Maine de Biran: Science et psychologie

402
CenMM tmutttMM M~ZO.)!<H4 )tMsib)tMpatUe))e Valable pour tout ou partie du document reproduit RELIURE SERREE Absence de marges intérieures

description

Philosophy

Transcript of Maine de Biran: Science et psychologie

Page 1: Maine de Biran: Science et psychologie

CenMM tmutttMM

M~ZO.)!<H4 )tMsib)tMpatUe))e

Valable pour tout ou partiedu documentreproduit

RELIURESERREEAbsence de marges

intérieures

Page 2: Maine de Biran: Science et psychologie

MbMt d'une ~ne <to <tMttnentt

en cautew

Page 3: Maine de Biran: Science et psychologie

B~MOT~~ DE FA€~ L1'ON'

'=. "OMiBM

SCÏEN EE ET~

t~m~.MWKS MMtKS.

.'r~~M"

M,

j" ~w~~

..MAt~E;~ B]~

p~<gM.A~C.MN&.)~oMCMeN'

,.AMXIS~~R~ ~;r~

.P<~w'~MU<~e~M~tMM~ j

~'s~

'M se'lbbbi, lai r

~.Ji/SM.

Page 4: Maine de Biran: Science et psychologie

ERNEST~EROU~ ËBiTEUR £

9a,ttt!~Mo~y~TR,SR

r; 'ï.M~i~s ~1~

'w:M~'tn~NS~CCTt~PWB~MR~MSB~A~~

'ao~s:'a~oo~DB$'M w'h~80œNTnHQOE~SiBMONOtM~BSMtt.OMmS

8SWMHB'ARCM~MMXë~8SN~t)&Ea~aAM)BtMMOM!QUBlM~8~tBNVR

> $~MNP~M6~C~ËMNOMt()~~SOaA~

A'ROHtV'Eë'&.Ba'Mt~t6N~a~B!

~A! /('

~a''T~M~ 'ï;r~

NSt~01!<

PnhN6eMBeta~MeMm<tH.eB'BA'tv,~M~

/A~A~ `.

'~J~(.t~t~

~Mt~mBa'.p~ét~~ I~pt~~oaL ar~a~'t~tBe'a~~i[~~ 0~j~a'~c.o~~

'e- len~n'~ b.r~snt~tlei~~iex.

'jM~rt~a~~ R~ ~1~W ~$~

'& F~M~.B~ < "'4.s,.

'~f

't~t.. '?.J~i-.< .4'

C~j4

li~

'?~

>, £ ( x.~ S

~o~.M. ~p~y~~

.t.-j~ sr ~t ;j. t'y'

't'

-j~t'<=.

Page 5: Maine de Biran: Science et psychologie

-1

ANNUAIRE

DE MFACULTÉDESLETTRESDELYON

TABt.E DES TROtS PMEMN!MSS ANN&ES

t883-iMS

!A:MË&tMa

KtWtMto t. B~MtM, pM~Mexr de ~eempMe: to ~Mat)<M,MatotM det'AMMtb et de t'AM~ pttmMf. (httMdtMMonà t'M<t<t~ der~Mpe.)

C)t.B~wr,pMt!i!SMMr(t'hMxiMetaBM~MBd)tmeyen~:iejeWeoMe<fMN<)M««M<mMN.

)L.Cn~M, tt~MMw de tanetta et de MMmtaMt ft-m~he do

meye)tage:J~oCAMa(9Me<fe~a~m6eM.

FnMk)tten.pAn.RM!<A)))).Sf<M)M<!taH~W~<a<HHM.

E.Bt!MT.c<)irrMp<mdMtde)'tMUtut:P<M)fM<'WCeM~.

Pa.!hwc&:t'tM'<MWe~<Mt,t..<Ma*T:~<M~M<fepA~a~e/~of«<C. M6)!mtM Nexfef <M'a<Mr.'

FaMteuteN!.FbtMt:~<M<<<NM'/apA<y~pAte~)M~a<Mtw<!tBMt*Nt:B~Mt~MM<<? M~aM~e et ? MM ~M<«/<tt< met~<'

n'.M)N)SB.~Mt.

FMctMte!.B.t~&m<:SM'M<~MeM~tt<!Aet)a~J~~)~.CH.tMBf:ta/!M<Me<<Mt<t<t<M<&CfM<fm<fn.

LCt~t:~M~<eBMMae~M<~jr~<'&t.~W6-MM).RBa~T;J%M~~<;ttMde~tMdttetaMMrtMdehpM~~

ttMMjdmMtw..A.BBnTes,êt&~dMMBMt~M~d~totM:fa&ataM&<feet!tmM.

PeM*tt)B: Mt<~<MO'tm eptcea<!t M{-<N.M)tf<)~« <?BMtMtMM.

Rtseitote! P.RBBMn<:S<9)tCMta)!~)<<a!<M&fHM.

P.RBNfACB!j6<«<tMpAenN~et<<tHetyteA~ttM.

'è'

<<~tM~<weMt~

Page 6: Maine de Biran: Science et psychologie

Fin d'une série de documents

en couteut

Page 7: Maine de Biran: Science et psychologie

BIBLIOTHÈQUE

)<)i).A

FACULTÉDESLETTRESDELÏON

TOME DEUX!ÈME

Page 8: Maine de Biran: Science et psychologie

La Faculté des Lettres de Lyon a dedde, l'année dernière, demodifier les conditions et la forme de la publication seientiNque

qu'elle avait entreprise depuis <M3. Son~iaatMtM, qui tio com-

posait de &sctca!es d'Mato!ro, de Mt~mt~M. do philosophie,devtont une ~MtoM~tM analogue &celle que publie rËeotedes

Haates études, formée de volumes eoUeFement iadëpondantsles uns des autres. Le présent volume est le deuxième de cette

publication. Le premier, ~eM~ad~ et la jPoMfaKej~ntM~aHe

en FfaaeAe-C<MM~,par AI. E. BomMBMs,docteur ès-tettrea,

chargé des cours & la Faculté des Lettres de Lyon, vient de

paraître. Le troisième, La CAatMoade Roland, traduite en prose

archaïque et rythmée par M. L. Ct&tAT,professeur à la Faculté

des Lettres de Lyon, paraîtra très prochainement.

Page 9: Maine de Biran: Science et psychologie

MBUOTH~E DELAFACUMËDESMmES DEMON

TOMBtt

SCJ~CE ETPSYCHOLOGIE

~WEUtSSUMMt~tHSt~ /< ~J

~~ÎNE DE BIRAN

PPm.)~ A\KK UKE tNtMM!CH(M<

hana

ALEXISBERTRANDftefMMur do PMttMj~k t le Faculté de. LtttM!)de t.;m.

Fae-ShnMe. tntMdncUen. Rapporta de t'Meetegieet des Nathëmatiqaes. Observattem aBr le paterne de Gall.

CemmenMM am' les NëditatieM de BeMarteB. Rapports des Menées naturelles

avec la Psyeheteate. Notes mr t'abM de U9Me.Notes sor ndeeteeie de N. de 'Tmey.

PARIS

ERNEST LEROUX, ÉDITEUR

28, ME BONAPARTE, 28

1887

Page 10: Maine de Biran: Science et psychologie

FM.strn~ d'w.aap~ed<t~snuaeptt

?*

m~nuseril

Page 11: Maine de Biran: Science et psychologie

INTRODUCTION

En <8N6. le programme de l'Agrégation de philosophiecomprenait tes JM<~<~<MMM~e~A~~M~ de Deaoartpa. Jesavais quo Maine de Biran avait laissé un CemtWH~~inédit sur les J!M~f<t~<ttM,et je désirais vivement en fairp

profiter nos étudiants et en profiter moi-même. Je me rendisdonc à Gonbvo: M. E. Naville m'aeeuoittit avec «a henné

graee accoutumée et mit a ma disposition tous les manuscritsde Maine de Biran. On est vite l'ami de t'émineut philosophegénovoia quand on est l'ami de la philosophie et l'admirateurde Maine de Bifan il voulut bien me diriger et m'aider à

explorer ces volumineux manuscrits, qu'il connaît page parpage, ligne par ligne, je devrais dire mot par mot. De ce pré.mier voyage je ne rapportai cependant que le CMMHCH~aw~Mf les Jtf~tNita~MM,et il me parut si important que jerésolus des lors de le publier dans notre ~MMtMM~,ou dumoins d'en extraire les parties les plus nouvelles, et qui n'a-vaient pas leur équivalent dans les œuvres connues de notre

philosophe. Quand t'~wMMH'e fut transformé, l'an dernier,en Bibliothèque de la Faculté des Lettres, mes projets s'agran-dirent et mon ambition augmenta j'étais vivement frappédp cette idée qu'il ne s'agit pas ici d'ouvrages de peu d'im-

portance, négligés à dessein par les premiers éditeurs, mais

qu'an contraire, an témoignage de l'homme qui connatt lemieux la question, cinq ou six des manuscrits inédits sont

désignés pour faire partie de l'édition dé6nitive que la Franceet la philosophie attendront peut-être longtemps eneore,tandis que plusieurs des pièces pnbtiéea par V. Cousin serontévidemment éliminées de cette édition. C'est une anomalie,un fait étrange, et qui ne ae présente peut-être pour aucunantre auteur ancien ou moderne, mais c'est on fait qui s'ex-

Page 12: Maine de Biran: Science et psychologie

tXtMWmCTtaxt<

plique le plus aisément du monde a! l'on se rappelle l'histoire

bitiarre, devenue légendaire comme celle des écrits d'Aristete,de la publication des manuscrits de Maine de Biran Letraité des ~<~w<s <!fM'Hf<?<:FM<Mw~ a<~c la Psycho-~M me parut surtout d'un intérêt si actuel et, soit par tt*

sujet, soit par la matM~ra dont il est traité d'une utilité !:iindiscutable à cette époque surtout on nous voyons la phy-siologie envahir te domaine de la psychologie, trop mol-lement défendue, que jo n'hésitai pas à en proposer et &en

entreprendre la publication. C'est, en etbt, une adm!rabh'défense de !a psychologie, et ceux qui voient avec dou-leur l'espèce d'abandon et de délaissement tu semble s'étioïer

aHJoard'huieetto science toute française et prononcent au fonddu cœur t'~enafe a~MM/1 ceux-là, j'en suis sur, aurontlieu d'être contents. Pas un des arguments de Maine d<'Biran n'a vieilli. Cet éioquent plaidoyer, bien qu'il datede soixante-dix ans, semble écrit d'hier et s'adresser & desadversaires qui vivent et conspirent au milieu de nous. Puisse-t-it convertir quelques néophytes intempérants de la physioto-gie et les ramener au véritaMe objet de la psychologie;puisse-t-il aussi détourner quelques-uns de nos jeunes philo-sophes de ce coup de désespoir, qui consiste à abdiquer entiè-rement entre les mains de Kant et a s'incliner sans nécessitédevant l'Allemagne. J'entends l'accusation étrange manière,va-t-on dire, de défendre la philosophie, que d'en exclure lascience et d'y introduire lè chauvinisme Eh 1 non Maine deBiran était un savant; il connaissait les mathématiques, je nedis pas autant qu'homme de France, mais autant qu'il fallait

pour discuter avec Ampère sur maint sujet qui embarrasseraitfort tel d'entre nous qui parle avec conviction et non sans une

complaisance légèrement emphatique, de la loi ~a~A~M~de Fechner il était 61s de médecin, très versé dans les études

it.NM&eA&<o~Met <tMM~<tpM}«eMr <raeatt.Ede NanMde Bt~m,eontEmmti* rHbhtifedesmamMtMainéditedece philosophe;a' lé Cata-logue«abonnédeMttmweatant inéditesquepnMieM;3' le Catategaedeeécritsrelatifsà savieet a sadoctrine,pMM.E. Naville.Qenève,i8St.

Page 13: Maine de Biran: Science et psychologie

mwMtcnas Mt

physiologiques, fondateur et président d'une ~<tf)Mf<fM~fM&l'ami intime de Cabanis, comme en témoigna Mac corres-

pondance inédite que j'ai sous les yeux. Quant à t'AMomagne.il ne jurait point par elle, mais il la forçait de couronner sestnémoires. M pensait d'aitteura que Biehat et Cabanis valentbien les Allemands qui les pittent. Schopenhauor écrivait en<M2 « Biehat a vécu trente ana, il est mort il y aura bientôtsoixante ans, et toute l'Europe honore aon nom et lit ses

ouvrages. Sur cinquante millions de bipèdes, on aurait peine &rencontrer une tête pensante telle que Bichat. Assarétnent,depuis ses travaux, la physiologie a fait dea progrès, maissans les secours des Allemands, et grâce uniquement à

Magendie, Flourens, Ch. Bett et Marshat Hall pourtant cesprogrès n'ont pas 616 tels que Bichat et Cabanis en paraissentvieillis, et tous les noms que je viens de citer s'inclinent

quand on prononce le nom de Bichat. » Je n'ajouterai certes

pas avec Schopenhauer « Quittons maintenant cette noblesociété pour pénétrer dans l'auberge des saltimbanques atte-

mands, » car un Français qui répéterait le quart des invec-tives que Schopenhauer adresse à ses compatriotes, feraitcrier au blasphème. Je me contenterai de dire que sur beau-

coup de points, notamment sur les lois de l'habitude, Mainede Biran au fond de sa province, sans ressources scienti-

Nques, parle seul enbrt de la méditation personnelle avait ren-contré et même devancé Bichat'. J'ajouterai que pour admi-rer à la fois et Schopenhauer et ceux qu'il invective si cruet-

lement, it faut vraiment se mettre trop au-dessus du vieux

principe de contradiction et avoir un grand !bnds d'admirationen réserve. C'eat pourtant notre histoire. Admirons et emprun-tons, soit, mais d'abord connaissons nos propres richesses etsachons si la psychologie française n'est pas précisément

i. CefaitMtattestAparune longue?? (inédite)a<fMM&au e~te~nB.<M<Mfda <<ettettroa~o~M-<M<<<amla eMM~MdeNif. Bteta<<<BMtMea.<m~ <taM? premiervolumede h MMMM~tent&tteateenpuan~ttan M.par f<n«<m-du JMno&<<a«<HMf ~a/?«entede ftaMf«<<etm-&t/<«?< defHMar,t<MMt)M<par <YtMH<t<<nationaldam ta <aMeedu ~t messidorau X.

Page 14: Maine de Biran: Science et psychologie

n tfmMMtCTKM

cette que nous estimons «! haut quand elle noua est réim-

portée d'Attemagne,Elle eat ntte des mathématiques et de la médecine, puis-

qu'elle a été fondée par Ampère et Maine de Biran, J'espé-rais pouvoir insérer dans ce volume la C<MTp~peM<<9McedeMaine de Biran, et notamment les réponses aux lettres d'Am-

père, mais des raisons budgétaires me forcent actuellement àremettre à plus tard cette publication cette correspondanceet la longue introduction qui eut été nécessaire pour enéclaircir tes points ebaenra, en combler los nombreuses la-CMneitet la rendre intelligible, eussentgrossi deprea d'nn fierate présent votante. D'aillenrs te lecteur, je l'espère, ne perdrarien pour attendre; te nombre dea lettres retrouvées pout s'ac-croMra de jour en jour et déjà de nouveaux documents mesont parvenus depuis que l'éminent directeur de la T~NMf

~t/MOj~MN a bien voulu insérer dans le numéro de janvierdernier la lettre suivante que je me permets de reproduireici « An moment de mettre sous presse un volume quiparattra sous ce titre CoM'f~MM&mcM JM~MOtresinéditsde Maine de Biran, permettez-moi, monsieur le directeur, derecourir a votre obligeance et à la publicité de la Revue~Ve'sophique, pour prier tous les amis des sciences et de la philo-sophie qui posséderaient des lettres de Maine de Biran, devouloir bien me tes communiquer. Sa correspondance avecCabanis, Ampère, Stapp&tr, Destutt de Tracy, a duré fort

longtemps et a toujours été très active. J'ai entre les mainsdes lettres nombreuses et intéressantes, mais je suis loin sansdoute de les avoir toutes, et il y a encore bien des lacunes, etde très regrettables. Comment fixer, par exemple, les part"respectives d'Ampère et de Maine de Biran dans l'élaborationde leur système commun, si l'on ne possède pas leur corres-

pondance ? Grâce a M. Barthélémy Saint-Hilaire, nous avons

d~Mes lettres d'Ampère le public aura bientôt les réponsesde Maine de Biran. Il importe que les pièces de ce grandprocès figurent toutes dans la nouvelle publication or, beau-

coup sont sans doute disséminées on perdues. Puissent ceux

Page 15: Maine de Biran: Science et psychologie

<}mMBCCTK~ v

qui en ont entre les maina imiter la libérale et g~néreuxaconduite de M. E. Naville, qui fait un Maimable accueil aux

amis de la philosophie et do Maine do Biran, et ton ta!sse

puiser a pleines mains dans sa pracieuaa eottection de manua.

crits. Agréez, etc. n

On voit, par cette lettre, que t'étude des rapports d'Ampèreaveo Maine de Iliran, c*<'at-&-dir<'la seule partie vraiment

neuve de l'histoire des idées de Maine de Biran nous est inter-

dite jusqu'à nouvel ordre. 11faut donc borner cette introduc-

tion at'anatyse critique et historique des ouvres inédites qMecontient ce volume. A ce mot d'tenvres inédites s'attache à la

fois une certaine faveur et une certaine pr&veation on les

accueille sans doute comme documents intéressants, mais on

les dédaigne volontiers comme n'étant que de simples gla-nures après la moisson. On aurait grand tort de croire quetout est dit et que l'on vient trop tard. On lit dans les ~.p~t~

des ~aa<& pAt/osopAMde M. A. FouiMéc a Les ~HOpaM~

ouvrages (de Maine de Biran) ont été recueittis par V. Cousin

en l84t. » Il en résulterait qu'après i84i M. E. Naville, lui

aussi, n'avait plus qu'à glaner. Aussi M. FouiMée ajoute-t-il

négligemment « D'autres cauvres inédites ont été publiées

par M. Naville on i8S9. » Mais tournez les feuillets et vous

aurez vite la preuve matériettc, pour ainsi aire, que ces eM<M'<

<M<M'MmA~es sont bel et bien les principaux orivrages <«)

l'auteur. Personne en effet ne récusera la science profonde.la haute compétence et le goût parfait de M. A. Fouittée

or, sur les onze morceaux qu'il emprunte à notre philosopheet qui sont en effet parfaitement choisis, combien pensez-vous, sont extraits des quatre volumes de V. Cousin ? Pas

un. Et des trois volumes de M. E. Naville? Onze tout justeCela soit dit sans vouloir rabaisser le mérite de V. Cousinc'est l'augmenter au contraire, car il fallait être singulière-ment pénétrant pour juger si bien Maine de Biran sur des

échantillons fort incomplets, et, ajoutons-le, publiés avec

beaucoup de négligence. Avoir proclamé que Maine de Biran

est « le plus grand métaphysicien qui ait honoré la France

Page 16: Maine de Biran: Science et psychologie

\t tt)TMMtUCTKM<

depuis Malebranche, N qu'il est « un homme sans égal en

France pour le talent de l'observation intérieure, la finesse ft

la profondeur du sons psychologique, a «'est ineenteatabte-

ment nn titra de gloire pour V. Cousin et un des plus grandsservices qu'il ait rendus à la philosophie de son pays. L'examen

rapide des nouvelles eBMvreainédites va nous faire parcourirtoute la carrière philosophique de l'auteur et assister à la

genèse et à l'évolution de son système; idéologue renforcé

dans los Rapports de tlddologie et des JM<ï<A~Ha<t~t<M,nous

le trouvons à la Bn du volume en possession de tous ses

principes et parfaitement mattre du système nouvMMt,de cette

psychologie qn'M n'est que juste d'appeler &tr<MMeHMt.Je

m'empresse de déctaror que s'il y a eu quelque mérite à

rassembler péniblement ces fouilles dispersées, à décMHrer

ces manuscrits mal écrits et en désordre (le fac-simiié que con-

tient ce volume représente une demi-page choisie parmi les

pins nettes et les moins illisibles dn manùscrit des Rapports),le principal honneur en revient à M. E. Naville qui m'a cons-

tamment guidé et dont j'ai scrupuleusement suivi les indica-

tions la main qui exécute ne fait qu'accomplir un devoir dp

reconnaissance en rendant hommage à la tête qui dirige.

On ignore généralement deux particularités fort inté-

ressantes de ta vie de Maine de Biran l'une nous est révélée

par les lettres inédites de Cabanis, c'est qu'il songea assez

longtemps à se faire professeur de mathématiques l'autre

par la partie inédite des lettres d'Ampère, c'est qu'il sollicita

en 1808, lors de la fondation de l'Université, un poste de

recteur. H est à croire que la carrière de l'enseignement ou

l'administration universitaire lui convenaient mieux que la

politique, mais le hasard des événeme*'ts en décida contre ses

veaux. Cabanis lui écrit le i9 theEmido* an XI « Votra ami

Vanhntten aurait voulu que vous demandassiez la chaire de ma-

thématiques qui vaquait à Versailles et il vous avait écrit pourcela. B n'y a point de doute que les inspecteurs de l'iBatruetiott

publique ne soient très disposés à vous proposer pour quelque<

Page 17: Maine de Biran: Science et psychologie

t~MOMJCnON V)t

ptacf, mais nous voudrions bien que cela ne fût pas trop loinde Paris nous avons besoin de conserver t'espéraacc de voua

y voir » Ampère lui rend compte dans une lettre datéede f808', des démaFchea qu'il a faites en aa faveur auprès duchancelier et du grand mattre de l'université tous s<*st'tfortsaont venus ëohoaer, malgré de beMes promesses, contre ladécision prise par t'emperear de ne nommer recteurs qM<*d'anciens professeurs ou des proviseurs. C'est donc parce qu'Hne fut pas nommé professeur en i803, que Maine de Biran ne

put être recteur en i808. Les lettres inédites de Cabanis nousfont voir qu'il faisait grand cas de Maine de Biran comme ma-thématicien et qu'il le croyait destiné & réformer la languegéométrique et à la faire profiter des progrès de t'idéotogie« Mon ccaar vous suit à Bergerac, où je désire beaucoup quevotre santé vous permette de reprendre vos anciens travauxil en est un surtout auquel je mets un intérêt particulier; c'estvotre réforme de quelques parties de la langue géométriqueet par conséquent des idées elles-mêmes qui s'y rapportentil me semble que ce transport de l'idéologie dans la géométrieest devenu indispensable et que personne n'est en état det'exécute!' comme vous. » Le mémoire sur les Rapports de

f~eo~M et des Mathématiques a donc, sans doute, été

composé à la prière de Cabanis. Nous en trouvons la preuvedans une lettre du 19 thermidor an XI (7 août 1803) oùCabanis avoue ingénument qu'il « patauge dans le

compte rendu qu'il prépare pour l'Institut sur un de ses con-cours « Si vous aviez fait quelque autre chose sur le sujetque vous avez traité d'une manière si supérieure dans la note

~<Mt</evous SMMredevable, vous m'obligeriez sensiblement deme l'envoyer. Je patauge dans le compte rendu qu'on medemande, et j'aurai bien de la peine à m'en tirer; je prendrai

'40i. Recuea de lettres ineditea communiqué par M. K. Naville.2. Cette lettre a été mnHtée, on ne Mtt pourquoi, dans l'édNon de M. Bar-

thélemy Mnt-Baatfe. Benx ~ges qui roulent sor ces négociations ont étéMpptttneea.

3. Reenea tnMtt. Cette tettre est datée dn M août MM.

Page 18: Maine de Biran: Science et psychologie

tNTKomKawNMM

le parti d'y fondre, cm plutôt d'y copier votre note. Si vous yavex fait quelque changement, ayp)5la bonté de m'en faire

part. )' L'excellent Cabanis avait, on te voit, une méthodecommode pour alléger le Jaheur de ses comptes rendus On

peut donc être assuré âne le manuscrit que nous possédons,sans ratures, extrêmement soigné, a été envoyé à Cabanisen i803, et nous en avons presque la preuve matérieUe dans

une note écrite de la main même de Cabanis sur la premièrepage « Tout ce paragraphe XXIX est encore, comme le pré-cédent, la copie d'an mémoire sur les rapports de l'idéologieet des mathématiques, qui n*)us a été envoyé par un idéolo-

giate qui est en même temps un géomètre distingué, mais

qui n'appartient à l'Institut que par les prix qu'il y a rem-

portés. »

Le fragment que nous publions ne serait-il donc que le

paragraphe XXIX d'un mémoire fort étendu, communiqué àCabanis? Rien ne nous autorise positivement à le supposer,car Cabanis parle d'une note <&w~ est fM~-paMea Maine de

Biran, et cette expression s'appliquerait mal à un travail de

l'importance qu'il faudrait supposer. Il faut donc admettre,ou que ce numéro se rapporte au compte rendu lui-même ou

que Maine de Biran n'avait écrit que le plan et l'ordre des

paragraphes du mémoire, dont il communiquait l'ordonnance

générale et quelques fragments entierementrédigés. Quoiqu'ilen soit, on ne trouvé pas dans les recueils imprimés de l'Ins-titut le compte rendu de Cabanis, où il avait fondu le travailde son correspondant, ni dans les manuscrits de Maine de

Biran, la première partie de son mémoire. La note margi-nale de Cabanis parlant au pluriel de prix remportés parl'auteur, semblerait indiquer que le Mémoire sur les rapportsde fJM~o~M et des Mathématiques est postérieur en date anJM&MMresur la décomposition de la pensée, mais M. E. Navillecroit que le contraire est établi par la lettre du i9 messidor

indiquée ci-dessus, et conjecture. que Cabanis aura parlécomme d'un prix de la mention honorable obtenue par le pre-miermémoire dé Maine de Biran sur FTa/ZMeMeede /<<M<

Page 19: Maine de Biran: Science et psychologie

))'<TKCM!CTMS <x

L'idée maitresse de l'ouvrage est de sacrifier la métaphy-

sique, science/«~< <eM<?~M!«',&ta géométrie et de subor-

donner la géométrie elte-même, «/MMM~eoMpfMa&A*a<M~i<

/<M~HCM<organisées, à l'idéologie considérée comme la

science des sciences. On peut y voir le développement de la

thèse magistralement posée par Pascal, de la distinction de

l'esprit de finesse et de l'esprit géométrique l'esprit de finesse

devient ici l'esprit idéologique et si lapartie historique, abou-

tissant à la proscription de la métaphysique, parait fort discu-

table, il faut convenir que Maine de Biran caractérise supé-rieurement le genre d'esprit qui convient aux recherches psy-

ehologiques, mais il parle encore d'une psychologie abstraite

et pour ainsi dire exsangue et émaciée qu'il est destiné &

réformer après avoir abandonné l'idéologie proprement dite

et s'être rendu compte qu'il n'a pas une <~e calclfl et que sa

santé nelui permet pas l'extrême contention <fe~M'«qu'exigentles recherches géométriques. On peut réduire à deux les ser-

vices que l'idéologie rend, selon lai, aux mathématiques en

premier lieu, elle force l'esprit à remonter jusqu'aux formes

génératrices, jusqu'aux définitions réelles et non plus nomi-

nales et provoque ainsi une réforme de la langue mathéma-

tique que les algébriers de profession, incapables de secouer

le joug des habitudes invétérées, ne tenteraient jamais eux-

mêmes parce qu'ils n'en sentiraient pas le besoin et n'en

auraient même jamais la pensée en second lieu, elle seule

sait discerner, pour ainsi dire, les nuances de la certitude ou

plutôt les degrés de la probabilité, car la vraisemblance cor-

respond à un état d'esprit qu'un analyste exercé et pénétrant

peut seul définir, de sorte que dans beaucoup de cas « l'idéo-

logiste fournit les données et met le problème en équation le

calculateur le résout mécaniquement M.Onvoit que Maine de

Biran ne ménage pas les éloges à l'idéologie, non parce qu'iladresse son mémoire à Cabanis, mais parce qu'en 1803, il est

encore tout imbudes doctrines de ses premiers maîtres, Con-

dillac et ses continuateurs.

Page 20: Maine de Biran: Science et psychologie

tKtMtUtCTMXx

Il.- Avec le discoarsaurteayatomedeGatt, nous pénétrons,dans un monde intellectuel nouveau l'horizon s'élargit et

s'éclaira, la langue m&me est plus préciao et, on dépit du ton

oratoire, plus soientiNque. Cest que dans l'intervalle cinqannées se sont écoutées. cinq années fécondes remplies parles méditations et les découvertes psychotiques. J'ai vive-

ment regretté de laisser inédit un ~u~MMfpsMfles perceptions

o6scMfM,composé, comme le discours sur Gall, pour la -SoeMM

médicale de Bergerac. Il y traite Mrpro fesso des états pure-ment affectifs ou plutôt de cet inconscient qui a fait depuisune si brillante fortune. Apres avoir étudié ce curieux manus-

crit, il m'a paru que trop de pages avaient paasé dans d'autres

écrits pour qu'on put en toute vérité le publier comme inédit,

mais it offre un ensemble remarquable dont nous n'avons jus-

qu'ici que des fragments? J'ai dû écarter aussi la 2MscMM<oM

avec Af. ~oye~-Co/& sMf la réalité <fMMétat j9Mfea:e~

affectif, publiée en entier par M. J. Gérard en réunissant

ces deux mémoires, on prouverait aisément que cet incons-

cient, dont les Allemands disent tant de merveilles, a été

parfaitement décrit par Maine de Biran qui, le premier, a

fécondé les profondes, mais brèves indications de Leibnitz. La

Société médicale de Bergerac fut fondée en i807; quand le

discours de Gall y fut prononcé, le célèbre docteur était à

Paris depuis huit mois au moins, comme le texte l'indiqueil faut en conclure que ce travail est de 1808, car c'est en 1807

que Gall vint à Paris et tourna toutes les têtes en enseignant,on pourrait presque dire en prêchant la nouvelle doctrine.

Il ne faudrait pas croire que le système de Gall fût le seul

objet du discours de Maine de Biran il a su élever le débat

et lui donner une portée générale. Tout ce qu'il écrivait

en i808, il pourrait presque t'écrire encore aujourd'hui. D

s'agit, au fond, de toute doctrine qui tend à substituer aux

facultés de l'âme leurs sièges cérébraux vrais ou prétendus.

t. La philosophiede ~foMte<teB)Mn,EMttsuivide ffagntenbtnMthi.pMb.M!6.

Page 21: Maine de Biran: Science et psychologie

M!TnO!M)Ctt<)':< Xt

H n'en faut pour preuve que le titre complet tel que le

donne le manuscrit et que nous avons eru pouvoir abrégeret alléger « <Ma'fpa~<MMsMr tes divisions <M'y<Hn~M<'<'f~Me~MNM,*eet~K~t~es catttH<c dea <M<<<~ /<ïeM~w~cctM<s <*< MCMt~. Der rapport ~M'onj)CM<~<t

entre CCMCsorte de <~<PMMMl'analyse des /<!CM~ de /*<'M.

tendement. ~aMtCH der ~~NM du docteur Gall à <'<*

sujet. » Ce dernier point n'est donc pas l'unique objtt do

cet écrit, mais la cause occasionnelle et certainement l'objet

principal.Négligeons, avec Matae de Biran, los railleries plus ea

moins piquantes et toute la partie banale de l'argumentationdes adversaires de Gall. Nous assignerons à son système une

double origine, fondée à la fois sur la nature des choses et sur

les exigences de l'esprit: d'une part la nature a séparé les

sens en leur attribuant à chacun un organe, et c'est nou"

inviter en quelque sorte &chercher aussi des organes spéciauxaux facultés spéciales de l'esprit; d'autre part, les philosophes,mus par un besoin d'unité inné à l'intelligence, se sont tou-

jours efforcé de découvrir le siège de l'Ame, témoin Descartes

qui la loge dans la glande pinéate; or, ce besoin d'unité

de siège est le même quand il s'agit d'une facuhé et de

ses diverses opérations, que lorsqu'il s'agit de Famé et de ses

multiples facultés. H se pourrait cependant que ce besoin

appartînt &l'imagination plus qu'&la raison un centre céré-

bral n'est nullement un point mathématique, etiadimoulténe

fait que reculer. On a généralement renoncé à chercher le

siège de l'âme c'est un problème mal posé et partant inso-

luble.Sera-t-on plus heureux en cherchant le siège destàcultés?

Ce n'est pas probable, car la même dHBculté, disons plus, la

même contradiction dans les termes du problème se retrouve,autant de fois multipliée qu'on reconnatt de facultés, et l'on

sait si Gall se fait faute de les multiplier. Maine de Biran

ajouterait peut-être qu'il est piquant de voir aujourd'hui tant

de psychologues et de physiologistes chercher les sièges des

facultés alors qu'ils s'entendent presque pour supprimer les

Page 22: Maine de Biran: Science et psychologie

SM (STaOBUCnMX

facultés. C'est même le août point sur lequel ib s'entendent.

Si les fMuttas ne sont que la chaine pointe sur te mur, ne

suffit-il pas d'un etou peint sur ta mur pour la suspendre, et

pourquoi tant de aoina pour faire un sort a des facultés mori-

bondes on déjà mortea ? Maine de Biran démontre aisément

que la théorie de Gall n'est point déduite de l'anatomie ou

de la physiologie, mais empMquement etahHe Bap des obaer-

vations plus que conteatabtes. F&t-eHeexacte, en d6p!t de la

méthode défectueuse qui sort à la fonder, H faudrait encore

revendiquer les droits de la psycholugie qui fournit le point

de départ, car apparemment ce n'est pas en contemplant dus

bosses que l'on découvre le sentir, le vouloir et le oooMÏt'w.

D'ailleurs les facuttés localisées ne sont le plus souvent que

des facultés nominales, dosorte qu'on aboutit à une hypothèse

entée sur une autre hypothèse c'est l'ombre d'une brosse.

semble-t-il, que l'on s'efforce do mottro entre les mains de

l'ombre d'un cocher. La faculté est hypothétique, le siège

assigné empiriquement est arbitraire. Localiser d'auteurs

n'est pas expliquer. Tout physiologiste qui aborde la théorie

des localisations fait un premier pas dans la métaphysique

n'admet-il pas d'emblée qu'il n'y a des facultés ou du moins

des fonctions qui sccretenU'invisible et l'impondérable? Enfin,

localiser les passions à la manière de Gall, c'est se montrer

aussi mauvais psychologue que présomptueux physiologiste

une passion n'enveloppe-t-elle pas toujours un élément intel-

lectuel et un élément affectif que non seulement l'analyse

mais la réalité sépare souvent? Comment dès lora aurait-elle

un siège simple, un siège unique? Et ces passions artiSciettes

que l'homme se crée par la vie sociale, faut-il admettre que

la nature leur a de toute éternité préparé leur siège dans le

cerveau? car si elles se faisaient elle-mêmes, pour ainsi dire,

lenrplaceaucerveau.e'est qu'elles existeraient, ne futrce qu'un

instant, en dehors de tout siège cérébral. Comment se fait-il

encore que celui qui est doué d'une bosse représentant telle

on telle passion ne soit pas constamment sous l'inNuence,

aou~ l'obsession de cotte passion? Telle est s pcnprcs l'ar-

Page 23: Maine de Biran: Science et psychologie

)!<TKM«t;t:TtMS XtM

gumentation de Maine de Biran ette se heurterait aMJ«ur-d'hui au fait généralement recenna <!<<la localisation de lafacutte du langage dans la tMiaieme pi~onvotution gauchefrontale. Maia Maine de Biran ne se tiendrait pas pour battu

parler, dirait-il, c'est un acte matent, MMef«ncti<tophya:ott<-gique, partant tocaMsabk; n)a!ao&htcaMt)M-voH8t'id'!<'dmnotou du siga<<,la volonté actMt'th' df s<<)tsvFVtr? n tveanna)-ttatt (il nu l'a jamais nié) que !<'<wr\'t'au<'att'organ<<imnté-diat df la pt'na<5~mais il continuerait à i<'aMhordonnt'r a t*f-fort qui rinn"rvt, a f«~c-/<M«' qui tMmet fn brantf. M n<'

~mp!ac~'ra!t pas i atMwnm'<'spress!on d'activité de r<'sprhpar t\'xpr<<8SMRp!M9savaa~, mais moins e!a:n', d'~tMsm''e<!rébrat, et il conttMuwait & parh'r qaaiqM'on l'ait accusa

d'ignorer le français, dfperc"ptions obscan'St'tMon df cé~-bration inconsciente. Voici sa demi~rt' eonchtsiof cntr''la ponséf et tf cerveau, la fonction ot ta cause psychiquf quila met en jeu it y a « hétérogénéité telle qu it dt'mKurt'ra tou-

jours néct'ssairt'mRnt <'ntn' t'ttt'a une lacune impossible a rt'm-

ptir <'tune sorte d)' hiatus qm' tous t«s t'norts du génie n)'sauraient franchir ».

Ut. Maint*de Biran n avait pas toujours été au courant d''tout ce qui se faisait à Paris et en Europe sur sa science favo-rite. Maisce qu'it lisait, it h' lisait toujours la plume à la main,surtout entre les lignes, comme doit lire un vrai philosophe.II vivait en intime communion d'idées avec Leibnitz et Des-cartes. Le C<WMHeK~rM'esur les JM~&a<KMMde Descartes en estune preuve entre miite. Nous trouvons dans une lettre inéditede curieux détails sur l'ignorance relative où il se trouvaitencore vers 1803, de tout ce qui n était pas idéologie on car-tésianisme. Comme ils fixent un point important de l'histoirede ses idées, nous en citerons qnelques-uns «Habitant un

département éloigné, privé dans une solitude profonde detoutes communications littéraires et livré à la méditation

beaucoup plus qu'àla lecture des livres nouveaux que je n ai

guère les moyens de me prucurer, j'ignorais &bso!umeMt

B

Page 24: Maine de Biran: Science et psychologie

tNTaot'ucTtossn

l'existence et jusqu'au nom d« Biehat jusqu'à <? que itm-

pression oonronné~ do anccèa de ma faible production (lemémoire da f/M~MCMcede fAaMatb) m'ayant appelé a Paria,

je pas m'in!ormer et faire. l'acquisition de divers ouvrages

qui avaient trait à la science dont je m'occupais. Revenu dans

ma solitude avec ce trésor scientinque, je dévorai d'abord le

traité Do /a vie p<< /« tNO! Quelle fut ma stupéfaction en

apercevant dans cet ouvrage le gormo de mes opinions et le

fond intime d'une théorie dont je croyais être exciMsivement

t'aateMr ot dont, pour cotte raison, j'étais diapoaôa même-

net' » Quand il aongea vers i8t3 a écrire tm grand ouvragesur les ~a~pa~s des ~e~Me~ naturellés «Me Psychologieil était donc parfaitement au courant du mouvement con-

temporain des sciences naturelles il voulut approfondiren relisant avec soin les Jtf<Mt~t<MMde Descartes les principesde la psychologie. Tout semble prouver que les deux manus-

crits datent de la même époque. Maine de Biran a parlé de

Doscartes dans presque tous ses grands ouvrages ce n'est

donc pas son opinion bien connue sur le père de la philosophiefrançaise, que nous chercherons ici, et, si ce manuscrit ne

renfermait qu'une expression nouvelle de cette opinion,

peut-être eût-it été suporOa de l'imprimer.!t renferme autre chose et l'on peut réduire à trois points

''ssentiets la partie vraiment nouvelle et fort importante de

cette rédaction que vraisemblablement Maine de Biran ne

songea jamais à publier i° un examen détaitté des analyses

psychologiques de Descartes 2" une discussion approfondiedes preuves cartésiennes de l'existence de Dieu 3" une di-

gression très intéressante sur l'idée de la matière et les notions

de temps et d'espace. Sur le premier point Maine de Biran

s'efforce de substituer au moi abstrait ou moi-pensée de Des-

cartes un moi réet qui ne se sépare jamais, fut-ce par abstrac-

tion, du corps propre et qui est tel qu'en affirmant son exis-

i. Noteadresseau citoyenB. auteur<t<:odeuxpre<nieKMtntMesur lesouvragesdeX!M.BichatetBuisson.

Page 25: Maine de Biran: Science et psychologie

tSTaMOMUKOX XV

tonce il aMrme en mémo temps celle du corps auquel it est

Mat. M9 Iota to doute univefMt n'Mt plus possiblo et los con-

cessions ptoviaoipes que Descartes faisait au scepticisme en

a'attribuant un pouvoir imaginaire do suspendre sou juge-

ment, ces concessions dangercMaes no sont plus pcrmîses,

car en atnnaaot la pensée nfwa aMfmona du mëtne coup, in-

~iaciMetnfnt, tout ce qui est inséparable de la pensée m~me

et impliqué dans notre première atttfmatton. Il ya donc <!et

vér!Ma évidentes par ettes-m&nMa,inhérentes à la pensée, sur

tesqucMeanoua ne sommes pas libres le moins du monde df

suspendre notre jugement. U y a plus déclarer pussible cette

suspension du jugement en faire m~me une regto de méthode

dans la théorie du doute ~e~«~«c, c'est concéder aux

sceptiques le fond même de leur système, car de la possibilitédo douter de tout il résulterait bien évidemment que tout est

relatif et contingent. Ainsi Descartes a eu le double tort de

soutenir implicitement la thèse de la relativité univorseito en

faisant entrer dans sa théorie du doute la suspension du

jugement fur certaines vérités premières, et do confondre le

moi avec t'ame en faisant de la pensée l'attribut de je ne sais

quel sujet abstrait, oubliant ainsi l'individu réel, la vraie per-sonne « dont le corps propre est une partie essentielle, consti-

tuante. M

Dans sa critique des preuves de l'existence de Dieu, Maine

de Biran se montre tout pénétré de l'esprit de Kant. Il semble

que la période de sa vie où il écrivit te C<wtMeMMM*eet le traité

des Rapports des <eMwe<K<t<MM~Mavec la psychologie soit

une période presque complètement kantienne il cite Kant,

s'inspire de ses doctrines et emploie assez souvent sa termi-

nologie. Cependant il faut noter tout d'abord une ditférence

essentielle qui montre bien qu'il ne jure sur la parole d'aucun

maître et conserve toujours sa physionomie propre; ce n'est

point par la morale et la liberté, a'est par la psychologie et le

fait primitif qu'il sort du doute et prétend pénétrer dans le

monde des noam~MS aa moyen de la croyance qu'il opposeà la science. Quoiqu'il en soit, le C<HMMe~<H~eest presque

Page 26: Maine de Biran: Science et psychologie

XY< tSTHUMJenOS

exclusivement critique, e'eat la ~<MS<~fMeMSdont le traité

suivant sera la ~<t~ .vo~~Hs. Sa critique pénétrante auit pasà pas lea analyses et l'argumentation de Descartes; il en

signale le fort et le faible et se rencontre parfois, dans ses

objections, avec Gassendi. Ce n'est pourtant pas cette dis-

cussion, si intéressante qu'elle soit, qu'il importe de signalercomme une nouveauté; au fond elle se réduit à soutenir après

Kaotque nous ne pouvons passer de resaenee à l'existence,du logiquo à l'ontologique, de l'immanent au transcendant.

La deHnitMMtdo Dieu pose un être purement idéal; comment

prouver que t'existonoe doit en être afnnnéc comme nn deses attributs et une de aos perfections? MAvant de conce-

voir des attributs dans un sujet, i! faut savoir s'ii y a un sujetexistant. Maine de Hiran est même plus sévère que Kant

pour la preuve ontologique, nerf caché de toutes los autres

preuves, car H écrit que c'est un a véritable sophisme ?, alors

que Kant se contente de l'appeler un paralogisme. Voici à

mon sens ce qui constitue t'originatité de Mainede Biran sur

ce problème capital il est possible de transformer la prouvee

de telle manière qu'on passe non plus de l'essence à l'exis-

tence, mais de l'existence à l'existence. Los astronomes per-tjoivent comme le vulgaire un soleil sensible d'un pied de

diamètre sur la voûte bleue du ciel, mais ils passent de cette

intuition, au moyen de la plus légitime des hypothèses scion-

ti6ques, à un soleil astronomique qui est le soleil véritable

et réellement existant. Qu'il n'y ait aucune intuition du soleil

et leur hypothèse sera purement gratuite; le passage de

l'idée à l'être serait alors métaphysique, non scientifique.Eh bien n'avons-nous pas une intuition, celle du moi, quinous permette de passer aussi légitimement du phénomèneau nonmène? La psychologie est donc le pont jeté sur l'abîme;

par elle nous franchissons la distance qui sépare non l'idée

dej'être, mais la réalité passagère et contingente de la

réalité immuable et nécessaire. Il serait curieux de comparercette solution originale avec la théorie de Fichte et surtout

avec celle de Malebrancht!. Un sait que selon le Platon ïran-

Page 27: Maine de Biran: Science et psychologie

MTMMCTMS ~vt)I

~ais il n'y a paa à proprement parler d'idée de Dieu t'idéade Mon, c'est Oien tni-meme présent à rame. Mois Maaitaussi que Malebranche ne nous accorde aucune connaissancede rame et que selon lui nous n'avons de notre propreexistence qu'un obscur et vague sentiment. Le biranismc enthéodicée serait donc nne sorte dematebranchisme retourna;au lieu de dire que nous voyons tout en Dieu sauf notre âme.Maine do Biran dirait volortiers, si nous interprétons biensa pensée, que nous voyons tout en Dieu parce que d'abordnous noua y voyons nous-mêmes, comme noua avons t'in-taition du soleil visible dans la perception tout intellec-tuelle du soleil intenigiMe qui seul est au fond vraiment exis-tant et parfaitement réel. Voilà l'intuition sensible réctam&e

par Kant pour tégitimer toute connaissance supra-sensible;Kant est un pur logicien qui se contente de recueillir sansta contrûter une pseudo-psychologie abstraite et scolastique.Maine de Biran vivifte ses concepts et féconde son formalisme;de la logique à la métaphysique aucun passage n'est possible,mais que la logique devienne une vivante psychologie, queles idées cessent par là même d'être considérées, selon un motde Spinoza, comme des peintures muettes, des images inertes,et des lors la métaphysique sera renouvelée, vivinée: elle de-viendra une psychologie sublime. Nulle part Maine de Birann'a traité explicitement de la théodicée et c'est ce qui donneà ces pages une importance exceptionnelle; tant qu'elles furent

ignorées il était presque impossible de comprendre révolutionde Maine de Biran vers le mysticisme sans recourir à des rai-sons de sentiment ou à des influences extérieures. Nous tenonsenfin quelques-uns des chaînons qui relient la personne-moià la personne-Dieu, les deux pûtes de toute science humaine,et, du même coup, nous avons le secret du mysticisme final, caril est naturel que par le progrès de la méditation, l'intuitions'efface devant le concept, ta réatité éphémère devant la réatiténouménale dont elle n'est que la manifestation passagère om

plutôt l'ombre portée. L'éclatante lumière du fait primitif ne'

paraîtra bientôt plus qn'nne ombre en face de la lumière véri-

Page 28: Maine de Biran: Science et psychologie

t:<T«OW!CT<W)XVOt

table; Maine do Biran ost vraiment de la famille des Mala-

branohe, des Spinoza et des Fichte,Si cette doctrine est véritable, elle va nous donner un

moyen infaillible de reconstituer le monde extérieur mis endoute par Descartes, nié parles idéalistes, et le temps et les-

pace considéréapar Kant commede simples formessul~eotivesdo notre sensibilité. Le fait primitif est en effet une double

intuition, celle du corps propre et cette du moi personnel.Ne considérons que reapaee il sera facile d'étendrela théorie à la notion du temps et celle de la matière nousentraînerait trop loin. Est-ce que l'espace, forme, j'en con-

viens, de la vue et du toucher n'a pas aussi sa réalité exté-rieure « certifiée par notre faculté d'intuition? Si j'étaispure pensée je ne pourrais pas plus passer du jBNM~aumonde extérieur, à l'étendue substantielle de Descartes que jene pourrais passer &Dieuconsidéré comme doué de l'existenceréelle et non simplement idéale. Maisje ne suispas une penséepure; je ne perçois le moi que dans son opposition, ou plutôtdire son conflit avec le non-moi. L'espace doit donc m'êtredonné dans le fait primitif, car pour que je projette mes re-

présentations hors de moi, dans l'espace intérieur qui estmon corps, il faut qu'il y ait un hors de moi; je l'affirme enmême temps que le moL La « sensation limitante est laforme de l'espace et mon corps est le lieu des sensations limi-

tantes. L'espace est donc au corps propre, ce que l'âme estau moi, on pourrait presque dire ce que Dieu est au moi l'es-

pace est une sorte de Dieu matériel le «grand Mtieu wdela cos-

mogonie d'Auguste Comte. Ce n'est pas une forme pure; j'af-firme l'espace au nom d'une intuition aussi réelle que celle du

moi, l'intuition du corps propre. Hypothèse si l'on veut, mais

hypothèse légitime, inévitaMe, irrésistible, absolument iden-

tique à celle qui nous donne le ciel astronomique l'univers invi-sible. Le moi n'est pas a&sû~e~MS,mais a&s~AeM~: en s'abs-

trayant de l'âme il crée Dieu, et en s'abstrayant du corps il crée

l'espacé pourvu qu'on prenne ce mot de création dans un sens

purement humain de genèse psychologique on d'évolution de

Page 29: Maine de Biran: Science et psychologie

tXTKOnUCTtOX XtX

t'Mp~oe. Vt'it~ sans doute pourquoi. contrairement A <a (toc'

trine professée dans la plupart de ses écrits, Maine de Biran

soutient ici que le principe de substance est antérieur et supé-rieur au principe de causalité « La relation du mode à la

substance, semblerait donc avoir un caractère supérieur de

nécessité et de primauté. » Entendez la relation de t'appa-rence à la réalité, du phénomène au noumèno, &la « chose en

soi, ou bien encore, si l'on veut, de la nature naturéo n h ta

nature naturante » Aussi, avec quelle exactitude et quelle

profondeur Maine de Biran ne signale--t-il pas la transitiou

du cartésianisme au spinosisme, et que nous sommes loin

de Kant, qui paraissait d'abord le séduire et le faire d6v!er desa voie 1

IV. Je n'hésite pas à dire que c'est dans l'ouvrage malheu-

reusement inachevé surles J~~of~M sciencestM<Mr<esavec

la Psychologie que Maine de Biran a le plus étendu son pointde vue un peu étroit à l'origine, et nous a donné la plus large

exposition d'un système complet fondé uniquement sur un fait,et achevé sans appel au mysticisme. Ici, la troisième vie n'est

pas l'absorption du moi en Dieu, mais l'exercice de la raison

philosophique sous le nom de « système primitif de nos

croyances a. Comment se fait-il que la raison ou la faculté de

l'absolu reconnue, décrite, mise en possession detous ses droits

dans le manuscrit des Rapports, s'éclipse et disparaisse dans

les ouvrages suivants? C'est une question que nous essaye-rons de résoudre, mais il faut auparavant parler de l'ouvragelui-même, et élucider les questions de date qui fait naître ce

manuscrit composé de 334 pages, grand format, extrêmement

surchargées, hachées de ratures et dans le plus complet dé-

sordre. H est même assez difficile de reconstituer le plan

cependant de brèves indications jetées un peu partout, en

marge ou dans le texte, permettent d'&fSrmer que l'ouvragedevait se composer d'une introduction et de deux parties la

première était consacrée à l'étude du principe de causalité en

général, et la deuxième devait montrer les applications de ce

Page 30: Maine de Biran: Science et psychologie

XX tXTttOMJCTtO~

principe à l'étude des rapports du physique et du moral del'homme. L'introduction existe complètement. La deuxième

partie fait absolument défaut, et ne parait pas avoir reçumême MBcommencement d'exécution. La première partien'est pas complète; mais se compose de fragments fort im-

portants qu'il est tacite de relier entre eux on peut supposerque des pages du manuscrit sont perdues, mais il est beaucoupplus probable, pour ne pas dire certain, que la rédaction n'a

jamais été achevée. Cette première partie devait avoir trois

sections !a deuxième section manque totalement, mais on

peut s'en consoler, car eUe avait pour objet un point impor-tant sans doute, mais traité dans presque tous les ouvragespostérieurs doMaine doBiran, l'identité de l'aperception du moiet de la relation de cause à effet. La troisième section paraitcomplète sauf quelques lignes, quelques pages peut-être quimanquent à la fin. Quant à la première,telle qu'elle est publiéedans ce volume, on peut affirmer qu'elle se compose de maté-riaux précieux, que l'auteur seul aurait pu relier entre eux pardes divisions régulières tel fragment ne semble même qu'uneseconde rédaction d'un autre fragment, et toutefois on con-viendra qu'il n'appartenait à l'éditeur ni d'élaguer, ni d'arran-

ger, ni de fondre ensemble plusieurs rédactions d'une penséequi se cherche, et qui ne se trouve pas toujours,

Quelle est la date de cette composition? M. E. Naville a

beaucoup hésité sur cette question. n semble que l'auteur aitvoulu de propos délibéré, dérouter les éditeurs, car il a écritsur la première page Ouvrage qui a remporté de prix sur luquestion jM-opo~epar ~MM~MM de Co~MK~Me, alors quel'examen même le plus superficiel, démontre surabondamment

que cet ouvrage n'a presque rien de commun avec le mémoirecouronné enDanemarck. Les points communs se seraient peut-être trouvés dans la deuxième partie qui nous manque. Peut-être même est-il permis de conjecturer que les ~oKce/ZMeoast-<~a<!MMsur les rapports du physique e~ du moral de l'hommesont une forme nouvelle dè cette deuxième partie-et du mé-

moire de Copenhague. Cependant cet ouvrage quidate de 1820,

Page 31: Maine de Biran: Science et psychologie

MTMNKTnfM XX!

est écrit dans un esprit assez différent de celui du manMae'')t

des Aa~po~spour que cette supposition soit fort loin d'être

une certitude. M. H. Naville avait d'abord supposé que ce

manuscrit avait été entrepris vers 1811, et abandonné pourl'usât <w fondements <~ la Psychologie. D'une part en

effet, on ne peut remonter plus haut que cette date, époquedu prix de Copenhague d'autre part, l'état dn manuscrit etles indications duJowvM~ intime, ne permettent pas de placercette rédaction plus tard que vers la fin de i<H3. LJ~~otdevait être une refonte générale dans un grand travail d'en-

semble de tous les travaux antérieurs de l'auteur; celui-ci

faisait-il partie de ces travaux antérieurs? Mais alors comment

supposer que la théorie de la raison et de la croyance, en unmot des éléments universels et nécessaires de l'esprit, ait tota-lement disparu dans l'Essai? Quoi, un philosophe de la portéede Maine de Biran, aurait aperçu à un moment donné la

profonde lacune de son système, l'aurait comblée avec succès,

puis, oubliant ses propres méditations et ses propres labeurs,il l'aurait laissée entière et béante, dans l'ouvrage le plus

complet qui soit sorti de sa plume! Cela ne peut être aussiM. E. Naville, après y avoir longtemps réSéchi, «près avoirétudié le fond et la forme du manuscrit, consulté des amis

compétents, a-t-H fini par conclure que ce travail est de

18i3. Voici les preuves extrinsèques qu'il en donne; quantaux preuves intrinsèques, les plus fortes peut-être, je viens

de les indiquer. Le 5 décembre i8<2, M. de Biran écrit à

M. Maurice, préfet de laDordogne, à propos de l'Essai sur les

fondements de la psychologie. « Les discussions que j'ai eues

avec ces messieurs sont, je crois, utiles àl'ouvrage quejepre-pare et que je senslanécessité d'étayer dans plusieurs points.Je crois devoir en diSérer encore l'impression pour divers

motifs qu'il m'est impossible de vous détailler. » Six mois

après, le 12 juin 1813, il écrit « Je me trouve un peu dans le

chaos, et j'attends le fiat lux pour publier une grande com-

position. Je l'ai remaniée sur bien des points; j'y travaille

même chaque jour mais de combien de motifs de décourage-

Page 32: Maine de Biran: Science et psychologie

HmKWPCTMMt)!xn

ment et de sujets de diversion je suis entouré î Décrit enfin,le 23 octobre i8i3 « Je m'occupe tant que je puis de mestravaux métaphysiques~ j'espère en publier ~Me/~Mechose cet

hiver. » De ces textes inédits, M. E. Naville conclut i* qu'àla fin de 1813, la conversation des hommes voués aux études

philosophiques que M. de Biran avait rencontrés à Paris où il

venait de s'établir, lui avait fait sentir le besoin de modiner

sur quelques points, la rédaction de l'Essai, rédaction presqueentièrement terminée à Bergerac 2* qu'en juin <8i3, la

composition qu'il veut publier est beaucoup plus loin d'être

achevée que ne l'était l'ouvrage dont il différait l'impressionvers la fin de 1812: 3" qu'en octobre 1813, le quelque chose

que M. de Biran songe à publier dans l'hiver, ne parait plusêtre l'ouvrage complet dont il avait jusque-là entretenu son

correspondant. C'est très probablement le travail sur les jBa~-

ports de la Psychologie avec les sciences naturelles. Membrede la commission des Cinq, mèté à toutes les grandes affaires

du pays, il n'eut pas le temps de mettre la dernière main à

son travail et c'est l'Essai, jadis abandonné pour les Rapports,qui sollicita son attention, comme travail d'ensemble etcomme synthèse de tout ce qui l'avait précédé, quand il revintvers 18i8 &ses méditations métaphysiques. L'ouvrage était

prêt, il n'eut qu'à y faire des retouches sans grande impor-tance et c'est ainsi que le manuscrit des Rapports fut sup-

planté à son tour par le manuscrit qu'il avait supplanté. Mais

cet épisode de la pensée de Maine de Biran n'en marque

pas moins le point culminant de sa métaphysique si l'on

admet que son mysticisme final dépasse la métaphysique elle-

même et s'appuie non sur la croyance rationnelle, mais surles croyances religieuses.

Demandons-nous maintenant, comme nous Favons fait au

sujet des écrits précédents, quelles sont les idées neuves et

originales que renferme le traité des A)~poï'& diM«MBeesH<t<M~e~savec la psychologie. Nous allons y retrouver une

partie des idées simplement indiquées dans le C<MnaMa<atre

qui est surtout critique, tandis que le présent traité est fon-

Page 33: Maine de Biran: Science et psychologie

tKtpomicnoN XXtH

écrément dogmatique c'est dm moins à ce point de vue quenous Jojugerons, laissant a dessein de côté tout ce qui con-

cerne l'exposition critique des idées de Descartes et de Leib-

nitz, intéressante sans doute, mais qui n'offre rien d'absolu-

ment nouveau'. L'introduction contient une exposition magis-trale des idées de Maine de Biran en psychologie on ne trou-

verait pas ailleurs une suite de définitions aussi complète et

aussi précises. Le ton rappelle celui do la Monadologie ce

sont des thèses ou principes posés p"T l'auteur et qui ren-

ferment la quintessence de la doctrine. Qui comprendrait par.faitement ces vingt pages aurait la clef de tout le système et

pourrait le reconstruire. C'est ainsi que tout le système de

Leibnitz tient dans les vingt pages de la Monadologie: il est

vrai qu'elle ne devient intelligible pour le commun des lec-

teurs que si on l'éclairé au moyen de ses autres ouvrages. Du

principe de causalité, nous n'avons guère à dire ici l'intro-

duction, étant une analyse, ne s'analyse pas, et la théorie

biranienne de la causalité a été supérieurement exposée parnos devanciers. n serait dangereux d'en faire une nouvelle

exposition nécessairement affaiblie et de montrer à la suite

de notre auteur que la notion de causalité n'est pas une pureabstraction, une catégorie ou une idée générale. CependantMaine de Biran n'a jamais mieux prouvé que dans cet ouvragela nécessité de distinguer les idées y~Me~es ou abstractions

logiques des notions fondamentales de l'esprit les notionssont individuelles et subjectives, fondées sur le sujet qui les

produit, et les tire de sa propre substance, les idées généralessont abstraites des objets et se réduisent finalement à des signesrelevant ainsi non de la métaphysique, mais de la logique etdu langage les notions sont nécessaires et ne peuvent pasplus être crées on anéanties par la pensée que la pensée nepeut se créer ou s'anéantir elle-même, tandis que la pensée

<. Cependant M. J. Gemrd a trouvé cette exposition eUe m~tne ttMex nenve etMMz ori~nate pour lui donner la p)Me principale parmi les ~i~~)~~e~t iaéditsqui accompagnent ton savant onvrage M)' la PMa~opMe de JKo~e de B~mt(pp. xuH txxv) et qui eont la plupart empruntée preaeM traité.

Page 34: Maine de Biran: Science et psychologie

tXTtMmcenoxXXtY

reste toujours libre do former des eatégoriea ou de tes exclura

pour se replier sur ette'meme et, pour ainsi dire, se panserette-tneme; cette liberté même de l'esprit en facondes catégo-ries qu'il crée, modifie, étend ou resserre, l'avertit qu'il n'estpas forcé d'y croire et qu'elles n'ont rien de nécessaire, tan-dis que t'etïbrt d'abstraction, qui crée la notion, le force a ycroire et à l'affirmer comme nécessaire, « Est-ce que te sujetqui abstrait (a&M), peut se prendre lai-m&mc pour lachose ou l'objet abstrait? H Le moi ne saurait donc devenirune entité logique, une catégorie, te simple sujet nominald'une proposition et il y a nécessairement de l'être, puisqu'ily a du moi dans toute proposition Fidée générale exclut t'MMen même temps que (<-Mset KMMMeoMeM~MK~,disait

Leibnitz), car eUe se forme par la constatation des ressem-blances, jamais par la perception d'une identité ou, du moins,en vertu da principe des indiscernables, l'identitén'estjamaisque partielle. 11y a encore un résidu d'images dans los idéesles plus générâtes ettes ne sont, à proprement parler, que lesse~MM des notions qui seules sont rentes, absolues, néces-saires, vraiment indépendantes de l'expérience extérieure etdo ses conditions. L'idéologie, en spéculant sur los idéesgénérâtes, tache la proie pour l'ombre et prend pour lesnotions elles-mèmes leur vain reNet dans les formes cristalli-sées du langage l'idéologie ne ruine pas seulementla méta-physique, elle ruine aussi ta psychologie, l'empêche de prendrepied dans le réel et réduit toute la spéculation à un jeu savantmais puérit d'abstractions logiques.

Maintenant qu'est-ce que la raison? Abordons de front leproblème et disons nettement que pour Maine de Biran, laraison n'est pas nne faculté, mais une M, la loi qui nouspermet de passer, ou plutôt, qui nous force à passer du sys-tème de nos connaissances au système de nos croyances. Cen'est pas la faculté de l'absolu l'absolu est inconnaissable etpar cela seul qu'il tomberait sous les prises de la connais-sance, it deviendrait relatif. V. Cousin se tire aisément d'em-barras quand il s'agit d'expliquer les eowM&MHMsqui

Page 35: Maine de Biran: Science et psychologie

mTtMtMNtatt'S xx\

dépassa l'expérience il s'en tire à la manier éeosaaiso on

inventant une faculté. la raison; mais qu'est-ce que cettf

faculté du l'absolu qui joue un si grand rote dans sa théorie?'?

Un mot commode dont il abuse, un habile procédé oratoire

(~<e-<M~to) pour transformer ça explication la simple cons-

tatation d'une loi de l'esprit. C'est que V. Cousin croit quenom coHMNtSMMMl'absolu tandis que Maine de Biran se con-

tente d'affirmer que nous y efaycHslégitimement. Son point de

vue sous ce rapport est assez analogue à celui de M.H. Spen-cer, mais pour le philosophe anglais l'inconnaissable est nm'

sphère qui limite l'univers décrit et sondé par la science,tandis que pour le psychologue français l'inconnaissablo n'est

point par delà los cieux et par detà les dernières nébuleuses

mais au fond du moi. V. Cousin s'efforça vainement de con-

vertir notre philosophe et de le contraindre à s'incliner devant

cette raison dont il se proclamait le prophète « Il rejette la

raison comme tacntté originale, Plus tard, pressé pas mes

objections, il se contente de la négliger ou, s'it lui rend quel-

quefois un tardif hommage, c'est par pnre politesse car il

ne l'emploie jamais, eUe ne joue aucunrôle dans sa théorie*. »

it est permis de trouver que V. Cousin l'emploie trop et qu'il

porte sur son adversaire un jugement qui serait profondément

injuste s'il n'avait pour excuse l'ignorance où il était du vigoa-reux eSbrt tenté par Maine de Biran pour retrouver un équi-valent psychologique de cette raison qui n'est souvent chez

V. Cousin qu'un expédient et l'M/~MMaratio d'âne dialec-

tique aux abois. Cette loi en vertu de laquelle nous sura-

joutons au système de nos connaissances le système de nos

croyances comme Leibnitz, surajoutait son dynamisme au

mécanisme de Descartes, nous l'avons déjà entrevue elle

consiste à passer de l'intuition du moi à la notion de l'Ame

en vertu de la même nécessité qui force l'astronome àpasserde l'intuition du ciel visible à l'affirmation du ciel astrono-

mique et invisible, ou le physicien à passer de la molécule

I. <K«f)'M~M<K~At}MetdoMainedeBiMu.tMMtV,p. Mf)).

Page 36: Maine de Biran: Science et psychologie

XXVt tNtKMHtHMOS

tangible à t'atome impalpable. V. Cousin, chaque fois qu'il

parle de la raison, semble s'écrier: «Jevoia,je8a!a,jeeMis'Maine de Biran, moins dogmatique ou plutôt moins tranchant,se contonte de dire «Je ne vois pas, je ne sais paa, mata jecrois parce que je ne peux pas ne pas croira. » Je ne puis con-

naître tea noMmenes, dirait Kant, maia j'ai le devoir de t'aMr-

mer. Maine de Biran dirait Jenesaia pas encore aic'eat un

devoir, mais c'eat plus qu'un droit, e'eatnne nécessité, ce quirendra le devoir facite et économisera les prescriptionsa

morales dont U est imprudent d'abuser. H y a d'ailloura reei-

prooitë entre les conditions de !acoanaias«nce et les conditions

de la croyance. Supprimez la notion du mci, l'absolu ne sera

que la plus vaine et la plus vide des catégories; mais suppri-mez la croyance M'ahsoht, t'unit~ du moi reste inesptiquée et

inexplicable: il se dissémine et se dissout dans la poussière do

ses propres modifications. Si l'absolu est pfM<s Ha<M~<tle

moi est pfMMMs<e~M~orN,et à la rigueur « le moi peut exister

et te savoir sans croire d'abord qu'il est lié à une substance. Il

C'est une étrange et téméraire entreprise que celle qui consiste

à déduire de t'absoL-mo moi et la conscience, comme le fait

Spinoza; la déduction géométrique ressemble aux causesfinales raitiées par Bacon, elle est stérile ou n'enfante que des

nuages. L'absolu deviendrait-it donc, qu'on nous passe le mot,relatif au moi, dépendant du moi? Oui, si nous prétendions le

connaître non, si nous nous contentons de t'afurmer, car

aBirmer n'est pas comprendre, et le moi, par cet acte de foi,s'incline devant l'absolu et se subordonne à l'inconnaissable,

t. On voit combien est h~Mte t'aeoMaUon de M. Cousin « Que Mt doncMaine de Mme, dit-il (Prêt. xxxv), M tmaginenntmcëde dont nat philosophene s'était encore avisé, qui m'eat pas le principe de causalité, mais qui en aa toute la vertu, p)'ae<M<magique ~~wson <ttoea<<M'<<&f&à peme et auquelN attribue MM <Ktet«MMt!a propriété merveittetMe de transporter et de re-

pandre en quelque aorte de moi hors de !nt-nt6nte ce procédé il t'appeUoindu~on. n Je décrit au contraire tongnement, il le discute avec une vraie

profondeur, mais V. Cousin n'ayantpm tu notre m<m<Mc<tt!go<~a!tMa!emattcette dMcrtption et cette discussion et c'est ce qui rend sea critiques exeu-sables MM les rendre plu juites. E))M portent a faux.

Page 37: Maine de Biran: Science et psychologie

MTROBMCTK'!) :mM

bien loin d'aspirer à i'étreindre et à la dominer du haut do «a

science présomptueuse. Kant nous somme do reconnaîtrele noumbno au nom (te la loi, sic vola M<?~M~a, habitude

prussienne te philosophe français noua invite à rentrer en

nous-mêmes et à suivre au delà du moi ce libre mouvement du

la réNexion qui nous a conduit aa moi. Il enseigne sans

dogmatisor et semble même nous dire comme Socrate il n'ya qu'une chose que je sache bien, c'est quo je ne «MMrien.

Faites comme moi cherchez et touchez et vous oroirex

soyez psychologue aussi complètement que possible, et la mé-

taphysique voua sera donnée par sureroit. Il l'appellerailencore comme dans son mémoire sur los Rapports <A?f«A~-

/o~ee<<&MMM~<fma<<~KMune « scteMCf/M~Veet ~Mf~eM~,mais, la connaissant mieux, item parlerait avec plus de respectet nous dirait que si elle n'est pas une science, ello est du

moins une TaoNe croyance à laquelle nous élève infaillible-ment la libre réuoxion de l'esprit sur lui-même, car « ce quenous connaissons a son principe nécessaire dans ce que nousne connaissons pas, mais que nous croyons exister. Il y a

plus, la métaphysique est la création de la /<Ae~ irrémédia-blement condamnée sans elle à la torpeur et à l'inertie. Pour

Platon, c'est l'intelligence ou plutôt l'intelligible qui crée lavolonté et qui nous rend libres en nous aBranchissant des con-ditions intérieures de l'existence pour Maine de Biran c'estla volonté qui crée la lumière en la faisant jaillir comme parun coup de baguette magique des profondeurs de l'Ame, car« l'in6ni, l'éternel est donné à notre &mecomme elle donnée àelle-même. t tt dit encore « Ouvrir les yeux de l'esprit, tes

diriger du côté d'où vient la lumière, les tenir Bxés sur l'objet,voilà tout ce que nouspouvons, et en quoi consiste la liberté.?

II est de tradition chez les historiens de la philosophie fran-

çaise au xtx*siècle, « que Maine de Biran a en quelque sortedécouvert la volonté, Ampère la raison'. » Serait-ce que lathéorie de la croyance que nous venons d'esquisser aurait été

t. F.NMahwu,Ges~&<tuM~4<eenP«Mt.'eau Mf «Me, ùd.,p. H. Sur

Page 38: Maine de Biran: Science et psychologie

)NTM<M'ettt"<XSHM

inspirée à Biran par Bon ami? Mfncitf proMemMhistorique

que nous aurons t oMaaionde discuter en pnMiant les lettres

de Maine de Biran, mais que nous pouvons au moins poserici en indiquant brièvement la solution qui nous semble la

plus vraisemNaMe. On conviendra d'abord que la raison telle

que l'entend Maine de Biran, n'a presque rien de commun

a\eo !a <«M«MMHpffMHH~ do V. Cousin. (~M'OMen juge MnM

dernière foia par cette dAtinition « La raison, dit V. Cousin.

est imporattnneMe de sa nature. Ce n'eat pas nous qui !a fai-

«ons, et elle est ai peu individuelle, que son caractère est pré-cisément le contraire de l'individualité, & savoir ruaiverM-

tite. » On a vu que pour Maine do Biran la raison est au con-

traire personnelle au suprême degré, fondée qn'ene est sur !e

vouloir et t'apo) ception du moi. E!h*n'est pas davantage la

raison qu'Ampère nous décrit comme la facutté d'établir des

rapports entre les nOMmenes,puisque Biran, tout en recon-

naissant l'existence des noumenes, ne nous attribue jamais te

pouvoir d'établir entre eux des rapports quelconques, ce quiserait une façon de connattre l'inconnaissable. « Je voudrais

qu'Ampère oxamin&t, dit-it dans une lettre inédite, quelles

espèces d'idées ou de notions nous pouvons nous former des

noumènes purs, dépouittés de tout ce qui est phénoménal. »

Il va même jusqu'à émettre des doutes sur l'exactitude des

comparaisons tirées .de l'astronomie et destinées a rendre

sensible la nécessité de l'affirmation des noumènes, car, dit-

it, « les astronomes admettent l'existence réelle de l'étendue

naturelle ou de l'espace pénétrabte, et tout se borne pour eux

à rendre compte de certaines apparences qn'onrent les corpsdans leurs mouvements. On ne saurait fonder la certitude

(de l'existence des noumènes) sur aucune hypothèse, puisque

l'hypothèse se fonde nécessairement ette-méme sur l'exis-

tence et les formes nouménales qu ette a pour objet de véri-

fier, et qu'elle part de là comme de données primitives ahso-

la théorie Mtantemede la Croyance,cf.Ch. NMtUe,CBt<M~M<!<C<<MdeJMtH)MdeNKtM,(intMd.pp.contt-BCttt).J. Ciérard,LapAtfettjp&tfdeSnme'te Biran,(pp.45H6~).

Page 39: Maine de Biran: Science et psychologie

tSTReM&TMMt XSM

tuea'. "D'aitteuta nouaavoaa tetém&ignaganon équivaquad'Ampara tui-meme Mreoannatt a son ami 10mérite d'avoirdécouvert quatre grandes vérités, dont tea deux dernicMs,.les seatea qui nous intéMasent en ce moment, sont fcirts-lence dm MOMmAteape~ataMpata, et /<t relation de ca<M«AEf~entre CMM<tMaM~!Met les ~A~Kem~HMqui /CMfsont <tMMAt~.N'est-ce pas la théorie même des oroyancea on do la raison,telle quo nous venons de l'esquisser? Reste une cinquièmethéorie, ~a'Ampbre revendique pour htMatm~ « Restait

donc, dit-il, cette demiëM question Quo pouvons-notta aMr-merdes Mam&Bca?8o«8 le point do vue deteara rolations

mu<Me!!e8,pouvons-noaareeoattaKMces relations? Et dans

ceca8,c<Mnm<Mttpouvons-nous !o9 reoonnattro Et quel estla degré de certitude de cette eoaaaiaaaaee? Le lectour, quisait d~a que Maino de Biran résout toutes ces questionsnégativetnent, conclura que la théorie de la raison lui estabsolument personnelle, et que sur ce point il ne doit rien a

Ampère. Reconnaissons pourtant qu'Ampère exagère quandil écrit à son ami « Voua n'avez aucune idée de Kant S'Hle connaissait mat et de seconde main, il savait du moinstirer un merveilleux parti des ouvertures qu'il possédait,grAce & l'ouvrage inexact mais fort curieux do Villors surcette grande philosophie que de Gérando et M°" de Staetvenaient aussi de révéler à la France.

11y aurait bien d'autres idées à signaler dans ce mémoireabrégeons et allons directement à la conclusion c'est t'afSrma-tion la plus nette du déterminisme scientifique étranger à touteidée decansaUté et ne se souciant au fond pas plus des causes

t. LeMtBBM<MtMdeMainedeBtMntAmpète.S. LeUMdu4mptMnbMMM a Vouan'avezaaomeMtede Kantque

t'NM«!)nedest~&aet de~a«mpMeet rouvmtede Vmetsn'ontMn~ <pt'&dMguMfpourdesmcUtteentMtfea.Meest trompédansaeaeometqnencesmaiscommeMapMtimd&Mntma~nt les&«sprimitifs,et lesbb de ~Me!-itgmeehumehte!VoM~oaoea mppettMava~6ment,&Mntgmd.&eequ'enontditMM.deTracyetdedeGlraudo,quiront traitécommeCondNtacaMtt t'<g<t!~de De~«<t<M«teofhmtdeLocke tordre,aea etBtM~OMpour leurMmditetouttecontrairedecequ'ila dtt.

c

Page 40: Maine de Biran: Science et psychologie

KtT<M'M!CTta'<x<x

soeondea que de la cause premieM ou de ta Mt<fMsoM~p, puix-

qu'il eat condamné par aa méthode à eoastatw uniquement tf"conditions des phénomène*, c'est-à-dire loura autécédonta inva-riahles. Partant hardiment la guerre ourle tenrain de ses adver-

Mires, it tour montre qu'on dépit d'eMx-taêmea MaparlentM)Meeaso de cauaea, ils pillent la psychologie en t'ina~ttant.

puis, aprîts t'aveif dépouillée, il la décrient. Que !electeur se r<

porto aux dix p<t!atsde doctrino <aa<a&fëspar Maine de Bira«dans aa eoacMtMea,il y trouvera te r~aaaté et la qa!ates9oaca dptout l'ouvrage. i" L'ettaft n'ost pas le aeaa MtMaeu!a!M,eap les

aanaat!ona musculaires en sont un elfot, et quand e!tes aoatpro-dontas, l'Ameles reçoit pasaivement commo toutes les autrMt.De cette manière, la volonté (cause eNemnte) est au moyeneu a reHet immédiat (le mouvement produit) comme ce mou-

vement est à la sonsation qui en résulte et qui devient ainsi

t'eKet fH<~Sa<de la volonté; on peut doao révoquer en doute

!a nature spéoiale et sui ~cHeWsdo la sensation musculairo

sans que ce doute puisse atteindre le fait primitif. N'est-ce pastransformer t'OMbrten volonté et Maine de Biran ne nous

appara!t-U pas ici comme dépassant lui-même son propre pointde vue? 2*H y a hétérogénéité complète entre la succession

des phénomènes dans t'espace et la causalité dire que le

dehors se transforme en dedans, que les mouvements corpu-rets aboutissent à un phénomène intérieur qui serait un eBbrt,c'est dire une chose absolument inintelligible, c'est le para-

logisme transcendantal des sciences naturelles. 3' Même dans

le monde des phénomènes intérieurs, il ne saurait y avoir

transformation, métamorphose d'une sensation en une autre

sensation it n'y a véritablement que succession et voilà pour-

quoi il est légitime de tenter une sorte d'histoire naturelle ou

idéogénique de t'ame, pourvu qu'on n'ait pas ta prétention defonder ainsi une psychologie. La science est plus exigeante et la

psychologie aune tout autre autorité. VousMtaitessoitcomme

physiologiste, soit comme idéotogiste que t'A&tMfede MMe

t. S{inem<)!mitt'AMt~te~.MainedeBiran,Bn'enfautpatdouter,tHMMt

Page 41: Maine de Biran: Science et psychologie

tswoMcnfs x)tSt

:t i< n'y avait paa primitivement Mac apeM<:p«on immé-

diate do !a cause, queue Maguliëre tMasion aérait celle dn

ces savants et de ces métaphysiciens qui supposent que lex

objets agissent sur noua pour produire nos sensations et nos

idées. Comment comprendre cette causalité en dépit d'une

méthode qui ne s'attache légitimement qu'au détenninianM

des faita et ne doit aspirer qu'à constater loura suceeaHena

constantes. Tout deviendrait Ame, excepté t'ameeMe-memeoM

plutôt ce aurait « l'idéalisme et le scepticisme systématisésfn aspirant à supplantor la psychologio, !a science devient

donc uno métaphysique et se nie eMe-memo. 8'*Mn'est pasMtoinadangereux de s'tbordonner nos volitions à nos désirs

que de subordonner notre sensibilité aux objets désirs et son

étions appartiennent à cette région moyenne qui sépat~ t''

mouvement dans Fespaca de t'enortdans !e temps; ils forment

ce qu'on pourrait appeler les limites de Famé. 6* Cf serait

même lour accorder une sorte de participation a l'effort qui m'

leur appartient qu'indirectement au fond, quand on prétend

expliquer les sensations par des mouvements, «on n'expMqufen effet, que certaines fonctions dépendantes des mouvements

extérieurs ou organiques par d'autres mouvements de ta

même espèce, sans toucher aux faits de sens intime quirestent nécessairement hors de toute explication. » T*Ainsi

la théorie qui soutient que le cerveau secrète la pensée est une

métaphysique hasardeuse absolument hors des faits c'est

aux psychologues à rappeler les physiologistes métaphysiciensau respect de la méthode expérimentale et &crier à leur tour

des faits et des lois. plus de rêveries enfantées par l'imagina-tion 8"La méthode analogique et inductive employée par lesÉcossais est donc eUe-même radicalement défectueuse c'est

une hypothèse métaphysique qui a la prétention de passer

pour une doctrine scientifique. Les Écossais sont encore

des idéologues leur système pourrait s'appeler un système

acetMiiitavecemhmMhmnela ~ye~of~~tM',fMhtesp!<ttht~Msaso ex

pMencMenr la mesuredMsemaMeMn'euuentmodttêen riend'eMenUetlesf~andee U~Mdeecnq~Mme.

Page 42: Maine de Biran: Science et psychologie

)'<1ftM'M!Cï!M<XXXM

de facultés transformées et mi~tx vaut encore une aensatien

qu'âne faculté. 9" On déclare que la cause est Bourde dans lemonde dos faits scientifiques et on la force a répondre dansle monde des faits psychologiques c'est une véritable vio-lence. Admettez au moins, si voua voulez être conséquent,qu'il y a Mn cerveau du monde pour produira et penser voslois et que « l'axiome éternol est aa aeoréttoa. Si l'ondemande au savant Qm'oat-ce qui produit la gravitation ?̀'il répond modestement Je l'ignore. Maia si on lui demande

Qa'est-ce qui produit la pensée? il répond audacieusementJe le sais, c'est le cerveau. 10'*C'ost ainsi qu'une doMNoeon-clusion s'impose ù tout esprit nonprévema « la psychologiene peut ni no doit, dans aucun cas, prendre des données dans

los sciences naturellos, ni se subordonner à o!to8,ou à leurméthode d'observer, de classer, d'exposer les lois et de cher-cher los causes elle a pour mission spéciate, en face de

ces envahissements de la science, « de fixer les limites des

sciences naturelles et de les empêcher de s'égarer dans des

recherches obscures ou de vaines hypothèses explicatives.La psychologie est vraiment la j9A<AM<~AMjM'MM!e.

V.– Ceux qui trouvent la physiologie trop envahissante et

pensent que la psychologie s'est montrée de trop bonne com-

position en abdiquant ses droits, alors qu'il suffisait de tendrela main à sa rivale et de traiter avec eUe d'égale à égate, se-ront assurément enchantés de cette fière revendication. Lesdeux ouvrages qu'il nous reste à apprécier n'ont pas l'im-

portance du traité des Rapports, aussi passerons-nous rapide-ment sur ces notes intéressantes, mais un peu décousues, et

qui ne contiennent que des développements nouveaux desidées fondamentales de l'auteur. Sur un agenda de poche,Maine de Biran écrit à la date du 28 avril 1848 «J'ai fait uneassez longue et AoHKenote métaphysique sur quelques passagesde l'abbé de Lignae. !1 s'agit évidemment de celle que nous

publions et l'on voit que l'auteur n'en est point mécontentbien qu'il fut généralement sévère pour ses propres écrits.

Page 43: Maine de Biran: Science et psychologie

ttTKOMJCTtMt SXS'tt

V, Cousin a publié dans son édition A'a~ ~to* «M~MMM~c~<'«

MtH<t~M<tMe<fMJf~HC~tMrye<fMMM intime, pw ~M<? <i~

~Mae mais ce morceau fort défectueux sous le rapport dala liaison des idées, est extrêmement inférieur à la rédaction

que nous lui substituons et qui subsisterait soute dans uneédition déNnitive. !t ne faut pas s'étonner que l'abbé do Lignaeait attiré !'aKentieR et m~iM l'estime de Biran c'est un mé-

taphysicien profond qui, en plein xvnu siècle, sut parler en

disciple respeotMea!:mais indépendant do Descartes et de Ma-

lebranoho, a!ufa que Locke était seul écouté et, grAee à las-servissement général des esprits à ses doctnnes, pourtantmodérées, fegnait on despote sur la philosophie française.Lignae maintenait en face de l'empirisme et du fatalisme

triomphants les droits de la conscience et de la liberté ilfut à Locke ce qae Maine de Biran a été pour Condillac, maisavec moins d'éclat et de sacoes. Sa doctrine se laisse aisémentrésumer dans une double thèse, t'ano qui est la conclu-sion de sa polémique contre l'empirisme et qu'il formuleainsi La doctrine de Locke que l'on trouve si lumineuseest tellement équivoque qu'elle conduit égatemcnt à cesdeux extrémités incompatibles, qu'il n'est pas certain qu'it yait autre chose que des corps ou autre chose que des

esprits; » l'autre qui renferme la partie dogmatique deson système et qui consiste à restaurer le sens intime ou la

perception immédiate du moi ainsi que la perception du corpspropre ou le se~Mde la co~M~CHee*.On connaît assez Destuttde Tracy pour que nous soyons dispensé d'insister sur la cri-tique étendue présentée par Maine de Biran de la notion ducorps et de certaines tendances de ce philosophe qui sont denature à conduire à l'idéalisme par. Il faut bien que lesthéories de Tracy soient moins vieillies qu'on ne pense etqu'elles aient quelque profondeur, puisque M. A. Bain ter-

t. TomeM,page<99!&3n.V.LeKatO)~)M9e<t«MMM<&Heet defa~xMe~ opposé la /b'pro/itacetridicule fatalistesn!<Mt<-ntM.3voLin-t2.Amerre,n60.

Page 44: Maine de Biran: Science et psychologie

MTMWCTM'MXXXtV

mine un ouvrage sur tes J~MM~KMMde la ce~M~ par de longuescitations de ce philosophe qui « donne, dit-il, une excellenteidée de ce qu'est notre perception du monde externe Il se-

rait donc intéressant d'examiner la discussion de Maine de

Biran et sa solution de ce diNciie et capital problème, ainsi

que les considérations qu'il dévetoppe sur la confusion du

désir et de ta volonté sur les idées universelles, sur i'idée dp

l'étendue, mais le sujet est bien vaste et il est temps de clore

cette trop longue introduction. Il en est des rapports de Maine

de Biran avec Destutt de Tracy comme de ses rapports avec

Ampère; c'est un chapitre trop important de l'histoire de ses

idées pour !e traiter en courant. D'ailleurs nous avons entre

les mains une très volumineuse correspondance de Maine

de Biran avec de Tracy c'est en la publiant qu'il serait temps

d'approfondir ce sujet. Nous le réservons donc & dessein et

pour le même motif qui nous a complètement interdit d'abor-

der la question plus importante encore des rapports de Maine

de Biran avec Ampère.

ALEXtSBEBTUAttB.

Lyon, te 16 mai MM.

1.1<-<&MM<MMet la Volonté,trad. Br.de P.-iL.Le Monntef, p. MS.

Page 45: Maine de Biran: Science et psychologie

MÉMOIRESCB tES jSAPPOtUfS

M L'tDËOL06!E ET DES MATHEHATtQUES'

(i803)

1

Depuis cette obscure origine où la géométrie (comme dit

Bonnet dans son style poétique) « néecomme un ver des fangesdu Ni!, traçait en rampant les bomes des possessions, jusqu'àcette époque brillante où prenant des ailes, elle s'élève an

sommet des montagnes, mesure d'un vol hardi les plainescélestes et perce enfin dans la régton de l'infini », on voit le

cercle de cette science s'étendre, s'élargir progressivement il

enveloppe en avançant le système entier des objets, des idées,ou des rapports susceptibles de mesure il exclut et repoussetout le reste, Ainsi se forme, dans le système général des

connaissances ou des produits infiniment variés de l'activité

de l'esprit humain, un domaine isolé, où doit, pendant long-

temps~seconcentrer l'évidence. Le contour da cercle séparerala lumière de l'ombre et les empêchera de se mêler, de se con-

fondre.Soit qu'on envisageles progrès des sciences mathématiques

dans leur, application pratique aux arts, résultats nécessaires

t. EnmargedomNMMcrttoriginal,onlit cettenote écritede la maindeCatxnb q Toutce~NMjpanheXXtXestencore,eonnnele précédentla copied'unmémoireMr têtrappottadendéoidgieetdestMhematiqmes,qntnousaété envoyéparnnidéologiste<pttestenmêmetempsungéomètredieUngné,mataqui n'appartientà t'UMMtatMUoMtque par les pnnqn'Hy a rem.

ttortéa.e (A.B.)t

Page 46: Maine de Biran: Science et psychologie

tt&HtMtTSDEt.'tB&M.OMEa

des besoins et des intérêts compliqués de l'homme en société,soit qu'on les suive dans ces recherches théoriques profondé-ment abstraites qui (en attendant leur application éloignéeet contingente) fournissent toujours un attrait puissant à la

curiosité, un aliment convenable à ces tètes fortement orga-nisées qui ont besoin d'exercer toute leur activité on voitces sciences marcher d'un pas inégal, mais toujours indépen-dantes dans leurs progrès, des diverses branches de la

~f/ca~~M.Concentrée dans son objet simple, avec une méthode spé-

ciale, une langue qui n'est propre qu'à elle, la géométrie dutrester étrangère surtout aux sciences qui ont la nature et losfacultés de l'homme pour objet elle n'avait besoin de leurrien emprunter, et elle était trop éloignée pour pouvoir leur

prêter. Malheureusement pour celles-ci, elles ne purent doncentrer en partage de sa certitude, et heureusement pour celle-

là, elle ne put suivre et partager leurs écarts.

Quel point de contact, par exemple, pouvait-il y avoir entrecette science ténébreuse qui, sous le nom de !M~<!pAys!~Me,prra si longtemps dans les espaces imaginaires, croyant avecdes termes vides de sens, découvrir la nature des choses,

pénétrer dans la région des essences-et la science réelle qui,sans sortir du mond&sensible, empruntait tous ses matériauxdes objets do nos perceptions les plus claires et les plus dis-tinctes ? Jamais il n'y eut d'opposition plus marquée, demarche plus divergente jamais ligne de démarcation ne futmieux établie que celle, qui semblait devoir séparer à jamaisla métaphysique de la géométrie. Aussi les voyons-nous tou-

jours isolées quant à leurs produits et leur inBuence l'une

propage la lumière, l'autre accumule ses nuages dans lesmêmes lieux, les mêmes temps et jusque dans les mêmestêtes. Nous voyons les mathématiques briller chez les Grecsdu plus grand éclat depuis les Thaïes, les Pythagore, les

Platon, jusqu'à la destruction de cette école d'Alexandrie, oùse conserva si longtemps le feu sacré de la science et dans ce

long intervalle, chez les mêmes Grecs, dans le sein de cette

Page 47: Maine de Biran: Science et psychologie

ET DES MAT<t&MTM!t!E8 3

même école, la métaphysique n'est qu'un jargon puéril, un

tissu monstrueux de rêvories et d'absurdités. Après de longues

et d'épaisses ténëbrss si favorables au triomphe exclusif de

cette métaphysique, la géométrie renait de ses cendres. Le

xvt" siècle, et surtout la fin du xvn', voient s'opérer la plus

grande et lapins belle révolution dans les sciences mathéma-

tiques et physiques et la scolastique, toujours dominante,

continue à couvrir de son voile le fondement de nos connais*

saaceset la génération simple et réelle de nos idées.

Cependant la révolution faite dans la géométrie et surtout

son application nouvelle à la recherche des vérités physiques,

frappe et éclaire tous les bons esprits on s'aperçoit que le

monde réel est plus fertile en découvertes que le monde

abstrait; insensiblement on descend du vague de l'un pour

observer les phénomènes de l'autre; des génies du premier

ordre emploient toute la force de leur tête à prouver la néces-

sité de ce passage, à en tracer les moyens, à prescrire des

règles générales à l'observation et à l'expérience ils donnent

eux-mêmes l'exemple avec le précepte, en appliquant l'obser-

vation directe on microcosme ou à l'homme, et l'origine que

toutes ses facultés prennent dans ses sens est nettement

démontrée, dès qu'il est prouvé qu'il ne peut rien connattre

hors de la nature et que le seul moyen de connattre la nature

est d'y appliquer ses sens.

On aperçoit ici une influence des progrès de la géométrie

sur les commencements de l'analyse philosophique; mais

remarquons que cette influence n'est pas directe et qu'elle n'a

pu produire son effet que par l'intermédiaire de la physique.

Peut-être même doit-on principalement l'attribuer à cette ten-

dance manifeste qu'ont tous les esprits à se mettre entre eux

dans une sorte d'équilibre, lorsqu'un mouvement général leur

est Imprimé.Quoiqu'il en soit, et comme par une suite de ce divorce

premier et peut-être naturel de la métaphysique avec la

géométrie, il est certain que les géomètres qui voulurent en

même temps être métaphysiciens, bien loin d'activer les pro-

Page 48: Maine de Biran: Science et psychologie

MPMM8 M! ~tf~OMME4

grès do l'an~ysc inteUeetucMe, les suspendirent et les arrê-

tèrent autant qu'il était en eux, tandis que réciproquement les

plus profonds analystes de l'entendement humain furent de

mauvais gcometrcs ou rcstërpnt du moins étrangers aux pro-

grès do cette science. Sans remonter jusqu'aux Grecs, Pytha-

gore, Platon, etc., Descartes, Leibuita, Matebrat<ehe. nous

consument le premier fait Hobbos, Bacon, Locke et Condillac

nous attestent Je second, et it ne nous serait pas difficile de

trouver parmi les savants de nosjours plusieurs exemples des

mêmes ventés.

Cependant l'analyse philosophique (que plusieurs s'obsti-

nent encore à appeler métaphysique) n'a, comme cette science

futi!o, aucune opposition absolue avec la géométrie, ni dans

son objet, ni dans sa manière de procéder; nous verrons

bientôt au contraire qu'il y a entre eMosune alliance possible

dont la géométrie pourrait même retirer certains avantages.

D'où vient donc cet éloignement de fait qui subsiste entre les

deux scicBCos?et pourquoi, jusqu'à présent, ne paraissent-

elles pas pouvoir sympathiserdans les mêmes têtes? Je crois on

entrevoir plusieurs causes qu'il serait trop long de développer

dans cette occasion je m'arrêterai seulement &celles qui me

paraissent provenir de !a différence des habitudes que l'esprit

contracte en faisant son objet principal de l'étude de la géomé-

trie ou de l'annlyse de nos facultés. Je laisserai &mon maître t

le soin d'examiner si ces deux genres d'études n'exigent pas

des dispositions de tempérament ou d'organisation trop

éloignées les unes des autres.

La géométrie, par la nature de son objet primitif, semble

d'abord ne faire que seconder cepenchant qui entramel'homme

hors de lui-même. Alors qu'olle a le plus dépouillé cet objet,

les formesabstraites, sonslesquellos clleles considère, laissent

encore une prise aux sens. Ces abstractions, tantôt Sgurées

aux yeux, deviennent elles-mêmes objets directs de la percep-

tion tantôt revêtues de signes précis, déterminés outoujours

i. MMUtM,à la demande duquel ce mémoire avait été rédigé. (A. B.)

Page 49: Maine de Biran: Science et psychologie

ET fEa MATt~MATtQtnSS

aisément déterminabtes, cites conservpnt dans la mémoire

une etarté, une usité supérieure. L'analogie dt's sigxca. cor-

respondante à l'homogénéité dea idées, la symétrie et la

brièveté des formules, qui offrent dans une simple expressionte résultat des déductions les plus longues et les plus eom-

pliquées, la tManiereuniforme, assurée et absolument méca-

nique dont on procède dans ces déductions, tout concourt &

ménager des points do repos à t'aUention, assurer la Rde-

M<ede la mémoire qui dirigera bientôt toute seule te rai-

sonnement ou le calcul avec la promptitude et la facilité de ses

habitudes.

L'objet do l'idéologie est tout intérieur, infiniment complexesous une apparence de simplicité. H faut aussi l'abstraire, le

diviser ou le prendre par parties pour l'étudier et apprendre à

le connaître. Mais ici, combien les abstractions sont plus dim-

ciles à saisir et à ooBrcer Tantôt fugitives et se rejoignant au

composé, sans laisser do traces distinctes dans le souvenir,tantôt se confondant avec leurs signes et prenant une consis-

tance, une réalité illusoires- quelle surveillance, quelle atten-

tion continuelle ne faut-il pas pour éviter ces dangers quisont nuls pour le géomètre Pendant que ce dernier brise son

modèle àvolonté pour en étudierles parties, parcourt, mesure

successivement chaque dimension, sans avoir &tenir comptedes autres, puis, rassemblant ces débris dans le même ordre,

retrouve et reconnatt le composé premier, l'analyste ne sait

presque jamais ce qu'est une propriété, une modification con-

sidérée hors de l'ensemble il a toujours à craindre que son

imagination n'altère les éléments, en voulant les fixer; et

attribue à leur nature individuelle des formes qui n'appar-tiennent qu'à leur relation avec l'agrégat dont ils font partieEnfin les propriétés de tous les objets qui sont du ressort de

la géométrie peuvent toujours se représenter par des symbolesou signes abrégés qui tiennent lieu de la représentation

t. Cestlà, commeon sait,cequia trompeBonnetet Condillac.(NotedeM.deB.)

Page 50: Maine de Biran: Science et psychologie

n&pptMHïaf~ ~6o~co~)Ea

directe et <htaillée des modèles, los eombinaiaona diweraea do

ces signes exprimant toujeura ndelement les rapporta que l'on

considère, et indiquant les opérations &effectuer pour repro-duire à volonté los formes, los figures ou les quantités déter-

minées. L'analyse donos opérations intelleotuellosau contraire,

est toute dans la conscience distincte de chacune de ces

opérations les signes qu'emploio cette analyse, loin de tenir

lieu des idées ou opérations mêmes, n'ont pour but que d'en

raviver les souvenirs trop fugitifs, trop légers par eux-mêmes,

d'y ramener, d'y fixer une attention souvent rebelle. L'analyse

a, de plus, sans cesse &se mener de la mobilité d'acception de

ces signes la nature des idées qu'ils expriment, la complexitéet rhétérogénéité des éléments qu'ils réunissent, et par ces

raison?, le défaut d'analogie qui règne entre eux, rendent leur

emploi souvent douteux et incertain; rien no garantit ici la

Métité de la mémoire, rien ne peut dispenser d'un examen

profond, d'une réHexion assidue. Marche circonspecte, lente,

mesurée et toujours réMéchie; analyses, comparaisons et véri-

fications fréquentes des signes et des idées, tels sont les pre-miers titres de succès pour l'idéologiste. Ceux du géomètre,au contraire, sont dans l'assurance et la rapidité de sa marche,dans la sécurité avec laquelle il emploie des termes suffisam-

ment connus. Pour celui-ci, l'évidence est dans l'identité des

signes, il ne la voit le plus souvent que dans les rapportsfidèles de ses souvenirs; pour celui-là l'évidence n'est quedans les idées, il a toujours besoin delà MH~M*.Je pourraisétendre beaucoup ce parallèle mais en voilà assez sans doute,

pour faire voir la contrariété des habitudes qui doivent résul-

ter de la culture assidue des deux sciences comparées et pourrendre raison du fait de leur incompatibilité ordinaire dans les

mêmes esprits. Ajoutons cependant un autre trait de compa-raison qui nous conduira plus directement à l'objet principal

que nous avons en vue.

L'idéologiste ne peut atteindre quelques résultats ntilcs et

vrais qu'en portant dans son langage et dans ses principes la

plus scrupuleuse exactitude. Les principes sont pour lui l'ori-

Page 51: Maine de Biran: Science et psychologie

Et Ma M~îH&MMMt~a 7

gine même des idées dont it veut eonuattrf la ecunposition

intrinsèque il s'agit ici non seulement de déterminer tous

tes éléments, mais encore de retrouver rendre successif et

simultané do leur association. II aura donc toujours uu tra-

vail plus OHmoins long et dunette à exécuter sur chaque idée

principale avant de faire entrer dans ses FaisonnoMenta le

terme qui l'exprime et de pouvoir fonder sur ce terme quclquodeduotion légitimo. Le géomètre n'a pas, ou du moins nesont paa actuellement !o besoin de remonter ai haut dans !a

génération des idées ou des termes sur tesquota il opère it

prend souvent ces ideoa toutes faitos, telles qu'une expénencecommune et irréfléchie les lui a procurées. !t no veut !eacom'

parer que par leurs propriétés les plus généralas, les plus

simples, tes plus aisëos à noter; it ne cherche à en déduire

qu'une seule espèce do rapports qui'pourront toujours être

appréciés ou exactement évalués dans les signes mêmes, sans

qu'il soit ou qu'il paraisse nécessaire do remonter jusqu'aufondement do leur institution, encore moins do scruter la

nature intrinsèque des idées. Qu'importo, par exemple, au

géomètre la fondement réot des idées d'étendue, d'espace, de

temps, do mouvement, et la manière dont nous tes acquérons ?

Qu'importe au mécanicien la nature hétérogène des tern*cs

Equ'il réunit et compare dans la formule V==–' et par consé-

quent l'insigniflance absolue de cette formule considérée en

etto-méme? Lorsqu'il aura substitué des nombres à la placedos lettres dans le second membre et cBectué la division, il

n'en aura pas moins un nombre abstrait qui servira à déter-

miner Ïa vitesse relative V d'un autre mobile qui parcourt

t'espace E dans le temps T, en indiquant que cette vitesse est

double ou triple ou etc. de la première, ce qui remplit te

but actuel du géomètre qui cherche des rapports de signes et

non des rapports d'idées~ ou plutôt qui identi6e les uns avec

les autres.

On voit par cet exemple que l'indétermination des ~nnc~M,

Page 52: Maine de Biran: Science et psychologie

BtfpattTSM t.'tm!<n.<WR0

et par conaëqucnt des expressions qui a'y rappartent, o'innae

pua d'une manière sensible sur los résultats Mcondairea ou

que les rapporta abstraits auxquels on parvient en comparantdeux termes, peuvent avoir toute la certitude et la clartédésirablea dans le but géométrique, malgré l'inexaetitudo,l'obscurité ou même l'absence totale dos idées ou notions pri-mordMea d'au cea termes sont denvcs. !o! se manifosto la

ligno do dëtnarcation qui sépare ce qu'on appollo ta at~a-

~y~M<* de la science ot la science même ou ses applicationspratiques, et t'independance absolue où ont etê.jnaqn~a pré-sent les mathematiqMes, non seulement de la théorie généralede nos idées, mais môme de la théorie partientiere de cellesaur qui elles se fondent immédiatement. Veut-on voir encorecotte double indépendance prouvée j~ar !es faits? Qu'onexamine si on trouvera beaucoup de géjmëtfes, je ne dis plusmaintenant veraés dans t'analyse pM!nsophique en générât,mais même possédant la métaphysiqa'.) propre de leur science.« Los plus grands géomètres, dit d'Atembort, dont le témoi-

gnRge en ce genre n'est pas suspt~t, sont le plus souventde mauvais métaphysiciens, m&m< dans leur science leur

logique est toute renfermée da~s leurs formules et nes'étend pas audeta*. a Si une mauvaise métaphysique avait

pu influer sur la certitude et les ~ésuttats pratiques du calcul,

que serait devenue cette branche de la géométrie sublime à

laquelle te calcul différentiel et intégral a donné naissance?

N'est-ce pas dans le temps même où ce nouvel instrument,sorti de la filière du génie créateur des monades, portait dansaon principe l'indétermination, le vague et l'obscurité d'une

métaphysique abstruse et fausse, n'est-ce pas des lors, dis-je,

i. ~&)nen&de pA</<Mf)ptt~c!mp.xv,p. <19.« U sembleque les grandsgéomètresdevraientêtreexcellentsmetaphys~ciene,anmoinssur tes objetsdontib s'oecMpent;cependantil sen fautbien qu'ilsle eMemttonjouN.î~ifl~qas dc qnsiqaes-nasd'eatrccm esi rcnfcrms`.adaasleusaformuie~,~~tlogique de quelques-uns d'entre an: est reB&rm<a <has !eof. tMai~M, 6!ne retend point au de)à. On peut les comparer à nn homme qui anMtt tesens de la vue contraire à celui du toucher, ou dans lequel le second de s'!9sens ne se perfectionnerait qu'aux dépens de t'antre. (A. B.)

Page 53: Maine de Biran: Science et psychologie

RF M9 MMH~M~TtWRS tt

qu'it produisit aps phf prandpa tnfpvcith'a, et, enMT~ tnvat~.rieuxtui'ntëme, acr~t à dévaHprdea mystères? Ne lui Mtut'it

pas d'être manié par des mains habiles et exercées qui t'em-

ptoyaient avec eonnanco, sans s'inquiéter autrement d't'a iltonr venait, ni quollo était aa nature ? Et loraquo notre Mhtstrft<agfange, conduit tMt.mttno par cette vraie mëtaphystqMcqui oet Fiastmet du génie (nMplutôt des hons «oprUa), aaMM-aant t'p~< d'une méthode naturalisée en quoique aarto danxson intatMgenee, trouva dana la forme générale du d6vdop.pement des foliotions en aMes, la v~ritaMe origine du calculd!Cëroat!et, dëga~e aiaa;de toutes ces conaid&Fat!oaavagacad'infiniment petite de ditferenta ordres, ce calcul &pH<Mva-t.i)qaetqaer&votatioa? Sas applications pratiques on do~Mrent-ollos plus exactes, plus certainea, ptus étendues? Non. Satis-faits do la certitude spécutativc du principe, tes mathémati-cMns n'ont rien ehangé & t'ancienne forme du calcul; ilsconservent Mgonthme de Leibnitz comme plus commode etécrivent ou parlent encore à peu près comme lui.

Ajoutons un exempte plus simple le philosophe déjà cité,d'Alembert, se plaint encore (dans ses ~f~M~) que « l'al-gèbre, toute certaine qu'elle est dans ses principes et dans lesconséquences qu'elle en tire, n'est pas exempte d'obscaritéa &beaucoup d'égards', x H cite en preuve la théorie des quan-tités négatives qui n'a été (selon son opinion, à laquelle onpeut bien son rapporter) encore éclaircie dans aucun ouvrage.Ces obscurités, dans une science qui se pique de n'en pointavoir, ne peuvent évidemment provenir que de l'inexactitudedes principes ou de celle du tangage qui s'y rapporte. Etcependant la certitude des résultats obtenus par l'analyse

i. Voicile texteexactded'Atembert NCNMnMM,touteeertatuequ'elle(ta)gebre]est danssesprincipeset danstes conséquencesqn'elleen tire, ilfautaveuerqu'ellen'estpasencoretoutà faitexempted'obscuritéà certaine<'gamb.Pourn'enciterqn unexemple.je noconmaMaucunouvrageou ceqM regardela théoriedes quantitésnégativessoUparfaitementeeMM)~t-ce la faute de t'a!gehre?Ne seMtt-cepas pMot celledesauteursquitout traHée{mqu'iei!(JË~men~<<ej)M!M< ehap.xtv,p. 154.)(A.B.)

Page 54: Maine de Biran: Science et psychologie

NJH'MMTSM! t.'M)<'OM)MR10

algébrique on épreuve't-ette quoique a!Mration ? Lea procèdes

mécaniques qui donnent les véritables vakura des inconnues

dans la résolution des équations en sont-ils moins sura?Et

quand même !c génie idéologique, uni à une eonnaisaance

profonde des règles et de la pratique du calcul, parviendraità &ure subir à sa langue los réformes dont elle est susceptible,

ces noMveaMXdegrés de précision et d'exactitude ne demeure-

raient-Ha pas Mnfennea dana la sein des principes spéculatifs,sans inMMeraur!a certitude pratique, comme il est arrivé dans

le calcul ditMfentiet ?q

On voit donc encore ici une des causes principales quitiennent éloignées l'une de l'autro la géométrie et l'idéologie,

et qui retardent tear alliance. Les mathématiciens sont consi-

dérés comme los juges naturels des réformes à opérer dans

leur seieMe. Or, d'après tout ce qui vient d'être dit, ib ne

doivent point reconnaître la nécessité de ces réformes ni en

sentir le besoin; la certitude des résultats qu'ils obtiennent

en suivant aveuglément certaines méthodes ou en partant de

certains principes, leur fait conclure sans autre examen la

bonté des unes et la rectitude des autres. Il n'est point néces.

saire, il serait même inutile et dangereux, dans leur opinion,d'en examiner les fondements. En outre, la grande habitude

,qu'ils ont de leur langue, tes empêche d'en reconnaître les

vices et de songer &les recti&er. De là leur opposition presque

générale contre la science qui ne fait grâce à aucune habi-

tude, et qui met les règles de l'évidence, et jusqu'à ïévidence

même en discussion.

Je trouve un exemple frappant de cette opposition tropréelle dans l'écrit d'un géomètre estimable qui parait s'être

un peu occupé d'idéologie, quoiqu'il soit loin d'en connaître

l'objet ni l'esprit, ni la méthode. <'En comparant, dit Lacroix

dans la préface de sa Géométrie ce que la métaphysique a

perdu d'un côté et gagné de l'autre, peut-être est-il temps

qu'on s'arrête et qu'on reconnaisse que seule entre toutes les

sciences, la métaphysique n'est susceptible que d'un progrès

limité, et qu'il existe dans la théorie des opérations de l'en-

Page 55: Maine de Biran: Science et psychologie

)ET t~a aMH~HMK)M8

teadement un point que l'an M«p<mtN~jja<na)adépaaacr.n Non,

citoyen Lacroix, il n'est point tempa qu'on tt'orf&to &p~inomême a-t-on commencé. La science que vous nomme!! méta-

physique a encore bien longtemps h travaiMer MtMement, carello no devra s'arrêter que loraqu'it n'y aura plua (t'htécs

vagues et obaeMrea, d'idées dont on na puisse eta!M<Matddmontrer l'origine, de termes dont on n'ait exactement e!f-conacrtt l'acception. Et votre scionce, toute eerta!ne qu'altoest. ncnt lui fournir oncora Mn assez vaste champ. Pourquoites bornes de la métaphysique aeratent-ettes ptua reaserrcoa

que eeUeadeaaMtN88c!eneo9,qMe celles deaos idées <a&me!t?La aphero de cea idées ne peut s'agrandir dans un genrequelconque sana fourmF de nouveaux matériaux à ta science

qu! s'occupe de leur origine, de leur ordre do filiation, de!oura classifications m6thod!quos. Et combien cette physique,cette theone des probabilités, auxquelles vous nous renvoyez,n'ont-eHes pas besoin de son secours Combien son allianceavec tes diverses branches des mathématiques ne pourrait-elle pas otfrir d'avantages précieux, quoique )usqu'a présentinaperçus

Ceci me conduit à une seconde question. Je crois avoir

prouvé que la métaphysique ou la science de nos idées, leurthéono en6n, bonne ou mauvaise, n'avait eu dans aucun

temps d'innuence directe et sensiMe sur les progrès des

mathématiques. J'en ai cherché les causes dans la nature

comparée des objets que traitent et dos buts que se proposentle.géometre d'un coté et l'analyste philosophe de l'autre, dansles habitudes opposées que font contracter à l'esprit ces deux

genres d'étude. Passant maintenant en quelque sorte du faitan droit, j'examinerai brièvement comment l'idéologie peuts'appliquer anx sciences mathématiques ot quelle espèce deréformes elle pourrait leur faire subir.

Page 56: Maine de Biran: Science et psychologie

MAPPOnTaM! t.'tPtCCM'OWM

L'idéologie piano, pour ainsi dire, sur toutes les sciences,car les sciences ne se composent que de nos idées et de leurs

divers rapports. Ces idées forment comme un pays immense

et infiniment varié, partagé en une multitude de districts,

eoupé par un plus grand nombro de routosde communication.

Pendant que les savants ecya~MM se disporsent dans ces dis-

tricts, vont et viennent dans ces routes, t'idéotegiste, placésur une éminonco et comme immobile, observe leurs direc-

tions, en tient note, en dresse la carte de là, il arrive quesouvent il connaît mieux les chemins que les voyageurs eux-

mêmes, qu'il peut leur fournir d'utites indications et en

quelque sorte les «fM~ef. Mais toutes ces routes ont une

origine la plupart même partent d'un point commun pour

diverger ensuite c'est cette origine, ces points communs,

ordinairement ignorés des voyageurs, que l'idéologiste se

charge principalement de leur apprendre. Pour suivre encore

notre comparaison, la carte la plus simple à dresser, la direc-

tion la plus aisée à suivre, est celle du géomètre; it est dans

une grande et large route et it va tout droit, mais toujours

avec une telle rapidité qu'on le perd aisément de vue et que

lui-même ne sait souvent où it a passé. Si l'idéologie, qui ne

partage pas cet entraînement, peut, en le suivant de loin,

tenir note de tons ses pas, elle aura ensuite bien des particu-larités curieuses à lui révéler sur sa propre marche.

Si on ne sort pas de la route ordinaire du mathématicien,

ou, pour revenir au langage propre, si on ne prend les idées

dont il s'occupe qu'au point où il les prend lui-même, sans

remonter au delà, on voit qu'elles sont de formation posté-

rieure ouvrages de notre entendement, elles ne contiennent

que ce que nous y avons mis, ne se composent que de maté-

riaux pris dans nos perceptions les plus simples, les plus

familières, les plus clairement représentables. L'idéologie

H

Page 57: Maine de Biran: Science et psychologie

ET MES MATN6MATtO<JE6 i3

appliquée &ce système d'idées, &'ytrouvera d«ne en quelquosorte dans sa sphère elle n'aura point à lutter contre les difu-cultés qui fartent quo!quefois dans certaines profondeurs;ette ne craindra point l'inHdélité des souvenirs et ne sera

pas tenue d'en renouer laborieusement ou d'ou suppléer lachaîne interrompue. Partant de l'origine conveatMnaeMo desd!<Mrontesidées do quantité, et coM<mcH~<tM<par le c«M<tMCH.

conteste, elle paroourra lentement et par ordre la séné desconditions qui ont déterminé successivement toutes les fofmoades termes et dos idées, depuis lour <map!iotMpremibro jus-qu'à leur plus haut degré de composition. Dans co travail,elle n'abandonno jamais le fil de ranatog!e le suivant partoutoù it pourra la conduire, elle déviera souvent do la route

frayée par les géomètres, mais pour la raccourcir ou rejoindreles traces trop distantes de leurs pas et remplir !es lacunes

qu'ils ont laissées dans leur marche prëcip!téo et leurs sauts~C'ost ainsi qu'eUc trouvera tes moyens do dissiper toutes

les obscurités, tout ce qui peut rester de vague et de mysté-rieux dans l'énoncé de certains principes. Ainsi sera parfai-tement nettoyé le champ de l'évidence. C'est ainsi enfin queCondiHac appliquait l'idéotogio aux principes de l'arithmé-

tique et de l'atgebre Mais, dans plusiours cas, les obscurités,les vices de langage et de principes viennent de plus loin et no

peuvent être recuBés, si on ne remonte jusqu'à cette origineréeUe des idées, où les mathématiciens qui sont partis desnotions communes et des préjugés vulgaires, ont cru pouvoirse dispenser de puiser. L'idéologie, qui a pour fonctions decreuser jusqu'à cette origine, jusqu'à ces formes vraimenty~r~fMes, pourra seule alors approfondir et raffermir lesbases chancelantes de la certitude, donner un sens à ce quin'en a pas, substituer des dénnitions do choses à dos défini-tions de mots, des démonstrations rigoureuses à des paralo-gismes.

1. Son ouvrage pourrait Mre trehit matotmMnt, et beaucoup mieux, en

s'astreignant moins servilement aux Mpre'Miom~ et aux formes inexactes quetes math~uMUques out eoneacreee. (Note de M. de B.)

Page 58: Maine de Biran: Science et psychologie

NAPMM8 M! t< <M)60MCtE44

Los abstractions géométriques peuvent êtra considérées,

soit dans le sujet réel et perceptible d*o&elles ont été tirées,

soit dans la langue ou l'ensemble des signes naturels ou con-

ventionnels qui représentent ou fixent ces abstractions. L'idée-

logie les considérant sous te premier rapport qui tient à ce

qu'on appelle ~y~Ke géndrale, révélera le secret de leur

origine olle dira ce qu'est pour nous ce sujet étende, solide,

résistant, auquel nous rapportons nos propres modinoa'ions

et que nous nommons corps, ce que sont pour nous ses pro-

priétés générâtes, comment, dans quel ordre et par quellesuite d'expériences, nous acquérons tes idées simples quinous représentent ces propriétés; elle fera voir comment,

étant toutes engendrées d'une première et prenant leur originecommune dans l'exercice d'une seule et même /4MM/M,elles

sont liées et subordonnées entre elles, suivant un ordre nxe

dont l'observation et la connaissance peuvent seules nous

diriger sûrement dans l'étude des sciences naturelles ou

abstraites, et dont l'intervenion est la principale cause de

l'obscurité, des erreurs mêmes qui règnent dans plusieurs

principes de ces sciences. La géométrie, la mécanique et

toutes les branches physico-mathématiques (en proportionmême qu'elles retiennent un plus grand nombre des propriétéssensibles de leur sujet), devront donc emprunter des principesde l'idéologie, et ce n'est qu'en s'alliant à elle, en partant de

ses données, qu'elles pourront acquérir les degrés de préci-sion et de clarté qui manquent encore dans plusieurs points

de leur théorie, l'exactitude, l'enchatnement et la rigueur quel'on désire dans plusieurs de leurs démonstrations.

Il ne serait pas difficile de prouver ces vérités par des

exemples, et on ne pourrait être embarrassé que du choix.

Mais, comment douter qu'une conception nette de la manière

dont nous acquérons les idées de ligne droite, brisée, etc., et

en général de l'étendue et de ses modes divers, celle de mou-

vement, d'espace, de temps, de force, ne soit une introduction

utile et nécessaire même aux sciences qui se fondent sur ces

idées et qui font un emploi continuel de leurs termes? Ne

Page 59: Maine de Biran: Science et psychologie

ET DES M&TH6MATM)CES i5

sora-co pas là qu'il faudra remonter lorsqu'on voudra sortirdu mécanisme des opérations et des rapports abstraits des

signes conventionnels, pour trouver dans la nature des <cnMMde rapporta fixes, réels et non arbitraires? Croit-on que l'onserait encore à désirer des principes clairs sur la mesure des

angles, sur tes propriétés des parattetes, etc., si l'on eut biencherché à se rendre compte de la vraie génération de cesidées? Aurait-on si longtemps et si vaguement disputé surla mesure des forces, sur la nécessité ou la contingence deslois du mouvement? Tournerait-on encore dans ce cerclevicieux qui détermine l'espace par le temps, le temps parl'espace, le mouvement par l'un et par l'autre et ptee-fpfM,si on eût bien connu la vraie filiation de ces idées? Voyez surtout cela ce que dit d'Alembert dans ses JtM&m~Met jugezensuite si les géomètres entendent bien la métaphysique deleur science. Celui-là, du moins, a le mérite d'avoir senti qu'ily en avait une et qu'il pouvait être utile d'y remonter.

Si jamais quelque idéotogiste profond fait des éléments de

mathématiques, et désirons que cela arrive pour l'utilité decette-ci et pour le triomphe de l'idéologie, on verra commenttoutes ces obscurités disparaissent, lorsqu'on sait se placeran véritable point de vue et commencer par le commencement;on appréciera l'utilité de cette science aujourd'hui tant décriée,qui tendant toujours à remonter le plus haut possible dans la

première formation de nos idées, fournit des principes àtoutes les sciences et les lie ensemble par leurs extrémités

convergentes.Les abstractions géométriques considérées sous le second

rapport, o'est-a-diredans le système des signes qui les suppri-

1.Article~caa~MedesjÊ&mea~de~M&M<!p«eLephilosophemécani-ctendoit. monseulementdéduirelesprincipesde la mécaniquedesnotionstesplusclaires,maisencoreles étendreen tesréduisant.» (P. tM.) « LaréducHonde touteslesloisde la mécaniqueà trois,cellede la forced'iner-t)t.,<~)o du )t<"<tf<mpnteMapoeéet eelle de t'éqniNbre,pcut servir arésoudrele grandproMememétaphysiqueproposé,il y a quelquesannées,parunedespluscétëhresacadémiesde l'Europe,Mles&)Mdu !tMH<))eme<t<etde f~t«S&M<~McwtM«Mt<devéritétt~ee~MO~e!eottHagettte?t (P.2M.)(A.B.)

Page 60: Maine de Biran: Science et psychologie

tt&PPOKtSBEL'tmSOMME16

ment, les fixent ou les remplacent, offriront encore à l'idéologie,un vaste champ où ellepourra recueillir d'abondantes et d'utiles

moissons. La langue des mathématiciens, où le calcul algébri-

que a, comme toutes les autres, sa métaphysique, c'est-à-dire

des principes ou idées primitives, fondamentales, qui ont servi

de types à ses premières expressions, en ont déterminé les pre-mières valeurs réelles. Ces idées ou principes ne pourront être

éolairois sans que le langage ne s'en ressente et n'éprouve

par là même d'utiles réformes. Ceux qui pratiquent méca-

niquement une langue, sans avoir une connaissance exacte,ou sans se rendre compte de l'esprit des conventions pre-mières qui durent déterminer sa formation, risquent souvent

de dénaturer ses acceptions, de forcer ses tours, d'altérer son

génie. Si, comme il est arrivé plus ou moins à toutes les

langues, elle s'est étendue peu à peu, suivant l'extension des

besoins, quelquefois par le mélange des idiomes, il est encore

plus à craindre que l'arbitraire et l'obscurité ne s'y soient

glissés à la place de cette analogie, de cette clarté et simpli-cité qui compensaient la pauvreté du langage primitif. Ici,

comme ailleurs, les embarras et les inconvénients accompa-

gnent souvent les richesses.

La métaphysique de la langue algébrique avait sans doute,

dans l'esprit des inventeurs, une clarté qu'elle n'a plus.La multitude des problèmes dont le besoin ou la curio-

sité ont déterminé successivement la proposition, ayant

conduit & des expressions diversement compliquées, les ma-

thématiciens se sont trouvés entraînés, sans s'en apercevoir,

bien loin des règles originaires. Ces règies ne s'étendant plus

aux cas nouveaux (du moins en apparence), on ne pourrait

pas atteindre directement par leurs moyens les solutions dési-

rées. H fallait donc y procéder par des essais, des tâtonne-

ments, des voies détournées il était rare, dans ces cas embar-

rassants,. que l'on cherchât les moyens de solution dans

l'analogie, ou que l'on se traînât régulièrement du connu à

l'inconnu. L'impatience du génie aimait mieux couper le nœud

que le délier, il avait plutôt fait d'inventer une méthode nou-

Page 61: Maine de Biran: Science et psychologie

ETDESMATMtShATtQNES H

velle, que de consulter et de suivre laborieusement l'esprit de

l'ancienne. Ainsi se sont perdues les traces de l'analogie,ainsi a'est obscurcie la vraie métaphysique do la langue,ainsi se sont aecumuléea tant de règles, tant d'éléments hété-

rogènes dont il est si difnoile et quelquefois impossible de

trouver les liaisons. De là tant de pratiques, tant de formulesdont un esprit attentif et rénéchi cherche en vain les fonde-ments dans les idées claires antérieurement acquises.

Cependant on jouit des résultats, et les mathématiciens quine tendent que vers eux, sans se soucier de la manière dontils les atteignent, se laissent conduire dans la pratique detoutes ces règles par la même habitude aveugle et méca-

nique qui dirige ceux qui parlent leur langue maternelle sansen connaître la grammaire, ou encore ces grammairiens ordi-naires qui ont étudié les règles sans remonter jusqu'à leur

esprit. Mais le philosophe, l'idéologiste médite cet esprit des

règles, cette grammaire générale des langues dont les prin-cipes se tirent de l'origine commune des idées il l'aperçoit,le sent, le devine, quand il se cache, et peut enfin l'inter-

préter au besoin.

Transporté dans la langue du calcul, le génie idéologique,accoutumé à d'autres formes, habitué surtout à réBéchir, àrefaire lui-même tous les signes dont il se sert, à percer jus-qu'à leurs racines, ne saurait se livrer en aveugle a ces mé-thodes formulaires et purement mécaniques, avant d'en avoirsondé les bases. Témoin de l'entraînement commun, il ne le

partagera pas il voudra se diriger lui-même, mesurer sa

route, savoir d'où il vient, où il va. Comme il est en quelquesorte en pays étranger, il sera choqué de certaines disso-nances de langage que l'habitude cache aux gens du pays.Rencontre-t-U des expressions paradoxales en apparence, destermes obscurs et presque mystérieux, tels qu'il s'en présentequelquefois en algèbre, il en soupçonnera dès lors l'~acti-

tude, car il sait que la vérité se distingue ordinairement parla simplicité, la clarté et la facilité de l'expression il ne selaissera point éblouir par certaines explications dont les habi-

2

Page 62: Maine de Biran: Science et psychologie

MAPKmifS CE t.'tMËOM'MEi8

<K~<se contentent, ni même par la certitude pratique des

résultats auxquels peuvent conduire ces formules para-doxales. Tant qu'il restera quelque louche, ne fut-ce quo dans

les termes, il ne sera point tranquille Mn'est descendu dans

le pays de l'évidence que pour y voir clair sur tous les points.Comment d'ailleurs peut-il subsister des obscurités, des

énigmes dans un système d'idées qui ne contient que ce quel'homme y a mis? L'idéologiste appellera ici sa méthode

ordinaire, remontera jusqu'aux formes y~~m<neM, suivra

do nouveau et avec toute la force de son attention toutes lours

~'tt~<M, sans en omettre aucune, sans faire aucun écart,

aucun saut; et en consultant toujours l'analogie la plus

rigoureuse, il recréera, s'il le faut, toute la langue et peut-êtrela fera mieux. C'est ainsi qu'il trouvera la vraie source des

obscurités qui l'avaient frappé dans quelque convention

ittégitime et contraire à l'esprit des conditions fondamen-

tal, dans quelque omission essentielle, quelque suppositionat~traire tu vicieuse. Il aura ainsi pour toujours fait dispa-raître ces taches et encore une fois nettoyé le champ de l'évi-

dence.

C'est ainsi, pour citer encore quelques exemples, qu'il

pourra éclaircir (et paut-ètre mieux que ne l'a fait Condillao

lui-même dans sa /aM~«e des calculs) l'article essentiel dos

quantités négatives, qu'it roconnatlra l'insignifiance de l'é-

noncé du principe paradoxal multiplié pu, donne +,

ou que divisé par donne car les signes + et no

sont point par eux-mêmes les stijets des opérations, mais indi-

quent seulement les opérations d'ajouter ou de soustraire, et

voità tont. Des qu'on admet des expressions inexactes, il faut

s'attendre qu'on s'en ressentira tôt ou tard, et c'est ce quiest arrivé dans ce cas-ci. L'idéo!oyste prouvera qu'il n'y a

point réellement do Mom~fMK~a~/ il s'attachera à faire

voir que certains résultats ou formules algébriques, unique-ment susceptibles d'être construits ou traduits on lignes, n'ont

aucun sens, aucune valeur arithmétique il assignera la

cause de cette différence dans la nature do la quantité continue

Page 63: Maine de Biran: Science et psychologie

ET CB8 MATOËMATtQWS M

et celle de la quantité <&se~e, comme dans les formes parti-culières de numération qui s'appliquent &cette dernière; ilne lui sera pas difHei!e de prouver que l'absence de cette dis-tinction fondamentale a occasionné une multitude d'obscu-rités, de mésentendus et de disputes dans un sujet et avecune langue qui ne paraîtrait pas devoir en souNrir, les unssoutenant la réalité d'un résultat ou d'une expression atgé-briques, parce qu'ils les concevaient traduits en lignes,d'autres leur impossibilité, parce qu'ils voulaient les elTec-tuer en nombres. La fameuse dispute de Loibnitz et doBernouilli, au sujet des logarithmes négatifs, en fournitune prouve bien remarquable EnBn, suivant toujours lesmêmes principes, il éclaircira la nature des quantités et desracines qu'on appelle MM~MMM'Met trouvera peut-être quel-que moyen d'écarter cette pierre d'achoppement de l'analysealgébrique il soumettra encore à une nouvelle analyse cefameux principe, fondamental dans la théorie des équationset qui n'est pas encore exempt do nuages, savoir que danstoute équation d'un degré quelconque, l'inconnue a autant do

valeurs particulières qu'il y a d'unités dans son plus hautexposant, principe que l'on conçoit bien si on en regarde l'in-connue comme l'a~cme oul'or~o~M~ed'une courbe qui variedans ses valeurs successives, mais qui n'est plus concevabledes que l'on veut que cette même inconnue sot une quantiténumérique une et déterminable.

Voilà sans doute assez et peut-être trop de détails pourprouver ce résultat incontestable, que l'idéologie est suscep-tible d'une application directe aux sciences mathématiques, etqu'en y portant son esprit, sa méthode, sa manière de pro-céder, elle peut et elle peut seule faire subir à leurs principesdes réformes essentielles. On attendrait vainement cesréformes des mathématiciens eux-mêmes les e~Me~ por-teront toujours de l'algèbre, mais ne se redresseront pas, ne se

tailleront pasd'eux-mêmes.

t. Voyez le CommeretUM Q'tï<o/«'«a). (Note de M. de B.)

Page 64: Maine de Biran: Science et psychologie

KAPPOMa CE )<*M~OMtMRS)

Je n'ai point parte do l'application de l'idéologie «n calcul

te plus important do tous par son objet, celui dos probabilités,

parce que cette branche du calcul est évidemment, et presquetout entière de son ressort c'est elle qui déterminera la nature

et l'espèce des différentes probabilités, assignera les idées ou

objets qui fourniront des chances plus ou moins nombreuses,

plus ou moins faciles à éva!ner, et qui enseignera pourquoi,comment, et avec queUes restrictions le calcul leur est appli-cable. L'idéotogisto fournit tes donnéea, et met presque le

problème en équation le calculateur le résout mécanique-ment. M donc le mathématicien doit être idêologiste pour

concevoir, et celui-ci mathématicien pour exécuter.

En réunissant toutes les réflexions qui précèdent, on peutvoir quel est surtout le genre d'innuenoe que l'idéologie doit

exercer sur tes mathématiques, et dans quelles limites doit se

renfermer cette influence pour avoir son utilité prochaine la

ptus désirable. L'idéologie est contiguë à toutes tes sciences

par leurs extrémités commençantes; elle adonc des rapportsimmédiats avec leurs éléments, et peut être qu'elle seule peutleur en fournir de bons. Si l'idéotogiste était ex ~fo/!?MOun

grand calculateur, un grand géomètre, it ne serait peut-être

plus idéologiste, il aurait changé ses habitudes. Il n'étendra

donc pas directement les progrès de la science il no préten-·

dra pas à allonger le bout où cite nnit mais c'est précisément

parce qu'il n'a ni la prétention ni les moyens d'agrandir actuel-

lement le champ de la science qu'il est plus propre à en raffer-

mir la base, à en éclairer tes principes. S'it remplit une fois

cette grande fonction, s'il parvient à donner enfin aux sciences

mathématiques do bons et de véritables éléments, à réformer

leur langue dans plusieurs points essentiels, à systématisertous les signes et toutes les notions qui les composent, en

comblant leurs vides et les ralliant à leurs vrais et communs

principes, il aura rendu deux services inestimables, l'un par-ticulier à ces sciences, l'autre général aux progrès do la phi.

losophie ou do la raison humaine.

Les conquêtes de la géométrie en deviendraient d'abord

Page 65: Maine de Biran: Science et psychologie

ET t)E9 MATttËMA'nCtt~ 2t

plus nombreuses, plus assurées et plus importantes; <<ltcaoconcilierait et ~'attacherait ponr toujours do bons esprits quil'abandonnent souvent pour l'avoir mat apprise, ou dont laraison profonde et sévère ne peut se plier au joug de sa mé-thode actneMe, au mécanisme de ses formes. Qui sait môme

jusqu'ou ces bons esprits, ces têtes naturellement saines, for-tifiéespar une culture appropriée, par des méthodes toujoursrigoureuses, pourraient pousser à l'avenir les progrès réf!a dela science? Tout dépend des bons principes ou des bons com-mencements on !o dit, on le répète, on le sait, et cependanton a fait jusqu'ici comme si on ne le savait pas. Mais ce quiest plus important encore, c'est que l'étude de la géométrie,dirigée par l'esprit idéologique, commencée et continuéedans cet esprit, ne formeraitpas seulement do bons géomètres,mais serait éminemment propre à former de bons et profondspenseurs. Des têtes bien faites et convenablement exercées,accoutumées a n'admettre que des idées claires et des termesexactement déterminés, à ne se rendre qu'à l'évidence, à necéder qu'a la raison et jamais a aucune autre autorité, auraientvraiment tes a~sesde laphilosophie (aMM~Mosop~M?),seraient

capables de la détendre, d'en étendre, d'en propager l'em-

pire.On dit souvent que rien n'est plus propre que l'étude de la géo-

métrie à rectifier fesprit, à former le raisonnement, et cepen-dant pourquoi voit-on tant do bons géomètres qui, hors de leur

science, ne sont plus que de pitoyables raisonneurs, des espritsfaibles et boiteux ? Ce n'est point aux géomètres que l'analyselogique ni même (à quelques rares exceptions près) cet esprit

philosophique qui distinguera à jamais notre siècle, doiventleurs progrès. Si, loin de diriger ces progrès, de marcher à la

tête, la plupart sont restés en arrière, si quelques-uns mêmeont fait leurs efforts pour en ralentir ou suspendre la marche,n'est-ce pas en grande partie àdes habitudes mécaniques et

pour ainsi dire serttiles, contractées dans l'étendue de leur

science, qu'il faut s'en prendre? n appartient à l'idéologie debriser le joug de ces habitudes. Après avoir apporté sa mé-

Page 66: Maine de Biran: Science et psychologie

«APPOM3 BE ~tP)60MOtEaa

thode dans les sciences math&matiqaea, diaaip&la vague et

l'obscurité <<eplusieurs de leurs principes, s'être associé à

tcars progrès, avoir rattaché ea6n à son domaine le propre

champ do l'évidence, quel triomphe pour elle d'opposer tousces produits communs, toutes ces forces reaaies et conspi-rantes aux ennemis de la raison, de les on accabler

FIN

Page 67: Maine de Biran: Science et psychologie

OBSERVATIONS

arn

LE SYSTÈME DU DOCTEUR CALL

(iaos)

ME8MECB8,

Il y a huit mois que l'on parlait dans toute la France dudocteur Gall et de sa doctrine nos journaux tes plus savantscomme tes plus frivoles nous donnaient chaque jour un articlede craniotogie.et la place intéressante consacrée dans certainsfeuilletons aux modes du jour, était remplie par un exposéplus ou moins léger et divertissant des leçons du docteur attc-

mand, qui était venu offrir lui-même son hypothèse commeune mode digne d'occuper la capitale. Cette mode est passée,et assurément, je n'ai pas l'intention de la ressusciter. Mais,commej'avais on l'occasion de connattre le système de Gall,assez longtemps avant qu'il en fût question dans les cercles de

Paris, je puis bien m'on occuper encore à ma manière aprèsqu'il a cessé d'être en vogue.

Les rénexions que j'oBro ici à 1&société savante que j'ail'honneur de présider ne sont point particulièrement relativesan système du docteur Gall elles embrassent, dans un com-mun point de vue, toutes les hypothèses du même genre, quitendent à rattacher les facultés de l'intelligence à des organeson sièges séparés dans le cerveau; elles remontent au prin-cipe commun de ces hypothèses, en démontrent le videet préviennent leurs illusions. Sous ce rapport, je crois

qu'elles sont utiles, sinon comme ouvrant quelque route nou-velle on portant la lumière dans des endroits ténébrenx, dnmoins comme faisant l'oSice de garde-fous, ou de ces pieux

Page 68: Maine de Biran: Science et psychologie

OttSEnVATMNS24

placés !t Fem~ades lieux escarpés, <msur le bord des préM-

piees, pour avertir le voyagour et l'empèoher de ae pardredans dos ahtmes.

Ce petit travail que le temps ne m'a. pas permis do soigner

davantage, se présentera sans doute sous dos formes trop

abstraites, trop déponitlées do ces images qui donnent de

l'intérêt et de l'attrait surtout à une looturo publiquo. Mais la

nature du sujet et ma mamere particulière de b considérer

éteignaient les ornements que l'imagination répand sur tout

ce qu'eHe saisit, mais dont la réOexion, concentrée dans aon

champ propre, redoute et fait le talisman.

Tout physiologiste qui prétend diviser ou analyser organi

quement les facultés del'intelligence humaine, fait uno excur-sion dans la métaphysique il prend 1&nécessairement ses

données, ses premières bases de division et sonpoint d'appui.Il se place donc sous la juridiction des métaphysiciens il les

reconnaît pour arbitres et renonce à être exclusivement jugépar ses pairs. Si je profite ici des droits que me donne la

science que je cultive plus particulièrement, je ne perdraipoint de vue, messieurs, les intérêts de la nôtre. Toujoursattentif à saisir les points de contact qui nous unissent, je nelaisserai pas échapper une occasion de me rapprocher de

vous et de prouver à une société dont la bienveillance et l'es-

time me sont si chères~ combien je suis pressé du désir et du

besoin constant de m'occuper d'elle, de lui consacrer tous les

moments que je puis dérober à mille autres travaux et de

diriger mes pensées vers l'objet important de ses études,savoir la connaissance de l'homme intellectuel et moral, qnin'est pas séparé de l'homme physique.

L'analyse, on la division naturelle des facultés de l'homme

comme être organisé, vivant, sensible et intelligent, fut etsera toujours un des problèmes les plus importants etles plusdifficiles dont la philosophie ait à s'occuper. On pourrait prou-ver aisément qna c'est à cette analyseexacte et Bien faite quevont se rattacher les divisions encyclopédiques des scienceset des arts, tous les objets divers d'étude on de connaissance,

Page 69: Maine de Biran: Science et psychologie

Stta LA MCtMNR M OA~t. 25

kt méthodes d'éducation et d en~pignement, toMteah's qMus.tions particulières de psychologie, de morale et d'économie

politique, toutes les règles do l'art qui apprend aconnattre leshommes et à les diriger, et avant tout a se connattre soi-même pour remplir sa véritable destination, éclairer son

esprit, régler sa conduite et ses moeurs, et se rendre parlàplus sage, meilleur et plus heureux. Plus, enenet, on médite

profondément le précepte de l'oracle MMee ? x~MMt,plus ons'assure que tout est renfermé !a, mais ptus on a lieu aussi doso convaincre qu'il n'ûat pas donné aux forées humaines de

remplir le précepte dans toute son étendue. Mais si!o dernier

progrès de la science consisterait à se connattre parfaite-ment soi-même, c'est déjà une assez grande disposition à la

sagesse que de diriger un cei! attentif sur son être, sur sa

nature, son but, ses moyens, ses dispositions et ses facultés.

Homme, prends l'homme pour l'objet de ton étude, ~«~au lieu deM<MM,voita!e seul précepte qui nous convienne,celui aussi que cette société a choisi pour épigraphe, It n'ourerien qui soit au-dessus de notre vo!onté constante, rien qui nesoit propre à exciter notre émulation, à encourager nosefforts.

La condition première et essentielle à remplir pour atteindreà la connaissance tant soit peu exacte d'un objet composé,c'est de le diviser enparties subordonnées les unes aux autres.Mais la division faite, chaque partie séparée peut offrir un

sujet d'étude assez vaste pour remplir et surpasser même la

capacité de l'esprit. L'homme est un être mixte, infiniment

composé, sujet multiforme, où se développent, successivementou à la fois, plusieurs facultés de différents ordres. Chacun deces ordres constitue une science particulière et si riche en

principes et en résultats, que les génies les plus étendus nesauraient en épuiser la fécondité. Le premier ordre quiembrasse les facultés de l'être organisé, vivant et sentant,appartient à la physiologie ou à la dynamique des corpsvivants. Le deuxième appartient à la psychologie qui expliquela génération des connaissances humaines, et planant sur le

Page 70: Maine de Biran: Science et psychologie

<M)3ERVATMM<8ao

vaste champ des idées, forme &elle seule la théorie de toutes

les théories. Un troisième ordre de facultés appartient à la

morale et à l'économie, sciences ou plutôt arts pratiques et

d'application qui sont à la psychologie ou a la science spécu-lative des idées et des fonctions intellectuelles, ce que la

médecine ou l'art do guérir les maladies et de conserver la

santé est à la théorie des fonctions physiologiques des organeset instruments do la vie ou do la sensibilité.

Vous voyez, messieurs, que cette division fondamentale des

sciences ou plutôt de la science unique qui a l'homme pour

objet, se réfère à une première division calquée sur la nature

même de cet être mixte, dont l'existence se compose de tant

de phénomènes divers, qui peuvent être étudiés ainsi séparé-ment les uns des autres, dans chacun des ordres respectifsoù l'analogie les a placés. Mais, descendant de cette premièredistribution générale dans les divisions particulières et pro-

pres à chacune dos parties do la science de l'homme, nous

trouvons encore une extrême variété dans tes points de vue

relatifs au même sujet et une diversité proportionnée dans

les moyens, les procédés et le but de l'analyse, quand il s'agitd'observer les phénomènes de différents ordres, de les classer,d'en poser les lois, d'en assigner les causes. Nous bornant ici

aux deux sciences qui paraissent avoir entre elles un degréd'aHinité que j'aimerai bien à reconnaître, puisqu'il forme le

principal lien qui m'unit à vous, je veux dire à la science des

fonctions organiques et à celle des sensations et des idées,

j'observerai d'abord que l'analyse physiologique des fonctions

vitales n'a, ni ne. peut avoir réellement presque rien de com-mun dans son objet ou son but, dans ses procédés théoriqueset les résultats qu'elle se propose, avec l'analyse psychologiquedes idées et opérations de l'entendement humain. Cette diSé-

rence ou ligne de démarcation bien tranchée, que Stahl et ses

disciples ont vainement tenté d'eHacer, en. tranfportant !a

métaphysique dans la médecine, ou mettant au rang des opé-rations du même sujet pensant les fonctions vitales de l'orga-nisme le plus- obscur comme les actes intellectuels que la

Page 71: Maine de Biran: Science et psychologie

sun t.A MCTMSE fE NAU. a?

conscience éclaire et s'approprie, cette ligne de démarcation.

dis-je, qui sépare les deux sortes d'analyse dont il s'agit, st'

fonde sur la différence et l'opposition même existante entre

deux faonitéa qui les dirigent respectivement, savoir l'imagi-nation qui, représentant ce qui est hors do nous, s'attache

exclusivement dans la formation de ses tableaux à ce qui peutse voir, se toucher, se décrire et la réflexion qui, se concen-

trant sur ce qui est en nous, s'attache tout entière à ces modesles plus intimes qui n'ont point, hors de la conscience, de

signe de manifestation, ni d'objet ou d'image qui les motte

dans un relief son&iNe.

De là donc, deux analyses ou deux méthodes de division

essentiellement distinctes la première, représentative et des-

criptive, qui est propre aux sciences anatomiquos et physio-logiques la seconde, purement réuoxive, qui doit être exclu-

sivement employée dans la science propre des idées et des

facultés du sujet pensant.La première travaille sur un objet naturellement composé

et qui s'offre de tui-méme aux sens externes, comme une ma-chine dont on peut apercevoir séparément les pièces, les res-

sorts, les mouvements, le jeu et les produits la seconde

s'applique à un sujet essentiellement un et simple, quin'offre aucune prise aux sens extérieurs, ni aucune pat'iequi puisse se représenter à l'imagination. Ce sujet est uneforce toute en dedans dont on ne peut que distinguer, énu-mérer les actes ou les modes successifs, sans aucune division

possible.

L'analyse physiologique tend ainsi toujours à décom-

poser les fonctions considérées comme mouvements, et à leslocaliser dans les sièges ou organes particuliers en qui et

par qui seuls elles peuvent être connues. L'analyse idéologiqueou intellectuelle ne décompose jamais à proprement parler.Les phénomènes intérieurs a qui elle s'applique, n'ont aucune

analogie avec des mouvements conçus dans l'espace. Avec elletout tend essentiellement à se simplifier et s'individualiser, etl'idée de siège, de lieu ae trouve nécessairement exclue de

Page 72: Maine de Biran: Science et psychologie

«MBKVATtOKS28

toutes les notions sur qui elle peut a'exeroer, comme de tous

les résultats auxquels elle peut atteindre.

On peut donc voir déjà combien serait illusoire tout paral-tMe entre les divisions physiologiques des fonotions vitales

ou de leurs sièges organiques et la division psychologiquedes idées, ou facultés intimes du sujet pensant. Aussi, les

physiologistes qui ont hypothétiquement établi un parallèle,

prenant l'inverse de la doctrine stahlienne, c'est-à-dire trans-

portant la physiologie dans la métaphysique, ont dénaturé le

sujet et le but de cette dernière science, l'ont entraînée dans

une fausse direction, lui ont prêté une méthode et des instru-

ments ou moyens d'analyse, qui lui sont tout à fait étrangers.Arrêtons-nous à examiner les motifs et le fond de cotte

transformation réciproque des idées et des méthodes propresà deux sciences faites pour s'entendre et non pour se con-

fondre. Ainsi placés dans un point de vue assez élevé au-

dessus de toutes tes hypothèses particulières, nous pourrons

juger la doctrine du docteur Gall comme toutes celles quiont pu lui servir de modèle, prévenir leurs écarts communs

et dissiper leurs prestiges.

1

C'est la nature même qui a fait le partage de nos sensa-

tions extérieures en cinq classes ou espèces, relatives à autant

d'instruments ou d'organes particuliers qui les reçoivent et

les transmettent et par là aussi, elle semble bien avoir effec-

tué et préparé à l'avance la sorte de décomposition ou d'ana-

lyse physiologique qu'on peut faire d'abord des modifications

spécifiques et vraiment distinctes de notre seiMiMMtéexté-

rieure. Cette sorte d'analyse, que j'ai déjà appelée représen-tative on objective, s'applique toute en effet au corps qui est

objet externe, par rapport au sujet individuel et un qui sent

Page 73: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR t.A MCTMNE PE C&LL se

et perçoit; elle a aussi pour fondement unique une circons-

tance palpable, matérielle, qui n'exige pas le moindre retour

rénéchi sur les modifications mêmes inhérentes au sujet sen-

tant, modifications qui peuvent d'ailleurs être toutes différentes

ou opposées, quoique venant par le même organe ou ayantle même siège, suivant la nature diverse des causes externes

ou internes qui les déterminent. Cette analyse a, en un mot,même base et aussi même certitude et même clarté que toutes

tes représentations qui ont ponr objet immédiat et actuel

rétendue, le lieu. Aussi, pour le dire en passant, voyons-nousle chef d'une institution célèbfo en Allemagne, et dont les

effets bienfaisants sont arrivés jusqu'à nous, Pestalozzi, com-

mencer le déve!oppement des facultés d'intuition et de raison

de l'enfance, par l'analyse descriptive de l'objet le plus prèsde nous et aussi le plus intéressant à connaître le corpshumain. C'est en apprenant à distinguer et à nommer toutes

ses parties extérieures et avant tout les organes séparés des

sensations, que Pestalozzi donne à ses jeunes élevés, les pre.mières habitudes d'analyse et d'observation qui forment le

caractère éminent de sa méthode.

Il n'y a point de doute en effet que l'espace et le lien ne

soient comme les formes naturelles de nos représentations

primitives, et que pour concevoir distinctement une idée, une

modification quelconque, nous n'ayons besoin de la revêtir de

l'une de ces formes sensibles, de la rapporter à quelque siège,de la localiser enfin. C'est là ce qu'on appelle concevoir parl'imagination, et c'est à cette sorte de conception, exclusive-ment propre à un certain ordre d'idées, que l'on a du chercher

dans tous les temps à ramener tous les systèmes de notions

intellectuelles ou réBexives qui s'éloignent le plus de cette

sphère. Puisqu'en effet, a-t-on dû dire, la nature nous offre

une division précise et tranchée de notre faculté extérieure de

sentir en cinq domaines on sièges séparés, qu'y a-t-il de plus

simple et de plus convenable, ce semble, que de suivre ces

premières indications et de continuer à suivre, d'après l'ana-

logie, un plan de division semblable, en l'appliquant à un

Page 74: Maine de Biran: Science et psychologie

OBSERYATtONS30

ordro'do phénomènes où la lumière directe nous abandonne?P

puisque nous distinguons si nettement les odeurs, les saveurs,

les sons, les couleurs et les qualités tactiles, lors même qu'elles

nous affectent simultanément et qu'elles nous viennent d'un

même objet, et cela parce que nous les rapportons à autant

d'organes extérieurs qui forment comme des districts séparés

pour chaque espèce de sensations puisque d'ailleurs il n'y

a aucune difficulté pour la formation d'espèces ou classes de

ces modifications, aucune divergence dans l'acception des

signes imposés à chacune d'elles, pourquoi ne chercherions-

nous pas à étendre les avantages de cette méthode de division

naturelle à toutes les autres espèces de modes et de facultés,

soit passives de la sensibilité, soit actives de l'intelligence? P

En partant de là, et suivant l'analogie, on a pu songer

d'abord à étendre jusqu'aux sensations individuelles, la divi-

sion que la nature avait établie pour les espèces et tel a été

en effet le point de vue de Hartley et de Bonnet, qui ont

fondé toutes leurs analyses sur cette induction assez vrai-

semblable, que, comme il y a autant d'organes séparés que

d'espèces de sensations, il doit y avoir aussi dans chaque

organe commun, tel que l'odorat, la vue, etc., autant défibres

nerveuses distinctes qu'il y a d'impressions ou de sensa-

tions individuellement différentes. L'odeur de la rose, par

exemple, aurait sa fibre appropriée, distincte de celle de

l'odeur d'oeillet la couleur rouge en aurait une distincte de

la couleur verte, et ainsi, des autros. Ainsi, cet appareilnerveux qu'on appelle l'organe commun d'un sens, se trouve-

rait composé d'une multitude indéSnie de fibres et de fibrilles,

ayant chacune une fonction particulière et différente. Mais ces

fibres s'oBrant par une de leurs extrémités à l'action des

objets ou corpuscules qui leur sont appropriés, vont aboutir

de l'autre à un point quelconque dans l'intérieur du cerveau

il faudra donc rapportera cette division cérébrale, tontes les

sensations spécinques qui nous viennent par tel organe pa'*ti-

culier de plus, comme ces sensations extérieures, après queleur cause a cessé d'agir, donnent lieu à une suite de phéno-

Page 75: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR M MCnMtœ CE CAH. M

menés tout intérieurs qu on distingue sous les noms d'uMogi-

nation, de mémoire et d'associations ou combinaisons d'idées,on sera bien fondé à rapporter aux diverses parties du cer-

veau, auxquelles ont été respectivement transmises les im-

pressions de chaque sens externe, les phénomènes subsé-

quents relatifs à la conservation, à la reproduction et compa-raison des images qui correspondent à ces impressions. Do lù

autant de sièges attribués dans l'intérieur du cerveau aux

facultés spéciales de perception, d'imagination, de mémoire,de jugement.

Tel est à peu près le point de vue de Hartiey dans son

explication physique des sens et des idées, ou dans la doctrine

des associations, qu'il fait dépendre des vibrations correspon-dantes des fibres ou fibrilles du cerveau, à chacune desquellesil rattache séparément une sensation et une idée particulières.Telle est surtout la théorie de Ch. Bonnet qui nous a donné,sous le titre d'JS~sa~NMa~~Mede ~<bMe,une analyse presqueentièrement physiologique d'instruments infiniment variés et

multipliés, auxquels il rattache les différentes idées et les

modifications ou opérations de l'âme que l'observation inté-

rieure peut découvrir, et que la science proprement dite

psychologie a pour but de distinguer, d'énumérer et de classer

sous différents titres.On voit par là que le nombre et la diversité de sièges hypo-

thétiqnement établis par le docteur Gall, no s'approche pas à

beaucoup près d'être égal à celui qu'ont admis de la même

manière, d'autres philosophes qui ont donné cette espèce dedirection hypothétique ou symbolique, à l'analyse de nos

facultés sensitives et intellectuelles, puisque le docteur alle-mand admet seulement autant de facultés spéciales de per-ception, d'imagination, etc., et de sièges organiques qui leur

correspondent dans le cerveau, qu'il ya de sens externes,tandis que les Jeux analystes que je viens de citer, admettentautant de ces facultés spéciales et de ces sièges cérébraux

qu'il y a de fibres nerveuses correspondantes chacune à telle

impulsion ou modification particulière d'un sens. Gall n'a

Page 76: Maine de Biran: Science et psychologie

OB8EKVATtM<8aa

dont rien innové dans ce qui tient à la distinction des facultés

spéciales et de leurs organes appropriés dans le contre céré-

bral, distinction que certains journalistes lui ont attribuée

cependant comme une grande découverte.

Mais, remontant à un autre point de vue plus générât, prixencore dans l'imagination, quoique plus rapproché en appa-rence de la rénexion, celui qui n'établit qu'un seul cen:re peurtous les modes ou opérations du sujet pensant, un siège uni-

que en un mot pour une âme ou un moi unique et indivisible,on trouve déjà de grandes divergences sur lavéritable placeou point du cerveau réellement affecté à ce siège. Les uns,comme Descartes, le placent dans la glande pinéale d'autrescomme La Peyronie etLancisi, l'attribuent aucorps calleuxdes anatomistes plus modernes, à cette espèce de collet quiunit la moelle allongée au cervelet toutes hypothèses quid'abord établies, ce semble, sur certains faits physiologiques,ont été renversées ensuite par d'autres faits d'anatomie com-

parée plus exactement observés. L'anatomie, écrivait Halles àCharles Bonnet, dans un temps où cette sorte de rechercheétait suivie avec le plus d'ardeur, est muette sur le propresiège de l'ame. Elle n'a pas parlé plus clairement malgré les

progrès réels qu'a faits la science depuis l'époque do cethomme d'un génie si profond, si étendu et si sage.

Sans doute la simplicité métaphysique du sujet pensant n'a

point de rapport essentiel, ni même aucune analogie aveccette sorte de simplicité physique attribuée à tel atome, tel

point unique de la substance cérébrale qu'on,voudrait consi-dérer comme le siège propre de l'âme, ou comme l'organe oul'instrument immédiat au moyen duquel elle exerce toutes ses

opérations, perçoit, meut, juge on se ressouvient, etc. Sansdoute, les bomes plus ou moins étroites qu'on est conduit àattribuer physiologiquement à ce siège, appelé vulgairementsettson'MHtcommune, ne sauraient nous éclairer en rien surla liaison de l'âme et dn cnrpft, pas plus que sur runité ou Iqdivisibilité du siège atfecté aux diverses opérations de l'en-tendement et de la volonté. La manière dont une organisa-

Page 77: Maine de Biran: Science et psychologie

SM LA BOCTMNK DE (MU. ?

tion quelconque, tonjoura conçue ou imaginéo comme éten-due, divisible et composée, peut-être liée à un sujet pensant,à un moi rénexif; essentiellement un et simple, sera la pierreéternelle d'achoppement de toutes les philosophies. Si ellestentent de Fexpliquer, c'est parce qu'elles n'ont pas su déduirede la nature même de nos facultés, ou de nos moyens de con-naître, le principe ou la raison de l'hétérogénéité absolue desdeux espèces d'idées primitives, essentiellement opposéessous lesquelles il nous est permis de concevoir d'une partiesujet pensant et ses opérations, d'autre part les organes ma-tériels, leur jeu et les objets auxquels ils s'appliquent hété-

rogénéité d'idées telle qu'il demeurera toujours nécessaire-ment entre elles une lacune impossible a remplir et une sortede hiatus que tous les efforts du génie ne sauraient franchir.

S'il a été impossible jusqu'à présent désigner, même ana-

tomiquement, dans)amasse encéphalique un point où viennent

précisément converger tous les nerfs qui ont pour fonctionsreconnues de transmettre jusqu'au cerveau les impressionsdiverses faites par les objets externes, un point unique eul'Ame, avertie de ces impressions, exerce sur elles son acti-vité de conscience, les perçoive, les compare, les juge et les

rappelle, il n'est sûrement pas moins impossible de dire, s'il

y a réellement autant de sièges séparés que d'opérationsdiverses, ni a plus forte raison d'assigner précisément cesdivers sièges dans le cerveau. Et comment saisirait-on mieux

par les disséminations hypothétiques des facultés dans diverscentres, ce qu'on n'a pu concevoir par concentration dans unseKsoMMMunique? Comment la multiplicité des sièges serait-elle plus aisée &prouver que l'unité de centre, comme de sujetpensant? Assurément l'un de ces systèmes n'est pas mieux

appuyé que l'autre sur les faits anatomiques, mais la supposi-tion d'une convergence de tous les nerfs cérébraux dans unpoint unique, regardée comme nécessaire quoique non prou-vée par Haller et Bonnet, a l'avantage supérieur de représen-ter à l'imagination comme indivisiblement unis dans un mêmecentre des modifications et actes que laréuexion conçoit sùre-

3

Page 78: Maine de Biran: Science et psychologie

OBSEttVATKCtS34

rement comme indivis soit ontre eux, sait par rapport au

mémo sujet pensant. Et comment d'ailleurs se faire une idée

do ces facultés spéciales et diverses qui, selon !o docteur Gall,

ne se rapportent à aucun centre ? Comment allier avec l'unité

du NM!ces actes de perceptions, de souvenirs, de jugements

représentes comme multiples, et répartis entre plusieurs divi-

sions cérébrales, sans rendez-vous commun? Et ici, en no

prenant la direction et le jeu des organes cérébraux que pource qu'ils sont, c'est-à-dire pour los simples représentations

symboliques des opérations intellectuelles auxquelles on les

fait correspondre, on perd absolument do vue l'espèce d'ana-

logie qu'il pourrait y avoir entre le symbole ou le signe, et la

chose représentée ou signifiée, entre des organes séparés quitous sont dits percevoir, se souvenir, imaginer, juger, chacun

à leur manière, et le sens univoque, individuel et précis qu'om-

portent dans le sens intime chacun des signes que la réflexion

seule a pu attacher à nos actes intellectuels.

Remarquez aussi en premier lieu que dans les hypothèsesde Bonnet et do Hartley, quoique les diverses pa~tOKCM&sdu

centre cérébral qui est le propre siège de l'âme et que Bonnet

considère comme un système nerveux en abrégé, comme une

névrotogie en miniature, quoique ces parties, dis-je, mues ou

ébranlées chacune à sa mahière par les impressions directes

des sens extérieurs qui y aboutissent, y laissent des traces,

s'y conservent et s'y combinent, et doivent sous ce rapportêtre considérées comme autant d'organes distincts de percep-

tions, de souvenirs et d'images, il n'en est pas moins vrai

qu'au moyen du concours essentiel de toutes les impressions

et opérations dans le même organe central, tel qu'il est ton-

jours établi par les hypothèses dontil s'agit, il y a moins de

difficulté à concevoir comment tant de modifications ou d'im-

pressions diverses peuvent se rapporter au même sujet indi-

viduel qui sent et agit avec la con«ci«neMde M simplicité per-

manente dans la multiplicité des impressions comme de

son activité et de sa causalité unique dans la variété des

mouvements qu'il détermine et qu'il produit.

Page 79: Maine de Biran: Science et psychologie

Sun tA ttOCtMKEP8 OAH. as

La supposition d'un centre unique pour toutes les moditica-

tious ou opérations qui ne peuvent être rapportées qu'à un

même sujet sensible et moteur, est tellement accommodée,

pour ainsi dire, au principe métaphysique do la simplicité et

identité du <M<M,tellement ap~opriée au témoignage même

du sens intime, que les esprits sages et tant soit peu difficiles

sur les inductions des faits ou la probabilité des hypothèses,se sont toujours accordés & reléguer au rang de conjecturesdénuées de vraisemblance, et opposées même à nos connais-

sances les plus certaines, les tentatives qui ont été souvent

hasardées, avant le docteur Gall, pour disséminer ou circons-

criro dans divers sièges cérébraux pins ou moins multipliésles organes de ces facultés métaphysiquemont distinguéesentre eties. Ainsi, lorsque Wi!Hs, prétendant assigner dans le

cerveau des domaines séparés à diverses opérations intvHec-

tuelles, loger le sens commun dans le corps eaKMc~, l'imagi-nation dans le corps ca//eM.c,la mémoire dans la ~M~/aMce

corticale, il eut également contre lui los physiologistes et les

métaphysiciens de son temps. Les premiers purent lui

répondre comme le plus savant et le plus réservé de nos ana-

tomistes, M. Cuvier, a répondu au docteur Gall, que tant s'en

faut qu'on soit en état d'établir ou de démontrer quelque rela-

tion entre les fonctions du cerveau, ou des diverses partiesdont il se compose, et les perceptions, sentiments ou actes

intellectuels et moraux, qu'on est même très éloigné de pou-voir assigner quelque rapport certain entre la structure de ce

viscère et ses fonctions purement physiques ou organiques.C'est que le scalpel, travaillant sur cette masse molle et put-

pense, a bien de la peine à y démêler des organes vraiment

distincts, qu'on ignore probablement l'existence do la plupartde ces parties, et qu'un voile obscur edveloppe l'usage auquella nature a destiné plusieurs même de celles qu'on connaît;

que toute découverte réelle sur l'anatomie du cerveau se

borne donc à déterminer quelque circonstance nouvelle dans

les formes, les connexions et le tissu de certaines parties qui

pouvaient avoir échappé aux anatomistes précédents, et que

Page 80: Maine de Biran: Science et psychologie

OBSERVATMNa30

toutes lea fois qu'on croit aller plus loin, on ne fait qu'inter-caler entre toi modo de structure découverte et !e9 effets con-nus quoique hypothèse que repoussent tous les esprits raison-nables.

Ces objections que les physiologistes auraient opposéescontre une division do sièges cérébraux, conçus &la manièredo WiUis~et affectés à des facultés générales, toiles que la

porcoption, l'imagination, la mémoire et le jugement, s'ap-

pliquent encore avec plus de force à la division hypothétiquedes organes cérébraux, considérés comme sièges des facultés

c~sM~ à la manière de Gall, c'est-à-dire, par exemple, desfacultés de percevoir, de rappeler et do comparer les couleurs,

respectivement distinctes d'autres facultés de percevoir, do

rappeler et do comparer les sons d'ou la distinction d'un

organe do la peinture, d'un organe de la musique, d'un autre

pour la mémoire dos choses, d'un quatrième pour la mémoiredes mots, etc., hypothèse dont nous avons déjà prouvé l'in-

compatibilité avec les faits du sens intime et avec la signifi-cation vraie que la réflexion peut attacher aux termes percep-tion, mémoire, jugement.

Remarquez, en second lieu, que l'observateur des fonctions

physiologiques n'étudie les effets et ne cherche à les rapporterà leurs causes naturelles qu'autant qu'il considère ces effetset ces causes comme étant d'une même nature. C'eat toujoursun mouvement réel et apparent qui est censé produit par un

autre mouvement intérieur que l'on suppose caché dans les

profondeurs de l'organisation. Ainsi, c'est le mouvement du

cœur qui produit celui de la circulation c'est la compressionlente des parois du tissu de l'estomac qui contribue à trans-

former les aliments en chyle, et ainsi de toutes les fonctions

secrétoires où les effets organiques produits sont toujourshomogènes avec leur cause réelle ou hypothétique, et sont

pris dans le même point de vue objectif, quoique, sans sortirde cet ordre uniforme de phénomènes, on ignore le plus sou-

vent le comment de leur liaison ou production réciproque.Mais quelle espèce de liaison, de rapport, de causalité, de

Page 81: Maine de Biran: Science et psychologie

M!RM MCtNNECE0*M. a?

ressemblance ou d'analogie peut-on concevoir entre dos phé-nomènes d'une nature aussi différente et pris dans de'' pointsde vue aussi essentiellement opposes que le sont les fonctions

physiologiques attribuées à diverses parties de l'organe céré-

bral, le mouvement, par exempte, ou l'ébranlement rée! ou

supposé produit dans un centre du système nerveux, et telle

modification sensible, tel acte intellectuel ou moral qui est

censé en résulter? Car si l'on prétendait ici faire un rappro-chement contradictoire et absurde, dans l'expression m~me

qui le consacre, en comparant la pensée à une sécrétion orga-

nique, nous demanderions à voir ou à pouvoir nous repré-senter à l'aide de quelqu'un de nos sens externes le produitmatériel d'une telle sécrétion. Qu'on nous montre comment

l'impression reçue se transforme en perception, souvenir,

image, jugement, de même qu'on nous montre phyaiologi-

quement la pâte alimentaire successivement transformée en

chyle, en sang et en diBérentes humeurs sécrétoires ou

excrétoires qui restent toujours accessibles aux sens dans

leurs diverses métamorphoses.Aussi, et c'est là mon observation la plus importante, est-il

bien remarquable que le docteur Gall n'a pu déduire son

système craniologique de la théorie nouvelle anatomique ou

physiologique exposée dans son mémoire à l'Institut. Si le

système eut été réellement déduit de la théorie, do telle

manière qu'il eût fallu nécessairement étudier l'une pourarriver à l'autre, il est à croire que la craniologie aurait été

moins en vogue et moins à la mode parmi notre gent spiri-tuelle et frivole. Mais, tout au contraire, la craniologie, ou

l'art de reconnaître par certaines protubérances du crâne les

dispositions morales et les facultés de l'esprit, est tout à fait

indépendante de la théorie physiologique du même auteur,sur les divisions et fonctions du système nerveux l'une sub-

siste sans l'autre il y a plus, c'est qu'elles paraissent oppo-sées entra elles, comme je m'engage à le faire voir dans un

autre article.La manière dont le docteur Gall a exposé son système dans

Page 82: Maine de Biran: Science et psychologie

M)BEMVATKM!838

les cours publics, faits à Paris, et celle dont H annonce lui-même qu'il est parvenu à FétaNir, consiste dans une sorted'observation purement empirique, qui ne s'étale absolumentd'aucun principe théorique ou positif. En examinant les crânesd'une certaine quantité d'hommes doués de telles facultés ouqualités morates, sujets à tel penchant ou telle passion, ayanttel caractère, adonnés à tel vice, comparant ces divers crânes,soit entre eux, soit à ceux des animaux en qui se manifestentdes facultés ou dispositions correspondantes, le docteur Gallprétend avoir trouvé constamment que chacune de ces facultésintellectuelles ou affectives se marquait au dehors par unehosse ou protubérance située dans un point fixe et déterminédo la surface du cr&ne. Tous les individus, hommes ou ani-maux, qui sont doués de la même disposition, ont une saillieapparente dans le même endroit de la botte osseuse; tousceux qui n'ont pas cette faculté ou qui en ont une opposée, sedistinguent par un petit enfoncement ou aplatissement dansla même partie du crâne. Voilà un fait qui est vrai ou qui nel'est pas, un rapport d'organisation avec les facultés moralesqui est fondé sur une loi réelle et constante de la nature, ouqui n'est qu'une pure hypothèse basée sur quelques observa-tions vagues, illusoires et précipitamment généralisées. C'estl'un ou l'antre. Si le rapport dont il s'agit est réel et constant,ou si les observations directes dont on prétend l'appuyer ontété multipliées, assez répétées et constamment vérmées dansun nombre indéfini de cas et de circonstances diverses, la cra-nioïogie, l'art de connaître les hommes par l'inspection onl'attouchement du crâne est véritable quoique prouvée seule-ment d'une manière empirique; e* lors même qu'il serait detonte impossibilité de concevoir o'<d'expliquer ce rapport quipourrait ainsi demeurer toujours au nombre des phénomènesoccultes quant à leur cause, mais qui n'en sont pas moins

empiriquement certains. C'est ainsi que le baromètre annoncele temps sec on pluvieux quoiqu'on ne soit pas bien fixé sar htcause qui le fait monter ou descendre. Ainsi l'apparition deSirius annonce à l'antique Égypte, depuis des millions de

Page 83: Maine de Biran: Science et psychologie

aCRMMCTMNKNSOAU. 3&

siècles, les inondations fécondantes du fleuve qui arrose.

quoiqu'on n'ait connu que de nos jours la cause de ces débor-dementa périodiques.

L'astronomie, science si certaine et si exacte aujourd'hui,n'a guère été, depuis les Chatdéens jusqu'au xvt' siècle, qu'unrecueil d'observations empiriques et de rapporta vraimentoccultes. Plusieurs branches de la physique ne nous olfrentencore même rien de plus. Que dirons-nous, messieurs, del'art si beau et si utile que vous professez? et quoique vous

soyez initiés dans les plus profonds secrets de sa théorie, encombien d'occasions n'ètes-vous pas obligés, par la naturem~mo des choses, do vous laisser aller à un véritante empi-risme, qui, pour n'être pas raisonné, n'en est peut-être queplus sur? Il n'y a qu'à connattre un peu les fondements do la

séméiotique et de la thérapeutique, deux principales branchesde votre art, pour sentir la vérité de cette remarque. Comme,en effet, en Usant les signes actuels ou~précurseurs do cer-taines maladies dans tels caractères de la physionomie, tellocouleur ou forme des traits du visage, telle habitude du corps,vous prononcez avec assurance sur l'invasion ou les suites

prochaines de la maladie, et déterminez le remède préservatifou caratif, sans pouvoir dire ni avoir besoin de connaître

l'espèce de rapport qu'il peut y avoir entre telles apparencesextérieures du. corps et tels désordres cachés des organesinternes de même, si une expérience aussi constante, ou

également fondée sur une loi de la nature qui nous dérobe ses

moyens et ne nous montre que des résultats, avait sanctionnéle prétendu rapport découvert par le docteur Gall entre telle

protubérance craniologiqne et la disposition secrète de l'espritou du cœur dont elle est le signe, on pourrait parvenir à lireces dispositions dansleurs signes apparents, institués par lanature même, sans qu'il fût besoin d'autre explication nithéorie scientifique pour motiver leur confiance.

tt Mt vrai que le docteur allemand a ainsi d'abord naïve-vement présenté au public français le fondement de son hypo-thèse, comme offrant une suite de moyens pratiques ou sym-

Page 84: Maine de Biran: Science et psychologie

OBSEKTATtONS40

boliques de parvenir à connaître à l'aide des protubérancesles secrets de l'esprit et du cœur, du tempérament et du carac-tère. Mais il ne s'en est pas tenu strictement à cette vue expé-rimentale tes justes prétentions qu'il peut avoir au titre denovateur éclairé dans les sciences anatomiques et physiolo-giques ne lui permettaient pas tant de réserve et de modestieen présence dut mondesavant où il savait qu'il aurait des juges.

Entre telles protubérances extérieures, marquées sur labotte osseuse du crâne, et la disposition intellectuelle etmorale qu'elle annonce, ou entre le signe et la chose signi-liée, it y a une suite d'intermédiaires, ou nn enchainementd'enets et de causes qu'une méthode empirique at le senti-ment d'une ignorance invincible ne tenteraient pas même de

démêler, mais que le dogmatisme de la science ne permet pasde laisser à l'écart. La conformation générale et extérieuredn crâne étant absolument calquée sur la ngnre externe de lamasse cérébrale pulpeuse, qui y est logée comme dans uneboite, tous les détails de forme ou de figure de la substancecontenue doivent correspondre exactement à ceux de la bottecontenant. Autant il y a donc da petites bosses solides, mar-

quées sur le crâne, autant il y a de petits appendices ou desaillies répandues sur la surface hémisphérique du cerveau, et

auxquels ces petites bosses servent d'étuis. C'est ainsi que lasubstance molle et organisée des coraux, des madrépores etdes polypes est logée dans ces ramifications solides et écail-leuses qui nous représentent le zoophyte sous l'apparenced'une véritable végétation. Mais, pour suivre cette dernière

comparaison qci me parait exprimer assez bien le point devue du docteur Gall, comme chaque bras du polype ou chaquebranche du polypier total est une petite machine organisée,complète, qui, étant séparée ou détachée de la souche com-mune, vit ou fonctionne à part, croit, se nourrit, se pro-page, etc.~ de même chacune des petites protubérances céré-brales dont la place est marquée par la bosse dtt crâne qui luisertd'étui, est un organe particulier, qui fonctionne à sa ma-nière, donne lieu à une certaine espèce de modifications ou

Page 85: Maine de Biran: Science et psychologie

SttRMMCTM!~asCAU. 4t

d'opérations spéciales de l'être sensible et intelligent. Cettes i

peuvent donc être étudiées, observées dans l'exercice préd«.minant de leur organe, séparément des produits ou opérationsspéoiNques de tous les autres organes qui ont aussi leurs pro-tubérances distinctes. On voit ici comment !e docteur Gall,conduit par une première analogie fondée sur la distinctionet séparation des cinq organes de nos sens externes, a pud'abord former le projet d'établir une division semblable entreles facultés intellectuelles ou morales qui se rapportent origi-nairement à leur exercice, comment en s'emparant des titresnominaux de perception, mémoire, imagination, jugement,passion, etc., sans en scruter la valeur, sans constater parl'emploi du véritable criterium, !e nombre précis des modifi-cations ou des facultés réeUement distinctes, il a cru pouvoirainsi e.r abrupto assigner dans teHe ou telle protubérance un

siège réel distinct et séparé à chacune de ces facultés nomi-nales dont un signe abstrait ou conventionnel forme le plussouvent toute l'essence. On conçoit aussi comment il a pu ral-lier ainsi son système de division ou de dissémination desfacultés intellectuelles et affectives dans divers sièges céré-braux à sa doctrine scientifique des divisions et fonctions du

système nerveux, ou comment peut-être, en fondant cette der-nière, il songeait déjà à l'hypothèse craniologique qui devait

s'y raccorder. Telle est du moins l'idée qui se présente quandon lit attentivement l'exposé, fait à l'Institut par M. Cuvier, dela théorie anatomique et physiologique du docteur Gall sur le

système nerveux et le cerveau.Sans entrer ici sur cette théorie dans des détails qui seront

mieux placés ailleurs, je crois qu'il serait aisé d'indiquer et desuivre le fil continu des idées systématiques du docteur alle-

mand, depuis l'origine de ses recherches savantes sur l'ana-tomie des nerfs et du cerveau, jusqu'à ce résultat pratiqueauquel il parait tendre comme au principal mobile de l'intérêt

général et de la curiosité que peut inspirer sa doctrine, à parttoute spéculation scientifique, et, par suite, comme au moyenle plus sur de la populariser.

Page 86: Maine de Biran: Science et psychologie

CBSKRVATMNS48

Mais, considérée sous ce dernier rapport parement empi-rique, ou comme offrant une espèce particulière de signesextérieurs propres à distinguer et reconnaître les facultés

diverses, ou les modifications variées de la sensibilité et de

l'intelligence humaines, l'hypothèse du docteur Gall est loinde pouvoir passer pour nouvelle, et, dans ce point de vue par-ticulier comme dans ceux sous lesquels nous l'avons précé-demmentenvisagée,nous trouvons plusieurs autres hypothèsesde la même espèce dont il est intéressant de la rapprocher.

Et d'abord, tout ie monde connaît !e système physiogno-monique du fameux Lavater qui n'emploie pas, it est vrai,les protubérances du crâne comme moyens de connaître lesfacultés de l'esprit et du cœur, mais qui voulut faire servir àcette connaissance tous les signes qu'il est possible de tirerde la conformation et de l'expression des traits du visage,considérés séparément et un à un, ou dans leur ensemble en

quoi il établit une suite de rapports vagues, mystérieux ettout à fait occultes, étrangers aussi à toute théorie physiolo-gique, mais auxquels il ne manque, comme à ceux du docteur

moderne, que d'être sanctionnés par une expérience générale,constante et irrécusable, pour être aussi empiriquement prou-vées. D n'est pas probable, en effet, qu'on démontre jamaisd'une autre manière l'espèce de liaison qu'il peut y avoirentre telle conformité du nez, de la bouche, etc., et tellefaculté de l'âme, pas plus qu'avec la science réunie de tousles docteurs allemands, on n'expliquera jamais le rapport quipeut exister entre les mêmes facultés et les protubérances quileur correspondent, si jamais un rapport de cette ebpèce a

présenté les caractères de généralité et de nxité qui peuventmotiver une confiance raisonnable dans les choses qui sont

uniquement du ressort de l'empirisme et non pas de celui de lascience. C'est le rapport ou la proportion de grandeur queCamper a saisi et révélé le premier, «n comparant le cerveau del'homme à celui des diverses espèces d'animaux, où Fan voitsuccessivement l'industriedécroîtrc à mesure que l'angle facialdevient aigu, et que par suite la cavité cérébrale se rétrécit.

Page 87: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR LA MCfMtOE DE OM.t 43

L'angle facial est, comme on sait, formé par deux lignes tirées,l'uue de l'extrémité supérieure du front jusqu'à la mâchoireinférieure, l'autre du coin de l'oreille jusqu'à cette môme mâ-choire. Voilà un terme de rapport constant et Sxe. Il est sus-

ceptible d'être apprécié, avec une exactitude suffisante, parleslumière directes de l'anatomie comparée, et par l'observationdes mœurs, on de l'industrie, des dinerentes classes d'ani-maux depuis l'huître et les poissons jusqu'à l'homme. On peutencore le vériner par les comparaisons faites entre tes hommeste plus inégalement doués des facultés de l'esprit, oa le rétré.cissement de la cavité cérébrale et te degré d'ouvertuto de

t'angte facial offrent aussi les différences tes plus notables.Ici le signe physiognomonique a, pour ainsi dire, une grandeétendne d'acception; it repose sur une base large, sur unedivision bien tranchée et facile à saisir comme à vérifier; carsi l'on ne s'entend ni sur le nombre ni sur la nomenclaturedes diverses henités de l'esprit, des sentiments de l'Ame, desmodifications ou nuances de caractère qui donnent lieu àtelles passions, à telles dispositions morales, à telles habi-tudes soit vertueuses soit vicieuses; s'il entre enfin beaucoupd'arbitraire dans ces classifications artificielles, beaucoup devague dans le langage qui sy rapporte si enfin la plupartdes facultés nominales ne sont que des abstractions de l'es-

prit, de purs êtres de raison qui, sons ce rapport, ne peuventévidemment être localisés dans un siège cérébral réei, il n'enest pas de même lorsqu'on cherche seulement a établir un rap-port général entre tel signe constant pris dans l'organisationet ledegré déraison, d'esprit ou d'intelligence attribué à divershommes, comme les degrés d'industrie attribués à diversesespèces d'animaux. Ici tout le monde s'entend, parce qu'on ala latitude nécessaire pour comparer et juger. Là, au con-traire, dans l'hypothèse de Gall, les comparaisons reposentsur des points exigus, sujets à discussion, à exception, àmille incertitudes, dans les signes et dans leurs applicationsvariées.

Disons donc que Camper parait avoir trouvé la véritaMe

Page 88: Maine de Biran: Science et psychologie

OBSERVATmss44

craniologie, le vrai signe naturel qui peut nous conduire

empiriquement de la conformation générale du cerveau aux

degrés d'intelligence qui peuvent s'y rapporter. En décompo-sant ce rapport général, ou fractionnant les signes matérielsde l'intelligence, pour en rattacher un particulier à chaquefaculté spéciale, -le docteur Gall s'est perdu dans un dédalede subdivisions contraires aux lois de la psychologie, et que la

physiologie même "st loin de pouvoir avouer. Il n'a pas craintde risquer le sort de son hypothèse, en rappliquant à une mul-titude de faits, de détails, qui sont comme les pierres detouche et presque toujours les pierres d'achoppement des sys-tèmes et la craniologie ne pourrait résister à cette épreuve.Mais son exemple vient à l'appui d'une vérité bien justinéepar l'histoire de la philosophie et les révolutions des opinionshumaines, c'est que les systèmes les plus absurdes doiventleur origine à l'abus de quelques observations incontestables,et que les erreurs les plus grossières sont le résultat de cer-taines vérités auxquelles on donne une extension forcée, oudont on fait une mauvaise application.

Sans doute, s'il était donné a l'homme de soulever un coindu voile qui couvre la partie la plus noble de son être, ce seraitdans des comparaisons prises des points extrêmes de l'échelleou sont répartis les divers degrés de sensibilité et d'intelli-

gence ce serait surtout dans ces anomalies, ou dans ces

grandes aberrations de la nature sentante et intelligente quenous pourrions, ce semble, nous attendre à trouver quelquelumière car rien ne nous éclaire comme les contrastes, et,c'est dans ces écarts et ces digressions, hors de l'état ordinaireet habituel, que la nature nous révèle ses secrets, nous exciteà l'étudier et nous apprend à la connattre. Aussi les signesindicateurs d'une division ou d'une séparation réelle des siègescérébraux aSectés à des facultés diverses, ont-ils paru à cer-tains philosophes, même très judicieux et très circonspectsdans leurs assertions, pouvoir être induits avec un assez haut

degré de certitude, de ces états de délire, de manie et de vésa-nies partielles où l'on a cru s'apercevoir que certaines facultés,

Page 89: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR LA MCTMNE CE CAU. 45

désignées sous tel titre nominal et conventionnel, étaientabsolument oblitérées, pendant .que d'autres facultés, distin-

guées de la même manière, continuaient à s'exercer et sem-blaient prendre même un surcroit d'énergie. Le savant et sagePinel conclut de plusieurs cas semblables, qu'il a été à portéed'observer, que cet être abstrait et complexe, appelé entende-ment dans la langue psychologique, est réellement multiple,divisible et actuellement divisé en diverses facultés, telles

qu'attention, mémoire, imagination, jugement, affectées cha.cune à un siège particulier, ou à une division cérébrale dont,à la vérité, moins hardi que le docteur Gall, il ne se permetpas d'assigner la place. Le môme auteur reproduit une asser-tion semblable dans sa nosographie philosophique où, parlantencore des vésanies, il dit que l'action nerveuse n'a point uncentre unique dans le cerveau, mais qu'il y a divers départe-ments ou une môme cause irritante peut porter séparémentatteinte à diverses fonctions, altérer ou abolir tour à tour, etencore séparément, tantôt les fonctions des sons et des mou-vements volontaires, tantôt telles autres fonctions organiquesou vitales, etc.

Je ferai quelques observations sur ces faits émanés d'uneautorité infiniment respectable, et mes remarques s'applique-ront à plus forte raison à l'hypothèse de Gall.

1°On peut bien admettre la dernière assertion, relative auxdivers effets produits par une même cause irritante qui, se por-tant tour à tour sur duférents points cérébraux, altère séparé-ment les fonctions sensitives ou organiques qui y ont respec-tivement leur siège ou leur foyer mais ce fait, bien vériSé etconstaté qu'il soit, ne peut prouver autre chose qu'une divisionou séparation réelle de fonctions physiologiques, et on ne peuten tirer aucune induction légitime pour une autre division,supposée parallèle, des facultés ou opérations de conscience,qui tiennent à la même âme, au même moi indivisible, dontles modifications et les actes divers ne peuvent être ainsiconçus par représentation ni par dissémination dans des

sièges cérébraux particuliers.

Page 90: Maine de Biran: Science et psychologie

Cor.Mn<t 'ntu'<)MM

Mf~<~tacL«

Illisibilité partielle

Valable pour tout ou partie

du document reproduit7'

Page 91: Maine de Biran: Science et psychologie

aas~KVAttosa46

8° Avant d'aMrmeF que tel maniaque ou aM6n6 ex<r<'e

aotufitetupat une faculté partiette, telle que l'attention au la

contemptation, pendant quod'antres ttpératiuttaiatettectuettea,comme le jugement ou la mémoire demeurent sans exereioa,

à cause d'une attération ou lésion organique de lour siège, il

faudrait bien fixer d'abord le sens psychologique qu'il est por-<M!ad'attacher a ces termes tacMM ou opération intellectuelle

d'attention ou do jugement, été., commo au aigne complexe,

général, <'H~<'M<~MtCM<;car le sens propre et r~a! de tels term«a

ao r~Mrant toujours n<ieessairet)Mntà la eenoapt!on réttpsivo

d'un sujet individuel ou d'un moi, qui exerce avec coMMtOMCM

l'acte désigne par cela môme sous le titre d'intellectuel, il

impliquo contradiction d'attribuer une faculté ou une action

quelconque de cette espèce à rôtre qui, poursuivi ut absolu-

ment domine par qoe!quoa fantômes, se trouve dénué de ta

première condition essentielle de l'intelligonce, savoir du

<'a?MMMMou du oMMjM~Mt.Ainsi tes termes tols qu'attention,

contemplation ne pourraient donc trouver'abseiumont aucune

application dans les cas cités et comment aller chercher tes

signes et tes caractères propres d'une division des phéno-

mènes, ou actes intellectuels, dans l'état qui exclut précisé-ment la condition fondamentale et vraiment caractéristiquede l'intelligence et de la pensée ?

3* On voit que ladivision de cet être abstrait qu'on nomme

~eH~eMMMt,pour nous servir de l'expression de M. Pinel,en plusieurs facultés distinctes, rattachées aux divers sièges

cérébraux, se réfère à un système idéologique particulier, ou

à une classification arbitraire des phénomènes de la sensibilité

et de l'intelligence classification dont on ne peut s'empêcherde discuter les bases, pour entreprendre de tes raccorder avec

tes phénomènes physiologiques, dont la division est conçue

sur nn autre plan et dans un autre point de vue. Par exempte,M. Pinel n'a pu transporter à l'état d'aliénation mentale, par-tielle ou complète, que tes signes convcntMMMMtsde certaines

facultés nominales, prises, pour ainsi dire, en dedans de la

sensation, qui est dite se transformer pour tes produire, tan-

Page 92: Maine de Biran: Science et psychologie

SMRM )MtCTM!<ENR<tA<t. 47

dia que, daus une acMpt!on plus vrai«, tes taenu~s ou aet~

intt'MMMta sont des phénombn~s Mypofxcntihh'x, qui sont

en dehors de toute aeaaation, auparit'ura &elle commp FoM'

vrier oat supérieur &la matière qu'H empïoie. En un mot, te~

divisions hypothétiques de M. Pinol, et plus encore celle du

docteur Gall, ne peuvent so conciHcr qu'avec te syatbme M<io-

logique de Cond!t)ao, toi que ce métaphysicien ra M ingcnieu-sement déduit du la SMppttititiond une atatMa )Mum<i«d<'Htil

OMvrasuccessivement les sens. Mais, avant do partir da pt)

sysMtmo,ou avant d'adopter !e8 dëHnitiona, etaaaiMeatieMst!t

divisions qui s'y rattachent, ao faMait Hpaa cxanMtter si ~s

facultés attribuées au fantôme hypothétique de Condittac, a(Mtt

précisémont égales ou idontiquos en nature, en ospbce on an

nombre à colles dont l'homme SMMtpeut reconnaître en lui h!

modblo intérieur, ot acquérir los Mena vraies par une ret!esi«n

eonceatf&o sur les propres actes de sa sensibilité et de sa

pensée.Rien ne peut donc dispenser de recourir d'abord à cette

analyse première du sons intime, qui seul nous apprend &

connattre ce que nous sommes et ce que nous faisons et sen-

tons et c'est dans cette source quo doivent être puisés tes

signes propres et véritables d'une division dos phénomènesintettoctuots. Mais cette analyse fondamontate pourrait être

établie d'abord indépendamment de toute considération phy-

siologique sur tes instruments unis ou séparés au moyen des-

quels nos diverses facultés s'exercent. Si on vient ensuite à

rapprocher ces deux sortes de divisions, et à employer cette-

ci comme preuve ou terme d'explication do celle-là, on ne

pourra que tomber dans une sorte de cercle vicieux et arriver

à l'une des alternatives suivantes ou !a division des phéno-mènes intelleotuels est déjà conSrmée, en effet, et complète-ment vériHée par son critère approprié, la réMexionet !e sens

intime, ou bien elle n'est qu'arbitraire, conventionnelle et

provisoire.DaMa htpn!mlefe<ta, la diversité utténearement prouvée

des sièges organiques auxquels on pourrait rapporter, chacune

Page 93: Maine de Biran: Science et psychologie

WaER~MM<S48

à chacun, tea faeuttéa psychotogiquemfnt distincte, n'ajou-tfrait rion &ta r<tat:Met &la v~rito du cattc diatiaetten priaeala

véritaMt) aoMMe; CMy gagnemit aoutcMMntdu pouvoirétahtip MMparattétisme et un accord satisfaisant entre deuxétablir tan parallélisme et un accord satisfaisant entre deuxsortes des connaissances qui M doivent jamah être confon.daaa, aavo!r: taoonnaisatmM o!~eot!vedea moyens ou !ns-trttmenta organiques par lesquels nos facultés :ntaHectMcnoa

peuvent s'excMef, et la connaMaaRco iat<SneM)reou têNe~'ede cet oxcrcico ou de aoa r~outtata positifs.

Oana 10 aecond eaa, celui où la division dos phaaomtmesiMietteetuetit n'étant pas encoM aff~tëe et Cs.<esur uno baaeréelle et naturelle ae réduirait à uao etasaMoation arbitraire,la division psychotogiquo dont il s'agit pourrait fournir, il estvrai, des signes naturels a cette première ctaaaiBc~ioa~ctai-ref t'aoatyeo philosophique, fectMer et préciser la nomencla-ture, en tMaiaant le nombre des facultés et celui de leurstitras nominaux au nombre précis do sièges organiques réelle-ment distincts, comme cela a lieu pour les sens externes etlos cinq classes de modifications sensibles qui s'y rapportent.Mais it faudrait alors que la division physiologique fûtétablie sur des faits positifs de cet ordre, et indépendammentdes données conventionnelles empruntées de la métaphysiqueet de la logique; au lieu que ce sont au contraire ces donnéesarbitraires, tettes, par exempte, que la division généralementadmise par los métaphysiciens en entendement et volonté,puis tes subdivisions de l'entendement étendues par tes uns,abrégées par tes autres, en perception, attention, mémoire,imagination, comparaison, jugement, raisonnement, etc.; cesont, dis-je, de telles classifications, aveuglément admises partes physiologistes, qui leur servent de point de départ, quandil s'agit de résoudre ta question de savoir si tes acuités intel-lectuelles ont différents sièges dans le cerveau. D'où il suitque si t'idéotogiste ou le logicien dont on adopte le système aété déterminé, dans certaines vues systématiques, à multiplierses signes de divisions arbitraire, le physiologiste croira avoiroccasion de chercher et se croira peut-être suffisamment au-

Page 94: Maine de Biran: Science et psychologie

SMHt.A MKTMtNRt'E 0*<t. 4')

<w!t<o&aaaignwdtMMqut'tque divioi~n cérébrale tf si~' H~t!fde la noMVcMemodiMcatian tnteMcatncttc, ou facntté pté-tenduc étëmeataite. Ainsi, sans doute, Mta docteur Gatt eatété conduit d'avanco à adopter le système métaphysiquo deson compatriote Kant, le nouveau chef de t'écote attemand<il out porté lu nombre des organe cérébraux. a Fégat de cuttemultitudo d*<formes 8ens!h!cs et pn~a, do <M~«wf!, dent to

métaphysicien a surchargé aa namenctatMre et hënsitô sa dnc-triuo enttqao. Maison voit Menatoftt <jjHpt'hypot~ao physw-!og!qMeainsi ent~e sur !'hypoth~se métaphysique d'un autre

ordre, ne contribuerait pas beaucoup a éclairer l'analyse deaoa facultés, ni a éteadM le champ de la science. Na semble.rait-il pas, en effet, que la nature, simple dans ses moyenscomme dans son but, a du proportionner la division des

organes cérébraux à la multiplicité et à la variété des nuanceset des distinctions artineieMes, qu'il a plu & certains philo-sophes d'établir dans leur langage conventionnel, en consi-dérant un sujet identique sous diuérents points do vue

abstraits, ou une même disposition de l'esprit et du c'cur parrapport & tels résultats extérieurs, telles conséquences for-tuites auxquelles l'ordre éventuel des sociétés a pu seul don-ner une valeur et faire attacher de l'importance? N'est-ce pas,par exemple, une disposition toute artiueicHe que cette

coquetterie qui ne natt dans la femme qu'an moment où elletend à échapper &sa distinction naturelle, à changer l'ordrede l'attaque et de !h défense, &feindre la résistance quandelle aspire Ma défaite, et l'intention de se rendre quand elleen est le plus éloignée ?Pourquoi donc accuserait-on la nature

d'avoir fait à certaines femmes une nécessité de cet artiBceen leur donnant l'organe de la coquetterie ? et comment ce

prétendu organe se trouverait-il distinct de celui de la ruse,do celui de la vanité, de celui de l'orgueil, car il y a aussi des

organes pour toutes ces dispositions qui ont cependant tant do

rapports entre eues, qui ne sont guère que des nuances ou

des empreintes d'un même type fondamental? L'organe de

la coquetterie se trouve-t-il donc aussi chez les femmes des4

Page 95: Maine de Biran: Science et psychologie

(H)!t!aWMCt)8!?

Murons, des Iroquois, ut dea Mottentoto ? L'organe du volcxiatait'it chex les Spartiates, qui ne connaissaient point lapropriété ni la différence du liun et du mien? Est-co doncenfin que la nature a du varier los formes du cerveau et tespro)Mb6Fanc<}8du erAno suivant les HXBMMet les usages desdHMfenta peuplos, suivant los dogr~ de civilisation, lesconventions et tes toMdo la aoo!6M?

Ceci nous donne lieu de répondre à un argument dont tedoetcMrGatt prétend tirer grandparti pour appuyer sa divisiondes organes cérébraux. Lof animaux, dit-it, ont te', mêmesorganes que nous relativement aux sensations extérieures. La

plupart même d'entre eux ont quelqu'un de ces organesptus fiu et plus detie que nous, pourquoi donc n'ont-ils pasles mémos facultés intetiootuettes ou morales, si ce n'ost parcequ'il y a dans l'intérieur du cerveau des organes particuliersque nous avont et dont ils sont dénues? Cet argument, trèsfondé en tant qu'on t'emptoio comme preuve de fait et pourétablir un rapport générat têt que celui que Camper a fondésur l'ouverture de l'anglo facial et le rétrécissement do la ca-vité cérébrale, cet argument, dis-je, ne prouve rien en faveurde la division hypothétique de Gall, et peut même être

retorqué avantageusement contre son système. On pourraitlui dire on effet l'hommo ayant plusieurs facultés que l'ani-mal n'a pas, it s'ensuit, selon vous, que l'organisation com-mune du cerveau humain doit comprendre diverses partiesqui sont étrangères au cerveau de t'animât, mais tes hommesde tous tes pays et de tous les siectes doivent et ont d& avoirces organes dont vous parlez, et bien certainement le mêmehomme tes a en tout temps; pourquoi donc y a-t-it une si pro-digieuse dinérence entre tes individus de notre espèce quisont soumis à des circonstances accidentelles diverses de sol,de climat, d'institutions? Comment se fait-il surtout, si la supé-riorité des facultés tient uniquement à la multiplicité des

organes ccrôhïaox, que tel homme tronva si dinérent delui-même, suivant les climats, les saisons, la température?

Mais pourquoi, messieurs, m'arréterais-je à combattre ici

Page 96: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR M MCfWNa OR CA~ M

la nouvollo hypothèse du doctenr allemand, on la pronuntdan~ ces détails aingHiiora, qui pat d6}h donne dos prises Mfaciles à la critique, tant prêté à rire aux esprits frivoles etfourni aux singes do la littérature une si holto occasion domordre jusqu'au sang, en ayant l'air do aojouer? J'aurais putrouver aussi dans la craa!etegia des at~cts de mégaytr aveo

vous j*a! cru qu'il convenait mieux a une assemblée aussi

grave d'y chercher do nouveaux moyens de s'instrmre et deso prémunir contre l'illusion commune à tOMtes108hypothèsesdu mémo genre. J'ai cherché à creaaof jua~aMs racines do

l'arbre, ia!aaant a d'autres le soin decoMr!raMXbranches. J'a!

voulu montrer que toute division physiologiquo de a!egeseerehraux, auxquels on prétendrait rapporter tes facultés

diverses, par analogie avec les organes séparés re!at!fs auxsensations extérieures, ne pout être fondée que sur une

espèce de rapport occulte et purement empirique, étrangeraux théories, &toute observation anatomique directe, commeaux inductions tégitimes et sages qui peuvent s'en tirer. Acette occasion, j'ai fait voir que la craniologie du docteurGali était tout & fait indépendante de son exposition anato-

mique et physiologique des fonctions des nerfs et du cerveau.Je me .snis attaché &prouver que la mattipticité dos siègesattribués à des actes intellectuels qui tiennent au Mot, ou &l'unité essentielle du sujet pensant, par confusion avec des

impressions purement sensitives et passives, qui n'ont pointla même relation essentielle avec cette unité de principe,était absolument contraire aux premières lois de la psycho-logie et aux vérités immédiates du sens intime. J'ai démontré

que toute division de. sièges cérébraux, anectés à diverses

facultés, supposait une division antérieure, et psychologique-ment étabiie, de ces mêmes facuttés et quo la division des

sièges, an lieu do servir à donner à la division psychologiqueune base plus solide, en la calquant sur la nature organique,tendait au contraire à plier cette uature même à des systèmeslogiques, à des dassincations arbitraires et conventionnelles.

J'ai conclu de là qu'un pareil abus, étant inhérent à toutes

Page 97: Maine de Biran: Science et psychologie

M)8)-!ttVATKM<8&s

loa hypothèses de t'espace de ~alte qu'a reproduite te docteur

Ga!t, devait éloigner les bons esprits do cas p~atigas, et les

empêcher de se livrer à des recherches qui ont été et qui seront

éternellement sans succès, comme il est démontré par l'expé-rience do tous ceux qui, depuis Démocrite jusqu'au docteurr

Gall, ont étudié, disséqué et morcelé le cerveau de toutes

les tnan!eraa, daca !e vain espoir d'y trouver le siège de r&Me

et les instruments immédiats do ses opérations.Je n'ai pas cru devoir séparer, daaa t'ordM des idées que jo

viens d'exposer d'une manière généralo, ce qui a rapport à la

division organiquo du système intellootuol proprement dit de

co qui se rapporte à des facultés d'un autre ordre. Comme on

convient 'genératement que !o cerveau est l'organe ou l'ins-

trument essentiot de l'intelligened, quoi qu'on soit loin do

s'accorder sur la manière dont cet organe fonctionne dans les

opérations de la sensibilité et do la ponsée, et qu'il n'y ait &

cet égard, comme nous l'avons assez vu, que des conjecturesou dos hypothèses peu propres à satisfaire les esprits sages, !e

physiologiste pourtant qui prétend avoir découvert quels sont

dans le cerveau tes sièges ou les instruments propres des

facuttés de l'ordre intellectuel, tels que la perception, le juge-ment, la mémoire, ne parait pas du moins choquer le bon sens

ni se mettre en lutte avec l'opinion commune, il n'en est pasde même pour cequi a rapport aux facultés alfectives, telles queles déterminations de l'instinct, les appétits, les penchants en

général, les affections de l'être purement sensitif, comme aussi

les passions développées, les inclinations et les sentiments de

l'être moral. Ici on est loin de convenir généralement que les

organes divers de ces affections et passions soient concentrés

dans le cerveau et exclusivement rattachés à des divisions

partielles de ce siège de l'intelligence.

L'opinion dos philosophes, depuis l'antiquité jusqu'à nos

joaM, appuyée, ce semble, du propre témoi~na~e du sens

intime, a placé dana des organes précordiaux ou dans ceux

de la vie intérieure qui sont les plus éloignés et paraissent les

plus indépendants du cerveau, les sièges de nos plus vives

Page 98: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR ta MRNttttB fR CAt.t. {m

émotions. do nos passions les plus entratnantes; et quand tedocteur GaM~Yo h voix centra ces autorisa, il !n: faudraitpour tes combattra des annea plus pniaaantca, des preuvesautrement fortea quo celles qu'on trouve dans son hypothèsecraniologique.

loi surtout, it parait bien que toutes tes assertions dogma-tiques du docteur Gall aur tes sibges cérébraux attribués auxfaoultés affectives, aux passions. comme aux facultés intellec-tueMes, ont été etabHca, non d'après tes faita, mais unique.ment en vue de parvenir à un résultat pratique, arrêta d'avancepowébtoniretentrainer la multitude eMnonse. Il faut, a daM dire le docteur en commençant, que je mette tout !'hommeintérieur en une sorte do reliof, toi qu'on puisse !e conaattred'abord à l'inspection ou a l'attouchement des bosses du crâne.Mais la pensée et l'intelligence ne sont pas tout l'homme, etquoique ce soit la portion la ptus noble de son être, ce n'estpas celle qui offre le plus d'intérêt, ni qu'il importe le plus deconnattro pour les usages pratiques de la vie sociale. L'hommeagit et influe sur ses semblables, sur la société entière, parses passions et ses affections, qui tiennent à son caractère ouà son tempérament. Ces passions ont sans doute leurs signesnaturels de manifestation extérieure et leur caractère physio-gnomonique mais ces caractères sont variables, mobiles etfugitifs comme les auections même qu'ils dénotent. Il s'agitde les rattacher à des signes fixes et permanents or, rien encBet, de plus fixe et de plus solide que les protubérances ducrâne. Il faut donc absolument trouverdes protubérances pourles passions. Mais, d'un autre côté, les bosses solides ne sontque les envèloppes des organes cérébraux qui font saittie endessous. It y aura donc, dans le cerveau, par une suite néces-saire, des organes aSëctés aux passions; et il faut que celasoit ainsi pour compléter ~hypothèse, en dépit des observationsphysiologiques et même de la nouvette manière de voir del'auteur sur les fonctions du système nerveux et du cerveau,en dépit surtout des preuves coMh<m~ t:r&Mdu sens intime.

C'est ici le coté le plus faible du système craniologique et

Page 99: Maine de Biran: Science et psychologie

OTMtBKVMtONSM

d'aptes tout ep qui pF~aedc,je epoiraia inutile da m'y aN~ep,ai jo n'y tpauvaia t'ceeaaioo de faire qMc!qufs autws pappKt-chementa int6res9Mtta et do préciser quelques idées encore

vagues, mente chez nos meilleurs physiologistes, sur ce quitient aux passions anaux diverses facultés affeotives, coMme

à tenfa siégea.

Il

eES at~asa XES pAsatONa DANS tt eo<~aMB Du aAU. eoMPAB~E

A CEUE DE BMaM

Nous connaissons très bien la nouvelle théorie anatomiqueet physiologique du docteur Gallsurles fonctions des nerfs et

du cerveau et dire que nous en tenons l'exposé de M. Cuvier,c'est bien annoncer que cet exposé a toute l'étendue, la pré-cision et l'exactitude désirables. Mais ce savant naturaliste

s'adressant à la classe de l'Institut qui s'occupe exclusivement

de sciences exactes et do faits positifs, s'est imposé dans son

rapport sur la nouvelle théorie des fonctions du système ner-

veux et du cerveau, l'obligation stricte de mettre à l'écart tout

ce qui était relatif à 1 hypothèse craniologique. D'un autre

coté, divers journaux nous ont offert, dans les premiers mois

de cette année, des extraits assez étendus et assez completsdes leçons du cours public fait à Paris par le docteur, pour

que nous ayons pu acquérir une idée assez exacte de cette

hypothèse mais les rédacteurs deces journaux, étant pour la

plupart étrangers aux sciences anatomiques et physiologiques,ont dû laisser absolument de coté tout ce qui, dans les leçons

publiques, pouvait se rapporter à une théorie savante.

Ce qui nous manque donc pour connaître à fond le systèmedu docteur Gall, c'eat un rapprochement ou une comparaisonexacte de sa nouvelle théorie des fonctions des nerfs et du

cerveau, avec les défaits de son hypothèse craniologique,

rapprochement tel qu'on puisse concevoir nettement com-

ment cette dernière se déduit de l'autre, s'y rapporte ou s'y

Page 100: Maine de Biran: Science et psychologie

SOa LAMCTtHNEPB CAU. 55

coordonne. J'ignore si an semMaMe travail a été entrepriajusqu'à présent, mais l'exécution M'en paratt d'autant ptuadiBicite qu'en lisant séparément le rapport do M. Cuvier etl'extrait des tecona eraniobgiques du docteur allemand,

j'avoue que non seulement it m'a été impossible d'y saisir unvéritable rapport de déduction et d'analogie, mais que j'ai crutrouver une opposition remarquable entre la théorie anato-

tomique d'une part et !a craniologie do l'autre.Le résultat qui attire particulièrement notre attention dans.

le nouveau système anatomique, c'est le déplacement de l'ori-

gine des nerfs que presque tous tes physiologistes, jusqu'àBichat exclusivement, se sont accordés à faire sortir du cer-

veau considéré comme la souche ou la matrice commune,avec cette différence pourtant que les nerfs spécialement nom-

més e~~M~ sont censés émaner de cette souche d'une ma-

nière directe et immédiate, pendant que tes nerfs dits spMMM~cet tous ceux qui, placés dans tes régions intérieures du corps,le thorax, l'abdomen, y servent aux fonctions de la vie orga-

nique ou nutritive, ne se rapportent au cerveau que d'une

manière médiate, par l'entremise de la moelleépiniere, ou de

quelque partie du système cérébrat auquel its s'abouchent.

Bichat, génie desUné, ce semble, à faire une révolution dausla science et à en changer la face, mais qu'un sort funeste et

à jamais déplorable moissonna, dès l'ouverture de sa carrière,avant qu'il eut pu consolider le grand œuvre de la réforma-tion physiologique et féconder tous les germes précieux qu'ontrouve répandus dans ces pages écrites avec la précipitationd'un jeune homme qui, plein du feu sacré, semble pressentirconfusément que la mort est là et qu'il n'aura pas le temps detout dire, Bichat apporta un changement notable dans la doc-trine des physiologistes qui l'avaient précédé, sur l'originedu système générât des nerfs ou leur dérivation commune ducerveau.

On peut voir dans ses recherches immortelles sur ta vie etla mort, et dans son anatomie physiologique, comment ilétablit une division nette et précise, fondée sur les observa-

Page 101: Maine de Biran: Science et psychologie

OBSERVATIONS56

tions les plus approfondies entre !e systema nerveux de la

vie animale, dont il laisse l'origine dans le cerveau considéré

toujours comme le centre unique des fonctions de cette vie,et le système nerveux de la vie organique on nutritive qu'il

prouve n'avoir point de connexion directe et nécessaire avec

le cerveau, mais prendre son origine dans les divers centres

nerveux qui sont les ganglions. Ces ganglions sont répandusoans les différentes régions du corps; chacun est un foyer

particulier d'action nerveuse, irradiée de là par plusieursramifications vers les organes qui sont en rapport avec lui.

Ainsi, comme le terme do la sensibilité animale et l'originede la contractitité de même espèce se trouvent toujours dans

te cerveau, de même le terme de la sensibilité organique et

l'origine de la contraotitité correspondante se rapportent au

ganglion dont chaque organe interne reçoit ses nerfs. VoiKt

une division physiologique bien tranchée, et on peut voir

déjà comment viennent s'y coordonner naturellement, d'une

part, les facultés perceptives ou intellectuelles qui ont le

même centre ou même siège un, que les fonctions de la vie

animale, et d'antre part les facultés aBective&ou passives,

qui, étant liées aux fonctions do la vie organique doivent avoir

et ont aussi, les mêmes centres ou sièges intérieurs variés et

multiples.Le docteur Gall est venu armé do nouveaux faits anato-

miques, qu'il prétend avoir découverts, et surtout armé d'une

hypothèse qu'il veut mettre en vogue dans le monde. Il com-

mence à faire pour le système nerveux cérébral ce que Bichat

avait déjà fait pour le système nerveux de la vie organique,D'abord il semble soustraire en eBet à l'empire du cerveau les

fonctions de l'une comme de l'autre vie. Il ramène égalementces deux classes de fonctions à celle d'un seul système nerveux

commun, subdivisé en plusieurs systèmes, et semblable à un

réseau dont les portions séparées participent selon leur volume

à l'organisation et aux fonctions de FensemM~ plutôt qu'à un

arbre qui, n'ayant qu'une souche unique, se distribuerait en

branches et en rameaux à la manière du système artériel par

Page 102: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR t.~ BOcraftR M aM.t. 57

exempte. Le docteur Gatt appuie cette manière de voir aurles dissections qu'il a faites des nerfs du cerveau, en com-

mençant par les couches inférieures, et où il prétend avoirconstamment observé que los nerfs dits cérébraux qui sortentde dessous l'enoéphate, et principalement do la moelle allon-

gée, ne viennent pas plus du cerveau que les nerfs vulgaire-ment appâtés spinaux qu'en suivant séparément les racinesdo ces nerfs prétendus cérébraux jasqaea daaat'épaisseurdela moelle allongée, oa les voit directement remonter de celle-ci vers le point du cerveau où ils aboutissent, et non pas,comme on l'avait cru généralement, descendre du cerveau

pour traverser la moelle. C'est donc à cette moelle allongée,dont i'épiniere n'est que la prolongation, et qui forme avecelle le grand cordon médnHaire que se rattachent toutes les

parties du réseau nerveux. C'est là que gtt le véritable liende communication de toutes les parties. Le docteur Gall pré-tend, en effet, et c'est là la partie vraiment neuve de son

système, avoir observé le long de ce cordon médullaire une

suite de renflements, ou de tubercules ou protubérances, d'ousortent autant de paires de nerfs, formant chacune un systèmeparticulier,, dont les fonctions sont indépendantes jusqu'à uncertain point, quoique concourant à celles du même tout

vivant. Le cerveau lui-même et le cervelet ne sont autre chose

qu'un de ces ren&ements plus gros et plus considérables quia aussi des tubercules ou protubérances partielles. C'est ainsi

qu'on voit sortir du bourrelet d'un arbre greffé, plusieursbranches séparées et jusqu'à un certain point indépendantesdu tronc, quoique vivant avec lui d'une vie commune.

De cet exposé il suit que le cerveau, dans le système de

Gall, ne joue guère que le rôle d'un ganglion nerveux dansle système de Bichat, avec cette différence néanmoins que,suivant le physiologiste français, les ganglions servent d'ori-

gine ou de matrice aux nerfs de la vie organique, comme le

cerveau, centre uniqne, donne naissance aux nerfs de la vie

animale, tandis que, suivant le docteur allemand, les nerfs de

ces deux vies tirent également leur origine de la moelle épi-

Page 103: Maine de Biran: Science et psychologie

Ot)9Etn'AT!<M<SS8

niera d'oh il parait que la grande division de Bichat n'aurait

presque plua de fondement, et qu'il n'y aurait pas plua de

centre unique et essentiel pour les fonctions de la vie animale,

qu'il n'y en a pour celles de la vie organique, mais que, dans

l'une comme dans l'autro vie, it existerait divers foyers d'ae-

tion nerveuse et sensitive, dana les prctxbérances on renne.

menta du cordon médullaire, foyera d'action ne d&pendantpaaessentiellement du cerveau, et exerçant aussi lours fonctions

indépendamment les uns des autres.

Tout cola posé, on voit très bien comment s'explique dans

le système de Gall, le donbte jeu des sensations et des mou-

vements, dans les êtres acéphales, comme dans ceux ou le

cerveau tqui est essentiel et prédominant dans les animaux

placés au haut de t'oohette), n'est en effet qu'an petit appen.dico ou un rennement très pou considérable de la moelle épi-nièro. On voit aussi comment dans dos êtres ainsi organisés,les fonctions de la vie, dn mouvement et de la sensibilité peu-vent se répartir ou se disséminer entre divers centres quivivent et fonctionnent séparément les uns des autres, ainsi

que cela a lieu dans les vers de terre, les naides et plusieurs

espèces de chenilles. Mais ce qui ne s'explique pas, à beau-

coup près, aussi bien dans la même doctrine, et qui paraitmême être en contradiction avec elle, c'est qu'en considérant

le cerveau comme un organe subordonné au grand cordon

médullaire, dont il est censé tirer son origine et n'être qu'un

simple appendice, on nous le représente d'un autre c&té

comme s'il était le véritable centre des fonctions des deux

vies, puisqu'on y établit les sièges respectifs de tontes les

facultés spéciales de diBérents ordres, les organes on instru-

ments nécessaires des affections, de l'instinct et des passionsde l'être sensitif, comme des idées et des volontés libres de

rêtre intelligent. Pourquoi donc cette concentration de toutes

les facultés diverses dans un seul organe qui ne joue pourtant,

dit-on, qu'un rôle accessoire et dépendant dans l'organisation

générale ? Pourquoi un simple appendice de la moelle allongée

jouit-il du privilège exclusif de réunir en lui les sièges do

Page 104: Maine de Biran: Science et psychologie

!?SCRtAMNMKSttSOtU.

toutes les facaliéa? et comment ae fait-il que ~mt d'autrearenaomenta pMtiela, qui donnent naiaaance à des pa!rea daMer&Cmmaniautant do syatemoa qui ont leura fonctions pra'près et distinctes, n'entrent d'aucune manière en partage doce privilège? Quand noua accorderions présontemont lacon-centration des facattéa intellectuelles dans le cerveau, et leurdissémination possible dana tea d!vomea port!oMa de cetorgane (et nous avoaa assez vu ce qu'il fallait ponsor deapreuves do cette dissémination pFétendtte), du moins noussommes en droit de demander par quola motifs on veut encorehomor exclusivement au cerveau los aiegea divers dea ina-tinots, dea app6t!ta, dea aHeot!ona et des passions. DocteurittooMovaNe, pourrions-nous dire, mettez-vous done d'accordune foia avec vous-môme et avee voa propres observations.Voua avez voulu d'abord, ce semble, ravir au cerveau l'empireque tout le monde lui accordait aur los fonctions de la vieanimale, pourquoi voulez-vous lui attribuer maintenant uneinfluenuo générale et exolusivo qu'aucun observateur n'avaitadmise avant voua? Vous poussez un peu loin l'esprit decontradiction. Quand nous disons que tout ce qui tient à l'in-telligence et à la vie de relation se rapporte dans le cerveau àun centre unique, vous prétendez nous montrer qu'il y aautant de centres ou de sièges physiquement séparés, que detacuttés ou de manières d'&tpe et d'agir du même au;et,psychologiquement distinctes. Quand nous disons, au contraire.que la vie intérieure et toutes les affections ou passions quiy prennent leur source ou y portent leur influence, ont diverscentres ou sièges séparés, et comme indépendants dans l'or-ganisation, vous noua assurez qu'elles sont concentrées dansle même organe cérébral. Ainsi ce que le sens intime et l'expé-rience réunissent, vous le divisez; ce qu'ils divisent, vous leréunissez et cela sans autres preuves que certaines observa-tions empiriques particulières, sur lesquelles il faut s'en rap-porter à vous et dont, sans blesser la politesse due à un

étranger, nous pourrions bien au moins vous contester lagénéralité. Mais, dites-nous, grave docteur, qui placez l'organe

Page 105: Maine de Biran: Science et psychologie

M9M\'MtOt)f<?

d'une paaMon telle que l'amour physique dans la nuque, en

allant ainsi directement Mntre tes droita Mon tégitimea du

sixième sens, vous qui csptiquea si Mon !ea fonctions vitales

et sensitives des êtres qui n'ont point de cerveau, apptenei<-nous qtMJtaéra !e siège de cette af~ction dans des ac6phatea,

qui n'ont pas été tellement nttdtraMs par la nature qa'its ne

jouissent pourtant à leur manière des douceurs de ramoHp?

Où sont aussi, dans los mêmes êtres, les sièges des appe-titaet des diverses atfecttonsqM'its manifestent? Et comment

conciliez-vous, en eHet, le cefete des fonctions assez étendu que

parcourent tant d'êtres organisas qui sentent, se meuvent, se

nourrissent, se reprodnisent sans corveaa, avec l'opinion qui

assigne exclusivement dans ce si~go los organes de toutes les

faenttes'? '1

Ici la contradiction est tellement manifeste que je m'étonne

vraiment qu'elle n'ait pas frappé d'abord tous les critiques du

système de Gall. Sans avoir besoin d'y insister plus longue-ment, nous continuerons toparatteie de ce système avec celui

de Biohat, sur les sièges des passions, en levant a cet égard

quelques équivoques et cherchant & éclaircir quelquesdoutes.

Toute espèce de sensations, dit Bichat, a son contre dans

le cerveau, car là où l'action de cet organe est suspendue, toutesensation cesse. Au contraire le cerveau n'est jamais affectédans les passions les organes de la vie interne en sont le

siège «tM~Me'. A t'appui de ce principe, l'ingénieux auteur

t. Ledoctmr AchenaMma fait contMla <oeMnede 6aM,m ce quiesttetaUfMt ergMMdes paMimm,<tMobjeeUoMquimepMa!Menttreebienfondées,et <uxqoe)!ett'6!èvedeGaUa hrtmat ttpendn(~oyezteepa~ee~Stondfes,et auaqnellesi'élwede Galia fortmairépondn(voyeslespages878et SNde la Cmnfo/o~. « Artdêedespassions,Ndit te docteurattUgaMMe,e appatttennentnonseulementleschangementsquiB'opetentdaMJecerveau,maisaussiprincipalementt'acttonderimagtnttttonexercéesur!enetftympa-O~qaeet,&t'aMedece!ut-e!,surles opérationsde ta vieerganhpte.Galln'atenu MCM comptede cet e&t earaetMsttqae dea pMetons. e (Notede M.de B.).

S. Votet le texte eMct de Nchat, ahregê par Maine de Bhwn « Tonte espacede Mnmttens a son centre dans le cerveau, car tonte <enMUonsuppose ffm-

preMien et la perception. Ce sent lee sent qui reçoivent )'tmpres<ton,et le cer-veau qui la pet~oit en sorte qae ta C&faction de cet organe est smpendae,

Page 106: Maine de Biran: Science et psychologie

SHtt MMRtMNRM NA~ n

du ?h<M <~ la <?fe~Je~t mari cite MM muttitudo do faits

qui tendent &prouver que t'eNat do toute passion constam-

ment étrangère à la vie animale, est de faire naMre un chan-

gement, une altération quelconque dau<<la vie organique ou

dans les fonctions <Mver8Mdont elle se compose, savoir la

circulation, ta respiration, les sécrétions, etc. te! tous toa faits

semNeat s'aocof~oravec ta théorie; et h division des faoMt~s

atTactivas et des facMttes intellectuelles, jastitioa en quelquesorte par la féBexion in~riowe, parait t'Mpo encore par les

divisions anatoauqaos et phyeiotogiqMea, qui sont d'ailleurs

fondées aur un tout autre ordre d'observations.

Qu'oppose te docteur Gall à tons ces faits? rien qu'un sys-tème d'observations empiriques, étrangères, contraires mémo

au sens intime, comme à ses propres divisions d'anatomie ou

do physiologie.On avait toujours pensé, lui fait dire un des journalistes qui

ont exposé sa doctrine, que les facultés intellectuelles seules

avaient leur siège dans te cerveau, tandis que celui des affec-

tions, des passions et des penchants était dans les organesintérieurs. Cette opinion est contredite, en ce que les organesinternes ont tous tours fonctions bien connues, et qu'il est

impossible de concevoir comment le cceur, par exemple, quin'est qu'un muscle, pourrait engendrer des actes moraux. Le

docteur oonçoit-il bien mieux que la pulpe cérébrale, avec

toutes tes protubérances possibles, soit ptus propre que lu

ccour a engendrer des actes NMMWtB?On connatt bien, dit

Gatt, toutes les fonctions des organes internes~ et c'est pourcela qu'il répugne à leur en attribuer de ~rotatives à telles

affections ou passions. Mais quand bien même il serait vrai

que nous connussions parfaitement toutes les fonctions phy-

siologiques des organes internes, qu'est-ce que cette connais-

sance aurait de commun avec celle de l'espèce d impressionsou d'affections immédiates, qui peuvent naître de ces fonctions

touteMMatiM)cesse.Au eontMire,il n'estjamaisatîeeMdanslespassions;tMM~tmesde la vieinterneen sontle siègeunique. (BecteM&o~&~tOh)-~et <t<f ta e&etsurla N0)-<,t" parMe,aft. 6,S2.)(A.B.)

Page 107: Maine de Biran: Science et psychologie

MtSNHWHONSea

ou qui s'y apportent? C'oat ici une confusion bien étrangedes deux espëcea de connaiasaaoea en d'idées, que noua nous

sommes tant attachés a distinguer celles qui naissent exclu-

sivement du sens intime et qui ne ae représentent point au

dehors, et cottes qui ont, au contraire, tout leur mobile dansl'ohser~'ation extérieure. Y a-t-il quelque rapport, en effet,entM la eonnaiaaeaoe des fonctions physiologiques du couret de l'estomac, et unea~ectioagaHtnque, une cardialgie, etc. 2

Remarquez en outre l'abus que le docteur Gall fait dm mot

organe et la resineHon qu'il donne à ce terme pour appuyerson hypothèse. Un sentiment intime et qui paratt bien imme.

diat, nous fait rapporter telle impression ou modification denotre sensibilité à tel siège partieutior dans t'intérieur du corpsou à sa surface, et nous dirons que cette partie oa noussommes aatureUement entraînes à localiser l'impression, en

est l'organe oa le siège corporel. La langue savante, d'accordavec ta langue vulgaire, a consacré cette acception. Mainte-

nant, quoique nous sachions par la théorie et l'expérience

physiologique que l'impression doit être transmise jusqu'aucerveau ou à un foyer nerveux principal, pour être ce quenous appelons perçue ou sentie par le moi, néanmoins, quandon admettrait dans le cerveau même autant do divisions et de

points, où chaque impression spécifique individuelle devraitaboutir pour être ainsi perçue, jamais pourtant on ne seraitfondé à regarder ce point cérébral comme le véritable et

l'unique organe de ces sensations diverses; car ainsi ceux quin'admettent qu'un siège unique de i'àme seraient fondés &n'admettre qu'un organe de sentiment ou de perception. U estde fait que nous ne sentons rien dans les points du cerveaudont il s'agit; nous ignorons même, en ne regardant qu'ennous, s'il existe de pareils centres, tandis que noas sentonsbien réellement l'impression agréable ou douloureuse, dansle lieu physique où nous la rapportons et nous ne la sentons

que là. Et quel motif aurait-on d'appeler organe la partieoù l'impression aboutit, à l'exclusion de la partie qui latransmet? Comme tout cet appareil nerveux et membra-

Page 108: Maine de Biran: Science et psychologie

aun M MCtMMses aM.<< 03

neux qui forma ta nex sera toujoura dit avec raison l'organede l'odorat, et également pour tea appareits extérieurs visuels

et auditifs, etc., de même les visera internes auxquels pous

rapportons certaines affections immédiates, produites par une

cause quelconque physique ou morale, sont bien proprementnommés tes sièges ou les organes de ces affections.

Je deMan~Mici, par exemple, pourquoi le docteur Gall n'a

pas placé dans le cerveau les organes de la faim, de la soif,

comme il y place colui de l'amour physique? 8'i! ne croit pasdevoir admettre pour ces premiers appétits d'autres sièges

que ceux auxquels le sens intime les rapporte, pourquoiva-t-il en chercher do différents pour l'appétit vénérien, l'ins-

tinot maternel, etc. Pourquoi?. C'est qu'il fallait que l'amour,dont te nom seul s'empare si vivement do notre imagination,eut sa protubérance marquée mais je ne puis voir là que le

signe d'un rapport empiriquement établi et non point l'organevrai d'une passion ou d'un appétit naturel. Eh comment

peut-on confondre ainsi le signe que l'homme imagine ou

découvre, avec l'organe que la nature attribue à telle fonction?'}

Des physiologistes plus exacts ont bien trouvé aussi un rapportentre la largeur de la poitrine ou l'étendue de l'appareil de

sanguification et la force génératrice; s'ensuit-il que t'organe

de cette force soit dans la protubérance de la poitrine? Le

docteur allemand, comme tous les faiseurs d'hypothèses,

connait bien tout l'ascendant de certains mots et les illusions

qu'on peut produire par leur moyen. Mettons~nous à l'abri de

semblables prestiges par une analyse exacte des faits et des

idées qui se trouvent renfermées sous ce terme ~assMK.f Les impressions immédiates passives, que le sens intime

seul nous porte à localiser dans certains organes intérieurs,

comme la faim, la soif, une douleur de colique, un mal d'es-

tomac, ont bien pour sièges les parties mêmes auxquellesnous les rapportons et il n'y a point de motif pour leur cher-

cher d'autres organes.2* Mais il y a une autre espèce d'affections immédiates qui

ne se localisent pas ainsi directement. Le sens intime ne les

Page 109: Maine de Biran: Science et psychologie

MSKKVATMNSM

rapporte à aucun sie~e particulier du corps on pfut savoir

phyaiologiquement qu'elles naissent toujours à la suite dotelle lésion orgaNque ou qu'elles accompagnent tel modod'altération de certaines fonctions essentielles à la vie maisl'individu ne les sent point réellement dans les organes lésés,pas plus, ou pféctS~Montpar la m~me raison qu'il ne sent oune perçoit point les impressions et mouvements constitutifsdes {<H)CtMMtslitotes ~e ces organes. Le propre des affectionsdont il N'agitest d'inOuer directement sur k sentiment généralde notre existence, de nous rendre immédiatement heureuxou malheuroux, sans que nous connaissions la cause intérieuret'eeHe du bonheur ou du malheur, et que nous puissions direce qui nous fait souffrir ou jouir, quelle est la partie de nous-mêmes qui s'affecte en bien ou en mal. Aussi n'est-il pasétonnant que nous allions toujours chercher les causes de cestufectidns dans les objets externes perçus, a l'exclusion descauses vraies, qui ne sont autre chose que ces impressionsimmédiates, obscures pour la conscience, et sur lesquellestout retour nous est interdit.

Los affections, par exemple, d'hilarité ou de tristesse, decalme ou d'anxiété~ de courage ou de timidité, de confiance oude méfiance en ses forces et tant d'autres semblables quin'ont point de nom et sont vraiment me~oA/es, tiennent biensûrement à tel mode d'exercice des fonctions vitales du foie,du poumon, du coeur, de la rate, etc., et aux impressionsorganiques immédiates qui leur correspondent, impressionsou passions proprement dites, qui auectent t'être sensitif pareoMseMMSet en masse. Elles ne se localisent ou ne se dis-

tinguent point dans des sièges particuliers, comme les sensa-tions extérieures, parce que, ainsi que le prouve la physiologie,il n'y a point de connexion directe, essentielle, entre le centrecérébral et les organes où elles sont reçues. Aussi la volonté,la force motrice de l'âme, ne peut rien pour les exciter, lesfaira naitro, les suspendre et les dcvcr au rang de véritables

perceptions.Rien ne peut donc favoriser ici l'hypothèse qui tendrait à

Page 110: Maine de Biran: Science et psychologie

MW ttOCtMNt!ht! CAH. CS

5

déplacer la siège organique interne d<*aatfcetion~ et pasaMn~dont il s'agit, pour les rapporter &quelque division cérébraleBxe et déterminée. Toutes les observations sont contraires,et encore an coup, !o système anatomique et physiologiquede Gall lui-même s'y oppose. Et vraiment a'il y avait un organeou siège fixe dans le cerveau pour chaque espèce d'aueotiou,

chaque disposition passagère de la sensibilité ou chacune doces mod)Mcat!<Mtsdu tempérameMt ou da caractère dont lemédecin expérimenté ne peut lire les aigaes quo dans rea-semble de l'organisation, dans la predommanoo rccotmae detel organe interne, s'il y avait, dis-je, un siège cétebrat fixe

pour chaque passion comme pour chaque ordre de percep-tions, d'où pourraient venir ces variations continuelles quochacun de nous éprouve nécessairement dans ses affectionsou dispositions sensitives? Celui qui a dans la tête l'organedu courage, par exemple, ne devrait-il pas toujours se sentirà peu près également fort et courageux, comme celui qui ales sens de la vue et de i'ouïe bien constitués voit et entend

toujours à peu près également bien? Pourquoi donc la protu-bérance atteotée à tel sentiment ou à telle passion particulièrerestant la même, y a-t-il tant et de si continuelles vicissitudesdans l'affection ou disposition sensitive correspondante? Sil'amour physique ou l'appétit vénérien a son siège organiquedans une protubérance située derrière la tête, pourquoi l'inter-

mittence, les variations, les degrés d'énergie ou d'affaiblisse-ment d'une telle passion se proportionnent-ils toujours al'état d'irritation ou d'atonie d'an autre foyer particulier desensibilité ou de cet appareil nerveux dont l'influence estassez connue? Et si c'estia prédominance d'un tel foyer, sonexcitation actuelle par le fluide séminal qui l'impressionne et

l'irrite, qui détermine l'appétit et fait naître la passion phy-sique de l'amour pourquoi ne serait-ce pas là aussi qu'elleaurait son organe ou son siège propre? n en est demême sans

doute de l'amour des mères pour tenr prngémtnre, considéré

dans ce qu il a d'instinctif ou de vraiment animal, et abstractionfaite de toutes les habitudes morales qui viennent s'y rattacher.

Page 111: Maine de Biran: Science et psychologie

<M)8EK\'AT«'!<8?

8'it est prouvé par les observations tas plus conatantea quecette anection immédiate tient easentieMement aux disposi-tions de la matrice, de t'utéraa, de t'organo sécréteur du

Mnidenourricier d'où natt le besoin de l'altaitement et l'im-

pression agréable qui raccompagne comment peut-on trans-

porter ailleurs et dans une division cérébrale particulière le

siège d'HMesemblable aHeotioa? C'est donc bien à cette otasse

d'atfeetions ou de passions immédiates, naturelles ot simples,

que s'appMqMecomptetement le principe de Bichat, opposé à

i'hypotheM craniologiqne, savoir que toute passion a aon siègedéterminé dans quelque organe de la vio intërienre; que c'est

là te terme où aboutissent et le centre d'où partent toutes les

passions, résultat bien prouvé, non seulement on ce que les

passions portent essentiellement sur les fonctions organiques,en affectant leurs viscères d'une manière spéciale, mais de

plus en ce que l'état de ces viscères, tours lésions, les varia-

tions de leurs formes concourent d'une manière très marquéeà la production de telle espèce de passions, comme la joie, la

tristesse, te courage ou la timidité, la colère impétueuse ou

froide et l'apathie.Nous pouvons donc encore afnrmer avec assurance, d'après

les espèces d'observations de tout ordre, qu'aucune dos im-

pressions passives ou dos facuttés aBëctives de l'espèce quenous venons de considérer, n'a de siège ou d'organe propre-ment dit dans aucune division cérébrale particulière, à moins

qu'on n'abuse étrangement de ces mots siège et organe et qu'onne mette de côté tous les faits et les principes sur lesquels le

docteur Gall lui-même a basé ses propres divisions physiolo-

giques.3" Considérons maintenant les passions dans un autre ordre

do phénomènes plus retevéa, auxquels donne lieu le développe-ment de la vie morale, le mélange et la succession continuelle

de sentiments et d'idées qui s'exécutent et se produisent réci-

proquement les uns par les autre); et tendent de plus en plus&compliquer la valeur du termepassion et par suite l'analysede tout ce que ce terme résume.

Page 112: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR MtCTMSEt)SPAt~t. s?

loi, te point da \'ue aeus lequel on peut envisager le phe'aotuene mixte appâté passion est vraiment double. On peuten etTetavoir égard surtout à la partie purement intetleotuelte

du phénomène, c'est-à-dire à la production des diverses idées,

jugements do l'esprit qui se rapportent à l'objet d'une passionen peut n'avoir égard aussi qu'aux sentiments atfoctifs quiconstituent proprement cette passion et à tous ses effets orga-

niques, comme le trouble ou le désordre, et <me!<}nefoiate

surcroît d'énergie quo prennent certaines fonctions dans ces

mouvements ou ces violentes tempêtes de !'ame sonsitivo.

Sous le premier rapport ou en ne considérant que !a cause

qui produit et détermine la passion ou la fixe sur un objet

particulier, on peut lui attribuer même siège, même organeou m&mcs instruments qu'à l'imagination, la mémoire ou le

jugement et on générai aux phénomènes intellectuels quiinterviennent dans sa production et qu'elle sert à exalter

&son tour. Mais dans ce cas, il n'y aurait pas lieu à rattacher

les acuités affectives a des sièges cérébraux distincts de ceux

qu'on attribue aux facultés de perception ou de représentation.Par exemple, l'idée ou l'image qui me représente un monceau

d'or est la même dans mon cerveau que dans celui de l'avarec'est toujours à la même division cérébrale qu'elle doit se

rapporter par l'hypothèse la seule diHérence consiste dans

une affection particulière, une tendance, un attrait très éner-

gique qui se joint à cette image dans l'avare et qui en est

séparée dans la représentation indifférente que je puis me faire

du monceau d'or. !1 est vrai que cette espèce d'atfection déter-

mine dans le premier cas un surcroît d'activité, de persistanceet de force dans les phénomènes de l'imagination mais celane fait rien au siège de l'idée fondamentale relative à l'objetde la passion, auquel seul on paratt avoir égard dans le pointde vue dont il s'agit.

Prenons encore pour exemple les effets do cette dispositiontendre qu'on appelle c<MMpZc.K<Mtamoureuse. Dans cet âge où

le sang s'allume, où toutes les facultés organiques et morales

acquièrent une vie nouvelle par l'influence de l'irradiation

Page 113: Maine de Biran: Science et psychologie

OBS)EaVATMM<868

puissante d'un nouveau coutre do senaiMHté, l'amour constitue

tamodineation intime, habituelle do l'existence et même

l'existence tout entière l'être sensible trouve partout des

sujets d'aimer, des objets de la plus douée sympathie. C'est

alors que tout dans la nature devient l'objet d'une sorte de

culte et que, comme l'a dit un grand observateur, Cabanis, on

est porté à adorer, à aimer les puissances invisibles comme

on aimerait ou parce qu'on a besoin d'adorer une maîtresse.

Et remarquons ioi en passant, contre Gall, que l'amour

physique et te sentiment de la théosophie ou de l'amourdivin,

paraissent bien alors fondus dans la même disposition sensitivo

et non point disséminés dans des organes séparés. Mais le siège

de l'imagination qui conserve et reproduit sans cesse les

imagos voluptueuses pour le jeune homme plein de vie et

d'amour, sera le même encore quand l'âge aura tout desséché,

tout glacé et que les mêmes formes purement idéalea se pro-

duiront nues et dépouillées dans l'organe central de l'imagi-

nation.H faut conclure de la, qu'en considérant les passions dans

un ordre moral, ces phénomènes se composent de sentiments

et d'idées, des produits de l'imagination et de ceux de l'aSec-

tibilité intérieure. En ayant égard seulement au travail intel-

lectuel qui se joint aux appétits et aux affections immédiates,

soit que ces aSeotions él&vent la pensée et lui impriment sa

direction ou qu'elles ne lui soient que consécutives, et naissent

de son exercice, il y a lieu à contredire le principe absolu et

général de Bichat, que toute passion a son siège exclusif

dans les organes de la vie intérieure; mais il faudra nier en

môme temps, que les passions aient dans quelques divisions

du cerveau un siège différent de celui des idées qui repré-sentent leur objet, ou des opérations intellectuelles relatives

au même objet, ce qui n'est pas moins contraire à l'hypothèsede Gall.

Mais pourquoi, dans les phénomènes mixtes dont il s'agit,s'attacherait-on exclusivement à la partie intellectuelle et à

l'œuvre de l'imagination, en laissant absolument à l'écart

Page 114: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR M WCTMStR CE OAt.t. (?

touto la partie affective,, et toutes ces impressions Masentiesdans les organes de la vie intérieure, tous les changements

opérés dans l'ordre de tours mouvements et fonctions ?N'est-ce

pas là vraiment la portion la plus notable du phénomène?n'est-ce pas là ce qui caractérise véritablement ht passion, et

qui la distingue des seenes muettes, calmes et réBéchies qui se

passent uniquement dans l'intelligence? Ce n'est point en

eNet, quant à la production des idées, que nous pouvons êtredits passifs ou éprouver une passion bien au contraire, c'estdans le champ des idées intellectuelles, dépouillées de ce quitient aux affections, que s'exerce toute l'activité de l'&mo

pensante. Or, eUe est bien nulle, en eBet, cette activité, sous

l'empire exclusif ou la prédominance d'une nature simple-ment affective (simplex Mto<<a~t<a<e),qui ne connaît point de

régulateur ou de contrepoids dans l'entrainement de la pas-sion proprement dite. Le cerveau, considéré comme centre

unique de la perception et do la volonté, no fait plus que réagirsympathiquement, sous tes impressions des organes inté-

rieurs, qui prennent sur ses fonctions propres !'ini<Mi!veet la

prédominance. On reconnaît bien les produits de cette réac-tion sympathique et passive au caractère brusque et tumul-

tueux des mouvements, à la succession irrégutiere et spon-tanée des fantômes, à la vivacité des images, aux couleurs

sensibles dont elles se revêtent, à leur opiniâtre persistance

que la volonté enchaînée ne peut interrompre ni distraire.

Quelle que soit donc l'origine on la cause déterminante du

phénomène proprement caractérisé passion, que ce soit un

appétit instinctif dont le siège ne saurait être douteux, commedans les passions naturelles et simples, ou une idée produited'abord par le libre exercice de l'imagination ou des facultés

perceptives, comme dans les passions artificielles et compo-sées qu'on pourrait appeler aussi intellectuelles, une fois quetelle anectiom est devenue dominante, et qu'elle a acquis parl'habitude le pouvoir de réveiller les séries d'images qui lui

sont associées, elle a déjà planté des racines plus ou moins

profondes dans la vie organique et c'est alors seulement que,

Page 115: Maine de Biran: Science et psychologie

OMtEttVATKMO70

transformée en tempérament, identifiée pour ainsi dire avec

tes fonctions de cette vie intérieure, elle revêt les caractères

d'une véritable passion résultat générât qui s'appliquant à

diverses classes de phénomèmes compris sous le mente titre,

justifie sans doute les principes de Bichat sur le siège réel des

passions, autant qu'il contredit l'hypothèse craniologique et

toutes les observations empiriques du docteur Gall. Et com-

ment dans ce dernier système pourrait-on expliquer l'~OMC

<~t<p/ejBqui ressort avec une si grande force de conviction du

témoignage même du sens intime bien consulté? Si les facul-

tés aMeotivesont leur siège dans le cerveau comme les facul-

tés intellectuelles, d'où vient donc cette opposition et cette

lutte que nous sentons en nous-mêmes, entre deux principesde mouvements et de déterminations: cette puissance de vou-

loir, véritable force motrice, tantôt dominante sur celle des

passions, des instincts et des appétits qui tirent en sens

contraire comme dans le Sage stoïque, tantôt en équilibreavec elle, comme dans les affections raisonnables; tantôt

subjuguées, comme dans ces passions vraiment malheureuses

on l'on se sent entraîné par une sorte de fatum?Si tout est sous la dépendance du même centre cérébral, et

de ses divisions multiples, comment se fait-il que divers mou-

vements des muscles, comme différentes espèces d'idées ou

d'images se trouvent excitées par des causes physiques dont

l'influence se porte d'abord tout entière sur des organes inté-

rieurs, tels que le cœur, le foie, le poumon, ainsi qu'on en

trouve tant d'exemples dans la pratique de l'art de guérir,

appliqué particulièrement aux vésanies et aux différentes

espèces d'aliénations mentales? Que devient enfin, dana ce

système, la belle division établie par Bichat, entre les phéno-mènes des deux vies, et ceux des passions considérées par

rapport à l'une et à l'autre, division qui peut seule nous

donner l'explication et la clef d'un des phénomènes les plus

remarquables de l'action et réaction du physique sur le

moral, d'où aussi le médecin éclairé tire l'un des plus pro-fonds et des plus utiles secrets de son art, celui de remédier

Page 116: Maine de Biran: Science et psychologie

scR n MtcrnntE BE cttt. 7t

aux altérations organiques en innuant sur te moral, et aux

désordres moraux en agissant sur le physique?Concluons donc enfin, avec le célèbre auteur du 7'w~ dp

Me la mort, qu'il n'y a point pour les passions de centre

fixe et constant, comme i! y en a nn pour les sensations exté-

rieures et les facultés perceptives qui s'y rattachent.

« Camper, dit Bichat, en déterminant l'angle facial, a

donné lieu à de lumineuses considérations sur l'intelligence

respective des animaux. Il parait que non seulement tes

fonctions du cerveau, mais toutes celles en générât, do la vie

animale qui y trouvent leur centre commun, ont peu prèscet angle pour mesure de perfection. H serait bien curieux

d'indiquer aussi une mesure qui, prise dans les parties servant

à la vie organique, pût fixer le rang de chaque espèce sous te

rapport des passions'. »

Ce que Bichat désirait, mais dont il parait bien avoir senti

toutes les difncuttés, le docteur Gall a voulu t'exécuter sans

sortir de l'enceinte des divisions cérébrales, et des protubé-rances du crâne. II n'a fait ainsi que décomposer, ou frac-

tionner le rapport unique trouvé par Camper entre les degrésde l'angle facial et ceux de l'intelligence, et en a déduit hypo-

thétiquement divers signes pour les passions comme pour les

idées, pour les facultés affectives comme pour celles de l'en-

tendement. Mais les véritables signes naturels ont échappé à

cet esprit systématique, et le problème proposé par Bichat

restera sans doute encorelongtemps indéterminé.

i. Be<'twAMpt~&)h)~t<Msurla vieetaurla mort(ï" partie,art. 6,St.)(A. B.)

FIN

Page 117: Maine de Biran: Science et psychologie
Page 118: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMENTAIRE

ttpa

MS HËMTATMNSMÉTAPHYSIQUESDE DBSCARTE8

(tsia)

MCMTATMMtS l, 't ET IV

ML'indifférence à afBrmer ou nier no s'étend pas seulement

aux choses dont l'entendement n'a ancane connaissance,

mais généralement au?si à toutes colles qu'il ne découvre pas

avec une parfaite clarté, au moment que la volonté en délibère ¡

car pour probables que soient les conjectures qui me rendent

enclin à juger quelque chose, la seule connaissance que j'ai

que ce sont des conjectures et non des raisons certaines indu-

bitables, suffit pour me donner occasion de juger le contraire

ce que j'ai sumsamment expérimenté ces jours passés, lorsque

j'ai posé pour faux tout ce que j'avais tenu auparavant pour

très véritable'. » Descartes amis au rang des conjectures pro-

bables, des vérités nécessaires que nous sommes obligés de

croire, en vertu des fois mêmes de la pensée; or, ce que nous

croyons ainsi en vertu de ces lois, il n'est pas libre à la volonté

d'en détihérer; mais te jugementimmédiat et primitif précède

toute délibération, comme il exclut toute possibilité de dou-

ter. La notion même du doute répugne à l'esprit relativement

à des vérités de cet ordre « Je pense, j'existe comme chose

pensante ou substance; je suis cause de certains actes on

modifications actives de mon être; je suis sujet passif d'autres

t. N«~.tV,§M.LaphtMese tefmiMntaet «. pour cela mal que j'ai

temarqoéqa'onneponvaitenquelquefaçondouter Nousrapportonstee

ttMioB'!à rMittoeJ.6am!ef tMMhs K'-M9<MM<!oan<<<'<)<?w wft pm.<fM)-

îonueaan textede cetteMition.eoquiarriveque!<pteMaquandM.deB!mn

eitecemémotM.(A.B.)

Page 119: Maine de Biran: Science et psychologie

CM<MC«TMME74

modes qui eemmenpent et nniaaent sans ma volonté; il y a descauses et des substances autres que mui, etc. a En supposantqu'on pouvait douter de ces relations et vérités nécessaires, etn'admettre que la première comme évidente, Descartes améconnu l'autorité des lois primitives, inhérentes à l'esprithumain, Il n'a pas va que s'il était possible de mettre endoute un seul instant les vérités nécessaires, it ne pourraitplus y avoir rien de vrai, ni de certain pour notre esprit. Rienne saurait Mre établi par le raisonnement, car ce raisonne-ment doit s'appuyor d'abord sur dos choses dont il ne soit paapossible de douter. Or, it s'agit de distinguer, d'abord, qaeMeasont ces choses. Si l'on en trouve une seule, par exemple notre

existence a titre d'êtres pensants, it s'ensuivra qu'H y en ad'autres qui, étant inséparables de cette existence, ne com-

portent pas ptus qu'elle le moindre doute. En ettet, la certitude

que j'ai de mon existence n'est pas celle d'un être abstrait,mais d'un individu qui se sent modiuo dans un corps étendu,inerte, organisé, sur lequel il agit. La certitude de l'existencedo ce corps étendu fait donc partie essentiel!" de celle que j'aide mon être. J'aperçois dans cette étendue certains attributs

inséparables d'otte, comme la divisibilité, le nombre, et

lorsque j'affirme ces attributs du sujet, je suis aussi assuré done pas mn tromper que lorsque j'amrme la pensée ou le senti-ment du moi qui en a conscience. Il ne peut donc pas se faire

que je me trompe, lorsque je dis que deux et trois font cinq,ou qu'un carré a quatre côtés; et s'it était possible que jefusse dans l'erreur sur les rapports nécessaires de ces idées

auxquelles j'ai moi-même attribué des signes, ou que j'aimoi-même déBnis d'une Tertaine manière je ne pourraisjamais avoir confiance dans aucune chose; je ne pourrais éta-blir aucune sorte de vérité l'existence de Dieu ne saurait

jamais être prouvée, car elle ne peut s'appuyer que sur desvérités premières nécessaires dont il est impossible de douter.

« Je suis contraint d'avouer, dit Descartes, qu'il n'y a riende tout ce que je croyais autrefois être véritable dont je ne

puisse en quelque façon douter; et cela non point par inconsi-

Page 120: Maine de Biran: Science et psychologie

SURMa t~MTATKM~SM! REaMKTEa

deration ou tegarete, maia pour (tes faisons trea fortes et

mûrement considérées mais je ne me désaccoutumerai

jamais do déférer &mes anciennes et ordinaires opinions et do

prendre eonnance en elles tant quo je les considérerai telles

qa'ettea sont en effet, c'est à savoirenanotqna façon douteuses,et toutefois fort probablos, en sorte que l'on a beaucoup plusda raison de les croire que do les nier. C'est pourquoi je pense

que je ne forai pas mal si, prenant de propos délibéré un son-thnent contraire, je me trompe moi-même, et ai je feins pourquelque temps que toutes ces opinions sont entièrement

fausses et imaginaires; si par ce moyen il n'est pas en

mon pouvoir de parvenir à la connaissance d'aucune vérité,à tout le moins, il est en ma puissance de suspendre monjuge-ment '.n Voilà l'erreur fondamentale de Descartes, savoir

Qu'il est en notre pouvoir de douter de certaines choses

inséparaMes de notre pensée, de notre existence, et aussi

'évidentes, aussi certaines qu'elle; que nous pouvons suspendrenotre jugement au sujet de ces vérités, que nous sommes

mattros de les croire ou de ne pas les croire. Cette suppositionerronée, contraire aux lois de la pensée, ôte toute base certaineà la connaissance et ferme à l'esprit toute issue pour sortirdu labyrinthe de doutes danslequel il a cru pouvoir s'engagerpar un emploi malentendu ou même impossible de sa liberté

i. M&t.t. N 9et M.S.« Lalumièrenaturellenousenseigneque la «MtMiMmeede l'entende-

mentdoittoujoursprécéderla déterminationdela volonté,»(N~KatfentV.)Oe9tMte<entendM par determinaUonde la volontéle consentementoul'adhésionquel'espritdonneà uneehoMquitni parattvraieapri. délibéra-Mon.Maisce n'e~tquedansleschoMBdouteusesouprobablesqu'ilpeutouat'Hdoity avoirdeMbération,et que la connaisMneede t entendet'tentdoitprécéderla délibérationde la volonté.Quand11e'a~ttdeavMtéentceMairee,évidentespareMea-memee,l'adhésionde l'espriton,si l'onvent,la détermi-nationdetavoionte fa pas besoind'être précédéepar la connaissancedel'entendementelle est indépendantede cette connaissanceantérieure,etsimultanéeaveceiiequandellea lieu.«L'erfenr,dit avecraisonDescartes,seMMontredansl'opérationen tantqu'elledépenddemoi (c'est-à-direqu'ildépenddemoidejugerqu~nechoseestvraieoune iefi p!M/ ~«haoadan.la tacnitéquej'ai reçuede Dieu,nt mêmedansFopéraUonen tantqu'elledépenddelui. »Aquoireconnaissons-nousqo'nneopétationdépenddeDieu?

Page 121: Maine de Biran: Science et psychologie

60MB)Et)TAttM:70

il y a dea vérité premieroa évidentes par eMpa.mamesqu'ilest imposaiMe de M paa croire dea qu'eMes aa préaeutent à

l'esprit. Ces vérités partent avec elles un caractère absolu, et

non point nn caractère relatif à la nature ou aux dispositionsvariables de l'esprit qui les conçoit en temps ou lieu. D s'agitde bien distinguer ces vérités premières, néeeaaaiFes, abao-

lues, dea vérités contingentes et relatives, do bien constater

leur dtHefenco. Ma!alorsque dès le début de la science on pré-tend révoquer également en doute cos deux sortes da vérités,on décide déjà une grande question, savoir qa'H n'y a pointde vérités néoessaires, qu'il peut y avoir erreur ou iOaaion

dana l'esprit qui les adopte à ce titre de néoesaité, par suite

que tout est également contingent et relatif. Le aceptioiamotriomphe dea ee premier pas dans le doute univerad, on luiaccorde justement ce qu'il demande, savoir: qu'il est possiblede prendre pour fausses, imaginaires ou relatives les vérités

que tous les hommes admettent comme évidentes, nécessaires.

et absolues; car de cette possibilité de douter de tout, il s'en-

suit bien directement que font est relatif et contingent. S'H

dépendait de l'esprit de se mettre pour ainsi dire table rase

pour la vérité, il suivrait ~jasside là qu'il n'y a en lui aucunevérité innée; car, s'il y a quelque vérité innée, il devra être

complètement impossible à l'esprit de ne pas la prendrecomme évidente et nécessaire, aussitôt qu'il viendra à y

penser.Que l'esprit s'éloigne de tout ce en quoi il peut imaginer le

moindre doute, tout de même que s'il connaissait que cela

tut absolument faux, j'y consens. Mais il faut savoir s'il n'ya pas des choses dans lesquelles il est impossible d'imaginerle moMM&'edoute, et quelles sont ces choses si les vérités

mathématiques, par exemple, ne sont pas dans ce cas et, s'il

C'estJmtementen ce que nouane sommespaamtttfeede la changer,queneMjaeeoMoucroyonsdetettemantêreemepouvoircroireauttement.OnpeutdirequennMUendesvéritésnécessairesestganmtieparta v6tac)t6deDieuquinousla donne.LesInductionsondé<)neti<MMqui viennentde noùtsautseulessujettesà l'erreur.(NotedeM.deB.)

Page 122: Maine de Biran: Science et psychologie

8t)R t.)R8 M6MTMM!)8 M ttt!S<HM<E9 77

on est ainsi, on aura supposé faussement que tout est douteuxet peut &t<erejeta comma faux.

« fuis-je aaauror quej'aio laMoindr&chose do toutes eoMca

que j'ai dites naguera appartenir &la nature du corps? Jem'arrête à y penser avec attention, je passe et je repnssotoutes ces choses en mon esprit, et je n'en rencontre aucune

que je puisse dire être en moi. Passons aux attributs de l'Amoet voyons s'il y en a quelqu'un qui soit en moi. Les premierasont de me nourrir, de marcher; mais s'il est vrai que je n'ai

point do corps, il est vrai aussi que je ne puis marcher nime nourrir'.H Supposition impossible qu'ainsi je puisseexister et dire moi sans avoir la conscience du corps propre,et que je puisse avoir cette conscience de l'elfort si te corpsn'existe pas. Je puis bien rêver que je marche pendant que jesuis dans le repos du sommeil, mais non pas que j'ai un

corps sur lequel ma volonté agit, pendant que ce corpsn'existe pas.

« Un autre attribut de l'Ame est de MM<M';mais on ne peutaussi sentir sans le corps; outre que j'ai pensé sentir autre-fois plusieurs choses pondant le sommeil, que j'ai reconnu àmon réveil n'avoir point en etfet senties'. Ce mot sentirest prie ici, comme il l'est presque toujours, d'une manière

équivoque. H n'est pas vrai qu'on puisse reconnaître auréveil qu'on n'a pas senti en eHet ce qu'on croyait avoir sentidans le sommeil. Au contraire les sensations que !'&mea

éprouvées pendant le sommeil, il est toujours vrai qu'eMe lesa eues. L'illusion consiste seulement à croire ou à juger queles objets ou les causes auxquelles ces sensations intérieuresse rapportent sont présentés aux sens pendant qu'elles ne lesont pas réellement. Mais ce jugement n'est pas la sensation.L'âme ne peut sentir sans le corps, voilà ce que nous savonsmaintenant. L'âme peut sentir dans son corps par lui ou aveclui sans connaître ce corps ni elle-même comme distincte; et

t. M<'<M<!«<m,M,SS.S.MM.

Page 123: Maine de Biran: Science et psychologie

caMMtRNTAME:M

«'est en cela même que consiste lu sensation purement ani-

male. Mais quand l'âme perçoit la sonsation en l'attribuant au

corps dont elle se distingue, il est impossible que cette aper.

eeptien la trompe; et a'il y avait sur ce fait primitif possibilitédo doute ou d'erreur, rien ne serait vrai ou certain pournous.

« Un autre aUfibut est de ~ema! et je trouve ici que !a

penséo est un attribut qui m'appartient; elle mouleno pontêtre détachée de moi'. n N'y a-t-il pas contradiction à dire que

je ne suis qu'autant que je pense et que je oeaseraia d'existerai je cessais totalement de penser, et dire d'un autre côté

on croyant n'admettre rien qui ne soit nécessairement vrai, jeno suis précisément parlant qu'une chose qui pense, savoir un

esprit. En enet si vous êtes une chose durable, et dont la pou-sée est un mode, il répugne d'affirmer que le mode étant ôté,la chose qui en est douée s'évanouisse. Cette expression, MHe

eAoM ~Mt ~MMeindique la relation d'un attribut ou d'un

mode qu'on appelle la peHs~e, à une substance durable quiost conçue on crue permanente, indépendamment do cet attri-

but, quoique nous ne puissions dire quelle est cette subs-

tance ni en avoir aucune sorte d'idée séparée. Et c'est là le

cas de tout ce qui est donné h notre esprit sous une relation

nécessaire dont les deux termes sont nommés et crus exister

distinctement quoique nous ne puissions jamais les repré-senter l'un sans l'autre.

En énonçant le fait primitif de l'individualité reconnue,

~e<M&e.cM~, Descartes n'a pas vu qu'il n'exprimait qu'unerelation. Il a cru pouvoir réduire cette relation à un seul

terme absolu. L'être et l'existence sentie ou aperçue, l'dme et

le moi se sont identifiés dans son esprit. n a pris une notion

abstraite pour le premier pas de la connaissance, sans voir

que cette notion avait son origine dans âne relation anté-

rieure qui est le fait de conscience. Or le fait comprend l'indi-

vidualité tout entière et il n'y a pas d'individualité sans le

t.~M<Ma<K)'tU,S6.

Page 124: Maine de Biran: Science et psychologie

8W M:SMeHT&TtONSBtSBESC~RTES M

sentiment d<*t'aetioo exeMeo sur te corps. La sujet Mm agitet te terme présent qui lui Saisie sont les donxétémenta indi-visibles du même fait. L'on n'est paa plus suaeeptibta quel'autre d'être mis en doute; et lorsque je pense ou que je veuxet agis sur mon corps, it ne m'est pas plus possible do supp.)-sur que ce corps n'est rien que de supposer que je no suis paspondant que je pense. Cartel n'est pas !aanbstaace abstraite

qui a pour attribut la pensée, mais l'individu complot dont lu

corps propre est une partie essentielle, constituante.« Je connais que j'existe, et je cherche qoet je suis moi

que je connais être. Or il est très certain quu !a Mouttah-~neode mon être, ainsi précisément pris, ne dépend point deschoses dont l'existence ne m'est pas encore connue; par con-séquent, et!e no dépend d'aucunes do celles que jo puis feindre

par monimagination'. M faut savoir si ta connaissance demon individu précisément pris n'emporte pas nécessairementavec eUe la connaissance ou le sentiment propre do la pré-sence d'un corps sur qui la force agissante se déptoie etc'est ici une des choses qui no se peuvent feindre par t'ima-gination, mais qui sont l'objet de l'aperception intérieure.Si imaginer n'est rien autre chose que contempler ta ngure ou

l'image d'une chose corporette, assurément le corps orga-nique sur qui l'âme déptoie sa force et dont la présence estsentie immédiatement ne peut être feint par l'imagiuation.Maisn'y a-t-il point une manière de sentir et d'apercevoir te

corps propro autre que l'imagination? C'est ce que Descartesn'a pas examiné.

Le fait de conscience a été réduit par lui à un seul terme

absolu, uniquement parce qu'il ne renferme rien qui puisseêtre imaginé.

« Etiamsi supponamus Deum alicui tati substantiae cogi-tanti substantiam aliquam eorpoream tam arête con}unxiss<ut arctiusjungi non possint, et ita ex ittis duabus unum ~K«<conllavisse, manent nihitominus realiter dist!ncta:; quia'

t.M.ge.

Page 125: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMEMORE8n

quaattunvia &Mteipsaa univerit, patenta, quam ente hahehatad cas separandaa, sive ad nnam ahttquo alia conaervandam,se ipsum exuere non potuit, et quœ vêt a Doo posaunt sopa-ran val sejunctim conservari realiter suat diatineta*. a Il ne

s'agît pas de ce que Dieu a fait ou peut faire, mais de ce quenous aeatons ou apercevons mténearement. Nous no auppo-sons paa, mais nous apercevons immédiatement que notre

individuatité consiste dans nue relation à deax tonnes qu'ilest impossible do concevoir aëparês, quo!qa'i!s soient donnés

distincts dans l'aperception même du moi. Et si de cette dis-

tinction reet!e entre ta force qui agit et le terme inerte quirésiste, nous concluons la possibilité d'une séparation abso-

lue, nous fondons une conclusion hypothétique sur un prin-cipe de fait évident. Nous ne saurons jamais si ce qui est dis-tinct dans nos idées, peut ou non être séparé réeMement dansles choses.

MËMTAMONHt

« Les choses que nous concevons fort clairement et fort dis-tinctement sont toutes vraies*. Voilà l'unique er&cnMm detoute vérité selon Descartes, à partir de la première de toutes:Je suis une chose qui pense, etc. « Toutefois, dit-il, j'aï reçuet admis ci-devant plusieurs choses comme très certaines ettrès manifestes, lesquelles néanmoins j'ai reconnu par aprèsêtre douteuses et incertaines. Quelles étaient donc ces choses-là ? C'étaient la terre, le ciel, les astres, et toutes les autreschoses que j'apercevais par l'entremise de mes sens. Or

qu'est-ce que je concevais clairement et distinctement enelles ? Certes rien autre chose sinon que les idées ou les

pensées de ces choses-là se présentaient à mon esprit. Etencore à présent je ne nie pas que ces idées ne se rencontrenten moi »

t. Bftcattee,frmc~tafM/Mq)A<B,paNprhna,S M.9.~M..m, 6<.3. lbid.,SS.

Page 126: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR MS HÊMTATKM)H M CïSCtMEa 81

V<MMaveu tort de no pas te nier, car s'il y a quelque choseque voua puissiez dire apercevoir clairement et distincte-ment, c'est quace que vous appâtez tes idées ou images du ciel,des astres, est hors do vous ou se représentecomme étrangerà votre moi, tant s'en faut qu'elles M rencontrent dans le moi.Ce qui est en vous, ou vous appartient, o'eat le jugement oula pensée que ces choses vous sont extérieures ou étrangèresà vous-même; et vous ne pouvez faire autrement que del'affirmer, en ce que vous l'apercevez aussi e!a!rement et dis.tmotement que vous apercevez que vous êtes un être pensant.Lorsque vous jugez ainsi qu'il y a hors de vous des chosesd o&procèdent ces idées, vous ne vous trompez point etn'avez pas besoin d'aucune autre connaissance pour appuyerla vérité de ce premier jugement. Mais quand vous atBrmezque vos idées sont sembla6les a«a? choses, ou plutôt que lachose perçue est en elle-même telle que vous l'apercevez part entremse d'un sens qui peut n'être pas approprié à l'objet,vous afnrmez au delà de la perception et votre jugement peutêtre erroné ou douteux. Je vois dans l'éloignement une tourronde et c'est un polygone. Je vois te ciel comme une voûtebleue surbaissée. J'affirme que telles apparences visibles ontlieu parce que je l'aperçois clairement et distinctement;j'affirme de même que ce que j'aperçois est hors de moi,quoique je hasarde un faux jugement en attribuant à l'objetnécessatrement aperçu comme extérieur des modes ou qua.utés qui ne sont pas en lui.

C'est dans l'espèce d'attribution, et non dans le genre en'core moins dans le rapport plus généra! et nécessaire de l'effetà la cause qu il peut yavoirde l'incertitude et du doute. Voilàce que Descartes ne distingue point. n transporte au juse~ment primitif ce qui ne peut convenir qu'aux rapports parti-culiers d'attribution des modes ou quantés a l'objet. Quetelmode, senti ou perçu par l'entremise des sens diffère réeue~ment de ce qui est dans l'objet, cela peut être, mais ne prouverien contre la réalité de cet objet, cause de ce que nous sen-tons en nous ou apercevons au dehors. C'est sur les qualités

6

Page 127: Maine de Biran: Science et psychologie

~X)MMEK~'A!~)E83

spécifiques quo nous nous trompons, et non pas sur les fêta- stions universelles, nécessaires, inséparables de notre pensée.En rêvant même, noua ne nous trompons point lorsque nous

pensons qu'il y a hors de nous des causes réelles qui nous

modinent, qu'il ya un espace étendu qui prend diSérentes

formes, etc. nous ne nous trompons qu'en transportant des

qualités imaginaires à des objets qui ne les ont point.« Entre mes pensées quelques-ânes sont comme les j

images des choses, et c'est à celles-là seules que convient s

proprement le nom d'idée; comme je me représente un

homme, ou une chimère, ou le ciel, où un ange ou Dieu

mémo a Descartes confond ici les notions avec les idées ou

images. Les notions ne nous représentent rien; elles nous assu-

rent seulement de la réalité absolue et nécessaire des choses

ou des êtres que leur nom signifie, sans que nous puissionsnous représenter ou imaginer ces choses ni aucun de leurs

attributs. Cette confusion des idées ou images avec les notions

est la principale erreur de la métaphysique de Descartes.

n est remarquable que Reid, prenant la chose en ~ens

inverse, a attribué aux idées ou aux images ce qui ne convient

qu'aux notions, quand il a nié la diBérence établie par Des-

cartes et ses disciples entre les idées et les choses qu'elles sont

dites représenter. Il est vrai que nous avons les notions ou

croyances d'existences réelles, de substances; de causes,d'étendue, de nombre, dont il n'y a aucune idée ou image dans

notre esprit. Mais il est vrai aussi qu'il y a en nons des

images ou idées de qualités ou d'effets et de phénomènes qui

peuvent être conformes ou non aux vraies qualités ou attributs

des choses, aux vrais phénomènes ou effets des causer ou

forces de l'univers.

De ce qu'il y a notion et persuasion d'existence réelle sans

images ou idées, Reid a eu tort de nier qu'il y eut des imagesou idées,.

De ce que certaines images ou idées sont rapportées à des

i.N&t.,m,5St

Page 128: Maine de Biran: Science et psychologie

SURU!S M&ttTATMKSDE BESCARTES 83

objets ou choses hors de nous qui ne sont jamais représentes

par ces idées, quoique leurs modes ou effets le soient. Des-

cartes a eu tort aussi de conclure que les notions représen-taient des objets; qu'il y avait par exempte dans notre espritune idée de Dieu, ou de la cause suprême, représentative de

cette cause et différented'ello, pouvant y être conforme ou non;¡car la notion que nous avons de Dieu, comme toutes celles

que nous avons des substances ou. causes subordonnées de

l'univers, nous assurera seulement do leur existence réelle et

ne les représentera point. Les images qui s'ajoutent à ces

notions, ou les qualités que nous affirmons des substances

tiennent à une autre source c'est là le champ de nos doutes

et de nos erreurs'.« Pour ce qui concerne les idées, si on les considère seule-

ment en elles-mêmes et qu'on ne les rapporte point à quel-

qu'autre chose, elles ne peuvent, à proprement parler, être

fausses a II s'agit de savoir s'il est possible de considérer

les idées, les images en elles-mêmes, sans les rapporter à

quelque existence, et si cette attribution ne fait pas partieessentielle de l'idée.

« Si les idées sont prises en tant seulement que ce sont

c~aMM~/zpoM <&,petMey,je ne reconnais entre elles aucune

différence ou inégalité et toutes me semblent procéder de

moi d'une même façon. Mais les considérant comme des

t. FontenetteditMsNen quetonteIdéene représentepas;maisHrentendsMiementdesMeesabstraites,généralesqn'Nnommenntverseues,etquisontnn résnttatde la Mmitationde notre esprit.Auési,<!tt-Hqu'il n'y a pointd'idéesmn~eteeKeten Dieu.Matau fautdistinguerdes idéesgenemteslesnot!enttmitemeNee,abttfaiteBparreftexioa,quià h TétiMne reptesententpointponrnonateeexMenceeabschtesqu'eHeecomprennent,maisqui nouspoi~ ponr~na 1~ eristenceeabsoln~qn'ellescomprenne~;maiaqni nonsBatmenteeubmentdelateaMtedecesexistences.Stt n'yavattpasdenotMtNptimMteaetnatmeHea&notreesprit,a n yaaraitpasd'idéesgénétates,arH-NeteUes.Sti n'ya~aîtpasd'nnttenatareUe,Hn'yaataitpasd'nnitëaftmcieUe.Lemodèleest ennons,lescopiessontandehorsetmnltipliéesà rinnn!.

LesnotionspetKente~edesMeesrepréaentativeaenDieu;ilvoitlesforces,tescauses,t'espaceetla temps.11sereprésenteclairementcequenonscon-eevonsseulementexister;cequi est notionen nouspeutêtre intuitionenMen.(M.deB.)

a.J(f~m,96.

Page 129: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMEttTACœM

images dont les unes représentent une chose et les autres una

autre, il est évident qu'elles sont fort différentes les unes desautres'. » Descartes ici ne tient aucun compte de la différencenaturelle qui existe entre les affections et les intuitions pas-sives, comme entre ceUes-ci et les aperoeptions qui résultentde notre activité. Ces façons de penser, de sentir ou d'agirn'ont pas besoin d'être considérées même comme images pourêtre dioerentes. Il n'est donc pas vrai que les idées, consi-dérées même comme nos propres manières d'être, procèdentde nous, ou soient en nous de la même façon. Il y a uneautre cause générale de différence dans l'activité et la

passivité.« Les idées qui me représentent des substances sont sans

doute quelque chose de plus, et contiennent en soi, pour ainsi

parler, plus de réalité objective, c'est-à-dire participent parreprésentation à jo~Mde degrds d'être ou de perfection, quecelles qui me représentent seulement des modes ou acci-dents'. n Descartes me semble abandonner ici l'analyse et la

langue philosophique. Qu'est-ce que la réalité objective? Quesont des degrés d'être ou de perfection? L'être est-il suscep-tible de degrés différents d'intensité? La perfection n'est-elle

pas une idée morale, relative à un archétype ? Et quel est cet

archétype? Les notions de substances renferment seules laréalité absolue; et il n'y a pas deux sortes de réalités. Lesidées de modes ou de phénomènes n'ont par elles-mêmesaucune réalité. Bntre les notions et les images, comme entreles noumènes et les phénomènes, il n'y a point de degré deréalité.

Je puis me faire une idée de beauté, de perfection qui n'a

point de réalité hors de mon esprit. Je trouve en moi la faculté

d'exagérer pour ainsi dire des qualités, attributs ou perfec-tions qui sont dans mon esprit. Est-ce que l'exercice de cette

faculté prouve nécessairemeMt qu'il y ait un objet ou aa

i. ?<< m, § ie.& ?&

Page 130: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR LES M&MTATtOSa BE BESCAMEa 85

sujet réel qni se manifeste ? Quels aéraient les moyens de cettemanifestation?2

« C'est une chosem<Mt/p~ par la lumière naturelle, dit

Desoartes, qu'il doit y avoir pour le moins autant de réalitédans la eet~e efncionte et totale que dans son ~<; car d'oùest-ce que l'effet peut tirer sa réalité, sinon de sa cause, etcomment cette cause la lui pourrait-elle communiquer, si ellene l'avait en elle-même*. M Cela prouve bien qu'il y a desfacultés réelles appartenant à nn sujet réel qui produit cer-taines idées on modes de respr~i., et sans lequel ces modesn'auraient aucune réaUté, mais non pas que ces idées aient un

objet à quielles correspondent, ou une cause extérieure qui les

produise dans l'esprit.« Ce qui est plus parfait, c'est-à-dire qui contient en soi

plus de réalité, ne peut être une suite et une dépendance dumoins parfait, » De cette vérité Descartes conclut que l'idéede l'inSni et de la perfection de Dieu ne peut être un

ouvrage de notre esprit fini et imparfait. D'où il suit quecette idée doit avoir une cause et un objet supérieur ànotre esprit à qui l'existence appartienne, et partant que Dieuexiste.

Ce raisonnement n'est pas du tout convaincant. L'emploique fait Descartes du rapport de causalité est toujours ambigu,parce qu'il comprend également au rang des effets, les subs-tances et les modifications et les phénomènes. Nulle modifi-cation ou idée n'a de réalité qu'en tant qu'on la considère parrapport à une substance ou une cause. Tout ce que nousconsidérons commesubstance a dans son genre toute la réalitéet la perfection possible; et il n'y a pas de plus ou de moinsdans la réalité. Quoiqu'une substance ait moins d'attributs,ou, selon nous, ait des attributs moins parfaits qu'une autre,ce n'est pas une raison pour que la moins parfaite dépende de

l'antre, quant à son existence. En réduisant donc le rapport decausalité à ce qu'il peut et doit être dans notre esprit, savoir à la

<.MM.,n!,§u.

Page 131: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMEXTAtM8«

production d'un mode ou d'un eOet transitoire par l'activitéd'une force qui pat dito c~M< il n'y a pas de comparaison àétablir entre les degrés de réalité et de perfection du mode etceux de sa cause eMciente.

L'esprit humain a la faculté de faire des compositionsd'idées qui lui représentent des oboses plus parfaites, plusexcellentes que tout ce qu'il eonnaU; il n'est pas nécessaireque cotte idée soit mise en lui par une cause étrangère quicontienne eu soi pour le moins autant de réalité qu'il en con-coit dans son idée car ainsi que le dit Descartes lui-même,

toute idée étant un ouvrage de l'esprit, sa nature est tellequ'eue ne demande de Roi aucune autre réatité formelle queoelle qu'elle reçoit et emprunte de la pensée ou de l'esprit,dont elle est seulement un mode, c'est-à-dire une manière oufaçon de penser M.Il semblerait par ce passage que nosidées ne tirent que de l'esprit ce qu'il y a de réel ou desubstantiel en elles car la réatité formelle dans le langage deDescartes est la seule réalité proprement dite. Colle qu'ilappelle objective, n'étant autre chose que le caractère distinctifdes idées ou leur manière d'être et de se présenter à l'espritn'a pas besoin d'une cause différente de l'âme ou de l'esprit,qui agit pour se modifier lui-même de ces manières diversesqu'on appelle réalité objective. De ce point de vue ressortiraitun idéalisme complet systématisé.

Mais Descartes cherche à éviter cet écueil par l'explicationqui suit « Afin, dit-il, qu'une idée contienne une telle réalitéobjective plutôt qu'une autre, elle doit sans doute avoir celade quelque cause dans laquelle il se rencontre pour le moinsautant de réalité formelle que cette idée contient de réalitéobjective; car si nous supposons qu'il se trouve quelquechose dans une idée qui ne se rencontre pas dans sa cause, ilfaut donc qu'elle tienne cela du néant' », II y a dans ce pas-sage beaucoup d'obscurité. La réalité objective qui se trouvedans une perception ou idée de couleur, par exemple, diffère

i. m'A, m, § n.2. lbid.

Page 132: Maine de Biran: Science et psychologie

SMt t.E9 M)EC!TA'nft<a BE fEa(HRTE8 87

de la réalité objecte do la perception d'«ne qualité taetile,d'an son ou d'ana odeur. Ces réalit6s objectives diverses se

rapportent-elles nécessairement à autant decausea ditférentcaou ne peuvent-elles dépendre d'une seule et même cause quiagit dineremment sur des organes divers ou disposés dediverses Manières? Quand on dit que ces causes ou cettecause unique doivent avoir pour le moins autant de réalitéformelle qu'il y a de réatité objective dans les idées ou modesde lame qui en sont les effets, peut-on entendre antre chose,sinon que les idées ou ces modes n'auraient pas lieu, s'ilsn'étaient pas produits par quelque eaMfwréelle, et qu'ils neseraient pas différents les uns des autres s'il n'y avait pas unediversité réelle, soit dans leurs causes productives, soit dansla manière d'agir de la même cause. Mais qu'est-ce qui nousdit que cette cause est nécessairement extérieure à t'ame?Certes on ne peut pas dire que cette façon d'&tre d'une chose

qui la rend objectivement présente à l'entendement par sonidée no soit rien, ni par conséquent qu') cette idée tire son

origine du M~OK<.Mais ne suffit-il pas qu'elle soit un produitde l'activité de l'Ame pour être quelque chose de positif ou

qui ait une origine réelle et positive ?Jusqu'ici donc Descartes n'a rien dit qui prouve que la dif-

férence de réalité objective qui existe entre les idées se rap-porte à des causes diBérente!' de l'âme et qui aient chacuneune réalité formelle correspondant à la réalité objective desidées. D y a plus, o'est qu'il n'a point prouvé la nécessitéd'une réalité formelle dans les causes des idées, et que cetteréalité pourrait être réduite à la simple réalité objective quiserait dans les causes comme dans les effets ou les idées.e Tout ainsi, dit-il, que cette manière d'être objectivementappartient aux idées de leur propre nature, de même aussila manière ou la façon d'être formellement appartient auxcauses de ces idées (à tout le moins aux premières et princi-pales) de leur propre nature', n Voilàune manière commode

i.M.M.n,gn.

Page 133: Maine de Biran: Science et psychologie

COHME~FAtM!88

do trancher le nmad de la diBtcutto aur la premier problèmede !a philosophie.

Aucune idée ou mode no peut être dit objectivement ou par

représentation dans l'esprit, qu'autant qu'il y a an mot ou ttn

sentiment d'individuatité distinct de tout ce qui est ainsi

représenté. Si en admettant ou présupposant résistance du

moi, on peut dire que la manière d'~pe e~e~petM~~ appar-tient aux intuitions da leur propro nature, on ne peut pas ledira également des impressions affectives qai ne prennentcette manière d'être élective qu'on s'assoeiaat an sentimentdo l'effort, et se localisant dans les parties dtt corps. La seule

perception ou idée qui soit objective de sa nature, c'est cetbde rétendue tangible et visible, jointe à la résistance ou

séparée d'etie. Toutes les autres modifications ne prennentto caractère objectif qu'en s'associant avec cette première. B

n'y a donc pas plusieurs réalités objectives différentes, maisune seule à laquelle participent des modes ou phénomènesdivers qui n'auraient par leur nature aucune réalité objectiveou formelle.

Quant aux causes des idées, on ne peut dire que la manièreou la taçon d'être formellement, c'est-à-dire la téatité for-melle leur appartienne, qu'en tant qu'après avoir tiré tesnotions de cause ou de substance de l'aperception de notreêtre propre, agissant ou pensant, nous appliquons hors denous ces notions qui contiennent vraiment et de leur proprenature la réalité formelle. Les notions se rattachant ainsi anfait de conscience celle de ta force intelligente est déduitedu sentiment de notre volonté efficace celle de la substancematérielle est déduite de l'aperception de notre propre corpsinerte, étendu, obéissant à la volonté. Toute la réalité formelle

qui est contenue dans les éléments du fait primitif se retrouvedans les notions, originaires de ce fait, et n'a pas une antresource.

Une idée ou un phénomène ne peut êtra dit cause d'unautre que dans un sens impropre, et en tant qu'il s'agit decauses physiques ou d'une succession d'eSets. Cette succes-

Page 134: Maine de Biran: Science et psychologie

8<mMESH~MWfMNSM Ot~CAUTEa ?

aion noua conduit tou}oura &un premier terme qui n'est plusun phénomène dont la réalité soit purement objective dfma

l'esprit, mais une foro on une substance ayant une réalité

formelle. Descartes oppose toujours cette réalité, la seule qui

puisse être ainsi proprement nommée, à ce qu'il nomme

improprement la réalité objective; et il entend que la pM-mière doit nécessairement être eontenae dans te9 causes des

idées, comme la seconde l'eat dans les idées mêmos. C'est là

qu'est toute t'obscurité et le faux do la dootrine.« Les idées, conclut-il, sont en nous comme des tableaux

ou des images qui peuvent &!a vérité facilement déohoir de la

perfection des choses dont elles ont été tirées, mais qui ne peu-

vent jamais rien contenir de plus grand ou de plus parfait »

Les notions de substances, de causes ne sont pas dos images.La réalité formelle s'y attache immédiatement et il n'y a rienlà qu'on puisse appeler réalité objeotive. Les notions, appli-quées hors de nous, ne peuvent d'abord renfermer rien de

plus grand ou de plus parfait que la source d'où elles ont été

tirées, savoir notre être propre. B est vrai que notre espritest doué de la faculté d'amplifier ou d'étendre ce qui lui estdonné sous certaines limites. Ainsi dès qu'il a la notion d'uneforce ou puissance motrice qui surmonte certains obstacles etest arrêtée par d'autres, il peut faire abstraction de ces obs-tacles et concevoir une force supérieure à la sienne, à laquellerien ne résiste. De même en partant d'une étendue limitéeteUe que celle de son propre corps, il a la faculté d'étendreindéSniment ces limites ou même de les écarter tout à fait.Ainsi conçoit quelque chose de plus grand et de plus par-fait que la source à laquelle se rattache cette grandeur et per-fection supérieure, mais qui n'ont cependant point d'antreréalité formelle que celle de l'âme on du moi où elles prennentnaissance. De là, il résulte que le raisonnement suivant n'est

pas aussi fondé en principe que le croit l'auteur des Médita-

tions, quand il dit: « Si la réalité ou perfection objective de

t. MM.,m, s H.

Page 135: Maine de Biran: Science et psychologie

t!(M)MR!WHM!eo

quelqu'une de mea ideaa est telle quojoaonnaiMc elairpment

que oette même réalité ou perfection n'est point en moi n!formellement ni éminemment, et que par conséquent je ne

puis moi-mème en être la cause, il suit de là nécessairement

qaejo ne suis pas seul dans le monde, mais qu'il y a encore

qMcttjjM'autfechose qui existe et qui oat la cause de cette M&eau lieu que s'it no se MncontM point en moi do telle idée, jen'aurai aucun argument qui me puisse convaincre et rendracertain de l'existence d'aucune autre chose quo da moi-metRO »

t Je répenda i* queje puis bien connaltre clairement que taréalité d'une idée n~eat pas contenue en moi, quoi je meMeonnaiMe néanmoins comme la cause de cette idée quipourrait d'ailleurs n'avoir aucune réalité formelle autre quecelle que mon esprit lui attribue par induction de la reaMté demon être propre. Ainsi quand je serais seul au monde, il su~nrait que j'eusso le sentiment de mon activité identique à celuido mon individualité complète, et que je fusse doué desmêmes facultés d'abstraire, de génératiser, d'amplifier mes

conceptions pour que j'eusse des notions de torées, de subs-

tances, ayant la réalité de mon être et une perfection supé-rieure, sans que je fusse en étpt de prouver par le raisonne-ment que les causes dont j'ai les notions existent réeUementou ont une réatité formelle absolue et séparée demoi.

Je réponds: 2' qu'en m'en tenant au fait de conscience etaux notions de force et de substance qui en sont les éMments

nécessaires, sans rien ajouter, ni sans rien amplifter, je n'enserais pas moins assuré qu'il existe quelqu'autre chose quemoi, que je le suis de l'existence de Met, cette certitude ne sefondant pas à la vérité sur le raisonnement, mais l'aporcep-tion interne d'un fait ou d'un rapport primitif à deux termes.

Tout ce que notre esprit conçoit, comme ayant une réalité

/b!TKc~eabsolue, est aussi conçu comme ne pouvant avoir sacause en nous-même, mais comme existant d'mM {manièreindépendante. Le moi ne peut être cause des substances, mais

i. ~M,m, s ~a.

Page 136: Maine de Biran: Science et psychologie

8UR Ma ~MTATKH~ ttt! MaCARTt;S M

aputotnpnt desmodineationa pradu!<<'adan9<e!tsahs(<mees. Ilne peut pas naa plus se eooccvnit commo etM, puisque saforce propre, oonstitHtive. est au cantraiw l'antacédent néeea-

sMpe de tout rapport do causalité. !<es modes passifs seutssont sentis comme eSats do quelque cause qui n'est pas lui.

La notion de Dieu, causa sMpF~me,substance !nHn!«no peutpas contenir une réalité formelle supëneufa à celle des autresforces ou substances da !'Mn!vera dont HOMacroyons ndeea-

aMKtMent!'ex!8tenco. Il n'y pas de degf6 dans cette r~atht.Mn'est pas besoin do MHMmterjusqM'~Dieu pour trouver

des notions do choses dont la rëaHtô n'est pas contenue utt

nc'os-m&BMs,et dont par conséquent nous no sommes pascaMaea,bien quo toute ex!steMe séparée de la notre soit dans

le m&me cas. Descartes passe eu revue les d!)Mrentes espècesdo nos idées pour savoir celles dont la réalité. peutôt~ conte-nue on nous, et dont par conséquent nous pouvons être causes,et celles dont nous ne pouvons pas être causes par cola seul

que leur, réa!h6 n'est contenue ni formellement ni éminem-ment dans le moi. Il énonce d'abord ridée qui représente lemoi à tui-même, sur laquelle il ne peut y avoir, dit-il, aucune

<cM~. M me parait, au contraire, que toute !a diMcutté

g!t dans ce premier point, et que les écarts de la philosophiede Descartes, comme de tous les métaphysiciens, viennent

précisément de ne pas assigner les vrais caractères de ce fait

par lequel le moi se représente, ou, pour parler plus exacte-

ment, s'epe~e& ~Mt-m~Me.De là, en eSet, dépend la questionde savoir si par cela seul que je m'aperçois moi-même en

disant, je pense, j'existe, je ne reconnais pas quelqu'autrechose qui agit et qui réagit sur moi, ou si je ne suis certain

que de l'existence de moi-même.Sans s'arrêter à ce premierpas, Descartes passe immédiate-

ment à l'idée de Dieu, des choses corporelles, des anges, dos

animaux, enfin des hommes semblables à lui. Les deux pre-mières idées. Dieu et les choses corporelles (l'étendue) sont,suivant lui, les éléments de toutes les autres qui pourraientêtre formées par leur mélange ou composition, quand il n'y

Page 137: Maine de Biran: Science et psychologie

92 COMMEMTAHM:

aurait aucun hommo, n! an~e, ni animal au monde. Ceci

ravient à dira donnea-moi utM~force agiaaanto et une aub~

tance étendue, et jo ferai des homme?, des animaux, etc.: <e

qui pourtant ne suf&t pas, car il antre dans ces idées outre les

deux notions qui en sont les basoa ou les éléments nécessaires,dea modtMcationa aeceasotrea qui ne ponvent venir do nous-

tnemes.

Dans les r&ves, cortaines images ao forment en nous, aana

nous, par !a eontMnNaon sentMdes sensations ou intpreasieMantaF)«HH)ft,Fe~Meadana te cerveau. Ma!atoraqMenous aemmos

aoaa-mômca los aateMFs de certaines idées afcMtypea, aeaa

aavons par ce!a même que ces idées n'ont point de réalité for.

meMe, juaqn'tt ce que nona les réatisiona hora de nous, en

donnant à la matière los formes ptaatiqaea qui sont objective-ment ou par reprëaentation dans notre pensée; auquel cas

nous pouvons être dits &juste titre les causes eMcientea des

objets représentés dont notre pensée a fourni le modete et quel'art a exécutés, réalisés. On peut dire que la perfection surna-

turelle et idéale, exprimée dans les chefs-d'œuvre de l'art, estcontenue objectivement dans l'esprit do l'artiste; et, en la réa-

lisant hors de lui dans la nature, il devient la cause efnciente

do cette réalité formelle. Souvent l'artiste exprime ainsi une

beauté, une perfection idéale qu'il sent bien n'être pas conte-nue en lui.

En tant que nous concevons une choM, on yeut dire qu'elleest contenue dans notre esprit; mais il y a diné~entes manières

de concevoir,aavo!r: d'une manière distincte etadéqnate,!ora-que nous embrassons par la pensée tout ce qui constitue l'objetou lui appartient; et d'une manière conhtse et imparfaite,

lorsque nous savons seulement que l'objet existe, sans avoir

aucune notion distincte de sa nature. C'est ainsi que nous

concevons l'infini, Dieu, une perfection, me beauté idéaledont les traits échappent à notre intelligence. Nous ne sommes

pas causes ou sttjets réels de ce que nous concevona <tMMtc'est comme la présence d'une divinité supérieure qui nousret~ue.

Page 138: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR )t.6S MëCt~TM~S KK n&iCARtES ~t

Mait pow qu'uno phoao, notion eu idée, puia~e dire ditevenir de noua-memoa, Mne sutOt paa que le degré da por*footien ou d'excellence que noua y trouvons aoit inférifur àcelui que nous remarquons fn nous-mêmes; comme aussi deco que nous avons ridée de quelque chose plus pMfa!t, ptuagrand que nous ne le sommes réellement, il no s'ensuit pasque cette idée soit un objet r~et, ou ait <H~misa dans notre

esprit par quelquo cause, dKMrent~ de notre eapfit, qui ait

une réalité formelle an moins égalo a la réatit6 objectiva del'idée. Cette <choMa comparative de degrés sMp~rieMMouinférieurs do perfection ost un mauvais enMnM~t pour jugersi nous sommes ou non los auteurs do telles idées.

Suivant Desoartes, !e9 idées do modes tels que la lumière,tes oouleurs, tes sons, les odeurs, les saveufs, la chaleur, tefroid et les autres qualités qui tombent sous l'attouchement,se rencontrent dans la pensée avec tant d'obscurité et de con-

fusion, que même en los supposant vraies, c'est-à-dire repré-sentatives de choses réeUes, il est impossible do distinguer lachose représentée d'avec le non-être; et de là l'auteur conclut

qu'il ne voit pas pourquoi notre esprit n'en pourrait pas êtrel'auteur. Mais il est facile de répondre que los modes dont il

s'agit sont vraiment inséparables des substances en qui nousles apercevons ou des causes étrangères & qui nous lesattribuons comme effets. Sous l'un et l'autre rapport noussavons très certainement, es'<<sMM<!scientid et e~ma~e

coNMMH«<que nous ne sommes pas les auteurs de ces modes

que nous percevons et sentons malgré nous. Les idées demodes puisées dans la relation sous laquelle seule il nous est

permis de les concevoir, ont toute la réalité de la substanceet de la cause à qui elles se rapportent. Si on les abstrait de

ta rotation, ce sont de pures abstractions qui n'ont aucune

réalité; nous sommes les auteurs de ces abstractions, quoiquenous ne fassions pas les éléments abstraits ou les phénomènes.

Venant aux idées claires et distinctes des choses corpo-relles, Descartes reconnait qu' « il y en a quelques-unes qu'ilme semble avoir pu tirer de l'idée que j'ai de moi-m&me;

Page 139: Maine de Biran: Science et psychologie

<WMM~:TAtM:94

«StuatMeceltes que j'ai do la s<tbatone&,de ta durée, du

nombre, et d'autres choses semblables. Car lorsque je penseque la pierre est une substance, ou bien une chose quide soi est capable d'exister, et que je suis aussi moi-mêmoune substance; quoique je conçoive bien que je suis unechose qui penae et non élenduo, et que la pitwre, au contraire,est une chose étendue et qui ne pense point, et qu'ainai entreeos deux conceptions il se rencontre une notable différence,touteMa ottes semblent eonveniF en ce point qu'elles repré-sentent toutes deux dos anbstaacea MDeaeMte~ manque ici

'd'exactitude; ce n'est point par l'aoto de la pensée ou de larenexion seule que je me forme de moi-tnênM une notion dosubstance à laquelle puisse participer une chose matérieUe.Par cet acte, je m'aperçois seulement eotntne force agissante,capable de

produiredes modes actifs; et lorsque je sens des

modes paaatta, je reconnais par induction l'existence réelled'une cause étrangère a ma volonté ou à moi. L'idée de causevient bien de moi, mais non pas le mode passif, ni l'asso-ciatioa qui se fait naturellement de' la notion d'une tbrctt

étrangère. Quantà la notion de substance étendue, elle a bienson origine dans l'aperception de mon individualité dont mon

corps est une individualité nécessaire, et de ta elle se trans-

porte aux corps étrangers.Aprea~voir cherché à établir, mais bien vainement ce me

semble, qu'il n'y a pas d'idée ou de représentation objectivede substance, ou de mode extérieur à nous, dont notre espritne puisse être l'auteur ou qui ne puisse étM contenu en luiformellement ou éminemment, Descartes vient enfin à l'tdéede Dieu, dans laquelle il se propose ~e considérer s'il y aquelque chose qui n'ait pu venir de nous-meme. « Par le nomde Dieu j'entends, dit-il, une substance infinie,' étemelle,immuable, indépendante, toute connaissante, toute puissante,et par laquelle moi-même et toutes les antres choses qui sont(s'il est vrai qu'il y en ait qui existent), ont été créées et pro-

t.J)M.,Mt;5M.

Page 140: Maine de Biran: Science et psychologie

SURLESM~tfATMSaPE URat~HTRS ?5

duites. Of, eea avantagea sont si grands et si éminents, quaplus attentivement je les considère et moins je me pet auada

que l'idée que j'on ai puis~a tirer son origine do moi sent. Kt,

par conséquent, il faut nécessairement conclure de tout ce

que }'ai dit auparavant que Dieu existe car, encoreque l'idée

de la substance soit en moi de cota même que je suis une

subtanco, je n'aurais pas aeaamoiaa r!déo d'une substance

infinio, moi qui suis un être Sn!~8i elle n'avait été wso on

moi par quelque substance qui ftlt véritablement inHnie\ 1)

Cette preuve do l'éxistence de Dieu, que Dosoartea adtMet

comme d'en ordre supérieur ou antérieur à celui de la réalité

de toutes !es autres existences, se fonde sur plusieurs hypo-thèses qu'U serait diSicile de justifier

to Que nous avons l'idée positive d'une substance infinie

comme actneMement existante. Je doute que les hommes les

plus réuéoMs, se laissant gaider par tes soutes lumières de la

raison, trouvent en eux cette idée, comme ils y trouvent la

notion distincte d'une substance étendue, et aussi celle d'une

cause eu force indéterminée productive des phénomènes. Or,si l'esprit ne trouve pas en lui cette notion, comment s'y

prendra-t-on pour lui prouver sa ~a~/bMMe//e?2'*Que toute notion qui représente une chose supérieure à

ce que nous sommes, ou à ce que nous apercevons être, a un

objet, un modèle ou un type réel de perfection extérieur &

notre esprit; et que cet objet réel a gravé, pour ainsi dire, en

nous la notion qui le représente ou qui en est la copie. Voilà

encore une hypothèse impossible àjustiner. D'abord savons-

nous bien ce que nous sommes? N'y a-t-it pas dans la nature

de notre âme des puissances que nous ignorons complète-ment et qui sont destinées à se développer dans un autre

~N<M.,Ut,6iS.2.Descartessefaità tnt-memecettedMBcMtteunpeuphMbas maisMla

résoutendtMatque t'etMobjectifd'nneidéene peut êtreproduitparunêtrequi existeseulementen puissance,teqnet,&proprementparier,m'estrien; maiaseulementpar un êtreformelonactueLMaisc'estprécisémentlà ceqn'Ua'a~tde prouver,savoirsi de ce ({nenouaavonsla notiond'unêtreutunt,partait,on peut coueturequ'u y ait un être formelouactuel,

Page 141: Maine de Biran: Science et psychologie

88 COMHENTAMŒ

mode d'existence ? Qui sait s'il n'y a pas en elle une perfecti.bilité inCnie, une science innnio maia confuse? Ne pourrit-elle pas se créer d'après ce typé intérieur te modèle d'un être

tout-puissant, tout parfait, omniscient, sans que ce modèleeut un objet externe, cause de la notion qui le représente?Pourquoi serait-ce en Dieu seulement et non en nous-méme

que nous trouverions l'inBni ?

La preuve que notre âme a en elle la faculté de concevoir

l'infini, la perfection, c'est qu'elle a de telles notions. Nousconcluons très bien des actes aux facultés qui sont en nous,maia non des facultés aux causes supérieures qui les ont pro-duites avec notre âme, car il faudrait pour cela que nous

puissions nous faire une idée de la création et après quenous sommes parvenus à reconnaître une cause efSoienie pw-mière de ce qui se fait, remonter encore jusqu'à la cause dece qui est, ou à une substance qui a produit toutes les autres,quoique celles-ci soient comme indépendantes par leurnatureou par cette de la notion même qui les représente. Ce progrèsde l'esprit, qui remonte à la cause première des substances etdes forces, causes naturelles des phénomènes, n'est pas dansl'ordre naturel de le. raison; d'ou l'on peut conclure qu'unetelle notion n'a pas été mise dans notre esprit par quelquesubstance infinie qui en soit le modèle extérieur, mais qu'aucontraire nous nous élevons à la conception d'un tel modèleen réalisant hors de nous par induction la cause, la substance

que nous trouvons en nous-même.3* On prouverait l'existence nécessaire de la substance ma-

térielle, étendue~ plutôt que celle de Dieu, par l'argument de

Descartes, en disant Je n'aurais pas l'idée d'une substance

horsdenotre âme.Kanta trèsbiendistinguela poMiMtiMréaBedela poe-sibillté logique.« Pourqu'tmechose,dit-il,(VoyezXM&ef,page i6t) soittogiqae.uemipossible,BmNt qu'ellene soitpas encontradictionavecelle-même pour qa'eUesoitréellementpossible,,il faut en entrequ'elles'ac-cordeaveclesprincipesdenotresensibilitéon denom entendement.Lap<MMtbHK<T~eUewpp<MM<Men pw'tbtMMteghpMmaismm<tee~!et~<t.Tout ce qui est possibledans la penséene t'est pas pourceladanslarêaiKé.a (M.deB.)

Page 142: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR M9 M~MTATtONS DE BESCAKT~ D7

7

étendue, moi qui suis une ohose qui pense, non étendue, ai

elle n'avait été mise en moi par quelque substance qui soitvéritablement étendue donc une telle substance existe réette-

ment. Et cet argument me parait sans réplique, dès qu'onfait l'application nécessaire du principe de causalité, puisqu'ilest vraiment impossible de concevoir comment nous pour-rions avoir l'intuition de l'étendue, comme étant hors du moiet opposée à lui, s*il n'y avait pas une substance étendue ou

une cause extérieure quelconque de cotte intuition. Nous

sommes assurés par le fait de conscience que nous ne contri-buons en aucune manière par notre activité à cotte représen-tation et la manière senle dont elle se produit à nos sens,son antagonisme avec notre moi, nous atteste qu'eUe ne

peut être tirée de lui, qu'elle n'y est point contenue d'avance.

Autant vaudrait-il dire que l'ombro était contenue dans lalumière.

Descartes a prévenu cette objection fondée sur ce que no

pouvant pas trouver en nous-méme ta notion d'une substance

étendue, il faut qu'elle y ait été mise par une substance réel-

lement étendue, et, par conséquent, que nous savons premiè-rement que les corps existent. a II est vrai, dit-il, que l'é-

tendue, la figure, la situation et le mouvement, ne sont pointformellement en moi, puisque je ne suis qu'une chose quipense mais parce que ce sont seulement de certains modesde la substance, et que je suis moi-même une substance, ilsemble qu'elles puissent être contenues en moi éminem-ment1. Ce passage est très remarquable; c'est le point dela doctrine de Descartes où l'on aperçoit le mieux sa con-nexion intime avec celle de Spinoza. La substance qui pensepeut contenir éminemment l'étendue; l'étendue est un desmodes de la substance pourquoi la substance infinie et unene contiendrait-elle pas éminemment la pensée et l'étendue,comme des attributs ou modes Inséparables d'elle ?

Si je m'en tiens à l'aperception interne de mon individua-

t. j)M. Ut, s M.

Page 143: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMENTAtME08

lité, sans division ni abstraction, je trouve en moi ou dans le

corps propre qui actualise le sentiment de l'eMort, retendue

(non figurée), la situation ou le mouvement joints à la penséedont l'objet immédiat est le corps propre qui réunit ces qua-lités. Mais en tant que j'abstrais l'un de l'autre les deuxtermes du.&u~de conscience, l'étendue qui se représente àdistance comme objet d'intuition, et le moi ou l'CMort sont

indépendants et ne peuvent en aucun sens être dits contenusl'un dans l'autre. Descartes décelé son embarras, quand ildit que l'étendue, la Sgure, quoique n'étant pas contenus

formellement dans l'Ame, peuvent y être éminemment; ce

qui veut dire sans doute qu'elle a la puissance de les formercomme étant d'une nature supérieure mais ici la préémi-nence de nature ne fait rien. n est certain par Inexpérienceintime que nous ne formerions pas l'idée la plus simple, la

plus grossière, si nous ne l'avions pas reçue. Celle de l'é-tendue est tout à fait dans ce cas.

Je ne me dois pas imaginer que je ne conçois pas I'M</îtMpar une véritable <We,mais seulement par la négation de ce

qui est fini, de même que je comprends le repos et lesténèbres par la négation du mouvement et de la lumière

puisqu'au contraire je vois manifestement qu'il se rencontre

plus de ~a~ dans la substance infinie que dans la substance

finie et partant que j'ai en quelque façon premièrement enmoi la notion de rinnni que du fini, c'est-à-dire de Dieu quede moi-même car comment serait-il possible que je pusseconnaître que je doute et que je désire, c'est-à-dire qu'il me

manque quelque chose et que je ne suis pas tout parfait si jen'avais en moi aucune idée d'un être plus parfait que le

mien '? » J'avoue que je ne conçois rien &ce paragraphe et

il m'est impossible de concevoir sur quelle faculté de l'espritDescartes appuie les assertions qui y sont contenues. Je con-

çois en moi là faculté de faire abstraction de toutes limites

1. ('p.tfhtCompaMtMnduqueljeconnattraisles débutsdemanature.t~M. n), § <6.)

Page 144: Maine de Biran: Science et psychologie

SUN <~9 MËMTATMNS )tE MESCARTEi) M)

d'espace et de temps, de saisir ainsi ces notions comme celles

de substance et de cause par une sorte de vue générale et

indéterminée mais quant à l'idée positive de l'infini, de l'ab-

solu, je ne crois pas qu'elle se perçoive distinctement dans

l'esprit de quelque homme que ce soit. Dans la formation

renéobie do nos idées distinctes, nous partons bien certaine-

ment du déterminé et du fini, quoique nous soyons forcés

par une loi de notre esprit d'admettre ou de croire un absolu,un infini antérieur dont nous ne pouvons nous faire en aucune

manière une idée ou notion distincte. Ce sont là des prin-

cipes et non pas des idées. Avant de me connaître moi-même,

je ne connais rien, je ne suis pas même un être pensant. Je

n'ai donc en moi en aucune façon pfe~MtëremeK~la notion de

l'innni ou celle de Dieu avant l'aperception ou la connais-

sance de moi-même. Mais comme j'ai la relation de cause et

d'effet présente à mon esprit, en même temps que mon exis-

tence est indivisible d'elle, et qu'aussitôt que je viens à pen-ser à la substance, à la cause, je conçois que ce que j'appelleainsi a préexisté à mot et à ma connaissance et en est indé-

pendant, on peut dire que le p~MCi~eformel de teUesnotions

est premièrement non en moi, avant que je fusse ma per-

sonne, mais. dans l'âme substance, quoiqu'il n'y eut aucune

notion ni idée.

Quant à la connaissance réuoxive de ces modes de mon

être pensant et sentant que j'appelle doute, désir, elle ne sup-

pose certainement pas la notion de Dieu. Mais il est vmi que

pour reconnaître que ces états sont des imperfections, il faut

se faire qnelqn'idée d'un autre état plus parfait relativement

auquel on compare celui où il manque quelque chose. Et il

suffit pour cela d'avoir éprouvé cet état de l'esprit jouissantde l'évidence pour sentir que le doute est une imperfection.Descartes confond ici Jes rénexions que nous pouvons faire

sur certains états sensitifs, intellectuels et moraux, et les com-

paraisons que nous pouvons faire entre eux et avec ces états

eux-mêmes.

Page 145: Maine de Biran: Science et psychologie

eCMME!(TAt!<EMO

M)SMTATMH<V1

« ï! n'y a rien de contfnu dans !e concept du corps de ce

qui appartient à l'esprit, et réciproquement dans le concept de

l'esprit non n'est compris de ce qui appartient au corps'. nDam le concept de l'objet résistant et solide, te! que celui quel'aveugle peut se figurer, il peut n'y avoir rien de ce quiappartient à la vue, et réciproquement. Peut-on en conclure

qu'il y ait là deux objets diuérents?« De ce que je conçois clairement et distinctement une

substance sans une autre, je suis assuré qu'elles s'excluentmutuellement l'une l'autre, et sont réellement distinctes aJe l'accorde. Nous concevons clairement et distinctement dessubstances séparées à l'aide de la même faculté de représen-tation ou d'intuition externe. Mais il s'agit de savoir si ce

que nous concevons par réuoxion ou aperception interne estaussi une substance complète, ou peut être appelée ainsi,comme ce sujet étendu en qui nous voyons se succéder diffé-rentes modiBcations voilà la grande ditNculté. Que l'espritsoit conçu comme une chose subsistante, quoiqu'on no luiattribue rien de ce qui appartient au corps, c'est ce que Des-cartes prétend avoir démontré, et qu'on peut bien regardercomme une illusion de 1 esprit qui attache la réalité à sesabstractions. Conçoit-on l'esprit comme une chose?

« Il est très évident que tout ce qui est vrai est quelquechose, la vérité ~at!< une même chose avec f~re » La véritéest dans les relations que nous concevons entre nos idées,soit que nous les rapportions aux choses ou aux êtres, soit

que nous ne les y rapportions pas. Dans le premier cas, lavérité est physique dans le second métaphysique, ou logique.Lorsque les relations sont perçues entre les idées généralesou abstraites, la vérité est purement logique. Elle n'est pas

i. Voy.RéponseauxœeMdmObject.,§5 et JtM. t, §8.2. KM.3. JtM. V, S 2.

Page 146: Maine de Biran: Science et psychologie

Stm tE3 M6&n'AT!<M<aCECESOjmTES Mt

une même chose avec l'être, ou avec la réalité absolue des

choses, et on se trompe, lorsqu'on confond cette vérité deconvention avec une réalité absolue, C'est ainsi qu'on réalisedans la nature des classifications arbitraires, ou des rapportsnumériques, géométriques qui n'ont lieu que dans notre

esprit.« Si de cela seul quo je puis tirer de ma pensée l'idée de

quelque chose, il s'ensuit que tout ce que je reconnais daire-ment et distinctement appartenir à cette chose, lui appartient,en eMet, ne puis-je tirer de là une preuve démonstrative dol'existence de Dieu'? » Lorsque je tire do ma pensée l'idéed'une chose, il s'ensuit que tout ce que je reconnais claire-ment et distinctement appartenir à cette chose, lui appartienten effet, en tant que son idée est dans mon esprit ou que je la

conçois. Mais il ne s'ensuit paa que cette chose existe réelle-ment hors de mon esprit avec les attributs que j'y reconnais.Les vérités mathématiques en sont un exemple. Nous conce-vons clairement et distinctement ces idées et leurs relationssans pouvoir en conclure rien pour la réalité absolue do leur

objet.« L'existence de Dieu doit passer en mon esprit au moins

pour aussi certaine que les vérités mathématiques qui ne

regardent que les nombres et les ngures » J'admets la paritéquant au genre de la vérité.

« Ayant accoutumé, dit Descartes, dans toutes les autreschoses de faire distinction entre l'e:clstel1ceet l'MMHee,je me

persuade aisément que l'existence peut être séparée de l'es-sence de Dieu, qu'ainsi on peut le concevoir comme n'étant

pas actuellement. Mais lorsque j'y pense avec plus d'atten-

tion, je trouve manifestement que l'existence ne peut non

plus être séparée de l'essence de Dieu que de l'essence d'un

triangle rectiligne la grandeur de ses trois angles égaux àdeux droits, ou bien de l'idée de montagne l'idée d'une vallée;

N<M.V,S3.2. Jbid.

Page 147: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMENTER<oa

on sot t~qu'il n'y a pas moins do répugnance de concevoir un

Dieu, e'est-a-dire un ~tre aouverainement parfait auquel

manque l'existence, c'est-à-dire auquel manque quelque per-

fection, que de concevoir une montagne qui n'ait point de

vallée Je trouve un véritable sophisme dans ce raisonne-

ment. Sans doute lorsque, ayant défini Dieu un ëtro qui a

tontes les perfections, voua considérez l'existence comme une

de ces perfections, il répugne à notre d6<hnt!on d'exclure

t'existenoe de l'idée de Dieu. Maia c'est !a une vérité logiquefondée sur le principe de contradiction point do montagnesans vaUée, point d'enet sans cause, etc. Ceta serait logique-ment vrai quand il n'y aurait pas de montagne ni de cause

réelle au monde.

On a objecté contre l'argument de Descartes qu'il ne prou-vait pas que Dieu, ou qu'un être souverainement parfait, fût

possible, et que l'argument n'était vrai, ou l'existence de

Dieu certaine, qu'autant que cette notion était possible, c'est-

à-dire qu'elle n'admettait pas d'éléments incompatibles entre

eux. Mais quand même il n'y aurait pas d'incompatibi)itéentre les éléments que l'esprit réunit sous cette idée, il ne

s'ensuivrait pas nécessairement qu'elle cat hors de l'esprit un

tel objet ou un modèle réellement existant. Descartes met

l'existence au nombre des attributs ou perfections de l'être

réel ou purement idéal qu'il appelle Dieu. Mais avant de con-

cevoir des attributs dans un sujet, it faut savoir s'il y a un

sujet existant*. Or, la manière dont nous pouvons nous assu-

<.W~.V,S3.2. Mecela seul que je ne puis concevoir Dieu que comme existant, il

s'eusuit que t exMence est inséparable de lui, et partant qu'H existe vêrtta-

blement, non que ma pensée pnbse faire que cela soit, ou qu'elle impose

aux choses aucune nécessite mais an contraire la nécessite qui est en la

chose même me détermine & avoir cette pensée. (JM. Y, 9 4.) On confond

ici la nécessite des idées avec la nécessité des choses. Je trouve dans mon

esprit la nécessité de concevoir des causes efBcientes quand je vois des

phénomènes qui commencent, et je suis conduit par l'exercice de mes

facultés à pousser cette notion de cause jusqu'à cette de Dieu. Mais la né-

cessité d'un être souverain, parMt, n'est pas imposée à mon esprit comme

une vérité nécefsaire. Car combien d'hommes en qui ftte ne se troove

Page 148: Maine de Biran: Science et psychologie

WH ).ESM'6~tTATtO!!8fE ttESHAMRa <M

rer de la réalité du aujot estérionr on étranger a nona.memeane ressemble nullement à la manière dont nous lui rappor-tons certains attributs, certaines qualités. L'existence réelle,absolne peut être affirmée on crue d'un sujet avant qn'it y ait

quelques attributs distingués du sujet. Cette distinction est le

premier pas de la connaissance. Mais avant elle est la croyancenécessaire que la chose existe et si cette existence n'est pascrue nécessairement ONprimitivement it faut qu'elle soit jus-tirée par l'expérience ou par le fait. Je pnis me faire t'MeeoM

l'image d'une chose ou d'une peraonne doaee de telles qna-tités, ayant telle physionomie, tel caractère je pourrai feindre

que cette personne a fait certaines actions conformes a soncaractère je ferai le roman de sa vie, etc. Il n'y a rien d'im-

possible dans mon roman il pourrait mémo arriver parhasard que je rencontrasse une personne semblable a cette

que mon imagination représente, ayant passé partes circons-tances que j'ai imaginées mais avant la rencontre, tout ce

que j'ai imaginé n'a point de réalité extérieur&, ou du moins

je n'ai pas le moyen do to savoir. Le raisonnement et les

comparaisons répétées entre ce que je conçois par l'imagina-tion et ce que je perçois peut me convaincre do la possibilitéde mon idée, mais il ne m'assurera jamais de la réalité for-melle de leur objet. Cette réalité n'est jamais susceptible dedémonstration on la croit nécessairement, ou on reste tou-

jours dans le doute à son égard.Ceux qui assimilent les

moyens qui peuvent nous servir a

prouver des existences, avec la méthode des hypothèses phy-

siques oumathématiques, employées à démontrer que tels

faits s'accomplissent réellement dans la nature de manière à

nous montrer certaines apparences, setrompent évidemment

pas Ttudte que la notion de !'cxtstcaee réelle des fahstanf~. des cauees de

phénomènes est MmtveneUe on commune à tous les esprits. L'idée de t'exis-tence peut être prise pour l'existence même, quand it s'agit des Cgure:'

mathématiques, car il dépend de moi de les réaliser. Mais il n'en est pas demême de l'idée d'un Mre indépendant supposer son existence ou en avoirl'idée n'est pas t'apercevoir. (M. de B.)

Page 149: Maine de Biran: Science et psychologie

CMWtEMAMM!iM

car avant qu'une chose aoit de telle manière, i! faut qu'elle

esiate. Si !a croyance d'une existeaee réelle n'était pas néces-

sairement jointe ta l'idée dit soleil que je vois, grand comme

un plat, attaché à une vente bleue, elle ne 9'fMaoc!eFa!tjama)a

h la notion astronomique du véritable soleil, plusieurs mil-

liera de fois plus gros que la terre et FecaMdans l'espaco h

trente-quatre millions de lieues. En état~ssaat par le ra!aon-

nomont et la méthode dos géomètres cette dermere vérité,

commo celle des relations des lignes qu'on sMppoae tirées

dans t'espace, je ne trouverais jamais qae !'idée d'MMao!e!t

posNiMeavec telles dimensions, et non point la eroyance d'un

soleil actuellement existant.

« Noas somMes tellement accoMtafïoa, dit Descartes, &

distinguer dans toutes teaaHtpes choses l'existenco dei'~seHc~

que nous ne prenons pas assez garde comment elle appartient

à l'essence de Dieu, plutôt qu'à celle des autres choses. Mais

pour lever cette première diMcutte. il faut faire distinction

entre l'existence possible et la M~'Ma<re, et remarquer que

l'existence possible est contenue da~s !a distinction de toutes

tes choses que nous concevons étalement et distinctement

mais que l'existence nécessaire n'est contenue que dans laseule

idée de Dieu. Car encore que oc us ne concevions jamais les

autres choses sinon comme existantes, il ne s'ensuit pas

néanmoins qu'elles existent, mais seulement qu'elles peu-

vent exister, parce que nous ue concevons pas qu'il soit néces-

saire que l'existence actuelle soit conjointe avec leurs autres

propriétés, mais de ce que nous concevons clairement que

l'existence actuelle est nécessairement et toujours conjointe

avec les autres attributs de Dieu, il suit de là nécessairement

que Dieu existe*. » L'existence n'est point un attribut; mais

tout attribut, toute propriété ou qualité suppose nécessaire-

ment et toujours l'existence réelle et actuelle de qnsiquc

être*. Je dis que l'existence actuelle (et non pas seulement

<. Bescartcs, B~aaM a!i.):a''M e&fH~ § i2.

2. Gassendi a objecté avec raison que l'existence ne peut être eotMld<r!e

daus une chose comme une perfection (ni par snite comme on attribut) et

Page 150: Maine de Biran: Science et psychologie

awa Ha M6t*tTAt<at<aCR csae&aMs <?

poMiMe) est nécessairement contenue dans toute nation;et quoiqu'il puisse être vrai de dira quo l'e&iatonee n'aat eoa-tenue dans aucune notion autre que celle do Dieu, entondaut

par là qu'il est impossible d'apercevoir un phénomène sanscroire ou sans avoir nécessairement présente &t'eaprit ta notiond'une auhatanco en qui réside le mode ph6nom<5n!qMeoMd'une cause qui !e f)Htcommencer. Et cette notion entpattaavec elle md!v!a!Moment reshtenco réoHe et actuelle de lasubstanoe et de la cause indépendante du phénomène produit,

puiaqa'etta est conséo rester appâtai conMnesubsister avant.L'existence et l'essonce sont oomplètement identiquos toutesles fois qu'il s'agit de cause ou de substance. Cette doublenotion de substance et do cause ne peut avoir qu'une réalité

formette; elle n'a point do réalité objective, puisque lasubstance ni la cause ne se représentent point absolument &

l'esprit. Nous savons seulement, nous assurons quelles exis-tent dès que les phénomènes se présentent à nos sens.

Lorsqu'on oppose l'existence possible de toutes tes choses quenous apercevons à l'existence nécessaire, on a égard aux pro-cédés du raisonnement qui reMonte dans la série des notionsaux causes emcientes, plutôt qu'aux lois naturelles de notre

esprit dans la perception ou la connaissance.

Considérant que nous avons commencé et que nous cessons

d'être, que toutes choses fluent sans garder de formes cons-

tantes, que les générations et les destructions se succèdentsans cesse dans la nature, nous reconnaissons des êtres con-

tingenta qui peuvent être ou ne pas être et nous disons queleur existence quoiqu'elle soit réelle et actuelle n'est pasnécessaire, c'est-à-dire qu'ils pouvaient être ou ne pas être,

que leur existence est contingente. C'est le contingent qui estici opposé au nécessaire. Un être contingent et passager n'enest pas moins réel et actuel pendant qu'il dure tandis qu'un

etunechosemanqued'exbtemce,onne dit pas qn'eUesoithnparMte,matsbienqu'eUeest nulleonqu'euen'est pointdntout.Mn'yt pointde<tmf<M.dit M.AnciJlon,et t'enne peutaBtnnefleurexistence il n'y a apointd'exie-tence,s'Nn'y a quelquechosequiexiste.(M.de B.)

Page 151: Maine de Biran: Science et psychologie

COMHKKTAtM!<fM

être Mmptompnt possible n'est pas aetuct ni réel. Le tangasedo Dpaeartea, souvent inexact, j'eat surtout dans e<!«e acfa-sion. On peut donc dir~ que la t'aueo ttHpr&meest la faute en

qui l'existence nécessaire soit conjointe avec tous les autres

attributs; mais non qu'elle est la seute en qui l'existenceRoit conjointe avec cas attFtbota. Car cette CN~a~MH enres'ateaco actuollo est aussi n~cesaatro quand it a'ag~ (t'MMt'sabstanee ou d'uno cause subordonnée quotcMnqMO,quetnraqn'i! s'agit de Dieu. Et nous ne nouft ~tevons a cette dw-ni&rcMotionque longtemps apr!'s avoir conçu qu'il y a n~cos-Mttt'tMent (tea SMbataneeaet ~aa caasea dana )c monde des

pbéttom&nea et que nnus sommea noMs-m&meades causes,des substances. D'ailleurs q~c seraient des attributs et desntodea qui no seraient pas nécessairement conjoints avecl'existence réello et actuelle d'une substance? Ne soraient-ce

pas de pures abstractions?

Ronchtoas quo si l'existence nécessaire n'appartient qu'àDieu, en tant qu'it est la cause suprême et ta dernière raisondes existences, M~MMafa<to~efMM,t'existence reeMcet actuetton'en est pas moins conjointe avec toutes les perceptions deschoses hors de nous et inhérente à toute notion de substanceet de cause qui entre comme élément nécessaire dans ces per-ceptions.

« Ne distinguant pas assez soigneusement les choses quiappartiennent à la vraie et immuable essence d'une substancede celles qui ne lui sont attribuées que par une notion denotre entendement, encore que nous apercevions assez claire-ment que l'existence appartient à l'essence de Dieu, nous neconcluerons pas de là nécessairement que Dieu existe, par-ce que nous ne savons pas si son essence est immuable et

vraie, ou si eUe a seulement été faite et inventée par notre

esprit. hlais pour ôter cette seconde difBcutté, il faut pren-dre garde que les idées qui ne contiennent pas de vraies etimmuables natures, mais sentiment de feintes et composéespar l'entendement, peuvent être divisées par l'entendement,non seulement par une abstraction ou restriction de la pensée,

Page 152: Maine de Biran: Science et psychologie

svn ma M~MfWMM<~ nuacAnïta <&?

Mais par wnc ctairp et distincte opération en sorte que tes

phases que t'cMtendement ne p~Mtpaa ainM dhioer n'ont p'tiatsans doute été faites ou composées par ht! Ce « ~«MtM

me paraît juste, et je t'adapta pour prouver quo toute relation

de substance au mofte, da caHSo & e~pt ac peut t~fh ~t~

con)poa6e pt~rMotre etttendMnent.pmaqtt'i! naMSt'stimpt~MMe de conepve!f un modo qm ne soit pna !ah6rent &Mne

sMhstaace aetMe!tcmentextatante, non ptna qu'un ph6nfn~n<'

qo! commenoe oana Mnceauae, que noMs ne pouvoMs Mon

ptas noMa empêcher da croire cs!ataate. A!na! ce n'ext paaseutement avee la notion de iMoM,Mais dp ptua avec coMed<*

tonte cause ou SMbstanceque t'existeneo est a~eesaairetnent

conjointe, quoique dana un antre sens Dieu sent existe néces-

sairement et par soi. T~nte substance ou canae a une vraie et

immuaMe nature que notre esprit n'a point faite et qn'it ne

peut changer. L'argument de Descartes a donc te défaut d'être

p) is dans un sens partieutier, pendant qu'H est universe!.

Chaque faculté porte avec eue son témoignage ou son

cM~MMt de vérité et nous M nous trompons qu'on voûtant

apptiquer l'une quelconque do ces facultés a ce qui n'est

pas de son domaine. Descartes ne reconnaît que l'auto-

rité de t'atmrception interne. On ne voit pas pourquoi it ré-

cuse cetto~e ta mémoire, et veut absolument qu i) n'y ait do

vérité d~tt nous ne puissions être assurés invariablement,

qu'auta~que Dieu existe.

Tout ent à Mon distinguer les caractères qui constituent

pour nous l'existence rée!te des choses ou des êtres, de ceux

d'ou dépendent seulement leur vérité ou possibilité idéale.

Cette possibilité est ce que les métaphysiciens appellent t'es-

sence de l'objet têt qu'il est représenté par une idée de l'esprit.Je conçois, par exempte, l'essence d'un dodécaèdre régulier,ou d'un corps solide compris sous douze plans, en ce qu'untel corps est possible et que son essence est véritable, quoiquej'ignore s'il y a quelque dodécaèdre existant. Mais je ne puis

t. ne~cart~.B~OMeOM.rpxmth'Me~eeMoM,§i2.

Page 153: Maine de Biran: Science et psychologie

coHMtWMtM!4M

concevoir un décaèdre fégatier, quoique t'anatogie deamots

Moconduise &inventer un toi signe, parce qu'un tel corps eat

impossible ou qu'it n'a point d'eaaenea, même dans mon

entendement. Après avoir reconnu cette impossibilité ou nut-

t!t6 d'essence idéale, j'afnrme positivement qu'it n'existe pointde décaèdre régulier dans la nature.

II pacatt par cet exempleQue dana les Meoa que ROM8composons noue-mômes,

t'eaMtMOvéntaMe, ou la possibilité de la choso conçue aMMit

pOMpnoua assurer non pas que la ollose existe MtMettentent

totta MHMnous la eoaeevona, mais qu'elle peut rA«t)ement

exista, ce que nous parvenons Il constater par dea expé-riences ou des recherches dont l'inutilité ne saurait jamaisnous convaincre que la chose n'existe en aucun liou de t'espaceou aucune époque de la durée. Mais tout doute disparaît lors-

que nous réalisons nous-mêmes ces idées, comme font les

géomètres et les artistes qui peuvent faire qu'un objet dont

ils conçoivent l'essence idéale, passe du possible à l'actuel.

2° Dans les choses que la nature compose, nous connais-

sons l'existence avant de connaître l'essence véritable, et

indépendamment de cette essence, ou de ce qui fait précisé-ment qu'un tel être était possible avant qu'it existât. Nous

n'avons pas besoin de connaître cette essence pour nous

assurer de l'existence des êtres, les moyens naturels quenous avons, nous sont donnés avec les perceptions~tes sens.

3° Quant aux idées ou notions qui ne sont pas notre

ouvrage, qui sont données toutes faites à notre esprit avec la

croyance nécessaire d'une existence réelle et actuelle, il n'y a

aucune dtstinction à faire à leur égard entre l'essence et

l'existence, aucun doute possible à former sur celle-ci, ni

aucune lumière &acquérir au-dessus de celle que nous donne

la nature. Reste à savoir si la notion de Dieu, celle de l'âme

séparée, est au nombre de ces dernières auquel cas il n'yaurait pas plus de ~mo~M~a p<MN&&de sa réalité qu'il

n'y en a de celle de la substance matérielle, des forces

actives, etc. Et l'argument de Descartes serait inuti'" car il

Page 154: Maine de Biran: Science et psychologie

aua H:a M~tTA~ansM o~etntss i09

n'y a rien à démontrer sur des notions qui emportent avec

c!!es la réalité il ne a'agit que do les eeastatcr. On dirait, à

entendre Descartes et les métaphyaiciena, au il est !ibre !t

notre esprit do faire entrer l'idée d'existence dans une notion

ou idéo, ou de ren aëpaFe~ oa de montrer par le raisonne-

ment qu'etto lui appartient. 'Assurément si rejnsteaoe reeHa

n'était pas donnée à notre esprit, il ne la conoevrait jamais

par déduction.

M6MTATKM)Vt

Descartes distingue r<MM~<M«<t<Mtde la pure tH<c//ce<[MMOH

conception. Il cite en exomple le triangle qui n'est pas soule-

ment conçu comme une figure composée de trois lignes, mais

do plus représenté ou rendu présent par la force ou l'applica-tion intérieure do l'esprit, ce qu'il appelle HH~MMr.

A cet exemple, il oppose celui du cMtiogone où l'esprit

conçoit qu'il l'agit d'une figure composée de mille côtés,aussi facilement qu'il conçoit que le triangle est composé do

trois lignes seulement, mais sans regarder ces mille côtés

comme présents avec les yeux de l'esprit. Descartes emploiele mot concevoir pour exprimer une pensée quelconque que

l'esprit attache à un signe, lorsqu'il n'y a pas d'images ou

d'idée claire réveulée en lui, pourvu toutefois qu'on entende

le sens du mot. C'est ce que Leibnitz appelle pensée aeeMy/e

«Maym&o~Ke. Et il faut bien distinguer les cas où les signessont destinés à représenter des choses dont il y a des images

possibles, de ceux où il n'y a proprement rien à représenter,comme lorsqu'il s'agit de notions purement intellectuelles et

morales. Lorsque nous mettons une pensée aveugle ou sym-

bolique à la place d'une idée claire que nous pourrions avoir

an moyen d'une contention d'esprit sufnsante, ou encore qu'il1

nous est impossible d'obtenir actuellement à cause de la M.

blesse de notre imagination, on ne peut pas dire que l'esprit

pMcede par pure intellection. H y a plutôt défaut d'exercice

d'une faculté qu'emploi d'une autre faculté particulière. Mais

Page 155: Maine de Biran: Science et psychologie

CCMMEKTAtMStiO

nous appliquons l'intellection et !a conception aux signes qui

expriment des notions dont il n'y a paa d'images.« La faculté d'imaginer qui est en moi, autant qu'elle dittere

do la puissance de concevoir, n'est en aucune façon néces-

saire à ma nature on à mon essence, c'est-à-dire à l'essence

do mon esprit car encore que je ae l'eusse point, il est sans

doute que je demeurerais toujours le même que je suis

maintenant d'o& il semble que l'on puisse conclure qu'elle

dépond do quelque chose qui diffère de mon esprit.

L'esprit en concevant se tourne vers lui-même et considère

quelqu'une des idées qu'i! a en soi mais en imaginant il se

tourne vers !o corps, et considère en lui quelque chose de

conforme à l'idée qu'il a lui-même formée ou qu'il a reçue

par les sens. Je conçois aisément que l'imagination se peutfaire de cette sorte, s'it est vrai qu'il y ait des corps; et parce

que je ne puis rencontrer aucune voie pour expliquer com-

ment il se fait, je conjecture do là que probablement il y en

as. Le corps concourt aussi nécessairement *à l'intellection

qu'à l'imagination. En offet je ne concevrais pas p!us le

triangle que le myriogono si je n'avais des signes auxquelsces conceptions fussent attachées, et de plus s'il n'y avait l'idée

d'une étendue extérieure dont l'aperceplion immédiate de

mon propre corps est le type nécessaire. Tout signe est néces-

sairement matériel ou tiré de quelqu'un de nos organes. Pour

concevoir, il faut donc que l'esprit s'aidant de quelques signesse tourne aussi vers le corps d'une manière quelconque. Il

est vrai que la fonction du corps-ou du cerveau, dans la pureintellection ou dans la conception des idées qui ne se rappor-tent pas aux sens externes, est diuérente de celle qui a lieu

dans l'imagination ou la représentation des idées qui se rap-

portent a un sens externe quelconque, le cerveau étant plusactif dans ce dernier cas, on requérant un déploiementd'effort plus énergique, plus précis de la part de l'âme. ]Hais

l'on ne peut pas conclure de là que le corps ne prend aucune

1.3féd.Vt,§2.

Page 156: Maine de Biran: Science et psychologie

Sfa MS ~6tTAttOSS t'R BSSCtNTES iH

part & l'intellection ou & l'acte quelconque de la pensée; ets'il n'y prenait aucune part, il n'y aurait point de MMt,parsuite point de pensée.

De là on peut mieux comprendre le sens suivant lequel onpeut dire avec Desoartes que l'imagination en tant qu'ellediCere de la puissance de concevoir (ou d'apercevoir) n'estpas nécessaire à l'essence de l'esprit ou du HMM.En effet, pourêtre moi ou apercevoir mon existence individuelle, pourpenser et agir enfin, il n'est pas nécessaire que mes sensexternes, aMectésdu dehors, transmettent des impressions aucerveau, ni que cet organe central retenant ces impressionsou conservant les images des objets, les retrace ensuite soitspontanément, soit par un effort déterminé de Famé il suffitque l'âme exerce une action ou un effort déterminé sur lecorps, par l'intermédiaire du cerveau, et qu'en commençantte mouvement elle l'aperçoive comme un eHet dont eUe estcause. Cet effort appliqué au rappel des signes, et par eux àcelui de quelque notion antérieure est un acte d'aperception,d inteltection pure sans imagination.

Descartes examine ensuite ce qu6 c'est que se~M-, et si doces idées reçues dans l'esprit par cette façon de penser qu'onappelle ainsi, on ne peut pas tirer. quelque preuve de l'exis-tence des choses corporelles.

« Certes, dit-il, en considérant les idées de toutes ces qua-lités sensibles (couleurs, odeurs, saveurs, sons, etc.) qui seprésentaient ma pensée et lesquelles seules je sentais pro-prement et immédiatement, ce n'était pas sans raison que jecroyais sentir dos choses entièrement différentes de ma pen-sée, à savoir des corps d'où procédaient ces idées; car j'expé-rimentais qu'elles se présentaient à elle sans que mon consen-tement fut requis, en sorte que je ne pouvais sentir aucunobjet, quelque volonté que j'en eusse, s'il ne se trouvait pré-sent à l'organe de l'un de mes sens, et en ce cas il n'était pasen mon pouvoir de ne pas le sentir'.M »

1. Descartes dit phM bas (avant d'avoir reconnu fcxMtcuFe de Dieu)Quoique )M idées que je re<~)is par tes seus ue dépendent pas de ma

Page 157: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMENTAMBlia

L'auteur se sert ici du rapport de eausatité et de la tMutté

que nous avons de percevoir certaines modiBcationa eommo

effets de quelque foroe ou cause différente du moi et opposéeà lui pour étabHr l'existence réelle des corps.

Mais, à moins qu'on appelle corps les causes inconnues des

volonté, je ne puis en conclure qu'elles procèdent de choses dMerentes demoi, puisque peut-être il se peut rencontrer en mot quelque faculté inconnue

jusqu'ici qui en soit la cause et qui les produise. xJe réponds que dans toute

hypotMse, cette cause n'étant pas moi, eu lui étant mêmeopposée, ta &eutMdont il s'agit ne pourrait pas plus être dite en moi ou 4 mot que ne Fett lafaculté de nutrition, de sécrétion, quoiqu'on pnt dire par hypothèse qu'unetelle faculté de produire des sensations Mna le eonconrf) d'aneun objet exte-rieur et contre t'hnpuMon de la votante appartint a t'ame on au eorps. Car

je ne puis dire qu'une chose est en moi ou m'appartient qu'autant que jepuis la reconnaMre ou t'apercevoir par une attention suNMnte de l'espritet il répugne de Mpposer que ce que je reconnais ainsi comme étranger on

opposé & moi soit t'enet d'une taontte on puissance que j'anrab sans lesaroir. Cette amphitMiogieprouve clairement la nécessite de rostreindre ce

qu'on appelle moi au fait de conscience ou &la volonté en exercice.Dans ses réponses aux premières objections. Descartes reconnatt qu'une

puissance telle que ceUe de se conserver ne peut être dans un être pensantsans qu'il s'en aperçoive « Car~ dit-M, comme celui qui s'interroge soi-

même, ne se considère que comme une chose qui pense, rien ne peut êtreen lui dont il n'ait ou ne puisse avoir connaissance, 4 cause que tontes iesnotions d'un esprit, comme serait ceiie de se conserver soi-même, si cite

procédait de lui, étant des pensées et partant présentes et connues &l'esprit,celle-là comme les autres lui serait aussi connue et présente, et par elle,il viendrait nécessairement à connattro la faculté qui le produirait; touteaction nous menant mecessa rement à la connaissance de la tacuMé qui la

produit. En tant que je suis un être pensant, moi, il est évident que jeconnais tout ce qui m'appartient ou me constitue moi, puisque je ne suistel que par l'aperception interne ou la conscience. Ce qui n'est pas dansles limites de cette conscience ou connaissance intérieure ne saurait doncêtre dit en moi. Mais it n'en est pas ainsi on tant que je prends pour moimon individualité tout entière, savoir le corps propre en qui et par quije sens des impressions, j'exécute des mouvements, et la force qui se

déploie sur lui, avec la conscience d'ette-même. Je puis dire ainsi qu'N se

passe en moi beaucoup de choses qui ne viennent jamais & ma connais-naissance, telles sont toutes les fonctions de la vie organique. Le principevital a, en enet, comme en réserve des forces qu'B dépieie dans le besoin etdont le moi ne se doute pas. Il en est de même de l'lime pensante qui asouvent en elle des trésors ignorés jusqu'à ce que les circonstances en per-mettent le développement. Mais il est vrai de dire, comme Descartes, quetoute action dont nous avons conscience mène nécessairement à la connais-sance de la faculté qui la produit. (M.de B.)

Page 158: Maine de Biran: Science et psychologie

SUa MES M&MTATMMtS CE PESCARTES ii3

modifications passives que nous éprouvons par dos sen&quel-conques externes ou internas, il est impossible de dériver decette source unique l'idée que nous avons d'une substancematérielle comme existante réellement et actuellement horsde nous;<et nos idéologues modernes qui se sont plus parti-culièrement attachés à l'analyse de cette question, n'ont pasbeaucoup ajouté à ce que Descartes en avait dit dans ce pas-sage des Jtf~t/a~MM. Ce philosophe ajoute

« Parce que les idées que je recevais par les sens étaient

beaucoup plus vives, plus expresses, et même à leur façon

plus distinctes qu'aucune de celles que je pouvais feindre domoi-même en méditant, ou bien que je trouvais imprimées enma mémoire; il semblait qu'elles ne pouvaient procéder demon esprit; de façon qu'il était nécessaire qu'elles fussentcausées en moi par quelques autres choses. Desquelles choses

n'ayant aucune connaissance, sinon celle que me donnaientces mêmes idées, il ne pouvait me venir autre chose à l'esprit isinon que ces choses-là étaient semblablesaux idées qu'ellescausaient'. »

Ici je trouve que l'auteur échoue complètement dans le pro-jet d'exposer ndelement ce qui se passe en nous dans l'actede la perception. Certainement en n'examinant que cet acte

par lequel nous rapportons ou attribuons certaines modifica-tions passives à quelque cause ou force indéterminée connueà l'instar de notre moi, par induction, et supposant que nousn'eussions aucune connaissance de cette cause étrangèreautre que son effet sensible actuel, il ne viendra jamais à l'es-

prit d'un être intelligent que les causes soient semblables auxsensations ou aux idées qu'elles produisent que la cause dela sensation de chaleur ou de piqûre, par exemple, sente le

chaud, la piqûre que la cause de l'odeur de rose éprouveelle-même cette modification. Cette assimilation ou identitéde la cause efficiente avec l'effet produit est absolument

opposée à la nature de la relation de causalité, où i'antécé-

i. JMd.Y),SS.8

Page 159: Maine de Biran: Science et psychologie

COHMEKTAtttEii4

dont e~t essentiellement distinct et sépare en temps de soneffet trausitoire, et n'a par conséquent aucune analogie denature avec lui.

Descartes a confondu dans cet exemple, comme partout,les intuitions où nous percevons immédiatement quelquechose d'étendu et d'extérieur à nous, comme dans un espaceétranger, avec les affections où nous ne sentons que les mo-dincations de notre propre substance.

Lorsque nous avons l'intuition d'une étendue cotoréo, sinous pensons à la cause qui fait commencer pour nous ce

phénomène, nous reconnaissons que c'est l'étendue ette-memo

qui reste, soit que nous la percevions ou non, et qui se mani-feste elle-même au sens disposé convenablement. Dans ce cas

seulement, il peut venir à l'esprit que la cause qui fait com-mencer une intuition étendue est étendue. Mais l'idée quenous avons ainsi de la substance étendue, colorée, ne res-semble pas seulement à cette substance, elle lui est identique.L'étendue colorée elle-même, en tant qu'elle se manifeste,est improprement dite cause de sa manifestation, puisqu'ellene l'est que des moyens ou des signes naturels de cette mani-festa'ion. Elle est cause en tant qu'elle est censée agir surnos sens; mais l'effet sensible do cette action ne ressemble

pas à la cause qui le produit; et lorsque l'esprit perçoit lasubstance d'après un tel effet sensible, c'est elle-même et non

pas son idée, son image ou sa copie qu'il perçoit.Il y aurait encore des recherches importantes à faire sur la

nature et l'origine de notre idée d'étendue, et particulièrementsur le rapport de cette idée avec celle de l'impénétrabilité, en

prenant garde de bien distinguer ce qui appartient à, deux

points de vue presque toujours confondus par les métaphysi-ciens, savoir les phénomènes ou le résultat des rapports queles choses du dehors ont avec nos sens, et les twumènes oules choses considérées comme elles sont dans leur rapport lesunes avec les autres et indépendamment de notre esprit quiconçoit ou entend ces rapports entre les choses sans les per-cevoir.

Page 160: Maine de Biran: Science et psychologie

sua LtS M~nn'.WOXSttE BESC.~TES «5

Ce quo nous appelons t'~n~Mp est la forme commune des

perceptions de la vue et du toucher, On peut la considérercommel'effet de l'impression produite parle contact immédiatdo nos organes et des objets sur los sens et sur le cerveau,1effetdont la cause est indéterminée, inconnue par sa nature,et induite du sentiment de notre causalité. On peut consi-dérer aussi l'étendue comme la chose même on l'attributessentiel de la chose qui nous est représentée par le sens dela vue et du toucher.

Le premier point do vue est philosophique et réttéchi lusecond est v ulgaire, naturel et irrénéchi. Dans le premier, il

y a lieu à chercher ce que peut être en elte-memc la causo

qui produit pour nous le phénomène de l'étendue, et les sys-tèmes de Leibnitz, de Boscovich tendent à résoudre cette

question. Dans le second, il n'y a rien à demander. Nous per-cevons immédiatement la chose étendue, parce qu'elle esttelle par sa nature; il n'y a point là do rapport entre unecause et un effet produit, dont on puisse demander le com-ment. L'étendue se manifeste comme etto existe, mais ellen'existe point parce qu'elle se manifeste.

Descartes qui a identifié l'étendue avec la substance maté-

rielle, n'en a cherché la raison dans aucune cause autre queDieu qui l'a créée. Leibnitz et ceux qui, comme lui, ont dis-

tingué le phénomène de l'étendue de la substance réelle ou dela cause qui le produit ou le manifeste à nos sens, ont cher-ché la raison du composé sensible dans des êtres simples quiéchappent à nos sens et ne peuvent être conçus que par laraison.

Mais avant de philosopher ou de raisonner, nous avonsdes intuitions immédiates, et nous croyons à la réalité exté-rieure et indépendante de l'étendue qu'elles renferment. Cettefaculté d'intuition on de croyance porte avec elle son témoi-

gnage elle a son autorité irrécusable et qui ne peut être con*trôlée par aucune autre. Avant de pouvoir expliquer le rap-port de causalité hors de moi et pour que cette applicationpuisse se faire, il faut qu'il y ait un hors de NKM,c'est-à-dire

Page 161: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMESTÀtttElie

un eapaoe qui m'est donné comme la baae reeUe, neccssaiM1

de mes intuitions et même de mes aueetiona internes; e'aat

t. Noua ne contribuons on aucune manière &former ou a composer notre

Intuition d'étendue visible nous h recevons ainsi faite, composée da par-ties continues juxtapose!). Mest vrai que pour connaître cette composition,

pour avoir l'Idée des parties juxtaposées du composé, il faut penser,

abstraire, exercer l'activité de l'esprit. Mais M n'y aurait pas Max&eence-

voir ces parties, à panser par abstraction, si la chose sur laquelle t'Mpnt

op~ro ne lui <!tattdoum'o premièrement. Eu second )ten, il faut observer quecette notion ou eo concept de t'ctt'ndue fertxfe de parties juxtapMeea dont

on est coM'Mt à ~'tnfofMtcri'5cMes'Mat encore MoMd«e~,<mcampo~M, ou

dmpka et non cteuduca, comme Loibulta et BtMcevieh pr<iteMdomtcemee~

voir !oitt'Mmenta de !a mutièra, que cctto nottou, dis-je, toute autre quel'intuition ecni'iNf, conserve à peine quelques rapports avec elle comme le

MteMque conçoit l'astronome n'a plus qu'un rapport éloigné avec l'intuition

du soleil, attaeht a la voûte Neue, que tee aeua atteignent directement,

quoique ce soit toujouM sur cette Image que t'enteadement operp, et qu'ollesoit la base eMentieiie du raiMnoemeut doit calcula de la parallaxe. On ne

dispute pas sur l'intuition de t'ptendne, wa<<Mcn sur la notion pour savoir

et ette exprime rccUement ce qu'est Mtonduo en eMe-mèmo, mdcpeudaut-meut de notre ee.prtt ot elle a vraiment dt'it parties coMt!guea.juxtaposéeset par coutieqt'ent étendues, comme on te croit getMSrateMent,ou <tttcx eM-

meuts fimptes de la matière ue peuvent se toucher, (îtaut douea do forces

rfputetve:' qui croissent à nnntM torique les distances diminuent, suivant

l'opinion du père Boscovich. On regarde dans ces systèmes l'intuitiou d'une

étendue continue comme un pur phénomène qui n'a pas plus de rcssetn-

Nance avec la chose on la matière reeMe,que les simples apparences célestes

n'en ont avec la réalité des faits astronomiques. Alors il ne faudrait plus

parler d'une étendue extérieure réelle, mais de la cause de cette étendueet les philosophes M tromperaient autant toMqu'its parlent do l'étendue

visible, comme d'une chose qui est hors de l'esprit, que le vulgaire se

trompe lorsqu'il parle de l'odeur comme étant dans la Heur. Et pourtantrien de plus clair, ni de plus distinct dans notre esprit que l'Idée d'une

étendue continue, formée de parties juxtaposées, et donnée ainsi composée,comme extérieure réelle. Comment pouvons-nous amrmer contre le sens

intime que cette idée ne ressemble à rien de ce qui est hors de nous, n'est

la copie d'aucun modèle réel? Comment la misom peut-elle nous convaincre

que la notion formée par notre entendement avec les débris de notre intui-

tion, exprime mieux ce qui existe réellement Pourquoi m'en rapporterais-

jea l'autorité de mes facultés de raisonner, de déduire et d'abstraire, après

avoir récusé le témoignage de ma faculté de percevoir qui est la base de

toutes les autres On a distingué des qualités premières de la matière, quisont l'étendue, 1'impénétraMHtc, la divisibilité, la mobHIté, le nombre; SitM «yst~mf!' de t.mhttKx et <<«ttfMx'ovx'hétaient fMtdé!, il faudrait rayerl'étendue du nombre des qualités premières et la considérer comme une

qualité seconde, puisque le phénomène qui porte ce nom ne serait que

Page 162: Maine de Biran: Science et psychologie

swn HK8 M~crrATtONS DE nESKAMTEa M7

dans cet espace que les sens do la vue et du toucher perçoi-vent naturellement les couleurs et les qualités tactiles, en lui

que ma pensée place aussi les causes indéterminées de mes

affections passives, et nous ne pouvons concevoir de cause

étrangère que dans un espace, comme d'anection agréable ou

douloureuso qui ne soit répandue dans un espace du corps

propre, partie essentielle de notre individualité.

L'espace est donc la condition commune et, comme dit

Kant, la forme essentielle de toutes nos représentations ce

qui n'empêche point qu'il n'ait par lui-même la réalité exté-

rieure, absolue, cortiuée par notre faculté d'intuition.

L'espace, qui entre dans toutes les représentations, ne cons-

titue pas notre idée des corps M~ftCKfs, môme en y joignantla résistance, la cause qui arrête .nosmouvements et nous em-

pêche de passer outre. Cette cause, en tant qu'elle est opposéeau moi et hors de lui, ne peut être conçue que dans t'espacemais rien ne peut nous apprendre si elle est spirituelle ou ma-

t'enetd'unec<u)Mnonétendue,commeles sensations<t'<'<tc<t)'.dechattf),'tffroidsont te<e)Te<adeeaoMequineM~semNeatnullementà cet MttM-tions.Maisdanstous les systèmeson ne peut s'empfeherdoprendre<'<

pacecommeunechosefêeue et cet espaceest necei'mtMtnentcontinu,sanspart!e9composantesproprementdites.Lorsquenotmparcouronsre~-

pace,nous mesurons,nous comptonsnos mouvementsnouf apprenonfquecetespaceindéfinipeutêtrelimité,bornédanscertainssens et nous

y reconnaissonsdes parties.Msuit de là que cequiest donnéprimitive-mentparlaformedenosintuitionsde lavue et dn toucherest réellementet nepeut êtremis endoute,quelquesystèmequ'onadoptesur ta naturedesélémentsdela matière.

Nos sensations, nos intnMoM sont destinées par leur nature a nous asau-

rer de la réalité des choses et des rapports qu'elles ont avec nous et non

point à nous faire connattre ce que les choses sont en ettes-m&nx'!). Le

sophisme perpétuel des sceptiques est de prétendre inarmer le témoignage

des sens sur la seuie reatite à laquelle ils atteignent, en opposant leurs pré-

tendues erreurs sur ce qui n'est nullement de leur ressort.

Nos sensations seront les mêmes, dit Boscovich, soit que la matK'rc con-

siste en des points absolument inétendns et sépares entre eux par des

intervalles plus petits que tout ce qui peut tomber sous nos sens et que les

forces qui appartiennent à ces intervattes affectent les fibres de nos organes

sans aucune interruption sensible soit que la matière consiste dans des

éléments contigus, juxtaposés, étendus eux-mêmes, et qu'elle agisse sur

nous par un contact immédiat. (M. de B.)

Page 163: Maine de Biran: Science et psychologie

C<tMMt:NTAtnR~t8

térielta, tant qu'on n'y ajoute pas l'étendue. e'est-a-dire ta

propriété des parties eontiguës et juxtaposées, qui, en s'appli-

quant à des parties sensibles également contiguHs et juxta-

posées de notre corps, font éprouver au toucher cette im-

pression continue d'une étendue solide.

Nous pouvons savoir et parvenir à démontrer, par le raison-

nement, que sans l'impénétrabilité qui est essentielle à toute

matière, il n'y aurait pas d'intuition d'étendue, ou d'étendue

perceptible à nos sens. Ce qui fait que la matière est percep-lible, dit BoscovirMans son ouvrage très curieux intitulé:

~t/<MO~At<!fM<~W<t/M!pftHC~M ad KMt'MH)/~Mt !'<'<~«'/<t

(page 78), ne provient pas d'une extension continue, mais do

FimpénétrabUité, propriété de laquelle il résulte que les fibres

do nos organes sont tondues par les corps qui sont arrêtés par

elles, et que le mouvement est propagé vers le cerveau car

supposez que los corps fussent étendus et dénués d'impéné-trabitité, ils n'arrêteraient pas los mouvements dos fibres de

la main qui les saisirait, et n'y produiraient aucun mouve-

ment ils ne fouéchiraient pas non plus les rayons lumineux,mais sa laisseraient librement traverser par la lumière qui ne

recevrait d'eux aucune modification nouvelle.

Voilà ce que nous apprennent l'expérience et le raisonne-ment sur les propriétés de la matière considérée en elle-

môme. Nous croyons que si les moiécutes de la matière n'é-

taient pas douées d'impénétrabitité, c'est-à-dire de la faculté

d'exclure du lieu de l'espace que chacune d'eUe occupe toute

autre molécule, les phénomènes ne pourraient être te!s qu'ilsnous paraissent, et la matière ne pourrait se manifester à

nous telle que nous la connaissons par les sens. Mais il s'agitmoins de savoir ce que la matière doit être en elle-même pourse produire à nos sens sous telles apparences, que de savoir

comment et dans quel ordre ces apparences sont produites de

manière à ce que nous ayons l'idée de corps extérieur telle

qu'elle est primitivement dans notre esprit, et quels sont leséléments essentiels qui entrent dans cotte idée. Or, d'abord

quoique l'espace (ou le dehors indéSni) et la propriété de

Page 164: Maine de Biran: Science et psychologie

SHH M9 M~tTATtnNS pR ttRSCimfES ~9

rester à nos organes soient ait nombre de ces éléments,s'i)s étaient jtents, noua n'aurions paa l'idée de ce corps, maiacelle d'une cause ineunnue qui résiste hors Je noua et à

laquelle nous n'attacherions pas la notion d'impénétrabilitéabsolue. Car la résistance ou 1acapacité d'arrêter nos mou-vements pourrait être conçue comme une force active, diffé-

rente do la propriété passive qu'a une motéoute do matière

d'exclure toute autre du lieu qu'ollo occupe, ou do coexister

dans le mémo point de l'espace avec une autre en restant diffé-rente d'eUe.

Que faut-il donc do plus? il faut qu'une impression on unesensation quelconque marque dans cet espace Indénni une

portion déterminéo dont les limiles d'avec le reste de J'espacoconstitueront pour nous le corps qui est proprement une por-tion d'étendue limitée. Quelle que soit la sensation qui marquecette timite, ce sera etto qui complétera notre idée de

corps extérieur et, sous ce rapport, on pourrait dire quo l'es-

pace, joint ou non à t'impénôtrabitité, est la matière du corpset que la sensation limitante en est la forme.

La perception do résistance n'est pas un élément, essentielde notre idée, ou intuition immédiate du corps, quoique celle

d'impénétrabilité d'où dépend la résistance et les qualités s~n-sibles qui servent à nous manifester les corps, soit la propriétéla plus essentielle de la matière. Je sais, par exempta que la

lumière, traversant l'espace vide et impénétrable, ne peut enaucune manière se manifester à la vue. Mais sans éprouveraucune résistance matérielle, si une couleur ou un mélangede couleur tel que le spectre coloré ou le bouquet du miroir

concave, marque dans l'espace indéfini une portion éclairée,

colorée, en la séparant de celle qui ne l'est pas, j'ai la percep-tion d'une étendue colorée, d'un corps dont je pourrai ignorers'il est pénétrante ou non. La même chose pourrait avoir lieu

avec d'antres sensations, avec celle de chaud ou de froid, par

exemple. Si en parcourant avec ma main l'espace pénétrable,et ayant la perception de ces mouvements, je trouvais une

sensation de chaud, qui succédât à une sensation de froid,

Page 165: Maine de Biran: Science et psychologie

C<HtME?<TAtnE120

continue pendant que je parcours telle portion do l'espace, etcassant lorsque je passe dans une autre, je pourrais avoir la

perception d'un espace pénétrable, chaud ou froid, séparé parcertaines limites de l'espace indéMni où je n'éprouve pas lamême sensation, et partant celle d'une cause étendue de mo-difications passives ou d'un corps. Ceci suppose que l'exercicede notre faculté de mouvoir notre corps volontairement estessentiellement accompagnée de la conscience de ce mon~e-

ment, et inséparable de t'espace on do l'étendue pénétrabledans laquelle il s'accomplit comme du temps pendant lequelil a'acoomptit.

On objecte à cela que, pour sentir te mouvement, il fautavoir la perception d'un point fixe dont on s'approche ou

s'éteigne, c'est-à-dire connaître hors de nous quelque objetvisible ou tangible. Mais le hors de moi est l'espace (y com-

ptis notre propre corps) et cet espace est l'objet immédiat et

propre du sens du mouvement, comme la résistance est l'objetpropre de celui de l'effort inséparable de tout mouvement.

Quand je n'aurais rien vu ni palpé, il suffit que je me meuve

pour apercevoir immédiatement l'espace continu dont les par-ties correspondent à celles du temps ou à la succession de messensations de mouvement. Nous ne sentons notre propremouvement d'une manière immédiate, qu'autant que nousnous le donnons à nous-mêmes Motum tMM/fKntMOM$CM<!M!MMM!M~:H<M!/M!M!0~!MK!H<~MCMM!M(Boscovich).

Tout changement produit ou aperçu dans l'espace immobilen'est qu un mouvement. On demande un point on un cadrenxc dans cet espace pour que le mouvement (qui n'est que le

changement de distance à ce point) puisse être reconnu. Maisle cadre fixe est l'espace lui-même donné d'abord comme im-mobile à la vue et au tact externe ou interne de notre corpset la perception d'un changement arrivé dans cet espace oudans la sensation qui sert à marquer les limites d'une portionde cet espace est la perception du mouvement même. L'espaceimmobile que ma vue embrasse lorsque j'ouvre les yeux, ouencore la toile nerveuse appelée rétine, dans laquelle j'ai

Page 166: Maine de Biran: Science et psychologie

srn M3 M~MTATtOSSPBMStiAUTFS <8i

t'aperception interne immédiate comme de toutes tes partiesde mon corps, voilà la cadre nxe et jo n'ai besoin d'aucuneautre comparaison pour percevoir h's mouvements dos oh{ftavisibles, comme tus déptaeements successifs de mon corps ondo quelqu'une de ses parties. S'il s'agit des propres mouve-ments de mon corps que je produis à volonté, je les aperçoisimmédiatement comme indivisiblement unis avec cette sensa-tion particulière qui accompagne la courbure et la contrac-tion de mes muscles; cette sensation dinere essentiellementde toutes les autres en ce qu'elle est la seule que je produise,commence et suspende à volonté. Mest vrai qu'elle n'est pasla sensation même du mouvement, qu'eHe ne parait même

avoir aucune ressemblance avec la perception dn déplacementon du changement de situation dans l'espace; il est vrai

qu'on pourrait supposer un être qui aurait la sensation internemusculaire sans connaître qu'il change de place, comme on

pourrait on supposer un autre qui aurait la perception des

mouvements produits dans l'espace visible sans éprouver dosensation musculaire, quoique cette dernière hypothèse soit

inadmissible, parce qu'elle exclut la première condition do

l'individualité et par suite de tout jugement; mais il n'est pasmoins vrai que la sensation musculaire emporte avec elle

l'aperception interne de l'inertie du terme organique et étendusur qui la volonté se déploie et quoique la connaissance pré-cise de la situation des parties du corps les unes par rapportaux autres, telle que nous l'avons par le sens de la vue et du

toucher, ne soit pas comprise immédiatement dans le simpleexercice du sens musculaire, on ne peut douter néanmoins

que ce dernier sens ne soit spécialement approprié à l'aper-ception del'espace intérieur et itiimité du corps propre, commeà celle des changements qui y arrivent ce qui suffit pour cons-tituer une sorte de sensation du mouvement inséparable decelle de la contraction musculaire, identique avec elle et quine ressemble en rien à la perception des mouvements pro-duits dans l'étendue visible ou. tangible où notre volonté nes'étend pas immédiatement. Quant à ces derniers mouve-

Page 167: Maine de Biran: Science et psychologie

CMtMEKTAmE<a2

monta, nous ne les aentona paa, à proprement parler, maisnous jjngef'ns qa'ita ont lion, en tant que telle intuition ou

situation, localisée dans une partie déterminée do t'espaceextérieur, M trouve localisée l'instant d'après dans une autre

partie, comme lorsque l'image d'un point coloré correspondsuccessivement à différentes parties de la rétine, ou qu'unesensation quelconque de chatouillement, de pression passed'âne partie à l'autre de notre corps. H aufnt que la premièresensation soitioeansee pour que son déplacement ou son mou-vement dans l'espace fixe soit perça. Et il ne peut y avoird'illusions dans ces perceptions immédiates. Si je produismoi-môme le mouvement dans une partie du corps appliquéoà l'objet, il est impossible que j'attribue le mouvement à cet

ob}ot. Ce n'est que dans le cas où l'objet et l'organe qui s'yapplique, sont transportés l'un et l'autre par une force étran-

gère qu'il y a do l'incertitude et de la difficulté à reeonnaUre

auquel dos deux appartient le mouvement. Mais ici ce n'est

pas le sens qui est juge naturel entre deux apparences égatea.Le mouvement qu'il perçoit est toujours réel. C'est ici un doscas où il faut distinguer et reconnaitre avec soin une diffé-rence essentielle entre le phénomène et la réalité, entre l'idéeet la chose.

H n'y a de sensation simultanée que dans l'espace ou parl'espace et je crois impossible do concevoir qu'un être pûtéprouver deux modifications à la fois sans les confondre, s'ilne rapportait pas ces impressions à deux points coexistantsdans l'espace. En effet, toute impression non localisée et non

susceptible de l'être par sa nature ne peut être considérée

que comme une modification du moi, dont l'existence interneest opposée à celle de l'espace or, l'existence du moi estessentiellement successive, c'est-à-dire qu'elle constitue le

temps dont il répugne qu'aucune partie infiniment petite, ouinstant indivisible coexiste avec une autre partie ou un autreinstant. Ainsi toute modifieation simple ou composée del'existence du moi ne peut correspondre qu'à un seul instantde sa durée et il ne peut y avoir qu'une seule modification

Page 168: Maine de Biran: Science et psychologie

8MMma MentfATtossCEa~cAMTEs tas

dans Maseul et mêmo instant, comme H n'y a qu'un soulMta<.Maia il est de la nature do t'espace quo toutes ses par-ties coexistent distinctement ot séparément les unes dosautres dans le même instant, et restent immuables.

Do cotte propriété qu'a l'espace ou !'étond«e de se repré-senter comme un tout permanent, susceptible d'être diviséen parties, aussi permanentes, dont chaoune existe avectant dMMta division même, de là, dis-je, résulte la possibilitéde How~f ou de réunir sous une même idée, un mémosigne, plusieurs un:Ms qu'on fait coexister par la numérationmême. La géométrie ou la science de J'étendue M< doncavant celle de la numération ou t'arithmétiqne. De là résultela prouve !a plus directe que les affections ou les intuitionsno sont pas, comme disent les métaphysiciens, des modifica-tions de l'ame on du corps, mais bien des modes ou manièresd être de l'étendue organique où le moi les perçoit. Et il neperçoit deux on plusieurs impressions à la fois, comme unedouleur aux pieds et à la tète, une odeur, un son ou une cou-leur, qu'en tant qu'il les localise actuellement dans deuxparties distinctes de l'espace intérieur ou extérieur.

Donc s'il n'y avait pas un sentiment de l'existence du corpspropre, indivisible de celui du moi, et en faisant partie esson-tte)!e, il ne pourrait y avoir de sensations simultanées, dis-tinguées et reconnues multiples, mais seulement des modifi-cations internes, senties comme simples à chaque instant quiseraient distinguées de celles qui les suivraient à l'aide de lamémoire comme un instant de l'existence du moi est distin-gué d'un autre instant.

Le même raisonnement prouve qu'il ne peut y avoir plu-sieurs modes intellectuels ou plusieurs opérations de lapensée exécutés à la fois. Si la comparaison exige impérieu-sement que deux idées soient présentes à la fois, on peut direhardiment que ces idées sont rapportées à deux parties del'espace qui leur servent comme de signe. De là il résulteaussi que deux parties coexistes de l'espace ne peuventêtre distinguées l'une de l'autre ou perçues par l'esprit qu'en

Page 169: Maine de Biran: Science et psychologie

COMMENTAI~t

tant qu'elles correspondent à deux choses ou modi&eations

sensibles dont chacune d'elles est te lieu. Les relations à l'es-

pace comme au temps sont au nombre de ces relations primi-tives qu'on peut aussi appeler faits primiti fs, et dont il nous

est impossible de concevoir les éléments ou les termes sépares

par la raison que nous n'avons pas fait ou composé nous-

mêmes leur relation et qu'ils nous sont donnés ainsi par la

nature des choses ou celle de la pensée.Qu'est-ce que l'espace ou l'étendue sans quelque chose ou

mode visible, tangible, qui nous paraît étendu? Qu'est-ce quele temps eu la durée en faisant abstraction des choses ou

modes déterminées qui durent ou se succèdent? Qu'est-ce

que la substance séparée de toute modification, la cause effi-ciente ou force productive sans l'effet produit? Toutes ces

questions ne tendent à rien moins qu'à concevoir séparémentles éléments des faia primitifs, donnés à notre esprit comme

indivisibles, et qui cessent pour nous d'être des faits ou des

existences récites intelligiblee, dès qu'en donnant des signesà chacun des éléments distingués, dans le fait même, nousvoulons effectuer la séparation complète et faire comme le

départ des deux membres de la relation, en poussant l'ana-

lyse intellectuelle au delà des bomes do la nature ou de l'es-

prit humain.

Nous croyons que les premiers termes de relation, la subs.

tance, la cause, l'espace, le temps, existent réellement et

absolument, que les modes ou les effets n'existent que dansou par ces premiers termes mais nous n'avons point d'idée

séparée de cet absolu de l'espaco. Nous ne percevons, ni ne

pouvons imaginer aucun mode qui ne soit rapporté actuelle-

ment à une substance. Au contraire, nous sentons ou imagi-nons très bien certains effets sans penser à la cause on même

en en faisant abstraction, comme font les physiciens. La rela-

tion du mode a ta substance semblerait donc avoir un carac-tère supérieur de nécessité et de primauté.

D'un autre côté, puisque le moi ne s'aperçoit ou n'existe

pour lui-même qu'à titre de MM~e,il ne peut y avoir aucune

Page 170: Maine de Biran: Science et psychologie

SUR LES M&MTATMNS DE CESCAMTES ias

perception ou idée antérieure & h région de causatité qui

semblerait ainsi devoir être plus intime à l'esprit. N'y a-t-il

pas là une sorte de contradiction? La relation de substantia-

Uté est déjà dans le sentiment confus de l'existence avant la

personnalité distincte. Elle est renfermée dans les intuitions

ou les affections qui sont avant le moi. Mais cette relation

n'est connue distinctement qu'après la naissance du moi et

par suite après la relation de causalité. De là vient qu'au mo-

ment où nous existons pour nous-mêmes à titre de causes, la

notion de substance étendue se présente à notre esprit, non

point comme une chose nouvelle ou qui commence à exister,

mais comme une chose qui préexiste à notre connaissance et

qui était déj&dans les intuitions confuses de la sensibitité ou

de l'instinct même.

FiK

Page 171: Maine de Biran: Science et psychologie
Page 172: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPPORTS

SCIENCES NATURELLES

LAPSYCHOLOGIEoct.tSOtXCtCtSF~extTtSCECtS~atTHMaAtt)(i8i3)Cof~of'&BmacAXM? mfx/t&Ms

tMffBMm< <*<quod M< WMt~'est p)'oet<<eMt<a, <Mcorpore est

/~<MMt. LNMm!.

INTRODUCTION

§ f

Fondements de la distinction entre les points de vue desdoux sciences.

Observer les faits, les classer, poser les lois, chercher les

causes, tel est rordre des procédés assignés par la philosophiede l'expérience à l'esprit qui tend à s'étever des premierséchelons de la connaissance jusqu'au plus haut degré qu'ilsoit permis d'atteindre.

Cette marche régulière et progressive devinée par le génieet en quelque sorte par l'heureux instinct des premiers obser-

vateurs de la nature, a été tracé et en quelque sorte régulière-ment jalonnée dans les ouvrages modèles du célèbre restau-

rateur des sciences naturelles, Bacon, qui s'en servit lui-

même avec succès pour dresser la mappemonde de nos con-

naissances, en distinguant la vraie science formée d'aprèsces procédés méthodiques de la fausse dont le vide et les

erreurs systématiques paraissent évidemment se rattacher à

la transgression des mêmes procédés. Dans l'état actuel des

lumières et vu les progrès immenses que toutes les sciences

Page 173: Maine de Biran: Science et psychologie

MPPORTS DES SMEKCES KATURKH.ESi28

naturelles doivent, surtout depuis un siècle, à cette heureuseet même méthode d'M/t~wHce et d'tM~MC~MM,celui qui pré-tendrait élever dos doutes aur sa préémMence, provoquer unexamen plus approfondi des principes sur lesquels elle reposepour savoir si elle est également et aussi exclusivement hppro-~riée aux branches diverses de nos connaissances, si ~o

s'applique à la philosophie première, comme aux sciencesdérivées, à la détermination des faits et dos lois de l'expé-rience intérieure, comme à celles de l'expérience extérieure,serait jugé sans doute par les successeurs de Bacon comme teserait celui qui contesterait l'existence de la lumière à ceuxqui voient et le mouvement à ceux qui marchent. Je ne crainspourtant pas de m'exposer, dès mon début, à une préven-tion défavorable en observant d'abord

i" Que s'il y a plusieurs facultés de l'esprit humain, et nonpas une seule, comme on a prétendu l'établir et peut être enviolant la méthode elle-même ou classant avant d'observer, ildoit y avoir avant tout plusieurs méthodes et non pas uneseule, pour donner à chacune de ces facultés l'emploi et ladirection qui leur conviennent

2" Qu'ainsi cette unité de méthode ne saurait être conçuecomme praticable, s'il est vrai qu'en appliquant aux chosesextérieures certains moyens ou certains sens, appropriés à laconnaissance objective, notre esprit est disposé d'une touteautre manière, que lorsqu'il s'applique à se reconnaître lui-même par l'emploi d'autres moyens ou d'autres sens appro-priés si l'entendement humain a pour ainsi dire telle facedirigée vers le monde extérieur, et telle autre concentrée surses propres modifications ou actes, etc

3*Enfin qu'on prétendrait vainement transporter à la philo-sophie première ou à la science des phénomènes de l'esprithumain, les procédés de la méthode expérimentale, si l'obser-vation intérieure diffère essentiellement par ses moyens etson objet de celles qui sert de base aux sciences naturelles; siles faits de la première ne sont nullement susceptibles del'espèce d'analogie ou de ressemblance qui détermine les

Page 174: Maine de Biran: Science et psychologie

ATBCt~ PsYCHOt.ttOtE 1

ctassineations physiques ou si le point do vue qui rapprocheet réunit sous une idée et un terme communs les phénomènesqui coexistent dans l'espace, est opposé à cetui qui distincteet sépare les modes ou actes de l'esprit humain qui se suc-cèdent dans le temps; si les lois métaphysiques et nécessairesde la pensée contrastent avec les lois physiques, contingenteset variables enfin, si les causes physiques conçues dans unordre déterminé de sucession expérimentale des phénomènes,à laquelle s'attachent exclusivement les physiciens, diuerenttoid Ha~!<r<!des causes e/~c:tH~s, auxquelles s'attache te

psychologue comme au pivot sur lequel roule toute sa science.Ainsi il n'y aurait d'identique ou de commun dans les pro-

cédés des deux sciences que les signes observer, e/<M$ff,etc.,tandis que les choses ou les opérations sont réellement d'uneautre nature, puisque observer en psychologie n'est pas voirni exercer aucun sens externe, que classer n'est pas aperce-voir des ressemblances, que poser des lois contingentesou chercher des causes physiques n'est pas constater des lois

nécessaires do l'esprit humain et l'existence des causes efn-

cientes.La distinction générale que nous annonçons ici entre les

deux sciences considérées sous le rapport de leur objet, de

leurs moyens de connaître, et par suite do la méthode respec-tivement appropriée à chacune d'elles, a besoin d'être éctaircicet connrmée par des considérations do détail plus particu-lières, dans lesquelles nous entrerons après avoir posé quel-ques définitions essentielles.

I. Tout ce qu'un être pensant et sentant aperçoit ou

sent actuellement en lui ou hors de lui par quelque sens

externe ou interne, devient pour cet être ce qu'on appelle un

/<:&.Il. Tout fait a un caractère de relation essentielle c'est

un rapport à deux termes ou un composé de deux éléments

distincts et non séparés l'un de l'autre, savoir d'un sujet quiperçoit et d'un objet qui est perçu.

Ht. Sous le titre d'objet, on peut rentertUM'tout ce que9

Page 175: Maine de Biran: Science et psychologie

ttAPPOMS DES SOENCES NATUM~tESi30

l'être pensant perçoit, comme actuellement distinct du senti-ment de son existence individuelle, identique et permanente.Ainsi une modincation, même intérieure, peut être un objetpar rapport au moi, s'il la distingue du sentiment qu'il a delui-m&me ou de son durable.

IV. Une modification no peut se distinguer du moi et

s'objectiver par rapport à lui, qu'en se référant soit à un

sujet permanent d'inhérence, si elle est constante et fixe, soità une cause productive, si ello est variable on passagère.

n'y a do fait actuellement perçu par nos sens, ou conçu

par notre esprit que sous l'une ou l'autre, si ce n'est sousl'une et l'autre de ces deux relations essentielles et primor-diales de l'effet à sa cause productive, du mode ou de la qua-lité à son sujet d'inhérence.

V. Comme cette cause et ce sujet sont on le moi lui-même ou autres que le moi, il y a deux sortes de faits essen-tiellement distincts des faits extérieurs que uous ne pouvonsnous représenter que hors de nous, ou comme des êtres étran-

gers &nous, et des faits intérieurs que nous ne pouvons sentirou apercevoir qu'on nous-mêmes.

Néanmoins en remontant à l'origine des idées et jusqu'auxpremiers rudiments de la pensée humaine, ou encore en nousobservant nous-mêmes dans certains états où la sensibilité

physique est seule prédominante et absorbe presque toutesnos facultés actives, nous sommes conduits à reconnaitre

qu'il y a eu originairement et qu'il peut y avoir encore ennous des phénomènes simples que nous appelons intuitions,ou a~ee~MtMSMMp/es,séparés, je ne dis pas de tout sujet d'in-hérence ou de toute cause absolue efficiente, mais de toute

aperception ou conscience de ce sujet et de cette cause*.Nous sommes même conduits à croire qu'il n'ay que desphénomènes de cet ordre pour les animaux, pour tous les

t. NousdonneronsmUeumdesexemplesqui prouveront!arMiM deceephénomène!!aensiMbpurs,simples,séparésdetoute conscienceUsnnitM qu'onceni,Hei<:tttoetMtotMMie«tMt<epuaMMe.K~uxdironsaussieuquoiMMMtel'élémentinteUeetuetpur. (M.deB.)

Page 176: Maine de Biran: Science et psychologie

A~BCt.A PStCttOMOtR <3t

êtres purement sentants, comme pour l'enfant qui vit'nt do

cattre et pour l'homme même dans l'état du sommeil, d<'

délire, etc., et en)!n que la perception du rapport qui cons-

tituo un fait complet, tel que notre esprit se le représente au

moyen des sens, n'appartiep* qn'& t'intelligence,Ainsi les intuitions et les affections no sont point de pm s

concepts abstraits, mais bien des modes positifs etréetsdo

l'existence de certains être organisés, viv ants, qui n'ont aucun

moyen de percevoir leurs impressions ou de connaitre tour

existence.

VI. Si d'un fait quelconque externe ou interne nous

abstrayons le phénomène, il nous restera le concept pur d~

cause ou de substance. Ce concept, pris hors de toute relation

avec les phénomènes, et sous l'acception universotto et émi-

nemment abstraite que nous attachons actuellement aux

signes de substance, no sera sans doute qu'un être logique,une catégorie, une abstraction sans réalité tant qu'on ne la

ramènera pas à sa véritable et unique origine, savoir, au fait

primitif de la conscience ou de l'existence du moi.

Mais ce fait primitif, originaire do toute connaissance, doit

être tel qu'il emporte avec lui le sentiment indivisible de la

cause et de son effet, du sujet et de son mode permanent. I)

aura donc encore le caractère d'une )'e/<:<MM,mais d'une

relation qui ne sera plus susceptible d'analyse ultérieure,

comme les rapports ou les faits secondaires qui se forment de

l'association des phénomènes intuitifs et affectifs avec les con-

cepts do cause et de substance. Nous montrerons dans cet

ouvrage comment ce double concept s'identifie avec le fait

primitif de la conscience, ou s'y ramène médiatemcnt en

second lieu comment tous les phénomènes qu'il compose, et

auxquels il communiqua. le caractère de fait, sont des rap-

ports composés ou de véritables jugements synthétiques, a

partir des idées de sensation que Locke a considérées

comme simples.VH. Comme j'ai appelé intuition on affection le phéno-

mène qui reste, quand on en sépare le concept de cause ou de

Page 177: Maine de Biran: Science et psychologie

MAPPOM8 Ma SCtESCES NATOMEU.ESi32

substance, je nommerai <~<e~p~oMinterne immédiate ce quireste du même fait quand on on sépare tout élément phéno-

ménique.

L'aperception interne est le août fait qui aoit primitif en sa

nature, olle no peut être résolue en phénomène et emporteavec elle la réalité des deux éléments subjectif et objectif qui

s'y trouvent indivisiblement unis en restant toujours distincts

l'un de l'autre.

V!U. Unie avec un phénomène intérieur ou une affec-

tion simple, rapercoption constitue le fait que j'appelle MM-

~MM. La sensation ou, suivant le langage do Locke, l'idée

do sensation emporte avec elle la connaissance immédiate du

sujet qui l'éprouve, et la notion médiate ou immédiate de

quelque cause quilaproduit. Lorsque c'est le M<Mlui-mêmequi

agit pour produire la sensation (comme nous en verrons des

exemples), la connaissance de la cause est immédiate et

s'identifie avec celle du sujet sentant. Lorsque le moi ne pro-duit pas actuellement la sensation, la notion de la cause est

médiate et distinguée du sujet sentant.

!t y a donc dos sensations actives et passives. J'appellerailes premières aperceptions internes médiates, et les secondes

simplement ~eMM«otM.

tX. Unie avec un phénomène extérieur ou une M~M~MH,

l'aperception constitue le fait que j'appellerai en général

fe!M'eM<s<!oa.La représentation emporte avec elle f la

connaissance de l'intuition, comme ~A~«MK~Mee.c<~MM~dont

l'espace est la forme indivisible; 2° la conscience du sujet

qui se représente; 3* la notion on croyance d'un être, d'une

substance ou d'une ~ause par qui se réalise le phénomène de

l'intuition.

X. Le moi ne peut être la cause efficiente d'une repré-sentation, pas plus que d'une affection, mais ilpeut concourir

à se la donner par son activité (ainsi que nous le verrons);comme aussi il peut éprouver des anections, ou avoir des

intuitions passives, sans y concourir en aucune manière parson activité, sans en être cause.

Page 178: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECtA psvencMatt: iaa

Dans le premier cas la MMS<*partielle et le sujet de la repré-sentation se trouvent identinés dans le même fait de cons-

cience et distingués de l'intuition qui se rapporte toujours et

nécessairement à l'espace extérieur. Dans le second cas c'est )a

cause et l'objet do la représentation qui se trouvent identifiés

dans l'espace et distingués ou séparés du sujet qui s'aperçoitdans le temps. B y a donc aussi des représentations actives et

passive! jie distinguerai les représentations actives sous te

titre d'aperceptions externes; et je me servirai du mot généri-

que de perception pour exprimer toute représentation, dans la-

queUole sujet se distingue de l'objet et de la cause de l'intuition.

XI. L'aperception interne immédiate ou médiate emporteessentiellement avec elle la réalité du sujet et de la cause du

phénomène intérieur senti ou aperçu sous l'un et l'autre

rapport d'inhérence ou de causalité; et il n'y a pas d'argu-

ment sceptique qui puisse ébranler la forme persuasion oa

nous sommes que nous existons comme sujets identiques,

permanents, causes libres de certains modes ou phénomènes

que nous produisons à volonté, et passibles d'autres modes

que nous sentons sans vouloir ni agir.

L'aperception externe emporte aussi avec eUe la croyanced'un objet ou d'une cause étrangère, sans laquelle le phéno-

mène de l'intuition que notre volonté ne produit pas, no

saurait se réaliser ou commencer à paraître à nos sons. Mais

ici la notion de cause et d'objet durable ou de substance

extérieure, n'est qu'associée au phénomène, et, transportée

dit moi à l'objet extérieur, ne jouit qued'une évidence secon-

daire et déduite du fait du sens intime, sur qui eUea besoin

de s'appuyer et qui seul la Justine.

§2

DirisiondesedenceepMatMeàcelledesfaitspremiemquileurserventdebase.

II résulte des analyses ou définitions qui précèdent que

nous sommes fondés à reconnaître trois ordres de faits qui

serviront de fondements & autant de sciences distinctes par

Page 179: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPMBT8PESSCtEtWESNATPM9.M:a<3t

leur objet et peut-être aussi par leurs procédés méthoaiques.i. Les faits extérieurs sont des composés primitifs réso-

luhtcs ça deux éléments ou deux termes de rapport, savoir!o ~~MfMM~Mexterne on l'w~MtfMHqui est comme la matièredu fait conçu ou représenté et la notion d'un sujet subs-tantiel ou cause permanente qui est comme la forme Intel-lectuelle du fait et sous laquelle l'esprit saisit ou se représenteles phénomènes.

La physique, ou science de la nature, est la science dosfaits extérieurs représentés par intuition. Ces faits y sont

d'abord considérés en eux-mêmes, commo s'ils étaient simpleset absolus, et sans relation au sujet qui les perçoit, à lasubstance à qui ils sont inhérents ou à la cause ofneionte quiles produit.

Cette relation subsiste bien toujours, il est vrai, dans l'inti-mité de la pensée mais parce qu'elle est première, fonda-

montato do la connaissance et profondément habituelle,

l'esprit la perd de vue pour s'attacher uniquement auxintuitions phénoméniques dont il cherche à saisir les ressem-blances ou analogies sensibles, et l'ordre des successions ouliaisons en lenaps, que l'expérience répétée convertit en lois.

Ainsi la science de la nature, considérée dans son objetpremier et sa méthode appropriée, est moins celle des faits

que celle des phénomènes extérieurs et de leur ordre de suc-

cession, pris dans l'intuition absolue qui los représente, et enfaisant abstraction ou plutôt confusion du sujet qui se repré-sente, de l'objet permanent représenté. et de la cause effi-ciente do la représentation;

2. Les faits M~ncM~s sont ies composés ~NM~, réso-tubtes aussi en deux éléments, savoir les phénomènes ouaffections simples de la sensibilité animale, et la notion d'un

sujet permanent, à qui ces aSectiomssont inhérentes commemo-

dalités, ou d'une cause intérieurequiles effectue dans un temps.La science de ces phénomènes intérieurs organiques, connue

sous le titre de p~MM/o~M,est la science de la nature eecaR~.Suivant les procédés de la physique dont elle est une branche,

Page 180: Maine de Biran: Science et psychologie

ATBC M P9Y(ateM)ME <35

cette science s'attache également d'une manieFfexctusivp auxa~ceticnaou aux~AM~~ws de la vie <*td<*t'or~aniaation.en faisant abstraction ou confusion du sujet identique et pet-manent qui les perçoit, et en même temps de la cause interne

qui les effectue, comme de la volonté qui petit concourir

quelquefois à les produire et toujours à les modifier. La phy-siologie plus encore que la physique est une science de purs

phénomènes, dont l'observation par les sens et !'oxpër!enceextérieure rëpëtëe, déterminent l'ordre d'analogie et de suc.

cession, sans qu'it y ait lieu pour elle &chercher ni mente à

concevoir l'existence réelle de substance ou de cause3. Les faits primitifs du sens intime oa plutôt !o fait primitif

unique (M« yeHew) qui réunit en lui le caractère du ~M-e etde l'individu, consiste dans un rapport fondamental simple,ou irrésoluble en termes phenoméniquos, où la cause et

l'effet, le sujet et le mode actif se trouvent unis indivisible-ment dans !e même sentiment ou la même perception d'effort

(MMM)dont les muscles soumis à la volonté sont los organes

propres. C'est de cette impression originello d'un effort quedérivent toutes les idées de forces ou de causes.

On appelle /M~c~o/<!y<ela science qui, s'attachant d'abord àce fait primitif et à ses dérivés immédiats, se propose do faire

l'analyse complète des faits externes, en y distinguant la partphénoménique de l'objet et la part réelle du sujet d'y recon-nattre ainsi les véritables éléments formels de ces faits, de

rappeler à leur source primitive les notions de cause et de

substance de justifier la réalité absolue que nous leur attri-

buons de donner ainsi une base à la science des phénomèneset d'en garantir ta solidité en l'appuyant sur Je fait évident et

irrécusable de la conscience ou de l'existence du moi.

La psychologie se propose de justifier les titres auxquelsnous possédons une connaissance quelconque, de déterminerce que nous pouvons connaître de réel et comment nous le;connaissons, en partant des faits complets et déterminés,tels qu'ils sont donnés actuellement est relation, et d'aprèsnos habitudes, aux sens externes et internes. Cette science

Page 181: Maine de Biran: Science et psychologie

MPFMVrS BES SCtESCES t<*Tt)REU<ESi38

première s'attache d'abord aux éléments formels communs à

tous les faits, en faisant abstraction des phénomènes variables

et particuliers. Si elle s'arrête aux notions ou aux conceptsuniversels et nécessaires de substance, de cause, tels qu'ilsse trouvent actuellement dans l'esprit, élaborés par nos

facultés, rattachés à des signes généraux ou érigés en caté-

gories, si elle considère l'ensemble des êtres sous leurs

rapports les plus généraux d'existence, de substance durable,

de cause c'est la métaphysique pure, ou la science des

formes qui uottent dans une sorte de vague intellectuel

jusqu'à ce qu'elles aient trouvé un fond ou une base solide,

où elles puissent se rattacher.

La psychologie sente assigne ce fond ou cette base dans la

conscience du moi; elle s'appuie sur unepremière expériencetout intérieure et diuère pourtant de ce qu'on appelle les

sciences expérimentales, par son point de vne et ses procédés

méthodiques.La psychologie est synthétique ou rationnelle, lorsqu'elle

considère !e fait primitif de sens intime, hors de son associa-

tion avec les phénomènes externes ou internes pour les yvoir ensuite. Elle est analytique et plus spécialement expéri-

mentale, lorsqu'elle part des faits composés comme de

principes élémentaires, et qu'elle se home à l'analyse des

sensations ou des idées associées entre elles et aux signes ou

surcomposées par l'expérience.Locke a poussé assez loin la psychologie expérimentale ou

analytique, mais ce qu'il y a d'incomplet, de défectueux et de

contradictoire même dans sa doctrine prouve combien il est

dangereux de s'attacher à un fait composé avant d'avoir

reconnu le simple, et d'arrêter l'analyse, avant d'avoir trouvé

un fond où l'on puisse bâtir solidement.On peut remarquer combien Locke est embarrassé lorsqu'il

s'agit d'assigner la cause d'une existence réelle quelconqueet de dire en quoi consiste la convenance do nos idées avec

quelque modèle réel donné hors de nous, lorsque nousn'avons et ne connaissons que des idées.

Page 182: Maine de Biran: Science et psychologie

AYM:M PSYCHOLOCtS t37

Descartea, Leibnitx, Kant et leurs disciples ne se sont

attachés qu'a la métaphysique pure ou à la science des rela-

tions universelles et nécessaires des êtres ils sont partis des

notions de cause, de substance et ne semblent pas avoir soup-çonné que ces notions pussent être ramenées à quelque fait

primitif bien plus, ils ont soigneusement écarté tout recours

&un tel fait originel ou à une expérience intérieure, comme

ne pouvant donner qu'une base contingente à la science,dont toute la certitude doit reposer selon eux sur des principesà priori. Aussi ont-ils sacriné le plus souvent l'évidence de

fait à celle de raison, et pris une certitude purement logique

pour la certitude métaphysique qu'ils avaient en vue.

Malgré les essais de quelques esprits excellents, placésdans un point de vue moyen entre !a psychologie purement

expérimentale et la doctrine métaphysique pure, il nous

manque encore une véritable psychologie rationnelle ou

élémentaire, où se trouve une garantie suffisante non passeulement de la certitude, mais de la réalité de notre connais. 1

sance des êtres, des causes on des substances. J'essaierai de

poser les premières bases de cette science, en établissant les

rapports qu'elle a avec celles qui ont pour objet les purs phé-nomènes de la nature morte ou vivante.

Les rapports des sciences dont je viens de parler sont ceux

qui existent d'une parti° Entre les phénomènes externes et internes, considérés

dans leur liaison en temps, ou leur correspondance harmo-

nique, abstraction faite de la vraie relation de la cause ef6-

ciente à l'eSet produit, relation qui ne peut avoir lieu entre

de pars phénomènes, puisqu'elle suppose comme nous le

verrons, l'existence réelle et absolue des dires ou des subs-

&MCMqui sont censés agir ou réagir les uns sur les autres,et par conséquent quelque chose de plus que de purs phéno-mènes, ou qui soit indépendant d'eux.

2* D'autre part, entre ces deux sortes de faits composés,externes et internes, et le fait primitif du sens intime qui

comprend l'existence réelle, la cause efficiente. Ici les rapports

Page 183: Maine de Biran: Science et psychologie

MAK'OaTS CES SCtENCES NATON~U.ESi38

vrais d'o& peuvent se déduire des systèmes quelconquesd'explications de eea faits les uns par les autres, exigent

~évidemment que l'esprit remonte d'un fait primitif et simpleaux faits secondaires et e<MHp<M<&qui en dérivent, car l'expli-cation ou la raison du composé ne peut se trouver que dansle simple, qui ne peut lui-même être expliqué par cela mêmequ'il est simple, mais qui ne doit pas être non plus une pureabstraction. D'ou il suit qu'en limitant la psychologie &lascience des faits primitifs ou des notions élémentaires, cettescience pourrait bien fournir des moyens d'explication oud'analyse aux sciences dérivées qui ont un objet extérieur,mais non en recevoir d'elles et l'on voit d'ici comment laquestion proposée prise dans ce point de vue général neserait susceptible que d'une solution négative; on voit demême que les phénomènes simples qui font respectivementl'objet des sciences physiques et de la physiologie, étantconçus ou représentés sous deux points de vue divers del'intuition et de l'aperception interne médiate, ne sauraientavoir rien de commun entre eux, ni s'expliquer ou s'éclairerles uns par les autres; mais nous verrons bientôt que ce quel'on entend par l'explication d'un ordre de faits par un autre,se prend dans une latitude beaucoup plus grande que celledu rapprochement on de la liaison des phénomènes simples,et qu'elle peut se fonder sur d'autres rapports d'analogie oude causalité.

§3.

Desdifférentspointsde vuedela setencede la naturedel'homme.

Le premier procédé de l'esprit suivant la méthode dessciences physiques, consiste à observer on recueillir les phé-nomènes des sens externes.

Les sens de l'intuition externe, la vue et le toucher sont les

t. Par t'AfffttXti?d" Copenhague. OnHtà lapremM~pagedumMM-crtt J)ho,/em-, Ma< W<t, PfogMMme ttc f~cad~tt de CqMnAa~. aLe« deceprogrammeestdonnepar MainedeBirN~aE!<MtSM<'<m<s,t. ï.LetextedeceprogrammeestdonnéparMainedeBiran,OEuvres-inédites,t. J.p. 29 (A. B).

Page 184: Maine de Biran: Science et psychologie

ATECLA PSTOtOMNt: i3&

premiers et presque les seuls instruments de cette observa-

tion. Or, comme le développement ou le progrès de ces sens

est très rapide, qu'ils ont une prédominance marquée dans

l'organisation, il est naturel que la connaissance objective ou

représentative à laquelle ils sont spécialement appropriés,

prédomine également dans l'ensemble de notre cognition.

L'analyse d'un fait quelconque, connu ou représenté objec-tivement hors de nous, nous a donné trois rapports élémen-

taires, savoir lo rapport de l'intuition avec un sujet qui per-çoit, avec un objet perçu et de plus avec une cause qui produitou fait commencer le phénomène. Cette cause s'identifie,comme nous l'avons vu (au n* VI), ou avec l'objet extérieur

permanent dans les représentations passives, ou en partieavec le sujet dans les représentations actives, mais formedans tous les cas une troisième relation essentiellement diuê-

rente du rapport d'inhérence, ou d'une modification à son

sujet ou d'une qualité à son objet permanent. Ces trois

rapports se trouvent confondus d'après les lois de l'habitude

dans un seul et même fait dont l'observateur de la nature n'a

pas besoin de faire l'analyse pour avoir une représentationclaire, ou pour saisir d'abord le monde extérieur avec cette

assurance qui tient de l'instinct et que la raison ne saurait

motiver. Il ne s'agit jamais, en effet, pour l'observateur de la

nature extérieure d'une analyse de décomposition d'un fait

dans ses derniers éléments, mais de l'analyse de descriptiond'un objet dans ses parties il ne s'agit pas non plus de la

relation d'un phénomène transitoire, à la cause efficiente quile produit ou le fait commencer, mais de la simple liaison en

temps d'un fait avec un autre qui le précède.Le physicien qui entreprendrait d'analyser un fait donné

quelconque dans ses éléments qui le constituent sous tels rap-ports simples au sujet qui le perçoit ou à la cause qui le pro-duit, changerait de rôle ou de point de vue il ne serait plusborné à observer ou fi se représenter des phénomènes, maisil devrait concevoir quelque chose de supérieur aux intuitions.

quelque existence qui ne serait plus représentée sous des

Page 185: Maine de Biran: Science et psychologie

MPKWTS DES SQEKCE8 NATUKELtES

images il sortirait enfin du monde des objets visibles et pal-

pables pour entrer dans celui des substances, des forces sim-

ples, invisibles, impalpables, sur qui l'imagination n'a plus de

prise, et accessible à l'entendement seul qui s'appuie sur l'a.

perception immédiate interne, d'après le type original qu'ittrouve dans l'aperception réelle, immédiate du mot.

Que si l'observateur, s'élevantparlapenséc jusqu'à cedemier

monde, essayât d'y transporter les lois on rapports d'analogie,do composition, de succession empruntées des phénomènesde lanature extérieure, il secréerait ununivers fantastique sansmodèle et sans règle, hors de toute proportion avec ce quipeut être aperçu au dedans, ou représenté au dehors denous.

Ainsi s'ouvre et s'agrandit le champ trop fécond de ces

hypothèses explicatives, qui ont si souvent et si longtempsmis des erreurs et des préjugés pires que l'ignorance à la

place des véritables lois de la nature dont elles ont empêchél'exploration et retardé la découverte.

Nos modernes physiciens eux-mêmes, heureusement con-duits d'un coté par une méthode d'expérience et d'inductionsi bien appropriée au but et aux véritables progrès de leur

science, mais entraînés nécessairement d'un autre coté à croireou à supposer l'existence réelle absolue de certaines substancesou causes on agents invisibles des phénomènes auxquels ilsvoudraient exclusivement s'attacher, nos physiciens, dis-je,n'ont pu échapper à toutes les hypothèses gratuites, lorsqu'ilsont tenté de soumettre au point de vue de l'imagination et auxlois de l'expérience oxterieare, la manière d'agir on le com-NMKtde l'efficace de ces causes supersensibles, dont il n'estdonné à l'homme que de connaître on de penser l'existencesans en rien savoir de plus.

L'observateur de la nature qui affirme cette existence

réelle, on qui croit invisiblement que tout phénomène quicommence pour ses sens a une cause hors d'eux ou hors do

lui, affirme ou croit certainement au delà de ce que l'obser-vation ou même l'expérience répétée peuvent lui apprendre.

Page 186: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA rsYcnou'otE iM

M semblerait donc pécher directement et dès son débutcontre le premier précepte de sa méthode qui consiste à nerien admettre an delà des faits d'expérience ou des indue-tions raisonnées de ces faits; mais l'inBuence de cette mé-thode ne s'étend point jusqu'à ces croyances ou persuasions

qai semblent être comme les lois naturelles de l'esprithumain. Bornée à la science des objets ou des phénomènesextérieurs et ne remontant point jusqu'aux conditions pre-mières détente science, elle doit se subordonner d'elle-même à

ces conditions ou à ces lois, dont il n'est jamais en son pouvoirde contrarier ou de modifier l'application.

Ce n'est donc point lorsqu'il croit ou admet de primoabord et sans examen, la réalité des substances et des causes

qui sont par leur nature hors de toute observation ou expé-rience, que le physicien peut aller contre les principes d'une

méthode quelconque; mais il sort vraiment des limites de sa

science, lorsqu'il prétend savoir sur ces causes quelque chose

de plus que leur existence, lorsqu'il substitue l'hypothèse au

fait, ou qu'il abstrait au lieu d'observer, analyse ou décom-

pose au lieu de décrire, lorsque posant ainsi des causes per-manentes, indépendantes des phénomènes, il tend à <~eo!Her

ou concevoir par l'imagination ce qu'elles sont en elles-

mêmes et comment elles agissent pour produire les effets quileur sont attribués comment, par exemple, le monde actuel

que nous voyons a pu commencer (d'où les systèmes de cos-

mogonie, de théogonie, etc.), ce que sont en eux-mêmes les

premiers éléments de toutes choses, indépendamment des com-

posésphéooméniques qui enrésulteni quelle est la forme des

globules lumineux, comment ils se meuvent dans l'éther avec

une prodigieuse rapidité et frappent nos yeux ce que sont

les fluides magnétique électrique, gravifique, et comment ils

circulent dans les pores des corps et produisent les phéno-mènes d'attraction ou de répulsion, etc. Toutes ces recherches

ou explications sont trop évidemment incohérentes avec les

faits positifs et réels de la nature, tels qu'il nous est donné de

les concevoir ou de les connaître dans l'ordre concret et sous

Page 187: Maine de Biran: Science et psychologie

CoMffUa hMxttMnt

Mf~<a<t<

1

"KsibiMM partielle

Valable pour tout ou partie

du document reproduit

Page 188: Maine de Biran: Science et psychologie

MPt~tUtSNK8SCH~CEaNAT!)aEU.)Ea<48

la relation nécessaire do la ~'ansoà IWot et non dans l'abstraitOMl'abaottt de ta cause cfnci<'ntc indépendamment« de sonenct.

Lorsqu'on a pf~tcndn tranv~ dans la aonaation l'otigine ~tla réalité de toutes nos eonnaissaMetta, a t-en aasex proton.dément rcnéctti sur cette néccsMté do croire, avant touteaeienco inatitM~a. !a réalité de cur<a!npspaMSMou de aMbs-

tances, n6poasit6 {mposëa à tous tes hommaa et dont tes

empiristus tes plus d~cMMs théorie no sauraient a*a<!fan-chh? A-t-omMon t<~fioM!'e<Heatcheroh~ d'<t&matMvannentces notions d'agonts invisibles, do cauMs permanentes, idcn-

tiques, prodocttVM dea ph6nom!)nes variab!cs MprOsfMt~aàneasena?

Pourquoi l'esprit du t'hommo na a'arr&te-t-it pas à ce qui eata!os! reprësentë ou imag!n6? Pourquoi faut-il qu'il admette

toujours quelque chose qui reste quand )e pMaom&ne est

change ? Pourquoi rapporto-t-H tout ce qu'it voit ou patpe à

quelque eauao qa'it Mepeut ni voir ni patpor? En serait-il demême si les facuMés do percevoir, do juger ou do croiren'étaient autres que oet!ede sentir? Nous trouverons assezd'occasions do résoudre ces difucuttes dans les considérationson nous entrerons bientôt sur te principe do causalité et surson application originelle aux objets hors de nous. Arrêtons-nous d'abord à constater la diversité des points do vue, sous

lesquels l'homme peut se considérer tui-méme en se prenant

pour objet ou sujet propre do son étude.Dans l'observation des faits de la nature, les sens externes

ou l'intuition et l'imagination sont les premiers mobiles enexercice. Mais que pourraient-ils seuls et s'ils n'étaient

dirigés par nos facultés actives, éctairés par la conscience oula réBexion comme par une lumière intérieure ? Dans ces

premiers procédés pour ainsi dire excursifs de l'esprit humain,

qui est pour lui-même le dernier et le moins important des

objets à connattre, l'être sentant et pensant, absorbé par les

impressions affectives ou les images vivantes du dehors,semble se perdre de vue lui-même comme agissant, voulant

Page 189: Maine de Biran: Science et psychologie

A~C t~ ~~W6~MS M3pt pensant it pourra meconnattrc longtemps et pPut-ttMtoujeura ae qn'it mut du sien propre dans tes faits qu'il per-çoit, ot tout ce que tes lois do son iatcttigeneo, de aon aeti-viM pwpf« a}autt'nt à <'«qu'il xppctto <oi« ph~!<}«cs<t<' lanature.

~!ent-it à tourner 8e8regarda sur tu! manM'? MtOtMMpMaaoconMdîtro<rabar<tqMeeomme M~ct de ct'ttu Matma phéntt-M)6niqMedont il fait partie dans !e point dit vue extérieur ohil se trouve placé. M n'est oncort' pcxf hti-tn~Ma on MtÎMt,

qM'MnaeomMnaiaott op~aaia&oqui vit, «eut, ut moMt ou HemfMt CMvpftM do certaiucs itttpt'ea'oaMs co<MMMMi'}M~'spardivers agents phyaiqHOitaMxquehil attribue te~OMt'aw'eMoaced'eMiruteMirsa vie, d'exciter aa sensibilité, do mottro en jeuson imagination, sa pcns~))et aavotunte même.

Ainsi il se voit ou so sent entratné dans ce cercto fatal oftroulont tous les êtres passifs, animés comme inanimés, soit

qu'ils sentent ou connaissent le mouvement nécessaire auquelils obéissent, soit qu'ils le suivent d'une manière tout à fait

aveugle sans te sentir ni le connattre.

Comme les corps célestes suivent sans le savoir dans t'es-

pace et te temps absolus tes lois constantes de t'attraotion, quidétermine la forme de leurs orbites comme les motecutcsinfinitésimalos de la matière obéissent aussi constammentaux aMnités ~/ee<!CMqu'ettes ignorent, les machines organi-sées considérées dans la manière dont elles se forment, se

propagent ou s'entretiennent par une suite de mouvements,d'actions ou de réactions mutuelles, nécessaires et étroite-ment tiées, paraissent également soumises à certaines attrac-

tions, sympathies ou antipathies, que les lois de la sensibilité

organique rendent plus obscures et plus compliquées encore,en les laissant également sous l'empire du fatum.

En qualité d'être organisé vivant et sentant, l'homme obéitil est vrai, comme tous les êtres de la nature vivante ou

morte, à des lois constantes et nécessaires qui t'entraînent àson insu l'ensemble des fonctions pariesqueUes il végète, se

nourrit, croit et se développe, s'exécutent en lui, sans lui. Il

Page 190: Maine de Biran: Science et psychologie

a&prûMapta acheta n~vMn~u.fs444

\it, aent et ac meut, ou plutôt est ma, aana connattra aa vie,aas sensations et aea monvementit: <'<t'~c<< < MCMWs

~t.WXM.W.Maia CMaa qualité d'être intetti~nt, voulant et pMMant,

l'hnmma se place lui-même en dehora et au-dea&uade ecttenature qui lui est donnée commo objet de aon intHitton il !af!o)tt!na on elfet par aa penaëo et par sa volonté, en mêmo

temps qM'Hen fait partie et lui est soumis par son organ!-aation mater!e)ta et aa aen8iM)it6physique non seulement ilvit Je !a vie comntMneà tous !ea êtres sentanta, mais il vit de

plus d'uno vie de rotation ou de conscience, dont il est &laf<t)!)sujet et tem"in non Roulementit sentou a des sensations,ma!a do plus i! sait qtt'H «ent, il a l'idée ou la connaissance deses scnsationa; non seulement il a dea rapporta a\'ee lesdivers agents ou objets de ta nature, mais encore il aperçoitces rapporta et peut s'en rendre compte; de plus il les modine,les étend, las complique ou los multiplie sans cosse, ou s'encrée de nouveaux a ctmque instant par l'exercice d'une puis-sance, d'une force agissante qui t'attranchit des liens du

/h<MtM,et le constitue individu, personne morale, intellec-tuolte et libre. De là deux points do vue de la science del'homme non seute'nent différents, mais de plus opposés entreeux celui du naturalisto qui s'attache à l'homme extérieur etle considère dans son enveloppe matérielle, et par les eûtes

sous lesquels il se trouve par sa capacité réceptive d'impres-sions, en dépendance nécessaire de tout ce qui l'environne;et celui du psychologiste qui s'attache à l'homme intérieur ette considère tel qu'il eat, non pour un spéculateur étrangt),

qui l'observe du dehors, mais pourtui-méme. Ces deux pointsde vue de la science du même être vivant, sentant et voulant

ou agissant, se fondent sur la distinction essentielle étabtM

auparavant entre les facultés d'intuition et d'aperceptionimmédiate, auxquelles correspondent respectivement les deuxordres do faits externes et internes.

Les premiers constituent notre monde physique, celui de lanécessité où l'homme est entrainé, comme tous les objets de

Page 191: Maine de Biran: Science et psychologie

AVfCH PSVCtMMO~ <?

la nature, vers un but qu'it no connaît pas, par une «eric de

moyens dont il n'a ni to aentinMnt ni la disposition ou qu'itpaut «antir sans en di~pooer.

ttca seconda constituent tf <nondo MOfat et !nte!!eptuet,celui de la volonté, «&rhotBOM ae dêtefmiatt et 00dirige lui-M~tae VMSun but qu'il prévoit, par (tea tno~ena dont il a !aconscience et la libre <!iapoftt!oB.Que c« sentiment intime du

moyona, joint &celui d'M))~oMtmH',d'une cause !!bro qui les

metenjeu, soit te/mEf~MMt~de taeotMMCMM',tel que nousl'avons eamct~na~ (n' XI) c'est ce qu'on aura d'abord do la

peine il admottro mais qui se jJMstiHoFapoMtêtre par dos ann.

tysett MttéfMMrett.Tuut pb<!iomM&)Mqui se lio d'une HMMMîtMimmédiate ou médiate à un tôt pouvoir senti d'agir est unfait intérieur du ressort do la psychologie.

Au contraire tout phénomène dénué du sentiment de pou-voir et joint à l'idée d'une cause étrangère au moi est un faitde la nature physique.

La maxime de Leibnitz, ~«0~ M me~e est ~acM~cM~M,e~M ce~o~e /~KM, que noua avons prise pour épigraphe,exprime avec une précision énergique tout te fondement doces divisions qui devront & tour tour servir do prouve a tamaxime quand elles auront été développées et justinéns,comme ellos sont susceptibles de t'être, par tes considérationset les recherches où nous allons entrer sur l'origine et lavaleur réette du principe de causalité.

i0

Page 192: Maine de Biran: Science et psychologie

MPPOKT8 t~8 SOBSCM «Mt!t<Et.U:8~4a

8ECTWN PHKM!ËMË

COfiSM'~tMtO?!~ t!ATtMSff6U.)S& SfR t.'tHHS)m: H SATCHK Mt) PK)'<-

t:<M:MBCAt'SAMT~, KT H! CAttACtÈM!tttiS SattOSS OU) K~t SOSf

f&tttVËES.

CMAPtTMKPKEMtEK

V«<M)t <<Mpttnatptt do eMeaMU.

8i t

Qm) ceMen'httiwt 'Mtî')'" <)')Mppwt <h'tUtoMM~undM ph<!uemf'm'

Toute représentation d'un phénomène uu oo que nous

appelons MM/<Mfemporte actuellement la relation à une cause.

Coprincipe se trouve clairement exprimé par la formule quo<a«<ce qui ceMWCMcea MMecause; proposition évidente parello'meme et qui so peut regarder comme le premier <MH<MH<;

de fait. Touthomme dirigé par le simple bon sens croit fer-

mement que tout ce qui commence a une MM~e,ou qu'un

phénomène, un mouvement par exempte a été produit par

quelque force ou cause. Demandez-lui pourquoi it le croit

ainsi; s'il répond à cette question singulière, qui suppose un

doute sur une chose dont il regarde le contraire comme

impossible, ce sera en disant qu'il le croit parce que la chose

ne peut être cM~emeM~.Demandez-lui de plus quelle espèced'idée il attache à ce mot c<nM<!s'i! appelle exclusivement

du nom d'idée, les images, ou les copies d'tM~M~KMMj~Ho-

M~tMyMM,il sera obligé de convenir qu'il n'a absolument

aucune idée de cette cause mais seulement qn'il conçoit une

certaine puissance, force, énergie ou tendance, comme on

voudra l'appeler, en vertu de laquelle le phénomène est pro-duit, et qui a avec lui (ou plutôt lui avec elle) une relation

Page 193: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC t~ PSïOMKX! 07

tellement nécessaire que si ht puiManfo, ht force n'existent

pas Nettement indépendamment du phénomène tranaitoir~.eetui.ei no pourrait Jamais avoir tieuoM commeaew tout sent.

RMreate, il conviendra de bonne foi que tout ce qu'il sait ou

peut concovoir d'une tollo force productive se réduit &lanotion de son existence et de sa rotation nécossaire avec te

phénomène. Pour peu qu'on te pousse, it no sera pas embar-ra8a& de montrer a ceux qui t'interrogent qM'tts sont eux-mêmos forcés, malgré toute tenr science, de reconnattre etd'afOrmer à chaque infant t'existence attaotue d'etr<'a dont i!sno ao font aucune idée représentative ou image, a commencer

par teur &tropropre on te moi pensant et voulant.Ceux qui prétendent exclure du domaine do l'entendement

humain tout ce qui n'y est pas à titre d'images qu'ils appellentclairos, ayant tour origine médiate ou immédiate dans la sen-sation ou l'intuition externe, ont besoin pour justiner leur

point de vue, de ramener la causalité à la succession, ou ài'ordro expérimental de pnorité et de postériorité des phéno-mènes. Et c'est même là te pivot sur lequel tourne et s'ap-puie la doctrine dos sensations. Si l'un est ûté, l'autre ne peutse maintenir; et réciproquement si le principe de causalité estd'un ordre supérieur aux phénomènes et à leur succession,it faudra reconnaître que tout ce qui est dans notre ospdt no

s'origine pas de la MMM~MM.

Or, je dis que ce principe emporte avec lui un caractère

particulier qui le distingue éminemment de toute tiai&onousuccession do phénomènes. Pour le prouver, essayons de tra-duire l'axiome précédent tout ce ~Mtcommence a MMcaK~e,dans cet autre tout phénomène e~ précédé <f<Mtautre ~Mo-M~MCOUa pour <!M~C~M<M~CMMN'eMMCM~e~~MMM~ae.Ces deux énoncés devraient être identiques. Or, tout hommedoué de quelque réBexion ou capable d'entendre ce qu'il dit,n'a qu'a se consulter sur l'espèce d'impression que fait dansson esprit chacun de ces énoncés, pour juger qu'ils difléreutessentiellement par leur nature, leur caractère et peut-êtrepar l'origine des idées ou notions dont ils se composent.

Page 194: Maine de Biran: Science et psychologie

MPMwra Ma sctEKCEa NMuaM~Ea<48

Le premier énoncé, quoiqu'il se compose de termes indéter-minés ou qui no rëveittcttt dans l'esprit aucune idée on imageparticulière, ne l'alfeote pas moins du sentiment d'évidence

qui s'attache à toute venté nécessaire, universelle, absolue,ne comptant aucune exception et dont le contrairo ne peut pasmême être supposé ou ponsé.

La seconde proposition, composée de termes particuliersqui demandent a être déterminés pour pouvoir être conçus.,loin d'être accompagnée d'un sentiment d'évidence, n'a paamême un ~Ms quelconque, tant qu'elle reste dans cet état

d'indétermination, sous une forme générale ou univofaoUe quine peut lui convenir.

Le signe c«<Meemporte, dans son indétermination, m&mela plus complète, la notion d'une existence réelle et nécessaire,universotte, la même sous los attributs ou enets les plusdivers, sans laquelle aucun phénomène déterminé ne sauraitcommencer.

Dans le second énoncé au contraire, la proposition n'est

généralo que dans la forme logique; et comme les termes

correspondent à des idées particulières qui demandent à êtredéterminées pour pouvoir être conçues, elle ne saurait avoiraucun sens, tant qu'en eBet elle reste sous cette forme univer-sité, indéterminée qui ne lui convient pas. Comme il n'y a

pas d'auection de la sensibilité ou d'intuition objective qui aitun caractère universel et nécessaire il n'y a point de phéno-mène qui ne soit variable, particulier, contingent.

Cette formule un phénomène y~M~, permanent, impliquecontradiction dans les termes, car ce qui constitue le général,l'universel, le MMMa! commune des divers êtres, ne peutavoir le caractère phénoménique, Aussi, quand on dit quetout phénomène doit avoir été précédé par un antre, ou se

t. Kaata )M'Mr<)<ce MMct~ à ce qa'Happettefintuttionpare de l'es-paceet du <em~ mais il Studraitemminera'it n'a pas prisdeaMM<MMabstraitespo<<rdes intuitions;onpeutlui conteaterdea son premierpasqu'ily ait desintuitionspures, universelles,et tout le sort de sa doctrineJcpead de !a. KuttoreviendronsaiueuMsur cottenneetiomimportante.(M.de B.)

Page 195: Maine de Biran: Science et psychologie

A~ECn pswnot.eatE <?

réclame comme conséquent d'un autre phénomène antécé-dont, t'imagination demande & voir t'antécédent comme te

conséquent eUe ne peut concevoir leur liaison qu'autantqu'ils so représentent & la fois ou suceeaaivement dans son

point do vue, et t'indétormination de l'antécédent équivautpour elle au pur néant. Mais pourquoi d'ailleurs ce recours a

.unaa~cedent? et qu'a-t-on besoin dechofeherwn rapport làoù l'imagination confit clairement un fait déterminé, quiaMMiet n'en demande aucun autre avant lui?

De plus, et enfin, si tel fait qui se représente isolémentétait le conséquent d'un rapport dont Mnautre fait tndétfr.miné serait l'antécédent nécessaire, ou le premier en temps,il faudrait bien concevoir celui-ci à son tour sous le mémo

rapport, ou comme ayant encore un terme avant lui, et ainside suite en aUant & l'infini, dans cette progression de faits

successifs, sansqu'i! fut possible d'assigner le premier terme.De là est venue la question élevée par tous les métaphysi-ciens, savoir si toute succession a nécessairement un pre-mier terme tandis qu'on n'a jamais mis en problème, si toutce qui commence doit avoir une cause. C'est que dans )o pre-mier cas l'imagination s'attachant à une suite de phénomènesou d'états dont chacun est déterminé à part et indépendam-ment de celui qui précède dans l'ordre du temps, it n'y a

point de nécessité ni à borner la série ni à t'étendre au delà

d'un certain terme connu; tout se réduit à affirmer d'aprèsl'expérience répétée ou l'habitude que tel phénomène précèdetel autre qui est suivi d'un troisième, d'un quatrième, d'un

H* jusqu'au dernier. Mais l'habitude ne saurait ériger cette

succession déterminée en loi universelle ou nécessaire. Elle l

motive bien l'énonciation particulière telle succession a let

premier terme eMSS!déterminé; mais non point l'énonciation

absolue toute succession doit avoir MHpremier terme MM$

~OMNOM'<M<enMMM!*quel il est.

Dans te second cas au contraire, celui de la causalité, l'ima-

gination n'intervient pas et ne veut jamais être consultée,

puisque la cause ou la force productrice, quelle qu'elle soit,

Page 196: Maine de Biran: Science et psychologie

aAPMMTa N~a SCK~CRS KATCHEt.M~<ao

c'est pas de son ressort ou no saurait jamais être représentée.!t auMt de savoir qu'elle existe ou qu'elle a d&agir pour

produire ou faire commencer ce phénomène.

L'esprit trouve immédiatement la notion de cette cause

dans un seul fait qui ao présente, et sans aucune succession

phénoménique. Il peut remonter aussi jusqu'à elle par une

série plus ou moins longue de phénomènes mais lorsqu'il yest arrivé, il s'arrête là sans aller plus loin, non comme a un

premier terme antérieur en temps seulement (p~H!M~Hpe~*),mais comme à un terme supérieur de nature (pntM M<~w<!), B

dans t'ordre de production ou de génération dea effets sucées-

sifs. Et ce qu'il y a de remarquable, c'est que le motif ou laÕ

nécessité do s'arrêter à tel principe générateur se trouve dans

l'indétermination môme de l'idée ou de la notion qui s'y ratta-

che. C'ost ainsi que ce qui tombe sous tel sons ou sous l'ima- ]

gination no peut jamais être considéré comme primitif (pr)M~

!M<Mf<!),mais toujours dépendant de quelque cause.

Domando-t-on quelle est cotte cause? Pour s'en faire une

notion quelconque, il faut concevoir quelque être qui ne soit

pas du même genre que l'ohjet ou le phénomène représenté.Ainsi la cause des couleurs sera conçue dans un fluide qu'onne voit pas celle des odeurs dans des molécules émanées ou

expansives qu'on ne sent point on assignera de même la cause

ou la raison de l'étendue représentée, qui sera dans dos mo-

nades ou des forces simples celle du mouvement musculaire

dans une tendance, effort de la volonté qui n'est point ce

mouvement, mais qui le produit. En général, l'esprit humain

ne saurait jamais s'arrêter à nn phénomène ou à un état

déterminé par l'imagination, comme au premier terme néces-

saire ou à la cause d'une suite donnée. Et la tendance invin-

cible que nous avons à nous élever toujours dans la progres-sion indéfinie des termes jusqu'à un premier, non dans l'ordre

du temps seulement, mais de plus dans l'ordre de génération,prouve assez qu'il y a en nous d'autres besoins que ceux de la

Sensibilité, d'antres fam~tés que l'imagination, qai, si elte

était seule, ne s'élèverait jamais jusqu'à la notion d'un~e-

Page 197: Maine de Biran: Science et psychologie

A~C ~~YC~~O~~M!~R iM

mier nécessaire et inoonditionnol, Do nous pourrions con-

clure, ai c'en était !e !icu, qu'on bonne métaphysique il~est

impossible de prendre un phénomène de l'Ame, tel que la son

sation, l'impression affective ou intuitive, pour origine des

M~cs, pour cause ou principe générateur des connaissances

comme des facultés do l'entendement, par la raison qu'unesensation eat un état déterminé de lame, qai, on te aappa-sant premier dans le temps (ou à telle époque de la durée quo

l'imagination et la mémoire peuvent atteindre), n'est point le

premier quant à la y~~w/MM, puisqa'en sa qualité de phé-nombne il se rée!tMnetai-m~me d'âne cause qui la fasse com-

mencer. Cette cause est ou la force propre du <MMque nous attri-

buons à l'Ame dans l'ordre absolu, ou une force étrangère

conçue par induction à l'instar de coHe du moi et que nous

transportons aux substances matérielles. Ces notions de force

et de substance n'ont rien de commun avec les représentationsdes sons, elles ne sont rien pour eux ni pour l'imaginationelles sont tout pour l'entendement, la raison et la connaissance

de l'homme qui, sans elles, ne pourrait penser ni exister

pour lui-même, Les physiciens peuvent se borner à observer

les faits extérieurs, les phénomènes de leur ressort et à saisir

leur liaison ou ordre de succession d'après l'expérience. Ils

supposent la réalité absolue des causes des substances. Ils

n'ont pas besoin d'en déterminer la nature ni de s'informer à

quels titres nous connaissons ou croyons ces réalités. Mais

dans la psychologie, même la plus expérimentale, il est si

peu possible de faire abstraction de la cause efficiente de cer-

tains phénomènes, que cette cause en tant qu'elle s'identifie

originairement avec le moi, devient le sujet même de la

science, que ses actes et leurs produits immédiats font partieessentielle des phénomènes intérieurs, enfin, que les notions

des forces, des substances durables, et les croyances invin-

cibles attachées à leur réalité sont placées au premier rangdes faits, et constituent les premiers éléments de la science

de l'homme, d'où il snit qu'on ne peut ça faire abstraction

sans dénaturer entièrement le sujet même de l'étude qu'on se

Page 198: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPMRT9 fB9 SCtENCRS !<ATUBEH~9189

proposait, savoir t'être agissant et pensant, doué do la

faculté de eonnaltre et les choses et lui-même selon certaines

formes ou lois inhérentes à aa nature, en lui substituant un

être fantastique que l'imagination habille et compose à sa Ma-

nière, mais qu'on peut à peine considérer comme le squelettede l'entendement humain.

§a.

Quola notiondeea«Mt!Ma'MtpaaoaopHMabstMeHon,uneoatêgorloouune Mt*e~n<iM)e. CftMcMMsdos(tttMreMoaCMeaMeKei'eMtMtofnotionspt loaMfcfg<n<'ratea.

Nous venons de voir que le véritable énonce du principe de

causalité ne pouvait se traduire en un autre, où le rapport do

succession de deux phénonemes serait substitué. D'où nous

avons conclu l'hétérogénéité essentielle de ces deux rela-

tions que l'on a si souvent prises rune pour l'autre.

Voulons-nous maintenant substituer cet autre énoncé, tant

répété dans les écoles, que tout effet a une MM~? nous aurons

un axiome logique à la place <fMa~MMCtpede fait, cet

axiome emportera bien aussi avec lui un caractère d'évidence

immédiate ou de nécessité, mais ce sera une autre espèced'évidence, une tout autre nécessité. Dire que tout effet a une

cause, c'est dire que tout ce qui a une cause, en a une; ce

qui est, est proposition frivole qui n'apprend rien du tout,

puisqu'elle se home à la simple concordance de deux signesconventionnels, cause et elfet corrétati& l'un de l'autre, ou à

l'identité même d'un terme répété, qui joue dans la même

proposition le rôle du sujet et celui de l'aMM~.L'évidence aura toujours ce même caractère /o~M~, tant

qu'elle se fondera uniquement sur l'identité reconnue entredes notions que l'entendement a lui-même composées, etabstraites et liées à des signes destinés à lui rètracer lesœuvres de sa création. En comparant ces termes abstraits ou

complexes, l'esprit ne peut qu'y retrouver ce qu'il y avait

mis il reconnatt que les conventions faites antérieurement

Page 199: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECt~ pawaM.oon! <5S

avec toi-même sont remplies; que le même signe répété dans

des temps différents, ne peut conserver que la même valeur

ou exprimer non pas deux idées identiques, mais absolument

la m~He idée; que deox signes digérants attachés à deus ma*

difieations de l'esprit, ou a doux points de vue sous lesquelsit a considéré un seul et même sujet, expriment encore l'iden-

tité de ce sujet d'où !e sens absolu et universel des axiomes

dont le seul énoncé emporte avec lui cette évidence logique,immédiate et irrésistible, ou ce repos de l'esprit, cette impos-sibilité de douter qui tient à la stabilité des conventions quiont présidé à la formation de notre langage.

Lorsqu'on substitue dans ces expressions la définition au

terme dénni, it est naturel qu'on doive toujours retrouver

l'identité du nom, d'où l'on conclut cette de la chose ou de la

notion signifiée, Dire par exemple, que le tout est plus grand

que sa partie, ou que la partie est plus petite que le tout, c'est

dire que ce qui est plus petit que le tout est plus petit que te

tout; et dans le même sens dire que tout effet a une cause,c'est dire que tout ce qui a une cause a une cause; tous los

axiomes de cette espèce viennent donc se résoudre dans

l'axiome et sous la formule unique du principe ce qui est,est.

Leibnitz, qui a donné une grande importance à cet axiome,en le considérant comme la base de la p~AMopAM/M'MK~v,l'a très bien caractérisé sous le titre de principe de e<M!~a-

diction, puisque en effet, it consiste tout entier dans l'impos-sibilité qu'il y a, à ce que les signes, étant une fois institués

ou employés à noter certaines choses ou relations, contre-

disent leur institution même en exprimant des relations

différentes ou opposées en deux mots, qu'il y ait contra-

diction entre la dénnition et le déSni.

Il est bien évident que, si ce principe n'avait pas lieu, ous'il n'y avait pas dans la valeur des signes de notre langageune fixité ou permanence qui correspond dans l'ordre logiqueà ce que nous appelons la constance des lois de la nature dans

l'ordre physique, il n'y aurait aucune base aux jugements que

Page 200: Maine de Biran: Science et psychologie

«APPORTaMS SOBtCea«ATUMEM~a1M

nous pavana sur nos propres idées abstraites, pns plus qu'il

n*y aurait lieu à quelque jjugetnent absolu, sur les faits et sur

les existences (y compris la notre propre), ai tout changeait a

chaque instant, hors de nous, comme en nous-mêmes, c'est'

à-dire s'il n'y avait que des ~A~MN~MMaana fond, une con-

a!stance. C'est sur cette double permanence observée dans

l'ordre logique do nos signes d'une part, et dans les faits

positifs et réels de la nature d'autre part, que se fondent deux

grandes classes de vérités; les unes conditionnelles, OMde

définition, les autres absolues ou de /<!A; classes qui ne peu-

vent être ramenées ou se rattacher a un seul principe sans

confondre toutes les lois de notre connaissance et compro-

mettre a la fois la certitude apodiotique de l'une et la réalité

de l'autre. La différence qui sépare ces doux classes de vérités,

ou les deux principes sur qui elles se fondent respectivement,est justiuée par celle des deux espèces d'évidence que chacun

do leur énoncé emporte avec lui dansl'esprit.

Quand on dit <<M<<~< a une cattse, le mot effet institué par

la convention du langage pour noter ce ~M<a taie cause,

rappelle à l'esprit sa définition qui étant mise à la place du

déBni convertit la proposition sous cette forme ce qui est,

est, ou A = A. La convention première est observée, et il n'y

a plus rien &demander. Mais si t'en s'entientta, il est évident

que la proposition exprimée ne suppose dans l'esprit aucune

sorte d'idée ou d'opération autre que le rappel des signes et

le souvenir do leur valeur; il est évident aussi que le principede contradiction se réfère uniquement &l'institution du lan-

gage, et ne serait rien sans les signes c'est-a-diro que sa

valeur est purement logique et que l'espèce d'évidence ou de

nécessité qui accompagne son expression, comme celle de

tous les axiomes qui s'y ramènent, tient moins à l'impossi-bilité sentie ou reconnue a priori de penser on d'aperce-voir le contraire, qu'à celle de ~<n~' aulcement, quand on

a une fois convenu de la signification de certains mots.

D'où il suit, pour le dire en passant, qu~on ne saurait ad-

mettre le principe de contradiction et ses dérivés immédiatt

Page 201: Maine de Biran: Science et psychologie

AWC t~ M~OtaMOtE

comme innés sans admettre aussi un langage iuué avec telles

formes, oto,

Au coatrairo daua t'éaoneé du principe ~M<<w~M<coMWx'HM,

ou ~OM<~tA~tem~H~a «w ~wp qai ta fait commcMCpr,il n'y

a point d'identité même partietto, entre los M<iMdu sujet et

de!'a«nbMt de la proposition, de manibro qu'on substituant

l'un &l'autre, on puisse parvenir à cette expression ou ~qu~-tion identique A ==A. Il n'y a pas seulement défaut d'ide~!t6

entre l'idée <Mtt'uMage de retfet OMphénomène qui commence

exister, à apparaMre a nos sens, ot la notion d'une cause ou

foMe qui le fait commencer; il y a de plus MMro~né:M de

naturo, de caractère et de source entre cette natton et cette

image. Les deux termes de la proposition qui affirme t'un et

t'autre sont, il est vrai, essentiellement corrélatifs. En vertu

d'une induction premibro dont nous assignerons bientôt le

fondement et que plusieurs philosophes regardent comme

une toi première de notre esprit, l'intuition du phénomène

ou l'idée de t'ouet suggère nécessairement à la pensée, la

notion d'une cause. Mais it suit do cota même, que ta corré-

lation ou le lien d'un terme avec l'autre ne se fonde nulle.

ment sur les conventions ou les détmitiona arbitraires de

notre langage.Quand il ne serait point exprimé par dos signes, le principe

de causalité, bien différent en cela de celui de contradiction,

n'en serait pas moins toujours intimement présent à la penséeil n'en serait pas moins le résultat d'une toi nécessaire,

imposée à notre esprit, loi que les signes expriment sous la

forme d'axiome métaphysique, où ce qui est petM~ est en

accord nécessaire avec ce qui est, mais que le langage ne crée

pas comme il crée tes axiomes logiques, où il suffit d'un accord

idéal entre le dé6ni et la définition.

Je dirai donc, au risque peut-être de choquer des opinionsassez répandues de nos jours, parmi nos philosophes natio-

naux, que le principe de causalité, ou la proposition quil'énonce est éminemment syM<A~<~Me,c'est-à-dire qu'eue n'est

point homée à atËrmer l'identité du sujet et de t'attribut,

Page 202: Maine de Biran: Science et psychologie

MM'ONTS M!9 SCnSNOM NAVUREHESisa

mais qu'on énonçant celui c! elle ajoute a l'autM un élément

qui n'y était pas compris et qui vient d'une autre MUMe. La

MM~, ou force productive, et l'effet ou le phénomène qui

commence ne sont pas nne seule et même Mac revêtue do

deux expreaaiona ditfepontett, comme dans les asiomea logi.

ques, oMdaos l'expression de la vérité con<titioano!!e; c'est

une notion intellectuelle qui s'ajoute à uno image et lui

MKpnmeune forme, un caraetefe nouveau qa'eMe m'avait

point.Séparée on abstraite do cette image et de tout phénomène

sensible, la notion d'aae cause et toutes ceMeaqui en défirent,

commo nous le verrons Montût, s'M<ftt)«fMa~ dans le senti-

ment de notre MM et participe toujours & sa réalité, bien

dinerente de tout ce que noua appelons <tA~<t~«MM,~M

~t~A'squi, étant tirées uniquement deao~ets dont elles

expriment des propnétés, qaatites ou coMectione do quaUtes

séparées, ae trouvent réduites à do purs signes, lorsqu'on les

prend a t'état d'abstraction !e pins élevé, et hors do toute

application déterminée à tels objets d'intuition. Essayez de

prendre quelqu'un de ces termes universels, cause, substance,

force, pensée hors de toute application objective, sans aucun

recours à l'imagination et en exerçant uniquement i'apercep-

tion intérieure on la réOexion, et vous trouverez encore un

fondement et une acception vraie a ces termes, en tant qu'its

expriment des notions qui ont leur modèle individuel et réel

dans le fait de conscience, indépendamment de leur applica-

tion universelle aux objets ou phénomènes de l'expérience.

Au contraire, employez quelqu'un de ces termes généraux

qui expriment des idées collectives de genres ou de classes:

homme, animal, plante, etc., ou encore quelques-uns de ces

signes abstraits de qualités d'objets sensibles, que Locke

appelle idées saMp&sde MnM<wn couleur, saveur, son, etc.,

séparés de tout sujet d'inhérence ou de tout objet déterminé,

si l'imagination ne prend aucune part &l'emploi des termes,

ou ne vient pas y joindre le complément sensible nécessaire

poMf!«f m«t<~<' M portât vmMaurez dans le premier cas

Page 203: Maine de Biran: Science et psychologie

A~RCH MWM~~MR <M

MMpur signa indéterminé qui no Mi que retracor a l'espritaes propres inventions on les souvenirs des opérations inté-

rieuMit d'abstraire et de comparer, dont te résultat eat

exprimé par tel nom; ou quolquo r~prpsontation vague et

confuse do l'objet qua l'attention tache do saisir h t'aMe du

s!gae, a6pw<<oent de t'objet ou du sujet <t'!ah6Feace, «MM

qui dans cet état d'abstraction M'<t<fra&l'esprit qM'MMOsorte

do fantôme fagittf sana consistance, sans ~at!t&, sans modMe,aMs appui m dans !o moi qui ne peut trouver ea hd-mAnto !t)

typa d'aucun mode objootif, tôt quo los coM!enf< tes <pM!h<!ttaetite~ Bt hors du moi dans la nature exMneMraoù aucune

qualité, aMCUoecollection de modes n'esiale f6e!tetMeMtsans

le sujet 6tondu qui on est te soutien et, comme on dit, le s«~-

~<!<MMt.

Téta sont donc les caractères qui dt~erencient easenttoUe-

ment tes idées genéfatos (ou ce qu'on appelle vaguement en

psychologie, abstractiora) et les notions ~ndamenta!ea dont

l'esprit humain fait nn emploi continuel et nécessaire

i. Los notions étant séparées et pour ainsi dire purinécsde tout mélange avec les choses sonsiMoa, en passant du

monde des objets à qui e!tes s'appliquent au sujet oit eMes

ont leur origine et leur fondement, s'individualisent et se

déterminent tandis que les idées générales abstraites ou com-

plètement séparées de tout objet déterminé, ne conservent

plus aucun caractère réct, en perdant le fondement exclusif

qu'elles avaient dans les objets du dehors, sans trouver un

appui dans le sujet, et finissent ainsi par se réduire aux

signes ou aux catégories logiques qui font toute leur valeur.

2. Dans t'emptoi-de ces idées générâtes ou de ces catégories,

l'esprit reconnaM son ouvrage il pourrait sentir, imaginer,réBéchiF sans les avoir tandis qu'à partir de cette de causa-

lité qui est la hase de toutes les notions, il trouve en lui la

substance, la force il tes constate ou reconnaît leurs carac-

tères au dehors mais il ne dépend pas plus do lui de tes.00

avoir, de tes écarter, on damodifier leur nature, que d'exister,

do se créer eu de e'emémttir lui-même.

Page 204: Maine de Biran: Science et psychologie

MfMMTS fES set6!<CE3 NATt'ttRU~S458

S. Lo.au;at pensant qui ahatraitou aéparoieaqMatitéaotdec~

tiws les unes dos autres et tca conçoit ou les nomme ainsi

aeparément. en Mi dos eoMeetiena ou des tonts arHtnnMS

hors do lui, et loin d'être nécessité à < que Ma abstmo-

iions existent réettement, il est averti du contraire par la

liberté qu'il a <t'end:aposeF~ de les mod~r, d'&teMdfeou de

resserrer ces idëoa générales, collectives. Mais, en faisant

abstraction de tant ce qui n'est paa /t«, le met ah~ra!t en

tnCfno temps les notions qui sont inseparaMea dMsentiment

de sMetfo propre et individuel.

Lorsque par tel acte de réflexion, te a~et pensant distingue

et sepaM ainsi ce qo! lui appartient en propre ou eanst;tMe «a

nature, de tout ce qui est senti an dehors comme ne lui appar-

tenant pas, peut-on dire qu'il s'abstraie iui-meme du monde

dos phénomènes ou des choses scnsibtes, comme s'il en était

une partie constituante et subordonnée, de même qu'une qua-

lité est séparée par l'attention de la collection ou elle entre

comme partiellement? Est-ce que le sujet qui abstrait (<t~.

~M) peut se prendre lui-même pour la chose ou l'objet

abstrait*?l

4. Los qualités sensibles sont abstraites do divers objets

dont le sujet pensant aperçoit la ressemblance en comparant

leurs qualités ou propriétés analogues, teMesque la forme,

t. tttu~M<UMortaU.ut4'meqoeJeMmt.M<.MMMH<!&citer,K~~

),tittr&<p~eMmeutlau.A.t!.MtUncM.aque Mm vue,et cM ~M

ptu..o.qu..t. if n'auraitpeut-Mr.pM<r~ te principede CMMNMen

.at~ric. ~Mt chercherdansle i~vidMt vrai&n<t.M.~de

cette notion. Qu.tq.'H.K, voici la manièredontn

ti..cUM.quimeparait mériterdNre pe~ par tous ceux<t~

qu'unesorted'~tMoMonet .fo~~t par Mmêmeles MMcMteU~que

rStre. la substance,la force,t'uniMavecles td~ g~Mte'. « ~«~

auleln hic est, M<MMM~M~M' aMMCtt'M<<W,~M, '?

M<M«-amde .&.< ~MM~MM M«c«~, anlea aMH-~MH eMe

duco.A'<- ~< ab

.~M a~ Pr~ <~<~ 9"<~ <-< ?~'

<<M«~M ne.sanon.«M~MM.w a~eM,~.tf~ "M.in

.«~ <c/& ~~M-. BixceMc~ ,~<<

<M~ abomniMM.<.M,nonaM~.<w a MM<< et ~<M Me&Mdice-

~<weMn~MT~ftaMab&w<<< <M.deS.)

Page 205: Maine de Biran: Science et psychologie

AVtBCtAPMCMOMMUE <?

ta eo~tcMF, dureté, etc. it exprime ces resaemMtMcea

par aa terme ~n~ra! fM commun appticaMe &toMates ot~cta

t)tMont eatra e~x tf m&mf rapport d'aMa!og!e. C'eat !& tout

rartiSce des Mées g6a6Nttea oa des otassiBeattOMS.Ces i<Mea

do genre ett do classe ainsi formées o'adMetteat donc aucun

~témont qui soit proprement MMet identique ponp tous les

individus compris sous le m&megenre car la ressemblance

n'est pas t'«~M<AJ,et lorsqu'on croit ~Mtfe)'cette difficulté on

admettant une <~cM~<fpartielle entre tes idées ou entre tours

objet: on ne fait quo jouer sur tes muta.

L'identité M peut ainsi ao o)ofee!er, so rexscrfOFou a'&tea-

<tre elle n'a qtt'nna natura et <ua type, ce type est le MMt.

Toute notion qui peut se ramener an fait de conscience parti-

cipe à l'identité, à l'unité et à la permanence du MM< tout

ce qui est représenté objectivement aux sens ou à l'imagina-

tion, exclut ce caractère ou n'en jouit quo par empmnt; nos

sensations et nos intuitions peuvent se fc~~HM~ ptus ou

moins, mais aucune n'est identique à l'autre ni à eUe-memeelles se répètent dans des temps différents, et c'est ici que lu

principe des tMtfMcefHS~&ss'applique sans aucune restric-

tion.

Toutes les idées générâtes retiennent nécessairement les

caractères des sensations ou des qualités sensibles comparées,et dont les rapports de ressemblanco sont exprimés par te

terme général dont il s'agit. Mais cherchez quelque ressem-

blance entre les notions et une espèce quelconque d'idées ou

d'images sensibles, vous ne trouverez aucune analogie.Car la ressemblance n'est qu'entre les composés et n'appar-tient nullement aux simples. D n'y a qu'une seule manière de

concevoir la substance, la cause, l'unité, etc., à quelque objet

qu'on l'applique; la relation est unique et ne dépend nutte-

ment des termes comparés. U me semble que cette diffé-

rence est assez saillante pour avoir frappé Jes métaphysi-ciens.

Toute notion de cause eBiciemte, de substance durable est

parfaitement tsw et M~M~M' quelle que soit la variété des

Page 206: Maine de Biran: Science et psychologie

ttAfttmTSfE~ SCtSKC~NATMRtiH.~9<ea

objets cm phénomenea qui elles N'appliquent. Tous tes êtres

de lunivers rapprochés, comparés et concentrés pour ainsi

dire 8MMl'Mneon l'autre do cea cotions n'ont pas seulement

entre eux une ressemhtMtee parfaite on peut dire qu'!ta sont

numériquement identiques, comme rHoit6 r~pét~e est iden-

tiqao à ette-tttt'mo. Au contraire, tout genre embrasse neces.

Morement dana sa compréhension une multitude indéfinie

d'éléments divers, de qualités hétérogènes. ChacMndesindi-

vMaa d'oh ce~eMmentaont été tirés, peut avoir avec un antre

une ressemblance plus on moina sensible, mais comme los

qualités do lune no aont pas celles de l'autre, t'idoe générale

formée do la collection de ces qualités, ne f'apptiqne diatino-

tement et précisément à anonn des individus qu'elle com-

prend, par cela mémo qu'eUe s'applique indëterminémeat et

confusément &tons.

Les idées générâtes ou les catégories ne sont donc pas des

notions premières, fondamentales, pas plus que Ie~notions ne

sont des idées générâtes. Mais on pourrait considérer ceHes-ei

comme des symboles artificiels ou, bomme disent les Aue-

mands, !e ~c~M des notions. De même que les notions im-

priment &tout le système de nos idées, le sceau do l'unité et

do ta réalité du moi, les idées générâtes, sous lesquelles se

rangent tes~p~eM/a~MMéparsea dos phénomènes, servent

à les coordonner entre elles, en les subordonnant & l'unité

artificielle d'un signe. Ils se sont donc laissé aller à la pente

des habitudes de l'imagination et du langage, tes philosophes

qui ont confondu les deux sortes d'éléments dont nous venons

de signaler tes caractères distmcti& soit que considérant les

notions comme dos idées abstraites ou des collections de qna-

lités sensibles, ils aient voulu qu'elles dénvassentdessens soit

que prenant d'abord tes notions, au titre universel de caté-

gories, en omettant le caractère individuel et rée! qu'elles ont

dans le moi, ils les aient considérées comme innées à Famé ou

préexistantes en elle à priori, comme des formes ou des caté-

gories qui règlent l'expérience et sont indépendantes d'elle..

De là est résulte entre tes doctrines abstraites et expéri-

Page 207: Maine de Biran: Science et psychologie

A\KC M FS~MMMHS <M

montâtes une lutte ou la raison ae trouve obligéo do balancer,sans prendre un parti décisif. En effet, si tes notions telles quet Atre,ta auhatonce~ne pau\ <<ntetra pnMa qu'au titM wHttf~et comme ca~fM'Mi:,ettes no sont autre chose que le genre !o

plus élevé, sous lequel tous tea objets et les faite de t'exp~-rience viennent se ranger; il n'y a donc pas de raison autn-saute pour les distinguer des antMa idéos générales dont nousreconnaissons très bien l'artifice logique et te propre ouvragede t'eapnt, aaaa conséquence pour tes choses memoa doncil n'y a point d'exception à faire à la maxime tM~</< <M

tM~M. etc., en faveur do ces notiona qui ae trouvent ausommet de la pyramide dont nos premiorea sensatiena aont la

base, etc.D'un autre cote ces notions ont un caractère réel, invariable,

nécessaire, qui n'appartient à aucune idée déduito, ni a aucunede nos classes artificielles; comment donc pouvoir les con-fondre aveoettes? Comment tirerions-nous du dehoraet des

objets de nos sensations t'être, la substance, ta cause, si ellesne nous étaient pas données par cela soul que nous existonset pensons? Comment acquerrions-nous la première et la

plus simple de toutes les connaissances objectives, si nousn'avions déjà par devers nous le fondement de ces notions?

Il faut donc qu'elles soient placées à la tête ou même en

avant du système de la connaissance comme des conditions

premières.Ces deux points de vue sont également fondés. <"Il est vrai

que toute catégorie n'a aucune valeur logique, artificielle et

dépendante de t'expérience donc si tes notions ont un carac-tère et une valeur diBéMnte, elles ne sont pas des catégories.2" Il n'est pas moins vrai que tes notions ont un caractère

réel, absolu, nécessaire qui les sépare essentiellement desidées adventices de sensation et de tout ce qui provient de lamême source; qu'elles sont indépendantes de l'expérienceextérieure et de ses conditions, quoiqu'elles se lient à une

autre sorte d'expérience et à un système de faits primitifs tropnégligés dans les théories payehologiques.

it

Page 208: Maine de Biran: Science et psychologie

aAfPOMFa Ma SCtENCES !!A<PNEM<tS<C3

Entw oea deux opinions, dont t'ane vent que lea notions

soient absolnes et nniveMettea par essence et innëea r~me à

eo titre, et celle qui ne voit dans toute idée générale ou uni-

vefaeMequ'an par ati!nce, ouvrage de notre esprit travaillant.

en dornier lieu sur les sensations et les pKMhuta de t'expé-

rienoe extérieure, comme sur dea matenaax indispensables,il y a donc uu point de vue moyen que nous chercherons à

étabtir.

CcmmenttmdactftneodMM<!t'"ttm~Met <te<ten~aMo))''tahaent&McMten ttt'MtuMnttêtMoMoa*prctoMfoaet foM~Mfatatetdot'w~tt humain.

Bii'HueHwt!<'fouHenf&ttbo'tMt «tttfota ay~t~meprimttMde eoe

eroyancf!*et celuide~M~eaou desceMaiMMMe.

Lorsqu'on parle do principes ou de sentiments innés, dit

Leibnitz, il ne faut pas entendre seulement que l'esprit a en

lui la faculté de les connattre, mais de plus qu'il aia faculté de

les trouver en lui-même, et en lui seul, comme une prédis-

position à los approuver nécessairement, quand il viendra à

y penser. Doscartes entendit a peu près de la même manière

ses idées innées, ainsi qu'on peut le voir dans ses réponses à

Hobbes et à Gassendi, ces idées n'étant point innées suivant

lui, dans ce sens qu'etles soient présentes objectiven~nt à

l'esprit avant toute expérience ou antérieurement à l'exercice

des sens qui lui fournissent l'occasion ou les moyens de

les concevoir ou d'y penser, mais dans ce sens qu'il les

trouve uniquement en lui-même, ou qu'il a une prédisposi-tion aies former sans aucune inuuence étrangère.

Sur quoi j'observerai d'abord que toutes les discussions

élevées parmi les philosophes à ce sujet n'auraient peut-être pas existé, si au lieu de parler d'idées ou de notions

innées, on se fut borné &reconnaître seulement des lois inhé-

rentes à l'esprit humain qui dépendent de sa nature ou de sa

constitution intime. En effet, s'il y a un fond de sensibilité

et d'intelligence commun à tous les hommes si malgré la

multitude infinie des diSérences accidentelles provenant de

celles des temps, des lieux, du degré de culture ou de civili-

Page 209: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC PaTCnOMOtE

sation, il est pourtant incontestable quo tes hommes sententou perçoivent à peu près de la même manière; que toursidées se forment sur un plan sembtaMt), se dévctt'ppent par!oa mêmes moyens et se rejoignent toujours aux memea

anneaux, ce qui fatiqu'its peuvent s'entpadta etcotMtnoxiquof

par des signes, apprendre los langues les uns dos autres; si

tout cela est vrai, on ne pourra nier l'existence de lois pnmi-tives ou de principes régulateurs et nécessaires, auxquctsnotre entendement est astH)etH par sa nature, et dont il

ne peut s'écarter metne dans les plus grandes excursions nh

l'emploi de sa libre activité peut Pontrotnpr, pas plus <}tMles mobiles de quelque manière qu'ils soient lancés, à

quelque force qu'ils obéissent, ne peuvent s'écarter des lois

éternelles de la mécanique. Ne peut-on pas dire que les

fois de la pensée n'ayant pas d'autre cause que la nature

ou t'essenoo de t'eswit humain qui tes sent des l'origine.avant de pouvoir s'en rendre compte, sont nées avec lui, ou

iaaées dans l'acception de Descartes et de Leibnitz, non

comme préexistantes sous tour titre avant d'être conçues,mais comme prédispositions de l'esprit à les former et à tes

adopter comme siennes?

Qui peut nier sous ce rapport que tes notions d'~es, do

$K~<!MCM,et avant tout de causes efficientes ou de forces, no

soient des résultats primitifs et nécessaires des lois constitu-

tives mêmes de l'esprit humain ou des lois inhérentes à sa

nature?

Leibnitz a tonte raison de demander comment nous pour-rions avoir quelque notion d'êtres, de substances, si nous

n'étions pas nous-mêmes des êtres mais il pouvait et devait

demander d'abord comment nous pourrions avoir quelquenotion de force, de cause, si nous n'étions pas nous-mêmes

des forces, des causes eSicientes, si notre moi n'était pas une

force motrice, une cause de mouvement.

Mais une grande cause d'erreurs, de mécomptes et de

dissensions interminables parmi tes métaphysiciens, y com-

pris Descartes et Leibnitz, a été de partir des notions de

Page 210: Maine de Biran: Science et psychologie

«APPORTS ?68 8CMMCE3 NATUMRU~a4M

l'être, de la substance, de la tarée comme ayant leur typeexclusif et primitif dans l'absolu de 14me substance ou force,au lieu de partir de l'idée ou du sentiment relatif duwo<indi'

viduel qui ne s'aperçoit ou n'existe pour lui-même qu'àtitre de cause ou de force agissante sur une substance éten*

due, Dans le premier point de vue, celui dea métaphysiciens,le point de départ est une ahatraction ou une notion très eia-

horée dana le second, c'est nn fait, le fait primitif du sens

intime, qui est t'origine de tout, d'où toute science doit être

dérivée.Si en partant de ce fait et t'analysant dans ses éléments, on

peut montrer comment toutes les notions en dérivent média-tement ou immédiatement, on aura prouvé que celles-ci nesont pas <MM~<,quoique en remontant au delà de tout fait, do

toute existence sentie ou aperçue, on trouve par la raison queles notions dont it s'agit, sont des résultats nécessaires de la

nature do l'esprit humain, qui induit, d'après des lois pre-mières et vraiment innées, la causalité étrangère, du senti-

ment do sa propre activité, l'existence absolue, univers eUe,de

l'aperception de son existence relative et individuelle.

La manière dont l'esprit procède dans cette sorte d'induc-

tion, en partant du fait primitif de la conscience, n'a jamaisfait l'objet de l'étude des métaphysiciens qui ont trouvé pluscommode, soit de regarder comme innées ces notions dont ilsreconnaissent la nature propre, en niant leur origine, soit detes exclure totalement du domaine de la science, en mécon-naissant également leur nature et leur origine.

Je tAcherai de jeter quelque jour sur les notions considéréessous e double rapport, et de chercher ainsi les fondementssolides de la psychologie.

En s'attachant d'abord à la valeur étymologique des mots,d'après laquelle jM'<Mc~eveut dire la même chose que com-

mencement, un principe de la connaissance ne serait que telleconnaissance déterminée, considérée an moment o&elle com-mence. Le premier connu (pfHMas<eN!pofe),serait le p!'mcipe. Mais ce n'est pas ainsi que nous déterminons la valeur

Page 211: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC PSYCHOMMae <<?

réelle de ce terme, pria dans le sons ordinaire et indépendantment de tout système. Ce n'est jamais au promier en temps

que nous noua arrêtons et que nous sommes les maîtres denous arrêter. Uneloi denotre esprit nous impose la nécessitéderemonter jusqu'à un premiergénéraieur(~MS M<t~M~)quidé-

termine le commoncemontde la suite, quoiqu'il soit lui-mêmetout &fait indéterminé ou qui est la condition de telle série

commentante, quoiqu'il soit lui-même sans condition. C'est

ce premier danst'ordre de génération que nous appelons ~MtH-

cipe, et qui din~re par le genre et la nature (~o ~H<'Met

tM~M~a)de tout ce qai est compris dans la succession phéno-

ménique, à partir du commencement jusqu'à la nn.

Un principe n'a pas besoin d'&trecoMMMpour exister et pouravoir toute sa valeur, et la force que nous sommes fondés à

lui attribuer, soit a priori, soit o:posteriori quand nous venons

à y penser comme </ /hM<et à nous en rendre compte.Ainsi, il y a des principes d'action communs à tous les êtres

animés, à ceux qui ont l'intelligence en partage, comme à ceux

qui ne pensent point ou qui suivent nécessairement les loisd'une nature qu'ils ignorent.

A voir les actions ou les mouvements coordonnés des ani-

maux, ceux de l'enfant qui vient de naître, comme ceux de

l'homme qui rêve ou qui se trouve accidentellement placéhors de toutes les lois de la connaissance, ne dirait-on pas en

effet qu'il y a une sorte d'harmonie préétablie entre ce qu'ilstant, appètent ou croient, sans le connattre encore, du moins

à notre manière, et ce qui existe réellement hors d'eux entre

ce qui doit être la conséquence infaillible de leurs actes néces-

saires non déterminés par le vouloir, et destitués de pré-

voyance comme de conscience, et ces actes mêmes. Cettesorte d'harmonie préétablie entre ce qui existe et ce que les

êtres animés font, ou ce que les êtres même intelligentscroient nécessairement et primitivement avant de pouvoirs'en rendre compte, paratt bien devoir se fonder sur des prin-

cipes innés. H est impossible de ne pas en admettre de tels.

Ceux qui les nient le plus opiniâtrement, sont obligés de les

Page 212: Maine de Biran: Science et psychologie

MAPPOKTa CES SCMMCEa NATUttEtMN<ca

reconnaîtra sous an titre quelconque. Qu'on substitue par

exempte un terme têt que principe de spMsa<MM,de M<tMPc-

tacM~,à e~M ~en~aM~ou à celui d'&meça d'être sentant, desubstance & laquelle on est obMgé (te rattacher les diverses

modifications comme à un sujet d'inhérence eu une cause,

toujours faut-il admettre quelque chose qui préexistait à la

première sensation, qui en est la condition néceasaire sine ~«tMoaet ie~MMSH<t~<f<tque ce soit une substance dite matérieUe

ou immatérieHo, étendae ou inétendae, qui soit préjugée oucrue exister ainsi, cette réalité absolue n'en est pas moins

admise comme principe antérieur à toute sensation ou con-naissance acquise, et hors des lois de l'expérience qui ne

sauraient l'atteindre, paisqu'eUes-mêmes s'appuient sur ce

principe.Tout ce que nous connaissons ou pouvons connattre, a

ainsi un principe nécessaire dans ce que nous ne connaissons

pas, mais que nous croyons exister dans l'ordre absolu dosexistences. L'étendue solide ou la matière, telle que nous

pouvons la percevoir par !e toucher, aidé ou non do la vue, a

des principes constitutifs que nous sommes oNigés d'ad-

mettre ou de croire quoiqu'ils ne tombent plus sous les sens

ou l'imagination, etc.

Ainsi dans l'ordre relatif de nos connaissances, le fait pri-mitif de la conscience ou du moi, qui comprend un effort

voulu et une résistance du moins organique, a un double

principe nécessaire i* Dans l'activité absolue d'une substanceou force que nous sommes obligés d'admettre, sans la conce-

voir, sous le nom d'Ame ou tout autre quel qu'il soit 2*Dans

une résistance on inertie absolue aussi nécessaire d'une antre

substance, que nous appelons corps. Nous croyons à ces deux

existences, nous sommes certains qu'elles restent, qu'ellesdurent quand tout effort, toute résistance s'évanouit avec le

moi, quoique nous n'ayons aucune idée de cet absolu, hors du

sentiment ou de la connaissance présente.Par suite, l'identité, la permaasnce de notre ??< ou le un-

ment de notre identité ou individualité constante, a son principe

Page 213: Maine de Biran: Science et psychologie

A\t!C M fMCHOtMtt! M7

nécessaire dana le durable même de la substance de t'ama

et du corps, et il en est ainsi do toutes les partieutaritéa ou

connaisaaaees étémentairoa que nous pouvons distinguer daaa

le fait primitif de la conscience, identique à celui de la con-

naissance et dont chacun se réclame d'un principe pris néces-

sairement de l'ordre absolu des existences.

La distinction fondamentale que noua sommes conduits àétablir entre le système de nos croyances et celui de nos con-

naissances, nous semble la seule propre à concilier jusqu'à un

certain point les deux sortes de doctrines opposées, dont

t'nne part des croyances données a l'esprit humain ou inhé-

rentes à sa nature, comme de notions complètes existant a

priori, ou d'idées innées, et dont l'autre part d'idées parti-culières comme des premières données des sens pour en

déduire toutes tes notions, en dissimulant le titre et la valeur

réelle des croyances, ou faisant totalement abstraction de

celles-ci, ou ne les considérant que comme des chimères, parcela seul que ce ne sont pas des idées complètes venues parsensation ou par rénexion. Pour rapprocher ces deux

systèmes opposés, il sufBra peut-être de rétablir l'élément

intermédiaire omis ou méconnu également des deux cotés.

Faisons observer i* aux partisans des doctrines a priori

qu'il est aisé de voir en effetpar ce que noua avons dit (et on n'a

qu'à se consulter soi-même pour s'en assurer) que le systèmede nos croyances nécessaires tend toujours et invariablement

vers un ordre d'absolu, qui étude par sa nature toutes les lois

de noire connaissance raisonnée ou rénécbie. Si des métaphy-siciens aussi profonde queDescartes, Leihnitz et leurs disciplesles plus recommandables, qui ont abordé le premier problèmede la- philosophie,y ont laissé encore tant d'incertitudes et

d'obscurités, c'est peut-être pour avoir voulu étendre les

principes de notre croyance hors des limites où la nature les

a circonscrits, en les plaçant à la tête de nos connaissances ouen les faisant rentrer dans le même système, sons le titre

vraiment trompeur d'idées ou de notions innées on a pmoft.Si ces métaphysiciens avaient nettement tracé la ligne de

Page 214: Maine de Biran: Science et psychologie

«APPORTS ME8 SCtENCEa NATORH.~e8

démarcation qui sépare d'une part les principes innés de noscroyances et les notions qui a'y rattachent, d'autre part cesnotions premières, régMtatrioea et nécessaires, que nous nefaisons pas, mais que nous trouvons déjà toutes formées dansnotre esprit, dès que noua y pensons, sans pouvoir penser lecontraire, et les idées abstraites générales ou les catégories,appelées aussi notions o~~noMdonHesprinoipaa se trou.vent dans un langage artine:e! et de convention; si ces d:<M-rences eussent été, d!s-je, chupenMnt~a~M, il n'y aurait pasou lieu à tant de disputes aur la nature des principes, commesur l'origine et la génération de la connaissance. Ce!tes-ciétant nettement distinguées de nos croyances nécosMtires etabsolues, on aurait pu s'accorder à reconnattfe que les unosn'ont ni les mêmes principes ni les mêmes limites que tesautres; que les croyances ont des caractères de primauté,d'universalité, de nécessité qui los distinguent éminemmentde toutes les idées ou notions acquises, et en font un systèmeà part dont il- faut assigner la place dans l'entendementhumain; on aurait vu ce système antérieur, du moins enprincipe, à celui qui embrasse nos connaissances acquises,originelles ou dérivées, se joindre à lui dans sa naissance,raccompagner, le suivre et s'y confondre dans certains points,s'en séparer dans d'autres, finir par n'avoir plus rien decommun avec lui, comme une ligne droite à laquelle uneligne coarbe serpentante est coordonnée, la rencontre, lacoupe, se confond avec elle dans tes points tangents, et peuts'en éloigner ensuite à l'infini on aurait vu que tes termesuniversels qui signifient des croyances, tels qu'être, substance,force.dnrée, espace, absolu, n'emportent avec eux dans l'espritaucune idée déterminée de quoi que ce soit que nous puissionsconnaître distinctement et séparément; que ces termes

simples expriment ou déterminent l'objet de cet acte primitifde notre esprit que nous appelons c~oya'Mcequi se joint à toutce que nous pouvons apercevoir en nous et percevoir et con-naître en dehors, sans que rien de ce qui est ainsi aperçu ouconnu puisse en être déduit ou dérivé par ordre de génération

Page 215: Maine de Biran: Science et psychologie

AVMM PaVCtMMtNM! «!9

que cette croyance entrant ainsi comme élément adcessairadans certaines idées <)Hnotions do !'<)~, ne eaaatitno pas àeMo M'ute une «Mf ou notion complète, et qu'en admettantainsi qu'il y a dans nos idées on connaissances un principeou un élément inné, inhérent a la nature de notra esprit, onne saurait regarder comme innée une idée ou notion complètequelconque, ni dira que ce qae nons connaissons et croyonsait son principe générateur dans ce que noua croyons aaaa le

eonnattre car il faudrait pour cela qu'en partant d'un têt

principe, o'est-a-diro de t'être, de la substance daraMe, de lacause absolue, universelle, objets indéterminea de notre

croyance nécessaire, noua pussions en déduire quelque idée

ou notion positive de telle existence déterminée, do teMedurée

relative, de telle cause ou force individuelle, ennn de quelquesfaits internes ou externes or, cette dérivation impossible aété et sera toujours t'écueH des métaphysiciens qui voudront la

tenter, en se fondant sur dos paralogismes continuels, ou endonnant pour déduction de leurs principes a pnen, ce qui leurétait connu d'avance sans ces principes ou indépendammentde leur application fictive. On aurait reconnu enfin quo toute

connaissance ou notion proprement dite, ayant par sa natureou parcelle de notre esprit un caractère de relation ou n'étant

jamais que le rapport nécessaire d'une chose conçue au sujetqui conçoit, s'il y a en nous (comme il est impossible d'en

t. NouspreuouliIci le mot~«ottpedMMuuMtMbienopposé&celuide«os modernesdisciplesde CondiUMoude Locke.Suivanteux, te priucipecet<Mtfaitpremierqui<crtdefondement4 touslesautresquin'enMntquedesaM<tt/îea<«MM.Ceatainsiquele sentimentest unprincipequi ne peutadmettrerien avantlui,etc.

Aucontrairelesprincipesdecroyancedont nousparlous,se retrouventpartoutidentiquementlesmêmes,ne se transformentjamaispourproduirequelqueidéeonconnaissancequecesoit;onnepeuten riendéduireni dé-MYer;ils sontlestermeson tes antécédentsnécessairesde tontesles rela-tionsquinesontconnuesque par eux et dontUssontdits&juste titrelesprincipessansêtreconçuseneux-mêmeshorsdenosrotations.

Cest, ainsi que nous le disons, que le sentiment a son pftaO~e et sa raison

dans i'amc et dans sa Uaison avec le eoftM; dans un sens tout diNërent dejeeM

on l'on dit que la eonnais<H<Me<!« a<M)pTiiMipe dsM le sentiment. (M de B.)

Page 216: Maine de Biran: Science et psychologie

Mppawa NES sNsscsa NA~MtEH.~i70

douter) une faculté, une tandanco invincible à CKtiff au &

supposer aana cesse quelque absolu qui est le ptwmiw twmoMMle fondement nccoaaaiM da la Motion, il est évident queMt absolu, en tant que tt't, dont !1 y a crayanoc sans idée, nasaurait être l'origine puro d'auouno connaissance au Mée, etquo te problème qui ceMMte &trouver cotte origine doit avoiraas données en de~a des limitea du champ de nos croyances,dans une pfennëra relation OMun fait primitif tel que nousallons b!ent&t la déterminer plus espMaaêmont;

3' Faisons observer aux ideo!ogiatea disciples de Locke etde Condillac

Qa'itx no peuv~Mtae dépenser d'admettre au moins commefait de fe~Mt ~KtMawla eroyanee invincible qu'attachent tousles hommes, mêmo les sceptiques, los plus d6e!d<!9,a quelquoréalité a~o/Mp; qu'une telle croyance ne peut venir de l'hahi-tudo ou de t'experience répétée, car tout ce qui nous vient decotto souroe est susceptible de plus ou de moins, peut être

conçu d'une autre manière, varie comme le nombre des repe-titiona, comme les circonstances do temps ot do tiou nui l'ont

amène, tandis que tous les hommes sans exception croient

également à la première expérience comme à la mittieme,qu'Mssont des êtres et non pas des phénomènes, des idéesde sensation, qu'ils ont un corps distinct et séparé d'autres

corps durables et permanents, quand ils ne les voient pas;qu'il y a enBn sous tes sensations passagères des substanceset des causes permanentes diBérentes des sensations quoiqu'ilsne puissent s'en faire aucune idée ou image; en6n que s'il estvrai comme ce système F~aM~, qu'il put y avoir, et qu'il y eûtoriginellement un systè& de connaissances ou d'idées déri-vées de la sensation pure, sans aucun mélange de notions ou de

croyances des êtres substantiels, durables en nous ou hors de

nous, it s'ensuivrait bien que tout ce système de connaissancesest indépendant de celui de nos croyances, ou des notions queles métaphysiciens ont considérées comme fondamentales,universelles, nécessaires; mais alors l'entendement humainserait pour ainsi dire tout en images et succession d'images,

Page 217: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC Pa~CaaMOtR m

rien a'y aurait le caractera do pormaaenM et d'identité, toutcxistwait dans des {ormesvariahtos, des accidenta paaaagora.aaoa aucua <bndr~c! ça awoit enOn «no sorte de tantasKta-

geria touta din~rente du monde réel, externe et mtcrnc quenouscrayona: lorsqu'on rentre dans ce monde et qu'on veut encennattra tes lois positives et eoMtantea, il faut bien pouvoirdire co qui fait la ditMrenM entre t'otnhfe et la p~atitë, entretea images OMles id~aa da sensations que nous connaissonssans croiro aux substances, causes eMeientM, et les idées de

/<t<~poaitifa, d'objets réels, los notions certainoa que cas

erayancM viannent joindre aux pMnont~nea ou aux images.Du ta donc une branche do rceherehaa psychologiques

toutes ditféreatas de cettos qui entrent dans Mtrtraité des sen-sationa quelque ing6nioux. qu'il f&t, ou même quolq e fondé

qu'il ptlt être dans sa Manière d'originer nos idées et nos con-naissances proprement dites. D'ott nous vient la croyance deces êtres durables, substances, causes ou forces qui échappent& notre faculté de connattre par les sons, l'imagination,comme a celle de raisonner, de généraliser ou d'abstraire quise réduit en demiëro analyse a l'art de parler? A quoi tionnentces caractères d'universalité, de nécessité qui nous défendentde pensor le contraire ou de penser autrement? En cherchantà nous donner la solution positive de ce problème, il faudraitfaire un autre ouvrage que le ?'«tA<fdes s<'MM<MMsdeCondittacou même que t'EM<Msur feM~MfpBMM~AMMMtMde Locke.

Que si l'on soutient qu'il n'y a rien de ptus dans l'entendement

que ce qui se trouve exprimé, observé, noté ou analysé dansces ouvrages très estimables, il faudrait donner cette preuvenégative en allant, je crois, contre le témoign"ge du sensintime le plus exprès, puisqu'on s'engagerait à prouver qu'iln'y a pas même lieu à poser les questions dont it s'agit, qu'iln'y a rien dans l'entendement qui n'y soit à titre d'idée claire,positive, déterminée ou particulière, que tout le reste ne con-siste qu'en abstractions sans réalité, en purs signes, quel'absolu, l'infini nesont pour nous qne desmots vides de sens,que nous ne pouvons rien MMattre ni rien affirmer de la

Page 218: Maine de Biran: Science et psychologie

MPPe!<T8 BE9 8C<ENCBa MTCMBM-ES478

réalité dea Mr~s substances ou cauaea que noua n'attachons

à cas tcrmaa aucune idée ou notion autre qu'à dea t<~<M~mCMà des cottcetiona artiBciettoa quo te earaetëfe do necfs.

MMqui a'attaehe à certaines notions, qu'it est impossible quenous n'ayons pas ou que nous ayons d'une autre Mant~c,

est illusoire, cbimérique et no tient qtt'tMtxhabitudes du tan-

gage qu'it n'y a dono pour nous qM'mte nëcesaité logique,

qui conaiste daas t'ident!t& et que la aêceaaité M~jBA~~Mp

qui prétend étendre aux existences réelles n'est qu'un j~Mde

mots enfin que nulle croyance oe pout s'êtendre aMdolAdu

témoignage des sens au de ee!M de la mémoire qui en est une

ouite, toraqo'it s'agit de faits au de t'Avidence logique, o'eat-

a-dire encore de l'identité, quand it s'agit des rapports de nos

idéea abstraites ou des~otioM improprement appelées pria-

cipes qu'ainsi il n'y a aucune distinction possible à admettre

ou à concevoir entre ce que nous connaissons souvent sans y

croire, et ce que nous croyons exister réeUement sans te con-

naître.

Quand on parviendrait a justifier par ta ces assertions néga-

tives, te plusdifficile serait encore il faire; ce serait de les

raccorder avec te témoignage du sens intime, sent CMM~'MM

que nous ayons de ta vérité métaphysique. J'ose assurer hau-

tement d'après ce témoignage qu'on n'y parviendra jamais. Je

conclus de ce qui précèdei° Quele défaut de distinction entre les principes et les lois

de notre faculté de croire et de connaître a été la prinoipalesource des erreurs où sont tombés tes métaphysiciens purs,

quand ils ont cherché à dériver la connaissance de certaines

idées positives, des principes innés de croyance. Mais,

2" Que l'oubli de la même distinction fondamentale, on

plutôt l'abstraction totale des principes de notre eroyancfrend tout an moins incomplètes les théories des psychologistes,

qu'en s'attachant exclusivement aux lois de dérivation de nos

connaissances et à la formation de nos idées d'espèces diffé-

rentes, ces théories renoncent ainsi & en justifier la réalité.

C'est ce que je m'attacherai à développer un peu plus dans les

Page 219: Maine de Biran: Science et psychologie

ATEC M ~CMCMaœ i73

consitMfaMonasuivantes qoi nous pafataaaemtpropres àd~montMtFqM'itya dumoinsbeaucoupd'incomp~tetdevagMadanstes dactf!aeaqui a'appaiantaMrla sensationMtnqMemeM<.

(MtjecMMMMHtMMo~hte~.

Toutes les doctrines en général, tant celle de métaphysiquepura que celle de psychologie expérimentale, prennent pourpoint de départ nécessaire la réalité ~o/M~ de quelque Aw,~H~aHM ou eet~<t qui est censé ou cru exister, avant qu'ilcommence à se maaifeaterpar quelque sensation, mottificationou idée produite CMtMus. H est bien reconnu a~ourd'hMique ceux qui font des efforts pour se passer de cette donnée

absolue OMqui prétendent la déduire, en construisant pouraimai dire le monde dea réalités, ne fout que tourner labo-rieusement dans un cercle d'identités logiques, et que leurs

prétendues déduotions ne sont que de vrais paralogismes quioffrent, sous une forme trompeuse de résultats, ce qui a

été nécessairement et implicitement supposé en principe,savoir l'MM~MC~réelle qui, quoi qu'on en dise, ne sera

jamais pour nous identique a la seMMee.C'est en voyant ces

vains efforts qu'on est peut-être tenté de regarder la métaphy-

sique comme une chimère et vraiment e!te serait telle, si

nous n'avions aucun moyen de nous assurer qu'il y a des

causes et des substances réeUemeat existantes dans l'univers.

Assurément il n'y a pas lieu à demander comme ce roi des

Mèdes dont parle complaisamment Voltaire, pourquoi existe-

t-il qae!qne chose? Ce serait faire une question non moins

insoluble et ridicule que de demander commet quelque1

chose existe?. mais ce qui peut et doit éveiller la curiosité

d'un esprit raisonnable c'est de savoir comment quelquechose peut commencer à exister pour nous, sujets ~eKsaM~et sentants, c'est-à-dire à être connu par notre esprit au

titre quelconque absolu ou relatif de substances douées de

certaines modifications ou de causes productives de certains l

effets; ou en second lieu comment nous existons noas-mcmcs

Page 220: Maine de Biran: Science et psychologie

MPMR~S CES SCttNCEa ttATCMUBajt74

ou apercevons n~tre existence individuelle au Mémo titre.

Quoique ces domiî'res questions semblent être plus à la portéedo l'esprit humain, on a été bien tengtemps à les poser etMême à douter qu'il y eût lieu à une question. Et lorsqu'onen est venu à tes poser, la manière dont on l'a fait, et ta mul-titude de solutions ditférentes et contradictoires auxquellessont arrivés les métaphysiciens, a prouvé qu'en nous commehors de nous, les principes on les commencements sont tou-

jours ce qu'il y a de plus diMoite à déterminer; et que dans=

la philosophie première on est également exposé à obscurcirtes notions les plus claires en demandant ce qu'on sait, et àse créer de vains objets de recherches en ne sachant pas ce

qu'on demande.De nos jours et depuis Descartes surtout, qu'il faut consi-

dérer comme le véritable père de notre métaphysique modeKM,les métaphysiciens paraissent avoir renoncé aux spéculationsontologiques sur ce quo les êtres sont en eux-mêmes dans

l'absolu, pour s'occuper plus exclusivement de ce qu'ils sont

pour nous et dans leurs relations avec nos moyens de con-

nattre, moyens que plusieurs ont limité aux sens externeset aux facultés qui en dérivent et se rapportent le plus spé-cialement &leur exercice mais ainsi on a tout &fait négligéun système particulier de notions ou de croyances, dont l'espritne peut se passer, dont il fait un emploi très précoce, continuet nécessaire qui, sans pouvoir être représentées ou coMHMM

par les sens ni l'imagination, sans avoir ce que nous appelonsdes idées qui leur correspondent, n'en font pas moins partieintégrante et essentielle de toutes nos idées de faits, &quielles communiquent le caractère réel, permanent et invariable

qui leur appartient en propre et qui n'est bien certainement

l'apanage d'aucune des impressions accidentelles reçues dudehors. En négligeant ce système de notions et procédant à

l'analyse des sens et des facultés de l'esprit humain, commes'il n'v avait point de réalité absolue et une ratio essendi quel'homme est obligé de croire, alors même qu'il ne peut s'enfaire jamais aucune sorte d'image, on n'a pu arriver qu'à des

Page 221: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC t.A MMCtMMMHt! i7S

théorMs idéales qui, au lieu de représenter l'esprit humain tel

qu'il est, ne le montrent que sous une de aea faeea partielles,ou mettent à aa place une aorte do fantôme hypothétique «t

artificiel, qui n'a avec laiqa'une reasemblance imparfaite. On

ne trouve en effet dans ces théories ou systèmes quelque bienliés qo'Hs soient dam t'expfesawn, rien qui indique tnêaM.ta

place do ces notions réelles d'êtres, de substances, do causes,de forces soMSlesquelles ou condition desquelles seules nous

connaissons les ehoses et tes 6tre9, y compris notre propreindividu, puisque en effet !e sujet pensant et sentant moi, quiconçoit des idées ou reçoit des sensations, n'est pour hM-ntemoni une idée ou nne sensation pare, ni une collection do sen-

sations, ni une catégorie.Cette manière de procéder par abstraction dans l'analyse des

faenhés de l'homme, a mis la psychologie dans une sorte dolutte et d'opposition, je ne dis pas seulement avec les sciencesnaturelles qui réclament nécessairement en faveur de la réalitéabsolue do lour o6jet, contre le point de vue qui tend à réduirecet objet à une collection artificielle de sensations ou d'idées;

je no dis pas avec le sens commun de tous les hommes qui ne

peut supporter qu'on mette en problème ce dont il lui est

impossible de douter; mais avec elle-même qui Bnit par s'&terle point d'appui de la croyance, sans lequel elle n'aurait pucommencer à s'établir, donnant ainsi gain de cause &l'idéa-

lisme et assurant le triomphe du scepticisme qui s'empare de 1

cette opposition entre les théories et les données réelles de

l'existence, pour détruire celles-ci au moyen de celles-là, et

dire que tout est incertain, même ce que nous croyons lemieux savoir.

Les théories de Locke, de Condillac et de presque tous les

métaphysiciens, supposent en enet comme données irrécu-

sables et évidentes par elles-mêmes, l'existence réelle et

absolue de l'âme donéo par sa nature de certaines <acn!tés,celle des corps matériels doués aussi de certaines qualités/we-mières indépendantes des idées représentatives que nous en

en avons, et de plus des pnissances ou des !wces en vertu

Page 222: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPPORTS t'ES 8Ht!t<CE3 HATUHEM.~a06

desquelles ils agissent aur nos organea et par eux sur

rame, eto.

Voil&bien dea choses prises pour données et con~neacommeréellement et néceaaairement exiataatea avant qu'aucune sen-sation no commence. Or, comment savons-nous et sur queltémoignage croyons-nous avant les sensations et par suite

indépendamment des êtres réels et des causes qui font com-mencer ces sensations en nona? Ce n'est pas d'aprëa lesmêmes idées de ~Msa~te~ qui seraient dhoa représenter cesêtres ou ces causes car on s'accorde aujourd'hui à reconnattrece quo ~oche paratt ne pas avoir bien compris, qu'il ne peut yavoir do ressemblance qu'entre deaxidéoa ou deux sensations

et jamais entre une idée de sensation et son objet substantielou la cause qui le produit. Ce n'eat pas non plus d'après desidéea de rénexion, puisque ceMea-cise bornent à nous informerde ce qui s'est passé en nous-mêmes et de nos propres opé-rationa. Ainsi puisque noua avons des notiona ou du moinades croyances de choses, toutes différentes de nos idéea do

sensation ou de rénoxion, et qui ne leur ressemblent enaucune manière, it faut en conclure que l'esprit humain n'est

pas limité à ces deux oapecea d'idéea; et quand même onaccorderait au scepticisme qu'il n'y a rien hors de notre esprit,cette conclusion n'en serait pas moins fondée, pniaqu'ii serait

toujours vrai de dire qu'à tort ou à raison, noua concevonset croyons quelque chose qui ne rentre ni dans l'une ni dansl'autre classe d'idées, par suite que le système est incomplet.

Condillac, des le début de son traité des sensations, posede même une âme, des organes matériels, des objets quiagissent sur sa statue, c'est toujours là le postulatum néces-

saire, ou la condition requise pour que la première sensation

puisse commencer, ou que l'odeur de roso soit sentie parl'amc. Or cette âme prise à titre de substance ne saurait être

identique, comme on dit, avec la sensation, puisqu'elle est

supposée rester identiquement la même après comme avant;l'odeur de rose qui varie nécessairement est remplacée pard'autres, etc., etc. Ce n'est donc point par une idée de sen-

Page 223: Maine de Biran: Science et psychologie

AVBCMPS~CHeMMHS M?

sation qu'on peut concevoir la substance dont on est obligédo supposer maintenant la realité Ainsi s'il n'y avait en

noua que ta sensation, il ne pourrait y avoir aucun sens

attaché aux signes dont on se sert pour énoncer le postulatumde la doctrine, et quand on dit par exemple j'approche une

rose du Mpsde la statue, son Ameest modinée en odeur do

rose, été., ces termes substantifs rose, MM,~<~«c, dme n'au-

raient absolument auoune signification hors de la sensation

actuelle et accidentelle d'odeur, mais dans ce cas pourquoie sert-on de tels signes vides de sens? pourquoi supposer des

substances, des causes existantes avant la sensation ?pourquoine pas adopter un autre langage et exclure do la science ces

prétendues données qui sont de vrais non-sens? Qu'onessaie donc de son passer, seulement quelques instants, et

d'imaginer une sensation abstraite d'un sujet seatant et d'une

chose sentie. Cette nouveauté mérite bien la peine d'être

tentée. ReconnaM-on que la chose est impossible, que nous

sommes contraints de parler et de penser d'après la ferme

persuasion et la supposition nécessaire qu'il y a hors de nous

et que nous sommes nous mêmes des êtres réels, différentsdes sensations et des idées il faut avouer aussi qu'il y a du

moins dans notre esprit des notions ou croyances tout à fait

différentes de ces sensations et qui pourraient ne pas nous

venir par la même voie, etc.

On peut dire que le postulatuni sur lequel l'analyse des

sens et des idées est forcée de s'appuyer est une hypothèseadmise d'après nos habitudes ou les préjugés qui dominent

actuellement dans notre pensée, mais que nous ne devons

admettre ainsi que par provision, et seulement jusqu'à ce quela M!Monou la suite des expériences réBéchies l'ait confirmée

ou inSrmée. Alors on s'engage d'après la méthode des hypo-thèses, admise avec succès dans plusieurs branches des

sciences naturelles, à prouver que la première suppositiond'où l'on part est absolument vraie, en tant qu'elle s'accorde

avec les phénomènes, et quelle les représente exactementou qu'elle est fausse et doit être exclue de la science, comme

i2

Page 224: Maine de Biran: Science et psychologie

a&PPOMS CES SCtEKCES NATMBEHEa178

étant on opposée avec quelques-uns des faits qu'elle est dos-

tinée à expliquer. ou inutile et de nul emploi, si ces faits

peuvent être expliqués d'une autre manière, et sans avoirrecours à l'hypothèse dont il s'agit.

Or ai l'analyse des sensations et des idées ne prouve pointen résultat que l'hypothèse d'umnonde réel et extérieur soit

opposée aux phénomènes psychologiques, elle s'attache du

moins a montrer, et croit y avoir réussi, que l'ensemble doces phénomènes et le système entier de nos idées ou do nosconnaissances est indépendant sinon do la réalité absolue dessubstances et des causes efficientes, du moins de la connais-sance que nous en avons, puisque nous n'avons aucun moyend'atteindre cette réalité absolue, ni par suite de justinor ou de

démentir complètement l'hypothèse; d'où il résulte qu'elleest inutile et devrait être rojetéc, si l'on était conséquent à laméthode dos physiciens comme l'ont été les idéalistes.

Lorsque Copernic se propose d'expliquer tous les mouve-ments réels et apparents de notre système planétaire en

partant de cette supposition que la terre tourne autour dusoleil immobile, il déduit d'abord a priori do cette donnée

hypothétique, une suite de conséquences ou de fait, encore

hypothétiques comme leur principe; 2" il compare ces résul-tats avec les phénomènes observés tels qu'ils doivent êtreréellement dans l'espace absolu pour produire les apparencessensibles que nous remarquons; 3° il conclut enfin de l'iden-tité entre les faits observés et ceux qui sont déduits de l'hypo-thèse la vérité absolue de celle-ci qui se trouve ainsi érigéeen une loi de la Ka<MM,éternelle, immuable, aussi indépen-dante de nos représentations que l'existence même des corpscélestes à qui elle s'applique.

Si les déductions a priori du principe hypothétique ne s'ac-cordaient pas avec les expériences ou les faits observés a

jMM~MMou si ceux-ci pouvaient être expliqués de toute autjremanière, le système astronomique, étant conçu et complè-tement analysé dans tous ses détails, indépendamment de

l'hypothèse que la terre tourne, celle-ci serait par là même

Page 225: Maine de Biran: Science et psychologie

AW~tA PSYCMt't.catE i70

démontrée fausse, et on ne pourrait la regarder que comme un

jeu de l'imagination, une fantaisie arbitraire qui ne mériteaucune croyance, H importe de remarquer au sujet do ces

hypothèses dont les physiciens font usage qu'elles se fondent

toujours elles-mêmes sur la réalité absolue des objets, revêtusde telles apparences sensibles ou manifestés par tels phéno- ¡mènes vrais, cette réalité étant nécessairement indépendantede l'hypothèse qui ne peut s'étendre jusqu'à elle en second

lieu, qu il y a toujours une alternative opposée à la suppo-sition que les choses se passent réellement ainsi et qu'onpourrait concevoir tout aussi bien qu'elles ont lieu d'une toutautre manière.

Ainsi Copernic était le maître de faire, en commençant,comme tout !e monde, la supposition commune que e~est !esoleil qui marche autour de la terre immobile et la difficulté

eût été alors de concilier les faits de la nature avec cotte

hypothèse. Mais assurément il n'aurait pu faire ni l'une ni

l'autre hypothèse, s'il n'avait pas eu l'idée ou la notion préa-lable d'une terre et d'un soleil, comme existant réetlemont

en mouvement ou en repos dans un espace absolu, immo-

bile, etc.

Telle est donc la portée et la limite do nos hypothèses arbi-

traires, qui ne peuvent qu'assujettir à certaines formes ou

combinaisons, d'abord purement idéales, certains éléments

primitifs donnés à notre esprit ou à nos sens comme réels,sans que l'hypothèse soit capable d'en altérer la nature ou à

plus forte raison de les anéantir ou de les créer.

Voilà pourtant ce qui devrait être pour que la méthode des

hypothèses pût être applicable à la philosophie première etservir à la solution analytique du grand problème des exis-

tences. On peut en physique opposer les observations les unesaux autres, feindre que les phénomènes soient autres qu'ils ne

paraissent, et comparer le tableau de l'imagination à celui des

sens, ou soumettre le premier à la vérification de l'expérience.Mais comment vérifier par l'expérience des notions qui, parleur nature, sont les conditions universelles et nécessaires de j1

Page 226: Maine de Biran: Science et psychologie

MPPOKT~ BEa SCt~CE~ NATCKEt.t.RSi80

toute expérience, sans lesquelles rien de ce que nous appelonsfait ne pourrait exister pour nous? Comment justifier aussipar les déductions de la raison ce qui constitue la raisonmôme?queMe pourrait être la règle, la base, la point d'appâtde l'entendement pour prouver les lois qui le régissent on Feprouver lui-même? Pour appliquer ici la méthode des hypo-thèses à la philosophie, il faudrait pouvoir dire commeCopernic s'il y a, comme nous le croyons et le supposonsd'abord, dos substances corporelles, une &me, des causesexternes de sensations et un sujet réel qui les reçoit il doitresntter ojOMonde ce principe hypothétique dps idées de sen-sations sous telle forme, et des notions sons tels caractères.Or nous éprouvons ou nous savons d'après notre expérienceintime que ces sensations et notions sont telles qu'eUesdevraient être, si nous avions une âme, un corps organique,et s'ii y avait hors de nous des substances étendues, doncl'hypothèse est absolument vraie.

Voilà bien la forme d'un raisonnement hypothétique, laforme seulement quant au fond, il n'y en a pas c'est un purparalogisme, qui ne voit qu'il n'y a là que la forme logiquequi soit commune, et que tout diHere pour le fond?

Ce raisonnement présente en effet, sous l'apparence d'undoute ou d'une hypothèse à justiner, un principejte croyancenécessaire sans lequel il serait impossible de penser ni defaire aucune hypothèse comment en euet écarter un seulmoment ces notions de substances, de causes pendant qu'onpense ou qu'on parle de sensations ? etc.

S'il y a des corps, il doit en résulter telle suite de phéno-mènes. Mais s'il n'y enavait pas, s'il n'y avait aucune subs-tance, ni cause efficiente dans le monde, que deviendraitcelui qui fait l'hypothèse? Est-ce qu'il peut tout a la foispenser et concevoir tout anéanti, y compris lai.méme, pen-dant qu'il pense? Qu'est-ce donc qu'une hypothèse dont lecontraire n'est pas même susceptible d'être pensé ?2

Mais admettons qu'il fat possible de présenter sous cetteforme hypothétique le jM~a~MM nécessaire de toute phito-

Page 227: Maine de Biran: Science et psychologie

A~ECMfNfCtMMOn! iM

sophie, du moins faudrait-il que la première hypothèse étantdonnée comme principe, tout l'ensemble des résultats on desdéductions dont se compose la doctrine, tendissent &eonnrmerune hypothèse qu'il y a des êtres rée!s, des causes de sen-

sations, et une âme ou un sujet sentant. Mais tout au contraire,après qu'on a employé l'hypothèse et les signes ouïes notionsdont elle se forme, pour établir ta doctrine et mettre en jeules sensations et les idées, il arrive que cette doctrine se suffità elle-même, s'élève et se compte, sans admettre les notionsou plutôt en excluant tous tes étéments qui entraient dans

l'hypothèse, et qu'elle Suit enfin par prononcer et prouver àsa manière qu'il n'y a dans notre esprit aucune idée de sen-sation ni de réuexion qui représente des substances quel-conques, matérielles et immatérielles, et que nous ne pou-vons juger ou raisonner que sur nos idées ou ce qu'elles nous

représentent; que nous n'avons aucun moyen ds savoir s'il ya ou s'il n'y a pas des substances et des causes, et que, si elles

existent, suivant l'hypothèse faite en commençant, nous ne

pouvons les connaître en aucune façon. Ce qui est, en con-tinuant notre comparaison, comme si Copernic en partantde l'hypothèse que la terre tourne autour du soleil et raison-nant sur les conséquences de cette hypothèse, avait établi unethéorie astronomique, où le mouvement de notre planète neserait pour rien, et dont la conséquence finale eût été qu'il est

impossible de se faire la moindre idée de ce mouvement et desavoir s'il a I!ou ou non.

Pourquoi donc supposer, lui eut-on dit, et comment avez-

vous pu faire pour concevoir et exprimer par quelques signesune hypothèse inintelligible?

On peut demander de même aux philosophes dont il s'agitpourquoi avez-vous supposé en commençant qu'il y avait des

substances étendues, des causes de sensations, un sujet?comment avez-vous pu concevoir et exprimer une hypothèseavec des signes qui ne doivent avoir aucun sens pour vous,

puisqu'ils ne sont associés à aucune idée?

Remarquez ici que la diBicuIté n'est pas tant de savoir s'il

Page 228: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPMNTa psa actEttc~a NATfaEU.~a<83

y a réellement hors de noua des substances ou dea causes de

sensations, comme nous !e croyons, que de comprendre com-

ment il est possible dp forger une telle hypothèse, s'il n'yavait rien, en dehors ni même dans notre esprit, qui corres-

pondit aux signes que nous employons pour l'énoncer.

C'est là un mystère vraiment impénétrable que tous les hom-

mes ignorants comme savants ne puissent parler et penser

qu'en employant des signes de substances, de causes auxquellesils attribuent exclusivement la réatité et qu'en parlant ou

pensant, ils ne s'entretiennent que de chimères au lieu d'êtres

réels, et de choses inintelligibles au lieu de rëantés premièreset évidentes.

Assurément, le témoignage du sens intime nous atteste quenous savons très bien ce que nous disons quand nous aMr-

mons certaines quatités d'un sujet substantiel, certains effets

d'une cause ou force productive veut-on infirmer ce témoi-

gnage, sous le prétexte qu'il n'y a point d'idée de sensation

attachée à la substance, à la cause? Nous tirerons de ta plutôtune conclusion opposée a la doctrine, en disant puisquenous nous entendons très bien en parlant de substances, de

causes, etc., et que, d'autre part, il n'y a point d'idées repré-sentatives de ces choses, il faut bien que nos affirmations,nos croyances, notre pensée, ennn, s'étende plus loin que ce

qu'on appelle sensations, Idées représentatives, etc.Descartes a conclu l'existence récite et absolue de Dieu, de

son idée d'un être nécessaire, inSni, éminemment parfait; car

si cet être n'existait pas, comment cette notion se trouverait-

ette en nous? Je m'étonne que ce profond métaphysicien n'ait

pasappliqué !e même raisonnement à toutes tes notions d'être,de substance, de cause, etc. Il est certain que nous ne faisons

pas ces notions, comme nos idées collectives ou générales,nous les trouvons toutes faites avec leur caractère réet, uni-

versel, nécessaire. Or, s'il M'e.HS<<n~pas réellement dos subs-

tances, comment pourrions-nous les croire et les afBrmer?Je résumerai ces objections en m'adressant aux auteurs des

systèmes

Page 229: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC t~ MlfCtMM~tE t83

Voua supposez, on admette! do prima abord, l'cxiatcnceréelle et absolue de l'Ame, substance douée de ptusicuM hcul.tés (qu'on pont essayer de réduire ap~s vous a una sentefaculté réoeptivo do sensations); vonssuppoaexau~i t'osi~tence absolue des organes qui reçoivent des corps étrangersdes impressions qui produisent les premières idées simpks dosensations; toutes ces suppositions sont autant de ~(M~M/M/<!qui servent de bases à votre théorie. Vous ne croyez pasqu'il soit nécessaire, ni peut-être possible de les prouver oudotes justiner, avant devons en servir; à la bonne heure,pourvu que l'ensemble de votre doctrine no les démente paset que lu féa!ité des notions, des substances, des caus~, deseneta et des seHsa<M)M,par exemple, se retrouve comme con-séquence des déductions dont cite a été le principe hypothe.tique. Cependant vous avancez dans la construction de votr<*grand édifice psychologique; déjà il est achevé: vous nousle présentez commo complet, et nous devons croire d'aprèsvous qu'il n'y a pas une seule idée, notion ou opérationintoUectueUe qui ne rentre dans quelqu'une des ctassus et des

compartiments que votre génie méditatif a tracés, pas une quine se rapporte a l'une ou à l'autre des sources que vous avez

signalées ou aumétange des deux. Mais que deviennentdonc ces substances, ces causes que vous aviez vous-mêmesadmises comme réellement existantes, avant ta sensation et

indépendantes d'elles? Vous ne les reléguez même pas dansla classe des idées simples do sensation, car alors elles n'au-raient pas plus de réalité ou de permanence que ces idées ou

phénomènes qui naissent, s'évanouissent et varient à chaqueinstant. Vous n'avez jamais prétendu assimiler la cause de

l'odeur, d'une couleur, par exemple, avec l'idée même de lasensation; cela contrarierait la supposition qui vous a servide point de départ, comme tous les principes de croyanceinvincible qui sont avant la science, que celle-ci no peptjamais contredire.

Vous ne pouvez non plus les ranger parmi les idées simplesde réflexion, telles que voua les considérez, parce que celles-ci

Page 230: Maine de Biran: Science et psychologie

MPMRtS M3 aOESCES N*THMt.M8w

ne viennent qu'après les idées de sensation, et no sont que des

conséquences ou dos produit étahorés nhériaMpement, puis-quo, d'nincHFS, l'idée r6(!éohi~ d'une cause no ditMmrait pasdu sentiment intime da cette Mwc, et qu'il ropugne de dira

que nous ffMt«wMimmédiatement avec tes odeurs, los M-

WMM,etc., loiscauses qui pradMiacat on nous ces settoa~ona.Je cherche doae vainement la ptMo de CMnotions admises

ou supposées r~eMes,au début du système, de r&MMsubstance,des organes tnaMFida, des objets ou causM do aeaaaUena,reconnus d!st!ne<8ot sépara d'eHcs. Et je trouve que nonsoulemont la théorie ne laisse pas de easet, pour ces notions,mais, do p!as, qM'et!a les exclut tormattetnaat à titre d'!d<'<ts,en assurant que noua n'avons aucun moyen do connaMn) lossubstances et los causes.

Que Mfe donc dans cet embatfas? Admettrai-je la théorie

p9ycholog!que?Mfautqueje contredise !asuppoait!on promibreet tous les principes do croyance qui ont servi à l'établir et

que je n'y retrouve ptua. M'enrapportorai-je à ces principesde croyance? et admettrai-je taréa!!te des notions qu'its expri.ment ? Il faut sinon que j'abandonne la théorie dans ce qu'ellea de conforme aux véritables faits psychologiques dont je puistrouver en moi la copie, du moins que je leur cherche quoi-que supptément nécessaire, un moyen de remplir les lacunes

trop évidentes, de réparer ses omissions de principes et desauver ses contradictions.

C'est là l'objet que je tâcherai de remplir otténearementen cherchant l'origine et les caractères de toutes tes notionset croyances de l'esprit humain, dans une première qui s'iden-tifie exclusivement eUe-méme avec le fait primitif de cons-

cience.D'ou il résultera que le premier problème de la philosophie

peut en6n être.résolu d'une manière exempte des difScuités et

contestations dont la métaphysique a donné jusqu'ici l'exempleet pour ainsi dire le scandale. n le sera par une méthode

tmoyenne, pour ainsi dire, entre celle des doctrines toutes

fondées snr Inexpérience extérieure qui n'admettent que des

Page 231: Maine de Biran: Science et psychologie

A\'RGn pa\eaeMa<s 4M

sensations et dea ideca. et celle des dootrinos à priori quiadmettent des notions OMdes principfs iun~a.

J'ai cherctt~ h pMMwr que les uotiom do substaueos, doforces ou eauaes, ne sont ni ~fa M~a da acn~atton tt! desahatFacUoaa ca~aM tea aMtFea tt mo reste matateoant &fa!revoir qu'& titre de notions !atett~tMot!ao, eMea Meaont pointinnées ou Md~eodantes da tOMteMtp~riencc.

Comment t<'< d)<f<)<~)~tM m~<«ph)f<[<)))c!tHoo~'ntA titfoohxtn)) <)<'<'pïtnetpt'i)<)'' h t'~y~Mc~ ft ttf In c.ottta~Mtx't'

Noua l'avons dit: notre faculté de croire est !i6« par sanature à !'<~a~; c'est comme uaa face de l'esprit humain,qui so trouve naturellement tournéo vera la réalité absoluodes ehoaea ou des êtres; mais cotte face doit être éctairee pourse manifester et les rayons qui se dirigent vers elle, du dedansau dehors, l'altèrent, la dénaturent &leur contact; l'esprit quiconnatt, mMeet confond sa propre nature avec cotte des chosesdont l'existence reette lui est signiMeo, attestée, parla facultéde croire. Mais, dès qu'il les saisit ou tes touche, il en changeles formes, tes trouble, tes attere, tes dénature JVa<M~ <e-MMM,Ha<MM<MiMCtMinmiiscet e<tM!~MC<~M<O~Me< <M/mat. (Bacon.)

Si quelque chose d'ahsotu ne nous était pas donné primiti-vement et nécessairement, comme objet de croyance, il n'yaurait pas de connaissance relative, c'est-à-dire que nous necom.'tîtrions rien du tout.

Le relatif suppose un absolu préexistant; mais comme cetabsolu cesse d'être tel et prend nécessairement le caractère de

relation, dès que nous venons à le connattre, ou par cela seul

que nousle connaissons, il implique contradiction de dire quenous ayons quelque connaissance positive ou idée de !'<~o/M,quoique nous ne puissions nous empêcher de croire qu'il est,ou de l'admettre comme donnée première inséparable de notre

esprit, préexistante a toute coKnaMiMKcc.C'est cette faculté

Page 232: Maine de Biran: Science et psychologie

MM'MMS MKt StttttCM NA~t)~Ht:3<8N

do croire M que nous ne pavana admettre que de eeMnes

metaphyaieiena ont distinguée aona la titre tr~s ittusoire, cemo semble, d'wifM~MMM~<M<

< Le procédé do l'esprit qui se fonde sur la croyance censéeà partir de t'abaotn ~aHM<pour arriver au relatif <'<MMM:c'estla marche de la Métaphysique a ~~<; elle contrarie losfois fondamentales do notre connaissance. Comme on appollocotte métaphysique jOMtw,on pourrait tfha bien lui appliquorta mot ingénieux de Bacon, au sujet do la recherche doscauses flnalos, qu'il compatea une vierge pure et sacrée, con-damnée a la stérilité C~MJMfMHt~«!/<MtMtHw~~< ~<<'iM~, /«M~M<!Mftry« Dro COMMCM~HtAt/~wA.

Le seul procédé légitime de la connaissance consiste àpartir d'une première relation d'un fait primitif connu, pourarriver il l'absolu, non pas comme objet <fMMe<<?<*ou d'une

j connaissance déterminée quelconque, mais comme ohjetdecroyance indéterminée par sa nature et qui entre comme prin-cipe élémentaire dans toute connaissance réelle ou de fait.sans constituer par tui-même cette connaissance

Le procédé de la connaissance est nécessairement analy-

tique celui do la croyance esttoujours synthétique; mais

cette synthèse sa trouve limitée ù joindre ensemble ou à

<. Suivant la philosophie weMeuM, t[ y a quelque chose tt'aoMrieur &rMMteuce. paixqu'Mt peut d~nir t'ex~teuM eu disant qu'elle est le oampM-Uteut du poMibte. Atast, dans ce point de vue qui e<t celui de la <-)a~«t<w,le possible engt'odff ractuel, eo qui veut <)ife que la <-au:e pr~cMe son elfet

pht'uMUfMtque, et qu'avant te pMuumfue que nous pouvons tonaa)tr<' tt y aun Mre qui rend possible tel pMtMtuèac ou tette Kpn'MntatMn actuelle.Observez qu'on ne peut paa dire qu'avant le pMttom~e actuel ou la tvp~-Mtttation de phénomène il y a une représentation ou nu phénomène pos-eibte: ce serait là réaliser une pure abstraction, et t'Mfe abstraite, arUa-eieUe, de ce possible vient bien certainement de l'actuel oa du fait reprf-MnM; mais il n'en est pasainsi do la conception de t'<Mn?ou de la causa quiactualise le phénomène ou produit le fait pour nous; noua ~«mmp!) nccea-eiMs à mettre cette cause ou cet être possiMti"ant avant t'actue) qu'Mentendre reeiicment, quoique nous ne concevions cet être que par le fait ouavec lui. Ceci explique comment il y a deux modes de dérivation t undans le système de nos croyances absolues, t'autre dans celui de nos con-naissances relatives, qui sont tous ies deux vrais. (M. B.)

Page 233: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECM !'SWHQM<Mt! <87

combiner des éténx'nta logiques, et ne peut n'aboHtip enfin,

après avoir tourné dans soncerela, qu'à des identités wrbateado cette fornw A ==:A.

En suivant te profadé (ta la croyance, on établit comme

axiome, qu'avant d'a~A, avant d'être modiné d'une manière

quelconque déterminée, de ao manifester sous toi aMr!bM(,

qualité eM propriété, il faut ~e absolument ou à titre do

substance, dt) eAoso~M<M<,do H«WH)A<pet 6'est une vër!M

n~iccsaairo,qu'il est impossible do no pas croire, OMdont !econtraire est inmteMig!b!o. Mais cette v~rit4 ahsotMc, Mtiiver-

selle, néeeaMir~, «<tt-«!<aaussi primitive. Oui, daas !'<Mdrede Enos croyaMes; non, dans celui de notre eonaaiaaanca. D~s

quo ta faculté de croire s'exeree, t'axiome dont il s'agit atouto aa force et son caractère do primauté. Nul meda n'est

conçu, nul ph~ftomëae ou mouvement ou action, n'est reprA-aentô à l'imagination ou aux sons, sans etra rapporta soit aune substance, soit à une cause qui est censée ou crue néces.sairemont exister avant comme après.

En suivant le procédé de la connaissance, on établit commeajewHe également nécessaire qu'avant d'avoir ou pour avoirla croyance d'un absolu quelconque, ou chose en soi, d'une

substance, y compris notre âme, il faut se sentir exister ou seconnattre sous un attribut, une première qualité d~rminéo,ou à titre de fait primitif. Il n'y a point à choisir entre cesdeux vérités, elles sont également évidentes et nécessaires etcomme eUes se manifestent dans notre esprit, il s'ensuit

qu'elles ne sont point opposées entre elles, et par conséquentqu'elles n'ont point un seul et même objet. Il ne s'agit pas desavoir si quelque chose existe ou existait avant que nous le

connaissions cette question est décidée positivement par le

fait, puisque c'est en cola même que consiste le principe de la

croyance contre lequel nous chercherions vainement &récla-mer. Il ne s'agit pas non plus de savoir si tel acte déterminéde notre faculté de croire est antérieur à une connaissance

quelconque et au fait primitif de la conscience, questiondécidée négativement par ce fait même qui nous témoigne et

Page 234: Maine de Biran: Science et psychologie

MPMRTa Ma aensNCKa NATCHEM~Eai88

nous assure qu'avant lui ou sans lui, c~st-a-dire sans le tH<rien ne peut être dit p~istor dans t'paprit à titra de eroyaaeepas plus que de connaissance ou (te notion même obscure euindétenninéo.

Mais une question plus embarrassante est celle qui consis-terait à savoir si le fait primitif de la connaissance (identique&celui do la coaaeience du «MM)peut être ou avoir M erigi-neMem&t)tséparé de la croyance d'un absolu préexistant, tel ?

que la substance durable de l'Amo ea du corps, c'est-à-dires'it est possible d'assigner dans la durée de ratre sentant et

pensant une époque o&il commencerait à avoir l'aperceptionde son existence individuelle, d'un effort voulu, sans avoirencore aucune notion ou oroyanco de son durable ou de ce

qui le constitue dire absolu, chose en soi, hors de la cons-

cience ou si, au contraire, !e~w<e<pedo la croyance, se trou-vant fondé dans la nature même de l'ame et par suite antérieurà tout, du moins cM<<«?//eMMM<,ne passe pas nécessairementde cet état virtnet & l'effectif aussitôt qu'arrive te premierélément de la connaissance, une sensation, une impression 0quelconque e~ee~M ou m<Mt<<<w,de telle sorte que le fait

primitif de la connaissance emporte nécessairement avec luila croyance de l'étre, de la substance durable modifiée, commecelle de la force absolue, qui agit ou se déploie sur cette 1

substance passive que nous appelons corps pour y produire le

mouvement, etc.Dans la première alternative, il doit y avoir un progrès L

assignable par lequel notre esprit passe de la premièreconnaissance à la croyance de la réalité absolue de l'âme et

par suite à celle des autres substances. Dans la seconde alter-

native, la croyance est nécessairement eon~eMpofaMMà la

première connaissance de fait, à partir de celle du moi et

inséparable d'elle.

Ici je trouve le principal point de division des systèmes quiont abordé le problème générateur, ou qui l'ont supposé d'une

nanière ou d'une autre.

Descartes, Leibnitz et tous ceux qui ont adopté sous un

Page 235: Maine de Biran: Science et psychologie

A~ECtA PaïCHOMOtB 189

titra quelconque des principes innés ou des notions a prioriindépendantes de l'expérience, paient du principe do la

eroyaaoa qui nous force d'admettre quelque absolu praxis.'tant ou fait primitif de la cooacienoo, en mettant un avant ce

principe comme n'ayant pas besoin de preuves. L'âme, oucomme on voudra l'appeler, cette chose qui sont et pense en

noue, étant un ~e ou une SM~~Mcc, doit avoir, da moinsvutNeMe<nent,t'Mee ou la notion tMH~ de ce qu'elle est, et

puiaqu'eMe est absolument comme substance sous chaounedoa modMeatiena qu'elle reçoit des idées adventices qui lui

arrivent, des actions qu'ollo esefee dans un temps, il estnaturel qu'elle no aente ces modineations, ne conçoive ces

idées, ou n'aperçoive ces actes, que sous tel rapport essentield'inhérence à l'être, à la substance qui est eMe-meme.« Comment, en effet, demande Loibnitz, pourrions-nous avoir

quelque idée d'~e.si nous n'étions pas nous-mêmedea êtres,des substances, » Il ne faut donc pas demander comment« il entre do t'~fe, do l'absolu dans toutes nos idées, » ilfaudrait bien plutôt s'étonner qu'il en fut autrement, cart'ame ne peut rien apercevoir en elle ni rien connattre audehors que comme elle est, ou soton ce qu'elle est on cHo-méme B~erMa MOMco~Mse~ MMtpefça ~M~HMMMtin s~Mc<

%pM,c'est--à-dire,comme êtres, substances durables ou choses,ce qu'elle est.

Pourquoi tous les métaphysiciens qui partent de cet êtreabsolu de l'âme substance, pour rendre raison du caractèrede nécessité, d'universalité des notions de durée, de subs-

tance, d'identité attribuées à ce qui n'est pas nous, ne sedemandent-ils pas d'abord comment nous existons nous-mêmes à titre de substance, ou comment nous savons quenous sommes des êtres, des substances durables? C'est queles métaphysiciens confondent perpétuellement l'âme, choseen soi, objet absolu de croyance, avec le mot, sujet relatif dela connaissance.

Or, comme ils Mnt~Rt l'impossibilité d'expliquer le moi

primitif, puisqu'il faudrait pour cela trouver un point d'appui

Page 236: Maine de Biran: Science et psychologie

MMttRTS Ma SCCMCES MATCREU.E9190

hors de nous-môme ou de la conscience, ou se transformeren objet cannM,sans cesser d'Mre «~ eonnaiaaant, e'eat-&.direêtre en même temps soi et un autre, ils transportent à la notiond'une substance séparée in a~rac~e ce qui est vrai de la con.science du moi ou du fait primitif de l'existence individuelle.

Cependant non n'est plus dîneront que cette e<MMeMHeeouce sentiment relatif que le moi a de tui-Meme~ en tant qu'Upense on agit présentement, et cette croyance de l'absolud'un être permanent d'une substance durable, hors de l'actionet de la ponsëe.

Bien loin do nior que la conscience réfléchie de notre moi

emporte avec elle présentement la croyance nécessaire dudurable de la substance qui reste, alors que le moi n'y est pascomme dans le sommeil, le délire, la défaillance, etc.

J'affirme, aucontraire, qu'il nous est impossible d'écarter cette

croyance, et qu'elle est présente à l'esprit de tous les hommes,de ceux mêmes qu'on appelle matérialistes, et qui se disentidéalistes ou sceptiques dans la spéculation.

Je ne décide pas encore positivement la question de savoirs'il y a eu réeUement un temps de notre vie sensitive et intellec-tuelle où nous ayons eu la conscience du moi, sans quelquecroyance ou perception absolue de notre être ou de la substancede l'âme plus ou moins obscure, du ducable de notre être pen-sant et, par suite, de quelque autre substance que ce fût; maisce que je me crois autorisé à affirmer dès ce moment, c'est quenous concevons très nettement cette dernière hypothèse, puis-qu'il n'y a aucune absurdité à admettre le fait primitif deconscience ou une connaissance première de fait, sans aucunenotion ou croyance d'absolu tandis qu'il implique évidem-ment contradiction de supposer la notion ou croyance actuelle

que l'&me aurait de son être absolu, indépendamment de laconscience du moi et avant elle. Or, si l'on admet au moinscomme possible l'antériorité du fait de l'existence indivi-

duelle à la notion de l'absolu, il y a lieu à demander quellessont les conditions du passage de l'un à 17autre; quel est lefondement de l'association première de l'élément de croyance

Page 237: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA MYCMOt~MUE <Mavec une connaissance qneteonque, soit subjective, soit oMcc-tive, ou qui réunit en môme temps !a!<deux caractères;comment le sujet pensant prenant pour point de départl'aperception qu'il a de son existence dans un acte qu'ilproduit spontanément ou librement, parviendra-t-il à la

croyance on notion d'une substance passive ou d'une forceabsolue quand eMe n'agit pas ? Y parviendra-t-il par taraison ou le raisonnement je pense, donc, je suis ? Sera-ce

par l'expérience ? Cette expérience scra-t-eue intérieure ouextérieure? Devra-t-eUe être répétée? Et la croyance npsera-t-elle ainsi qu'une habitude? Ou bien portera-t-elle avecelle on naissant son <*r)<eWMtHde vérité, de nécessité? Danste premier cas, comment l'habitude pourra-t-elle transformerlo relatif en absolu, le contingent en nécessaire; et comment,on se répétant, l'expérience revêtira-t-elle un caractèrediamétralement opposé à celui qu'elle avait dans l'origine?Dans le second cas, en quoi une première expénenco inté-ripure ayant le caractère de nécessité, invariable, ditTere-t-ellodu principe a ~OM, d'une idée innée ?

Tous ces points sont loin d'avoir été éclaircis dans les

systèmes divers et opposés des métaphysiciens mais on afait comme s'ils l'étaient, et on a pris son parti sur le moyendo passage d'une première sensation ou connaissance soit

interne, soit externe, aux croyances et aux notions que l'on aconfondues avec les idées abstraites, ou des croyances néces-saires que l'on a prises pour dos idées innées, aux premièresconnaissances.

Jé donnerai deux exemples remarquables et très instructifsde ces deux moyens opposés qui consistent l'un à passer d'une

première connaissance relative ou expérience intérieure à la

croyance on notion de l'absolu; –l'autre, à passer par lemême intermédiaire de la notion de l'absolu objectif à la con-naissance intérieure. Ces deux exemples me seront fournis

par Descartes et Leibnitz, les chefs des deux écoles célèbres

qui ont propagé jusqu'à nous l'esprit et la méthode de leursmaîtres.

Page 238: Maine de Biran: Science et psychologie

NAfPMtTa CES SCt6NCEa NATUM~MSi82

DESCARTES.En posant !e fameux principe Je ~<c, <~Mc

je SMM,Descartes paraît avoir senti le besoin de déduire do laconnaissance individuelle, la notion ou croyance d'un absolu

qu'il étabtissait d'un antre coté à titre d'idée innée. Si c'est bienune véritable contradiction, nous pouvons dire qu'elle est

heureuse, puisque c'est à elle que nous devons l'exemple du

procédé le plus sur que notre esprit puisse employer pourtrouver la base de nos connaissances certaines, et assignerl'ordre de leur génération.

Tâchons de pénétrer dans la profondeur de ce principe plusavant que ne l'ont fait d'autres philosophes qui n'y ont vu,tantôt que l'expression de i'idéanté logique, tantôt même quecelle d'un seul et même fait de conscience, ou d'un jugementsimple revêtu de la forme illusoire d'un raisonnement.

La conscience du moi ou l'aperception immédiate de notreexistence individuelle, constitue bien le fondement de tout ce

que nous pouvons appeler NHe~etM~e.Sans le moi ou la cons-cience du moi, il n'y a point d'acte de pensée sans l'aper-coption interne qui est bien une pensée, il n'y a point de moiexister (pour soi-même), s'apercevoir qu'on existe, JMHM?',voilà autant de synonymes qui peuvent être substitués l'un àl'autre sans rien changer au fond des idées. Cela posé, lamaxime de Descartes pourrait être énoncée ainsi j'existe ou

j'ai la conscience que j'existe, donc je suis.Si le verbe je suis dans la conclusion n'emportait pas avec

lui une conception différente de celle du verbe /e.ns<e (et jesais, je pense) dans la prémisse, cet énoncé du principe neserait qu'un pur jeu de mots, à peu près pareil à celui querapporte Cicéron en se moquant des dialecticiens st~t<ce<,&<ce<,a~Mt lucet, ergo &fee~.

On ferait injure à un métaphysicien tel que Descartes si onréduisait à un tel jeu de signes on de notions, le principe qu'ilregarde comme fondamental de tonte sci:ace, comme lecrt~M~ de toute évidence de fait et de raison en même

temps.Mais dans le sens vrai et réel du principe, j'existe ou je

Page 239: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA MYCHOMME <9S

reconnais que j'existe (je pense) ne veut pas dire tamemo chosequojesMM le premier exprime le fait de toute conscience, laconnaissance relative du <Ho<quin'existe pour lui mêmequ'au-tant qu'il s'aperçoit on pense, le second emporte avec luil'être absolu on la croyance que ce sujet qui se dit moi est unesubstance durable, une chose en soi qui n'a pas besoin de seconnattre dans quelque relation à un temps ou un lieu déter-miné, pour être dans l'absolu du temps et de l'espace.

Descartes semble bien entrevoir lui-même le fondement decette distinction lorsque, après avoir posé son principe dofait ye~M~, j'existe, il se demande à lui-même quand etcombien de temps est-ce que j'existe? savoir tant que jepense, que je me sens exister.

Suivant ce trait de lumière il aurait du dire, en demeurantfidèle à son point de départ ou continuant à procéder d'aprèsl'évidence du fait de sens intime.: je n'existe pour moi-mêmequ'autant de temps que je me sens exister ou que je pense orje ne pense pas toujours et je n'ai pas toujours la consciencedu NMt; donc ce que j'aperçois ou connais quand je disj'MM~en'est pas l'~re, la substance durable de Famé qui estcensée ou crue exister de moi.

A ce raisonnement appuyé sur le fait du sens intime, et ladistinction essentielle qui s y rattache comme conséquence,Descartes en oppose une autre contraire. Et après s'être élevéde la conscience du sujet pensant moi à la notion d'une subs-tance qui a en elle ou dans sa nature la capacité, la possibUitéde penser ou do devenir moi. it part de cette possibilitécomme eBectuéo, et définissant l'âme substance pensante (aulieu de cogitative) il se fonde sur cette déEmtion pour affirmer

que l'âme pense toujours et par cela même qu'elle est toujours(depuis la création jusqu'à son annihilation par la toute-puis-sance divine).

D'où il suit qu'il peut y avoir et qu'il y a une pensée subs-tantielle durable qni préexiste à la naissance ou à la formationmême de l'homme, on du composé des deux natures spiri-tuelle et corporelle que cette pensée, pour n'être pas aperçue

13

Page 240: Maine de Biran: Science et psychologie

MPP<)RT8CE8SCÏENCt!3NA'n)REUJS8<M

ou accompagna de la conscience du moi, n'en existe pasmoins; qu'elle peut avoir pour objet l'absolu de l'âme et con-

séquemmentlea attributs inséparables de sa nature; qu'il y aainsi le m<M<!<iso/M,indépendant de tout ce que nous appelonsconscience, aperception ou connaissance relative du moi pré-sent à lui-m~me et aux sensations adventices qu'il éprouve,comme aux actes contingents qu'il opère dans un temps parsuite qu'eu disant je pense, on peut entendre cette penséesubstantielle qui emporte avec elle l'absolu de l'~He identinéealors avec le moi, ce qui ramène l'enthymeme à une véritableidentité entre deux termes, puisque cet énoncé~e pense équi-vaudra à celui-ci je SKMune substance, une chose pensante,car je ne pense que ce que je suis, et comme je suis (ou plutôtmon Amene pense que ce qu'elle est et comme elle est).

Je substitue cette dernière formule parce qu'il est impos-sible d'introduire le signe précis de l'individualité personnelleje ou moi, sans donnef à la proposition le sens relatif qu'em-porte l'existence du sujet qui s'aperçoit ou juge; de sorte qu'enadaptant comme vraie la pensée ou l'idée innée que mon âmeaurait de son être ou d'elle-même comme substance chose <M

jso!, il est impossible d'employer la formule je suis pourexprimer cet état intérieur absolu. Car des que l'âme consi-dérée dans ce qu'elle est, ou comme substance pensante auraiten elle l'équivalent de cette proposition je mis une substance,un <e, il y aurait jugement, connaissance d'un fait ou d'une

relation, dans laquelle le sujet qui affirme, juge ou croit, n'est

pas la chose même dont il affirme ou qu'il croit en un mot cequ'on appelle l'a&so/Mcesse d'être tel pour nous, par celamême que nous y pensons ou voulons y~Ma~f, et cette formule

j pensée SMts<aK<:eNe,connaissance de l'absolu, implique con-tradiction dans les termes ce qui n'empêche pas qu'il n'y aitcroyance nécessaire d'un absolu inconuu, mais qui n'est pasle moi, tel qu'il s'aperçoit ou se reconnatt exister sous unepremicro relation nécessaire; ce qui n'empêche pas non plusque cette croyance ou notion n'emporte avec elle la réalitéabsolue de son objet, de telle sorte qu'on soit fondé à dire:

Page 241: Maine de Biran: Science et psychologie

AWC tA P&TCHOMOB <f&

ce que je crois être absolument et nécessairement sans pouvnirm'empêcher ds le c~nAw(tant que je pense ou que j ai laconscience du mot), est réellement et absolument comme jele crois, quoique je ne puisse m'en faire aucune image ouidée claire. C'est ainsi que noua sommes fondés à affirmer

qu'il y.a des êtres et des substances hors de nous comme en

nous, sans pouvoir en aucune manière les représenter ou lesconcevoir sous une idée. Nous prouverons que ces êtres sont

absolument, sans crainte de nous tromper, quoique nous

n'ayons d'autre preuve ou criterium de leur existence, quel'autorité même de cette croyance nécessaire. J'ai ajouté laconscience du moi à la croyance, pour distinguer les croyancesréelles de celles qui peuvent s'attacher à certains fantômescomme nous le dirons bientôt.

Les formes du langage font souvent illusion, et la manière

de poser les principes ou de les énoncer expose presque tou-

jours, si l'on n'y prend garde, à confondre le sujet logique dola proposition affirmative avec le sujet réel qu'on devrait avoir

présent à l'esprit pour la clarté des idées c'est là ce qui a puempêcher les métaphysiciens de reconnaître que ce qui affirmeou croit l'~<rc, la substance, la chose pensante, n'est pas l'être,la chose qu'il affirme.

Ainsi dans la proposition je SMM,que Descartes donne commela conclusion de son enthymème, le sujet logique abstrait jedont on affirme ou qui est censé affirmer de lui-même la réalitéabsolue de l'être ou de la substance~ n'est identique que parle signe au sujet individuel de la prémisse /ejoeMse il en dif-fère par le fait autant qu'une existence précise, individuelleet déterminée diNere de l'objet d'une notion universelle, indé-terminée. A cette formule personnelle et déterminée je suis,il faudrait donc substituer l'impersonnelle et l'indéterminée,l'âme, dire, et dire en développant l'enthymème pour marquerle passage ou l'association nécessaire de la connaissance à la

croyance j'existe ou je me connais moi dans l'acte présent dema pensée; donc il y a une âme, une substance durable, à

laquelle l'existence individuelle du moi est attachée ou dans

Page 242: Maine de Biran: Science et psychologie

«APPORTS DES SCtEUCtS NATUM:U~S!<?

l'être absolu de laquelle le mot a son principe, fa condition

nécessaire comme tout ce qui est déterminé a son principe, saraison auMsacte, dans quelque chose qui est indéterminé, ouabsolument inconnu &notre esprit, quoique nous soyons néces-Mtés à le croire ou à l'admettre.

Mais si j'ai besoin de connattre mon existence individuelleou d'exister moi pour m'assurer de !'ètre absolu de mon &meou si la notion que j'en ai est la conséquence d'un raison-nement dont!o fait de conscience est la prémisse, cette notionde l'absolu n'est donc pas innée ou primitive et antérieure aufait de conscience. Que s'il y a une notion substantielle demoi emportant la réalité absolue de l'&me, cette réalité

exprimée par la formule je SMMne saurait être la conséquenced'aucun raisonnement principe de tout ce que nous savonsou connaissons, même par eoMSCMHce,elle ne doit rien avoiravant elle, ni au-dessus d'elle. Ainsi Fenthymeme détruit parsa hase la doctrine dos idées, des notions ou croyantes innées,où il porte tout à fait à faux en présentant sous <MMe<MHce

qui est nécessairement et primitivement dans notre espritsous forme de principe.

Il fallait reconnattre que la vérité de fait, je pense, et lavérité absolue, je suis une chose pensante, ne sont pas demême genre et qu'étant également premières dans leur ordre,elles ne peuvent pas être déduites l'une de l'autre. L'une n'estcertaine qu'autant de temps que je pense ou que je me dis

que j'existe. L'autre est certaine absolument soit que je laconnaisse ou non on que je l'exprime par des paroles, ou queje manque de signes pour l'énoncer. En disant je pense, jeconçois une existence subjective identique avec toute ma

pensée actuelle. En disant je suis une chose, je conçois oucrois un objet tout à fait différent du sujet actuel de ma

pensée, qui était avant le mot et sera encore après il n'estdonc pas exact de dire, quoique tout le monde le répète, quenous concluons d'un fait tel que celui de notre existence, laréalité absolue d'un étM durable qui embrasse comme en un

point le présent, le passé et l'avenir. H faut reconnaître que

Page 243: Maine de Biran: Science et psychologie

ATfEC M patCHOMME 197

cette croyance d'une durée N&sa~Mest associée avec nos Mecs

de faits et d'abord! avec le Mt'primitif, pour former des

notions, mais qu'elle n*est déduite d'aucun fait partieuuer*et si cette déduction pouvait avoir lieu, elle ruinerait nécea-

sairement tout ayat~ne d'idées, de principes innés. Descartes

avait un esprit trop conséquent pour ne pas sentir cette sortede contradiction on il était entra!né malgré lui par les formol

de son langage.Quand noua aperoavona, dit-il, que nous sommes dos

choses qui ~HMH<,c'ett une première notion, qui n'est tirée

d'aucun syllogisme (pourquoi donc voua servez-vous de la

forme d'un syllogisme pour établir cette première notion ?).

Lorsque quelqu'un dit je pense donc je suis, continue ce

philosophe, il no conclut pas son existence de sa pensée,comme par la force de quelque syllogisme, mais comme une

chose connue <e//e-N!~me, il la voit par une simple inspection 1de l'esprit. S'il la déduisait d'un syllogisme, il aurait du aupa-ravant connattre cette majeure tout ce ~M<*je pense est ou

existe mais au contraire eUe lui est enseignée de ce qu'ilsent en lui-même, qu'il ne se peut pas faire qu'il jMMSp,s'il

n'MM<e,car c'est le propre de notre esprit de former les pro-

positions ~H~*<~ de la connaissance des particulières.Descartes parait bien être ici dans le point de vue le ptus~

opposé au système des idées innées ou des principes a priori.De la connaissance de notre existence particulière indivi-

duelle, nous nous élevons aux notions générales, universelles

d'Are, de substance donc ces notions ont une origine. Ici

notre grand philosophe se fait illusion en croyant qu'il lui est

possible d'employer le terme ou la notion de choseou substance

pensante, dans un sens précis, déterminé, particulier ou indi-

viduel, identique à celui que nous attachons au signe ~e on

moi; il n~apas assez compris que ce dernier signe n'emporteavec lui rien d'universel, d'absolu, rien qui puisse avoir le

caractère d'objet pensé.Au contraire, la chose pensante ou la substance que nous

appelons âme, par cela seul que nous lui donnons un tel nom

a

Page 244: Maine de Biran: Science et psychologie

MPpfwra BEa aetENtisa NATfaN-Maif8

et que ieaprit !a prend pour sujet logique de durées attri-

butions, prend néaeaaaifement le caractère d'une notion uni-

vorselle, dont tout ce qui est aMrmé l'est d'un objet indé-

terminé qui n'est pas moi, et qui est indépendant de son

existence individuelle ou du sentiment qu'il en a. Aussi pen-dant quo t'~M<<'devient te sujet d'attributions générales eom-

~<nnnes à toutes les sabatanoos du même genre, comme

t'tmmateriaHM, la force, le durable absolu et ind6(!ni, oa

l'universalité, etc., le moi ne aanratt ae prendre tHi-m~me

part'acto de réflexion que pour la sujet d'attributions parti-cutièrea qui ne conviennent qu'à lui. ï<*c<!bftOMte mode

d'activité aoas lequel il s'aperçoit, lui est exclusivement

propre; ce n'est jamais ce modo d'activité déterminé qn'itattribue & d'autres êtres, mais bien la force qui est abstraite

du sentiment de son effort ou de son existence individuelle,

et cette notion de force ainsi abstraite a dès lors toute la

généraHté et toute Funiversauté possible dans son application

aux.objets déterminés ou indéterminés, y compris l'ame à la-

quelle,nous ne pensons peut-être à rattache. notre existence

individuelle ou notre moi, qu'autant que nous avons transportéla force abstraite aux objets en mouvement qui agissent sur

tons nos sens et do diverses manières, pendant que nous

n'agissons sur eux que d'une seule manière et par un seul

sens.H suit de là, quoiqu'en dise Descartes, que i'afnrmation/e

suis une chose peMMM~e,ne peut avoir l'acception préciseindividuelle d'une vérité de fait, évidente par e/m~e

comme celle-ci, je pense ou j'aperçois mon existence person-

nelle et que cette affirmation absolue, énoncée en termes

universels, se fonde nécessairement sur le principe antérieur

de croyance; pour penser ou avant de s'apercevoir exister

sous tel mode actif ou passif, il faut être absolument une

chose en soi. Ce principe s'applique à la connaissance ou à

l'existence particulière de notre moi, à l'aperception interne,comme aux intuitions externes. H est associé avec chaqueconnaissance ou idée particulière de fait, où il entre comme

Page 245: Maine de Biran: Science et psychologie

AWCm P9TOt[OMO!E <?

étém~nt il fournit aussi une base ahaotao et idcntiqno &tous les jugements succeasita qutt nous portona aur chaqueobjet de nos pcrcfptiona en aMunant de lui div~Moa pra~priétéa ou qualités de la même substance, comme toraquanous disons d'un corps, têt qu'un morceau d'M', par exemp!p,qu'il est jaune, dMotite, fusible, etc., en épuisant toutes cca

propHétêa et supposant que la tfn&tooaMha<anoe,te ta~mo êtrereste identique 80<taces divers attributs. L'&trf qui est lu

aa}ot de tous ces jugements particuliers, est bien auaai le

sujet identique des propositions que noM8 forMon:) aar dos

objeta divers dont tes qnatitea seront identiqMea,ma«t o&ce

quo nous appelons <!M<~<Me<:est tai-meme non pas semMahtemais identique, et devient ainsi le titre «Mdu genre le plus<!ov< sous lequel viennent se ranger toutes les existences

objectives ~a~cM/

Lorsque Descartes dit que le propre de notre esprit est doformer les propositions générâtes de la eewMMsaMM,des

pa~MM~es, il déroge en ceta à son système des idées

innées, et confond à tort les propositions générâtes abstraites,dont le sujet logique est un terme de classe ou de ~ewe quenous avons formé nous-mêmes, en observant plusieurs objetsqui se ressemblent, et faisant abstraction de leurs différencesindividuelles ou spéciSques, avec les proposition? universettosdont le sujet f~/ est une notion universelle nécessaire, tou-

jours présente a notre esprit, qui ne ~'a point faite, et ne peutnon plus la mettre à l'écart telle est celle dont il s'agit. Pour

penser ou connaître son existence individuelle, et avant de la

connaître, il faut être une chose, une substance; je pense, jeme connais, donc je suis une chose ou une substance pen-sante.

Pour exister sous telle modification déterminée, il faut êtreune eAoMen soi; or je suis modifié tour à tour de tellemanière agréable ou douloureuse, donc je suis une substance

sentante; et ce que je dis de moi ou plutôt de ce fondementabsolu de mon être que j'appelle dme, je l'affirmerai de la

même manière absolue de tous les objets particuliers que je

Page 246: Maine de Biran: Science et psychologie

«M'PM~SM9 SCtRSCMaao

ha peux eoneevoif que soua l'attribution MniverseMeet néeos*

onira d'être, de Mtbstance vertu d'un principe da e~yHneo

qui m'est donné avant que je t'applique à aucune existence

connue et déterminée. 18ne faut donc pas dire que nous for-

mons les proposhiena universelles (qui emportent avec ettea

MRearaeteK) de Bécossité absolue) de la cMtnaisMMe des par-

ticMtibrea, mais ait contraire que noaa n'ajoutons !a caractère

xnivfraet à des propositions individoeMes OMparticutiepea,

qM'atttant que cet universel est donné indépendaMment d'elles,

en vertu d\ n principe antérieur de croyance itthereat &notre

aatMre.Sans doute je n'acquiers la connaissance du principe

qu'autant que je pense et que je conn'U!' mon existence indi-

viduelle, ou d'autres existences parUcutiores et déterminées,

et il y a maintenant une assMiatk'a intime entre ces dcus

éiétnents de toutes nos idées de ÎMis. Mais, comme en aup-

posant qu'un pur esprit peut pcns~'Fetre universo!, h snbs.

tance, sans pouvoir en déduire aucune connaissance parti-

culière, si nous étions réduits & )<cs sensations et des intui-

tions jointes à l'aperception interne do notre moi individuel,

sans aucun principe de croyance, nous ne pourrions jamais

nous élever de là à la notion u~iverseMe et nécessaire, donc

il n'y a point de possibilité Je déduire immédiatement les

croyances univ<:rseUes,nêcrssaire'!1, desconnaissances indivi-

duelles, pas plus que cef. connaissances des principes de

croyance; mais ces deux éléments se trouvent unis intime-

ment dans tout ce que nous appelons connaissances defaits.

U faut bien remarquer, et cela n'a point échappé à la saga-

cité des deux profonds métaphysiciens dont nous rapprochons

la méthode et les principes, que toutes tes questions relatives

a Yexistence absolue d'un monde de substances autres que

notre Ame, à la diBérence ou la distinction, fondée ou non,

entre ce monde d'invisibles quenous croyons sans te connaMre~

et l'univers sensible des phénomènes que nous connaissons,

sans être nécessites à y croire, et souvent en croyant ou conce-

vant le contraire de ce qui nous appareil; que ces questions,

&CC

Page 247: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECtA !'a<CtKM.OOtR SM

dis-j<~aà la aatutiott positive on négative dpaquetteaeat attacha

ta sort de la tN~o~MC, ont toutes tour fondement ou tfur

véritable principe dans cette que noua venons d'examiner, en

discutant le fameux principe do Doscartes, savoir si ta Mo~oHeu Jta croyance d 'un ~tre réel, d'une substance OMforco

absoluo, telle qu'on l'ontend quand on parle de r&nte, est

Mentiq~eau fait do la conacicncooada l'oxislenco du moi,ou si ctte en est tout & fait distincte et a~parëe dam ce

dernier caa, si la croyance ou la notion do l'absolu peut Mrp

déduite du fait de la conscience ou de la pensée comme étant

renfenn<!e «n lui, ainsi que l'indiquo t'eathymbne da Des-

cartes, ou ai elle ne lui est simplement qu'oe~ alors quelest le fondement, quottes sont les lois do cette association?

n'y a-t-il entre les deux termes qu'une liaison en temps? et

quel est !o premier dans l'ordre de succession? y a-t-it géné-ration ? quel est !e générateur? l'absolu donno-t-il naissancea la relation, ou en est-il dérivé par abstraction? n'est-ce

qu'une dépendance nécessaire entre deux idées abstraites, ou

une connexion réelle et nécessaire entre un enet et sa cause?

Suivant le parti qu'on prendra sur ces questions, le monde

des substances étrangères à notre âme, sera ou ne sera pasdistinct de celui des phénomènes ex!ernet< la croyance ou la

notion du premier servira de base ou do principe à l'autre ou

au contraire le premier ne sera qu'une déduction et peut-êtreune abtraction du second. Enfin it y aura quelque moyend'atteindre te monde réel des substances, ou il n'y en aura

aucun. n nous sera révélé immédiatement par les sensations,suivant une loi première de notre nature comme des choses

signinées sont représentées par les signes qui n'ont avec elles

aucune ressemblance, ou bien nous pourrons l'atteindre par ta

raison, et l'absolu ~serala conclusion d'un raisonnement dont

une idée de connaissance relative quelconque sera la prémisse.Ces opinions principales qui se partagent ettes-mêmes en

plusieurs subordonnées, sont soutenues avec la même forcedans divers systèmes de métaphysique dont chacun se trouve

fondé sur l'une ou l'autre des deux faces de la grande et

Page 248: Maine de Biran: Science et psychologie

MAPPOMTa M:9 SStENCRS NATCREH.H9soa

étwneMe question sur les exiaiencM, sur la maa!e)M)dont aoa

connaiaitancea privent d'eues ou atloa de aoa !déas, aur te

)~M' cMfMtftet te r~'o fa~M<M~M<~f,sur le comment il y a

quelque chose <'M«M,et comment on si noua pouvons le con-

naMre,etc. En parcourant tout ce qui a été dit dans chacun do

cas deux points de vue du proMeme, on est tenté do s'éotier

Fe))):quipotMKycfomc«)!ne<'ftMPMM!

et do demander ~MM ~o~P ma!s l'utile inatruciton qu'on

peut rotircr de cette grande expérience dea opiniona phiioao-

phiqMesc'est que la tnmicra ne peut nattre que de la réunion

de deux pointa de vue, ou faces de la question dont lisolation

a da produire le scepticisme et l'idéalisme.

LEtnsrn!. A la manière dont Leibnitz a abordé le premier

problème de la philosophie, il est aisé de voir que la métaphy-

sique avait été sa dernière étude* aussi la manière dont il

conçut cotte science fut trop dépendante des principes de phy-

sique générale et do cosmologie saisis d'abord par ce tfénie si

éminemment systématique.En posant les principes do la connaissance humaine,

Leibnitz songeait surtout et presque uniquement à la manière

d'établir la réalité absolue des existences, ou de justiner parla raison la croyance nécessaire, universelle qui s'y trouve

attachée, comme par une toi naturelle que notre esprit n'a pasfaite, par une sorte d'instinct qui le maitrise, et qu'il n'est

pas libre de contrarier ou de changer.C'est la réalité des êtres, des substances, des forces absolues,

des monades dont notre âme qui est aussi une monade pensante,est le miroir concentrique, c'est le ratio essendi, qui occupe

toujours ce métaphysicien, comme étant le premier terme ou

Fantécédent objectif de toute relation de connaissance, dont

notre subjectivité est le conséquent. Une grande et belle

harmonie se trouve préétablie entre ces deux termes, entre le

monde invisible des substances ou des choses, telles qu'elles

t. Cetteobservationa été faitepar le savantet profondhistoriendessys-tèmeadephilosophie,M.Degerando.(M.de B.)

Page 249: Maine de Biran: Science et psychologie

AVKCM tMTCtMMMtB aos

Mmt, et eetn! dos phénombues tels ~e les sona ou l'imagi-nation !ea rcp~Mntent la raison ~«~ appuyca aur la

réMesion. et se aervaat de l'abstraction comme d'un inatru-

ment, parvient à aaisir cette harmonie et à en assurer les lois.

En partant de l'existence de l'&mehumaine, do ses attributs,

des notions qui lui sont inhérentes (puisquelles ne aont que

l'expression do sa propre nature) comme de données ou de

principes synthétiques, ia raison atteint teaantreaesiatenccs: i

eMeBait!es lire dana rame même; elle teaveit comme par

~?c.fMM dans 10 miroir où eHesac représentent olle doter.

mine ce que doivent être los choses pour correspondre à cet

appareil psychologique de sensations ou d'idées contingentesou de notions et do principes nécessaires; et résout ce grand

proMeme étant données !ea relations des choses avec notre

&me, déterminer les relations qu'elles ont entre elles et ce

qu'eues sont en eues-memes. Le principe de la raison suM-

sante que notre esprit trouveen tui-tnemea~OM, est l'uniqueinstrument de cette solution.

Leibnitz a supérieurement vu que le principe de causalité,

tel que nous pouvons le connaître, sans sortir de nous-mêmes,

est le grand pivot de toute métaphysique qu'il forme tout le

lien qui unit nos sensations et nos idées aux choses du dehors

et ie monde des phénomènes à celui des réalités.

En partant de la causalité comme d'une relation nécessaire

entre l'objectif et le subjectif, Leibnitz a établi le réalisme

transcendantal des notions ou de ce qui leur correspond horsde notre esprit, en même temps que lejBA~MMM~Msmede tout

ce que nos sens peuvent saisir, y compris l'MfMe. En par-tant du moi relatif pour en déduire le subjectif absolu, sans

songer d'abord à la causalité. Descartes, au contraire, poseles bases de l'idéalisme transcendantal, c'est-à-dire la réalité

de notre âme seulement et de ce qui est en elle. Du reste ces

deux philosophes s'appuient sur la conscience comme sur le

principe d'oit doit être déduit l'absolu de l'âme suivant Des-

cartes, l'absolu des forces ou des causes qui sont hors de

l'Ame, suivant Leibnitz.

Page 250: Maine de Biran: Science et psychologie

MNfRTa MS SCtEXCE9 NATMSU~S§M

Nous avons discuté te premier point de vue, venons main-

tenant au second.

Je trouve établi dans mon esprit avec les caractères de

nécessité et d'universalité ce principe que tout ce qui com-

mence a une cause, or cette relation ou notion nécessaire no

peut être dans mon espritsans raison sufnsante, et cette raison

c'est qn'H y ait hors de moi on de mon Amedes êtres ou des

substances qui soient entra ea~ sous ce même rapport de la

cause à t'eifet; donc ces substances existent, et la notion de

causa~Ué en est l'expression et la preuve.Noua pouvons abréger ce raisonnement et le réduire à la

forme d'un euthymene j'ai la notion de causalité ou je pense

qu'il y a des êtres qui sont causes, donc ces êtres sont

causes.

Pour que ce raisonnement ait la valeur d'un principe

nécessaire, il faut que nous ne puissions concevoir aucun être

qui ne soit une cause et dont un autre être ou phénomène ne

soit un cMbt.Ce qui peut être vrai (et qui nous conduit direc-

tement dès le premiers pas de la science, à la cause suprême,absolue qui est Dieu, comme Descartes y est arrivé par une

voie un peu moins directe) mais c'est là un théorème et non

pas un principe.D'ailleurs cet énoncé du prétendu principe suppose que la

notion de causalité étant innée comme celle de t'~e absolu,

n'est cependantdans notre âme que comme y sont tontes les

idées objectives qui doivent représenter les autres existences,

sans qu'elle puisse les apercevoir distinctemeet en ette-même.

Observez en effet que Leibnitz ne dit jamais que nous trou-

verons la cause en nous-mêmes, comme nous y trouvons

l'~e, ta M<~aKec,et it répugnait aux principes de sa philo-

sophie d'admettre l'Ame comme une cause efficiente, première

par rapport à elle, puisqu'en effet elle ne produit rien hors

d'elle ni en elle, et qu'il n'y a en elle qu'une représentationou prévoyance de ce qui arriva par des lois qui sont au-

dessus d'elle et a qui eUe obéit. Aussi si l'Ame met de l'être

partout parce qu'elle est un ~fe, eUene conçoit point la notion

Page 251: Maine de Biran: Science et psychologie

A~ECMpaveHOtoctE SOS

<de CMtaalM objective, parce qu'elle est une cause; au con-

traire, elle no trouve la causalité en eUe-même, que parce

qu'elle l'a prise au dehors, ou plutôt, comme rien n'agit sur

elle, et qu'elle Derêagit sur rien, parce qu'il est dans sa nature

de représenter ce qui est au dehors suivant les lois de l'har-

monie préétablie entre son monde intérieur et celui des subs-

tances qui sont causes et effets les unes par rapport aux

autres.Ici nous trouvons que la méthode de Leibnitz s'écarte tout

&fait de celle de Descartes et franchit d'un saut un intervalle

entre deux points qui réclamaient quelque intermédiaire.

Je trouve établie dans mon esprit la notion de cause à effet,

donc il y a des êtres qui sont causes et etfets.

li faut prouver que nous ne pourrions pas avoir cette notion,

sans des êtres qui soient entre eux dans le môme rapport.Mais comment ou sur quel fondement affirmons-nous telle

relation des êtres, ou leur en faisons-nous l'application,n'est-ce pas parce que nous l'avons déjà par devers nous, et

peut-être avant que nous ayons aucune notion d'êtres? Ce

n'est donc pas en eux, mais seulement dans notre esprit, quenous pouvons fn trouver le fondement.

Le paralogisme est ici évident en partant de la notion de

ceMM/t~, on prétend justifier la réalité des substances, et en

partant de cette réalité, on veutjnstiBer cette notion.

Le seul moyen d'éviter le paralogisme était d'appliquer à la

causalité ce qui avait été dit de l'être, en se demandant.

comment nous pourrions avoir quelques notions de causes, t

si nous n'étions pas causes nous-mêmes. Prenant ainsi le fait

de l'existence comme identique à celui d'une cause, on en vient

au principe de Descartos j'existe comme cause relative

pour moi-mêaae, donc j'ai une âme qui est çaMseou force

absolue et les mêmes questions que nous avons faites sur

la liaison des deux propositions se reproduisent ici. Mais il y

avait de plus à chercher comment la notion ça la croyanced'une force absolue qui est notre âme, étant comprise dans

le fait primitif de la causalité de notre moi d'où le raisonne-

Page 252: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPPORTS MES SCtENCEa NATfMM~a208

ment la déduit, ou seulement associée avec ce fait dont

l'analyse de réflexion la distingua comment, dis~e, cette

action transportée hors de notre âme peuple pour notre

esprit un monde de forces, de causes, en même temps que de

substances invisibles et inimaginables?C'est cette lacune que Descartes n'a cherché à combler

qu'au moyen de l'intervention divine, ~Mt~M<Ha<&«sex ma-

china, et que Leibnitz a laissée dans sa philosophie en négli-

geant tout intermédiaire et en objectivant de prime abord la

notion de causalité sans savoir le fondement qu'elle a, non pasdans notre Ame comme notion innée, absolue, universelle,mais d'abord dans notre moi, comme aperoeption interne,

individuelle et relative.

Nous voici conduits à chercher le passage du fait primitifaux notions*qui peuvent en être dérivées, ou les liens quiexistent entre la connaissance première et nos croyances, quine peuvent jamais être confondues.

En rénéchissant sur les exemples que nous venons de pré-senter, on s'aperçoit aisément que l'erreur commune aux

plus grands métaphysiciens est i* d'être partis de notions ou

de croyances comme essentiellement renfermées dans le fait

de l'existence de notre moi identiSé avec l'~e de notre âme;2° d'avoir cru que ces croyances ou notions se liaient immé-

diatement aux sensations reçues du dehors on aux phéno-mènes <M<Mt~ d'où le jugementimd de la réalité absolue de

notre corps ou de la substance étendue à laquelle nous rap-

portons les sensations affectives, et de ce que nous appelons

corps étrangers auxquels se rapportent les intuitions~ l'être,

la substance entrant, comme dit Leibnitz, dans ces idées de

sensation, parce que l'âme qui les reçoit est un être, d'où

encore les jugements universels et nécessaires sur la perma-nence des êtres, sur la constance des lois de la nature, les

relations de cause à effet, qui ne sont que l'application quenous faisons des principes ou des notions qui sont en nous à

priori.

Page 253: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA PSYCHOMCtE 3M

Recherches sur t'origtne de~ notions on croyances.

tt0 motidentiBé avec l'effort ou le pouvoir moteur, ne peut

éprouver ou sentir la modification liée immédiatement à

l'exercice de ce ~OMCOM'sans avoir l'aperception interne de

lui-même comme cause et réciproquement il ne peut avoir

l'aperception de lui-même comme cause sans éprouver la mo-

dification qui est l'effet immédiat de sa force constitutive et

qui suit ou accompagne constamment l'exercice de son pou-

voir moteur.

Le sentiment d'un effort cause, et celui d'une modincation

spéciale qui en est l'efbt, sont les deux éléments indivisibles,

mais distincts, dufait de conscience.

Par l'emploi des facultés de réflexion et d'abstraction qui

sont bien dans notre nature, mais dont l'exercice est plus ou

moins tardif, nous parvenons à concevoir et à noter séparé-

ment par des signes les deux termes de cette première rela-

tion, savoir le mot (cause) comme ayant une existence ou une

réalité séparée indépendante de tout sentiment actuel d'an

effet ou changement produit dans le corps organisé sur qui

l'effort se déploie, et cet e~ ou mode produit dans le terme

de l'effort, comme existant aussi séparément et indépendam-

ment de sa cause ou du moi. De là deux notions séparées

l'une de l'absolu d'one force indépendante de tout effort dé-

terminé, et dont le durable est une tendance à agir, alors qu'il

n'y a point d'action effective; l'autre de l'absolu d'une

substance corporelle, passive, capable d'être modifiée et mue

par l'effort, mais dont le durable est indépendant de toute mo-

dinoation ou mouvement effectué.

1.CerésTtttatd'nneanalyseplusapprofondiequemotMdévelopperonsbien-tMpourraitsemblern'avotriciqu'nnedateurlogiquetelle quecelle-ci lào&onsupposenn etteten tant que tel, il y a une causeet vicece~, etc.Onpourraitdemanderpourquoile moinose trouveraitpas aussibien sonsla premièreimpressionpassivevenuedndehors,que sousune modification

conçueuniquementparla naturedei'âmeet accompagnéedupremiersen-timentdepouvoir,nousrépondronsà cettequestion.(M.deB.)

Page 254: Maine de Biran: Science et psychologie

ttAN'OMS MS SC!EHCESKAT~E~~ESses

Que ces deux notions se trouvent maintenant établies à titre

de croyances nécessaires dans un esprit rénécM ~M<<yjae~Mecomme t~/aM~,et qui est capable d'attacher un sens vrai à la

formule je pense, donc je suis, c'est ce qu'on no peut nier.

Qu'elles aient leur principe dans la nature de l'être pensant et

sentant, c'est ce qu'on peut accorder aussi sans qu'il s'ensuive

pour cela qu'elles soient innées a priori ou indépendantes,comme notions, de toute expérience interne ou externe; le

contraire sera prouvé si, on partant de ce fait primitif et sui-

vant régulièrement l'ordre des procédés de notre esprit, nous

sommes conduits, je ne dis pas à justiner ces:croyances (ellesn'en ont pas besoin) mais~à dire comment et à quels titres

nous possédons les notions de deux réalités absolues ou do

deux mondes de substances matérielles et immatérielles.Or cette recherche serait inutile et n'aurait point d'objet si,

comme l'ont supposé presque tous les métaphysiciens, l'âme

substance séparée était identinéo au mot humain, ou si la

notion que l'âme est censée avoir primitivement en elle-même

par cela seul qu'elle est, était identique à la conscience actuelle

du moi tellement que l'individu ne pût s'apercevoir qu'il existesous un mode déterminé quelconque, et particulièrement sousla relation de cause à effet, sans connattre et croire en même

temps qu'il est un ~<fe,une substance on une force absolue;

que le corps sur qui et par qui son âme agit a une étendue

durable, absolue enfin que le monde extérieur pbanoméniqneet variable des intuitions cache sous lui un monde réel/per-manent et invariable de causes et de substances.

Mais admettons, au moins provisoirement, qu'il n'en est

pas ainsi et que le sujet sentant et agissant s'élève successive-

ment par une suite de progrès du fait de conscience purementre&ï~ ou qui ne comprend encore aucune notion d'a~o~M, àces concepts ou croyances de deux réalités absolues, l'uneimmatérielle qui pourra être énoncée par la formuler pensemoi, abae suis substantiellement une chose~eHMM~; l'autre

matérielle qui pourrait être exprimée par cette autre formuleénonciative d'une croyance non moins absolue et qui se trouve

Page 255: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA PSYCaOMCtE aoa

renfermée dans la première :ayts volontairement pOMfMMM-voir moncorps, donc le corpsP~tMte~M~NMCPmobile, ~M~K~inerte.

Il est question de savoir comment, d« quelle manière et à

quel titre elles s'y trouvent établies avec leur caractère absolu,universel, nécessaire, etc. Si elles sont toîtienaporaines ou

nées l'une après l'autre, ou peut-être rune de l'autre ou s'ilest impossible de les ramener au même principe de dériva-tion.

Quand on part d'une maxime absolue telle que celle-ci je

jMHse.~e sMMune substance ~eMS<!H<e,commed'un principe

unique où viennent converger et se réunir les deux sys-tèmes de nos croyances identifiées et confondues l'une avec

l'autre, on s'épargne bien des recherches, mais on fait une

supposition impossible à justifier a posteriori par l'expérienceou a priori par le raisonnement, sans employer l'intermédiairedu fait primitif. Cette supposition, c'est que le moi ne peuts'apercevoir ou se connaître sous un mode relatif, sans con-nattre ou croire en uème temps son être absolu.

Je crois qu'on peut induire avec assez de vraisemblance de

l'observation des faits psychologiques qu'il n'est point essen-tiel à un être qui commence à vivre, à sentir, à mouvoir et à

connattre son existence individuelle, d'avoir en même tempsla notion du durable d'une substance sentante et motrice, et

qu'une telle notion n'a du être le produit que de la raison

perfectionnée par l'habitude de réNéchir et d'abstraire. Maisavant que cette notion soit formée et qu'il y ait des signes

pour l'exprimer, le moi existe et se prend lui-même dans

l'expérience intérieure pour la cause immédiate de tous les

modes actifs accompagnés d'un effort déployé sur le corps

propre; et c'est à celui-ci que se rapportent ensuite, comme àun sujet permanent d'inhérence, toutes les affections variables

ou modifications passagères de la sensibilité.

La conscience du moi est donc bien indivisible de la percep-tion !tKM!eeSa<edu corps propre, ce que les cartésiens ont

exprimé en disant que l'âme a l'idée innée de son union avec

14

Page 256: Maine de Biran: Science et psychologie

MANfRTS DESSCtESCKSNATUKELMS210

Je corps. Et ce que Spinosa a falsifié ou exagéré en disant quela conscience de l'âme on du moi n'est que l'idée immédiatedu corps. Mais cette perception immédiate du corps n'est-elle

pas celle de la substance corporelle, ou n'est-ce pas à l'éten.duo que s'applique d'abord le principe de croyance d'uneréalité absolue ou indépendante de la perception que nous enavons? et peut-il y avoir originairement quelque réalité conçuehors de l'étendue ou de l'espace? S'il en était autrement ou sile sentiment du moi emportait avec lui la croyance ou Je con-

cept d'une substance séparée do cette portion d'étendue sou-mise à notre volonté motrice, et par laquelle seule noussentons ou croyons MH&'f,tous les hommes et même les phi-losophes seraient-ils enclins à confondre ce qu'ils appellentle moi avec le corps propre? Ce qu'on appelle Mf~a'Mccserait-il si universellement entendu, comme le dit Hobbos, sous uneraison de MM<<~e?Enfin le procédé pour lequel l'esprit par-'icnta distinguer et à nommer sep .rémont le sujet individuel

qui perçoit tout, sans pouvoir se présenter ou se voir lui-mêmecomme objet, ne serait pas si difficile, si lent, si incertain quela plus grande partie des hommes même éclairés, ne s'y sont

jamais complètement élevés.

Il est vrai que lorsque la distinction ou la séparation du moiest une fois faite comMe il faut, par l'acte do réflexion etnotée par un signe, il s'y joint nécessairement la croyanced'un être, d'une réalité absolue, indépendante de la conscience

actuelle; mais cette réalité d'une substance, lorsqu'elle est

plus que nominale, s'entend encore le plus souvent sous uneraison de matière; et le moi ?e prend ou s'imagine lui-mêmecomme un mode de la substance étendue du corps, suivant le

point de vue d'un philosophe qui a poussé jusqu'au bout etde la manière la plus conséquente les spéculations abstraites.La conscience du moi, la pensée ne serait qu'une modifica-tion de la substance unique qui a en même temps l'étendue etla pensée pour attributs.

i. Spiuosa. Eth. P. Il. (M. de B.)

Page 257: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECLA fSÏCHOUMUE 2H1

De telles idées se trouvent bien e'Ttainomcnt en oppositionavec le témoignage du sens intime bien consulté et parttoute vue systématique; mais cites prouvent par le fait que lanotion ou la croyance de l'Ame substance ~fMs~H~, et que ledurable, hors de la conscience actuelle, est peut-être la der-nière des abstractions à laquelle l'esprit humain puisse s'éle-ver, loin de pouvoir Atre placée à l'entrée de la science et iden-tinéo avec le fait primitif ou renfermée en lui. Ce qui estessentiel &ce fait ou identique avec lui, c'est te rapport immé-diatement aperçu d'une cause agissante son effet produit surun terme résistant ou inerte, en qui ou par qui la force s'ac-

tualise, s'aperçoit ou existe elle-même.Otcz ce terme et la conscience du moi s'évanouit avec

t'c~b~ ooM~K,comme il arrive dans te sommeil, les défail-lances etc. Ce qui reste c'est la notion d'une force virtuelle ou

qui a dans son durable la tendance à l'action, et c'est à une tellenotion que s'attache la croyance d'un absolu de l'âme, substanceessentiellement active, et qui, si l'on veut encore l'appelerSK&!<aace,diffère essentiellement de la substance passive, à

laquelle sont inhérentes les modifications, et ne pourrait demême être entendue sous une raison de matière. Si l'homme

parvient, par ses facultés naturelles, à s'assurer de la sub-stance et de la réalité de son âme séparée et à en avoir uneconviction supérieure à toutes les épreuves, il ne faut pas dire

comm" Descartes, qu'il soit plus assuré par le fait de cons-

cience ou le sentiment intérieur de sa propre pensée, de

l'existence réeie de son dme que de ce~e de son corps; car en

partant do ce fait identique à une première action, au premiereffort de l'âme, elle ne commence à s'apercevoir ou à se con-

naître moi, que dans sa relation avec le corps, ou le terme

auquel s'applique immédiatement sa force motrice en passantdu virtuel à l'effectif, du possible à l'existence. Et en suppo-sant même que l'esprit puisse jamais s'élever à la notion com-

plète d'une force absolue séparée et non pas seulement dis-

tmcte de son terme de déploiement, il ne saurait Atra ni plusni moins assuré de la réalité de l'un des termes de ce rapport

Page 258: Maine de Biran: Science et psychologie

t<&PM«ta DES SCt)a<CË3 NATMRBt.t.Ëââl2

qui constitue un fait de l'existeneo individuelle de l'~NMMHe

qu'il n'est assuré de l'autre, car la croyance de l'absolu s'at-

tache égalemont à chacun dos doux termes, quand on y pensepar ft~s~ac~oH mais la science, la connaissance réelle et

positive ne peut s'attacher qu'aux deux réunis~ et les embrassesimultanément dans son point de vue, sans séparation ni par-tage

Tout cela posé, voici donc l'ordre des progrès par lesquelsle tnoi commençant a exister pour lui-même pourrait s'éle-

ver de sa connaissance personnelle distincte et non séparéede la perception immédiate et continue du corps propre àdes notions ou croyances de réalités absolues, de substancesmatérielles ou immatérielles indépendantes de toutes percep-tions phénoméniquos.

Étant donnés les trois étémonts quo nous avons déjà distin-

gués sous les titres do phénomènes affectifs, intuitifs et do moi

(fait primitif do conscience et principe ou fondement do la

connaissance), nous sommes maintenant fondés à y joindrecomme quatrième élément la croyance qui, on se joignant au

système de la connaissance, lui imprime un caractère a~o/M,

qu'on no pout s'empêcher d'y reconnattro et qui n'aurait paslieu sans lui.

Indiquons les produits des combinaisons de ce nouvel élé-ment avec chacun des précédents

En faisant abstraction du moi pour remonter jusqu'& unétat antérieur et absolu où l'âme est dite penser sans se con-nattre ou sentir sans le savoir, on ne peut s'en faire d'antrenotion que celle dont on reconnaît le type dans tous les étatsoù la pensée sommeille, et où l'individu étant, comme on dit

vulgairement, hors de lui-même ou n'ayant pas la conscience,le compos sui, est hors des lois de la nature humaine. Danscet état, la sensibilité peut s'exercer au plus haut degré, et

l'imagination prédominer avec une force d'autant plus grandequ'elle n'a plus de contrepoids datM aucune de nos facultés

<tSpinosadit très bien ce que nouseaTonaet connaissons,maisil nerendpMraisondecequenouscroyons.(M.deB.)

Page 259: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC tA PSYCHOMMtR a<a

actives; o!!e crée Mac multitude de fantonx'a, qui sa suiventou s'assoeient fortuitement sans ordM, sans liaison. Chacunde ces fantômes a tout l'ascendant de la a~~M; l'êtresentant ne se dit pas à lui-même quo ce qu'il voit ou dont il al'intuition par son cerveau exalté existe réellement; il n'est

pas en état do distinguer le phénomène de la croyance qu'il ya}oute. Mais ces doux etémenta, que t'être pensant set'* est

appelé à distinguer, n'en sont pas moins intimement unis; onreconnait leur association aux mouvements aveugles tels queles revoa, les délires de diMrentea espèces, qui fournissentdes exemples très propres à nous faire concevoir rassociationdu principe do croyance avec les phénomènes intuitifs ou a~fectifs sans rintennëdiairodu~ot'. Considérée dans cet état<t~o/« d'âme senaitivo ayant la pensée et l'action en pMMsaMee,mais ne l'exerçant pas actuellement ou ne faisant que p&tir et

réagir sans conscience, Famén'est point le mot; on peut direou croire qu'elle est mais on tant qu'elle no le sait point oune peut le savoir, c'est pour eMe-memo, et relativement au fait(te la conscience, comme s'il n'y avait rien, ni existence, ni

croyance.Pour que l'Ame ou plutôt pour que t'AoMMMcdevienne moi

il faut que l'ame détermine librement et hors de la nécessitéde la nature organique, une première action ou effort ceteffort voulu en principe et senti en résultat est la premièrerelation qui comprend indivisiblement l'aperception du moicause et celle d'un effet senti comme tel.

Le fait relatif de conscience a bien son fondement ou son

principe dans l'absolu en tant qu'il y a quelque réalité absolue

avant ce fait, comme nous ne pouvons nous empêcher de le

croire dès que nous venons à y penser; laM<OMOuIacroy<7Kce

de l'absolu se fonde à son tour sur le fait primitif ou lapre-

<. On poarmit <Mfe an sujet de la croyance la qaesttom qu'on a faite au

sujet du beau est-il beau parce qu'il nous plait, ou nom plaît-il parce qu'itest Leau ? CMyoM-noas mcecssaitBBMmt MM eh~ae parée qu'eUe est traie et

qo'eUe existe réellement ou m'est-eHe vraie, n'existe-t-cHe que parce que ou

en tant que nous la croyons? (M. de B.)

Page 260: Maine de Biran: Science et psychologie

HApponTs fES s~Esecs t<TunEM.sa~4

mi~e r&ttMXMt,sans laquelle il ne saurait y avoir, je ne dis pasaucun principe do croyance, mais aucune notion de l'objetindéterminé de la croyance.

Lorsque le moi existe ou qu'il ya un sujet de connaissance,une personne constituée qui s'aperçoit et se représente ou

perçoit tes phénomènes, ce n'est plus à coa phénomènessimples que s'unit un'principo do croyance aveugle et méca-nique c'est à des faits complots et des rapports que s'attacheune croyanco alors éclairée jusque dans son indétermination etson caractère do nécessité.

C'est le moi qui croit, c'est lui qui sort d'intermédiaire et delien entre los phénomènes et les êtres réels dont ils sontcomme l'enveloppe; c'est le moi qui affirme ou juge qu'il y a(le tels êtres cachés sous les apparences sensibles, en mémo

temps qu'il affirme, on peut-être même avant de croire qu'ity a un être réel substantiel caché sous la conscience qu'il a detui-m&mo, et sous les modifications qu'il aperçoit comme deseffets dont il est cause.

Ainsi commencent à exister pour nous ou à être «'MSdeuxmondes invisibles très distincts do ceux des phénomènesexternes et internes, celui des causes et des substances étran-

gères, et celui de t'ame et des attributs qui sont censés lui êtreinhérents, par cela seul qu'elle est, et sans qu'elle ait besoindo se connaître. On pourrait penser que ces deux mondesdo substances ne sont autre chose que des produits de t'analyseartificielle des faits externes ou internes, composés naturelsdont nous créons les éléments, en les distinguant par notrefaculté d'abstraire et à l'aide de nos signes conventionnels; eton aurait raison s'il n'y avait pas une croyance nécessaire atta-chée à ce qui reste de chacun de ces ordres de faits, y comprisle fait.primitif lui-même lorsqu'on en a oté tout ce qu'il y ade phénoménique ou de perceptible aux sens ou à l'imagina-tion. Assurément la notion de substance, de force qu'on obtientainsi a une tout autre valeur que celle des qualités séparéesde leurs sujets, ou des idées générales que le langage notepar des substantifs abstraits. Si l'on niait la différence il

Page 261: Maine de Biran: Science et psychologie

A\')SC t~ favCHfMOtEsm

serait facile do prouver à ceux qui la aient en théorie, qu'ilsJ'admettent eux-mëmea dans le pratique et toutes les foiaqu'Usportent un jugement de fait quelconque, etc. Qu'il n'y aitaucune MHaycattachée aux cotions, pas plus qu'aux idéesgénérâtes, cela est certain mais que les premières emportentavec elles une croyance de réalité absolue, indépendante donos idées ou do nos sensations, qui les différencie des abstrac-tions que nous formons à vo!ontéoans y croire, c'est ce qu'onno peut se dispenser de reconnaître quand on ne pourrait pasl'expliquer.

L'acte de reOexion fait pour ainsi dire le départ du principede croyance des phénomènes auxquels il était uni, pour t'unirà chacun de ces mondes de substances invisibles qui ont seulesdroit à la réalité absolue et se trouvent exprimées dans l'espritpar des notions d'où la connaissance objective se trotneexclue, mais dont une croyance nécessaire fait toute la base.

Ce que le moi, l'aperception interne ou externe, médiate ouimmédiate d'une cause comprise dans le sentiment de l'effort,est aux phénomènes, la croyance d'une fjalité absolue l'estaux faits externes ou internes; en d'autres termes, les notions

(telles que nous les considérons) sont aux faits ce que cesfaits sont aux phénomènes simples, ou unis au principe de

croyance instinctive.Comme le sentiment ou l'idée première d'une caaso donne

un point d'appui aux phénomènes variables et passagers, auxaffections ou intuitions, et devient le principe de leur coordi-nation régulière dans le temps, dont la succession n'est con-nue que relativement à quelque chose qui reste; de même tanotion ou croyance d'une réalité absolue, indépendante detoute connaissance ou des faits qui la supposent et s'y rat-

tachent, donne seule une base réette et permanente à ces faitssuccessifs et variables dans l'un au moins de leurs élémentselle leur assigne un principe générateur, un prius ~M/M~cdansl'ordre de la ca~Mtité; eUe coordonne tonte succession à unedurée absolue, indépendante du temps relatif, qui en est lamesure et l'emblème; elle établit enfin par delà ce temps, des

Page 262: Maine de Biran: Science et psychologie

MPPORTa t<E9 SCtENCEa NATC~EmS8M

loia constantes et invariables qui dirigeaient les phénomènesde la nature avant qu'ils fussent aéa pour noua, avant quonous existassions même; qui continuent toujours à les régler

quand nous ne pouvons les voir, et les régleront encore quandnous ne serons plus.

Tel est ou tel noua concevons au moins le passage et les

rapports dos phénomènes aux faits, des principes do croyanceà des croyances positives, qui entrent comme éléments dans

les faits externes ou internes, et ennn do ce dernier composéaux NO<«MM.Celles-ci ne peuvent exister à ce titre dans l'es-

prit humain que par l'acte de réOexion et d'abstraction qui

parvient à séparer dans une connaissance do fait quelconqueexterne ou interne, ce que nous connaissons ou pouvons con-nattre par l'exercice do toutes nos facultés, do ce que nous

croyons et sommes nécessités à croire comme indépendantde l'exercice de ces facultés, et sans pouvoir y appliqueraucun de nos moyens de connaître.

J'ai besoin de m'arrêter encore sur ce procédé de l'espritqui peut le conduire des faits aux notions, et d'abord du fait

primitif ou du moi à la notion de l'âme substance, soit immé-

diatement, soit par un intermédiaire qu'il s'agit de déterminer.C'est ainsi que nous pourrons faciliter du moins l'abord du

premier problème de la philosophie, s'il ne nous est pas donnéde le résoudre complètement.

Le moi qui se connaît comme cause peut n'avoir encoreaucune notion de Famé mais son identité reconnue par lamémoire dans deux temps différents, dans l'intervalle, parexemple, qui sépare le commencement et la fin du sommeildu moi, doit amener la croyance nécessaire d'un être ou d'unesubstance qui dure absolument, lorsque le moi cesse d'existerdans un temps relatif. L'autorité seule d'une telle croyancesuffit pour établir la réalité absolue de l'être avec qui le moi

s'identiSe d'une part, et en tant qu'il se sait exister présente-ment, mais dont il se distingue d'une autre part, CMattri-buant à cet être une durée absolue permanente, qu'il sait parexpérience ne pas lui convenir. Vainement on dirait d'après

Page 263: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC M PSTCHOMatE an

le principe de la croyance que te moi ne peut être sans t'amenoua dirons d'après le fait de conscience qu'il peut exister et

te savoir, sans croire d'abord qu'il est Moavec une substanco

et qu'il ne peut s'élever à cette croyance ou notion d'âme,

qu'en prenant poar type ce qu'il est lui-même dans sa propre

aperoeption. Ainsi il concevra la cause, parce qu'il est lui-

même une cause ou force agissante relative à nn eHetproduit

déterminé, tel qu'un mouvement produit dans des organessoumis à la volonté, en faisant abstraction de cet effet déter-

miné, il concevra une force a&so/Mequi n'agit pas, mais qui a

en elle la possibilité d'agir. Ce qui diHéreneiecette corrélation

vraiment abstraite do ce qu'on appelle abstraction ou idée

générale en terme de logique, c'est la réalité absolue de la

substance qui reste toujours attachée à la notion de la force

ou substance de t'ame, alors que la conscience du M<Mon est

séparée.Ce sont de telles abstractions réalisées sans que nous puis-

sions faire autrement, qui étant en elles-mêmes objets de

croyances nécessaires, universelles, constituent ce que nous

appelons notions. Toute notion peut être ainsi considérée

comme abstraite du fait primitif do la eotMeMMeede M<K,c'est

ce qui reste quand on sépare de ce qui est connu par le mot

comme lui appartenant en propre, ce qui est connu ou cru

appartenir à l'âme telle qu'elle est hors du sentiment du ma!

ou de la pensée.Le moi ne peut se transporter hors de lui-même, ou s'aper-

cevoir là où il n'est pas; mais lorsqu'il abstrait de ce qu'il

aperçoit ou conçoit de lui-même, ce qu'il croit être de son

âme, il pourra transporter à tous les objets hors de lui ce

qu'il attribue objectivement à son âme, la substance, la durée,la causalité, et réciproquement, il pourra être conduit à

croire ou concevoir son âme sous diverses attributions objec-tives, sous lesquelles il répugnerait de concevoir le NMM.

(c'est ainsi que l'âme apaasé pour être un feu subtil, on petit

corps éthéré, nn fluide secrété par le cerveau, toutes choses

qu'il serait ridicule de confondre avec le moi, qui est toujours

Page 264: Maine de Biran: Science et psychologie

BAPPOM3Ma SOENCEa~ATUMU.ESa<a

essentiellement distinct de co qn'i! pense, imagine, ou croitêtre dans los objets). Sans t'apereeption interne, immédiatede la causalité du mot, nous n'aurions pas la notion de force

absolue, d'êtres, de substances, en tant qu'elles en sont déri-vées. Ce n'est qu'en confondant l'dme et te mot, que Leibnitza pu dire que nous trouvions en nous tes notions absoluesd'êtres, de substances. Si, comme Descartes, il n'a pas com-

pris la notion de causalité au nombre de celles que noustrouvons en nous, c'est qu'on otant à F<hMela causalité <~î-eMH~epar crainte de l'égaler à Dieu, it n'a eu aucun égard àce sentiment de pouvoir par lequel notre mot est constitué

pour lui-même, non comme une force <~<~<«', illimitée ou

universelle, mais d'abord comme une cause individuelleparticulière, relative à certains actes ou mouvements que lemot commence, et qui n'auraient pas lieu sans lui.

Ainsi Leibnitz fait venir du dehors précisément la seuleHo/MHproprement dite que l'âme identinée avec le moi puisseêtre dite tirer d'elle-méme; tandis qu'il regarde comme inhé-rentes af<hHe, en qualité do principes MM~s.les notions abso-lues d'être, de substance, que le sujet pensant ne saurait con-cevoir que par l'abstraction des faits externes ou internes.quoiqu'il soit vrai que notre âme ou notre être substantiel enfournisse te fond.

Dans le point de vue de Leibnitz les notions innées sontcelles que l'Ame a la faculté de trouver en elle seule, en pen-sant à ce qu'elle est; et comme en considérant la chose a prioriil répugne de dire que l'amo soit cause efficiente première,puisque c'est une substance créée, elle ne saurait avoir lanotion innée de cause; par la même raison elle ne peut avoirla notion innée d'infini, ni d'aucun des attributs de Dieu. Leib-nitz nous dit lui-même comment nous acquérons ces notions,savoir en partant de ce que nous sommes ou de ce que notreâme trouve dans son être propre et en écartant les limitespour concevoir ces attributs dans Dieu. c'est bien dire qu'iln'y a pas en nous de notion immédiate de l'infini, et que nousy arrivons par le /&M.Et, en appliquant cela à l'absolu, on

Page 265: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA PSYCMOMMHE MM

dirait do même quo nous n'y arrivons que par le relatif, ce quidétruit d'un côté le caractère des notions innéca ou c~oM,

qu'on a voulu établir de l'autre, en se fondant sur ce que dos

notions universelles, nécessaires, no peuvent venir de l'expé-rience, comme si ce n'était pas une première expérience inté-

rieure, que cotte première connaissance du moi, ou la pre-mière aperception immédiate de la causalité qui lui est

inhérente, et qu'il ne peut séparer par conséquent d'aucuneidée de fait, pas plus qu'il ne peut se séparer lui-même de tout

ce qu'i! conçoit <*apense; ce qui suffit bien pour rendre

raison des caractères d'universalité et de nécessité des notionsdont il s'agit, sans qu'on ait besoin de les admettre a priori.

Suivant Descartes, il y a des idées innées de choses dont

l'Ame n'a en elle-même aucun archétype. Dieu, l'infini,

l'immense, la ~M<e-pKtMaac< etc.; et c'est précisément

parce que notre Ame a la faculté de concevoir de telles idées

qu'elle ne fait point et dont et!o ne peut trouver en elle-même

aucun modèle, que Descartes conclut immédiatement la

réalité objective ou formelle de ces idées; ainsi de ce quenous avons l'idée de Dieu comme d'un être infini, éminem-

ment parfait, à qui l'existence réelle appartient, il s~ensuit

que Dieu existe, car s'il n'existait pas, d'oa nous en viendrait

l'idée, ou comment pourrions-nous y penser?Ce point de vue conduirait droit au JMa~MHcAMtMeet au

.SpmosMMMen effet lorsque nous avons les idées ou notionsd'un absolu, d'un infini réd, présentes à notre esprit, quenons n'avons pu faire par aucun artifice, et dont nous ne

trouvons le modèle ni en nous-mêmes ni dans ce qui peuttomber sons nos sens nous ne pouvons voir ces idées qu'enDieu, qui contient formellement et éminemment les objets de

ces idées et qui les transmet à notre esprit comme des reflets

de sa propre substance ce n'est donc point de notre âme quenous tirons les idées ou notions de l'être, de substance, de

cause eBiciente, mais c'est Dieu seul qui les transmet à notre

esprit comme des reflets de son être absolu, infini, et de là il

suit encore que notre âme n'existe pas substantiellement,

Page 266: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPPORTS CES SMENCES NATNŒU.ESSN)

mais comme modification de l'infini, du grand tout, en quielle pense et aperçoit ce qu'elle n'est point.

Descartes, Malebranche et Spinosa se donnent la main.Voilà des exemples célèbres et bien instructifs de l'abus

trop commun parmi les philosophes de prétendre soumettreaux lois de la eoMtM&Mwece qui est du domaine exclusif denos croyances nécessaires. Ils s'imaginent que nous pouvonsatteindre tes réalités absolues, tes choses telles qu'elles sontindépendamment de la pensée, uniquement parce que nouscroyons qu'elles sont lorsque nous n'y pensons pas.

Ici est bien remarquable queLeibnitz en refusant de rangerla causalité parmi les notions innées que l'âme trouve enelle-même en pensant à ce ~M'e~eest, ait appliqué précisé-ment à cette notion le raisonnement de Descartes sur les idéesd'inSni et qu'il admet comme innées quoique sans modèle ennous « Nous avons, dit-il, la notion de cause et d'eSet; orcette notion ne pourrait jamais nattre dans notre âme, s'iln'y avait pas des substances hors de nous qui fussent entreelles dans le rapport de la cause à l'effet; donc ces subs-tances existent réellement. »

Si l'on retrouve l'argument de Descartes, j'ai l'idée deDieu (d'une cause suprême), donc Dieu existe réellement.

Là, Leibnitz part aussi de l'absolu des causes ou forcesétrangères à l'&me, pour justifier la notion que nous enavons; et il tombe dans le paralogisme étemel de la méta-physique.

On part des notions pour prouver des substances hors denous, en appliquant le principe de la causalité; et on croitpouvoir justifier ensuite les notions et le principe lui-même,en partant de réalités absolues, comme si celles-ci pouvaientêtre en elles-mêmes indépendamment d'un principe qui esten nous ou dans notre moi, avant toute application. En par-tant du moi ou de la conscience comme d'une première rela-tion, on voit clairement comment la notion de l'absolu del'être, de la substance, de la force, en dérive par l'analyse etl'abstraction réfléchie. An contraire, en prenant son point

Page 267: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECLA PaïCNOMOE <St

de départ dans l'a~a/M supposé inné, on ne peut en dériverle relatif; il faut le faire venir d'ailleurs et se contreditecomme Doscartes au sujet de l'idée de Dieu, de l'infini, etLeibnitz au sujet de l'idée de cause, en ce que certainesnotions sont suggérées, inspirées à notre âme, du dehors oud'en haut, et pourtant qu'elles lui sont innées, etc.

Le moi doit être le point de départ, l'appui, ou du moinsl'intermédiaire essentiel de toutes les notions auxquelless'attache la croyance d'une réalité absolue.

Avant le moi, je ne dirai pas que l'âme ne soit rien qu'unefaculté, puisque nous sommes nécessités à croire le contraire,mais je dirai hardiment que tout ce qui est ou qu'on peutcroire à priori ou concevoir à posteriori, dans cette substance,est nul pour la connaissance, ou n'existe pas pour nous,

puisque nous n'existons pas nous-mêmes.Le moine peut se connaître ni connaître les autres choses

qu'en tant qu'il existe et comme il existe; et comme il ne

s'aperçoit lui-même que sous un mode actif, dont il est cause,il ne percevra les autres existences que sous des modes passifs,dont il n'est pas cause, ou qui commencent et continuent sansson effort. Les existences étrangères ne sont donc d'abord

que des causes. Telle est la première croyance ou le passagedu principe au fait. Ces causes étrangères conçues existantesrelativement Meurs effets, étant nommées à part, ou abstraitesde tels effets particuliers, deviennent les êtres, les substances

qui durent et restent identiques, quand les phénomènes quis'y rapportent passent et varient; le moi croit d'abord la réalitéabsolue de cet être ou force ~rop!*eet absolue, qu'il appelleson âme, et à laquelle il attribue une durée antre que la sienne.

Comme la cause étrangère est induite du sentiment de la cau-salité du moi, la notion de la force absolue ou de la substancede l'âme est induite des notions d'êtres et de substances exté-rieures. Mais s'il ne se connaissait pas d'abord comme cause

déterminée, individuelle, il n'aurait jamais la perception d'au-cune cause étrangère déterminée par relation aux sensations

qu'il éprouve sans les produire. En eBet, l'induction première

Page 268: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPPORTSDES SCIENCESKATCMELMS232

qui rattache cette sensation passive à une cause autre que le

moi, est bien plus rapprochée de la notion do substance étran-

gère dont elle ne diffère même peut-être que par un signe abs-

trait, que le sentiment du moicause n'est rapproché de la notionde substance ou force absolue de l'âme, et il meparaît que l'ana-

lyse doit admettre la notion d'extériorité comme intermédiaireessentiel entre ce sentiment et cette notion. Mais en partantmême des notions d'être, de substance durable, ou mêmede cause, comme innées, si l'on voulait chercher à délier aulieu de trancher le nœud de la question qui consisterait à

savoir, sinon d*ouviennent de telles notions, ou quelle estleur origine de leur dérivation, du moins comment, d'aprèsquelles lois ou conditions elles peuvent commencer à se

M<MM/<M<erà l'esprit sous les formes et avec tous les carac-tères qu'elles y ont maintenant; on se trouverait conduit, en

procédant régulièrement, à prendre la conscience de moi, ousi on l'aime mieux, la première connaissance ou aperceptioninterne que l'&me a d'elle-même, comme un intermédiaireessentiel entre les principes innés, tels qu'ils sont, sous letitre impropre de notions dans l'absolu de l'Ame, avant la

conscience, et les notions ou croyances, c'est-à-dire l'appli-cation que l'&me fait de ces principes innés, en posant horsd'elle l'existence nécessaire on la réalité absolue d'un mondede substances, de forces, de causes invisibles.

Faute d'avoir suivi cet intermédiaire, les métaphysiciensont laissé le premier problème de la philosophie irrésolu,ou n'ont donné que de prétendues solutions qui n'ont été

que des pétitions de principes, relatives à telles hypo-thèses qu'ils faisaient en commençant, sans que ces hypo-thèses trouvassent même nulle part leur moyen de vérifica-tion.

Ainsi quand Leibnitz dit nous voyons l'être partout,parce que notre &meest un être, il ne dit pas comment l'âmevient à savoir ou il croire qu'elle est un être il pose etapplique en même temps un principe absolu de croyance,comme s'il ne pouvait et ne devait pas y avoir un inter-

Page 269: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA PSYCHOMGtE 323

médiaire entre le principe inné et son application hors de

nous. Lorsqu'en raisonnant d'après la méthode do Descartes,ce philosophe dit «Je trouve en moi la notion de cause et

d'eSet donc il y a des substances qui sont entre elles comme

la cause est à l'effet, il conclut d'après le principe hypothé-

tique de l'harmonie prdétablie tout ce qui est dans mon âme

à titre de notions ou d'idées soit innées, soit acquises, corres-

pond au monde des réalités extérieures dont mon âme est le

miroir. Ce qui est vrai relativement à l'hypothèse d'une har-

monie préétablie entre les notions qui sont dans notre âme et

les réalités qui sont au dehors. Mais qui nous garantira la

vérité de t'hypothèse?ït passe de mêmeimmédiatement de <a

causalité subjective à la causabilité objective ou du principeà son application hors de l'Ame sans dire comment ce prin-cipe absolu devient une notion ou est connu par l'&me ou

par le moi avant d'être appliquée aux autres existences il

n'examine pas s'il est possible que cela soit ainsi.

Autre fragment sur le même sujet.

Pour justifier l'origine assignée aux notions, et faire mieux

sentir combien il est indispensable de partir du fait primitif de

conscience, analysé dans ses éléments, pour pouvoir assignerle passage des principes innés (ou de tout ce qu'on peut ad-

mettre dans l'âme à titre de formes, catégories, virtualités, etc. )aux notions et croyances qui en sont les éléments, je prendsdans la philosophie de Leibnitz un exemple qui me paraîtéminemment propre à démontrer qu'en poussant son pointde départ an delà de ce fait primitif et par suite hors du moi,la science des principes ne peut avoir elle-même de principeou de base, et ne s'appuie que sur une hypothèse ou un

paralogisme. Lorsque Leibnitz dit dans le passage déjà cité

je voudrais bien savoir comment nous aurions quelquesnotions d'êtres, si nous n'étions pas MOMs-m~Kesdes êtres, il

entend par le nous-mêmes, notre âme, substance ou force

Page 270: Maine de Biran: Science et psychologie

BAPMMa DES SCnSNCESNA?4

a&so/M<'ainsi nous aurions la notion de l'être, qui entre danstoutes nos idées ou notions, parce que notre tune est un

être, et qu'eue mêle, pour ainsi dire, son essence propre à toutce qu'elle peut concevoir ou croire. Ce point do vue aulqectifet idéaliste se trouve changé en un réalisme absolu et objectiflorsqu'on le rejoint au système de l'harmonie préétablit; où

l'àme, miroir concentrique de l'univers des substances,

aperçoit en elle-même les êtres comme ils sont re~Hement,et s'aperçoit ou se retrouve en eux comme elle est en elle-

même, dans son essence absolue, indépendante car il y a

réciprocité do représentation ou d'aperception sans aucune

réciprocité d'action, puisqu'aucune substance no peut agir surune autre.

Ainsi la réa!ité absolue du monde invisible dos substances,des forces, est garantie par les notions que l'âme en a <!priorien vertu de sa constitution interne ou de son essence et indé-

pendamment des phénomènes accidentels comme ces notions,à leur tour, sontjustinéos par la réalité des êtres ou substances

qu'elles expriment ou représentant, puisque de telles notionsno sauraient être dans notre esprit sans une raison suffisanteou une cause qui les Rt' être. C'est ainsi que la chose en soi,le noumène et la chose coMHMe(phénomène), le ratio esMM<Netle ratio coyM<MccMe~,l'objet de la croyance et celui de la con-

naissance, convergent pour ainsi dire dans le même foyer de

l'Ame, se justinent l'un par l'autre Pt se servent mutuel-lement d'expression et de preuve. Le problème de la con-naissance trouve une solution dans le même principe maisce principe est une hypothèse qui aurait elle-même besoinde preuves.

On voit que ce système ne fait guère que tourner dans un

cercle, en partant tour à tour tantôt de l'&me comme donnée

pour expliquer les notions d'êtres ou de substances hors de

nous, tantôt de ces êtres réels, comme données ~~M'MMpourjustiBer les notions ou croyances que nous en avons par le

t. ExtemanonvidetnisipefcogNiUomemeorumqutBeuntin Bemetipeâ.

Page 271: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA fSÏCHOMMHE ?5

principe de causalité ou de raison snfHsante, Ainsi !'<'npourradire indifféremtnent il y a da l'&trc dans toutes nos ideea oureprésentations objectives, parce que notre âme est un ~f etnotre âme a les notions invariables, nécessaires d'être, de

substance,parce qu'il y a hors d'elle un monde réel d'êtres, desubstances. Ces deux raisons qui se suffisent l'une a l'autredans l'hypothèse d'une harmonie préétablie entre ce qui esten soi, et ce qui est connu ou cru ne sont rien moins quesuffisantes, si l'on nie l'hypothèse.

i* Et d'abord comment peut-on conclure immod!atement doressence de i'ame ou de ce qu'elle est en elle-même a cequ'elle connaît? Suffit-il qu'elle soit un être, substance ouforce pourjuger, concevoir ou croire hors d'elle des ètres~dessubstances? S'il en était ainsi, et si tous les objets des notiftnsou des croyances premières universelles nécessaires étaientdonnés à Famé conformément à son ~s~acc ou à ce qu'elle esten elle-même, ne faudrait-il pas dire qu'eUe a aussi l'étendue,l'espace inlini, la ~«-ec, ~/brce absolue, la cause, etc., puisquetoutes ces notions qui se résument dans le seul mot~-e, sontégalement nécessaires, universelles, et que l'&me no peut tsspenser sans les avoir entièrement présentes ?Leibnitz n'oseraitassurément pas avouer cette conséquence qui eut détruit sonsystème; il devait donc reconnaître que l'âme a des notionspremières qui non seulement nesont pas conformes à l'essencede l'&me, mais mémo qui lui sont opposées et que commel'âme a la notion de l'espace ou de l'étendue, de l'infini, sansêtre étendue, infinie, elle pourrait bien avoir celle de l'~re,de la substance, sans être une substance séparée, ou aucontraire être une substance, un ère, sans avoir les no-tions.

La raison tirée de l'essence de l'âme pour expliquer lesnotions universelles n'est donc pas suffisante.

2° On demandait auparavant comment nous pourrions avoirdes notions d'êtres de substances, si nous n'étions pas MOKx-tMAM<M,ou si notre âme n'était pas un être, une substance.Maintenant le point de vue change, et l'on demande comment

15

Page 272: Maine de Biran: Science et psychologie

nUTORTS DES SCtEKCES XATCt<Et.ESM3

notre âme pourrait avoir telles notions ou eonnattra telles

restions, a'i! n'y avait pas hors d'elle des êtres réels, ou si

tes termes do cette relation n'existaient pas réellement et

absolument. Ainsi, comme dans le premier cas, on passait

sans intermédiaire de rcsseMCcdo l'âme aux notions univer-

selles, maintenant on peut passer d'une manière aussi immé-

diate d'une relation donnée à priori à la réalité absolue des

substances.

Ici Loibnitz voit de la hauteur do son génie toutes les

notions de l'a~o/M des êtres, des substances, etc., comme

ressortant du grand principe de causalité qui peut seul en

etfet leur donner une base. Mais la causalité, telle qu'il la

conçoit, est censée donnée à l'âme à priori au titre universel

sous lequel notre esprit l'emploie et l'applique sans cesse aux

objets et aux phénomènes do la nature extérieure.

Or, avant que la relation do causalité ne prenne ce caractère

universel et objectif, n'a-t-elle pas dû ou pu avoir le caractère

individuel et particulier, et ce caractère n'est-U pas précisé-

ment celui d'un fait do conscience ou du moi, donné à lui-

même par son aperception immédiate interne, sous cette

nlation do cause et d'effet?

Si Leibnitz se fût adressé cette question, et en eut cher-

ché la réponse dans le sens intime ou l'expérience inté-

rieure, il aurait créé et poussé jusqu'à ses dernières limites

la science dos principes. Et combien d'iltusions, de mé-

comptes, de vaines tentatives n'eùt-il pas épargnés à ses

successeurs ?

Lorsque ce métaphysicien disait « Je voudrais bien savoir

comment nous pourrions avoir des notions d'M, si nous

n'étions pas nous-mêmes des êtres », il énonçait le principe de

nos croyances nécessaires et voulait en justifier l'application

objective. Pourquoi, passant de ce principe de la croyance à

celui de la connaissance et suivant l'analogie, ne s'est-il pas

demandé lui-même comment nous pourrions avoir quelque

notion de causalité, si nous n'étions pas nous-m&mcs des

causes, ou si le moi distingué de l'âme n'était pasune cause?

Page 273: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECt~ PStCHOKMtE '?7

Au Heu de cette question à laquelle il semblait devoir être

conduit par Fanatogio et !a nature des ehoso~ il en e!cv<*une

autre tout à fait opposée et demande comment !a re!ation uni-

verseMe et nécessaire dé causalité pourrait être donnéo à notre

esprit s'il n'y avait pas hor do nous dea substances ou des

êtres qui fussent entre eux dans ce rapport, d'ou il prétendconclure la réalité absoiue de ces substances

Il serait curieux d'examiner les motifs d'une transition

<. On voit ici que Leihnitit, quoique s'' phcant dans)mpo!ntdevn''oppfi!e

au nôtre et partant de principes dincrents, considère comme nonttari'tat~n

de causalité comme ~)'tM<<)M et en déduit la notion o~e/M'* dp Mtb~tanff qui

est la soute vraie, la «ettte confonMe aux loia de t'Mprit humain. qui ne peut

jamais atteindre l'absolu directement et M «A)'Mp<o, mai!' e~t foutraint, par

la nature de sa eonuai~Mnec retattve. a eroire que t'ahxntu existe Mas fon-

cevoir fe ~M't~ est; c'est at«i't que la MtaUon positive de cauMtiM étant

comme decompoeee en aee deux termes, noua donne l'exiatence absolue de

ses deux substances, l'une active, qui est la force, l'autre passive, qui est la

matière étendue, résistante, impfnetrabh'. L'une de ces notions ne peutMre

ramonée a t'entre, commo l'ont tente si vainement tes MoMaft-ft, soit spiri-

tuaiistos, soit tnatertaMsies. Leibnib! ne voyant que des /b)'eM ou des subs-

tances douées de /b)~ dans la nature, et prenant t'etendu comme un

~A<'aoMfoe, devait anéantir (univers des cot~jM; ce point de vue est eatquesur

l'hypothèse d'un être actif et intelligent qui serait réduit a dea sens et

n'admettrait pas primitivement la forme d'étendue; un tel être n'aurait

d'autre notion que celte de sa /!M'cep<'o~e et celle des forces immaterieMcs

qu'il concevrait a i'instar de la sienne propre; n pourrait n'y avoir pour lui

qu'une seule substance active productive de toutes tes modifications dont it

ne serait pas cause M se concevrait comme dépendant de cette substance

quant a ses manières d'être passives, mais indépendant quant a Mtt dire.

L'âme est un être, une substance, une force; avant de te savoir ou d'avoir

conscience d'eitc-meme, eUe n'acquiert cette cotMCtmce qu'autant qu'eHe est

modifiée ou qu'elle reçoit du dehors quoique impression. Mais aus&itot qu'eue

vient à être modifiée,. ou dès la première impression qu'cBe reçoit, il est

Bat~~re~qu'elle ajoute à cette impression des éléments de son propre fond,

c'est-à-dire tes notions ou idées de ce qu'eue est. EUe mêlera donc avec la

sensation les notions d'être, de substance, de force, non qu'eue tes reçoive

du dehors, mais parce qu'eue les a en olle-même et qu'eue ne peut percevoir

nue comme elle est et suivant ce p<*eMeM/, ou conformément à sa nature, etc.

Tel est le raisonnement de ceux qui veulent prouver ou justifier l'innéité

des notions. Mais ce raisonnement suppose que i'ame est une substance

distincte; qu'il lui est essentiel de connaître ou d'apercevoir ce qu'eiie est

qu'elle ne peut sentir ou percevoir tes autres choses que comme <<* ext.

Comment justifiera-t-on ces suppositions autrement que par le fait, etc.

(M. de B).

Page 274: Maine de Biran: Science et psychologie

t~K'ORTS CES SCIENCES NATCt<~t<E8828

aussi brusqua ou d'une inversion de principe et do méthode,telle qu'après avoir déduit tes notions de l'essence de l'âme, it

cherche à déduire immédiatement la réalité absolue dea

choses d'une notion ou relation première comme inhérente à

notre esprit.Nous remarquerons seulement ici que cette inversion est

motivée par te caractère général de la doctrine leibnitzienne

qui tend toujours à l'absolu des êtres, tels qu'ils sont en eux-

mêmes, et qui, en établissant les lois subjectives de la pensée,songe surtout aux lois réelles et objectives que dosent suivreles êtres et l'dwc p~/e-M~HC,en vertu de l'harmonie univer-selle préétablie; à titre d'âme raisonnable ou de monade pen-sante, notre âme peut connattre ces lois, en faire l'applicationet on prévoir les résultats; à titre de monade dérivative et

subordonnée, elle est tout entière sous l'empire absolu du

/<~Km~dont la chaîne ombrasse et lie étroitement toutes les

parties do la création.L'âme n'est donc point une cause efficiente et il répugne au

système de l'harmonie préétablie d'affirmer de l'ame la causa-

lité, comme on en affirme nécessairement t'être ou la subs-

tance et comment notre Ameaurait-elle dans son essence lacausalité ou l'activité productive de mouvements, de change-ments quelconques qui ont lieu en elle ou hors d'elle, lorsque,ne faisant que percevoir ou représenter ce qui arrive néces-

sairement en vertu des lois do l'harmonie universelle, elle ne

produit rien et n'agit sur rien, comme rien n'agit sur elle ?2

D'ailleurs Leibnitz ayant pris une fois son point de départdans l'absolu ou l'essence de l'<~Me,ne pouvait appliquer à la

causalité ce qu'il avait dit de l'être*. En effet, toute conception

t. tt y avait cepeudautune doctrinede ta pMto:'opMeteibntMennequiscmbhttpresqueconduireà admettrela notionde causalitécommefaisantpartiede l'essencede t'Amehumaine.car cette âme est toujours,suivantLeibnitz,essentiellementuniea uncorpsorganiséquine fait quese déve-lopperà sa naissancepour se concentrerou s'envelopperdenouveauà lamort.Ainsil'âmeagiraittoujourssur un termededéploiement,elleneces-serait pas plus d'êtrecausepour elle-mêmedans sa perceptionabsoute,qncitene cesseraitd'êtreunesubstance,etc. (M.deB.)

Page 275: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC M FSTrCHM.OCH! 82P

de cause, emportant nécessairement avec elle la relation do

quelque effet produit, Maurait fallu convenir que dans l'ordre

de génération des notions comme de la croyance, !o relatif

était avant l'absolu, et que toute notion telle que t'être, la

substance, la force, dérive d'une première relation analyséedans ses deux termes ce qui, en rétablissant l'ordre légitimede la génération des notions ou de nos connaissances, donnait

l'exclusion au système des idées innées on des principes syn-

thétiques priori, auxquels Leibnitz ne pouvait renoncer

comme étant la base de sa doctrine.

Ainsi, puisque nous trouvons !o principe de causalité établi

dans notre esprit avec les caractères de nécessité, d'univeraa-

lité, qui ne peuvent convenir qu'à une notion d ~f!0f/, et que,d'un autre côté, l'âme n'étant point cause efficiente, la causa-

lité n'est plus renfermée dans son essence et ne peut en être

déduite comme les notions d'être, de substance, que l'amo at-

tribue à tout ce qu'elle conçoit hors d'elle, il faut bien qu'elle

prenne cette relation ailleurs; on d'autres termes, si l'âme

trouve en elle la causalité, ce n'est pas en tant qu'eUe aper-

çoit elle-même ce qu'elle est, mais on tant qu'ollo représenteles choses comme elles sont.

De là ce raisonnement sur lequel se fonde tout le réalisme

de la doctrine leibnitzienne.

Si la notion de causalité ne peut exister dans notre esprit

qu'autant qu'il y a des substances qui soient entre elles dans le

rapport de )" cause à l'effet, ces substances doivent exister

hors de notre &moet le principe de causalité en est à la fois

l'expression et la preuve; or il n'y aurait point de raison suffi-

sante pour que ce principe fût dans notre esprit avec les carac-

tères universels et nécessaires qui lui conviennent, s'il n'y

avait pas hors de nous des substances qui fussent entre elles

dans le rapport de la cause à l'effet; donc ces substances exis-

tent réellement, et la notion de causalité en est à la fois l'ej?-

jM'MSMMet la pf~tw.J'observe d'abord que la mineure est un véritable paralo-

gisme, puisqu'elle s'appuie sur ce qu'il s'agit avant tout d'éta-

Page 276: Maine de Biran: Science et psychologie

MPPORTSBESSOENCESNATCNEt~ES830

blir, savoir que la relation de causalité ne peut être dans notre

esprit si elle n'y est produite par des substances étrangères

qui aient entre elles cette relation.

Assurément pour que des objets extérieurs aient entre eux

des rapports de la cause &l'effet, comme toute autre relation,

propriété ou qualité, il faut bien d'abord que ces objets soient

quelque choae en eux-mêmes, ou qu'ils aient une essence ab-

solue, indépendante de cette re!ation déterminée c'est t&ce

que nous croyons nécessairement. C'est le principe de Des-

cartes retourné et pris dans le sens logique je pense (ou jesuis pensant), donc je suis. Les êtres sont causes et effetsentre

eux, donc ils sont existants. Mais il no s'agit pas de principe

logique ni même de principe de pure croyance, mais des pre-mières notions dont la croyance fait partie et où elle entre

comme élément quoiqu'elle ne les constitue pas. Or, en appli-

quant les objections déjà faites contre le point de vue où l'on

passait immédiatement de l'existence absolue de l'ame aux

notions, à ce dernier point de vue où l'on part du principe de

la causalité universelle et objective pour déduire la réalité

absolue des substances, je demande

S'il suffit qu'il y ait des substances hors de nous qui sont

entre elles dans le rapport de la cause à l'effet pour que nous

ayons en nous la notion de causalité.

Oui, disent les leibnitziens, s'il est dans la nature et l'es-

sence de notre âme de représenter ou d'exprimer toutes les

substances de l'univers et leurs relations, comme elles sont

réellement et en elles-mêmes, sinon par des notions dis-

tinctes, du moins par des perceptions obscures qui sont sus-

ceptibles de se développer pe.t à peu. Mais qui ne voit quec'est là une hypothèse appuyée sur une autre hypothèse,comme le monde des Indiens est appuyé sur la tortue, laquellene s'appuie sur rien.

Est-ce qu'il ne peut pas y avoir entre les êtres des relations

universelles et nécessaires autres que celles dont nous avons

des notions? Si par exemple l'attraction réciproque de toutes

tes parties de la matière était une propriété essentielle comme

Page 277: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC~APSTCHM-CCM 23i

plusieurs philosophes l'ont admis, n'aurait-oUcpas existé sans

que l'on s'en doutAt, depuis l'origine des siècles jusque celuide Newton?

Comme entre ce que nous croyons primitivement et néces-sairement et ce que nous parvenons à connaître par l'expé-r!eace, il y a un intervalle immense que tous les travaux accu-mulés des générations ne combleront jamais, de même il

peut y avoir entre ce que noua croyons, d'après les lois de

notre nature, et ce qui est dans l'immensité de l'espace et de

la durée, un monde d'êtres et de relations dont il ne nous est

pas même donné de soupçonner la réalité dans le mode actuel

do notre existence. Dire que notre âme contient ou représente

par des perceptions obscures ce qui est et doit être étemeUe-

ment voilé à notre esprit, ce qui ne donne même pas lieu a

l'ombre d'un doute ou d'un soupçon, c'est mettre des signesvides à la place des notions. Là où notre connaissance dé-

terminée est forcée de s'arrêter, la croyance traverse encore

un vaste désert que l'imagination se charge trop souvent de

peupler à son gré, mais là où s'arrête même notra faculté de

croire et d'imaginer, il n'y a plus rien pour nous.

Je demanderai en second lien comment nous pouvons, jene dis paseoKKa~c, mais croire ou soupçonner des substances

étrangères à notre âme, comme étant entre elles dans le rap-

port de la cause &i'enet, avant que notre âme se connaisse ou

n'ait l'aperception immédiate de sa propre existence alors

identique à l'existence du moi, sous la relation déterminée

d'une cause à quelque effet produit par elle en elle-même ou

dans l'organisation.Si l'on n'a pas craint de donner une valeur purement objec-

tive aux notions d'êtres, de substances en les déduisant de

l'essence ou de l'être même de l'ame, pourquoi serait-on ar-rêté par cette crainte lorsqu'il s'agit de la relation de causa-

lité subordonnée à la notion de l'~re dans le système de nos

croyances? Est-ce que le principe de croyance ou l'induction

première qui force l'&me à ~WM/Mr~' an dehors ce qu'fHeconçoit primitivement en elle on d'ene-mêmo, n'a pas une

Page 278: Maine de Biran: Science et psychologie

«APPOKT3 DES SCtENCES NATUREHES838

autorité égale et suffisante dans un cas comme dans lautre?Si toute notion de <M~/<HM'cou d'être avait un caractère

sM~<*c~ comme étant fondée primitivement et nécessaire-ment dans l'âme, comment la relation do causalité qui a lieuentre des substances aurait-ello un caractère primitivement etessentiellement objectif? est-ce que la rotation pourrait avoirun caractère et un fondement opposé à celui des termes reta-tés, et s'il était possible do séparer la relation des termes quila composent, ne serait-ce pas elle qui devrait être considéréecomme ayant une source et une valeur subjective plutôt quochacun des termes abstraits de la relation que la croyance ne

peut réaliser que dans te point de vue objectif.Enfin si la réalité absolue des substances a besoin d'être

justifiée ou prouvée et qu'elle no le soit pas suffisamment parl'autorité seule de la croyance qui entre comme élément né-cessaire dans toute notion, comment pourra-t-elle être d priorijustinée par la relation universelle et objective de causalitéqui la suppose déjà établie et ne peut se fonder que surelle?

Pour que la réalité d'un monde invisible et extérieur dosubstances pût être légitimement déduite du principe de cau-salité comme d'une prémisse ou d'un principe nécessaire, nefaudrait-il pas que la relation fût donnée d'abord ira eoKc~o.avec les termes avant que chacun de ceux-ci fût conçu ou cruexister réellement et absolument in abstractu hors de la rela-tion ?mais si la causalité donnée primitivement est celle quiexiste ou qui est censée exister nécessairement entre les êtresdu monde invisible, il faut bien que ce monde et les êtres dontil se compose soient donnés avant ou du moins en même tempsqu'elle; donc il n'y a pas de passage on de déduction légitimede la causalité à la réalité absolue des substances.

Mais pourquoi accumuler tant de difficultés contre la ma-nière do déduire les existences d'un principe qui n'existe paset ne peut exister dans le système dont nona parlons? Nousavons déjà vu en effet que dans l'hypothèse leibnitzienne,l'âme n'est pas cause, ne peut être cause efficiente d'aucun

Page 279: Maine de Biran: Science et psychologie

A\;ECt~ PSYCCOÏ.OatE 933

changement ou modo produit en elle on dans toute autresubstance avec qui elle serait supposée en rapport harmo-

nique.Je dis en elle, puisque la suite des états et modifications par

lesquels elle passe estrégtée et préordonnée dès l'origine d'unemanière déterminée, correspondant à tout ce qui arrive suc-cessivement dans l'univers, dont l'Ame représente toutes lesvariations ou les phases successives. Je dis dans toute autre

substance, puisqu'elle n'agit point sur eUe, et qu'en généralil n'y a aucune action ni réaction possible d'une substancesur une autre, quoique chacune d'eUes représente à sa ma-

nière, et conformément à sa nature, la suite des changementsqui arrivent et doivent arriver à l'inani dans toutes tes autressuivant les lois du/otKNt, lois qui, pour être prévues par lesêtres intelligents, n'en sont pas moins invincibles et immuables

pour eux. Mais là où il n'y a pas d'action réciproque d'unesubstance sur une autre, comment peut-il y avoir causalité?

Que peut-on entendre, quand on dit que deux substancessont entre elles dans le rapport de la cause à l'effet, lorsqu'ona commencé par ôter l'action réciproque aux substances enréduisant chaque monade à cet état de perception où elle

représente toutes les autres sans action ni passion réci-

proque ?Veut-on dire qu'une substance n'est que l'effet d'une autre

qui la produit, la fait commencer ou la fait passer du possibleà l'actuel, en un mot la crée ? Mais sous ce point de vue le

rapport de la cause à l'effet se trouverait ramené par l'iden-

tité, à celui d'une substance ou force créatrice avec un mondede substances créées; la relation de causalité aurait un carac-tère mystérieux, surnaturel, et hors de toutes les lois de con-

naissance, bien loin d'en être la première donnée; elle seraitle dernier effort de la raison, entraînée par le besoin et la né-cessité de croire ce qui la surpasse, bien loin d'être pour elleun premier point de départ de la science

t. Dans ce point de vue il ne pourrait y avoir qu'une seule cause efficiente

pour la multitude infinie des effets, et si l'on ramenait le rapport de la cause

Page 280: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPPORTS CES SCIENCES ttATCMU~S834

La relation de !a cause à l'effet n'est point réeHemont pournous ce!!e que peut avoir la substance conçue en elle-même

on dans l'absolu de son être, avec une autre substance consi-

dérée sous le même rapport, et en tant qu'elle commence à

~f; cette création ex mMo est universellement repoussée

par notra esprit comme hétérogène à sa nature, sinon à titre

do croyance, du moins à celui de notion.La causalité, telle que nous la concevons nécessairement et

comme application universelle constante d'une loi primitivedo l'esprit humain, n'est autre que la relation d'un phénomène

qui commence avec une force agissante qui le fait com-

mencer

à l'effet à celui de la substance au mode, ainsi qu'on y est conduit assez

directement en raisonnant d'après les lois ontologiques en partant de

l'absolu, il n'y aurait qu'une seule substance dont tous les êtres de l'univers

visible ou invisible seraient tes modtneations.

Tel est le système de Spincza, et, sans sortir du même point de vue et

ayant égard à ce que nous percevons nécessairement les effets dans la cause

comme les modes dans la substance, on serait conduit & dire que nous

voyons tout en Dieu, qui serait la substance unique par cela seul qu'il est la

cause eNeiente unique. (M. de B.)

i. Je rapporterai encore sur ce sujet important un passage tiré de ta thèse

de Kant Étant données plusieurs substances, leur communication possible

réciproque ne dépend point de leur existence seulement, mais de quelqu'autre

principe qui détermine leurs relations mutuelles et nous les rend intetil-

gibles. Eu e9et, si l'on ne considérait dans telle substance que son existence

seule, cette notion ne pourrait se reMrer tout au plus qu'à cette d'une eaaM

nécessaire, universelle; mais le rapport de la cause n'est pas une communi-

cation, c'est une simple dépendance. Donc, s'it y a une communication réelle

quelconque entre tes substances, elle devra se fonder sur une fuson parti-

culière qui la détermine; et c'est en cela que consiste Mn/!t<ett<'e physique,

dans le sens vulgairement adopté, où le commerce des substances se fonde

uniquement sur des forces qui leur sont inhérentes ou font partie de leur

essence. Ce n'est pas là un système, mais l'absence de tout système philoso-

phique, qu'on regarde comme superflu dans cette matière. Le concept d'une

innuence physique nous donne le seul genre de commerce qui puisse être

appelé f~, d'où tout ce que nous appelons le monde emprunte sa.réalité et

n'est plus seulement un tout idéal ou MM~Han-e.« Cfuuue chaque substance, en tant qu'elle er&<e, se suffit à elte-mëme et

se trouve hors de toute dépendance d'une autre, il est évident que le com-

merce des substances (c'est-à-dire la dépendance réciproque de leurs états)

non seutemeut n'Mt pas une suite néfcsfairp de leur existence, mais de ptuf

Page 281: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC LA PSYCKOMtME SBt

On ne conçoit pas comment Leibnitz, n'admettant pointde véritable communication entre les substances, mais seu-

nopeut icur convenireu aucune manièreà titre de substancesnéces-saires*.xD

La raison logique nous dit bien que si le monde est un tout continpent

qui ne se compose que dp substances contingentes, il doit avoir une cause

nécessaire de son existence mais ta difficulté est, je ne dis pas de prouver,mais même de concevoir i'hypoth6se de cette contingence, quand il s'agitdes substances dont la présence dans l'univers, comme dit Kant, n est pointlocale et n'a aucun rapport au lieu, mais est t'H'~M~A*ou idéale.

En voyant les phénomènes commencer et changer, nous croyons neee!

sairement qu'il y a une cause hoM d'eux qui les fait commence)', mais eu

pensant à la substance qui )'M<e la même dans tous tes changements et i:uc-

cessions, non seulement nous ne sommes pas nécessites à la rapporter a nnecause qui détermine ou a fait commencer cette existence, mais do p)N°,t'idee de ce commencement d'existence d'une chose durable par e!)e-mcme

qui reste toujours identique dans le fond de son être, répugne aux lois de

notre esprit et à la notion de substance.

La notion d'une force (improprement dite substance) cause ou causante.

n'a pas pour corrélatif nécessaire celle de substance causée, mais bu'n cpHc

d'un effet ou d'un nouvel accident produit dans une autre substance indé-

pendante de la force quant à son M~/Moe, qaoiqu'eite lui !M)it subotionnee

quant !.ux modifications ou changements accidentels dont elle est passiMe.La notion de foreo ainsi conçue étant toute prise dans te fait du sentiment

intime, on pouvons-nous trouver celle d'une cause de i'cxistence des subs-

tances mSmes? Aussi, comme dit très bien Kant, le rapport des substances

<*<tt<~e*à une substance cause est-it un rappori: de dépendance que la raison

établit en appliquant par un paralogisme la notion de cause relative aux

modifications durables des substances, à {'existence même de ces substances

et en suivant le procédé logique de la dépendance nécessaire des idées ou

notions qui sont dans notre esprit, plutôt que celle des choses extérieures

que nous ne connaissons pas.En partant de ce principe que tout ce que nous croyons exister réellement

et nécessairement existe en eiîet, comme nous le croyons, nous pouvons bien

affirmer que la cause (.c) de tout phénomène qui commence existe réellement

et, considérant t'ensemNe des phénomènes que nous présente l'aspect~ del'univers comme un seul effet total qui a commence, notre esprit s'élève

nécessairement à la came suprême qui détermine tel ordre harmonique de

toutes tes parti?'). Maie lorsque nous venons à considérer le monde matériel

des substances passives, inertes, dépouillées de ces principes de force, de vie

ou d'activité qui me sont point essentiels à leur existence, loin d'appliquer à

cette existence absolue la notion de causalité telle que nous l'avons dans

notre esprit, nous éprouvons au contraire uue t'ejMgnance à croire et une

disposition négative à affirmer qu'eue ait nn co~ncement, et ta cause

De mnndï eenstMHs,eh*

Page 282: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPPORTSDESSCtENCESNATCREHES236

lemont une sorte de commerce idéal et sympathique, a puchercher néanmoins à établir la réalité objective du mondeextérieur sur la relation de causalité qui par cela seul qu'elleso trouve dans notre esprit doit avoir sa raison suffisantedans des substances qui aient entre elles le rapport de laeaMse fe~e<.

Qu'est-ce en effet que la causalité dans nu système où l'onn'admet point d'action réciproque ni aucune influence phy-sique ? Et quelle peut être la raison suffisante lorsque nousconcevons ou appliquons le rapport de la cause à l'effet. Sidans le système des êtres tout no fait que se correspondreidéalement et par harmonie sans s'influencer réellement et

physiquement, il faut en conclure que la notion de causalitén'a pas de raison suffisante hors de notre esprit dans le mondedes substances, car comment une simple correspondanced'événements qui s'accordent et arrivent en même temps àl'occasion les uns des autres, pourrait-elle produire dansnotre esprit quelque notion pareille à celle de l'énergie ou du

pouvoir actif d'une cause efficiente, telle que nous Pavons?H faudrait donc dire ou que cette notion purement idéale

ou subjective ne venant point du dehors n'exprime ou nereprésente rien de ce qui est au dehors; que c'est une purechimère, une illusion, une habitude de l'imagination, selon lepoint de vue sceptique de Hume ou qu'ayant la notion innéedo Dieu, cause efficiente unique et seul lien des e~cM/eKees,nous apercevons et sentons en lui l'énergie, le pouvoir actifdo la cause, selon le point de vue de Malebranche, dontLeibnitz n'est pas très éloigné.

Mais dans cepremier cas on ne

peut déduire aucune réalité

créatrice de la matière cet pour nous inintelligible, car notre esprit ne pou-VMtt partie que du fait prumttf de conscience, comme du principe de toutenotion ou raisonnement ne conçoit la dépendance du monde matériel, parrapport à Dieu, que comme celle du corps par rapport à rame; or nouscroyoM que ces deux substances existent et durent ensemble, que rune agitsur l'autre, est cause efficiente de ses modifications et non pas de sonexistence; ce qu'on admet au delà est étranger aux lois de la raison commeà celles de nos croyances primitives et nécessaires. (M. de B.)

Page 283: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC tA PSMMtMtME 337

objective d'an principe purement idéal et qui o'& aucun fon-dement dans la nature des choses, d'aprbs l'hypothèse del'harmonie préétablie; dans le second cas la notion tMM~pde la cause efficiente n'étant autre que eeile de Dieu, no

prouve immédiatement aucune autre existence réoHe que la

sienne, il faudrait partir de ses attributs donnés comme prin-cipe, savoir de la toute-puissance, de la véracité qui se mani-festent à nous par les œuvres de la création etc. pour enconclure la réalité d'un monde de substances, de forces subor-données suivant la méthode et les procédés dont Descartesa le premier donné l'exemple dans ses admirables médita-tions. On ne voit donc dans aucun cas commeat une hypo-thèse telle que l'harmonie préétablie ou les causes occasion-nelles étant admise et substituée à l'influence physique des

substances et dos forces dont se compose cet univers, il serait

possible de déduire de la notion de causalité telle qu'elle est

établie dans notre esprit, la réatité objective d'un monde

HM~WeAMais en rétablisssant le principe de l':H~MeMcephy-

sique, voyons comment on peut déduire cette réalité de subs-

tances, de la relation première et individuelle de causalité,en employant la forme d'un raisonnement à peu près pareil à

celui de Leibnitz.

Si la première relation de cause à e~e<, sous laquelle le moi

commence à exister à titre de personne individuelle, ne peutnattre dans l'esprit qu'autant qu'une force réelle, perdurable,commence à agir sur une substance inerte, étendue, donnée

existante comme terme immédiat du déploiement de la forceet manifestée par ce déploiement; il faut conclure (commenous y sommes forcés d'ailleurs par le principe de croyance),que cette force (appelée âme en tant qu'on la considère comme

puissance virtuelle et hors du sentiment de son exercice, et

moi, en tant qu'elle a l'aperception actuelle ou le sentiment

immédiat de cet exercice) et cette substance existent réelle-

ment et substantiellement et la relation de la cause à effet

est à la fois l'expression et la preuve de cette réalité. Or lemoi ne commence à exister par lui-même que sous la relation

Page 284: Maine de Biran: Science et psychologie

CoMtfUt ttMu'hMM

M)'j:<~U<~)< a)M(!iMtM partielle

Valable pour tout ou partie

du document reproduit

Page 285: Maine de Biran: Science et psychologie

MM'M<TaM9 6Cn?!<CKaNATUMU~M??

do eawm à oHet, do l'effort voulu au taouYcmont, et M Mi

impossible de concevoir t'eHort voulu ou apor~u «ana une

farfue ~~< absolue et perduraMo qui io detMatina, H)d'apor-covt)"* ou de aentir te tMouvomfnt qui en résulte, sans la

aubatance étendue et passive sur laquelle la forco so d&p!oit),donc l'Ame ut le corps propro existent f6e!tetnpnt et <atM)c-

tement et le rapport de cause à effet en est l'oxpression at la

prouve.Les notions J'aa<e et do corps étant ainsi formées par t'ana-

tyae ou la résolution du fait primitif dans aea <teMxtermes

d!st!aets, les not!ons pronnent tmo~diatement et par l'aoto

t))0))o d'abstraction le caractère t<Mt<WM)t'neoeaaa!re et a~/M,sous lequel nous concevons et le monde des forces invisibles

et celui des substances; c'est alors quenous pouvons dire quotanotton de causalité est h ta fois l'oxpression et la prouve dea

<*x!8teacesaMtrcaq~o la notre.

Mais cette relation conserve toujours son caractère indi-

viduel qu'olle tient de son origine, tandis que ses termes MM!s

abstraits de la relation sont pris nécessairement à titre uni-

verset et conçus dans te point de vue objectif. C'est ainsi quel'entendement conçoit l'objectivité absolue de l'univors maté-

riet et collo do la cause unique et nécessaire des existences.

Dans l'action et la réaction mutuelle que nous attribuons

nécessairement (et indépendamment de toute vue systéma-

tique) à toutes les substances de l'univers, c'ost toujours

l'et!brt, te ru'sus, en vertu duquel notre corps est m&. qui sort

de type & la causalité universelle; c'est l'idée réuexive et

abstraite de cet ~r~ qui s'interpose entre les corps moteurs

et mobiles; c'est elle qui sert de modèle et de type à tout lien

ou MpM«des deux mondes de forces et de substances dont les

notions s'appuient sur le fait de conscience et dont la réalité

est garantie par la connaissance nécessaire de l'individualité

et du durable de notre dire propre ce n'est donc pas d'une

causalité universelle et objective que nous concluons la réalité

des substances mais au contraire la causalité n'est conçue &

ce titre universel qu'entre des substances auxquelles la réatité

Page 286: Maine de Biran: Science et psychologie

A~EN H PMCtM't.<Mttf

absolue est d~ja attr~M~o par ta princ!po da ereyanea lasento retatton pr!<n!t!vaest la eawaatitc tadhtdMcMe <tuMo!,d'o(< tes n«t!oM8soMtd~rh~oa par aba~aettoa et par ~t!cx!an.

To)test rfFjt~ de gJM~atieu <!a«a !a ayet~mt) do noa cen-

nxtaaeaeea tels sont les t!eaa!ntitt)es qui MMMaootc~aya~mMh celui do la CfayaHep,taquet marche paratt6teMeMt a\eo ht!aans pttMveiren Atre dérivé.

Je oro!a ces principes et ces cettadqMcnoes & l'abri des

ohjcotKtns fondeos, at rcn admet seulement la mhtOMre dn

r«MOM)M))tn<'Mtqui pf~ctdo, aavetp quo l'aperception du moi est

)d«nt!qMeà cette pfemibro retaHoa do cause il eno~ OMa UMe

origine qui est Fettoft voulu.C'eat cette proposition importante qui sort do fendement &

la psychologie expérimentale et& la phHoaophK)prem~re.Nous consacreFttns !aMctio~8u!vamteason d6vc!oppenMat

et asM preuves.

Page 287: Maine de Biran: Science et psychologie

MffaKTS fM setRKCEa«ATHtOR~KS§<?

SRCTMN TtMM~ME

APH.tCMfta:<M HH'«W8M CAMM.ttËAM 8CKSCE9PMStOM~

Aprbs avoir indiqué comment les principaux systèmes de

métaphysique se trouvent en contradiction avec ta Mt de «MMintime pour avoir voulu s'élever au-dessus da lui; après avoirvu comment toute notion do cause eM!cien(e? aa source dans!« MnUment primitif et immëdiat d'Moefbtt que la volontéd~tormina Nansqua noMapuissions étendft! plus loin rerigittedo cette notion, ai la transformer dans tes applications quonous un faisons aana eoMe aux divers objets hors de noMs,aaaa la denaturef noMMsommes mieux a portée maintenantde reconnaître, d'apprécier l'emploi que font les physiciens«Mtes naturalistes du principe de causalité, dans ce progrèsde lour science qui consiste selon eux &chercher les causesdes phénomènes après on avoir d'abord observa toutes les

circonstances, tes avoir classés suivant leurs analogies, etavoir pose tes lois expérimentâtes do teur succession dans te

temps, ou de leur simultanéité dans l'espace.Il est remarquable d'abord que dans cette prétendue

recherche des causes, on s'arrêto toujours à ce qu'on appelleune MM~M/SMMpremière qui détermine un premier mouvement

lequel en amène à sa suite un certain nombre d'autres; et

lorsqu'on a bien établi par l'observation aidée du calcul, qu'unphénomène éteigne et compliqué dont on s'occupe, se rat-tache à une telle impulsion première par une teUe série demouvements déterminés quant à la quantité et à l'ordre desuccession, on croit avoir complété l'explication, et n'avoir

plus rien à demander.

C'est avec beaucoup de sagesse en effet qu'on s'interdittoute recherche sur le comment de l'application de la forceimpulsive du premier mobile, ou. de sa communication ettransmission do corps &corps, puisque pour avoir la science

Page 288: Maine de Biran: Science et psychologie

AVKC f~CtMKMttR ~M

de M comntt'nt, it faudrait d'ahcrd avoir cette du Mtameutdu premier eMort ou de l'existence du ?!«<qui, étant te sujetdo toute eonnaissanec, ne peut en devenir t'«h;<'t ni terepréaentof. e'eai-a-difo être en môme tentpa et <tH<ft'

~Melui.

Sana dontu les Ma<Mpat!att!8qui timUont (OMtea !omarechercha aM.cMMtM~A~~MMne se rondont pas centpte du

rintpe9<nb:!M absolue oit Ma ao trompât de s'&tovof plushaMt, tant qu'ils restent dans te monde oh}ect!f dus ph~no-m<)nf)a,mais Mne sorte d'instinct haMrMts gMid~ par c<!th)cxeettente méthode do !'M</M<«MOManalogie dont Bacona'ust fait io promoteor, et qui M justîMe s: bien eMe-m&mea

~«s~MMpar deasucebs Matants, lour tient lieu d'âne raison

ptuttappretbadie qui, pour être caohéo dans ta nature m6<MM

plus intime de M~e ~t'MMt~, n'en est que plus itnpoftanteet plus ouriouse à dévoiler.

Toute cause pt-emiera et cMciente d'ua mouvoment pMM-menique ou apparent, ne peut êtpoeonça~ que sous la notiond'une force impulsive car cette force est précisément cetteque nous déployons dans tout exercice,de .ta volonté ;apptiquépà mouvoir notre corps et par lui les corps étrangers, et te typoexclusif do toute force ou cause efficiente do mouvement dansla nature no peut se trouver ailleurs que dans lu sentiment

primitif de notre o<fort identifié avec celui de notre moi.Si l'on demande coot'nent nous pouvons transporter ainsi

la force constitutive de notre moi aux objets extérieurs ou auxsubstances étrangères, et comment, prenant d'abord exclusi-vement en nous-mêmes l'idée de cause efficiente, nous pou-vons l'attribner s des êtres qui ne sont pas nous, nous pour-rons nous contenter de répondre que cela se fait ainsi par unprincipe d'induction qui se lie immédiatement au fait primitifde notre existence individuelle, si même elle n'y est pas ren-fermée que c'est une loi de notre nature que, trouvant ennous la causalité dans l'effort ou l'action volontaire, nous lamettons hors de nous dans les passions oumodificatic;Ils invo-tontairM que nont y t~Msportnna «n <n~M' tempit t'êt~, !a

i6

Page 289: Maine de Biran: Science et psychologie

MH'aWS PSt 86<EHCE~ N&TCREt.MS&?

substance, l'unité, la durée, tout~ les notions inséparablesdu aentimont de notre existence individuelle,

NoMswvons qu'il n'y a des causes, doa ~M~, doit unitéadans la naturo qu'autant que notre moi ae connaît ou existapour iHi-mome comme une cause, uno force, une Mnh<)8Mb-jective, nous le savons, dis-je (ce~tMtMMsc~M~a et e/aM~t~€MM<'«'M~)par FaHtonMt MM!ede cette faculté prem~rod tadtM<!on,qui noua cumnMHtdola croyance des cauaes, dëaaMbataaoesosMFtoMraa,d'uno MMtM~tMtaa:iMpëfieMae,aussiirrésistible, quo le fait p,,tM:t!f de aena intime nous attaateMetMpropre MXtatttaoaou, ce qui Mv:ont au m~ma, notrecausette. Et na suffit-il pas pour la sanction de cotte doMbteautorité, qu'il soit absolumont impossible de nous en afTran-chir et de penser ou croire te contraire de co qu'elle nouadicte?

Supposez qu'un être put penser et avoir la conscience duMM',sans avoir jamais exercé aucun enort o~act!on sur lui nibwa de lui, et qu'il eut des intuitions ou représentations immé-diates des phénomènes extérieurs qu'il distinguât dosa propreexistence, qu'it,v!t les objets étendus, colorés se mouvoirdans l'espace ou changer de position relativement a un pointHxe, ou entre eux, se rapprocher jusqu'au contact et dans cecontact, modifier leurs vitesses, leurs directions, en un mottout ce que l'expérience ou l'observation extérieure nousmanifeste dans le choc des corps. Je dis qu'un tel être nepourrait concevoir ou imaginer autre chose qu'un certainordre de succession dans les phénomènes l'expériencerépétée ou l'habitude lui apprendrait, comme on apprend auxphysiciens, à prévoir ce qui doit arriver quand deux corpsayant des masses et des vitesses données, égales ou inégales,dans un rapport déterminé, viendraient à se rencontrer. Maisil n'aurait aucune idée de ce que nous appelons la force d'MM<pM&Ma,le choc, la percussion, il-ne regarderait point commeun principe nécessaire que le premier mobile communiquâtun mouvement à celui qu'il rencontre, il n'aurait à cet égardqu'une croyance d'aM~M soumise à un calcul de probabilité

Page 290: Maine de Biran: Science et psychologie

A\M tA PSïCttM.OCtE :Ma

il y a plus, e'est qu'il n'aurait aucune id~Mdo ce que nuua

appelena communication ou transmiaaion de mouvement d'un

corps & l'autre par cette raison qu'il n'aurttitjamtMa aouti eului-même sa transmission de l'effort ou du mouvement aux

membres, et do ceux'ci aux corps quo la volonté remue,

poMaaoou tança dans l'espa< Caro'oat do taumqHOtnent quenoMavient l'idée do cette activité dutendance OHdu MtiMMquenous attribuons aux corps qui sont mus ou qui tcadoMt à fe

mouvoir les uns contra les autres.

i)'<~ il 8M~ i" contre oeux qui niont le vrai pnnotptt du

causalité en réduisant tout à uno s!a)p!o liaison dos phéno-mènes qui se sont 8Hoe<d6ahabituellement dant un <wrta!n

ordre, qu'il est impossible quo nous apercevions ou jugion~comme poMrra!ent ta faire dos êtres qui n'auraient jamais

agi, /<M<un effort, commonoë librement une suite de mouvu-

ments, enfin qui n'auraient jamais exercé to sons muscutairMon poussant, en soulevant, etc., un obstacle, ou plus simple-ment on mouvant leurs corps ou leurs membres à votontë

qu'il est vrai que la notion d'une force productive, d'unecause efficiente n'est point une idée de spMsa~MMni de réllexiondans le sens où Locke prend ces deux mots. Elle n'en est

pas moins universelle, nécessaire, une notion très positivequ'il ne dépond pas de nous d'avoir ou de n'avoir pas, et quia un caractère particulier très distinct de ceux des idées géné-rales ou particulières qui se rapportent à l'une ou a l'autre

des deux sources indiquées.. e

Mais 2*que contre l'opinion do ce~ métaphysiciens qui con-

cluent que la notion de cause efficiente est un principe inné

ou à priori par cela seul qu'on ne peut lui assigner aucune

origine dans les sensations venues du dehors, cette notion a

une origine et tient à une condition très déterminée, et telle

que si elle venait à manquer, en supposant tout égal d'ailleurs,il y aurait des sensations et des intuitions phénoméniquesliées entre elles dans un certain ordre expérimental, sans nul

emploi, MMM«t'CMtMappti<*atinndu principe de causalité on

de l'idée de la force productive. Donc cette notion n'est pas

Page 291: Maine de Biran: Science et psychologie

MPPaMa PES SCtENCEa NATfnRH~aaM

innée puisque, si cMol'était, <}!taae dépendrait d'aucune con-ditian partieuMerc, ot qu'au no pourrait eancaveiroM aa~igaMun seul cas oo e}k n'aurait pas lion.

Hevenant à l'étrs sentant at pensant, mais compiMementpassif, dont noue avons fait la supposition (impossible à la

v<5rit<!),nous disons donc qu'il ne pourrait y avoir pour lui

quo des causes ~y~M<'i! ou do simples liaisons do phéno-m&npaauoefasita sans aucune notion de cause <eM'~< etcet axiome M évident, ai n~Masaira pour nous, que nul phe-nomttne n« peut commonaor sans une cause, n'aurait aucuttovaleur F~u, aucun stta« iutoHigibte pour lui. Jo vois bien,

pourrait-it dire, des phenomenea, des mouvements coordonnesentre eux dans un certain ordre successif ou simultané dontmon imagination est accoutumée à prévoir la liaison aeci-

dentelle, mais je ne vois point où est la nécessité d'une telleliaison déterminée, le pourquoi je no sais ce qu'on veut medira quand on parle d'une force, d'une cause efficiente quidétermine le commencement des phénomènes ou des mouve-

ments, sans être otte-mème un phénomène, un objet; je nevois pas pourquoi il est nécessaire d'admettre qu'il y ait

quelque chose hors de la série des phénomènes, ni mémo decroire que telle série ait un premier terme. Observez que tousles raisonnements dont le profond sceptique Hume s'est servi

pour saper les fondements réels et naturels do ce principe,s'appliquent parfaitement à cette hypothèse; et précisémentparce que ces raisonnements sceptiques s'adaptent parfai-tement à une telle supposition qui ne peut jamais se vérifier

par aucun exemple, et que nous sommes autorisés à regardercomme chimérique, ils ne prouvent rien du tout contre laréalité du principe dont nous, êtres agissants et pensants,capables de créer J'effort, de commencer une série de mou-vements à volonté, trouvons l'origine et le type évident en

nous-mêmes, dans le sentiment on l'aperception immédiatede notre existence. !1 est vrai que pour trouver ce type vraide toute cause efEeleutM, il ~e s'agit point, comme le dit

Hume, de~eNMKe~e~'ey<M'<&borsde soi, d'interpeller chaque

Page 292: Maine de Biran: Science et psychologie

A~KCtA PS~CttOMCtR S~tS

sens externe et do procéder par une suite de ayttogiamea oude raiaonnementa en forme, déduits de tontes les sensations,mais il s'agit do rotournor sa vue au dedans, do consulter tesens intime de l'activité ou de t'eBor~ ou comme le dit un

métaphysicien étranger dont j'aime &me trouver trea rap-pfocM', d'exercer ta 80Mamusculairo et de consulter ses

muscles, etc.

J'ai dit encore que t'&tra supposé raisonnerait sur les pM-M~ca CMsur la suite dca expëriencea comme 10 font noa

phyaie!eM9.Je dia maintenant que nos physiciens raMonncnt

précisément commo Ha pourraient !e fait~ dana Fhypoth~aedont i! s'agit, c'est-à-dire comme ai n'ayant point en cnx, parsuite ne pouvant trouver hora d'eux, te typa d'aucune force oucause eMciento, ils étaient forcés de s'arrêter aux causes phy*siques ou a l'intuition de pura phenomenea, à prendre cette

intuition externe pour point de départ marqué ou à observer!oa faits extérieurs, a tes classer suivant leurs degrés d'ana-

logio, à assigner les lois de la succession expérimentale et àen préciser l'expression partes calculs numériques.

Et vraiment si cette sorte d'abstraction ou do mise à

part de toute cause efSciente était une nécessité pour tes

physiciens, comme elle le serait infailliblement dans l'hypo-thèse singulière que nous avons faite, ce serait peut-~tre uneheureuse nécessité, puisque la marche do toutes tes sciencesnaturelles serait précisément la mém~ qa'eMe a été depuisBacon jusqu'à nos jours, par remploi constant d'une méthoded'observation et d'induction, parfaitement appropriée à ces

sciences, avec cet avantage inestimable qu'il n'y aurait plusde confusion possible entre les causes efficientes et les causes

physiques et qu'il deviendrait impossible de s'égarer, en

appliquant aux unes les lois qui sont exclusivement relatives

aux autres, ou en se livrant à des recherches vaines et témé-

raires sur les forces productives des phénomènes ou sur leur

manière d'opérer.

t. M. Enget (M<'mt~rM de Bef~a). (M. de B.)

Page 293: Maine de Biran: Science et psychologie

ttAfPCMaMa SOENCESNATCBEM~a9M

Accordons on et~t &noa naturalistes que la reoherohe dea

MMfwsen physique ne peut ou ne doit être que cette de l'ordre

do aucceasi(m des phénomènes, il ne pourra Jamais être

question pour eux dans l'application de cette reehetehe quede reconnattro par l'observation directe, ou par une suite

d'expériences raisonnées, si tel fait de la nature se trouve en

rapport constant avec têt autre, de telle manière que là pre-xnier ayant liou on puisse affirmer avec ce degré aMperieur deprobabilité équivalent pour nous a la certitude, quo le secondarrive en même temps ou a la suite, à quoi le calcul a}onteune prouve supérieure lorsque le coM&Mttdes phénomènes

peut être évalué en nombre ou en parties oommensurables de

l'espace et du temps qui se rencontrent dans tous les mouve-ments phénoméniques.

C'est par l'évaluation de ce combien, toutes les fois qu'ilest possible, qnn les causes expérimentâtes sont reconnues

dans les effets qui doivent y être exactement proportionnels;c'est par là seulement qu'on peut aussi déterminer que

plusieurs effets semblables, ayant entre eux certains rapportsconstants numériques, appartiennent à une mêmo~causo.C'estainsi que, comparant le combien des élévations do nuidcs do

densité diverse, dans le tube barométrique porté à différentes

hauteurs, on a'est assuré que la pesanteur do l'air était lacause commune de l'élévation de l'caa dans les pompes et docelle du mercure dans le tube, etc.

Ainsi en comparant les quantités des mouvements curvi-

lignes des planètes entre elles et avec celle du mouvementdes corps tombant de différentes hauteurs vers le centre de la

terre, Newton a découvert par la plus savante induction queces deux sortes de phénomènes qu'on n'aurait pas imaginéavoir quelque analogie entre eux, étaient soumis à des lois

parfaitement semblables et par suite appartenaient à unemême cause, une même force d'attraction ou de génération

répandue dans toute la nature.

Mais après avoir ainsi remonté par l'induction et la com.

paraison des phénomènes successifs ou simultanés jusqu'à la

Page 294: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECM PMOMMM8 9$7

cause commune qui est eenséa les produire, quelle espèce denotion le naturaliste peut-il se taira de cette Mt<~? qu'estepour lui qu'une force productive? Aprëa t'avoir évaluée parle eotH&tpndes effets ou des phénomènes qu'elle est censée

produire, y a-t-il encore pour lui quelque recherche à faire ?ou est-il fondé à s'enquérir de eomaMHtde l'action ou de la

production de reffet par la cause?M se trouve la ligne de démarcation entre les causes phy-

siques et efncientes. Si on la ffancMt, on entre dans un champstérile d'hypothèses ou de spéculations aussi téméraires dansle but que vaines dans tes résultats. Ici nous sommesheureux de pouvoir nous appuyer sur t'antontô du grandNewton. Je ne feins point d'hypothèses, dit ce père dessciences naturelles, quand il se sent pressé de dire ce quepeut être cette force <<!Mf<:e<<eHou de gravitation universelle

qui fait tendre tes planètes vers le soleil, les sateMites versleurs planètes, les graves vers le centre do la terre et chaquemotecute de la nature l'une vers l'autre, hypotheses uon /!H~a.Les choses se passent, les phénomènes se manifestent à l'ob.servation et au calcul, commesi les corps tendaieut tes unsvers tes autres par une force propre, quoique cela se fasse

peut-être par quelque force impulsive, universelle, dont ilfaut nous résoudre à ignorer toujours la nature et la manière

d'opérer. Et vraiment nous concevons mieux maintenant et

d'après tout ce qui précèdei° Que si l'on remonte jusqu'à la véritable cause efficiente

des phénomènes, il ne peut y avoir aucune idée objectived'une telle cause, puisqu'elle n'est jamais conçue qu'à l'instarou à la ressemblance de cette force agissante moi, qui ayantle sentiment ou l'aperception immédiate interne d'elle-même,dans son effort, se conçoit et parvient par un principe d'in-duction qui est dans la nature pensante, à saisir ou concevoird'autres forces actives comme elle, dont elle reste toujours le

type ou le modèle constant et universel. Ainsi le principede causalité, étant tout subjectif par sa nature, il doit s'en-suivre qu'il n'entre que comme élément hétérogène dans

Page 295: Maine de Biran: Science et psychologie

MPMMa M3 SC!E!<CE9 N&TMEU~SM8

toutes les combinaisons des objectifs, ou plutôt qu'il ne sauraitentrer en aucune mameye, ni dans la elassiBeation des phéno-mènes analogues, ai dans aucune forme des calculs numé-

riques qui en expriment tes lois.2*Que les corps ae meuvent ou soient mus les uns vers les

les autres d'une manière quelconque et par des forces (.c)quelconques, il ne s'agira toujours que de la direction et dela quantité de ces mouvements comparés entre eux eu égarda la masse et a la vitesse des mobiles. Or ces élémentsrestent ça qu'ils sont pour l'observateur, quoique cotui-oi ne

songe en aucune manière à la nature de la force ou à la cause

efnoiente, impulsive ou attractive qui détermine la mouve-

ment, et lors même que n'ayant jamais exercé d'effort commedans l'hypothèse précédente, il ne pourrait se faire aucune

espèce de notion d'une force active et n'aurait que l'idée oul'intuition externe des objets mus dans l'espace.

3° Que si la notion d'une force (~) inconnue en eue-même,mais dont l'existence réelle est nécessairement et infaillible-ment afnrmée ou crue, vient malgré nous s'associer toujoursa la représentation des phénomènes, il est bien évident qu'unetelle notion ayant un. type unique, constant et MM~brMe,dans

l'aperception interne de notra propre force motrice M<~M-

<~<e~, ne saurait se diversifier, se résoudre et se multiplieren quelque sorte, pour former les notions de plusieurs forcesou causes efficientes, telles qu'on croit pouvoir les admettreon physique, sous les titres nominaux de forces impulsives et

attractives, tangentielles ou centrales, indéterminées en elles-mêmes et connues seulement par certains efforts sensibles et

appréciables en mesure de l'espace et du temps.De là sort le fondement certain d'une opinion commune,

adoptée généralement par les savants comme par les ignorants,c'est que toute force ou cause efficiente ne peut être qu'uneimpulsion, et que l'attraction elle-même, lorsqu'on passedes phénomènes qui nous manifestent une tendance ou unedirection constante d'en corps vars an autre dont îl est éloigné,à la cause réeUe ou à la force qui produit cette tendance ou

Page 296: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC M faWHOMM)t)B 249

direction de mouvements, ne peut être qu'une fOreeimpul-sive car la force prapM et individuelle qui sert de typa &

toutes, ne se manifeste que sous un seul modo d'action ousous une seule force qui est l'impulsion. C'est par impul-sion que l'individu meut d'abord ses membres et son corpsen masse c'est par impulsion qu'il agit sur les corps et les

déplace, soit qu'il tes pousse ou les chasse devant lui dans

l'espace, soit qu'il les attire vers lui au moyen de quelquesmachines, comme les leviers ou cordes, etc.

Si l'on met donc nue force dans le soloil pour attirer

vers lui les ptanMes qui se meuvent suivant la tangente, etsi l'on suppose qu'il y en ait une pareille dans chaque planèteet jusque dans chaque molécule de matière, cette force sera

toujours conçue sur le seul et mémo modèle d'une MM~M/SMMqui s'applique aM!M~&<aMN<de corps à corps, quand il

s'agit des phénomènes de l'impulsion proprement dite ou deslois do la communication du mouvement par le choc direct et

qui s'exerce immédiatement à <&~MCCpar le moyen de

quelque fluide ou de quelque machine naturelle interposée,quand il s'agit de ce que nous appelons l'attraction ou l'actiondo <&wvers MM,c'est-à-dire de faire effort pour pousser dansla direction centrale.

C'est ainsi que Kepler conçut d'abord que les mouvementsdes planètes pouvaient être dirigés vers le soleil qui en étaitcomme l'Ame et leur communiquait l'action giratoire, etc.

C'est ainsi que Newton, ses disciples et tous ceux quiveulent se faire quelque notion d'une force attractive sont

obligés malgré eux de la concevoir. Newton adopte bien sans

restriction cette forme invariable de la notion de cause, quandil s'exprime ainsi dans sa lettre à Bentley, citée par M. Du-

gald-Stewart dans sa Philosophie de l'esprit humain « On

ne saurait concevoir, dit ce philosophe, qu'une portion de la

matière brute et inanimée puisse, sans l'entremise de quelquechose d'!amM~w/, agir sur une autre portion de matière,ou l'affecter de quelque manière, sans être en contact immé-

diat avec elle. Prétendre que la gravité est innée, inhérente

Page 297: Maine de Biran: Science et psychologie

aAPpoMa Ma actENesa t<ATPMN.M3§80

à ,la matière, qu'un corps puisse agir sur un autra corps àtravers te vide, aana l'entremise de quelque autre chose parhtqHpMoatà travara laquelle l'action et la force du l'un puissepaaaor jusqu'à l'autre, est à mes yeux una ai grande <tAsMf<f~

que je ne puis me perauader qu'un homme d'un sens droit et

capable de l'appliquer aux objets de la philosophie, puissecomMeMteune telle M<~rMe.M

Ce passage remarquable est surtout bien important pour lathèse que nous soutenons et pour les conséquencesque nous

espérons en déduira dans te courant de ce mémoire.

D'abord, on y voit que Newton rapporte toute eanso efti-oiento de mouvement à l'impulsion dont ce qu'il nommo

attraction, n'est à ses yeux qu'un cas ou un mode d'exerciceou d'action qu'il ne cherche point à déterminer et qu'il a bienreconnu comme étant hors des limites de l'expérience ou detoutes les déductions du calent, lorsqu'il dit A~o~Mes MMt

~Hye. On y voit en second lieu comment il rattache l'action.exercée et transmise à distance, & l'entremise de quelquesubstance immatériette où vient en effet se rattacher en der-nière analyse toute notion et sujet de force.

On y voit surtout en troisième lieu combien ce philosopheavait pou songé à se rendre compte de la nature du principede causalité, de son fondement dans notre esprit et des lois

primitives de son application hors de nous, quand il croit

pouvoir absolument se passer de cette entremise, pour sefaire une notion claire et précise de l'impulsion ou de la com-munication du mouvement de co?~Mo corps <&cMle contactimmédiat. Comme si la difficulté de concevoir cette commu-nication et d'appliquer la loi de cause efficiente aux change-ments produits dans l'état de repos ou de mouvement, ou en

général dans les modifications d'un corps en présence d'unautre corps, était moindre lorsque ces deux corps sont encontact que lorsqu'ils sont à distance.

On voit bien ici la confusion qui s'établit presque toujoursdans l'esprit des physiciens même les plus grands entre leslois des causes efScientes et celles des causes physiques.

Page 298: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC M K~CHOMOtE 9M

f En ayant égard aux premières ou en prenant h notionde cause efneiente dans sa aontee, c'est-à-dire dana !a <*ona-eience d'eCort. il eat très vrai que noua Mopouvons panect oir

d'impulsion exercée autrement que par contact immédiat,celle qui opéra à distance exigeant toujours quelque milieu

interposé par lequel se propage i'action de !a force motriep.C'est ainsi que noMs aenteas ou apercevons intérieurement

dana retfort, notre puissance motrice appliquée aux organes

musculaires qu'elle tnet~njeM par uncinHHCoce tMMM~w~

que !o sens intime noua atteste ot que toH8los raisonnementu

possibles no peuvent attaquer.Ainsi noua percevons les meavcment~ qae notro volonté

produit dana les objets par l'intormédiaire dea organeaaMr quiolle se déploie immédiatement et ainai de suite de milieu en

milieu, depuis l'objet contigu à notre corps quo noua avons

mia en mouvement, jusqu'au dernier mobile à qui l'autre

mouvement est tranamis. Noua devons donc supposer que la

même transmission de mouvements s'opère en sens inverse,

lorsque nous percevons tes objets éteignes, ou lorsque nous

voyons qu'un corps distant d'un autre se met en mou"cment

à la présence de celui-ci toujours et malgré nous, nous con-

cevons une force t~M~'ce émanée de l'objet que nous appe-lons cause du phénomène, du mouvement ou du changement

quelconque produit dans un autre, par suite des intermé-

diaires ou moyens de transmission de cette force. Et c'est dans

la détermination de ces moyens que consistent les hypothèses

physiques explicatives, toutes basées sur les lois générales ou

spéciales de l'impulsion.Mais il est trop évident que ces hypothèses ne peuvent

s'étendre jusqu'à l'impulsion primitive ou le mode de son

application au premier mobile, qui demeure toujours et

essentiellement inexplicable par sa nature et par la raison quenous avons énoncée précédemment.

Donc en vertu de cette nature même des choses, ou plutôtdes lois primitives et invariables de notre esprit, l'impulsionou l'action d'un corps sur un autre considérée comme cause

Page 299: Maine de Biran: Science et psychologie

353 t)M'fmT9M8 aStENCRSNAtMR~MSa

«Mctcn<en'eat paa plua explicable dans le contact immédiat

qu'au trawra (tes plus grandes dMtancaa seulement dans te

pr<})a!creaa, noue appliquons hara do noua !& principe do

caaaalite ou d'impulsion, tel que noua Io trouvons en noua-

momes dans le sentiment de t'etîwt ou de t'~Maenco im<n~

diate de la volonté sur les corps Atrangera; taudis qu'unecaasa etNe!ente exeF~ant soo action att loin aana aHOHMM~r-

m<MMH~est non soulomont tMxpMcaMe,maia m~Me absolu-

ment inintelligible comme étant contraire BMprincipe n~mc

de aaMaa!M, tel qM'!test ou tel qH'it natt dana MOtreesprit.a" blais en n'ayant égard qu'aux causes physiques, eMtai-

sant dec0t6 toHtee qui amppo~ au eoMHMHtdetapradHOttonde l'effet par la cause pour no s'oecupep que dea pMnom!)neset des lois oxpérimontalos de leur succession ou do leur cocs!s.

tonco, oa no doit pas plus s'étonner qa'Mncorps puisse inftuor

sur to mouvement ou l'état d'au autre corps placé &nne dis-

tance quelconque, que s'il le touchait immédiatement, il n'ya pas plus liou a demander l'oxplication du comment da la

production ou de la communication du mouvement, dans un

cas quo dans l'autre. Et comme, dans notre hypothèse pré-

cédente, l'observateur des phénomènes extérieurs qui n'aurait

jamais fait d'effort pour mouvoir ou se mouvoir, n'ayant pointd'idée de cause efficiente, ne trouverait pas plus de mystèredans la succession ou la correspondance des mouvements de

deux corps éloignés que si ces deux corps étaient en contact,

it se trouverait naturellement dans te point de vue, où nos

physiciens tâchent de se placer autant qu'il est en eux, c'est-

à-dire dans celui d'une sorte d'harmonie préétablie entre les

mouvements des corps qui n'agiraient point réellement tes

uns sur les autres, et par conséquent pourraient très bien se

correspondre à des distances quelconque sans se toucher. En

un mot, dans l'emploi exclusif des causes physiques aux-

quelles les sciences naturelles fondées sur l'observation et

l'expérience extérieure, sont nécessairement réduites, l'at-

traction et l'impulsion sont des phénomènes ou des faits géné-raux jouissant de la même évidence, dont les lois sont

Page 300: Maine de Biran: Science et psychologie

*\EC H t'SYOMt.MtK aaa

~at~nent prouvées et auaai ri~nrausenwnt AtahMpapart'cxp~ttMnpMet ttt catcni et il n'y a plua ri<'n a savoir ou àdemander au d~ta. Que ai <nnveut Mcamir aux eauaea

efOciputea, il faut reeonnattro que tes forces imputée ut

attractive, aussi myatérieuses t'Mne <{Meroture dana ta f<MH-tH< do !eMf aetwa ou tte taMr app!icat!«Maux objets du moudu

exMf!cMF,xe )a!aMM égatemeat ramener i'Mae at l'autre aM

typMprimitif et unique tt'MMam6aM force, dont la notion priaodans aa «OMtcuest auitMôvMonta quo le fait môme du nutruexistence.

On voit Mon par t'exempte qtK)nous voMOMade rapportaqMHmalgré la aage méthode suivie par noa phyxictona da<Mou

qM'ititappellent J!arecherche des e«MSM,et qui no difR're pointde la ctassiMcatioMdos ph6nembnei<ut du catcut des luis «sp6-fimentatea de leur auceosMon,ita sont toujours entra!)~:).

quoiqu'ils fassent, vors l'application r6ollo du principe du

causalité, et qu'ils ne peuvent parvenir à écarter la notion duforce productive ou de causo cMcionte et a fairo qu'elle ne se

glisse plus dans les opérations intellectuelles exclusivement

appliquées à la connaissancu extérieure. C'est ainsi qu'ilssont toujours tentés d'apptiaMer les lois purement subjectivesde la causalité du moi, à la succession dea phénomènes du

dehors et qu'ils tes confondent perpétuellement avec cettos

des causes physiques; témoin le grand Newton lui-même quia embrassé l'illusion de croire, comme le vulgaire des philo-

sophes, que ta contiguïté des corps était une condition néces-

saire pour la transmission ou la communication du mouve-

ment, sans songer que cette nécessité n'était fondée que sur

l'induction d'un principe antérieur ou de la causalité du moi

dans l'application immédiate de notre force individuelle aux

organes mobiles qn'ette met enjeu, sans que nous puissions

jamais nous faire la représentation ou l'idée objective d'aucune

force, ni, à plus forte raison, concevoir ou expliquer sa

manière d'opérer dans l'espace ou le lieu, soit contigu, soit

distant. Si les physiciens étaient les maîtres de restreindre

leur science & la détermination des causes physiques, ou,

Page 301: Maine de Biran: Science et psychologie

BAM'<WM Ma aetEKC~a NA~MXSH.SM

CMMtMila te prétendent à celle do l'ordre da auecasaion oudo combinaiaon des faits oxMrloMra, et & l'évatMatioa duecM<MM)dos causes aana aucun retour sur lo eaMMM<<d'unoaction impossible i1 conaaMre et qui peut n'avoir aucune

réalité, s'ils pouvaient enfin adopter sMeMaement et dans la

pratique to point de vaa doa alternes, tels que coux deseaMaes occasionnelles, do ï'harmoaie p~&tab!ia. <tM'vaat

tesquets les pMttom~M se succèdent ou ae corMapoadonthora de nous aana aueune inBMonceou action rAoUoréc!pr<«j(u<!exe~a da corps à corps dans ta contact comme à distance,atora vraiment il ao a'agifait ptua qtw d'~e<'M)', de e~<M!M')',do poser loti lois génëfatea les causes physiques se trouvantnécessairement renforméos dans les deux demiera progrèsdo la science, ne pourraient donner lieu à aucune rocherchoultérieure.

C'est bien là !a marche tracëo par Bacon et à laquelle lesnaturalistes tAchentde ae conformer autant que possible. Maisita n'ont pas toujours ;été los mattres de la suivre exclusi-vement.

Jetons un coup d'ecit d'abord sur oetto marche.Au lieu de partir M*a~<~o dos notions de classes, do

genres, comme de premiers principes quo l'ancienne école

adoptait, sans en connaître la valeur, et dont elle interdisaitmême tout examen, les disciples de la méthode baconniennecommencent par bien constater chaque phénomène ou qualitéétémentaire des objets soumis & l'observation directe. Les

premières expériences faites sur plusieurs objets individuels,manifestant un certain de~ré d'analogie ou de ressemblance

plus ou moins parfaite entre quelques-unes de leurs qualitésconstitutives ou. accidentelles, déterminent une première distribution de ces objets on espèces ou familles auxquelles on

donne un nom commun qui convient également à tous ces

objets en tant qu'on ne les considère que partiellement sousle point de vue des qualités par lesquelles ils se ressemblenten faisant <t&~MM<<wtde celles par quoi ils diScroat r~&~CM~.

Page 302: Maine de Biran: Science et psychologie

AWCM ))'aWH<MMta<6 St5

Ces noms d'espaces sont eoMeoti~. Do naMwlles expériencesdonnpnttif na d'autres compar«iaonaoKtrtt tes <c<'s d'ob~etaou de pItônomèM~ et détwtaiaent la foratattoa doa genres

qui sont aux espèces ça que eottea-e! sont aux individus. Et

c'en ainsi qa'a l'aide de l'expérience, suivant tarama le

même procède d'induction, l'esprit a'ét&vadaMai'~cheMa dea

généralisations ~HeoeaMves,juaqM'~ la conception de ces

rapports de ressomblance ph~Ma)6n!qMe les plus étendus quioobfasMnt toute la ehatae &partir de l'individu ou du f<ut

donné par l'observation dirocto, jasqH'aux genres les plusôtavës que roMtendemMntsoul peut saisir, on juaqu'~ eos lois

umiverscttes qui phncnt sur tout !a vaste ensemble dos ta!tade !a nature, en les résumant toutes dana leur expression la

plus simple et la plus conoiso par cola qu'oUe est h plusgeaerate.

Ces proecdés de gen6FaUaat!on ou d'induction taiasent tou-

jours néccasa!rement à l'écart la eaKM efficiente des phcno-mbnc9, ot no sauraient jamais comdu!re jusqu'à elle, si ellen'était donnée d'ailleurs et avant même ce travail ou M progrèsde l'esprit qui remonte jusqu'aux lois universottes. Quevoulent donc dire îas physiciens quand ils assurent que les

procédés de leur méthode tendent à remonter ou a déterminerlos causes parleurs effets ? Est-ce donc que la découverte del'attraotion universelle et toutes les preuves certaines dontNewton et ses dignes successeurs l'ont appuyée a jeté quelquejour sur la véritable cause e/e<e~e de la chute dos corps oude la tendance réciproque des graves? Cette cause n'est-otto

pas un mystère également impénétrable avant comme aprèscette découverte? Tout le monde en convient; donc il n'est

pas vrai que les astronomes soient remontés par la connais-sance la plus parfaite des effets jusqu'à la notion même la

plus incomplète de la cause ou force productive qui est encoreet demeurera toujours couverte d'an voile impénétrable.Nous savons maintenant pourquoi le mot attraction, dans levrai sens où le prennent les physiciens astronomes, n'exprimedonc pas le signe d'une cause réeîie, mais, comme ils te disent

Page 303: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPMRT8 Ma SCt~t~S NAYUMEU~aaa

très bien eax-memea, te signe d'un fait le plus général poa.siMe quo t'observation et l'expérience ont constate dans

chaque cas particulier de la chute dea graves.Mais le mot attraction pas encore une autre valeur?

n'emporte-t-il pas avec lui une notion différente de celle de

l'oMet généralisé? n'exprime-t-il pas aussi la notion d'une

cause ou d'nne foMe productive à laquelle !aa physiciens

pensent malgré eux, quand ih emploiont ce aigno, et dont it

n'est pas en leur pouvoir de renier l'existence?

Sans deMte, comme le dit te phitoaophe quo nous avons

déjà cité 1laseule chose que nous connaiasions de la force

d'attraction, c'est l'effet opéré, c'est-a-diro te mouvement ou

te rapprochement du corps attiro de celui qui attire. Mais ce

n'est pas à la représentation ou à l'idée soute do ce mouve-

mont quo s'arrête notre conception et il y a de plus je ne sais

~«e//s <fMe~<eou tendance dont le principo, quoique abso-

lument caché, n'en est pas moins nécessairement conçu,comme la cause du mouvement. Ce je ne sais quoi, n'ayantde mot originaire dans aucune langue, il a Mtu recourir pourle désigner à des expressions qui avaient un autre sens, et

s'appliquaient à dos objets connus; tels que les signes de

certaines affections de t'ame. C'est ainsi qu'on a attribué

ces mouvements des corps qui s'attirent, à des sortes d'ap-

pétits, d'inclinations, de désirs, de sympathie, etc., et cette

conversion des signes du langage détournés du sens moral

au physique, tandis qu'il l'est dans tout autre cas d'uno

manière inverse, serait seule propre à justi&er l'origine ex-clusive que toute notion de force a dans le sentiment de

notre moi.

Néanmoins je pense contre l'opinion de ce philosophe, queles substantifs abstraits tels que ceux-ci attraction, impulsion,venus des verbes exprimant une action, ou des participesa~M~ens, empe~MM(être une cause qui attire ou pousse) onteu pour fonction première d'exprimer les causes ou les forces

t.Enget.tM.deB.)

Page 304: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC t*SWM<M~MMR 8M

agissantes telles que reaprit en a la notion, non pas on abs.traotion ou séparées de Met. mais en vérité avec la repré.aentation du mouvement on de l'acte qui est indivisible de laforça productive, d'au il suit que los naturalistes sont obligeade faire une sorte de violence au sens naturel des signesexpressifs des causes eMc!entea, pour les réduire a n'expri-mer plus que des effets géneratMoa. Quoi qu'ils fassent et mal-

gré la méthode, los termes téta qu'impulsion, attraction, gra-vitatioa et en générât toua tes verbes actifs substantifiés,réveittent ou soateveront toujours dans l'esprit la notion de

quelque caaseeM d'un qui agit pour produire têt phéno-mène ou mouvement détermine, lequel ne peut pas plus être

conçu sans la force qui le fait commencer et continuer quecette cause no peut être conçue sans lui.

Les signea dont il s'agit étant détournés de la significationNc~'oepour exprimer seulement des effets passifs, tels qu'Usseraient conçus dans l'hypothèse précédente par un être quin'aurait aucune notion de force ou d'énergie, oCrent toujoursdeux valeurs qu'on ne songe guère à distinguer l'une primi-tive et naturelle qui tient à l'application constante du vrai

principe de causalité; l'autre artificielle ou de convention partaq* ;te on entend la méthode qui tend à substituer une cause

physique à la cause efficiente, ou un fait généralisé à uneforce productive individaetto.

Le signe de la cause physique est comme une de ces ex-

pressions algébriques qui représentent, sous une forme simpleet abrégée, des quantités très composées, mais qu'on peut

toujours obtenir par le développement de la puissance, telle

serait (o!+&)".Dans le premier cas, le signe de la cause <cMn<e est

comme celui de ces quantités irrationnelles on incommensu-

rables qui peuvent se rencontrer dans le calcul analytique,mais qui disparaissent dans la forme générale de l'équationdont on cherche les racines vraies, sans qu'on puisse les

déterminer elles m&mcsa csase do leur hétérogénéité, et

parce qu'on ne peut les mettre en équation avec des quantitési7

Page 305: Maine de Biran: Science et psychologie

N*H*<WTa MK! SCtf!i<CKS SATttMK~~?8

do la w~MM<ee. Do là vient qu'elles restent toujours et n6-caaaairement indéterminées.

Pour pou qu'on soit familiarisé avec la langue des physi'ciena, on remarquera aisément qu'ila emploient tour à tour !emême mot sous !ea deux acceptions de cause productive et do

l'effet généralisé. Sans examiner jusqu'à quel point cette sorte

d'amph!bo!og!e peut nuire à la e!af<&et à la précision da tan-

gage, il ma suffit d'avoir ao)é l'impossibilité o& ils aont defa!M autrement et la raison da cette impoastbiHté.

Parce qM~la fonction du signe qui exprime la cause otfi-

ciente, eat nécessairement indéterminée pour le physicien quine peut la mettre on représentation ou l'égaler avec aucun

objet du phénomène de l'expérience extérieure, il chercheradonc toujours à t'<fca~er ou & en faire abstraction. Maiscomme cette mise à l'écart complète ne peut ae concilier avecun premier besoin do l'esprit humain, comme on ne peutempêcher ce retour &quelque chose qui est caché sous les

phénomènes et en avant de chacune des séries ou des classesdans lesquelles ils sont distribués, tout ce qu'on pourra fairece sera d'éloigner les occasions de ce recours forcé ou dediminuer te nombre des cas où le signe de la cause efncMntedoit être nécessairement employé, ou la cause physique ne

peut plus tenir lieu de la cause emciente, et où on est tenuenBn de nommer et d'appliquer cette notion tout indéterminéeet obscure qu'elle puisse être.

Et ici l'on peut apercevoir le véritable motif des eubrts quefont les physiciens pour réduire !e nombre des causes occulte*on, comme ils disent, simplifier les principes en les ramenantdans des hypothèses plus ou moins hasardées ou des classifi-cations arbitraires, jusqu'à une sorte. d'unité systématique,artificielle qui leur paraît mettre le sceau à une véritable

science, dès qu'ils croient pouvoir en dériver tout, par un lan-

gage de convention, plutôt que par une induction sage etnwnréo des faits individuels observés, bien analysés dansleurs circonstances de détail. Pourquoi des discussions sivives sur l'muté ou la piuratité de ces causes?

Page 306: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC t.A Pi~CHM.OOtE 2M

S'it s'agit seulement do faits plus on moins généraux et non

point de foMM mystérienaea, on est ob!ig&de reconnattra leatitres ou d'employer les noms de ces MtecHHM~qniviennent

s'interposer outre tes1. Mapour en rompre la chatne, et qu'ilfaut nécessaifement éliminer pour avoir une science complète,uniforme dans toutes ses partMa.

Si du moUfet du but sensible de la simplification dea pria-cipes ou de la réduction des causes, nous passons aux moyensquo !ea matât aMstesomploient pour l'opérer, nous reconnais-a«ns encore mioux combien coamoyens, fondés sur la méthode

d'induction, sont à la fois ingénieux et vraiment utiles dans

l'application aux progrès des sciences naturelles, mais aussicombien ils sont insnfnaants pour enectner la substitution pro-posée des causes physiques aux causes efficientes, combienmémo ils sont propres à confondre les domaines de ces deuxsortes de causes.

On sait combien de tentatives ont été faites pour réduired'abord l'attraction à l'impulsion' puis (de nos jours encore)pour se passer d'une première impulsion et ramener tous les

phénomènes à une force attractive. Ces tentatives ont été in-fructueuses jusqu'à présent. Mais supposons qu'elles fussentcouronnées d'un plein succès, qu'en résu!terait-it dans le

point de vue de nos physiciens et le but générât où ils ten-dent ? C'est que le nombre des faits généraux serait diminué.c'est-à-dire que les analogies entre les phénomènes particu-liers de la nature seraient plus étendues, et qu'ainsi, au lieude deux c&Msesde faits, il n'y aurait plus qu'une grande classeou nn genre supérieur, où des espèces maintenant séparéesviendront converger et se réunir par leurs sommités. D'oùrésutterait ce qu'on appelle l'p.qB/teeneMde tous ces phéno-mènes compris dans une méfe classe à l'aide d'un seul prin-cipe on d'un seul terme qui ne donnerait lieu qu'une seulefois pour toutes, au recours nécessaire et 6nal de l'esprit vers

i. Yoy<alesmuvrcsdoJLcMgedeBu~o))~nw~ CM3<<cla nature,etde Laplace.(M.de B.)

Page 307: Maine de Biran: Science et psychologie

MAPPOMSCESSCtESCEStt&TUREt.t.Maco

la cause inconnue. Mais qa'aarait'on fait pour déterMxner on

éMminer celle-ci? rien absolument, et la cause ou la force soit

attractive, aoit impulsive, M'en serait pas moins mystérieuse

après qu'avant la réduction de principe. Toujours enveloppéedans l'intimité de l'osprit où elle a sa source, on ne pourraitni r~oarter en la reculant, ni l'expliquer en la comparant aux

donnéos objectives de l'expérience avec qui elle est hétéro-

g~no par sa nature.Nous voyons encore mieux a présent comment ce qu'on

appelle la recherche des causes en physique, ne diCere pointau fond de réparation qui consiste a former des classes plusétendues de phénomènes, qu'un désir oxtrême ou un besoinnaturel de simplifier les principes, contribue singulièrement àrendre arbitraires en les étendant.

Lorsque pour étendre chacune de ces classes et par là endiminuer !e nombre, on force toutes les analogies apparentesde la nature, on dissimule les diuerenees réeMes pour arriverà ce qu'on appelle Fanité de principe et qu'it vaudrait mieuxnommer l'unité de terme général.

Nous voyons, en second lieu, comment les causes que les

physiciens prétendent a connaître ou à déterminer en remon-tant jusqu'à elles par l'observation et l'induction des e~e<s,nesont jamais les véritables causes efficientes dont la notionfondamentale nécessaire, individuelle, antérieure à tout pro-cédé de généralisation, indépendante même dans sa source detoute connaissance objective, se trouve par la nature deschoses ou par la constitution même de l'esprit humain, horsde toute proportion avec la méthode des sciences naturelles ouavec les moyens de connaissance extérieure dans lesquels cessciences se trouvent renfermées.

Les considérations rationnelles dans lesquelles nous sommesentrés sur l'application du principe de causalité dans lessciences naturelles, ou mieux sur l'espèce de transformation

que les promoteurs de ces sciences ont voulu faire subir <tce

principe universel, nécessaire et inaltérable par sa nature, loinde nous écarter de l'objet principal de cet ouvrage servent au

Page 308: Maine de Biran: Science et psychologie

A~ECt.t PSTCHOMQtE 2M

contraire à fixer le véritable sous de la question qui nous est

proposée a r~sondre, et doivent avoir préparé tous les moyensque nous avons pour la résoudre.

En eNet, il était nécessaire de savoir en quoi consiste tex.

plication des ~MMa~MMde l'ordre physique, considérés dansleurs ~apports mutuels soit d'aaategie oa de resaembiaacp,soit d'etfets aux causes communes, et surtout de bien se fixersur ce qu'on peut entendre par une cause eonptoyëe à expli-quer un certain nombre de faits extérieurs de la même espèceet par des effets dont on se sert pour remonter à une cause,ou avant de chercher si l'on peut ou jusqu'à quel point l'on

peut appliquer les principes, les données et la méthode propresaux sciences de la nature extérieure à la psychologie ou & lascience tout intérieure des phénomènes de l'esprit ou du sensintime c'est de quoi il est temps maintenant de nous occuperaprès avoir montré comment le sujet et la divis!on de cet ou-

vrage se trouvent tracés à t'avance dans ce qui précède.Quand une impression est faite paM~eweM~ou sans le con-

cours de la volonté sur une partie extérieure et sens'Me, nous

éprouvons une sensation, c'est-à-dire une modification ou un

changement dans notre manière de sentir. En vertu d'uneinduction première, fondée sur le sentiment immédiat de notre

propre effort, ou ce qui ne nous importe point ici, en vertud'une loi primitive inhérente à l'esprit humain, nous rappor-tons ce changement dont notre etfort voulu ou le moi n'est

point cause, à l'objet MAne, comme à une force ou causeemciente extérieure.

Sans l'intuition d'étendue cette cause efficiente seraitconçue indéterminément comme non mot. Avec l'intuition quis'exerce presque dès la naissance et qui est contemporaine dela sensibilité extérieure, la cause se détermine plus ou moins,en se rapportant à un lieu de l'espace, d'où elle agit, et en

prenant la forme d'une étendue quelconque en moMcemen~;car nous ne concevons de force ou de cause que dans le mou-vement d'un corps.

En concevant la cause extérieure d'une modification interne

Page 309: Maine de Biran: Science et psychologie

MPMMS CES SCtEKCES NATUaNAES8S3

quelconque, nous lui attribuons la ~epMMHMNeeet la réalité dumoi. Noua lui attribuons hors du mouvemeut effectif actuelcette virtualité ou faculté constante d'agir, qui reste toujoursla même avant et après !e mouvement et qui est indépendantede ta virtualité que nous apercevons au nous-mêmes comme lahase de notre existence.

Il eat bien évident que nous n'avons pas te sentiment ou

l'aperception immédiate de la cause extérieure, comme denotre propre causalité, puisqu'il faudrait pour cela que le mots'identiNat avec elle, et alors le moi serait autre ou la eanse neserait plus étrangère mais en vertu du principe d'induction.ou de la toi primitive dont nous venons de parler, nous sup-posons ou croyons que l'objet a pour nous modifier ou pourproduire des changements dans notre sensibilité, une force

pareille à celle de notre moi pour produire des changementssur les organes mobiles de notre corps.

Cette supposition ou croyance H~cc~Miwne diCere nulle-ment en principe de celle qui noua fait attribuer au corpsétranger en mouvement, une force ou une énergie capable de

changer l'état d'un autre corps.Le changement perçu, dans l'état d'un corps étranger au

nôtre et attribué a~ne force extérieure, est un fait physique,le changement senti dans une partie de notre organisation, etattribué &une autre cause que la volonté, est un fait physio-logique extérieur au mot, mais propre à l'organisation.

Mais le principe de causalité s'applique aux deux cas dela même manière et s'étend toujours du moi où il a tout sonfondement et sa source à un être ou un objet qui n'est pasmoi, et à un espace ou il n'est pas, mais où il localise uneforce semblable à la sienne.

Toute force agissante est conçue comme impulsive, car o'est

par impulsion que la volonté qui sert de type à toute notionde cause ou de force meut immédiatement nos membres et

par eux les corps étrangers, la force doit s'appliquer immédia-tementau terme sur qui eHcftodéploie; sisonaciionestcenséese propager ou se trausmettre à distance, ce ne peut être que

Page 310: Maine de Biran: Science et psychologie

AVKC M PSTCHOMOE aaa

par une suite de corps intermédiai)Ms ou par un mtf<pt< telleest la loi des causes p~M'H~s, eu de l'application du principede causalité transporté du moi à d'autres êtres auxquels nousattribuons une force ou puissance d'effort pareille à la sienne,par cela seul que nous les concevons comme des êtres ou destMfMcMMSfcar le principe d'individualité, pnMotptMtM<H<f<t't-

duationis, comme dit Fécote, étant l'effort pour notre propreindividu, ne peut être dilférent pour les causes individuellesde la nature; tel est le fondement du système des monades deLeibmtz qui ont la force pour essence.

La notion de cause ou de force ainsi prise est le dernierterme de tonte analyse on le point de départ nécessairede toute synthèse; au delà il n'y a plus rien à demander,et toute recherche ultérieure sur y~Menee objective de laforce, ou sur le comment de son application à nn terme,pour produire l'effet phénoméniqae, impliquerait contradic-tion avec la première loi de la connaissance. Ainsi par i'ap-plication nécessaire et constante du principe de caasaUté,nous croyons qu'il existe des objets, causes des sensations,sans avoir aucun moyen de connattre, ni aucune raison dedemander ce que sont ces causes en elles-mêmes et indépen-damment de leurs effets; nous croyons de même que ces

objets agissent sur les organes sensitifs externes pour lesmettre en jeu comme notre volonté agit sur les organesmobiles pour les contracter ou les déplacer, c'est-à-dire parimpulsion accompagnée de cette sorte d'effort ou de tendance

inséparable de toute idée de cause efficiente. Nous attribuonscette vertu impulsive aux objets de l'intuition que nous perce-vons à distance, comme aux causes des sensations affectives

qui sont censées en contact avec nos organes; mais dans le

premier cas nous supposons l'existence nécessaire d'un milieu

interposé entre l'objet et l'organe, sans lequel la cause de

l'impression ne pourrait pas transmettre son effet à l'organe.Mais cet eBet ou l'impression faite sur l'organe n'est pas la

modincstion sensible ou le changement survenu dans l'étatintérieur de l'Ameou du moi, et lorsque nous venons à distin-

Page 311: Maine de Biran: Science et psychologie

RAPPORTS t'~a MÏENCEa NAWKEK.M884

guer ces deux éléments, noua concevons eneoM que cette me-diMcation, on le changement dana l'état intérieur du moi estretfet d'âne autre eapaca d'impulaion produite par les organoaou par te nuide particulier qui les pareMurt, sur rAme ou aapson a!ëge. Telle est rhypothbae la plua naturelle, en quelqueaorte te résultat teptas direot de l'application du pt;ncipe decausalité, servant a figurer ou à repr~aenteF hora de nous, aoMaune espèce de forme symbolique, la notion de cause «?-ciente.

Aussi voyons-noaa cette hypothèse génëratemont admisopar tous les philosophes soit metaphysMiena~c~Mo. soitMtemepar toa natHralMtea qui, en cette qualité, semblaientdevoir s'arrêter aux phénomènes ou à l'ordre de successionexpérimentale. Ainsi quand Locke n'hésite point a aNrmerque les corps ~a~M&oX en HOtMdes iddes ou sont les cat4sesefficientes des idées de sensations, it aflirme comme une suitenécessaire du même~MM~e que c'est manifestement par voied'impulsion que se fait cette production; car c'est la seutemanière, dont nous concevons qu'un corps puisse agir. Maispourrions-nous concevoir que les corps agissent et que c'estuniquement par impulsion, si nous n'avions pas agi nous-mêmes, et si notre volonté n'était pas une force impulsive ?Locke n'est pas remonté jusque-ia; aussi en employant dèsson premier pas la notion nécessaire de cause efuciente etl'appliquant à l'origine dos idées de sensation, laisse m cettenotion elle-même sans origine et s'il évite de la considérercomme innée à l'exemple des métaphysiciens qu'il combat, cen'est qu'en dissimulant le caractère et la nature de cette notionfondamentale et, par une sorte d'inconséquence qui a lieud'étonner de la partd'un philosophe aussi judicieux, en reniantle principe même qu'il a été obligé d'admettre des son début,ou en transformant les lois nécessaires, universelles descauses efficientes, en lois abstraites et accidentelles des causesphysiques.

Newton semble aller plus loin encore dans ce sujet, et aprèsavoir montré par le précepte et l'exemple qu'il faut écarter

Page 312: Maine de Biran: Science et psychologie

A~sc n fa~cHaKKHR 8C&

toute notion de cause otnfienta dans la rocherehe dca lois ~é-nëralea de ta nature au dans l'appMeatian da ces lois aux phe*nomenpa particaliera, il aamhto onhtipr teat &fait aeaprineipftt,toraqu'it vent indiquer parhypoth~o t'wigiMc dus aenatMittna,ou expliquer ta <!<ttMMeH<de la production dea idées, 9n trana-

portant aux objets exMMCHrala causalité ef(!ciente.La s~HM~MMdes an!maux,dit-it, M'eat.tt pas ta lieu où «st

présente la substance penaanta et ad /<) ~<'CM MHMA/M~xchoses sont porMea par les nerfs ot to eerveau, afin qM'~kspuissont ~tra per~Meapar t'esprit qui est présent en ee lieu.ta?

Cette hypttth~ae MMt(etMb!e-t-et!epas tenir à t'~afanM do la

philosophie, à ces temps où t'ttn croyait pouvoir tout ospti.quer, ppêoiaémoat parce qu'on ignorait tout, et qu'on alliaitles produits vagaoa d'une imagination sans frein et sans guide&certains principes ou notions primitives, dont on était encoresi loin de pouvoir se rendre compte, et d'on connattro lasource. Que des hypothèses physiques ou mécaniques do les-

pèce de celles employées par Locke, Newton et tant d'autres

phitosopnes en remontant jusqu'à Démocrite et Ëpicure, ayanttoutes pour but commun d'appliquer la notion de cause eM-ciente à l'origine des sensations et des idées, se présententassez naturellement à l'osprit lorsqu'il veut remonte) à cette

origine, avec ses habitudes acquises, en se laissant aller auxmouvements de l'imagination, ou en consultant les analogiesde la nature extérieure; c'est ce que l'on conçoit aisément, etce que confirme l'accord de tous les philosophes qui se sontrencontrés dans l'emploi de la même hypothèse, en appliquantla notion de cause ou de force impulsive aux premières idéesde sensation.

Mais ce qui est vraiment inconcevable, c'est que des philo-sophes aient donné à cette hypothèse la valeur de faits primi-tifs, sans avoir égard à la nature ou au caractère du principedont elles pouvaient être déduites; c'est qu'on ait espéré de

pouvoir jeter par ce moyen le moindre jour sur la manièredont une sensation peut être produite; c'est qn en!!n Fon n ait

Page 313: Maine de Biran: Science et psychologie

n~PMttTa M~ SCtKKCtS mïfBt!SM

pas vu qu'on voulant d'un« part tout dMMifa da la «MMatian,«t d'auto part fo bavant ehtig~ da ooaaid~er la sensation

paaaiw cftHMo un effet des earps ou des ~uha<aMtiea~tran-

g~a 6n tombait néMatairamont dana une pét!tiou do pr<n-titpo, puisqu'on 8Mpp«naith~M de la MRHM<enet comme

!n<Mpead<tMted'eUe, doa objets ctmsaa, qui sont aon~a n'êtredonné» que par la aonaat!on et aven elle. Do plus on a'Aeatta!tde la maM'hMpropre aux actexecs oatM~Meaqui pfMcdt de aurenfermer dans la tim!te des ta!ta ast<r:CMM ('M !nt~f!<!H<M,dans l'observation de toM~ attatagies ou dKÏXroHCMet eaMMdana la rechet e!«t dea eaMa~ phyo!q))csea a'totoFdtMmtt«Mt«rcoharche de causes efficientes ou du eemment do t~Mpaction.

Si l'on pouvait a'astreind~ rigoureusement à ce praoëdëonëthodiqac en bannissant absolument de reprit touto notionde cause ef<!c!enta ou de force productive, alors sans douteles mouvements de corps a corps ou los faits exterieora, etles impfeasioM de la sensibilité ou les fails intériours seraient

ega!cment perçus dans un rapport unique de aucoession dansle temps. L'un nattrait ou serait senti à la suite de la repré-sentation de l'autre, sans que l'êtro sentant et percevant eat'tla moindre idée do quelque énergie ou force en vertu de

laquelle !e phénomène premier dans la série produirait celui

qui vient après, et aussi sans aueane anatogie ou ressem-blance perçue entre ces phénomènes d'espèce différente carainsi que nous l'avons déjà remarqué, c'est en vue d'éviterla répétition trop fréquente de rapport de causalité et dediminuer le nombre des causes qu'on est déterminé à étendreet forcer les analogies des phénomènes. En écartant donctoute notion de causes efficienles pour s'en tenir aux causes

physiques ou aux lois de la simple succession des faits

externes et internes, il ne s'agirait que de constater par deuxsortes d'observations appropriées, la liaison de deux ordresde phénomènes qui, quoique l'on fasse, resteront toujoursdeux sans qu'on puisse les réduire à l'unité réette de principeou de cause, ni même à t'unité artincMie de c&~c, &moins

Page 314: Maine de Biran: Science et psychologie

A~ECH P~CMtH.OatE SM

qu'on n'<Ht!ediFMtemont eont~ r6vid<'nca doa faits pn«titib,qui étabMasont tenrdu~M; aiMsit'onovitoraittoutt'atMbMfaadea ~ptiMtioM~ tout la vide des hypoth~s~ gratuites et

purement imagiaairaa; on ao trouverait alora placé commenatuMMamcnt dans le point de vue d'une aorte d'A<M'MMHt<'

~AaMc d'uno part entre h's mouvement a oxtérieursou

physïqoes doa objets et tos intpreasions organiques CMta jeudes fibres Merweusea,têt qu'on suppose qu'il a lieu quand Mn

objet ou un Mmdequelconque v!ant éhranler un organa, otd'antpa part entM ces impressiona aH ce jeu do nerfs ot lesmodifications do t'~MMou du moi, harmenia telle que le mMa-vement du eorpa. les impressions dea organes et los modifi-cations de t'ame M correspondraient rAgu)!erempnt, ''hacumdana la série a !aqMeHe appartient, sans qa'H y e&t testa-ment aMCMneaction ou iuftaeKce réciproque, ni rien en M*WMde ~MCtt'MnpFodaistt p!c!tetHentt*aMtf(t,ce qui é!o!gncrait!e recours a une cause eMciente des premières sensations et

diapanaenut de faiM aMcune hypath&se sur la nature et

t'esptco de l'aotion impulsive attribuée aux objets, ou sur lamanière dont cette action peut être transmise mediatemontou immédiatement aux organes des sens et de ceux-ci a

t'ame, etc., ou au lieu du cerveau o(t elle est présente.Mais il faut reconnaure, et toute notre expérience nous

atteste que cette sorte d'abstraction ou de mise à l'écart d'unecause efficiente des sensations est impossible dans la pratique:pourquoi en est-il ainsi? pourquoi sommes-nous si généra-lement enclins à supposer une première impulsion partantdes objets, et communiquée par une suite de corps ou d'agentsintermédiaires jusqu'au lieu où l'âme est présente? pourquoicette hypothèse paratt-elle si naturelle, je dirais presque si

nécessaire, qu'eMe a été adoptée par tous ceux qui ont dirigéleurs idées de ce coté et qu'il ne faut rien moins que toute la

profondeur de méditation et de réBexion luttant contre la forceet l'ancienneté d'un préjugé philosophique pour élever desdoutes sur le fondement réel de cette supposition, et pourfaire comprendre

Page 315: Maine de Biran: Science et psychologie

MM'OMa«ESM~SCiM~TMME~Ea9C8

t. Qu'on ayant égard aux eauaes eMpientPs ou au rnado dofaction, da t'inOuenatt réelle, efttcaee. que nous attribuonsaux suhatancea les unes aurtea autres, i'impuMon au tacem.munioation du mouvement par le cAocimmédiat da eorpa àcorps, n'est pas moins un mystère impénétrable, quo t'at-(ractio~ ou te mouvement communiqué &distance d'un eorps&un autre <t<MM~/e vide et aana intermédtaira tand!a qu'enn'ayant égard qu'aux eaMaea physiques ou aux lois do lasuccession dea ph~notn~nea, l'attraction et r!mpute!on sontdeux ta!ta généraux également certains et de)non<)~a parl'expérience et le calcul.

2" Qu'en appliquant aussi la toi des causes efficientes àt'!nMuenoode certains agenls externes on mouvement sur lesorganes des sens, et des ébranlements de coux-ci sur les sen-sations de rame, comme & rinMuenee de ces sensations surles perceptions ou intuitions des objets qui los accompagnentou los suivent il n'y ani plus ni moins de mystère à concevoirou expliquer comment ces effets de différente nature sont~M'<MfM<~soit qu'on suppcse une première impulsion transmisepar une suite de mouvements ou d'agents mobites intermé-diaires depuis l'objet jusqu'à la substance qui sait, soit qu'onne suppose rien de pareil et que la perception des objets quiiest le terme final et la conséquence réputée nécessaire de tousces mouvements physiques ou organiques, s'accomplissed'une manière immédiate sans aucun mouvement ni impres-sion antérieure, et comme par une sorte d'inspiration tandis

que si l'on ne s'occupe que des causes physiques ou des lois

expérimentales des phénomènes, il est également évident quetels mouvements soient suivis ou accompagnés de tellesimpressions organiques qui correspondent à certaines sen-sations, lesquelles sont suivies de perceptions, etc.

30 Qu'en ayant égard encore à la cause efficiente ou à samanière d'opérer, il n'est ni plus ni moins mystérieux oudifficile à concevoir qu'une impulsion physique ou un mou-

t. Voyexlesrecherchessur rentendpmenthumain.parR~M,et lapM)<M-c-sophiedeBuptM-Stewart.(M.dpB.)

Page 316: Maine de Biran: Science et psychologie

AVCt! fSMMNMOm 3MH

vement extérieur puisse produire une ~H~«M< qu'il ne l'ost

d'admettre qu'un corps en mouvement produiso dans un autre

corps un mouvement égal an aien ou de ta mc<nee~ce parquelque vertu ou énergie soit impulsive au contact, soit

attraetivo &distance, etc,

Et vraiment, quoique dans leur manière de concevoir ou

d'apptiquer lu principo de causalité, les physiciens ycutent

toujours qu'il y ait quetque analogie entre l'effet et la cause,on ne voit pas d'abord comment cette analogie ou reaMnt-

blance entre des faits qui ae succèdent pourrait nous ee!airer

en nea sur la nature et la neeeMité de leur liaison ni sur te

comment ou le modo de production, et notre curiosité à cet

égard n'est guère plus auacoptiMe d être satisfaite lorsqu'ils'agit do la succession constante et régulière de faits aussi

hétérogènes entre eux quo le sont des mouvements représentéshors de nous et des impressions auectives ou des modiNea-tions intérieures de notre sensibilité. Cependant il est de fait

que les lois de l'impulsion de corps à corps, paraissent par-faitement claires et intelligibles à tous les esprits, tollement

que lorsque les physiciens parviennent &ramener à ces loisdes phénomènes quelconques, ceux-ci passent pour être sufli-samment expliqués, et l'on no croit pas avoir rien à demander1;il y a plus, c'est que le mouvement d'un corps qui vient à êtrerencontré ou choqué par un autre nous semble être un effet si

naturel, si nécessaire du mouvement de ce dernier pris pour

f. CettephMgraudehcittMqa'MtcroMtrouverà concevoirune liaisond'*causeet d'effetentredesfaitehomogèue)!tient teujouNau mêmeptiucipt'de la contMiMtdescauseseMdetttesaveccelledescausesphy<queo.Commedanseederniercasil ne s'agitquedunesimpleliaisonM~eM)/H,duneM!'o-ctatlonentre deux faits successifs,il résulte dea lois si bieuconnuesdel'assooiationdestdeeaoudesimagesquecesphénomènesontplus d aNniteentMeux,plusde tendance4selierdansrimagination,a s'yreproduiret'unpar t'antre,ou&devenirsignesl'unde l'antre,toraquUsse ressemblententreeux,commedeuxmouvementspar exempte,quetotsqn'ibsontd unordretout diftereut;aussi faut-iluneexpériencemoinslongueoumoinsrépétéepourquel'imaginations'accoutumeà représenterles deuxMis analoguesdanscetordrenécessairequel'unest dit causede l'autre,maiscettefacilitédopassadederimajftMConn'Mue enrien surla Uatsonréelleet mecessNrcdela causea i'enet.(M.deB.)

Page 317: Maine de Biran: Science et psychologie

MAPPOMS CES 8C)Et<C68 N&TOKH.MS:370

cause prochaine ou seconde, que t'en se oroirait co état do

prévoir « ~< ça qui doit arriver dans )tochoc des eorp~avant l'oxpérionce.

En vain le scepticisme te plus délié, armé de toata~ piècescontre les hases de ta certitude, nie le fondement mémo donotre idée de causalité ou de liaison nécessaire en ae i~adMlsur ce qn'it n'y a réellement aucun moyen naturel de concevoirou d'expliquer assurément qu'un corps peut agir aurun autreou lui communiquer une partie deaonMMMWHMMt,cette com-munication se réduisant à une simple liaison de phénomènessuccessifs ou simultanés, liaison contingente ou fondée uni-

quement surt'expérience et qu'il eût été impossible de ~MWou de déterminer a ~MWf!,comme cela devrait être si reCet

était tM<eeMNM'eNM'H<ti6 à sa cause, ou comme si nous avionsla notion vraie et distincte de la cause efficiente ou do lamanière dont elle agit pour produire son eBet. En dépit detous les arguments sceptiques, la relation nécessaire établieentre des mouvements de corps à corps représentés dans

l'espace dont l'un est produit non pas seulement à la suite ou

à l'occasion, mais en vertu de l'autre, nous semble toujoursporter avec elle ce caractère d'évidence immédiate qui la motau-dessus des explications dont elle est ene-même le moyen;toujours nous serons portés à considérer cette relation commefondée 9ur la nature des choses, ou sur quelque loi primor-diale de notre esprit; et quand on dirait qu'elle l'est unique-ment sur une AaM~Mf~,comme cette habitude est universelleet sans exception, il faudrait toujours admettre qu'elle tientà quelque faculté ou prédisposition de notre nature pensante.

Mais il n'en est pas de même quand il s'agit de concevoirune liaison entre les mouvements représentés hors de nous etdes impressions on des modifications internes produites dansun sujet sentant <Mce~M de ces mouvements.

Nous savons bien par une expérience répétée à chaqueinstant que de tettes modifications ou de tels changementssurvenus dans l'état de notre MMStMëMcorrespondent à telles

représentations ou intuitions objectives, et la physique peut

Page 318: Maine de Biran: Science et psychologie

AVECH PSYCMOMtmE 27!

aller jusque considérer cos modincatienaeamme dea résuttatsde mouvements fxtérieura communiquéa à ooa organes, étémais comment un toi mouvement communiqué peut-il amenerà sa suite un phénomène qui a'a avec lui aucune espace de

rapport, d'analogie ou de rossemMance? comment une sen-sation ou une modincation de t'ame est-elle ~o~K~e en vertude t impntMonattribuée à l'objet extérieur? c'ost ce qui parattd'autant plus inconcevable que l'effet d'un choc ou d'une

impulsion quelconque ne paratt devoir jamais &tre d'aprèsnotM espënence, qu'un mouvement produit dana l'espace, et

qu'ici it a'agit d'une sensation elfectuée dana «M temps sansaucun rapport a l'espace.

Aussi quand Locke dit dans le passago déjà cité (liv. M,

chap. vx, § ~) que l'impulsion est la seule manière dont nousconcovona (suivant la loi des causes eMcientes) qu'un corpspuisse agir sur un autre corps, it ne fait qu'énoncer une véritéhors do toute contestation; mais quand il conclut de là quoc'est MKM</iM<eMeH~par voie <fwtpM&MMque les corps ~'o-~MMM<<en MOtMdes idées, il dit une chose tout à fait hasardée,si elle n'est tout à fait inintelligible et, à moins qu'on neconfonde deux ordres de faits aussi essentiellement hétéro-

gènes que le sont dos mouvements et des idées ou des sen-

sations, on ne saurait concevoir que la conclusion ait quelquerapport avec le principe. Non seulement nous ne concevons

pas qu'un mouvement représenté dans l'espace puisse pro-<~MM*eune sensation ou une modification interne aperçue seu-lement dans un temps mais de plus il est inintelligible qu'unesensation ou une modification interne puisse avoir pour cause

efficiente une autre sensation de la même espèce ou com-mencer en vertu d'une autre modification passive comme celle

qui requiert aussi une cause en vertu de laquelle elle com-mence et ainsi de suite. Prolongez en effet tant que vousvoudrez la série des impressions ou des affections purementinternes dans un être sensitif, tel que la statue de Condillacavant l'exercice du toucher (qui sent crée dans ce systèmel'étendue ou l'espace extérieur), vous aurez bien une chaîne

Page 319: Maine de Biran: Science et psychologie

HANfRTS MES SOESCK8 ~!AT~!M~ESa?a

continue de sensations qui ao succèdent ou naissent dansl'ordre du temps, les unes après tes autres, mais non pas lesunes en vertu des autres, comme les euets naissent de leurs

causes par une véritable génération on production e0<!ace;et t'ame de la statue se trouvant constituée en dépendancenécessaire de tout.ce qui t'environne, sens jamais être la eatMPde ce qui se passe soit en elle et dans son organisation, soitan dehors, aura beau sentir des modifications intérieures quise succèdent, elle ne s'élèvera jamais à la conception d'une

cause efficiente qui les effectue et n'attribuera jamais à unesensation antérieure la vertu ou l'énergie nécessaire pour pro'duire celle qui suit.

Que faut-il donc, ou quello est la condition nécessaire pour

que l'aperception interne, et par suite l'idée ou la notion de

cause efuciente ou force productive puisse entrer dans l'espritde la statue?

Voilà le problème qui se présentait & résoudre dans untraité qui avait pour objet de déterminer l'origine et la réalitéde nos connaissances. Condillac n'a pas même eMeuré cette

question et nous savons a présent comment il s'était interdit

tous les moyens de la résoudre, en prenant la sensation passive

pour origine exclusive de la connaissance.

Nous avons t&chéde remplir cette lacune importante dans

les considérations qui précèdent. Mais nous avons besoin d'en

ajouter de nouvelles, ana de pouvoir éclairer la difnculté quivient de s'élever tout à l'heure. Pourquoi la notion de cau-

salité nous paralt-elle se lier d'une manière plus immédiate et

plus nécessaire à la succession des mouvements ou à la com-

munication qui s'en fait de corps à corps, qu'à toute autre

succession de phénomènes d'un ordre différent? Y a-t-it

quelque peu d'analogie ou de ressemblance entre les termes

ou les phénomènes que nous concevons comme étant primiti-vement et nécessairement liés entre eux par la relation de

cause à eBet? Et quelle est cette analogie? Nous ne pouvonsjdouter maintenant, d'après ce qui précède, que dans un être

tel que la statue de Condillac, dont les sens commencent

Page 320: Maine de Biran: Science et psychologie

& LA fSMM~tttitS 973

pour la première foia à s'ouvre anx impressions du dehors,l'idée de quelque c«HMcf/~K'M~ne saurait absolument lui6tre suggérée par aucune impression externe, moins de

supposer qu'elle n'ait déjà cette idée innée ou infuse &sonesprit avant l'expérience. mais nous n'aurons pas besoind'une telle supposition qui est comme le coup de dëaeaptwt'de

l'analogie si nous concevons rame de la statue comme doMeepar sa nature du pouvoir d'agir aur certains organes, sur

lesquels elle aa deptoio immédiatement, de créer l'effort,d'apercevoir ou do sentir les modineationo qui en sont des

prodahs ou des résultats comme des e~e<sdont son action estla ea~e. Cela pose, les seuls modes qui soient les e)Totsimmédiats de re~r<, eo sont dos tMOKcemeH<smusculairos au

moyen ou par l'intermédiaire desquels la statue peut produirecertaines modifications sensibles, telles par exemple que des

odeurs, en supposant qu'elle ne pat les sentir que par unmouvement d'inspiration nasale forte et prolongée (commenous l'éprouvons dans t'eMcAt~Mcatea~ et lorsque nous

/aeroMs avec un certain effort d'attention), ou encore plusnaturellement des sons que la voix émettrait volontairementet que t'ouïe percevrait comme des résultats du mouvementdo l'effort vooal, etc. -Toutes les modifications ainsi pro-duites par les mouvements ou à la suite des mouvementsvolontaires étant aperçues par t'ame de la statue comme desrésultats médiats de sa volonté ou de son pouvoir d'agir, deson moi enfin, emporteraient donc avec elles d'abord l'aper-ception immédiate et par suite ta notion d'une cause, qui nesaurait en aucune manière naitre du dehors, ni d'aucunesuccession passive d'impressions. Remarquons à ce sujetque le mouvement on la contraction musculaire, étant tou-

tours et nécessairement t'eBet ou le produit immédiat de laceMe efficiente, devient cause seconde ou moyen de la modi-fication active qui est aperçue ou sentie ainsi, comme un <~e<secondaire ou médiat de la volonté.

Telle est la véritable origine naturelle de cette sorte de

proportion métaphysique qui a servi comme de pivot ou de

'8

Page 321: Maine de Biran: Science et psychologie

MtPOR'MM8 SCtRNCRaNMCBEH~S874

point Muiement à tontes lea idées métaphyaiques, théoto.giquea et politiques d'un de noa célèbres modernes la causeest au moyen ce que ta moyen est à l'eBet. Cette formule peut&treramenée à l'expression d'un fait do sens intime. De cettemanière la volonté (cause efficiente) est au moyen ou à l'effetimmédiat (te mouvement produit) comme ce mouvement està la sensation qui en résulte et qui devient ainsi l'offot m<Mm~de la volonté.

La sensation qui a et6 ainsi eMeotuee d'abord par le con-cours de la volonté, peut venir & commencer sans elle et sansl'intervention du mouvement volontaire qui en était te moyenet des lors il n'y a plus de sea<wM'~ou d'aperception aotuellede la cause moi qui était liée à la modification active, maisseulement le souvenir ou l'idée de cause ou d'un pouvoir qui,demeurant présent à l'esprit sans s'exercer actuellement,s'associe à la sensation passive comme le sentiment dupouvoir se liait à la modification active. Or, cette associationde l'idée de cause efficiente avec une sensation qui commencesans l'effort ou le vouloir du moi, emporte avec elle t'exté-riorité de la force conçue par induction, comme nous leverrons plus bas. Or; je dis qu'à la notion de cette forceextérieure indéterminée sous tout autre rapport que celui del'existence, doit nécessairement se joindre celle d'un moyenou d'un intermédiaire par lequel elle produise la sensationet ce moyen ne peut être qu'un mouvement, ainsi en substi-tuant l'idée de cause étrangère à l'aperception de l'effortvoulu, nous trouverons encore la même proportion qu'aupa-ravant. A partir du fait primitif de la conscience, la forcemotrice ou la cause avec laquelle le moi est identi&é, ne peutêtre conçue comme agissante, que dans un espace et dans untemps, car l'espace est comme la forme inséparable de I'aper-ception immédiate du terme organique sur lequel la volontése déploie~ elle temps est la forme même sous laquelle le moiexiste en s'apercevant qu'il agii- ici la liaison de ta csass al'eBet, ou du moins à l'effort et à la sensation musculaireproduite, est vraiment immédiate et de cette immédiation

Page 322: Maine de Biran: Science et psychologie

A\E<:tA paYCNOMfttE a?5

mema résulte t'impossibitité d'analyser ou de résoudra lanotion de causalité ramenée à son origine. Dire que la volontése déploie dans un espace et dans un temps, c'est dire quoson action consiste dans un mouvement produit, ou qu'ellene se manifeste et n'existe pour elle-même que dans la pro-duction du mouvement, car ce mode est !e seul qui réunissed'une maniera indivisible les deux éléments de l'espace et dutemps. En transportant la causalité hors de nous par uneinduction première, nous y transportons aussi l'idée d'unmouvement produit dans l'espace dont la notion de cause oude force est inséparahte même à son origine, et comme notreforce individuelle n'agit, pour produire la modification active,que par te moyen ou l'intermédiaire d'un mouvement effectuédans le corps propre, la force étrangère ne sera de mêmeeoH{-Mccomme produisant une sensation passive, que par l'inter-médiaire d'un mouvement enëctué dans l'espace extérieur.D'où suit la même proportion qu'auparavant en substituant laforce étrangère ou sentiment de la force ou du pouvoir du'moi.

Cette analyse nous fait voir déjà pourquoi tous les hommes(les philosophes comme les ignorants) sont conduits commenaturellement à croire ou à supposer que les objets ou lescauses de nos sensations agissent sur les sens et sur lameau moyen d'une suite plus ou moins longue de mouvementscommuniqués de corps à corps, propagés jusqu'à l'organe quireçoit l'impression ou jusqu'au lieu ou la substance sentanteest présente. Mais si nous voulons nous rendre un comptefidèle de ce qu'il y a de clair ou de vraiment distinct dansl'esprit, lorsqu'il applique ainsi hors de lui la double relationde la cause au moyen et du moyen à l'e~, nous trouvons

i* Que la liaison du mouvement volontaire comme moyen, àla sensation qui le suit ou l'accompagne comme effet, participeà l'évidence première et immédiate du fait primitif de cons-cience, ou du sentiment mèmerdu pouvoir dans la productionimmédiate de l'etfort, tandis que la liaison entre le mouve-ment supposé ou imaginé comme moyen, et la sensation pas-sive étant hors du fait de conscience, prise dans un point de

Page 323: Maine de Biran: Science et psychologie

BAProms NES SCtENCES ttATUNEU.~S7C

vue étranger au sens intime ou à ia réflexion, ne peut avoir

qu'une certitude d'induction ou d'analogie fondée sur cette

proportion comme la modincation active est au mouvement

volontaire qui sert de moyen à la force du moi, ainsi la sen-satioa passive est au mouvement extérieur qui sert de moyenà la force étrangère pour produire cette sensation.

Une telle croyance analogique, quoiqu'elle se déduise asseznaturellement d'un fait de conscience, ne saurait sans doute

partager toute son aM<en<~et c'est vainement que le scepti-cisme chercherait à se prévaloir contre celle-ci des motifs dedoute qu'H oppose contre l'autre.

2* Qu'ens'en tenant, comme ïe font les physiciens et les phy-siologistes, à la liaison des moyens et des mouvementsexternes et iuternes entre eux, la connexion des causes et deseffets se trouve exprimée dans une suite de termes semblablesou analogues en progression continue dont la raison com-

mune, celle de la force motrice, a son produit eSectué dans

l'espace et le temps, se répète d'une manière identique d'unterme à l'autre.

Mais pour que cette progression soit vraiment continue, ou

pour que l'esprit puisse la parcourir régulièrement, sans

changer de point de vue, sans faire de saut, et en conservant

toujours présente la même relation identique, il faut que tousles moyens qui séparent le premier terme du dernier, ou la

force productive de l'effet final, y compris cet effet lui-même,soient également conçus on représentés dans l'espace et Io

temps, e'est-a-dire que ce soient des mouvements ou desliaisons de mouvements. La progression ne peut donc pasaboutir.à un dernier terme ou à un effet qui ne serait suscep-tible par sa nature que d'être conçu, senti on aperçu dans le

temps, en excluant l'espace, comme des affections simples dé-la sensibilité et des modifications purement. rénexives de

l'esprit, et il n'y a point de pr&gr~ naturel on de relation

intelligible entre une cause ou une force agissante dans

l'espace extérieur, et un phénomène intérieur quelconque.3°La loi d'analogie, sur laquelle se fonde l'application du

Page 324: Maine de Biran: Science et psychologie

AlfBCM PMCaeMMttE a??

rapport de eaaaalitô à dea eneta physiques, Mpese donc toutentière sur la forme de l'espace qui doit être commune auxdeux phénomènes liée entre eux par cette relation, et l'onvoit maintenant pourquoi nous sommes si fortement enclinsnaturellement. sans avoir besoin même de l'expérience répétée,à regarder comme nécessaires les lois de l'impulsion on de lacommunication des mouvements de corps à corps, en y appli-quant directement le principe de la cause emciente ou lanotion de force, de pouvoir, prise en nous-mêmes a priori,et après avoir abstrait de cette notion le sentiment intime quenous avons de notre force propre individuelle; tandis que touthomme réfléchi est forcé de reoonnaitre qu'il y a un hiatus ouun véritable abtme impossible à franchir entre une suite demouvements quelconques représentés dans l'espace et unesensation ou des faits du sens intime; do plus, qu'il n'y aaucune liaison intelligible de cause et d'effet entre une sen-sation passive et une autre modification interne de la même

espèce, et de cela résulte une nouvelle preuve de la différenceénorme qui sépare le rapport de causalité de celui de suc-cession ou de la simple liaison en temps; car cette dernière

peut s'établir également suivant les lois de l'habitude ou del'association des images, entre des phénomènes quelconquesanalogues ou dissemblables; et il n'est point nécesaire queles termes d'une même série se représentent à l'esprit sousune seule forme commune et identique, telle que l'espace, pourcontracter entre eux cette liaison d'habitude dans le temps quifait attendre ou prévoir le second quand le premier vient à se

présenter, ainsi de suite.4*Qu'en ne s'attachant qu'au rapport du moyen à l'effet et

négligeant le rapport plus intime, primitif et fondamental dela cause au moyen, ou de la force motrice (qui a toujours l'ef-fort pour type) an moyen (au mouvement produit), c'est-à-direen ne voyant qu'un rapport simple là où il fallait reconnaître

unepro~M~MK, les physiciens ont pu conserver ~évidencedans l'ensemble des explications et déductions des faits deleur ressort, au moyen d'une analogie constante, observée

Page 325: Maine de Biran: Science et psychologie

MPNHtTa CM 8CtN<C)68NATUttEH~S.~8

dans la progression des moyena on des mouvements de lamême espèce, mais cette omission ou cet oubli da rapportfondamental a du aéoesaairement égarer tes métaphyaieienaet ruiner los bases de la certitude ou de la réalité de nos con-

naissances, en fournissant contre elles des armea au scepti-cisme. En effet, soit qu'on parte du moyen ou du mouvement

représenté dans l'espaoe absolu, pour en déduire t'eCet ou la

aensatin, soit qu'on parte d'an phénomène Mtériear quel-

conque conQudans le temps seulement ou dans la durée du

même sujet sentant pour en dériver la connaissance de reten-due ou du mouvement produit dans l'espace extérieur, le pas-sage du moyen (pris pour c<MMc)à l'enet, comme celui del'effet au moyen, est également impossible tant qu'on n'a pasrecours au modèle commun ou au rapport fondamental dontcelui dont il s'agit n'est que la copie, savoir celui d'un effortou pouvoir moteur à son ettet immédiat ou au mouvementdu corps propre.

Voilà pourquoi tous les métaphysiciens sans exception quiadmettent de prime abord et comme postulatum nécessaire,l'existence absolue des objets, ont supposé que les objets pro-duisaient en nous des MMsa<MMSet des !<MMpar voie d'impul-sion, ou ont été conduits par cette hypothèse même, qu'on a

pu considérer comme purement gratuite, tant qu'ils négli-geaient de remonter au titre légitime de son admission, àméconnaître ou renier le vrai principe de causalité ou son fon-dement réel, et par suite ont motivé tous les doutes sceptiquessur la réalité des objets de nos sensations et jusque sur celledu sujet qui sent et perçoit.

C'est ainsi que Condillac ne voit en nous ou dans notre

esprit, comme au dehors dans la nature, que des sensationsou dos collections de sensations qui commencent, passent, setransforment sans cause productive ou transformative, on, ce

qui revient au même, sans que nous ayons aucun moyen deconnaître la réalité de cette cause dont il a pourtant supposél'existence nécessaire dès son premier pas.

-Et vraiment, s'il n ya pas.idée ou notion innée de cause on

Page 326: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC M Pa~OHOtOOtE a?a

de substance et s'il est Mon reconnu d'autre part que cettenotion ne peut venir du dehara ou quelle no peut&tra donnéepar aucune sensation, aucune succession de modes passifs, ilne reste qu'à nier son existence dans notre esprit et sa r~a!!Mau dehors; d'oa t'ttM~MaMet te scepticisme i!<~<fMM~M<&

C'eat ainsi encore et toujours parce qu'on a cherché a aarcp)'ëaentwia!!a!son du moyen & retFet médiat, iaoMa t'aode Fa~tre, sans remonter jusqu'au rapport primitif oùla causeproductive et retfet sont nécessairement et indlvisiblomentdonnés l'un par l'autre ou rMaaeee l'autre; que les métaphy-sic!etMtles plus profonds, tels que Descartos et Leibnitz, onttrouvé qu'il y avait une impossibithé absolue a lier immédia-tement l'un à l'autre et par la relation de causalité les deuxmondes extérieur et intérieur oa les sensatious, les idées, lesdésirs ou inclinations de l'Ame, aux mouvements des corps, ycompris le nôtre propre et réciproquement; d'où le doublesystème des causes occasionnettes et de t'harMonie préétablie,qui oient la causalité etnciente à t'être agissant et pensant,comme aux termes inertes de son action, ou aux objetsétendus de la pensée, en réduisant les relations des deuxmondes ou de leurs phénomènes à de simples liaisons en

temps et niant aussi les fondements réets de cet en t!e~M f~Mde /'aM<resous lesquels notre esprit les unit toujours néces-sairement et malgré lui-même.

Mais lorsque ces philosophes nient que la volonté ou le Mot <soit la cause etnciente immédiate des mouvements du corpset médiate des sensations qui résultent de ces mouvements,ils nient le fondement même du principe de causalité; ils

i. n est curieux de voir comment l'idéalisme et le matérialisme viennent seréunir et se pénétrer en quelque sorte dans la doctrine qui prend la <enMMonpour l'origine commune et exclusive de nos idées; d'nn côté nous ne con-naissons que nos propres sensations et nos modifications intérieures dont ceque nous appelons objets ne sont que des eotieetions voilà bien t'KMa/t~x-D'un autre cote la sensation psMtce ne peut commencer sans une eatoe ousans un objet; t'odeur de la rose, par exemple, n'a pu commencer que lorsqu'une rose r&c a agi sur t'o-gane. Le sujet 'pntjmt est doue tomtihte Ht

dépendance nécessaire de l'univers matériel dont il fait partie. (M. de B.)

Page 327: Maine de Biran: Science et psychologie

n~rfttTS M~asetcscRas~MOR~Ea880

avouent qu'un fait da sens intime peut nous trompor, et ils

couvent ainsi avec ta cft~MNt unique do la vérité toutes l<'a

barrières qu'il fat possible d'opposer an scepticisme le plusabsolu; au lieu qu'en rejetant seulement l'induction qui nous

lait attribuer la causalité aux objets do nos sonsations, ils Me

font que motiver le point de vue d'un ideatistne transcendant

où !e moi serait seul dana le monde aab)ect!fdea))nodincat!onainternes et des actes intellectuels dont il aetait cause, ou ne

reconnattrait d'aMtro existence que celle des etre'<immatériels

semblables à lui.

D'oit t'ttn pout eoMctaM quo les systëmes «n6taphys!que8sont ansoeptibtea d'être divises ou scindés, pour ainsi dire en

deux parties, dont l'une, celle qui oie la oausatite aux objetsdo nos sensations, no contrario qu'une induction nécessaire, il

est vrai, mais dont l'évidence empruntée du fait de sens intime,reste en ôtant ses conséquences; tandis que l'autre partie,celle qui nie la causatité du moi ou la réalité de notre pouvoirmoteur, ne peut être admise par la raison spéculative, sans

détruire la base unique sur laquelle reposent toutes los lois de

cette raison mémo.

L'erreur consiste donc à avoir confondu l'application du

principe de causalité avec ce principe lui-même, ou le rapportsecondaire du moyen à FeBot avec la relation primitive de la

eaMe efficiente à son produit; par suite à avoir transporté au

principe le doute qui s'attache à son MM&<e<:onlorsqu'on prendcette-ci pour le principe ou le fait primitif tui-même.

S*Qu'en partant soit du fait primitif où le moi est constitué

cause, soit de l'induction qui nous fait concevoir une force

étrangère, le progrès naturel de l'esprit consiste à descendre

de la cause à l'effet sensible par l'intermédiaire d'un mouve-

ment qui est le moyen, ou encore de remonter de l'effort médiat

&la cause productive par le moyen, mais qu'il est contraire

aux procédés naturels de l'esprit ou à la toi fondamentale des

causes efficientes de renverser la proportion ou de substituer

l'un à l'autre les termes du rapport en prenant une s<:tMation,une modification intérieure de l'esprit, telles qu'une affection

Page 328: Maine de Biran: Science et psychologie

AYtK!LApatCMOMatR 8M

ou un ~<r pour c<nM~d'une t'o/~MM,eommo le font ceux quiMthardonnent onti!'rement notre aonaiMtité aux ot~ets et auxMouvements du dehors, OMoncora les volitions du moi aux

passions et aux affections de !a eonsihilité car ainsi on prendla conaëquent de chaque rapport de causalité à la place de

l'antécédent, et etM tersa, et il n'y a plus de proportion )mte!-

ligible.Tous los payehttto~stes )nétaphys!c!ens qui ont cm pouvoir

prendre des fonctions organiques ou des moavetnentanencusréels ou supposés, des jeux de libres ou de Ouides pourca<M<'sd~ phenotnenes !aMdear8 do l'esprit, ont ainsi renversé la

proportion. Nous savons par l'expérience int6riouro ou parl'aperception im<n6diateqao la force tnotr!ce qui est moi pro-duit des mouvements dans le corps, quo!qae nous ignorions à

jamais le «MMMMM~non seulement nous no concevons enaucune mantëre comment un mouvement organiquo peut pro-du!re une hensation dans r&me,maisdeptus nous n'avons pasd'expërienco interne ou externe de ce fait, puisque nous nesentons ni ne voyons ce jeu denbres, do fluide%,etc., et quenous ne sommes dirigés à cet égard que par une hypothèseanalogique qui pourrait n'avoir aucun fondement réel. On voit

par là combien sont vraiment téméraires !cs hypothèses quiauraient pour but d'expliquer pour ainsi dire le dedans par ledehors ou de déduire l'un de l'autre; tandis que le point devue opposé qui tendrait à déduire le dehors du dedans, peutse concilier jusqu'à un certain point avec los facultés de notre

nature, et qu'il peut être démontré, comme le dit Leibnitz,que l'Amo ne parvient à connaître les choses qui sont horsd'elle que par l'apercepiion ou la connaissance réMexivede ce

qui est en elle-même.

6" Si l'on a cru pouvoir lier par une relation de la cause à

l'effet, des faits aussi hétérogènes par leur nature que le sontdes mouvements représentés dans l'espace et des sensationson des idées de l'esprit, ce qu'on appelle ca~Me~ les uns

par les autres, c'est qu'on o'«st dissimulé volontairement ou1- L,sans !e savoir cette hétérogénéité absolue, ou qu'on l'a

Page 329: Maine de Biran: Science et psychologie

RAM'OMa Ma SHENCttS N~tMREU~S83

maaquéa par dea analogies tout à fait illusoires, et qu'on

prétendant expliquer des sensations par des mouvements, ou

a'a expliqué en effet que certaines fonctions dépendantes des

mouvements extérieura ou organiques par d'autres mouve-

ments do la même espèce, sans toucher aux faits de sens in-

tima qui restent nécessairement hora de toute explication.

Que e'eat ainsi qu'on a vainement tenté d'expliquer les

sensations, les idées, les opérations de l'esprit en les tradui-

sant pour ainsi dire en mouvements, vibrations ou jeux

quelconques hypothétiques du cerveau on a dit ennn que te

cerveau faisait la sécrétion organique de la pensée, détour-

nant ainsi les mots de la langue psychologique de leur valeur

propre et substituant une métaphysique hasardeuse à l'ex-

pression simple des faits de conscience pour faire passer dans

te point de vue objectif de l'imagination, ce qui appartientexclusivement à la réflexion intérieure.

8" Que la méthode d'analogie et d'induction sur !aquet!<'

s'appuient toutes tes hypothèses explicatives des phénomènes

psychutogiques est essentiellement vicieuse dans sa base,

puisqu'ainsi que nous l'avons vu précédemment, elle se fonde

tout entière sur une fausse application du principe de cau-

salité car en prenant d'abord les !H<M<M)Mea~physiques ou

organiques pour les causes, on est amené & conclure par la

toi d'analogie entre r<~ et la cause, que les sensations ou

idées de l'esprit ressemblent aux mouvements des corps,

conclusion toute démentie par le sens intime, parce que ces

deux ordres de faits resteront toujours et nécessairement

hétérogènes.9" Que si par la nature même des choses ou par le caractère

du fait primitif de conscience auquel se rattache la notion de

causalité, comme par la manière dont cette notion s'appliqueaux faits extérieurs de la nature, toute explication du com-

ment de la liaison de deux faits ou mouvements homogènes,

ou de la production de l'un par l'autre est supérieure à nos

moyens de connattre, combien ne doit-elle pas t'être à plus

forte raison, lorsqu'il s'agit d'expliquer ou même de conce-

Page 330: Maine de Biran: Science et psychologie

AVEC M Pi~CHOt.aOtR SM

v«iraoua ht relation da eauaalit& des faits aussi hétérogenea

quo te sont los mouvements physiques et dpa 8en<mtionaou

idées de l'eaprit!L'on conçoit bien, en eSet, h raison de mouvements homo-

gènes entre eux et à une même cause ou force physique,sans en expliquer le comment c'est ainsi que tes physiolo-gistes conçoivent le phénomène de !a circulation du aang

poussa ou chaaaé successivement dans les artères et k's

veines, comme une suite da mouvements ïiea entre eux et &

la force contractile dn ecoar, première causo imputsive. tts

voient ou ae représontent de même la phénomène de la diges-tion et ceux des diverses sécrétions, comme autant de circons-

tances du mouvement organique liées entre elles et a une ou

plusieurs causes, telles que la force contractilo ou seulement

compressive des parois et du tissu dos organes sécrétoires, te

degré successif de téauité des vaisseaux, par lesquels filtrent

pou à pou les humeurs sécrétées, élaborées, etc. Mais s'agit-ildo t'ouvrir le passage de ces mouvements d'organ<s, objetsde représentation, à des phénomènes de conscience qui ne

peuvent plus être vus, mais seulement sentis ou aperçusintérieurement, on se trouve arrêté là comme sur te bord

d'un abime, que l'esprit humain ne saurait franchir par cette

seule raison qu'étant le sujet de la pensée, it no peu se voir

lui-même en dehors comme objet; ou que se connaissant

comme cause de mouvement, il ne peut se représeuMr comme

effet.

10° Qu'il suit de là que la psychologie ne peut ni ne doit

en aucun cas prendre des données dans les sciences natu-

reMes,ni se subordonner à elles, ou à leur méthode d'observer,de classer, de poser les lois et de chercher les causes.

Car, d'abord, les données sont des faits primitifs ou des

notions fondamentales qui doivent s'y rattacher; or les sciences

naturelles ne s'attachent qu'à l'objet et laissent à l'écart tout

ce qui tient au sujet, et par suite au fait primitif de la cons-

cience elles appliquent les notions telles qu'elle se trouvent

établies dans l'esprit, et sans s'inquiéter d'où elles viennent;

Page 331: Maine de Biran: Science et psychologie

APPORTSMStSCtESCMMA'R!!)EU.MSM

et quels peuvent êlre laura titrer docr~anoa; ellaa emploientle principe de causalité qui est &la tête de toutes e~anotions,sans s'informer de la nature de ce principe ni de son <Mtrac-

tère de primauté, et même omettant ex a~~e toutes les

questions embarrassantes et insolubles auxquelles pourraitdonner liou l'application théorique de ce principe dans la

recherche des causes eMeienteseM leur substituant des causes

physiques, c'eat-a-diredea M<a qui enpf6oedeatcoMtant<nentd'autres do la metna ospboo.

Au contraiFo, la psychologie, par la natwto même du

sujet auquel elle s'attache, se place en avant dea faite esté-

rieurs et doit assigner los conditions de l'objectivité dos exis-

tencos et des causes; poMreHo,observer ou constater los faits

primitifs, e'eat dej&rceonnattre les lois primitives de l'onton-

dement et Hxer la véritaMe valeur do toute notion de cause

efuciente; c'est à elle, c'est & cette phitoaophie vraiment

~~Mt~e (et qui n'a pas eto vainement caractérisée ainsi)

qu'il appartient do justiaor les premières données sur

lesquelles la physique s'appuie avec une connance aveugle,de justifier aussi la substitution qa'eHo fait aveuglément descauses physiques aux causes efficientes, et de lui montrerles fondements de la méthode qu'elle suit sans connattre les

motifs de son aporception.C'est la psychologie qui doit axer les limites des sciences

naturelles et les empêcher de s'égarer dans des recherches

oiseuses ou de vaines hypothèses explicatives, placée à l'ori-

gine de toutes les classes d'idées ou de conceptions de l'esprithumain, elle trace les domaines respectifs de toutes les

sciences et se rend compte à elle-même des homes qu'ellene doit jamais franchir, bornes qui lui sont indiquées par la

nature même de son sujet ou parcelle de la lirison premièredes causes aux effets, constatée dans sa source.

Si, pour répondre à la question proposée par l'Académiede Copenhague, il ne s'agissait que do montrer F des consi-dératliins rationnelles la nature du principe de causalité, etla. liaison nécessaire de cause à effet, des phénomènes exté-

Page 332: Maine de Biran: Science et psychologie

AVt!Cm t~ïCXNMOtR N85

rieurs ou des mouvements physiques, aux modincationa det'être sentant et ponsant eu aux faits de sens intiate, je croi-rais avoir montré par tout ce qui précède qu'une tetle Maisonde causalité, loin de pouvoir être soumise à quelque systèmed'explioation, n'est pas même intelligible ot ne peut être conçueni par la raison, ni par l'imagination par suite qu'il n'y asous ce rapport aucun passage possible dos doctrinoa CM

expéFienees physiques aux faitada sens intime, ou aux op6ra-tions de l'esprit, en tant que les premiers seraient emptoy~sa expMqMerles autrea, comme certains phenomenoa et mou-vements sont omployés à en expliquer d'autres analoguesqui les suivent ou les accompagnent constamment dansl'ordre de la nature.

Mais d'abord il ne s'agit pas de l'application qu'on peutfaire des sciences natUMttes à la psycbologio ou de la sciencedes objets à cette du sujet pensant, sous le rapport unique dela cause à t'enët il y a d'autres rapports sous lesquels on peutchercher à établir ou à concevoir une liaison possible entreles deux sciences; en second lieu on ne demande pas à con-naître catégoriquement ce qui peut être fait d'après la naturedes choses ou d'après los lois mêmes do l'esprit humain, pourexpliquer ou éclaircir les faits du sens intime par dos doc-trines ou expériences physiques, mais on veut savoir surtout

historiquement ce qui a été fail ou tenté par los divers philo-sophes qui ont cru à la possibilité d'expliquer d'une manière

quelconque les phénomènes de l'esprit. On demande à con-nattre le fond de leur système, d'en apprécier la valeur, afinde déterminer jusqu'à quel point ils ont pu inBuer sur les

progrès respectifs de la philosophie de l'esprit humain, afin de

pouvoir juger ainsi, non plus par des considérations ration-nelles ou a priori, mais par des preuves historiques fondéessur l'expérience du passé, ce que l'on peut attendre pour t'ave-nir de semblables systèmes d'explication.

Pour remplir ces vues indiquées par les termes du pro-gramme cité au commencement de cet ouvrage, il était néces-saire peut-être d'entrer dans les considérations qui précèdent

Page 333: Maine de Biran: Science et psychologie

MPMMS HE9SCtENCESNAfMMt.tJBS2W

et de remonter jaaqu'a la souMa commune de toute explica-

lion des phénomènes d'an ordre quelconque, car dans des

sujets pareils à celui qui nous occupe, les questions de

s'éclaircissent par celles de droit, et les recherches théoriques

sur la nature et les lois de l'esprit humain sont l'introduction

la plus utile, la plus nécessaire même à l'histoire des opinions,

dos découvertes ou des erreurs. Ainsi nos Meherchea anté-

rieures sur le fondement intime de la notion de causalité et

sur l'application détournée que les physiciens font de ce prin-

cipe en transformant d'une part la cause emciente en cause

physique, comme ils te disent, en fait généralisé, pendant que

d'autre part ils retiennent toujours malgré eux la notion d'une

force productive toujours présente au sujet qui perçoit ou

pense, tant que ce sujet est présent à lui-même ou à son ac-

tion par la pensée; ces recherches métaphysiques nous mettent

maintenant a portée de classer les diSérents systèmes d'expli-

cations en les rapportant aux trois divisons suivantes

i* En partant du fait intérieur de conscience ou des phéno-*

mènes de l'entendement humain, considéré comme passif, eu

égard à certaines facultés réceptives de sensations et d'idées,

et appliquant le principe ou l'axiome que tout phénomène a

une cause, en vertu ou par l'énergie de laquelle il est pro~

duit, on se sent nécessité à chercher hors du mot la cause qui

détermine oueSectue ses premières sensations, ses premières

représentations objectives et jusqu'au premier sentiment ou &

la première aperception qu'il a de tui-mème. Cette cause, soit

qu'on s imagine consciencieusement pouvoir t'assimiler ou

l'identifier avec l'objet même de l'intuition, soit qu'on la con-

çoive par une analogie vraie avec le sujet un et simple qui

agit et pense, est toujours et essentiellement distincte de l'un

et de l'autreet l'esprit lui attribue une existence réelle, durable,

permanente, hors de la sensation qui en est l'effet passager.

L'existence de la cause étant affirmée ou' crue ainsi néces-

stufettKMttMt vertu d'une loi de notre esprit, on peut chercher

à expliquer la manière dont elle agit pour produire son effet,

en appliquant d'abord les lois, de l'impulsion ou du choc des

Page 334: Maine de Biran: Science et psychologie

AlfEC LA MUCMOMtOM! sa?

corps à l'impression faite par l'objet eu par quelques nuideaintermédiaires émanés de lui, sur les organes des sens; et ensecond lieu en appliquant lea lois physiologiques des mouve-ments ou fonctions organiques aux sensations ou opérationsde t'ame, de telle maniera que l'impulsion des objets ou agentsmatefieta quelconques soit considérée comme la cause vrai.ment eMoieme des sensations ou des phénomènes de l'esprit.

Nous avons d'avance reconnu te fondement et apprécié lavaleur des systèmes d'explication ~ndés aur ce point de vue,et Mne nous reste qu'à entrer dans quelques détails historiquMsur la manière dont se sont formées et propagées, depuis t'an.tiquité jusqu'à nous, ces éootos soi-disant explicatives dessensations et des idées.

3' En suivant la méthode pratiquée depuis Bacon dans lessciences naturelles et parfaitement appropriée a ses progrès, onpeut faire abstraction des causes efncientes et par suite s'abs-tenir de toute recherche sur leur manière d'opérer, pourn'avoirégard d'abord qu'aux phénomènes tels qu'ils sont donnés àt observation intérieure ou extérieure, puis aux analogies ourossemblances qu'ils ont entre eux, à la manière dont ils sesuivent dans l'ordre du temps; d'ou les méthodes de classifi-cation d'après lesquelles un seul terme est établi comme signeconventionnel de tous les faits analogues (ou réputés tots),l'expression des lois de tel ordre de succession; et en dernièreanalyse, la relation de tous les faits analogues d'une mêmeclasse à uneseule cause ou force productive (x) méconnue ouindéterminée dans son essence ou manière d'opérer.

Ce mode d'explication, le seul auquel l'état actuel des pro-grès de l'esprit humain puisse donner quelque crédit, ne peutservir à lier la psychologie aux autres sciences naturelles,qu'autant qu'on y suppose une certaine analogie ou ressem-blance entre les deux ordres de faits intérieurs et extérieurs,savoir entre les sensations et les idées prises pour effets desmouvements physiques ou organiqnM on encore <~ forcMinconnues (x, y) productives de ces mouvements.

Nous arrivons à examiner les motifs sur lesquels cette ana-

Page 335: Maine de Biran: Science et psychologie

~8 aAPMWTS CES 80ENCES NATOt~H~a AVEC LA PaWMM.OME

HJS

logia hypothétique a pu se fonder dans les déclines de nos

phyaiotogtates modernes, et nous ontrerons à ce anjjetdans desdétails historiques, nécessaires pour connattre l'esprit et ladiroction commune de ces doetnaea diverses.

3' En observant d'abord la ligne de détnaMat:oo entre lesdeux ordres do Mta qui forment l'objet respectif des adeMeaMa~Mf<s et psychologiques, oa peut s'attacher uniquementà la simple liaison ou correspondance harmonique qui paraitexister entre certains mouvements ou fonctions organiques.

Page 336: Maine de Biran: Science et psychologie

REMUESPASSAGESDEL'ABBËDEUCNAC

(i8i5)

L'auteur de l'ouvrage intitulé ?WtH<M~Haye<A<M~ M~WM.

a reconnu et bien analysé les faits du sens intime, du vouloir

et de l'effort; mais les préventions pour nn système conçud'avance l'ont aveuglé et entratné bien au delà des faits dont

il cherche hors du moi une cause mystérionso.« Nous sentons, dit-il, nn rapport de nécessité (il fallait

dire de causalité) entre la volonté d'exécuter tel mouvement,

comme d'articuler tel mot, et ce mouvement ou cette articula-

tion ce n'est point notre co/W!~ yM<fonde ce rapport »

(notre volonté est le terme nécessaire on l'antécédent du

rapport senti); « les fonctions nerveuses, ou contractions

musculaires d'ou résulte l'eSet produit, ne sont point un

choc, une compression, un frottement, une attraction de

corps à corps. Or nn mouvement qui n'est point déterminé

par un autre mouvement, ne peut être que l'effet d'une vo-

lonté qui le détermine; donc le jeu des fibres nerveuses quiconcourent au mouvement ou à l'articulation dont il s'agit,sont les eSets immédiats de la c<K<Mqui les produit; et nous

savons que nous ne sommes point cette cause'. »

Nous savons certainement c~MM~a scientia et c~aNet~e

e<MMCMt!<M!que nous sommes causes de la sensation muscu-

laire qui résulte du jeu des nerfs ou des contractions, ou qui

i. Tomett, page99.DansMtteettaMon,H.deMran,touten cotNerranttesensdeUgMc,a an peumodNétetexte.CesmadNeatimM,paratMamtvoton-

taires,ontd&êtrecmMervees.(A.doB.)19

NOTBS

Page 337: Maine de Biran: Science et psychologie

îiOTKSSURQUELQUESPASSAGESaao

les accompagne, sans que nous ayons aucune connaissance

immédiate oa perception do ces nerfs ou muscles comme

oMets hors de notre esprit. Mais, comme au sentiment de

l'effet correspond nécessairement le sentiment de la cause

moi, à l'idée, ou à la représentation externe des nerfs et des

muscles, connus par l'anatomie, correspond la notion d'une

force absolue ou d'une substance immatérielle qui les met

en jeu, et cette force est ce qno nous appelons Mme, que

nous ne sentons pas plus immédiatement que nous ne sen-

tons la substance corporelle.Maintenant, c'est par une illusion singulière et commune

qu'on transporte à cette force absolue ce qu'on peut dire avec

raison du Mot, ou de l'Ame même, en tant qu'elle s'aperçoit

ou se connaît par relation de cause à effet senti. Le MM ne

peut être dit agir, vouloir, exister, qu'autant qu'il connaît ou

se connaît. Mais il n'est point nécessaire à l'âme, pas plus

qu'a une force physique de connaître ce qu'elle fait, ni les

moyens qu'elle emploie, ni les rapports ou les lois qu'elle

suit en agissant, pour agir d'après ces lois. Comme la force

attraction détermine la forme des orbites planétaires, et n'a

pas besoin de connaître les distances et les masses pour s'y

proportionner, ainsi l'âme peut bien ne pas avoir besoin de

connaître les fibres nerveuses ou musculaires pour déter-

miner d'abord les mouvements ou contractions organiques,

et lorsqu'en opérant, d'après certaines lois préétablies, elle

s'aperçoit caMse de ces mouvements sentis, le témoignage

qu'elle se rend de sa causalité immédiate n'a besoin d'être

appuyé sur aucune connaissance objective des moyens de

l'action.

Si, des lois de Funion, dont nous ne sommes pas causes,

puisque la volonté et le moi n'en sont que des résultats, nous

remontons par la raison à l'intelligence suprême qui a établi

ces lois, nous procédons ici de la même manière que si nous

remontions à l'existence de ce pouvoir intelligent par tons les

autres phénomènes ou lois de la nature.

La force d'une intelligence qui opère par le seul vouloir,

Page 338: Maine de Biran: Science et psychologie

es !/AM<6 DE ucxAc ?1

a son type exclusif dans le sentiment immédiat de l'eNcaee

de notre propre volonté, à laquelle nous sentons que le corpsobéit. L'erreur générale est de vouloir se faire ridée ou

l'image des actions de l'âme, on de sa manière d'opérer, en

prenant pour modèle l'action prétendue que nous attribuons

aux corps, les lois de l'impulsion extérieure ou des mouve-

ments rapportés à l'espace; tandis qu'au contraire nous ne

concevons l'action ou la force dans les corps, et les rapportssuivant lesquels cette force, impulsion ou attraction s'y

applique ou s'y distribue, qu'en prenant pour type le senti-

ment de notre propre force impulsive, appliquée à mouvoir

notre propre corps, et répandue en quelque sorte dans ses

diverses parties. L'illusion à ce sujet est telle qu'on ne croit

pas qu'il y ait la moindre difnoulté à concevoir la manière

dont le mouvement se communique d'un corps à un autre;tandis qu'on regarde comme un mystère l'action de l'Ame

sur le corps ou les moyens de cette action. On est également

persuadé que si l'on pouvait parvenir à éclairer ce mystère,ce serait uniquement par une analogie, ou ressemblance,

qu'on pourrait saisir entre les mouvements physiques et ceux

que la volonté imprime aux organes; et, tout an contraire,

l'impossibilité où nous sommes d'expliquer l'impulsion, ou

la cause des mouvements de la matière, tient uniquement à

l'impossibilité de concevoir ou de se représenter objective-ment la manière dont la volonté peut mouvoir nos membres.

Cette erreur ou ce renversement d'explication tient à ce

qu'en voyant les corps en mouvement communiquer ce mou-

vement à ceux qu'ils rencontrent, notre imagination s'accou-

tume à lier ces mouvements entr'eux par le rapport de cau~

satité, en prenant nn premier mouvement pour la cause

physique de celui qui le suit, sans remonter au delà des

phénomènes. Mais dès que nons cherchons à concevoir parla pensée ou la réNexion ce qui peut être une véritable cause

efficiente de mouvements, nous ne pouvons nous empêcherde reconnattre la profonde justesse de cette ancienne maxime

d'Anstote, qui disait que « Tout moMc~MCMta M~ecause

Page 339: Maine de Biran: Science et psychologie

NOTES SUR QCEtQHEa PASSAGESaoa

n'estpas e~-tMèHPMHmouvement, comme <M«e/~Mf<*a une

catrse ~M<H'M~as WH<?/bfHte*. o

La cause du mouvement étant une force ou un é<Mqui a

la force pour essence, on voit bien que pour trouver l'originede cette action, il faut rentrer en nous-mêmes au lieu de

regarder hors de nous, où nous ne pouvons rien trouver qui

ressemble à une cause ou à une force opérant par le vouloir.

« I! résulte des phénomènes tiréa du plus intime de nos

Ames, dit l'auteur du y~o~H~e ~MMtMintime, que nous

avons la perception<ft<Me<M<e/~eMeequi opère par le vouloir,

puisque nous sentons la nécessité de la correspondance de

nos memmes à nos votontés, et que nous voyons clairement

que cette nécessité ne vient point d'une force qui nous soit

propre, mais de cette d'une intelligence qui connaît ce qui se

passe dans l'Ame et le cerveau. a

La correspondance de nos membres à nos volontés peut

être dite nécessaire, en ce sens que les rapports ou les lois

de l'organisation, en vertu desquels l'&meopère par le vouloir

sur certaines parties du corps vivant, sont fondées sur la

nature de l'&meet du corps, ou sont une suite nécessaire de

leur essence, de mêmo que les lois du choc ou de la commu-

nication des mouvements de corps à corps sont une suite

nécessaire de l'essence de la matière ou de ses attributs

essentiels, tels que l'impénétrabilité, l'inertie, l'étendue, etc.

Nous ne connaissons point cotte essence, et il nous est impos-

sible de déterminer comment telles lois des phénomènes en

dépendent, quoique nous ayons la notion de cette dépen-

dance nécessaire. Nous savons ainsi que les lois dont il s'agit

ne sont pas contingentes, car, étant donné l'existence de

l'homme, on d'un composé formé d'une force agissante et

d'une substance matérielle tel que nous le connaissons ou

l'apercevons immédiatement, la force de l'âme ne pourra

t. L'MshniMhm~taNieentrelemouvementet la formeprouveqtt'Artstotcn'attKpMcwt!M<'<lanaturedu rapportdelacause&t'ei&t,et qa'itle cen-

fon<MtavecceluidelaMbstaMeétendueau mode.(N.deB.)2. TomeM,paget2. (A.B.)

Page 340: Maine de Biran: Science et psychologie

M! t.'AM& DE MOSAC §B3

s'appliquer au corps, ou à quetques-unos de ses parties quesuivant certaines lois qu'elle ne peut changer, pas plus qu'ellene peut changer sa nature. Mais de ce que los lois Je t'MtMOH,d'après lesquelles t'ame déploie son activité, sont HApaMM~et immuablos, comme la toute-puissance qui les a établies, ilne s'ensuit nullement que ce que rame opère selon de teUealois et selon son activité essentielle soit M~eeMaH'eou non

~re, et qu'elle ne soit pas la propre cause efficiente desmouvemeata qu'eMe produit. C'est mal raisonner quede direL'âme n'eat pas la cause de son union avec te corps, ou des

rapports essentiels qui la lient à un corps; donc elle ne

peut être cause des mouvements produits dans le corps envertu de cette union. Quand on dit que la correspondancede certains mouvements libres avec les volontés de t'âmeest nécessaire, on ne peut donc entendre autre chose, sinon

que t'àme voulant tel mouvement, ce mouvement s'exécute al'instant suivant les lois nécessaires de l'union.

Mais l'âme ne veut que les mouvements dont ctto dispose,qui sont en son pouvoir; et, en les exécutant, elle sent qu'ellepourrait ne pas les faire, et vouloir et agir autrement qu'ellene le fait. Si elle était passive, comme dans les sensations etles mouvements M~MSMtM~,quand même ces mouvements

s'accompliraient à point nommé, au moment où l'âme les

désirerait, elle n'en sentirait pas moins qu'elle est nécessitée

par rapport à eux, qu'elle n'en est pas cause efficiente. Elle

pourrait, dans ce sens, chercher hors d'elle la véritable cause

qui ferait naître tout à la fois des désirs en elle et des mouve-ments dans son propre corps, en vertu d'une correspondancenécessaire et naturellement existante entre les uns et lesautres. Mais, comme les mouvements libres sont accompagnésdu sentiment immédiat d'un pouvoir moteur; que noussommes libres de les vouloir ou de ne pas les vouloir, quoiquenous ne puissions faire qu'ils ne soient pas exécutés au mêmeinstant que voulus, cette simultanéité du vouloir et du mou-vement étant une suite nécessaire ou l'expression même deslois de l'univers, comme enfin vouloir et agir ou mouvoir

Page 341: Maine de Biran: Science et psychologie

<«m~ M'RorN-ow~ fASMa~sSM

sont inséparables et identiques, quoique la métaphysique fasse

une distinction abstraite entre les doux', il s'ensuit que l'Ame

est la véritable et unique cause efBeiento des wnteim qu'ollocxéoote parte moyen du corps à qui elle est unio, et qa'eMene dépend qne d'eUe-même quant & cette espèce de modes

actifs, qaoiqa'elte d6pende d'autres forces quant à son e~s-

tence et aux modtncations passives du corps qu'elle anime.

Tout cela pose, on voit combien est mal fondé Fauteur du

?~Het~Ma~ ~MM~Mintime lorsqu'il a}onte. « Nousavons une

perception si vive de cette nécessité de la correspondance des

mouvements et des volontés, que nous noua irritons contre

ceux qui soutiennent qu'un mouvement libre que nous avons

donné à notre main, par exemple, n'est pas une suite de notre

volonté. Que faisons-nots alors ? Nous attribuons par une

erreur grossière la souveraine puissance à cette volonté.

Nous avons donc la perception d'une force dont l'effet est

infaillible, et que nous MHa~MMMMfaussement aotfs <~pa~-<<t!H' » Pourquoi faussement ? Si une expérience de sens

intime peut nous tromper, qu'est-ce qui sera vrai ? La force

dont l'effet est infaillible, dans l'état actuel, c'est nous-même,

qui ne sommes pas, il est vrai, causes de notre existence, ou

de l'union des deux étéments qui nous constituent, mais qui

f sommes bien causes premières de nos actions libres. Nous

n'attribuons point la souveraine puissance à notre volonté,

ou à nous-mêmes ce serait une erreur; mais nous attribuons

une puissance d'agir immédiatement sur le corps et par lui,

et si c'était une erreur, la persuasion intime de notre exis-

tence en serait une.

Mais, dit-on, la volonté de mouvoir n'est pas toujours exé-

t. La grandeerreur communeauxcartésienset aux autresphilosophes,c'est deséparerle vouloiret faction,et dechercherensuiteà lesMerl'unà

t'antrepar unMendétrangeret extérieurà l'âmetel quei'emcaced'unpou--voirdivin,été.Tandbqu'iln'y a reeNementaucunintermédiaireentrevouloirunmouvementett'exécuteretquee'uya quelquechosedecertainan monde,c'estque c'estie mêmeêtrequiveutet agit.Lacausedecetteerreurtient

la confusiondudésiravecie vouloir.(M.deB.)S. Tome tt, page 93. (A. B.)

Page 342: Maine de Biran: Science et psychologie

CEt.'Am~BRt.t6XAC 2M:

cutée, comme dans le paralytique, dans ceux qui ont perdnréaentment quelque membre, etc. Janiete fait. Le paralytiqued6sire la monvpmeot dont il se sanvMnt comme ayant été

autrefois en son pouvoir; il ne saurait te t'«M/<M*t'précisément

parce qu'il n'a pas le sentiment immédiat du poMpoH'ou de

reBbrt actuel. A mesure que les forces corporelles diminuent,et qno rame perd la conscience de son pouvoir immédiat, !n

volonté se restreint aussi il y a des tâtonnements, des vet-

léités, mais point de vouloirs décides et proprement dits.« Les mouvements libres quo nous tirons de notre corps

sont tout aussi dépendants des lois générâtes du mouvement

que ceux qui entretiennent la fM <MMHa/c.Le principe déter-

minant de ces actes libres, dont notre volonté n'est querocca-

sion, n'est compris, il est vrai, dans aucun des cas qui ren-ferment les lois générâtes il dépend de celles de l'union de

Famé et du corps mais tout ce qui forme l'exécution pleinedo notre volonté est dn &t'ofucace des lois générâtes qui sem.

Ment alors soumises à ce principe déterminant »

La matière de nos membres a des propriétés et des lois

communes avec celles de la matière en général. Ces lois

générales ne peuvent être changées entièrement par la force

de t'amo qui doit s'y conformer pour mouvoir le corps, mais

elles sont modinées par cette force, et ce qui constitue préci-sément les mouvements libres n'a rien de commun avec le

mécanisme matériel ou animal.Le principe déterminant est toujours un premier vouloir ou

acte libre. Il faut bien remonter jusque-là pour trouver lacause du premier mouvement mais nous n'y remontons que

parce que nous trouvons en HMMMH~MMSl'intelligence qui

opère par le vouloir, et si nous n'étions pas des causes libres,si nos vouloirs n'étaient pas efficaces, nous n'aurions pasl'idée de la ctuse ou volonté suprême.

« N'assurez pas que vos mains exécutent tel mouvement

parce que vous le voulez Vous connaissez donc natnreUe-

t. TomfH,p!)!:e«O.

Page 343: Maine de Biran: Science et psychologie

XMES M'K OC~QCfS fASSANE-*:")«

ment cette faculté d'agir par le vouloir, de produite des effets

physiques simplement an les voyant? Il n'est plus questionque de savoir où vous la sentez, Est-ce eu vous-mêmes?Examinez-vous de près et vous reconnaîtrez que votre volontéest de son fond impuissante. Cette faculté est cependant réelle,puisque vous la sentez. Cette cause est, pour la même raison,dana un Être tout aussi près de vous que vbua l'êtes de vous-mêmes, qui lie vos volontés, qui voit ce que vos organes per-mettent d'exécuter, qui met ea ouvre les moyens de vousfaire obéir par vos membres, moyens auxquels vous ne pensezpas, quevous ignorez, que vos désirs ne déterminent pas, et

qui pourtant doivent être détermines afin que vos volontéssoient satisfaites M

Tout ce qui est attribué ici à Dieu convi( at parfaitement aumoi qui veut et agit ou opère par le vouloir. Il ne saurait yavoir aucune bonne raison de lui ôter remcaco du vouloir

qu'it s'attribue par le fait de conscience en le transportant àun autre être. Je connais naturettemen), ou par expérienceintérieure, une faculté d'agir par le vouloir. On me demandeoù je la sens. Cette question est étrange. Comme si je pou-vais sentir quelque faculté comme m'Appartenant, ou faisant

partie essentielle de ma nature, ailleurs qu'on moi-même.D'une part, dit-on, cette faculté est réelle puisque je la

sens. Par là on reconnaît ce qui est bien vrai, savoir, que jene puis sentir aucune faculté en moi qui ne soit réelle. Si jesupposais une telle faculté dans un ètre différent de moi, jepourrais me tromper, et mes suppositions on inductions rai-sonnées ne sauraient jamais prouver la réalité d'une choseavec cette force d'évidence qu'emporte avec lui le sentimentintime. Mais, d'autre part, continue-t-on, en m'examinant de

près, je reconnais que ma volonté est de son fond impuis-sante. Qn'entend-on par cette impuissance au fond ? Mon pou-voir réel ne s'étend pas aussi loin que mes désirs ou que mat

conceptions. Lorsque j'agis, ou que je veux, d'après le sou-

t. TomeIl, paget55.

Page 344: Maine de Biran: Science et psychologie

t'R t.tMH~ Pt: UCNAC an?

venir ou l'idée d'un pouvoir quo je ne sens pas actuellement,ou dont je n'a! pas l'aperception immédiate ou intérieure, jepuis faire un effort impuissant, avoir des volontés, ou plutôtdes velléités inefncaoes, comme lorsqu'un semi-paralytiquefait OMortpour marcher ou parler, etc. Mais ces anomalies ouces excursions des désirs ou des idées d'un pouvoir imagi-naire au delà des bornes du pouvoir réel, ne prouvent pointdu tout que le sentiment de ce pouvoir réel me trompe, ou

que je n'agisse pas efficacement lorsque je sens mon actionefficace.

« La cause des mouvements de mon corps, convientM. Lignac, est aussi près de moi que je !e suis de moi-mêmeelle lit mes volontés, voit ce que mes organes peuvent exé-

cuter, met en œuvra ces organes, ou les instruments demotitité volontaire que je ne connais point, etc. « La causeefnciente des mouvements dont il s'agit est identinée avec

moi, puisque je la sens, et que je ne puis sentir que ce quiest en ?!<)!;ainsi cet être qu'on appelle Dieu ne serait pas dif-férent de moi-même je serais une partie intégrante, ou unemodification de cette substance unique, à peu près commel'entend Spinosa, en conservant néanmoins mon <M<&oMfMcA~,ce qui est assez difficile à concevoir. Mais c'est là faire une

hypothèse sans nécessité, puisque je ne conçois pas mieuxcomment un être intelligent, avec qui je suis identiBé par lesentiment de vouloir, sans l'être par la puissance effective,agit pour mouvoir mon corps, que je ne conçois comment agitla force propre à laquelle j'attribue l'efficace.

n est vrai que je ne pense pas aux moyens ou aux instru-ments de motilité, qne je les ignore même, ou que je n'en aiaucune idée objective, quoique j'aie le sentiment ou l'aper-ception intérieure de leur jeu, en tant que ma force motrice

s'y applique actuellement et continuellement dans l'état deveille. Mais ce n'est pas le jeu des nhriHes nerveuses ou mus-culaires, ce ne sont pas les moyens de mouvement que jeveux, c'est ce mouvement même ou la sensation insscaiaire

que je sens ou aperçois être en mon pouvoir, comme déter-

Page 345: Maine de Biran: Science et psychologie

:<<tTR~ Sun QHEtOtfKS fA~ACEO398

minée, non par te désir qu'un certain mouvement 8'aceom.

plisse hors de M)at,maia par la volonté oxpreaae qu'un mou-

vement ou qu'une aensation dont je dispaao librement a'exé-

eute.

C'est donc la sensation perçue dans des organes immédia-

tement subordonnés à une force motrice, qui est l'objet de

mon vouloir. Ja connais ou je perçois cette senaation je sais

par l'expérience intérieure ce que je veux, je le connais très

distinctement quand je me rends compte de mes mouvements

votontairea, quoique je ne m'en aperçoive paa toujours. Je ne

puia vouloir le jeu du cerveau et des nerfs comme moyens do

mouvements séparés de l'enet du vouloir parce que ces

moyens et cet euetaont simultanés, enveloppés dans le même

sentiment indivisible, et ne peuvent être distingues autrement

que par une abstraction de l'esprit, et non par aucune per-

ception particulière.Les mouvements volontaires de notre corps sont des moyens

que nous employons pour atteindre un but extérieur quel-

conque, ou nous donner certaines modifications qui ne sont

pas immédiatement en notre pouvoir, les modifications sont

alors les effets de la volonté par l'intermédiaire des mouve-

ments que l'individu aperçoit et veut. Mais lorsque l'on con-

sidère les mouvements mêmes par rapport &la volonté, il n'y

a point d'intermédiaire, puisque la force motrice se déploiesur le terme qu'elle sent, ou qui lui est immédiatement pré-sent par le sens intime.

Si l'on demandait pourquoi ce sens ne perçoit ou nerepré.sente pas son objet propre, il n'y a aucune autre chose à

répondre sinon que cet objet n'est pas de nature à être repré-senté hors du moi, comme les sons, les odeurs, etc.

Il ne faut pas demander pourquoi ce sens ne connaît passes moyens d'exercice, ou les instruments matériels qui con-

courent à son exercice; car il a cela de commun avec tous les

sens. L'œil ne se voit pas lui-même, mais l'objet extérieur

est vu. Le sens musculaire ne perçoit pas le jeu de ses propres

fibres, mais le moi en aperçoit immédiatement le résultat

Page 346: Maine de Biran: Science et psychologie

n,

t'R t.'AM)~ t)t! M(!SAf: 8M)

dans la sensation qui accompagne la contraction ou la com-

motion des muscles, été.

«!<e sentiment intérieur, dit très bien Bonnet'nous con-

vainc de la /iM*cemotrice de l'âme, et cette preuve est d'une

évidence première qu'on tenterait vainement d'aCaiMir. M

L'auteur du !WMe~H<t~<'dit sens tM~'medemande à ce sujet ce

qu'entend Bonnet par cette force, qu'il attrihae à l'Ame, de

remuer nos membres. '< Je n'en sais rien, dit-il, ce serait &

lui à nous rapprendre. <' N'est-ce pas comme si l'on deman-

dait ce qu'on entend par la faculté de voir, d'entendre, de

sentir le plaisir ou la doutaut. Est-ce que ces îacu!t~ se défi-

nissent autrement que par leur exercice, ou par eUes-mêmes?

Peut-on en donner ridée par des paroles ?Sans doute Bonnet n'a pas été fondé à dire que nous igno-

rons profondément ce que c'est que force, activité, que ces

termesontétéinventéspourexprimerseutementdes effets, etc.,

que notre propre force, celle qui s'oxèrce sur notre corps,cette force qui est nous-mêmes, nous est aussi inconnue quetout autre. Bonnet entend par !a que nullo force (y comprisla notre) ne se manifeste que par ses effets, qui son~des mou-

vements qu'il nous est impossible de nous faire une idée "u

une image de notre propre force, bu de la connattre objecti-eeme~ comme un phénomène extérieur ou /bnMe~meM<comme chose en soi. Cela est vrai, mais cela n'empêche pas

que nous ne connaissions très manifestement, et avec une

évidence supérieure cette force, par le sentiment intime de

son exercice actuel, et que nous n'ayons par là même la

notion implicite de sa réalité absolue, de l'existence de la

force, indépendante même de ce sentiment actuel qui accom-

pagne son exercice. Ces notions implicites jointes an senti-

ment et &tout ce qui a pour notre esprit le caractère de fait,ont été négligées par les psychologistes modernes, qui n~en

ont tenu aucun compte dans leurs doctrines, dont la tendance

est ainsi toute sceptique ou idéaliste. Cependant de telles

i. CMparUfMM.TomeH.pagp<5!.(A.B.)

Page 347: Maine de Biran: Science et psychologie

XMEaafM QVEtQfESPASSAGE300

notions implicites étant abstraites des faita de perception oude sentiment, et notées aéparément au moyen dea signes(moyens exclusifs de leurs conceptions) représentent à l'esprittout ce qu'il y a de réel dans nos connaissances les êtres, lessubstances et les causes, dont noua croyons nécessairementl'existence et la réalité permanentes, quoique nous ne puis-sions les imaginer ni les sentir dans cet état d'isolation, maisseulement dans le concret, avec les phenomenea, ou dans les

relations qui caractérisent tout ce que nous appelons faitsextencMTSf'a intérieurs.

L'auteur du Témoignage ~Msens intime rétorque trea biencontre Bonnet ce qu'il a dit de la force, en tant que ce signen'exprimerait pour nous que les effets inséparables d'elle.« Car, ainsi dit l'auteur, notre propre force ne serait qu'uneffet, savoir, l'obéissance de nos membres à nos volontés.Maisoutre l'avertissement secret de la docitité de nos membres,le sens intime no nous apprend-il pas de plus que cet e~suit H~cessat~emeM~notre ooM/OM'.

« Le sens intime (continue l'auteur) renferme d'abordl'union de notre âme et de notre corps, non comme un effetde notre vouloir, mais comme l'effet d'une cause extérieure* ».Je nie absolument cette proposition. Ce que nous appelons lesens intime comprend deux termes ou éléments indivisibles

quoique distincts l'effort (cause) et la sensation musculaire

(effet). La notion de l'âme et celle du corps sont implicitementrenfermées dans ce sentiment intime, et l'union des deuxêtres absolus est exprimée par la relation des deux élémentsdu même fait de conscience mais l'union de l'âme et du

corps, en tant qu'elle est renfermée dans le sens intime, ne

peut être que l'aperception interne que la force motrice a

d'elle-même, comme s'exerçant actuellement sur un corpsorganisé sensible ou aSectible. Cette union est le fait du sensintime qui emporte avec lui la causalité du moi, maia qui ne

peut être connue comme effet d'aucune cause extérieure. D

i. TomeM,paget99.

Page 348: Maine de Biran: Science et psychologie

ht: t.'A))f6<? MOMAC 3M

est Mfaux que te MM),qui n'existe pour tni-même qu'~ titrede €<n<Mse sente lui-même comme effet d'uno autre cause

supérieure~ qu'il ne peut concevoir au contraire de cause

extérieure à lui que d'après le fait de fa propre causalité, et

lorsqu'il est parvenu à cotte abstraction ou notion de

fea~pMee ou de f~<f séparé du sentiment individuel de son

être p'opre, toujours concret avec la relation première de la

cause à i'fnet.« C'est en conséquence de notre union avec tel corps indi-

viduel que nos membres nous obéissent, mais cette union

est formée par la toi de l'Etre qui opère par le vouloir' ».

Dites que le sentiment de cette union est identique à celui

qu'a de tui-meme l'individu qui sont qu'il opère par le

vouloir.« L'obéissance de nos membres est donc encore l'effet de

même toi, et c'est ce que nous dit le sens intime » Le sens

intime nous dit que nos membres passifs et inertes par eux-

mêmes obéissent à une force active qui les meut, avec le

sentiment immédiat de son action. Mais l'idée ou la notion

de la toi, en vertu de laquelle cette activité d'une part et cette

obéissance de l'autre peuvent avoir lieu, n'est point comprisedans le témoignage du sens intime. Nous sentons qu'il y a en

nous, dans le même être individuel, action et passion; que la

partie passive obéit à la partie active et nous pouvons le

sentir ainsi toute notre vie sans songer un instant qu'il yait une loi dont l'obéissance de nos membres soit t'enet, etc.

« Le corps par ses mouvements n'est point la cause

extérieure et prochaine de nos perceptions » Le corpsn'étant doué par lui-même d'aucune activité, n'est cause de

rien il est seulement le siège ou le lieu où nous percevonscertaines modifications sensibles, déterminées par des causes

ou forces actives conçues à l'instar de notre force propre.

i. TomeH,pageM9.S.TomeU,paget80.3.TomeH,paget6t.

Page 349: Maine de Biran: Science et psychologie

KME8SUROBM.WESFAS8M.E8303

« De même les volontés de i'ame ne sont paa les causes

proprement dites des changements qu'elles cocaaionneat dansle cerveau, et par suite dans les membres, etc.

L'âme ou la force qui opère par des volontés sur les mem-

bres, d'une manière inconnue, est la cause des changementsou mouvements qui s'y effectuent, en tant qu'eue se lesattribue comme des effets dépendants de son action et de son

pouvoir seul. Il ne s'agit pas ici de ce qui est vrai absolumentou et!M:, indépendamment du sentiment ou de la conscience,mais de ce qui est vrai pour la conscience. Et comment

pourrions-nous croire ou démontrer qu'une vérité primitivede conscience soit opposée à la vérité absolue? Tout le

système de l'abbé de Lignao porte sur la confusion qu'il faitsans cesse des vérités premières de sens intime, dont lecaractère est essentiellement relatif avec des notionsabsolues qu'il prétend faussement être renfermées dans lesens intime.

« La loi de l'union est la volonté de l'intelligence suprême.Donc les effets qui suivent de cette loi, les mouvements denotre corps, n'ont d'autre cause efficiente que cette volonté'n.Voilà des propositions absolues qui consistent à afurmer ce

qui est, en mettant à l'écart ce que nous sentons; ce n'estdonc pas une philosophie fondée sur le MMM~me.

L'auteur nie expressément la force motrice de l'Ame. Sui-vant lui c'est une chimère scolastique, et voici le raisonne-ment qu'il fait pour le prouver: « Si ta K~ees~ de corres-pondance entre le mouvement de mon bras et mon vouloirvient immédiatement de ma volonté, il est hors de doute queje ne puis m'empêcher de reconnattre en moi une forcemotrice mais si cette nécessité dépend de lois que je n'ai

point faites, auxquelles je suis soumis, la force motrice estdans la loi ou l'auteur de la loi, etc. a.

Une force se déploie sur un corps d'après certaines lois oni. Tomett, pagei6t.&TomeH,pagei63.8. Tome H, page 163

Page 350: Maine de Biran: Science et psychologie

PE t,'ABB6DE t.MSAC 303

rapports qui existent entra elle et te corps, et qui aentmeme

des conséqueneea nécessaires de la nature, ou de l'essence de

la force, et de son terme d'application. Parce que cette

essence, ces rapports ou ces lois ne sont point loa effets de la

force qui opère d'âpres eux, niera-t-on qu'elle opère ? Et sur

quoi pourra se fonder cette étrange négation? Dieu lui-même

ne peut agir que selon son essence combinée avec celle des

êtres sur lesquels il agit, et d'après des rapports qui unissent

ces êtres à lui, et les rendent passibles de son action. Niera-

t-on pour oela que Dieu opère en se conformant à ces lois?

Notre activité est bornée, s'ensuit-il qu'eue n'existe pas?« La faculté de vouloir, avait dit Ch. Bonnet', ne suppose

pas toujours la faculté de WOMCOM'on peut vouloir des choses

auxquelles l'activité de l'âme ne s'étend point. e Sur quoil'auteur remarque qu'on veut ce qu'on ne peut point précisé-ment parce que l'état des fibres nerveuses est inconnu, etc.

Bonnet a confondu comme les autres le désir, la préférenceavec le vouloir. La faculté de vouloir suppose si bien celle

de mouvoir que l'une est identique à l'autre la volonté et le

pouvoir réel, ou le sentiment de ce pouvoir, ont même

étendue, mêmes limites. Un être qui n'aurait pas le sentiment

immédiat d'une énergie ou d'une tendance, d'un pouvoirmoteur, ne voudrait pas le mouvement, et pour cela il n'a

pas besoin de connaître objectivement les fibres nerveuses ni

leur disposition; il lui suffit de sentir immédiatement cette

disposition, ce qui est bien différent de les connattre comme

objets.Je vois une machine, et après m'être fait une idée exacte

de ses ressorts divers, ou de la manière dont ils jouent, je

juge qu'en poussant telles pièces~ je pourrai mettre la machine

en mouvement. Supposez que lorsque je forme le désir que le

ressort soit poussé, une puissance quelconque la mette en jeu,et que la machine joue comme je le souhaite sans que j'aiebesoin d'agir voilà ce que serait i'àme par rapputt au corps

t. CMparLtgtMC.TomeH,page<65.(.1.B.)

Page 351: Maine de Biran: Science et psychologie

NOTES SUR QCELQCES PA89AGES3M

si elle ne la connaissait que comme objet, si elle n'avait pasde force motrice, et que aon désir f~t simplement foeeast<tHdu mouvement. Sans doute, pour désirer que le ressort soitmu de telle manière, il faut le connaître, il faut avoir l'expé-rience de ce qui doit arriver dans la machine, mais il n'y a làrien qui puisse être comparé à l'aperception immédiate duvouloir et du pouvoir moteur dans l'&me unie au corps, sur

qui elle déploie un effort senti et qui compose avec elle unmême tout.

La machine étrangère et moi sommes des êtres séparesmon corps et moi ne faisons qu'un. Je ne puis le connaîtrecomme objet en tant que j'agis immédiatement sur lui et parlui, de même que je ne puis sentir immédiatement le pouvoirmédiat que j'ai sur la machine, en tant que je la connaiscomme un objet différent de moi-même.

« C'ost la manie de notre siècle, observe l'auteur, de dire

que nous ne connaissons pas notre âme, quoique nous noussentions exister, que nous distinguions en nous ce qui est

~MMM~de ce qui est <?< et que nous ne puissions nous

prendre pour un autre individu a.Cela est vrai parce qu'on ne distingue qu'une manière de

coMHa~ par perception externe on imagination, et qu'onexclut de la connaissance l'aperception interne et la rénexion.Mais l'auteur favorise lui-même cette illusion, lorsqu'ilaffirme que nous ne connaissons pas le terme immédiat del'activité de famé, ou les fibres nerveuses, parce que nous ne

pouvons les percevoir à la manière des ubjets.La volonté et la force motrice sont-elles deux facultés

diBérentes, dont la seconde soit subordonnée à la premièreseulement dans certains cas, et non point dans d'autres, tels

que ceux des fonctions vitales qui s'exerceraient toujours parTinSuence de la même /<M'eemotrice, mais sans la volonté.Voilà le doute de Bonnet à quoi l'auteur répond très bien« Si r&ote avait une forée motrice diuëtentt; de la volonté,

t. TomeH,paget66.

Page 352: Maine de Biran: Science et psychologie

CE !ABB~ DE UG!tAC 305

elle pourrait en effet opérer tous les phénoMenef de l'économieanimale <axs le savoir. Mais sur quoi pourrait-on se fonder ence cas pour juger quee'est elle qui produit ces phénomènes?.)Ici l'on avoue que nous n'avons d'autre ett~M«H pour jugersi l'âme produit ou ne produit pas tels ofFets,que la conscienced'un vouloir efficace ou le sens intime d'un effort; mais

pourquoi nie-t-on d'un ~autre côté cette efficace du vouloirquand nous le sentons ou l'apercevons intérieurement ?

« L'&me, dit Bonnet, n'a point le MH<MMeM<de la mécaniqueet du jeu des organes sur lesquels elle agit librement, parcela même ~K'e~eagit sur ces organes ». (Je dirais L'âme n'apoint le sentiment et non pas l'idée objective de la mécanique.)« Cette action n'est point une idée. » (Je dirais: Ce sentimentn'est point une idée) « C'est un mouvement communiqué n(Dites C'est le résultat d'un mouvement connu) « Un degréde force transmis tout ce que l'Ame en connaît, et queInexpérience (intérieure) lui enseigne, c'est le point du senso-rium (Dites Le lieu du corps vers lequel elle doit dirigerson action.) L'amo no connaît ce lieu que par la résistanceque son action y éprouve, or le sonsorimn, le point du cer-veau quelconque, d'où l'âme exerce son action, ne résiste pas.L'&me a dans la sensation musculaire le sentiment du résultatde la mécanique et du jeu des organes sur lesquels elle agitlibrement, ou en tant qu'elle en est cause; elle n'a point lesentiment de cette mécanique ou de ce jeu, pas plus qu'ellen'a le sentiment des vibrations excitées dans l'air par lecorps sonore et communiquées aux fibres de la lame spirale,ou du choc des rayons lumineux sur la rétine; et il est bienévident que si l'âme percevait en dehors ces vibrations ou cejeu des rayons et des fibres, elle ne saurait avoir en mêmetemps la conscience des impressions qui en résultent. AinsiBonnet ne s'exprime pas exactement quand il dit L'&men'a pas le sentiment de la mécanique ni du jeu des or-ganes sur lesquels elle agit librement par cela même qu'elleagit sur eux; car on ne voit point du tout comment l'actionexercée par l'âme sur un terme organique exclut le sentiment

20

Page 353: Maine de Biran: Science et psychologie

XOTESsuit QUEt.QCtSPASSAGES3<Mt

do ce qai ao passe dans ce terme. tout au contraire s'il y a

quelque moyen deconnaître ce qui se passe dans un organe, e'esten tant qu'elle agirait sur lai. Mais l'âme ou le moi ala cons-

cience de l'effort, le sentiment de la présence du terme inerteet mobile sur lequel son action se déploie immédiatement.

Do ce que cette action est immédiate, il s'ensuit bien quel'amo n'a pas l'idée on la perception do son effort commed'nn objet mais de ce que le terme lui est immédiatement

présent, quo sans lui il n'y aurait point d'effort senti, ou quel'amo n'aurait pas l'aperception interne d'eue-mêmo comme

force motrice, il s'ensuit aussi qu'elle a le sentiment do la

présence, ou <h la coexistence de l'organe sur lequel elle agitlibrement, par cela m&moqu'elle agit sur lui.

Elle no peut avoir le sentiment do la mécanique ni du jeudes fibres do cet organe, car Famé n'a le sentiment immédiat

que d'eUe-mëme, en tant qu'elle agit, ou des modes de sonactivité essentielle. Elle a aussi le sentiment médiat des

pro Mta de 'on action, en tant qu'eHe les localise dans le

corps auquel elle est unie et en qui seul elle sent ou aperçoitintérieurement ce qu'elle opère par le vouloir.

C'est par une faculté toute différente de celle d'agir quiconstitue son essence que i'&me perçoit ou se représente ce

qui est hors d'elle dans un espace extérieur et c'est ainsi

qu'elle pourrait se représenter un mécanisme ou un jeu defibres yt<e&<Mt~Me.Cette représentation est une 'We objectivequi exclut le sentiment immédiat ou d'aperception interne,

puisque l'âme étant une force simple, n'a en elle-même rien

-pn ressemble à un mécanisme .ou à un composé de pièces et

ressorts. Toute idée da mécanisme représente des choses

extérieures l'Ame, et le corps propre, en tant qu'il est senti

ou aperçu intérieurement .par l'&me comme son objetimmédiat, n'est point extérieur à elle, ou étranger comme le

vaisseau l'est par rapport au pilote qni le conduit, à l'aide dutoucher ou de la vue, par la connaissance vraiment objective

qu'il a des diverses pièces et du jeu de la machine sur laquelleilagitmédiatement.

Page 354: Maine de Biran: Science et psychologie

M t.N)Ë CE MCSAC 307

Toutes les erreurs et les mécomptes viennent donc ici deM pas distinguer !a caractère du sentiment immédiat, ou del'aperception interne que l'âme a d'oMe-méme en tant qu'elteagit librement sur certaines parties du corps organisé, et enmême temps de ces parties, en tant qu'elles curent à l'actionde rAme ce degré d'inertie ou de résistance qui rend l'actionelle-même aperceptible avec son terme, de ne pas distinguer,dis-je, ce sentiment interne de l'âme et de son unionsubstantielle avec le corps, qui constitue avec elle un seul etmême individu, de l'idée élective que nous avons de notre

corps et des ditférentes parties qui le composent comme d'unechose étrangère, extérieure à l'individu, ou séparée de lui.

Cela posé, nous dirons L'âme a le sentiment MHH!<f<6<t<del'inertie et du mouvement des organes sur lesquels elle agitlibrement, et elle n'en a point l'idée ou la perception externepar cela qu'elle agit sur eux, et qu'elle a le sentiment do leurprésence.

Le sens du passage de la psychologie de Bonnet étant ainsirectiué, nous pouvons mieux apprécier les objections de l'au.teur du Témoignage dessens !H<MMecontre ce passage.

« L'action de rame n'est point une idée, » disait Bonnet.C'est une idée ou une notion en tant que nous concevons uneforce agissante et absolue de l'Ame autre que celle de notremoi actuel. Dans ce dernier cas, c'est un sentiment. Le clave-ciniste n'a pas besoin de connaître le mécanisme de son ins-trument pour en jouer, et cette connaissance ne ferait pasqu'il jouât mieux. L'&me pourrait connaître la structure ducerveau, des nerfs et des muscles, sans mieux mouvoir. Mais,sans connaître cette structure, elle pourrait voir intérieure-ment ces fibres, comme le claveciniste voit et touche le cla-vier, et avoir en même temps la conscience du résultat du jeudes pièces mais cette connaissance objective serait toujoursdiBérente du sentiment interne de l'action.

« L'Amea-t-elle une perception de cette action prétendueou bien l'action n'est-elle point comprise dans son sens in-time ? Dans ce dernier cas, elle n'appartient point à l'âme

Page 355: Maine de Biran: Science et psychologie

SOTES SUR QUNMCES PA8SA(.EStM*tM«

(conceda). Dans le premier cas, l'action étant l'objet d'uneperception, c'est une idée dans le sens de l'autour H(MMa).L'action ne peut être l'objet d'une perception, comme le mou-vement ou la changement successif d'an corps d'un lieu dansun autre. Mais l'action voulue est une aperception interne del'&me, dans laquelle le sujet et l'objet sont complètementidentités, et le mouvement, on la contraction musculaire quiest i'eMetde cotte action, ne peut être dit l'objet de la percep-tion ou du sentiment, car le sentiment n'a point d'objet.

Le mouvement senti, dans les organes mobiles à volonté,n'eat pas le mouvement perçu ou représenté dans un corpsétranger qui va d'un lieu à un autre. Le degré de force trans-mis à un organe sur lequel l'effort se déploie, n'est pas unchoc ou un mouvement communiqué de corps à corps. Onerre en voulant comparer ici dos choses incomparables, dessentiments avec des idées.

« Consultons le sens intime, dit l'auteur, il nous annonceune correspondance nécessaire d'obéissance de la part de nosmembres à notre volonté*. a Cette correspondance est l'objetd'une idée acquise d'un jugement abstrait, elle n'est point unsentiment nous ne percevons point d'abord distinctement le

jeu de nos membres, et les opérations de notre volonté commedeux choses séparées, ainsi que le pilote perçoit les mouve-ments du vaisseau qu'il dirige mais nous avons une sensa-tion musculaire qui correspond constamment à notre volonté,et ces deux éléments du même fait de sens intime, de l'effort,sont distincts sans être séparés. La correspondance ou l'obéis-sance de l'un à l'autre est donc un fait qui porte avec lui sacause, et le sens intime n'en reconnaît pas de plus élevé. Cen'est qu'autant que nous avons acquis par abstraction la no-tion séparée d'&meet de corps que nous concevons les loisd'une correspondance entre les deux substances, ou entreune force et une substance, et que nous reconnaissons que

i. TomeM,pageH4.TomeM,pageHS.

Page 356: Maine de Biran: Science et psychologie

M; t.'AM)& DE MQS&C S09

cette relation, dans laquelle consiste notre existence tout en-

tière, doit avoir une cause qui est aux existences individuelles

ce que notre volonté est aux phénomènes ou aux mouvements

qu'elle détermine a commencer. Le sens intime seul ne re-

monterait donc point à la cause de l'union, puisqu'il sortirait

de lui-même, et cesserait d'être le sens intime.

Nous sentons en noua une force, on plutôt noua noua sen-

tons nous-mêmes comme une force qui opère par le vouloir,et c'est d'après ce sentiment intime de notre causalité que la

raison se forme l'idée d'abord de force physique, puis docause

universelle intelligente. La force individuelle qui opère par le

vouloir n'opère que sous certaines conditions ou d'après cer-

taines lois. Ces considérations et ces lois sont celles de notre

existence elles se fondent sur l'essence même de la force

vivante, avec laquelle le moi est identifié, combinée aveoceMe

du corps organique sur laquelle cette force se déploie natu-

rellement. Lorsque les rapports naturels qui doivent exister

entre la force motrice et les organes sont altérés, ou que les

conditions organiques do la réceptivité do l'impulsion sont

changées, le vouloir n'est plus efncace, ou même il n'y a plusde vouloir conclura-t-on de là que, sous l'empire des lois

naturelles de l'union, la volonté n'agisse réellement pas, ou

que son action ne soit pas efncace?

Suivant l'auteur du Témoignage <~Msens <K<MMe,il n'y a de

cause efnciente que celle qui opère par le vouloir d'une ma-

nière absolue, sans être limitée par aucune loi, puisque c'est

elle qui les a faites et tout être qui dépend d'un autre quantà son essence, ou à son existence, dépend sous tons les rap-

ports, il est passif. C'est contrarier, dans un point de vue

systématique, le sens intime qu'on invoque. Est-ce que la

cause suprême, telle que nous la concevons, n'agit pas aussi

d'après son essence combinée avec celle des êtres qui souf-

frent son action, et cela empêche-t-il qu'elle opère par le

vouloir?« On n'a point d'idée, dit l'auteur, de cause, de puissance,

de force, de possibilité, quand on ne connaît point une intel-

Page 357: Maine de Biran: Science et psychologie

KOT~SSM QUELQUESPASSAOKSste

tigence qui effectue en voûtant*. '<Je t'accorde mais je suis

assuré, par te sens intime~ que l'idée de cette intelligence quiopère en voûtant est toute prise en moi-même, et que c'est

par cette idée particulière de mon individualité, en tant queje me reconnais une intelligence qui opère par le vouloir,que je puis remonter jusqu'à la notion de t'emcacede la vo.lonté suprême du législateur de la nature. Ce n'est pas on luique réside ma /o~p~a~, quoiqu'il soit la raison de ce quej'existe ou que j'ai une force.

Est-il nécessaire qu'une intelligence ait prévu ou établicertaines lois entre les êtres pour que ces lois existent ousoient rigoureusement observées? Los lois ne sont que les

rapports des êtres ces rapports résultent de ce que ces êtressont on eux-mêmes ils sont dérivés de leur essence simpleou combinée. Est-il nécessaire que cette essence ait unecause? Supposé que ta gravité assujettie à la loi du quarrédes distances, soit de l'essence de la matière la pierre netomberait-elle pas [nécessairement, sans qu'it soit Ibesoindo remonter à une intelligence qui connaisse la loi dont ils'agit, et qui opère d'après elle par le vouloir? L'auteur du

TWtHo~Keyedu MtMintime aurait dû au moins fournir cettepreuve.

« Si nos premiers soins, en commençant & raisonner,avaient pour objet l'analyse de notre sens intime, deux vé-rités antérieures à tout raisonnement, et, par conséquent, indé-pendantes de lui, se présenteraient à nous, savoir, la réalitéde notre existence et la réalité d'une cause qui nous faitexister et qui détermine nos manières d'être; car nous noussentons un effet et dans le fond et dans tes manières de notreêtre; or se sentir un effet, et sentir une cause présente, c'estla même chose'. »

J'observe ce qui suit sur ce passage très remarquablei° Le sens intime nous atteste avec une évidence première

i. Tomen, txtgene.2. Tome n, page tS9.

Page 358: Maine de Biran: Science et psychologie

CE<*ABB)6BRUaNM 3H

et supérieure à tout raisonnement la réalité de notre existence

identique à colle d'âne cause de mouvement, qui opère par !e

vouloir, puisque cette cause est <Ha<.L'existence et la causa-lité personnelle étant le fait primitif ou la première donnéede toute acience, n'admet aucune idée de cause au-dessus

d'elle, et ai la réalité d'une cause qui le fait exister lui étaitimmédiatement présente avec le sentiment de son existence,celle-ci ne serait pas pour lui le fait primitif mais bien secon-daire oa dérivé. D'un autre côté, la réalité de la cause del'existence étant étrangère au moi et supérieure à lui, ne serait

point un fait de sens intime ou de conscience, cetui-ci neserait donc pas la première vérité, t'être pensant, apercevraitquelque chose qui n'est pas lui, dont il dépend, avant de

s'apercevoir lui-même, et il ne faudrait pas dire que le sensintime nous atteste la réalité d'une cause de l'existence

2° La même cause ou force qui existe pour eUe-mêmedétermine aussi certaines mani~a d'être d'ette-mêmo ou du

corps sur lequel elle agit sans le concours d'aucune autrecause. Il n'est donc pas vrai que nous sentions d'abord uneffet. Au contraire, nous nous sentons une cause dans le fondde notre être voulant et agissant, et dans les manières d'être

qui dépendent du vouloir et de l'acte primitif;3*Il y a des modes passifs de notre être sous lesquels nous

nous sentons réellement comme des effets dépendants d'une

cause qui n'est pas nous. Sentir des modes comme effets, cen'est pas sentir une cause présente, car nous ne pouvonssentir ou apercevoir immédiatement d'autre* cause que le

moi; mais c'est avoir t'M~e ou la notion plus ou moins con-fuse d'une cause étrangère

4° Cette notion est induite du sentiment intime de notre

propre activité ou causalité, et ne peut lui être antérieureelle ne natlrait point sans ce sentiment du mo!<:<!MM;

S*Ce n'est qu'après nous être élevés par l'abstraction, et àl'aide des signes, jusqu'à la notion de l'être absolu, desnoumènes appelés dme et corps, ou du composé des deux, quenous concevons une existence sans moi, sans aperceptions

Page 359: Maine de Biran: Science et psychologie

XOTE3 8UH <}rE).QUK3 PAS8ACK83)9

on sentiment, et c'est alors aussi que considérant cette exis-tence individuelle comme contingente, temporaire, notre

esprit remonte jusqu'à une cause efficiente, néaeaaaire, éter-

nolle, qui a réalisé t'être contingent. Mais il est bien évident

que cette conception est prise tout à fait hors des limites dusens intime, pour qui rien n'existe qu'individuellement et

intérieurement, loin d'être renfermée en lui. Noua sentonsnotre passivité ou notre dépendance à l'égard des causesextérieures quant à certains modes de notre existence sensi-

tive, opposés aux modes résultant de notre activité, mais non

pas quant au fond de notre être pensant qui ne s'aperçoitqu'en tant qu'il est actif, cause libre, et partant indépendantdo l'action do toute autre cause. Il faut s'être élevé par larénexion et l'abstraction jusqu'à la notion de l'essence pourconcevoir que n'étant pas nous-mêmes les auteurs de cette

essence, cite dépend d'une cause suprême qui est à l'essenceet à l'existence qui ont un commencement ce que notre âme,force motrice, est aux mouvements qu'elle fait commencerdans le corps.

Cela posé, si l'on disait que nous sentons la présence do ladivinité dans le sens intime de notre existence, et la cons-cience de nos sensations, il faudrait reconnattre au moins

que c'est senlement dans la conscience des sensations oumodifications passives, qui sont toutes des relations à unecause non moi. C'est cette cause qui serait Dieu, dont l'idéeserait aussi induite du sentiment même de notre être actif,ou de i'aperMption intérieure de la force qui commence lemouvement.

Le sentiment de la présence d'une force en exercice, quiopère par le vouloir, peut être dit inné non point à l'âmemais à l'homme, en tant qu'il commence à exister pour lui-même, en commençant à agir ou à mouvoir; mais l'idée ou lanotion de force de cause, en général, résultant de la réuexionfaite sur l'exercice de la force n'est point inné parce que larénexion ne l'est pas.

Ceux qui prennent pour l'idée de I'<btMle sentiment du

Page 360: Maine de Biran: Science et psychologie

M: L'Aff~ Pt! UNSAC ?i3

niai ou celui do l'effort, qui renferme aécesaairement celui dola présence ou de la coexiatenw du corps peuvent dire quel'idée de l'Ame est innée, en ça sens que le moi est t~ Ini-même, ou que l'aperecption immédiate intérieure de t'cxistence de l'homme est inné à l'homme, puisque c'est elle quiconstitue son individualité, Mais c'est à tort qu'on appelleidée le sentiment immédiat de l'existence individuelle ou dumoi, car l'idée suppose toujours un exercice actuel de l'atten-tion libre et reftéchie de la part du sujet, et un caractèreuniversel de la part de l'objet. Ainsi, quoique pendant tout letemps que la veille dure l'individu ait le sentiment de sonexistence, par l'elfort constant et non intentionné exercé surle corps, il n'y a d'idée de moi distincte qu'autant qu'il y aun exercice de l'ettort voulu et réuéchi. Do même le fait deconscience ou de sens intime ne peut être considéré commeidée dans l'enfance et jusqu'à ce que l'individu se fasse de laforce, ou de la causalité propre qu'il sent ou aperçoit immé-diatement en lui-même un modèle imitable à l'imini, sous

lequel il conçoit par induction des causes extérieures a lui,et sous l'action desquelles il est passif, ou d'autres forces

intelligentes, semblables à la sienne, et opérant de même parle vouloir.

On peut donc appliquer au moi humain ce que Malebranchcdit de l'âme, qu'il ne se connaît point par idée ou commeobjet. Ce n'est pas en conséquence d'une idée, ou notioninnée de la substance ou de la cause, que nous nous sentonsexister; mais, au contraire, c'est parce que nous avons d'abordle sentiment immédiat de l'existence individuelle, que nousacquérons, par la réSexion et l'abstraction, la notion univer-selle d'existence, de force, de causalité.

Il suit de là que, pour en finir sur cette question tantrabattue des idées innées, il n'y aurait qu'à faire voir d'aborden quoi consiste la personnalité directe, et comment le sen-timent du moi devenant l'idée individuelle du moi distinctdes autfes existences par réSexion, donne lieu ettStt &!&notion universelle de l'être, de la substance et de la causalité

Page 361: Maine de Biran: Science et psychologie

NOTESsun OUEMUB3PASStOESM4

formée par l'abstraction. C'est par là seulement que la philo-sophie de Descartes et de Leibnitz peut être ramenée à ses

véritables principes, c'est-à.dire aux faits primitifs du sens

intime.

L'idée du MMn'est point originairement une abstraction,mais elle devient une abstraction, ou une véritable notion

abstraite, des qu'on cesse de faire attention au sujet individuel,d'oa l'idée de force et de cause a été tirée, et que l'esprit ne

s'attache plus qu'au fondement même de la relation, exprimé

par les signes eaMM/t~, force, ou à l'un des termes, conçu

primitivement, en relation avec un phénomène, puis isolé de

phénomène particulier.L'homme sent qu'il existe, et il exprime ce fait de cons-

cience par une proposition énonciative ou le sujet et l'attribut

réellement indivisibles l'un de l'autre par la pensée, sont

notés chacun par un signe séparé, j'existe ou moi existence.

Sous ce mot existence ou être, il comprendra tout ce qu'ilconçoit, &partir de son être propre, jusqu'à l'être souverain.L'acte de réflexion fait pour ainsi dire ressortir du sentiment

de moi, autant d'idées d'attributs, d'abord individuels, et qui

prennent de même le caractère universel et objectif de

no~MMM,dès qu'ils sont notés séparément, ou abstraits du moi

qui les pense c'est ainsi que nous formons les notions d'in-

telligence, de volonté, etc.

L'abstraction qui crée ainsi des sujets logiques, ou pure-ment artificiels, donne lieu à cette multitude d'illusions quifont confondre de prétendus êtres de raison avec de véritablesêtres métaphysiques.

On donne le même nom de substance à l'objet permanentqui se manifeste par l'étendue et l'inertie, et au sujet, on à laforce durable qui se manifeste par des effets ou phénomènestransitoires qu'elle produit dans l'espace et le temps, et quine commenceraient pas sans elle. Mais quand on dit que lasubstance peut être étendue ou inétendne, sensible on insen-

sible, spirituelle on matérielle, on ne s'aperçoit pas que le

sujet commun de ces attributs opposés est purement logique.

Page 362: Maine de Biran: Science et psychologie

CEt.'ABB&M HNXAC SÏ5La matière substance étendue, inerte, n'a point avec l'~iMforce agissante, ou cause de mouvement,'un fond communsur lequelpuisse être entée l'intelligence ou l'activité. L'esprit,la force qui agit ou opère par Je vouloir, n'a point, avec lamatière substance qui résiste, un fond commun auquel l'in-

telligence et l'action puissent convenir.C'est dans le sens intime de l'effort et de la présence du

terme étendu, inerte, par qui il s'exerce que nous apercevonsconfusément les attributs universels de la substance et de lacause; c'est de cette source unique que la réflexion tire tesnotions distinctes de ces attributs. Descartes et Leibnitz ontméconnu cette filiation, et parce qu'ils ne voyaient pas com-ment les notions dont il s'agit, se rattachaient au fait primitifde conscience, ils ont dit qu'elles étaient innées, comme l'idéede nous-mêmes ou de notre Ame. Mais le sentiment de nous-mêmes ou de notre moin'est pas i'idée de l'âme, et l'apercep-tion immédiate de l'existence individuelle n'est pas la notionde l'être universel, quoique celle-ci en soit déduite parabstraction.

Si l'idée ou l'aperception réelle du moi individuel, obtenue

par réCexion, n'est pas une abstraction comme une autre,elle est encore moins une image. Les intuitions sensibles dela vue ne représentent que les simulacres, ou les images des

objets réellement existants, et l'inteUigence seule peut dis-

tinguer ces intuitions pbénoméniques des objets réels à quielles se rapportent comme &des substances durables ou à descauses permanentes.

Cette double relation étant saisie par la pensée dans lesdeux termes dont elle se compose, l'esprit peut concevoirchacun d'eux isolément. S'il conçoit la substance abstraitede tout mode déterminé, ou la cause séparée de tout effet, ila des notions universelles sans images. S'il conçoit les imagesséparées de l'existence réelle, et comme des modèles d'unemultitude indéSnie d'intuitions semblables, il se forme desidées abstraites générales; c'est ainsi que l'intuition du rouge,par exemple, conçue séparément de tout objet déterminé,

Page 363: Maine de Biran: Science et psychologie

KOTES SUR OUBjLOrES PASSAGES3tC

devient le modèle de toutes ces modincations semblables

cxpriméoa par le même terme' général fOM~, etc, L'imageparticulière ne devient une idée proprement dite qu'autantqu'elle est ainsi abstraite et notée par un signe générât.

Notre âme ne se voit point tH~M~cftHCH~.Aucun être, subs-tance ou cause, ne peut devenir objet d'intuition. Mais, enpartant du fait primitif qui rend le moi certain de son exis-tence, on peut dire que l'âme connaît ses propriétés ou facultésconstitutives par la ~MrMa. Elle s'aperçoit de dedans et endedans, et de manière que le sujet qui observe est identiqueà l'objet observé. Ce mode d'observation intérieure caracté-rise la connaissance que nous pouvons prendre de nous-mêmes à titre d'êtres pensants, et lui est exclusivementpropre dans toute intuition ou perception, le sujet qui repré-sente est distinct et séparé de l'objet représenté.

En se rendant ainsi compte de son existence, de sa forceindividuelle le moi peut considérer sa force ou son pouvoird'agir, comme le modèle ou le type exemplaire de toute force,ou pouvoir, semblable ou identique, quoique distincte de cequi la constitue. Il cesse alors de faire attention à son indivi-dualité, et il considère son être propre, ou ce qu'il appelleson âme, de la même manière que le géomètre examine lecercle qu'il a tracé sans s'occuper de ce cercle en particulier,ni de ses dimensions actuelles, pour en déduire toutes lespropriétés qui conviennent à cette espèce de courbe. Il fautremarquer que ce qui distingue éminemment l'intelligence,et donne en quelque sorte le psychomètre, c'est la faculté devoir dans chaque objet individuel, présent aux sens ou àl'imagination, les propriétés communes à une multitude dechoses semblables et auxquelles cet objet particulier sert demodèle. Les enfants, les imbéciles, ou les hommes dont lesfacultés sont peu développées, s'arrêtent à l'image indivi-dueMe l'esprit éclairé ne voit dans cette image que le signeou le sytnbole d'une idée très générale. De même le sentimentintime de notre individualité est la limite d'un esprit réduitaux plus bas degrés de réBexion mais l'intelligence éclairée

Page 364: Maine de Biran: Science et psychologie

DE t.'ABn6 pK uas&e 317

saisit dans ce sentiment tes propriétés ou les attributs quiconviennent à toute la nature spiritneUe, y compris Dieu.Ainsi nous n'avons pas d'idée individuelle de notre dme,comme de notre moi, mais une notion aniverseMe qui com-

prend tous les êtres intelligents et voulants. Je ne perçois nila substance ni l'image d'aucun de ces ôtres invisibles, ycompris mon Ame, mais je sells l'énergie de moa action indi-

viduelle, et je eo?MMMdes forces ou énergies semblables,opérant par le vouloir ou sans le vouloir.

Toutes les notions abstraites universelles sont ainsi desrelations dout le moi, ou la force individuotte qui se sent

opérer par te vouloir, est toujours l'autour ou le premierterme, type de tous les antres.

FIN

Page 365: Maine de Biran: Science et psychologie
Page 366: Maine de Biran: Science et psychologie

L'IDËOL0 GI EDB

M. DE TRACY

(i8iS)

CHAPITRE VII

DE L'MXtSTESCE

« Une sensation, dit M..de Tracy, est une manière d'exister,une manière d'être, et rien de plus; et toutes nos sensations

diverses sont, purement et simplement, différentes modiB-

fications de notre être

Fort bien; mais qu'est-ce que notre ~fe? Qu'entend-on

par <*esujet qui existe sous différentes modifications? N'est-il

lui-même qu'une sensation qui se modifie ? Là où tout n'est

que modification et changement, it est impossible de concevoir

ce qui est changé on modifié. La sensation de mouvement est

également une manière d'exister, tout intérieure, de l'être

sentant, comme toute autre. Comment peut-on dire que cette

sensation est ~ro<&<&eà volonté. La sensation qu'une volonté

répète n'est-clle pas nécessairement distincte de celle qui a

lieu sans vo!onié et qu'est-ce que cette volonté qui fait la

ditférence?

La volonté ou le moi qui veut et ment le corps, sent le mou-

1. H<!oi~ ~p~mmt dite par M. Deetutt,comtede Tney. Tomeï,

p~a «n dela 3eédition.(A.B.)

NOTES

acM

Page 367: Maine de Biran: Science et psychologie

NOTES SUR t.'tM~t.OME320

vement ou l'espèce d'impression qui accompagna la courbure

des muscles. H est impossible qu'il éprouve cette impressionen conservant te sentiment de lui-même ou de la volonté

motrice sans la rapporter hors de lui et à la partie du corpssur qui la volonté s'exerce autrement le fait de conscience

n'aurait pas lieu, et par cela seul que l'individu deviendrait

sa sensation de mouvement comme la statue de Condillac

devient odeur de rose il n'y aurait point de volonté, point de

moi sans le sentiment d'une volonté; point de volonté exercée

sans un terme distinct sur lequel cette force s'exerce.

« Une jtMM'esMM~KMtn'a point par ette-mëme la propriétéde nous avertir qu'elle nous vient de quelque chose qui n'est

pas nous ».

Non pas une affection passive ou une impression au dehors;

mais si c'est la volonté qui fait naître la sensation dans une

partie déterminée du corps, je demande si cette volonté peutse confondre avec la sensation dont elle est cause, et dans le

cas où elle s'en distingue, comme il est nécessaire pour qu'il

y ait volonté, s'il est possible d'admettre une telle distinction

sans que la sensation soit rapportée au corps ou à un espaceindéEni hors du moi ou de la volonté ?

« Nous appelons corps ces êtres auxquels nous attribuons

d'être la cause de nos sensations', Il Ne serait-il pas possible

qu'il y eut des causes de nos sensations qui ne fussent pas ce

que nous appelons des corps? ou que nous eussions l'idée de

ces causes sans aucune idée d'étendue matérielle ou de corps?Loin que ce soit cette étendue inerte et impénétrable consti-

tutive du corps qui soit cause, elle est au contraire opposée à

la notion de cause. Les corps sont pour nous les sujets d'inhé-

rence des qualités extérieures qui occasionnent nos sensa-

tions, ou, s'il s'agit de notre propre corps, c'est le sujet d'inhé-

rence de ces sensations elles-mêmes.

U est impossible de concevoir une sensation .qui ne serait

pas dans une partie du corps propre. Lorsqu'il y a un moi,

t. Tome1,pagetM.

Page 368: Maine de Biran: Science et psychologie

M: H. M: TMAC< aat

une personnalité distinctp~ cette sensation est taeatiaép lors-qu'il n'y a pas de moi ou de sujet aonnaissart qui se distinguodu corps, en distinguant tes parties de ce corps les unes dcaautres, c'est simplement la combinaison organisée qui estBMeotée,pâtit ou jouit dans toute son étendue ou quelqu'unede ses parties non distinctes. Dans tous les cas, l'hypothèsed'un être qui sentirait et connattrait son existence sans sesentir un corps ou dans un corps, est inadmissible. C'estl'hypothèse de Descartes renouvelée par Condillac et Tracy.La vertu sentante, idontinée avec la volonté, est le moi setonM. do Tracy. C'est une véritable abstraction qui n'est rienhors do cette sensation qui détermine ou actualise cette vertusentante.

Le mouvement du corps non senti ne peut rien apprendresur les existences étrangères, cela est trop évident. Le mou-vement spontané, sans désir ni volonté déterminée, ne nous

apprendrait rien non plus. C'est donc la sensation de mouve-ment, tout intérieure qu'elle est, qui, étant accompagnée dudésir qui continue encore quand elle vient subitement àcesser, nous avertit que la cause qui la fait cesser est autre

que notre vertu sentante ou en dehors d'elle 1.Je demande i° Qui est-ce qui juge ou reconnaît que la sen-

sation de mouvement est continuée ou interrompue ? Et d'oùvient ce moi, qui se distingue déjà de ses sensations, quijuge? 2° Si c'est par un simple désir, et non par une volontéefficace, que la sensation du mouvement continue. Quel privi-lège peut avoir cette sensation sur celle d'odeur, de saveurqui peuvent également se continuer comme nous le désirons,ou cesser malgré notre désir. Assurément, en supposant lapréconstitution du moi, ces sensations sont très propres ànous donner idée des causes étrangères, mais ces causesn'ont rien de commun avec ce que nous appelons aujourd'huicorps.

D'ailleurs on n'est pas fondé à direque lorsque le mouve-

i. Cet alinéa r&)mn<! les p!t(;ea <23 a t2S du texte de M. de 'Trac;. (1. ?.)

2t

Page 369: Maine de Biran: Science et psychologie

Xt'TES SUH t.C&M.OOtES22

ment s'arrête, le désir de le continuer subsistant toujours,l'individu reconnaîtra que ce n'est pas là un effet de sa vertu

sentante. Il en conclura très bien que ce n'est pas un eBet de

son désir ou do sa volonté; mais il pourrait croire dans

certains cas que c'est un pur effotdes dispositions de aa vertu

sentante et motrice comme si les nerfs étaient paralysés.Observez que déjtt on fait raisonner l'être sentant, on lui

fait tirer des inductions de ses sensations pour connaître les

corps, etc. M. de Tracy fait comme Condillac, l'hypothèsecontinuelle d'un sujet modifié d'une manière agréable ou

désagréabto, qui existe et se connaît sous de telles modifica-

tions sans se connaître et se sentir comme corps, ou sans

aucune perception du terme organique auquel se rapportentles sensations et les mouvements. « Je puis, dit-il, déterminer

le mode d'existence, ou ce que nous appelons l'étendue de

cet être qui, ou est tout à fuit étranger à mon moi sentant et

voulant (ce sont les corps extérieurs) ou quelquefois lui obéit

(c'est notre propre corps), mais toujours en est distinct et agitsur lui de beaucoup de manières

On ne peut reconnaître plus expressément la distinction de

Dcsctu.es. Mais d'un autre coté, il laissesubsister l'équivoquesur la question de savoir quel est ce moi distinct du corps, et

ensuite s'il n'est pas le c~ps. Toutes les philosophies ont le

défaut commun de séparer d'abord par abstraction deux élé-

ments qui sont réellement et indivisiblement unis dans lefait de conscience, le sujet et l'objet, l'être sentant et le corps.Mais quand on les a ainsi séparés, il devient impossible de

concevoir comment ils peuvent s'unir, comment ils peuventêtre ramenés l'un à l'autre.

11est remarquable que c'est par la causalité que commence

M. de Tracy, et il confond le rapport d'inhérence avec ce

premier rapport de la cause, par suite la sensation avec l'in-

tuition.

La propriété de s'opposer à la continuation du sentiment

). Tomet, tMtj;<!)29.

Page 370: Maine de Biran: Science et psychologie

HKM.jKETtt~

t

quo nous causent nos mouvements, quoique nous voulions le

prolonger, est la propriété principale et vraiment fondamen-talo du corps, car elle nous assure d'âne manière certaine

qu'il y a là un être qui n'est pas nom, et elle constitue l'cxis.tence réelle de cet être. Cette existence devient pour nous une

conséquence immédiate et nécessaire de notre sentiment devouloir, et de la contrariété qu'il éprouve dans choses dontnous sommes bien assurés a.

C'est aller bien vite. Comment le fait de la suspension ouda l'arrêt du mouvement voulu ontraine-t-il pour nous l'exis-tence d'un être dont cette opposition ou résistance est une

propriété essentielle et fondamentale? Je veux ou je désiretello sensation de mouvement; elle s'accomplit et se continued'abord comme je !e veux ensuite elle est arrêtée, quoique jeveuille la continuer. Qu'on analyse tant qu'on pourra cettemodification intérieuro du moi ou des organes, jamais on n'enfera ressortir immédiatement et nécessairement la connais-sance de l'existence d'un être qui arrête de dehors le mou-vement voulu ou s'oppose à sa continuation. L'espèce desensation qui résulte du mouvement est une modification dumot et de son organisation. Lorsque cette sensation estarrêtée, c'est une autre modincation ou une négation de sen-timent, maispour que nous puissions déduire do là l'existenced'une cause étrangère qui nous arrête, il faut qu'il y ait un

principe nature!, ou comme une sorte d'instinct irréBéchi quidétermine ce passage, et l'on tombe alors dans l'opinion deReid.

Assurément l'existence de ce qui n'est pas nous n'est pas laconclusion d'un raisonnement dont la sensation du mouve-ment arrêté soit la prémisse nécessaire et exclusive. Si

quelque conséquence peut être déduite de là, c'est celle d'uneforce inconnue qui s'opposerait à notre action, et pour pou-voir faire cette induction, il faut d'abord que nous existionsnous-mêmes comme cause, que le sujet et le terme de l'effort,

t. Tomet, pagei89.Lacitationn'estpasentieMmenttextuette.(A.B.)

Page 371: Maine de Biran: Science et psychologie

SOTM8CM<<tt60MM!tK?4

le moi et son corps soient déjà donnés distineta dans le fait de

eoaseienee, alors seulement nous pouvons transporter la cau-salité hors du moi parce que cet o< dehors est donné avec lesentiment mente de l'existence du moi inséparable du corpspropre. Mais encore une fois cette causalité n'est pas le corpsétranger, et l'induction nous conduirait bien plutôt à l'idéed'existence des causes spirituelles et immatérielles, qu'&l'existence des corps étendus dont la résistance au mouvementserait une propriété essentielle. $

Concluons que les premières analyses do M. de Tracy, loinde rien apprendre sur la manière dont nous parvenons a laconnaissance dos corps, ferment plutôt rentrée de cette con-naissance.

L'hypothèse d'~fe voulant gui ~a<H'e!'at<eMcorequ'il y a<fMmouvement et des <!<res', qui connaîtrait son existenceseule sans apercevoir en aucune manière qu'il a un corps qui,dans cette profonde ignorance, saurait néanmoins distinguerles cas où il se donne à volonté la sensation du mouvement etceux où il ne le peut pas quoiqu'il le veuitte, une telle hypo-thèse, dis-je, est inadmissible; elle admet l'exercice d'unerénexion assez concentrée dans l'origine même de la vie ellefait raisonner et conclure un être qu'elle représente d'un autrecôté comme purement sensitif; elle suppose enfin l'applica-tion du principe de causalité, de notions ontologiques d'être,do substance, avant d'en avoir indiqué l'origine aucune autre

hypothèse ne favoriserait mieux celle des idées innées.Pour établir le privilège qu'a la sensation de mouvement

sur toutes les autres pour la connaissance des êtres qui nesont pas nous, M. do Tracy s'exprime ainsi « Sans doute,dit-il, je puis bien désirer de prolonger ou de renouveler unesensation visuelle ou tactile ou auriculaire ou affective, tout

comme la sensation d'un mouvement, mais si je suis supposéignorer tout, et le mouvement, et les êtres et moi-même, je ne

puis rien faire en conséquence de ce désir'. »

t. Tome t, page 130.

2. Tome t, page Mt.

Page 372: Maine de Biran: Science et psychologie

DEM. M ~HACY 3~

Vous ne pouvez pas faire davantage, pn conséquence dudésir dp vous mouvoir, tant que vous ignorerex tout et !omouvement et existence de votre corps, et par suite votreexistence individuelle. 11 est impossible de faire ressortir

jamais aucune connaissance da cette source, à moins qu'on nadise que par !e seul fait de l'exercice premier d'une volonté

appliquée à mouvoir le corps (laquelle volonté diffère totaMa~M~ad'un instinct, d'un besoin, d'un simple désir) te sujetvoûtant se reconuatt dans cet effort moteur comme distinctdu terme mû qui est le corps propre. Alors le fait de cons-cience est nettement exprimé et en y trouve la base de laconnaissance des autres êtres.

M. de Tracy a cru qu'i! était simple et naturel pour l'êtresensiMe et moteur dû distinguer sa volonté, c'est-à-dire sonmot voulant, de la sensation mémo du mouvement, par suitede distinguer Jes cas où cette volonté s'accomplit, et ceux oùelle est contrariée mais une telle distinction, loin de pouvoirservir à expliquer ceUe qui se trouve établie à l'origine mêmede la connaissance entre le moi et ce qui ne l'est pas, me

parait offrir une difncuité de plus et supposer déjà un com-mencement de réuexion de Fètre sentant et voulant sur ce

qu'il éprouve, sur ce qui suit l'exercice de sa volonté, sur sesactes et leurs résultats, distinction réNéchie que nous avonsnous-mêmes souvent bien de la peine à faire. La preuve enest dans cette sensation même du mouvement dont M. de

Tracy a le premier tiré un si grandparti, et qui avait échappéjusqu'à lui à la perspicacité des métaphysiciens les plussubtils.

M..de Tracy a bien raison de dire « qu'on ne voit pas quelleliaison un enfant !yn<MWt~tout pourrait établir entre la sen-sation qu'il éprouve, et le mouvement de ses organes néces-saire pour se la procurer, à moins qu'il ne s'aperçoive dumouvement de ces mêmes organes' » j'ajoute et de lavolonté qui les détermine, soit à la suite d'une sensation

<.Tomet, pa~i3t

Page 373: Maine de Biran: Science et psychologie

xoTEs arn <t))6oM'OtEsaa

présente soit m~me et surtout, indépendamment de cette

sensation.H y a des rapports naturels et instinctifs entre les impres-

sions purement affectives de la sensibilité, et les mouvements

organiques spontanés. Ces rapports-la sont étrangers à la

connaissance l'individu les trouve tout formés quand il vientà se connattre ou à exister pour lui-même, mais il ne lesétablit point; il y a une antre espèce de rapports qui sont les

objets spéciaux de la connaissance et qui existent entre Je moiou les actes qu'il détermine et les sensations résultant de ces

mouvements. Ces sensations ne pouvant jamais naître sansêtre précédées de la volonté, c'est ici que le mouvement doitêtre nécessairement, je ne dis pas seulementsenti en lui-même,mais de plus voulu ou accompagné d'enbrt pour que la liaisondont parle M. de Tracy, puisse s'établir. Mais un mouvementdéterminé par do vives affections ne saurait être ni perçudistinctement ni voulu. La confusion que fait cet auteur entreles deux sortes do mouvements ou de rapports d'instinct etde connaissance, a do jeter sur sa doctrine tout le louche

qu'on y remarque et fausser un principe vrai en lui-même.Si « la sensatioh externe est la cause occasionnelle de l'ac-

tion de la volonté, » et que « la sensation interne da mouve-

ment soit seule cause de la connaissance du moyen de se

procurer cette autre sensation désirée', » j'en conclus que lasensation interne du mouvement est l'unique objet immédiatde la volonté qui peut bien ne pas être remarqué à part commeil nous arrive à chaque instant, et que la sensation externesera l'objet le plus frappant du désir

On dit faction de la volonté et noa pas fac<MKdu <MMf,du

besoin. M. de Tracy établit lui-mêmela ligne de démarcationentre la volonté et le désir. Il dit a Quand je sens un désir.

quand je fais en conséquence de ce désir une action que jesens aussi, et quand j'éprouve une résistance à cette action,

je MH<)ffrtain d'MMexistence antre que celle de m&faculté

1.T')m<*t.p!<Re135.

Page 374: Maine de Biran: Science et psychologie

M; M. M: THARY ?!?

de sentir*. » Plus bas il dit « Hne suMt pas que je sente un

désir, il faut que ce désir soit suivi d'une action, que je sputocette action aussi quand elle a lieu et que tantôt <'H<~ait !iculibrement. tantôt elle éprouve une opposition*. '<

Je puis donc désirer sans agir, et le sentiment du désirdiffère de celui de l'action je puis avoir l'un sans l'autremaintenant le désir tend vers la sensation indépendante denous. La volonté no tend qu'à l'action ou au mouvement quidépend d'elle, Ainsi, par cela sent que nous pourrions désirersans agir, comme agir sans un but détermine vers une sen-sation partieaKere, désir et la volonté sont deux facultésessentiellement diuérontes.

M. de Tracy fait voir aussi que rien ne doit être plusdifficile dans l'origine d'une vie purement sensitive que de

distinguer nettement la sensation du mouvement des affec-tions qui accompagnent toujours et déterminent ce mouve-ment. « Je vois bien le nouveau-né arrive à désirer unesensation et à savoir, dans quelques cas, se la procurer eu

commençant par s'en donner une autre qu'il a reconnu con-duire à celle-là. Mais je ne vois pas du tout comment il par-viendrait à apprendre que la sensation qui est son but et celle

qui est son moyen, sont causées par des êtres distincts de son

moi, et à découvrir qu'il y a des corps et qu'il en a un'.? »

Toujours la même hypothèse inadmissible qu'un individu

peut avoir un a!<Mdistinct et distingué des sensations dontl'une est but et l'autre moyen sans connaître son corps, sans

y localiser des sensations, etc. Les pas les plus dif&ciles sontmis avant le premier de tous, avant te fait même de la cons-cience qui renferme indivisiblement sujet et objet.

B est très singulier que M. de Tracy, qui incline fortementvers le matérialisme, ait énoncé des principes qui sont bien

plus spiritualistes que les miens. Il fait en effet aux spiritua-listes purs une concession dont ils pourraient se contenter et

t. TOtttft, page!3T.2. Tom<*t, page M9.

3. Tomp t, p)tj«' t35.

Page 375: Maine de Biran: Science et psychologie

NOTESM'n t.'tttËOt.CtttR?8

que je nie radicalement, c'est qu'un ôtrc immatériel et sans

organes, s'il en existe de tels, pourrait se connaître lui-mêmesans avoir aucune perception ou idée de la matière et des

corps ni du sien propre.Les cartésiens sont partis de là pour séparer les deux subs.

tances et prouver que nous étions bien plus certains de 1 exis.tence do l'amo que do colle du corps. Jamais personne n'adit que nous pussions avoir connaissance des corps sans

organes, et Berkeley a prétendu que ce n'était qu'une illusion.Je nie au contraire qu'il y ait une existence du ~KMsans lesentiment de la coexistence du corps propre.

« Los êtres autres que moi m'apparaissent par la propriétéqu'ils ont de résister aux mouvements que je fais faire à la

portion de matière qui obéit à ma volonté et par laquelle jesens* M.

Oui, mais cette portion de matière qui obéit à ma volonténe l'aperçois-je pas d'abord immédiatement par le mouve-ment que MM ou ma volonté lui fait faire, c'est-à-dire parl'effort que j'exerce pour la mouvoir, et la résistance oul'inertie qu'elle oppose. Si je ne l'apercevais pas ainsi immé-diatement pourrais-je sentir en elle et par elle, et lui rapporterquelques sensations distinctes ? Si nous ne connaissions pasimmédiatement notre corps par le seul fait de l'effort et dela résistance, nous serions réduits à une simple vertu sentantesans distinction do tM<Kou de sujet modifié.

Il ne faut pas dire qu'on ne peut vouloir que quand onconnaît les corps ou son propre corps car cette connaissance,au contraire, ne s'acquiert que dans un effort voulu elle estcontemporaine à cet effort, et ne le suit ni ne le précède dansle temps seulement le corps propre est connu immédiate-ment, et par lui les résistances étrangères.

M. de Tracy ne peut pas nier que des mouvements invo-lontaires suffisent pour nous apprendre l'existence de notrecorps, car toute sensation nous apprend dn moins notre

i. Tome pageMO.

Page 376: Maine de Biran: Science et psychologie

M: M. t)E TMAM 3S)

propre existence. Or Mpeut yavoir sensation d'un mouwmcntinvolontaire. Donc nao telle sensation nous apprend notre

existence; mais est-ce que le corps, on cette portion d~Matière où te mouvement est senti peut être exclu du senti-ment de l'existence, et s'il en était ainsi, t'ame, ou la vertu

sentante, n'existerait-ello pas distinctement et séparément du

corps? Connattre ou sentir son existence n'est-ce pas sentirson corps? Ce n'est pas le corps qui sent son existence, maisc'est l'âme qui le sent.

Pour l'âme, sentir son corps c'est exister: exister c'estsentir son corps, mais ce n'est pas se sentir soi-même, car on

pourrait dire qui est-ce qui sent le moi ? et il y aurait ainsiun progrès à l'infini.

CHAPITRE IX

DES PMPMETES DES CORPS ET DE LEUR BEÎ-ATtOX

« Tantque nous ne faisons que sentir, nous ressouvenir,

juger et vouloir, sans qu'aucune action s'ensuive nous

n'avons connaissance que de notre existence, et nous ne nous

connaissons nous-mêmes que comme un être sentant, comme

une simple vertu sentante, sans étendue, sans forme, sans

parties, sans aucune des qualités qui constituent lescorps'.

H est impossible de concevoir ceque serait une volonté sans

action. Le souvenir et lejugement

sont aussi des actions ou

i. Tome I, page iSS. Cependant M. de Tracy dit quelques pages plus loin

(page 162) qui! est imposstMe de concevoir nm être qui n'existerait nulle

part, et n'aurait point de parties ». Comment concilier cela avec la manièredont t'être sentant eennatt tai-meme d'abord sa propre existence Mt se con-natt comme simple vertu sentante sans étendue, sans parties? M. de Tracy<p)bp)« tnMttAmo eetta contradiction apparente (page t6S). « fai voulu, dit-

H, rendre manifeste que nous sentons uniquement, que nous avons une

volonté, et que quelque chose M résiste, et que nous ne savons rien de

plus mais. je n'ai pas prétendu établir que nous.crussions être un point ma-

Page 377: Maine de Biran: Science et psychologie

XOTE8 SUR t.'ttM50MH!t:aao

des résMttats d'actions, et la oonnaiaaanee même de notreexistence tout entière est dans l'exercice de notre activité.

Si la vertu sentante dont on parle est inhérente à une

organisation matérielle, il est aussi impossible de concevoircomment cette faculté sentante pourrait se connaître ou sesentir elle-même sans connaître ou sentir sa propre étenduecar elle ne peut se sentir que comme elle est, se prendre quepour ce qu'elle eat en elle-même. Vent-on que la faculté desentir soit une propriété de l'organe nerveux. Cette propriétéou vertu réparée du sujet à qui elle est inhérente, n'est

qu'une abstraction. Or, on ne peut dire qu'elle se connaisseeue-mêmè ainsi par abstraction. H faut donc toujours en reve-nir an sujet qui connaît et à la chose ou à la modificationconnue. Si le sujet est sans étendue, sans forme, sans partie,etc.; il n'est donc pas le corps; et s'il n'est autre que le

corps, il ne peut se connaître comme étendu et composé, etc.Tout gtt à bien déterminer ce que nous appelons connais-

sance. On ne peut concevoir la connaissance sans un sujet quiconnaisse et sans nne chose quelconque, connue commedistincte du sujet qui la connaît. Le premier pas de CondiUacanéantit la connaissance en identifiant les deux éléments.Tant que l'être sentant se confond avec sa modification ou quetoute son existence s'y réduit, il n'y a pas de connaissance

possible.L'être sentant qui connaît son existence sous telle sensation

n'est pas cette sensation même. H ne connaît cette sensation

thématique,ni que nousnousmssionsuneidéed'unevertuquelconqueexis-tantsansappartenirà aucunêtre eeh estimpossiNe.»

Apurement maten resteà savoirsivousne pouvezpasvousMrc H~edequelquevertuappartenantà un êtrequine seraitpascorps.

Otservëïque!orsqoeM.deTnteyatnnnequ'ilest impdNiNedeconcevoirun êtrequin'anNttpointdeparties,il entendconcevoirpar i'ttNa~oMHMt,tandisqu'enpartantde la connaissancetout intérieurequelètre sentanta desonexistence,desavolonté,desesdésirs,etc. Uconçoittrèsbiencetteeon-MisiNtttcetoufréh-mhM,ma~uniquementp~rbr~Sexioa.EneSët,qa'cst-ccque sentirqu'ona unevotonté,si ce n'est ce que Loc~eappellef~/M'Atf.L'espaceest la tenuepropreet exclusivede l'imagination,commeie temps,de la rMedon.(M.deB.)

Page 378: Maine de Biran: Science et psychologie

CEM. PRTHACY 3M

qu'en la rapportant à quelque chose dont il se distingue, àson corps c'est dana le corps on par lui qu'il sent.

Otez le corps, peut-il y avoir quelque chose do senti? Si

l'on prend l'aformative on reeonnatt la séparation des deux

substances si on le nie, on convient que tout étant sentidans le corps et par lui, l'étendue est nécessairement insépa-rable de toute sensation.

M.deTraeyva un peu vite. quand il s'agit de déterminer

l'origine de notre perception d'étendue. D'abord il ne

considère le mouvement que comme une sensation simple,une manière d'être, et non point comme la perception del'état du corps passant d'un lieu dans un autre, puisqu'il n'y

a'point~encoN de corps ni d'étendue,ni par suite de lieu connu.<tJe ne sais pas, dit-il, que je traverse le vide puisque

j'ignore qu'il est étendu, qu'il y a au monde quelque chose quisoit étendu. Bientôt le mouvement, que je voudrais continuer,

qui n'est qu'une manière d'être, que je voudrais prolonger,cesse malgré moi ce qui l'arrête n'est pas moi, mais c'est

quelque chose, c'est un être, et cet être est un corps'. Voilà

l~idée de cause identifiée avec celle de corps.« .Tignore sans doute que ce corps est étendu, qu'il a des

parties M. Ici l'idée de corps est distinguée de l'étendue etlimitée à la force ou vertu résistante comme le moi est limitéà la vertu sentante, et je crains bien que ce ne soient là quedeux abstractions réalisées. Peut-il y avoir résistance aperçuesans idée d'espace ou détendue? Quand même nous nesentirions la résistance que dans notre corps, ne serait-elle

pas toujours dans l'espace?« Parmi ces nombreuses expériences (voilà dé}à un sujet

capable de faire des expériences et d'en déduire des résultats)il y en aura sûrement une où, pressant cet être et glissant sursa surface, je sentirai que je me meus sans-cesser de sentircet être ».

Tome-I, pege l6D.t. Tome ï, page Me.

2. ToNM pitge tM.

3. Totnc t, pxgp Mt.

Page 379: Maine de Biran: Science et psychologie

SOTE880R t.P)6<tU~CtK333

Suivant ce qui précède, je sentirai une manière. d'être

intérieure, sans aucune idée de <~&teeMeM<,jointe à unerésistance sans étendue; or que cette double modification.soit continuée 00 répétée tant qu'on voudra, si l'on n'y ajouterien de plus, ou si l'on m'y a pas mis déjà ridée d'étendue, onn'en fera ressortir ni le sentiment du déplacement, ni celui de

corps étendu. Ce sera toujours, comme dans le premierinstant, une résistance continuée avec une simple sensation

musculaire ni l'un ni l'autre de ces éléments ne renfermant

l'étendue, on ne voit pas du tout comment on pourrait ladéduire par une expérience quelconque. Tout aa contraire,l'impénétrabilité ou la résistance, l'inertie perçue présuppo-sent une étendue ou un espace fixe donné dans lequel noua

percevons d'abord le mouvement libre de notre corps et puisles causes qui l'arrêtent.

« Dès lors, continue M. de Traoy, cet être cesse de n'être

qu'un point; je lui reconnais des parties les unes à côté des

autres je juge qu'il est ~M~M 'a.

Sur quoi se fonde ce jugement? Sur ce que vous éprouvezune sensation musculaire intime, et que vous sentez unerésistance qui peut n'être encore qu'une modiccation de votre

corps ou de votre faculté de sentir. Assurément il y a loin delà à reconnattre qu'il y a un corps étranger hors de nous,ayant des parties les unes à coté des autres.

D'ailleurs, que sont ces parties, et comment les eonnatt-on

quand il n'y a jamais qu'une seule vertu résistante distincteet identique à elle-même, une même sensation, musculaire etune résistance continuées ? Les parties ne supposent-ellespas déjà une étendue totale, présente à la fois à un sens

quelconque?« La propriété d'être étendu est bien en elle-même la

propriété d'avoir des parties distinctes, des parties situées lesunes à côté des autres; mais c'est par notre mouvementquenous la connaissons elle est, par rapport à nous, la propriété

t. TomeI, pagei6t.

Page 380: Maine de Biran: Science et psychologie

ME M. DE TRACt 333

detre touche continampnt pendant que nous faisons unecertaine quantité de mouvements M.

J'accorde la dénnition de l'étendue en elle-même et parrapport à nous ou aux moyens que nous avons, je ne dis pasde la percevoir immédiatement, mais de connaître qu'elle se

compose de parties distinctes, représentées par la somme desmouvements que nous faisons pour la parcourir. Mais pourreconnaître les parties de l'étendue par une saito de mouve-ments voulus, il faut bien que nous connaissions d'abordle mouvement de notre corps ou son déplacement dans l'es-

pace, car si ce que M. de Tracy appelle la sensation dumouvement n'était qu'une manière d'être purement inté-

rieure, et si nous n'apercevions pas que notre main, parexemple, change de place à volonté en glissant sur un

corps qui nous fait éprouver la résistance, nous ne juge-rions. jamais que ce corps est étendu, figuré, ou qu'il a des

parties situées les unes à coté des autres. Or la perceptionque nous avons du mouvement de notre corps, ou du dé-

placement de la main, suppose déjà une étendue ou un es-

pace fixe donnés dans lequel nous nous mouvons. Donc cen'est pas par le mouvement que nous en avons la connais-sance première.

M. de Tracy veut éloigner le soupçon d'an spiritualisme

qu'il sent être renfermé dans le principe do sa doctrine, et il

s'exprime ainsi « Je n'ai pas prétendu établir que nouscrussions être un point mathématique, ni que nous nousBssions une idée d'une vertu quelconque existant sans appar-tenir à aucun être. Cela est impossible. C'est pourquoi en

même temps que nous découvrons la propriété d'être étendu

dans ce qui résiste à notre volonté,' nous la découvrons dansnotre moi qui sent; il s'étend et se répand, pour ainsi dire,dans toutes les parties par lesquelles il sent, et qui se meu-

vent aMHt gré. Nous apprenons l'étendue de notre corpscomme celle des autres corps, et nous la circonscrivons par

i. Tomet, paget6t.

Page 381: Maine de Biran: Science et psychologie

Cc!WfH9<Mut)Mnt

MP~« <:CLt< tMisihitjM pattieMe

Valable pour tout ou partiedu documentreproduit

Page 382: Maine de Biran: Science et psychologie

X«TM !<T!Mt.'H~tw.ty.aM

te~ m&ott~ Moyens. 1 e~t m~ne' vraiawa~a <pt<'c'est ta

pr<'mH'radont ««Manoua aporeevatMt) y a M«n dt'tt chases ttbaervff sur cet artMa.NoM!'ut) p)Htv«najamais croire ~tro aatfe ehesoeuc eo <}ua

nMuaoavona auapareevttna imx'odiaietnent~ra partetwnsinttMa. Or par cela même que noua ouncewenttOMnaw~papté-sHMtona quelque chatte et~eot!voNent, f&t-eo nn po!Mt

«Mth~mxtiqMe, nous anvans ~vMemnMnt (<w<MM<<s~M<'«<

t'f <~tMNM~tMHxf~H<M!)qMonMMtne sommes pas cette eh<M~

~nt~MM M. do 't'~ey a pmftunnitM tm camMe~Mtt la w<*WM

.«'M~af< il on a fa!t tHa!gf6 tm-M&MtMMn~tre aMJMi<attHbM-

lion Mtt!qtMdo toMtM fea MenMthtns MMop~fat!t)ns qu'ilyeeonaatt pouvoir ex!&ter dans un individu sentant, qui ne

eont.attHMtoncoro ~Meaa propre ox!at<taceMas avoir aMewnc

[t('re<)pt!<mdu corps propre ou étranger. Ce a~ct d'attnbMtMn

qM'Ha cnn~tt ~'apr~x ta <4Hes!enet point du tOMten eanauttaMt

l'imagination n'a he"Mn pour ainsi dix~ d'aucun auppert, et il

impliquerait <!« l'attribuer à an autre Mm eon~a d'après

t'tMaginattox têt que BOfait te corps. Ce serait, cotttoe dit

Deacartos, aff!rmor une substance d'une autre, et après avoir

conçu t'aae sans te aocoars de l'autre la transformer en àttn-

but do ceM~c!.

AinM la manière dont M. de Tracy a conçu la vertu sen-

tante avant la connaissance d'aucun corps a du suffire pour

t. Totae), pt~eMS.on a vu pfSet~emmtNtqueM.deTmcymemeattaMpointtu tout commentnoM~e«t)<Mnth pMpdMé<MtMétendu<htMce<ttttnomt&tMe.MmentMetteemmo!ztM qMeem h <MmutMm<aMteMe<qui M~,oùoMûn'Mtpointet neMMmtt«M. )et ee pt~teadoviolquisent est biente MtpB mabest~eetecorpsqui w MBMKtai-m&mecommeMmdiMdanat<tMnMttun? t)'eavient<htMqu'ilM se«HMtaMfM d'ahenttmntMhtementeemmc«eedo B'o&~tmt <t<t'Ba 6esotade tantd'mpt-~eMMpourd&ieutftrcette<tcmhMqutte ceMUhte?Commentp~nt-Ud6te-n)f un objetextérieur&M-mtme,M hmehant,se Mpmt, ? paMOMant!Commentte sujet <[(ttMfept~emteM)tM~e-t-B dM!Betde l'objetmpt6-<enMpendant<p)'Mn'!?<«<~t)ementqu'w~aveelui TMeht mytMrMdohtMtMopMede SeheBtng,qui ttee tout du Kto du a~et, me aontam~htcoMeMNMqueceuxd'unephUeM~hteeppM~eoit le sujet,au contraire,estidentiqueavect'e~at. (H.deB.)

Page 383: Maine de Biran: Science et psychologie

t'K M. M: titW) ?&

établir la t~aMM d'un ~h~ entant distinct du t'orps. t~r

sMivant te point do v(M cartésien que t'autaur paratt Moir

t'mbraa~ ~s son déhMt, nous ~HMnM obtins do considcrcrCtomato dea étMa <tM~M<t, ~M e~Mmw d'M s'~b&tane~

distinctea, tex ehMoa dont tKtua avons <!fa i~es contp~te~<M8t!n<;teset eppoa~eit en les concevant ehMMn<'h part. Or

M. ~a Tfacy tt'es<fait l'idée d'une veftMocntanto ~tt! conMat-

tra!t aon os!a(onca aans connattra !Mcorps, et rid~a du Mrpfn'ontre point du tout tlans !a eonnaissaneo (m 10 aen~HtCMt

qM'e!!Ma d'ono-M~ma. Donc, elle a MMuMXMtottM)dtatinch' t't

sApor<!(tde eetkt du corps. UfMe, eMoost MM~tfa ttMMrent.

(~Mant&t'impassiM~M do Ct)ncevo!rune faculté, une vertu

xuntante aaas t'attribuer a un êtro, ni t'on entend par ~<rota

farpa, cette HttpoastttttiM est Contredite pur t'exempte do

l'autour tut-ntëmo, et toMtce qM'on pont d!rt' c'eat qM'it est

io~ptMMMcde se représenter par l'imagination un &tfequi no

n<-fa!tpas corps, et que c'est au eorpf seutement que t'itnag!-nation donne to nom d'êtc« La MMtae distingue de tout ça

qui est étendu, it est vrai qu'il étend et répand, pour ainsi

dire, la sonsation dans te corps, mais le sujet moi qui répand,

attribue, localise les sensations, n'est ni le tenue d'attribution,ni te lien qu'it perçoit hors de lui, ni la mottiueatiou attribuée.

ït n'est aucune dos parties par lesquelles il sent et qui se

meuvent & son gr6 et ne répugne-t-it pas de dire que les

parties qui se meuvent au gré du moi voûtant, sont ce moi

lui-même, ou entrent dans sa composition. La volonté se

localise-t-elle jamais elle-même comme la sensation?Y

M. de Tracy suppose avec Condittac que les sensations,'d'abord dénuées de toute forme d'espace ou de l'étendue

même du corps propre, ne s'étendent ou ne se répandent qu'àmesure que la surface de ce corps est parcourue et limitée

par la main. Avant cette circonscription des parties du corps,toutes tes sensations sont considérées comme simples modi-

ncations, tout & fait internes, do t'âme on 'de la vertu sen-

tante, qui n'est censée exister que par elles ou qui tes de-

vient tour à tour. Ce point de vue tout à fait hypothétique

Page 384: Maine de Biran: Science et psychologie

S«ftM ttt'M t.'t~OMKt)::<?

eat la MMt)Hwde toutes tes ittuaiona de nos modernes M)<Ma<

phyaieiana.Avant d'être tecatis~o et pfr~ue, l'a~action est une modi-

ncatton du corps vivaut dont il nous est iMpos~ibte de twus

Mre aucune idée, et il n'y a jamais eM~<at 06) yawe ait

aaMt! quelque impression en 8o!-tMênMtsans les aUnbuer a

rien. !t cat impossible de concevoir une teMa maniée M'~fa

af~cMe int~r!eMfeM)tmtaaas !acat!M<!oa.OM attribution au

corps, et quand en par!a d'one âme 0~ d'MBevertu sentante,

qui ac aent ou M connatt ~Ma-m~tne comnM ntadiK~aese!M-tt~ement au corps, on ~aHeo MMopMfaabaiMption.

Avant <eMM on peut concevoir ~MUMosoaaiMMMdHtMso

dana toutes tes parties du corps soMdatromoHt ttnies entre

eUes, t)Mun contro unique do aenaibiHM oh s'aceomp~t la

sensation. !t n'y a aucuno raMon pour ater la propre de

sentir immédiatement & chacune do ces parties tant qn'cUcsaent ainai a~tMaiFoment Mniea. Et pottfqMci l'impressiondouloureuse ou agr~aMe no serait-elle pas ta oa jo la perçois'?Y serait-elle mo!as quand je Mo la percevrais pas comme

cola a lieu au cemmenc<tment de la vie, dans te sommeil, te

délire, etc.

L'erreur perpetùette des métaphysiciens est de confondre

l'impression sensible avec ta perception q~'en a le m<M.Cette

perception n'a d'autre fondement quo l'effort antérieur exercé

sur ta partie qui est le siège de l'impression, et par suite le

sentiment distinct de l'existence de cette partie actuellement

impressionnée et qui pâtit immédiatement Je plaisir nu la

douleur. Otez cet effort, et par suite ta connaissance de la

partie aonnrante, il y aura une anection éprouvée par le

principe de la vie et bien ou mal être du corps, sans nulle

perception. C'est ainsi que nous nous trouvons, ou p* quenous trouvons notre corps disposé organiquement tantôt

t. C'eit vainement qn'on objpcte la ncetNMKede h <MMmMen à un centre

ergM~oe pour que la sensation ait lieu. Les <~pMeMts de ligature ne

pt ouvent autre chose e!Mn ht n~eeMtMd'une MtMariMentre tous les systèmesMf~n*, mMtMt et ti<mt:«in!tPour quit y nit MnmMenanintate. (M.de ?.)

Page 385: Maine de Biran: Science et psychologie

ttK M< <W TMM~ aa?

Mon, tantôt wat, aana noutt en rendre t't')ttpt< ~ans en avoir

la connaissance, !a perception proprement dite.

Toute petception appartenant au Hhtt Mi e~ontiettftwnt

r~M&cMaafMtta,non oMfeMe.at&tHc,eommc l'ont <!iteeF<a!aa

cafMaiMta, mata aw qMotqMechosa qM!n'~t pas ta moi pcr-

cevant, et qui tantôt est Mur~aMMatpMteh<naou éloigné deaun action, commo dana la mouvement et les fwnaation<t

tactiles ou aMf!cwtairet(qui ta aMtveat, tantôt est indëpcndaotde cette action cumme ttaaa toutes tes aHoetiana de la acas!-

bilité.

Si l'on ne confond paa,eomn<a <M)t'a taajoMfttfait, sentir ''t

pereaveir, on MedMit~ma!a dire que le M<e<at'nt, <MtaMoet~.

uta!a ~M'Hperçoit ce que aent le corps organe \:va<tt. S:

Descartes, ï<ookeet Condillac enasent fait cette <at!nct!on, !e

premier n'aurait pas Fefuaé la faculté de sentir aux animaux

avec la pénale ou la réttexion, le aeeontt n'aurait pu s'ompê-cher de reoonnattM un cafactero pK'ptemeat ré~xif dans eo

qu'it appelle idde de ~tsa~MM, et le troiaiëme, reconnaiaaont

deux éléments diat!ncta dans ce qu'it appelle en massa la

sensation, n'aurait pas tenté de dériver tout le système des

idées et des facultés humaines d'une source absolument

étrangère à la connaissance.

CMAHTRËX

CEt.AMëSUttBDESPHOfmÉTÉSBBSCOttfS

M. <teTracy donne pour conclusion générate de tout ce

qu'il a dit sur ie mouvement, t'étendue et ta durée.

i* « Que c'est par sentiment que nous conma!ssons te

moavemem. »

En accordant que dans le mouvement volontaire accom-

pagné d'eSbrt, dans ta locomotion de notre corps en masse,

t. Ternet. pa~ t9t).

Page 386: Maine de Biran: Science et psychologie

xottis SURt.'<R~ea<t:aaa

uu de quelqu'une de ses partios, il y a une st'naotion mtMcu-ta!ra interne, on est fondé a "nier quo ceM««cnfatian auMae

paur eonnattM ta MOMWtnpM~a'Mt-a-diM peaf jn~er quenous noua mouvons «Mque nous changeons de twH dam MM

espace BxaabsotM; eajug~tncMt na pouvant évMocuaMntac

fonder que em la <!«fma!a9aacade qMoh~Mporcept!on OMM~fd'Moespace ou d*~te)H<tMa.

2*« QtM c'ott sa mouvement (ounHMpar 8en<!nMnt) quineMafait cotmaMre )t*6~ndMO.

C'est bien plutôt papee que i'etpaef OMi ~teadMaest ««edonnéo primitive pour nous que nous pfmv<M)t<coMMaMrenotre pfopM <aeu~mant commo toi, e'aa~-dtM j"gaf quenotre corps sa d6place pendant quu noMs ~pMMvana!atAFiaM-rement une certaine aetMftt!oM)MMacataiM,conMa!saaaee OM

jugemeKt !mpoastMe tant qu'il n'y &<j~MMtte8enaat!un!atoHM.3" « Que t'étendue se mosure par elle-môme, sans iatotm~'

diture, avec une cumnMdito ext)A<nc,&cause de la netteté etda la pMt manwacade 8)'sdivisions.

4° n Que l'étendue représente parfaitement te mouvement

oper~, puisque cette propriété des corps na consiste qu'en ce

qu'Ua peuvent être parcourus par le mouvement. »

8" « Qu'en conséquence ie mouvement rend la durée mosu-rabte en rapportant soif divisions &celles de l'étendue. »

C* « QuM pour la même raison le mouvement iui-m&medevient mesurable en le rapportant & l'espace parcouru parun mouvement pria pour unité »

Je conviens bien que c'est le mouvement qui nous donnel'étendue ~M~M~eet non point l'espace primitif qui est unedonnée indépendante, antérieure à tout. L'étendue ou l'espacene se manifeste comme divisible en parties, oit comme ayantdes parties distinctes les unes hors des autres, qu'en tant quenous nous mouvons successivement, ou que nous apercevonsles mouvements successifs dans cet espace*.

t. Tomet, page<M.Lacitationn'estpasentièrementtextuelle.(A.B.)a. Le mouvementest commete lienentm te mt~eeafet t'oMectif,le

tempset reattaoe.CfaMaeapp~tenant«« Mtjot,tt eompn'ndte tempsquien

Page 387: Maine de Biran: Science et psychologie

MRM.t'R ft)~ aaa

StMMt'espace dona~ pendant tmavant m~mM mouvement.MeMana c«naaMrion<tpas ea mouvement qui se tranvorait

réduit pour noua à uno pnr« Mnaatioo intMtae. Sana molt-

Wtnent, nouaaecannaMrionapa~ t'cspaef tmt'étenduccantmp

div!s!Me en pactes.Pour percevoir la succession de nos <Mouvemt'nt~&taqMattf

correspond une aMec!i9Mmdes parttcw do t ~tendMpHxc hors

dénoua, il faMtqMe teMtMaoitCtMtsthH~ pff(«'))n« duM~dcr~n)in!sc<tnc«<'tdoJM~nwttt; sana <*ch),!t n'y a point d'ordre

de sMft'essicn, p<nn~da t~mpt.

tA'fpaee pourrait ttx' d<MM«''.)mtdt!)tM')tKt<t("mnte un

tout Mtdtvis~et (Md~biMe par une première tn(H!t!'m unique.t.'tnhttUt'n st'Mta«Mf<!tpour te aaiinr ot le <!sof. H K'CMest paade même da la dM~e qui uu puMt su <uMdt!t<}aesur ptu-sMMMiotuiUons Mët'Mentro ettoa par la m~moirt'.

En ne considérant qne des apnsatiuns purement !nMricur~ou une suite d'actes et d'enorts voulue, il y attrait )tMCce8s!en

d'MMatenceaperçue antérieMrenMnt ou sucefasiom des mudesdt! cette t'xtstoMce;pour être aperçue ou connua, eetto succes-sion r<*<{)nertun 6tre permanent invariable, <'tdes actes tran-sitoires uu des modes qui changent &Mregard du sujet MMquireste lu même. Mais nous ne tr"uvons point tX la conditiond'un temps ou d'unu durée mesurée.

L'instant, ou l'unité du tet~px, est déterminé par un seuteMbrtou un acte voulu, dans l'exercice duquel l'individu peutdire MMMou MM.Au second acte il dit encore «Men conservant

euthttMMthteeoauueaptN)rh')M)tt0 t «Hiet,UiK;t<)<rt~fn<t'()<MM))!-['.«<''pt tt <U<~<eet qui luioettde mesure.

En MtMchantet cemptamtMMpM,j ni<hm~te muuwMtntht t~MexttfEn ft du nembMqui iientpperiMttd'eboMtle ditbioM <tt)tftop!)<)uitempstt du nombrequise rapportent.l'abordan%ditIsiuns4tutPlllfI'Iquit'éeeutependant qwje memeus,puisauxdi~MotMdf t Mpafe,~Mandj\'M-riécuulependentqurje memuus,pufsouxdici~iomde i'eapace,yuanclj'eva-mine latracetai<~epar me~pu apttf)que le mou~extMttest termina.(:den~MitdivMeMmetf~r~'ntcnt doncct-ntMdu temjM&:«uM,et ett num-htant mes tmeMje nombretesinstantsdu temps, commeen Bemhtaatd'ahepdlesimt<mt!<je temptabmespMou lesdi~MeMqueje M~b de les-pace.C'estdonctoujourste mouvementqui mMuret'cs[<aeeet te tcmp~.mn~il n'MtjamobmMure.(H.deB.)

Page 388: Maine de Biran: Science et psychologie

KOtM «MMt.'tM~t.OatKi~O

aon identité, avuc ta r~miniocanee qui lui rend encore posentta premier acte pendant y<e te seoond est t~écnte et ainsi

pour toute ta suite des inatantaqui est mapquAa par cette dca

notes eséeutca.Cette auito peut être reppésentée par une ehatttc con<!aMe

cotnpos~o d'Mne multitude de ehatmens, tas~Meta cMBtiaMeat

entre eux eontme tes pttints dont nous concevons !ntaMee-

tMettemont~M'MttMligne droite ost composée. Telle est!'tmaga(t'NModMr~ototato quo nous saMhaeMa par Ma seul acte de

FapeMeptiott jomta & la mémoire, cotame MHS ooncevons

t'eapaoo par une noMteintuition MMMttaaée.Au premier instant

do son existence, un ~tre sentant ut panaaMtn'aurait anoano

idée de dar~c~ pendant qu'it a a6c«saairement cette d'espace

par cela MMtqu'il ~e~oA.C'et~ an ayant cette durée présente à la foM que nous pou-

vona y FoeonMaitreou y mesurer dos parties que nousappetons

temps comme c'est en ayant l'espace présent par l'intuition

que u«ua pouvons y tracer des divisions.

Le mouvement est le moyen naturel et WM~Mede cette

division du temps comme de l'ospaco. Toute division se fait

dans un temps. L'espace, comme divisé et dans l'acte même

de la division, est if séparante du temps. Les divisions de

l'espace sont permanentes et représentent les mouvements

faits, comme les instants écoutés depuis que te mouvement a

commencé.

Supposez que l'espace ne fut pas donné comme un seul

tout permanent qui reste toujours fixe pendant que nous le

parcourons ou que nous le divisons par des mouvements

successifs, chaque partie élémentaire disparaissant, à mesure

qu'un mouvement cesse et qu'un autre recommence, il n'yaurait plus qu'une suite de sensations musculaires internes

tiées entre elles par la mémoire, et par suite une durée ou

cA<Kc<&<~K~Msans aucune mesure Sxe. !i résulte de cela

même que ce n'est point de simples sensations musculaires

successives ou répétées que l'idée de t'espace peut être origi-nairement acquise, mais qu'au contraire l'espace Bxe pet-

Page 389: Maine de Biran: Science et psychologie

WM.PKTK~Y :w

manent est une donnée primitive indiapensaMement n~'sMure

pour que noua pniaaiona connaîtra nos tnonvem<'nta on cea

modes qui changent pendant que la phase qui est parcouruefeate.

II semblerait d'abord qu'on devrait appliquer tes mémfs

prineipes à la durée, et dire que ce n'est point non ptus pardes mouvements anceessibqMe nous avons t'idee d'une durée,

puisque, au contraire, la BMC<'css!onppt<;Medans tca modes ou

actes de mouvement présMpposequelquo chose qui reste lixe

au dettans de noMa-n~mes et dont tesmouvemeata ne ppxvent

que uoua donner tes parties ou tes pointa de division. Cum-

ment concevoir en enet dea parties sans t'id6e d'un tont fimM!

taaë présent à la pensée? Mais H y a ici, entre !ea deux con-

ceptions de Feapace et du temps, une ditFérence essentielle &

noter. t/Mpaeo eat donne a la Ms par le premier acte d'in-

tuition objective; la durée n'est conçue comme un font que

par la liaison étroite que la mémoire étaMit entre les actes

répétés. Chacun da ces actes a été perçu d'abord distinctement

dans un seul fait de conscience, et la réminiscence t'a jointau suivant pour faire deux instants pt ainsi de suite pourtoute la chaîne dos moments de notre existence successive.

La pensée compose cette chaîne par une véritable synthèsedont chacun des 'principes ou éléments a été indépendant d<*

celui qui le suivait, et l'analyse s'appuyant uniquement sur la

mémoire sépare ensuite les chaînons en traçant certains pointsde division dans la chaîne totale et y assignant ce que nous

appelons des époques*. Au contraire, l'espace est donné syn-

t. M.BoyerCothKtm'ademandési chaqueafte n'emportaitpasMfc lui

quelquedm<!eoumeceNtMd'instants.J'atttpondttquechaqnetnstontde la dm~ecorrespond&onaetcoumou-

vementvraimentinstantanéou mmtMMeMshmappFMaNe,eat j'appcMfacte le vouloiret le mouvementqui le suit.Or,a nousesthnpMstMedpreeennattreaucunesuceessfonentrecesdeux tenum te mouwmentparais-santbiensimultanédansle sensIntimearecla déterminationdumoiquit'ff-fectm.Cependantu &)ttbienquu ait ta quelquemee<sstonp)ti<quedanstMt MM~Mde maNitêvolontairele sujet moteurs'aperçoitlui-mêmecommefaEM',pendantquit p<*rçoKta!.<'ttK)Monntusfuhtin'rommp<*iM.Or.

Page 390: Maine de Biran: Science et psychologie

J<OT!!8 PHM ~)P60~H)E342

thétiquement et sous la forme d'un tout (tant !'idéo précèdecette des parties, et Fanaïyse ou ta distinction de ces pattes

s'opère par une suite d'intuitions et dp souvenira. OtM fin*

tuition du tout et cette des parties qui restent présentes dans

la suite des mouvements, et t'espace s'identifie avec le temps.

n n'y a rien de permanent dans celui-ci que te moi. Les ins-

tants partiels do son existence s'ëvanouisaont daaa teMP

aMecossîonet sa m~tno!' seule en conserve les tracos.

On pourrait demander ii collo occasion si nos idées de

nombres sont spec!aten)ent relatives aux divisions perma-nontes de t'capneo, si eHea ne peuvent paa i'Atra aussi aux

divisions aaecesMves do la durée'? ït est certain que, aana la

mémoire, il n'y a pas d'idée de nombre, pas plus qu'il n'y a

d'idée de temps. L'être qui aurait des sensations et des intui-

tions sans mémoire, en lui supposant une personnalité distincte,

pourrait dire MMchaque instant de son existence qui serait

toujours comme le premier, et il no dirait jamais <feM.c,etc.

Mais dans!a suite des actes internes répétés, si le souvenir ou

la réminiscence du premier se joint à l'aperception du second

au moment où il est exécuté, voita deux actes ou deux ins-

tants embrassés dans la même anité de conscience, et le

temps natLavec l'idée du nombre it ne me paratt pas possible

la causedeHph'cM~'rsoneffetd'un instMttde durée,tout (mppt'MaMfqa'H pubse~tft,et touteslesfoisqM<'nousappliquonshorsdenousce typfintérieuret prtmMfdf toutrapportdefouMUM,n«U!'conrevonsc~MttatrfMontque laMma*Mt aMntitouetffton qu't!h*agit dstMxn tempspourtfproduire.

YoU&pourqootd'nn<'part onMt d porMà confondrela camattMaveclas)tcce&ti<tnet &répéterMMccM!*t« p<M<hoce~o pt~ttf /<'x' d'anautrecôté,la stmaKanaMapparentede chacunde nos actesde vouloiraveclemouvementquienest l'effet,a cmpéeMjusqu'àprésentles philosophesdft'hercherdanaeesentimentprhaMfduvouloironde t'effortl'originedeFMeedeeauMtMê,deforceet detonteftlesnotionsquidériventdela mêmemurée.C'esta htnotiondeMbstaneequ'ons'est attaché.Or, latattHh<ne<<coetMea~ecse~modes,et te mêmeactede Japenséelesembrasseotmaitanement.

D'atUenM,c'est l'espaceoul'étenduequinous tmnnt nospremière*idéesdesubstance,oudecequi restetoujoursprésentdansla tarietedesBMdtB-cattons.VoUApourquoila ptnpartdes systëmMde metaph~'iqtK'MM&Jfl'écoledeDeiieartetinetinentverste matMatt"m'(M.deB.)

Page 391: Maine de Biran: Science et psychologie

M M. M! THACY !M3

de séparer ces deux notions dans l'origine point do tempssana nombre, point da nombre sans temps, de m~mo. point

d'espace divisé aans nombre et sans temps.J'ai pensé aussi autrcfoM qu'il n'y avait point d'idée de

nombre sans division de l'espace en parties distinctes et per-manentes. Je pense aujourd'hui quêta réminiscence des actes

successifs aumt pour donner naissance aux idées de nombre

par cela seul qu'elle constitue le temps dont te nombre même

est inséparable. Je pense aussi que sans "s~acc ~<n~ par nos

mouvements objectifs et en vertu seotement d'une sMitod'actes

intérieurs répétés, le temps et le nombre sont pris ordinai-

rement et uniquement dans le sujet; et la pensée tes conce-

vrait nettement en se faisant uno arithmétique, une algèbre

et même une sorte de dynamique intellectuelle sans aucune

idée objective d'étendue, limitée, figurée ou sans géométrie.

Les divisions permanentes de t'espace servent éminemment

a fixer et à préciser nos idées de temps et de nombres. Les

nombres s'appliquent également et de la même manière à

tout ce qui est conçu sous l'une on l'autre de ces formes.

On passe naturellement et avec la plus grande facilité de

l'une do ces idées à l'autre, et cela est tout simple, puisqu'il

n'y a pas d'étendue divisée sans mouvement ni de suite de

mouvements aperçus sans un espace, que le temps ne dinere

en aucune manière de cette suite de mouvements aperçus,

enfin que los divisions permanentes de l'espace nous repré-

sentent toujours, d'une manière fixe, une suite de mouve-

ments opérés, et ce qui est la même chose, une suite de

mouvements écoulés. La mesure naturelle de ces mouvements

et de ces instants se trouve donc dans l'espace divisé.

Un espace total comme la circonférence de t'équateur, par

exemple, représente une suite de mouvements faits ou d'ins-

tants écoulés une division ou fraction de cet espace fixe.

représente un seul mouvement, un seul temps intelligible.

Chaque division est égale, par suite chaque mouvement,

chaque temps est censé égal. Je dis censé parce que nous

supposons toujours le mouvement uniforme, sans avoir, hors

Page 392: Maine de Biran: Science et psychologie

SHTtSt M!M ~tt~taOR:M4

de l'espace parcouru, aucun moyen de vériNereatte uniformité

qui est une conception de notre pensée, et dont nous n'avona

aucune raison de supposer d'abord te contraire ou la variété.

<' Onn'a pas entsrs fait voir nettement, dit M. de Tracy,

en quoi consiste la propriété de l'étendue on n'a pas imaginéd'en déduire la cause du degré de certitude des diverses

sciences,certitude qu'on a été porté à attribuer en général à h

manière do procéder de ces sciences, que l'on croyait fort

différente, tandis qu'il est prouvé que la marche de l'esprithumain est toujours la même dans tes diverses branches de

ses connaissances, et que la certitude de ses jugements est

toujours de la même uature'.

La manière de procéder d'une science est nécessairement

subordonnée à la nature des idées qu'elle emploie, et parsuite au caractère des. signesqu'elle emploie pour exprimerces idées avec plus ou moins de précision. Les idées et tes

signes mathématiques font une classe à part, en ce qu'il n'y

a point de différence entre ces idées ou notions et leur objet,

qu'il n'y a point à s'occuper de la conformité des unes avec

tes autres, et qu'en pensant à l'étendue ou à ses modes, aux

rapports des figures et des nombres, etc., on pense à des

réalités invariables, permanentes, connues dans leur nature

et jusque dans leurs derniers éléments.

ït n'en est pas de même des sciences qui se basent sur des

sensations ou des intuitions; il s'agit en ce cas de connaître

les causes des effets sensibles produits en nous, ou les objetsréets correspondant aux images qui sont dans notre esprit.Or cette recherche qui n'a pas lieu dans les semencesmathé.

matiques, exige des procédés particuliers nécessairement

différents et des t&tonnements toujours plus ou moins incer-

tains les rapports conçus dépendant toujours de la nature

des modifications variables, etc.

M. de Tracy a cherché à classer les propriétés des corps, et

ce qu'il dit à cet égard prouve combien sa philosophie pèche

). T<Mnet, par 204. La citation n'est pas entêtement tettoeth-. (A.B.)

Page 393: Maine de Biran: Science et psychologie

M!M.M TMCt :<?

par les fondements ou combien ces fondements sont vagueset incertains.

n met au premier rang ce qu'il appelle la maMiM qu'i)considère comme la source de tons tes efteta que tes corpsproduisent les uns sur tea autres, comme ta cause même dela faculté de aemUret de aemoavoir. Il ajoute que toatea lesautres propriétés des corps sont nécessairement dépondanteade eette-t~ pM~qa'ett~s B'aaTment pas lieu sans eHe; ou ysont essentiellement relatives, poiaqa'ettca ne nous sontconnues que par le mauvement*. M

G'eat là une grande eonfuaion d'idées. Dans la man!ëre dontM. de Tracy a conaidtfé l'origine de la connaissance, la mobi-lité est prise à la fois dans le point de vue objectif pour la

propriété ou plutôt la capacité qu'a tout ce que nous appelonscorps, d'être parcouru par les mouvements que noua faisonset sentons, et d'y opposer quelque ttsiatance et dans le pointde vue subjectif (qui est aussi le dominant) pour la &cntté

que nous avons nous-mêmes (êtres connaissants) de mouvoirnotre corps et d'agir ainsi sur les corps étrangers.

Dans le premier point de vue cette mobilité (improprementdite ainsi) se confond avec t'étendne,et ce n'est qu'une qualitérelative à l'être moteur. Nous n'avoua en effet dana cettethéorie aucune idée de ce qui est, dans le corps étranger, la

capacité d'être parcouru et m& par le mouvement de notre

propre corps qui est la seule chose que nons connaissionf ousentions immédiatement. Mais dès qn'it ne s'agit poi)ht de

propriétés réelles et absolues des corps, mais des quttité~relatives à nous et à nos moyens de connaître, il ne devrait

plus s'agir de classer des propriétés suivant l'ordre ou elles

peuvent dépendre les unes des antres ou d'une première,mais nsiqnement d'assigner l'ordre de dérivation des idées

que nous avaax de teUes qualités relatives, en les considérant

par rapport à la première sensation ou idée qui est censée enêtre l'origine.

t. T<Mn«t, p!t(«' aCK.

Page 394: Maine de Biran: Science et psychologie

t)ME9SURt.'tBËOMatf346

A ep dernier égard, il est vrai de dira, suivant la théorie de,M. de Tracy, que tout ce que noua cannaissena des corps part'Mpériene~ est subordonné & la faentté de noua mouvoirvolontairement et d'avoir eonseifnce de ces mouvements etde leurs effets, Mais en payant de la conscience de noua-mêmes par opposition à ce qui n'eat pas Mas, il v a une

grande erreur à conclure de la prem!~ condition sur-laquelleae fonde la connaissance des ~tres à la condition mAmo deleur existence absoluo et de la dérivation do lours propriétéatelles qn'eMca sont et parce que nous pouvons déduire uncertain système d'idées du sentiment intime de notre propremobilité ou plutôt w<~t/< croire, en transportant cettemobilité au corps, que toat ce qM'!ta aont en eux-mêmesdérive d'une certaine mobilité propre à eux, ou d'une capacitéqu'ils ont d'être mus les uns par les autres comme ils le sontpar nons-mêmes. Cette confusion d'idées tient évidemmentà l'emploi équivoque du terme mobilité pris à la fois et sansdistinction dans les deux sens subjectif et objectif.

Assurément il n'y a aucune raison d'aMrmer dans le pointde vue objectif et absolu quo toutes les propriétés des corpssont nécessairement dépendantes de la mobilité; et, enadmettant qu'elles ne nous soient connues que par le mouve-ment que nous faisons nous-mêmes, ou n'en saurait conclure

d'après aucun principe de bonne logique, que de la capacitéqu'auraient tes corps à être mus ou transportés dans diBe-rentes parties de l'espace, il s'ensuivit comme des conséquencesrigoureusement nécessaires telle ou telle autre propriété aucontraire la mobilité suppose nécessairement comme anté-rieurs à elle l'espace, l'étendue divisible, et une force ou desforces impulsives.

A le bien prendre, il faut qu'il y ait dans le corps plusieurspropriétés essentiellement distinctes entre elles, on qu'il n'yen ait qu'une seule de laquelle dépendent toutes les aubes.Dans le premier cas, il n'y a point de raison d'assigner aucunordre de subordination entre ces propriétés distinctes; puis-qu'elles coexistent dans le même objet, il n'y a point de pre-

Page 395: Maine de Biran: Science et psychologie

M!M.)MRlrHA<:V :M?

<n!eM'ni de dernière; et t'en pourrah, jj~ wois. appliquerégalement eetto remarque auxdifMrontea facultés qui eocsis.tout dans te «njet. ït'crranr porpAtnctto de la métaphysiqtM'consiste a croire que les choses que nous eansid~rona distinc-tement les unes hors des aulraa, on les unes ap~s les au(<t,aont réellement séparées dans l'espace et dans le temps at<s<t-lus. Dans !a second cas, et a'tt n'y a qu'âne seMt<"propreesaent!eMe dont toutes tes autres dérivent eomMe do leursource, ces derni~faK aoront improprement n<M)Mne«tpm-pr!etës, puisqu'elles ne sont r~oMementque des ntfdtMcattMMSde !a même qui se transforme pour les produire. !s tora ilne s'agit quo de montrer par !e raisoanoinent ou le oalcul,appuyés sur des faits ineonteataMos, l'identité et tes lois de latransformation dont il s'agit. Ce qui n'a pu etM fait jusqu'àprésent par la physique et la méoaniquo. Maia il faut toujoursse garder de confondre les lois relatives do la connaissanceavec les lois absolues de t'existence, et pour donner un

exemple, quand même nous prouverions que t'idee ou laconnaissance que nous avons de l'attraction se réduit dansnotra esprit à celle d'une sorte d'tmpM/SMMqa'est la premierfconnue, ou d'un choc de fluides en mouvement qui poussentles corps &distance les uns vers tes autres, ce no serait pointune preuve que l'attraction ne soit réellement différente de

l'impulsion dans la nature et que la première de ces forcesabsolues ne puisse jamais être ramenée à l'autre nous n'avonsmême aucun moyen de savoir ai eUespeuvent être séparéesdans quelques cas, quoique nous les concavions très nette-ment comme distinctes, etc.

« L'inertie et l'impulsion, » qui viennent, suivant M. de

Tracy, après la mobilité n'auraient pas lieu sans elle, et nesont que des circonstances de son existence

Ceci ne peut vouloir dire autre chose sinon que sans lafaculté de nous mouvoir, nous ne nous ferions aucune idée dece que nous appelons inertie ou résistance dans la matiez,

Tome t, page 206.

Page 396: Maine de Biran: Science et psychologie

~TM M'Mt.'th~entR!M«

MMoramaina t!o cette faref pw taquett~ h~ cwp)))r<~oiv<'ntM(ao oammuniquant du MOM~Mtent.Ma!a nt'ao H~M~tUMpttiutdu <<M<t t'ixfrtia abaotMc de$ <MwpaMt una dépcadowttnéeeasairo de tour meMMtAMMt'jfc~WM, JR~ ccMsMôMntMt<o propriété ainai quo j'eaten~eot les ma<h~Mtat!e!entt,comme celle par taqMet!o les corps tondent tot~OMtw& pet-~v&rof dans leur 6<at soit t)e moMvcnxont, «ah do repos,ea conçoit qu'elle fMbsMtorMt~a!~mcnt <}~a«d il n'y au-rait aucun moMveMeMtdans ta nwnde; en t'!tt<'n(!RaM<avec ta r<ai«tane« que n~utt ttppfmoHt toMJOMM!ea cafpxquand il ft'agh Mit d'aff~M ta mMtwment impf!n~, soitde h) oommenccF, on poM' bien dire qu'ollo na mMMesteonnuo ~H<t par notM effort ou notre propre MMtMVMMent,mais non qu'elle soit une co!MéqM«ncede qu~qua vertu <Mttendance ~MtMab!c qu'en feindrait gratuitement Atre inhé-rente aux corps. Quant à t'impaMon ou a !a cause MMpM~MM'absolue, elle est bien nécesaaiMment conçue avant te mou-

vement, puisque c'est elle qui !o rend possible en ctt~etuantce que nous en concevons comme uno sorte de capacité vir-tuelle dans le corps.

Ceci s'applique de même à l'attraction que M. de Tracy pré-tend aussi n'être qu'une MMéqueace, &la vérité non nécea-

saire, de la moMuté; tandis quo cette force peut Mre consi-dère comme la cause de toute mobilité.

Si la matière n'était pas essentiellement active, dit M. de

Tracy, je ne comprends pas comment ette serait mobile, car j<'ne puis concevoir d'oo viendrait le commencement d'un mou-vement quelconque'. aJe dis moi Si la matière était essentiellement mobile, je

ne puis concevoir d'où nous viendrait l'idée que la mouvementa pu commencer; mais si je la connais nécessairement comme

inerte, je suis porté à me demander d'où vient un premiermouvement et la plus simple réMexion sur te fait du sensintime m'apprend que l'activité du moi opposée à t'inertie du

t. Tomet. pai:?SOS.

Page 397: Maine de Biran: Science et psychologie

«RM t'KtMWt aia

corpa ne pMHt6tr<'idw<4qua uwe ~MeMtt~ppMteu!' «Mn~mo

~<.~<M MtMb!!cttu <~M&tto <n«MMM,e'f~t <t~!r lit ('«?(?!?

<t'&<MmMOMtFanapartA:~hv actif, o'~at awifh faaMhé du

ptedaiM !t) tMOMVOtnont.Of, ~Me!qMaHOH9M<tC08S<w!<mtt

po!nt~HotaaMf< caMoa,a! de axw~ oatMt'f~t, neMs na ;<OH-vona admeMpa~MM« chttsn tm MMphônon~n~ t'ox~MCMmMa<!<!btsoit un n~m~ ~~pa Rapr«pta caMso. en ~ta!t ainsi,les dt~MXtaftntm <!«M{tpo~étant i~nttiqMca, il n'y <Mtf«!tph<a<~ et)Maa< intelliGible.

Vtent eoHMt'~M~t', qt<tM't'«<,aMtvant M. da 'ffaoy, u a!<t<MM~'<Mta<aaM,M un «Motdf ta nMbitM, tMah ~Mtne noM))ost ~HMMa<tM<!par eU~, t~ triste pwM'aaoaqMt'pot' sa retM-t!att avec to ntOMv~Mt~nt

Ne aeMMt-Hpas plus vrai t<M<<!)<'<j)M«to taonvement n"nous oat c«naMquo par aa n'tatien avoe t'~tMMtue,et <! l'onconvient 'quo ce aoMt deux p~pnéMa dhtioctea <<M€<xp8.eomnMot a-t-on pu dire quo toutes tea pK)pp!6t~t dea cerpxaootdëpoadaMh'sde teMFmtobH!t6?ate.Un ttreqMt n'auratt

jamata vu aucun Corps étranger en mouvcmont ne pourrait-ilpas avoir une intuition d'étendue et y rappurter la réststaoce? L'étendue continue qu'i) meauroFah par son propremouvementserait pour lui dtvMMeMtM être encore mobileet it en aurait ainsi une idée tout aussi complèteet aussi nette

qu'en voyant ensuite se mouvoir les diMrentea parties deceKe étendue.

De l'étendue, M. de Ffaey fait dénver la divisibilité, la

lorme, et enfin r<N~M~M~ Mconsidèro ici rimpénétra-bH!tA comme cette propriété par laquelle un cafps exclutnécessaifement un autre corps du lieu qu'tt occupe; et dansce sens 1'impénéttahHtté est bien certainement une consé-

quence do t'étendue mais en prenant la notion d'impénétra-Mité dans son ofiginf, nous concevons qa'eMe s'identifieavec la résistance que les corps étendus opposent à nos mou-

T'~M page S<M-

Page 398: Maine de Biran: Science et psychologie

XWE8 ft!R <<t)~Mat<: fR M. M; TNAC~8NÛ

\eoMnta ~«ntotres, jt~M~to <~s!atanec ao praptw<i<!)nt)c&rinert~. Ahts! t'!mp6n~<MMMt6est Mac ptopri~é Btem!rptatha acn !a MoMHM <!M<:«r~ MM):a~BMwaMeMHM.. ~'RW~

\< r.. w

FIN

Page 399: Maine de Biran: Science et psychologie

TABLEDES MATEES

ft~.tNmODUCTtOM. <

M~tOtRE SUR LKS RAPPORTS DE L'tOËOLOQtE ET DUS

MATHRMATtQtttë; i

OBSERVATIONSSUR L6 SYSTEMEDU DOCTEURGALL. ?

Si.

g S. Des a!~09 <!espMNioasdans t<tdoetriMede Uttt comparée&eeMedeB:ehM. 5t

<:OMMËNTAtRËSUR LES MÊNTATMNS MËTAPHYStQUËSDEDESCAUTES. M

M«)taUM!tt,MeHV. M

MMitattoatM. tM

MMttaUo~V. t<M

MMitationV! ÊM

RAPPORTS DES SCIENCES NATURELLESAVEC LA t'SYCHO.

LOGIE OU LA SCIENCEDES FACULTES DE L'ESPRIT HU-

MAtN. M

~NTROBNenott.§t.Fondements dota diatinetion entre tee pointe de

vuedeadeMMience' i27

§ 2. Division des Mtencea parallèle à ceMedes faits premiers

qui leur serventde base. !?

§ 3. Des différents points de vuede la science de la nature de

t'hemme..< i3t!

S6cne!<ptumt&M.ConsidérationsraMonneUessur l'origine et la

nature da pnncipe de eaasatité et le caMetèfedes notionsquien sontdenvees. <4t!

CHAPKMfMtNtB«.Vate)tfdapnneipede camaiiM. H6

§ i. Quecette tehtien diBetedu rapport de sttMeMiondes phé-nomènes. t46

Page 400: Maine de Biran: Science et psychologie

3M TAM.EttM MATt~S

S i*. QM<& t'atMMde eanM)«e M'ett jjm Mue(MMat~aethM,nne ca«s<Tie <Muno M<~~narate. CaMoteta <tM<?-

MNemMMttM~et e~M !aa~nMfmsci tu M6Mg~~M. m

ComoMt ha dMtdoM daa Mft): tnn~ o< dM smeaMans lais-

sent &MMttao dénaturent !eaNOth'napNn<<~a et f<m<M«ea.

tates de t'espt!t b(mm!n. DMxe~n essent~He& obsener

entre to sy~Mmeprimitifde naa ctoyanaM et celui <taaM&esMt

ee~nctameees. i<N!

ObjeeMaMBamMM~Btee. tTX

CûmmMt tes diMaMhtMM~ophyetqam tiennent &la confusion

des principes do la croyance et do la <'Mno<stanee. <?

)OBSMTt99. t~

t.eMn)«! a~

tioohorohoaeur l'oriSine dea aotiune oueroyanMa. 307

Awtfefmgment aorte mêmesujet. ?3

Sj~nos TMeMtÈM).Apptimt!en du principe de eaaa<t)ite aux

aeieMeapbysiques. 240

NOTES SUR QUELQUESPASSAGES DE L'ABBË DE UONAC.. 289

NOTES SUR MOEOtOCtE DE M. D~ TRACY. 3M

Cn*FtMBVt!.Derex!stence. 3M

CaAptTttBtX. Dea pMpfMteades ootps et de leurs Mtat!ene. 939

CHA~TMX. De la meeoMdes propriétés dea eomfC.~f.)~T~. :ST

fW

'J)

*!t6]!tt, <St. SMStS si t~ MS 6*aat! t.

Page 401: Maine de Biran: Science et psychologie

&

s::

Of!)!&M<et)eoutauf

jNF Z M-HO-a

Page 402: Maine de Biran: Science et psychologie

~<JTM~~w~<<~<~MM<~&t&tf*Bm'ao~

~e~Mtt~ M~<<tf~t~ mot~, t~MteMttMeaMfOM~aM.afanMtK'.

~f<Bei<<t~~$~tt'<Fe~~M!&Mt.M.)Pt~e<~M~M~~<~e~~j~<<~(M~~

A~~MMt~;<<c~A!a&<'tMrM<P.tt~M!t?.jtf~<Mj~.t.

N~'ÂMi~tM!

~Me)Mte).C.Bt<M<:N~)w~~apM~<<<e~W~M~tt)tt<<B~~MtE.BEM<a~a~~<hM~j~w~MOtt~)f~,tjMtetttH<!M

&KMB<mtmmw<«M''<~teMMttt'tMct)~tte!m9..~C~w!Aa~a~9<fe~a~&Mtt.ttUaaMfi~<~

FMtt6~en.P.am«tcn:~anM~a''<JMtM~Q.t<*MM!i&&eaNM'<<'oHpt)'<«M.

6.B~M~taFae~MdM!e<&<sa'NMf)iw-<~M)<t-Wfen~M<M<~fame~iF!M)<Mt.

P.BeM)tm:~aM~~)M<e~~a)'o.eMfmtRM,éttA~t&h~&~aM~)p<)MM~~e<

p~M~~MeM~<&t~t<<«~<tMoe~M~MM~a<<<eM<?<Katee(M~MMat~tM~.

fiMetentetU-t..AaMMM!~tMec&Moae<<M!M~aiMwMw<~<fesMMt«tMM<t:<MKM<~M<Mf<n/!<t<Me<fe~M~9h~

A.1tM~MtBt:~d&eet)M<K««<<t~Mat~M~fe."A.)~~)~A~X~e,B.~<NX:t97&'<w<<eA&<&tMw~fMM<fen.A.HMMBMtttCe«)~~'<Mier<we<<'«?cMtf~~w&tpM<M<~MM"N'~a«M.P.Rm)M)M&«'fef~ne<<<;t<~<a'<M~M)t~Meat~&j~Mn<

f&HMaee<f<Mtt<M<M.P.BeatMW!eMMfeaM)~t<~N~i!)~Mea<<M<fM&.C't. MMtM,<tum<nHt)tfMa!M CeaMM<<MMa AtM~~e<fM

;M))~&t<tf&M!ih..

NMMM~ ,DIS':JÆTTÍIS,»fLYON::

'%txMM.<a<b tMfSt~mM Mttt<a~ (M(~t~, par~c~MM,<~w~;Mt~eh~~)~ts&MEac~t&de~iL~~

"<!e'tyan.t'Se&nMe<~~te6~: ttMtM~MmM~ <&M~te<<eB~a,pahMêesaweaMiatto~~B.~A~~ ~~tm/~jH~Ment~~t~N'ph~t h

t~~dMt~~det~ta MaM<St~e~aSm~tMa~tônattpMMm~Mtq~et tyH~te,nmt.

Ct.6MT,~otMMMt)aP<t~M<dM~~dltL)ÕD.