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1 Projet Énergie Est de TransCanada Mémoire déposé dans le cadre du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement 25 Avril 2016

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Projet Énergie Est de TransCanada

Mémoire déposé dans le cadre du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement

25 Avril 2016

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TABLE DES MATIÈRES

Page 3 1. ORIGINE DE L’INTERVENTION

Page 5 2. NIVEAU LOCAL - ENVIRONNEMENT, SANTÉ ET SÉCURITÉ

2.1 Milieu naturel et protection de l’eau potable

2.2 Protection du sol

2.3 Protection de l’air

2.4 Risques de déversements

Page 9 3. ENJEUX GLOBAUX

3.1 Rappel des faits

a) Croissance de la population mondiale

b) Consommation mondiale d’énergie primaire par année par habitant

c) Production mondiale d’énergie par source

d) Historique des émissions mondiales de CO2

e) Historique des émissions de CO2 selon la source au Canada

f) Courbe de Keeling 1958-2015

3.2 Quantifications des émissions de GES

3.3 Analyse globale de la situation

Page 17 4. ÉNERGIE EST NUIT À NOTRE ÉCONOMIE

4.1 Impacts sur l’industrie manufacturière

4.2 Le Québec: des besoins déjà comblés

4.3 Une demande incertaine, des prix volatils

Page 19 5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Page 21 Annexe

Page 23 Références

Image de la page titre : oeuvre de Maurice Lépine, membre du MEAC

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1.ORIGINE DE L’INTERVENTION

Mobilisation Environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC) est un comité citoyen formé de bénévoles qui a été créé le 22 juillet 2015. Une quinzaine de résidents de l’arrondissement ont entrepris une série d’actions pour mobiliser leurs concitoyens afin de freiner l’exploitation des sables bitumineux et le transport du pétrole à travers le territoire du Québec, via l’oléoduc Énergie Est. Dans le contexte des élections fédérales de l’automne 2015, le comité a recueilli près de 900 promesses d’engagement d’électeurs de la circonscription d’Ahuntsic-Cartierville qui affirment que les enjeux environnementaux, et plus spécifiquement l’expansion des sables bitumineux, sont au cœur de leurs préoccupations. Environ 700 de ces promesses d’engagement ont été signées lors d’activités de porte-à-porte et dans des lieux publics. 2127 résidents d’Ahuntsic-Cartierville se sont prononcés contre l’expansion des sables bitumineux via une pétition en ligne d’Équiterre. Les citoyens ont des craintes. L’initiative s’inscrit dans un large mouvement de comités citoyens, de municipalités et d’organisations environnementales qui s’organise et s’élargit au Québec, et ailleurs, pour contrer le projet Énergie Est. L’expansion de l’industrie des sables bitumineux cause un réel malaise en Amérique du Nord et les différents projets de transport de pétrole brut font tous face à une opposition grandissante. Rappelons que le gouvernement américain de Barack Obama s’est opposé au projet de Keystone XL, que les communautés autochtones de l’Ouest canadien ont déposé un important recours judiciaire contre le projet Northern Gateway, que la Ville de Vancouver et le gouvernement de la Colombie-Britannique se sont positionnés contre le projet TransMountain. Par trois fois, des citoyens ont fermé et se sont enchaînés sur différentes valves de la ligne 9B d’Enbridge. Non partisan, le MEAC est épaulé par l’organisme Équiterre et membre du Front commun pour la transition énergétique.

Fort des appuis récoltés, le MEAC décidait de présenter un mémoire devant le BAPE, un organisme créé spécifiquement pour consulter le public et prendre en compte les opinions dans le cadre d’un projet ayant un impact environnemental. Le BAPE considère les citoyens comme les experts de leur milieu, puisque ce sont eux qui y demeurent et qui auront à vivre avec les répercussions d’un projet, qu’elles soient positives ou négatives.

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Par ailleurs, le MEAC déplore le fait que le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques qui, selon la Loi sur la qualité de l’environnement, dispose d’un pouvoir discrétionnaire, n’ait pas réclamé dès le début et avec vigueur, le dépôt des documents nécessaires pour démarrer une évaluation faite en vertu de l’article 31.3 de la même loi. En effet, le mandat générique du BAPE actuel fait en sorte que de grands pans de l’impact projeté de l’oléoduc demeurent inconnus alors que la consultation publique bat son plein. Nous sommes d’avis qu’Énergie Est doit se conformer aux exigences des gouvernements provinciaux et municipaux. Nous regrettons également que le mandat octroyé au BAPE par le ministre n’inclue pas tous les aspects du projet pertinents à la prise de décision, notamment les retombées économiques et fiscales de l’oléoduc Énergie Est. L’étude d’impact réalisée par le promoteur sur un projet ponctuel constitue le document central assurant la disponibilité d’une information environnementale vulgarisée permettant la participation effective du public. Sans une information complète, cette participation ne peut être que partielle.

Une des bonnes pratiques, reconnue au niveau international, veut que la participation du public dans l’étude d’un projet se fasse au moment où toutes les options concernant son sort restent ouvertes, y compris celle de ne pas le réaliser1. Nous nous questionnons sur les options véritables qui s’offrent à nous, vu le contexte dans lequel le projet se développe. Le MEAC réaffirme son opposition totale au transport du pétrole issu des sables bitumineux par pipeline, train ou bateau. Nous profitons de cette tribune pour exposer nos inquiétudes et celles des personnes de notre arrondissement rencontrées au cours des derniers mois. Ces inquiétudes portent sur différents aspects de ce projet et s’inscrivent tant au niveau de l’arrondissement et de la région de Montréal, qu’au niveau plus global, soit du Québec, du Canada et de la planète.

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2. NIVEAU LOCAL - ENVIRONNEMENT, SANTÉ ET SÉCURITÉ 2.1 Milieu naturel et protection de l’eau potable L’arrondissement Ahuntsic-Cartierville est situé au nord de l’île de Montréal et est bordé, sur toute sa frontière nord, par la rivière des Prairies. On y retrouve deux parcs nature de la Ville de Montréal, celui de l’île de la Visitation et celui du Bois-de-Liesse qui longent la rivière et sont reliés par une piste cyclable et de nombreux parcs. Les résidents de l’arrondissement fréquentent assidûment ces milieux naturels qui recèlent une riche biodiversité. Bon nombre d’entre eux sont aussi des propriétaires riverains. Il va sans dire que la rivière des Prairies est un grand atout pour l’arrondissement et qu’elle occupe une place privilégiée dans le cœur de ses habitants. Les menaces que fait peser sur elle le projet Énergie Est inquiètent sérieusement les citoyens. En effet, selon le tracé préliminaire de TransCanada, dont nous n’avons malheureusement pas la version définitive, l’oléoduc traversera la rivière des Outaouais. Or, 70 % des eaux de cette rivière se retrouvent dans la rivière des Prairies. En outre, la compagnie n’a toujours pas précisé comment sera franchie la rivière des Outaouais. Les scénarios produits par la firme Savaria Experts-Conseil dans son rapport technique rédigé pour la Communauté métropolitaine de Montréal, démontrent les effets d’un déversement sur la qualité de l’eau des rivières, dont celle des Prairies, sur laquelle sont situées des prises d’eau de la municipalité de Montréal qui alimentent en eau potable la population2. Un déversement aurait aussi des impacts négatifs sur les écosystèmes aquatiques et les activités de loisirs. Une conduite secondaire de l’oléoduc, qui doit permettre de transporter du pétrole jusque dans l’est de Montréal, traverserait aussi directement la rivière3. Une eau potable de qualité est une priorité pour les Québécois et les Québécoises comme le démontre une étude récente réalisée par des chercheurs de l'Université de Sherbrooke et de l'Université du Québec en Outaouais pour le compte de la Fondation David Suzuki. Selon les résultats obtenus, chaque ménage québécois serait disposé à verser entre 0,11 $ et 15,39 $ pour améliorer différentes caractéristiques environnementales de la trame bleue du Grand Montréal. L’amélioration de la qualité de l’eau arrive en tête des services pour lesquels les gens seraient prêts à investir4. Pour l’ensemble des Québécois, cela représente un montant de plus de 18 millions de dollars en dons. De savoir que 1,1 million de barils de pétrole circuleraient quotidiennement dans le futur oléoduc et qu’une fuite de moins de 1,5 % de l’oléoduc ne serait pas détectée par le

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système de TransCanada5 engendre de vives inquiétudes pour la protection de l’eau potable et des milieux aquatiques à proximité de nos quartiers. Montréal est une île située à une latitude qui fait en sorte que les cours d’eau qui la bordent sont gelés plusieurs mois par année. Les techniques et l’expertise sont peu développées pour intervenir en cas de fuite ou de déversement lorsque les rivières sont emprisonnées dans la glace ce qui accroît encore les dangers de contamination. À ces difficultés, s’ajoute la densité élevée du pétrole des sables bitumineux qui a pour conséquence de le faire couler plus rapidement au fond de l’eau que le pétrole classique compliquant ainsi les opérations de nettoyage. Rien pour nous rassurer quand on sait que le délai d’intervention en cas de déversement ou de fuite de pétrole est un facteur crucial pour contenir les dégâts. Soixante-dix municipalités le long du parcours québécois de l’oléoduc ont déjà rejeté le projet Énergie Est. Récemment, la Ville de Laval, voisine nord de notre arrondissement6 s’est aussi fermement opposée au projet soulignant les risques qu’il implique pour la sécurité et la santé de ses citoyens7. En janvier dernier, les 82 municipalités de la CMM se sont opposées au projet portant à près de 300, le nombre de municipalités qui se sont prononcées contre l’oléoduc. Il semble d’ailleurs clair que TransCanada n’ait pas réussi à détecter une fuite de 63 600 litres de pétrole brut survenue en ce mois d’avril 2016 sur son oléoduc Keystone au Dakota du Sud. Quelques jours après l’annonce de ce nouveau déversement, un rapport de groupes environnementaux 8 démontre que le projet de pipeline Énergie Est met en danger d’importantes sources d’eau potable à travers le Canada, dont une majorité au Québec, non identifiées dans l’application soumise par la pétrolière à l’Office national de l’énergie. Plus de 5 millions de personnes à travers le Manitoba, l’Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick puisent leur eau potable de sources situées à proximité et en aval du tracé proposé d’Énergie Est, dont 3 213 353 au Québec seulement. 2.2 Protection du sol D'importants efforts de concertation ont mené les municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) à se doter d'une planification stratégique quant à l'aménagement du territoire. La vision collective qui s'en dégage est présentée dans le Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD). Un des éléments clés de cette planification réside dans la mise en place d'une ceinture verte qui a pour objectif de protéger l'environnement et mettre en valeur ses attraits. L'objectif est de protéger 17 % du territoire du Grand Montréal. La protection des corridors forestiers et des milieux

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humides est l'une des conditions essentielles au maintien de la biodiversité de la région montréalaise. Leur rareté et leur potentiel écologique et récréatif leur confèrent une très grande valeur. Or, le tracé proposé par TransCanada pour le passage de l'oléoduc en région métropolitaine fait fi de cet objectif de la CMM et détruirait une portion importante des corridors forestiers de la région. De plus, tel que mentionné dans les documents du promoteur, l'emprise de l'oléoduc en milieu forestier devra rester libre d'accès, ce qui veut dire qu'il ne sera pas possible de replanter des arbres après l'installation de la canalisation. Cette perte significative de biodiversité, dans un environnement métropolitain qui en a bien besoin, est totalement contraire aux engagements pris par le Canada par rapport à la convention de Nagoya des Nations Unies sur la biodiversité écologique. À ce titre, le choix collectif fait dans le cadre du PMAD et orienté vers une amélioration de la qualité de vie de millions de résidents en milieu urbain peut-il vraiment être subordonné aux intérêts économiques d'une industrie vouée à disparaître? 2.3 Protection de l’air Selon la documentation consultée, le pétrole qui circulerait le plus dans l’oléoduc est le pétrole de bitume dilué, aussi appelé dilbit. Le diluant utilisé contient du benzène et du toluène, des produits cancérigènes selon l’Organisation mondiale de la Santé. En cas de déversement, les diluants s’évaporeraient et causeraient des problèmes respiratoires9. Un des risques majeurs pour la santé qui n'est pas fréquemment discuté dans le cadre des audiences publiques réside dans le fait que le raffinage du dilbit entraîne des conséquences environnementales significativement plus importantes que le raffinage d'un pétrole léger. En effet, le dilbit a une très forte teneur en soufre et en métaux lourds. Il est très difficile de réduire les émissions atmosphériques dans un procédé de raffinage et les métaux lourds, transportés par les vents dominants, pourraient se déposer sur une portion importante du territoire québécois et menacer de contaminer les sols et les milieux humides10. Il est reconnu que les oxydes de soufre sont à la base des pluies acides. Suite aux importants efforts des 20 dernières années pour réduire cette source de pollution, il est inacceptable, voire contradictoire, de revenir en arrière, sachant que de très nombreux lacs situés sur la rive nord du fleuve St-Laurent sont particulièrement vulnérables aux pluies acides11.

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Bien que l’industrie pétrolière affirme que les accidents sont peu nombreux, TransCanada elle-même reconnaît que le risque zéro n’existe pas. 2.4 Risques de déversements Dans les faits, le nombre de fuites dans les oléoducs a doublé dans la dernière décennie.

Un exemple bien connu est le déversement de pétrole bitumineux dans la rivière Kalamazoo au Michigan à l’été 2010, lequel déversement a entraîné des problèmes de santé, dont certains sont chroniques, chez les membres des communautés avoisinantes. Les photos et les témoignages de cet accident sont éloquents. Le rapport des autorités américaines fait état de différentes erreurs commises par la compagnie Enbridge dans la gestion du bris, lesquelles ont aggravé les impacts environnementaux du déversement. Pour sa part, le Conseil des Canadiens12 a calculé la probabilité d’une rupture d’un pipeline d’Énergie Est. Les données sur la rupture de pipelines publiées par l’Office national de l’énergie13 démontrent que TransCanada possède le pire dossier de sécurité au Canada. Dix-sept ruptures complètes du tuyau depuis 1992. Et la situation est encore plus catastrophique depuis quelques années, avec huit ruptures en six ans, dont quatre au cours des 22 derniers mois. Une rupture provoquerait le plus important déversement de pétrole de l’histoire récente au Canada, soit jusqu’à 30 millions de litres de bitume dilué, dans le pire des cas. Une fuite de 2,6 millions de litres pourrait également ne pas être détectée par TransCanada. Autre paramètre à prendre en compte, les risques de rupture d’un pipeline sont plus élevés au passage d’une rivière, car ces lieux impliquent des contraintes supplémentaires à la structure du conduit, contraintes dues à la corrosion, aux changements de niveau, et aux changements de température. Finalement, le transport du pétrole par oléoduc ne stoppera pas le transport de produits pétroliers par trains et par bateaux, lesquels alimentent la consommation locale. Les pourparlers concernant le projet Chaleur Terminals promu par le CN sont en cours et il s'agirait d'un contrat d'approvisionnement complètement indépendant de celui que propose Énergie Est. La population d’Ahuntsic-Cartierville est déjà exposée aux risques du transport de pétrole par rail puisque le CN et le CP opèrent des voies ferrées qui traversent notre arrondissement. Le projet Énergie Est ne ferait qu’ajouter des risques supplémentaires à la situation actuelle.

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3. ENJEUX GLOBAUX  3.1 Rappel des faits a) Croissance de la population mondiale

La population mondiale a augmenté de façon très importante depuis 1900 et est passée de 1.7 milliard à plus de 7.3 milliards d’habitants en 2015. C’est une donnée essentielle dans l’analyse qui doit être faite des conséquences sur le plan environnemental de nos choix de filière énergétique.

Les prévisions de l’ONU nous indiquent que la population devrait atteindre les 9 milliards en 2050, ce qui n’est pas très éloigné dans le temps. Des changements importants devront s’opérer pour que ces humains puissent vivre sans détruire leur maison commune et le climat est une composante essentielle de l’équilibre global14.

b) Consommation mondiale d’énergie primaire par année et par habitant

Au cours de la période 1900-2015, la consommation mondiale d’énergie primaire est passée de 486 millions de tonnes de pétrole équivalent à près de 13 000 millions de tonnes15.

L’augmentation est en partie due à la croissance de la population, mais également due à l’augmentation d’énergie consommée par habitant qui est passée de 0.29 tonne de pétrole équivalent (tpe) par année en

1900 à plus de 1.7 tonne actuellement. Au Canada la consommation moyenne par personne en 2015 a été de 7.2 tpe, et ce n’est pas seulement à cause des hivers froids ou des grandes distances à parcourir. C’est le mode de vie qui est la cause principale de

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cette consommation importante, la prévalence du transport individuel au détriment du transport collectif en est un aspect16.

c) Production mondiale d’énergie par année par source

Si on regarde de plus près les chiffres, on constate que les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) comptent pour près de 85% de toute l’énergie primaire consommée actuellement. Ce sont ces sources d’énergie qui sont la cause principale des émissions de CO2 globales. Si l’on veut diminuer la concentration des gaz à effet de serre, il faut donc diminuer les émissions dues à la combustion. Il n’y a pas d’autre choix. Produire du pétrole des sables bitumineux et le consommer ne pourra jamais être fait selon des méthodes qui respectent l’environnement17.

Environ 28 % de toute l’énergie primaire consommée mondialement l’est par le secteur du transport. C’est le secteur qui a connu la plus forte croissance, soit 60 % d’augmentation dans les 20 dernières années. En 1960, il y avait 127 millions de véhicules immatriculés qui circulaient sur les routes du monde, en 2012, on en était à 1.1 milliard de véhicules. Naturellement le pétrole est la forme d’énergie privilégiée pour cet usage18 .

Il faut également voir que le CO2 produit par des sources mobiles, comme les véhicules, ne pourra jamais être séquestrée à la sortie du moteur. Donc parler de captation de CO2 ne peut être envisagé que par les sources fixes, et encore, seulement si un puits de stockage est accessible, ce qui est peu fréquent.

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d) Historique des émissions mondiales de CO2

Sur le graphique à gauche, la courbe no (3) présente l’augmentation des émissions de CO2 dues uniquement à la combustion d’énergie fossile pour la période des 50 dernières années. La courbe no (1) incorpore les émissions du CO2 équivalent provenant de l’utilisation des sols pour l’agriculture et les activités forestières (LULUCF). On observe que les émissions augmentent plus rapidement que l’accroissement de la

population19.

Les émissions par personne, courbe (2), ont connues une certaine stabilité entre 1973 et l’année 2000, les chocs pétroliers de 1973 et de 1979, puis des difficultés économiques dans les années 1980 et 1990 ainsi que l’augmentation de l’efficacité énergétique expliquent en grande partie cette situation. Les émissions par personne ont recommencé à augmenter rapidement depuis 2000, et cela correspond à la croissance de la consommation d’énergie fossile per capita. L’achat de voitures et autres objets manufacturés est le moteur de cette croissance.

e) Historique des émissions de CO2 selon la source au Canada

Selon les chiffres du World Resources Institute, l’Allemagne a émis 1111 millions de tonnes de CO2 équivalent (Mte) en 1990, cette valeur inclut les émissions des secteurs de l’agriculture et de la forêt. En 2014, ce pays avait réussi à diminuer ses émissions à 800 Mte, soit une diminution de 28 %. Cette diminution n’a en rien pénalisé les performances économiques de l’Allemagne. Mais cette situation représente un exemple peu suivi. La plupart des autres pays ont connu une

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augmentation de leurs émissions de CO220.

Le Canada ne fait pas exception au chapitre de la croissance de la consommation de combustibles et des émissions de CO2. Les données d’Environnement Canada indiquent que pour cette même période, le Canada a vu ses émissions passer de 591 millions de tonnes (Mte) de CO2, à 691 Mte, soit une augmentation de 17 %. La cible fixée par le gouvernement fédéral est de 611 Mte pour 2020. Les tendances indiquent que le Canada n’atteindra pas cette cible21 de réduction.

L’accroissement des émissions canadiennes est en partie dû à l’augmentation de la production du pétrole de l’Ouest. De plus cette production a fait augmenter la valeur du dollar canadien qui a eu pour conséquence, la fragilisation de l’économie des provinces industrielles de l’Est.

Mais, une nouvelle de dernière heure semble encourageante au niveau mondial : « Les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées au secteur de l’énergie n’ont pas augmenté en 2015 et se trouvent presque au « même niveau qu’en 2013 », s’est réjoui le 16 mars dernier l’Agence internationale de l’énergie en évoquant un ‘découplage confirmé’ entre croissance économique et pollution atmosphérique »22. La raison principale en est l’augmentation de l’énergie produite par des sources renouvelables dans de nombreux pays. Est-ce que le Canada suivra cet exemple ? L’autre raison est le ralentissement de la croissance de l’économie mondiale, principalement en Chine.

f) Courbe de Keeling 1958-2015

En 1850, la concentration du CO2 dans l’atmosphère était d’environ 285 ppm. Depuis cette date, la teneur de ce gaz n’a fait qu’augmenter d’année en année. La fameuse courbe de Keeling en est la preuve irréfutable. Le taux de croissance est passé d’environ 0.7 ppm par année en 1960 à plus de 3 ppm en 2015. C’est l’année qui a connu le taux d’augmentation le plus important. Ce qui fait que la concentration a

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dépassé le seuil de 400 ppm et est actuellement de 402 ppm. En 165 ans l’augmentation a été de 40 %, dont la majorité, 30 %, s’est fait dans les dernières 45 ans. Ne pas oublier que cette augmentation a un impact direct sur l’équilibre thermique entre le sol et l’atmosphère. Toute production et consommation de combustibles fossiles dégradera encore plus cet équilibre23.

Selon le groupe de recherche Carbon Tracker Initative, si les ressources connues de combustibles fossiles étaient toutes utilisées, il en résulterait des émissions de GES de l'ordre de 2 860 Gt de CO2. Or, pour limiter le réchauffement climatique à 2oC d'ici 2050, une quantité maximale de 565 Gt de CO2 peut être émise. Il faudra donc laisser dans le sol de 75 à 80 % des réserves actuelles de combustible24. Un virage radical est donc absolument nécessaire si l'humanité veut éviter le pire et limiter le réchauffement climatique à seulement 2oC. En effet, pour atteindre cet objectif, le GIEC estime que les émissions mondiales de GES devraient être réduites de 40 à 70 % d'ici 2050 et être nulles en 210025.

3.2 Quantification des émissions de GES Pour prendre en compte l’impact global de la construction du pipeline Énergie Est, il est nécessaire de quantifier les émissions imputables à l’extraction du pétrole des sables bitumineux ainsi qu’à la combustion de ce pétrole.

Produire du pétrole pour l’exportation implique que le Canada sera responsable, au moins partiellement, du CO2 produit lors de sa combustion, même si cette combustion se fait dans d’autres pays. C’est une question de responsabilité concernant le choix de la structure industrielle que l’on désire développer.

« L’analyse du cycle de vie », une approche de plus en plus utilisée dans le domaine de l’environnement, permet de faire le lien entre toutes les étapes de la vie d’un produit, ce qui est résumé par l’expression « du berceau au tombeau ». Ce principe appliqué aux combustibles fossiles nous impose donc de considérer l’impact de toute la chaîne de conséquences liées au pétrole qui circulera dans le pipeline, et non seulement la très faible quantité de CO2 qui sera émise lors de la construction et du fonctionnement du pipeline.

La production actuelle de pétrole des sables bitumineux est de 1.9 million de barils par jour. Les compagnies pétrolières d’Alberta planifient d’augmenter la production en 2030 à 5 millions de barils par jour.

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Il faut environ 2 tonnes de minerais de sables bitumineux pour produire 1 baril de pétrole par excavation. Ce processus est très énergivore. Environ 25% de l’énergie contenue dans un baril de pétrole est nécessaire pour produire un baril issu des sables bitumineux. Pour le pétrole conventionnel, c’est environ 6%. De plus, il faut environ 2.5 barils d’eau pour produire 1 baril de pétrole des sables bitumineux.

À terme, le pipeline Énergie Est devrait transporter 1.1 million de barils de pétrole par jour, ce qui donne un débit cumulé de 400 millions de barils de pétrole par année, ou exprimé autrement, 63.6 millions de tonnes (Mt) de pétrole par année. Ceci basé sur une densité similaire à celle de l’eau après mélange avec le diluant, correspondant à degré API de 10, et considérant qu’un baril (US) de pétrole contient 159 litres26. Les détails du calcul sont présentés en annexe.

Il est difficile de connaître la composition exacte du pétrole qui circulera dans le pipeline, car d’une part le pétrole extrait des sables bitumineux a une composition variable, d’autre part, le bitume est transformé chimiquement sur place puis mélangé avec un diluant et les mélanges sont des secrets industriels. Lors de la combustion, ce qui est important c’est le rapport entre le nombre de carbone et d’hydrogène dans les molécules d’hydrocarbures. Pour fin de simplification, on peut raisonnablement supposer, du fait de la présence du diluant, que le fluide aura une composition qui se rapproche d’une molécule moyenne du type C20H42, qui est un hydrocarbure lourd.

En utilisant une équation de combustion stœchiométrique, on obtient que 1 tonne de pétrole produira 3.1 tonnes de CO2. Le débit de 63.6 Mt de pétrole passant par le pipeline sera donc la cause de l’émission de 197.2 Mt de CO2 par année.

À cette valeur, il faut ajouter le fait qu’il est nécessaire de brûler 1 baril de pétrole pour en extraire environ 4 barils, on obtient donc un ajout de 15.9 Mt de pétrole consommé sur place qui émettra 49.3 millions de tonnes de CO2 supplémentaires par année.

La quantité totale de CO2 que représente le pétrole passant par le pipeline Énergie Est, est de 246.4 Mt par année, tel que démontré dans les calculs présentés en annexe. Sur une période de 10 ans, on obtient 2 460 Mt de CO2. C’est une valeur énorme et qui entraîne le Canada dans un chemin à l’opposé de ce que le GIEC propose. Les conclusions de la conférence COP21 à Paris en décembre dernier sont sans équivoques et indiquent qu’il est urgent d’agir et l’action à entreprendre est clairement identifiée comme celle de décarboniser l’économie.

Basé sur une approche scientifique, le principe de développement durable permet d’analyser toutes les facettes de projets d’envergure, tel celui du pipeline Énergie Est, et

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d’en déterminer les impacts sur l’environnement ainsi que la cohérence, ou non, avec les objectifs à moyen et à long terme de développement. Même si la compagnie TransCanada arrive à convaincre une part des décideurs politiques et une part de la population, l’acceptabilité sociale ne sera que partielle, mais surtout cette acceptabilité sera en contradiction avec les conclusions de la science. Il ne faut pas que des intérêts locaux défendus par des gens d’affaires à la recherche de profits à court terme prédominent sur les intérêts globaux à long terme.

Le concept d'acceptabilité sociale rappelle au décideur public qu'il ne peut se contenter de miser sur le processus de la démocratie représentative pour justifier ses décisions. De plus, les premières consultations publiques menées par le BAPE ont permis de mettre en lumière le fait que les démarches entamées jusqu'ici par TransCanada pour faire accepter le projet Énergie Est, débouchent sur un triple déficit de crédibilité, de légitimité et de soutenabilité27. Il ne faudrait pas non plus minimiser les risques engendrés par les projets majeurs d'infrastructures sur la cohésion sociale des collectivités. À cet égard, le gouvernement du Québec a le devoir et la responsabilité, pour ses analyses, de prendre en compte l’ensemble des seize principes de la Loi sur le développement durable. Cela inclut notamment des enjeux comme l’équité et la solidarité sociale. Parallèlement, il y a lieu de se questionner sur le respect du principe d'équité intergénérationnelle dans le cadre du projet Énergie Est, puisque celui-ci s’inscrit définitivement dans une logique d’extractivisme hâtif des ressources non renouvelables, sans prendre en compte les besoins des générations futures et l’usage qu’elles pourraient faire de ces ressources28. 3.3 Analyse globale de la situation Lorsque les membres de notre comité échangent avec les citoyens d’Ahuntsic-Cartierville, nous constatons que nombreuses sont les personnes qui se disent inquiètes des problèmes locaux de santé et d’environnement, mais l’inquiétude est aussi grande pour les enjeux globaux, principalement les changements climatiques qui pénaliseront la qualité de vie des générations à venir. Nos enfants et petits-enfants, ainsi que les enfants des pays du Sud risquent de souffrir des décisions actuelles.

Depuis 30 ans, de nombreux organismes se sont prononcés en faveur d’un changement profond du mode de production énergétique de l’humanité, et en faveur d’un abandon des énergies fossiles. Ces organismes, dirigés par des personnes ayant à cœur le bien collectif et un développement plus harmonieux de l’humanité, ont pris conscience des dangers de la dégradation de l’environnement. Mentionnons ici quelques études importantes :

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- Le dernier rapport du GIEC de 2014 démontre de façon très forte que les humains, par leur utilisation des énergies fossiles, provoquent une augmentation de la concentration dans l’atmosphère des GES, principalement le CO2, et que cette augmentation déstabilise le climat de la planète entière29.

- Le rapport de la Banque Mondiale publié en 2012 intitulé « Turn down the heat », insiste quant à lui sur le fait que la limite à ne pas dépasser du 2°C nécessite de diminuer la production et l’utilisation de combustibles fossiles30.

- Les rapports récents du forum d’experts intitulé : «The new Climate Economy», groupe présidé par l’ancien président du Mexique, Felipe Calderon, militent pour la décarbonisation rapide de l’économie31. Il y est démontré que le changement de paradigme énergétique permettrait un développement plus harmonieux des sociétés et que l’abandon des énergies fossiles ne peut qu’être bénéfique pour toutes les populations.

Les preuves scientifiques sont maintenant bien étayées. La volonté politique est à l’œuvre dans plusieurs pays pour faire en sorte que des changements nécessaires se produisent. Par ailleurs, il faut constater que l’Amérique du Nord et le Canada, en particulier, tardent à avancer dans le sens de ces changements. Les citoyens doivent interpeller les gouvernements pour exiger des réformes rapides et ne pas cautionner les actions qui pénaliseront l’ensemble de l’humanité pour une très longue période. Plus il y a d’investissement et de subventions favorisant le développement des sables bitumineux, moins il sera possible d’investir dans des solutions alternatives qui permettront de s’éloigner des menaces climatiques. Au Canada, plus de 1,3 milliard de dollars sont donnés chaque année en subventions gouvernementales pour le développement des filières du carbone. Cet argent devrait être dirigé vers d’autres approches.

La construction de l’oléoduc Énergie Est peut se faire en 2 à 3 ans, mais sa durée de vie utile peut être de 40 à 50 ans. Les 1.1 million de barils transportés quotidiennement représentent une quantité énorme de CO2 générée, et ce gaz restera dans l’atmosphère pour plus d’une centaine d’années. Un héritage que le Québec ne doit pas endosser.

Des engagements pour réduire les GES

La Ville de Montréal a publié en 2013 son «Plan de réduction des GES pour la période 2013-2020» dans lequel elle annonce une cible de réduction de 20 % des émissions en 2020 par rapport à 1990, ce qui est une excellente chose32.

Affirmant que la lutte contre les changements climatiques est une «priorité» pour Québec, le gouvernement Couillard a annoncé le 17 septembre 2015 qu’il espère réduire

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de 37.5 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la province d’ici 2030, par rapport à 199033. De plus, lors du Sommet des Amériques sur le climat à Toronto en juillet dernier, le premier ministre du Québec s’est engagé à réduire les émissions de (GES) de la province de 80 à 95% d’ici 2050. C’est également très souhaitable.

En décembre 2009, le Canada a signé l'Accord de Copenhague, par lequel il s'est engagé à ramener en 2020 ses émissions de gaz à effet de serre à 17 % sous le niveau de 200534. Plus récemment, le Canada signait l’accord35 de la Conférence climatique de Paris (COP21).

Pour que ces bonnes intentions deviennent réalité, il est essentiel que la cohérence soit le maître mot dans le dossier des GES. Les cibles annoncées doivent entraîner un ensemble de décisions qui permettent de les atteindre. Chaque décision qui va à l’encontre de ces cibles doit faire l’objet d’une analyse sérieuse. Un pipeline ne répond pas à de tels critères, d’autant plus que c’est un pétrole bitumineux qu’il transporte. L’investissement énorme qu’il nécessite, de l’ordre de 12 milliards36, ne peut être rentabilisé que sur une très longue période et imposera un fardeau gigantesque en termes d’émissions de GES. Cet investissement fera en sorte de pénaliser le développement des filières énergétiques renouvelables. De plus, il est absurde de se dire non responsable du CO2 qui sera émis dans l’atmosphère lors de la combustion du pétrole qui aura transité par l’oléoduc traversant le Québec. Sur une base éthique, contribuer passivement à l'utilisation accrue d'un pétrole très polluant nous rend solidairement responsables de son impact sur l'environnement.

4. ÉNERGIE EST NUIT À NOTRE ÉCONOMIE

4.1 Impact sur l’industrie manufacturière

La ‘maladie hollandaise’ est un phénomène économique qui décrit la relation directe entre le déclin de l'industrie manufacturière locale et l’exploitation de ressources naturelles. Ce terme apparaît pendant les années 1960 quand les revenus commerciaux des Pays-Bas ont augmenté considérablement à la suite de la découverte de grands gisements de gaz naturel. L'accroissement des recettes d'exportations a entraîné l'appréciation de la devise hollandaise, nuisant ainsi à la compétitivité des exportations de produits manufacturés du pays. Le même phénomène s’est produit au Canada entre les années 2000 et 2013, alors que la production de pétrole de l’Ouest a graduellement augmenté, ce qui a fait augmenter la valeur du dollar sur les marchés et en conséquence a nuit grandement aux exportations de produits manufacturés provenant de l’Ontario et du Québec. En effet, l'Institut Pembina attribue à cette hausse du dollar canadien, les 550 000 emplois perdus dans le secteur manufacturier de l'Ontario et du Québec, entre

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2004 et 2010. Hormis les emplois, le Québec aurait également été durement touché par cette situation, ayant vu sa production manufacturière passer de 58 à 43 G$ entre 2000 et 201237. Même si la diminution du prix du pétrole depuis 2013 a fait chuter le dollar canadien, cette situation risque de ne pas durer et de laisser place à nouveau à une hausse des prix du pétrole. La Belle Province serait donc partie prenante de son déclin économique en acceptant le passage de l'oléoduc Énergie Est, car une fois construit, ce tuyau sera très difficile à bloquer, et cela pour une très longue période.

Est-ce l’avenir que l’on souhaite pour le développement du Québec ?

4.2 Le Québec : des besoins déjà comblés

Depuis l'inversion du flux de pétrole dans la canalisation 9B d'Enbridge, il apparaît très peu pertinent d'ajouter une source d'approvisionnement différente pour le même produit transporté. Que ce soit du pétrole issu des sables bitumineux, du pétrole conventionnel de l'Ouest canadien ou du pétrole de schiste du Dakota du Nord, l'oléoduc Énergie et la ligne 9B seraient toutes deux en mesure d'acheminer tous ces types de pétrole au Québec. Il ne faut pas oublier que la consommation de pétrole brut du Québec n'est que de 289 000 barils par jour et que la ligne 9B fournit actuellement 300 000 barils par jour.

La raffinerie Suncor de Montréal peut présentement être alimentée par la ligne 9B (300 000 barils par jour), par l'oléoduc Portland-Montréal (200 000 barils par jour), par un terminal de train (36 000 barils par jour) et par un terminal maritime. Sachant que sa capacité de raffinage n'est que de 137 000 barils par jour et qu'elle dispose d'autant de sources d'approvisionnement, il y a définitivement lieu de se questionner sur la pertinence d'ajouter une source d'approvisionnement supplémentaire. D'autant plus que son unité de cokéfaction, procédé nécessaire pour raffiner le pétrole lourd de l'Ouest canadien, ne peut traiter qu'environ 20 000 barils par jour38.

Pour sa part, la raffinerie Valero de Québec a une capacité de raffinage de 265 000 barils par jour et est approvisionnée par un terminal ferroviaire (175 000 barils par jour), par un terminal maritime et pourrait l'être également par l'oléoduc Saint-Laurent, opérationnel depuis 201239. Encore une fois, les sources d'approvisionnement sont déjà abondantes et diversifiées. Avec toutes ces infrastructures existantes, le niveau d'acceptation du risque par la population québécoise nous semble déjà très élevé sans que l'on doive en accepter davantage.

D’autre part, la toute nouvelle politique énergétique québécoise vise à réduire la consommation de pétrole de la province de 40% d’ici 2030. Dans ce contexte de décroissance de la consommation, y a-t-il vraiment lieu d’ajouter des sources d’approvisionnement supplémentaires en pétrole brut ?

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4.3 Une demande incertaine, des prix volatils

Les avantages économiques découlant de l'exploitation des sables bitumineux sont fortement tributaires du prix du pétrole sur le marché international. Il y a une très forte incertitude entourant l'évolution du prix du pétrole et les prédictions vont dans tous les sens. La permission qu'a obtenue l'Iran pour ajouter une production de 1 million de barils par jour au marché mondial déjà en surabondance sur le plan de l’offre est un des nombreux facteurs qui peuvent influencer les prédictions. Les dirigeants de l'Arabie Saoudite sont de moins en moins enclins à réduire leur production, estimant qu'il vaut mieux vendre le pétrole moins cher en ce moment que de ne rien collecter dans 40 ou 50 ans si le marché énergétique délaisse les énergies fossiles. De plus, les mouvements prônant le désinvestissement dans les énergies fossiles réduit de plus en plus les sources de financement de l'industrie. Face à ces constats, la banque d'investissement Goldman Sachs estime que le prix du pétrole évoluera entre 20 et 50 $ US le baril au cours des 15 prochaines années35. Dans ce contexte, y a-t-il lieu de précipiter la construction d'infrastructures destinées aux énergies fossiles, surtout quand les coûts d’exploitation des sables bitumineux sont supérieurs au prix de vente du pétrole ?

Dans une perspective où l'humanité cherche désespérément à accélérer la transition énergétique vers les énergies renouvelables et une décroissance des besoins, il est totalement contre-productif d'ajouter des infrastructures allant à l'encontre de l'objectif mondial.

5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Mobilisation Environnement Ahuntsic-Cartierville joint sa voix au mouvement nord-américain rejetant les oléoducs. Il poursuivra sa mission visant à informer et éduquer les citoyens, car plus les citoyens sont informés sur les enjeux locaux et globaux de ces projets, plus leur opposition y est vive.

Le MÉAC s’oppose au projet Énergie Est qui

- Affecte négativement la santé des personnes. - Risque la contamination de l’eau potable. - Détruit les écosystèmes et les terres. - Aggrave la pollution de l’air et du sol. - Nuit aux efforts de lutte contre les changements climatiques. - Ne limite pas le transport du pétrole par train et par bateau. - Nuit à l’économie du Québec.

Le MÉAC recommanderait les projets qui

- Accentuent le mouvement de décarbonisation de l’économie.

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- Utilisent les sources d’énergie renouvelable. - Assoient la crédibilité du Québec et du Canada, à l’instar de l’Allemagne,

comme chefs de file dans la lutte aux changements climatiques.

Pour la protection de la rivière des Prairies et des 860 cours d’eau à risque au Québec, et pour de véritables engagements envers le climat, nous disons NON au projet Énergie Est de TransCanada.

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ANNEXE AU MÉMOIRE DU MEAC Détermination des émissions de CO2 imputables au pipeline Énergie Est. Densité du pétrole qui circulera dans le pipeline :

Selon les analyses d’Environnement Canada40 , le pétrole brut mélangé avec un diluant a un degré API d’environ de 10, ce qui fait que sa masse volumique a une valeur de :

ρ = 1000 kg/m3

Un baril de pétrole a un volume de : 0.159 m3

La masse de pétrole contenu dans un baril est donc de :

0.159 m3 * 1000 (kg/m3) = 159 kg = 0.159 tonne Débit de pétrole : 1 100 000 (barils / jour) = 400 000 000 (barils / an)

En se basant sur une étude de l’organisme « Alberta Innovates Technology Futures41 », il est possible d’émettre l’hypothèse que le pétrole qui circulera dans le pipeline peut être représenté par la molécule moyenne C20H42.

Masse moléculaire du pétrole : MC20H42 = 282 (kg/kmol) Pour être en mesure d’évaluer approximativement la quantité de CO2 qui sera émise par le pétrole qui circulera dans le pipeline, il faut connaître la proportion de carbone dans la molécule moyenne, c’est ce qui importe, car la forme de la molécule moyenne n’as pas d’influence. Naturellement en considérant une combustion complète. Combustion stœchiométrique du C20H42 :

Où : Solution de l’équation de combustion stœchiométrique :

Bilan 1 * 282 + 30.5 * 28.96 20 * 44 + 21 * 18 + 115 * 28 Massique 282 + 4215.9 880 + 378 + 3223.8

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Ce qui fait que : pour 1 kg de C20H42 brûlé il sera émis 3.1 kg de CO2

Donc : 1 tonne de pétrole 3.1 tonne de CO2 Émissions de CO2 due au pétrole circulant dans le pipeline :

Production de CO2 lors de l’extraction du pétrole :

Il faut en moyenne ¼ de baril de pétrole en termes énergétique pour produire 1 baril de pétrole, donc :

Les émissions totales de CO2 qu’il faut imputer au pétrole circulant dans le pipeline Énergie Est seront donc :

197.16 + 49.29 = 246.4 (Mt CO2 / an)42

CONVERSION D’UNITÉS :   

1 baril de pétrole = 159 litres

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RÉFÉRENCES   

1 Pierre André et al., « Public Participation International Best Principles » International Association for Impact Assessment, 2006, en ligne : http://www.iaia.org/publicdocuments/special-publications/SP4%20web.pdf ; p 2.

2 Mise en service de l’oléoduc Energie Est de TransCanada, Savaria Experts-Conseils http://cmm.qc.ca/fileadmin/user_upload/documents/20150514_oleoduc-energie-est_rapport.pdf

3 Le pipeline Énergie Est traverseraient 256 cours d’eau du Québec, Le Devoir http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/442707/le-pipeline-energie-est-traverserait-256cours-d-eau-du-quebec

4 La valeur économique de la trame et ceinture bleue du Grand Montréal, Fondation David Suzuki http://davidsuzuki.org/fr/publications/rapports/2015/la-valeur-economique-de-la-ceinture-et-trame-bleue-du-grand-montreal/

5 2,5 millions de litres de pétrole, Steven Guilbeaut, Journal métro http://journalmetro.com/opinions/la-vie-en-vert/713187/25-millions-de-litres-de-petrole/

6 Shields, A. (2016). Keystone : TransCanada aurait localisé l’origine de la fuite. Repéré sur le site du Devoir, section Environnement, 9 avril 2016 : http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/467753/keystone-transcanada-aurait-localise-l-origine-de-la-fuite

7 Laval lance un non catégorique au projet Énergie Est, Le Devoir http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/449858/laval-lance-un-non-categorique-au-projet-energie-est

8 http://www.equiterre.org/sites/fichiers/energie_est_-_une_menace_a_leau_potable.pdf

9 L’impact des pipelines servant au transport du pétrole issu des sables bitumineux sur les communautés et sur les paysages de l’Est du Canada et de la Nouvelle-Angleterre, Équiterre http://www.equiterre.org/sites/fichiers/trailbreaker_24avril_2012_0.pdf

10 Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et Greenpeace Canada (2013). Ce que vous devez savoir sur la venue du pétrole de l'Ouest au Québec, mais que les pétrolières préfèrent que vous ne sachiez pas. Repéré sur le site de Greenpeace Canada, section Campagnes - Énergie - Sables bitumineux : http://www.greenpeace.org/canada/fr/campagnes/Energies/sables-bitumineux/Ressources/Rapports/Ce-que-vous-devez-savoir-sur-la-venue-du-petrole-de-lOuest-au-Quebec/

11 Olivier, M. (2015). Chimie de l’environnement, 8e édition. Longueuil : Lab Éditions

12 http://canadians.org/sites/default/files/publications/energieest-15pourcent.pdf 13 http://www.neb-one.gc.ca/sftnvrnmnt/sft/pplnrptr/index-fra.html

14 ONU World Population Prospects Site web : http://esa.un.org/unpd/wpp/

15 Etemad & Luciani 1900-1980 & US EIA Historical Statistics 1981-2010

16 International Energy Agency ; Energy Policies of IEA Contries, Canada ; 2015 ; page 19

17 Etemad & Luciani 1900-1980 & US EIA Historical Statistics 1981-2010

18 Stacy C. Davis, Susan W. Diegel, and Robert G. Boundy (July 2014). "Transportation Energy Data Book: Edition 33" (PDF). Office of Energy Efficiency and Renewable Energy, U.S. Department of Energy. Retrieved 2015-03-14. See Tables 3.2 and 3.3 for 2010 and 2012 figures

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19 World Resources Institute. Available online at : http://cait.wri.org

20 Environment and climate change Canada :

Site web : https://www.ec.gc.ca/ges-ghg/default.asp?lang=Enn=83A34A7A-1

21 https://www.ec.gc.ca/indicateurs-indicators/default.asp?lang=Fr&n=CCED3397-1

22 Journal le Devoir ; 2016-03-17

23 Site de NOAA : http://www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/

24 Site web ‘Carbon Tracker Initiative’ : http://www.carbontracker.org/wp-content/uploads/2014/08/Carbon-budget-checklist-FINAL-1.pdf

25 Shields, A. (2014). Il faut en finir avec les GES d'ici 2100. Repéré sur le site du Devoir, section Environnement : http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/422780/rapport-du-giec-il-faut-en-finir-avec-les-ges-d-ici-2100

26 https://www.albertacanada.com/mexico/documents/P2.HeavyOil.pdf

27 Niosi, L, Bureau, C. (2016). TransCanada n'écarte pas l'idée d'un autre port maritime pour le Québec. Repéré sur le site de Radio-Canada, section Environnement : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/environnement/2016/03/17/001-transcanada-petrole-quebec-port-bape-audiences.shtml

28 Abraham, Y-M., Murray, D. (2015). Creuser jusqu'où? Extractivisme et limites à la croissance. Montréal, Québec : Éditions Écosociété. 29 Site Web du GIEC : https://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml

30 A Report for the World Bank by the Potsdam Institute for Climate Impact Research and Climate Analytics; novembre 2012

31 The Global Commission on the Economy and Climate http://newclimateeconomy.net/

32 Plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la collectivité montréalaise 2014-2020 ; Site web : http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=7237,75083582&_dad=portal&_schema=PORTAL

33 Québec propose une cible ambitieuse de réduction des GES, Le Devoir http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/450319/quebec-propose-une-cible-ambitieuse-de-reduction-des-ges

34 Environnement Canada : https://www.ec.gc.ca/indicateurs-indicators/default.asp?lang=fr&n=18F3BB9C-1

35 http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09f.pdf

36 Transcanada : http://www.transcanada.com/news-releases-article.html?id=2758484&t=manual

37 Côté, C. (2013). Le Canada a la fièvre des sables bitumineux. Repéré sur le site de Radio-Canada, section Économie, énergie et ressources naturelles : http://affaires.lapresse.ca/economie/energie-et-ressources/201311/13/01-4710163-le-canada-a-la-fievre-des-sables-bitumineux.php

38 Goodman Group (2014). Transport et traitement du pétrole brut des sables bitumineux au Québec : enjeux économiques. Repéré sur le site d'Équiterre, section Actualité : http://www.equiterre.org/node/8321 39 Lavallée, A. (2016). Oléoduc Énergie Est : un non-sens économique. Repéré sur le site du Huffington Post, section Les Blogues : http://quebec.huffingtonpost.ca/alain-lavallee/pipeline-oleoduc-energie-est-transcanada-economique_b_9315986.html

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40 Properties, Composition and Marine Spill Behaviour, Fate and Transport of Two Diluted Bitumen Products from the Canadian Oil Sands ; 2013

41 Alberta innovates Energy and Environment solutions ; Properties of Dilbit and conventional crude Oils ; 2014

42 Calculs effectués par Bruno Detuncq, ingénieur et professeur au département de génie mécanique de l’École Polytechnique de Montréal

FIN DU DOCUMENT