Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

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CONCENTRATION & POUVOIR DE MARCHE LA TELEVISION PAR CABLE AUX ETATS-UNIS DEA 129 Economie Industrielle Université de Paris IX Dauphine Mémoire présenté en septembre 1993 par Jérôme PERANI sous la direction du Professeur Laurent BENZONI Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications Edition du 1 er décembre 2004

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Université Paris IX Dauphine, septembre 1993 L'objectif de ce mémoire est d'entreprendre une analyse chiffrée de la structure et de la performance du secteur des câblo-opérateurs américains entre les deux cadres réglementaires de 1984 et de 1992 afin d'évaluer les conséquences de la réglementation américaine. Nous évaluerons donc la concentration et le pouvoir de marché de l'industrie du câble grâce aux instruments de mesure adéquats.

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CONCENTRATION & POUVOIR DE MARCHE

LA TELEVISION PAR CABLE AUX ETATS-UNIS

DEA 129 Economie Industrielle Université de Paris IX Dauphine

Mémoire présenté en septembre 1993 par

Jérôme PERANI

sous la direction du Professeur

Laurent BENZONI

Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications

Edition du 1er décembre 2004

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TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE ............................................................................... 1 PREMIERE PARTIE : LA TELEVISION PAR CABLE AUX ETATS-UNIS : PROBLEMES STRUCTURELS ET CADRE REGLEMENTAIRE .......................... 4 Introduction........................................................................................................... 5 I - L'analyse structurelle de la télévision par câble aux Etats-Unis en 1991 ....................................................................................................................... 6

1. Le secteur des câblo-opérateurs : monopole local et concentration horizontale.......................................................................................................... 8 2. Les produits de substitution : faiblesse de la concurrence inter-produits ....... 14 3. Les entrants potentiels : barrières à l'entrée réglementaires très fortes ......... 21 4. Les fournisseurs : les câblo-opérateurs en situation de monopsone.............. 25 5. Les clients : les câblo-opérateurs en situation de monopole .......................... 35 6. Conclusion : importance du pouvoir de marché des câblo-opérateurs........... 40

II - Les mesures réglementaires nécessaires à la diminution du pouvoir de marché des câblo-opérateurs ........................................................................ 42

1. Les mesures visant à promouvoir la concurrence entre les câblo-opérateurs .......................................................................................................... 44 2. Les mesures visant à améliorer la concurrence des produits de substitution ......................................................................................................... 46 3. Les mesures visant à permettre les entrées potentielles................................ 49 4. Les mesures visant à diminuer le pouvoir de monopsone des câblo-opérateurs vis-à-vis des fournisseurs de programmes....................................... 53 5. Les mesures visant à diminuer le pouvoir de monopole des câblo-opérateurs vis-à-vis des abonnés....................................................................... 55

Conclusion ............................................................................................................ 57 DEUXIEME PARTIE : LES MESURES DE LA CONCENTRATION ET DU POUVOIR DE MARCHE ........................................................................................ 59 Introduction........................................................................................................... 60 I - Les diverses mesures de la concentration .................................................... 61

1. Délimitation d'un cadre d'analyse ................................................................... 62 2. Propriétés des mesures de la concentration .................................................. 68 3. Les indices absolus de concentration............................................................. 70 4. Les indices relatifs de concentration ou indices d'inégalité ............................ 79

Edition du 1er décembre 2004

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TABLE DES MATIERES

5. Limites des indices de concentration et choix d'un indice .............................. 82

II - Les mesures du pouvoir de marché .............................................................. 84 1. Les taux de profit ............................................................................................ 85 2. L'indice de Lerner (price-cost margin) ............................................................ 87 3. Le q de Tobin ................................................................................................. 89

III - Relation structure-performance.................................................................... 94

1. Vue structuraliste vs vue efficiente ................................................................. 95 2. Mesures du pouvoir de marché et mesures de la concentration .................... 98

Conclusion ............................................................................................................ 10202 TROISIEME PARTIE : EVALUATION DE LA CONCENTRATION ET DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS................. 103 Introduction........................................................................................................... 104

I - Mesure de la concentration des câblo-opérateurs américains .................... 105

1. Les données utilisées..................................................................................... 106 2. Calcul des indices de concentration ............................................................... 108 3. Conclusion...................................................................................................... 116

II - Mesure du pouvoir de marché des câblo-opérateurs américains............... 117

1. Le calcul du q de Tobin par MacAvoy pour les opérateurs du câble .............. 118 2. Les résultats de MacAvoy .............................................................................. 120 3. Critiques et commentaires.............................................................................. 122

Conclusion ............................................................................................................ 125 CONCLUSION GENERALE................................................................................... 126 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 129 LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES .......................................................... 135 ANNEXES .............................................................................................................. 137

Edition du 1er décembre 2004

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INTRODUCTION GENERALE

INTRODUCTION GENERALE

L'Economie Industrielle est basée sur le triptyque originel structure-comportement-performance (S-C-P) proposé par Scherer en 19701. Dans ce triptyque auquel on peut ajouter les conditions de base, la structure d'un secteur ou d'un marché influence les comportements des acteurs qui agissent sur les performances des entreprises; en d'autres termes la structure détermine la performance par l'intermédiaire du comportement de ces entreprises. On a depuis rajouté des feedbacks entre conditions de base, structure, comportement et performance car les relations entre ces quatre composantes ne seraient pas simplement univoques. La structure de marché est traditionnellement assimilée à la concentration de celui-ci. Le nombre d'acteurs, leurs tailles, les différences entre celles-ci sont des données qui caractérisent cette concentration. La performance est souvent considérée comme le profit ou la rentabilité des entreprises, mais plus généralement la performance consiste dans le pouvoir de marché qu'exercent les entreprises ou un secteur pour générer du profit ou de la rentabilité. Pour vérifier l'hypothèse de causalité entre structure et performance du triptyque de Scherer, de nombreux économistes, à la suite des travaux de Bain, ont tenté d'effectuer des régressions performance = f (structure). Cette hypothèse que la concentration va de paire avec la rentabilité, que les marchés ou secteurs qui disposent des structures les plus concentrées jouissent de taux de profit supérieurs est à l'origine de la politique anti-trust américaine qui combat les industries les plus concentrées, celles-ci étant censées posséder des taux de rentabilité plus élevés que les autres industries.

Il faut donc se demander comment la structure agit sur la performance, comment la concentration agit sur le pouvoir de marché et quelle est l'influence en retour de la performance sur la concentration. La concentration affecte principalement l'écart entre les prix et les coûts. En effet, en concurrence pure et parfaite, les décisions des acteurs en matière de quantité n'affectent absolument pas le prix car celui-ci est exogène aux entreprises. D'autre part, en situation de concentration suprême, c'est-à-dire dans le cas d'un monopole, la quantité produite détermine directement le prix auquel cette quantité va être vendue, prix qui est le prix de monopole. Par conséquent, dans le cas d'une structure concentrée non monopolistique, on se situe, avec un nombre d'acteurs compris entre l'unité et l'infini, quelque part entre ces deux situations. Les entreprises ont une capacité limitée mais réelle d'agir sur les prix alors qu'en concurrence pure et parfaite elles n'en ont aucun et qu'en situation monopolistique, c'est le monopoleur qui détermine le prix. La concentration devient source d'une imperfection de marché. Dans une approche théorique où la structure détermine la performance, cette imperfection de marché génère alors une certain pouvoir d'agir sur les prix et entraîne parmi les acteurs la distribution d'un pouvoir économique.

1 cf. SCHERER F.M., Industrial market structure and economic peformance, première édition, Boston, Houghton Mifflin, 1970

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INTRODUCTION GENERALE

Ce pouvoir économique est défini par Morvan comme la

"capacité de prendre une décision de façon indépendante et même de changer à son avantage les conditions d'existence du marché des biens et des facteurs."2

Il vient alors que l'analyse de la structure d'un secteur ou d'un marché et de sa concentration revient à étudier la distribution du pouvoir économique entre les entreprises du secteur ou du marché, de quantifier son importance et sa répartition. On est alors dans une approche théorique où la concentration influe directement sur la performance et le pouvoir de marché, en particulier celui d'agir sur les prix. Cette approche dite "structuraliste" où la structure détermine la performance s'oppose à celle dite "efficiente" où la concentration peut provenir de certaines sources d'efficacité. Les industries les plus efficaces, selon certains critères, ont alors tendance à être plus concentrées que d'autres. Ceci arrive en particulier dans des industries où il existe de fortes économies d'échelle. Ces deux approches théoriques ont des répercussions notablement différentes sur l'esprit des politiques anti-trust. Une politique anti-trust suivant l'approche structuraliste combattra aveuglément les structures concentrées et les entreprises de grande taille alors qu'une politique suivant l'approche efficiente prendra en compte les degrés d'efficacité incitatifs à la concentration.

L'appareil réglementaire américain, qui le premier a adopté des procédures anti-trust, se situe assez dans le cadre de l'approche structuraliste. La politique anti-trust dépend du ministère de la Justice (Department of Justice) qui s'attache à mesurer la concentration des secteurs et qui applique les mêmes seuils d'intervention à toute industrie. La performance et le pouvoir de marché, dépendent eux, de la surveillance des agences et commissions fédérales. Les autorités réglementaires américaines s'attachent donc à analyser dans des instances différentes la structure et la performance des industries, leur concentration et leur pouvoir de marché. Elles disposent donc d'outils de surveillance et d'instruments de mesure de la concentration et du pouvoir de marché pour pouvoir agir sur les conditions de développement d'une industrie. En fonction de cette surveillance de la structure et de la performance, quand les commissions fédérales estiment que les acteurs d'un secteur ont trop de liberté et jouissent d'un pouvoir de marché néfaste pour les consommateurs, quand les autorités anti-trust constatent que leurs seuils d'intervention sont atteints, des nouveaux cadres réglementaires, sont élaborés, sous formes de lois votées au Congrès ou de décisions judiciaires, pour diminuer un pouvoir de marché trop élevé ou faire baisser une concentration trop importante.

L'une des agences fédérales de réglementation, la Federal Communications Commission (FCC) qui couvre toutes les industries de communications, connaît un important travail réglementaire depuis une vingtaine d'années en ce qui concerne la télévision par câble. Après qu'elle ait instauré de nombreuses mesures d'encadrement de cette industrie au cours des années soixante et soixante-dix, il est devenu indispensable d'adopter au Congrès un cadre réglementaire clair et précis en 1984 (Cable Communications Policy Act of 1984). Cette loi a causé une profonde déréglementation du secteur et laissé une grande liberté aux acteurs du câble. A peine après avoir été instauré, ce Cable Act est devenu la proie de vives critiques et a contraint la FCC à envisager une nouvelle loi de réglementation. Huit ans après la déréglementation, un nouveau cadre réglementaire a été voté en 1992 et manifeste une tendance que certains appellent la "re-réglementation" (Cable Television Consumer Protection and Competition Act of 1992).

Cette nouvelle réglementation vise à diminuer le pouvoir de marché de la télévision par

câble qui est devenue le média dominant aux Etats-Unis. Pour établir ce Cable Act de 1992, la FCC a analysé l'évolution de la performance et du pouvoir de marché des opérateurs du câble ou câblo-opérateurs suite à la déréglementation de 1984. Elle en a déduit que ces entreprises disposaient d'un important pouvoir de marché aux sources multiples et qu'elles étaient en situation de rapport de force avantageux face aux autres acteurs auxquelles elles font face : les consommateurs, c'est-à-dire les abonnés, les fournisseurs de programmes, c'est-à-dire les chaînes câblées, les produits de substitution comme la télévision hertzienne et la télévision par satellite, les entrants 2 cf. [MORVAN 1972] p.23

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INTRODUCTION GENERALE

potentiel. La structure du secteur laisse apparaître une tendance à la concentration qui ne déclenche pas encore les foudres du ministère de la Justice. Il semble donc que de nombreux problèmes structurels existent dans l'industrie de la télévision par câble, que ces problèmes affectent la structure et la performance du secteur et qu'ils soient suffisamment importants pour que le Congrès américain adopte une nouveau cadre réglementaire, huit ans seulement après le dernier.

L'objectif de ce mémoire est d'entreprendre une analyse chiffrée de la structure et de la

performance du secteur des câblo-opérateurs américains entre les deux cadres réglementaires de 1984 et de 1992 afin d'évaluer les conséquences de la réglementation américaine. Nous évaluerons donc la concentration et le pouvoir de marché de l'industrie du câble grâce aux instruments de mesure adéquats. Pour atteindre un tel objectif, nous organisons ce mémoire en trois grandes parties :

- dans une première partie, nous nous livrerons à une analyse économique et

structurelle de la télévision par câble aux Etats-Unis avant l'adoption de la nouvelle loi réglementaire de 1992. Il s'agira de mettre à jour les problèmes structurels qui animent cette industrie en 1991 et les différentes sources qui confèrent du pouvoir de marché aux opérateurs du câble. Ceci sera réalisé en se basant sur le modèle d'analyse sectorielle de Porter3 en analysant les cinq forces de la concurrence que sont la concurrence interne au secteur des exploitants du câble, le pouvoir de négociation des clients, celui des fournisseurs, la menace exercée par les entrants potentiels et les produits de substitution. Puis, nous exposerons les mesures réglementaires à prendre ou prises par le Cable Act de 1992 pour résoudre les problèmes structurels de la télévision par câble et diminuer le pouvoir de marché des câblo-opérateurs.

- dans une deuxième partie, nous présenterons les instruments théoriques de mesure de

la structure et de la performance qui sont proposés par la littérature économique et qui sont à la disposition des autorités réglementaires. Nous montrerons les principaux indices de concentration qui se repartissent en trois grandes classes (indices semi-absolus, indices absolus et indices relatifs) correspondant à trois aspects de la concentration (caractère oligopolistique, concentration absolue, concentration relative ou inégalité), leurs formules, leurs propriétés, leurs avantages et leurs inconvénients. Nous agirons de même quand nous exposerons les trois mesures majeures du pouvoir de marché que sont les taux de profits comptables, l'indice de Lerner ou price-cost margin et le q de Tobin. Nous essaierons de voir si il existe un indice de concentration et une mesure du pouvoir de marché supérieurs aux autres.

- dans troisième partie, nous appliquerons les outils d'évaluation de la structure et de la

performance présentés dans la deuxième partie, au cas de la télévision par câble aux Etats-Unis. Nous calculerons donc la concentration du secteur des câblo-opérateurs américains à l'aide des indices de concentration, le pouvoir de marché de cette industrie avec les mesures existantes du pouvoir de marché sur des données couvrant la période 1984-1992. Nous essaierons de quantifier et de dégager les tendances de la concentration et du pouvoir de marché des exploitants de réseaux de télédistribution entre la déréglementation de 1984 et la "re-réglementation" de 1992 afin d'observer les portées réelles des cadres réglementaires sur la structure et la performance du secteur.

3 cf. PORTER M.E., Choix stratégiques et concurrence, Paris, Economica, 1990

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PREMIERE PARTIE

PREMIERE PARTIE

LA TELEVISION PAR CABLE AUX ETATS-UNISPROBLEMES STRUCTURELS ET CADRE REGLEMENTAIRE

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INTRODUCTION

Introduction

La télévision par câble : média dominant aux Etats-Unis

La télévision par câble est née aux Etats-Unis en 1947. L'anecdote veut qu'un vendeur d'électro-ménager, John Watson, ait relié son magasin de Mahoney City (Pennsylvanie) à une antenne installée par ses soins sur un sommet proche des Appalaches et ait proposé les chaînes recues à 727 abonnés4. Les réseaux câblés furent considérés jusqu'en 1970 comme des systèmes de réception communautaires permettant de capter les signaux hertziens où leur réception était de mauvaise qualité, l'industrie du câble dénommée sous le terme de Community Antenna Television (CATV) est alors perçue comme une activité auxiliaire de la télévision hertzienne.

En ce début des années 90, la télévision par câble est devenue le média dominant aux Etats-Unis. La quasi-totalité des foyers américains ont la possibilité de s'abonner, le taux de raccordement étant de 93.9%5. En 1991, 55.79 millions de foyers sont abonnés au service de base du câble6, soit un taux de pénétration de près de 60% et on dénombre 10704 réseaux7 contre 640 en 1960, 2490 en 1970, 4225 en 19808. Cette forte croissance qui se déroule sur quarante ans a en fait démarré à partir de 1970 pour s'accélerer au cours des années 80 (cf. Graphique 0).

Graphique 0 : Croissance de la télévision par câble en nombre d'abonnés et taux de pénétration entre 1952 et 1990

0

10

20

30

40

50

60

abonnés en millions etpénétration en %

service optionnel

taux de pénétration

du service de base

service de base

source : [SIMON 1991] p.321

4 cf. [SIMON 1991] p.279 5 cité par [MARIET 1992] p.137 6 d'après NCTA, cité par [COUSTEL 1992] p.11. En 1992, 92.74 millions de foyers étaient raccordés (d'après NCTA). 7 d'après Warren Publishing Inc., cité par [NCTA 1992] 8 cité par [SIMON 1991] p.321

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INTRODUCTION

L'industrie du câble qui emploie en 1991 102656 personnes9 génère maintenant un

chiffre d'affaires de plus de 22 milliards de dollars. Ceci représente plus du double du chiffre d'affaires des networks estimé à 10.2 milliards de dollars en 199010, alors qu'en 1975 ce-dernier était cinq fois plus important que celui du câble. Les sources des revenus de la télévision par câble proviennent des abonnements des téléspectateurs au service de base où un ensemble de chaînes est proposé, au service optionnel où les chaînes sont individuellement payantes, des recettes publicitaires des annonceurs locaux et nationaux, des recettes du service pay-per-view où la vente des programmes se fait à la carte, de la location de décodeurs, de télécommandes et de la vente des journaux annonçant les programmes du câble. Le tableau ci-dessous montre l'évolution des différents revenus de l'industrie du câble.

Tableau 0 : Evolution du chiffre d'affaires de l'industrie du câble entre 1976 et 2000

millions de dollars

1976

1980

1984

1988

1991

1995

2000

revenus du service de

base

851

1615

3545

7343

11696

16730

24000

revenus du service

optionnel

65

765

3370

4491

5287

5130

5110

revenus

publicitaires

0

50

487

1154

2116

1370

2400

autres revenus

17

169

859

1749

3056

3070

6640

chiffre d'affaires total

du câble

933

2599

8261

14737

22155

26300

38150

source : NCTA, Cable Television Developments, Mai 1989 et Mai 1992, cité par [COUSTEL 1992] p.11, pour 1995 et 2000 estimation de Paul Kagan Associates

La réglementation de la télévision par câble

La télévision par câble entretient des relations mouvementées avec l'appareil réglementaire américain. En effet, on distingue plusieurs phases qui alterne entre cadre réglementaire contraignant pour le développement du câble et non-réglementation ou déréglementation. De 1947 à 1959, la télévision par câble alors, dans une période où elle se situe plus proche de l'artisanat que de l'industrie, n'est pas réglementée par l'appareil réglementaire américain, en particulier par la Federal Communications Commission (FCC), agence fédérale qui a en charge la surveillance des secteurs des télécommunications et de l'audiovisuel.

Entre 1959 et 1972 succède une phase de montée vers la réglementation du secteur du

câble. Pour protéger les intérêts des télévisions hertziennes qui considèrent le câble comme un concurrent potentiel dangereux, notamment en distribuant des chaînes hertziennes éloignées du site des réseaux, la FCC va accumuler les décisions encadrant le développement du secteur du câble, ce qui aboutira à un ensemble de règles complet en 1972 intitulé Cable Television Decision.

9 d'après FCC, cité par [NCTA 1992] 10 d'après FCC, cité par [COUSTEL 1992] p.7

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INTRODUCTION

Cependant, ces règles de 1972 vont peu à peu être relâchées sous la pression des lobbies des

acteurs du câble. Ceci va permettre de protéger l'industrie du câble de la puissance économique que constitue à l'époque les télévisions hertziennes, en particulier les networks, et de démarrer une véritable croissance. Cette croissance va être favorisée par une décision réglementaire ne concernant pas a priori le secteur du câble mais qui avoir d'immense répercussions. En 1973, la FCC adopte des mesures visant à libérer l'accès aux satellites de communications11, ce qui autorise de nombreuses chaînes du câble à passer d'une couverture locale ou régionale à une couverture nationale par le transport par satellite de leurs signaux vers les têtes de réseaux. La télévision par câble se dirige donc depuis 1972 vers un assouplissement de son cadre réglementaire qui trouve son apogée avec l'adoption en 1984 par le Congrès de la première loi sur le câble, Cable Communications Policy Act of 1984, qui amende le Cable Communications Act de 1934.

Cette loi instaure une déréglementation majeure de la télévision par câble en retirant le pouvoir aux autorités locales, qui accordent des concessions aux câblo-opérateurs, de contrôler les tarifs des services câblés. Ces tarifs ne peuvent être réglementés selon la loi, que si les réseaux sont en situation de concurrence effective. La définition que la loi retiendra du terme concurrence effective entraînera dans les faits une déréglementation de la quasi-totalité des réseaux. Cette libération des prix combinée avec les situations de monopole local que détiennent les opérateurs grâce aux concessions va entraîner une hausse des prix pour les consommateurs à partir de 1985. La loi va permettre de plus l'accélération de nombreux problèmes structurels affaiblissant la position des acteurs environnant les câblo-opérateurs. Par conséquent, les acteurs réglementaires, que sont la FCC et le Congrès, vont envisager rapidement un retour à une réglementation plus stricte pour contenir la puissance émergente constituée par les câblo-opérateurs.

Ainsi, la période 1984-1992 se caractérise par un mouvement vers la réglementation qui aboutit par l'adoption d'une nouvelle loi le 5 Octobre 1992 : Cable Television Consumer Protection and Competition Act of 1992. Cette loi, adoptée à la majorité des 2/3 par le Congrès et échappant donc ainsi au veto du président Bush, tente de corriger les dispositions prises par la loi de 1984 et de résoudre en partie les problèmes structurels de l'industrie du câble. Analyse du secteur des câblo-opérateurs et réglementation nécessaire

Nous allons donc procéder à une analyse détaillée et complète de tous les problèmes qui sont posés par le secteur des câblo-opérateurs aux Etats-Unis avant l'adoption de la loi de 1992. Pour cela, nous nous placerons en 1991 et nous allons adopter la démarche conseillée par ME. Porter pour opérer une analyse structurelle des secteurs12. Nous allons donc étudier dans une première partie la concurrence interne au secteur des câblo-opérateurs, la concurrence inter-produit générée par les produits de substitution, les menaces constituées par les entrants potentiels, et les problèmes qui existent dans les relations qu'entretiennent les câblo-opérateurs, d'une part avec leurs fournisseurs de programmes que sont les chaînes qu'ils distribuent, d'autre part avec leurs clients que sont les abonnés (cf. I - L'analyse structurelle de la télévision par câble aux Etats-Unis en 1991).

Une fois exposés tous les problèmes structurels de la télévision par câble, nous verrons les dispositions réglementaires à prendre pour combattre ces problèmes, manifestation d'un fort pouvoir de marché détenu par les câblo-opérateurs. En agissant, comme le fait partiellement la nouvelle loi de 1992, sur les fondements structurels et les conditions de développement de l'industrie du câble, une réglementation adéquate pourrait diminuer le pouvoir de marché des câblo-opérateurs et réaliser un rééquilibrage dans le paysage audiovisuel américain (cf. II - Les mesures réglementaires nécessaires à la diminution du pouvoir de marché des câblo-opérateurs).

11 Domestic Communications Satellite Facilities 12 cf. PORTER M.E, Choix stratégiques et concurrence, Paris, Economica, 1990

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LE SECTEUR DES CABLO-OPERATEURS : MONOPOLE LOCAL ET CONCENTRATION HORIZONTALE

"Without the presence of another multichannel video programming distributor, a cable system faces no local competition. The result is undue market power for the cable operator as compared to that of consumers and video programmers."13

I - L'analyse structurelle de la télévision par câble

aux Etats-Unis en 1991

1. Le secteur des câblo-opérateurs : monopole local et concentration

horizontale

1.1 Situation de monopole local : exclusivité des concessions municipales

Les câblo-opérateurs, au niveau local, c'est-à-dire au niveau d'une ville ou d'une zone d'une grande agglomération urbaine, sont en situation de monopole de fait. En effet, d'après la FCC la présence de deux réseaux câblés concurrents est assurée en 1990 sur seulement 60 marchés locaux14 sur les 10704 réseaux existant en 199115. Ces situations de duopole représentent en 1991 de 1 à 2% des 55.79 millions d'abonnés au service de base16. Dans tous les autres marchés, il n'y a qu'un seul réseau câblé. Quand il existe un deuxième réseau (overbuild), celui-ci a beaucoup de mal à être viable économiquement : en 1988, 6 sont tombés en faillite, 30 ont été rachetés par l'exploitant déjà présent sur le marché local et 20 n'ont jamais été construits alors qu'ils avaient été autorisés à l'être17. En fait, les réseaux concurrents qui sont rachetés sont le résultat de démarche spéculative de petits opérateurs qui pratiquent l'écrémage par les prix18. Cette position de monopole au niveau local est due au mécanisme d'attribution de l'autorisation de construction de réseau câblé qui est celui de la concession (franchise).

"Sec. 602. [...] (8) the term 'franchise' means an initial authorization, or renewal therof [...], issued by a franchising authority, whether such authorization is designated as a franchise, permit, license, resolution, contract, certificate, agreement, or otherwise, which authorizes the construction or operation of a cable system;

(9) the term 'franchising authority' means any governmental entity powered by Federal, State, or local law to grant a franchise;"19

13 cf. section 2 Findings; Policy; Definitions (a) (2) du [CABLE ACT 1992] 14 d'après [FCC 1990] 15 d'après National Cable Television Association, cité par [NCTA 1992] 16 cité par [HAZLETT 1992] p.3 17 d'après [FCC 1990] 18 cité par [COUSTEL 1992] p.13 19 cf. section 602 Definitions du [CABLE ACT 1984]

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LE SECTEUR DES CABLO-OPERATEURS : MONOPOLE LOCAL ET CONCENTRATION HORIZONTALE

Cette concession est accordée par les autorités locales20, qui sont dans la plupart

des cas les municipalités, et elle est très souvent exclusive car la loi de 1984 le permet21. La raison économique utilisée pour justifier l'exclusivité des concessions est que le câble serait un monopole naturel comme toute industrie de réseaux. Quand la concession n'est pas exclusive, la concurrence entre opérateurs du câble n'a effectivement pas lieu, mais son absence est plus causée par le principe général de la concession que par des manifestations du monopole naturel : à savoir un accord tacite de non-agression entre les câblo-opérateurs.

"Cable companies rarely overbuild each other. That is a function of the fact that each system is equally vulnerable : all local retail monopolists would expose their own turf by invading another's. This gentleman's agreement is butressed by economic self-interest, which is a why direct competition among the MSO's is severely restrained (beyond the municipal franchise "auction")."22 A l'exception de situations qui apparaissent très marginales, l'industrie du câble est donc

caractérisée par une absence totale de concurrence entre les opérateurs au niveau local, de part l'exclusivité des concessions concédées par les autorités locales.

1.2 Les câblo-opérateurs en voie de concentration horizontale

a) Recherche de la grande taille pour bénéficier d'économies d'échelle

Les exploitants du câble sont des petites et moyennes entreprises. En 1987, 415 câblo-opérateurs23 employaient 84163 personnes24 et le premier câblo-opérateur Tele-Communications Inc. (TCI) ne possède que 250 employés. Ils gèrent quasiment tous plusieurs réseaux, c'est pourquoi on les appelle Multiple System Operator ou MSO. Les 240 MSOs membres de l'association des acteurs du câble, National Cable Television Association (NCTA), ont en charge plus de 10000 réseaux25. Contrairement aux réseaux de diffusion hertzienne qui ne doivent pas être chacun propriétaires de plus de 12 stations de télévisions, 12 stations de radio AM, 12 stations de radio FM et ne pas détenir un potentiel d'audience nationale supérieur à 25%, les câblo-opérateurs ne sont absolument pas réglementés au niveau du nombre de réseaux possédés ou du nombre de foyers abonnés. Ainsi, TCI dénombre plus de onze millions d'abonnés au service de base (cf. Tableau 1), soit une part de marché de 22.8% par rapport aux 55.79 millions d'abonnés en 1991.

Avec la croissance du câble qui règne depuis 1980, les câblo-opérateurs sont partis à la recherche d'économies d'échelle qui sont intrinsèques à la nature de leurs activités d'industrie de réseau. Avec un nombre d'abonnés suffisamment important, les exploitants du câble peuvent tirer partie d'économies d'échelle dans le domaine technique (chute du coût du câblage par prise raccordable), dans le domaine de la gestion (facturation groupée pour les abonnés), dans le domaine financier (investissements dans la programmation facilités et plus importants). La première manifestation de cette recherche des économies d'échelles est la taille croissante des réseaux (cf. Tableau 2).

20 Celles-ci touchent un droit de concession (franchise fee) de la part du câblo-opérateur sélectionné qui peut monter jusqu'à 5% du chiffre d'affaires de l'exploitant du réseau (cf. section 622 Franchise fees du [CABLE ACT 1984]). Ces drois de concessions se sont élevés à 800 millions de dollars en 1991 (cité par (MARIET 1992] p.233) 21 "Sec. 621.(a) A franchising authority may award [...] 1 or more franchises within its jurisdiction.", cf. section 621 General franchise requirements du [CABLE ACT 1984] 22 cf. [HAZLETT 1992] p.51 23 cité par [LAFRANCE 1989] p.265 24 d'après FCC, cité par [NCTA 1992] 25 cité par CableMarketing, 22 Mai 1992, n°.25

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LE SECTEUR DES CABLO-OPERATEURS : MONOPOLE LOCAL ET CONCENTRATION HORIZONTALE

Tableau 1 : Classement 1991 des 20 premiers opérateurs

suivant le nombre d'abonnés au service de base

Opérateurs (Multiple System Operator MSO)

Abonnés au service de base

1. Tele-Communications Inc (TCI) 11.256.309 2. Time Warner 6.644.000 3. Continental Cablevision 2.786.000 4. Comcast Corporation 1.673.100 5. Cox Cable Communications 1.661.300 6. Jones Intercable 1.655.800 7. Storer Communications Cable 1.633.400 8. Cablevision Systems 1.628.200 9. Newhouse Broadcasting 1.288.200

10. Cablevision Industries 1.131.700 11. Times Mirror Cable Television 1.109.300 12. Adephia Communications 1.104.300 13. Viacom Cable 1.083.600 14. Sammons Communications 925.400 15. Century Communicartions 884.000 16. Falcon Cable TV 847.000 17. TeleCable Corporation 653.400 18. Scripps Howard Cable 639.200 19. Cencom Cable Associates 527.600 20. Paragon Communications 521.400

source : National Cable Television Association, cité par [NCTA 1992]

Tableau 2 : Répartition des abonnés (en %) en fonction

du nombre d'abonnés par réseau : 1983 et 1990

nombre d'abonnés 1983 1990 >50000 16.6 37.03

20000-50000 27.0 25.58 10000-20000 19.4 14.36 5000-10000 14.9 9.33 1000-5000 17.9 10.07

<1000 4.2 3.63

source : pour 1983 [NTIA 1988] p.543, pour 1990 NCTA, Cable Television Developments, Mai 1990

L'une des techniques les plus efficaces pour bénéficier d'économies d'échelle optimales est

celle qu'a développé American Television & Communications (ATC, groupe Time Warner) et qui consiste à racheter des réseaux adjacents aux réseaux existants (clustering). ATC n'a cependant pas été la seule entreprise à se lancer dans des achats de réseaux.

b) Augmentation de la concentration des câblo-opérateurs De nombreuses opérations d'acquisition d'opérateurs, de fusion entre opérateurs, de création

de filiales, de vente d'opérateurs ont été en effet réalisées depuis 1980 (cf. Tableau 3).

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LE SECTEUR DES CABLO-OPERATEURS : MONOPOLE LOCAL ET CONCENTRATION HORIZONTALE

Tableau 3 : Principales opérations

de concentration au cours des années 80

date type d'opération firme acquérant (fusionnant ou créatrice)

firme acquise (fusionnant ou créatrice)

montant de l'opération

firme résultant de la fusion ou de la

création 07/80 acquisition Capital Cities Cable Cablecom General 139.2 M$ 10/80 fusion Westinghouse Teleprompter 636 M$ Group W Cable 01/81 création TCI Taft Broadcasting ---- Taft Cable 03/81 acquisition Newhouse Vision Cable 175 M$ 06/81 fusion UA-Columbia Rogers Cablesystems 265 M$ Rogers/UA26 12/81 création TCI Knight-Riddder ---- TKR Cable 02/83 acquisition TCI Liberty Communications 182 M$ 07/83 acquisition TCI Tele-Media 145 M$ 08/85 acquisition Rifkin Omni Cable TV 55 M$ 08/85 acquisition Post Newsweek Cable Capital Cities Cable27 350 M$ 01/86 acquisition TCI, Comcast, ATC,

Century, Daniels Group W Cable 2100 M$

01/86 création ATC Houston Industries ---- Paragon. 04/86 acquisition Continental McClathy Newspapers' 130 M$ 07/86 acquisition TCI UA Cablesystems 1200 M$ 08/87 acquisition Cablevision Systems Adams-Russell 474 M$ 10/87 acquisition Continental American Cablesystems 481.7 M$ 01/88 acquisition TCI, Comcast Storer Cable 2900 M$ 02/88 acquisition UA Cablesystems (TCI) Daniels 190.4 M$ 03/88 fusion UA Cablesystems (TCI) United Cable 1600 M$ UA Entertainment 05/88 acquisition Continental Industries Wometco Cable 270 M$ 09/88 acquisition Houston Industries Rogers Cablesystems 1260 M$ Paragon Cable28 03/89 fusion Time Inc. (contrôle ATC) Warner Communications 18000 M$ Time Warner 04/89 acquisition ATC, Warner, Jones,

Adelphia Centel Cable 1400 M$

07/89 acquisition Intermedia Partners Hearst Cable 170 M$

source : [STEIN 1990]

Les opérations majeures figurent en gras dans le tableau ci-dessus. Il s'agit de la vente de Groupe W Cable (MSO n°.3 en nombre d'abonnés en 1985) à 5 opérateurs, du partage de Storer Cable (MSO n°.4 en 1988) entre TCI et Comcast, du contrôle de TCI sur UA Entertainment née de la fusion de United Cable, UA Cablesystems, Daniels (respectivement MSO n°.8, n°.15, n°.19 en 1988) et de la fusion entre ATC et Warner Cable (MSO n°.2 et n°.6 en 1989) suite à la fusion des deux groupes multimédias Time Inc. et Warner Communications. En 1986, ce sont près de 7 millions d'abonnés au câble (18% des foyers câblés) qui ont vu leur réseau changer de propriétaire29 et sur la période 1985-1990 ce sont 28 millions d'abonnés qui ont changé d'exploitant30.

Une telle activité de fusion/acquisition a évidemment renforcé la concentration

horizontale des câblo-opérateurs. Selon la FCC, les 50 premiers câblo-opérateurs détiennent 90% des abonnés31. La part de marché des quatre premiers câblo-opérateurs a augmenté de 25.5% à 46.9% entre 1980 et 1990, celle des dix premiers de 42.6% à 61.8%. Dans le même temps, l'indice de concentration Herfindhal-Hirschman (HHI) utilisé par le département antitrust du ministère de la Justice, et qui consiste en la sommation des parts de marché élevées au carré, a augmenté de 195 à 774 entre 1977 et 199132 (cf. Tableau 4 et Graphique 1). On commence à approcher un seuil de concentration qui déclenche l'intérêt de ce département antitrust : HHI > 1000 et part de marché des quatre premières entreprises > 45%.

26 coopération terminée en 02/83 27 Suite à l'absorbtion du network ABC par Capital Cities, Capital Cities a du démanteler ses activités d'exploitant de réseaux. 28 nouveau nom de Rogers Cablesystems 29 cité par [NTIA 1988] p.545 30 cité par [STEIN 1992] p.50 31 d'après [FCC 1990] 32 calculé à partir des parts de marché des 10 premiers opérateurs

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LE SECTEUR DES CABLO-OPERATEURS : MONOPOLE LOCAL ET CONCENTRATION HORIZONTALE

Tableau 4 : Evolution de la concentration des câblo-opérateurs entre 1977 et 1991

année TOP 433 TOP 1034 HHI 197735 23.7% 43.7% 195 198036 25.5% 42.6% 218 198537 26.3% 43.0% 245 198738 30.5% 48,8% 339 198839 37.3% 52.3% 554 198940 42.0% 56.5% 669 199041 46.9% 61.8% 757 199142 45.3% 60.5% 774

Graphique 1 : Evolution de la concentration des câblo-opérateurs entre 1977 et 1991

0,00%

10,00%

20,00%

30,00%

40,00%

50,00%

60,00%

70,00%

77 80 85 87 88 89 90 91

TOP 4 TOP 10 HHI

indice de concentrationpart de marché

0

100

200

300

400

500

600

700

800

Cette concentration horizontale des câblo-opérateurs s'est véritablement intensifiée à partir de 1985, soit à la suite du Cable Act de 1984, dispositif très déréglementaire vis à vis de l'industrie du câble. En l'absence de toute mesure contrariant cette concentration horizontale, des opérateurs ont largement bénéficié de ce mouvement général (cf. Tableau 5). Ainsi, la part de marché de TCI est passée de 5.9% en 1980 à 22.2% selon l'enquête de la FCC en 1990, Comcast Cable et Continental Cablevision sont devenus respectivement le troisième et le quatrième opérateur en 1990, alors qu'ils n'étaient pas dans les dix premiers en 1980. Par contre, la part de Time Warner (ATC + Warner) est demeurée assez stable (entre 10 et 11%). 33 part de marché des quatre premiers opérateurs 34 part de marché des dix premiers opérateurs 35 source : Broadcasting, 5 Juin 1989, cité par [MARIET 1992] p.157 36 source : Cablevision, 1er Janvier 1990 37 source : Cablevision, 11 Novembre 1985 38 source : Broadcasting, 5 Juin 1989, cité par [MARIET 1992] p.157 39 source : Broadcasting, cité par [DUMOLIE 1988] p.111 40 source : Broadcasting, 11 Décembre 1989 41 source : [FCC 1990], cité par [SIMON 1991] p.373 42 source : National Cable Television Association, cité par [NCTA 1992]

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LE SECTEUR DES CABLO-OPERATEURS : MONOPOLE LOCAL ET CONCENTRATION HORIZONTALE

Tableau 5 : Classement des opérateurs

en 1980, 1985, 1988,1992 suivant leur part de marché

198043 Part de marché

198544 Part de marché

1. TelePrompter 7.8 1. TCI 10.5 2. ATC 6.8 2. ATC 6.6 3. TCI 5.9 3. Group W Cable 5.3 4. Cox Cable 5.0 4. Storer Cable 3.9 5. Warner Amex 4.2 5. Cox Cable 3.8 6. Times Mirror Cable 3.1 6. Warner Amex 2.9 7. Viacom Cable 2.7 7. Continental Cablevision 2.8 8. Storer Cable 2.7 8. Times Mirror Cable 2.6 9. Sammons Communications 2.3 9. Newhouse Broadcasting 2.4

10. UA - Columbia 2.1 10. United Cable 2.2 Avril 198845 Part de

marché Juin 199046 Part de

marché 1. TCI 20.3 1. TCI 22.2 2. ATC 7.9 2. Time Warner 11.6 3. Continental Cablevision 4.6 3. Comcast Cable 8.3 4. Comcast Cable 4.5 4. Continental Cablevision 4.8 5. Cox Cable 3.1 5. Cox Cable 3.0 6. Warner Cable 2.9 6. Cablevision Systems 2.8 7. Newhouse Broadcasting 2.4 7. Jones Intercable 2.7 8. Viacom Cable 2.3 8. Newhouse Broadcasting 2.3 9. Cablevision Systems 2.2 9. Times Mirror Cable 2.1

10. Jones Intercable 2.1 10. Cablevision Industries 2.0 c) Renforcement du pouvoir de négociation La principale conséquence de ce mouvement de concentration horizontale a été

l'augmentation du pouvoir de négociation des câblo-opérateurs. Avec un nombre d'abonnés croissant, les exploitants les plus importants sont en effet en position de force dans leurs négociations avec leurs fournisseurs que sont les chaînes du câble, qui pour obtenir un certain succès commercial doivent s'adjuger les faveurs des grands opérateurs à des conditions favorables pour ceux-ci (cf. 4.3 Conséquences de l'intégration verticale) et voient donc leur pouvoir de négociation affaibli. Face à leurs clients, la concentration horizontale confère également une position de dominance aux câblo-opérateurs (cf. 5.3 Faible pouvoir de négociation des abonnés et des autorités locales).

1.3 Conclusion : monopole local et concentration horizontale

Le secteur des opérateurs du câble est marqué par une absence quasi totale de concurrence directe entre les opérateurs, du fait de l'attribution par les autorités locales de concessions exclusives de construction et d'exploitation de réseaux câblés. Ces concessions exclusives engendrent des barrières à l'entrée et des positions de monopole local. Au niveau national, les opérateurs du câble sont en train de se concentrer horizontalement pour rechercher des économies d'échelle et pour accroître leur pouvoir de négociation vis à vis de leurs clients et fournisseurs.

43 source : Cablevision, 1er Janvier 1990 44 source : Cablevision, 11 Novembre 1985 45 source : Broadcasting, cité par [DUMOLIE 1988] p.111 46 source : [FCC 1990], cité par [SIMON 1991] p.373

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LES PRODUITS DE SUBSTITUTION : FAIBLESSE DE LA CONCURRENCE INTER-PRODUITS

2. Les produits de substitution : faiblesse de la concurrence inter-produits

2.1 Les services de distribution multipoints : MMDS (Multichannel Multipoint Distribution System)

Les services de distribution multipoints, appelés MMDS, sont considérés comme le câble sans fil (wireless cable). Il s'agit de la distribution par voie hertzienne dans le domaine des micro-ondes d'une trentaine de canaux. Les zones couvertes par les MMDS sont principalement des zones non câblées en milieu rural ou urbain (à New York, les quartiers du Bronx et du Queens). En 1990, on dénombrait 50 réseaux qui regroupaient 300000 abonnés47 et représentaient en 1991 un chiffre d'affaires de 175 millions de dollars. Un MMDS possède deux avantages notables par rapport à un réseau câblé : des délais d'installation plus rapide et des frais d'investissements moindre (400 $ par abonné contre 2000 $ pour un réseau câblé48).

Les MMDS sont en position de faiblesse par rapport à l'industrie du câble. En effet, l'intégration

verticale des câblo-opérateurs vers l'amont en direction des chaînes du câble a pour conséquence une restriction de l'accès au marché des programmes pour les MMDS. Les chaînes du câble refusent d'être diffusées par les MMDS et les droits de programmation ont très fortement augmenté pour les MMDS. La FCC a réalisé une enquête en 1990 auprès de 32 systèmes MMDS49 : aucun ne proposait TNT, 11 seulement ESPN, HBO et Showtime étaient chacune retransmises par seulement 6 systèmes; le tarif pour le couple CNN/ CNN-Headline News était de 1 dollar par mois par abonné alors qu'il est de 28 cents pour les opérateurs du câble. Ces barrières à l'accès des programmes ont eu pour conséquence un ralentissement et même une récession du marché des MMDS. Le nombre d'abonnés est ainsi passé de 750000 en 1985 à 180000 en 198750.

2.2 Les services de diffusion par satellite

a) Réception communautaire : SMATV (Satellite Master Antenna Television Systems) Les SMATV sont des systèmes de réception communautaire par satellite qui sont installés dans

des grands immeubles d'habitation, des hôtels et des hôpitaux, ce qui représente théoriquement un marché potentiel de vingt millions d'abonnés. Bien que la capacité de ces systèmes en nombre de canaux et les tarifs pratiqués soient proches de ceux du cable, les SMATV sont en régression, le nombre d'abonnés étant passé de un million en 1987 à 500000 en 198951. Le principal problème de cette industrie est, comme pour les MMDS, l'accès aux programmes. Les SMATV orientent leur antennes vers les satellites de distribution des programmes des réseaux câblés. Ceux-ci étant codés pour éviter l'accès gratuit à des propriétaires d'antennes de programmes payants, les opérateurs de SMATV ont du mal à se procurer des programmes à des prix intéressants à cause du coût des décodeurs. Pour remédier à cette situation et pour accéder aux signaux sans décodeurs, on assiste de plus en plus à la vente et à la fusion de systèmes SMATV avec des câblo-opérateurs. L'industrie des SMATV est donc en voie d'absorption par celle du câble. Il faut noter enfin le refus total des chaînes optionnelles du câble à être diffusées sur les SMATV (elles sont entièrement contrôlées par les câblo-opérateurs TCI, Time Warner et Viacom52).

47 d'après [FCC 1990] 48 cité par [DUMOLIE 1988] p.83 49 cf. [FCC 1990] 50 cité par [DUMOLIE 1988] p.83 51 d'après [FCC 1990] 52 cf. Tableau 8

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LES PRODUITS DE SUBSTITUTION : FAIBLESSE DE LA CONCURRENCE INTER-PRODUITS

b) La diffusion directe par satellite : DBS (Direct Broadcasting System) On compte en 1990 3.1 millions propriétaires individuels d'antenne parabolique (HSDO, Home

Satellite Dish Owners) contre 900000 en 198453. Dans la situation actuelle, la diffusion directe pas satellite n'est pas vraiment un concurrent mais plutôt un marché complémentaire du câble car son potentiel de développement aux Etats-Unis demeure les zones non câblées ou celles couvertes par de vieux réseaux de faible capacité (au moins 9% des réseaux ont moins de 12 canaux54). Il n'existe pas de système de satellites moyenne puissance type ASTRA qui propose 48 chaînes en Europe avec trois satellites de 16 canaux situés à la même position orbitale. Aux Etats-Unis, "La diffusion directe par satellite n'a toujours pas commencé"55. En 1983, la FCC disposait de onze projets dont aucun n'a été réalisé. Une raison purement conjoncturelle a été la hausse des prix des lancements des satellites avec le retrait de la NASA au milieu des années 80 suite à l'accident de la navette Challenger.

Mais la raison principale du non démarrage de la DBS est le comportement de l'industrie

du câble. En effet, le Cable Act de 198456 autorisait les possesseurs d'antennes à capter pour leur usage privé les programmes du câble transportés par satellite. Pour parer à ceci, les chaînes se mirent à coder leurs programmes qui ne peuvent être captés sans un décodeur de type Videocipher II (standard qui s'est imposé suite à des contrats avec HBO, Showtime, WTBS et ESPN entre 1983 et 1986 et dont l'industrie du câble veut garder le monopole de la distribution). Les conséquences ont été néfastes pour la croissance des ventes des antennes paraboliques57 qui sont tombées de 600000 en 1985 à 270000 en 198758, pour stagner depuis à 300000 par an alors que le prix des équipements de réception chutaient dans la même temps (500$ en 1991). Le parc d'antennes paraboliques étant inférieur à ce qu'il aurait été sans le brouillage des signaux, aucun système de couverture nationale ne peut voir le jour, d'autant plus que l'intégration verticale des programmes par les câblo-opérateurs limiterait sérieusement l'offre de services d'un tel système. Dégagé de tout concurrent potentiel, les câblo-opérateurs peuvent se servir de la DBS comme d'un marché d'appoint pour couvrir les zones rurales trop coûteuses à câbler. Ainsi, un regroupement de 7 opérateurs (TCI, Time Warner, Comcast, Continental, Cox, Newhouse, Viacom) utilise le premier satellite DBS moyenne puissance lancé en Novembre 1990 pour diffuser 10 chaînes (superstations + pay-per-view) moyennant un abonnement de 20 à 30 $ par mois.

2.3 La télévision hertzienne Les produits de substitution du câble MMDS, SMATV et DBS étant peu développés, la

télévision 'classique' par voie hertzienne demeure le principal concurrent du câble, mais un concurrent mal en point.

a) La télévision de faible puissance : LPTV (Low Power Television) Autorisées par la FCC depuis Septembre 1980, les stations de télévision de faible puissance

(10 W en VHF, 1kW en UHF) émettent dans un rayon inférieur à 30 km. On dénombre 895 stations en 199159 qui sont l'émanation de groupes minoritaires et d'associations locales et qui desservent des zones rurales peu ou mal couvertes par le câble. Phénomène très local, la télévision de faible puissance ne peut résister au pouvoir de négociation de l'industrie du câble. Revendiquant une éventuelle obligation de transport sur les réseaux câblés, elles sont obligées pour pouvoir être présentes sur les réseaux de leur municipalité (comme 51% des stations LPTV en 1988) de diffuser des incitations à l'abonnement au câble.

53 d'après [FCC 1990] 54 cf. Tableau 11 55 cf. [SIMON 1991] p.367 56 cf. section 633 du [CABLE ACT 1984] 57 La réglementation en matière d'urbanisme limite de plus toute prolifération d'antennes paraboliques. 58 cité par [MARIET 1992] p.182 59 d'après FCC, cité par [MARIET 1992] p.24

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LES PRODUITS DE SUBSTITUTION : FAIBLESSE DE LA CONCURRENCE INTER-PRODUITS

b) La télévision hertzienne payante : STV (Subscription Television) Né en 1977, elle a quasiment disparu des Etats-Unis avec la pénétration croissante du

câble60. Elle comptait encore 900000 abonnés en 1984 dans les zones non encore câblées. Mais en proposant une chaîne pour 15$, tarif auquel le câble offre plus de trente chaînes, elle était amenée à disparaître, l'arrivée du câble provoquant 90% de désabonnements. Possédant encore 150000 abonnés en 1986, elle est devenu un phénomène très marginal et ne comprend plus que 25 à 30 chaînes en 199061.

c) La télévision cellulaire : Un nouveau substitut ? La télévision cellulaire existe depuis que la FCC a autorisé en Janvier 1993 la société

CellularVision à transmettre des signaux TV hertziens dans le domaine des hyperfréquences62 autour de 28 GHz, plus précisément entre 27.5 et 29 GHz. Cette forme de télédiffusion est dite cellulaire car la zone couverte est divisée en cellule de 10 km de diamètre où se trouve un émetteur terrestre. La technologie permet de rivaliser avec les capacités actuelles du câble en proposant 49 canaux aux foyers munis d'une antenne de réception. Comme pour les autres produits de substitution (DBS, SMATV, MMDS, LPTV), le problème majeur que rencontrera cette nouvelle forme de télévision sera l'accès aux programmes, qui sera sans aucun doute entravé par les câblo-opérateurs, qui ont intégré en partie les chaînes du câble.

d) Les networks au niveau national Trois réseaux de télévision hertzienne répondent aux critères63 de la FCC de statut de network

: ABC, CBS et NBC et représentent en 1991 environ 700 stations affiliées. On peut pourtant parler de network pour le réseau de diffusion FOX BC en constitution depuis 1986 à l'initiative de Robert Murdoch (134 stations indépendantes fin 199064) et le réseau des chaînes de télévision publique : PBS (355 stations en 199165). Cependant, dans les études d'audience le réseau FOX est encore compris dans les stations indépendantes. Entre 1975 et 1990, les networks au sens classique du terme ont connu une sérieuse érosion de leur audience, passant de 93% d'audience en prime time à 58% en 199066. Elle s'explique par une concurrence accrue des chaînes indépendantes et la montée en puissance du câble. Entre la saison 1985/1986 et 1990/1991, la part d'audience du câble en % est passée de 16 à 30, celle des stations indépendantes de 21 à 24, alors que celle des networks diminuait de 66 à 53 pour l'ensemble des foyers67. Le service de base et les chaînes indépendantes rivalisent en audience avec les networks pris séparément (cf. Tableau 6).

Tableau 6 : Audience moyenne des services de télévision

(troisième trimestre 1989)

chaînes NBC CBS ABC Indépend. câble PBS audience 11.7 8.9 8.6 8.3 7.7 2.2

source : A.C Nielsen, cité par [MARIET 1992] p.74

60 cf. [LAFRANCE 1989] pp.46-47 61 cité par [PRAGER 1990] p.217 62 cf. Electronique International Hebdo, n°.86, 4 Février 1993 63 couverture nationale de 75% des foyers, production d'au moins 15 heures hebdomadaires de programmes en prime time (20h00-23h00) 64 cité par [MARIET 1992] p.39 65 d'après FCC, cité par [MARIET 1992] p.24 66 cité par [COUSTEL 1992] p.5 67 d'après Cablevision Avdertising Bureau, cité par [NCTA 1992]

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LES PRODUITS DE SUBSTITUTION : FAIBLESSE DE LA CONCURRENCE INTER-PRODUITS

Au début de 1992, l'audience moyenne du câble de base a enfin dépassé celle d'un network

ABC68. Cet affaiblissement des networks est flagrant quand on compare la consommation télévisuelle des foyers abonnés au câble avec celle de ceux qui ne le sont pas (cf. Tableau 7).

Tableau 7 : Influence du service de base sur la consommation

télévisuelle en 1990 (part d'audience moyenne quotidienne en %)

non abonné abonné total networks 72 49 58

service de base 0 39 24 indépendants 23 16 16

PBS 5 3 3

source : A.C Nielsen 1990, cité par [SIMON 1991] p.347, les totaux dépassent 100 à cause du multi-équipement des ménages

On constate donc que les networks patissent enormément de la concurrence du câble via l'abonnement du service de base. Malgré cette perte d'audience et de part de marché, les networks demeurent encore le premier service télévisé et le concurrent le plus sérieux du câble.

e) Les stations hertziennes locales affiliées aux networks et indépendantes Les stations locales regroupent les stations affiliées aux networks et les stations

indépendantes, propriété des minorités. Les stations indépendantes représentent une force non négligeable dans le paysage audiovisuel américain. Au nombre de 339 en 199169, elles sont presque l'égal du câble en niveau d'audience (cf. Tableau 6). Protégée de la concurrence du câble jusqu'en 1980, elles n'ont pu empêcher la suppression de certaines mesures réglementaires qui les défendaient de l'industrie du câble. Trois règles importantes qui préservaient les stations hertziennes locales ont été mises à mal sous la pression des câblo-opérateurs pendant les années 80 : must carry rules, syndicated exclusivity rules, Compulsory License, alors que leur distribution est toujours gratuite pour les câblo-opérateurs.

must carry rules L'obligation de transport obligatoire ou must carry rule avait été instaurée en 1965. A cette

époque, la télévision par câble était considérée comme une extension de la télévision hertzienne classique et un moyen de toucher des zones d'ombre ou mal desservies. On parle d'ailleurs à l'époque de CATV (Community Antenna Television) et non de cable television. Craignant que l'arrivée de nouveaux signaux dans les zones câblées ne mettent en péril les stations indépendantes locales, la FCC institua les must carry rules qui obligeaient les opérateurs à distribuer sur le câble toutes les télévisions locales. La croissance du câble fut alors freinée par cette mesure car toute la capacité en canaux était réservée pour les stations locales. Mais les câblo-opérateurs s'attaquant aux zones urbaines à partir des années 70 et proposant de nouveaux services dans lesquels leurs intérêts ne sont pas négligeables, commencèrent à réagir contre cette règle qui diminuait leur capacité en canaux. Aussi, les must carry rules furent déclarées contraire à la constitution, en particulier au premier amendement à la suite de deux procès (Quincy Cable Television vs FCC en 1985, Century Communications Corporation vs FCC en 1987), ce qui fut confirmé par la suite par la Cour Suprême.

68 cf. [COUSTEL 1992] p.5 69 d'après AITV (Association of Independant Television Stations), cité par [MARIET 1992] p.41

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LES PRODUITS DE SUBSTITUTION : FAIBLESSE DE LA CONCURRENCE INTER-PRODUITS

Elles ne furent pas complètement abolies car une négociation entre les câblo-opérateurs et les

télévisions locales sous l'égide de la FCC aboutit à ce que tout réseau de plus de 27 canaux mette à disposition 25% des canaux aux stations hertziennes locales, entre 21 et 26 canaux au moins 7 canaux, en dessous de 21 canaux aucun canal en plus de celui réservé pour la télévision publique70. Cet accord conclu en 1987 était valable pour cinq ans et s'est accompagné de la règle de l'inverseur : A/B switch rule. Comme la totalité des stations locales n'était plus distribuée par le câble, les opérateurs sont contraints d'installer dans les foyers qui en font la demande un commutateur permettant de passer de la réception par câble à la réception hertzienne et d'assurer ainsi la réception des chaînes locales absentes du câble. Les opérateurs ont réussi à faire pression sur la FCC qui leur a permis de facturer aux abonnés ce commutateur.

Dans la pratique, la quasi-suppression des obligations de transport des stations locales a été

très néfaste pour ces dernières. Peu de foyers ont recours à l'inverseur, les chaînes indépendantes ont été remplacées par les câblo-opérateurs par des chaînes thématiques ou de télé-achat, plus lucratives, les chaînes locales affiliées aux networks sont moins présentes sur les réseaux ou sont repoussées vers des numéros de canaux élevés supérieurs à 3071, qui par l'habitude de consommation des téléspectateurs sont moins regardées72. Une enquête de la FCC73 montre bien le pouvoir accru des exploitants du câble sur les chaînes locales : sur 4303 réseaux, 869 ont exprimé 1800 refus de transport à 704 chaînes, 974 ont modifié les numéros des canaux (channel realignment) et dans 236 cas les stations hertziennes ont été jusqu'à verser une compensation financière aux câblo-opérateurs pour pouvoir être présentes sur le câble. Les opérateurs du câble agissent ainsi car, de leur point de vue économique, les chaînes locales hertziennes absorbent un marché publicitaire qui leur échappe.

Compulsory License La suppression des must carry rules a affecté aussi la Compulsory License. La Compulsory

License a été instaurée par le Copyright Act de 1976 et consiste en un versement forfaitaire de l'industrie du câble (3.75 % du chiffre d'affaires du service de base) pour le paiement des droits d'auteurs des programmes hertziens diffusés sur ses réseaux, versement réparti entre l'industrie hertzienne, celle du cinéma et les fournisseurs de programmes. Ce forfait est inférieur à ce que les opérateurs auraient du payer car il n'était pas logique de leur faire payer la totalité des droits pour des programmes qui leur étaient imposés par les must carry rules. Avec la fin de l'obligation de transport, la Compulsory License n'a plus lieu d'être et allège encore plus les charges du câble. Cependant, en échange de la négociation de 1987 sur les règles de transport, les stations de télévision hertzienne ont cédé aux câblo-opérateurs en ne voulant pas revenir sur cette règle qui les désavantage fortement.

syndicated exclusivity rules D'autre part, les stations locales réclament le rétablissement de la protection de

l'exclusivité de leurs programmes. Les syndicated exclusivity rules ont été supprimées par la FCC en Juillet 1980 (CATV syndicated program exclusivity rules). Elles empêchaient la distribution sur un réseau câblé d'un programme détenu en exclusivité par une chaîne locale hertzienne. Une fois abrogées, les opérateurs purent importer sur leur réseaux des programmes en concurrence avec les chaînes locales et devenir maîtres de leur programmation en insérant leur propre messages publicitaires dans les programmes importés.

70 Un réseau de plus de 54 canaux doit réserver 2 canaux pour la télévision publique, en dessous de 54 un seul. 71 zone de programmes appelée Sibérie, cité par [SIMON 1991] p.370 72 Un téléspectateur a une certaine réticence à 'zapper' jusqu'au canal 30 et au-delà et ne regarde que les canaux les plus bas. Il en résulte une lutte entre les différentes chaînes du câble pour obtenir des opérateurs un numéro de canal faible. 73 cité par [SIMON 1991] p.371

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LES PRODUITS DE SUBSTITUTION : FAIBLESSE DE LA CONCURRENCE INTER-PRODUITS

gratuité de distribution Enfin, les nouvelles règles de distribution des programmes hertziens, néées de la négociation

de 1987, ont conservé tout à l'avantage des câblo-opérateurs le principe de gratuité de retransmission des chaînes locales hertziennes. Comme les exploitants du câble sont toujours contraints, certes de manière nettement moins stricte, de réserver des canaux, ils ont réussi à imposer leur point de vue et ne versent aucun droit aux chaînes locales qu'ils distribuent. Ce principe de gratuité entraîne un biais en faveur de l'industrie du câble car les câblo-opérateurs choisissent parmi les télévisions locales les chaînes affiliées aux networks, qui sont encore les plus populaires parmi les foyers abonnés au service de base sur le câble (cf. Tableau 7). La présence gratuite pour les opérateurs de chaînes affiliées aux networks sur leurs réseaux valorisent la valeur de ceux-ci et constituent une quasi-subvention du câble. La présence des chaînes affiliées à CBS valoriserait ainsi les réseaux câblés de 72 à 160 millions de dollars par an74. Cette valorisation est due aux plus fortes audiences que connaissent les chaînes propres au câble quand leurs canaux sont adjacents de ceux de canaux retransmettant les programmes des networks.

Il apparaît donc que les stations hertziennes locales, affiliées ou indépendantes, sont en grand

danger suite à la suppression ou la modifications des règles must carry, syndicated exclusivity et Compulsory License. L'industrie du câble est en position de force pour imposer ces conditions de distribution (nombre de canaux, choix des chaînes, place dans l'offre des programmes) des stations hertziennes qui sont démunies (perte d'exclusivité), et qui en ne percevant aucun droit de transport contribuent une certaine valeur ajoutée du câble, au détriment de la télévision hertzienne. On se trouve dans un cercle vicieux où la faiblesse des chaînes locales est utilisée par les câblo-opérateurs pour renforcer leur puissance.

2.4 Le magnétoscope Le magnétoscope n'est pas à proprement parler un produit de substitution de la

télévision câblée car il ne la concurrence que sur un segment particulier: les chaînes optionnelles de cinéma et les chaînes de films en pay-per-view. Le marché de la vidéo a en effet explosé au cours des années 80. On est passé d'un taux d'équipement en magnétoscope de 30% en 1986 à 72% en 199075, de 2000 points de vente en 1980 à 30000 en 1990. En 1989, le chiffre d'affaires de la vente et de la location de vidéocassettes dépassait celui du service de base du câble : 9.45 contre 8.73 milliards de dollars76. La concurrence entre vidéo, chaînes optionnelles et pay-per-view s'effectue au niveau du délai d'apparition des films : 6 mois après leur sortie pour la vidéo, 7 à 8 mois pour le pay-per-view, 12 mois pour les chaînes optionnelles, ainsi que sur les prix : 2 à 2.5 $ pour la location d'une cassette, 4 à 5 $ pour la visualisation d'un film en pay-per-view. L'enjeu est donc de taille quand on sait que 10% des ménages louent systématiquement des cassettes pour le week-end. Sur ce segment précis, la concurrence entre la vidéo et le câble a effectivement lieu et le câble n'a pas encore terrassé, comme pour d'autres substituts, son adversaire. L'avenir de la lutte sera influencée par la position des producteurs du cinéma qui ont tout intérêt à soutenir le pay-per-view à cause de la loi sur le copyright : ils ne touchent aucun droit sur les ventes de cassettes hormis lors de l'achat de celles-ci par le revendeur, ils en touchent à chaque diffusion de films en pay-per-view. Au niveau du service optionnel, la concurrence est réellement effective entre le marché de la vidéo et celui des chaînes optionnelles, c'est d'ailleurs une des causes de la diminution de la croissance du chiffre d'affaires du service optionnel depuis le milieu des années 80 (cf. Graphique 2).

74 cité par [COUSTEL 1992] p.24 75 d'après [FCC 1990] 76 cité par [SIMON 1991] p.368

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LES PRODUITS DE SUBSTITUTION : FAIBLESSE DE LA CONCURRENCE INTER-PRODUITS

Graphique 2 : Evolution de la croissance annuelle des chiffres d'affaires du service

de base et du service optionnel entre 1980 et 1991

0,00%

10,00%

20,00%

30,00%

40,00%

50,00%

60,00%

70,00%

80,00%

80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91

service de base service optionnel

2.5 Conclusion : faiblesse de la concurrence inter-produits

L'envolée de la télévision par câble dans les années 80 a affaibli fortement ses concurrents de

substitution. D'une part, les networks ont vu leur part d'audience diminuer fortement, les stations hertziennes locales indépendantes ou affiliées aux networks ont énormément souffert de la disparition, sous la pression du lobby des câblo-opérateurs, des mesures réglementaires qui les protégeaient de la concurrence des programmes du câble. D'autre part, les câblo-opérateurs en voie d'intégration verticale avec les chaînes du câble (cf. 4.2 Intégration des chaînes du câble par les câblo-opérateurs), ont exercé suffisamment de poids pour bloquer l'accès au marché des programmes à des produits de substitution que sont les services de distribution multipoints, la diffusion par satellite (DBS et SMATV) et la télévision hertzienne de faible puissance, et empêcher leur développement (MMDS : 300000 abonnés, SMATV : 500000, DBS : 3.1 millions de propriétaires d'antennes contre 55.79 millions d'abonnés au câble au 31-12-199177). Le magnétoscope est le seul à résister parfaitement en étant un substitut au câble sur un segment particulier : celui des chaînes optionnelles et du pay-per-view, mais sa position est amenée à s'affaiblir avec le développement du service pay-per-view. Il résulte donc que le câble est soumis à une concurrence inter-produit affaiblie et est substituable de façon très limitée.

77 d'après National Cable Television Association, Cable Television Developments, Mai 1992

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LES ENTRANTS POTENTIELS : BARRIERES A L'ENTREE REGLEMENTAIRES TRES FORTES

3. Les entrants potentiels : barrières à l'entrée réglementaires très fortes

Le secteur des câblo-opérateurs est bien protégé de toute entrée potentielle. D'une part,

les exploitants du câble sont à l'abri d'une concurrence directe de tout entrant au plan local grâce aux concessions exclusives délivrées par les autorités municipales (cf. 1.1 Situation de monopole local : exclusivité des concessions municipales). D'autre part, l'ensemble des câblo-opérateurs ne peut être menacé par des acteurs provenant d'autres industries comme celui des compagnies de téléphone ou celui des networks, car l'entrée de ceux-ci dans l'exploitation de réseaux câblés leur est interdit par des dispositifs réglementaires.

3.1 Absence d'entrée potentielle au niveau local Les concessions accordées par les autorités locales constituent des barrières à l'entrée

sérieuses pour les concurrents potentiels. Dans la plupart des cas, ces concessions sont exclusives, empêchant donc toute entrée et plaçant l'exploitant en situation de monopole local (cf. 1.1 Situation de monopole local : exclusivité des concessions municipales). Quand les concessions ne sont pas exclusives, il est extrêmement difficile et coûteux à un deuxième entrant d'obtenir une autorisation de câblage. Un seul câblo-opérateur, Telesat Cablevision Inc. adopte une attitude concurrentielle directe avec les autres exploitants en construisant un deuxième réseau (overbuilding) dans des marchés où les concessions ne sont pas exclusives : il dispose ainsi de 50000 abonnés répartis sur 13 zones en Floride en 198978. Cependant, cette attitude agressive vis à vis des autres câblo-opérateurs lui a coûté 1 des 10.24 millions de dollars de chiffre d'affaires en 198979 pour obtenir des autorités locales des concessions. Sous la pression des câblo-opérateurs, certains états, dont la Floride, ont voté des lois limitant les constructions de deuxième réseau en compliquant artificiellement les procédures administratives et en les rendant plus coûteuses.

"The general strategy is to raise the costs of the entrant while minimizing expense to the incumbent [...] The entry barrier at the municipal franchise level is a particularly lethal one in that the entrant is being attacked in the formative stage. This forces a potential entrant to organize (managerially and financially) at a moment in which great uncertainty is attached to whether permission to operate will ever be granted."80 Quand bien même un entrant potentiel obtiendrait une concession pour construire un réseau, il

devra faire face à la réaction de l'exploitant déjà présent (incumbent ou insider). Celui-ci peut en effet pratiquer une discrimination par les prix en diminuant ses tarifs sur les zones desservies par ce concurrent direct. Ainsi, quand Telesat propose un service de base à 11.95$ par mois, deux de ses concurrents directs, proposent des prix de 8.95$ et 7.95$ sur les zones où leurs réseaux sont directement concurrencés alors que leurs tarifs sont 16.95$ et 13.95$ dans les zones ou leurs réseaux sont en situation de monopole81. Ceci est d'autant plus possible que le Cable Act de 1984 dérèglemente dans les faits les tarifs pratiqués par les câblo-opérateurs qui ont considérablement augmenté après l'application de cet acte (cf. 5.2 Des prix trop élevés). Combinée avec la situation de monopole local crée par le système de la concession locale, cette libération des prix permet aux opérateurs de disposer de véritables rentes de monopole.

Enfin, tout entrant potentiel doit surmonter la barrière de l'intégration verticale vers

l'amont des câblo-opérateurs que n'ont pu franchir les produits de substitutions que sont la télévision par satellite, les système de distribution multipoints et la télévision hertzienne de faible puissance et qui a freiné leur développement (cf 2. Les produits de substitution : faiblesse de la concurrence inter-produits). Cette intégration vers le marché des programmes ferme l'accès à ce marché pour l'entrant potentiel, si il n'est pas lui-même verticalement intégré. Celui-ci ne peut diffuser des chaînes ayant passé des contrats d'exclusivité avec le câblo-opérateur insider, il peut obtenir des 78 cité par [HAZLETT 1992] p.22 79 cité par [HAZLETT 1992] p.22 80 cf. [HAZLETT 1992] pp.20-21 81 cité par [HAZLETT 1992] p.47

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LES ENTRANTS POTENTIELS : BARRIERES A L'ENTREE REGLEMENTAIRES TRES FORTES

contrats de distribution moins avantageux en matière de prix demandés par les chaînes, dans lesquelles le câblo-opérateur insider possède des participations financières. Dans ces conditions, un entrant potentiel, non verticalement intégré comme l'opérateur insider, ne peut proposer des programmes concurrentiels et attractifs, ce qui limite l'intérêt de son entrée.

3.2 Limitation de l'entrée potentielle des télévisions hertziennes Dans les années 60, la situation de l'industrie de la télévision hertzienne était nettement plus

florissante que celle de l'industrie du câble. Pour protéger celle-ci devant la puissance des stations de télévision hertzienne, en particulier des networks qui auraient pu utiliser leur position dominante pour contrôler les câblo-opérateurs et donc maîtriser par eux-mêmes le développement de ce concurrent naissant qu'était alors la télévision par câble, la FCC décida en 1970 d'adopter des règles de participation croisée (cross-ownership rules) entre les sociétés de télévision hertziennes et les câblo-opérateurs pour restreindre l'intervention possible de la télévision hertzienne dans l'exploitation de réseaux câblés (Second Report and Order 1970). Ces règles furent confirmées par le Cable Act de 1984 :

"Sec. 613. (a) It shall be unlawful for any person to be a cable operator if such person, directly or through 1 or more affiliates, owns or controls, the licensee of a television broadcast station and the predicted grade B contour of such station covers any portion of the community served by such operator's cable system."82 Il est ainsi interdit aux trois networks (ABC, CBS, NBC) de posséder le moindre réseau

câblé sur tout le territoire américain. Ainsi, lors du rachat en 1985 d'ABC par le groupe Capital Cities, celui-ci a été contraint de se séparer de ses activités dans le cable gérées par Capital Cities Cable (375000 abonnés, MSO n°.2183). L'interdiction existe aussi pour les autres groupes contrôlant des télévisions hertziennes mais elle n'est que partielle : un même groupe ne peut exploiter un réseau câblé dans une zone de diffusion d'une de ses chaînes. Les télévisions hertziennes autres que les networks peuvent donc intervenir sur le marché des câblo-opérateurs hors de leur marché local. La réciproque est également vrai pour les exploitants du câble qui peuvent posséder des stations hertziennes en dehors des zones câblées par eux.

Cette restriction partielle pour les sociétés de télévision hertzienne autre que les networks a

permis ainsi l'établissement de liens avec les câblo-opérateurs. On estime ainsi que ces sociétés de télévision hertzienne ont des participations financières dans 32% des réseaux câblés84. Ainsi, deux des plus grands câblo-opérateurs en 1992 sont possédés par des acteurs de la télévision hertzienne: le MSO n°.585, Cox Cable Communications, est une filiale de Cox Enterprises Inc. qui possède 8 stations de télévisions86, Viacom Cable (MSO n°.13) est une filiale de Viacom Inc. qui gère 5 stations hertziennes par sa filiale Viacom Broadcasting Inc.87.

82 cf. section 613 Ownership restictions du [CABLE ACT 1984]. Le terme grade B contour délimite une zone de réception de bonne qualité d'une station hertzienne. "Sec. 602. [...] (10) the term 'grade B contour' means the field strength of a television broadcast station computed in accordance with regulations promulgated by the Commission", cf. section 602 Définitions du [CABLE ACT 1984] 83 cf. Cablevision, 11 Novembre 1985 84 cité par [SIMON 1991] p.369 85cf. Tableau 1 86 dans les villes d'Atlanta, Charlotte, Dayton, Detroit, Oakland, Orlando, Pittsburgh, Saint Louis, cf. [TELEVISION & CABLE 1989], Stations volume, p.A-1351 87 dans les villes d' Albany, Hartford, Rochester, Saint Louis, Shreveport, cf. [TELEVISION & CABLE 1989] Stations volume, p.A-1360

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LES ENTRANTS POTENTIELS : BARRIERES A L'ENTREE REGLEMENTAIRES TRES FORTES

3.3 Limitation de l'entrée potentielle des compagnies de téléphone

Pour les mêmes considérations qui animent la limitation de l'entrée des télévisions hertziennes

sur le marché des réseaux câblés, les compagnies de téléphone ont été empêchées de participer à la construction de réseaux câblés à partir de 1970. Pour préserver l'industrie du câble de la puissance économique88 des compagnies de téléphone (telcos) et leur pouvoir de monopole, en particulier sur les poteaux téléphoniques sur lesquels sont tendus une partie des câbles des réseaux de télédistribution89, la FCC a également institué pour ces dernières des cross-ownership rules en 1970 (Section 214 Certifications90) avec les motivations suivantes :

"The Commission determined that carriers could use their control of pole and conduits space effectively to preempt the cable television market and extend their monopoly in local distribution to new broadband services that might otherwise be provided over coaxial facilities by independant operators [...] The public interest in modern and efficient means of communications will best be served, at this time, by preserving, to the extent practicable, a competitive environment for the development and use of broadband cable facilities and services thereby avoid unique and unnecessary concentration of control over communications media either by existing carriers or other entities [...] the preservation of such competition will best be assured by the exclusion of telephone companies in their service areas from engaging in the sale of CATV service to the viewing public [...]"91 Ces règles interdisent aux opérateurs de télécommunications locaux de posséder et

d'exploiter des réseaux de télévision par câble dans leur zone de desserte téléphonique. Elles furent, comme les règles pour les télévisions hertziennes, intégrées dans la loi de 1984 :

"Sec. 613. (b)(1) It shall be unlawful for any common carrier, subject in whole or part in part to title II of this Act, to provide video programming directly to subscribers in its telephone service area, either directly or indirectly through an affiliate owned by, operated by, controlled by, or under common control with the common carrier.

(2) It shall be unlawful for any common carrier, subject in whole or in part to title II of this Act, to provide channels of communications or pole line conduit space, or other rentals arrangements, to any entity which is directly or indirectly owned by, operated by, controlled by or under common control with such common carrier, if such facilities or arrangements are to be used for, or in connection, with the provision of video programming directly to subscribers in the telephone service area of the common carrier.

(3) This subsection shall not apply to any common carrier to the extent such carrier provides telephone exchange service in any rural area (as defined by the Commission)."92

Ces règles permettent cependant à des compagnies de téléphone d'intervenir dans la télédistribution en dehors de leur zone de desserte et même dans les zones rurales de moins de 2500 habitants93 qu'elles couvrent. Par exemple, la compagnie de téléphone Centel exploita des réseaux câblés jusqu'en 1989, année où elle céda sa filiale Centel Cable TV (581000 abonnés94, MSO n°.19) à d'autres câblo-opérateurs (cf. Tableau 3).

88 En 1987, le chiffre d'afffaires de l'industrie des télécommunications était de 85 milliards de dollars (65 pour les RBOCs, 20 pour les compagnies indépendantes) contre 12.65 milliards de dollars pour l'industrie du câble, cité par [SIMON 1991] p.184 pour l'industrie des télcommunications et par [COUSTEL 1992] p.11 pour celle du câble 89 le reste des réseaux étant enterré 90 amendement de la section 214 du Communications Act of 1934 91 cf. 'Further Notice of Inquiry and Notice of Proposed Rulemaking' p.3 in [FCC 1988] 92 cf. section 613 Ownership restrictions du [CABLE ACT 1984] 93 cité par [SIMON 1991] p.380 94 cf. [TELEVISION & CABLE 1989] Cable and Services volume, p.B-1451

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LES ENTRANTS POTENTIELS : BARRIERES A L'ENTREE REGLEMENTAIRES TRES FORTES

A ces règles définies par la FCC et instituées en interdictions légales s'ajoute une deuxième

barrière réglementaire qui ne s'applique qu'aux Regional Bell Operating Companies (RBOC)95, opérateurs régionaux de télécommunications nées du démantèlement d'ATT en 1982, par l'application du Modification of Final Judgment du 8 Janvier 1982, accord (consent decree) entre ATT et le ministère de la Justice qui mit fin à la procédure anti-trust96 engagée contre ATT. Par ce Modification of Final Judgment, les RBOCs se voient interdire d' "offrir des services d'informations dont elles contrôleraient les contenus"97. Cette seconde barrière interdit de fait aux RBOCs toute exploitation de réseau câblé sur l'ensemble du territoire américain.

Cependant, les cross-ownership rules du Cable Act de 1984 et les modalités d'application du

Modification of Final Judgment permettent en théorie aux compagnies de téléphone locales (RBOCs + sociétés indépendantes) de construire et de louer des réseaux de télédistribution à des opérateurs n'ayant aucune relation avec les télécommunications. En pratique, cela est contrarié par d'autres barrières réglementaires : accord nécessaire des commissions des états fédéraux pour autoriser l'investissement des sociétés de téléphone, accord de la FCC sur le caractère d'intérêt public, de commodité et de nécessité de la construction du réseau, nécessité d'obtenir toutes les concessions délivrées par les autorités locales à chaque occupant de chaque canal. Toutes ces procédures font que les situations de construction pour d'autres de réseau câblé par les opérateurs de téléphone sont extrêmement rares.

3.4 Conclusion : barrières à l'entrée réglementaires très fortes La réglementation américaine de la télévision par câble a élevé des barrières à l'entrée

réglementaires très protectrices de l'industrie du câble pour la défendre des positions économiques dominantes que détenaient dans les années 60 et 70 le secteur des opérateurs de télécommunications et celui des stations de télévision hertzienne. Grâce aux cross-ownership rules, les câblo-opérateurs ne sont donc pas concurrencés jusqu'en 1992 par l'irruption des télévisions hertziennes et des compagnies de téléphone dans l'exploitation de réseaux câblés de télédistribution, l'interdiction d'exploitation étant totale pour les acteurs les plus importants de ces deux autres industries que sont les networks et les Regional Bell Operating Companies et partielle pour les autres sociétés dites 'indépendantes'. Cependant, le critère de faiblesse du câble devant la télévision hertzienne n'est plus d'actualité car le câble génère maintenant un chiffre d'affaires double de celui des networks (19.7 milliards de dollars contre 10.2 milliards de dollars en 199098). En plus de ces dispositions légales, les opérateurs évitent toute concurrence directe d'un entrant potentiel sur leurs marchés locaux en bénéficiant de concessions qui, par leur exclusivité ou par leur mécanisme d'attribution coûteux, découragent toute entrée, qui si elle avait lieu se heurterait de toute façon à la barrière de l'intégration verticale réalisée par les exploitants insiders. Les câblo-opérateurs sont par conséquent peu soumis à la menace d'entrée potentielle. Les chiffres de 50 à 60 marchés duopolistiques sur plus de 10000 réseaux et de 7 entrées lors des 3516 renouvellement de concessions qui ont eu lieu depuis la naissance du câble jusqu'en 198899 illustrent parfaitement cette absence de menace.

95 Les 22 sociétés d'exploitation locales d'ATT ont été regroupées en 7 holdings régionales : Ameritech, Bell Atlantic, Bell South, NYNEX, Pacific Telesis, Southwestern Bell, US West. 96 United States vs. American Telephone and Telegraph Co. 97 cf. [SIMON 1991] p.171 98 d'après FCC, cité par [COUSTEL 1992] p.7 99 cité par [ZUPAN 1989] p.477

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LES FOURNISSEURS : LES CABLO-OPERATEURS EN SITUATION DE MONOPSONE

4. Les fournisseurs : les câblo-opérateurs en situation de monopsone

4.1 Structure de l'offre

Les programmes offerts par un réseau câblé sont structurés en trois ensembles distincts : le service de base (basic cable), le service optionnel (premium service) et le service pay-per-view.

a) Le service de base100

Le service de base est l'abonnement minimal que peut souscrire un abonné. Celui-ci paye un abonnement mensuel (en moyenne 17.62 $ en 1991101) au câblo-opérateur pour l'ensemble des canaux du service de base, l'opérateur reverse alors à toutes les chaînes une part de cet abonnement, proportionnelle au nombre d'abonnés, tarifée par la chaîne et variant en fonction du pouvoir d'attractivité qu'elle exerce sur les téléspectateurs (44 cents par mois par abonné pour ESPN, première chaîne du câble, 5 cents par mois par abonné pour How-To-Channel, la chaîne du bricolage).

On distingue quatre grandes classes de programmes proposés:

-> les chaînes nationales propres au câble : ce sont les chaînes qui sont diffusées exclusivement sur le câble et qui ont pour objectif une couverture nationale via le transport par satellite jusqu'aux têtes de réseaux de leurs programmes. Elles regroupent des chaînes à programmation généraliste, des chaînes thématiques dont la diversité (information, conseils pratiques, cinéma, sport, musique, divertissement) n'est pas sans rappeler celle qui caractérise les services proposés en France par le Minitel (documentaires, météo, informations financières, éducation, justice, santé, emploi, bricolage, tourisme), des chaînes ciblées, c'est-à-dire désirant atteindre une cible démographique bien précise (enfants, communautés noires ou hispaniques), les chaînes religieuses et les chaînes de télé-achat.

Les chaînes généralistes thématiques et ciblées sont financées par la publicité des messages nationaux (les messages d'annonceurs locaux étant au bénéfice des opérateurs) et les sommes versées par les opérateurs, les chaînes de télé-achat par les commandes effectuées par les téléspectateurs, les chaînes religieuses par les dons des adhérents aux communautés dont elles assurent la propagande.

-> les superstations : ce sont des chaînes hertziennes locales dont les signaux sont acheminés par satellite aux différentes têtes de réseaux à travers tous les Etats-Unis et qui ont maintenant une couverture nationale. Elles ont vu le jour grâce à la suppression en Juillet 1980 des règles, instaurées par la FCC en 1972 (Cable Television Decision), limitant au maximum à six (3 networks + 3 indépendantes) le nombre de chaînes éloignées (distant signals) du site du réseau qu'un exploitant de câble pouvait importer sur son réseau. Elles sont entièrement financées par la publicité et ne touchent rien des opérateurs qui se contentent des dividendes des messages publicitaires locaux qu'ils insèrent dans leurs programmes.

-> les stations hertziennes locales du marché : tout au moins un partie d'entre elles suite à la suppression des must carry rules.

-> les canaux locaux : ils sont affectés à des chaînes commerciales du câble (local origination) , généralement des chaînes sportives qui retransmettent les compétitions des équipes locales ou à des canaux mis à la disposition gratuitement (public access) ou moyennant une location (leased access) au niveau local pour les communautés minoritaires, les associations locales et le service public (public, educational, governmental channels).

100 cf. Tableau 8 page suivante la liste des différentes chaînes nationales existant en 1992 suivant leur genre de programmation 101 d'après [COUSTEL 1992] p.11

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Tableau 8 : Chaînes nationales du service de base en 1992102

CHAINES GENERALISTES ET SUPERSTATIONS :

chaînes et programmation103 abonnés en 91 (millions)

année de création104

principaux propriétaires prix mensuel par

abonné105

plage horaire publicitaire

106 WTBS (Atlanta) 55.5 1976 TBS, TCI, Time Warner

(55,22,18)107 0 12 mn

The Family Channel (généraliste)

54.6 1977 TCI (50) 11 cents 13 mn

USA Network (généraliste) 54.1 1977 Paramount, MCA (50,50) 23 cents108 12 mn The Nashville Network (TNN) (généraliste)

54.0 1983 Gaylord Broadcasting (100) 20 cents 12 mn

WGN (Chicago) 36.6 1978 Tribune Broadcasting (100) 0 n.d109 KWGN (Denver) 17.0 n.d Tribune Broadacasting (100) 0 n.d WWOR (New York) 13.5 1979 Gaylord Broadcasting (100) 0 n.d WPIX (New York) 10.0 1984 Tribune Broadcasting (100) 0 n.d KTLA (Los Angeles) 4.7 1988 Tribune Broadcasting (100) 0 n.d KTVT (Dallas) 4.0 1984 Tribune Broadcasting (100) 0 n.d WSBK (Boston) 2.0 1988 Gillett Communications (100) 0 n.d CHAINES CIBLEES : Nickelodeon (enfants) 57.5 1979 Viacom (100) 22 cents 8 mn Nick at Nite (jeunes adultes) 53.2 1985 Viacom (100) 22 cents 8 mn Lifetime Television (femmes) 53.0 1984 CC/ABC, Hearst Corp.,

Viacom (33,33,33) n.d 12 mn

Video Hits One (VH-1) (jeunes adultes)

43.9 1985 Viacom (100) n.d 8 mn

Black Entertainment Television (BET) (afro-américains)

31.9 1980 R.Johnson, TCI, Time Warner, Taft Broadcasting (51,16,16,16)

5 cents 4 mn

Silent Network (mal-entendants)

14.2 1984 Silent Network Inc. n.d 1 mn

Nostalgia Channel (troisième âge)

13.3 1985 M.Markovski n.d n.d

Univision (hispaniques) 11.1 1976 Hallmark Cards Inc. (75) n.d n.d National College Television (étudiants)

6.7 1988 The Campus Network n.d n.d

Galavision (hispaniques) 2.1 1979 Televisa (Mexique) 7 cents n.d International Channel (asiatiques)

0.6 1990 Intercontinental Television Group

5 cents 2 mn

U Net (étudiants) n.s110 1989 n.d n.d n.d Celticvision (irlandais) n.s 1991 n.d n.d n.d CTN (hispaniques) n.s 1991 BET (40) 4 à 7 cents n.d VTN (hispaniques) n.s 1991 créateurs 5 cents n.d Golden American Network (troisième âge)

n.s 1992 n.d 0 cents (->1995)

n.d

102 source : [MARIET 1992] 103 pour les superstations, lieu d'émission; pour les chaînes ciblées, cible démographique visée 104 pour les superstations, année de lancement sur le câble via le transport par satellite, pour les années avant 1989 : source [TELEVSION & CABLE 1989] 105 versé par les câblo-opérateurs 106 source : Paul Kagan Newletters, 1991, cité par [MARIET 1992] 107 Les nombres entre parenthèses indiquent le pourcentage du capital détenu par chaque propriétaire. 108 source : Cablevision, 4 Juin 1990. Il en est de même pour TNN, Nickelodeon, Nick at Nite, CNN, MTV et A&E. 109 non disponible 110 non significatif

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CHAINES THEMATIQUES : ESPN (sport) 58.9 1979 CC/ABC, Hearst Corp.

(80,20) 44 cents 11 mn

CNN (information) 58.9 1980 TBS, TCI , Time Warner (55,22,18)

28 cents 13 mn

The Discovery Channel (documentaires)

56.3 1985 TCI, Cox Cable, Newhouse (49,24.5,24.5)

13 cents 9 mn

MTV (musique) 55.2 1981 Viacom (100) 22 cents 9 mn TNT (cinéma, sport) 54.9 1988 TBS, TCI, Time Warner

(55,2218) 37 cents 10 mn

C-SPAN (chambre des Représentants)

54.5 1979 financement par l'ensemble des câblo-opérateurs

3 cents 0 mn

Arts & Entertainment (culture) 53.0 1984 CC/ ABC, Hearst Corp, NBC (38,38,24)

11 cents 10 mn

The Weather Channel (météo) 50.1 1982 Landmark Communications n.d 12 mn CNN Headline News (information)

48.0 1982 TBS, TCI , Time Warner (55,22,18)

28 cents 12 mn

CNBC/FNN (information financière)

45.3 1991 Cablevision Systems, NBC (50,50)

11 cents 12 mn

AMC (films classiques américains)

35.5 1984 TCI, Cablevision Systems, NBC (50,25,25)

n.d 0 mn

Prime Network (sport) 26.0 1989 Affiliated Regulated contrôlé par TCI et Daniels

n.d n.d

C-SPAN 2 (sénat) 25.6 1986 financement par l'ensemble des câblo-opérateurs

3 cents 0 mn

Prevue Guide (programmes du câble)

25.0 1987 n.d n.d 18 mn

Sports Channel America (sport) 25.0 1988 NBC, Cablevision Systems (50,50)

n.d n.d

Comedy Central (comédies) 22.0 1991 Viacom, Time Warner (50,50) n.d n.d E! Entertainment (show business)

20.0 1987 Time Warner (40) 8 cents 8 mn

Mind Extension University (enseignement)

18.0 1987 Jones Intercable n.d n.d

The Learning Channel (éducation)

15.8 1980 The Discovery Channel (51) 25 cents 0 mn

Country Music Television (country music)

15.4 1983 Gaylord Broadcasting, Group W

n.d 10 mn

X Press Executive (teletex) 14.0 1985 TCI (100) n.d n.d The Courtroom Television Network (justice)

6.0 1990 TCI, Time Warner, NBC (33,33,33)

n.d 8 mn

The Monitor Channel (information)

5.5 1991 Christian Science Church 2 cents n.d

Bravo (culture internationale) 5.0 1980 Cablevision Systems, NBC (50,50)

15 à 20 cents111

0 mn

You TV (santé) 5.0 1988 Health Television Corp. n.d 5 mn Infonet (publi-reportages) 4.5 1991 HSN n.d n.d Family Network (famille) 3.8 1988 n.d n.d 0 mn Global Village TV Network (information internationale)

2.0 1991 n.d 3 à 5 cents 3 mn

EPG (programmes du câble) 1.8 1982 n.d n.d n.d Sci-Fi Channel (science-fiction)

n.s 1990 USA Network 8 cents 3 mn

Career Television (emploi) n.s 1991 n.d n.d 3 mn How-To Channel (bricolage) n.s 1992 n.d 3 à 5 cents 4 mn Talk TV (débats) n.s 1992 n.d 3 à 5 cents 14 mn The Cow-Boy Channel (western, country music)

n.s 1992 The Family Channel (50) 10 à 12 cents 2 mn

The Crime Channel (sécurité) n.s 1992 n.d n.d n.d The Vacation Network (tourisme)

n.s 1992 n.d n.d n.d

Cartoon Network (dessins animés)

n.s 1992 TBS, TCI, Time Warner (55,22,18)

5 cents n.d

111 source : Les Dossiers de l'Audiovisuel, n°.28, Novembre-Décembre 1989

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CHAINES RELIGIEUSES112 : EWTN 17.0 1981 Eternal World Television n.d 0 mn Alternate View Network 17.0 1985 Alternate View Network n.d 0 mn Trinity BN 13.2 1978 Trinity Broadcasting Network n.d 0 mn ACTS-Satellite 9.5 1984 Southern Baptist Convention n.d 0 mn VISN 7.7 1988 Vision Interfailth Satellite

Network n.d 0 mn

The Inspirationnal Network 6.8 1978 Heritage Village Church n.d 0 mn

CHAINES DE TELE-ACHAT : QVC (Quality value convenience)

41.0 1986 TCI, Comcast Cable, Time Warner (30,28,11)

n.d s.o113

HSN 1 (Home Shopping Networks)

17.8 1985 HSN n.d s.o

The Travel Channel 17.0 1987 TWA n.d s.o JC Penney Shopping Network 14.0 1987 JC Penney n.d s.o HSN 2 7.0 1987 HSN n.d s.o

Tableau 9 : Chaînes nationales du service optionnel en 1992 HBO (cinema, sport) 19.6 1975 Time Warner (100) 3.9 à 5.5 $ 0 mn Showtime (cinéma, sport) 9.9 1976 Viacom, TCI (50,50) 4 à 4.25 $ 0 mn Cinemax (cinéma) 8.4 1980 Time Warner (100) 3.9 à 5.5 $ 0 mn The Disney Channel (enfants) 6.2 1983 Walt Disney Corporation 14 $114 0 mn The Movie Channel (cinéma) 4.4 1975 Viacom, TCI (50,50) 4 à 4.25 $ 0 mn Encore (cinéma) 3.5 1991 TCI (90) 1 à 6 $ 0 mn Flix (cinéma) n.s 1992 Viacom, TCI (50,50) 1 à 6 $ 0 mn

Tableau 10 : Chaînes nationales du service pay-per-view en 1992

chaînes

foyers adressés en 1991(millions

)

année de création

propriétaires

programmes

Video Jukebox Network 13.0 1985 TCI clips musicaux Viewer's Choice 1 & 2 8.9 1985-1986 Pay Per View Network (8

opérateurs115) films

Request TV 1 & 2 8.5 1985-1988 Fox, Group W films Play Boy At Night 4.0 1982 Play Boy entertainment érotisme Spice 3.0 1990 Graff Pay-Per-View pornographie Drive In Cinema 1.7 1990 Graff Pay-Per-View films série B Cable Video Store 1.0 1986 Graff Pay-Per- View films, sport Action Pay-Per-View 0.5 1990 Avalon Picture Inc. films d'aventure Premiere n.s 1991 Turner Broadcasting System films, sport

112 financées par les dons des sympathisants des communautés religieuses 113 sans objet : les recettes des chaînes de télé-achat proviennent des commandes des téléspectateurs 114 source : Les Dossiers de l'Audiovisuel, n°.28, Novembre-Décembre 1989 115 Time Warner, Continental, Cox, Newhouse, TeleCable, Times Mirror, Comcast, Viacom

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b) Le service optionnel116

Après avoir souscrit au service de base, le téléspectateur peut envisager d'accéder à des

chaînes optionnelles qui sont chacune payantes. Contrairement au service de base, le téléspectateur peut choisir la ou les chaînes auxquelles il veut s'abonner, le montant de son abonnement dépendant des chaînes qu'il choisit. Le mécanisme de paiement est le même que pour le service de base : l'abonné paye son abonnement (en moyenne, un abonné au service optionnel a déboursé 10.50 $ par mois en 1991117) à l'opérateur qui en reverse un partie aux chaînes choisies. Par contre, ces chaînes à péage ne diffusent aucune publicité et dépendent donc entièrement des versements des câblo-opérateurs. Le problème majeur qu'elles rencontrent est le taux très élevé de désabonnement118 de 10 à 20 % par trimestre (4.5% par mois pour la première chaîne optionnelle Home Box Office) qui les contraint à de forts coûts de recrutement.

c) Le service pay-per-view119

Pour le service pay-per-view, comme son nom l'indique, on paye pour ce qu'on regarde et il n'y a donc pas d'abonnement. Le service est constitué de chaînes spécialisées et de programmes proposés par les câblo-opérateurs. Les chaînes facturent directement aux téléspectateurs ce qu'ils ont commandé par téléphone, ils reversent une partie de la somme perçue à la compagnie téléphonique locale et au câblo-opérateur. Les programmes proposés sont généralement des films, des vidéoclips ou des spectacles sportifs à la carte. Les foyers payant généralement entre 4 et 5 $ pour visionner un film contre 2 ou 2.5 $ pour une cassette vidéo, le service pay-per-view est en concurrence sérieuse avec le marché de la vidéo. En ce qui concerne le premier service de pay-per-view, Video Jukebox Network, il propose des vidéoclips pour 2 $ dont 70 cents sont reversés à la compagnie de téléphone et 25 cents à l'opérateur du réseau câblé. En dehors des chaînes spécialisées, les câblo-opérateurs offrent des programmes en pay-per-view en accord avec les promoteurs d' événements exceptionnels, que ce soit sportifs comme les réunions de catch et de boxe, les Jeux Olympiques de 1992 ou musicaux comme les concerts de rock.

d) Diversité de l'offre

Les trois services existant présentent une palette de programmes, que ce soit en nature de programmes ou en quantité, tout à fait remarquable. On a déjà souligné l'étendue des services proposés par les chaînes thématiques qui offrent quasiment tous les types de programmes possibles. Les chaînes ciblées permettent en plus de toucher toutes les tranches d'âge, toutes les communautés minoritaires120 et les communautés religieuses ont leur propre chaîne. Les service optionnel et de pay-per-view permettent de compléter l'offre du service de base en matière de films. Combinés avec la présence de chaînes du câble régionales, des stations hertziennes locales indépendantes et affiliées aux networks (certes toujours moins nombreuses), des canaux occupés par la télévision publique ou mis à la disposition des associations locales et des minorités, les programmes du câble font preuve d'une variété exceptionnelle.

La diversité s'accompagne de la quantité. En ne prenant en compte que les chaînes à

couverture nationale présentées dans les tableaux 8, 9, 10, on dénombre en 1992 75 chaînes du service de base (37 thématiques, 16 ciblées, 11 superstations et généralistes, 6 religieuses, 5 de télé-achat), 7 pour le service optionnel et 8 en pay-per-view, ce qui représente un potentiel théorique de 90 chaînes nationales ! En 1980, on ne comptait que 27 chaînes nationales pour le service de base121. Ce potentiel énorme de chaînes nationales est d'autant plus disponible que la rareté des

116 cf. Tableau 9 page précédente la liste des différents chaînes nationales existant en 1992 117 calculé par [COUSTEL 1992] p.11 118 A titre de comparaison, le taux de désabonnement de CANAL + est inférieur à 10% par an. 119 cf. Tableau 10 page précédente la liste des différentes chaînes nationales existant en 1992 120 hormis la communauté Indienne 121 d'après National Cable Television Association, cité par [NCTA 1992]

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canaux diminue, ainsi en 1991 28% des abonnés disposaient de plus de 53 canaux contre seulement 4% en 1983 (cf. Tableau 11).

Tableau 11 : Répartition en % des réseaux et des abonnés

en fonction du nombre de canaux offerts : 1983 et 1991

nombre de canaux % de réseaux % d'abonnés 1983 1991 1983 1991

> 53 3.2 9.1 4.1 28.4 30-53 25.1 51.5 44.6 63.8 20-29 17.7 12.3 23.5 5.3 13-19 4.6 2.9 4.2 0.3 6-12 39.9 8.6 21.7 1.0 <6 1.5 0.3 0.1 0.01

non disponibles 8.1 11.7 1.8 1.3

source : pour 1983 [NTIA 1988] p.542, pour 1991 NCTA, Cable Television Developments, Septembre 1991

Cette importance de l'offre, qualitative et quantitative, est aménée à croître de manière spectaculaire dans l'avenir avec l'utilisation de la fibre optique pour le câblage (le réseau Quantum de Time Warner situé dans le Queens à New York a une capacité de 150 canaux) et l'apparition de la compression numérique des images, qui permettra de diffuser de 4 à 10 chaînes sur un même canal (TCI annonce pour 1994 une capacité de 500 chaînes sur ses réseaux).

4.2 Intégration des chaînes du câble par les câblo-opérateurs

Les chaînes du câble sont en train d'être intégrées verticalement par les câblo-opérateurs. Le tableau 12122-ci-dessous dresse un panorama presque complet des participations de 8 des 11 plus gros câblo-opérateurs dans le capital des chaînes nationales. Il faut ajouter à ce tableau la propriété de Mind Extension University (17ème chaîne thématique en nombre d'abonnés) par Jones Intercable (MSO n°.7) et les chaînes C-SPAN et C-SPAN 2 émanation de tous les câblo-opérateurs (respectivement 6ème et 13ème chaînes thématiques). Au total, 9 des 11 premiers câblo-opérateurs ont des intérêts dans 36 chaînes du câble : 6 des 7 chaînes optionnelles, les deux premières chaînes pay-per-view, les deux premières superstations ou chaînes généralistes, la première chaîne de télé-achat, les 5 premières chaînes ciblées et 17 des 20 premières thématiques. En étant plus précis, on s'aperçoit que les câblo-opérateurs qui ont intégré le plus sont les deux premiers MSOs, TCI et Time Warner, qui ont respectivement des participations dans 20 et 13 chaînes situées dans tous les segments et Viacom, qui investit dans les chaînes ciblées et optionnelles, les autres câblo-opérateurs ayant des participations moins importantes. Il apparait donc clairement que ce sont les câblo-opérateurs les plus importants qui sont propriétaires ou qui ont des intérêts dans les chaînes les plus populaires et les plus diffusées, cela est confirmé par le fait que les exploitants du câble sont présents dans la capital de 8 des dix premières chaînes du câble en chiffre d'affaires (cf. Tableau 13).

122 d'après les tableaux 8, 9, 10

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Tableau 12 : Participation des opérateurs dans le capital des chaînes

TCI (1)123

Time

Warner (2)

Comcast

(3)

Conti nental

(4)

Cox (5)

Cablevis.Systems

(6)

New

house (8)

Viacom

(11)

WTBS(1)124 22 18 Family C. (2) 50 Nickelod. (1) 100 N. at Nite(2) 100 Lifetime (3) 33

VH1 (4) 100 BET (5) 16 16

CTN (14) X125 X CNN (2) 22 18 TDC (3) 50 25 25 MTV (4) 100 TNT (5) 22 18

CNN-HN (8) 22 18 CNBC (9) 50 AMC (10) 50 25

Prime N. (11) X Sports C (14) 50 Comedy (15) 50 50

E! (16) 10 40 10 10 10 10 TLC (18) X126 X X

X Press (19) 100 Court (20) 33 33 Bravo (22) 50

Cowboy (n.s) X127 Cartoon (n.s) 22 18

QVC (1) 30 11 28 HBO (1) 100

Showtime (2) 50 50 Cinemax (3) 100

TMC (5) 50 50 Encore (6) 90

Flix (7) 50 50 VJN (1) X

Viewers (2) X128 X X X X X

123 rang dans le classement par abonnés des MSOs, cf. Tableau 1 124 rang dans le classement par abonnés des superstations, des chaînes ciblées, des chaînes thématiques, des chaînes de télé-achat, des chaînes optionnelles, des chaînes pay-per-view établi à partir des tableaux 8, 9, 10 125 participation non connue, via BET 126 via TDC 127 via The Family Channel 128 Deux autres opérateurs ont des intérêts dans Viewer's Choice : Times Mirror (9) et TeleCable (16).

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Tableau 13 : Propriété des 10 plus grandes chaînes du câble

(chiffre d'affaires 1991 en millions de dollars)

Chaînes CA 1991 Câblo-opérateur propriétaire ESPN 489 aucun TNT 416 TCI, TIME WARNER

CNN/ CNN-HN 415 TCI, TIME WARNER USA NETWORK 315 aucun

WTBS 247 TCI, TIME WARNER MTV 199 VIACOM

NICKELODEON 168 VIACOM LIFETIME 156 VIACOM

THE FAMILY CHANNEL 128 TCI THE DISCOVERY CHANNEL 120 TCI, COX, NEWHOUSE

source : Paul Kagan Associates, cité par [COUSTEL 1992] p.9

Parmi les dix premières chaînes du câble, seules ESPN et USA NETWORK échappent à la main-mise des câblo-opérateurs. L'arrivée des opérateurs TCI et Time Warner dans le capital de Turner Broadcasting System (TBS), société du magnat de l'audiovisuel Ted Turner qui couvre les activités de WTBS (première superstation à avoir vu le jour), CNN, CNN Headline News et TNT, est l'opération financière qui symbolise à merveille l'intégration verticale des chaînes du câble par les exploitants du câble. En 1986, TBS décidait d'effectuer une OPA sur la compagnie de cinéma Metro Goldwyn Mayer afin d'acquérir près de 4000 films de la MGM. Il lui en coûta 1.4 milliards de dollars et dut recourir pour cet investissement dans le marché des programmes à la vente d'une partie de ses actions à un groupe de 28 câblo-opérateurs menés par TCI et ATC (qui n'avait pas encore fusionné avec Warner Cable) pour 576 millions de dollars, dont 280 millions apportés par TCI, 180 millions par ATC129. Les câblo-opérateurs détiennent maintenant 7 des 15 sièges du conseil d'administration et 40% des votes de l'assemblée des actionnaires130. L'une des conséquences de ce soutien des opérateurs à TBS dans son acquisition de programmes est la réussite fulgurante de TNT, dont la programmation est axée sur le cinéma, qui en 1991, trois ans après son lancement, est la deuxième chaîne du câble en chiffre d'affaires et le lancement par TBS en octobre 1992 d'une chaîne Cartoon Network, entièrement consacré aux dessins animés. L'autre grande opération d'intégration verticale des années 80 est l'achat en Août 1985 de Showtime et de MTV Networks par Viacom pour 685 millions de dollars.

4.3 Conséquences de l'intégration verticale

a) Faible pouvoir de négociation des chaînes

Les câblo-opérateurs ayant des participations financières dans le capital des chaînes, celles-ci sont en position de faiblesse dans leur négociation sur leurs tarifs mensuels par abonné. De part l'absence de produit de substitution du câble, elles sont obligées de proposer des prix avantageux pour attirer les opérateurs. Ainsi, des chaînes thématiques en phase de création comme Golden American Network, The Cow Boy Channel, Sci-Fi Channel, Career Television dans lesquelles les opérateurs n'ont aucun intérêt, ne demandent rien pendant les deux ou trois premières années aux opérateurs qui s'engagent à les retransmettre. Ces mêmes chaînes, sous la pression des opérateurs, leur proposent une part de leur capital pour pouvoir être distribuée. The Monitor Channel a offert 25% de son capital à TCI, Sci-Fi Channel promet un plan d'achat d'actions (1% du capital contre 500000 abonnés131) aux opérateurs qui la placeront sur leurs réseaux.

129 cf. Inf-Câble, n°.162, 4 Septembre 1987 130 cité par [MARIET 1992] p.328 131 cité par [MARIET 1992] p.353

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Les câblo-opérateurs obtiennent également des contrats avantageux avec les chaînes de télé-achat et du service optionnel. Ainsi, HSN leur reverse une commission de 5% des montants des commandes effectuées dans la zone couverte par l'opérateur, évaluée en moyenne à 13 cents par mois et par abonné pour HSN 1, à 22 cents pour HSN 2. Le principal concurrent de HSN, QVC, qui est entièrement contrôlé par les opérateurs a été contraint, pour être diffusé, de reprendre un autre service de télé-achat Cable Value Network crée par les câblo-opérateurs, en conséquence QVC est assuré d'être présent sur les réseaux de 30 câblo-opérateurs jusqu'en 2004132. D'autre part, grâce au mouvement de concentration horizontale (cf. 1.2 Les câblo-opérateurs en voie de concentration horizontale) les exploitants du câble ont suffisamment de pouvoir de marché pour obtenir des réductions auprès des chaînes optionnelles en fonction de la taille de leurs réseaux. HBO accorde 30% de réduction à TCI, Showtime et Cinemax ont des tarifs indexés sur le taux de pénétration du service optionnel par rapport au service de base (total optimization of premium services), c'est-à-dire que la somme reversée par l'opérateur à la chaîne décroît avec la taux de pénétration de la chaîne : par exemple, pour Cinemax, l'opérateur dispose de 20% de réduction si 75% des foyers du service de base sont abonnés, 2% de réduction si 5% seulement sont abonnés133.

b) Discrimination dans la distribution des chaînes

L'intégration verticale des chaînes du câble par les opérateurs est soupçonnée d'entraîner une discrimination dans leur distribution et de limiter le nombre de services offerts aux téléspectateurs. Cependant, nous ne disposons d'aucune étude sérieuse prouvant cet état de fait. La seule qui existe est celle de R.Crandall en annexe des commentaires de TCI134 en réponse à la procédure d'enquête de la FCC de 1990. Elle conclut évidemment à l'absence de toute discrimination de la part de TCI vis à vis des chaînes du câble dans lesquelles TCI ne possède aucune participation financière : sur 15 chaînes indépendantes financièrement de TCI, seules 3 d'entre elles sont moins diffusées par les réseaux de TCI que par les réseaux des autres-câblo-opérateurs. On peut être dubitatif devant les résultats d'une telle étude commandée par TCI, quand on constate que les chaînes nouvelles qui désirent percer proposent des parts de leur capital aux opérateurs intéressés par leur distribution.

Il existe pourtant des exemples manifestes de discrimination. L'un des plus caractéristiques est celui dont a été victime la chaîne pour adultes The Play Boy Channel. Celle-ci, dont le capital est indépendant des intérêts financiers des câblo-opérateurs, était proposée dans le service optionnel jusqu'en 1989. Mais elle était absente de 75% des foyers câblés car rares étaient les opérateurs qui osaient la distribuer, par crainte des réactions de leurs abonnés et des élus locaux. Après avoir perdu de l'argent de 1982 à 1989, elle renonça au service optionnel pour se consacrer exclusivement à une diffusion par le service pay-per-view. Une autre situation conséquence de l'intégration verticale est l'absence des chaînes optionnelles contrôlées par Viacom (Showtime/ The Movie Channel) sur les réseaux de Time Warner, qui favorisent évidemment la diffusion des chaînes du même groupe (HBO/ Cinemax), situation caractéristique des cablo-opérateurs intégrant verticalement. En plus du refus de distribution des chaînes non intégrées par l'opérateur, on soupçonne celui-ci de défavoriser ces chaînes lors des modification des plans d'offre de service (channel realignement), en affectant aux chaînes non intégrées par lui des numéros de canaux trop élevés et donc peu attractifs pour les téléspectateurs.

Mais, la conséquence la plus néfaste de cette intégration verticale des chaînes du câble par les câblo-opérateurs est la fermeture de l'accès au marché des programmes pour les produits de substitution que sont les MMDS, les systèmes de réception par satellite (DBS et SMATV), la télévision de faible puissance. La programmation originale du câble qui représente un investissement de 1.457 milliard de dollars en 1991135 est introuvable sur d'autres supports de diffusion, de par la volonté des chaînes, et donc de celle des câblo-opérateurs, de ne pas être diffusées ailleurs que sur le câble (cf. 2 Les produits de substitution : faiblesse de la concurrence inter-produits). Cette intégration verticale a donc contrarié le développement des substituts et explique la faiblesse de leur position.

132 cité par [MARIET 1992] p.404 133 cité par [MARIET 1992] p.290 134 cf. [CRANDALL 1990] 135 d'après National Cable Television Association, cité par [NCTA 1992]

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LES FOURNISSEURS : LES CABLO-OPERATEURS EN SITUATION DE MONOPSONE

4.4 Conclusion : les câblo-opérateurs en situation de monopsone

L'offre des programmes existant sur le câble est extrêmement variée en nature des programmes et importante en nombre de chaînes distribuées. Cependant, les chaînes du câble sont en voie d'être intégrées verticalement par les câblo-opérateurs. Cette intégration verticale, en plus de la concentration horizontale des câblo-opérateurs, a pour conséquence une diminution du pouvoir de négociation des services du câble, qui se traduit par des conditions avantageuses de distribution pour les câblo-opérateurs notamment en terme de tarif de distribution. Elle peut aussi conduire à des abus discriminatoires dans l'accès aux réseaux pour les chaînes indépendantes des MSOs ou pour les chaînes possédées par un seul câblo-opérateur. De plus, le contrôle exercé par les câblo-opérateurs sur les programmes du câble fait que ceux-ci ne sont diffusés sur aucun autre support concurrent. La concentration verticale en amont qui anime l'industrie du câble, en se combinant avec la faiblesse de la concurrence de produits de substitution du câble et avec l'absence d'entrée potentielle des networks et des compagnies de téléphone, donne aux câblo-opérateurs une position de quasi-monopsone par rapport au secteur des programmes du câble. La logique de cette intégration verticale peut ainsi être résumée :

"the largest MSOs have also followed a spirit of cooperation in making collusionary deals with program networks. If a new network cannot obtain access to the two biggest cable companies, it is not likely to survive in the programming market. On the other hand, when all the major MSOs agreed to carry the new cable channel - TNT - on their cable systems, TNT secured a promising financial footing."136

136 cf. [CHAN et LITMAN 1988] p.328, cité par [ATKIN 1992] p.477

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Page 38: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES CLIENTS : LES CABLO-OPERATEURS EN SITUATION DE MONOPOLE

5. Les clients : les câblo-opérateurs en situation de monopole

5.1 Faible qualité du service offert par les câblo-opérateurs

Les câblo-opérateurs américains sont vivement critiqués par les consommateurs américains pour la qualité de leur service, celle-ci ne subissant guère de contrainte par la loi de 1984. Selon une enquête de Consumer Reports en Septembre 1991, l'indice de satisfaction des consommateurs vis à vis des exploitants du câble est déplorable : les services câblés sont classés derniers en terme de satisfaction de la clientèle derrière la vente par correspondance, l'hôtellerie, les déménageurs et les compagnies aériennes. Les principales insuffisances des câblo-opérateurs concernent des problèmes techniques liés à la diffusion et le service après-vente.

Les déficiences techniques des câblo-opérateurs se traduisent par une mauvaise qualité

d'image. Une autre enquête de Consumer Reports en Septembre 1987137 portant sur 6 réseaux à San Diego, New York et en Virginie, et qui a reçu près de 150000 réponses, fait apparaître que sur 5 de ces 6 réseaux les abonnés sont plus mécontents que satisfaits de la qualité de l'image reçue : de 38 à 58 % des abonnés ont une image de qualité très variable. Un deuxième problème technique est constitué par le manque de compatibilité entre les équipements de réception que sont le téléviseur, le magnétoscope et le boîtier de télécommande conçu pour la réception du câble (facturé par les câblo-opérateurs).

Le service après-vente des exploitants suscitent deux reproches qui s'adressent au

service téléphonique et au service de facturation. L'enquête de Consumer Reports de 1987 montre que de 39 à 62 % des abonnés ont des difficultés à joindre leur exploitant. Ce manque de disponibilité du service de réception téléphonique à des répercussions néfastes sur les délais de réparation lors des pannes et sur les délais d'installation d'abonnement, délais qui ne sont déjà pas en soi très performants. Ainsi, les deux réseaux couvrant le quartier de Manhattan à New York ont 15 à 22% des pannes qui ne sont pas réparées avant deux jours. Enfin, les services de facturation des câblo-opérateurs sont loin d'être de bonne qualité car 28 à 40 % des abonnés, qui ont répondu à l'enquête de Consumer Reports, connaissent des problèmes de facturation.

Cette image générale de mauvaise qualité des réseaux de télédistribution a amené les

industriels du câble, rassemblés en National Cable Television Association (NCTA), a présenté en Février 1990 une charte de qualité Recommended Cable Industry Customer Service Standards qui attribue un label de bonne qualité aux opérateurs dont les délais de réponse téléphoniques sont inférieurs à 30 secondes et dont les délais d'installation sont inférieurs à 8 jours. Selon la NCTA, en 1991 85 % des réseaux représentant 70% des abonnés ont reçu ce label de qualité138. Mais cette constatation de l'industrie du câble tranche singulièrement avec l'avis des abonnés exprimé à travers l'enquête de Consumer Reports de 1991 quant à la déficience des services technico-commerciaux des câblo-opérateurs.

5.2 Des prix trop élevés

En plus de la mauvaise qualité du service offert, on critique les câblo-opérateurs pour leur politique de prix excessive. Ainsi, il ressort d'un sondage de 1992 que 37% des abonnés estiment payer leur abonnement trop cher et que 65% changeraient d'opérateur si un autre proposerait un tarif plus avantageux139. Les exploitants de réseaux profitent en effet de leur situation de monopole local, provenant de l'absence d'entrant potentiel et de concurrent de substitution, pour appliquer des prix monopolistiques sur leurs marchés locaux. De plus, le Cable Act de 1984 a retiré aux autorités locales le pouvoir de réglementer les tarifs des câblo-opérateurs et a, dans les faits, libéré les prix des abonnements depuis sa mise en application le 29 Décembre 1986.

137 cité par [SIMON 1991] pp.330-331 138 cité par [MARIET 1992] p.146 139 cité par INF-CABLE, n°.348, 1er Juin 1992

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Page 39: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES CLIENTS : LES CABLO-OPERATEURS EN SITUATION DE MONOPOLE

a) Prix de monopole local

Seuls 1 à 2% des abonnés au câble ont le choix entre deux réseaux concurrents140 (situation

d'overbuilding). Sur cette cinquantaine de marchés locaux duopolistiques, la compétition entre les deux opérateurs présents existe et se traduit par des prix inférieurs à ceux pratiqués sur les marchés où un exploitant est en situation de monopole local. De nombreuses études ont eu lieu depuis 1980 pour comparer les prix mensuels du services de base entre les deux types de marchés. Pour la période 1980-1985 avant la déréglementation effective des prix, la Federal Trade Commission a estimé que les marchés duopolistiques pratiquaient des prix mensuels 1.18$ moins chers que les marchés monopolistiques141, soit environ 13 à 15 % moins chers142.

Après la libération des prix due à la loi de 1984 et la hausse des prix du service de base qui

s'en est suivie (cf. ci-dessous), l'écart entre les deux types de marché n'a fait qu'augmenter. Une étude de T.W Hazlett en 1989 trouve que les tarifs des opérateurs duopolistiques sont inférieurs de 23.5%, une étude de Consumers Research en 1990 sur les 55 marchés duopolistiques américains conclut à un niveau de prix inférieur de 18.5%143, et une étude de Levin et Meisel de 1991 calcule que les prix des service de base dans un échantillon de 21 firmes dans des zones de duopole sont plus bas de 2.94 à 3.33 $ par mois par rapport aux firmes en monopole local, soit 19 à 23% moins chers144. De plus, l'étude de Consumers Research montre que les réseaux duopolistiques ont une capacité en canaux plus importante que celle des réseaux monopolistiques (40 contre 33), aussi l'écart entre les prix de l'abonnement de base par canal est encore plus favorable pour les situations concurrentielles : 34% plus bas selon la FCC en 1990145.

La comparaison entre les situation de monopole et les situations de concurrence directe

pour les câblo-opérateurs américains indique donc un plus fort niveau de prix pour les entreprises en situation de monopole local, monopole qui semble clairement inefficace avec la plus faible capacité en nombre de canaux pour les réseaux.

b) Evolution générale des prix du service de base à la hausse

Avant l'adoption du Cable Act de 1984, les prix de l'abonnement de base câble étaient

réglementés par les autorités locales qui délivraient les concessions, qu'elles soient municipales ou fédérales. La loi de 1984 mit fin à cette situation pour diminuer le pouvoir des autorités locales sur les opérateurs et à leurs exigences beaucoup trop coûteuses et quelquefois extravagantes. Ainsi, la ville de Miami prélevait 5% de droits de concession pour un programme de lutte contre la drogue146, celle de Sacramento réussit à faire planter 20000 arbres par l'opérateur choisi, United Cable147. Ces exigences étaient satisfaites par les opérateurs car ils gagnaient ainsi l'appel d'offre et obtenaient l'exclusivité de la concession, exclusivité dont l'attrait suscite ces excès . Cette situation entraînait des surcoûts réglementaires (8 millions de dollars pour la concession de Denver avec 26 studios de production entièrement équipés offerts par l'opérateur) qui, bien évidemment, étaient supportés par les abonnés.

Le Cable Act de 1984 retira ce pouvoir de réglementation des prix du service de base aux autorités concédantes dans les cas où les réseaux de télédistribution feraient face à un certain niveau de concurrence effective et efficace (effective competition).

140 cf. 3.1 Absence d'entrée potentielle au niveau local : exclusivité des concessions 141 cité par [HAZLETT 1992] p.10 142 estimation à partir des prix mensuels moyens de la période calculés par [COUSTEL 1992] p.11 143 cité par [HAZLETT 1992] p.11 144 cf. [LEVIN et MEISEL 1991] p.525 145 cité par [HAZLETT 1992] p.11 146 cité par [SIMON 1991] p.312 147 cité par [MARIET 1992] p.300

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Page 40: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES CLIENTS : LES CABLO-OPERATEURS EN SITUATION DE MONOPOLE

"Sec. 623. (a) Any Federal agency or State may not regulate the rates for the provision of cable service except to the extent provided under this section. Any franchising authority may regulate the rates for the provision of cable service, or any other communications service provided over a cable system to cable suscribers, but only to the extent provided under this section."148

En avril 1985, la FCC décida d'adopter comme critère d'effective competition la présence sur la zone de couverture du réseau de trois stations hertziennes de réception de bonne qualité149. Ce critère de compétition très faible, étant donné que la présence de trois chaînes hertziennes est assurée naturellement par la diffusion des networks ABC, CBS et NBC150, a entraîné la libération des prix pour près de 97% des abonnés selon la Commision du Sénat pour le Commerce, les Sciences et les Transports151 (en 1987, 71% des foyers américains captaient 9 stations hertziennes152). Cette libération des prix du service de base fut appliquée dès 1985 pour les nouveaux réseaux, à partir du 29 Décembre 1986 pour les réseaux déjà existant et a causé une hausse importante des prix du service de base à partir de 1984 (cf. Graphique 3), qui a été rendue possible par les positions de monopole local détenues par les opérateurs et la faiblesse du développement de certains produits de substitution.

Graphique 3 : Evolution des prix mensuels moyens du service de base et du service optionnel entre 1976 et 1991 (dollars constants)

76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 910,00

2,00

4,00

6,00

8,00

10,00

12,00

14,00

16,00

18,00

prix mensuel moyenen dollars 1990

service de base service optionnel

source : [COUSTEL 1992] p.11

148 cf. section 623 Regulation of rates du [CABLE ACT 1984] 149 grade B contour 150 Seules les régions très reculées en zone montagneuse ou en zone désertique peuvent parfois ne pas être atteintes par trois télévisions hertziennes. 151 cité par [COUSTEL 1992] p.12 152 d'après A.C Nielsen, cité par [SIMON 1991] p.302

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Page 41: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES CLIENTS : LES CABLO-OPERATEURS EN SITUATION DE MONOPOLE

Selon J.P Coustel, les prix mensuels moyens du service de base ont plus que doublé depuis le

Cable Act de 1984, passant de 8.27$ en 1984 à 17.62$ en 1991 en dollars courants, soit une augmentation moyenne annuelle de 11.4%, alors que pour la même période la hausse des prix n'a été que de 32%, soit 4.1% en moyenne annuelle153. Ce rapport de trois entre la hausse des prix du service de base et l'inflation se retrouve dans les conclusions officielles du Congrès en prélude la nouvelle loi de 1992154 : depuis le 29 Décembre 1986, la hausse moyenne des prix du service de base a été de 29%, soit trois fois plus que le Consumer Price Index. De plus, 28% des abonnés ont vu leur abonnement augmenter d'au moins 40%.

Cette augmentation des prix n'a touché que le service de base car depuis 1976, les prix

mensuels moyens pour accéder aux chaînes optionnels ne cessent de diminuer alors qu'ils n'ont jamais été réglementés. L'élévation des prix du service de base correspond à un changement de stratégie qui s'est opéré avec la chute de la croissance du service optionnel (cf. Graphique 2) à partir de 1980 et au raccordement de la quasi-totalité des foyers. Jusqu'en 1980, c'est le service de base qui tire l'industrie du câble, sa croissance en chiffre d'affaires étant la conséquence de la progression du taux de raccordement. Puis le service optionnel devient l'égal du service de base en chiffre d'affaires, il est même soupçonné de générer "des transferts de revenus vers le service de base"155, alors que le taux de raccordement commence à se rapprocher de celui des foyers équipés en télévision. A partir du moment où la quasi-totalité des foyers est raccordée et où la croissance du service optionnel faiblit à cause de la montée en puissance du marché de la vidéo, la logique économique des câblo-opérateurs est de maximiser les revenus du service de base, en augmentant ses prix grâce à la loi de 1984 et son taux de pénétration à partir de 1985.

Ainsi, la hausse des prix du service de base permet à celui de connaître une croissance

régulière comprise entre 15 et 23% entre 1984 et 1991 alors que celle du service optionnel est tombée en-dessous de 10% (cf. Graphique 2). La structure du chiffre d'affaires de l'industrie du câble est donc modifiée par ce mouvement général d'augmentation des prix du service de base (cf. Graphique 4).

Graphique 4 : Evolution de la structure en % du chiffre d'affaires de l'industrie du câble entre 1976 et 2000156

0102030405060708090

100

76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 95 2000

autres revenus

revenus publicitaires

service optionnel

service de base

%

153 cf. [COUSTEL 1992] p.12 154 cf. section 2 Findings; Policy; Definitions du [CABLE ACT 1992] 155 cf. [COUSTEL 1992] p.13. La baisse régulière des prix menusels moyens au service optionnel s'arrête entre 1981 et 1986 où les prix restent stables (cf. Tableau 14). 156 établi à partir du Tableau 0 et des données citées par [COUSTEL 1992] p.11

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Page 42: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES CLIENTS : LES CABLO-OPERATEURS EN SITUATION DE MONOPOLE

5.3 Faible pouvoir de négociation des abonnés et des autorités locales

Devant la pratique de prix monopolistiques et la hausse généralisée et excessive des prix du

service de base, les abonnés sont pour le moins démunis. Ils n'ont aucun pouvoir de négociation avec les opérateurs placés en situation de monopole local, qui sont de plus en voie de concentration horizontale au niveau national. Ils ne peuvent pas faire jouer pleinement une certaine concurrence qui pourrait diminuer les prix d'abonnement au câble, en se tournant vers des produits de substitution (MMDS, DBS, SMATV, LPTV) dont la croissance au cours des années 80 n'a pas été celle attendue (cf 2. Les produits de substitution : faiblesse de la concurrence inter-produits).

Les autorités locales ont un pouvoir de négociation plus fort dans leurs relations avec les câblo-opérateurs. En effet, comme elles délivrent des concessions qui sont souvent exclusives, elles peuvent obtenir des efforts, en matière de capacité de réseaux et de canaux locaux pour les communautés et les associations locales, des opérateurs qui répondent aux appels d'offre et qui sont prêts à faire des non price concessions pour obtenir l'autorisation d'exploitation, synonyme de monopole local. Mais ce pouvoir de négociation s'exerce de manière moins importante lors du renouvellement des concessions. En effet, une fois qu'un câblo-opérateur a obtenu une concession en affichant des promesses très hautes, il adopte un comportement opportuniste lors du renouvellement de la concession, en sachant qu'il n'est pas menacé par un entrant potentiel pour ce renouvellement (sur 3516 renouvellements ayant eu lieu avant 1989, seuls 7 opérateurs ont perdu leur concession au profit d'un autre157). M.A Zupan a réalisé en 1989 une étude pour mesurer cet opportunisme : lors des renouvellements de concession, la capacité des réseaux diminue de 9 canaux par rapport à la concession initiale, soit une baisse de 19%, et les canaux locaux ne sont plus en moyenne que 2 au lieu 2.8158. Cette opportunisme des exploitants de réseaux démontre une certaine faiblesse du pouvoir de négociation des autorités locales, conséquence du mécanisme d'attribution des concessions (franchise bidding).

"One important potential problem raised by critics of franchise bidding is the ability of franchise winners to engage in ex post opportunistic behavior by reneging on the promises that they made in order to win the franchise contract."159

5.4 Conclusion : les câblo-opérateurs en situation de monopole

L'absence de concurrence directe, de produits de substitution attractifs et l'exclusivité des concessions confèrant une position de monopole local aux câblo-opérateurs, ceux-ci jouissent de cette position pour adopter un comportement parfaitement monopolistique et assez inefficace pour les abonnés au câble. D'une part, la qualité de leurs services offerts est très moyenne, voire mauvaise. D'autre part, profitant de la déréglementation des tarifs du service de base suite au Cable Act de 1984, les exploitants de réseaux ont augmenté leurs prix de manière substantielle depuis cette année-là, c'est-à-dire d'environ trois fois plus que la hausse normale des prix. Indépendamment de cette hausse des prix du service de base, les rares marchés locaux duopolistiques où opère la concurrence entre les opérateurs pratiquent des prix inférieurs de 15 à 20% aux marchés locaux monopolistiques. Ces tarifs sont donc trop élevés par rapport à ce que pourrait apporter une généralisation de situation concurrentielle et constituent de véritables rentes de monopole. Enfin, la quasi-position de monopole qu'occupe le secteur des câblo-opérateurs par rapport à leurs clients affaiblit considérablement le pouvoir de négociation des abonnés et des autorités locales.

157 cité par [ZUPAN 1989] p.477 158 cf. [ZUPAN 1989] p.481 159 cf. [PRAGER 1990] p.211

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Page 43: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

CONCLUSION : IMPORTANCE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS

6. Conclusion : importance du pouvoir de marché des câblo-opérateurs

L'analyse sectorielle des câblo-opérateurs suivant une démarche 'porterienne', résumé dans le graphique 6160, révèle de nombreux problèmes structurels. Dans les cinq pans de l'étude concernant le secteur des câblo-opérateurs que sont les relations entre les firmes du secteur, leurs relations avec les clients et les fournisseurs, les menaces d'entrant potentiel et de produits de substitution, les exploitants du câble apparaissent en position de force et dotés d'un pouvoir de marché certain. En effet, tout semble leur conférer une situation protégée : n'étant pas menacés par des entrants potentiels, subissant une concurrence limitée des produits de substitution et évitant une concurrence directe entre eux, ils se placent en monopole par rapports à leurs abonnés et en position de monopsone par rapport à l'industrie des programmes.

Ce constat montre qu'en 1991, le développement de l'industrie du câble et la loi de

déréglementation de 1984 met à l'abri ses acteurs de la concurrence et leur donne une position dominante pour la distribution de la télévision. Les sources de cette domination ont pour causes essentielles la situation de monopole local accordée aux opérateurs et la concentration horizontale qui s'opère au niveau de leur secteur (cf. Graphique 5). Ces deux phénomènes contribuent à l'augmentation du pouvoir de marché des câblo-opérateurs. Celui-ci a été évalué par le Sénat par la méthode du q de Tobin. Ce ratio permet de mesurer le pouvoir de marché d'une entreprise ou d'une industrie en comparant la valeur de marché des actifs à leur coût de remplacement. Alors que le q de Tobin vaut théoriquement 1 pour une entreprise dénuée de pouvoir de marché, celui de l'ensemble des câblo-opérateurs a été estimé par le Sénat à 4.3161, valeur anormalement élevée traduisant la manifestation d'un fort pouvoir de marché.

Graphique 5 : Les sources du pouvoir de marché des câblo-opérateurs

Monopsone vis à vis des fournisseurs

Intégration verticale

Pas d'entrée potentielle

Faiblesse des produits de substitution

Monopole local

Concentration horizontale

Monopole vis à vis des clients

160 cf. page suivante 161 cf. [MACAVOY 1990a]

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Page 44: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

CONCLUSION : IMPORTANCE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS

Graphique 6 : Analyse structurelle de la télévision

par câble aux Etats-Unis en 1991

PRODUITS DE SUBSTITUTION

ENTRANTS POTENTIELS

FOURNISSEURS CLIENT

SECTEUR DES CABLO-OPERATEURS

SITUATION DE MONOPOLE LOCAL

CONCENTRATION HORIZONTALE

TARIFS TROP ELEVES

FAIBLE QUALITE DU SERVICE

FAIBLE POUVOIR DE NEGOCIAT

OFFRE IMPORTANTE ET DIVERSIFIEE

INTEGRATION VERTICALE PAR LES OPERATEURS

FAIBLE POUVOIR DE NEGOCIATION

ABSENCE DE CONCURRENCE DES PRODUITS DE SUBSTITUTION (MMDS, SMATV, DB

AFFAIBLISSEMENT DES TELEVISIONS HERTZIENNES

CONCURRENCE LIMITEE DU MAGNETOSCOPE

BARRIERES REGLEMENTAIRES A L'ENTREE TRES FORTES POUR LES NETWORKS ET LES COMPAGNIES DE TELEPHONE

EXCLUSIVITE DES CONCESSIONS LOCALES

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Page 45: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES MESURES REGLEMENTAIRES NECESSAIRES A LA DIMINUTION DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS

"It is the policy of the Congress in this Act to (1) promote the availability to the public of a diversity of views and information through cable television and other distribution media; (2) rely on the marketplace to the maximum extent feasible, to achieve that availability; (3) ensure that cable operators continue to expand, where economically justified, their capacity and the programs offered over their cable systems; (4) where cable television systems are not subject to effective competition, ensure that consumer interests are protected in receipt of cable service; and (5) ensure that cable television operators do not have undue market power vis-a-vis video programmers and consumers."162

II - Les mesures réglementaires nécessaires

à la diminution du pouvoir de marché des câblo-opérateurs

L'analyse structurelle du secteur des câblo-opérateurs réalisée dans la première partie fait donc apparaître un fort pouvoir de marché possédé par ce secteur, pouvoir qui provient de l'absence de concurrence entre les câblo-opérateurs due aux positions de monopole local et à la concentration horizontale, des restrictions réglementaires aux entrées potentielles, de la faiblesse de la concurrence des produits de substitution, de la position de quasi-monopsone détenue vis à vis du marché des programmes, de l'intégration verticale qui l'accompagne et de la position de monopole vis-à-vis des abonnés.

Tous ces aspects apparaissent néfastes aux différents acteurs qui interagissent avec les exploitants de réseaux : les abonnés aux câble subissent une hausse des prix injustifiée depuis la libération des tarifs, la télévision hertzienne s'affaiblit considérablement, le développement des autres produits de substitution est freiné et l'industrie des programmes est en voie d'intégration. Cette situation est la conséquence du Cable Act de 1984 qui a procédé à une déréglementation de l'industrie des câblo-opérateurs, tout en conservant les positions de monopole local qu'obtiennent les opérateurs.

Les dispositions de la loi de 1984 doivent donc être revues pour corriger les problèmes structurels de la télévision par câble que nous avons mis à jour. Il faut donc que des mesures réglementaires soient prises (cf. Graphique 7, en réponse au Graphique 6) pour promouvoir la compétition entre les câblo-opérateurs, lutter contre la concentration horizontale, assurer le développement de la concurrence des produits de substitution, favoriser les entrées potentielles, protéger le marché des programmes de la position de monopsone des opérateurs et protéger les abonnés des comportements de monopole du secteur des câblo-opérateurs. Nous allons donc détailler ces mesures nécessaires à la réduction du pouvoir de marché des exploitants du câble, mesures en partie prises dans le cadre de la nouvelle loi Cable Television Consumer Protection and Competition Act of 1992, qui vient amender celle de 1984.

162 cf. section 2 Findings; Policy; Definitions (b) STATEMENT OF POLICY du [CABLE ACT 1992]

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Page 46: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES MESURES REGLEMENTAIRES NECESSAIRES A LA DIMINUTION DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS

Graphique 7 : Mesures réglementaires pouvant

diminuer le pouvoir de marché des câblo-opérateurs

PRODUITS DE SUBSTITUTION

ENTRANTS POTENTIELS

FOURNISSEURS CLIENTS

SECTEUR DES CABLO-OPERATEURS

ENTREE LORS DES RENOUVELLEMENTS DE CONCESSION

ENTREE DES NETWORKS

ENTREE DES COMPAGNIES DE TELEPHONE

REGLEMENTATION DES PRIX

CAHIER DES CHARGES DE QUALITE DE SERVICE

ARRET DES CONCESSIONS EXCLUSIVES

MESURES ANTI-CONCENTRATIONNAIRES

LUTTE CONTRE LES ABUS DE DISTRIBUTION DES CHAINES

LIMITATION DE L'INTEGRATION VERTICALE DESOPERATEURS VERS LE MARCHE DES PROGRAMMES :

SEPARATION CONTENANT-CONTENU

OUVERTURE DU MARCHE DES PROGRAMMES AUX PRODUITS DE SUBSTITUTION

NON PARTICIPATION DES OPERATEURS DANS DES PRODUITS DE SUBSTITUTION

NOUVELLES OBLIGATIONS DE TRANSPORT DES TELEVISIONS HERTZIENNES LOCALES

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Page 47: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES MESURES VISANT A PROMOUVOIR LA CONCURRENCE ENTRE LES CABLO-OPERATEURS

1. Les mesures visant à promouvoir la concurrence entre les câblo-opérateurs

La concurrence directe entre opérateurs ne touchent qu'une très faible proportion des réseaux. La promotion de cette concurrence doit par conséquent être assurée par la fin des situations de monopole local. De plus, les câblo-opérateurs, étant à la recherche d'économies d'échelle, se concentrent horizontalement, ce qui augmente leur pouvoir de négociation vis-à-vis de leurs client et de leurs fournisseurs. Des mesures anti-concentrationnaires sont donc à envisager.

1.1 Arrêt des monopoles locaux

La situation de monopole local qui touche la quasi-totalité des réseaux provient de la possibilité qu'offrait la loi de 1984 aux autorités locales d'accorder une seule concession qui pouvait être exclusive. Cette exclusivité des concessions donne du pouvoir aux autorités locales car elles peuvent demander beaucoup aux opérateurs, qui sont disposés à énormément d'efforts pour remporter l'appel d'offres. Les autorités concédantes pouvaient de plus refuser de délivrer une deuxième concession pour des prétextes extravagants. Ainsi, à Los Angeles, on refusait d'accorder des concessions pour la construction de seconds réseaux câblés sous prétexte de ne pas engendrer de nouveaux travaux nuisibles aux conditions de vies de la population.

Le mécanisme de concession est donc vivement critiquable car générant des situations de

monopole local. Dès 1988, des agences fédérales comme la National Telecommunications and Information Administration (NTIA) concluaient :

"The franchising process eliminates or seriously impedes entry by competitors, imposes substantial costs and delays on franchisees, cable subscribers and the public, which are not offset by countervailing benefits. The public would be better served by municipal efforts to provide a choice of cable services providers rather than extracting costly concessions from a sole cable franchisee."163

Il apparait donc que l'arrêt de l'exclusivité des concessions et le développement de la délivrance de plusieurs concessions dans une même zone locale s'imposent pour diminuer les positions de monopole local et promouvoir les marchés duopolistiques (overbuilding). La nouvelle loi répond à cette nécessité en interdisant les concessions exclusives et en contrôlant les refus de concessions concurrentielles :

"[...] a franchising authority may not grant an exclusive franchise and may not unreasonably refuse to award an additionnal competitive franchise."164

1.2 Contrôle de la concentration horizontale

La concentration horizontale doit être limitée car sinon, elle va atteindre un niveau (cf. Tableau 4 et Graphique 1) qui va déclencher des actions anti-trust de la part du ministère de la Justice, à savoir plus de 45% des abonnés détenus par les quatres premières entreprises du secteur et un indice d'Herfindhal-Hirschmann supérieur à 1000. Les mesures anti-concentrationnaires peuvent être de plusieurs types : fixation de seuils à ne pas dépasser au plan national pour le nombre d'abonnés d'un opérateur, ou la part de marché, ou le nombre de réseaux; fixation de ces mêmes seuils au niveau des zones régionales de marché que sont les ADI (Area of Dominant Influence)165, ou au niveau d'autres zones de marchés qui seraient alors à définir.

163 NTIA, "Video program Distribution and cable policy : current policy issues and recommendations", 1988, pp.30-31, cité par [HAZLETT 1992] p.8 164 cf. section 7 Award of franchises; promotion of competition (a) ADDITIONAL COMPETITIVE FANCHISES du [CABLE ACT 1992] 165 Un ADI est une zone régionale de marché télévisuel dont les limites géographiques déterminent une zone cohérente de couverture hertzienne. Les Etats-Unis sont ainsi divisés en 210 ADI.

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LES MESURES VISANT A PROMOUVOIR LA CONCURRENCE ENTRE LES CABLO-OPERATEURS

Le Cable Act de 1992 semble porter ses préférences sur la fixation de limites nationales pour

le nombre d'abonnés que peut posséder un même opérateur :

"In order to enhance effective competition, the Commission shall, within one year after the date of enactment of the Cable Television Consumer Protection and Competition Act of 1992, conduct a proceeding

Les autorités législatives américaines n'ont pas opté pour appliquer aux exploitants du câble les mesures anti-concentrationnaires qu'elles ont adoptées pour la télévision hertzienne, afin de permettre une certaine diversité des points de vues - c'est-à-dire la règle des 12 (précédemment règle des 7) qui oblige tout réseau hertzien à ne pas être propriétaire de plus de 12 stations de télévisions167 - et qui consisteraient à limiter le nombre de réseaux câblés détenues par un même opérateur.

(A) to prescribe rules and regulations establishing reasonable limits on the number of cable subscribers a person is authorized to reach through cable systems owned by such person, or in which such person has an attributable interest;"166

L'objectif qui est assigné à la FCC est de définir des règles anti-concentrationnaires afin d'assurer qu'aucun opérateur ou groupe d'opérateurs n'ait une taille suffisamment importante pour contrarier la distribution des programmes du câble vers les abonnés. Une fois ces règles déterminées le 5 Octobre 1993, la principale difficulté pour leur application sera de déterminer avec précision le nombre d'abonnés que détiendra un même câblo-opérateur. En effet, dans la comptabilisation des abonnés des filiales d'un MSO, il s'agira de savoir comment agréger les abonnés des filiales aux abonnés du MSO père en fonction du pourcentage du capital de la filiale détenu par le MSO père. Si l'opérateur filiale est détenu à 100%, il n'y a pas de problème; mais s'il est contrôlé à 65% par exemple, ne faut-il prendre en compte que 65% de ses abonnés ou la totalité en considérant que le MSO père est actionnaire majoritaire. Les mêmes problèmes se poseront dans la répartition entre MSOs des abonnés des opérateurs dans lesquels ces MSOs ont des intérêts minoritaires. Nous reviendrons sur tous ces problèmes d'évaluation propres à la mesure de la concentration horizontale dans la deuxième partie (cf. I - Les diverses mesures de la concentration, 1.2 Définition des unités économiques étudiées).

166 cf. section 11 Limitations on ownership, control, and utilization (c) COMMISSION REGULATIONS du [CABLE ACT 1992] 167 station O&O : owned and operated

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LES MESURES VISANT A AMELIORER LA CONCURRENCE DES PRODUITS DE SUBSTITUTION

2. Les mesures visant à améliorer la concurrence des produits de substitution

2.1 Développement des substituts autres que hertziens

a) Ouverture du marché des programmes

Les produits de substitution de la télévision par câble que sont la diffusion par satellite (DBS, SMATV), les systèmes de distribution multipoints (MMDS) ont vu leur développement freiné au cours des années 80 à cause de la fermeture du marché des programmes en leur direction. Des mesures sont donc à prendre pour permettre à ces substituts du câble de diffuser des programmes du câble et permettre aux zones non câblées, en particulier rurales, d'accéder à ces programmes.

La loi de 1992 a donc prévu de favoriser le développement de ces différents substituts en interdisant toute pratique qui vise à empêcher ces substituts de diffuser des chaînes du câble transportées par satellite (satellite cable programming vendor) :

"It shall be unlawful for a cable operator, a satellite cable programming vendor in which a cable operator has an attributable interest, [...] to engage in unfair methods of competition or unfair or deceptives acts or practices, the purpose or effect of which is to hinder significantly or to prevent any multichannel video programming distributor from providing satellite cable programming [...] to subscribers or consumers."168

Il est donc désormais interdit à tout câblo-opérateur de passer des contrats d'exclusivité de distribution avec des chaînes qu'il contrôle, à toute chaîne contrôlée par un opérateur de passer des contrats désavantageux en terme de prix avec des substituts du câble et à s'engager dans une certaine discrimination vis-à-vis de ces autres supports de diffusions.

Ces interdictions sont globales et touchent donc les zones couvertes par les opérateurs. Ainsi, un opérateur possédant des intérêts financiers dans une ou des chaînes du câble ne peut plus empêcher celle-ci d'être diffusée dans les zones de couverture de ces réseaux par un substitut (MMDS, SMATV, DBS). Cette mesure nécessaire, selon le Cable Act de 1992, au maintien et à la protection de la concurrence et de la diversité dans la distribution des programmes audiovisuels, est valable pendant 10 ans, durée qui semble assez longue aux législateurs pour assurer le développement de ces substituts.

b) Indépendance vis-à-vis des câblo-opérateurs

Ces mesures permettant à ces produits de substitution d'accéder au marché des programmes doivent être accompagnées d'une protection de ces substituts par rapport à la puissance économique des exploitants du câble. Ceux-ci peuvent en effet contrarier leur développement en prenant part à celui-ci. Tout comme l'industrie du câble a vu son enfance protégée des appétits des networks et des compagnies de téléphone par les cross-ownership rules, les produits de substitution doivent aussi faire l'objet de cross-ownership rules vis-à-vis des câblo-opérateurs.

Ainsi, la nouvelle loi interdit à tout opérateur de proposer des services MMDS ou SMATV dans la zone de couverture de ses réseaux :

"It shall be unlawful for a cable operator to hold a license for multichannel multipoint distribution service, or to offer satellite master antenna television service separate and apart from any franchised cable service, in any portion of the franchise area served by that cable operator's cable system."169

Cette interdiction dans sa formulation n'est pas sans rappeler les interdictions contenues dans la loi de 1984 (cf. I - 3.2 Limitation de l'entrée potentielle des télévisions hertziennes et I - 3.3 Limitation de l'entrée potentielle des compagnies de téléphone).

168 cf section 19 Development of competition and diversity in video programming distribution (b) PROHIBITION du [CABLE ACT 1992] 169 cf. section 11 Limitations on ownership, control and utilization (a) CROSS-OWNERSHIP du [CABLE ACT 1992]

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Page 50: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES MESURES VISANT A AMELIORER LA CONCURRENCE DES PRODUITS DE SUBSTITUTION

2.2 Protection de la télévision hertzienne

Les stations hertziennes locales, depuis la suppression des must carry rules, ont peu à peu disparu des réseaux câblés ou été déplacées dans vers des numéros de canaux élevés peu regardées par les téléspectateurs. De plus, leur distribution est gratuite, ce qui constitue une faveur aux exploitants du câble dans le cas des chaînes locales populaires, en particulier celles affiliées aux networks. Il faut donc recourir à de nouvelles obligations de transport pour les stations locales, qu'elles soient commerciales ou non commerciales (public, educational and governmental channels) et envisager une distribution payante de ces télévisions hertziennes par les câblo-opérateurs. Quant au problème de l'exclusivité des programmes possédée par certaines stations locales, il a été résolu par le rétablissement le 1er Janvier 1990 des syndicated exclusivity rules.

a) Nouvelles obligations de transport des stations hertziennes

La loi de 1992 institue de nouvelles obligations de transport qui concernent les stations locales commerciales, non commerciales et de faible puissance170 (cf. Tableau 14), obligations qui ne sont pas des must carry rules (déclarées inconstitutionnelles en 1985 et 1987) mais qui contraignent légalement les opérateurs à mettre à disposition une partie de la capacité de leurs réseaux.

Tableau 14 : Obligations de transport pour les câblo-opérateurs à partir de 1993 en nombre de canaux à réserver

réseau de moins

de 13 canaux réseau de 13 à

35 canaux réseau de plus de 35 canaux

stations commerciales

3

33% de la capacité

33% de la capacité

stations non

commerciales

1

1 à 3

3

stations LPTV

1

1

2

Ces obligations en terme de nombre de canaux ou de capacité de réseau peuvent être inférieures au nombre de stations locales présentes dans la zone de couverture du réseau. Dans ce cas, le câblo-opérateur doit opérer une sélection. Cette sélection est totalement libre, mais il est interdit à l'opérateur de recevoir une compensation financière de la part d'une chaîne sélectionnée. De plus, les stations hertziennes diffusées sur les réseaux le sont aux numéros de canaux qui étaient le leur avant la suppression des must carry rules (19 Juillet 1985) ou aux numéros de canaux qui résultent d'une négociation entre elles et l'opérateur, voire d'une décision de la FCC en cas de litige. Ainsi, l'exploitant du câble n'est plus maître de la position des stations hertziennes dans son plan de service, ce qui évite la migration des chaînes peu attractives pour l'opérateur vers des numéros de canaux trop élevés.

170 cf. section 4 Carriage of local commercial television signals et section 5 Carriage of noncommercial stations du [CABLE ACT 1992]

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Page 51: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES MESURES VISANT A AMELIORER LA CONCURRENCE DES PRODUITS DE SUBSTITUTION

b) Distribution payante des stations hertziennes

La distribution des stations hertziennes suivant les nouvelles obligations de transport reste

gratuite. Cependant, le nouveau cadre réglementaire prévoit que les stations hertziennes locales peuvent être distribuées par des réseaux câblés en dehors de ces obligations de transport. Dans ce cas, elles doivent donner leur accord (retransmission consent) aux câblo-opérateurs qui décident de les diffuser171 et leur distribution est payante. La nécessité d'un accord de la chaîne va modifier les relations entre les exploitants du câble et les superstations (stations locales à couverture nationale par satellite) dont les signaux étaient repris sans qu'elles l'autorisent.

Les stations hertziennes locales ont maintenant la possibilité d'opter pour une distribution

gratuite dans le cadre des obligations de transport ou pour une distribution payante dans le cadre d'une négociation avec les opérateurs. Ce choix doit intervenir en 1993, puis tous les trois ans. Cette mesure va donc permettre aux stations hertziennes locales d'être rémunérées par les câblo-opérateurs et va être pleinement utilisée par les stations affiliées aux networks qui vont certainement opter pour une distribution payante.

Cette possibilité de distribution payante des stations hertziennes locales permet à la télévision

hertzienne de regagner du poids face aux câblo-opérateurs, mais elle peut avoir des conséquences négatives sur les abonnés. C'est en effet une mesure qui va être coûteuse à l'industrie du câble et qui va sans doute se répercuter sur le prix des abonnements. En effet, si 2/3 des réseaux décident de distribuer chacun trois stations affiliées aux networks ABC, CBS et NBC avec une rémunération de 20 cents par mois par abonné (tarif probable en fonction des tarifs actuels, cf. Tableau 8), le coût annuel pour les câblo-opérateurs serait environ de 300 millions de dollars, somme qui représenterait un cinquième du coût actuel des programmes du service de base pour les opérateurs172. Ce surcoût aura donc a priori un impact inflationniste sur les tarifs d'abonnements dont la loi a conscience, elle a d'ailleurs chargé la FCC d'établir des règles encadrant les futures négociations entre câblo-opérateurs et station hertziennes pour que ces négociations n'entraînent pas un dérapage des prix contraire à la réglementation des prix, qui parallèlement est mis en place (cf. 5.2 Réglementation des prix).

171 cf. section 6 Retransmission consent for cable systems du [CABLE ACT 1992] 172 cité par [COUSTEL 1992] p.24

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Page 52: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

LES MESURES VISANT A PERMETTRE LES ENTREES POTENTIELLES

3. Les mesures visant à permettre les entrées potentielles

Les menaces d'entrée potentielle qui pèsent sur un opérateur au plan local sont très faibles de par l'exclusivité et l'unicité des concessions accordées par les autorités municipales, et de par les barrières réglementaires envers la télévision hertzienne et les opérateurs locaux de télécommunications, qui ont été instituées sous le terme de cross-ownership rules. Pour développer la concurrence dans l'intérêt du consommateur, il faut donc favoriser l'entrée d'un deuxième entrant au niveau d'une zone de concession et supprimer, partiellement ou en totalité, les interdictions de participations croisées des networks et des compagnies de téléphone car ces règles, utiles pour protéger la croissance de la télévision par câble, industrie en devenir pendant les années 70 et 80, préservent de la concurrence maintenant cette industrie adulte et dominante.

3.1 Entrée au niveau d'une zone de concession

L'entrée d'un deuxième opérateur au niveau local est encouragée par la loi qui interdit l'exclusivité des concessions (cf. 1.2 Contrôle de la concentration horizontale). Cette abolition des concessions exclusives abaisse les barrières à l'entrée et a été souhaitée par la FCC dont le président Al Sikes déclarait en 1990 :

"Legislation should be passed which limits municipal authorities to erect or sustain entry barriers and which prohibits an unreasonable refusal to grant a second franchise."173 On peut se demander si l'entrée d'un deuxième opérateur dans une zone de concession

est possible. La télévision par câble est, en effet, une industrie de réseau proche des autres industries de distribution (eau, gaz, électricité, téléphone). La nature de ces industries et de leurs coûts font qu'elles sont traditionnellement considérées comme des industries à monopoles naturels. Les observateurs américains proches des lobbies des câblo-opérateurs, en particulier de la National Cable Television Association regroupant tous les acteurs du câble174, revendiquent pour le câble un statut de monopole naturel. Ainsi, il serait plus efficace de distribuer des signaux aux foyers par l'intermédiaire d'un seul réseau sur un même site que par deux réseaux concurrents. Mais cette revendication est basée sur la constatation que seulement 50 marchés sont duopolistiques pour plus de 10000 réseaux, situation qui résulte de l'exclusivité et de l'unicité des concessions et non pas d'une structure naturellement monopolistique des zones câblées.

Le câble est-il donc un monopole naturel et efficace? Nous avons déjà vu que les rares

marchés duopolistiques pratiquaient des prix inférieurs de 20% environ à ceux des opérateurs en situation de monopole. L'entrée d'un deuxième entrant est donc bénéfique pour les consommateurs au niveau des prix. Une deuxième entrée est-elle possible ? A cette question T.W Hazlett apporte une réponse qui met à mal l'hypothétique statut de monopole naturel du câble. En effectuant des simulations de deuxième entrée sur un marché américain typique (pénétration du câble moyenne, densité moyenne, revenus par abonné moyen, cash flow moyen), il calcule que le deuxième entrant connaîtra un taux de retour sur investissements de 16 à 18%175. Ce rate of return potentiel calculé pour un marché moyen est élevé et montre que l'arrivée d'un deuxième entrant est possible financièrement. La structure d'une zone câblée n'est donc pas naturellement monopolistique et l'entrée de nouveaux opérateurs est donc possible et souhaitable pour la promotion de la concurrence et la protection des consommateurs.

173 cité par [HAZLETT 1992] p.9 174 Wendell Bailey, vice-président de la branche science et technologies de la NCTA déclare "En définitive, nous avons un seul job : le lobbying fédéral", cf. Cable Marketing, n°.25, 22 Mai 1992 175 cf. [HAZLETT 1992] p.14-16

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LES MESURES VISANT A PERMETTRE LES ENTREES POTENTIELLES

Il existe un deuxième type de menace d'entrée potentielle possible : celle exercée par un

entrant potentiel lors d'un renouvellement de concession. Cependant, ce type d'entrée est extrêmement rare (7 opérateurs non renouvelés sur 3516 renouvellements de concessions). Devant le très faible nombre de non renouvellements de concessions, il faut donner aux autorités locales concédantes les moyens d'investigations nécessaires à l'évaluation de la conduite de l'opérateur détenant la concession et les moyens d'exercer leur pouvoir de non renouvellement. La nouvelle loi agit en ce sens en imposant une enquête 3 ans avant la date de fin de concession176.

3.2 Entrée des networks

Les networks ABC, CBS et NBC ne peuvent participer à l'exploitation de réseaux câblés depuis 1970. Des cross-ownership rules ont été décidées à cette époque pour que leur puissance économique n'entrave pas le développement de la télévision par câble. La situation s'est maintenant inversée au profit du câble qui est maintenant le média dominant (19.7 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 1990 contre 10.2 milliards pour les networks177). A terme, il faut donc envisager la suppression de ces cross-ownership rules pour les networks afin de leur permettre d'entrer sur le marché des câblo-opérateurs.

Ces règles de non participation croisée ont été levées partiellement en Juin 1992 par la FCC. Les networks ont maintenant la possibilité d'être propriétaires de réseaux câblés sous trois conditions:

(1) ils ne peuvent pas desservir plus de 10% des foyers américains raccordés au câble (2) ils ne peuvent pas desservir plus de 50% d'un marché local ADI (3) ils ne peuvent pas exploiter de réseaux dans les zones où ils possèdent une station hertzienne Owned and Operated, conséquence de la loi de 1984178

Il faut noter que ces restrictions, dans un but de développement de la concurrence, ne s'appliquent pas si le réseau câblé possédé par le network est un réseau concurrentiel d'un premier opérateur ou si le network investit dans des systèmes autres que le câble (MMDS, SMATV, ...).

Les trois conditions des nouvelles règles correspondent chacune à un objectif structurel179. La condition (1) empêche le rachat par un network des deux plus gros opérateurs TCI et Time Warner et évite également le rachat réciproque d'un network par ces deux MSOs. La condition (2) protège au niveau local les stations affiliées aux networks (plus de 200 par network) car, si les networks pouvaient desservir en tant que câblo-opérateur la totalité d'un marché local, les stations locales n'auraient plus de pouvoir de négociation dans le nouveau cadre des droits de distribution de leurs signaux (cf. retransmission consent, 2.2 Protection de la télévision hertzienne). Enfin, la condition (3) interdit aux networks d'exploiter des réseaux câblés dans les grandes métropoles urbaines comme New York, Chicago, Los Angeles, San Francisco où ils possèdent tous des stations O&O180.

Cette levée, bien que trop partielle des cross-ownership rules, permet aux networks de racheter des réseaux ou des opérateurs. Cependant, dans l'état actuel des choses, ils n'ont pas la capacité financière de se lancer dans de tels rachats car ceux-ci impliquent beaucoup d'immobilisations, en particulier dans l'infrastructure des réseaux. Seul le groupe Capital Cities/ABC affirme sa volonté et sa capacité financière à procéder à des investissements dans les réseaux de télédistribution. Il a failli prendre 20% du troisième opérateur Continental Cablevision mais celui-ci n'a pas attendu les décisions de la FCC de Juin 1992 et l'opération n'a pas eu lieu181.

176 cf. section 18 Franchise renewal du [CABLE ACT 1992] 177 d'après FCC, cité par [COUSTEL 1992] p.7 178 Dans l'appareil réglementaire américain, la FCC ne peut aller à l'encontre de disposition légale. 179 cf. [NOLAN 1992a] 180 ABC : 9 stations O&O (New York, Chicago, Los Angeles, San Francisco, Houston, Philadelphie, Fresno, Durham); CBS : 5 stations O&O (New Chicago, Los Angeles, Philadelphie, Saint-Louis); NBC : 7 stations O&O (New York, Chicago, Los Angeles, Washington, Cleveland, Detroit, Milwaukee); d'après FROST J.M., World Radio TV Handbook 1992, Londres, Billboard, 1992 181 cf. [NOLAN 1992a] p.24

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LES MESURES VISANT A PERMETTRE LES ENTREES POTENTIELLES

La décision de la FCC de Juin 1992 apparait par conséquent comme une étape réglementaire intermédiaire dans le processus d'entrée des networks dans le marché des réseaux câblés et qui, en s'élargissant dans l'avenir, devra s'accompagner d'une réelle possibilité financière et d'une volonté d'entrée de la part des networks.

3.3 Entrée des compagnies de téléphone

a) Apport de l'entrée des telcos

L'arrivée des compagnies de téléphone sur le marché des câblo-opérateurs peut avoir des répercussions aussi bénéfiques pour le consommateur grâce au développement de la concurrence que l'entrée des networks : diminution des prix pour les abonnés, meilleure qualité de service, augmentation du choix pour le consommateur :

"Telco entry would seriously erode the market shares of both broadcasters and cable systems, and hence significantly expand the choices available to the consuming public."182 Les compagnies de téléphone ont, de plus, cet avantage sur les networks de posséder déjà en

raison de leur métier un ensemble de connaissance et de savoir-faire concernant les activités de réseaux de distribution. Elles peuvent ainsi disposer de synergies significatives qui peuvent les rendre compétitives face aux câblo-opérateurs actuels. Enfin, grâce aux progrès technologiques elles seules peuvent proposer dans l'avenir des réseaux à large bande sur fibre optique qui permettraient d'intégrer deux services audio et vidéo : un service de télécommunication avec le transport des communications téléphoniques, un service de télédistribution avec le transport des programmes de télévision par câble.

b) Levée partielle des barrières réglementaires en 1992 Toutes ces raisons font que l'entrée des compagnies de téléphone dans la télédistribution

doit être envisagée par la suppression des barrières réglementaires que sont les cross-ownership rules nées de la réglementation de la télévision par câble et de celle des opérateurs de télécommunications. La levée de ces barrières réglementaires a été bien entamée en 1992. Le juge Greene qui supervise l'application du MFJ a décidé de lever la restriction sur la remontée des RBOCs vers les services d'information : les RBOCs peuvent maintenant exploiter des réseaux de télévision par câble en dehors de leur zone de service.

Une deuxième barrière concernant la participation des compagnies de téléphone à l'exploitation

de réseau dans leur zone de service a été abaissée avec la décision Video Dialtone Service de la FCC de Juillet 1992. Les compagnies locales de téléphone peuvent maintenant offrir des services de télévision par câble dans leur zone de desserte en tant que common carrier. Elles n'ont pas le droit de facturer directement leurs services auprès des abonnés, elles agissent en tant que transporteur pour un câblo-opérateur qui ne possède pas le réseau, mais qui décide de l'offre des programmes qui sont facturés par lui aux abonnés (cf. Graphique 8). La décision de la FCC de Juillet 1992 permet même aux compagnies de téléphone de rentrer jusqu'à hauteur de 5% dans le capital d'un câblo-opérateur ou d'une chaîne du câble.

182 cf. [HAZLETT 1990] p.432

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LES MESURES VISANT A PERMETTRE LES ENTREES POTENTIELLES

Ces deux décisions que sont la relaxation du MFJ pour les RBOCs et le cadre défini par la FCC

concernant le Video Dialtone Service permettent aux compagnies de téléphone d'entrer sur le marché de la télévision par câble de manière beaucoup plus libre qu'avant 1992. Les telcos peuvent exploiter librement des réseaux câblés en dehors de leur zone de service mais sont encore limitées sur celles-ci (cf. Tableau 15).

Graphique 8 : Les telcos en tant que common carrier

dans la fourniture du Video Dialtone Service

câblo-opérateur abonn

choix des programmes

facturation à l'abonné

compagnie de téléphone common carrier

propriété du réseaudistribution des programmesraccordement des abonnés

exploitation des têtes de réseau

Tableau 15 : Cross-ownership rules en 1991 et en 1993

1991 RBOCs

autres telcos

zones locales de desserte téléphonique

exploitation interdite

exploitation interdite

zones non couvertes par la compagnie de téléphone

exploitation interdite

exploitation possible

1992 : Video Dialtone Service (FCC) + relaxation du MFJ par le juge Greene

zones locales de desserte téléphonique

exploitation interdite

common carrier

zones non couvertes par la compagnie de téléphone

exploitation possible

exploitation possible

c) Conséquences de l'entrée des telcos

La conséquence immédiate de cette libération partielle des cross-ownership rules est le premier investissement d'une RBOC dans le câble aux Etats-Unis183 : Southwestern Bell (basée au Texas) va acheter avant Mars 1994 deux réseaux dans la banlieue de Washington couvrant 225000 abonnés pour 650 millions de dollars, soit 11 fois le cash flow184. Cette décision n'est a priori que le début d'un engagement plus important des RBOCs dans le marché de la télévision par câble. Mais la limitation de 5% du capital d'une chaîne du câble va contraindre fortement l'investissement des compagnies de téléphone dans les programmes.

183 Les RBOCs avaient déjà investi dans la télévision par câble avec des câblo-opérateurs européens en Grande-Bretagne (Nynex, Pacific Telesis, Southwestern Bell, US West, 234000 abonnés), en France (Bell South, 265000 abonnés), en Norvège, Suède, Israël et Hongrie. 184 cf. "Baby Bells pact to break into cable TV", The Wall Street Journal Europe, 11 Février 1993

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LES MESURES VISANT A PERMETTRE LES ENTREES POTENTIELLES

A plus long terme, certains redoutent cependant que cette entrée des compagnies de

téléphone, en particulier des RBOCs, ne soient pas bénéfiques aux consommateurs. En effet, les compagnies de téléphone n'ont jamais été des champions de la concurrence et on peut craindre que leur entrée va substituer au monopole exercé par les câblo-opérateurs actuels un autre monopole tout aussi abusif. Cette substitution est possible au vu de la puissance économique que détiennent les acteurs du marché du téléphone local, 140 milliards de dollars de chiffre d'affaires contre 20 milliards pour l'industrie du câble :

"For a city to invite the telephone company in to compete with a cable company is akin to Leichtenstein inviting the Soviet Union to protect them from Switzerland."185

D'autres observateurs, plus indépendants des intérêts des câblo-opérateurs, pensent au

contraire qu'il n'y a rien à redouter de la part de l'entrée des compagnies de téléphone car celle-ci peut bénéficier aux consommateurs du téléphone en créant des économies d'envergure, en augmentant leur surplus et car elle ne peut faire que du bien au niveau des prix du câble. Au pire, ceux-ci resteront à un niveau de prix de monopole :

"The allowance of competitive entry into cable markets cannot harm cable consumers. If competitive forces are completely impotent to threaten existing current monopolists, then consumers merely continue being exploited at current monopoly price levels."186

Cette situation où la suppression des barrières réglementaires à l'entrée pour les compagnies de téléphone serait inefficace pourrait se produire dans le cas où celles-ci passeraient des accords de coopération avec les câblo-opérateurs pour ne pas racheter des réseaux ou ne pas construire des seconds réseaux concurrents.

Cependant, la levée partielle des cross-ownership rules pour les compagnies de téléphone opère dans les deux sens. Ceci a pour conséquence directe que s'inscrit dans l'avenir la éventualité de voir les câblo-opérateurs pouvoir offrir des services de téléphonie. Cela est possible techniquement dans un avenir très proche avec les annonces de TCI, Time Warner et Cablevision Systems de reconstruire leurs réseaux en fibre optique, le plan le plus avancé étant celui de TCI qui prévoit d'investir 2 milliards de dollars entre 1993 et 1996 pour adresser 90% de ses abonnés en fibre optique187. Cependant cela n'est pas encore envisageable dans le cadre réglementaire américain mais une commission du Congrès s'attache à ce problème qui permettrait d'ouvrir à la concurrence les deux secteurs, téléphone et câble, dans le but de procéder à l'intégration la plus rapide des deux services audio et vidéo. Cette commission envisage de plus une levée presque totale des barrières réglementaires en autorisant les RBOCs à posséder des réseaux câblés dans leur zone de service à condition qu'ils soient concurrents directs de réseaux déjà existants188.

Finalement, la réalisation des entrées possibles des compagnies de téléphone dépendra fortement de la volonté de ces entreprises et de leurs stratégies car si le cadre actuel permet l'entrée partielle, il ne les obligent pas entrer. Les décisions de la FCC étant incomplètes et n'ayant pas force de loi, il faudra qu'une loi soit adoptée pour définir proprement les conditions de l'interaction entre le secteur des opérateurs locaux de télécommunications et celui des câblo-opérateurs189.

185 cité par [ATKIN et STAR 1990] p.322 186 cf. [HAZLETT 1992] p.40 187 cf. "TCI unveils plan to rewire cable systems for $2 billion", The Wall Street Journal Europe, 13 Avril 1993 188 cf. En Direct de France Télécom Inc., vol.3/7, Mars 1993 189 Ceci est actuellement en projet à la Chambre des Représentants où deux représentants (un démocrate, un républicain) se sont proposés pour rédiger un texte de loi.

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LES MESURES VISANT A DIMINUER LE POUVOIR DE MONOPSONE

DES CABLO-OPERATEURS VIS-A-VIS DES FOURNISSEURS DE PROGRAMMES 4. Les mesures visant à diminuer le pouvoir de monopsone des câblo-opérateurs vis-à-vis des fournisseurs de programmes

Les fournisseurs de programmes du câble sont en situation de faiblesse par rapport au quasi-monopsone que constitue le secteur des câblo-opérateurs. Ils ne disposent que de peu de marge de manoeuvre dans leurs négociations avec les opérateurs, marge d'autant plus réduite qu'ils sont en voie d'intégration verticale par les exploitants du câble. Il convient donc de prendre des mesures visant à combattre les conséquences de cette intégration, c'est-à-dire les abus discriminatoires dans la distribution des chaînes et à limiter cette intégration verticale.

4.1 Lutte contre les abus de distribution

L'intégration verticale des chaînes du câble entraîne des abus de comportements de la part des opérateurs qu'il faut interdire en vue d'assurer une juste concurrence entre les chaînes en voie d'être intégrées et les autres, et pour permettre aux abonnés d'accéder à la plus grande quantité de programmes possibles. La distribution exclusive ou les pratiques discriminatoires qui empêchent des opérateurs n'ayant aucune participation financière dans des chaînes de diffuser celles-ci sont dommageables pour les chaînes et pour les abonnés.

Pour diminuer ce pouvoir de marché qu'exercent les câblo-opérateurs sur les fournisseurs de programme, la FCC doit prendre des mesures un après le Cable Act de 1992 pour interdire aux opérateurs de passer des contrats de distribution exclusive, d'exiger d'entrer dans le capital des chaînes en échange de leur distribution et d'obtenir des conditions de distribution à leurs avantages qui provoquent une certaine discrimination pour les autres opérateurs et pour les autres chaînes190.

4.2 Limitation de l'intégration verticale

Il faut de plus lutter contre l'intégration verticale en elle-même car elle incite les opérateurs intégrant à favoriser la distribution de leurs propres chaînes au détriment des chaînes non intégrées. La loi de 1992 assigne à la FCC la lourde tâche d'estimer la capacité limite d'un réseau que peut occuper les chaînes contrôlées par l'opérateur du réseau :

"In order to enhance effective competition, the Commission [...] shall conduct a proceeding [...] (B) to prescribe rules and regulations establishing reasonable limits on the number of

channels on a cable system that can be occupied by a video programmer in which a cable operator has an attributable interest; and

(C) to consider the necessity and appropriateness of imposing limitations on the degree to which multichannel video programming distributors may engage in the creation or production of video programming."191

La question de l'intégration verticale se pose à un point si crucial que la FCC doit réfléchir sur

l'intérêt pour le public de la remontée des câblo-opérateurs vers le contenu, c'est-à-dire vers le marché des programmes. Il est clair que la meilleure solution serait d'opérer une séparation contenant-contenu et d'interdire aux opérateurs d'avoir des intérêts dans les chaînes du câble et dans la production audiovisuelle. Ce type de réglementation contenant-contenu s'inscrirait dans la logique de l'appareil réglementaire américain qui a procédé ainsi pour diminuer le pouvoir des networks en 1970 (Financial interest and syndication rules) en leur interdisant de participer au secteur de la production télévisuelle et a également empêché la participation des RBOCs aux services d'information lors du démantèlement d'ATT (MFJ).

190 cf. section 12 Regulations of carriage agreements du [CABLE ACT 1992] 191 cf. section 11 Limitations on ownership, control, and utilization (c) COMMISSION REGULATIONS du [CABLE ACT 1992]

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LES MESURES VISANT A DIMINUER LE POUVOIR DE MONOPOLE DES CABLO-OPERATEURS VIS-A-VIS DES ABONNES

5. Les mesures visant à diminuer le pouvoir de monopole des câblo-opérateurs vis-à-vis des abonnés

La position de monopole que détiennent les câblo-opérateurs par rapport aux abonnés se traduisant par une mauvaise qualité de service et une hausse inconsidérée des prix du service de base depuis leur libération par le Cable Act de 1984, il faut procéder à l'établissement d'un cahier des charges de qualité de service et à un retour du contrôle des prix, autant de mesures vitales pour la protection du consommateur, terme qui figure dans l'intitulé du Cable Act de 1992.

5.1 Amélioration de la qualité du service

La loi de 1992 génère un travail considérable pour la FCC en ce qui concerne la définition de normes, de standard techniques acceptables pour les consommateurs et qui vise à améliorer la qualité du service des câblo-opérateurs.

Les signaux distribués devront répondre à un certain niveau de qualité, d'autres standards

techniques minimums seront à spécifier et tous ces critères seront réévalués en fonction des progrès technologiques192 (compression numérique, télévision haute définition numérique). En ce qui concerne les services commerciaux, de nombreux seuils de qualité minimum requise sont à déterminer, en particulier pour les services téléphoniques :

"The Commission shall, within 180 days of enactment of the Cable Television Consumer Protection and Competition Act of 1992, establish stantards by which cable operators may fulfil their customer service requirements. Such standards shall include, at a minimum, requirements governing

(1) cable system office hours and telephone availability; (2) installations, outages, and service calls; and (3) communications between the cable operator and the subscriber (including standards governing bills and refunds)."193

Il faut noter que ce cahier des charges de qualité de service qui va être élaboré par la FCC n'est que minimal. Par conséquent, les autorités locales qui délivrent les concessions sont encouragées par la loi à dresser des cahiers des charges de qualité nettement plus exigents pour les câblo-opérateurs.

De plus, devant les problèmes de compatibilité technique entre les nouveaux équipements de réception (télévision et magnétoscope) équipés de fonctions spéciales comme le zoom ou l'incrustation d'image et la réception de la télévision par câble,

"The Congress finds that (1) new and recent models of television receivers and video cassette recorders often

contain premium features and functions that are disabled or inhibited because of cable scrambling, encoding, or encryption technologies and devices, including converter boxes and remote control devices required by cable operators to receive programming;"194

la loi va instituer un label "compatible avec le câble" (cable compatible ou cable ready) pour les équipements de réception et dresser les spécifications techniques requises pour obtenir ce label.

192 cf. section 16 Technical standards; emergency announcements; programming changes; home wiring du [CABLE ACT 1992] 193 cf. section 8 Consumer protection and customer service (b) COMMISSION STANDARDS du [CABLE ACT 1992] 194 cf. section 17 Consumer electronic equipment compatibility (a) FINDINGS du [CABLE ACT 1992]

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LES MESURES VISANT A DIMINUER LE POUVOIR DE MONOPOLE DES CABLO-OPERATEURS VIS-A-VIS DES ABONNES

5.2 Réglementation des prix

Devant les hausses excessives des tarifs des services câblés depuis 1985 estimées à trois fois

l'inflation, un retour au contrôle des prix s'avère nécessaire. La loi de 1984 avait libéré dans les fait les prix des services de base du câble en instituant un critère de concurrence effective trop faible. Le Cable Act de 1992 corrige celui de 1984 en adoptant un critère de concurrence effective beaucoup plus fort.

La logique sous-tendant ce retour à un contrôle des prix est de protéger le consommateur en contraignant les prix du câble à être raisonnables, le caractère raisonnable des prix étant rencontré dans les situations où les câblo-opérateurs font face à un niveau suffisant et efficace de concurrence :

"The Commission shall, by regulation, ensure that the rates for the basic service tier are reasonable. Such regulations shall be designed to achieve the goal of protecting subscribers of any cable system that is not subject to effective competition from rates for the basic service tier that exceed the rates that would be charged for the basic service tier if such cable system were subject to effective competition."195

La loi définit maintenant le terme effective competition comme une situation dans laquelle moins de 30% des foyers de la zone de concession d'un réseau sont câblés, ou si au moins 50% des foyers de la zone sont couverts par plusieurs systèmes de diffusion (réseau câblé, système de distribution multipoints, diffusion par satellite SMATV ou DBS)196, chaque système de diffusion ayant un taux d'abonnement égal à au moins 15% des foyers de la zone. Le critère ainsi déterminé entraîne un retournement de tendance par rapport à celui du Cable Act de 1984 (présence de trois chaînes hertziennes sur la zone de couverture du réseau câblé) : la quasi-totalité des réseaux câblés américains vont ainsi être réglementés au niveau de leurs tarifs du service de base, alors que la loi de 1984 avait déréglementé 97% des réseaux. En effet, à part les zones rurales éloignées où végètent de petits réseaux à capacité limitée et peu attractifs, la quasi-totalité des zones de concessions ont plus de 30% de foyers abonnés (moyenne de 60% au niveau national); de plus étant donné l'état de développement peu avancé des systèmes de diffusion autres que le câble, aucune zone couverte par un réseau câblé ne répond au deuxième critère (50% et 15%).

Le Congrès dans le Cable Act de 1992 a donné 6 mois à la Federal Communications Commission pour statuer sur les modalités du contrôle des tarifs du service de base du câble et sur le caractère raisonnable des prix. Ainsi, le 1er Avril 1993, la FCC a décidé d'annuler toutes les hausses de tarifs injustifiées constatées depuis le 30 Septembre 1992, de geler les prix du service de base à partir du 5 Avril 1993 pendant une période de 4 mois et d'indexer les futures hausses sur l'inflation. Au total, on estime que les tarifs de 75% des réseaux vont subir une réduction de 10% et entraîner un manque à gagner pour les câblo-opérateurs d'un milliard de dollars197. La FCC a également le pouvoir d'examiner les hausses de prix des autres services du câble (service optionnel, pay-per-view, location de décodeur ou de télécommande) quand des plaintes seront déposées.

La réglementation des prix du service de base pourrait avoir pour conséquence une diminution du nombre de chaînes offertes dans le service de base, les câblo-opérateurs proposant des chaînes dans le service optionnel dont les tarifs ne sont pas réglementés depuis 1974. Cependant, une telle déviation va pouvoir être évitée grâce à une nouvelle mesure (anti buy-through) interdisant la servitude entre l'accès à deux services optionnels. Ainsi, toute chaîne optionnelle sera séparément accessible, ce qui empêchera l'émergence d'une réplique du service de base à l'intérieur du service optionnel, réplique où l'accès aux chaînes les plus populaires serait assujetti à l'accès aux chaînes les moins populaires.

195 cf. section 3 Regulation of rates (b) ESTABLISHMENT OF BASIC SERVICE TIER RATE REGULATIONS du [CABLE ACT 1992] 196 cf. section 3 Regulation of rates du [CABLE ACT 1992] 197 cf. Inf-Câble, n°.389, 15 Avril 1993

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CONCLUSION

Conclusion

La nouvelle loi de 1992 sur la télévision par câble marque un retour de balancier après une

période intense de déréglementation symbolisée par la loi de 1984. Cette dernière, adoptée pour favoriser les intérêts des câblo-opérateurs, a renforcé leur pouvoir de marché qui s'est exprimé sous à peu près toutes les formes : absence de concurrence interne au secteur des câblo-opérateurs, affaiblissement de la concurrence des produits de substitution, absence de menace d'entrant potentiel, concentration horizontale, position de monopole vis-à-vis des abonnés et de monopsone vis à vis des fournisseurs de programmes en voie d'intégration verticale. Il apparaît que ces problèmes structurels de l'industrie du câble vont être en partie résolus par le dispositif réglementaire créé par le Cable Act de 1992, qui en leur apportant des solutions à presque tous, hormis l'entrée des networks et des compagnies de téléphone, fait peser une lourde menace sur le pouvoir de marché des câblo-opérateurs.

Cependant, le nouveau dispositif réglementaire va être coûteux, en particulier à cause de

la possibilité de voir rémunérer la distribution des stations hertziennes et de la disposition anti buy-through qui nécessite des aménagements techniques des réseaux, pour les câblo-opérateurs qui menacent de répercuter ces coûts sur les prix, au détriment des consommateurs. Le président de la National Cable Television Association, James Mooney, déclare ainsi avec véhémence :

"No industry with total annual revenues of about $25 billion could absorb hits of this magnitude to its cost base - $5 billion over five years for the broadcasters and $5 billion more for government-mandated addressability and avoid the corresponding upward adjustment in its retail prices [...] The nastly little secret of this so-called 'consumer protection legislation' is that if encacted, these bills one already would probably make cable rates go up, not down [...] We will defend ourselves against these legislative excesses."1 La dominance de la télévision par câble ne va plus s'affirmer de manière aussi nette

après la mise en oeuvre de la nouvelle loi qui sera certainement suivie d'un texte ouvrant totalement l'exploitation de réseaux câblés aux networks et aux compagnies de téléphone. Cette lutte contre la puissance et ses abus d'un pan du secteur des médias a toujours été une caractéristique de la réglementation américaine, qui a déjà encadré la position dominante qu'ont pu avoir l'industrie cinématographique et les networks2 et qui se doit d'assurer une diversité des points de vues et une liberté d'expression inscrites dans la premier amendement de la constitution américaine.

Il faut pourtant s'interroger sur la portée dans le temps de ce nouveau cadre

réglementaire. A quand le prochain retour de balancier ? Quand la FCC et le Congrès succomberont (de nouveau) aux sirènes des intérêts des câblo-opérateurs, on peut penser que le câble s'orientera une fois de plus dans une période de déréglementation. Mais le futur est incertain car les progrès technologiques vont bouleverser rapidement les conditions d'application de la loi et les stratégies des acteurs. En effet, la nouvelle loi n'a pas incorporé les conséquences que va avoir la compression numérique qui va multiplier par 10 le nombre de chaînes visibles, le développement des réseaux en fibre optique qui va générer de l'interactivité, augmenter la capacité des réseaux et la télévision haute définition numérique.

1 cf. "Rereg's Tab", Cable World, 11 Mai 1992 2 démembrement des grands studios en 1948, procédure anti-trust en 1972 contre les networks conclue en 1979-1980 par un consent decree

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CONCLUSION

Les premières conséquences de la compression numérique et des réseaux en fibre optique vont apparaître très rapidement. TCI annonce qu'il proposera 500 chaînes sur ses nouveaux réseaux alliant compression et fibre optique dès 1994. Les premières alliances dans le domaine de la télévision interactive3 ont été nouées en Juin 1993 : TCI et Time Warner vont proposer une norme commune, ATT s'associe avec Viacom, US West rentre à hauteur de 25% dans le capital de la branche film et télévision de Time Warner. Tous ces développements techniques seront a priori bien entamés dans 10 ans et on peut prévoir qu'ils susciteront d'autres problèmes structurels qui nécessiteront alors l'adoption d'une autre réglementation. Par exemple, l'extension importante du nombre de chaînes disponibles sur un système entraînera vraisemblablement un réaménagement des must carry rules au bénéfice des stations de télévision hertzienne; le développement de l'interactivité, en particulier celui des jeux vidéo interactifs sur réseaux câblés (dont une esquisse non interactive sera donnée par Séga sur les réseaux de TCI et Time Warner), va poser le problème de la tarification de ces nouveaux services et des communications4.

L'avenir s'annonce donc complexe pour la réglementation avec un progrès

technologique aussi rapide que connaît ce secteur du câble dont les limites vont devenir de plus en plus floues. Le rapprochement entre opérateurs de télécommunications et câblo-opérateurs, s'il a lieu, entraînera-t-il une fusion des deux secteurs que sont les télécommunications et la télévision par câble ? La compression numérique va-t-elle permettre le décollage de la télévision par satellite en offrant 150 chaînes comme le projet Direct TV l'annonce pour 1995 ? Quelle place dans tous les cas de figure pour la télévision hertzienne ? La réponse à toutes ces questions dépendra non seulement du comportement des acteurs, mais aussi du futur cadre réglementaire américain.

3 "This is not about the $25 billion cable maket, or the $12 billion video-rental market. We're talking about hundreds of billions of dollars.", A. Bushkin, Bell Atlantic, cf. Newseek, 31 Mai 1993, p.36 dans l'excellent dossier Eyes on the future sur la télévision interactive 4 Dans le cas de jeu mettant en prise plusieurs personnes, on peut proposer comme solution de faire payer le coût de l'occupation du réseau au plus mauvais joueur. Le caractère ludique de la communication aurait alors un impact financier sur les connectés.

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DEUXIEME PARTIE

DEUXIEME PARTIE

LES MESURES DE LA CONCENTRATION ET DU POUVOIR DE MARCHE

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INTRODUCTION

Introduction

L'analyse structurelle de la télévision par câble aux Etats-Unis fait ressortir que d'une part, la structure de l'industrie est en voie de concentration, que ce soit au niveau horizontal où les opérateurs sont à la recherche de la grande taille pour bénéficier d'économies d'échelle, ou au niveau vertical où les chaînes câblées sont de plus en plus intégrées par les exploitants de réseaux; d'autre part, la performance des câblo-opérateurs témoigne d'un pouvoir de marché détenu par l'industrie du câble généré par la position de monopole local que détiennent les opérateurs par rapport aux abonnés et la position de monopsone qu'ils possèdent vis-à-vis de l'industrie des programmes en connaissant une faible concurrence des produits de substitution et des barrières à l'entrée très protectrices.

La concentration horizontale diminue le nombre d'exploitants, entraîne une domination des

entreprises de grande taille par rapport aux petites, qui s'exerce au détriment du jeu normal de la concurrence, la concentration verticale affaiblit le pouvoir de négociation des fournisseurs de programmes, le fort pouvoir de marché se traduit par des prix élevés, une mauvaise qualité et un choix restreint de support de télévision pour le consommateur. La structure et la performance du secteur sont donc naturellement l'objet d'une surveillance de la part des autorités réglementaires américaines. Celles-ci ont alors besoin d'outils de mesure pour évaluer la structure du marché (concentration horizontale et verticale) et sa performance en terme de pouvoir de marché (pouvoir de monopole et pouvoir de monopsone).

De tels instruments de mesure ont été proposés dans la littérature économique. Ils concernent

principalement l'évaluation de la concentration horizontale et du pouvoir de marché se manifestant par le pouvoir de monopole. Les outils de mesure de la concentration verticale et du pouvoir de monopsone n'étant pas pour l'instant très développés, nous nous contenterons dans la suite de décrire les indices servant à mesurer la concentration horizontale et le pouvoir de monopole, que nous nommerons souvent par la suite par abus de langage indices de concentration et indices de pouvoir de marché.

Dans un premier temps, nous présenterons les divers indices de concentration qui ont été

exposés dans la littérature économique (cf. I - Les diverses mesures de la concentration) et qui sont regroupés en trois grands groupes : les indices absolus, les indices semi-absolus et les indices relatifs. Dans un deuxième temps, nous montrerons les trois principaux indices de pouvoir de marché que sont les taux de profit comptables, l'indice de Lerner ou price-cost margin et le q de Tobin (cf. II - Les mesures du pouvoir de marché). A chaque instrument de mesure présenté, nous nous attacherons à caractériser ce qu'évalue cet outil, ses avantages et ses inconvénients.

Dans un dernier temps, nous décrirons les relations qui peuvent exister entre les indices de

concentration et les indices de pouvoir de marché, ces mesures de structure et ces mesures de performance (cf. III - Relation structure-performance), après avoir exposé les deux approches théoriques qui articulent structure et performance (l'approche dite structuraliste et l'approche dite efficiente) par rapport à l'une des problématiques originelles de l'Economie Industrielle (est-ce que la structure détermine la performance par l'intermédiaire du comportement ?) et au célèbre triptyque S-C-P (structure-comportement-performance).

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

"Choice of the optimal concentration index invloves assessing conduct because this is exactly the information one needs in order to make the leap from relative firm size to firm performance."198

I - Les diverses mesures de la concentration

La concentration au sein d'un ensemble de firmes présente plusieurs caractères doubles. Elle peut être horizontale quand des entreprises prennent le contrôle d'autres entreprises situées sur le même plan de production à l'intérieur d'une certaine filière, ou verticale quand des firmes s'intègrent en amont ou en aval de la filière. Les raisons de son apparition sont soit une "croissance externe"199 des entreprises par achat d'autres firmes ou fusion, soit une "croissance interne" due à un fort développement intrinsèque des entreprises. La manifestation d'une tendance à la concentration se traduit alors par une renforcement des tailles, mesurées selon certaines variables, des unités économiques d'un ensemble, qui peut être l'ensemble des unités présentes sur un secteur ou seulement les plus grandes entreprises, ou par une distribution des tailles plus inégalitaire entre les unités quand certaines croissent plus vite que d'autres.

On effectue ainsi une dichotomie dans la concentration entre ce qui relève de la concentration absolue (l'augmentation des dimensions des unités) et la concentration relative (le déséquilibre ou l'inégalité de la répartition). Morvan nous donne alors une définition plus exhaustive de la concentration - que nous adopterons - :

"[le phénomène de concentration] peut être défini comme le processus (ou le résultat de processus) qui tend à accroître la taille absolue ou l'importance relative de certaines unités au sein de l'ensemble auquel elles appartiennent."200

que celle d'Hannah et Kay ("The process of concentration is an increase in the extent to which economic activity is controlled by large firms"201) qui ne s'intéresse qu'à l'aspect absolu de la concentration, sans tenir compte des rapports de forces et de tailles entre entreprises, ces deux auteurs distinguant nettement la concentration de l'inégalité.

Tous ces couples (horizontale/verticale, externe/interne, secteur/oligopole, absolue/relative) doivent se retrouver dans les mesures de la concentration. Les indicateurs de concentration existant intègrent ces caractéristiques de la concentration, mis à part la concentration verticale. Avant de présenter les indices absolus au niveau d'un ensemble économique entier et semi-absolus au niveau des grandes unités, les indices relatifs mesurant l'inégalité des distributions, nous définirons un cadre d'analyse spécifiant ensemble économique, unités économiques, variables nécessaires à toute étude, puis les différentes propriétés qu'une mesure de la concentration doit vérifier. Nous verrons par la suite les limites de ces indices de concentration et s'il existe un ou des meilleurs indices pour effectuer une analyse de la concentration.

198 cf. [DONSIMONI et alii 1984] p.427 199 cf. [MORVAN 1991] p.132 200 cf. [MORVAN 1991] p.132 201 cf. [HANNAH et KAY 1977] p.47

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

1. Délimitation d'un cadre d'analyse

Quand on parle de mesurer une concentration, que ce soit en économie, en physique ou en

chimie, il est nécessaire tout d'abord de définir un cadre d'analyse qui doit répondre aux trois questions fondamentales suivantes :

- Dans quel espace envisage-t-on de mesurer une certaine concentration ? - Quelles sont les entités dont on mesure la concentration ? - Quelles sont les variables utilisées pour mesurer la concentration ?

Ces trois questions doivent permettre de définir un triptyque (espace, entités, variables) qui donne la base à toute évaluation de la concentration. En ce qui concerne la concentration économique, il faut, avant de définir toute mesure de la concentration, procéder à la définition de l'espace économique étudié (secteur, marché), des unités économiques considérées (groupe, firme, unité d'activité économique) et des variables (variables monétaires, variables physiques) qui serviront au calcul des mesures de la concentration économique.

1.1 Définition de l'espace économique étudié

L'espace économique dans lequel on entreprend l'évaluation de la concentration peut être de deux natures : les secteurs ou les marchés. Leur définition doit être telle qu'ils regroupent des unités relativement homogènes pour que la mesure de la concentration soit significative.

a) Secteur

Par définition, un secteur industriel est "un ensemble qui réunit les unités ayant la même production principale"202. Les entreprises appartenant à un secteur parfaitement défini ne sont pourtant pas nécessairement homogènes. En effet, leur production principale n'a pas forcément la même importance dans la production totale de la firme, le taux de spécialisation des entreprises peut donc varier à l'intérieur du secteur considéré. De plus, les biens fabriqués par les firmes d'un secteur peuvent se différencier par leur nature ou leur technique de production. L'homogénéité d'un secteur est un problème majeur si on veut étudier la concentration des entreprises censées appartenir à ce secteur.

Pour parer à cette absence d'homogénéité, la plupart des pays ont adopté des systèmes de classification des secteurs qui délimitent très précisément leurs frontières. Ainsi, à chaque secteur est associé un code qui correspond à un certain type d'activités et chaque entreprise possède un seul et unique code. Généralement, le nombre de chiffres du code fait état de la précision de la délimitation du secteur : plus il y a de chiffres, plus les activités couvertes par le secteur associé au code sont étroitement définies. Ainsi, dans le système européen de classification des secteurs intitulé Nomenclature des activités Industrielles de la Communauté Européenne (N.I.C.E.)203 en vigueur au début des années 1970, le code 36 détermine la construction de machines non électriques, le code 361 les machines et tracteurs agricoles et le code 366.5 le matériel de levage et de manutention204. On retrouve cette même logique de précision dans le système américain du Census Bureau Industry, le Standard Industrial Classification (S.I.C).

Une étude de la concentration au niveau d'un secteur basée sur un tel système de classification se heurte à deux problèmes. Premièrement, il faut adopter un niveau de précision adapté à l'étude et le choix du code est alors vital. S'il est trop large, la concentration évaluée sera en général faible et n'aura aucune signification car on étudiera des entreprises dont l'activité sera du

202 cité par [MORVAN 1972] p.159 203 On utilise depuis au niveau européen une nouvelle nomenclature, la Nomenclature des Activités économiques des Communautés Européennes (N.A.C.E), L'existence d'un système européen s'avère nécessaire pour donner une base de travail commune aux économistes dont les travaux portent sur l'étude de la concentration. Sans une telle base, les multiples nomenclatures adoptées dans les différents pays européens empêcheraient toute comparaison entre les études faites dans ces pays. 204 cf. [LINDA 1976] p.9

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

même type à un niveau global (exemple : construction de machines non électriques) alors qu'elles ne seront pas sur le même secteur au niveau du produit (exemple : machines et tracteurs agricoles code 361, machines de bureau, code 362). A l'inverse, si le code est trop précis, on trouvera en général une concentration élevée qui sera elle aussi non significative car la délimitation trop étroite du secteur implique un faible nombre d'unités présentes et par conséquent une concentration naturellement forte. Deuxièmement, une nomenclature des secteurs industriels peut ne pas correspondre à la définition des secteurs que voudraient en donner les économistes qui tiennent compte de la substitution tant au niveau de la consommation (en incorporant les firmes productrices de biens de substitution) que de la production (en incorporant les firmes qui demeurent des concurrents potentiels si leurs lignes de production sont facilement modifiables pour pouvoir produire les mêmes biens)205.

b) Marché

Alors qu'une entreprise n'appartient qu'à un seul secteur, elle peut couvrir si elle est multiproductrice plusieurs marchés ou branches, une branche étant "l'ensemble des firmes produisant le même bien, que ce soit à titre principal ou à titre accessoire"206. Si on se place au niveau du marché, l'étude de la concentration revient alors "à étudier la distribution des unités économiques participant à la même production"207. Le problème est ici de délimiter soigneusement "la même production", c'est-à-dire de spécifier le ou les produits considérés qui forment ainsi le marché approprié (relevant market).

On retrouve le même type de difficultés de délimitation qu'au niveau du choix des secteurs. La délimitation du marché et du produit ne doit pas en effet être ni trop vague, ni trop précise pour ne pas fausser la mesure de la concentration. Il se pose également un problème de taille géographique du marché : est-il local, régional ou de portée nationale ? De plus, il faudrait prendre en compte les produits de substitution et donc inclure les entreprises qui fabriquent ces biens. Une autre question se pose alors : Où commence et ou s'arrête le domaine de la substituabilité ? Adopter une définition des substituts trop restrictive, c'est restreindre le marché considéré et surestimer la concentration, adopter une définition trop étendue, c'est agrandir le marché considéré et sous-estimer la concentration. Enfin, il faudrait incorporer à l'analyse l'existence des échanges internationaux, la production étrangère importée et la production nationale exportée. En ne prenant pas en compte l'offre extérieure, on surestime la concentration car on base souvent les calculs de concentration sur les parts de marché des seules firmes nationales.

Les problèmes de délimitation de marché sont donc nombreux et complexes. Si on arrive à les résoudre correctement, l'étude de la concentration au niveau des marchés ou des branches apparait plus significative qu'au niveau des secteurs. Elle prend en compte l'aspect multiproducteur que possèdent généralement les entreprises car on se restreint pas qu'aux seules activités principales des entreprises. En s'intéressant à une certain marché, on rassemble toutes les entreprises qui produisent un bien considéré et on est nécessairement plus précis qu'au niveau des secteurs où existe un effet de dilution de la concentration et un effet de moyenne des concentrations des différents marchés couverts par les entreprises du secteur. Enfin, en analysant la concentration au niveau des marchés, on se place du côté de la demande en examinant pour un produit donné comment se répartit la production entre les différentes unités alors que l'analyse au niveau des secteurs se situe du coté de l'offre en étudiant la répartition des unités à l'intérieur d'un ensemble de producteur défini par un système de classification basé sur les caractéristiques de l'offre. Ceci permet de mieux approcher le but de l'étude de la concentration qui est de surveiller les structures de production afin de promouvoir la concurrence et d'empêcher la manifestation sur la demande d'un pouvoir de monopole du à la grande taille des entreprises ou aux ententes.

205 cf. [SCHERER 1980] pp.60-61 206 cf. [MORVAN 1972] p.164 207 cf. [MORVAN 1972] p.164

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

1.2 Définition des unités économiques étudiées

Après avoir spécifié l'espace économique dans lequel va être effectuée une analyse de la

concentration, il est nécessaire de savoir quelles sont les unités dont on va mesurer la concentration et la répartition des pouvoirs économiques.

a) Entreprise

"L'entreprise est une organisation définie juridiquement, à bilan distinct, soumise à une autorité directrice, laquelle est, suivant les cas, une personne morale ou une personne physique et constituée en vue d'exercer dans un ou plusieurs lieux une ou plusieurs activités de production de biens ou de services."208

Une étude au niveau des entreprises permet de percevoir la concentration et la répartition des

pouvoirs car elles "constituent des centres indépendants de décision"209. Cependant, une telle étude délaisse deux problèmes majeurs. Tout d'abord, si la firme est multiproductrice, la prise en compte de variable à son niveau global fausse en partie les mesures de la concentration. Par exemple, en étudiant la concentration des câblo-opérateurs aux Etats-Unis en prenant comme variable le chiffre d'affaires et en se situant au niveau des entreprises, des groupes multimédias comme Time Warner gonfleront artificiellement la concentration car la télévision par câble ne représente pour eux qu'une partie de leur chiffres d'affaires. Il est donc préférable de se limiter à la partie de l'activité de l'entreprise qui correspond au marché étudié considéré.

Ensuite, les entreprises ne sont pas toujours des centres indépendants de décision. Leur autonomie peut en effet être restreinte. Leur politique peut être dictée par la maison mère quand elles sont des filiales. L'étude de la concentration doit alors répertorier tous les liens de filiation entre les entreprises du secteur. Un tel inventaire est plus difficile à réaliser quand il s'agit d'évaluer l'influence qu'exercent les grandes entreprises dominantes sur les choix des firmes plus petites, ou quand il s'agit de mettre à jour les cartels et les ententes qui régissent les politiques des entreprises qui les constituent.

b) Unité d'activité économique

"L'unité d'activité économique est l'entreprise ou la partie d'entreprise qui concourt à l'exercice d'une seule et même activité, caractérisée par la nature des biens ou services produits ou par l'uniformité du processus de fabrication."210

L'unité d'activité économique est utilisée dans les travaux européens sur la concentration. Elle

permet de résoudre le premier problème posé à une analyse de la concentration au niveau des entreprises. En effet avec l'unité d'activité économique, on ne considère pour les variables utilisées dans les mesures de la concentration que la part qui provient de l'activité correspondant au secteur ou au marché étudié. La précision de l'analyse est ainsi renforcée par rapport à une étude utilisant comme entité les entreprises.

c) Groupe d'entreprises

"Le groupement d'entreprises rassemble des entreprises tenues par des liens juridico-financiers par l'intermédiaire de holdings, ententes."211

208 définition de l'Office Statistique des Communautés Européennes, cité par [LINDA 1976] p.10 209 cf. [MORVAN 1972] p.146 210 définition de l'Office Statistique des Communautés Européennes, cité par [LINDA 1976] p.10 211 définition de l'Office Statistique des Communautés Européennes, cité par [LINDA 1976] p.10

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

Le groupe d'entreprises peut être soit un groupe constitué d'une entreprise et de plusieurs filiales, soit un cartel ou une entente d'entreprises qui coordonnent leur politique. Les groupes sont les véritables centres de décision qui détiennent le pouvoir économique. Une étude de la concentration à leur niveau est la plus capable de montrer la répartition des pouvoirs économiques à l'intérieur d'un espace économique donné. Il faut cependant qu'elle soit combinée avec une restriction des variables de la mesure de la concentration aux seules activités situés dans l'espace étudié. Comme pour les entreprises, il faut considérer des unités d'activités économiques de groupe qui permettent d'agréger les variables de manière pertinente. Si une entreprise A réalisant 75% de son chiffre d'affaires CAA sur un certain marché M conclue une entente avec une entreprise B qui ne réalise que 50% de son chiffre d'affaires CAB sur ce marché, il faudra prendre en compte la somme 0.75 CAA + 0.50 CAB dans la mesure de la concentration du marché (cf. Tableau 1).

Tableau 1 : Comparaison des trois types d'entités utilisées dans les mesures de la concentration

unité utilisée pour l'analyse de la concentration du marché M

valeur utilisée par l'analyse de la concentration (variable =

C.A.) Entreprise A CAA Entreprise B CAB

U.A.E A 0.75 CAA U.A.E B 0.50 CAB

Groupe (entente) A + B 0.75 CAA + 0.5 CAB

Les ententes et les cartels posent un problème à l'analyse car le plus souvent, les accords qui les régissent sont secrets et assez difficiles à mettre à jour, hormis lors des fusions entre entreprises où les liens apparaissent visibles. Ce problème de non visibilité des liens entre entreprises se retrouvent également pour les groupes constitués d'entreprise mère et de filiales. Les dépendances financières ne sont pas toujours transparentes car on ne connaît pas toutes les participations acquises par une entreprise dans le capital d'une autre. Les liens ne sont pas forcément financiers, ils peuvent être dus à un phénomène de domination.

Cependant, le problème principal de ces groupes mère-filiales est la multiplicité des liaisons financières. Ces liens financiers exprimés en pourcentage de capital d'une entreprise détenu par un groupe suscitent de nombreuses difficultés quant à la façon d'agréger les variables (cf. Tableau 2):

(1) la filiale à actionnaire majoritaire : le groupe G est actionnaire majoritaire d'une entreprise

E (part de capital supérieure à 50%). Si dans le reste des actionnaires, il n'y a aucune entreprise, on agrège la totalité de la variable de E à celle de G. Si il y a des groupes, on peut décider d'agréger à chaque groupe la part de la variable de E dans la même proportion que la part du capital (exemple : G 51% du capital, groupe H 49%). Mais cela est-il encore valable et envisageable dans le cas où G possède 99% du capital et H 1% ? Comme l'étude de la concentration au niveau des groupes traduit la distribution du pouvoir économique, on peut décider dans le cas de l'actionnaire majoritaire; qui possède le pouvoir de décision sur l'entreprise détenue puisque possédant la majorité des droits de vote, d'agréger la totalité de la variable de la filiale à celle du groupe.

(2) la filiale à principal actionnaire non majoritaire : le groupe G, principal actionnaire n'est pas majoritaire dans le capital de E. Si le reste des actionnaires est composé uniquement de petits porteurs, ceux-ci n'ont quasiment aucun pouvoir sur l'entreprise et on peut considérer que G contrôle E sans être majoritaire. Une solution réaliste est donc d'agréger la totalité de la variable de E à celle de G. Si d'autres groupes ont des participations dans le capital, on peut décider au vu de cette répartition du capital et donc des pouvoirs que la variable de E soit répartie entre les variables des différents groupes en proportion du capital détenu.

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

Tableau 2 : Proposition de méthodes d'agrégation de la variable V d'une filiale F

aux variables de groupes actionnaires

actionnaire principal autres agrégation à V G particuliers VG + VF

G (pG>50%) H (pH %) VG + VF VH + 0

G (pG=50%) H (pH<50%) VG + VF VH + 0

G (pG=50%) H (pH=50%) VG+ 0.5 VF VH + 0.5 VF

G (pG<50%) H (pH<pG)

VG+ pG.VF VH + pH.VF

En dépit de ces problèmes d'inventaire de liens financiers et juridiques plus ou moins visibles,

de ces problèmes d'agrégation de variables entre les filiales et leurs groupes, l'étude de la concentration au niveau des groupes qui englobe les dépendances entre entreprises est la plus significative pour évaluer la distribution des pouvoirs économiques sur un secteur ou un marché.

1.3 Définition des variables

Il reste maintenant à définir les variables caractéristiques des unités retenues qui seront utilisées pour évaluer la concentration de ces unités dans l'espace économique choisi. Morvan sépare les variables possibles en deux catégories distinctes : les variables physiques et les variables monétaires212, chaque catégorie regroupant des variables de flux et de stocks (cf. Tableau 3).

a) Variables physiques

Une variable de flux est la production totale de l'unité étudiée ou sa capacité productive. Ces variables concernant la production permettent d'effectuer des comparaisons entre unités sans tenir compte de la valeur monétaire de la production ou de la capacité de la production. Cependant, l'utilisation de telle variable n'est valable que dans un certain type d'activité où les produits sont dotés d'un même niveau de qualité (exemple : nombre d'automobiles de tourisme fabriquées).

Une variable de stock est l'emploi, c'est-à-dire le nombre de salariés ou d'employés travaillant dans l'unité étudiée. Mesurant uniquement la concentration de l'emploi, elle est souvent utilisée car elle permet les comparaisons entre les situations dans les différents pays. Mais elle ne prend pas en compte la nature des emplois occupés ainsi que la diversité des activités en matière d'intensité capitalistique et d'importance de la main d'oeuvre (activité capital intensive ou activité labour intensive). Aussi, cette variable est peu adéquate pour effectuer des comparaisons entre secteurs et marchés.

b) Variables monétaires

Les variables monétaires de flux peuvent être le chiffre d'affaires, la valeur ajoutée, les bénéfices. Le chiffre d'affaires a pour inconvénient de ne pas tenir compte de l'intégration verticale, qui peut caractériser une firme, en donnant une même valeur à une firme verticalement intégrée et à une firme non verticalement intégrée. La valeur ajoutée est difficile à évaluer et fluctue en fonction du niveau des prix, ce qui gêne toute comparaison temporelle. Le bénéfice est lui très variable dans le temps car il dépend de la conjoncture économique, des conditions de la demande, du degré d'imposition et du niveau des dividendes versées aux actionnaires

212 cf. [MORVAN 1972] pp.169-179

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

Les variables de stock sont les variables du bilan. Les variables du passif (capitaux totaux,

propres et permanents) n'autorisent pas les comparaisons entre secteurs ou marchés car leur importance dépend de la nature des activités et du développement des firmes. Les variables de l'actif (actif total, actif net) sont a priori plus intéressantes car elles traduisent les investissements passés de l'unité et son pouvoir de production. Cependant, l'évaluation de l'actif est assez difficile à réaliser car il est la somme de coûts de produits achetés à différents moments du temps et à différentes dates. Il faut en effet prendre en compte l'inflation qui est toujours oubliée dans les bilans comptables et la dépréciation réelle des actifs qui diffèrent de la dépréciation comptable liée aux amortissements. De plus l'actif total est fortement hétérogène, on y trouve des immobilisations fixes et des postes très liquides.

Tableau 3 : Les principales modalités d'estimation des variables dans la mesure de la concentration213

Variables estimées Flux Stocks Variables physiques Production totale

Capacité de production Emploi

Variables monétaires Chiffre d'affaires Valeur ajoutée

Bénéfices

Passif (capitaux totaux, propres, permanents)

Actif (actif total, net)

c) Choix d'une variable

Les différentes variables exposées présentent toutes des inconvénients car elles n'abordent la concentration que sous un angle particulier comme l'emploi, la production, le chiffre d'affaires, l'investissement et les capitaux. Le choix d'une variable ne peut donc permettre une évaluation globale de la concentration. Par conséquent il n'existe pas de variable idéale qui puisse être utilisée dans les mesures de la concentration. Il faut pourtant utiliser un certain type de variable. C'est pourquoi le choix d'une variable dépend généralement de l'aspect de la concentration que l'on veut mettre en exergue et dans bien des cas des données statistiques disponibles des unités économiques d'un secteur ou d'un marché. Morvan montre même que le choix de la variable a peu d'influence sur la mesure de la concentration. En effet, en évaluant les degrés de concentration des firmes ayant plus de 500 employés dans 41 secteurs industriels français, il établit des corrélations entre les diverses mesures de la concentration qu'il effectue selon quatre critères : l'emploi, le chiffre d'affaires, la valeur ajoutée et les investissements. Ces corrélations sont comprises entre 0.948 et 0.992 (cf. Tableau 4). Il semble donc que les mesures de la concentration dépendent faiblement des variables retenues, celles-ci étant fortement corrélées.

Tableau 4 : Matrice des corrélations entre les degrés de concentration de 41 secteurs français estimés selon quatre variables214

variable emploi chiffre

d'affaires valeur ajoutée

investissements

emploi 1 0.992 0.989 0.956 chiffre d'affaires 1 0.961 0.954 valeur ajoutée 1 0.948

investissements 1

213 cf. [MORVAN 1972] p.170 214 cf. [MORVAN 1972] p.177

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

2. Propriétés des mesures de la concentration

Le cadre d'analyse, qu'on doit définir avant toute analyse en terme de triptyque (espace, entités, variable), permet d'établir des études sur la concentration des entreprises ou des groupes dans des secteurs industriels ou des marchés de produits sur la base de diverses variables, physiques ou monétaires. Ces études s'effectuent à l'aide d'outils de mesures censés évaluer proprement le phénomène de la concentration. Ils doivent donc obéir à certaines propriétés pour pouvoir mesurer un degré de concentration. Différents auteurs comme Encaoua et Jacquemin,, Hannah et Kay, Hall et Tideman ont énoncé les diverses propriétés qui devaient caractériser tout indicateur de la concentration (cf. [HALL et TIDEMAN 1967], [HANNAH et KAY 1977], [ENCAOUA et JACQUEMIN 1978]).

2.1 Relation d'ordre

La première propriété exigible d'une mesure de la concentration est que cette mesure puisse générer dans certains cas des comparaisons possibles entre plusieurs secteurs ou marchés. On doit pouvoir dire sous certaines hypothèses que telle industrie est plus ou moins concentrée que telle autre. Encaoua et Jacquemin formalisent les conditions et la relation d'ordre qu'un indicateur C de la concentration doit vérifier. On considère deux secteurs ou marchés A et B, ayant chacun N offreurs et dont les pourcentages ou les parts d'une certaine variable classées dans l'ordre décroissant sont (s1A, ..., sNA) et (s1B, ..., sNB). Si on a pour tout i dans [1,N] Erreur ! > Erreur !, on doit avoir C(A) > C(B).

On peut généraliser cette formalisation à deux industries a et b ayant un nombre d'offreurs

différents tels que NA < NB. Si on a pour i dans [1,NA], > Erreur !, comme l'industrie A possède moins de producteurs que l'industrie B, elle est plus concentrée et C(A) doit être supérieur à C(B). Ceci revient à dire comme le souligne Hannah et Kay que si la courbe de concentration de A se situe continuellement au dessus de celle de b, l'industrie A est plus concentrée que l'industrie B.

Erreur !

La courbe de concentration ou courbe cumulative de concentration est la courbe qui

trace le pourcentage cumulé d'un certaine variable du secteur ou du marché, détenu par les n plus grandes unités économiques, en fonction du nombre cumulé d'entreprises n, les unités étant classées par ordre décroissant. Sous les conditions décrites plus haut, dans le cas où deux courbes de concentration se croisent, on ne peut pas dire a priori qu'une industrie est plus concentrée que l'autre. La relation d'ordre que doivent vérifier les degrés de concentration n'existe donc que lorsque les courbes de concentrations ne possèdent aucun point d'intersection et plus une courbe de concentration est concave, plus la concentration est élevée. Le Graphique 1 ci-dessous donne un exemple de comparaisons entre 4 secteurs ou marchés où nous pouvons dire que C(A)<C(B)<C(C), C(A)<C(D)<C(C) mais où nous ne pouvons rien dire a priori entre la concentration de B et de D. En fonction de l'indice C choisi et de la pondération qu'il affectera aux diffréentes parties de la courbe, on pourra avoir C(B)>C(D) ou C(D)>C(B). Il faut noter que la bissectrice représente la ligne de parfaité égalité de taille entre les unités.

Graphique 1 : Exemple de courbes de concentration 100%

50%

nombre d'entreprises

% cumulé du marché

A

CD

B

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

2.2 Propriété de transfert

Toute mesure de la concentration doit respecter le principe de transfert énoncé par Dalton au

sujet de la mesure des inégalités de revenus215. Selon Dalton, le transfert d'une partie des revenus d'une personne vers les revenus d'une personne plus riche entraîne un augmentation de l'inégalité de revenus. Réciproquement, si une part des revenus d'une personne se déplace vers les revenus d'une personne plus pauvre, l'inégalité des revenus diminue. Ce principe de transfert s'applique également à la mesure de la concentration.

Toute mesure de la concentration doit indiquer une hausse de celle-ci quand une unité

économique voit une partie de sa part de marché transférer vers une unité possédant une part de marché plus élevée. Si le transfert s'effectue vers une unité de plus petite taille, l'indicateur de concentration doit montrer une baisse de celle-ci.

2.3 Propriété de fusion

Toute fusion entre deux ou plusieurs unités économiques doit entraîner une hausse de la concentration car on remplace deux ou plusieurs unités par une seule plus importante. Un indice de concentration doit donc augmenter quand une fusion s'effectue parmi les entreprises du secteur ou du marché considéré.

2.4 Propriété d'entrée

Une mesure de concentration doit prendre en compte non seulement les modifications structurelles qui agitent un secteur ou un marché lors de transfert de parts de marché entre unités, lors de fusion entre unités mais également lors de l'apparition ou de la disparition d'unités. L'entrée et la sortie d'unités doivent influer sur un indice de concentration. L'apparition d'un entrant sur un secteur élargissant le nombre d'unités présentes sur le secteur tend à affaiblir la concentration. Cependant, si un entrant acquiert de suite une taille relativement importante, c'est au contraire une augmentation de la concentration qui peut avoir lieu. L'influence à la hausse ou la baisse de l'entrée d'une unité sur un secteur ou un marché dépend donc de sa taille.

La formalisation de cette propriété est proposée ainsi par Hannah et Kay216 : il existe une certaine part de marché s0 telle que si un entrant possède une part de marché s inférieure à s0 alors que les parts des autres unités déjà présentes demeurent inchangées de manière relative, la concentration doit diminuer. Réciproquement, la sortie d'une unité d'une taille inférieure à s0 provoque une hausse de la concentration. Une mesure de la concentration doit pouvoir refléter cette propriété de la concentration.

2.5 Propriété d'égalité

Un indicateur de concentration doit vérifier une certaine propriété quand le secteur ou le marché analysé est composée de N firmes de taille identiques. Dans cette situation, le degré de concentration ne dépend uniquement que du nombre d'unités économiques N. Or plus un secteur ou un marché dispose d'offreurs, moins il est concentré. C'est pourquoi une mesure de la concentration doit être une fonction décroissante du nombre N d'unités quand ces N unités sont de taille égale.

215 cf. [DALTON 1920], cité par [HANNAH et KAY 1977] p.48 216 cf. [HANNAH et KAY 1977] p.49

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

3. Les indices absolus de concentration

L'analyse de la concentration s'attache dans un premier aspect aux valeurs absolues des variables retenues dans les études et caractéristiques des unités économiques faisant partie d'un secteur ou d'un marché donné. On s'intéresse par exemple au nombre d'unités de l'espace considéré, à leur taille, à l'importance des plus grandes unités, etc... On parle ainsi de concentration absolue. Les outils de mesure de la concentration absolue se répartissent en deux groupes distincts : les indices semi-absolus qui ne prennent en compte que les plus grandes unités, les indices absolus qui englobent les informations concernant l'ensemble des unités du secteur ou du marché.

3.1 Les indices semi-absolus

a) Le ratio de concentration : CRn

L'un des plus anciens indices de concentration est le ratio de concentration CRn (ratio concentration). Cet indicateur reflète le pourcentage que détiennent les n plus grandes unités économiques, de la valeur d'une variable comptabilisée au niveau du secteur ou du marché considéré, le nombre n étant au choix. Cet indice est un des plus anciens car il apparait naturellement quand on trace la courbe de concentration (cf. Graphique 1) puisque que ce sont ses différentes valeurs en fonction de n qui sont tracées.

Dans un espace économique à N unités, si X est la valeur totale pour l'ensemble des unités, si Xi est la valeur de cette variable pour chaque unité i, alors pour tout n dans [1,N], on a :

CRn = Erreur ! = Erreur !

Comme toute mesure de la concentration, les valeurs limites de cet indice sont données quand on se place dans une situation de monopole pur et dans une situation où toutes les entreprises sont de taille égale. Dans une situation de monopole pur, on a s1 = 1 et sn = 0 pour n différent de 0, et donc CRn = 1 pour tout n. Dans une situation où la variable est uniformément

répartie entre les N unités, on a pour tout i, Xi = XN, donc CRn =

nN et la propriété d'égalité est vérifiée.

Cet indice est très souvent utilisé pour n = 4, n= 8, n = 20. Dans les instances

réglementaires anti-trust américaines, il est une des bases des seuils d'intervention du ministère de la justice (Department of Justice, DOJ) pour distinguer les marchés fortement concentrés des marchés faiblement concentrés. Les règles américaines de 1968 prévoyaient une intervention du DOJ à partir du moment où le CR4 d'un marché dépassait le taux de 75%217. Dans les nouvelles règles de 1982, le ministère DOJ commence à s'inquiéter dès que le CR4 dépasse 45%.

Sa principale qualité est sa simplicité de calcul et la disponibilité des données. En effet, il est facile d'obtenir les valeurs de variables pour les quatre ou les huit plus grandes unités d'un secteur ou d'un marché. Cependant, le choix du nombre n d'unités est arbitraire. Suivant n, on pourra avoir une tendance à la hausse ou à la baisse de la concentration lors de comparaison inter-temporelle ou entre secteurs. Par exemple, les 20 premières entreprises d'un secteur pourraient détenir une part de marché cumulée supérieure à celle d'un autre secteur, alors que la part de marché des quatre premières serait inférieure. Le choix de n n'est donc pas sans influence. Dans les analyses de la concentration, il faut donc prendre en compte plusieurs CRn et ne pas se fier à un seul.

Il possède plusieurs autres inconvénients. En ne considérant que les n plus grandes unités, il délaisse les N-n unités les plus petites. On perd ainsi de l'information sur les différences de taille entre les unités des deux groupes. De nombreuses modifications structurelles du secteur ou du 217 cf. [MILLER 1982] p.610

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

marché n'ont pas d'impact sur la valeur de l'indice; on peut citer par exemple un transfert de part de marché d'une unité des n plus grandes vers une autre unité de ces n plus grandes, l'entrée ou la sortie d'unités de taille inférieure à celle de la nième unité, la fusion entre deux unités parmi les N-n donnant lieu à une unité de taille inférieure à celle de la nième. De manière générale, CRn ne dépend que des changements de structure qui modifient la taille des n plus grandes unités ou qui provoque le remplacement d'unité par une autre, située avant dans les N-n petites, parmi ce groupe des n unités. Les propriétés de transfert, de fusion et d'entrée ne sont donc pas toujours vérifiées.

Enfin, le défaut majeur de CRn est qu'il peut refléter des situations où les répartitions

relatives des n plus grandes unités sont très différentes. Par exemple, les distributions des parts de marché des quatre plus grandes entreprises (10%,10%,10%,10%) et (37,1,1,1) correspondent toutes deux à CR4 = 40%, alors que la concentration est moins élevée dans le premier cas où la structure est plus oligopolistique. La relation d'ordre n'est donc pas réalisée dans tous les cas car deux courbes de concentration sans point d'intersection peuvent avoir le même CRn pour un certain n. Dans l'exemple précédant, si les 60% du marché restant sont répartis uniformément entre 60 entreprises, la courbe de concentration de la première distribution est sous celle de la deuxième alors que les CRn sont égaux à partir de n=4 (différents pour n<4, ce qui montre l'importance du choix de n).

b) Les indices de Linda : Ln

Le système des indices de Linda, utilisé dans les travaux européens d'étude de la concentration a été élaboré par Linda en 1968 et proposé à la Commission des Communautés Européennes comme une méthodologie de l'analyse des secteurs et des marchés (cf. [LINDA 1968], [LINDA 1976]). Le système des indices de Linda est particulièrement adapté à l'étude des secteurs ou marchés à structure oligopolistique. Il tend à se placer "au niveau des grandes entreprises (n) considérées dans le cadre de leur interdépendance oligopolistique"218, à mettre en évidence l'importance des grandes unités ainsi que les rapports et les différences entre les tailles de ces unités.

Définition

Les indices de Linda, se limitant à l'étude des unités les plus importantes dans un secteur ou d'un marché, sont donc des indices de concentration semi-absolus. Si on considère les n plus grandes unités d'un secteur ou d'un marché, si Ai est la part cumulée, dans l'ensemble considéré d'une certaine variable, par les i premières unités (An = 1), l'indice de Linda Ln est tel que :

Ln = Erreur ! Erreur ! où EOi = Erreur ! Erreur !

EOi est appelé rapport d'équilibre oligopolistique et est le rapport entre la taille moyenne des i premières unités et la taille moyenne des n-i plus petites unités. Pour n = 2 et n = 3, il apparait que l'indice L2 est la moitié du rapport entre la taille de la première unité et la taille de la deuxième; l'indice L3 est le tiers de "la moyenne arithmétique entre deux rapport : a) rapport entre la taille de la première entreprise et la taille moyenne des deux entreprises qui suivent, b) rapport entre la taille moyenne des deux premières entreprises et la taille de la troisième"219.

La valeur maximale d'un indice de Linda est l'infini quand on a un seul producteur. Quand les n

entreprises considérées sont de taille égale, l'indice Ln vaut 1n. Cette situation correspond à

"l'équilibre parfait des forces" selon Linda220 ou au "modèle concurrentiel" selon Morvan221. 218 cf. [LINDA 1976] p.17 219 cf. [COMMISSION 1978] p.213 220 cf. [LINDA 1976] p.21 221 cf. [MORVAN 1972] p.190

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

Ce modèle concurrentiel permet une comparaison avec un ensemble d'unité choisi si on transpose les indices de Linda en représentation graphique.

Représentation graphique

La représentation graphique des indices de Linda donne une qualité d'appréciation de la

concentration et des structures oligopolistiques tout à fait remarquable. Si on se donne un ensemble de n* unités d'un secteur ou d'un marché, on peut calculer les indices de Linda pour tout n dans [2,n*] et les placer sur un graphique dont l'axe des abscisses représente le nombre d'unités et l'axe des ordonnées les valeurs des indices de Linda. La courbe ainsi tracée est appelée courbe structurelle ou courbe de Linda (cf. Graphique 2). On appelle n*min le nombre d'unités correspondant au premier minimum local rencontré sur la courbe de Linda à partir de n=2, n*> le nombre d'unités correspondant au maximum de la courbe pour n dans [2,n*min]. Linda considère que les n*min grandes unités forment une "arène oligopolistique"222.

Cette arène oligopolistique est constituée des n*min plus grandes unités du secteur ou du marché et le fait que le premier minimum local forme la limite de cette arène est la manifestation que "l'entreprise suivante est beaucoup plus petite - ce qui traduit une 'rupture dimensionnelle' - par rapport à l'entreprise qui précède"223. La première minimisation de L définit donc la structure oligopolistique du secteur ou du marché qui est composée de n*min unités. On peut calculer pour cette arène oligopolistique un indice de Linda Ls moyen qui reflètera son "degré d'équilibre et de concentration"224 : Ls = Erreur ! Erreur !.

Graphique 2 : Modèle concurrentiel et exemple de courbe de Linda

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

1,6

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

valeur de Ln

nombre d'unités

modèle concurrentiel

Ln*min

Ln*>

courbe de Linda

Ln*

Interprétation

La courbe de Linda définit donc trois critères à interpréter : la taille n*min de l'arène

oligopolistique, l'indice Ls de l'arène et l'indice Ln*>. Plus la taille de l'arène oligopolistque est faible, plus importante est la concentration des pouvoirs. Cette taille, tout comme les différences entre les importances des différentes unités composants l'arène, influe sur l'indice de l'arène Ls. Pour une

222 cf. [LINDA 1976] p.21 223 cf. [LINDA 1976] p.21 224 cf. [LINDA 1976] p.20

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

taille donnée n*min, Ls est croissant avec le déséquilibre de taille entre les membres de l'arène. Pour un déséquilibre donné, Ls est décroissant avec la taille de l'arène. Linda nous propose une batterie de seuils qui sont apparus lors de travaux empiriques sur la valeur de Ls :

"L'indice Ls = 0.200 exprime l'existence d'une arène oligopolistique relativement étendue, équilibrée et satisfaisante au point de vue du mécanisme concurrentiel, tandis que l'indice Ls dépassant la valeur de 0.500 indique l'existence d'une 'densité oligopolistique' excessive et/ou de déséquilibre de taille qui pourraient entraver le fonctionnement de la concurrence. Un indice Ls dépassant la valeur de 1.000 montre enfin l'existence de position dominantes très importantes, sous l'angle quantitatif."225

Quant à l'indice Ln*>, il reflète d'après Linda, un certain "pouvoir de domination" à partir du moment où il dépasse l'unité. En effet, empiriquement dans 95% des cas, le maximum Ln*> est atteint pour n*> = 2 unités. Or on sait que L2 est la moitié du rapport entre la taille de la première entreprise et la taille de la deuxième. Dans le cas où L2 est supérieure à l'unité, la première entreprise est alors au moins deux fois plus importante que la deuxième et est en nette position de domination.

Avantages

Le système des indices de Linda et sa représentation graphique permettent de prendre en compte plusieurs aspects de la concentration. Le choix du nombre d'unités étudiées permet de restreindre la portée de l'analyse aux seules unités suffisamment importantes. La concentration des pouvoirs est mise en exergue de manière spectaculaire par l'apparition d'une arène oligopolistique d'une taille n*min lorsqu'il existe un minimum local. La répartition des pouvoirs et les rapports de force à l'intérieur de cette arène se manifeste dans l'intensité de la valeur de Ls et le pouvoir de domination de ou des entreprises leaders dans cette arène est évalué par l'indice Ln*>. Ce dernier indicateur qui représente "l'inégalité du pouvoir au sommet"226 donne un point de référence aux diverses études qui peuvent être effectuées et autorise des comparaison temporelles pour un même secteur ou marché ou des comparaisons entre des secteurs et des marché différents. La courbe de l'équilibre des forces ou du modèle concurrentiel permet une comparaison rapide avec les courbes de Linda empiriques en fonction de la hauteur de ces courbes par rapport au modèle concurrentiel et du degré de parallélisme.

Inconvénients

La première critique que l'on peut adresser aux indices de Linda est qu'ils délaissent, comme le ratio de concentration, les plus petites firmes. Ils permettent une étude de la concentration des marchés oligopolistiques. Mais qu'en est-il des marchés à structure non oligopolistique ? Par exemple, si la courbe de Linda est toujours décroissante quelque soit le nombre d'unités considérées, on ne peut appliquer un critère de minimisation et délimiter une arène oligopolistique. On peut alors soit considérer que toutes les entreprises sont oligopolistiques ou qu'aucune ne l'est. Le minimum local pause également des problèmes quand la courbe de Linda est croissante. La taille de l'arène oligopolistique est alors non déterminée de façon simple, une ou de deux unités puisque le minimum Ln*min est atteint pour n*min=2. Dans cette situation, Linda parle alors sous certaines conditions bien précises de monopole ou duopole partiel quantitatif227. Enfin, le caractère arbitraire du choix du nombre d'unités à étudier suscite des interrogations. Quelles sont les critères qui déterminent ce choix ? Le part cumulative des n unités ? La part individuelle des unités ? Jusqu'à quelle valeur de n peut on aller ? Linda offre des réponses à ces questions mais elles demeurent arbitraires. En effet, il considère qu'un échantillon de n entreprises étudiées avec son système

225 cf. [LINDA 1976] p.24 226 cf. [LINDA 1976] p.28 227 cf. [LINDA 1976] pp.25-27

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

d'indices doit couvrir au moins 2/3 de la variable du secteur ou du marché considéré en excluant les unités dont les parts de marché sont inférieures à 1% et qu'il estime ne pas être "dotées d'un certain pouvoir sur la courbe de la demande et sur le prix"228. Dans le même temps, Morvan apporte une réponse différente en estimant qu'une étude de la concentration à l'aide du système des indices de Linda ne peut être significative que si 80% de la variable du secteur est couverte par les n unités retenues229. Le choix du nombre d'unités demeure donc non déterminé de manière objective.

3.2 Les indices absolus

Les indices absolus de concentration permettent de palier le principal défaut des indicateurs semi-absolus, à savoir la prise en compte d'une seule partie des unités d'un secteur ou d'un marché. Les indices absolus incorporent en effet la totalité des unités et de la distribution entre elles de la variable du secteur ou du marché. Les plus petites unités vont donc jouer un rôle dans l'évaluation de la concentration et les différences de la part relative qu'elles vont prendre dans le calcul des mesures vont caractériser les indices.

a) Les moyennes arithmétique et géométrique

Les moyennes arithmétique et géométrique des tailles des N unités d'un ensemble donné suivant une certaine variable X traduisent l'importance absolue des tailles des unités. Si (X1, ...XN)

est la distribution de la variable X entre les N unités, la moyenne arithmétique est XN et la moyenne

géométrique N,X1...XN. Ces mesures n'apparaissent pas comme des indices de concentration car elles n'intègrent pas les différences de distribution entre les unités, elles renseignent uniquement sur la dimension d'une entreprise type du secteur. La moyenne arithmétique n'est guère utilisable car sa valeur n'est pas modifiée par des changements structurels qui ne font pas varier X et n. La moyenne géométrique est plus sensible aux modifications de structure de la distribution. Contrairement à la moyenne arithmétique, elle est certes sensible au transfert de part de marché mais elle contredit la propriété de transfert : si Xi transfert x vers Xj>Xi, on a (Xj+x)(Xi-x) < Xj.Xi ! Elle donne de plus une importance relative accrue aux petites unités en leur affectant la même pondération qu'aux plus grandes. Ces moyennes, dont les hausses peuvent plus dépendre de la croissance du marché ou du secteur que d'une concentration, sont donc plus des renseignements complémentaires à une mesure de la concentration qu'un indicateur de concentration.

b) L'indice d'Herfindhal-Hirschman : HHI

L'indice d'Herfindhal-Hirschman HHI prend en compte les informations de la totalité des unités économiques d'un secteur ou d'un marché. Il somme les parts individuelles si = Erreur ! classées par ordre décroissant de la valeur pour le secteur entier de la variable X en les pondérant par elles-mêmes. Ainsi, on a

HHI = Erreur ! = Erreur ! Cet indice est un regroupement de deux indices proposés séparément par Hirschman en 1945 (Hi) et

Herfindhal en 1950 (He)230 et qui variaient uniquement d'un facteur 100 : HHI = He = H²i100.

Aujourd'hui on parle de HHI pour associer les deux auteurs qui possèdent tous deux la paternité de

cet indice. Il varie entre entre 1N quand les parts de marché sont uniformément réparties entre les N

unités et 1 quand il n'existe qu'un monopoleur dans l'ensemble considéré. 228cf. [LINDA 1976] p.19 229 cf. [MORVAN 1972] p.188 230 cf. [HERFINDHAL 1950], [HIRSCHMAN 1945], [HIRSCHMAN 1964]. La dernière référence est l'article dans lequel Hirschman revendique être le premier à avoir proposer un indice ressemblant à ce qui est aujourd'hui le HHI.

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

Il est aujourd'hui le critère principal d'intervention du département anti-trust du ministère

américain de la justice. Celui-ci utilise une version où on multiplie par 10000 l'expression encadrée ci-dessus. Ainsi, dans les nouvelles règles de 1982, visant à lutter contre les fusions horizontales, qui remplacent celles de 1968, on distingue suivant la valeur de cet HHI modifié trois zones de concentration de marché :

pour HHI<1000, il n'y pas de concentration, pour 1000<HHI<1800, la concentration est modérée, pour HHI>1800, la concentration est élevée.

Le DOJ commence à contrôler les fusions quand le HHI dépasse 1000 : dans les secteurs modérément concentrés, les fusions qui provoquent une hausse du HHI de 100 ne sont pas autorisées; dans les secteurs fortement concentrés, il en est de même et l'autorisation de celles qui entraînent une hausse comprise entre 50 et 100 dépend d'une analyse suivant le célèbre triptyque de l'Economie Industrielle : structure-comportement-performance231.

Cet indicateur de la concentration remporte un fort succès auprès de ceux qui effectuent des mesures de la concentration des secteurs et des marchés car il satisfait toutes les propriétés exigibles d'un indice de concentration (relation d'ordre, transfert, propriété, fusion, entrée, égalité). Toute modification structurelle a en effet des répercussions allant dans le bon sens sur sa valeur. Sa qualité est de donner un poids plus important aux grandes unités qu'aux petites en réalisant une pondération des parts si par elles-mêmes grâce à une élévation au carré. Adelman démontre que cette pondération revient à dire que HHI est une moyenne pondéré des pentes de la courbe cumulative de concentration232. Il possède de plus deux propriétés très intéressantes pour l'analyse de la concentration. On peut tout d'abord relier sa valeur avec le nombre N d'unités du secteur et le coefficient de variation V des parts des unités. Si σ est l'écart-type de la distribution des tailles Xi, on a par définition V = Erreur ! et on démontre233 alors que HHI = Erreur !. Il apparait par conséquent que l'indice d'Herfindhal-Hirschman est dépendant du nombre d'unités du secteur ou du marché considéré et de l'inégalité entre les différentes parts si des unités, déséquilibre mesuré par V² et dont nous parlerons quand nous évoquerons les indices relatifs de concentration (cf. 4. Les indices relatifs de concentration ou les indices d'inégalité).

La deuxième propriété de l'indice d'Herfindhal-Hirschman est qu'il permet, en considérant son inverse, d'introduire une notion importante pour l'étude de la concentration : le nombre équivalent d'unités. Ce nombre équivalent introduit par Adelman234 est le nombre d'entreprises ou de groupes de taille identique qui donnerait la même valeur à HHI qu'une structure non uniforme. Quand toutes les unités possèdent la même part si, l'écart-type σ et le coefficient de variation V sont nuls, comme HHI = E !, il vient que pour un HHI donné le nombre équivalent d'unités Ne est tel que : Ne = E . Le concept de nombre équivalent d'unités de même taille apparait pour Hannah et Kay comme étant la mesure appropriée de la concentration :

rreur rreur !

"[...] the most natural and intuitively persuasive unit of concentration is the equivalent number of equal sized firms."235

L'indice d'Herfindhal-Hirschman, bien qu'étant un des indices de concentration les plus

remarquables, comporte quelques défauts. Comme tout indicateur absolu qui englobe la totalité des unités d'un secteur ou d'un marché, il dépend fortement de la disponibilité des données concernant les plus petites unités. Ces données sont généralement peu accessibles car on ne dispose des données pour les variables choisies uniquement pour les grandes unités. Le calcul exact de HHI est bien souvent approximé par un calcul sur les plus grandes unités. Au lieu de sommer les s²i pour i dans [1,N], on s'arrête jusqu'à un certain n<N. Cependant, cette difficulté peut en partie être

231 cf. [MILLER 1982] p.611 232 cf. [ADELMAN 1969] p.100 233 voir les démonstrations dans [LECAILLON 1988] p.29 ou dans [MORVAN 1991] p.134 234 cf. [ADELMAN 1969] p.100 235 cf. [HANNAH et KAY 1977] p.54

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

résolue en donnant une borne supérieure pour HHI236. Par exemple, si on ne connaît que la distribution des parts de marché des cinq plus grandes entreprises d'un secteur (20%,15%,10%,8%,5%), on a Erreur ! = 0.0814. Pour que la somme des parts des autres firmes soit maximale, il faudrait qu'il existe 8 autres firmes avec 5% du marché chacune, elles contribueraient alors à HHI pour 0.05².8 = 0.02. On en déduit que la borne supérieure de H serait 0.1014 et que le nombre équivalent d'unités serait supérieur à 10 entreprises (1/0.1014)

Ensuite, l'indice d'Herfindhal-Hirschman dépend du nombre N d'unités de l'espace économique considéré. L'entrée d'une unité de taille relativement faible sn+1 peut causer une diminution de sa valeur alors que cette entrée n'a pas pour conséquence une diminution sensible de la concentration. Ainsi, Hart établit que si N<3.(Erreur !-1), l'augmentation de N cause une baisse de HHI237 (pour sn+1=0.01, N doit être supérieur à 597 pour que l'entrée d'une unité n'ait pas de répercussion sur HHI). Enfin, un même HHI peut correspondre à des situations aux structures très différentes suivants d'autres indicateurs, le nombre total d'unités, les ratios de concentration des n plus grandes unités. On peut ainsi pour une valeur de HHI déterminer les valeurs maximales et minimales de CR4. L'intervalle des valeurs du ratio de concentration sera d'autant plus étroit que HHI sera élevé (cf Graphique 3).

Graphique 3 : Intervalle des valeurs de CR4 suivant les valeurs de HHI238

0102030405060708090

100

CR4 en %

HHI10.6

CR4 min

CR4 max

c) L'indice d'entropie et la redondance : E et R

On peut choisir une pondération qui donne moins d'importance aux grandes unités et qui

augmente la part relative des petites unités. Pour cela, on peut utiliser un indice qui pondère les parts si part leurs logarithme. L'indice d'entropie E et la concentration entropique CE = - E adoptent une telle pondération

E = -Erreur ! L'indice d'entropie, propre à la théorie de l'information et étant une mesure quantitative de l'incertitude, a été proposé par Theil pour caractériser l'incertitude d'une structure de marché239. Cette incertitude réside dans "l'incertitude pour une firme de conserver la clientèle d'un demandeur pris au hasard"240 et est d'autant plus faible que le marché ou le secteur est concentré. Si l'on passe d'une structure uniforme où les unités ont toutes une taille identique à une structure monopolistique, l'indice d'entropie 236 cf. [ADELMAN 1969] p.101 237 cf. [HART 1975] p.425 238 cf. [WEINSTOCK 1984] p.716. Les calculs sont basés sur le fait que la plus petite part de marché détenue par une firme est de 1%. 239 cf. [THEIL 1967] 240 cf. [MORVAN 1991] p.134

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

prend les valeurs de log(N) à 0 (CE varie lui de -log(N) à 0). On peut également définir un nombre équivalent d'unités. Si les logarithmes utilisés dans l'expression de E sont de base b, alors le nombre équivalent d'unités de dimension identique, qui conduit à une concentration E, est bE, compris entre 1 et N241.

La principale propriété d'un tel indice est d'offrir une pondération qui accorde plus d'importance aux petites unités que, par exemple, dans la pondération de l'indice d'Herfindhal-Hirschman. Une autre propriété, mis en exergue par Jacquemin, est celle de l'additivité242. Si on découpe un secteur ou un marché en k classes disjointes, on montre que la concentration entropique du secteur ou du marché est composée de deux termes : la concentration entropique inter-classes CEI calculée à partir des parts Sj de chaque classe, la somme pondérée par les parts des classes Sj des concentrations entropiques intra-classes CEj. On a ainsi CE = Erreur !.

On peut déduire de l'entropie un autre indice. Il s'agit de la redondance qui est égale à la différence entre la valeur maximale de E, log(n), et E243 :

R = log(n) + Erreur !

Cet indice ainsi que l'indice entropique ont pour défauts de violer les propriétés de fusion et d'entrée244 en accordant une forte pondération aux unités les plus petites et de dépendre du nombre N d'unités considérées. A cause de cette pondération, leur signification est encore plus liée à la disponibilité des données que le HHI.

d) L'indice de Niehans : NH

Un troisième indice de concentration absolu a été proposé par Niehans. Il s'agit de pondérer la somme des parts de marché par la valeur Xi de chaque unité245 et non par la part de marché elle-même comme dans le HHI.

NH= Erreur !

Cette somme varie entre XN pour une distribution uniforme des tailles et X dans le cas monopolistique.

On peut aussi l'interpréter comme la moyenne des dimensions Xi des unités pondérées par les parts si. Hart montre que cet indice est en fait la moyenne arithmétique de la distribution discrète des

premiers moments 1N.Erreur !. Etant une moyenne pondérée des tailles des unités, on peut lui

adresser les mêmes critiques qu'à toute moyenne.

e) L'indice d'Horvath : CICI

On peut décider de tenir compte dans la mesure de la concentration du pouvoir de domination exercé par l'unité leader sur les autres unités et lui affecter une pondération particulière. Horvath a introduit une pondération privilégiant l'unité pilote en proposant un indice intitulé "comprehensive industrial concentration index"246 :

CICI = s1 + Erreur ! Sa valeur maximale est 1 pour le cas du monopole et sa limite inférieure est Erreur !.Cet indice est supérieur à celui d'Herfindhal-Hirschman et tente avec le terme (1-si) de moins affaiblir la part relative

241 cf. [ENCAOUA et JACQUEMIN 1978] pp.519-520 242 cf. [JACQUEMIN 1985] pp.54-55 243 cf. [HART 1971] pp.78-80 244 cf. [HANNAH et KAY 1977] p.50 245 cf. [NIEHANS 1958] 246 cf. [HORVATH 1970]

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

des petites unités par rapport aux plus grandes. On note cependant le poids particulier accordé à la plus grande unité. Ce poids n'est adapté que dans les situations où l'unité la plus grande se conduit effectivement comme une unité pilote.

Avec le modèle des variations conjecturales, Simonin montre que l'indice d'Horvath est mal formulé pour traduire un comportement de pilote247. Il modifie son expression dans le cas où chaque unité se satellise et tente de maintenir sa position relative par rapport à celle de la plus grande unité (indice CICI' = s1 + E , valeur minimale Erreur !) et dans le cas où chaque unité tente de maintenir sa part de marché (indice CICI" = HHI + s²1.Erreur !, valeur minimale Erreur !)

rreur !

L'adaptation de ces différents indices à des structures de marché où il existe véritablement une entreprise dominante fait leur force et leur faiblesse.

f) L'indice de Hall et Tideman : HT

Le dernier indice absolu de concentration est celui imaginé par Hall et Tideman en réaction à une insuffisance de l'indice d'Herfindhal-Hirschman248. Considérant que HHI ne tient pas compte du nombre absolu d'unités présentes sur le secteur ou le marché étudié, ils pondèrent les parts si par le rang i des unités :

HT = Erreur !

En cas de distribution uniforme des parts, HT prend la valeur 1N et il vaut 1 quand il n'existe qu'un seul

producteur. Un tel indice accorde trop d'importance au nombre N d'unités, ce qui provoque le non respect des propriétés de fusion et d'entrée.

3.3 Les indices généraux de Encaoua et Jacquemin, d'Hannah et Kay : F et HK

Tous les indices qui ont été proposés ne respectent pas tous de la même façon les diverses propriétés que devraient satisfaire une mesure de la concentration. L'indice d'Herfindhal-Hirschman apparait comme celui qui remplit le mieux ces propriétés. Hannah et Kay ont proposé une forme générale des indices de concentration qui soit une extension de HHI249. L'indice HK général d'Hannah et Kay somme les parts si des unités en les pondérant par la puissance α-1 d'elle-même, où Q est un paramètre supérieur à 0 et différent de 1 et on peut définir également le nombre équivalent d'unités Ne.

HK = Erreur ! Ne(α) = HK1/1-α

Le paramètre α permet toute une gamme de pondération qui fait varier les importances

relatives respectives des plus grandes et des plus petites unités. Si α est élevé, on accorde plus de poids à la partie haute de la distribution des si. Si α est faible, la part relative des plus petites unités est accentuée. En faisant tendre α vers l'infini, le nombre équivalent Ne(α) a la même limite que s1α/1-α, c'est-à-dire 1/s1 et l'indice HK tend vers la part de marché de la plus grande unité. Inversement, en faisant tendre α vers 0, on écrase les différences entre les unités et le nombre équivalent Ne(α) d'unités a pour limite le nombre d'unités présentes sur le secteur ou le marché. L'indice HHI correspond à la forme générale d'Hannah et Kay pour α = 2. L'indice d'entropie peut être retrouvé par cette généralisation de HHI quand le paramètre α tend vers l'unité. On montre250 en effet que lim log Ne(α) = E pour α -> 1.

247 cf. [SIMONIN 1980] pp.125-126 248 cf. [HALL et TIDEMAN 1967] p.165-166 249 cf. [HANNAH et KAY 1977] pp.55-58 250 cf. [HANNAH et KAY 1977] p.56

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

La forme retenue par Hannah et Kay correspond, selon eux, à la fonction symétrique et strictement convexe la plus simple que l'on puisse appliquer aux différentes parts si. Ils démontrent251 en effet qu'un indice de concentration doit être une fonction symétrique et strictement convexe252 de ces parts pour vérifier les différentes propriétés des mesures de la concentration (relation d'ordre, transfert, fusion, entrée, égalité). Encaoua et Jacquemin aboutissent253 parallèlement a un résultat similaire en considérant la forme générale F des indices de concentration comme additivement séparable et étant du type :

F = Erreur ! où h(si) a ses valeurs dans l'intervalle [0,1] et représente la fonction de pondération des différentes parts si. La forme de HK se retrouve en prenant siα−1 pour expression de h(si). Encaoua et Jacquemin prouvent que, pour qu'un indice vérifie les propriétés de relation d'ordre, transfert, fusion et égalité, il suffit que la fonction h(si) soit non décroissante et que la fonction si.h(si) soit convexe. Leur proposition englobe alors plus d'indices que celle d'Hannah et Kay, par exemple le ratio de concentration CRn (h(si) = 1 pour i dans [1,n], = 0 sinon). 4. Les indices relatifs de concentration ou indices d'inégalité

Le deuxième aspect d'une étude de la concentration consiste à examiner comment se répartissent les forces à l'intérieur d'un ensemble d'unités. On s'intéresse plus particulièrement aux inégalités qui peuvent régner entre unités de dimension variable. Les indices d'inégalité correspondant, appelés aussi indice relatifs de la concentration (x % des firmes contrôlent y% du marché) en opposition aux indices absolus (k firmes contrôlent y% du marché ), mesurent la dispersion de la distribution des tailles suivant une variable par rapport à des valeurs de référence et à l'ensemble des valeurs de la distribution.

4.1 Les indices de la dispersion autour de la moyenne

Les indices de la dispersion autour de la moyenne ont pour but d'évaluer le déséquilibre qui existe entre les tailles des différentes unités considérées par rapport à une valeur pivot ou de référence, qu'est la moyenne arithmétique des dimensions des unités de l'ensemble analysé. Le choix de cette valeur comme référence constitue son atout et son défaut. En effet, la situation d'égalité entre les unités correspond au fait que chaque unité ait pour taille cette moyenne. Mais on pourrait envisager de calculer ces indices de dispersion par rapport à d'autres valeurs pivots comme la moyenne géométrique, comme d'autres moyennes pondérés ou la taille médiane. Il y a donc un caractère arbitraire dans le choix des valeurs de référence.

a) Le coefficient de dispersion : D

Le coefficient de dispersion D mesure la moyenne des écarts entre les Xi et leur

moyenne X , écarts mesurés en valeur absolu, rapporté à la valeur de référence X . On a donc comme expression de D :

D = Erreur ! Erreur ! Cette mesure de l'inégalité entre les unités a ses valeurs comprises entre 0 dans le cas d'une distribution uniforme des Xi entre les unités, et 2Erreur ! quand la répartition des Xi est la plus

251 cf. [HANNAH et KAY 1977] p.54 252 Un fonction F symétrique et strictement convexe est telle que F(x) > F(Qx) pour tout vecteur x et pour toute matrice bistochastique Q,. Une matrice bistochastique est caractérisée par le fait que tous ses éléments sont positifs où nuls et que les sommes des éléments d'une ligne ou d'une colonne sont égales à 1. 253 cf. [ENCAOUA et JACQUEMIN 1978] pp.516-519

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

déséquilibrée, c'est-à-dire quand la taille X1 tend vers X et les tailles Xi tendent vers 0 lorsque le marché se dirige vers une monopolisation par un seul offreur.

b) Le coefficient de variation : V

Le coefficient de variation V mesure les écarts entre Xi et X élevés au carré. Par définition, il

est égal au rapport entre l'écart-type α de la distribution avec la moyenne X :

V = Erreur ! = Erreur !

Ses valeurs sont comprises entre 0 et ,N-1. L'élévation au carré des écarts entre Xi et X a pour défaut de donner même valeur entre un écart positif et un écart négatif égaux en valeur absolue. Ceci est relativement dommageable car on vise à évaluer l'inégalité de la distribution, et donc son asymétrie par rapport la moyenne. Son intérêt est d'être relié au nombre N de firmes et de la concentration absolue mesurée par HHI car on a V = ,N.H-1 (cf. 3.2 Les indices absolus).

4.2 Les indices de la dispersion par rapport à l'ensemble de la distribution

Ces mesures de la concentration relative tiennent compte de l'ensemble des écarts entres les tailles de toutes les unités et indiquent le degré d'inégalité existant dans la distribution. On évalue donc la totalité de la dispersion entre les unités et pas seulement la dispersion par rapport à une valeur clé.

a) La courbe d'inégalité de Lorenz

La courbe de Lorenz représente graphiquement l'inégalité entre les unités. Sur son axe des abscisses apparait le pourcentage d'unités cumulé à partir de l'unité la plus petite jusqu'à l'unité la plus grande. L'axe des ordonnées mesure le pourcentage cumulé Fn jusqu'à la nième unité de la valeur totale du secteur ou du marché de la variable X. Dans le cas où la distribution des tailles est uniforme entre les unités, la courbe de Lorenz est une droite, la première bissectrice Fn=x, appelée ligne de parfaite égalité.

Graphique 4 : Courbe de Lorenz

100%

% cumulé de la variable X

Courbe de Lorenz

100%% du nombre d'entreprises cumu

à partir de la plus petite

Ligne de parfaite égalité

Plus la courbe de Lorenz d'un secteur ou d'un marché s'écarte de la ligne de parfaite égalité,

plus l'inégalité entre les unités est importante. La concentration relative est donc mesurée par l'aire située entre la courbe de Lorenz et la ligne de parfaite égalité qui donne une évaluation de la convexité de la courbe de Lorenz.

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

Une autre propriété remarquable de cette courbe est qu'elle indique la proportion des entreprises dont la taille est inférieure à la taille moyenne des unités. Hart démontre en effet qu'au point où passe la tangente à la courbe de Lorenz parallèle à la ligne de parfaite égalité, correspond la valeur moyenne X de la variable X254.

b) Le coefficient et le taux de Gini : G et R

La valeur de cette surface, hachurée sur le Graphique 4, est donnée par deux indices

inventées par Gini255. Il s'agit du taux de concentration de Gini R et du coefficient de Gini G256. Le coefficient de Gini donne la valeur de la surface comprise entre la droite y=x et la courbe d'inégalité de Lorenz. Le taux de Gini représente le ratio entre cette aire et l'aire du triangle d'inégalité situé entre la ligne de parfaite égalité et l'axe des abscisses. Comme ce triangle a pour surface 1/2, on a R = 2 G. Le taux de Gini vaut 0 en cas de répartition uniforme des tailles entre les unités et 1 en cas d'inégalité parfaite alors que le coefficient de Gini est lui compris entre 0 et 1/2. L'expression du taux de Gini obéit à la définition :

"Le taux R est obtenu directement par la somme de toutes les différences absolues entre chaque paire de valeur de la distribution, multiplié par la moyenne arithmétique de cette distribution et divisé par la moitié du carré du nombre des valeurs."257

On a après quelques calculs :

R = 1N Erreur !

Ceci est équivalent à l'expression suivante en fonction des parts si classées par ordre décroissant258 :

R = 1N (N + 1 - 2 Erreur !)

Les coefficient et taux de Gini sont de très bonnes mesures de l'inégalité entre les unités

car ils mesurent directement l'écart entre une structure de marché et une distribution uniforme des unités, mais ce sont de moins bons indices de la concentration proprement dite. En effet, en ne considérant que les pourcentages cumulés des tailles et des unités, ils délaissent le nombre d'unités ainsi que leur taille absolue. Par conséquent, de tels indices violent les propriétés de fusion et d'entrée. En effet, il peut y avoir une concentration des pouvoirs économiques par fusion ou sortie dans une branche dont la dispersion des dimensions des unités diminue ou demeure constante. Ainsi, on peut envisager le cas où n entreprises de même taille fusionneraient deux à deux pour donner n/2 entreprises de taille identique. La dispersion et les indices de Gini ne seraient pas modifiés alors que la concentration de secteur augmenterait. En n'intégrant pas le nombre d'unités, les indices de Gini considérent qu'un oligopole à très peu d'entreprises, qui seraient de même taille, ne montre aucune inégalité entre les unités du secteur alors que la concentration y est importante ! (par exemple, un duopole ou un triopole où les firmes ont même dimension).

Une autre limitation de ces indicateurs est qu'ils peuvent correspondre à plusieurs situations. Deux courbes de Lorenz correspondant à deux types d'inégalité et de concentration distinctes peuvent se croiser de telle sorte que les deux aires entre elles et la ligne de parfaite égalité possèdent la même surface. L'intensité de l'inégalité est intéressante mais sa forme qui se manifeste dans les rapports entre les grandes unités et les plus petites l'est aussi. En ce sens, les indices de Gini se limitent à exprimer une valeur de l'inégalité de la distribution d'une variable X entre les unités. 254 cf. [HART 1971] p.74 255 cf. [GINI 1912] 256 cf. [MORVAN 1972] pp.205-208 257 cf. [GINI 1912] p.80, cité par [MORVAN 1972] p.206 258 cf. [HANNAH et KAY 1977] p.50. On retrouve le terme Erreur ! qui est déjà présent dans l'expression de l'indice de Hall et Tideman. C'est pourquoi Hannah et Kay considèrent plus ce dernier indicateur comme une mesure de l'inégalité que comme une mesure de la concentration absolue.

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

5. Limites des indices de concentration et choix d'un indice

Les indices absolus de concentration et les indices relatifs de concentration (ou indices d'inégalité) qui ont été exposés présentent tous des limitations. Les indices utilisés dans les travaux d'étude sur la concentration varient selon les auteurs. Dans l'appareil réglementaire anti-trust américain, c'est l'indice d'Herfindhal-Hirschman qui prévaut; dans les analyses européennes sur la politique de la concurrence sont privilégiés les indices de Linda et les ratios de concentration. La diversité des indicateurs de concentration est à l'image de la multitude de facettes que peut revêtir la concentration. Existe-t-il alors un indice idéal ? Si oui, quel est-il ? Si non, quels indices s'en rapprochent le mieux ?

5.1 Limites des indices de concentration

La première limite des indices de concentration est la disponibilité des données sur les unités. Le manque de disponibilité des données concernant une variable est crucial pour les indicateurs qui prennent en compte la totalité des distributions des unités. Les données sur les plus petites unités sont difficilement accessibles et imaginer, par exemple, posséder l'ensemble des chiffres d'affaires des entreprises d'une secteur relève de l'utopie. De plus, on ne connaît jamais avec certitude le nombre d'unités économiques d'un secteur ou d'un marché. Ce problème d'inaccessibilité à l'information ne semble pas se poser a priori pour les indices semi-absolus qui se limitent aux plus grandes unités. Cependant, indirectement ces mesures de la concentration en souffrent également. En effet, il est relativement simple de posséder les chiffres d'affaires pour les 10 ou 20 premières entreprises d'un secteur. Mais il est nettement plus difficile de calculer avec précision la part du chiffre d'affaires total du secteur qu'elles détiennent car, à cause de l'absence d'informations sur les petites unités, la valeur de la variable considérée au niveau global du secteur échappe à l'analyse. Comme la plupart des indices de concentration se fondent sur les parts individuelles si des unités, les mesures de la concentration doivent être envisagées comme des approximations de la concentration effective.

La deuxième limite est due à la définition du secteur ou du marché analysé, le relevant market. Une précision croissante de la délimitation des secteurs et des marchés influe à la hausse les estimations de la concentration. Les unités productrices de biens de substitution, la concurrence de la production étrangère, la nature réelle géographique du marché, la nature du produit, la prise en compte des petites unités seront des sources de sur-estimation ou de sous-estimation de la concentration.

Tableau 5 : Les facteurs et leurs influences sur les mesures de la concentration sur un secteur délimité selon un système de classification industrielle259

sous-estimation inclusion des produits de non substitution

portée réelle du marché régionale ou locale produit différencié

sur-estimation exclusion des produits de substitution forte concurrence internationale ignorée définition trop étroité du marché

L'ambigüité des indices de concentration est une autre limitation de leur portée. Deux distributions différentes de dimensions d'unités selon une certaine variable peuvent donner la même valeur à un indice de concentration L'indice le plus significatif d'une telle situation est le taux de Gini mais ceci est commun à tous les indicateurs de concentration. Comme il n'existe pas d'association entre valeur d'un indice de concentration et structure unique d'un marché ou d'un secteur, les comparaisons qu'elles soient inter-temporelles ou inter-sectorielles sont à considérer avec précaution. De plus, la nature des variables utilisées influe sur ces comparaisons car un secteur peut apparaître

259 d'après [SCHERER 1980] p.60-64

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

plus concentré selon un indice calculé à partir du chiffre d'affaires que selon un calcul basé sur les investissements.

Enfin, les indicateurs de la concentration reflètent le plus souvent à la baisse l'étendue réelle de la concentration des pouvoirs économiques. Les cartels et les ententes non publiquement déclarées échappent à toute mesure par un indice; les prises de participations d'une entreprise ou d'un groupe ne sont pas toujours connues; l'influence exercée par une entreprise minoritaire dans le capital d'une autre sur sa politique n'est pas mesurable. Ceci a pour conséquence que la concentration réelle est sous-estimée par les indices de concentration et que

"[...] la concentration réelle des pouvoirs déborde la concentration apparente des unités classées selon leur taille relative ou absolue : d'ores et déjà, il convient donc d'être persuadé que toute mesure statistique de la concentration qui repose sur des critères simples restera impuissante à rendre compte de la véritable ampleur du phénomène."260

Cette sous-estimation est d'autant plus grande que les barrières à l'entrée du secteur ou du marché sont hautes et que la concurrence potentielle est faible. Il faudrait donc pouvoir incorporer dans les indices de concentration une mesure de cette concurrence potentielle, mais comme le font remarquer Hannah et Kay :

"Potential competition is almost as potent an influence on business behavior as actual competition, but it is only the latter that we can hope to measure satisfactorily."261

5.2 Choix d'un indice

Les diverses limites des indices de concentration posent le problème du choix d'un indice qui serait le meilleur possible. Il apparait pour certains que ce choix n'a, en fait, pas lieu d'être. En effet, certaines études statistiques effectuées montrent que les valeurs des différentes indicateurs sont fortement corrélées. Hall et Tideman trouvent ainsi les corrélations suivantes dans une étude262 portant sur 446 industries dont le code SIC est à quatre chiffres et sur des donnés de 1958 : CR-HHI 0.976, CR-HT : 0.883, HHI-HT : 0.947. Scherer trouve une corrélation moyenne de 0.921 entre les valeurs des indices CR4, CR8, HHI (calculé avec les chiffres d'affaires) et CR4 (avec le nombre d'employés) pour 91 industries263, la corrélation la plus basse étant de 0.859 et celle entre HHI et CR4 valant 0.936. A chaque fois, les auteurs concluent à l'indifférence du choix d'un indice particulier.

Or, ces fortes corrélations ne traduisent pas une telle indifférence. Elles sont, en fait, la

manifestation que ces indices caractérisent le même aspect de la concentration. La concentration est un joyau aux multiples facettes et "le phénomène de la concentration est multidimensionnel"264. Ses différents aspects sont :

- le nombre d'unités présentes dans l'ensemble étudié, c'est-à-dire le caractère oligopolistique ou atomistique de la structure - la dimension absolue des unités, c'est-à-dire l'importance et le poids des unités - la dimension relative des unités, c'est-à-dire l'inégalité de distribution entre les unités

Ces trois aspects de la concentration sont reflétés dans les différentes catégories d'indices

indicateurs absolus et semi-absolus pour la dimension absolue, indicateurs relatifs ou d'inégalité pour la dimension relative, les indicateurs semi-absolus, en particulier les indices de Linda pour le caractère oligopolistique. Sur cette dernière facette, Linda parle même de "dualisme de la concentration"265 en distinguant la concentration au niveau d'un secteur entier et au niveau des plus grandes unités. Il considère que ce dernier point est capital :

260 cf. [MORVAN 1972] p.25 261 cf. [HANNAH et KAY 1977] p.45 262 cf. [HALL et TIDEMAN 1967] pp.166-167 263 cf. [SCHERER 1980] p.58 264 cf. [COMMISSION 1978] p.214 265 cf. [LINDA 1976] p.17

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LES DIVERSES MESURES DE LA CONCENTRATION

"Lier la valeur d'un indice à la totalité de la structure en incluant ainsi les franges représentées par les très petites entreprises, c'est masquer la situation oligopolistique, ses mutations et ses tendances. Or c'est justement cette situation qu'il faut analyser si l'on veut découvrir et quantifier les rapports existant entre la concentration, la concurrence et l'efficacité des entreprises sur le plan non seulement de la statistique descriptive mais aussi de la logique et des causalités économiques."266

Un indice idéal devrait donc incorporer ces trois dimensions de la concentration. Hélas, aucun de ceux existant ne satisfait ce critère. Il reste donc à imaginer un indice idéal mais il serait peu judicieux, peu raisonnable et guère envisageable de ramener un phénomène multidimensionnel à une simple valeur numérique. Comment alors choisir un indice pour étudier la concentration d'un secteur ou d'un marché ? Il suffit, en fait, de savoir quel ou quels aspects de la concentration on cherche à mettre en évidence (importance des unités, inégalité entre les unités, caractère oligopolistique) et d'utiliser parmi les indicateurs adéquats ceux qui correspondent le mieux aux objectifs assignés à l'étude.

En ce qui concerne les indices absolus de concentration dont les formes générales d'Encaoua

et Jacquemin, d'Hannah et Kay ont pour base une pondération des parts de marché, le choix des indices adéquats parmi l'ensemble possible sera la conséquence du choix d'une pondération particulière et de l'importance relative accordée aux unités les plus grandes et les plus petites. Il n'y a donc pas dans l'absolu un meilleur choix possible car tout dépend du jugement que l'on a :

"Au stade actuel, il n'est pas possible de donner une base axiomatique à un tel choix [...] Le point important est que la nécessité de ce choix contredit ceux qui voudraient voir dans l'adoption d'une mesure particulière de la concentration, une sélection basée sur les seules propriétés statistiques, à l'exclusion de tout jugement normatif."267

Il apparait finalement qu'une analyse de la concentration, si elle ne peut se fonder sur une mesure idéale, doit se baser, si on veut espérer avoir une vue globale de la concentration d'un secteur ou d'un marché, sur un ensemble d'indices mettant en évidence les trois facettes de la concentration : importance des unités, inégalité de la répartition entre les unités, caractère oligopolistique de la structure. Il serait alors préférable de combiner un ensemble d'indices de natures différentes : par exemple, l'indice d'Herfindhal-Hirschman pour une mesure absolue, les ratios de concentration et les indices de Linda pour évaluer le caractère oligopolistique, la courbe de Lorenz et le taux de Gini pour une mesure de l'inégalité. En pratique, les autorités anti-trust américaines utilisent les ratios de concentration et l'indice d'Herfindhal-Hirschman car elles estiment que le jeu concurrentiel normal est faussée par les groupes de trop grande taille, alors que les autorités concurrentielles européennes emploient les indices de Linda et le CR4 considérant que la surveillance et le contrôle des structures oligopolistiques permet de freiner les entraves à la concurrence. Une batterie d'indices sera par conséquent toujours plus significative et préférable qu'un simple indicateur qui ne donne qu'une vue restrictive de la concentration d'un secteur ou d'un marché.

266 cf. [LINDA 1976] p.17 267 cf. [JACQUEMIN 1985] p.55

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

"The use of simple indexes to measure monopoly power supresses large amounts of information. It can only be justified if those indexes really measure what they are supposed to do."268

II - Les mesures du pouvoir de marché

Alors que les indices de concentration s'intéressent à quantifier les structures des secteurs ou

des marchés, les mesures du pouvoir de marché s'attachent à évaluer les performances des entreprises. Ces indicateurs sont généralement des mesures du pouvoir de monopole des firmes et n'examinent quasiment jamais un éventuel pouvoir de monopsone des entreprises. Les études sur pouvoir de marché se réduisent donc à des analyses du pouvoir de monopole que peuvent détenir des entreprises ou des industries entières. Ce pouvoir de monopole, qui s'exprime vis-à-vis des clients par des pratiques tarifaires élevées, existe quand les entreprises sont en situation monopolistique, quand le nombre d'unités économiques présentes dans un ensemble donné est faible à cause notamment de fortes barrières à l'entrée et fait apparaître des comportements d'entente, quand certaines unités possèdent une grande taille, ce qui entraîne des phénomènes de domination par rapport aux unités plus petites, quand la concurrence des produits de substitution est affaiblie.

Ce pouvoir de monopole a donc pour conséquence un dérèglement du jeu normal de la

concurrence et ses conséquences en matière de prix pénalisent les consommateurs. Il se pose donc les questions suivantes : Comment évaluer ce dérèglement du jeu de la concurrence dans une industrie donnée ? Comment repérer les entreprises qui détiennent un pouvoir de monopole, donc un pouvoir de marché ? Quelles sont les entreprises qui peuvent agir à leur guise sur les prix ? Comment estimer les profits monopolistiques et les rentes de monopole qu'elles en retirent ? Comment finalement mesurer la performance d'une entreprise ? Des éléments de réponse sont apportés par les différentes mesures de pouvoir de marché qui ont été proposées au cours des années.

Les divers indices de pouvoir de marché qui sont disponibles pour une analyse abordent

chacun un aspect différent du pouvoir de marché et de la performance. Les taux de profit, appelés aussi taux de retour ou taux de rentabilité, s'attachent à mesurer les performances comptables des entreprises en terme de ratio entre bénéfices et ressources financières investies et se placent dans une optique où de forts taux de profit signifient un fort pouvoir de marché. L'indice de Lerner ou price-cost margin évalue l'écart relatif entre prix et coût marginal, l'importance de cette différence étant la manifestation du pouvoir sur les prix détenus par l'entreprise. Enfin, le q de Tobin donne une idée de la valeur des rentes de monopole et des rentes différentielles acquises en particulier par des firmes protégées par des barrières à l'entrée.

268 cf. [FISCHER 1987] p.395

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

1. Les taux de profit

Les taux de profit ont été les premiers instruments servant à l'évaluation des performances des entreprises en terme de rentabilité et de mesure du pouvoir de monopole. Ils ont été utilisés dans de nombreuses études269 (comme celles de Bain de 1951 et 1956270) cherchant à établir une relation entre la mesure du profit et des variables structurelles, en particulier les ratios de concentration.

1.1 Les différents taux de profit

Les taux de profit ou rate of return donnent une mesure comptable du profit des entreprises qui est représenté de manière générale par le bénéfice d'exploitation net comptable (net income ou net profit). Ce bénéfice net comprend le paiement des impôts sur le bénéfice mais n'incorpore pas généralement les intérêts sur les capitaux empruntés. Les taux de profit sont un ratio entre ce bénéfice net et soit les capitaux propres (equity), soit le total de l'actif (total assets). On parle alors de taux de retour sur capitaux propres et de taux de retour sur investissements après impôts (after-tax rate of return on equity et after-tax rate of return on assets ou on capital). On a alors

taux de retour sur capitaux propres = bénéfice net / capitaux propres

taux de retour sur investissements = (bénéfice net + intérêts) / actif total

Pour le taux de retour sur investissements, on ajoute au bénéfice net le paiement des taux d'intérêts qui doivent rentrer dans le profit car considérés comme coûts en comptabilité.

Pour une entreprise non endettée, ces taux de retour sont égaux car les intérêts sont alors nuls et l'actif total est égal aux capitaux propres. Il faut de plus noter que ces deux taux de retour peuvent être calculés avant le paiement des impôts (before-tax rate of return) sur le bénéfice et sont alors plus élevés que ceux déduisant ces taxes.

1.2 Problèmes de mesure

La faiblesse de ces taux de profit est qu'ils sont des concepts purement comptables. Cette nature comptable pose donc trois problèmes majeurs pour leur mesure :

(1) la dépendance vis-à-vis des impôts La valeur des taux de profit après impôts dépend fortement dépend des taux d'imposition

pratiqués selon les périodes et des règles d'exonération qui peuvent s'appliquer sur certaines entreprises. Ceci provoque un biais dans les comparaisons inter-temporelles et inter-firmes entre les taux de retour.

(2) la diversité des règles d'amortissements Les amortissements sont déduits du bénéfice brut pour obtenir le bénéfice net. Les différentes

règles comptables d'amortissements qui s'appliquent aux divers actifs corporels immobilisés ont donc un influence sur la valeur du bénéfice net. Elles ne correspondent pas aux amortissements économiques réels de ces actifs car elles n'en sont qu'une évaluation comptable. C'est pourquoi le bénéfice net peut être estimé à la hausse ou à la baisse suivant l'adéquation à la dépréciation économique des règles d'amortissements comptables.

269 dont on trouvera une revue dans [SHEPHERD 1990] pp.109-110 270 cf. [BAIN 1951], [BAIN 1956]

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

(3) la non prise en compte de l'inflation L'inflation est absente des règles comptables. Ceci pose un problème pour l'évaluation des taux

de profit, en particulier du taux de retour sur investissements car on somme des actifs qui ont été acheté à des dates différentes et donc avec des unités monétaires courantes. Il faudrait par conséquent corriger ces données de l'inflation pour avoir une mesure en unités monétaires constantes.

1.3 Différence entre taux de retour comptable et taux de retour économique

Le calcul de ces taux de profit ou taux de retour est biaisée par ces problèmes de mesure dû au caractère comptable de ces taux. Un problème plus fondamental les concernant a été soulevé par Fischer et MacGowan, c'est la différence existant entre un taux de retour comptable et le taux de retour économique. Ce-dernier, appelé aussi taux de rentabilité interne, est le taux d'actualisation d'un investissement qui annule la valeur actualisée de la différence entre les bénéfices futurs et les dépenses initiales. Selon ces auteurs, le taux de retour économique est la seule mesure du taux de profit qui soit acceptable et

"Comparisons of accounting rates of return to make inferences about monopoly profits is a baseless procedure."271 "Such a procedure is valid only to the extent that such profits are indeed monopoly profits, accounting profits are in fact economic profits, and that the accounting rate of return equals the economic rate of return."272

Ils établissent des résultats théoriques qui montrent la quasi-impossibilité que peut avoir

un taux de retour comptable273 à égaler un taux de retour économique, en particulier le fait que le taux de retour comptable d'un investissement précis varie d'année en année à cause des amortissements comptables, que le taux de retour comptable de l'entreprise est une moyenne pondérée des taux de retour comptables de ses divers investissements, que ce taux de retour comptable ne peut être constant, et donc avoir une chance d'être égal au taux de retour économique, qu'à condition que le firme connaisse une croissance exponentielle et que dans ce cas irréaliste, le taux de retour comptable dépend fortement du taux de croissance de la firme274.

Les taux de profit n'égalent par conséquent jamais les taux de retour économiques et ne sont donc pas de bonnes mesures du profit réel des entreprises. Fischer et MacGowan montrent ainsi qu'ont peut avoir des firmes à taux de profit comptables élevés et à taux de retour économiques faibles et que ces différences peuvent inverser le sens de comparaison entre deux firmes. Ce sont a fortiori de mauvais indicateurs du pouvoir de monopole des firmes car ne pouvant indiquer les profits des entreprises, ils ne peuvent rendre compte d'éventuels profits monopolistiques. 2. L'indice de Lerner (price-cost margin)

L'indice de Lerner ou price-cost margin (PCM) est une autre mesure de la performance des entreprises et d'un possible pouvoir de marché. Il a été proposé par Lerner en 1934275 pour mesurer le pouvoir de monopole d'une firme monoproductrice et repris en 1968 par Collins et Preston276 sous le terme de price-cost margin. 271 cf. [FISCHER et MACGOWAN 1983] p.89 272 cf. [FISCHER et MACGOWAN 1983] p.82 273 que ce soit avant ou après impôts 274 cf. [FISCHER et MACGOWAN 1983] pp.84, 91-97 et [SCHMALENSEE 1989] pp.962-964 pour les démonstrations de ces résultats 275 cf. [LERNER 1934] 276 cf. [COLLINS et PRESTON 1968], cité par [SCHMALENSEE 1989] p.960

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

2.1 Définition

L'indice de Lerner donne une mesure du pouvoir de monopole d'une entreprise monoproductrice en s'attachant à l'écart relatif entre le prix p et le coût marginal cm de production.

PCM = Erreur ! = 1 - Erreur !

Cette valeur atteint son maximum quand la firme est en situation de monopole et atteint son minimum égal à zéro quand elle est en situation de concurrence pure et parfaite où le prix est égal au coût marginal.

Certains277 ont proposé un indicateur analogue dans la définition à celui de Lerner pour rendre compte du pouvoir de monopsone exercé par une entreprise sur ses fournisseurs, c'est-à-dire de la capacité à acquérir un produit à un prix p inférieur à sa valeur marginale vm et ont proposé d'utiliser comme indice 1 - Erreur !.

2.2 Critiques

L'indice de Lerner est défini seulement pour une firme monoproductrice. Son utilisation s'avère donc délicate dans le cas souvent rencontré d'une entreprise multiproductrice. On a de plus moins de facilité à l'employer pour mesurer le pouvoir de monopole d'une banche ou d'un secteur car une branche connaît souvent plusieurs prix et plusieurs types de produits. Pour être significatif, un indice de Lerner défini au niveau d'une branche ou d'un secteur devrait être une moyenne pondérée des indices de Lerner de chaque entreprise. C'est ce que proposent Encaoua et Jacquemin, pour qui, un tel indice est "un indicateur statistique de la distribution des pouvoirs de monopole individuels"278.

Les moyennes géométriques et arithmétiques des indices de Lerner PCMi de chaque firme i d'un secteur vérifient les propriétés d'un indice de Lerner sectoriel PCMsec(PCM1,..., PCMn) énoncé par Encaoua et Jacquemin : PCMsec (PCM1,..., PCMn) est dans [min(PCMi), max(PCMi)]

PCMsec (a,...,a) = a (distribution uniforme) PCMsec (PCM1, PCMn) est indépendant des PCMn nuls, c'est-à-dire des entreprises qui ne disposent d'aucun pouvoir de monopole.

Cependant, le défaut majeur de l'indice de Lerner est l'incorporation dans son calcul du

coût marginal. Ce coût est, en effet, difficilement calculable. C'est pourquoi de nombreux auteurs utilisent une approximation de l'indice de Lerner en considérant que les rendements de l'entreprise sont constants et que donc le coût marginal est égal au coût moyen c. L'indice de Lerner est alors égal à Erreur !, soit en multipliant dénominateur et numérateur par la quantité q, égal au ratio entre pq-cq et pq, c'est-à-dire bénéfices / chiffres d'affaires. Ce rapport bénéfices / chiffres d'affaires (profit / sales) est utilisé dans la majeure partie des études279 s'intéressant à la price-cost margin comme mesure du pouvoir de monopole, alors que de façon évidente elle demeure une très mauvaise simplification et estimation de l'indice de Lerner. Le caractère opérationnel de l'indice de Lerner comme mesure calculable du pouvoir de monopole des entreprises est donc très faible.

277 cf. [PYNDICK 1985] p.217 278 cf. [ENCAOUA et JACQUEMIN 1978] p.520 279 dont une liste est établie dans [FISCHER 1987] p.385. L'article de Fischer démontre la non validité de ce rapport comme évaluation de l'indice de Lerner.

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

3. Le q de Tobin

Devant les insuffisances des taux de profit comptables qui ne reflètent que les profits passés des entreprises de manière imparfaite, devant le coté purement théorique de l'indice de Lerner et de la price-cost margin et son manque d'application à des cas réels, une nouvelle mesure du pouvoir de marché et du pouvoir de monopole est employée depuis le début des années 80 et connaît un fort engouement : le q de Tobin. Cet indicateur apparait dans la théorie de l'investissement proposée par Tobin280 et a été repris par Lindenberg et Ross281 en 1981 dans une approche qui vise à mesurer les rentes de monopole des entreprises.

3.1 Définition

Le q de Tobin est défini comme étant le rapport entre la valeur de marché d'une firme V et le coût de remplacement de ses actifs R.

q = valeur de marché de l'entreprise / coût de remplacement des actifs = VR

La valeur de marché de la firme peut être soit publique, soit privée. Elle est publique quand elle est constituée de la valeur capitalisée en bourse (nombre d'actions multiplié par le cours de l'action) et du montant des dettes de l'entreprise. Elle est privée quand elle est le prix qu'un acheteur serait prêt à mettre pour acquérir l'entreprise lors d'une transaction.

Le coût de remplacement des actifs de l'entreprise est différent du coût de reproduction des actifs qui n'est qu'un ajustement vis-à-vis de l'inflation de la valeur des actifs. Sa définition est donnée par Lindenberg et Ross :

"By definition, replacement cost is the dollar outlay needed to purchase the current productive capacity of the firm at minimum cost and with the modern technologies available."282

Il s'agit donc du prix minimal que coûte le remplacement des actifs de la firme par des actifs possédant un niveau technologique actuel et non dépassé.

3.2 La proposition de Tobin

Le ratio entre valeur de marché et coût de remplacement des actifs est utilisé dans le modèle d'investissement de Tobin qui s'intéresse plus précisément aux valeurs boursières des entreprises. Celui-ci considère que ce rapport q influe directement sur les décisions d'investissements des entreprises. En effet, le q de Tobin mesure l'écart entre la valeur de marché de l'entreprise qui représente la somme actualisée des profits futurs et le coût de remplacement des actifs qu'on peut assimiler en première approximation à la valeur comptable de l'entreprise.

Par conséquent, quand le q de Tobin est supérieur à l'unité, la valeur de marché de l'entreprise est supérieure à sa valeur comptable. Il y a donc incitation pour les investisseurs à investir dans des actifs réels qui sont valorisés par la bourse, étant donné que les profits futurs que l'on peut anticiper, mesurés par la valeur de marché, sont élevés. A contrario, quand ce rapport q est inférieur à 1, l'investissement est ralenti car, la valeur de marché étant inférieure à la valeur comptable, il est alors plus intéressant d'acquérir, par exemple, des actions dont la valeur est moindre que celle des actifs réels. 280 cf. [TOBIN 1969] 281 cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] 282 cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] p.12

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

L'approche de Tobin consiste donc à établir un lien de causalité entre valeur de marché,

plus particulièrement la valeur capitalisée en bourse, et décision d'investissement dans une entreprise et prend en compte les anticipations des marchés financiers, supposés efficients, des gains futurs de la firme :

q > 1 => on investit dans l'entreprise q < 1 => on n'investit pas dans l'entreprise, il est préférable d'acheter des actions

3.2 La proposition de Lindenberg et Ross

Dans le cadre de l'économie industrielle283, Lindenberg et Ross reprennent le q de Tobin pour tenter d'évaluer les rentes de monopole des entreprises. Leur objectif initial est de comparer les informations financières d'une entreprise et les informations comptables, les premières renseignant sur l'estimation faite par les marchés financiers sur les profits futurs anticipés, les deuxièmes reflétant le passé des firmes en terme de choix d'investissement, de ressources et de profit. Ils utilisent par conséquent le q de Tobin qui mesure en première approximation la différence entre valeur boursière et valeur comptable.

Ils démontrent alors que le q de Tobin est une borne supérieure des rentes de monopole d'une firme, qu'une firme concurrentielle devrait avoir son q égal à 1 et qu'une entreprise monopolistique non régulée, détenant donc un pouvoir de marché, doit avoir un q supérieur à 1284. Un entreprise dotée d'un certain pouvoir de marché du à sa position monopolistique est protégée de l'arrivée potentielle d'entrants par des barrières à l'entrée. Par conséquent, elle dispose de rentes de monopole qui sont valorisées par le marché, a valeur de marché de l'entreprise est supérieure au coût de remplacement de ces actifs, et donc q est supérieur à 1. Au contraire , dans le cas où il n'y a pas de barrière à l'entrée et où q est supérieur à 1, les entrants peuvent acquérir des actifs similaires à ceux de l'entreprise à un prix plus faible que celui établi par le marché financier, les rentes de l'entreprise diminuent et ne sont plus valorisées, donc q tend à diminuer vers 1.

La différence entre q et l'unité représente, d'après Lindenberg et Ross, la valeur capitalisée dans un équilibre de long terme des rentes de monopole et des rentes différentielles de type Ricardo285 dues à des actifs de production plus efficaces que ceux des concurrents (cf. Graphique 5). C'est pourquoi une entreprise concurrentielle qui possède des rentes différentielles peut avoir un q de Tobin supérieur à 1, alors qu'elle est dénuée de pouvoir de monopole, quand les facteurs de production qui lui donnent un avantage comparatif en terme de coûts par rapport aux autres firmes ne sont pas intégrés dans le calcul du coût de remplacement des actifs. L'omission de tel facteur donne alors un q plus élevé que l'unité.

Le q de Tobin apparait donc comme une limite supérieure de la mesure du pouvoir de marché des firmes. Sa position par rapport à l'unité en l'absence de rentes ricardiennes indiquent ou non la présence d'un pouvoir de monopole :

q > 1 => entreprise dotée d'un certain pouvoir de marché dont l'intensité est mesurée par q - 1 q = 1 => entreprise concurrentielle q < 1 => entreprise sans pouvoir de marché

283 Leur article s'intitule "Tobin's q ratio and industrial organization". 284 cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] pp.3-9 285 cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] pp.4-7

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

Graphique 5 : Les deux types de rentes d'une entreprise

en situation de monopole286

Prixunitaire

Quantité

P

Demande Coût moyen + coût d'entrée

pour un entrant potentiel

Coût moyen de l'entreprise

q tel que recette marginale = coût marginal

Rentes différentielles

Rentes de monopole

Ces règles générales sont confirmées par l'étude empirique qu'effectuent Lindenberg et Ross

sur la période 1960-1977 aux Etats-Unis. Ils trouvent, conformément à ce qu'on devrait attendre, que les secteurs où les q sont les plus élevés, et donc à fort pouvoir de marché, sont ceux où des entreprises ont de très fortes parts de marché (comme l'informatique, q = 4.21 pour IBM), ceux protégés par des brevets (comme la photographie, q = 6.42 pour Polaroid), ceux où les produits sont très différenciés (comme l'agro-alimentaire, q = 3.2 pour Kellogg, les cosmétiques, q = 8.53 pour Avon). Les secteurs où les q les plus faibles apparaissent sont ceux dont les structures apparaissent les plus concurrentielles (comme le pétrole, q = 1.05 pour Exxon), ceux qui sont réglementés (comme le téléphone, q = 1.09 pour ATT), ou en déclin (comme la métallurgie, q = 0.85 pour Aluminium of America).

3.3 Ses avantages

Le q de Tobin donne une mesure du pouvoir de monopole à long terme et intègre dans son évaluation les profits futurs de l'entreprise, contrairement aux taux de profit comptables qui ne s'intéressent qu'aux profits passés. Il comporte donc plus d'informations que les taux de retour et comprend un ajustement au risque pris par l'entreprise. En effet, si on ne considère que les taux de profit comme mesure de le performance et du pouvoir de marché, ceci peut amener à considérer des firmes aux profits comptables très élevés comme dotées d'un certain pouvoir de monopole alors que ces profits importants peuvent seulement correspondre à la rémunération d'un risque pris par les propriétaires de l'entreprise. Avec le q de Tobin, un tel biais du au risque ne peut survenir car, dans le cas où un risque a été pris par l'entreprise, si les profits dégagés sont suffisants pour rémunérer les actionnaires du risque encouru, on doit avoir q égal à un287.

"Among its advantages, capital market valuation appropriately incorporates firm risk, corresponds to an equilibrium valuation of rents and minimizes any distorsion introduced by tax laws and accounting conventions."288

286 cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] p.7 287 cf. [SALINGER 1984] p.160 288 cf. [SMIRLOCK et alii 1984] p.1054

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

En théorie, les défauts provenant de la nature comptable des taux de profit ne se retrouvent pas avec le q de Tobin. Les problèmes liés aux règles fiscales concernant les impôts sur les bénéfices, dues à la non prise en compte de l'inflation, à la diversité des règles comptables d'amortissement et à leur inadéquation à la dépréciation économique ne peuvent pas se poser avec les définitions données des valeurs de marché et du coût de remplacement des actifs, différent du coût de reproduction. En pratique, ces difficultés surviennent car on est souvent contraint de se référer aux valeurs comptables pour évaluer q.

Enfin, le q de Tobin possède un avantage précieux par rapport à l'indice de Lerner, celui de tenir compte de l'influence des économies d'échelle289. Lindenberg et Ross démontre en effet que q est supérieur au ratio entre prix et coût moyen290, écart qui intègre bien la présence d'économies d'échelle car celles-ci correspondent à des coûts moyens décroissants avec la quantité produite. Si une industrie est caractérisée par de fortes économies d'échelle, une entreprise de ce secteur aura tendance à rechercher la grande taille afin de voir ses coût moyens diminuer. La différence entre le prix unitaire pratiqué et le coût moyen unitaire sera donc d'autant plus grande que les économies d'échelle seront importantes. Par conséquent, le q de Tobin sera d'autant plus élevé et traduira la présence de ces économies d'échelle et le pouvoir de marché que procure la grande taille.

On peut alors établir une relation entre q de Tobin et indice de Lerner. En appelant S

l'élasticité de la fonction de coût, c'est-à-dire le rapport entre coût moyen et coût marginal, on a alors :

q > 1S Erreur ! où cm est le coût marginal et p le prix. Comme l'indice de Lerner PCM est égal à 1 -

, il vient que q > E ! Erreur . S indique la présence d'économies d'échelle quand S est supérieur à 1 (car un coût moyen décroissant avec la quantité implique que le coût marginal soit inférieur au coût moyen291), la présence de déséconomies d'échelle quand S < 1 et de rendements constants d'échelle quand S = 1. Cette relation montre donc que l'indice de Lerner n'intègre pas la présence ou l'absence d'économies d'échelle car il ne reconnait pas que l'écart entre prix et coût marginal peut venir d'éventuelles économies d'échelle, contrairement au q de Tobin. Ainsi les monopoles réglementés peuvent avoir un indice de Lerner élevé alors que leur q est faible.

Erreur ! rreur !

3.4 Ses défauts

Le q de Tobin est en pratique très difficile à calculer car les évaluations de son dénominateur et de son numérateur posent de nombreuses difficultés.

La valeur de marché intègre la valeur boursière de l'entreprise. Or celle-ci est soumise à des fluctuations importantes qui peuvent être provoquées par des phénomènes extérieurs à l'entreprise comme la conjoncture générale des marchés financiers et boursiers, les anticipations subjectives des investisseurs vis-à-vis des profits futurs de l'entreprise et certains jeux de spéculation. La date à laquelle on considère la valeur capitalisée en bourse d'une entreprise a donc une importance sur l'évaluation de q. Shepherd, un des auteurs les plus critiques vis-à-vis du q de Tobin, estime :

"This market value [...] is also unstable, subject to swings fed by changing psychology, rumors and extraneous factors."292

A cette valeur publique de l'entreprise, il faut ajouter les dettes qui ne peuvent être évaluées dans la majeure partie des cas qu'à partir des données comptables.

Le coût de remplacement des actifs est encore plus difficile à évaluer. Comme il n'existe généralement pas de marché pour reprendre de vieux actifs de production, leur valeur de reprise est le plus souvent la valeur comptable résultant de leur amortissement comptable. Il se pose donc

289 cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] p.8 290 cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] pp.7-8 291 Il suffit de calculer la dérivée par rapport à la quantité du coût moyen pour s'en convaincre. 292 cf. [SHEPHERD 1986] p.1206 en réponse à [SMIRLOCK et alii 1984]

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LES MESURES DU POUVOIR DE MARCHE

rapidement les mêmes problèmes causés par les règles d'amortissement que pour les taux de profit. De plus selon la définition exacte, le coût de remplacement est le coût minimal de remplacement des actifs quand on prend en considération les nouvelles technologies disponibles. L'intégration du niveau technologique dans le calcul du coût de remplacement est le plus souvent absent des études mettant en oeuvre le q de Tobin. Dépréciation économique réelle et niveau technologique devraient apparaître dans le coût de remplacement293 mais la difficulté à les incorporer dans le calcul oblige souvent les auteurs à ne calculer en fait un coût qui ressemble fortement au coût de reproduction qui est basé uniquement sur des informations comptables.

Les actifs dont on calcule le coût de remplacement comprennent deux types d'actifs : les actifs corporels et les actifs incorporels. Ces derniers, qui peuvent être la réputation auprès des consommateurs ou le niveau de connaissance technologique, voient leurs investissements, comme la publicité et le recherche développement, souvent exclus du coût de remplacement. L'omission des actifs incorporels dans le calcul du coût de remplacement des actifs entraîne une sur-estimation du q de Tobin294. Si q* est le q de Tobin réel calculé en considérant le coût de remplacement des actifs, si q0 est le q de Tobin estimé en ne prenant en compte que le coût de remplacement des actifs corporels T (tangible assets) et en excluant le coût de remplacement des

actifs incorporels I (intangible assets), on a q0

q* = 1 + IT . La sur-estimation est donc égale au rapport

entre les actifs incorporels et les actifs corporels. Ceci peut donc avoir des conséquences non négligeables pour des entreprises évoluant dans des secteurs d'activités à forts actifs incorporels.

3.5 La meilleure mesure du pouvoir de marché ?

Au niveau théorique, le q de Tobin semble une mesure du pouvoir de monopole et du pouvoir de marché nettement plus acceptable que les taux de profit comptables ou l'indice de Lerner. En considérant la différence entre valeur de marché et valeur de remplacement des actifs, il reflète les anticipations sur les profits futurs de l'entreprise et échappe à priori aux biais introduits par les règles comptables. Il donne une limite supérieure à la valeur capitalisée des rentes de monopole et prend en compte les économies d'échelle.

Cependant, il peut indiquer un fort pouvoir de marché pour des entreprises concurrentielles ne disposant seulement que de rentes différentielles. De plus, son calcul apparait complexe, en particulier la valeur du coût de remplacement des actifs qui devrait prendre en compte dépréciation économique réelle, niveau technologique existant et actif incorporels. En pratique, on en revient toujours aux données comptables qui doivent être manipulées avec précaution suivant chaque entreprise étudiée. Le q de Tobin apparait pourtant plus significatif au niveau pratique que l'indice de Lerner, totalement inopérant à cause du coût marginal, ou que les taux de profit comptables dont les estimations des taux de retour économique réels sont moins bonnes que l'estimation des q de Tobin réels approximés par des q de Tobin simplifiés295.

Le q de Tobin est-il pour autant la panacée universelle ? Tous ses défauts prouvent évidemment le contraire. Mais on peut dire, à l'image de la démocratie, qu'il est le pire indicateur de pouvoir de marché mais qu'on n'en connaît pas à l'heure actuelle de meilleur.

293 Lindenberg et Ross proposent une telle intégration qu'ils élaborent de manière formelle, mais la procédure résultant pour calculer le q de Tobin apparait trop complexe pour pouvoir être mise en pratique facilement, cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] pp.10-16. 294 cf. [MACFARLAND 1988] pp.614-615 295 cf. [MACFARLAND 1988]

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RELATION STRUCTURE-PERFORMANCE

"Economists have accepted concentration ratios as measures of monopoly power too readily."296

III - Relation structure-performance

Alors qu'ils mesurent deux phénomènes distincts, les indices de concentration ont été souvent assimilés à des indicateurs de pouvoir de marché, en particulier par les économistes considérant que la structure des marchés détermine la performance des entreprises et des industries, évaluée en terme de forte rentabilité et considérée comme résultat de ce pouvoir de monopole. On ne peut pourtant pas établir une égalité entre concentration et pouvoir de marché, entre mesures de la concentration et mesures du pouvoir de monopole. En effet, si la concentration contribue à renforcer le pouvoir de marché de certaines entreprises, il n'y a pas équivalence entre les deux notions car le pouvoir de marché et de monopole, qui engendrent des prix élevés, peuvent provenir d'autres sources économiques que la concentration comme les barrières à l'entrée ou la faible concurrence des produits de substitution.

Les relations entre concentration et pouvoir de marché, donc en structure de marché et

performances des entreprises ne se limitent pas à l'identité. Deux courants de pensée s'affrontent sur ce terrain : les uns, dans la lignée des travaux de Bain, se situent dans une approche structuraliste où les performances et le pouvoir de monopole sont la conséquence des structures de marché et de la concentration, les autres, dans la mouvance de l'école de Chicago, sont des partisans de la vue efficiente, nient cette causalité entre structure et performance et estiment que la concentration est la résultante naturelle d'une efficacité supérieure de certaines entreprises au niveau des coûts. Ces deux approches théoriques cherchent à se valider par des études empiriques montrant ou non un lien statistique entre les indices de concentration et la mesure de pouvoir de marché que constituent les taux de profit.

Ces derniers ne sont cependant pas les mesures les plus appropriées du pouvoir de marché,

l'indice de Lerner ou price-cost margin et le q de Tobin étant moins critiquables au niveau théorique. C'est pourquoi nous allons envisager les relations entre les divers indicateurs de concentration et ces deux mesures du pouvoir de marché, que ce soit au niveau théorique pour l'indice de Lerner dont des modèles montrent qu'il est une fonction croissante de la concentration, ou au niveau empirique où les liens statistiques entre concentration et indice de Lerner apparaissent beaucoup moins significatifs que ce que la théorie peut prédire et où les travaux empiriques mettant en relation le q de Tobin et divers indices de concentration ne donnent aucune conclusion définitive sur d'éventuels rapports causaux entre la concentration des marchés et le pouvoir de marché et de monopole des entreprises et des industries.

296 cf. [SALINGER 1970] p.145

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RELATION STRUCTURE-PERFORMANCE

1. Vue structuraliste vs vue efficiente

La nature des relations entre structure et performance, entre concentration et pouvoir de marché, peut être analysée selon deux approches théoriques distinctes : la vue structuraliste, qui anime la logique de l'anti-trust américain, où la concentration détermine la rentabilité des entreprises en agissant à la hausse sur les prix, la vue efficiente où l'efficacité des firmes et les avantages en matière de coûts impactent sur les profits et conduisent à la concentration pour profiter des économies d'échelle.

1.1 L'approche structuraliste

L'approche que l'on qualifiera de structuraliste est la vue classique de l'Economie Industrielle selon laquelle le phénomène de concentration permet aux entreprise d'élever les prix au-dessus des prix de concurrence pure et parfaite, de disposer de rentes de monopole et de jouir donc d'un certain pouvoir de monopole. Selon le célèbre triptyque S-C-P formalisé par Scherer en 1970297 qui englobe structure, comportement, performance, c'est la structure (la concentration) qui détermine les performances (la rentabilité ou le pouvoir de monopole) par l'intermédiaire du comportement (des prix élevés).

Graphique 6 : Approche structuraliste et SCP

Structure Performance

Comportement

détermine

effet combiné :concentration, nb d'acheteurs,

concurrence internationale,barrières à l'entrée

prix élevés

Cette vue considère que la concentration d'une industrie permet aux entreprises présentes

dans le cas extrême d'être en situation de monopole et de pratiquer des prix monopolistiques, et dans le cas le plus courant d'être en situation oligopolistique, ce qui favorise le développement des collusions et des ententes sur les prix entre les oligopoleurs. Les partisans de cette aproche cherchent donc à démontrer la causalité effective qu'il peut y avoir entre structure de marché et pouvoir de marché, c'est-à-dire entre variables structurelles et performance économique dont elles seraient les déterminants, et à prouver que les industries ou les secteurs les plus concentrés sont les plus rentables car disposant des plus grandes rentes de monopole.

"Over time the notion that 'industry structure' determines 'industry performance' has become increasingly identified with the partial hypothesis that more concentrated oligopolies enjoy significantly larger rates of profit than less concentrated ones."298 Les travaux initiaux portant sur l'étude de cette causalité entre structure de marché et

performance économique, entre concentration et pouvoir de marché mesuré par les taux de profit furent l'oeuvre de Bain dans les années 50299. Dans son article de 1951, il teste l'hypothèse selon

297 cf. la première édition datant de 1970 de [SCHERER 1980] 298 cf. [DONSIMONI et alii 1984] pp.419-420 299 cf. [BAIN 1951] et [BAIN 1956]

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RELATION STRUCTURE-PERFORMANCE

laquelle les profits réalisés dans les industries concentrées sont plus élevés de façon significative que ceux des firmes situées dans des industries moins concentrées. En utilisant les taux de retour sur capitaux propres après impôts pour les plus grandes firmes de 42 industries américaines de la période 1936-1940, il trouve de manière significative au point de vue statistique que les firmes appartenant à des industries dont le CR8 est supérieur à 80% ont des taux de retour nettement supérieurs à ceux des industries dont le CR8 est inférieur à 70% (12.1% contre 6.9%). Plus tard en 1956, il intégrera dans son étude la présence ou non de barrières à l'entrée et conclut que l'effet combiné de fortes barrières à l'entrée et d'une concentration élevée amène une rentabilité plus importante.

Tableau 6 : Influence de la concentration et des barrières à l'entrée sur les taux de retour sur capitaux propres300

Concentration Très fortes barrières à l'entrée

Fortes barrières à l'entrée

Barrières modérées et faibles

1936-1940 Forte 19.0% 10.2% 10.5%

Modérée n.d 7.0% 5.3% 1947-1951

Forte 19.0% 14.0% 15.4% Modérée n.d 12.5% 10.1%

Ces études de Bain furent à l'origine de nombreuses autres301. Elles obéissent toutes à la

même volonté : établir une régression sur l'équation performance = f (concentration, autres variables structurelles, variables non structurelles) afin de caractériser cette relation de causalité entre concentration et pouvoir de monopole. La majorité de ces études utilise comme mesure de la performance les taux de profit des entreprises et plus rarement les price-cost margin au niveau des industries et trouve dans la plupart des cas302 un lien statistique positif mais faible entre concentration et rentabilité. Ces résultats permettent aux auteurs tenants de l'approche structuraliste de confirmer la causalité structure -> performance alors que l'existence d'un éventuel lien statistique n'informe en rien sur le sens de la causalité.

1.2 L'approche efficiente

L'approche que l'on qualifiera d'efficiente, défendue par l'école de Chicago et de UCLA, est en rupture totale avec l'approche structuraliste traditionnelle et rejette catégoriquement le sens classique de la causalité entre structure et performance. C'est Demsetz qui le premier en 1974 prend partie contre cette vue où la concentration engendre le pouvoir de monopole et le pouvoir de marché :

"No serious theoretical basis yet exists for this doctrine [...] that monopoly power was significantly correlated with market concentration."303

Pour Demsetz et les autres partisans de la vue efficiente, la causalité structure -> performance

n'a pas lieu d'être et le pouvoir de monopole n'est pas directement provoqué par une forte concentration d'une industrie ou d'un secteur. Alors que dans la vue structuraliste, la concentration et les positions de type monopolistique permettent de maintenir un niveau de prix élevé et confèrent donc une rentabilité élevée aux entreprises, rentabilité qui permet de détecter le pouvoir de marché, dans la vue efficiente, la concentration et le pouvoir d'adopter un niveau de prix élevé par

300 d'après [BAIN 1956], cité par [SCHERER 1980] p.276 301 Pour avoir une vue assez complète de toutes les études publiées sur ce sujet, on pourra se reporter à [SCHMALENSEE 1989], [SHEPHERD 1990] pp.109-111, et WEISS L.W., "The concentration-profits relationship and anti-trust", in [GOLDSCHMID et alii 1974], pp.201-220 302 Dans la revue de Weiss concernant les travaux publiés entre 1970 et 1973, 42 études sur 54 analysées aboutissent à un tel résultat. cité par [SCHMALENSEE 1989] p.973 303 cf. [DEMSETZ 1974] p.166

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RELATION STRUCTURE-PERFORMANCE

rapport aux coûts, donc le pouvoir de marché, peuvent être dus à une efficacité supérieure de certaines firmes (d'où le terme d'approche efficiente).

Le sens de la causalité est alors inversé. C'est la performance, c'est-à-dire l'efficacité supérieure, qui procure la dominance à certaines firmes, reflétée dans l'importance de leur profit, leur rentabilité, leur part de marché et qui engendre la concentration. On a donc une causalité de type performance -> structure. Les profits plus élevés que détiennent ces entreprises efficaces sont dus à des différences élevées entre prix et coûts qui proviennent d'un effet coût à la baisse, en particulier des économies d'échelle.

La présence d'économies d'échelle dans un marché ou dans un secteur industriel joue alors un rôle d'entraînement sur la concentration. Les firmes sont incitées à la recherche de la grande taille, et donc de part de marché élevée, afin de bénéficier pleinement des économies d'échelle car une augmentation de leur production entraîne une baisse des coûts unitaires et une hausse des profits. Une structure de marché concentrée apparait alors comme la structure de marché efficiente en présence de fortes économies d'échelle.

Considérons deux industries A et B à produit homogène et distinctes uniquement par leur

courbe de coût, A connaissant d'importantes économies d'échelle et B de très faibles économies d'échelle (cf. Graphique 7). Si les produits sont vendus au même prix sur les deux industries, des firmes placées au début de la courbe de coût de A connaîtront des profits moins élevés (prix unitaire- coût unitaire) que des firmes de grande taille, alors que dans le cas de B, toutes les firmes connaîtront à peu près les mêmes coûts et donc les mêmes profits. L'incitation à la grande taille, et donc à la concentration, est par conséquent croissante avec les économies d'échelle dont l'importance est mesurée par le caractère plus ou moins "plat" de la courbe de coût. L'industrie A sera alors beaucoup plus concentrée que l'industrie B.

Graphique 7 : Economies d'échelle dans la vue efficiente304 Prix

unitaire

Quantité

P

Industrie A

Industrie B Coûts unitaires

L'approche efficiente considère donc que la concentration est le résultat normal de la

compétition entre les entreprises dont certaines, plus efficaces en terme de coûts et d'économies d'échelle, ont un avantage comparatif qui leur permet d'acquérir la grande taille. L'efficacité source de la rentabilité conduisant à la concentration du marché ou du secteur, cette dernière n'est plus la cause du pouvoir de monopole, à la différence de la vue structuraliste classique.

304 d'après [SCHERER 1980] p.280

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RELATION STRUCTURE-PERFORMANCE

2. Mesures du pouvoir de marché et mesures de la concentration

De nombreuses études ont tenté de corroborer l'une ou l'autre des approches de la relation structure-performance305 depuis celles de Bain de 1951 et 1956306. Elles tentent toutes d'établir des régressions entre des mesures de la performance considérées comme des variables dépendantes (les effets), en particulier les taux de profit et dans une moindre mesure la price-cost margin, et des variables structurelles, considérées comme les variables indépendantes (les causes) telles les mesures de la concentration, la présence de barrières à l'entrée, la part de marché de la firme leader.

L'ensemble des études se sépare en deux groupes : celles qui trouvent un lien statistique

positif entre concentration et mesure de la performance et qui abondent dans la vue structuraliste, celles qui ne trouvent aucun lien et qui explique ce fait par l'approche efficiente307. La majeure partie de ces analyses utilisent comme mesure du pouvoir de marché les taux de profit comptables dont on a vu l'infériorité théorique par rapport à l'indice de Lerner et le q de Tobin, mais peu ces deux indicateurs de pouvoir de marché. Nous allons donc essayer de décrire quelles sont les relations théoriques et statistiques entre ces deux mesures du pouvoir de marché et les indices de concentration.

2.1 L'indice de Lerner et les indices de concentration

a) Relations théoriques

Modèle de l'oligopole à frange

La première relation théorique entre l'indice de Lerner et un indice de concentration, et donc entre le pouvoir de monopole et le degré de concentration, a été proposée par Saving308. Il considère une industrie à produit homogène où k firmes constituent un oligopole à frange de type cartel et cherchent à maximiser leurs profits joints et où les n-k autres entreprises sont dominées par cet oligopole et sont price-takers. En appelant PCMO l'indice de Lerner pour les k firmes de

l'oligopole, ε l'élasticité en valeur absolue de la fonction de demande à laquelle fait face l'industrie entière et η l'élasticité positive de la fonction d'offre des n-firmes dominées et des entrants potentiels, il démontre la relation309 : PCMO = E ! où CRk est le ratio de concentration des k premières entreprises de l'industrie constituant l'oligopole.

rreur

En considérant le pouvoir de monopole de l'industrie comme une moyenne pondérée par les parts de marché des indices de Lerner de l'oligopole et de la frange, on a :

PCM = CRk.PCMO + (1-CRk).PCMF = Erreur ! car PCMF est nul, les n-k firmes de la frange dominée étant price-takers et sans pouvoir de marché. Cette relation indique clairement que dans le cas de l'oligopole à frange, l'indice de Lerner et le degré de pouvoir de marché de l'industrie sont des fonctions croissantes de la concentration mesurée par le ratio de concentration appliquée aux entreprises de l'oligopole.

305 On trouvera dans [SHEPHERD 1990] pp.109-111 les principales études publiées entre 1951 et 1976 avec les variables utilisées, les périodes couvertes et les principales conclusions. 306 cf. [BAIN 1951] et [BAIN 1956] 307 On trouvera une liste de ces études aux conclusion différentes dans [SCHMALENSEE 1989] pp.973-976. 308 cf. [SAVING 1970] pp.139-141 309 cf. [SAVING 1970] p.140. Une démonstration différente est proposée dans [ENCAOUA et JACQUEMIN 1978] p.528.

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RELATION STRUCTURE-PERFORMANCE

Encaoua et Jacquemin ont étendu cette relationau cas où les k firmes de l'oligopole dominant se comportent de manière non coopérative et cherchent à maximiser, non les profits joints, mais les profits individuels310. Si PCMi est l'indice de Lerner pour la firme i, on a pour i dans [1,k] PCMi = Erreur ! où si est la part de marché de l'entreprise et PCMi = 0 pour i > k. Si PCMO est une moyenne pondérée par les parts de marché des indices de Lerner individuels, il vient que : PCMO = Erreur ! Erreur ! = Erreur ! avec HO = Erreur ! mesurant la concentration à l'intérieur de l'oligopole (indice d'Herfindhal-Hirschman).

Dans le cas de l'oligopole non coopératif, il apparait que le pouvoir de marché de l'oligopole est croissant avec l'importance des firmes de l'oligopole dans la structure globale du secteur mesurée par CRk et avec la concentration au sein de cet oligopole mesurée par Ho. Le pouvoir de marché de l'industrie PCM dans ce cas non coopératif peut être défini comme la moyenne arithmétique des pouvoirs de marché des entreprises PCMi. On démontre311 alors que

PCM = Erreur ! et que le pouvoir de monopole du secteur augmente avec la concentration des k plus grandes firmes et avec une diminution du nombre d'entreprises présentes.

Modèle de l'équilibre de Cournot

Dans le cadre du modèle de Cournot, Encaoua et Jacquemin proposent une autre relation entre l'indice de Lerner et une mesure de la concentration qui est l'indice d'Herfindhal-Hirschman312. Si la demande globale est p = f(q) = f(Erreur !), si l'entreprise i produit qi avec une fonction de coût Ci, à l'équilibre non coopératif de Nash, une condition nécessaire est que chaque

entreprise i maximise son profit Πi (q1,..., qi,..., qn) = qi.f(q) - Ci(qi). En dérivant par rapport à qi, il vient qu'à l'équilibre f(q*) + qi* f'(q*) Erreur ! - C'i(qi) = 0. Comme Erreur ! = 1 d'après l'hypothèse de Cournot, on obtient PCMi = - Erreur ! Erreur ! q*, d'où la relation PCMi = E !. rreur

La part de marché influence donc directement à la hausse le pouvoir de marché de l'entreprise. En effectuant une moyenne pondérée des pouvoirs de marchés individuels par les parts de marché, le pouvoir de monopole global de l'industrie devient une fonction croissante de la concentration mesurée par l'indice d'Herfindhal-Hirschman dans le cadre d'un équilibre non coopératif de Cournot car on a313

PCM = Erreur ! Il faut cependant noter qu'à concentration égale deux industries peuvent disposer de pouvoirs de marché différents dans ce modèle de Cournot, ainsi que dans celui de l'oligopole à frange, car l'indice de Lerner apparait comme une fonction décroissante de l'élasticité de la demande.

b) Relations empiriques

Collins et Preston furent les premiers à effectuer une régression entre l'indice de Lerner, en fait la price-cost margin, et un indice de concentration, CR4314. Ils trouvèrent une liaison statistique positive mais faible entre la PCM et le CR4 pour l'ensemble des industries américaines à quatre chiffres dans la classification SIC pour la période 1958-1963 (une hausse du CR4 de 10% provoquerait une hausse du niveau des prix de 1 à 1.5%). Cette liaison apparait plus forte pour les

310 cf. [[ENCAOUA et JACQUEMIN 1978] p.529 311 cf. [ENCAOUA et JACQUEMIN 1978] p.530 312 cf. [ENCAOUA et JACQUEMIN 1978] pp.523-524 et [JACQUEMIN 1985] pp.56-59 313 cf. [HANNAH et KAY 1977] pp.11-12 pour une démonstration similaire 314 cf. [COLLINS et PRESTON 1968]

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RELATION STRUCTURE-PERFORMANCE

industries à biens de consommation que pour les industries à biens de production. Ceci est confirmé par une étude de Shepherd qui conclut également qu'une augmentation de 1% du prix est causée par une augmentation du ratio de concentration de 10%315. Le lien statistique plus fort dans les industries à bien de consommation est du à la réputation des marques et à la publicité et se manifeste par une PCM plus élevée de 10 à 20% quand la concentration est forte par rapport à une situation où la concentration est minimale.

Une analyse plus poussée a été effectuée par Kwoka316. Il effectue des régressions entre la price-cost margin et de nombreux indicateurs de concentration : l'indice d'Herfindhal-Hirschman, les ratios de concentration CRn pour n dans [1,10] et les parts de marché si des plus grandes entreprises. Il conclue que les relations entre PCM et variables structurelles sont les plus fortes pour CR2 et les parts de marché s1, s2 et s3. L'intensité des liens statistiques diminue pour les ratios de concentration avec une valeur croissante de n et les comparaisons sur l'influence sur la PCM de CR4 et de HHI ne montrent que peu de différences entre ces deux indices. Ceci lui permet d'affirmer que

"[the results] provide little support for the alleged superiority of the Herfindhal-Hirschman index."317

Les relations empiriques sont donc en décalage par rapport aux relations théoriques qui démontrent sous certaines conditions que l'augmentation de la concentration a pour conséquence directe une hausse de l'indice de Lerner. Cette corrélation est en réalité beaucoup plus faible que ce que la théorie prévoit. Ceci est du aux conditions restrictives des modèles théoriques (modèle de Cournot, modèle de l'oligopole à frange) dont toutes les hypothèses ont du mal à exister dans la réalité, aux difficultés pratiques que pose le calcul de l'indice de Lerner et qui font que celui-ci est toujours approximé par des indices qui prennent en compte les coûts variables au lieu des coûts marginaux.

2.2 Le q de Tobin et les indices de concentration

Il n'existe pas (encore ?) de relation théorique existant entre le q de Tobin comme mesure du pouvoir de marché et les indices de concentration comme variables structurelles. Les seuls liens que l'on peut mettre à jour sont statistiques et peuvent servir à corroborer l'idée intuitive que l'on se fait de la concentration et du pouvoir de monopole : les industries qui sont fortement concentrées doivent avoir des q de Tobin élevés.

Dans leur article renommé318, Lindenberg et Ross effectuent des régressions entre q, l'indice de Lerner et le CR4 pour les industries américaines à quatre chiffres dans la classification SIC pour l'année 1972. Ils trouvent comme attendu des liaisons statistiques positives entre q et le couple (PCM, CR4) mais le ratio de concentration n'apparait pas, au contraire de l'indice de Lerner, comme un facteur explicatif significatif du pouvoir de marché. Des q importants peuvent exister dans des secteurs à concentration forte ou élevée et des q faibles peuvent exister dans des marchés concentrés, comme par exemple les monopoles réglementés.

La concentration n'apparait alors pas comme la seule source du pouvoir de marché. Il n'y a en effet pas de corrélation directe entre les deux phénomènes. Il y a donc naturellement la place pour une approche en terme d'efficacité pour expliquer l'apparition du pouvoir de marché. Quelle est alors l'approche qui sied le mieux à la relation q de Tobin-mesure de la concentration ? La vue structuraliste ? La vue efficiente ? Smirlock, Gilligan et Marshall effectuent une étude économétrique319 pour tester ces deux hypothèses. Tester l'approche structuraliste implique de régresser le q de Tobin en fonction d'une mesure de la concentration. Tester l'approche efficiente implique d'opérer une régression en fonction de la part de marché de l'entreprise, résultante d'une plus grande efficacité.

315 cf. [SHEPHERD 1990] p.116 316 cf. [KWOKA 1979] 317 cf. [KWOKA 1979] p.103 318 cf. [LINDENBERG et ROSS 1981] pp.27-29 319 cf. [SMIRLOCK et alii 1984] pp.1055-1057

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RELATION STRUCTURE-PERFORMANCE

Ils proposent donc de tester la relation q = a0 + a1 MS + a2 CR + Erreur ! où MS est la part de

marché, CR une mesure de la concentration (en fait le CR4) et les Zi des variables de contrôle (croissance de la part de marché, barrières à l'entrée hausses ou basses). Si on obtient a1 = 0 et a2 > 0, l'approche structuraliste serait validée, si on a a1>0 et a2 = 0, ce serait l'approche efficiente qui l'emporterait. L'étude statistique réalisée sur plus de deux cent entreprises pour la période 1961-1969 montre que a1 et a2 sont tous les deux positifs mais que a1 est supérieur à a2 et est significatif alors que a2 ne l'est pas. Il y aurait donc, selon les auteurs de l'analyse, une certaine prédominance de la vue efficiente sur la vue structuraliste.

"These results support the efficient structure hypothesis, and suggest that once market share is controlled for, concentration does not affect firm rents."320

Ces résultats ne sont pas partagés par tous. Une étude similaire de Salinger pour la période 1972-1976 conclue qu'aucune des deux approches n'est corroborée par ces résultats321. Shepherd aboutit lui aux mêmes résultats que ceux de Smirlock et alii, c'est-à-dire que la part de marché est un facteur plus significatif que le ratio de concentration dans l'explication du q de Tobin, mais se refuse à aller jusqu'à dire qu'ils abondent dans le sens de la vue efficiente322.

Finalement, il semble donc que les relations entre indicateurs de la concentration et la mesure

du pouvoir de monopole qu'est le q de Tobin ne soient pas claires. Il n'y a pas en effet de corrélation directe entre concentration élevée et q de Tobin élevé. On peut trouver des q élevés pour des entreprises dans des industries faiblement concentrées et des q faibles pour des firmes dans des industries fortement concentrées. Il semble par conséquent ne pas exister de relation de cause à effet entre concentration de structure et pouvoir de marché global et individuel, l'approche en terme d'efficacité des entreprises conduisant à la concentration possède par conséquent une certaine valeur. Mais le plus important est qu'il ressort de façon assez claire323 que la concentration ne peut être identifiée au pouvoir de marché et que le pouvoir de marché ne trouve pas sa seule source dans la concentration.

320 cf. [SMIRLOCK et alii 1984] p.1056 321 cf. [SALINGER 1984] p.164-167 322 cf. [SHEPHERD 1986] et [SHEPHERD 1990] pp.121-122 323 Il n'en est pas ainsi pour tous les auteurs. Ainsi Lindenberg et Ross effectuent la régression entre le q de Tobin et le ratio de concentration car ils estiment que ce dernier est une mesure du pouvoir de monopole ! L'abus de langage confondant pouvoir de monopole et concentration de marché prend ici toute sa saveur.

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CONCLUSION

Conclusion

La structure d'un marché ou d'un secteur peut être mesurée par trois classes d'indices de concentration qui correspondent à l'évaluation de trois aspects de la concentration horizontale. Le caractère oligopolistique est evalué par les indices semi-absolus qui ne s'attachent qu'aux plus grandes entreprises de l'ensemble considéré; les indices absolus prennent en compte la totalité des unités de l'ensemble considéré pour mesurer la concentration absolue; enfin, les indices relatifs mesurent l'inégalité de la répartition de la distribution des tailles à l'intérieur de l'espace économique étudié. Ces trois types d'indices mesurent chacun une facette différente du phénomène et présentent leurs avantages et inconvénients propres (cf. Tableau 7)

Tableau 7 : Récapitulatifs des indices de concentration

Indice Avantage Inconvénient CRn simplicité perte d'information

indices de Linda graphique, arène oligopolistique n arbitraire, pas pour tout marché moyennes entreprise type croissance > concentration

HHI et nombre équivalent poids élevé pour grandes firmes disponibilité des données entropie et redondance poids élevé pour petites firmes dépend du nombre de firmes

Niehans moyenne pondérée par parts dépend du nombre de firmes CICI poids important pour leader pas pour tout marché HT intègre le nombre de firmes dépend du nombre de firmes

dispersion déséquilibre / valeur pivot pivot = moyenne variation idem + liée à HHI pivot = moyenne

coefficient et taux de Gini graphique nombre de firmes ?

La concentration étant un phénomène multidimensionnel, il n'existe donc pas d'indice idéal, qui, s'il existait, devrait englober les trois aspects tout en incorporant une mesure du comportement. Pour surveiller et quantifier la concentration d'un secteur ou d'un marché, il est donc préférable de choisir une batterie d'indices couvrant les trois aspects de la concentration afin de ne pas se limiter à une seule valeur numérique trop réductrice. Un exemple de batterie d'indices parmi les plus acceptables peut être : quelques CRn, les indices de Linda, l'Herfindhal-Hirschman et le taux de Gini.

La performance et le pouvoir de marché ont été évalués dans la littérature économique par trois instruments : les taux de profits comptables, l'indice de Lerner et le q de Tobin. Ce dernier apparait comme le moins mauvais en étant supérieur au niveau théorique aux taux de profit et en étant beaucoup plus opérationnel que l'indice de Lerner. De plus, il a comme principal atout d'effectuer une comparaison de l'entreprise avec elle-même. Certes, son calcul laisse apparaître dans la pratique des insuffisances, mais nettement moins que celui des taux de profit comptables.

Mesures de concentration et mesures de pouvoir de marché sont reliées dans certains modèles

théoriques aux conditions nettement trop restrictives pour pouvoir être rencontrées dans la réalité. On ne peut trancher entre les deux approches théoriques de la relation structure-performance. Cette relation entre concentration et pouvoir de marché semble ne pas être une simple causalité, dans un sens ou dans l'autre, et ne pas être univoque. Il faudrait plutôt parler d'interaction entre structure et performance, entre concentration et pouvoir de marché, chacun agissant sur l'autre.

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TROISIEME PARTIE

TROISIEME PARTIE

EVALUATION DE LA CONCENTRATION ET DU POUVOIR DE MARCHE

DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

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Page 107: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

INTRODUCTION

Introduction

L'analyse structurelle de la télévision par câble que nous avons mené dans la première partie (cf. I - L'analyse structurelle de la télévision par câble aux Etats-Unis en 1991) a permis de caractériser la structure du marché des câblo-opérateurs et la performance de ceux-ci. En voie de concentration horizontale et verticale, le secteur des exploitants de réseaux de télédistribution apparait comme doté d'un fort pouvoir de marché. Soumis à une surveillance réglementaire intensive ayant instauré deux cadres réglementaires distincts par leur esprit en moins de 10 ans (les Cable Act de 1984 et 1992), ce secteur des câblo-opérateurs est dans le collimateur des autorités réglementaires américaines. Le Cable Act de 1992, qui entraîne une re-réglementation de cette industrie, vise à diminuer le pouvoir de marché des entreprises du secteur mais ne prend aucune mesure anti-concentrationnaire.

Ces nouvelles mesures réglementaires de 1992 sont la conséquence d'une analyse de la

structure et de la performance de l'industrie du câble. Une telle analyse doit être fondée sur les instruments de mesure de la structure et du pouvoir de marché que nous avons présenté dans la deuxième partie ( cf. I - Les diverses mesures de la concentration, II - Les mesures du pouvoir de marché). Nous avons vu tout un ensemble d'indices servant à quantifier les différents aspects de la concentration horizontale et le pouvoir de marché exprimé par le pouvoir de monopole. Il n'existe cependant pas d'outil d'évaluation de la concentration verticale, que nous n'essaierons donc pas de mesurer par la suite. Les autorités réglementaires ont procédé à une telle analyse de la structure et de la performance du secteur des câblo-opérateurs en se limitant au calcul de l'indice d'Herfindhal-Hirschman et à celui du q de Tobin.

L'indice d'Herfindhal-Hirschman n'aborde qu'un aspect de la concentration, celui de la

concentration absolue. Il nous semble préférable pour examiner la concentration de ne pas se limiter à une simple valeur numérique trop réductrice du phénomène et d'utiliser une batterie d'indices couvrant les trois aspects de la concentration que sont concentration absolue, inégalité et caractère oligopolistique. C'est pourquoi nous envisageons de mesurer la concentration de l'industrie du câble pour la période 1984-1992, c'est-à-dire entre les deux Cable Act (cf. I - Mesure de la concentration des câblo-opérateurs américains)t en calculant tous les indices de concentration que nous avons décrit dans la deuxième partie. Un tel calcul ne peut se faire qu'en définissant proprement le triptyque (espace économique, unités économiques, variables) : l'espace considéré est très précis, c'est le marché national des exploitants américains de réseaux câblés de télédistribution324, les unités sont les groupes d'entreprises ayant de telles activités et les variables sont soit physiques (le nombre d'abonnés), soit monétaires (le chiffre d'affaires).

Parallèlement, il est intéressant d'évaluer le pouvoir de marché de l'industrie du câble

pour la même période 1984-1992 et de dégager son évolution afin de voir les répercussions du Cable Act de 1984 et si les dispositions réglementaires de 1992 s'avèrent justifiées (cf. II - Mesure du pouvoir de marché des câblo-opérateurs américains). Cette évaluation ne pourra se faire qu'avec le q de Tobin, plus satisfaisant au niveau théorique que les taux de profit et plus opérationnel au niveau pratique que l'indice de Lerner.

324 L'exclusion des produits de substitution et de la concurrence internationale n'affecte pas la pertinence de la définition car ils sont pratiquement inexistants (hormis la télévision hertzienne qui ne pouvait être inclue dans ce relevant market sous peine d'adopter une définition beaucoup trop large). La restriction du marché au niveau local aurait été peu significative au point de vue du calcul, la quasi-totalité des marchés locaux étant soumis à un monopole de fait en ne comportant qu'un seul réseau câblé.

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

"The cable industry has become highly concentrated. The potential effects of such concentration are barriers to entry for new programmers and a reduction in the number of media voices available to concumers."325

I - Mesure de la concentration

des câblo-opérateurs américains

Les indicateurs de concentration que nous avons exposé dans la deuxième partie (cf. I - Les diverses mesures de la concentration) peuvent être utilisés pour évaluer et quantifier les trois aspects de la concentration (caractère oligopolistique, concentration absolue, concentration relative ou inégalité) du secteur des câblo-opérateurs américains. Nous avons dégagé en première approximation une tendance nette à la concentration de ce marché au cours des années 80 (cf première partie, I - L'analyse structurelle de la télévision par câble aux Etats-Unis en 1991) que ce soit au niveau horizontal ou au niveau vertical. La concentration verticale ne sera pas mesurée dans la suite à cause de l'absence de tout outil de mesure adéquat. Nous nous intéressons donc à une évaluation de la concentration horizontale des câblo-opérateurs en utilisant les indices de concentration semi-absolus, absolus et relatifs.

Nous allons donc calculer tous les indices de concentration, que nous avons décrit, pour le secteur des câblo-opérateurs aux Etats-Unis. Dans ce but, nous disposons des données concernant le nombre d'abonnés au service de base de ceux-ci pour les années 1985, 1988 et 1991. Les sources sont les suivantes : pour l'années 1985, la revue Cablevision du 11 Novembre 1985, pour l'année 1988, Television and cable factbook 1989 (n°.57, Cable and services volume, New York, Warren Publishing, 1989), pour l'année 1991, Television and cable factbook 1992 (n°.60, Cable and services volume, New York, Warren Publishing, 1992). Nous n'avons pu trouver les données concernant les chiffres d'affaires des câblo-opérateurs qui auraient permis une évaluation d'un autre aspect de la concentration des opérateurs. Cependant, comme chiffres d'affaires et nombres d'abonnés sont fortement corrélés pour les opérateurs du câble, nous nous contenterons de manière satisfaisante des nombres d'abonnés pour caractériser la concentration et son évolution.

Les données disponibles concernent pour l'année 1985 les 94 premiers câblo-opérateurs326, pour l'année 1988 les 570 câblo-opérateurs exploitant au moins deux systèmes et pour l'année 1991 la totalité des exploitants du câble, y compris les propriétaires d'un seul réseau, soit 1458 entreprises327. Ces différences dans le nombre de firmes prises en compte dans les calculs des indicateurs va entraîner un biais, que nous essayerons de corriger, dans l'évolution temporelle de la valeur des différents indices. Avant d'évaluer la concentration du secteur des câblo-opérateurs américains à l'aide des indices semi-absolus, des indices absolus et des indices relatifs, nous allons décrire la manière dont nous avons agréger les abonnés entre opérateurs en présence de relation de filiation ou de participation financière qui sont dévoilées dans [TELEVISION & CABLE 1989] et [TELEVISION & CABLE 1992], et dont nous avons calculé les parts de marché de chaque opérateur utilisées par les outils de mesure de la concentration.

325 cf. section 2 Findings; Policy; Definitions (a) (4) du [CABLE ACT 1992] 326 en fait, les cent premiers mais 6 d'entre eux sont contrôlés par un autre MSO 327 570 et 1458 sont les nombres d'exploitants autonomes restant après agrégation des abonnés des opérateurs contrôlés aux opérateurs contrôlant.

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

1. Les données utilisées

1.1 La répartition des abonnés d'un opérateur non indépendant

Lorsqu'un câblo-opérateur possède un ou plusieurs autres opérateurs dans son capital, nous avons réparti ses abonnés vers ses opérateurs participatifs suivant les règles que nous avons proposé dans la première partie (cf. I - Les diverses mesures de la concentration, 1.2 Définition des unités économiques étudiées, c) Groupe d'entreprises). Nous donnons pour chaque année les répartitions concernant les principaux opérateurs que nous avons effectué.

a) Année 1985

Nous nous situons à la fin de l'année 1985 avant la vente en Janvier 1986 de Group W Cable (MSO n°.3) à un groupe d'opérateurs (TCI, ATC, Comcast, Century, Daniels). Les seules participations financières réalisées par un opérateur parmi les cent premiers opérateurs sont l'oeuvre de Tele-Communications Inc. (MSO n°.1, 3.660.938 abonnés) qui détient au moins 50% du capital des MSO suivants (Heritage, TKR, Lenfest, TCI-Taft, Tele-Media, Bresnan) qui possèdent respectivement (585.460, 169.000, 114.932, 63.086, 44.506, 44.476) abonnés. En agrégeant la totalité de ces abonnés à ceux de TCI, ce dernier dénombre alors 4.783.398 abonnés. On pourra se reporter à l'Annexe 1 pour obtenir le classement des 50 premiers opérateurs.

b) Année 1988

Nous nous situons dans le temps avant le rachat en Novembre 1988 de Storer Cable par TCI et Comcast. Cinq des plus grandes firmes du secteur, TCI, ATC, Continental, Houston Industries et Newhouse Broadcasting ont des intérêts dans d'autres câblo-opérateurs (cf. Tableau 1).

Tableau 1 : Liaisons financières en 1988 et agrégation d'abonnés

opérateur contrôlant

opérateur contrôlé

% du capital détenu

abonnés agrégés au contrôlant

en % des abonnés du

contrôlé TCI (MSO n°.1) American Televenture 36.5% 4.100 100%

Bresnan Communications 50% 126.931 100% Eagle Cable 50% 13.073 100% Heritage Communications >50% 898.192 100% Kansas City Cable 50% 72.500 50% Lenfest Communications 50% 347.351 100% S/D Cable Partners 50% 14.300 100% Sioux Falls 50%328 14.261 50% TKR Cable >50% 278.482 100% UA Cablesystems329 64.5% 1.322.508 100% Upper Valley 50% 20.700 100% Village Cable >50% 2.046 100% Western Community 37% 431 100% Westmarc Communications 50% 552.000 100%

ATC (MSO n°.2) Kansas City Cable 50% 72.500 50% Paragon Communications 50% 345.500 50%

Continental (MSO n°.3) Insight Communications 34% 155.000 100% Newhouse Broadcasting (MSO n°.9) Metrovision 80% 402.840 100%

Newchannels 100% 343.700 100% Vision Cable Communications 100% 413.684 100%

Houston Industries (MSO n°.15) Paragon Communications 50% 345.500 50% Rogers Cablesystems 100% 550.353 100%

Les nombres d'abonnés de ces opérateurs contrôlant calculés après agrégation, ainsi que les données concernant les 50 premiers opérateurs, sont disponibles dans l'Annexe 2.

328 Les 50% restant sont contrôlés par Midcontinent Cable. 329 Au moment où nous nous situons, la fusion entre UA Cablesystems et United Cable n'est pas encore réalisée, c'est pourquoi nous n'agrégeons pas les abonnés d'United Cable (MSO n°.8) à ceux de TCI.

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

c) Année 1991

Par rapport à l'année 1988, les principales opérations suivantes ont eu lieu : intégration de

United Cable et UA Cablesystems dans TCI après la fusion de ces deux entreprises en UA Entertainment, fusion de Warner Cable et de ATC lors de la fusion de Time et de Warner pour donner le groupe multimédias Time Warner, partage de Storer Cable Communications entre Comcast et TCI (cf. Tableau 2).

Tableau 2 : Liaisons financières en 1991 et agrégation d'abonnés

opérateur contrôlant

opérateur contrôlé

% du capital détenu

abonnés agrégés au contrôlant

en % des abonnés du

contrôlé TCI (MSO n°.1) American Televenture 69% 7.900 100%

Bresnan Communications 50% 148.230 100% Heritage Communications >50% 1.072.000 100% Kansas City Cable 50% 88.082 50% Lenfest Communications 50%330 520.328 100% S/D Cable Partners 50% 14.193 100% Storer Cable Communications 50%331 829.500 50% TKR Cable >50% 318.147 100% Upper Valley 50% 22.331 100%

Time Warner(MSO n°.2) Kansas City Cable 50% 88.082 50% Paragon Communications 50% 418.553 50%

Comcast (MSO n°.3) Storer Cable Communications 50% 829.500 50% Continental (MSO n°.4) Insight Communications 34% 130.000 100%

Newhouse Broadcasting (MSO n°.8) Metrovision 100% 455.898 100% Newchannels 100% 381.000 100% Vision Cable Communications 100% 472.873 100%

Houston Industries (MSO n°.13) Paragon Communications 50% 418.553 50% KBLCOM 100% 561.069 100%

Avec toutes ses participations dans divers opérateurs, TCI qui possède en propre 8.9 millions d'abonnés en détient selon nos calculs 11,9 millions en 1991 (cf. Annexe 3).

1.2 Le calcul des parts de marché

La part de marché d'un opérateur est égale au rapport en pourcentage entre son nombre d'abonnés et le nombre total d'abonnés du secteur. Un problème inévitable se pose alors : quel est le nombre total d'abonnés du secteur ? Pour l'année 1985, nous disposons seulement des données concernant les 94 plus grands opérateurs et leurs nombres d'abonnés sont pris à des mois différents uniformément répartis dans l'année. C'est pourquoi nous prenons pour nombre total d'abonnés au câble le nombre moyen d'abonnés au câble pour 1985, calculé par Coustel avec des informations de la National Cable Television Association (NCTA)332, et égal à 38.58 millions.

Il en est autrement pour l'année 1988 et 1991. En effet, nous pouvons considérer que les nombres cumulés d'abonnés des 570 et 1458 câblo-opérateurs peuvent être admis comme étant le nombre d'abonnés total au service de base. Cependant, pour le cas 1988, ce nombre cumulé est moins significatif dans l'absolu que celui de 1991 car il nous manque les abonnés de tous les exploitants d'un seul réseau (en gros un millier d'opérateurs). Mais les nombres trouvés, respectivement 50.739.604, 60.902.223, sont largement supérieurs aux nombres moyens calculés par Coustel 46,8 millions et 55,33 millions. Ceci est la conséquence de la non homogénéité temporelle des données. En effet, les nombres d'abonnés des 570 opérateurs de 1988 sont pris à une date comprise entre le 1er Janvier 1987 et le 15 Mars 1989, pour les 1458 entreprises de 1991 entre le 1er Janvier 1990 et le 1er Mars 1992333. En cumulant les abonnés, on somme donc des abonnés qui 330 par l'intermédiaire de Liberty Media, filiale de TCI 331 dont 7.5% par l'intermédiaire de TKR Cable et 7.5% par l'intermédiaire de Liberty Media 332 cf. [COUSTEL 1992] p.11 333 Pour certaines petites firmes, les nombres d'abonnés disponibles sont même parfois antérieurs au 1er Janvier 1990.

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

n'ont pas la même valeur à cause de la croissance au cours des ans du nombre total des abonnements et on peut comptabiliser deux fois les mêmes abonnés334.

Nous n'avons donc pas une photographie instantanée des abonnés au câble à un moment donné. En théorie, nous devrions corriger les nombres d'abonnés de chaque opérateur en les ramenant à une même date, par exemple au 30 Juin 1988 et 1991 en tenant compte du taux de croissance des abonnements. Fastidieux à mettre en oeuvre en l'absence de données informatiques, nous n'avons pu adopter cette méthode. Cependant, comme les données des plus grandes entreprises sont assez bien réparties entre les différents mois de l'année 1988 et 1991, nous pouvons considérer que le fait que les nombres cumulés d'abonnés soient supérieurs de 5 millions aux nombres moyens pour ces années ne fausse pas irrémédiablement l'évaluation de la concentration et de ses tendances.

Nous faisons donc le choix de la facilité d'utilisation des données qui va permettre de dégager en première approximation les tendances de la concentration, au lieu de celui de la précision qui certes nous permettrait de quantifier exactement la concentration, mais qui ôterait le caractère opératoire de l'analyse de la concentration. Les nombres cumulés d'abonnés sur les 570 et 1458 opérateurs de 1988 et 1991 seront donc le nombre total au câble pour ces années pris pour le calcul des parts de marché des entreprises. 2. Calcul des indices de concentration

Les indices de concentration semi-absolus, absolus et relatifs que nous avons décrit en deuxième partie vont être calculés pour les années 1985, 1988 et 1991. L'important n'est pas dans le fait de donner des valeurs, mais dans le fait d'effectuer des comparaisons temporelles pour chaque indice en tentant de dégager l'évolution de la concentration. Ces comparaisons sont en partie biaisées par le nombre d'entreprises, que nous considérons pour chaque année, et qui est à chaque fois plus important (94, 570, 1458). C'est pourquoi, en plus de la comparaison des résultats bruts calculés sur chaque série de données, nous nous préoccuperons de fournir une comparaison des valeurs des indices recalculées sur une base minimale de comparaison, qui est délivrée par la série de données de 1985 : les 94 plus grands opérateurs, nombre total d'abonné = nombre moyen d'abonnés pour l'année calculé par Coustel.

Dans la suite, les indices calculés pour la totalité des données disponibles seront appelés

indices bruts, ceux, recalculés pour les 94 premières entreprises des années 1988 et 1991 en prenant comme nombre total le nombre moyen total d'abonné calculés par Coustel, seront appelés indices corrigés et permettront une meilleure comparaison entre les années 1985, 1988, 1991 non faussée par le nombre d'entreprises et par le nombre total d'abonnés considéré.

2.1 Caractère oligopolistique

a) Les ratios de concentration

Les ratios de concentration bruts font apparaître une augmentation entre 1985 et 1991 de la part de marché cumulée par les n premières entreprises où n est inférieur à 100 (cf. Tableau 3). Les quatre premières voient leur part cumulée passer de 28% à 42%, les vingt premières de 59% à 70%, les 50 premières de 76% à 85%. On voit de suite que cette montée en puissance des CRn est le fait de l'augmentation de CR4 qui croît de 14% en absolu (hausse la plus forte pour un ratio pour n < 100), le CR50 n'augmentant lui, par exemple que de 9%. On note une baisse de CRn pour

334 Par exemple quand un abonné passe d'un opérateur A à un opérateur B entre Janvier 1991 et Décembre 1991 (suite à un déménagement par exemple, phénomène beaucoup plus fréquent aux Etats-Unis qu'en Europe), si on a le nombre d'abonnés de A au 1er Janvier et celui de B au 31 Décembre, on compte alors cet abonné deux fois.

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

n>10 entre 1988 et 1991 (cf. Annexe 2 et 3) due au manque de données pour l'année 1988, l'exclusion des opérateurs d'un seul système surestimant les parts de marché individuelles par rapport à celles de 1991.

Tableau 3 : Les ratios de concentration bruts

indice 1985 1988 1991 CR4 28,08% 37,62% 41,81% CR8 40,17% 49,27% 53,85%

CR20 59,38% 71,27% 69,76% CR50 75,92% 88,52% 84,87% CR100 84,50% 95,14% 91,99%

L'évolution des ratios de concentration corrigés335 (cf. Graphique 1) confirme cette hausse

générale, en particulier pour le CR4 qui passe de 28 à 46% et qui connaît toujours la croissance absolue la plus importante (CR8 +17%, CR20 +17%, CR50 +17%, CR100 + 16%) pour n < 100.

Graphique 1: Les ratios de concentration corrigés

CR4 CR8 CR20 CR50 CR1000,00%

20,00%

40,00%

60,00%

80,00%

100,00%

120,00%

1985

1988

1991

L'augmentation des ratios de concentration bruts et corrigés montre donc un renforcement de

la concentration des plus grandes unités, en particulier des 4 premiers câblo-opérateurs américains qui, en détenant 46% du nombre total moyen d'abonnés pour 1991, sont à la limite de la zone de surveillance des autorités anti-trust (CR4 >45%).

b) Les indices de Linda

Les indices de Linda n'ont pas besoin d'être corrigés car les échantillons que nous allons considérer ont une taille inférieure à 94 unités et car le nombre total d'abonnés au câble n'intervient pas dans leur calcul. C'est en effet la part de marché, calculée par rapport au nombre d'abonnés de l'échantillon que détient chaque entreprise, qui intervient. Pour déterminer le nombre d'opérateurs dont nous calculons les indices de Linda, nous appliquons le critère de Linda, à savoir que ces opérateurs doivent couvrir au moins 2/3 du marché, c'est-à-dire 2/3 des abonnés au service de base, et qu'il faut exclure tout opérateur détenant moins de 1% du marché.

335 Les ratios de concentration corrigés sont égaux aux ratios de concentration bruts multipliés par le rapport entre le nombre d'abonnés cumulé pour 1988 et 1991 et le nombre moyen total d'abonnés pour ces années calculés par Coustel. Nous appelerons ces facteurs correcteurs Γ1988 et Γ1991 : Γ1988 = 50.739.604/46.800.000 = 1.084, Γ1991 = 60.902.223/55.330.000 = 1.101. Ces facteurs supérieurs à 1 expliquent pourquoi les CR100 corrigés sont supérieurs à 100%.

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

En prenant seulement en compte les exploitants ayant au moins 1% de parts de marché336, nous retenons 19 entreprises pour 1985, 24 pour 1988 et 20 pour 1991 (respectivement 58.4%, 75.8% et 69.8% des abonnés au câble). Le tableau ci-dessous décrit les résultats trouvés :

Tableau 4 : Les indices de Linda

n

Ln 1985 Ln 1988 Ln 1991

2 0,956 1,087 0,831 3 0,645 0,943 0,841 4 0,541 0,726 0,680 5 0,432 0,652 0,687 6 0,388 0,552 0,604 7 0,343 0,469 0,537 8 0,307 0,415 0,490 9 0,277 0,378 0,449

10 0,255 0,342 0,409 11 0,236 0,309 0,373 12 0,223 0,286 0,342 13 0,211 0,263 0,319 14 0,203 0,246 0,300 15 0,192 0,231 0,280 16 0,183 0,218 0,263 17 0,177 0,206 0,255 18 0,173 0,197 0,248 19 0,171 0,188 0,239 20 0,180 0,232 21 0,174 22 0,169 23 0,164 24 0,160

moyenne 0,328 0,372 0,441

On constate, tout d'abord, une élevation de la moyenne des indices de Linda calculés sur l'ensemble de chaque échantillon, qui montre une intensification de la situation oligopolistique du secteur et du renforcement du pouvoir de domination des plus grandes unités. De plus, pour chaque année, on note une tendance à la baisse des indices de Linda quand le nombre d'entreprises augmente. La représentation graphique des trois courbes de Linda correspondant à chaque année, ainsi que celle du modèle concurrentiel, va apporter un éclairage instructif sur le caractère oligopolistique du secteur des câblo-opérateurs aux Etats-Unis (cf. Graphique 2).

336 en parts brutes. La prise en compte des parts corrigées par les facteurs Γ1988 et Γ1991 ne modifie pas les échantillons retenus.

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Page 114: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

Graphique 2 : Les courbes de Linda

nombre d'opérateurs

Ln

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24

1991

19881985

modèle concurrentiel

arène quadriopolistique en 1991

domination de TCI en 1985 et 1988

déséquilibre de tailles

Les courbes de Linda pour 1985 et 1988 sont décroissantes, presque parallèles à celle

représentant la situation où toutes les entreprises seraient de taille identique, le modèle concurrentiel mais beaucoup plus élevées que celle-ci (moyennes sur l'ensemble des échantillons des indices de Linda de 0.33 et 0.37 contre 0.14 et 0.12 pour le modèle concurrentiel). Il y a donc un fort déséquilibre de taille. De plus, le critère qui permet de définir une arène oligopolistique étant celui du premier minimum local rencontré, il apparait que ce minimum Ln*min est atteint pour le nombre d'entreprises de l'échantillon. On est dans le cas où la notion d'arène oligopolistique n'est pas clairement définie. On pourrait considérer que toutes les entreprises des échantillons en forme une mais cela serait peu réaliste de considérer des oligopoles à une vingtaine d'entreprise au vue de la situation du secteur des câblo-opérateurs.

Il est plus significatif de regarder la valeur de Ln*> qui est la valeur maximale de la courbe pour

n compris entre 2 et n*min. Ce maximum est atteint pour n*> = 2 et vaut 0,95 en 1985, 1,09 entre 1988. Ceci est la traduction d'un fort pouvoir de domination de la première firme du secteur TCI, pouvoir qui en dépassant l'unité en 1988) implique que TCI est alors deux fois plus important que le MSO n°.2 ATC.

La courbe de Linda de 1991 montre un changement de la structure oligopolistique du secteur des câblo-opérateurs. En effet, la courbe n'est plus strictement décroissante. Un minimum local existe pour n*min = 4 et délimite la frontière d'une arène oligopolistique. Les quatre premiers opérateurs forment donc, selon l'analyse en terme d'indices de Linda, un quadriopole composé de TCI, Time Warner, Comcast et Continental Cablevision. La croissance de la courbe quand on passe de 4 à 5 entreprise et de 2 à 3 traduit une rupture dimensionnelle entre les tailles des firmes. A l'intérieur du quadriopole, TCI et Time Warner sont nettement plus importants que Comcast et Continental Cablevision, et ces derniers sont aussi beaucoup plus grands que les opérateurs suivants.

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

La valeur maximale de l'indice de Linda pour cette arène oligopolistique est atteint pour n*> = 3 et vaut 0.84. Le pouvoir de domination de TCI a donc diminué, le déséquilibre de taille pour les quatre plus grandes firmes est atténué (la courbe de 1991 est sous celle de 1988 pour n < 5), mais le déséquilibre entre ces quatre MSOs et les autres entreprises est nettement prononcé. La moyenne Ls des indices de Linda pour l'arène quadriopolistique est égale à 0.76. Cette valeur, supérieure à 0.5, indique donc une forte densité oligopolistique, un déséquilibre des dimensions entre l'arène et les autres opérateurs qui peuvent fausser le jeu normal de la concurrence.

L'élévation en moyenne des trois courbes de Linda traduit donc une augmentation du déséquilibre des tailles entre les opérateurs et l'émergence d'un quadriopole doté d'un certain pouvoir de domination apparait cohérente avec l'étude des ratios de concentration qui montrait une forte hausse de la part cumulée par les quatre premiers MSOs.

2.2 La concentration absolue

a) Moyennes et médiane et indice de Niehans

Toute comparaison entre les médianes, les moyennes géométriques et arithmétiques calculées de façon brute ne sont pas significatives car ces trois mesures dépendent beaucoup trop du nombre de données disponibles. Comme celui-ci augmente avec les années (94, 570 et 1458), on assiste alors à une chute vertigineuse de la médiane et des moyennes (cf. Tableau 5). La hausse de l'indice de Niehans brut est plus significative (moyenne arithmétique des tailles pondérées par les parts de marché).

Tableau 5 : Médiane, moyennes et Niehans bruts

indice 1985 1988 1991 médiane 132.644 2.668 860

moyenne géométrique 167.350 4.245 1.278 moyenne arithmétique 344.941 89.016 41.771

Niehans 1.239.191 298.0194 3.901.307

En recalculant ces indices sur la base minimale des 94 plus grandes entreprises et d'un nombre total d'abonnés cohérent entre les années, les quatres mesures de la concentration connaissent toutes une forte croissance. Pour les 94 plus grandes unités, entre 1985 et 1991, la médiane passe de 133.000 à 175.000 abonnés la moyenne géométrique de 167.000 à 229.000, la moyenne arithmétique de 345.000 à 592.000, l'indice de Niehans de 1.24 millions à 4.29 millions d'abonnés (cf. Graphique 3). Cependant, les trois premières mesures, médiane et moyennes, sont en augmentation, non pas à cause d'une concentration croissante, mais à cause de la croissance générale que connaît entre les années 1985 et 1991 le secteur du câble. Celui-ci a un taux de croissance sur la pério de de 43%337 alors que moyenne géométrique et moyenne arithmétique s'élèvent de 37 et 71% (cf. Tableau 6).

Tableau 6 : Comparaison avec la croissance du marché

variable croissance

1985-1991 nb moyen total d'abonnés +43.4%

médiane +31.9% moyenne géométrique +37.1% moyenne arithmétique +71.2%

Niehans +246%

337 calculé à partir des nombres totaux moyens de Coustel

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

Graphique 3 : Médiane, moyennes et Niehans corrigés

médiane moyennegéométrique

moyennearithmétique

Niehans100000

1000000

10000000

1985

1988

1991

L'indice de Niehans, brut ou corrigé, montre lui une augmentation de la concentration

absolue. Sa croissance corrigée est, en effet, 5 fois plus importante que celle du nombre total moyen d'abonnés entre 1985 et 1991 et 3 fois plus intense que celle de la moyenne arithmétique. Ce fossé est du uniquement à la pondération par les parts de marchés qui est effectuée dans l'indice de Niehans et qui traduit la hausse de la concentration absolue.

b) Les autres indices prenant en compte la totalité de la distribution

Les indices HHI, l'entropie, les trois indices de type CICI et celui de Hall et Tideman somment toutes les parts de marché pondérées par une fonction de ces parts individuelles. Les valeurs brutes que nous avons obtenu ont été calculées avec la totalité des parts disponibles en nombre d'abonnés (1985, 96 parts, 1988, 570 parts, 1991, 1458 parts). Les résultats sont les suivants :

Tableau 7 : HHI, indices entropiques, CICI et HT bruts

indice 1985 1988 1991 HHI 321,20 587,35 640,58

entropie 3,287 3,817 3,929 redondance 1,255 2,528 3,355

CICI 15,68% 23,50% 24,52% CICI' 14,07% 21,49% 22,14% CICI" 4,33% 8,98% 9,59% HT 0,034 0,022 0,014

L'indice d'Herfindhal-Hirschman et les trois indices CICI montrent une croissance

continue de la concentration absolue. L'entropie, ainsi que celui de Hall et Tideman, montrent une décroissante de la concentration car la valeur de l'entropie croît (elle vaudrait log n si toutes les entreprises étaient de taille identique) et HT décroît en étant très faible. Cela est du à la dépendance très forte de ces deux indices vis à vis du nombre d'unités considérées. Comme celui-ci varie pour chaque série de données, l'évolution de ces deux indices reflètent la croissance du nombre d'entreprises, qui traduit une précision des données accrue et non pas une diminution de la concentration provoquée par un nombre d'acteurs plus important. On peut corriger l'entropie en calculant la redondance qui intègre l'échelle de variation de l'entropie (de 0 à log n). On voit que cette

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

redondance qui mesure l'écart entre l'entropie et sa valeur maximale croît entre 1985 et 1991 et que donc, la concentration absolue augmente.

La concentration absolue connaît une hausse certaine mais elle demeure relativement moyenne, un indice d'Herfindhal-Hirschman de 640 est assez éloigné338 du seuil d'intervention des autorités anti-trust du Departement of Justice qui est de 1000. Avec les valeurs corrigées de ces indices (cf. Tableau 8), on constate que l'augmentation de HHI et des CICI a toujours lieu de manière aussi forte et que la concentration absolue augmente, ainsi que le pouvoir de domination de la première firme TCI du secteur. Cependant, l'entropie, la redondance et HT calculés sur des échantillons de même taille stagnent et connaissent même une décroissance entre 1985 et 1988. C'est la conséquence de la restriction de ces indices à seulement 94 opérateurs, alors que ces indices accordent dans leur pondération une part relative importante aux plus petites unités.

Tableau 8 : HHI, indices entropiques, CICI et HT corrigés

indice 1985 1988 1991 HHI 321,20 690,15 775,71

entropie 3,287 3,578 3,436 redondance 1,255 0,965 1,107

CICI 15,68% 25,84% 27,50% CICI' 14,07% 23,49% 24,66% CICI" 4,33% 10,61% 11,58% HT 0,034 0,033 0,035

La restriction aux 94 entreprises les plus grandes ne faussent pas l'évolution de HHI qui donne une part relative peu importante aux plus petites unités. Son évolution corrigée est accentuée par les facteurs Γ²1988 et Γ²1985 (cf. Graphique 4) et sa valeur corrigée en 1991 est de 776 au lieu de 640 en valeur brute. On se rapproche donc du seuil fatidique d'intervention mais on demeure toujours en deça.

Graphique 4 : Evolution de l'indice d'Herfindhal-Hirschman

1985 1988 19910

100

200

300

400

500

600

700

800

HHI brut

HHI corrigé

La concentration absolue du secteur des câblo-opérateurs est donc en augmentation

constante entre 1985 et 1991 (hausse de HHI et de la redondance), le pouvoir de domination du premier opérateur s'accroît (hausse des CICI) mais elle reste assez modérée (HHI < 1000, redondance à équidistance de 0 et de log n)). La tendance est certes nette mais on ne peut pas encore dire que le secteur des câblo-opérateurs soit concentré de manière absolue.

338 contrairement au cas des chaînes câblées du service optionnel dont le HHI en 1991 est de 2297, cf. [ATKIN 1992] p.479

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

2.2 La concentration relative et l'inégalité

La concentration relative ou l'inégalité de dimension, qui peut exister entre la totalité des

câblo-opérateurs américains, est très importante et en augmentation constante. En effet, le calcul des mesures de dispersion par rapport à la moyenne arithmétique, coefficient de dispersion et coefficient de variation, montre une élévation de leus valeurs entre 1985 et 1991, que ce soit en données brutes ou en données corrigées (cf. Tableau 9 et Graphique 5). Certes, les hausses de 0.98 à 1.70 pour le coefficient de dispersion et de 1.42 à 9.61 pour le coefficient de variation sont en grande partie provoquées par le nombre croissant d'entreprises considérées. Cependant, à nombre constant (les 94 plus grands opérateurs), la hausse est moins marquée mais toujours présente. Il y a donc croissance de l'inégalité de distribution de taille mesurée en nombre d'abonnés par rapport à une valeur pivot. Cette inégalité devient très élevée, le coefficient de dispersion atteignant 1.70 en 1991 alors que son maximum théorique est 2.

Tableau 9 : Les mesures de l'inégalités brutes

indice

1985 1988 1991

coefficient de dispersion

0,987 1,607 1,706

coefficient de variation

1,421 5,699 9,612

taux de Gini

0,691 0,920 0,953

Graphique 5 : Les mesures de l'inégalité corrigées

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

1985 1988 19910,675

0,68

0,685

0,69

0,695

0,7

dispersion

variation

taux de GINI

Cette très forte intensité de l'inégalité entre les câblo-opérateurs américains se retrouve avec le

calcul du taux de Gini qui mesure l'inégalité de taille entre toutes les entreprises d'un espace économique considéré. Ce taux de Gini n'a de signification que s'il est calculé sur la totalité de la distribution des dimensions. C'est pourquoi les taux de Gini corrigés, qui sont estimés sur seulement 94 entreprises, ainsi que celui brut de 1985, ne sont pas significatifs.

Seuls les taux de Gini calculés pour les séries de données de 1988 et 1991 nous montre une inégalité extrêmement importante entre tous les opérateurs du câble aux Etats-Unis. Alors que le maximum théorique du taux de Gini est égal à 1, on a pour 1988 un taux de 0.92 et pour 1991 un taux de 0.95. Le taux de Gini étant une mesure de l'aire comprise entre la ligne de parfaite égalité et la courbe de Lorenz, cette dernière, évaluée pour le secteur des câblo-opérateurs, est très proche de l'axe des abscisses et très aplatie (cf. Graphique 6) car le coefficient de Gini, moitié du taux de Gini, est presque égal à 0.5 (0.476 pour 1991).

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MESURE DE LA CONCENTRATION DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

Graphique 6 : Courbe de Lorenz pour 1988

% cumulé du nombre de firmes

% cumulé du nombred'abonnés

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

1 6 11 16 21 26 31 36 41 46 51 56 61 66 71 76 81 86 91 96

Ligne de parfaite égalité

Courbe de Lorenz

La concentration relative est donc très importante : en 1991, 68% des opérateurs les plus

petits ne contrôlent que 1% des abonnés, 10% des firmes les plus grandes comptabilisent 95% du marché et les 0.5% des entreprises les plus importantes représentent 50% du total des abonnés. 3. Conclusion

Les calculs que nous avons mené ont permis de caractériser les trois aspects de la concentration horizontale et d'évaluer leur évolution (cf. Tableau 10).

Tableau 10 : Les trois aspects de la concentration des câblo-opérateurs américains entre 1985 et 1991

intensité évolution caractère oligopolistique quadriopole, élevée hausse concentration absolue moyenne hausse concentration relative

(inégalité) très élevée hausse

Le secteur des câblo-opérateurs américains est donc marqué par une tendance nette à la concentration suivant ses trois aspects : la structure du secteur est très inégalitaire, il y a renforcement de l'intensité oligopolistique et émergence d'un quadriopole, la concentration absolue, encore modérée, s'approche des seuils critiques pour les instances réglementaires anti-trust.

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MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

"Our conclusion regarding cable market power is supported by the q ratio analysis. While the exact magnitude of the cable industry q ratio cannot be pointed precisely, the record shows that it is high enough to indicate the presence of some market power."339

II - Mesure du pouvoir de marché des câblo-opérateurs américains

Après avoir calculé les différents indices de concentration possibles pour le secteur des câblo-opérateurs américains, il est nécessaire pour relier structure de ce secteur et performance des opérateurs de calculer les mesures du pouvoir de marché de l'industrie du câble aux Etats-Unis. Nous avons démontré dans la deuxième partie (cf. II - Les mesures du pouvoir de marché) la supériorité théorique et pratique que possède le q de Tobin par rapport aux taux de profits comptables et à l'indice de Lerner. Nous envisageons donc de calculer le q de Tobin pour le secteur entier des câblo-opérateurs et pour quelques grands exploitants du câble sur une période similaire à celle que nous avons utilisé pour l'évaluation de la concentration (1985-1991).

Un obstacle majeur se dresse sur notre route. Il s'agit de l'accès aux informations nécessaires à la réalisation d'un tel calcul. Il faudrait disposer d'une base de données où se trouvent les données concernant la valeur des actifs corporels, incorporels et financiers des exploitants de systèmes câblés, les coûts de construction de nouveaux réseaux reflètant les prix des nouvelles technologies qui doivent intégrés dans l'estimation des coûts de remplacement des actifs, les valeurs publiques et privées des MSOs. De plus, dans le cas où l'on approximerait les valeurs des actifs par leurs valeurs comptables, il faudrait connaître l'importance que représente l'exploitation de réseaux de télédistribution dans le total des activités des entreprises considérées afin de ne prendre en compte que les actifs liés au câble.

Devant l'impossibilité de trouver de telles informations en quantité et qualité suffisamment satisfaisantes, nous relatons les résultats de deux études majeures de P.W MacAvoy (cf. [MACAVOY 1990a] et [MACAVOY 1990b]) qui calculent grâce au q de Tobin le pouvoir de marché détenu par les câblo-opérateurs américains au cours de l'année 1989 (sur un échantillon de 10 entreprises rassemblant un tiers des abonnés américains) et son évolution entre 1983 et 1990. Ces études ont été publiées en annexe des commentaires de l'USTA (United States Telephone Association) au sujet de la Notice of Inquiry de la FCC en 1990 intitulée "In the matter of competition, rate deregulation and the commission's policies relating to the provision of cable television service" et qui a été le point de départ du mouvement de re-réglementation de l'industrie du câble achevé par le Cable Act de 1992.

339 cf. [FCC 1990] p.42

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MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

1. Le calcul du q de Tobin par MacAvoy pour les opérateurs du câble

Le q de Tobin étant égal au rapport entre la valeur de marché de l'entreprise et le coût de remplacement des actifs, il faut définir clairement, avant d'entreprendre une évaluation de la valeur de ce ratio, la manière dont on va calculer le numérateur, la valeur de marché, et le dénominateur, le coût de remplacement des actifs.

1.1 Estimation de la valeur de marché

La valeur de marché des câblo-opérateurs peut être soit publique, soit privée. La valeur publique est égale dans l'analyse de MacAvoy à la somme de la valeur capitalisée en bourse (nombre d'actions multiplié par le cours de l'action) et de la valeur de marché des dettes de l'entreprise. Pour cette valeur des dettes, MacAvoy se reporte à la valeur comptable des dettes. La valeur privée des entreprises est basée sur les montants des transactions entre opérateurs de systèmes câblés et est égale au nombre d'abonnés de l'entreprise multiplié par la valeur moyenne par abonné des montants de transactions effectuées au cours d'une année. On dénombre par exemple, pour l'année 1989340, 76 ventes de réseaux entre opérateurs, qui mettent en jeu 2.106.628 abonnés et dont le montant total est de 4868 millions de dollars : la valeur privée moyenne d'un abonné est donc de 2311$.

Le tableau 11 ci-dessous dresse pour l'année 1989 les valeurs publiques et privées des 5 entreprises dont la seule activité est l'exploitation de réseaux câblés et qui font partie de l'échantillon de MacAvoy dans son étude pour l'année 1989341.

Tableau 11 : Valeur de marché publique et privée pour 5 MSOs en 1989

*en milliers de $ ATC Adelphia

TCA Cable TV

Falcon Cable

Galaxy Cablevision

valeur* capitalisée en bourse

5.287.624 393.855 483.939 127.978 51.940

valeur* comptable des dettes

1.473.982 1.353.590 67.956

96.883 16.010

valeur* publique de marché = (1) + (2)

6.761.606 1.747.445 551.535 224.861 67.950

nombre d'abonnés

4.202.000 751.700 365.897 142.000 47.650

valeur privée d'un abonné

2311$ 2311$ 2311$ 2311$ 2311$

valeur* privée de marché = (4) * (5)

9.710.822 1.737.178 845.588 328.162 110.119

1.2 Estimation du coût de remplacement

a) Pour chaque firme

Les coûts de remplacement des actifs d'une firmes sont calculés à partir des données comptables342. MacAvoy calcule deux types de coût de remplacement : l'un net prend en compte la dépréciation des actifs et leur valeur après amortissement, l'autre brut ne les prend pas en compte. Ces deux coûts de remplacement incorporent l'inflation en corrigeant la valeur des actifs corporels bruts et nets : on applique un taux annuel moyen d'inflation de 4% à l'âge moyen des actifs corporels, celui-ci étant donné par le rapport entre la différence entre la valeur brute et nette des actifs corporels et les dotations aux amortissements annuelles.

340 Il s'agit en fait des trois premiers trimestres, cf. [MACAVOY 1990a] p.25. 341 d'après les tables 10, 11, 12, 13 de [MACAVOY 1990a] 342 cf. [MACAVOY 1990a] pp.19-20

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MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

Les coûts de remplacement bruts et nets sont donnés par la formule :

Coût de remplacement (brut ou net) = [Actif total - Actif incorporel - Actif corporel (brut ou net) ] + Actif corporel corrigé (brut ou net)

Le terme entre crochets est constitué par les immobilisations, ni corporelles, ni incorporelles qui représentent les immobilisations financières qui n'ont pas besoin d'être corrigées de l'inflation, au contraire de la valeur des actifs corporels. Les différents coûts de remplacement estimés par MacAvoy343 pour un échantillon de 10 câblo-opérateurs pour 1989 figurent dans le tableau 12.

Tableau 12 : Coûts de remplacement nets et bruts pour 1989

en milliers de $

Actif total -

actif incorporel

actif corporel

net

actif corporel net corrigé

coût de remplacement net = (3) + (1)

- (2)

coût de remplacement

brut

TCI

6.803.400 4.139.100 4.438.529 7.102.829 8.243.264

ATC

1.267.473 378.010 413.253 1.481.702 2.377.919

Comcast

2.505.724 536.262 568.295 2.537.757 2.748.499

Cablevision Systems

870.165 484.079 529.211 915.297 n.d

Jones Spacelink

224.828 149.748 153.830 228.910 255.513

Century Communications

460.441 360.819 394.459 494.081 n.d

Adelphia Communications

445.494 378.010 413.253 480.737 n.d

TCA Cable TV

87.747 84.881 101.526 104.392 197.031

Falcon Cable Systems

64.380 59.918 65.505 69.966 n.d

Galaxy Cablevision

35.021 33.273 36.192 37.940 53.782

b) Pour les firmes spécialisées dans le câble

Les coûts de remplacement individuels sont uniquement fondés sur des données comptables et approximent la dépréciation économique par la dépréciation comptable. De plus, ils n'intègrent pas le remplacement des actifs par des actifs appartenant à une nouvelle technologie. Ils se rapprochent donc plus des coûts de reproduction des actifs que des véritables coût de remplacement. Pour palier à ces insuffisances, MacAvoy calcule des coûts de remplacements des actifs par abonné en considérant les progrès technologiques et les coûts de construction actuels. Les coûts trouvés étant rapportés à un abonné, ils ne peuvent être appliqués qu'aux entreprises qui sont spécialisées dans l'exploitation de réseaux câblés et qui n'exercent aucune autre activité.

MacAvoy obtient par 4 méthodes différentes une valeur brute (sans amortissement) des actifs corporels par abonné :

(1) en divisant les coûts de construction des nouveaux réseaux de l'année 1989 (606 millions de dollars) par le nombre de nouveaux abonnés (3.25 millions de nouveau foyers raccordés multiplié par un taux de pénétration de 60%), on obtient un coût de construction de 311$ par abonné auquel on

343 d'après les tables 1 et 2 de [MACAVOY 1990a]

-119-

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MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

ajoute 35$ de coût de raccordement de l'abonné et 100$ de coût de réception chez l'abonné : d'où une valeur brute de 446$ par abonné pour les actifs corporels344.

(2) en divisant les coûts de construction des nouveaux réseaux par la longueur de câbles posés en 1989 (34.711 miles), on obtient un coût de 17.460 dollars par mile. En utilisant la densité de foyers au mile (90 par mile) et le taux de pénétration, on arrive à 323$ par abonné. Au final, on obtient une valeur brute de 458$ par abonné345.

(3) en divisant les coûts du capital de 6 réseaux en construction en 1989 (478 millions de dollars) par le nombre de foyers raccordés (1.75 millions) et en effectuant la moyenne des coûts par abonné obtenus pour chaque site pondérée par le nombre de foyers atteints par chaque système, on trouve une valeur de 454$ par abonné.

(4) en ramenant la valeur de 414$ par abonné estimée par la FCC en 1986 à une valeur exprimée en dollar 1989, on aboutit à 464$ par abonné346.

Les valeurs ainsi calculées des actifs corporels non amortis par abonné sont multipliées alors par 0.7405, nombre qui est le pourcentage que représentent les actifs corporels nets par rapport à la valeur brute pour les 5 opérateurs spécialisés uniquement dans le câble. En ajoutant la moyenne pour ces 5 firmes des immobilisations financières par abonné qui est de 35$, les coûts de remplacement nets et bruts par abonné apparaissent ainsi347 :

Tableau 13 : Coûts de remplacement nets et bruts par abonné

méthode 1 2 3 4 immobilisation financière 35$ 35$ 35$ 35$

actif corporel brut 446$ 458$ 454$ 464$ actif corporel net 330$ 339$ 336$ 345$

coût de remplacement brut 481$ 493$ 489$ 501$ coût de remplacement net 365$ 374$ 371$ 380$

2. Les résultats de MacAvoy

MacAvoy, suivant la méthode que nous venons d'exposé, estime le q de Tobin en 1989 pour un échantillon de 10 opérateurs dont 5 n'ont aucune autre activité hormis l'exploitation de réseaux câblés (Adelphia Communications, ATC, Falcon Cable Systems, Galaxy Cablevision et TCA Cable TV) et dont les 5 autres ont très peu d'autres activités (Cablevision Systems, Century Communications, Comcast, Jones Spacelink, TCI). Il dresse par ailleurs348 l'évolution d'un q de Tobin global entre 1983 et 1989 estimé sur des ensembles différents d'opérateurs spécialisés et la compare avec celle du q de Tobin global de l'économie américaine.

2.1 Le q de Tobin en 1989

Pour cet échantillon de 10 câblo-opérateurs, le q de Tobin est évalué en prenant en compte la valeur publique de marché des entreprises, la valeur privée étant basée sur le nombre d'abonnés, elle ne pourra être utilisée que pour les 5 firmes spécialisées dans le câble. Le q de Tobin

344 cf. la table 4 de [MACAVOY 1990a] 345 cf. la table 5 de [MACAVOY 1990a] 346 cf. la table 6 de [MACAVOY 1990a] 347 cf. les tables 3, 7, 8 de [MACAVOY 1990a] 348 cf. [MACAVOY 1990b]

-120-

Page 124: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

net est égal au ratio entre cette valeur publique et le coût de remplacement net; le q de Tobin brut entre cette valeur publique et le coût de remplacement brut349. Les résultats par entreprise et au niveau global sont les suivants :

Tableau 14 : Les q de Tobin par entreprise

MSO q de Tobin net

q de Tobin brut

TCI

2.21 1.90

ATC

4.56 2.84

Comcast

2.11 1.95

Cablevision Systems

3.43 n.d

Jones Spacelink

2.48 2.22

Century Communications

4.06 n.d

Adelphia Communications

3.63 n.d

TCA Cable TV

5.28 2.80

Falcon Cable Systems

3.21 n.d

Galaxy Cablevision

1.79 2.26

q global de l'échantillon

2.68 2.09

q des 5 spécialisés

4.30 2.81

Le q de Tobin des 5 opérateurs non diversifiés est très élevé (4.30) et est supérieur à celui global de l'échantillon des 10 firmes considérées (2.68). Ces q de Tobin nets sont les véritables q au sens de Tobin car ils prennent en compte les coûts de remplacement des actifs amortis et intègrent donc la dépréciation économique, qui dans les travaux de MacAvoy est approximée par la dépréciation comptable. Les q de Tobin bruts calculés avec les valeurs non amorties des actifs donnent eux une limite inférieure à la valeur réelle des q de Tobin des entreprises et des q globaux. Les limites inférieures trouvées sont également importantes et largement supérieures à l'unité (2.09 pour l'échantillon et 2.81 pour les opérateurs centrés sur leur métier).

On peut également calculer les q de Tobin des 5 opérateurs spécialisés en utilisant les données par abonné qui incorporent le progrès technologique : les coûts de remplacement bruts et nets (cf. Tableau 13), les valeurs privées (2311$ par abonné) et publique (en moyenne 1698$ par abonné pour les 5 spécialisés). Les différents q de Tobin évalués350 sont alors compris entre 4.47 et 6.33 pour les q de Tobin nets et entre 3.39 et 4.80 pour les q bruts (cf. Tableau 15).

Tableau 15 : Les q de Tobin publics et privés pour les câblo-opérateurs spécialisés

q de Tobin

valeur publique valeur privée

coût de remplacement net

4.47 - 4.65 6.08 - 6.33

349 cf. les tables 9 et 14 de [MACAVOY 1990a] 350 cf. la table 15 de [MACAVOY 1990a]

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Page 125: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

coût de remplacement brut

3.39 - 3.53 4.62 - 4.80

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Page 126: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

2.2 Evolution du q de Tobin entre début 1984 et début 1990

Le q net moyen pour les câblo-opérateurs non diversifiés est de 3.3 au début 1990 contre 0.85

pour celui moyen de l'économie américaine. L'évolution estimée par MacAvoy des deux ratios montre une croissance des deux q de Tobin (cf. Graphique 7) entre 1983 et 1989 : de 1.76 à 4.30 pour le q moyen des câblo-opérateurs, de 0.60 à 0.89 pour celui moyen de l'économie américaine; et une chute entre la fin 1989 et le début 1990 jusqu'à respectivement 3.30 et 0.85351.

Graphique 7 : Evolution du q des câblo-opérateurs entre 1983 et 1990

Déc.83 Déc.84 Déc.85 Déc.86 Déc.87 Déc.88 Sep.89 Fév.90

0,00

0,50

1,00

1,50

2,00

2,50

3,00

3,50

4,00

4,50

q moyen des câblo-opérateurs

q moyen de l'économie américaine

Le q de Tobin des exploitants du câble en augmentation depuis la déréglementation et le

Cable Act de 1984 atteint des valeurs très élevées, supérieures à 4 à la fin de l'année 1989 alors que celui de l'économie américaine reste inférieur au niveau concurrentiel de 1. Malgré sa chute entre Septembre 1989 et Février 1990 qui peut s'expliquer par la chute du q de Tobin de l'économie américaine, il demeure très important, 3.3, alors que des secteurs proches352, comme celui des diffuseurs de programmes (broadcasters) et celui des compagnies de téléphone, ont un q de Tobin moyen de 2.1 et 1.2. 3. Critiques et commentaires

Les résultats élaborés par MacAvoy dans le cadre des commentaires de l'USTA (United

States Telephone Association) au sujet de la Notice of Inquiry de la FCC de 1990 ont été violemment critiqués par ceux défendant les intérêts des câblo-opérateurs. Ils montrent en effet une hausse spectaculaire du pouvoir de marché des exploitants du câble depuis le Cable Act de 1984 et un niveau de pouvoir de marché quasiment jamais atteint par aucune autre industrie américaine.

351 cf. [MACAVOY 1990b] table 1 et pp.36-37 352 cf. les tables 16 et 17 de [MACAVOY 1990a]

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Page 127: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

3.1 Critiques Les travaux de MacAvoy, en particulier le calcul des q à partir des données des entreprises (cf.

Tableau 14), font l'objet de critiques développées par des auteurs qui oeuvrent pour la défense des câblo-opérateurs (cf. [CRANDALL 1990], [GROSSMAN 1990a] et [GROSSMAN 1990b]) et qui sont publiées dans le cadre des commentaires de Tele-Communications Inc. et de la National Cable Television Association au sujet de la Notice of Inquiry de la FCC de 1990. Indépendamment de certaines attaques partiales, on peut adresser trois reproches à l'étude de MacAvoy : le fondement d'une partie de son analyse sur les données comptables, la petitesse de son échantillon et l'absence des actifs incorporels dans le calcul du coût de remplacement des actifs. Les deux dernières critiques sont abondamment reprises, respectivement par Crandall et Grossman.

MacAvoy aboutit à un q de Tobin égal à 4.30 pour les opérateurs du câble non diversifiés. Or il

utilise les données comptables et financières pour calculer une telle valeur et le coût de remplacement des actifs est donné par la valeur amortie de ces actifs. Certes, MacAvoy corrige cette valeur comptable des actifs en prenant en compte l'inflation et en l'appliquant à l'âge moyen des actifs. Cependant, c'est la dépréciation comptable qui est intégrée dans le calcul et non pas la dépréciation économique réelle. La valeur de q est donc biaisée par cette approche. Mais l'écart qui existe entre règles d'amortissement comptables et dépréciation économique ne peut à lui seul justifier une valeur de q aussi élevée.

La taille de l'échantillon utilisée est plus contestable. MacAvoy ne possède des données

satisfaisantes que pour 5 entreprises spécialisées dans l'exploitation du câble et pour 5 autres opérateurs peu diversifiés. La valeur de 4.30 représente alors le pouvoir de marché de firmes représentant seulement 11% des abonnés américains353 et celle de 2.68 celui d'un échantillon couvrant un tiers des abonnés américains. On peut critiquer l'extension de ces valeurs à l'industrie du câble tout entière et la représentativité de ces échantillons354. Mais il faut noter qu'ils couvrent des opérateurs de taille différente en comprenant les trois plus grands opérateurs de l'année 1989 (TCI, ATC et Comcast), des opérateurs moyennement importants (Cablevision Systems, Jones Spacelink, Adelphia, Century) et de petites entreprises (TCA, Galaxy et Falcon).

Enfin, la troisième critique adressable à MacAvoy est qu'il n'incorpore pas les actifs

incorporels, tels la recherche et développement, la compétence technique, la publicité, la réputation des opérateurs, dans le calcul des coûts de remplacement. Ceci a pour conséquence une surestimation de la valeur réelle du q de Tobin par la valeur trouvée. Grossman tire de suite la conclusion que les résultats de MacAvoy sont invalides. Cependant, cette surestimation est égale au ratio entre valeur des actifs incorporels et valeur des actifs corporels. Comme le fait justement remarquer MacAvoy355, les actifs incorporels des câblo-opérateurs américains sont faibles et la surestimation est par conséquent peu importante. La réputation des opérateurs est mauvaise auprès des consommateurs, la publicité n'est pas un poste important d'investissement, la recherche et développement est quasiment inexistante car les compétences techniques sont achetées à des entreprises d'équipements.

Toutes ces critiques sont recevables et les faiblesses des études MacAvoy existent. Cependant

aucune d'entre elles, si elle était corrigée (prise en compte de la dépréciation économique réelle et des actifs incorporels), ne ferait baisser de manière significative le q de Tobin trouvé par MacAvoy. Même si celui-ci surestimait le pouvoir de marché par un facteur deux, le q réel serait encore de 2.15 et traduirait toujours un fort pouvoir de marché. Les critiques des opposants à MacAvoy sont nombreuses mais trop générales et ne remettent pas en cause fondamentalement le caractère élevé des valeurs trouvées, le calcul des q à partir des données par abonné est d'ailleurs peu critiquable. Les erreurs de mesure de MacAvoy ont donc une influence limitée sur ses résultats.

353 cf. [CRANDALL 1990] p.22 354 Un seuil de représentativité de 11% ou 33% est dans certains domaines parfaitement acceptable. 355 cf. [MACAVOY 1990b] pp.16-22

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Page 128: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

MESURE DU POUVOIR DE MARCHE DES CABLO-OPERATEURS AMERICAINS

3.2 Commentaires Les valeurs trouvées par MacAvoy montrent que l'industrie des câblo-opérateurs détient

un très fort pouvoir de marché : en 1989, 4.30 pour les 5 opérateurs spécialisés, 2.68 pour l'échantillon de 10 MSOs, autour de 4.5 pour le q évalué avec des informations par abonné et une valeur publique de marché de l'abonné, plus de 6 pour celui estimé avec une valeur privée. On est très loin de l'unité, niveau théorique d'un secteur sans pouvoir de marché et sans rente différentielle. Les valeurs brutes de ces q qui donnent une limite inférieure aux valeurs réelles sont également élevées : respectivement 2.81, 2.09, autour de 3.5, autour de 4.7.

Le q des opérateurs spécialisés apparait supérieur à celui de l'ensemble de l'échantillon

car les 5 entreprises légèrement diversifiées ont des q sensiblement inférieurs. Ceci est la conséquence du fait que le q des ces derniers intègre celui plus faible de leurs activités hors câble. Ces activités hors câble ont donc lieu dans des secteurs où le pouvoir de marché est moins intense que celui de l'industrie du câble. Les q trouvés grâce aux coûts de remplacement et aux valeurs de marché par abonné sont plus importants que ceux calculés à partir des données individuelles de chaque entreprise. Ceci est parfaitement normal car les premiers incorporent le progrès technologique et le coût des nouvelles techniques, alors que les seconds sont plus des coûts de reproduction des actifs.

La valeur de 4.30 est largement supérieure à celle du q de Tobin de l'économie

américaine en général (entre 0.6 et 0.9 entre 1984 et 1989) et à des secteurs proches de celui du câble. Les diffuseurs de programmes ont un q de 2.1 qui provient des rentes différentielles dont ils jouissent en ayant accès gratuitement à une ressource rare qui est le spectre hertzien et non d'un fort pouvoir de marché. Les compagnies de téléphone ont en moyenne un q de 1.2 proche du niveau concurrentiel car elles font partie d'un secteur très réglementé. Les valeurs de 4.30 ou 4.5 (même les limites inférieures de 2.81 ou 3.5) des q de Tobin des opérateurs non diversifiés sont exceptionnellement élevées pour une industrie. Rarement un secteur n'aura disposé d'un aussi fort pouvoir de marché. Parmi le recensement d'une vingtaine d'industries356, les deux q les plus importants étaient celui du secteur de l'instrumentation scientifique (3.24) et de l'édition (1.9).

L'évolution du q de Tobin des câblo-opérateurs caractérisée par MacAvoy montre

l'influence de la réglementation sur le pouvoir de marché du secteur. Elevé au moment du Cable Act de 1984 (1.8), il a continuellement augmenté au cours des années 80 avec ce "cadre déréglementaire" institué pour atteindre 4.30. Les menaces de re-réglementation apparues à la fin de 1989 (enquête lancée par le Congrès en Août, dépôt au Sénat d'un projet de loi par A. Gore en Novembre357, Notice of Inquiry de la FCC au premier semestre 1990) le font baisser entre Septembre 1989 et Février 1990. Il garde alors encore un niveau élevé. Pour constater l'efficacité de la nouvelle réglementation instaurée par le Cable Act de 1992, il faudrait pouvoir calculer le q de Tobin des câblo-opérateurs en 1993, ce que nous n'avons, hélas, pu réalisé par manque de données. On peut cependant penser que leur pouvoir de marché a baissé mais n'a pas encore été ramené à l'unité.

356 cité par [HAZLETT 1992] p.5 357 cité par [COUSTEL 1992] p.18

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Page 129: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

CONCLUSION

Conclusion

Depuis le Cable Act de 1984, la déréglementation de l'industrie du câble qui en a découlé et jusqu'à la fin 1991, la concentration horizontale du secteur des câblo-opérateurs s'est accrue pour commencer à atteindre les seuils critiques d'intervention des autorités anti-trust et le pouvoir de marché s'est sérieusement renforcé pour atteindre un niveau rarement atteint (q de Tobin supérieur à 3). La tendance à la concentration horizontale a été de paire avec une élévation nette du pouvoir de marché de l'industrie du câble.

Les trois aspects de la concentration sont tous à la hausse suivant les indicateurs que nous

avons calculé. Le caractère oligopolistique du marché s'est intensifié et un quadriopole doté d'un fort pouvoir de domination sur les autres entreprises devient émergent (composé de TCI, Time Warner, Comcast et Continental Cablevision). La concentration relative qui mesure l'inégalité de tailles entre la totalité des exploitants de réseaux est presque maximale. La concentration absolue, qui est le seul critère retenu par les instances réglementaires américaines, demeure modérée mais approche surement des zones de surveillance de ces autorités (indice d'Herfindhal-Hirschman supérieur à 1000).

Le pouvoir de marché des câblo-opérateurs s'est envolé avec la déréglementation de

1984. Le q de Tobin, déjà élevé en 1984 car voisin de 2, a doublé pour dépasser 4 en 1989, signe d'un pouvoir de marché très important. Suite aux menaces de re-réglementation, il a diminué mais restait encore important avant le Cable Act de 1992 (aux environs de 3). On voit donc l'influence des cadres réglementaires sur le pouvoir de marché de l'industrie du câble. Le Cable Act de 1984, née sous l'influence des lobbies du câble, apparait comme un véritable cadeau fait à cette industrie car ayant renforcé son pouvoir déjà fort à l'époque. Le Cable Act de 1992 vient alors corriger les graves conséquences de cette déréglementation.

Il serait alors intéressant de mesurer l'impact du nouveau cadre réglementaire de 1992

sur le pouvoir de marché des câblo-opérateurs afin d'examiner si les buts des autorités réglementaires américaines sont atteints. Il faudrait donc envisager de poursuivre les calculs de MacAvoy pour les années 1991, 1992 pour voir comment a agit la menace de re-réglementation et pour les années 1993 et postérieures pour voir si les nouvelles mesures réglementaires ont fait diminuer le pouvoir de marché de l'industrie du câble pour le ramener au moins au niveau de 1984 et si possible vers l'unité.

Il faudrait de même recalculer tous les indices de concentration pour des données plus

récentes afin de savoir si la tendance nette à la concentration horizontale persiste, si elle est telle que les autorités anti-trust soient obligées d'intervenir et si cette concentration croissante de la structure du marché peut exister quand la performance du secteur et le pouvoir de marché mesurés par le q de Tobin sont à la baisse (dans le cas où ils le sont effectivement après le Cable Act de 1992, ce qui reste à démontrer). Il faudrait enfin définir un critère de surveillance quantifiable de la concentration verticale des chaînes câblées par les opérateurs, concentration verticale qui apparait importante et en augmentation (cf. première partie, I - L'analyse structurelle de la télévision par câble aux Etats-Unis en 1991, 4.2 Intégration des chaînes du câble par les câblo-opérateurs) mais dont nous n'avons effectué aucune mesure quantifiée dans le temps.

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Page 130: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

CONCLUSION GENERALE

CONCLUSION GENERALE

La littérature économique propose de nombreux instruments de mesure que peuvent utiliser les autorités réglementaires pour une surveillance attentive de deux facettes du triptyque S-C-P de l'Economie Industrielle : la structure et la performance d'une ensemble économique donné. La structure s'exprime par une concentration plus ou moins grande et est évaluée par les indices de concentration. Ceux-ci se répartissent en trois classes : les indices semi-absolus qui traduisent le caractère oligopolistique d'un secteur ou d'un marché, les indices absolus qui mesurent la concentration absolue et les indices relatifs qui estiment le degré d'inégalité des dimensions entre les différentes unités d'un ensemble donné. Le tableau ci-dessous dresse les avantages et inconvénients des principaux indices des trois catégories (semi-absolus, absolus, relatifs).

Indice de concentration

Avantage Inconvénient

CRn simplicité perte d'information indices de Linda graphique, arène oligopolistique n arbitraire, pas pour tout marché

moyennes entreprise type croissance > concentration HHI et nombre équivalent poids élevé pour grandes firmes disponibilité des données entropie et redondance poids élevé pour petites firmes dépend du nombre de firmes

Niehans moyenne pondérée par parts dépend du nombre de firmes CICI poids important pour leader pas pour tout marché HT intègre le nombre de firmes dépend du nombre de firmes

dispersion déséquilibre / valeur pivot pivot = moyenne variation idem + lié à HHI pivot = moyenne

coefficient et taux de Gini graphique nombre de firmes ?

Comme les indices existant n'évaluent chacun qu'un aspect de la concentration, il n'existe aucun indice idéal. Il me semble donc préférable pour mener à bien une étude de la concentration d'un secteur ou d'un marché de disposer d'une batterie d'indices pour mesurer les trois aspects de la concentration que sont le caractère oligopolistique, la concentration absolue et l'inégalité (un bon choix serait les indices de Linda, quelques CRn, l'indice d'Herfindhal-Hirschman et le taux de Gini).

La performance est évaluée par des mesures du pouvoir de marché dont on dénombre trois principales propositions dans la théorie économique : les taux de profit comptables qui mesurent la rentabilité des entreprises, l'indice de Lerner qui s'intéresse à l'écart entre prix et coût marginal et le q de Tobin qui estime la capitalisation des rentes de l'entreprise. Chacun dispose d'avantage et d'inconvénient propre (cf. ci-dessous).

mesure du pouvoir de marché

Avantages Inconvénients

taux de profit comptable

facile à calculer

dépend des règles comptables différent du taux de rentabilité

économique indice de Lerner mesure l'écart entre

prix et coût marginal peu opérationnel (monoproducteur

+ coût marginal ?)

q de Tobin intègre les profits futurs et les

économies d'échelle compare la firme avec elle-même

à calculer avec soin coût de remplacement des actifs

difficile à évaluer

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Page 131: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

CONCLUSION GENERALE

Cependant, le q de Tobin apparait beaucoup plus efficace et moins biaisée dans la mesure du pouvoir de marché d'une entreprise que les taux de profit ou l'indice de Lerner. Il est certes relativement difficile à mettre en oeuvre car son utilisation doit s'accompagner d'une analyse au cas par cas des activités de l'entreprise étudiée et d'une évaluation précise de la valeur de marché de l'entreprise; mais en mesurant le rapport entre valeur de marché et coût de remplacement des actifs, son principal atout est de comparer l'entreprise avec elle-même. L'utilisation du q de Tobin pour évaluer le pouvoir de marché, et donc la performance, d'une entreprise me semble la plus pertinente.

L'appareil réglementaire américain examine structure et performance des secteurs industriels. L'analyse de la structure et de la concentration est du ressort du département anti-trust du ministère de la Justice qui utilise depuis 1982 l'indice d'Herfindhal-Hirschman comme critère déterminant de l'évaluation de la concentration. La surveillance du pouvoir de marché est effectuée par les agences fédérales réglementaires. La Federal Communications Commission s'est servi du q de Tobin pour instaurer le nouveau cadre réglementaire de la télévision par câble en 1992. Elle a déterminé que le pourvoir de marché des câblo-opérateurs était très important. Par contre, la concentration de ce secteur mesurée par l'indice d'Herfindhal-Hirschman n'apparait pas assez élevée pour engendrer une action anti-trust. C'est pourquoi les mesures prises par le Cable Act de 1992 visent à diminuer le pouvoir de marché de l'industrie du câble mais ne sont pas anti-concentrationnaires. Nous avons cependant calculé que si la concentration absolue mesurée par l'indice utilisée par les autorités anti-trust demeure modérée, le secteur des câblo-opérateurs montre une inégalité très forte et laisse apparaître un quadriopole émergent.

En utilisant d'autres indices que HHI, les instances réglementaires devraient adopter des

mesures tendant à combattre ces deux aspects de la concentration de la télévision par câble. Il faudrait de plus, pour que l'étude du pouvoir de marché d'entreprises ou de secteur entier soit plus affinée, que la FCC et les autres agences fédérales de réglementation, disposent d'une information nettement plus transparente sur les entreprises. En particulier dans le cas de groupes diversifiés, ceux-ci devraient pouvoir fournir une ventilation claire de leurs bilans entre leurs différents types d'activités. La généralisation éventuelle dans l'appareil réglementaire américain de l'utilisation du q de Tobin pour évaluer le pouvoir de marché ne pourrait se faire, à mon sens, qu'en obligeant les entreprises à fournir des bilans précis par branche d'activités.

L'examen de l'évolution de la structure et de la performance du secteur des câblo-opérateurs entre les deux Cable Act de 1984 et 1992 montre une élévation parallèle de la concentration et du pouvoir de marché de l'industrie du câble. Ceci corrobore alors les deux approches théoriques des relations entre structure et performance que sont l'approche structuraliste et l'approche efficiente. La concentration apparait pour les câblo-opérateurs comme une source du pouvoir de marché car elle renforce leur pouvoir de négociation vis à vis de l'industrie amont, celle des fournisseurs de programmes (approche structuraliste). D'autre part, elle découle de la nature même de l'industrie du câble qui, en tant qu'industrie de réseaux, incite les entreprises à la recherche de la grande taille pour bénéficier de fortes économies d'échelle (approche efficiente). La croissance du pouvoir de marché des câblo-opérateurs provoquée par la déréglementation de 1984 doit en théorie s'arrêter avec le Cable Act de 1992. Pour évaluer les répercussions du nouveau cadre réglementaire et son efficacité, il me semble nécessaire de poursuivre la surveillance de la performance de l'industrie du câble à l'aide du q de Tobin et de continuer à mesurer la concentration de ce secteur pour voir si sa croissance va lui permettre d'atteindre les seuils d'intervention des autorités anti-trust.

Au vu de cette croissance du pouvoir de marché et de la concentration du secteurs des câblo-opérateurs qui a suivi le Cable Act de 1984, je pense que la "re-réglementation" de 1992 s'avérait nécessaire. La télévision par câble étant devenue le média dominant des Etats-Unis, la déréglementation de 1984 a établi le câble en une véritable forteresse pour ses opérateurs protégée par de fortes barrières à l'entrée et où le jeu normal de la concurrence n'existe pas. En 1991, l'analyse sectorielle "à la Porter" que nous avons mené montre que tous les acteurs de l'audiovisuel américain ont été affaiblis par le pouvoir renforcé des câblo-opérateurs. Les téléspectateurs souffrent d'un faible rapport qualité-prix, les fournisseurs de programmes ont peu de pouvoir de négociation et sont intégrés verticalement, les petits opérateurs sont avalés par les gros, et les produits de substitution s'affaiblissent comme la télévision hertzienne ou ne peuvent voir le jour comme la télévision par

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Page 132: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

CONCLUSION GENERALE

satellite. Il était temps de rééquilibrer le paysage audiovisuel américain et les mesures du Cable Act de 1992 s'attaquent en grande partie aux problèmes structurels existant.

Cependant, le nouveau cadre réglementaire n'est qu'une étape. La télévision par câble

encore protégée en 1993 de l'arrivée des opérateurs de télécommunications ne le sera plus à mon avis dans un avenir imminent. Cette entrée sera d'autant plus proche dans le temps que les bouleversements technologiques annoncés se concrétiseront. La compression numérique associée au développement des réseaux en fibre optique et à l'interactivité va rapprocher les services offerts par les réseaux de télédistribution de ceux des réseaux de télécommunications. Il s'ensuivra, si la future réglementation le permet, une fusion quasi inévitable du secteur des câblo-opérateurs et de celui des opérateurs de télécommunications. Dans ce cas, la "re-réglementation" de 1992 apparaîtra comme dépassée car les progrès technologiques auront généré de nouveaux problèmes structurels auxquels la FCC devra faire face. John Malone, le p.d.g du plus important câblo-opérateur TCI livre ainsi sa vision de l'avenir :

"I predict that at some point the [regulatory] fences will come down and everybody will be able to provide anything they want. New pricing regulations will set back the cable industry financially but that won't matter in the long run. The cable business won't be based on our ability to raise prices, but on our ability to deploy new technologies and optionnel pay-per-view services. That's where future values will be created."358

Par conséquent dans ce futur possible, la FCC devra plus généralement s'interroger sur la place et le devenir de la télévision hertzienne et de la télévision par satellite. Un mouvement de déréglementation aurait, selon mon opinion, pour conséquence leur affaiblissement au bénéfice du câble. Seul un nouveau cadre réglementaire contraignant pour le câble pourrait établir un équilibre juste entre les trois principaux supports télévisuels que sont le câble, le satellite et le hertzien.

La Federal Communications Commission est capable de faire face à de tels bouleversements. Elle couvre le domaine de la télévision et des télécommunications, peut parfaitement décider des rapports que peuvent entretenir ces deux secteurs et réguler la concurrence entre les différents supports. La situation en Europe est hélas différente. Une telle agence réglementaire n'existe pas au niveau européen car chaque pays possède sa propre institution souvent limitée à l'audiovisuel. La télévision par câble est nettement moins développée en Europe qu'aux Etats-Unis. Un retard initial de vingt ans ajouté à des stratégies de développement différentes, ont engendré des situation disparates suivant les pays. Bien implanté en Europe du Nord, le câble subit la forte concurrence du satellite au Royaume-Uni, et de la télévision hertzienne Europe du Sud.

Les problèmes du câble sont donc totalement différents de ceux rencontrés aux Etats-Unis et

son pouvoir de marché est faible. Sans réglementation européenne, l'avenir de la télévision par câble reste indécis. En effet, si les progrès technologiques mis en place aux Etats-Unis arrivent en Europe avec un léger décalage, si les câblo-opérateurs américains continuent d'investir dans le câble européen non réglementé comme ils le font actuellement au Royaume-Uni, si les chaînes câblées américaines sont diffusées par satellite en échappant aux réglementations nationales, sans une harmonisation européenne la concurrence entre les supports serait sauvage et le support dominant disposerait d'un pouvoir non réglementé. Pour instaurer une certaine viabilité de la télévision par câble européenne, il est nécessaire de réglementer au niveau européen la concurrence entre câble, satellite et hertzien, les investissements américains dans les réseaux et les programmes et un éventuel rapprochement entre câblo-opérateurs et opérateurs de télécommunications. La création d'une FCC à l'européenne, agence réglementaire européenne chargée de la surveillance de la structure et de la performance des industries de communications, me semble vitale pour assurer un développement harmonieux d'un paysage audiovisuel européen équilibré entre câble, satellite et hertzien.

358 cf. Newsweek, 31 mai 1993, p.43

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LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES

LISTE DES TABLEAUX ET

GRAPHIQUES

PREMIERE PARTIE Graphique 0 : Croissance de la télévision par câble en nombre d'abonnés et taux de pénétration entre 1952 et 1990 ............................................................................................................ 5 Tableau 0 : Evolution du chiffre d'affaires de l'industrie du câble entre 1976 et 2000......................... 6 Tableau 1 : Classement 1991 des 20 premiers opérateurs suivant le nombre d'abonnés au service de base .................................................................................................................................... 10 Tableau 2 : Répartition des abonnés (en %) en fonction du nombre d'abonnés par réseau : 1983 et 1990......................................................................................................................................... 10 Tableau 3 : Principales opérations de concentration au cours des années 80 ................................... 11 Tableau 4 : Evolution de la concentration des câblo-opérateurs entre 1977 et 1991 ......................... 12 Graphique 1 : Evolution de la concentration des câblo-opérateurs entre 1977 et 1991 .................... 12 Tableau 5 : Classement des opérateurs en 1980, 1985, 1988,1992 suivant leur part de marché...... 13 Tableau 6 : Audience moyenne des services de télévision (troisième trimestre 1989)....................... 16 Tableau 7 : Influence du service de base sur la consommation télévisuelle en 1990 (part d'audience moyenne quotidienne en %) .............................................................................................. 17 Graphique 2 : Evolution de la croissance annuelle des chiffres d'affaires du service de base et du service optionnel entre 1980 et 1991 .............................................................................................. 20 Tableau 8 : Chaînes nationales du service de base en 1992.............................................................. 26 Tableau 9 : Chaînes nationales du service optionnel en 1992 ............................................................ 28 Tableau 10 : Chaînes nationales du service pay-per-view en 1992 .................................................... 28 Tableau 11 : Répartition en % des réseaux et des abonnés en fonction du nombre de canaux offerts : 1983 et 1991............................................................................................................................ 30 Tableau 12 : Participation des opérateurs dans le capital des chaînes............................................... 31 Tableau 13 : Propriété des 10 plus grandes chaînes du câble (chiffre d'affaires 1991 en millions de dollars)............................................................................................................................................. 32 Graphique 3 : Evolution des prix mensuels moyens du service de base et du service optionnel entre 1976 et 1991 (dollars constants)................................................................................................. 37 Graphique 4 : Evolution de la structure en % du chiffre d'affaires de l'industrie du câble entre 1976 et 2000......................................................................................................................................... 38 Graphique 5 : Les sources du pouvoir de marché des câblo-opérateurs........................................... 40 Graphique 6 : Analyse structurelle de la télévision par câble aux Etats-Unis en 1991 ...................... 41 Graphique 7 : Mesures réglementaires pouvant diminuer le pouvoir de marché des câblo-opérateurs ............................................................................................................................................ 43 Tableau 14 : Obligations de transport pour les câblo-opérateurs à partir de 1993 en nombre de canaux à réserver................................................................................................................................. 47 Graphique 8 : Les telcos en tant que common carrier dans la fourniture du Video Dialtone Service.................................................................................................................................................. 52 Tableau 15 : Cross-ownership rules en 1991 et en 1993 .................................................................... 52

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LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES

DEUXIEME PARTIE Tableau 1 : Comparaison des trois types d'entités utilisées dans les mesures de la concentration ......................................................................................................................................65 Tableau 2 : Proposition de méthodes d'agrégation de la variable V d'une filiale F aux variables de groupes actionnaires .....................................................................................................66 Tableau 3 : Les principales modalités d'estimation des variables dans la mesure de la concentration ......................................................................................................................................67 Tableau 4 : Matrice des corrélations entre les degrés de concentration de 41 secteurs français estimés selon quatre variables .............................................................................................67 Graphique 1 : Exemple de courbes de concentration.......................................................................68 Graphique 2 : Modèle concurrentiel et exemple de courbe de Linda ...............................................72 Graphique 3 : Intervalle des valeurs de CR4 suivant les valeurs de HHI.........................................76 Graphique 4 : Courbe de Lorenz.......................................................................................................80 Tableau 5 : Les facteurs et leurs influences sur les mesures de la concentration sur un secteur délimité selon un système de classification industrielle ........................................................82 Graphique 5 : Les deux types de rentes d'une entreprise en situation de monopole.......................91 Graphique 6 : Approche structuraliste et SCP..................................................................................95 Tableau 6 : Influence de la concentration et des barrières à l'entrée sur les taux de retour sur capitaux propres .................................................................................................................................96 Graphique 7 : Economies d'échelle dans la vue efficiente ...............................................................97 Tableau 7 : Récapitulatif des indices de concentration......................................................................102 TROISIEME PARTIE Tableau 1 : Liaisons financières en 1988 et agrégation d'abonnés...................................................106 Tableau 2 : Liaisons financières en 1991 et agrégation d'abonnés...................................................107 Tableau 3 : Les ratios de concentration bruts ....................................................................................109 Graphique 1: Les ratios de concentration corrigés ...........................................................................109 Tableau 4 : Les indices de Linda........................................................................................................110 Graphique 2 : Les courbes de Linda.................................................................................................111 Tableau 5 : Médiane, moyennes et Niehans bruts.............................................................................112 Tableau 6 : Comparaison avec la croissance du marché ..................................................................112 Graphique 3 : Médiane, moyennes et Niehans corrigés...................................................................113 Tableau 7 : HHI, indices entropiques, CICI et HT bruts.....................................................................113 Tableau 8 : HHI, indices entropiques, CICI et HT corrigés ................................................................114 Graphique 4 : Evolution de l'indice d'Herfindhal-Hirschman.............................................................114 Tableau 9 : Les mesures de l'inégalités brutes..................................................................................115 Graphique 5 : Les mesures de l'inégalité corrigées..........................................................................115 Graphique 6 : Courbe de Lorenz pour 1988 .....................................................................................116 Tableau 10 : Les trois aspects de la concentration des câblo-opérateurs américains entre 1985 et 1991.......................................................................................................................................116 Tableau 11 : Valeur de marché publique et privée pour 5 MSOs en 1989........................................118 Tableau 12 : Coûts de remplacement nets et bruts pour 1989..........................................................119 Tableau 13 : Coûts de remplacement nets et bruts par abonné........................................................120 Tableau 14 : Les q de Tobin par entreprise .......................................................................................121 Tableau 15 : Les q de Tobin publics et privés pour les câblo-opérateurs spécialisés.......................121 Graphique 7 : Evolution du q des câblo-opérateurs entre 1983 et 1990 ..........................................122

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ANNEXES

Annexe 1 :

Les 50 premiers câblo-opérateurs américains en 1985

Opérateur Abonnés Part de marché Cumul abonnés Cumul part

1 Tele-Communications TCI 4 782 398 12,40% 4 782 398 12,40% 2 ATC 2 500 000 6,48% 7 282 398 18,88% 3 Group W Cable 2 055 000 5,33% 9 337 398 24,20% 4 Storer Cable Communications 1 496 000 3,88% 10 833 398 28,08% 5 Cox Cable Communications 1 475 647 3,82% 12 309 045 31,91% 6 Warner Amex Cable 1 129 850 2,93% 13 438 895 34,83% 7 Continental Cablevision 1 064 000 2,76% 14 502 895 37,59% 8 Times Mirror Cable TV 996 606 2,58% 15 499 501 40,17% 9 Newhouse Broadcasting 927 000 2,40% 16 426 501 42,58%

10 United Cable Television 851 000 2,21% 17 277 501 44,78% 11 Viacom Cablevision 800 000 2,07% 18 077 501 46,86% 12 UA Cablesystems 711 000 1,84% 18 788 501 48,70% 13 Sammons Communications 665 000 1,72% 19 453 501 50,42% 14 Cablevision Systems 589 482 1,53% 20 042 983 51,95% 15 Rogers Cablesystems 586 860 1,52% 20 629 843 53,47% 16 Jones Spacelink 570 170 1,48% 21 200 013 54,95% 17 Comcast Cable Communications 505 700 1,31% 21 705 713 56,26% 18 Telecable 445 365 1,15% 22 151 078 57,42% 19 McCaw Communications 382 000 0,99% 22 533 078 58,41% 20 Capital Cities Cable 375 338 0,97% 22 908 416 59,38% 21 Prime Cable 331 226 0,86% 23 239 642 60,24% 22 Wometco Cable TV 308 427 0,80% 23 548 069 61,04% 23 Centel Cable TV 303 516 0,79% 23 851 585 61,82% 24 Daniels & Associates 300 650 0,78% 24 152 235 62,60% 25 NewChannels 299 281 0,78% 24 451 516 63,38% 26 TCA Cable 273 189 0,71% 24 724 705 64,09% 27 Cablevision Industries 269 741 0,70% 24 994 446 64,79% 28 Multimedia Cablevision 268 063 0,69% 25 262 509 65,48% 29 American Cablesystems 263 780 0,68% 25 526 289 66,16% 30 McLean Hunter Cable 247 407 0,64% 25 773 696 66,81% 31 Falcon Cable TV 245 000 0,64% 26 018 696 67,44% 32 Scripps Howard 234 411 0,61% 26 253 107 68,05% 33 TeleScripps 220 065 0,57% 26 473 172 68,62% 34 Tribune Cable 219 124 0,57% 26 692 296 69,19% 35 Colony Communications 216 320 0,56% 26 908 616 69,75% 36 Adelphia Communications 198 205 0,51% 27 106 821 70,26% 37 Rollins Cableview 197 500 0,51% 27 304 321 70,77% 38 Century Communications 192 023 0,50% 27 496 344 71,27% 39 Service Electric Cable TV 189 500 0,49% 27 685 844 71,76% 40 Communications Services 179 006 0,46% 27 864 850 72,23% 41 Cablentertainment 166 309 0,43% 28 031 159 72,66% 42 Sutton Capital Group 160 248 0,42% 28 191 407 73,07% 43 Rifkin & Associates 160 000 0,41% 28 351 407 73,49% 44 Western Communications 153 564 0,40% 28 504 971 73,89% 45 Adams-Russel Communications 145 382 0,38% 28 650 353 74,26% 46 Harte-Hanks Communications 140 569 0,36% 28 790 922 74,63% 47 Harron Communications 132 644 0,34% 28 923 566 74,97% 48 Buckeye Cablevision 125 925 0,33% 29 049 491 75,30% 49 Harris Cable 119 500 0,31% 29 168 991 75,61% 50 Midwest Video 118 102 0,31% 29 287 093 75,91%

-137-

Page 142: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

ANNEXES

Annexe 2 : Les 50 premiers câblo-opérateurs américains en 1988

Opérateur Abonnés Part de marché Cumul abonnés Cumul part

1 Tele-Communications TCI 9 826 875 19,37% 9 826 875 19,37% 2 ATC 4 518 000 8,90% 14 344 875 28,27% 3 Continental Cablevision 2 504 000 4,94% 16 848 875 33,21% 4 Comcast 2 239 500 4,41% 19 088 375 37,62% 5 Warner Cable 1 563 000 3,08% 20 651 375 40,70% 6 Storer Cable Communications 1 534 000 3,02% 22 185 375 43,72% 7 Cox Cable Communications 1 494 964 2,95% 23 680 339 46,67% 8 United Cable TV 1 320 768 2,60% 25 001 107 49,27% 9 Newhouse Broadcasting 1 160 224 2,29% 26 161 331 51,56%

10 Cablevision Systems 1 140 014 2,25% 27 301 345 53,81% 11 Viacom International 1 134 880 2,24% 28 436 225 56,04% 12 Times Mirror Cable TV 1 016 819 2,00% 29 453 044 58,05% 13 Jones Spacelink 1 007 582 1,99% 30 460 626 60,03% 14 31 394 870

854 029 1,68% 33 949 402

1,52% 34 719 520

71,27% 640 248

37 952 807 24 75,84% 25 481 000 76,79%

27 0,79% 79,20%

29

31 41 177 540

42 007 189 42 251 189 42 491 189 42 719 715 42 946 715 43 166 715

43 532 852 43 707 647 43 874 647

86,79%

Cablevision Industries 934 244 1,84% 61,87% 15 Houston Industries 895 853 1,77% 32 290 723 63,64% 16 Sammons Communications 33 144 752 65,32% 17 Century Communications 804 650 1,59% 66,91% 18 MacLean Hunter Cable TV 770 118 68,43% 19 Adelphia Communications 725 639 1,43% 35 445 159 69,86% 20 Cooke Cablevision 715 427 1,41% 36 160 586 21 Falcon Cable TV 1,26% 36 800 834 72,53% 22 Centel Cable 581 623 1,15% 37 382 457 73,68% 23 Telecable 570 350 1,12% 74,80%

Scripps Howard Cable 530 000 1,04% 38 482 807 Multivision Cable TV 0,95% 38 963 807

26 Tele-Media 413 885 0,82% 39 377 692 77,61% Prime Cable 411 100 0,81% 39 788 792 78,42%

28 Post-Newsweek Cable 399 000 40 187 792 TCA Cable TV 347 000 0,68% 40 534 792 79,89%

30 Rifkin & Associates 324 400 0,64% 40 859 192 80,53% Multimedia Cablevision 318 348 0,63% 81,15%

32 Colony Communications 315 746 0,62% 41 493 286 81,78% 33 Western Communications 262 274 0,52% 41 755 560 82,29% 34 Star Cablevision 251 629 0,50% 82,79% 35 Simmons Communications 244 000 0,48% 83,27% 36 Cencom Cable Associates 240 000 0,47% 83,74% 37 Communications Services 228 526 0,45% 84,19% 38 Hauser Communications 227 000 0,45% 84,64% 39 Service Electric Cable 220 000 0,43% 85,07% 40 Greater Media 189 385 0,37% 43 356 100 85,45% 41 Harron Communications 176 752 0,35% 85,80% 42 Media General 174 795 0,34% 86,14% 43 Columbia International 167 000 0,33% 86,47% 44 Palmer Communications 160 978 0,32% 44 035 625 45 US Cable 155 000 0,31% 44 190 625 87,09% 46 Armstrong Utilities 151 772 0,30% 44 342 397 87,39% 47 Wometco Cable TV 148 700 0,29% 44 491 097 87,69% 48 Triax Communications 142 628 0,28% 44 633 725 87,97% 49 McDonald Group 142 548 0,28% 44 776 273 88,25% 50 King Videocable 140 000 0,28% 44 916 273 88,52%

-138-

Page 143: Mémoire DEA Economie Industrielle - La télévision par câble aux Etats-Unis

ANNEXES

Annexe 3 :

31,34%

ablevision Industries 1,91% 55,76% 57,61%

64,04%

21

396 372 0,61% 0,57%

49 417 661

49 51 686 046

Les 50 premiers câblo-opérateurs américains en 1991

Opérateur Abonnés Part de marché Cumul abonnés Cumul part

1 Tele-Communications TCI 11 920 711 19,57% 11 920 711 19,57% 2 Time Warner 7 166 285 11,77% 19 086 996 3 Comcast 3 414 500 5,61% 22 501 496 36,95% 4 Continental Cablevision 2 964 000 4,87% 25 465 496 41,81% 5 Cox Cable Communications 1 667 769 2,74% 27 133 265 44,55% 6 Cablevision Systems 1 661 748 2,73% 28 795 013 47,28% 7 Jones Spacelink 1 500 000 2,46% 30 295 013 49,74% 8 Newhouse Broadcasting 1 309 771 2,15% 31 604 784 51,89% 9 Adelphia Communications 1 189 000 1,95% 32 793 784 53,85%

10 C 1 164 036 33 957 820 11 Times Mirror Cable TV 1 126 063 1,85% 35 083 883 12 Viacom Cable 1 086 800 1,78% 36 170 683 59,39% 13 Houston Industries 979 622 1,61% 37 150 305 61,00% 14 Falcon Cable TV 929 000 1,53% 38 079 305 62,53% 15 Sammons Communications 925 400 1,52% 39 004 705 16 Century Communications 884 000 1,45% 39 888 705 65,50% 17 Crown Cable 708 750 1,16% 40 597 455 66,66% 18 Scripps Howard Cable 649 181 1,07% 41 246 636 67,73% 19 Telecable 644 364 1,06% 41 891 000 68,78% 20 Colony Communications 596 683 0,98% 42 487 683 69,76%

Cencom Cable Associates 550 000 0,90% 43 037 683 70,67% 22 MacLean Hunter Cable 530 323 0,87% 43 568 006 71,54% 23 Prime Cable 525 000 0,86% 44 093 006 72,40% 24 Tele-Media 502 900 0,83% 44 595 906 73,23% 25 Multivision Cable TV 485 400 0,80% 45 081 306 74,02% 26 TCA Cable TV 454 852 0,75% 45 536 158 74,77% 27 The Washington Post 452 878 0,74% 45 989 036 75,51% 28 Wometco Cable 0,65% 46 385 408 76,16% 29 Multimedia Cablevision 369 859 46 755 267 76,77% 30 Rifkin & Associates 344 419 47 099 686 77,34% 31 Simmons Communications 343 000 0,56% 47 442 686 77,90% 32 Hauser Communications 323 000 0,53% 47 765 686 78,43% 33 Intermedia Partners 317 519 0,52% 48 083 205 78,95% 34 Western Communications 311 894 0,51% 48 395 099 79,46% 35 Triax Communications 304 734 0,50% 48 699 833 79,96% 36 C-Tec Cable Sytems 246 381 0,40% 48 946 214 80,37% 37 Greater Media 236 447 0,39% 49 182 661 80,76% 38 Service Electric Cable 235 000 0,39% 81,14% 39 Columbia International 222 000 0,36% 49 639 661 81,51% 40 Harron Communications 219 022 0,36% 49 858 683 81,87% 41 Media General 208 333 0,34% 50 067 016 82,21% 42 Bass Group 200 765 0,33% 50 267 781 82,54% 43 Palmer Communications 193 112 0,32% 50 460 893 82,86% 44 US Cable 190 510 0,31% 50 651 403 83,17% 45 Llewellyn 181 357 0,30% 50 832 760 83,47% 46 Star Cablevision Group 175 416 0,29% 51 008 176 83,75% 47 G.C 175 000 0,29% 51 183 176 84,04% 48 Sutton Capital Group 174 180 0,29% 51 357 356 84,33%

Fanch Communications 172 000 0,28% 51 529 356 84,61% 50 Summit Communications 156 690 0,26% 84,87%

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