Le vignoble du paradis et le chemin qui y mène la thèse de C. Luxenberg et les sources du Coran

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Le vignoble du paradis et le chemin qui y mène: la thèse de C. Luxenberg et les sources du Coran Author(s): Jan M. F. Van Reeth Source: Arabica, T. 53, Fasc. 4 (Oct., 2006), pp. 511-524 Published by: BRILL Stable URL: http://www.jstor.org/stable/4057646 . Accessed: 22/07/2013 15:08 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . BRILL is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Arabica. http://www.jstor.org This content downloaded from 78.155.22.44 on Mon, 22 Jul 2013 15:08:47 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Le vignoble du paradis et le chemin qui y mène: la thèse de C. Luxenberg et les sources duCoranAuthor(s): Jan M. F. Van ReethSource: Arabica, T. 53, Fasc. 4 (Oct., 2006), pp. 511-524Published by: BRILLStable URL: http://www.jstor.org/stable/4057646 .

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NOTES ET DOCUMENTS

LE VIGNOBLE DU PARADIS ET LE CHEMIN QUI Y MENE

LA THESE DE C. LUXENBERG ET LES SOURCES DU CORAN*

JAN M.F. VAN REETH

Tous ceux qui s'interessent aux etudes coraniques vivent une epoque passionnante. Notre connaissance du Coran, des circonstances de sa revelation, redaction et recep- tion ulterieure, est en plein essor. II y a eu le livre bouleversant, modele de criti- que textuelle, de Mondher Sfar, Le Coran est-il authentique ? publie en 2000; il y a les nombreuses etudes d'Alfred-Louis de Premare et de Claude Gilliot, qui ont mis en lumiere l'importance du contexte historique et culturel dans lequel le Coran s'est developpe au cours des deux premiers siecles de l'Hegire; puis, en 2000, il y eut le livre de Christoph Luxenberg, Die yro-aramaische Lesart des Koran (reedite en 2004; le nom de l'auteur est un pseudonyme), qui a suscite une vive contro- verse. C'est precisement dans cette controverse que nous voulons prendre position.

Pendant de longues annees, depuis la deuxieme Guerre Mondiale, les etudes coraniques ont stagne, repetant avec une lueur de critique historique la tradition musulmane (la &rat al-Nabt et les hadt-s) qui decrit la revelation de l'islam d'une facon 1egendaire. Cette presentation des faits est maintenant mise au defi, ce qui explique sans doute certaines reactions. Une des plus virulentes recensions du livre de Luxenberg est celle de Francois de Blois.' A la fin, sa critique devient meme malveillante et personnelle; en outre, certaines de ses remarques nous paraissent denuees de fondement. Ainsi, pour ne donner qu'un exemple, concernant le terme U J Z que Luxenberg met en rapport2 avec le mot syriaque , de Blois

* L'auteur remercie Filip De Rycke, Daniel De Smet, Claude Gilliot et Julien Ries pour leurs remarques pertinentes.

1 F. de Blois, compte rendu de l'ouvrage de Christoph Luxenberg, Die yro-aramai- sche Lesart des Koran: Ein Beitrag zur Entschlusselung der Koransprache, Berlin, Das Arabische Buch, 2000, Journal of Qur'anic Studies, 5/1 (2003), p. 92-97.

2 Chr. Luxenberg, Die gyro-aramiiische Lesart des Koran: Ein Beitrag zur Entschliisselung der Koransprache, Berlin, 20042, p. 57. Favorable a la these de Luxenberg est C. Gilliot (dans ses articles sur le Coran parus depuis, voir en particulier: << Langue et Coran: une lec- ture syro-arameenne du Coran >>, Arabica, 50 (2003), p. 381-393.

C Koninklijke Brill NV, Leiden, 2006 Arabica, tome LIII,4 Also available online - www.brill.nl

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remarque: no reason is given for why, in this 'phonetic transcrz7tion',

the Aramaic lagyngeal h is not 'transcribed' by the phonetically identical Arabic laryngeal h but by x. Or, l'emprunt

de mots a une langue etrangere ne suit pas necessairement les lois phonetiques; on rend les sons tels qu'on les entend, independamment de la derivation etymolo- gique correcte; aussi, dans sa nouvelle edition, Luxenberg met le doigt sur un Sprach- historisches Irrtum de certains de ses critiques, qui considerent l'arabe comme plus ancien que I'arameen.3

Toutefois, une des remarques que nous avons lues est pertinente: the book makes no attempt to place its findings in any plausible historical context4; Luxenberg ne dit rien au sujet de l'identite des chretiens et de leur litterature (syriaque) dont le Coran serait issu.5 Tel n'etait sans doute pas le but du livre; une nouvelle etude annon- cee par l'auteur n'abordera pas non plus ce sujet, puisqu'elle se propose d'analy- ser la langue coranique de maniere plus systematique. Or, la seule facon pour repondre A la question n'est pas de scruter le contexte litteraire du Coran - que nous n'avons pas - mais bien de remonter dans la litterature chretienne, syriaque surtout, afin de parvenir jusqu'aux possibles sources lointaines du texte.

La plupart des critiques de Luxenberg se sont ainsi limites A corriger des erreurs (A vrai dire inevitables dans une recherche innovatrice de cette envergure), mais le point faible de son analyse reside selon nous dans le fait qu'il a construit ou recons- truit une version du recit coranique dont on ne sait si elle correspond A une realite ou, au contraire, n'existerait que dans l'imagination de l'habile philologue. Or, si on reussit a retrouver le produit de cette ingenieuse reconstruction dans un texte existant, qui devient de ce fait la source probable du Coran, il y aurait la une preuve decisive en faveur de sa theorie.

En effet, si des passages coraniques contiennent des syriacismes comme Luxenberg a essaye de le prouver, cela nous demontre que le (ou les) auteur(s) du Coran ainsi que les scribes charges du travail redactionnel - par le Prophete ou par une instance ulterieure - ont da avoir sur leur table de travail des ecrits d'origine et de langue syriaques. Se referant aux ouvrages d'Edmund Beck,6 Luxenberg fait mention d'une seule source possible de ce genre: les Hymnes du Paradis de Saint Ephrem, dont on avait demontre depuis longtemps qu'ils ont dui inspirer la representation du Para- dis contenue dans le Coran.7 Or, la question reste entiere: dans quelle tradition

I Luxenberg, Lesart, p. 12. 4 S. Hopkins, Review of Chr. Luxenberg (...),JSAI, 28 (2003), p. 380. 5 Sans doute faut-il penser ici au secretariat de Muhammad, compose de scribes

sachant F'hebreu ou le syriaque et dont la tradition nous a conserve des noms, cf. R. Blachere, Introduction au Coran, Paris 19592, p. 12 sq.; M. Sfar, Le Coran est-il authen- tique?, Paris 2000, p. 99-104; A.-L. de Premare, Les fondations de l'Islam. Entre ecriture et histoire, Paris 2002, p. 302-329; Id., << La constitution des ecritures islamiques dans l'his- toire > dans: D. De Smet, G. de Callatay & J.M.F. Van Reeth (eds.), Al-Kitab. La sacra- lite du texte dans le monde de l'Islam. Actes du Symposium International tenu a Leuven et Louvain-la-Neuve du 29 mai au 1 juin 2002 (Acta Orientalia Be(gca, Subsidia III) Leuven- Bruxelles-Louvain-la-Neuve, 2004, p. 178, 180; C. Gilliot, <<Le Coran, fruit d'un tra- vail collectif ? >> dans: De Smet & alii, Al-Kitdb, p. 195-199, 222-223.

6 Notamment son article << Eine christliche Parallele zu den Paradiesjungfrauen des Koran >> ?, Orientalia Christiana Periodica, 14 (1948), p. 398-405; Luxenberg, Die jyro-ara- maische Lesart des Koran, p. 236.

7 Tor Andrae, o Der Ursprung des Islams und das Christentum, Kyrkohistorisk Arsskrif,

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chreienne de la Syrie faudrait-il situer le Coran ? Peut-on en identifier les sources syriaques ?8

Ailleurs, nous avons tente de demontrer que le Coran cite les Evangiles sous la forme du Diatessaron de Tatien, suivant ainsi une tradition marcionite, plus spe- cifiquement dans l'interprtation qu'en a donnee Mani.9 En outre, le Coran te- moigne, croyons-nous, d'une prophetologie qui le rapproche d'une forme de mono- physisme extreme.'0 Ainsi, les recherches devraient se concentrer sur la litterature syriaque emanant d'un milieu heterodoxe et precedant immediatement l'activite de Muhammad, dans le temps et dans l'espace.

Le cas que nous voudrions soumettre a une telle investigation est celui des descrip- tions du Paradis, dont la longue analyse de Luxenberg a suscite parfois de vives reactions. Ainsi, il a fait disparaitre le mirage des fameuses hiun-s (les vierges) ainsi que des 'ephebes immortels au service des bienheureux.

Luxenberg enumere neuf pericopes oiu apparaitraient les h4ifi-s selon l'interpre- tation traditionnelle. Mais selon lui, ces vierges n'existent que dans l'imagina- tion des mufassirin ulterieurs, ainsi que dans celle des traducteurs du Coran (il cite notamment Paret, Blachere et Bell). Voici, A titre d'exemple, le passage clef: Cpjz P j? j (sourate 44: 54, dont on trouvera un texte parallele dans sourate 52: 20), rendu par Blachere comme: << Nous les aurons maries a des Houris aux grands yeux .

L'interpretation de Luxenberg est totalement diffi6rente. Au lieu de ?&i.; il propose de lire, en faisant abstraction des signes diacritiques ajoutes ulterieure- ment par les grammairiens,'2 << il les fit reposer" >> ensuite serait l'equi- valent de iCL : << ere blanc et C se refererait a un objet brillant comme une perle, ce qui serait une image pour une grappe de raisin. Ainsi il parvient A sa traduction:

Wir werden es ihnen unter weflen, kristall(klaren) (Weintrauben) behaglich machen13 ce que Gilliot traduit comme:

?Nous leur donnerons une vie facile sous de blanches et cristallines [grappes de raisin] >>.14

Ce texte ainsi restitue, Luxenberg croit le reconnaitre dans un verset de St. Ephrem,

25 (1925), p. 45-58; Id., Mahomet, sa vie et sa doctrine (traduit de I'allemand par J. Gaudefroy-Demombynes), Paris 1945, p. 86-88.

8 Cf. A. Havenith, Les Arabes chretiens nomades au temps de Mohammed, Louvain-la-Neuve (<< Cerfaux-Lefort >, 7), 1988, p. 79-82.

9 Voir notre art. ff L'Evangile du Prophete )>, dans: De Smet & alii Al-Kitab, p. 169-174; Havenith, Arabes chritiens, p. 79.

10 Voir notre art. << Muhammad: le premier qui rekvera la tete >> dans: A. Fodor (ed.), Proceedings of the 20th Congress of the Union Europeenne des Arabisants et Islamisants, The Arabist. Budapest Studies in Arabic, 26-27, Budapest, 2003, p. 90, 92; Havenith, Arabes chretiens, p. 81 sq.

'" R. Blachere, Le Coran, traduit de l'arabe, Paris, 1957, p. 528. 12 Cf. Gilliot, << Langue et Coran >>, p. 384 sq. et Id., << Le Coran, fruit d'un travail

collectif ? >>, p. 212. 13 Luxenberg, Lesart, p. 259. 14 Gilliot, << Le Coran, fruit d'un travail collectif ? >>, p. 221.

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que Tor Andrae (tout en commettant une curieuse erreur que nous releverons plus loin!) avait dejA mis en rapport avec le Coran: << il verra les vignes du Paradis se pencher vers lui, et lui tendre chacune une grappe de raisin >>.15 Or, pour se ren- dre compte de la portee du travail scribal, Luxenberg aurait dfu remonter jusqu'A une source bien ant&rieure A Saint Ephrem. C'est lA que nous voudrions apporter A sa these un argument nouveau que nous croyons etre decisif. En fait, d'ou vien- nent les grappes de raisin paradisiaques ? Elles viennent d'un logion apocryphe du Christ.

Point de depart de toute la tradition"6 sont deux passages bibliques, ou plutot la version targumique de ceux-ci:

Gen)se 27: 28: << Que l'Elohim te donne de la rosee des cieux et des graisses de la terre, abondance de froment et de mout?! (traduction Dhorme)

et Psaume 85: 13: << Puis Yhwh apportera la felicite, et notre terre donnera sa richesse. >>

Ces versets ont et combines et explicites, donnant naissance A une vision apoca- lyptique dans le livre d'Henoch 10: 19, dont Mgr. Gry a ainsi restitue et traduit le texte arameen:

<< De chaque arbre plante sur elle, il naitra profusion de fruits; Toute vigne plantee sur elle produira du vin en abondance ! De chaque graine semee sur elle, un epha rapportera un millier; Et une olive moyenne rapportera dix baths d'huile ! ,,17

Ensuite, vient une vision apocalyptique d'origine juive, transmise par le second livre de Barucez 29: 5-6:

.e~~~d s9 e m a eks-,, Mnw .an ">.< Ai iK. AK

a fd .s1M -.U * va&l w -%K n, .h mokx- B . a

<<Aussi la terre donnera ses fruits au dix-millieme. En une seule vigne (gephta), il y aura mille ceps, et un cep fera mille grappes, et une grappe fera mille grains, et un grain fera un cor de vin (kiurd dahamra). Et ceux qui auront eu faim seront dans la joie !8

15 Tor Andrae, Mahomet, p. 87 sq. 16 C'est le merite de Mgr. Gry de I'avoir demontre, bien que son argumentation soit,

a vrai dire, un peu difficile a suivre, cf. L. Gry, << Le Papias des belles promesses mes- sianiques >>, Vwre et penser. Recherches d'exegese et d'histoire, 3e S., 1943-1944, p. 114.

17 L. Gry, ?fH6noch X, 19 et les belles promesses de Papias >>, Revue Biblique, 53, (1946), p. 205: Il1bs,' n: n'n2 rlVn '25R '

mn pmn -,n: Is- ni Ini

Epha (pour les solides) et bath (pour les liquides) sont des mesures de volume. 18 Gry, << Papias >>, p. 114; S. Dedering, Apocalypse of Baruch (Vetus Testamentum

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On voit que la vision est devenue avec le temps de plus en plus merveilleuse et cet exces presque grotesque touche a son comble'9 dans le logion que nous a trans- mis Saint Irenee en citant Papias, eveque d'Hierapolis, qui aurait ete auditeur (a&coi'j;) de St. Jean et elve de St. Polycarpe :20 << Voici donc ces paroles du Seigneur: II viendra des jours oui des vignes croitront, qui auront chacune dix mile ceps, et sur chaque cep dix mile branches, et sur chaque branche dix mile bour- geons, et sur chaque bourgeon dix mile grappes, et sur chaque grappe dix mille grains, et chaque grain presse donnera vingt-cinq mtretes de vin. Et lorsque l'un des saints cueillera une grappe, une autre grappe lui criera: Je suis meilleure, cueille-moi et, par moi, benis le Seigneur! >

Avec Papias, la tradition a atteint une nouvelle &tape2' et fait son entree dans le monde syrien.22 La version syriaque de l'Apocalypse de Baruch s'avere ici une deuxieme source importante. C'est lA que nous lisons la solution que nous propo- sons pour la fameuse formule ce a du Coran. Luxenberg propose pour expli- quer cette expression un raisonnement assez complique: il s'agirait de meta- phores, les "yeux" designant des perles ou des joyaux, et ainsi il traduit: weifle, kristall(klare) [sous-entendu: Weintrauben] - ou bien: weifle Juwelen, designant une fois de plus des grappes de raisin.

Or, il y a une solution beaucoup plus evidente: il s'agit d'un simple malen- tendu ! Dans 2Bargr 29: 5, nous venons de lire << une mesure (kor) de vin >>. La source du Coran a donc dfi lire quelque chose comme kura dienben, ce qui pouvait se rendre en arabe comme . A,_ ou 4 , : une certaine quantite de rai- sins, de vin.23 La faute de lecture est evidente: sans signes diacritiques il n'y a guere de diffierence avec e ..a.; quelqu'un qui ne connaissait plus les anciens noms des mesures juives a interprete kur comme hir et les raisins (y.c) comme des "yeux" (:; ). Ainsi, la mesure de vin est devenue une vierge.

Pour expliquer encore mieux cette demarche, il faut combiner cette premiere erreur avec une autre. C'est ici que les Hymnes du Paradis de St. Ephrem entrent

Syriace ed. Institutum Peshittonianum Leidense 4.3), Leyde, 1973, p. 15, F. Leemhuis, A.FJ. Klijn & GJ.H. van Gelder, The Arabic Text of the Apocalypse of Baruch, edited and translated with a parallel translation of the Syriac text, Leyde, 1986, p. 46 sq.

19 Gry, o Henoch X, 19 et les belles promesses >>, p. 205. 20 Irenee, Adv. haer. 5: 33 (SC 153, 415-417), J. Jeremias, Les paroles inconnues de Jisus

(Lectio Divina 62), Paris, 1970, p. 36-38; U.HJ. Kortner & M. Leutzsch, Papias frag- mente, Hirt des Hermes (Schriften des Urchristentums 3) Darmstadt, 1998, p. 50: ... doce- bat dominus et dicebat: Venient dies, in quibus vineae nascentur, singulae decem millia palmitum habentes, et in uno palmite dena millia brachiorum, et in uno vero brachio dena milliaflagellorum, et in unoquoque flagello dena millia botruum, et in unoquoque botro dena millia acinorum, et in unum- quodque acinum expressum dabit vWinti quinque metretas vini. Et cum eorum apprehenderit aliquis sanctorum botrum, alius clamabit botrus: * Ego melior sum, me sume, per me dominum benedic )).

21 Selon P. Bogaert, Apocalypse de Baruch II (S.C. 145), Paris, 1969, p. 64, 2 Baruch est plus ancien que Papias.

22 Selon W.W. Harvey, Sancti Irenaei libros quinque adversus haereses, Cambridge, 1857, II, 417, 448 sq., le texte tel que le cite St. Irenee serait une traduction du syriaque; voir toutefois Bogaert, Baruch II, p. 64.

23 Luxenberg, Lesart, p. 236, etait presque sur la bonne voie!

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en jeu, et plus specialement celui (7, str. 18) qui a ete invoque par Luxenberg et que nous citons dans la traduction de Tor Andrae: << Celui qui, sur terre, se sera abstenu du vin, verra les vignes du Paradis se pencher vers lui, et lui tendre cha- cune une grappe de raisin. Et celui qui aura vecu dans la chastete, le moine qui n'aura pas succombe aux amours terrestres, sera re%u par les bras purs des fem- mes o>.24 Or, comme Beck l'a souligne, Tor Andrae a mecompris le texte d'Ephrem et ce apparemment de la meme maniere que le redacteur du Coran! II n'a pas vu que les bras qui recoivent le bienheureux au Paradis ne sont pas ceux d'une vierge, mais qu'ils sont nur ein PersonJkation der Weinstocke [ ..] welche die Einsiedler in ihre Lauben einfihren so wie die Baume die Seligen [.. in ibren Zweigen.25 Il faut accor- der a T. Andrae qu'Ephrem evoque quelques versets plus haut (str. 15) la Vierge (comme symbole de l'Eglise), ce qui a certainement contribue 'a la confusion.

Ainsi, les Hymnes du Paradis ne sont que partiellement la source de la presen- tation du Paradis dans le Coran. Ils s'inscrivent dans une longue tradition exege- tique, attestee entre autres, par l'apocalypse de Baruch et par Papias, tradition qui a pu inspirer Saint Ephrem.

Directement lies au problme des vierges du Paradis, sont les epIzibes immortels qui servent les bienheureux. Luxenberg suppose une erreur de lecture analogue et pro- pose (pour S 52: 24) la traduction suivante: Es kreisen unter ihnen Erichte, die (derart) sind, als waren sie (noch in der Muschel) eingeschlossene Perle26

En fait, les soi-disant ephebes apparaissent trois fois dans le Coran: s 52: 24 (que nous venons de citer), puis s 56: 17-19 et enfin s 76: 19. Ces passages se pre- sentent comme trois variantes du meme texte, deforme dans la tradition, puis insere a divers endroits du livre comme s'il s'agissait de trois textes differents. II existe de ce procede redactionnel un grand nombre d'exemples dans le Coran.27 I1 nous fau- dra donc considerer les trois pericopes ensemble:

s ^

34j j J1 L ^ S 4 (76: 19)

ss4 L c* ij.*li (56: 17)

,;, 4Jy <9 ~J i,LAL^1 -kt (56: 17)

En abordant le premier pericope, Luxenberg a eu une idee brillante28: la racine wld se retrouve dans la relation evangelique de la C'ene (Mt. 26: 29 - c'est le texte que nous citons avec Luxenberg, Mc. 14: 25, Lc. 22: 18), oiu la version syriaque traduit ov pq' n'd aic' aptr ?K toVi$ou To- oyv'gato; Ai 4sikXov), <je ne boirai plus de- sormais de ce produit de la vigne ? par:

~~~~~?0A f<tW& Kk_" KL K_ '~ <.xc Ps K kw< fI&

24 Tor Andrae, Mahomet, sa vie et sa doctine, Paris, 1945, p. 87 sq. 25 Beck, Christliche Parallele, p. 400 sq. 26 Luxenberg, Lesart, p. 303. 27 Cf. notre art. (<Le Prophete musulman en tant que Nasir Allah et ses ant6cedents:

le "Nazoraios" evangelique et le Livre des Jubiles >>, Orientalia Lovaniensia Periodica, 23 (1992), p. 267 et zL'Evangile du Prophete, p. 162; Sfar, Coran, 2000, p. 62 sq., 102 <e La pratique de la recomposition >>).

28 Luxenberg, Lesart, p. 296 sq.

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Precisement cette metaphore de ?l'enfant de la vigne >> (yaldd dagpattd) pour desi- gner le vin a du se trouver dans les trois passages du Coran. Les lecteurs (redac- teurs et recitateurs) ulterieurs qui n'en saisissaient plus le sens original, ont et ame- nes A donner au mot uilddn la signification d' "ephebe".

Toutefois, Luxenberg fait suivre cette remarque par un long raisonnement, qui l'doigne de plus en plus de son idee initiale. A tort croyons-nous et nous voud- rions donc y retoumer. Ainsi nous lisons + non pas comme forme passive, mais comme un actif de la Ile forme: < et Il (c.-A-d. Jesus, lors de la Cene) faisait circuler ... >>. Dans s. 52, tjL&U n'est e'videmment qu'une variante de 'J. Aussi, nous ne croyons pas aux eisgekaihlte (Fruchte) de Luxenberg, apres correction de &4L" en 6Jf4L!" (mugalladiun). Nous pencherions plut6t pour la premiere signification que Kazimirski attribue A mu4allad: << A qui la vie etemelle est don- nee (dans le paradis) >>, ce qui nous incite A traduire: ^ et A traduire: << le vin de ceux qui ont la Vie etemelle ,,.29

Puis, il y a les perles. On les retrouve ailleurs (s. 56: 22-23) en relation avec les soi-disant <<vierges>>: 3&:.II 3 L3JJI 5 JA..I C -4 - texte dont le debut se tra- duit donc par: "et une mesure (kor) de vin. .. >> Luxenberg, A plusieurs reprises, interprete ces perles comme une image pour des raisins blancs, une fois en ren- voyant au terme eiquivalent en syriaque,30 sans pour autant tirer de cette reference la consequence qui s'impose. Pour les Peres de l'Eglise, la perle est une image du Christ et de l'incarnation.3' Ainsi, une des significations du mot syriaque d'signant une perle, margdnitd (du grec xapyapfii";), est une parcelle du Pain eucharistique.32 St. Ephrem decrit cette perle eucharistique comme un petit tresor cache dans les plis d'une robe et qui est << remede de vie >>.33 Puisque le texte coranique se situe pre- cisement dans un tel contexte eucharistique (celui de Mt. 26: 29 &c.), il nous parait evident que c'est cette signification que nous devons retenir. Le texte du Coran fait ainsi suivre immediatement la mention du Calice que Jesus fait circuler (Mc. 14: 23) par celle du << fruit de la vigne >> (verset 25). Toutes les variantes, comme celle (s. 37: 49) avec 6.F" ^ 34 ne sont que des tentatives maladroites pour traduire un terme dont on ne saisissait plus le sens.

29 Meme image chez St. Ephrem, De Virginitate, 11: 12, cf. P. Yousif, <<Symbolisme christologique dans la Bible et dans la nature chez S. Ephrem de Nisibe >>, Parole de l'Orient, 8, (1977-1978), p. 40, 43 sq.

30 Luxenberg, Lesart, p. 279. 31 F. Graffin, < Les Hymnes sur la Perle de Saint Ephrem >>, L'Orient Syrien, 12 (1967),

p. 131. 32 P.-H. Poirier, L'hymne de la Perle des Actes de 7homas. Introduction, texte-traduction, com-

mentaire, Louvain-la-Neuve (<< Homo Religiosus >>, 8), 1981, p. 419. De meme, dans une pure tradition syriaque, Jean Chrys. 12: 771C, 789E; Sophronius 3985C; cf. E.A. Sophocles, Greek Lex. 733, ainsi que Venantius Fortunatus, Carm. 3:20, 2: ... sacrati ut corpons agnil marganitum ingens aurea dona ferant.

33 E. Beck, Ephraem de Fide, Louvain (<< CSCO >>, 154), 1955, p. 261 ; Graffin, << Hymnes sur la Perle >>, p. 148 et n. 2, A comparer au theme du "bagage viatique" (Poirier, L'hymne de la Perle, p. 410 sq.).

34 Luxenberg, Lesart, p. 276.

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518 NOTES ET DOCUMENTS

En tout cas, le mot maknu2n est trop bien atteste, A differents endroits, avec les "vierges" et les "ephebes", pour ne pas ere authentique. Nous proposons donc la traduction suivante des versets cites ci-dessus: << et Il (= Jesus) faisait circuler le fruit [de la vigne] parmi eux; elle etait pour eux comme une Perle cach6e (c.-A-d. comme une parcelle de son Corps mystique) >>.

Ainsi, nous ne pouvons que constater qu'une forme de prnere eucharistique est presente dans le Coran et ce dans un contexte eschatologique! Le texte fait espe- rer aux fideles qu'ils participeront comme bienheureux A un repas liturgique celeste. Ce qui plus est: la forme de la phrase nous introduit A une theologie precise. La mention des especes eucharistiques faisant suite A celle du << fruit de la vigne >>, le texte suggere que la coupe que Jesus fait circuler contient ce << fruit de la vigne >>, dont Jesus dit en Mt. 26: 29 qu'il n'en boira plus desormais <<jusqu'au jour ou je boirai avec vous ce vin nouveau dans le Royaume de mon Pere >>. De cette assi- milation du fruit de la vigne avec la coupe contenant le vin consacre resulte que Jesus a lui-meme communie avec les ap6tres, qu'il a donc lui-meme bu de son sang et mange de sa chair. Precisement ce fait a ete affirme par les theologiens syriaques, A base de Mt. 26: 29. Denys b. Salibi l'a explique en se referant A St. Ephrem, A Jacques d'Edesse et A Moise b. KEpd.35

En outre, la perle comme symbole eucharistique fait corps avec une conception gnostique, dont nous pouvons suivre le developpement. Ainsi, la perle (selon Mt. 13: 45 une image pour le Royaume des Cieux) est devenue tres tot dans la gnose une image pour le Christ lui-meme.3< En sa refutation des Manicheens et des Marcionites, St. tphrem explique que les perles naissent dans des mollusques d'un eclair qui se melange A l'eau au sein de l'animal. Puis, il ajoute que c'est d'une maniere comparable que le Christ a ete conpu au sein de la Vierge, << l'Esprit Saint formant de la matiere de celle-ci un corps pour la divinite >>.' Le texte auquel St. Ephrem fait allusion nous est connu (avec quelques lacunes, mais la suite des ides reste claire): il s'agit des Kephalaia, attribues A Mani. La theorie sur l'origine des perles citee par Ephrem se trouve dans K 83. Apres l'expose physiologique,38 Mani soutient que l'Eglise est le fruit de la recolte des perles,39 c.-A-d. les Ames des cate- chumenes qui se sont purifies au plus haut degr6.40 St. Ephrem a donc fait plus

3 H. Labourt, Dionysius bar Saltbi, Expositio liturgiae, Louvain (<< CSCO >>), 1903, p. 59 (texte), 74 (traduction).

36 Clem. Alex., Strom., 1: 16, ed. 0. Stahlin (<< GCS ,, 15) p. 12; Aphrahat, Hom., 17: 2; H. Usener, << Die Perle. Aus der Geschichte eines Bildes >>, Theologische Abhandlungen Carl von Weizsacker (..) gewidmet, Freiburg i.B. 1892, p. 203; V. Arnold-Doben, Die Bildersprache des Manichiismus, Cologne (Arbeitsmaterialien zur Religionsgeschichte >>, 3), 1978, p. 45.

37 AssemaIii (ed), Epirem Syts, Rome, 1743, 2: 263c ; Usener, << Perle >>, p. 204 sq. et n. 3. 38 C. Schmidt (ed.), Kephalaia 1, Stuttgart (<< Manichaische Handschriften der staatli-

chen Museen Berlin >>, 1), 1940, p. 202 sq. 9 Les ap6tres sont compares aux pecheurs de perles, comme il ressort encore plus

clairement de PsM 192, 4-7 et 194, 2-9, 23 (C.R.C. Allberry, A Manichaean Psalm-Book 2, Stuttgart (<< Manichaean Manuscripts in the Chester Beatty Collection >>), 1938, p. 192, 194).

40 Schmidt, Kephalaia, p. 204; Arnold-Doben, Bildersprache, p. 48 sq; J. Ries, << L'Eschatologie manicheenne selon les textes occidentaux et orientaux >>, dans: C. Fluck (e.a., ed.), Divitiae Aegvpti. Koptologische und verwandte Sudien zu Ehren von M. Krause, Wiesbaden 1995, p. 267.

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NOTES ET DOCUMENTS 519

ou moins sienne une idee d'origine manicheenne: du Pler6me divin emanent des rayons de lumiere qui se melangent avec la matiere tenebreuse du monde sublu- naire. La redemption consiste en ce que l'Esprit Vivant libere ces particules de lumiere, appelees margarites, "perles", de la mati6re.4' II n'est pas improbable que Mani se soit inspire de l'Hymne de la Perle - poeme gnostique syriaque datant du debut du troisieme sicle, peu avant la predication de Mani.42 Toutefois, l'Hymne ne presente aucun rapport avec le texte evangelique (Mt. 13: 45-46) ni avec le symbolisme eucharistique de la tradition syriaque.43 La phrase dans le Coran temoi- gne donc d'une conception ulterieure du repas eucharistique proche du mani- cheisme, et ce dans un contexte eschatologique.44

Ainsi, nous devons conclure que le texte coranique suit souvent de tres pres une source biblique (parfois apocryphe) precise, chaque fois que l'on voudrait avec Luxenberg faire appel a une origine syriaque d'un pericope. Luxenberg I'a demon- tre en comparant le crux interpretum s. 108 (al-Kawtar) avec la prerniere Lettre de St. Pierre 5: 8-9.45 Le texte, qui fait partie de l'office des complies du breviaire romain, emanerait d'une liturgie syriaque.46 Nous voudrions ajouter un autre exemple au dossier: celui de la premiere sourate du Coran, qui en forme pour ainsi dire un pendant.

On a dejA releve des ressemblances entre la sourate al-Fdtiha et certains textes bibliques, tels le premier psaume, le deuxieme (surtout la fin est tres similaire) et le demier,47 ainsi que le Pater noster.48 Or, il y a un modee qui nous parait plus

41 Hj. Polotsky (ed.), Kephalaia 1.1, Stuttgart (<< Manichaische Handschriften der Staatlichen Museen Berlin >>, 1), 1935, p. 85; Usener, << Perle >>, p. 21 1; Poirier, L'hymne de la Perle, p. 419; Arnold-Doben, Bildersprache, p. 49: Die Perle symboliszert die Lebendige Seele, die ziberall in der Welt zerstreut ist und allein durch die manichdische Kirche zur Erlosung erlangen kann.

42 Arnold-Doben, Bilderspraclhe, p. 45; Poirier, L'hymne de la Perle, p. 317. 43 Poirier, L'hymne de la Perle, p. 417-419. 44 Ailleurs nous avons insiste sur d'autres rapports du Coran avec le manicheisme

(voir notre art. << L'Evangile du Prophete >>, p. 169-174). La communion des fideles avait dans la liturgie manicheenne une forme particuliere (cf. M. Tardieu, LIe Manicheisme, Paris (<< Que sais-je ? >>, 1940), 1981, p. 93), mais il y a une allusion au repas eucharis- tique dans le Mani-Kodex de Cologne, qui fait dire A Mani: toito o c(oyi)p lre7oft'K?ev, Ox icca yeypawcat, xC o0rmviKca e?EVi Cac nap'cxeo -roitc a',tob paGfaiac, Elri 'aprov E'X6yMCEV

Kai &8O1ceV av-okc, L. Koenen & C. Romer, Der Kolner Mani-Kodex. Uber das Werden sei- nes Leibes. Kritische Edition, Abhandlungen der rheinisch-westfalischen Akademie der Wissenschaften, Cologne (<< Papyrologica Coloniensia >>, 14), 1988, p. 64 sq. (A comparer avec une conception obscene de l'Eucharistie chez certains Manicheens et performee par une filUe appekle Margarita de Carthage, St. Augustin, De haeresibus ad Quodvultdeum, 46: 9, ed. R. Vander Plaetse & C. Beukens (CC, SL 46, Aug. 13.2), Turnhout, 1969, p. 315).

45 Luxenberg, Lesart, p. 304-310. 46 Luxenberg, Lesart, p. 310 sq.; Gilliot, << Langue et Coran >>, p. 389. 47 L.-J. Bord, << Semblances, ressemblances et dissemblances: le psaume premier et la

Fatiha >>, Cedrus Libani, 53, p. 27-33; M. Cuypers, ? Une analyse rhetorique du debut et de la fin du Coran >>, dans De Smet & alii, Al-Kitdb, p. 238-244, 249-253.

4' I. Goldziher, Vorlesungen u'ber den Islam, Heidelberg, 19251, p. 55; D. Masson, Le Coran et la rivelation judeo-chretienne, Paris, 1958, II, 524 sq; Cuypers, << Analyse rhetori- que >>, p. 244-247.

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ressemblant encore: celui d'Isaie 35. Le texte chante la route que les fideles exi- les devront prendre pour se sauver du desert. La gloire divine s'y manifestera, de sorte que les fauves n'auront plus de pouvoir sur ceux qui aujourd'hui tremblent encore dans la tribulation et l'exil.49

I1 est significatif que, dans son commentaire de l'tvangile selon St. Luc, Cyrille d'Alexandrie evoque le verset 8 d'Isaie 35 A l'occasion de la priere de pardon du Notre Pere (Lc. 11: 4).50 Ainsi, la premiere sourate s'apparente des le debut au Notre Pere, dont elle offre une sorte d'exegese. Comme celui-ci, elle est devenue une priere universelle; elle est en meme temps une priere d'ouverture, introdui- sant comme nous allons montrer A l'office des heures - r6le qu'elle continue d'ailleurs A excercer en tant que partie fixe du .saldt.

Dans Isaie 35, nous trouvons tout d'abord une serie d'expressions qui nous rap- pellent le debut de la Fdtiha. Ainsi, il est dit que les fidles5" verront la gloire (kabkd) de Yhwh, la magnificence de notre Dieu >>, expression que le Targum Jonathan rend encore plus explicite en ecrivant << la magnificence ? (Tqrd) du Seigneur et << le rayonnement de la gloire (ziw tesba4hdtdye) de notre Dieu >>.52 Deux versets plus loin, le texte biblique continue: ? voici votre Dieu, il exercera la vengeance, la revan- che de Dieu >>, ce que le Targum Jonathan developpe une fois encore: << voici votre Dieu vous est revel pour administrer une juste (dyn) retribution; il est le maitre des recompenses >>. Compte-tenu du contexte clairement eschatologique, nous pres- sentons ici l'expression ,JI __ JUL du Coran, qui se refere au message fonda- mental du Prophete de l'islam en tant que prophete de la fin du monde (nabi 1- malhama).53

Toutefois, les premiers versets de la Fdtiha ne sont pas empruntes comme tels A Isaie (comme le sont les derniers, dont plus loin); ils ont, A notre avis, une ori- gine differente et assez compliquee, mais non moins interessante. Nous avons deja pressenti une relation avec un office liturgique54 et en effet, le verset 4 (iyydka

49 L. Dennefeld, Les Grands Prophetes. Isaie (La Sainte Bible VII), Paris, 1946, p. 131- 133.

50 Cyrille poursuit en citant Mt. 5: 20; I.-B. Chabot, S. Cyrilli Alexandrini commentarii in Lucam, Louvain (<< CSCO >>, 70, Syr. 27), 1912, p. 303 sq; R.M. Tonneau, ibid. (CSCO 140 Syr. 70), Louvain, 1953, p. 210.

51 Le Targum Jonathan ajoute: <<la Maison d'Israel, ces choses sont dits a eux>> (A. Sperber, The Bible in Aramaic III. The Latter Prophets according to Targum Jonathan, Leyde, 1962, p. 69; B.C. Chilton, The Isaiah Targum. Introduction, translation, apparatus and notes (The Aramaic Bible 11), Edimbourg, 1987, p. 69), glose qui pourrait eventuellement ere a l'origine de l'expression al-dlamtn du Coran (mais nous proposerons ci-dessous une autre interpretation).

52 Sperber, Latter Prophets, p. 69 sq; Chilton, Isaiah Targum, p. 69: The house of Israel - these things are said to them - they shall see the glogy of the LORD, the brilliance of the celebrit of our God. Cette phrase pourrait etre mise en rapport avec le verset du o.wui , di A..Ji Coran.

5 P. Casanova, Mohammed et la Fin du Monde. itude critique sur l'islam primitif Paris, 1911- 1913, p. 46-59 et notre art. << Muhammad: le premier qui relevera la tete >>, p. 85 sq.

5 Cf. la conclusion de Cuypers, <<Analyse rhetorique >>, p. 243: <<la Fdtiha se pre- sente comme un petit psaume >>; Sfar, Coran, p. 79; de Premare, << Constitution >>, p. 179, 184.

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na'budu...) fait penser au debut d'un repons psalmodique. De meme, le premier verset apres la basmala ressemble A une doxologie, tant de fois repeteie pendant les offices des heures chretiens, en Occident et en Orient.55 Quatre sourates debutent par la meme formule al-hamdu li-lldhi: 6, 18, 34 et 35. Cependant, dans la sou- rate liminaire, les mots rabb al-'dlamTn font difficulte: il est vrai qu'on rencontre le terme 'dlamun plusieurs fois dans le Coran,56 mais la formule avec rabb est insolite. S'agit-il du Seigneur des hommes (habitants de la terre) ou du Seigneur des mondes ? Les commentateurs continuent A hesiter depuis le Moyen-Age. Tabari mentionne la premiere solution, tout en donnant la preference A la seconde, se referant entre autres A Ibn 'Abbas: il s'agit selon lui des cieux et des terres et de tout ce qu'ils contiennent. Mais on a remarque depuis longtemps, et donc bien avant Luxenberg, que 'dlamiun doit etre un emprunt au mot arameen designant le kosmos.57 L'expres- sion reste en tout cas singuliere et obscure.

Or, la phrase rappelle etrangement ce qu'on appelle la grande Doxologie de la liturgie chretienne, dont la premiere phrase cite le chant des anges a Bethlehem: Gloire a Dieu au plus haut des cieux.58 Elle a 'te conservee dans la liturgie latine au debut de la celebration eucharistique et on la retrouve en tant que telle dans le missel chaldeen,59 mais elle remonte en tant qu'hymne A l'Eglise antique. I1 s'agit de ce qu'on appelle un psalmus idioticus, datant (du moins partiellement) du milieu du deuxieme si6cle,60 qui etait chante A l'entree de l'office du matin.6' Le texte grec, provenant probablement de l'Egypte, a et transmis sous deux formes, l'une etant conservee dans le fameux Codex Alexandrinus, l'autre dans les Constitutions apos- toliques, dont on peut dater P'archetype vers 380.62 Aussi, nous en possedons une version syriaque dont on sait qu'elle etait chantee dans les Eglises egyptiennes et syriennes pendant l'office matinal avec les psaumes de I'aurore, au moins A partir du debut du quatrieme sikcle.63

Si nous reexaminons maintenant le verset de la Fdtiha en le comparant au debut de cette Doxologie, on se rend compte qu'il ne faut qu'une l'egiere correction pour

55 S. Baumer, Geschichte des Breviers, Freiburg i.B., 1895, p. 124. 56 Goldziher, Vorlesungen, p. 27 sq. (kosmos "in allumfassendem Sinne"). 57 A. Jeffery, The foreign vocabula?y of tie Quran, Baroda, 1938, p. 208 sq.; R. Paret,

Der Koran. Kommentar und Konkordanz, Stuttgart, 19772, p. 12. 58 Lc. 2: 14: &4a ?V Utviatot; O9e; Baumer, Geschichte des Breviers, p. 124 ; J.A. Jungmann,

Missarum Sollemnia. Eine genetische Erklirung der romischen Messe 1, Vienne, 1952, p. 449. 59 F.Y. Alichoran (ed.), Missel chaldien, Paris, 1982, cn; D.B. Capelle, <<Le texte du

"Gloria in excelcis" >>, Revue d'histoire ecclisiastique, 44 (1949), p. 454 ; Jungmann, Missarum Sollemnia, p. 446.

60 C. Blume, << Der Engelhymnus Gloria in excelsis Deo. Sein Ursprung und seine Entwicklung >>, Stimmen aus Maria-Laach, 73 (1907), p. 57 sq; J. Lebreton, << La forme primitive du Gloria in excelsis: priere au Christ ou priere A Dieu le Pere ? >> Recherches de science relWieuse, 13 (1923), p. 324.

61 Lebreton, << Forme primitive du Gloria >>, p. 322 sq.; Capelle, << Texte du "Gloria in excelcis" >> p. 439 ; Jungmann, Missarum Sollemnia, p. 449.

62 Lebreton, << Forme primitive du Glria >>, p. 323 ;Jungmann, Missarnm Sollmnia, p. 447; M. Metzger (ed.), Constitutions apostoliques 3, Paris (<< Sources chretiennes >>, 336), 1987, p. 113.

63 P. Batiffol, Histoire du briviaire romain, Paris, 18952, p. 6-9; A. Baumstark, <<Die Textuberlieferung des Hymnus angelicus >>, dans Hundert Jahre Markus-und- Weber Verlag, Bonn, 1909, p. 83-87; Capelle, << Texte du "Gloria in excelcis" >>, p. 454-456.

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l'y conformer completement, en lisant UWi I ou C"- L*JI -j au lieu de 1s..aI} _ .64 On pourrait meme penser A lire '! comme j? (toujours en fai- sant abstraction des signes diacritiques). La phrase serait alors une traduction lit- terale du texte evangelique: is-4,Jl . di l 65

De meme, on sait que depuis la plus haute antiquit6, on chante au debut de toutes les heures, le verset de Ps. 70 (69): 2: Deus, in adiutorium meum intende - Domine, ad adiuvandum me festina.66 Dans la regle monacale latine, l'insertion de cette priere remonte A St. Benoit lui-meme (ca. 480- 547)67; ce qui plus est, Jean Cassien (ca. 360-430/435), qui a vecu pendant dix ans parmi les moines d'Egypte, l'atteste deja; on a d'ailleurs reconnu dans l'ceuvre de Cassien une des sources de St. Benoit.68 Or, cette priere du psalmiste nous rappelle le verset 4 de la F2tiha: Q ^L4.., C .4-'a C 4; la seconde partie en est pour ainsi dire une traduction litt6rale.69

Notre lecture de la Fdtiha nous conduit ainsi A un riesultat surprenant: la Fdtiha apparait comme un restant d'un livre d'heures 70 elle en est la priere introductrice. II y avait, A la premiere page, la grande Doxologie, suivie de la priere d'ouver- ture (le verset de Ps. 70: 2) et enfin un texte psalmodique, qui etait en ce cas pre- cis emprunte aux propheties d'Isaie. Ainsi, le verset 1 du Coran n'etait A l'origine qu'une indication pour le recitateur, lui signifiant qu'il fallait chanter, non seule-

64 Ainsi, dans le dictionnaire de Wehr, on peut lire s.v. 'Illtyn: the uppermost heaven, the loftiest heights.

65 L'erreur du copiste s'explique d'ailleurs facilement. Un scribe ulterieur, qui ne sai- sissait plus le rapport avec l'office du matin, s'est probablement inspire de la formule similaire rbwn 'Im' qu'on peut lire dans le targum d'Exode 23: 17, cf. G.H. Dalman, Aramdisch-neuhebrdisches Handworterbuch zu Targum, Talmud und Midrasch, Gottingen, 1938, p. 314.

66 Batiffol, Histoire du brevwiaire, p. 90; L. Pirot, Les Psaumes, Paris, 1937, p. 273. I1 existe de ce verset un grand nombre de textes paralleles (cf. A. Blaise, Le vocabulaire latin des principaux themes liturgiques, Turnhout, 1966, p. 183). Ainsi, Ps. 31/(30): 1-3 (strophe qui est reprise par Ps. 71/(70): 1-3), appelle Dieu <un rocher protecteur>> (ma'on: ou le peuple peut se refugier). Quelques mots auparavant, le psalmiste implore le Seigneur de le delivrer: - mot dans lequel on pourrait entendre - dans le Coran (PRsg.ttd: 'antnt). La suite du passage rappelle egalement le texte coranique: << en toi j'ai mis ma confiance ( ...), hate-toi de me secourir! >>

67 RB 43, 3; Baumer, Geschichte des Breviers, p. 260, 445; Aj. Chupungco, Handbook for Liturgical Studies 5: Liturgical time and space, Collegeville, 2000, 63 sq.

68 Cass., Coll. 10 (P.L. 49, col. 834-836); C. Jean-Nesmy, La tradition medite le Psautier chretien - Psaumes 1 a 71), Saint-Cenere, 1973, p. 360.

69 I1 est vrai que le mot na'budu s'ecarte de ce qui devrait etre son equivalent bibli- que :fl'wiT. Toutefois, la version de la PdIttd lit: K K ). De la racine du syria- que ps', << delivrer >>, 1'equivalent phonetique arabe est fada (avec la meme signification fondamentale). Dans la suite de l'hypothese de Luxenberg, on pourrait s'imaginer que les scribes arabes du Coran ont lu et interprete 's comme 4 (tenant compte, une fois de plus, du fait que les points diacritiques n'existaient pas).

70 Nous nous rapprochons ainsi de la these de G. Liuing, Uber den Urkoran. Ansatze zur Rekonstruktion der vorislamischen Strophenlieder im Koran, Erlangen, 19932; Gilliot, << Langue et Coran >>, p. 385 sq.

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ment le debut, mais la grande Doxologie dans son integralit& Plus tard, quand on avait oublie la fonction du texte, un scribe a revise la composition et en a fait une priere A part entiere. Deux faits confirment cette hypothese: la tradition a conserve de la Fdtiha deux variantes ;71 la Fdtiha semble avoir et ajoutee ulterieurement au livre, le veritable exorde du Coran se trouvant en tee de la sourate 2.72

Pour les versets suivants, nous devons renouer avec Isaie 35, ou nous retrouvons presque textuellement la partie restante de la Fatiha: ? il y aura un chemin battu, le chemin de la saintete il sera appele; ne passeront pas par celui-ci les impurs (/profanes) et il n'y aura pas un promeneur (Targum Jonathan et PaAttd: 'z2rhka qui y sera aneanti73; les sots (PasTttd: saklM; Targum Jonathan: << les non-instruits >>) ne s'y egareront (h.b(tda et Targwn jonathan: ne(iin) pas. >> La ressemblance est indeniable.

En outre, le texte d'Isaie 35 se rattache A un passage des Evangiles, puisque les versets 5-6 qui suivent les mots << voici votre Dieu . . . >>, ont et repris par Jesus. Repondant A la question de Jean le Precurseur, A savoir si on devait encore atten- dre "quelqu'un d'autre", l'evangeliste cite ces mots: Les aveugles voient, les boiteux mar- chent, les l1preux sont gueris, les sourds entendent, .. ..7 Puis, Jesus enchaine en deman- dant: << Qu'etes-vous alks voir dans le desert ? >>,75 avant de repondre avec le prophete Malachie (3: 1): Voici que j'envoie mon ange devant ton visage, pour preparer la voie devant toi.

Ces derniers mots nous rappellent evidemment le verset de la Fdtliha: ihdin& 1- sirata, de sorte que nous pouvons conclure - tout a fait dans le prolongement d'ailleurs de l'hypothese de Luxenberg - que la Fatiha se presente comme un gra- duel, commentant le pericope evangelique sur la mission de Jean le Precurseur. Elle renoue egalement avec Isaie 35: 8: << il y aura un chemin battu ,,.76 Le terme 7100 (indiquant le chemnin battu77) se retrouve dans le mot mustaqim du Coran; d'ailleurs, le Targum Jonathan s'en rapproche davantage: WMRlt jip'n (un chemin

7' Blachere, Introduction, p. 189; Sfar, Coran, p. 44. 72 Cuypers, p. 256 sq., cf. Blachere, Introduction, p. 262; Sfar, Coran, p. 45. La Fdtiha

manquait dans la recension de Mas'ud, Blachere, Introduction, p. 188. 73 Targum Jonathan (Sperber, Latter Prophets, p. 70): psq: << tailler en pileces, excommu-

nier >>. 74 Mt. 11: 5 sq; Lc 7: 21 sq. Les liturgies soulignent d'ailleurs cette citation. Dans

la liturgie romaine, le pericope de I'tvangile de Matthieu est lu le 3e (jadis le 2e) diman- che de l'Advent (celui de St. Luc le mercredi de la meme semaine); la premiere par- tie du verset 4 d'Isaie 35 est chantee pendant la communion: Dicite pusillanimis (var. pusillanimes): confortamini et nolite timere; ecce Deus noster veniet et salvabit nos-, dans la liturgie chaldeenne, le meme texte evangelique (Lc. 7: 1-23) est lu le jer vendredi des Apotres (Le "Vendredi d'Or") et on chante Isaie 35: 3-10 (Alichoran, Missel chaldeen, p. 312); dans le lectionnaire georgien de I'Eglise hierosolymitaine, le pericope d'Is. 35 fait par- tie de l'office de Noel, cf. T.M. Tarchinischvili, Le grand lectionnaire de 1'Eglise de Jwrusalem (V'-IIIF sieicle), Louvain ((< CSCO >>, 189, Scr. Iberici, 10), Jahrtausend, (Liturgiegeschichtliche Forschungen 3) 1959, 1: 12 n? 20. Voir les commentaires de A. Baumstark, JNwhtevangelische

syrische Perikopenordnungen des ersten, Munster, 1921, p. 37, 50-53, 149-151. 75 On se rappellera qu'Isaie 35 a pour theme: la route des fidles pour se sauver

du desert ! 76 Le texte 1-T1 i-ii r du TM parait corrompu; les LXX lisent b0x; icaOapa. 7 55o: cast up a hghway (Gesenius, Hebrew Lex., p. 699 sq.).

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Page 15: Le vignoble du paradis et le chemin qui y mène la thèse de C. Luxenberg et les sources du Coran

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bien 6tabli/ordonne).78 L'idee de preparer le chemin, qu'on ne lit pas en tant que telle dans Isaie 35, est empruntee au texte de Mal. 3: 1 = Mt. 11: 10 = Lc. 7: 27 et puis, surtout, au texte parallee qui se trouve dans I'Evangile de St. Marc (1: 2-3), ou le verset de Mal. 3: 1 est immediatement suivi d'une citation (d'apres les LXX) d'Isaie 40: 3: preparez la route du Sezgneur, rendez droits ses chemins. La Fdtiha se presente donc comme un poeme liturgique, apte A etre chante au debut d'un office religieux, compose A partir d'un nombre de textes bibliques destines A accom- pagner et A elucider la lecture de Mt. 11, de Lc. 7 et eventuellement de Mc. 1.

Tournons-nous maintenant une derniere fois vers le Coran et examinons de plus pres le verset qui, selon nous, a suivi ce modele: A 1- _.ll ; ... ; J1 Ija

C,A"lI ,. Dans le contexte du desert et de l'issue que les fideles doivent cher- cher pour en sortir, l'apparition soudaine de la colere divine n'a guere de sens. II s'agit plutot d'une voie dont on peut perdre la trace par contrainte ou par egare- ment. Le mot arabe designant la premiere menace devrait donc traduire 11?poe du Targum Jonathan de Is. 35: 8.7 Et, en effet, si on change y"A.lI en jAl,

on obtient un verbe 'db qui a precisement cette meme signification: << couper, trans- percer, abattre, eloigner >>. Ainsi, nous voudrions proposer comme traduction du dernier verset de la Fdtiha, apres correction: <<le chemin de ceux que tu combles de grAce, non de ceux qui sont aneantis ou egares >>.

La Fdtiha se presente donc comme un amalgame, compose de Isaie 35 et de Ps. 70 (69), suivant de pres l'interpretation qui a ete donnee de ces textes vetero- testamentaires dans les Evangiles, dans le pericope traitant de Saint Jean Baptiste.80 Destinee A introduire, en tant que graduel, la lecture de Mt. 11 ou de Lc. 7, elle donnait au message evangelique une portee foncierement eschatologique, rehaus- see par l'insertion du verset 3: X4I *ULIU .

Quand - sans doute tres t6t dejA apres la mort du Prophete - on ne compre- nait plus le sens original de ces images bibliques, les scribes, confrontes A des tex- tes oui faisait defaut tout signe diacritique, ont ete amenes A remanier le texte et A forger des interpretations nouvelles.8'

Des trois pericopes que nous avons analyses, il ressort que la communaute de Muhammad s'apparente a un mouvement sectaire (judeo-) chretien, proche sans doute du manicheisme, qui esperait sortir du desert sous la conduite de son pro- phete, pour s'engager dans l'unique chemin qui mene au salut.

La methode de Luxenberg s'avere donc fertile, A condition qu'on compare le texte coranique restitue avec ses sources chretiennes. Alors seulement on peut espe- rer de parvenir au sens veritable texte prophetique.

78 Sperber, Latter Prophets 70; Chilton, Isaiah Targum, p. 70 et n. 35:8. 79 Voir note 47. 80 II s'agit donc d'une de ces << courtes pericopes coraniques soigneusement composees

a partir d'ecrits bibliques et parabibliques, et constituant des sortes de patchworks litte- raires en arabe propres a la recitation liturgique de Premare, << Constitution >>, p. 184.

81 Ainsi, ils ont invente 1'exegese bien connue du de Premare, << Constitution >>, p. 184 dernier verset de la Fdtiha, qui identifie ceux qui provoquent la cokre divine avec les juifs et les egares avec les chretiens, cf. Paret, Kommentar, p. 12 (l'interpr6tation chiite est differente encore, cf. H. Gatje Koran und Koranexegese, Zurich, 1971, p. 316).

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