile
4 Le triomphe et la vaniteacute lenivrement du combat 115 lavictoire dont la voix eacutebranle la terre et qui pour toi eacutetait lesouffle de vie leacutepeacutee le sceptre et ce pouvoir sous le joug
duquel lhomme ne semblait fait que pour obeacuteir et aveclequel la renommeacutee fut ligueacutee--tout est aneacuteanti--Esprit deteacutenegravebres quelle doit ecirctre la rage de ton souvenir
Note 115 (retour) Certaminis gaudia expression dAttiladans sa harangue agrave son armeacutee avant la bataille deChacirclons harangue donneacutee par Cassiodore
5 Le deacutesolateur est enfin deacutesoleacute le vainqueur renverseacutelarbitre de la destineacutee dautrui supplie pour la siennepropre Y a-t-il encore quelque espeacuterance impeacuteriale quipuisse lutter avec calme contre un tel changement oubien est-ce la seule crainte de la mort Mourir prince--ouvivre esclave--ton choix est lacircchement courageux
6 Cet athlegravete 116 qui jadis voulut rompre un checircne nesongea pas au redressement eacutelastique des fragmenssaisi par larbre quil avait en vain briseacute--solitaire--quelsregards jetait-il alentour Toi dans lorgueil de ta force tuas fait enfin une imprudence eacutegale et tu as rencontreacute undestin plus sombre lui il fut la proie des hocirctes farouchesdes forecircts mais toi tu devras deacutevorer ton cœur
Note 116 (retour) Milon
7 Un Romain 117 dont le cœur brucirclant seacutetait deacutesalteacutereacutedans le sang de Rome jeta loin de lui le poignard--osapar une grandeur sauvage quitter lempire pour ses foyersdomestiques Il osa quitter lempire avec un suprecircmedeacutedain des hommes qui avaient supporteacute un tel joug et qui
le laissegraverent toutefois jouir en paix de son sort Sa seulegloire fut cette heure ougrave il abandonna de plein greacute lepouvoir dont il seacutetait empareacute
Note 117 (retour) Sylla
8 Le monarque espagnol 118 quand le plaisir de lapuissance eut perdu la vivaciteacute de son charme rejeta sescouronnes pour des rosaires son empire pour une cellulecalculateur exact des grains de son chapelet subtilargumentateur sur des articles de foi il amusa bien safolie pourtant il eucirct mieux fait de ne jamais connaicirctre ni lereliquaire du bigot ni le trocircne du despote
Note 118 (retour) Charles-Quint
9 Mais toi--cest malgreacute tes efforts que la foudre a eacuteteacutearracheacutee de tes mains--trop tard tu quittes la hautepuissance agrave laquelle saccola ta faiblesse Quoique tu soisun ange de malheur cest assez pour nacircvrer notre cœurque de voir le tien sans nerf que de songer que le mondechef-dœuvre de Dieu a servi de marchepied agrave un ecirctre sivil
10 Et la terre a prodigueacute son sang pour celui qui peut ainsimeacutenager le sien Et les monarques devant lui ont fleacutechileurs genoux tremblans lui ont rendu gracircces pour un trocircneCeacuteleste liberteacute combien nous devons te cheacuterir lorsque tesplus puissans ennemis ont ainsi teacutemoigneacute leur crainte dansla plus humble attitude Oh puisse aucun tyran ne laisser
jamais un nom plus brillant qui eacuteblouisse le genre humain
11 Tes forfaits sont eacutecrits dans le sang et non eacutecrits envain--tes triomphes ne parlent plus de gloire ou plutocirct ilsgrossissent la tache de ton honneur--Si tu eacutetais mortcomme meurt le courage peut-ecirctre un nouveau Napoleacuteonviendrait-il encore une fois deacuteshonorer le monde--mais quivoudrait seacutelancer jusquagrave la hauteur du soleil pour tomberensuite dans une nuit si noire
12 Mise dans la balance la poussiegravere du heacuteros na pasplus de valeur que largile vulgaire Leacutequilibre ocirc humaniteacuteest le mecircme pour tous les treacutepasseacutes Mais pourtant jecroyais que le grand homme vivant eacutetait animeacute dequelques eacutetincelles plus nobles pour eacuteblouir et poureacutepouvanter et je nimaginais pas que le meacutepris pucirct ainsi sejouer de ces conqueacuterans de la terre
13 Et ta fianceacutee triste fleur de lorgueilleuse Autricheprincesse encore impeacuteriale comment son cœur supporte-t-il lheure de tourment Attache-t-elle ses pas agrave ton coteacuteDoit-elle aussi courber la tecircte partager le repentir tardif etle long deacutesespoir de lhomicide deacutetrocircneacute Ah si elle taimetoujours conserve avec soin ce diamant qui vaut bien tacouronne eacutevanouie
14 Hacircte maintenant ta course vers ton icircle maudite et fixeton regard sur la mer cet eacuteleacutement peut rencontrer tonsourire il ne fut jamais gouverneacute par toi Ou bien de ta
main oisive trace nonchalamment sur le sable que la terreest agrave preacutesent aussi libre que loceacutean et que le peacutedagoguede Corinthe 119 ta deacutesormais transfeacutereacute son proverbe
Note 119 (retour) Denis le jeune apregraves avoir eacuteteacute chasseacutede Syracuse par Timoleacuteon passe pour secirctre fait maicirctredeacutecole agrave Corinthe Il fut toujours citeacute comme un exemplemeacutemorable de linstabiliteacute des choses humaines laquoTantacircmutatione majores natu ne quis nimis fortunaelig crederetmagister ludi factus ex tyranno docuitraquo (Valer Max VI9) Philippe ayant eacutecrit dun ton menaccedilant auxLaceacutedeacutemoniens ceux-ci ne lui firent dautre reacuteponse quecette phrase passeacutee en proverbe Denis agrave Corinthe
(N du Tr)
15 Timour te voilagrave donc agrave ton tour dans la cage de tonprisonnier 120 Quels pensers seront les tiens Dans tarage captive tu ne nourriras quune ideacutee une seule--laquoLemonde fut agrave moiraquo A moins pourtant que tu naies le sort dusouverain de Babylone 121 que tu ne perdes tout sentimentavec le sceptre que les liens de la vie ne retiennent pasplus long-tems cet esprit si ambitieux--si long-tems obeacutei--de si peu de valeur
Note 120 (retour) Cage ougrave Bajazet fut enfermeacute parlordre de Tamerlan--ou Timour
Note 121 (retour) Nabuchodonosor changeacute en bœuf
16 Ou comme celui 122 qui deacuteroba le feu du ciel feras-tu
tecircte au choc partageras-tu avec ce miseacuterable qui nobtintjamais de pardon son vautour et son rocher Damneacute deacutejagravepar Dieu--maudit par lhomme la derniegravere scegravene de tondrame sans ecirctre la plus coupable a eacuteteacute larchi-riseacutee 123 dudeacutemon Satan dans sa chute garda sa fierteacute et sil eucirct eacuteteacutemortel cest avec la mecircme fierteacute quil serait mort
Note 122 (retour) Promeacutetheacutee
Note 123 (retour) Arch mock Allusion aux vers deShakspearelaquoThe fiends arch mock--To tip a wanton and suppose her chaste--raquo
IX
ODE TRADUITE DU FRANCcedilAIS 124
Note 124 (retour) Voir la premiegravere note de lOde agraveVenise
Nous ne connaissons pas le texte original de cettepreacutetendue traduction
(N du Tr)
Nous ne te maudissons pas Waterloo quoique le sang dela liberteacute ait arroseacute tes plaines ce sang fut verseacute sur un solougrave il ne sabicircma pas il jaillit de chaque blessure comme la
trombe seacutelegraveve de loceacutean et dun mouvement vigoureux etde plus en plus rapide il seacutelance et se mecircle dans lairavec celui de linfortuneacute Labeacutedoyegravere--avec celui duguerrier dont la tombe honoreacutee renferme le plus braveentre les braves 125 Il samoncelle en nuages rouges defeu mais il retombera sur la terre dont il sest eacuteleveacute quandla mesure sera comble lorage eacuteclatera--jamais naura eacuteteacuteentendu tonnerre pareil au tonnerre qui alors frappera lemonde de surprise--jamais naura eacuteteacute vu eacuteclair pareil agraveleacuteclair qui alors brillera sur la voucircte ceacuteleste Telle leacutetoiledabsinthe preacutedite par le saint prophegravete des anciens joursfera pleuvoir sur la terre un deacuteluge de feu et changera lesriviegraveres en sang 126
Note 125 (retour) Le mareacutechal Ney prince de laMoskowa
(N du Tr)
Note 126 (retour) Voir lApocalypse ch VII verset 7etc laquoLe premier ange sonna de la trompette et ilsensuivit de la grecircle et des flammes mecircleacutees agrave du sangetcraquo
Verset 8 laquoEt le second ange sonna de la trompette et ilsembla quune grande montagne de feu fucirct jeteacutee dans lamer et le tiers de la mer devint sang etcraquo
Verset 10 laquoEt le troisiegraveme ange sonna de la trompetteet il tomba du ciel une grande eacutetoile brucirclant comme unetorche et elle tomba sur le tiers des riviegraveres et sur lessources des eauxraquo
Verset 11 laquoEt le nom de leacutetoile est Absinthe et le tiersdes eaux devint absinthe et plusieurs hommesmoururent des eaux qui eacutetaient devenues amegraveresraquo
Le heacuteros est tombeacute mais non par vous vainqueurs deWaterloo Tant que le soldat citoyen ne commanda agrave sesconcitoyens--que pour les guider sur les champs debataille ougrave la gloire souriait au fils de la liberteacute--qui doncparmi tous les despotes ligueacutes lutta contre le jeune heacuterosqui put se vanter davoir vaincu la France avant que latyrannie neucirct usurpeacute tous les droits avant que le grandhomme leurreacute par les attraits de lambition ne fucirct plusdevenu quun roi Alors il tomba--ainsi peacuterissent tous ceuxqui voudraient asservir les hommes agrave lhomme
Et toi aussi guerrier au panache de neige toi agrave qui tonroyaume a refuseacute mecircme un tombeau 127 mieux aurait valupour toi continuer agrave conduire la France contre des armeacuteesmercenaires que te vendre toi-mecircme agrave linfamie et agrave lamort pour un vil nom de roi tel que celui du monarque deNaples qui porte aujourdhui le titre que tu achetas au prixde ton sang Tu songeais peu lorsque sur ton cheval debataille tu te preacutecipitais comme un fleuve qui deacuteborde agravetravers les rangs armeacutes lorsque les casques fendus et lessabres entrechoqueacutes eacutetincelaient et tombaient en eacuteclatsautour de toi--tu songeais peu agrave la destineacutee que tu trouvasau bout de la carriegravere Ton panache hautain fut mis agrave baspar le coup deacuteshonorant quy porta un esclave Jadis--semblable agrave la lune qui commande au flux et reflux de la
mer il parcourait les airs et guidait le guerrier au milieu dela nuit creacuteeacutee par la noire et sulfureuse fumeacutee du combat lesoldat cherchait des yeux ce superbe cimier et comme ille voyait toujours marcher en avant ainsi marchait-il lui-mecircme contre nos ennemis Lagrave ougrave les traits rapides de lamort immolaient le plus de victimes ougrave la guerre entassaitle plus de deacutebris sous la banniegravere triomphante de laigle agravelaigrette flamboyante--de laigle qui volait au sein desorages et des tonnerres dont rien ne pouvait arrecircter laileimpeacutetueuse et qui lanccedilait les foudres de la victoire--ouilorsque la ligne des ennemis se brisait que la morteacuteclaircissait les rangs ou que la fuite les dispersait dans laplaine lagrave soyez-en sucircrs Murat chargeait Heacutelas il nechargera plus deacutesormais
Note 127 (retour) Les restes de Murat ont eacuteteacute dit-onexhumeacutes et livreacutes aux flammes
Les envahisseurs foulent nos gloires passeacutees la victoirepleure sur les ruines de ses arcs de triomphe--Mais que laliberteacute se reacutejouisse que sa voix reacutevegravele son cœur Sa mainappuyeacutee sur son eacutepeacutee elle recevra un double hommageLa France a reccedilu deux fois une leccedilon morale chegraverementacheteacutee--son salut ne gicirct point dans un trocircne sur lequelsieacutege Capet ou Napoleacuteon 128 mais dans leacutegaliteacute desdroits et des lois mais dans lunion des cœurs et des braspour une grande cause--la liberteacute telle que Dieu ladonneacutee agrave tous ceux qui vivent sous le soleil avec le soufflevital et degraves lheure de la naissance--la liberteacute que le crime
veut en vain chasser du monde en dispersant dune mainfarouche et prodigue les richesses des nations comme lesgrains du sable en versant comme leau le sang desnations dans un impeacuterial oceacutean de carnage
Note 128 (retour) Il paraicirctrait que MAP na pas oseacutetraduire cela il dit laquoSon bonheur ne deacutepend point dutrocircne il deacutepend de leacutegaliteacute etcraquo Sa traduction seraitdonc aussi timide sous le rapport politique que sous lerapport poeacutetique
(N du Tr)
Mais les mortels uniront leurs cœurs leurs esprits et leursvoix qui donc fera tecircte agrave cette noble ligue Le tems nestplus ougrave le glaive soumettait les peuples Lhomme peutmourir--les ideacutees renaissent Mecircme ici bas dans cemonde de misegraveres la liberteacute ne peut manquer davoir unheacuteritier Des millions dhommes ne respirent que pourrecueillir ce preacutecieux heacuteritage La liberteacute a pris un essorque rien ne peut dompter si elle assemble encore une foisses armeacutees les tyrans seront forceacutes de croire et detrembler--sourient-ils de cette simple menace Deslarmes de sang couleront encore
X
ODE A LILE DE SAINTE-HEacuteLEgraveNE
1 Paix agrave toi icircle de lOceacutean Salut agrave tes brises et agrave tesvagues Salut agrave tes rochers contre lesquels le perpeacutetuelretour des mareacutees fait eacutecumer le flot blanchacirctre Riche serala guirlande que lhistoire tressera pour toi Immortelle ensera la verdure Quand les nations qui te laissentaujourdhui dans lobscuriteacute fleacutechiront tour agrave tour le genoudevant la baguette de loubli ta gloire ne sera paschangeacutee--ta renommeacutee ne sera pas ternie--lhommagedes siegravecles rendra ton nom sacreacute
2 Salut au guerrier qui repose sur ton sol le riche fardeaude sa gloire 129 Quand la mesure de ses jours seracomble et que la chronique de sa vie sera close sesexploits seront consacreacutes dans les annales de Clio Savaleur le rangera parmi les plus illustres preux de tous lesacircges et les monarques futurs sinclineront devant songeacutenie--les chants des poegravetes--les leccedilons des sages--lediront la merveille et lornement du monde Devant toi ocircmeacuteteacuteore de la Gaule les autres meacuteteacuteores de lhistoireseacutevanouiront eacuteclipseacutes par ta splendeur
Note 129 (retour) Cette strophe seule devra reacuteconcilierle lecteur avec Lord Byron qui laura sans douteindisposeacute comme nous par lamertume plus que seacutevegravereavec laquelle il reprochait agrave Napoleacuteon (Ode VIII) de nesecirctre pas tueacute apregraves Waterloo
(N du Tr)
3 De salutaires zeacutephirs rafraicircchiront ton atmosphegravere icircleeacuteblouissante de gloire Des contreacutees les plus eacuteloigneacutees ilte viendra un peuple de peacutelerins tribu aussi indeacutependanteque tes vagues Ta gregraveve au loin resplendissante arrecircterale voyageur qui voudra jeter un rapide coup-dœil sur un lieusi renommeacute--chaque touffe de gazon chaque pierrechaque roc retardera son seacutejour sur ce sol quaurontsanctifieacute les pas de lexileacute car cest de lui que tu recevrasun lustre divin le deacuteclin de son soleil a eacuteteacute le lever du tien
4 Et quels bras lont enchaicircneacute les bras qui avaient lutteacutefaiblement contre le sien--les nations qui lavaient souventbraveacute mais navaient pu le dompter jusquagrave ce jour lesmonarques qui maintes fois courbegraverent la tecircte devant sacleacutemence et reccedilurent de sa main les couronnes que leuravait ravies la guerre--Le vainqueur aujourdhui vainculaigle aujourdhui frappeacute agrave mort laisserait-il leur vengeanceseacutevegravere eacuteteindre les rayons de son eacutetoile Non la gloireapparaicirct vecirctue dune splendeur nouvelle et lastre dessiegravecles revient agrave lascendant
5 Pure agrave jamais soit la bruyegravere de tes montagnes riche laverdure de tes pacircturages limpides et intarissables leseaux de tes fontaines Puissent tes annales necirctre souilleacuteesdaucuns deacutesastres Eacutelegraveve-toi sur la surface de lOceacuteancomme un magnifique autel comme un saint reliquairecher aux priegraveres du genre humain--Vienne se briser contreles rochers de ton rivage la rage de la tempecircte--la luttedeacutevastatrice des vagues et des vents--Quau haut de tes
laquoTout le monde pleurait mais surtout Savary et unofficier polonais qui devait son eacuteleacutevation agrave Bonaparte Ilsattachait aux genoux de son maicirctre il eacutecrivit agrave lordKeith pour demander la permission daccompagnerNapoleacuteon mecircme en qualiteacute de domestique demandequi ne put ecirctre accordeacuteeraquo
creacuteneaux deacuteploie long-tems ses ailes laigle ton ornementlaigle orgueil de lunivers
6 Il se fleacutetrira le lis qui fleurit agrave cette heure Ougrave est la mainqui peut le nourrir Les nations qui le relevegraverent leregarderont deacutepeacuterir les roseacutees froides jetteront sur lui unemaleacutediction preacutecoce Alors la violette qui fleurit dans lesvalleacutees chargera la brise de son vivifiant parfum alorsaussitocirct que lesprit de liberteacute ralliera les peuples pourchanter une antienne funegravebre sur la tombe de la tyrannie lavaste Europe craindra que ton eacutetoile ne paraisse soudainsur lhorizon et neacuteclipse les astres pestifegraveres duseptentrion
XI
A NAPOLEacuteON
(Traduit du franccedilais)
1 Dois-tu partir ocirc mon illustre chef seacutepareacute du petit nombredes braves qui te sont resteacutes fidegraveles Qui peut dire ladouleur de ton soldat dont la raison seacutegare agrave ce longadieu Jai connu les feux de lamour les ardeurs delamitieacute mais quest-ce que tout cela aupregraves de ce que jesens pour toi aupregraves du zegravele dun guerrier fidegravele
2 Idole du soldat Grand dans les combats mais plusgrand encore aujourdhui plusieurs purent gouverner unmonde toi seul ne courbas pas la tecircte sous larrecirct dudestin Que danneacutees jai braveacute la mort agrave tes cocircteacutes etjenviais ceux qui succombaient lorsque leur cri de morteacutetait encore une beacuteneacutediction pour le maicirctre quils servaientsi bien 130
Note 130 (retour) laquoA Waterloo on vit un homme dontle bras gauche avait eacuteteacute casseacute par un boulet de canonsarracher ce bras avec la main droite le lancer en lairet crier agrave ses camarades laquoVive lEmpereur jusquagrave lamortraquo Il y a plusieurs autres exemples de la sorte celuique je vous rapporte vous pouvez le regarder commeauthentiqueraquo
(Lettre particuliegravere de Bruxelles)
3 Que ne suis-je comme eux une froide poussiegraverepuisque je vis pour voir cette heure fatale ougrave tes timidesennemis heacutesitent de laisser un homme en tes mains depeur que tes compagnons dexil ne deviennent pour toiautant dinstrumens de liberteacute Oh dans le fond des
cachots toutes leurs chaicircnes me seraient leacutegegraveres tant queje pourrais contempler ton ame invaincue
4 Les flatteurs de cet homme aujourdhui si sourd agrave lapriegravere dun serviteur fidegravele voudraient-ils si sa gloireemprunteacutee venait agrave pacirclir partager avec lui obscuriteacute danslaquelle il naquit Si ce monde que tu reacutesignes avec tantde calme devenait agrave cette heure son domaine pourrait-ilacheter au prix de ce trocircne des cœurs comme ceux qui tesont encore tout deacutevoueacutes
5 Mon chef mon roi mon ami adieu Jamais je ne meacutetaisencore agenouilleacute jamais je ne suppliai mon souveraincomme jimplore aujourdhui ses ennemis et tout ce que jedemande cest de participer agrave tous les peacuterils quil vabraver cest de partager agrave cocircteacute du heacuteros sa chute son exilet sa tombe
XII
SUR LEacuteTOILE DE LA LEacuteGIONDHONNEUR
(Traduit du franccedilais)
1 Eacutetoile des braves--toi dont les rayons ont reacutepandu tant
de gloire sur les morts et sur les vivans--enchanteressebrillante et adoreacutee pour te rendre hommage des millionsde soldats couraient aux armes--redoutable meacuteteacuteoredimmortelle origine pourquoi naicirctre dans le ciel pourteacuteteindre sur la terre
2 Les ames des heacuteros moissonneacutes par la guerre formaienttes rayons limmortaliteacute eacutetincelait dans tes eacuteclairslharmonie de ta sphegravere martiale eacutetait laquoGloire lagrave-haut ethonneur ici-basraquo et ta lumiegravere eacuteblouissait les yeux deshommes comme un volcan de la voucircte azureacutee
3 Ton fleuve de sang roulait comme la brucirclante lave etentraicircnait les empires dans ses ondes La terre tremblaitsous toi jusquen ses fondemens alors que tu eacuteclairais toutlespace en ta preacutesence le soleil cessait de rayonnerdevenait sombre et quittait lhorizon
4 Avant toi seacuteleva et avec toi sagrandit un arc-en-ciel duplus doux eacuteclat de trois brillantes couleurs 131 toutesdivines et faites pour ce signe ceacuteleste car la main de laliberteacute les avait allieacutees comme les nuances dune gemmeimmortelle
Note 131 (retour) Le drapeau tricolore
5 Une de ces couleurs eacutetait un rayon deacutecarlate deacuterobeacute ausoleil une autre le bleu fonceacute de lœil dun seacuteraphin uneautre le voile blanc de radieuse lumiegravere dont senveloppe
un pur esprit les trois couleurs ainsi assorties semblaientle tissu dun recircve ceacuteleste
6 Eacutetoile des braves tes rayons pacirclissent et les teacutenegravebresvont de nouveau preacutevaloir Toutefois noble arc-en-ciel deliberteacute nos larmes et notre sang doivent couler pour toiQuand ta brillante promesse seacutevanouit notre vie nestquun fardeau dargile
7 Les pas de la liberteacute sanctifient les silencieuses citeacutesdes morts les guerriers qui succombent sous sesdrapeaux sont beaux et fiers dans la mort Ainsi puissions-nous bientocirct ocirc deacuteesse ecirctre pour toujours avec eux ou avectoi
XIII
ODE
1 Oh honte agrave toi terre de la Gaule honte agrave tes enfans et agravetoi Imprudente dans ta gloire et vile dans ta chutecombien ton partage est miseacuterable Dans ton abandon tuseras en butte aux coups de lironie dune ironie qui nemourra jamais les maleacutedictions de la haine et lessifflemens du meacutepris chargeront ton atmosphegravere et sur tesruines retentiront agrave jamais les rires du triomphe les
insultantes railleries du monde
2 Oh ougrave donc est lesprit de tes anciens jours lesprit quianimait tes fils alors que leacutetoile de la bravoure eacutetait leurfanal et que la passion de lhonneur les guidait agrave la mortTes orages ont troubleacute leur sommeil Entends-tu lesgeacutemissemens qui seacutelegravevent du fond des tombeaux Cesdignes preux murmurent de colegravere pleurent de deacutesespoiragrave voir la tache impure imprimeacutee sur ton sein car ougrave est lagloire quils te remirent en deacutepocirct elle est perdue dans lesteacutenegravebres fouleacutee dans la poussiegravere
3 Va parcours de ton regard tous les royaumes de laterre depuis lIndus jusques au pocircle quelque peu de bonteacutedhonneur et de vertu mecirclera son eacuteclat aux teacutenegravebres dupeacutecheacute Mais toi tu nas rien que ta honte le monde ne peutoffrir rien de pareil agrave toi lhorreur et le vice ont deacutefigureacute tonnom au-delagrave de toute comparaison eacutetonnante de forfaitstu nous fourniras agrave lavenir un modegravele un proverbe pour laperfidie et le crime
4 Tant que le triomphe couvrit de gloire le glaive de tonmaicirctre tant que le heacuteros fut debout tes eacuteloges suivirentpartout ses pas et applaudirent agrave leffusion du fleuve desang Et cependant la tyrannie sieacutegeait sur limpeacuterialecouronne et fleacutetrissait au loin les nations mais agrave tes yeuxle despote meacuterita un renom brillant jusquagrave lheure ougrave lafortune abandonna son char alors tu te deacuterobas agrave tonchef--tu tempressas de loutrager tu fus la premiegravere agrave le
trahir
5 Tu oublias ses exploits les travaux quil avait supporteacutespour ta cause tu tournas tes hommages vers le nouveausoleil qui se levait et entonnas dautres hymnes de gloireMais lorage se mit agrave gronder ladversiteacute obscurcit lastrede lumiegravere lhonneur et la foi furent la fanfaronnade duneheure et la loyauteacute elle-mecircme rien quun recircve--Celui quetu avais banni reccedilut de nouveau tes sermens et qui avaiteacuteteacute le premier agrave linsulter fut aussi le premier agrave ladorer
6 Quel tumulte eacutebranle ainsi les airs quelle fouleenvironne son trocircne Cest un cri denthousiasme ce sontdes millions de sujets qui jurent de nobeacuteir quagrave sonsceptre Les revers feront eacuteclater leur zegravele linfortunerendra sacreacute le nom de lempereur Le monde qui leperseacutecute va sentir avec douleur quel esprit quelle ardeurinextinguible anime les Franccedilais degraves que leurs cœurs sontembraseacutes car ils ont le heacuteros quils aiment ils ont le chefquils admirent
7 Leur heacuteros sest preacutecipiteacute au combat une ombre couvreses lauriers--Ougrave est le zegravele qui ne devait jamais ceacuteder laloyauteacute qui ne devait jamais seacutevanouir En un moment ladeacutesertion et la perfidie abandonnegraverent le vaincu agrave sesennemis les lacircches agrave qui son sourire avait donneacute leshonneurs et la puissance le deacutelaissegraverent et le reniegraverentdans son adversiteacute et les millions de Franccedilais qui avaientjureacute de peacuterir pour le sauver le virent fugitif captif esclave
8 O terre de la Gaule les contreacutees les plus sauvages lesplus deacutesertes sont plus nobles et meilleures que toi Tu espour les hommes un objet de surprise et dhorreur tant laperfidie te deacutefigure Si tu eacutetais le lieu ougrave je fusse neacute jemarracherais soudain de tes bras je fuirais aux extreacutemiteacutesdu monde et te quitterais pour toujours oui pour toujoursSi jamais je pensais agrave toi apregraves longues anneacutees cettepenseacutee appellerait encore la rougeur sur mon front et leslarmes sur ma paupiegravere
9 Oh honte agrave toi terre de la Gaule honte agrave tes enfans et agravetoi Imprudente dans ta gloire et vile dans ta chutecombien ton partage est miseacuterable Dans ton abandon tuseras en butte aux coups de lironie dune ironie qui nemourra jamais les maleacutedictions de la haine et lessifflemens du meacutepris chargeront ton atmosphegravere et sur tesruines retentiront agrave jamais les rires du triomphe lesinsultantes railleries du monde 132
Note 132 (retour) La reacutevolution de juillet vient de donnerun glorieux deacutementi aux anathegravemes que semblaitmeacuteriter en 1815 la France humilieacutee par le second retourdes Bourbons Nous voilagrave redevenus la grande nation
(N du Tr)
XIV
ADIEUX DE NAPOLEacuteON
(Traduit du franccedilais)
1 Adieu terre ougrave le nuage de ma gloire seacuteleva pourcouvrir de son ombre lunivers entier--Tu mabandonnesaujourdhui--mais mon nom remplit les pages les plusbrillantes ou les plus sombres de ton histoire Jai combattucontre un monde qui ne ma vaincu quapregraves que lemeacuteteacuteore trompeur de la conquecircte meut entraicircneacute trop loinjai tenu tecircte aux nations qui me craignent encore dans monabandon solitaire moi dernier captif de plus dun millionde guerriers
2 Adieu France--Quand ton diadecircme ceignait mon frontjen fis la perle et la merveille du monde--mais ta faiblesseordonne que je te laisse comme je tai trouveacutee dans ladeacutecadence de ta gloire et le deacuteclin de ta vertu Oh quenai-je encore ces veacuteteacuterans de la bravoure qui gagnegraverenttoutes leurs batailles et ne furent moissonneacutes quen luttantcontre les tempecirctes--avec eux laigle dont le regard perditen ce moment sa force avait toujours dans son essor fixeacuteses yeux sur le soleil de la victoire
3 Adieu France--Mais quand la liberteacute ralliera encore unefois ses banniegraveres dans tes provinces aie souvenir demoi--la violette croicirct toujours dans le fond de tes valleacuteeselle est fleacutetrie mais tes larmes eacutepanouiront encore sa
fleur--Oui je puis encore confondre les armeacutees qui nousenvironnent ton cœur peut encore tressaillir et se reacuteveilleragrave ma voix--Il est des anneaux qui doivent rompre dans lachaicircne qui nous a lieacutes alors tourne-toi vers Napoleacuteonappelle agrave ton aide le chef de ton choix
XV
MADAME LAVALETTE
1 Laissons les critiques dEacutedimbourg eacutecraser de leurseacuteloges leur Mme de Staeumll et leur ceacutelegravebre Mlle lEacutepinasselorgueilleuse philosophie luit tout au plus comme unmeacuteteacuteore et la gloire dun bel esprit est aussi frecircle que leverre Mais pleins de vie sont les rayons eacuteternelle est lasplendeur de ton flambeau noble amour conjugal etjamais tu nas reacutepandu un eacuteclat plus saint plus pur ou plustendre que sur le nom de la belle Lavalette
2 Allons remplissez la coupe jusques aux bords la vertumecircme la beacutenira et consacrera la liqueur qui mousse enlhonneur de ce nom les legravevres ardentes de la beauteacutepresseront pieusement le verre et lhymen portera unhonorable toast Nous acquitterons une dette leacutegitimeenvers cette femme qui a risqueacute pour son mari sa liberteacuteet sa vie et nous saluerons de nos applaudissemens
leacutepouse heacuteroiumlne la fidegravele la noble la belle Lavalette
3 De cruels ennemis dans leur impuissante malice ontprononceacute contre le captif sauveacute un arrecirct que lEuropeentiegravere abhorre oui lEurope entiegravere se deacutetourne desesclaves de ce palais peupleacute de precirctres et ceux qui les ontreplaceacutes rougissent aujourdhui pour eux Mais dans lesacircges agrave venir quand la gloire ensanglanteacutee des ducs et desmareacutechaux se sera eacutevanouie dans les teacutenegravebres tous lescœurs palpiteront encore tous les yeux eacutetincelleront aureacutecit du sublime deacutevouement de la belle Lavalette
XVI
ADIEU 133
Note 133 (retour) Ce sont les adieux de Lord Byron agravesa femme
(N du Tr)
Adieu et si cest pour toujours encore une fois adieuQuoique tu sois inexorable mon cœur ne se reacutevoltera pascontre toi Plucirct au Ciel quagrave tes regards souvricirct ce sein ougraveta tecircte a si souvent reposeacute lorsque tes sens ceacutedaient agrave cepaisible sommeil que tu ne connaicirctras plus Que ne peux-tulire en ce sein les penseacutees les plus secregravetes tu connaicirctrais
enfin que ce ne fut pas bien de le blesser ainsi Il est vraique le monde ten loue--quil sourit au coup que tu meportas mais ces eacuteloges doivent te choquer ils sont fondeacutessur le malheur dautrui Certes plus dune faute me souillamais ny avait-il pour minfliger une incurable blessuredautres bras que ceux qui venaient de membrasser Ohne tabuse pas toi-mecircme lamour peut seacutevanouir par unlent deacutepeacuterissement mais ne crois pas quune violencesoudaine puisse seacuteparer ainsi les cœurs Le tien conserveencore sa vie le mien quoique saignant palpite encore etleacuteternelle penseacutee qui le tourmente cest--que nous nedevons peut-ecirctre plus nous revoir Ce sont paroles dedouleur plus profonde que les lamentations sur la tombedes morts Nous vivrons tous les deux mais chaque matinnous eacuteveillera dans une couche veuve et lorsque tupourrais goucircter quelque consolation lorsque notre fillebalbutiera ses premiers mots lui apprendras-tu agrave direlaquomon pegravereraquo quoique les caresses de son pegravere doivent luiecirctre inconnues Quand ses petites mains te caresserontquand sa legravevre se pressera contre la tienne souviens-toide lhomme dont la priegravere te beacutenira souviens-toi delhomme que ton amour a beacuteni Si les traits de lenfantressemblent agrave ceux que tu ne verras peut-ecirctre plus alors undoux tremblement agitera ton cœur encore fidegravele agrave toneacutepoux Tu connais peut-ecirctre toutes mes fautes personnene connaicirct tout mon deacutelire toutes mes espeacuterances partoutougrave tu vas sen vont se fleacutetrir et pourtant elles sen vonttoujours avec toi Pas un de mes sentimens qui nait eacuteteacuteeacutebranleacute mon orgueil quun monde naurait pu plier plie
laquoHonest--honest IagoIf that thou best a devilI cannot kill theeraquo
(Shakspeare)
Honnecircte--honnecircte IagoSi tu es un diableje ne puis te tuer
devant toi--par toi deacutelaisseacutee mon ame me deacutelaisse moi-mecircme Mais cen est fait--toutes paroles sont vaines lesmiennes surtout sont steacuteriles mais nous ne pouvons retenirnos penseacutees qui se font jour malgreacute nous--Adieu--Ainsiseacutepareacute de toi arracheacute agrave tout lien de tendresse le cœurconsumeacute solitaire malade--pour comble de maux je puisagrave peine mourir
XVII
ESQUISSE 134
Note 134 (retour) Cette piegravece fut faite par Lord Byroncontre une ancienne domestique de la megravere de safemme
(N du Tr)
Neacutee dans le grenier eacuteleveacutee dans la cuisine promue de lagraveau maniement de la chevelure de sa maicirctresse enfin--pourquelque gracieux service dont on na jamais parleacute et que lesalaire seul fait deviner--elle parvint du cabinet de toilette agravela salle agrave manger--ougrave les laquais qui valent mieux quelleseacutetonnent dattendre ses ordres derriegravere sa chaise Dunoeil ferme et dun front eacutehonteacute elle prend son dicircner dans leplat quelle lavait naguegravere Alerte pour la meacutedisance precircteau mensonge confidente favorite espionne de la maison--qui pourrait grands dieux deviner ses derniegraveresfonctions Elle fut la gouvernante dune fille unique degraveslacircge le plus tendre Elle enseigna la lecture agrave lenfant etlenseigna si bien quelle-mecircme en enseignant apprit agraveeacutepeler Puis elle devient adepte dans lart de leacutecriturecomme le prouve mainte calomnie anonyme Personne nesait ce que fucirct devenue sa pupille--sans cet esprit eacuteleveacutequi conserva la pureteacute du cœur qui soupira toujours apregravesla veacuteriteacute quon lui cachait et qui ferma loreille agrave lerreur Laperversiteacute eacutechoua devant cette ame jeune qui ne fut nidupeacutee par la flatterie--ni aveugleacutee par la bassesse--niinfecteacutee par la fraude--ni corrompue par un voisinagecontagieux--ni amollie par lindulgence--ni gacircteacutee parlexemple--ni tenteacutee de regarder en pitieacute les talensinfeacuterieurs agrave son haut savoir--ni enorgueillie par le geacutenie--nirendue vaine par la beauteacute--ni pousseacutee par lenvie agraverendre le mal pour le mal--ni changeacutee par la fortune--nihausseacutee par la fierteacute ou courbeacutee par la passion--ame agrave quila vertu ninspira une inflexible seacuteveacuteriteacute--que dans ces joursderniers Oh ceacutetait la plus pure la plus parfaite des
creacuteatures vivantes de son sexe mais il lui manquait unedouce faiblesse--il lui manquait de savoir pardonner Tropchoqueacutee des fautes que son ame ne peut connaicirctre ellecroit que tout ici-bas pourrait ecirctre comme elle Ennemie duvice est-elle vraiment lamie de la vertu car la vertupardonne ceux quelle veut amender Mais je reviens agrave monsujet--que jai laisseacute trop long-tems de cocircteacute--agrave lheacuteroiumlneinfacircme qui fatigue mon honnecircte plume Or quoiquelle naitplus ses anciennes fonctions elle reacutegit le cercle quelleservait auparavant Si les megraveres--on ne sait pourquoi--tremblent devant elle si les filles la craignent agrave cause deleurs megraveres si lhabitude--chaicircne perfide qui finit parenlacer les plus forts esprits comme les plus faibles--lui adonneacute le pouvoir dinstiller au fond des ames lessenceempoisonneacutee de ses deacutesirs cruels si comme unecouleuvre elle se glisse inaperccedilue dans votre maisonjusquagrave ce quelle soit trahie par la ligne noire et glaireusequelle trace en rampant si comme une vipegravere elle enlacele cœur et y laisse le venin quelle ny trouva pas pourquoiseacutetonner que cette meacutechante sorciegravere guette sans cesseloccasion daccomplir ses œuvres de haine afin de fairedu lieu quelle habite un vrai Pandemonium 135 et dedevenir elle-mecircme la souveraine lHeacutecate 136 de lenferdomestique Quelle est habile agrave charger dun seul coupde pinceau les teintes du scandale avec toute lhonnecircteperfidie des demi-mots Comme elle sait alors mecircler levrai au faux--le ris moqueur au franc sourire--un fil decandeur agrave un tissu de fraudes Combien elle affecte de
reacuteticences apparentes afin de cacher les inhumainsprojets de son ame endurcie Legravevres de mensonges--visage neacute pour dissimuler pour ecirctre insensible et se raillerde quiconque sait sentir Masque vil que la Gorgone 137
mecircme deacutesavouerait--Joue de parchemin et œil de pierreVoyez quel sang jaunacirctre coule dans les veines de sapeau et y demeure stagnant comme une eau bourbeuseTel soffre agrave nos regards le cloporte dans sa cuirassecouleur de safran tel le vert encore plus sombre deseacutecailles du scorpion--(car ce nest quaux teintes desreptiles que nous pouvons comparer cette ame ou cevisage)--Regardez la physionomie de cette femme etvoyez ses sentimens sy peindre comme dans un miroirRegardez le portrait ne pensez pas quil soit chargeacute il ny aaucun trait qui ne pucirct encore ecirctre grossi En veacuteriteacute ce sontlaquoles journaliers de la natureraquo qui durant le repos de leurmaicirctresse firent ce monstre cette eacutetoile caniculaire dunpetit ciel ougrave sous son influence tout se fleacutetrit ou meurt
Note 135 (retour) Le Pandemonium est leacutedificeconstruit par les deacutemons pour y tenir conseil VoirParadis perdu chant Ier
(N du Tr)
Note 136 (retour) Nom de Proserpine suivant quelquesmythologues
(N du Tr)
Note 137 (retour) Les Gorgones filles de Phoreus dieu
marin eacutetaient au nombre de trois elles eacutetaient sihideuses quelles changeaient en pierre ceux qui lesregardaient
(N du Tr)
Oh creacuteature miseacuterable--sans larmes--sans autre penseacuteeque la joie du triomphe sur la ruine qui est ton œuvre--unjour viendra et viendra bientocirct ougrave tu souffriras beaucoupplus que tu ne fais souffrir aujourdhui ougrave tu souffriras pource vil eacutegoiumlsme qui degraves-lors te sera chose vaine ougrave tu tedeacutebattras en hurlant au milieu dangoisses qui nexciterontpoint de pitieacute Puissent les maleacutedictions eacutechappeacutees agravelaffection blesseacutee redescendre sur ton sein avec la forcede la pierre qui retombe et rendre la legravepre de ton ameaussi horrible agrave toi-mecircme quau genre humain jusquagrave ceque toutes tes penseacutees se condensent en haine de toi-mecircme--en haine aussi noire que ton deacutesir voudrait la creacuteerpour les autres jusquagrave ce que ton cœur si dur ait eacuteteacutecalcineacute et reacuteduit en cendres et que ton ame ait quitteacute sonenveloppe hideuse Oh puisse ta tombe navoir pas plusde sommeil que ton lit--puisse-t-elle ecirctre une couche defeu comme la couche veuve que tu nous as preacutepareacuteeAlors sil te vient agrave lesprit de fatiguer le ciel de tes priegraverestourne ton regard sur les victimes que tu fis ici-bas--etdeacutesespegravere Mort agrave toi--et quand tu pourriras les vers eux-mecircmes expireront sur ton argile empoisonneacutee Ah sanslamour que je sentis et que je dois encore sentir pour celleque ta malice arracha aux liens les plus sacreacutes--ton nom--ton nom humain--serait exposeacute agrave tous les yeux comme type
de tout vice--exalteacute au-dessus de tes pareils moins odieuxque toi--et donneacute en proie agrave lulcegravere dune immortelleinfamie
XVIII
ADIEUX A LANGLETERRE
1 Angleterre patrie de mes aiumleux et la mienne ocirc la plusnoble des contreacutees la meilleure la plus feacuteconde enbravoure Je pars le cœur briseacute je pars deacutelaisseacute jereacutesigne toutes les joies et toutes les espeacuterances que tu medonnas
2 Terre cheacuterie megravere de la liberteacute adieu La liberteacute elle-mecircme me fatigue Calme tes battemens ocirc mon cœur etne te reacutevolte pas contre un arrecirct que la raison approuve
3 Avais-je de lamour--Je te prends agrave teacutemoin Cielpuissant qui vis toutes mes faiblesses et mes craintesjadorais--mais le charme est rompu puissent mes larmesen effacer la meacutemoire
4 Combien il est brillant le moment denthousiasme quilest eacuteblouissant mais que son eacuteclat est passager cest unecomegravete flamboyante et prompte agrave senfuir cest le heacuterautpreacutecurseur des teacutenegravebres et des ennuis
preacutecurseur des teacutenegravebres et des ennuis
5 Souvenirs des tendresses passeacutees des plaisirs perdussans retour laissez-moi--moi proscrit errant et solitaire--laissez-moi dans le deuil sans me torturer lame
6 Ougrave donc--ougrave mon cœur trouvera-t-il le repos un refugecontre la meacutemoire et la douleur La gangregravene qui ledeacutevore en quelque lieu que jaille deacutedaigne un remegravedetrompeur
7 Si je pouvais deacutecouvrir ce fleuve fabuleux qui noie lesouvenir dans ses ondes peut-ecirctre de nouveau luirait lœilde lespeacuterance laurore dun jour plus heureux
8 Le vin a-t-il la vertu de loubli peut-il ocircter de la cervelle letrait qui la blesseacutee La bouteille nous abuse peut-ecirctre uneheure mais elle laisse toujours apregraves elle reacutegner le chagrin
9 Leacuteloignement ou le tems gueacuterissent-ils le cœur quisaigne dune blessure si profonde Lintempeacuterance endiminue-t-elle les douleurs Peut-on appliquer quelquebaume agrave ce mal
10 Si je cours aux confins du pocircle jy verrai lombre quejadore le fantocircme qui tourmente mon ame et se joue demon steacuterile deacutesespoir
11 Le zephir du soir mapportera le murmure de sa voixme semblera humide de ses pleurs et de ses soupirs etme demandera une larme pour lautel deacute lamour
me demandera une larme pour lautel deacute lamour
12 Dans les recircves de la journeacutee dans les visions de lanuit mon imagination eacutetalera tous les attraits de cettefemme agrave ma vue abuseacutee eacutegareacutee
13 Arriegravere vaines et passagegraveres images Arriegraveresombres fantocircmes qui troublez mon cerveau puresillusions de lesprit et des sens engendreacutees par la douleuret le deacutelire
14 Nai-je pas sur lautel de la diviniteacute jureacute fideacuteliteacute agrave celleque jadorais Ne prononccedila-t-elle pas les sermens quejavais prononceacutes et neacutechangea-t-elle pas avec son eacutepouxun gage solennel
15 Si mon amour faillit un instant je mempressai dereacuteparer ma faute de baiser le cœur que javais blesseacute detout faire pour ladoucir avant quil ne se pricirct agrave soupirer
16 Nai-je pas courbeacute cette tecircte qui ne seacutetait jamaiscourbeacutee Nai-je pas prieacute moi qui avais coutume decommander Lamour me forccedila de pleurer et de supplieret lorgueil fut trop faible pour reacutesister
17 Puis une faiblesse comme la mienne laveacutee dans leslarmes de mon repentir devait-elle donc effacer lesimpressions divines la foi et laffection de plusieursanneacutees
18 A-t-il eacuteteacute bien que lorgueil arbitre seacutevegravere se soit
interposeacute entre la colegravere et lamour et quun cœurjusqualors si cleacutement nait commenceacute agrave prouver soninflexibiliteacute que sur moi
19 Heacutelas a-t-il eacuteteacute bien quand je magenouillai de ceacuteler tatendresse agrave tel point quen preacutesence de tout ce que jesentais ta seacuteveacuteriteacute tinterdicirct toute expression desensibiliteacute
20 Et lorsque la fille cheacuterie gage de notre amourregardait sa megravere et souriait dis ny eut-il rien qui tesollicitacirct agrave reacutepondre agrave cet appel de lenfance
21 Ce cœur si dur et si glaceacute si traicirctre agrave lamour et agrave moine sest-il pas senti percer dun trait deacutechirant enrepoussant la supplique de cette innocente creacuteature
22 Cette oreille qui eacutetait ouverte agrave tout le monde futimpitoyablement fermeacutee agrave leacutepoux ton seigneur cette voixqui asservirait les deacutemons refusa une douce parole depaix
23 Et penses-tu ocirc ma bien aimeacutee--car toi seule estoujours la vie de mon cœur et en deacutepit de mon orgueil etde ma volonteacute je te beacutenis oui je taime ocirc mon eacutepouse
24 Penses-tu que labsence te verse le baume qui porteraremegravede agrave tes maux ou que le tems en entraicircnant la vie surson aile rapide accorde jamais un antidote agrave ta douleur
25 Tes espeacuterances sont frecircles comme le recircve qui trompeles longues heures de la nuit mais se dissipe agrave la lueur dupremier rayon eacutechappeacute des portes de lorient
26 Car lorsque sur le visage heureux de ta petite fillelimagination suivra du doigt mes traits entrelaceacutes auxtiens un charme irreacutesistible tenchaicircnera
27 La fossette riante qui sieacutege sur sa joue les eacuteclairs quirayonnent de ses yeux les paroles quelle essaiera debeacutegayer tout enfin mecirclera un soupir agrave tes sourires
28 Alors quoique les mers aient pu mettre entre nousleurs barriegraveres orageuses cest moi qui triompherai loinde toi hors de ton regard agrave mon insu et sans ecirctre appeleacutecest moi pourtant qui sera lagrave
29 Ce nest pas toi qui lanccedilas contre moi le trait cruel (lacruauteacute eacutetait eacutetrangegravere et odieuse agrave ton cœur) ce nest pastoi qui minfligeas une incurable blessure
30 Heacutelas oui ce fut une autre main que la tienne quitroubla mon repos cette main frappa--et par un sort tropfuneste cest moi qui souffris le coup et toutes les misegraveresquil engendra
31 Ceux-lagrave nous haiumlssaient tous deux qui deacutetruisirent lesfleurs et les promesses du printems Qui donc pourcombler notre vide nous donnera de nouveaux liens denouvelles affections
32 Ah quels moyens peuvent rendre au cœur deacutechireacute saforce premiegravere ou agrave larc une fois trop tendu le ressort quilposseacutedait auparavant
33 Le cœur deacutechireacute saignera sulcegraverera et se faneracomme la feuille au souffle de la bise lif eacuteclateacute nereviendra pas sur lui-mecircme quoique vigoureux et durjusquagrave la fin
34 Je vais errer--nimporte ougrave nul climat ne me rendra lapaix ni ne deacuteridera mon front chargeacute de deacutesespoir parquelque lueur de joie passagegravere
35 Oh avec quelle lenteur les heures seacutecouleront de quelennui sera la marche des anneacutees alors que la valleacutee lamontagne et le bocage ne feront que changer le theacuteacirctre demes larmes
36 Les monumens classiques qui sommeillent le lieu cheragrave la science et aux arts le sarcophage le temple le gazonsacreacute rien enfin ne mexcite ni ne me ravit plus
37 La cigogne sur sa muraille en ruines est cent fois plusheureuse que moi contente dhabiter au milieu des lierreselle suspend sa demeure dans les airs
38 Moi jerre sans asile le sein nu et en proie aux oragesvictime de lorgueil et de lamour je cherche--heacutelas ce queje ne puis trouver
39 Je cherche ce quaucune peuplade ne me donnera jedemande ce que nul climat ne maccordera un charme quineutralise ma misegravere et segraveche les larmes de mon cœur
40 Je le demande--je le cherche--mais en vain--depuislIndus jusques au pocircle du nord nulle attention--nulle pitieacute--pour les plaintes ougrave sexhale la douleur de mon ame
41 Quel sein soupirera quand je sangloterai quels pleursreacutepondront agrave mes pleurs quelles lamentations feront eacutechoagrave mes lamentations quel œil remarquera les veilles demes yeux
42 Toi-mecircme ocirc chegravere enfant en apprenant agrave babiller--tandis que jerre au loin--tu compteras au nombre de tesdevoirs de haiumlr celui que la nature te commande daimer
43 La langue impure de la malice va carillonner agrave tonoreille mes vices et mes fautes et tenseigner avec un zegravelediabolique agrave craindre laffection dun pegravere
44 Heacutelas si quelque jour ton oreille est jamais frappeacuteedes sons de ma lyre si la voix sincegravere de la nature seacutecriejamais laquoCe peut ecirctre ce doit ecirctre mon pegravereraquo
45 Peut-ecirctre quagrave ton œil preacutevenu mes traits paraicirctrontodieux la nature elle-mecircme sera sourde agrave mes soupirs etle devoir me refusera une larme
46 Mais certes dans cette icircle ougrave mes chants ont retenti dela montagne agrave la valleacutee toutes les bouches ne rediront pasle triste reacutecit de mes torts sans aucune eacutemotion dereconnaissance
47 Quelques jeunes ames qui auront appreacutecieacute mes verset se seront enflammeacutees agrave mes reacutecits se hasarderontpeut-ecirctre agrave dire laquoSes faiblesses furent celles dunhommeraquo
48 Oui ces faiblesses eacutetaient humaines mais lenvie lamalice et le meacutepris les grossirent alors tous les sentimensnaturels se soulevegraverent et repoussegraverent avec haine lemasque sous lequel on les cachait
49 La faute fut dun homme--et pourtant combien futseacutevegravere combien fut cruelle la condamnation prononceacuteeLorgueil lui-mecircme laissa tomber quelques gouttes depleurs en maudissant mon amour
50 Cest fini la grande lutte est passeacutee le combat sestapaiseacute dans mon sein le terrible flux et reflux de la passionny preacutecipite plus ses impeacutetueux courans
51 Cest fini mes affections sen vont les liens de la naturesont briseacutes pour moi je nobeacuteis plus quaux inspirations delorgueil et je romps le joug humiliant de lamour
52 Je menvole comme un oiseau des airs agrave la recherchedune demeure et dun lieu de repos dun baume contre les
souffrances de linquieacutetude dune consolation pour un cœurdeacutesoleacute
53 Rapide comme lhirondelle qui plane hardi commelaigle qui seacutelance et pourtant sombre comme la chouettedont les accens font peine au noir deacutemon de la nuit
54 Je vais ougrave brillent les splendeurs joyeuses de lOrientles danses et les riches festins je memmegravene aux fecirctes duluxe pour exiler de mon esprit la beauteacute que jadorais
55 Dans le verre empli jusquaux bords je boirai lesdouces ondes du Leacutetheacute je munirai au rire desbacchanales et sauterai dans la ronde des feacutees
56 Partout ougrave le plaisir minvitera je courrai pour eacutetouffer lesombre souvenir de mes ennuis moi exileacute sansespeacuterance et sans patrie moi fugitif chasseacute par ledeacutesespoir
57 Adieu donc terre des braves Adieu terre de manaissance Quand les tempecirctes seacuteviront autour de toi--puissent-elles toujours respecter tes vertus
58 Femme enfant patrie amis vous namuserez plusmon imagination je fuis loin de vos prestiges et je courspleurer sur quelque rivage meilleur
59 Le hideux deacutemon de lorage qui gronde dans ce cœuragonisant eacutelegravevera toujours devant mon regard son ombre
pestifegravere jusquagrave ce que la mort calme ce tumulte agrave jamais
XIX
A MA FILLE
LE MATIN DE SA NAISSANCE
1 Salut agrave cette scegravene feacuteconde en luttes qui souvre agrave tespas Salut aimable miniature vivante peacutelerine voueacutee agravemille ennuis inconnus agneau du vaste bercail du mondesource despeacuterances de doutes et de craintes doucepromesse danneacutees ravissantes Comme je fleacutechirais legenou de plein greacute et deviendrais idolacirctre devant toi
2 Cest le culte naturel--culte senti--avoueacute partout ougrave lefeu de la vie anime les ecirctres Dans ces forecircts sans routesdans ces plaines sans bornes ougrave regravegne une eacuteternellefeacuterociteacute le stupide sauvage image brute de lhumaniteacuteconfesse leacutemotion paisible--le secret tressaillement--lebattement cacheacute de son cœur
3 Chegravere enfant avant que les impureteacutes des viceshumains nenvahissent tes anneacutees avant que les passionsne troublent ton visage et ne tinspirent ce que tu noserasdire avant que ces legravevres ne soient pacirclies par les ennuis
ou que ces yeux ne rayonnent dun deacutesespoir farouchepuisseacute-je le premier donner leacuteveil agrave ton oreille et lacharmer des accens de la priegravere paternelle
4 Mais tu songes peu ocirc ma fille aux travaux aux dangersaux misegraveres qui attendent ta marche chancelante agrave traversles ronces du deacutesert de la vie Ah tu songes peu agrave cetheacuteacirctre dœuvres si sombres eacutetendu entre toutes lespetites choses que nous pouvons trouver ici-bas et la noireet mysteacuterieuse sphegravere qui se cache derriegravere
5 Tu songes peu ocirc toi que la premiegravere jaurai nommeacuteemon enfant aux nuages qui samoncellent autour de tonaurore aux illusions qui pourront eacutegarer ton ame auxpieacuteges qui entrecoupent ta route aux secrets ennemis auxamis faux aux deacutemons qui poignardent les cœurs en leursouriant--tu songes peu agrave ce triste corteacutege--puisses-tu nyjamais songer davantage
6 Mais tu sortiras de ce passager sommeil et tuteacuteveilleras mon enfant pour pleurer Habitante dun frecircleseacutejour tes larmes couleront comme les miennes ont couleacuteAbuseacutee chaque jour par mille folies le chagrin seul laverates fautes et peut-ecirctre ne teacuteveilleras-tu que pour eacuteprouverles angoisses dun amour non partageacute
7 Enfant aujourdhui agrave toi-mecircme ignoreacutee quoique lamisegravere ne repose point encore sur ton front ses ailes agravedemi deacuteplumeacutees cependant tes legravevres paisibles
charmeront agrave peine dun sourire la tendresse de ta megravereavant quune roseacutee de larmes ny ait imprimeacute ses traceshumides et nait preacutematureacutement frayeacute la voie aux chagrinsdun acircge plus mucircr
8 Oh Plucirct agrave Dieu que la priegravere dun pegravere repoussacirct de tesyeux la douleur de ton sein les soupirs Plucirct agrave Dieu quunpegravere eucirct lespeacuterance de supporter le lot dennuis destineacute agraveun enfant cheacuteri Alors ocirc ma fille tu dormirais tranquilleexempte de tous les maux de lhumaniteacute le pegravere qui taimeassurerait ta paix et demanderait agrave souffrir pour toi lesblessures quil a deacutejagrave souffertes
9 Dors ma fille ce court sommeil seacutevanouira trop tocirct pourceacuteder la place au chagrin trop tocirct laurore du malheur selegravevera et la roseacutee saleacutee 138 ruissellera sur ta joue trop tocirctla tristesse eacuteteindra ces yeux ce sein se gonflera desoupirs et le deacutesespoir eacuteclipsera les rayons de ton midisous le nuage des douleurs--heacutelas beaucoup trop tocirct
Note 138 (retour) laquoBriny rills bedew that cheekraquo Riende plus freacutequent chez les poegravetes latins que lacrymaeligsalsaelig ros salsus Pourquoi donc ne pas ajouter enfranccedilais cette eacutepithegravete aux larmes
(N du Tr)
10 Bientocirct tu eacuteprouveras mille soucis ignoreacutes millebesoins et chagrins notre partage commun maintesangoisses maintes infortunes qui ne sont connues que du
sexe que jadore--maintes misegraveres qui ne trouveront--nepeuvent trouver une bouche pour les chanter ou pour lesdire mais qui demeurent cacheacutees au fond de lame horsde tout controcircle et la rongent comme ferait un horriblecancer
11 Toutefois puisse ton destin mon enfant ecirctre plusheureux puisse la joie animer toujours ton sein et danstes plus sombres jours verser sur toi sa riche etinspiratrice lumiegravere Un pegravere mecirclera chaque jour ton nom agravesa secregravete priegravere et lorsquil descendra dans leacuteternelrepos ton image adoucira pour lui les tortures de lagonie
12 Aussi je te salue douce miniature vivante Salut agravecette scegravene feacuteconde en luttes qui souvre agrave tes pas 139Salut peacutelerine voueacutee agrave mille ennemis inconnus agneau dela vaste bergerie du monde source despeacuterance dedoutes et de craintes douce promesse danneacuteesravissantes Comme je fleacutechirais le genou de plein greacute etdeviendrais idolacirctre devant toi
Note 139 (retour) Les deux premiers vers de cettestrophe sont seuls un peu diffeacuterens de ceux de lapremiegravere Nous avons cru devoir conserver cettediffeacuterence dans la traduction
(N du Tr)
XX
VERS ADRESSEacuteS PAR LORD BYRON ASA FEMME
QUELQUES MOIS AVANT LEUR SEacutePARATION
1 Il y a une mysteacuterieuse destineacutee qui entrelace sitendrement avec le fil de ma vie le fil dune autre vue quelinflexible ciseau de la Parque doit les couper tous deux agravela fois ou nen couper aucun
2 Il y a une forme sur laquelle mes yeux ont souvent fixeacuteleur regard avec une deacutelicieuse extase le jour laspect decette forme fait leur joie la nuit les songes leur enreproduisent limage
3 Il y a une voix dont les accens excitent dans mon seinune telle fiegravevre de ravissement que je refuseraisdentendre un chœur de seacuteraphins si cette voix ne devaitpoint sy joindre
4 Il y a un visage dont la joue en rougissant parle damourmais quand il pacirclit lors dun tendre adieu il reacutevegravele plus depassion que les mots nen peuvent exprimer
5 Il y a une bouche qui a presseacute la mienne et que nulleautre navait presseacutee auparavant elle a jureacute de me combler
de douces feacuteliciteacutes et la mienne--la mienne seule a jureacute dela presser encore davantage
6 Il y a un sein--qui tout entier mappartient--ougrave je reposaisouvent ma tecircte souffrante une legravevre qui ne sourit quagrave moiseul un œil dont les larmes coulent avec les miennes
7 Il y a deux cœurs dont les battemens frappent de mesureavec un si parfait accord dont les pulsations se reacutepondentsi bien lune agrave lautre quils doivent continuer ensembleleurs mouvemens--ou cesser tous deux de vivre
8 Il y a deux ames si semblables agrave deux fleuves dont lesondes aimables et paisibles se confondent en un courseacutegal que lorsquelles se quitteront--se quitter--oh noncest impossible--ces deux ames nen font quune
XXI
A
Lorsque tout autour de moi devint sombre et noir que laraison eacuteteignit agrave demi son flambeau--et que lespeacuterancene lanccedila plus quune mourante eacutetincelle qui eacutegaradavantage mes pas solitaires au milieu de cette profondenuit de lame et de ces luttes inteacuterieures du cœur alors
que dans la crainte de paraicirctre trop bons--les faibles sedeacutesespegraverent et les hommes froids senfuient agrave lheure ougrave lafortune changea--ougrave lamour senvola ougrave les traits de lahaine tombegraverent en pluie serreacutee et rapide tu fus leacutetoilesolitaire qui se leva sur mon horizon pour ne labandonnerjamais Oh beacutenie soit ta lumiegravere invaincue qui veilla surmoi comme lœil dun seacuteraphin et maintint sans cesseentre la nuit et moi sa gracieuse et voisine lueur Et quandsur nous fondirent les nuages qui tentegraverent dobscurcir tesrayons--alors tes douces flammes seacutepandirent avec uneacuteclat plus pur encore et chassegraverent au loin les teacutenegravebresPuisse toujours ton esprit inspirer le mien et mapprendrece quil faut braver ou souffrir--Une seule de tes tendresparoles est plus pour moi que les vaines censures dumonde Tu mapparus comme un arbre aimable dont labranche non rompue mais heureusement courbeacuteebalance avec un zegravele fidegravele ses rameaux au-dessus dunetombe dussent les vents te briser--ducirct le ciel se fondre touten eau sur toi tu fus--et tu serais encore aux heures de latempecircte precirct agrave eacutetendre sur moi ton feuillage humide depleurs Mais tu ne connaicirctras aucun revers quelle que soitma destineacutee car la diviniteacute reacutecompensera en plein jourles gens de bien--et toi par-dessus tous Laisse doncrompre le lien dun amour abuseacute--le lien ne se romprajamais Ton cœur est sensible--mais non pas irritable toname toute tendre quelle est ne sera jamais eacutebranleacuteeVoilagrave quand tout le reste fut perdu ce que je trouvai en toice que jy trouverais toujours--et tant que battra un cœur sieacuteprouveacute la terre ne sera point deacuteserte--mecircme pour moi
XXII
STANCES A
1 Quoique les jours de mon bonheur ne soient plus et queleacutetoile de ma destineacutee ait marcheacute vers son deacuteclincependant ton tendre cœur a refuseacute de deacutecouvrir en moiles fautes que tant dautres hommes pouvaient trouverQuoique ton ame nignoracirct point ma douleur elle na pasfreacutemi de la partager avec moi Ah lamour que mon espritseacutetait peint je ne lai jamais trouveacute quen toi
2 Si la nature autour de moi sourit ce seul sourire quideacutesormais reacuteponde au mien je ne le crois pas trompeurparce quil me rappelle le tien Si les vents sont en guerreavec lOceacutean comme le sont avec moi les cœurs en qui jemeacutetais confieacute les vagues souleveacutees nexcitent en moiquelque eacutemotion que parce quelles memportent loin detoi
3 Quoique le roc ougrave se reacutefugia ma derniegravere espeacuterance soitaujourdhui briseacute et que les deacutebris sen soient abicircmeacutes dansles flots quoique je sente que mon ame soit livreacutee agrave ladouleur--pourtant mon ame ne sera pas lesclave de ladouleur Je suis en butte agrave maintes angoisses on peut
maccabler mais non me meacutepriser--me torturer mais nonme soumettre--cest agrave toi que je songe--non pas agrave mesennemis
4 Humaine creacuteature tu ne me trompas point femme tu neme fus pas infidegravele aimeacutee tu ne te plus pas agrave mattristercalomnieacutee tu ne fus jamais abattue--je toffris maconfiance et tu ne la deacutesavouas point tu me quittas maisnon pour tenfuir tu veillas sur moi mais non pour mediffamer quand tu gardas le silence ce ne fut pas devantles mensonges du monde
5 Toutefois je ne blacircme ni ne meacuteprise le monde ni laguerre de tant dennemis ligueacutes contre un seul--si moname neacutetait pas faite pour le priser ce monde--ceacutetait foliede ne pas le fuir plus tocirct et si cette erreur ma coucircteacute cheret plus que je ne pus jamais le preacutevoir jai trouveacute quequelle que fucirct ma perte il a eacuteteacute impossible de me priver detoi
6 De ce naufrage de mes biens passeacutes il me resteencore beaucoup jai appris par lagrave que ce que jecheacuterissais le plus meacuteritait en effet decirctre lobjet le plus cheragrave mon cœur Dans le deacutesert jaillit encore une fontainedans cette immense deacutesolation un arbre est encoredebout et dans la solitude chante encore un oiseau quime parle de toi
XXIII
A UN JEUNE AMI 140
Note 140 (retour) et Ce poegraveme et le suivant ont eacuteteacutecomposeacutes avant le mariage de Lord Byron
1 Il y a peu danneacutees toi et moi eacutetions intimes amis aumoins de nom et la joyeuse sinceacuteriteacute de lenfance fit long-tems durer nos tendres sentimens
2 Mais aujourdhui tu sais trop bien comme moi quelsriens le cœur nous rappelle souvent et que ceux qui ont leplus aimeacute autrefois oublient trop tocirct quils aient aimeacute lemoins du monde
3 Et tels sont les changemens quoffre le cœur si frecircle estle regravegne de lamitieacute du premier acircge que le court espacedun mois dun jour peut-ecirctre verra ton ame me redevenireacutetrangegravere
4 Sil en est ainsi ce nest certes pas moi qui deacuteploreraijamais la perte dun tel ami la faute nen serait pas agrave toimais agrave la nature qui te fit volage
5 Comme on voit osciller les ondes inconstantes delOceacutean ainsi va le flux et reflux des sentimens humainsQui donc se fierait agrave ce cœur toujours embracircseacute depassions orageuses
6 Peu importe queacuteleveacutes ensemble nous ayons aux joursde notre enfance goucircteacute des joies communes le printemsde ma vie a fui rapidement et toi aussi tu as cesseacute decirctreun enfant
7 Et quand nous disons adieu au jeune acircge devenusesclaves dun monde trompeur nous soupirons un longadieu agrave la veacuteriteacute ce monde corrompt lame la plus noble
8 Oh joyeuse saison ougrave lesprit ose tout hardiment sauf lemensonge ougrave la penseacutee seacutechappe avant la parole etbrille dans un œil paisible
9 Il nen est plus ainsi dans un acircge plus mucircr ougrave lhommenest quun instrument ougrave linteacuterecirct gouverne nos espeacuteranceset nos craintes ougrave tous doivent aimer et haiumlr suivant laregravegle
10 Nous apprenons enfin agrave cacher nos fautes avec lesfous que la parenteacute du vice nous unit et ceux-lagrave oui ceux-lagrave seuls peuvent reacuteclamer le nom dami nom deacutesormaisprostitueacute
11 Tel est le lot commun de la condition humainePouvons-nous donc eacutechapper au joug de la folie pouvons-nous renverser lordre geacuteneacuteral et necirctre pas ce que tousnous devons ecirctre tour agrave tour
12 Quant agrave moi chaque peacuteriode de la vie ma porteacute une
destineacutee si noire jai tant de haine pour lhomme et pour lemonde que je me soucie peu de lheure ougrave je quitterai cetheacuteacirctre
13 Mais toi esprit frecircle et leacuteger tu brilleras un instant etpuis tu passeras ainsi le ver-luisant 141 eacutetincelle dans lanuit mais nose soutenir leacutepreuve du jour
Note 141 (retour) MAP au lieu de ver-luisant dit lelampyris Cest tregraves savant cest comme qui dirait aulieu deacutecrevisse un astacus
(N du Tr)
14 Heacutelas tu te rends toujours agrave lappel de la folie toutesles fois quelle tinvite aux cercles de parasites et deprinces (car choyeacutes dabord dans les palais des rois lesvices nous y attirent par un accueil gracieux)
15 Chaque soir tu viens ajouter un insecte agrave la foulebourdonnante et toujours ton cœur frivole est heureux dese joindre aux ames vaines de courtiser les amesorgueilleuses
16 Lagrave tu voles de belle en belle et promegravenes partout tesrapides sourires comme le long dun riant parterre lepapillon gacircte les fleurs quil goucircte agrave peine
17 Mais dis-moi quelle nymphe prisera cette flamme quisemble comme fait une vapeur mareacutecageuse senfuir de
dame en dame cette flamme veacuteritable feu follet damour
18 Quel ami daignera pour toi malgreacute le plus tendrepenchant avouer une fraternelle tendresse Qui abaisserason cœur dhomme agrave une amitieacute que le premier sot peutpartager
19 Arrecircte il en est tems encore cesse de paraicirctre sibasse creacuteature au milieu de la foule cesse de passer tesjours dans une vie si oiseuse sois quelque chose autrechose du moins--quun ecirctre vil
XXIV
A MARIE 142
Note 142 (retour) Miss Chaworth la Marie des Heuresde loisir qui eacutepousa un gentilhomme dancienne famillemais dont le mariage fut loin decirctre heureux
(N du Tr)
1 Cest bien tu es heureuse et moi je sens que je devraisecirctre heureux aussi car mon cœur prend encore un inteacuterecirctardent agrave ton bonheur comme il eut toujours coutume defaire
2 Que ton eacutepoux est fortuneacute--Ah jeacuteprouverai bienquelques peines agrave la vue de la feacuteliciteacute que le destin luiaccorde agrave mon preacutejudice mais je les bannirai--Ohcombien mon cœur le haiumlrait cet homme-lagrave sil allait nepas taimer
3 Naguegravere quand je vis ton enfant cheacuteri je crus que moncœur jaloux se briserait mais quand cette innocentecreacuteature meut souri je lembrassai par amour de sa megravere
4 Je lembrassai et jeacutetouffai mes soupirs agrave voir sur sonvisage les traits de son pegravere mais ses yeux eacutetaient ceuxde sa megravere ils appartiennent donc agrave lamour et agrave moi
5 Marie adieu Je dois meacuteloigner Tant que tu serasheureuse je ne maffligerai pas mais je ne puis demeurerpregraves de toi Mon cœur bientocirct retomberait dans tes fers
6 Je pensais que le tems--je pensais que lorgueil avaitenfin eacuteteint les flammes de lenfance et je ne sus quapregravesmecirctre assis agrave ton cocircteacute que mon cœur nourrissait encoreles mecircmes sentimens hors lespoir
7 Cependant jeacutetais calme jai connu le tems ougrave mon seinse serait deacutechireacute devant ton regard mais aujourdhuitrembler serait un crime--nous nous sommes rencontreacuteset pas un nerf na tressailli
8 Je tai vu arrecircter tes regards sur mon visage sans ysurprendre aucun trouble tu ny pus deacutecouvrir quun seulsentiment le sombre calme du deacutesespoir
9 Arriegravere arriegravere recircve de mes premiers ans Le souvenirne doit plus se reacuteveiller Oh ougrave trouver londe fabuleuse duLeacutetheacute Cœur insenseacute sois paisible ou brise-toi
XXV
A THYRZA
1 Sans pierre qui marque la place de ta cendre et dise ce
1 Sans pierre qui marque la place de ta cendre et dise ceque la veacuteriteacute elle-mecircme aurait dit ce que tout le mondehors un seul homme a deacutejagrave peut-ecirctre oublieacute heacutelaspourquoi gis-tu dans la tombe Seacutepareacute par tant de rivagespar tant de mers je tai toujours aimeacutee--mais en vain Lepasseacute--lavenir a fui pour toi en nous condamnant agrave nenous revoir jamais--non--jamais Si du moins--un mot unregard meucirct dit tendrement laquoJe te quitte en taimantraquomon cœur eucirct appris agrave pleurer avec de plus faiblessanglots le coup qui enleva lame de ton corps et puisquela mort preacuteparait un dard leacuteger pour te frapper soudain etsans douleurs ne soupiras-tu pas apregraves celui que tu neverras plus qui garde et garda encore ton image dans sonsein Oh qui aurait veilleacute comme lui sur toi ou commelui observeacute avec deacutesespoir ton œil se glacer agrave cette heureredouteacutee qui preacutecegravede la mort alors que la douleur muettecraint de pousser un soupir jusquagrave ce que tout soit finiMais degraves que tu aurais cesseacute davoir affaire aux misegravereshumaines mon cœur deacutechireacute naurait plus retenu lestorrens qui auraient ruisseleacute de mes yeux avec autantdabondance quaujourdhui Ah comment ne fondrais-jepas en pleurs agrave la vue de ces tours maintenant deacutesertespour moi ou avant de te quitter pour quelque tems nousavons souvent confondu nos douces larmes Dirai-je toutnotre bonheur Ces regards que personne ne voyait lessourires que personne ne pouvait comprendre la penseacutee agravevoix basse exhaleacutee de deux cœurs eacutetroitement unisleacutetreinte eacutelectrique des mains les baisers si innocens sipurs que lamour se deacutefendait tout deacutesir plus ardent Tesbeaux yeux reacuteveacutelaient une ame si chaste que la passion
beaux yeux reacuteveacutelaient une ame si chaste que la passionelle-mecircme eucirct rougi de reacuteclamer davantage Tes accensminstruisaient agrave me reacutejouir lorsquoubliant ton exemplejeacutetais precirct agrave maffliger dans ta voix le chant me semblaitune harmonie ceacuteleste mais il ne meacutetait doux que dans tavoix Dirai-je les gages sacreacutes que nous eacutechangeacircmes--je porte encore le mien mais ougrave est le tien--heacutelas ougrave es-tu toi-mecircme Jai souvent soutenu le fardeau du malheurmais je navais pas encore plieacute sous lui jusquagrave ce jour Tumas laisseacute agrave la fleur de la vie la coupe de misegravere agraveeacutepuiser La tombe ne fucirct-elle quun lieu de repos je nesouhaiterais pas de te revoir ici-bas Mais si dans desmondes plus heureux que le nocirctre tes vertus cherchent unesphegravere digne delles-mecircmes reacutepands sur moi une portionde ton bonheur pour me deacutelivrer de mes angoisses dici-bas Instruis-moi devais-je lecirctre sitocirct par toi agrave porter la vieagrave donner et recevoir un pardon Sur la terre ton amour futdun tel prix pour moi que je ne voudrais avoir rien de plus agraveespeacuterer dans le ciel
2 Arriegravere arriegravere accens de douleur silence chantsautrefois doux agrave mon cœur ou je fuis dici car heacutelas jenose de nouveau abandonner mon oreille agrave ces sons quime parlent de jours plus brillans sommeillez cordes de lalyre ah je ne dois plus songer je ne puis plus arrecircter monregard agrave ce que je suis--agrave ce que je fus La voix quidonnait agrave ces sons tant de douceur est aujourdhui muetteet tous leurs charmes sen sont envoleacutes leur plus tendremeacutelodie nest plus quun psaume funegravebre une antienne demort Oui Thyrza oui ces chants ne respirent que toi
poussiegravere bien aimeacutee puisque tu es poussiegravere ce qui futnaguegravere harmonie est pour moi pis que bruit discord Toutest silencieux--mais un eacutecho trop connu retentit en monoreille jentends une voix que je voudrais nentendre pasune voix qui maintenant pourrait bien se taire cependantmaintes fois elle eacutebranle mon ame deacuteccedilue par lillusion Cesgracieux accens enchantent mon sommeil jusquagrave linstantougrave mes sens seacuteveillent ougrave vainement jeacutecoute encoreapregraves la fuite du recircve Douce Thyrza dans le sommeil oudans la veille tu nes plus pour moi quun songe aimableune eacutetoile qui jeta un moment sur les flots sa tremblantelumiegravere puis deacutetourna de la terre ses deacutelicats rayonsCependant celui qui doit achever lodieux voyage de la viesous les nuages de colegravere dont le ciel sest voileacute--celui-lagravedeacuteplorera long-tems leacuteclipse de lastre qui reacutepandaitlalleacutegresse sur la route
3 Encore un effort et je suis deacutelivreacute des angoisses quideacutechirent mon cœur encore un long soupir pour laderniegravere fois agrave lamour et agrave toi puis rentrons dans letourbillon de la vie Il me convient fort de me mecirclermaintenant aux choses qui mavaient toujours deacutepluauparavant quoique toute joie ait eacuteteacute ensevelie avec toiquel chagrin deacutesormais peut me toucher Allons servez-moi du vin servez le banquet lhomme nest pas fait pourvivre seul je serai cette leacutegegravere et incompreacutehensiblecreacuteature qui sourit avec tous et ne pleure avec personne Ilnen fut point ainsi dans des jours plus chers agrave mon cœur ilnen aurait jamais eacuteteacute ainsi mais tu mas quitteacute et mas
laisseacute seul ici-bas tu nes plus rien tout nest riendeacutesormais pour moi En vain mon luth voudrait produire unleacuteger murmure Le sourire que la douleur essaiera defeindre ne fait quinsulter agrave la misegravere qui geacutemit agrave cocircteacutecomme ferait une guirlande de roses sur un seacutepulcreQuoique de gais compagnons le verre en main chassentun instant le sentiment du malheur quoique le plaisirembrase lame deacutelirante ah le cœur--le cœur est toujoursvide 143 Maintes fois dans la solitude dune belle nuit ilme fut doux de fixer mon regard sur la voucircte eacutetoileacutee caralors je songeais que la lumiegravere ceacuteleste brillait dungracieux eacuteclat agrave ton œil meacutelancolique Souvent lorsquagrave laclarteacute des rayons de Diane 144 je naviguais sur les ondesde la mer Eacutegeacutee je pensais en moi-mecircme laquoA preacutesentThyrza contemple cette luneraquo--Heacutelas cette lune eacuteclairait latombe de Thyrza Eacutetendu sur le lit sans sommeil de lafiegravevre tandis que le frisson parcourait mes veinespalpitantes laquoCest du moins une consolation disais-jedune voix faible que Thyrza ne sache pas messouffrancesraquo Comme la liberteacute agrave lesclave useacute par les ansnest plus quun preacutesent steacuterile ainsi la nature me rendit envain agrave la vie quand Thyrza eut cesseacute de vivre Gagedamour que je reccedilus de ma Thyrza dans des joursmeilleurs alors que jeacutetais eacutegalement neuf dans lamour etdans la vie comme mon regard te trouve aujourdhuichangeacute comme le tems a jeteacute sur toi une teinte de douleurLe cœur qui se donna avec toi est muet--Ah pourquoi lemien ne jouit-il pas du mecircme repos aussi glaceacute quun
cœur mort le peut ecirctre il sent encore il souffre de ce froidEt toi gage amer emblecircme de deuil je te beacutenis malgreacutetes peacutenibles souvenirs reste agrave jamais sur mon sein veilleveille agrave jamais sur mon amour ou brise le cœur que tupresses Lamour est apaiseacute par le tems mais non deacutetruitil devient plus sacreacute quand toutes ses espeacuterances sontenvoleacutees Oh que sont les amours de mille beauteacutesvivantes agrave lamour qui ne peut deacutelaisser une cendre
Note 143 (retour) Ces quatre versThough gay companions o er the bowlDispel awhile the sense of illThough plesure fires the maddening soulThe heart--the heart is lonely still
sont un plagiat de Byron sur lui-mecircme agrave lexception dunseul mot Voir Heures de loisir piegraveces fugit IX st 4 Leseul mot diffeacuterent est ici fires (embrase) au lieu de stirs(agite)
(N du Tr)
Note 144 (retour) Le texte anglais deacutesigne la lune sousun nom encore plus classique celui de Cynthia (Dianeest neacutee sur le mont Cynthus agrave Deacutelos)
(N du Tr)
XXVI
EUTHANASIA 145
Note 145 (retour) Euthanasia est un mot tout grecΕὐθανασία composeacute de εὐ bien et de ϑάνατος mort Ilsignifie donc le bien mourir la bonne ou belle mort etc
(N du Tr)
Lorsque le tems tocirct ou tard amegravenera le sommeil sansrecircves ougrave sendorment les morts Oubli puisse ton ailelanguissante se balancer gracieusement sur mon lit demort Loin de moi cette troupe damis ou dheacuteritiers quipleure ou souhaite le coup suspendu sur ma tecircte Loin demoi femme eacutecheveleacutee qui ressente ou feigne un deacutesespoirbienseacuteant Mais je voudrais descendre en silence dans laterre sans officieux pleureurs agrave mon cocircteacute je voudrais nepas corrompre une heure de plaisir ninspirer pas unecrainte agrave lamitieacute Toutefois lamour sil avait agrave une heurepareille la noble force de dompter ses inutiles soupirs--lamour pourrait alors manifester pour la derniegravere fois sapuissance et sur lamante en vie et sur lamant expirant Ilme serait doux ma Psycheacute de voir jusquau dernierinstant tes traits toujours sereins dans loubli des transespasseacutees la douleur elle-mecircme sourirait Vain deacutesir--labeauteacute frissonnera toujours agrave la vue du frisson de lagonieet les larmes que la femme verse agrave son greacute nous trompentdurant la vie nous effeacuteminent agrave linstant de la mort Doncpuisseacute-je ecirctre seul agrave ma derniegravere heure sans corteacutege deregrets et de geacutemissemens Pour des milliers dhommes
laquoHeu quantograve minus est cum reliquisversari quam tuiacute meminisseraquo
la mort a cesseacute decirctre un sombre fantocircme et la douleur aeacuteteacute passagegravere ou tout-agrave-fait inconnue laquoOui ce nest quemourir et sen allerraquo heacutelas ougrave tous sen sont alleacutes deacutejagrave ougravetous doivent aller encore ecirctre dans le neacuteant ougrave jeacutetaisavant de naicirctre agrave la vie et agrave ses misegraveres Compte les joiesque tes heures ont vues compte les jours ougrave tu fus sanssouffrance et sache quel quait eacuteteacute ton sort que le neacuteantest quelque chose de mieux
XXVII
STANCES
1 Donc 146 tu es morte agrave la fleur de la jeunesse aussibelle que le fut jamais une beauteacute mortelle Un corps sicharmant et des attraits si rares sont retourneacutes trop tocirctdans la terre Ah quoique la terre tait reccedilue dans son seinquoique tu reposes en un lieu que pressent les pas dunefoule indiffeacuterente ou joyeuse il y a un œil qui ne pourraitavoir la force de regarder un instant ce tombeau
Note 146 (retour) Malherbe a commenceacute une ode parcette strophe
Donc un nouveau labeur agrave tes armes sapprecircte etc
Cette forme de style encore tregraves-employeacutee parCorneille paraicirct avoir reacutepugneacute agrave Racine et agrave tous ceuxqui lont adoreacute comme type unique de la belle eacutelocutionLa nouvelle eacutecole a eu raison de remettre en vigueur cetour agrave notre sens fort eacutenergique MV Hugo a fait dire agraveCharles-Quint dans Hernani
Donc je suis cest un titre agrave nen pas vouloir dautresFils de pegraveres qui font choir la tecircte des vocirctres
(N du Tr)
2 Je ne demanderai pas ougrave gicirct ta cendre et nirai pascontempler ta place funeacuteraire lherbe et les fleurs y croicirctrontagrave leur greacute certes je ne viendrai pas les voir cest assezpour moi de connaicirctre que ce que jaimai et dus encorelong-tems aimer se pourrit comme largile commune pasnai besoin quaucune pierre me dise que ce que jaimaitant nest plus rien
3 Je taimai jusquau dernier moment avec autant dardeurque tu maimas toi-mecircme dune ardeur qui ne sest jamaisaffaiblie et qui ne peut plus salteacuterer Lamour ougrave la mort amis son sceau ni les ans ne peuvent le glacer ni un rival ledeacuterober ni la perfidie labjurer et ce qui serait le pire desmaux tu ne peux plus voir en moi ni faute ni inconstance nitorts
4 Les meilleurs jours de la vie nous en avons joui tousdeux les mauvais jours me sont resteacutes agrave moi seul Ni le
soleil riant ni la sombre tempecircte ne sont plus rien pour toiLe silence de ce sommeil sans recircves je lenvie tropmaintenant pour pleurer et je nai pas agrave maffliger davoir vutous ces attraits qui ont disparu soudain se consumer peuagrave peu dans un long deacutepeacuterissement
5 La fleur dans leacuteclat non pareil de sa maturiteacute doittomber victime preacutecoce sa corolle sans ecirctre avant le temsarracheacutee par la main de lhomme doit se seacuteparer de latige et pourtant ce serait douleur plus grande de laregarder se fleacutetrir feuille agrave feuille que de la voir deacutepouilleacuteeen un jour car lœil mortel souffre agrave suivre le passage de labeauteacute agrave la laideur
6 Je ne sais si jaurais supporteacute la lente eacuteclipse de tescharmes la nuit qui aurait suivi une si belle aurore eucirct jeteacuteune ombre trop profonde Ta journeacutee sest passeacutee sansnuage et tu fus digne damour jusquau dernier instant tudisparus tu ne deacutepeacuteris pas ainsi les eacutetoiles qui traversentles cieux brillent dautant plus quelles tombent de plus haut
7 Si je pouvais pleurer comme je pleurais jadis certesmes larmes se reacutepandraient agrave penser que je ne fus pas lagravepour veiller au moins une nuit pregraves de ton lit pourcontempler ton visage avec tendresse pour te serrer dansmes bras languissans relever ta tecircte expirante et montrercet amour heacutelas trop vain dans ses efforts que ni toi nimoi ne ressentirons plus
14 mars 1812
8 Ah tu me laisses libre--Mais comme il me serait moinsdoux de posseacuteder toutes les beauteacutes qui restent encore surla terre que de me repaicirctre ainsi de ton souvenir Tout cequi de toi ne peut peacuterir revient agrave moi du sein de la sombreet terrible eacuteterniteacute et notre amour enserreacute dans la tombeest encore ce que jai de plus cher hormis ses anneacutees devie
XXVIII
STANCES
1 Si quelquefois dans les demeures des hommes tonimage peut seacutevanouir en mon sein lheure de la solitudemoffre de nouveau les traits enchanteurs de ton ombrecette heure triste et silencieuse peut ainsi me rendreencore beaucoup de ce que je trouvais en toi et la douleursans teacutemoin peut alors exhaler la plainte quelle nosaitexprimer aux yeux du monde
2 Oh pardonne si dans la foule je dissipe parfois unepenseacutee qui test due et si tout en me condamnant moi-mecircme je souris et parais infidegravele agrave ta meacutemoire Ne croispas que cette meacutemoire me soit moins chegravere parce
qualors je ne semble pas affligeacute ah je ne voudrais pasque les cœurs frivoles entendissent un soupir que jadressetout entier agrave toi
3 Si je ne laisse point passer le verre sans le vider cenest pas que je boive pour bannir le chagrin il faut quellecontienne un breuvage de mort la coupe qui sera le Leacutetheacutedu deacutesespoir Si loubli pouvait deacutelivrer mon ame desvisions qui la troublent je briserais contre terre quelquedouce que fucirct la liqueur le vase ougrave se noierait une seuledes penseacutees que je garde de toi
4 Si tu disparaissais de ma meacutemoire ougrave mon cœur videse tournerait-il Qui donc resterait apregraves moi pour honorerton urne abandonneacutee Non non--ma douleur senorgueillitde remplir ce dernier et si doux devoir tout le monde peuttoublier mais moi je dois me souvenir toujours
5 Car je le sais tels auraient eacuteteacute les regrets de tonsensible cœur pour le mortel qui maintenant quittera sansecirctre pleureacute ce theacuteacirctre dici-bas ougrave il ninteacuteressait que toiOh je sens trop que ceacutetait lagrave une feacuteliciteacute qui neacutetait pasfaite pour moi tu ressemblais trop agrave un recircve du ciel pourque tout amour terrestre ne fucirct pas indigne de toi
XXIX
Septembre 1809
A UNE DAME
Oh madame quand je quittai le lointain rivage ougrave je reccedilusla naissance agrave peine pensais-je quil me serait encoredouloureux dabandonner une autre contreacutee du globe etpourtant ici dans cette icircle steacuterile ougrave la nature languit agravedemi expirante ougrave vous seule souriez je vois avec craintelheure de mon deacutepart Quoique aujourdhui je sois loin desbords escarpeacutes dAlbion dont me seacutepare labicircme azureacutedes flots peut-ecirctre apregraves le court peacuteriode de quelquessaisons je reverrai les rochers de la patrie mais enquelque lieu que jerre sous un ciel brucirclant et sur des mersdiverses quoique le tems puisse enfin me rendre agrave mesfoyers domestiques jamais je ne reposerai mes yeux survous--sur vous en qui brillent agrave la fois tous les charmes ougravese prennent les cœurs imprudens vous quon ne peut voirsans admiration et mecircme ah pardonnez-moi le mot--sans amour Pardonnez ce mot agrave celui qui nen offenseraplus votre oreille et puisque je ne peux avoir une placedans votre cœur croyez-moi ce que je suis en effet votreami Qui donc serait assez froid pour te voir aimablevoyageuse et sentir pour toi moins de zegravele et necirctre pasce que lhomme devrait toujours ecirctre lami de la beauteacutedans linfortune Heacutelas qui croirait quune femme telle quetoi agrave parcouru la route des peacuterils destructeurs a braveacute lescoups de louragan ministre aileacute de la mort a eacutechappeacute agrave la
rage encore plus terrible dun tyran Oui madame quandje verrai les murs ougrave jadis seacuteleva la libre Byzance quand jeverrai Stamboul et ses palais orientaux ougrave maintenant lestyrans turcs se renferment quoique cette puissante citeacuteoccupe toujours un rang glorieux dans les annales de larenommeacutee elle aura sur mon esprit un droit encore pluscher comme lieu de votre naissance Aujourdhui je vousdis adieu mais lorsque je serai sur ce merveilleux theacuteacirctreil sera doux pour moi qui ne puis demeurer ougrave vous ecirctes--ilsera doux decirctre ougrave vous avez eacuteteacute
XXX
STANCES
Composeacutees le 11 octobre 1809 la nuit durant unorage au milieu du tonnerre et des eacuteclairs lorsque lesguides eurent perdu la route qui megravene agrave Zitza pregraves lachaicircne de montagnes connues autrefois sous le nomde Pinde dans lAlbanie
1 Au pied des montagnes du Pinde louragan nocturnenous glace de froid et les nuages irriteacutes versent agrave grandsflots la vengeance des cieux
2 Nos guides sont partis notre espoir est perdu et les
eacuteclairs qui jouent sur lhorizon ne servent quagrave nousmontrer les rocs qui ont entraveacute notre route et agrave dorerleacutecume du torrent
3 Nai-je pas aperccedilu lagrave-bas une cabane fort petite il estvrai Lorsque leacuteclair dissipera pour un instant lesteacutenegravebres--combien je beacutenirai lombre de la petite cabane--Mais heacutelas ce nest quun tombeau turc
4 Au milieu du bruit des ondes qui tombent en cascadeseacutecumantes jentends le cri dune voix humaine--cest moncompatriote eacutepuiseacute de fatigue qui invoque de cettecontreacutee lointaine le nom de lAngleterre
5 Un coup de fusil vient de partir--est-ce un ennemi ou unami qui la tireacute Encore un autre--cest pour avertir lespaysans de la montagne de descendre et de nousconduire agrave leurs demeures
6 Oh qui dans une nuit pareille osera se hasarder dansle deacutesert Qui durant les roulemens du tonnerre peutentendre notre signal de deacutetresse
7 Qui apregraves avoir mecircme entendu nos cris se legravevera poursengager dans un chemin si peacuterilleux Qui ne nousprendra agrave nos vocifeacuterations nocturnes pour des brigandsqui battent le pays
8 Les nuages cregravevent les airs eacutetincellent oh quelle heureterrible Lorage tombe avec plus de fureur Pourtant une
penseacutee a encore la force de maintenir la chaleur en monsein
9 Tandis que jerre dans ces sentiers sans issue sur cettecime heacuterisseacutee de rocs et de ronces tandis que leseacuteleacutemens eacutepuisent leur rage douce Florence 147 ougrave es-tu
Note 147 (retour) Ce nest pas le nom de la capitale dela Toscane mais celui dune femme espagnole queByron paraicirct avoir eue pour maicirctresse dans licircle de Malte
(N du Tr)
10 Ah sans doute tu nes plus sur la mer--sur la mer queta barque a si long-tems parcourue Oh puisse lorage quifond sur moi ne frapper que ma tecircte
11 Le rapide siroc 148 enflait ta voile de toute la puissancede son souffle quand je pressai tes legravevres pour la derniegraverefois il aura depuis long-tems agrave travers londe eacutecumantepousseacute ton brave navire jusquau rivage
Note 148 (retour) Vent de sud-est dans laMeacutediterraneacutee
(N du Tr)
12 Maintenant tu es hors de peacuteril oui depuis long-tems tuas fouleacute la gregraveve espagnole Ce serait chose cruelle quunefemme aussi belle que toi fucirct retenue sur les flots
13 Et puisque je songe maintenant agrave toi au milieu desteacutenegravebres et des terreurs comme dans ces heures dereacutejouissances ougrave reacutegnaient le plaisir et la musique
14 Toi au milieu des belles et blanches murailles deCadix si pourtant Cadix est encore libre 149 jette parfoisun regard au travers de tes jalousies sur labicircme azureacute dela mer
Note 149 (retour) A cette eacutepoque comme on sait lesFranccedilais eacutetaient en Espagne
(N du Tr)
15 Puis souviens-toi des icircles de Calypso 150 devenueschegraveres agrave nos cœurs depuis les jours que nous y avonspasseacutes ensemble donne aux autres tes sourires parmilliers agrave moi un seul soupir
Note 150 (retour) Malte et Gozzo les geacuteographessignalent ces deux icircles comme pouvant ecirctre licircle Ogygiedemeure de Calypso
(N du Tr)
16 Et quand le cercle de tes admirateurs remarquera lapacircleur de ta face une larme agrave demi formeacutee un nuagepassager de gracieuse meacutelancolie
17 De nouveau tu souriras tu eacuteviteras en rougissant laraillerie de quelque fat et navoueras pas que tu penses
14 novembre 1809
une fois agrave un amant qui pense toujours agrave toi
18 Quoique les sourires et les soupirs soient eacutegalementvains alors que deux cœurs geacutemissent lun de lautreseacutepareacutes mon ame en deuil franchit mers et montagnes agrave lapoursuite de la tienne
XXXI
STANCES
EacuteCRITES EN PASSANT LE GOLFE DAMERACIE 151
Note 151 (retour) Aujourdhui golfe dArta dans laBasse-Albanie (ancienne Eacutepire) ce fut le theacuteacirctre de labataille dActium
(N du Tr)
1 A travers un ciel sans nuages le disque argenteacute de lalune lance agrave plein ses rayons sur la cocircte dActium cest surces ondes que jadis la reine dEacutegypte gagna et perditlancien monde
2 Sur la scegravene que je contemple aujourdhui labicircme azureacute
fut le tombeau de plus dun Romain cest lagrave que lambitionfarouche abandonna sa chancelante couronne pour suivreune femme
3 Florence toi que jaimerai autant que fut jamais aimeacuteemortelle ceacuteleacutebreacutee en prose ou en vers depuis leacutepousequOrpheacutee ramena des enfers toi que jaimerai tant que tuseras belle et que je serai jeune
4 Douce Florence ceacutetaient dheureux tems que ceux ougrave lemonde eacutetait mis en jeu pour les yeux des belles Oh si lespoegravetes avaient sous leur empire autant de royaumes quede rimes tes charmes feraient de nouveaux Antoines
5 Le destin ne permet pas quil en soit ainsi mais jen jurepar tes yeux par les boucles de ta chevelure si je ne puisperdre un monde pour toi point ne voudrais te perdre pourun monde
XXXII
VERS
COMPOSEacuteS APREgraveS AVOIR FRANCHI A LA NAGE LE DEacuteTROITDES
DARDANELLES DE SESTOS A ABYDOS 152
Note 152 (retour) Le 3 mai 1810 tandis que la freacutegate laSalsette (capitaine Bathurst) eacutetait en panne dans ledeacutetroit des Dardanelles le lieutenant Ekenhead etlauteur de ces vers passegraverent agrave la nage dEurope enAsie--ou plus exactement dAbydos agrave Sestos Ladistance parcourue depuis lendroit dont nous particircmesjusquagrave celui ougrave nous pricircmes terre sur la cocircte opposeacutee ycompris le trajet oblique que nous fucircmes obligeacutes de faireen raison du courant fut eacutevalueacutee par leacutequipage de lafreacutegate agrave plus de quatre milles anglais quoique lalargeur reacuteelle du deacutetroit soit agrave peine dun mille entier Larapiditeacute du courant est telle quaucune barque ne peut letraverser directement agrave force de rames et elle peutjusquagrave un certain point ecirctre appreacutecieacutee dapregraves le temsemployeacute agrave franchir la distance entiegravere (une heure cinqminutes par lun des nageurs une heure dix minutes parlautre) Leau avait eacuteteacute excessivement refroidie par lafonte des neiges Environ trois semaines auparavant aumois davril nous avions fait un premier essai maiscomme nous eacutetions le matin du mecircme jour venus agravecheval de la Troade et que leau eacutetait dun froid glacialnous jugeacircmes agrave propos de diffeacuterer la partie complegravetejusquagrave ce que la freacutegate eucirct mis agrave lancre sous leschacircteaux des Dardanelles cest seulement alors quenous franchicircmes le deacutetroit comme je viens de le direnous eacutetant mis en mer beaucoup au-dessus du fort de lacocircte dEurupe nous nabordacircmes quen dessous du fortde la cocircte dAsie Chevalier dit quun jeune juif traversa agravela nage la mecircme distance pour sa maicirctresse et Olivierparle dun Napolitain qui aurait fait le mecircme trajet maisnotre consul Tarragora qui ne se rappelait ni lune nilautre de ces histoires essaya de nous dissuader denotre entreprise Plusieurs hommes de leacutequipage de laSalsette eacutetaient connus pour avoir franchi agrave la nage de
9 mai 1810
plus grandes distances et la seule chose qui meacutetonnacest que les doutes eacuteleveacutes sur la veacuteriteacute de lhistoire deLeacuteandre neussent engageacute aucun voyageur agrave tacirccher desassurer par expeacuterience de la possibiliteacute du fait
1 Si dans le sombre mois de deacutecembre Leacuteandre selonlhistoire connue de toute jeune fille avait coutume ocirc largeHellespont de traverser ton onde rapide
2 Si malgreacute les orages dhiver qui rugissaient sur sa tecircteil se rendait en hacircte pregraves dHeacutero et si jadis ton courant eacutetaitaussi fort quaujourdhui ocirc Veacutenus je plains bien les deuxamans
3 Car moi homme deacutegeacuteneacutereacute des tems modernes mecircmedans le doux mois de mai je meus avec peine mesmembres languissans ougrave la sueur ruisselle et je crois avoirfait une prouesse aujourdhui
4 Quand Leacuteandre traversait limpeacutetueux torrent ceacutetait silon en croit toujours une histoire douteuse pour courtisersa belle--et faire--Dieu sait quoi encore il nagea pourlamour comme moi pour la gloire
5 Mais il serait difficile de dire qui de nous deux a eacuteteacute lemieux traiteacute Pauvres humains ainsi les dieux vousfrappent-ils toujours Mal lui reacuteussirent ses peacuterils et agrave moima partie de plaisir lui se noya et moi jai la fiegravevre
XXXIII
SUR LA MORT DE SIR PETER PARKERBARONET
1 Il y a des larmes pour tous ceux qui meurent un cri dedeuil sur la plus humble tombe mais au treacutepas des heacuterosles nations entiegraveres chantent lhymne funegravebre et la victoireelle-mecircme verse des larmes
2 Cest pour eux que la douleur envoie le plus pur de sessoupirs sur le sein ondoyant de loceacutean en vain leursossemens gisent sans seacutepulture toute la terre devient leurmonument
3 Leur seacutepulture est dans les pages de lhistoire leureacutepitaphe dans toutes les bouches Lacircge preacutesent lessiegravecles futurs geacutemissent sur eux et leur appartiennent
4 Cest pour eux que se taisent les joyeux devis du festinleur nom est le seul son qui regravegne tandis quagrave la ronde lesouvenir reconnaissant paie agrave leur vertu le tribut des toasts
5 Ils font parler deux agrave la foule qui ne les connut pas ilssont pleureacutes des ennemis qui les admiregraverent Qui donc nevoudrait partager leur lot glorieux Qui ne voudrait mourir
de la mort quils ont choisie
6 Ainsi brave Parker agrave jamais sera sacreacutee ta vie tachute ta renommeacutee et les jeunes guerriers enflammeacutes decourage trouveront un modegravele dans ta meacutemoire
7 Mais il est des cœurs qui en te perdant ont reccedilu uneblessure que la gloire ne saurait cicatriser et ce nest quenfreacutemissant quils entendent ceacuteleacutebrer une victoire ougravesuccomba un ami si cher si intreacutepide
8 Que feront-ils pour adoucir leur chagrin Quandnentendront-ils plus retentir ton nom Le tems ne peut nousinstruire agrave loubli quand le regret qui remplit lame est nourripar la voix de la renommeacutee
9 Heacutelas ils ne peuvent que pleurer davantage sur leur sortsinon sur le tien Ah combien doit ecirctre profond le deuil quenous inspire la mort de celui qui jamais auparavant ne nousdonna sujet daffliction
XXXIV
PEacuteNIBLE SOUVENANCE (1808)
1 Quand nous nous seacuteparacircmes lun de lautre dans lesilence et dans les larmes le cœur deacutechireacute et mourant agrave
demi pour une absence de longues anneacutees pacircle et froidedevint ta joue et plus froid ton baiser En veacuteriteacute cette heuredu passeacute preacutedit les chagrins agrave lheure daujourdhui
2 La roseacutee du matin tomba glaceacutee sur mon front--elle medonna comme un pressentiment de ce que je sensaujourdhui Tes sermens sont tous rompus et tarenommeacutee sans honneur Jentends prononcer ton nom etjai part agrave la honte qui sy attache
3 On te nomme devant moi--oh supplice pour mon oreilleUn frisson me parcourt--pourquoi me fus-tu si chegravere Onne sait pas que je tai connue moi qui heacutelas tai connuetrop bien--long-tems ah long-tems je te maudirai--tropprofondeacutement pour parler
4 En secret nous nous sommes vus--en silence jemafflige que ton cœur ait pu oublier et ton espritsabaisser agrave la perfidie Si je te revoyais jamais apregraveslongues anneacutees comment taccueillerais-je--Avec lesilence et les larmes
XXXV
INSCRIPTION
SUR LE MONUMENT DUN CHIEN DE TERRE-NEUVE
Newstead-Abbey 30 octobre 1808
La terre reccediloit-elle en son sein la deacutepouille mortelle dequelque orgueilleux fils des hommes inconnu agrave la gloiremais placeacute haut par sa naissance lart du sculpteur eacutepuiseles pompes du deuil et des urnes chargeacutees dinscriptionsdisent qui gicirct sous cette tombe Quand tout est fini on lit surla tombe non ce que lhomme fut mais ce quil aurait ducircecirctre Mais le pauvre chien qui tant quil vit est le plus sucircrami de son maicirctre le premier agrave laccueillir le plus prompt agravele deacutefendre qui lui deacutevoue sans reacuteserve son cœur fidegravelequi travaille combat vit respire pour son maicirctre seul--lechien succombe sans honneurs funeacuteraires frustreacute deseacuteloges quont meacuteriteacutes ses vertus et par nous deacutesheacuteriteacute lagrave-haut de lame quil a eue sur la terre Et cependantlhomme vain insecte espegravere le pardon et reacuteclame pourlui seul un ciel tout entier O homme faible et eacutepheacutemegraverehabitant de ce globe ecirctre deacutegradeacute par lesclavage oucorrompu par le pouvoir quiconque te connaicirct bien doit tequitter avec deacutegoucirct masse meacuteprisable de poussiegravereanimeacutee Ton amour nest que luxure ton amitieacute imposturetes sourires hypocrisie tes paroles mensonges Vil parnature tu nes noble que de nom chacune de ces brutesqui forment avec toi la grande famille des animaux pourraitte faire rougir de honte--Passans qui par hasard verrezcette urne modeste poursuivez votre chemin--cemonument nhonore personne que vous deacutesiriez pleurerCes pierres marquent la place ougrave gisent les restes dun
Newstead-Abbey 1808
ami je nen connus jamais quun seul et il est ici
XXXVI
VERS
EacuteCRITS SUR UNE COUPE FAITE AVEC UN CRANE DHOMME
1 Point deffroi--ne crois pas mon esprit envoleacute en moivois seulement un cracircne qui par un privileacutege refuseacute auxtecirctes vivantes ne reacutepand jamais au dehors rien quedexcellent
2 Comme toi je veacutecus jaimai je menivrai--je mourus--laterre ta ceacutedeacute mes os pour en faire un vase agrave boire vaemplis-le jusquaux bords--tu ne peux moutrager les versont une legravevre plus hideuse que la tienne
3 Mieux vaut enserrer le jus peacutetillant de la grappe que denourrir la gent glaireuse des vers de terre 153 mieux vauten forme de coupe porter agrave la ronde la boisson des dieuxque de pourrir en proie aux reptiles
Note 153 (retour) Nurse the earth-worms slimy broodMAP traduit laquoNourrir les vers deacutevorans de la tomberaquo
A-t-il eu raison de substituer un lieu commun agrave uneimage forte et neuve Avons-nous eu tort decirctre moinsdeacutelicats et plus fidegraveles Le lecteur en jugera Celadailleurs soit dit pour maint autre passage ougrave nousavons eu ougrave nous aurons le mecircme tort si toutefois cenest un
(N du Tr)
4 Lagrave ougrave jadis mon esprit a peut-ecirctre brilleacute brillons encoreen inspirant les autres Lorsque heacutelas nos cerveaux nesont plus peut-on mettre en leur place chose plus nobleque le vin
5 Bois toujours tant que tu le peux faire--lorsque toi et lestiens vous aurez passeacute comme moi une autre racetenlegravevera peut-ecirctre aux embrassemens de la terre etfestinera rimera avec des ossemens
6 Pourquoi non Puisque durant les jours de notre courtevie nos tecirctes produisent de si tristes effets arracheacutees auxvers et aux deacutebris de notre argile elles courent la chancedecirctre de quelque usage
XXXVII
SOUVIENS-TOI DE CELUI ETC
Souviens-toi de celui sur qui lamour fit de sa puissanceune eacutepreuve cruelle profonde et pourtant vaine souviens-toi de cette heure dangereuse ougrave ni lun ni lautre nous nesuccombacircmes malgreacute une passion mutuelle Labandonde ton sein la langueur de tes yeux humides minvitaienttrop bien au suprecircme bonheur mais ta douce priegravere tessoupirs supplians reacuteprouvaient un farouche deacutesir que jesus reacuteprimer Oh laisse-moi penser que tout ce que jeperdis te sauva du moins ce qui fait la terreur de laconscience laisse-moi rougir des regrets quil men coucirctapour nous eacutepargner les vains remords de lavenirCependant songe agrave mon sacrifice toutes les fois quunelangue meacutechante empresseacutee agrave reacutepandre des paroles deblacircme outragera le cœur qui taima et diffamera mon nomheacutelas presque maudit songe quoi que disent les autresque tu mas vu eacutetouffer toute penseacutee deacutegoiumlsme Maintenantencore je beacutenis ton ame pure oui maintenant dans lasolitude de la nuit Oh Dieu pourquoi ne nous sommes-nous pas rencontreacutes plus tocirct nos cœurs eussent eacuteteacute aussipassionneacutes et ta main plus libre tu maurais aimeacute sanscrime et jaurais moi-mecircme eacuteteacute moins indigne de toiPuissent tes jours comme jadis seacutecouler loin des pompesde ce monde et apregraves ce moment de trop vive amertumepuisses-tu navoir plus agrave subir une pareille eacutepreuve Moncœur depuis long-tems perverti mon cœur damneacute lui-mecircme damnerait peut-ecirctre le tien te rencontrer dans lafoule brillante eacuteveillerait en moi un preacutesomptueux transportdespeacuterance Laisse donc ce monde agrave ces creacuteatures dontle destin heureux ou malheureux nest comme le mien
quune sorte de vie sauvage et indigne--abandonne cetheacuteacirctre ougrave les ecirctres sensibles doivent sucircrementsuccomber Vois ta jeunesse tes charmes ta tendresseton ame dont une longue solitude a conserveacute la pureteacute etdapregraves ce qui sest passeacute au sein de ta retraite juge ceque devrait endurer ton cœur parmi ce monde Ohpardonne-moi tes larmes suppliantes puisque la vertu neles a pas reacutepandues en vain et que mon deacutelire avait prissa source dans ces yeux adoreacutes que deacutesormais je ne feraiplus pleurer Certes cest un deuil long et cruel que depenser que nous ne nous reverrons peut-ecirctre plus mais jemeacuterite cet arrecirct seacutevegravere et peu sen faut que je ne regardecette sentence comme douce Toutefois si je tavais moinsaimeacutee mon cœur neucirct pas fait au tien un si grandsacrifice il neucirct pas senti agrave te quitter moitieacute moins dedouleur que si son crime teucirct mise en mes bras
XXXVIII
STANCES TRADUITES DU TURC
1 La chaicircne que je donnai eacutetait belle agrave voir le luth que jyajoutai riche en douce meacutelodie le cœur qui offrit ces deuxgages damour eacutetait sincegravere et meacuteritait mal la destineacuteequil rencontra
2 Ces dons avaient reccedilu dun charme secret la vertu dereacuteveacuteler ta fideacuteliteacute durant labsence ils ont fait leur devoirheacutelas ils nont pu tapprendre le tien
3 Cette chaicircne fut ineacutebranlable dans chacun de sesanneaux tant quelle ne dut pas subir le contact dune maineacutetrangegravere ce luth fut doux--tant que tu ne pensas pas quilpucirct sous les doigts dun autre rendre les mecircmes sons
4 Que celui qui vit se rompre en sa main la chaicircne quilocirctait de ton cou qui vit ce luth lui refuser les plus faiblesaccords essaie deacutesormais de remonter linstrument et derattacher le collier
5 Quand tu changeas le collier et le luth changegraverent aussilun se brisa lautre devint muet cest fini--je leur dis adieuainsi quagrave toi--adieu cœur perfide chaicircne fragile luthsilencieux
XXXIX
AU TEMS
Tems dont laile capricieuse entraicircne dun vol lent ourapide les heures inconstantes dont le tardif creacutepuscule oulaurore passagegravere ne fait que nous mener plus ou moinsvicircte agrave la mort--salut toi qui reacutepandis sur mon berceau ces
vicircte agrave la mort--salut toi qui reacutepandis sur mon berceau cesdons connus heacutelas de tous les ecirctres qui te connaissentToutefois je soutiens mieux ton fardeau car aujourdhui jesuis seul agrave en supporter le poids Je ne voudrais pas quuncœur trop tendre partageacirct les momens amers que tu masdeacutepartis je te pardonne depuis que tu laissas tout ce quejaimai jouir de la paix ou du ciel Joie ou repos agrave ces ecirctrescheacuteris les maux que tu mapporteras pegraveseront en vain surmoi Je nai reccedilu de toi que des anneacutees cest lagrave tout ce queje te dois dette deacutejagrave payeacutee en douleur Mais la douleurelle-mecircme nous porte secours contre toi elle sempare ducœur mais lui fait oublier ta puissance la vive agonie dudeacutesespoir retarde mais ne compte jamais les heuresDans la joie jai souvent geacutemi de penser que ta fuite rapideallait bientocirct se changer en une lente marche Tes nuagespurent eacuteclipser la lumiegravere mais non pas ajouter une nuit deplus agrave ma misegravere quelque odieux et sombre que fucirct tonhorizon il convenait agrave mon ame dune seule eacutetoile partaitune eacutetincelle qui prouvait que tu neacutetais point--leacuteterniteacute Cerayon sest eacuteteint et tu nes plus quun vide pour moi--unmouvement monotone dont lon compte et lon maudit lamesure dans ce vain et stupide rocircle que tout mortel geacutemitde jouer ici-bas Enfin il y a une scegravene que tu ne peuxalteacuterer terme de ta course paresseuse ou diligente alorsque lhomme parvenu au bout de la carriegravere dort dunsommeil trop profond pour entendre lorage qui gronde sursa tecircte Oui je puis sourire de songer quelle sera bientocirct lafaiblesse de tes efforts quand toute la vengeance que tupeux deacuteployer tombera sur une pierre sans nom
XL
LE DEacutePART
Vierge cheacuterie le baiser que ta legravevre a imprimeacute sur lamienne y laissera une trace fidegravele jusquagrave ce quen desjours plus heureux je puisse te le rendre aussi pur que tume le donnas Ton œil en reacutepandant sur moi si douxregards dadieu peut lire dans le mien une tendresseeacutegale les larmes qui coulent de ta paupiegravere ne peuventpleurer mon inconstance 154 Je ne demande aucun gagedamour dont la vue seule me rende heureux danslabsence aucun souvenir pour ce sein dont toutes lespenseacutees sont agrave toi Ai-je besoin deacutecrire--Non--pourconter mon ardeur ma plume serait deux fois trop faibleOh agrave quoi bon de vains mots si le cœur ne peut parlerJour et nuit dans la bonne ou mauvaise fortune ce cœurqui nest plus libre nourrira lamour quil ne peut montrer etsouffrira en silence pour toi
Note 154 (retour) MAP traduit laquoLa larme qui mouilleta paupiegravere ne saurait rien effacer de mon cœurraquo ce quiest agrave coup sucircr un contre-sens et me semble mecircme unnon-sens