LE VENT SE LÈVE - Théâtre de la Manufacture

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7 > 10 MARS GRANDE SALLE LA MANUFACTURE - NANCY CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL NANCY LORRAINE DIRECTION MICHEL DIDYM 10 RUE BARON LOUIS - BP 63349 54014 NANCY CEDEX WWW.THEATRE-MANUFACTURE.FR 03 83 37 12 99 CONTACT RELATIONS PUBLIQUES PASCALE BRENCKLE & EMILIE ROSSIGNOL [email protected] [email protected] LE VENT SE LÈVE (LES IDIOTS / IRRÉCUPÉRABLES ?) PASOLINI - DEBORD - BOND... / DAVID AYALA

Transcript of LE VENT SE LÈVE - Théâtre de la Manufacture

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7 > 10 MARSGRANDE SALLE

LA MANUFACTURE - NANCY

CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL NANCY LORRAINE

DIRECTION MICHEL DIDYM10 RUE BARON LOUIS - BP 63349

54014 NANCY CEDEXWWW.THEATRE-MANUFACTURE.FR

03 83 37 12 99

CONTACT RELATIONS PUBLIQUES PASCALE BRENCKLE & EMILIE [email protected] [email protected]

LE VENT SE LÈVE (LES IDIOTS / IRRÉCUPÉRABLES ?)

PASOLINI - DEBORD - BOND... / DAVID AYALA

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 2

PRÉSENTATIONPage 3

AVANT-PROPOS PAR DAVID AYALA, METTEUR EN SCÈNEPage 4

NOTES DE MISE EN SCÈNEPage 5

NOTES SCÉNOGRAPHIQUESPage 6

CROQUIS SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMESPage 7

PHOTOGRAPHIES DE LA MISE EN SCÈNEPage 8

ENTRETIEN AVEC DAVID AYALA, METTEUR EN SCÈNEPages 9 et 10

LE POUVOIR DU TEXTE - RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUESPage 11

SUR LA CHAMBRE DES DÉSIRSPage 12

LA DRAMATURGIE - CONSTRUCTION DU TEXTEPage 13

BIOGRAPHIEPage 14

EXTRAITS Pages 15 et 16

SUR EDWARD BONDPage 17

PRESSEPage 18

SOMMAIRE

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 3

LE VENT SE LÈVE (LES IDIOTS / IRRÉCUPÉRABLES ?)

PASOLINI - DEBORD - BOND... / DAVID AYALA

Acteur d’exception, David Ayala est aussi un metteur en scène précieux qui aime mettre les pieds dans le plat des bonnes consciences un peu trop endormies.

Après son dernier spectacle, Scanner, il revient à la Société du spectacle et à Guy Debord, auteur visionnaire, radicalement critique d’un système moderne et sophistiqué d’asservissement plus ou moins soft. Mais Debord est allié ici à d’autres auteurs qui traquent le faux derrière les artifices de la poudre aux yeux, le mépris derrière les bons sentiments et la haine guerrière derrière l’apaisement affiché. Pier Paolo Pasolini est invoqué, avec ses Lettres luthériennes qui démasquent « le cynisme du nouveau pouvoir qui a tout détruit » rejoint par Donatien Alphonse de Sade : « Français, encore une effort pour devenir républicains ! », Philippe Muray ou le Comité invisible, pour ne citer qu’eux.

Avec Le Vent se lève (Les Idiots / Irrécupérables ?), David Ayala interroge « la capacité d’être encore humain dans le monde globalement idiotisé ».

CALENDRIER - Mardi 7, Mercredi 8 et Vendredi 10 Mars à 20H - Jeudi 9 Mars à 19H

TARIFS - Tarif plein 22€ / Tarif réduit 17€ / Tarif jeunes 9€

RÉSERVATIONS Au 03 83 37 42 42 du lundi au vendredi de 12h à 19h, le mercredi de 10h à 19h, et le samedi en période de représentation. En ligne sur notre site Internet : www.theatre-manufacture.fr

AUTOUR DU SPECTACLE

>> PROJECTION / DÉBATTHÉORÈME FILM DE PIER PAOLO PASOLINI (1968) - SUIVI D’UNE RENCONTRE AVEC DAVID AYALA.LUNDI 6 MARS À 20H15 - AU CINÉMA CAMÉO COMMANDERIE NANCY **

>> L’HEURE DE LA RÉVOLUTION ? - HISTOIRE(S) ET PAROLES #4 DÉBAT AVEC DAVID AYALA ET L’ÉQUIPE DU SPECTACLE LE VENT SE LÈVE (LES IDIOTS / IRRÉCUPÉRABLES ?). MENÉ PAR DIDIER FRANCFORTJEUDI 9 MARS À 21H30, AU THÉÂTRE DE LA MANUFACTURE, ENTRÉE LIBRE

>> EXPOSITION PHOTOSINSTANTANÉS DE CRÉATION DE LE VENT SE LÈVE (LES IDIOTS / IRRÉCUPÉRABLES ?)PHOTOGRAPHIES DE HENRI GRANJEAN ET TEXTES DU SPECTACLE.DU 1ER MARS AU 6 AVRIL, VERNISSAGE LE 2 MARS À 19HMEZZANINE ET ACCUEIL DU THÉÂTRE, ACCÈS LIBRE

7 > 10 MARSGRANDE SALLE

Conception, réalisation et mise en scène

David AyalaD’après Le Bel aujourd’hui

(écriture scénique collective)Avec des textes de Pier Paolo

Pasolini, du Comité Invisible, D.A.F. de Sade, Guy Debord, Philippe

Muray, Edward BondAvec (co-créateurs)

Sophie Affholder, Fabienne AugiéDavid Ayala, Elodie Buisson

Diane Calma, Roger CornillacHervé Gaboriau, Stéphane Godefroy

Christophe Labas-LafiteSilvia Mammano, Alexandre Morand

Maryse Poulhe, Véronique RuggiaPhilippe Sturbelle

Scénographie et costumes Jane JoyetVidéo Benoît Lahoz

Son Laurent SassiLumières Jean-Michel Bauer

Régie générale Jean-Marie DeboffeAssistantes à la mise en scène

Nadège Samour, Amandine Du RivauAdministratrice de production

Silvia Mammano

Production Compagnie la Nuit Remue En coproduction avec Les Célestins – Théâtre

de Lyon, le théâtre Jean-Claude Carrière – Domaine d’O (Montpellier), le Théâtre

Firmin Gémier / La Piscine – Pôle National des Arts du Cirque d’Antony et de Chatenay–

Malabry, le Théâtre 95 de Cergy Pontoise – scène conventionnée pour les écritures

contemporaines, le Centre dramatique national Nancy Lorraine, La Manufacture

et le théâtre Liberté de Toulon. Avec le soutien du Théâtre national de Toulouse

Midi-Pyrénées, centre dramatique national, du Théâtre 13 à Paris, de l’Adami et de

l’association Selectron libre (Paris) Avec l’aide à la création de la DRAC Languedoc-

Roussillon/Midi Pyrénées et la participation financière du Conseil Régional du Languedoc-

Roussillon/Midi-Pyrénées.Remerciements Théâtre l’Escabeau de Briare,

Printemps des Comédiens (Montpellier)

2H50 - Dès 15 ans

Spectacle présenté en partenariat avec

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 4

AVANT PROPOS

Les esprits sont en ébullition, les questions fusent, un vent frais et salvateur souffle, les cœurs tambourinent, la nuit remue...

Que reste-t-il lorsque tout référent idéologique a disparu dans une amnésie de l’histoire ? Lorsque le politique qui a essoré les corps et désespéré les esprits se trouve supplanté par la suprématie de la consommation et de la médiatisation désormais érigées au rang de religions ?

Lorsque le virtuel est devenu le nouveau «shoot» des masses ? Que reste-t-il alors, si ce n’est l’avènement aussi drôle que pathétique d’un nouvel être. Un mutant qui peuple les rues, les maisons et jouit d’une souveraineté sans borne : l’idiot.

Critique féroce, Le Vent se lève (Les Idiots / Irrécupérables ?) s’emploie à traquer et à mettre en scène les modes de vie dans l’aliénation des citoyens-spectateurs décrits notamment par l’écrivain, essayiste et cinéaste Guy Debord en son temps. Ce projet de la Cie La nuit remue tente de mettre ainsi en évidence la manière dont le curseur de l’histoire a fait dérailler la machine, donnant lieu à un monde peuplé d’individus privés par la puissance de l’ultralibéralisme de toute capacité d’intelligence, de discernement et de révolte.

En mêlant la puissance d’une parole chargée d’espoir à la pensée d’écrivains tels que Pasolini, Guy Debord, Edward Bond ou le Comité invisible, Le Vent se lève parle finalement des insurrections contemporaines, de la fausseté et de l’agonie de la social-démocratie, de l’Omerta sur toutes choses, de la culture du mépris et des fascismes qui reviennent. Mais surtout Le Vent se lève essaie de prendre en considération les paroles de combat et de lumière qui luttent contre cet état de fait pour faire entendre et respecter ce désir d’être humain et cette quête de justice qui sont partout piétinés par le talon de fer de l’oligarchie.

Le Vent se lève (Les Idiots / Irrécupérables ?) interroge donc notre capacité à être encore humain dans un monde globalement « idiotisé » et quasiment mutant. Et c’est le dépit de vivre dans nos réalités contemporaines qui est transfiguré par la force d’un souffle salvateur porté vers de nouveaux mondes empreints de justice et d’humanité, si ces notions sont maintenues.

David Ayala

© Henri Granjean

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Toutes les actions de la pièce vont apparemment concourir à l’explicitation de la situation suivante : un groupe de personnes, identifiées comme des activistes, s’acharne à vouloir écrire une sorte de document (ils ponctuent souvent leurs phrases en disant « ce qu’il faudrait écrire », ou « ce que je voudrais écrire »).

On comprend que ce document pourrait être de l’écrit, un film, un document sonore, voire même autre chose. On ne doit pas préciser. Par contre, l’importance du sens de ce document ne fait aucun doute. Ils semblent tous essayer de se mettre d’accord sur ce qu’il faudrait écrire.

Le sens de ce document est de toute évidence un programme, un témoignage, une proposition, pour essayer de sortir du vieux monde. De tenter de reconstruire un monde viable et vivable, et non ajouter d’autres ruines au vieux monde de la société du spectacle et des souvenirs. En tous cas, le sens de ce document semble revêtir une importance capitale aux yeux de ce groupe. Il semblerait que ses membres n’en soient pas à leur premier fait d’arme, et que la plupart d’entre eux ont pris part, dans le passé, à des formes d’actions pour tenter de changer le cours des choses, mais la discussion sur la route à suivre leur donne apparemment du fil à retordre et fait surgir des conflits et des désaccords.

Ce groupe va explorer et prospecter les domaines suivants : les dérives et l’impunité de la finance internationale dans un premier temps, la fabrication de la parole politique et la dictature cybernétique. Dans un deuxième temps, ils vont s’intéresser à l’émergence des insurrections planétaires (révoltes des sociétés civiles). Enfin, ce groupe va explorer le site dit de la « Chambre des désirs » (continuer à essayer d’être humain dans un monde idiotisé).

Certains membres de ce groupe sont apparemment obnubilés par le fait de construire une critique violente de la société ultracapitaliste à travers le prisme de l’idiotie contemporaine (l’idiotie étant ici définie comme toute apparition ou forme de vie, réelle ou médiatisée, créée par le discours dominant – la domination spectaculaire).

La pièce intitulée Le Vent se lève (Les Idiots – Irrécupérables ?) est l’histoire de l’invention en direct de cette utopie qui doit se réaliser (pour que l’humain ne meure pas).

À chaque fois que dans le texte sera noté : « contradiction – discussion – conflit » ou « contradicteurs » on saura que le spectateur se trouvera en présence de moments d’improvisation en direct de la part des acteurs (sur le thème précis développé à ce moment là dans le récit).

David Ayala

NOTES DE MISE EN SCÈNE

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NOTES SCÉNOGRAPHIQUES

Sur le sol de la scène est représenté un large rectangle blanc de 8x6 mètres (en tapis de danse blanc). Sur les bords extérieurs de ce rectangle, avant scène et fond de scène, sont disposés 3 ou 4 fauteuils d’ambiance open-space, de couleur rouge, blanc et beige.

Sur toute la largeur du plateau au fond est suspendu un cyclo blanc. Dans la hauteur de cet espace et dans son alignement vertical, on peut voir le bas d’un tulle blanc formant un cube suspendu, comme flottant dans les cintres.

Sur les côtés extérieurs de cet espace blanc au sol, dans un lieu plus sombre (sol noir), on distingue une table à jardin et une autre à cour. Elles sont encombrées de livres, cahiers, documents et de deux ou trois micros HF. Un micro sur pied est à l’avant-scène cour. On distingue aussi vers le fond et sur les deux côtés coulisses cour et jardin des portants à costumes sur lesquels sont accrochés des vêtements. Ces coulisses sont faiblement éclairées.

Une fois descendu des cintres, le tulle blanc forme une sorte de cube, de parallélépipède, quasi rectangulaire. On peut l’actionner de manière à ce qu’il monte et descende à notre gré, et selon la vitesse que l’on voudra bien lui imprimer. Il peut se descendre totalement (position très basse, à environ un mètre du sol) configurant ainsi une sorte de cage ou de ring (le haut du cube étant surmonté d’une armature métallique ainsi que de quelques projecteurs). Dans cette sorte de « piscine », des acteurs peuvent aller et venir, stationner, s’asseoir ou circuler. Les variations de la lumière peuvent faire exister cet espace de manière très singulière et lui conférer des aspects assez différents.

Le cube peut également se positionner à mi-hauteur, donnant ainsi l’image d’une structure qui flotte au dessus du rectangle blanc posé au sol. Enfin, il peut se disposer ou se « cale r» en position dite « du cube », c’est à dire formant un habitacle hermétique qui peut s’ouvrir et se fermer par devant (avec un système dit « de guillotine », pouvant actionner une ouverture et fermeture à la face). Dans cette position, le cube est translucide.

Les acteurs qui circulent à l’intérieur sont donc visibles à travers le tulle, ou moins visibles, selon les orientations et les déclinaisons de la lumière et de l’image video qui les éclairent. Cette structure peut également devenir un véritable « cube d’images » car le film vidéo est dans le spectacle un « personnage » ou une entité à part entière, tout comme, d’ailleurs, l’utilisation du son. Des vidéo-projecteurs sont positionnés derrière le cyclo (rétroprojection), au-dessus du cube, faisceaux projetés au sol, et dans la salle, faisceaux projetés sur les murs du cube.

Tout ceci, de manière à ce que : objets scénographiques, lumières, son et vidéo « travaillent » ensemble et concourent à produire une multiplicité de situations visuelles et sensorielles en adéquation avec les différents lieux géographiques suggérés ou identifiés comme tels dans le récit (par exemple : un centre de la finance, l’anti-chambre d’un staff de campagne politique, un caisson cybernétique ou un datasystem, un plateau TV, un jeu video, un site des insurrections ou une Chambre des Désirs).

Dans la deuxième partie du spectacle, une très grande bâche noire en polyane viendra recouvrir la totalité de l’espace blanc au sol. Ce sera le site dit « des insurrections ».

La création sonore, comme dit précédemment, imprègne la quasi-totalité des moments du spectacle : musiques, matières et paysages sonores de tous ordres devenant à leur tour « personnes », figures ou entités à part entière du spectacle.

© H

enri

Gran

jean

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SCÉNOGRAPHIE et COSTUMES

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PHOTOGRAPHIES DE LA MISE EN SCÈNE

© Henri Granjean

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Entretien avec David AyalaLes Idiots (ndlr. précédent titre au spectacle Le Vent se lève (Les Idiots / Irrécupérables) est la suite logique (et inévitable) si l’on comprend bien de Scanner que vous aviez monté six ans plus tôt....si vous nous parliez d’abord de leur dénominateur commun, à savoir Guy Debord? Qu’est-ce qui vous séduit chez cet écrivain, essayiste, cinéaste et révolutionnaire français? Sa poésie, ses idées virulentes, sa technicité...?

Evidemment tout chez Guy Debord peut séduire mais surtout fasciner, interroger et insuffler de grandes forces de vie et de combat. C’est un des seuls écrivains et théoricien de la révolution qui, en France et dans le monde, a pu susciter un tel respect et a engendré tant de courants de pensée capables d’attaquer le système. Aujourd’hui ses mots, ses idées, ses pratiques peuvent nous aider à analyser et à trouver les arguments utiles et nécessaires voire imparables pour combattre les systèmes d’aliénation. C’est le seul qui est allé jusqu’au bout de l’idée de renverser intégralement une société qui oppresse, asservit et corrompt les individus. Il peut faire peur car il est toujours resté dans une radicalité mais aujourd’hui cette radicalité apparaît comme l’une des voies les plus salutaires pour critiquer, renverser et reconstruire peut-être un monde vivable. En tout cas, les émanations de ses idées peuvent aider les individus à se positionner et à retrouver du sens là où la guerre économique a tout laminé. C’est un homme qui a œuvré toute sa vie pour le dépassement, dépassement de soi, de l’écrit, de l’art, en particulier de la poésie et du cinéma et, bien sûr, dépassement de la vie qui nous est imposée.

On peut lire que «Dans Scanner, tout l’édifice des théories et des films de Debord rendaient compte en les analysant et les décortiquant, de tous les systèmes d’aliénation des sociétés spectaculaires marchandes » et vous affirmez que dans Les Idiots vous allez plus loin que le simple constat de cette aliénation...c’est à dire? Passe-t-on en quelque sorte du théorique au pratique, de la cause aux conséquences?

Dans Scanner nous avons eu l’ambition de donner à voir et à entendre tout l’édifice de la pensée Debordienne mais il y avait aussi une réappropriation et une transposition de cette pensée dans la vie des gens aujourd’hui. Il en ressortait qu’on interrogeait la position du citoyen spectateur ; c’était une interrogation sur la passivité en général face aux moyens d’oppression. En ce sens, Scanner n’était pas un spectacle sur la théorie mais une mise en pratique souvent ludique et très vivante des idées de Debord. Aussi elles apparaissaient sous nos yeux, grâce au jeu des comédiens et à la dramaturgie, sous l’aspect d’images très concrètes et très organiques. Le spectacle Les Idiots se propose d’interroger la position du citoyen non pas simplement spectateur mais du citoyen comme anéanti, pulvérisé. L’idiot ayant donc remplacé de manière planétaire la notion de citoyen. C’est en ce sens que l’idiot est désigné comme un être privé de sa capacité de discernement et donc souvent de sa capacité d’action contre un système qui l’oppresse. C’est en ce sens aussi que la grande réussite universelle du système économique et machinique qui tente de gérer les êtres humains a réussi la prouesse de rendre inoffensifs le moindre de ses combats qui tente de porter atteinte à son intégrité. Nous sommes idiots parce que nous sommes sous emprise de la machine globale et que nous acceptons aveuglément les conditions existantes qu’elle nous impose. Où tout sens véritablement critique ou velléité de combat s’agenouille devant la puissance de l’Empire. Aussi le spectacle Les Idiots sera une manière de rire infiniment de nos travers, de nos comportements puisque tout sera exagéré ou décalé dans le système Idiot, c’est à dire dans le système qui utilise les signes d’apparition du monde d’aujourd’hui sous toutes ses formes: c’est à dire globalement grotesque, ridicule et terrifiant si l’on se place du point de vue de l’observation de l’organisation globale de la société.

Le spectacle des Idiots se divise en trois phases, celle où l’on montre les spectateurs du temps de Debord puis celle des spectateurs d’aujourd’hui, les fameux « Idiots » et enfin, celle que vous nommez « La chambre des désirs»...? En quoi se distinguent-elles scéniquement et intellectuellement parlant ?

La première partie sera quasiment sans texte (ou presque). Elle sera visuelle et sonore mais comportant énormément d’accessoires de scènes. Elle mettra en scène les visions de l’Idiotie globale. Comment tous les actes de nos vies peuvent être « montrés » et « démontrés » (de manière extrêmement ludique,

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comique, méchante aussi). Ce sera comme une suite d’études de comportements de toutes les parties de la vie quotidienne, standardisée et globalisée. Une sorte de recherche sur les comportements déviants, délirants induits par l’organisation de la vie sociale dite « normale ». Le texte et les images de Debord interviendront dans un second temps et passeront tout cela au crible de sa critique.

« La chambre des désirs » est quelque chose que je veux explorer mais je ne sais pas encore bien comment. Je sais seulement que cela interrogera la notion de survie, d’être humain et surtout d’être humain pouvant choisir de continuer à être ou de disparaître. Cela pourra aussi parler de la mutation de l’être humain, voire même de la notion de post-humain.

Dans le titre de votre pièce, après les « Idiots » est ajouté entre parenthèses « Irrécupérables»...l’humanité ne peut donc pas s’extirper seule de cette idiotie selon vous? David Ayala est-il profondément pessimiste à ce sujet ?

L’humanité au fond peut bien continuer à faire ce qu’il lui plaît et c’est d’ailleurs ce qu’elle a toujours fait sans jamais nous demander notre avis. Quand je fais Scanner ou Les Idiots je ne veux surtout pas donner de leçon (puisque de toute façon elles ne servent à rien), je veux faire passer un sens, une émotion et surtout pas un message. Par contre je peux m’octroyer la liberté de châtier, punir, violenter et ne pas respecter les règles quand bon me semblera, et surtout pas les règles de la bienséance. Etre pessimiste ou optimiste ne veut rien dire pour moi, je réagis plus sur des mots comme désespoir et joie ou force de vie et force de mort.

Comment se concrétise sur le plateau et dans le jeu cette volonté de montrer les « Idiots» d’aujourd’hui? Aborder avec sérieux et légèreté des thèmes philosophiques comme la question du pourquoi l’homme accepte sa « servitude volontaire sans se révolter», c’est un sacré challenge, non?

C’est pour moi l’unique défi, mettre à jour les forces de mort qui nous entourent et nous réduisent et trouver les moyens de les combattre. Les systèmes politique, économique, médiatique et culturel actuel construisent les prisons et les désespoirs des gens. Combattre le sentiment de honte que l’on peut éprouver en regardant ce qui nous entoure est une des formes de colère qui peut donner l’énergie à bâtir un tel projet. Il faudrait vraiment que le public éprouve la honte, la terreur et la pitié d’être devenus de tels idiots. Nettoyer l’ordure et la merde incrustée dans les cerveaux et dénoncer la lâcheté généralisée, c’est ce que nous entendons faire humblement avec Les Idiots. C’est ce qu’a fait d’ailleurs Debord en son temps sans trop de modestie et nous l’en remercions.

Enfin, vous dites que « le texte de Debord oblige le théâtre à « déposer les armes » et qu’il vous a forcé à inventer une nouvelle forme de théâtre où vous y interrogez la place du spectateur: Est-ce à dire que ce dernier pourrait monter sur le plateau, avoir son siège sur la scène....?

En 2008-2009-2010, Scanner a été le seul spectacle joué en France qui était quasiment partout «arrêté», «interrompu» par les spectateurs eux mêmes dans la salle (et qui montaient sur le plateau). On a même beaucoup parlé de cela à la télévision, sur les radios et dans les journaux, à l’époque. C’est dire à quel point Scanner a pu re-questionner la place du spectateur. Ils n’avaient pas besoin de siège sur scène. Ils montaient sur le plateau ou déclenchaient des débats, parlaient, hurlaient, faisaient toutes sortes de trucs. Ils s’exprimaient quoi. On n’était plus tout à fait au spectacle. À certains moments on aurait pu parler d’une agora. Sur ce point et avec la marchandisation de la culture, il est intéressant de s’interroger sur la complicité des directeurs et acteurs culturels qui ne font que cultiver l’art de la passivité des spectateurs (avec pour eux dans le même temps la continuité d’un confort financier dont ils profitent grandement). Dans Scanner, la machine spectaculaire s’interrompait grâce - ou à cause - de Debord et du coup les ex- citoyens avaient la langue et le corps qui leur brûlaient et se sentaient poussés d’intervenir. Cela témoignait de l’urgence absolue qu’il y avait pour certains de reprendre la parole qu’on leur avait volé. Je ne vois pas beaucoup d’œuvres, d’auteurs ou de soit-disant spectacles qui aujourd’hui mettent cette urgence devant les yeux et les oreilles du public d’une soit- disante démocratie. Je ne m’attribue en rien la paternité d’une telle situation (que ces réactions et interventions aient eu lieu sur Scanner). Les mots, la poésie et la force des arguments de Debord y étaient pour beaucoup. Avec Les Idiots j’espère de tout coeur que cela sera pire.

Propos recueillis en janvier 2014 par Julie Cadilhac, BSC NEWS

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Le spectacle Le Vent se lève (Les Idiots / irrécupérables ?) se présente, dans sa structure, comme une série de modules d’une vingtaine de minutes chacun (à la manière des « short cuts » de Robert Altman). Chaque module tente d’explorer le monde de l’idiotie contemporaine à travers toutes les formes de discours ou de représentations symboliques qui apparaissent, surgissent ou occupent continûment l’espace médiatique (ou individuel) planétaire...(tv, radio, écrans, connectique globale, mode, réseaux sociaux, internet, publicité, téléréalité, etc...) mais aussi tous les phénomènes d’activités idiots dans le monde réel de l’être humain plongé dans la réalité historique de ce début de 21ème siècle. Tous ces modules partent d’une transposition et d’une écriture collective au plateau (à base d’improvisations cadrées).

Les textes de Debord, Pasolini, Muray, Sade, etc... viennent faire résonner la charge d’une critique politique, économique et sociale le plus souvent très radicale et très élaborée. Ce processus agit comme le contre point et met à jour la langue secrète de toutes les actions humaines prises dans le maelström de la dégénérescence de l’Empire Mondial.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Les textes de ces auteurs et les références des œuvres englobent plusieurs extraits ou parties issues des œuvres complètes (notamment pour les 6 auteurs cités). Ces extraits sont globalement issus de :

Guy Debord : Œuvres critiques et cinématographiques complètes (In Girum... ; Réfutation... ; Sur le passage... ; Société du spectacle... ; commentaires etc..)

Pier Paolo Pasolini : Œuvres complètes dont : La Disparition des Lucioles, Écrits corsaires, Lettres Luthériennes, Témoignages, poésie, articles, essais, notes cinématographiques.

Philippe Muray : Œuvres complètes, extraits (Après l’histoire, Cause toujours, Désaccord parfait).

Comité invisible : « À nos amis », Tiqqunn, L’insurrection qui vient, premières mesures...

D.A.F. de Sade: La Philosophie dans le boudoir, Français encore un effort, Juliette (extraits)

Edward Bond : Rouge, noir et ignorant (extraits) et « La Furie des Nanties » des Pièces de guerre

LE POUVOIR DU TEXTE« On leur parle toujours comme à des enfants obéissants, à qui il suffit de dire : « il faut », et ils veulent bien le croire. Mais surtout on les traite comme des enfants stupides, devant qui bafouillent et délirent de dizaines de spécialisations paternalistes, improvisées de la veille, leur faisant admettre n’importe quoi en le leur disant n’importe comment ; et aussi bien le contraire le lendemain. »

Guy DEBORD (Œuvres cinématographiques complètes)

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 12

HUITIÈME CERCLE : DÉSIR D’ÊTRE HUMAIN – QUÊTE DE JUSTICE, LA CHAMBRE DES DÉSIRS ?Le spectacle Le Vent se lève – Les Idiots (Irrécupérables ?) ne pourra pas rester un théâtre du constat. Au contraire, le point central du spectacle sera précisément d’ouvrir sur une perspective très lumineuse : celle de découvrir « la Chambre des désirs » (en référence poétique à Andreï Tarkovski). « La chambre des désirs » sera l’endroit de la question du « désir d’être humain ». Un endroit qui interrogera, scrutera et proposera des réponses tangibles et possibles à la difficulté ou au désespoir de vivre dans nos réalités contemporaines. Après avoir « joué » avec les discours idiots, le spectateur sera en présence d’un « site » où la parole se fera réellement « porteuse d’espoir » (mais du plus grand espoir) dans la réalisation authentique, avérée, voire transcendante de ce que l’on pourrait appeler « l’homme définitif » (dans ses aspirations incontournables, inexorables) c’est-à-dire : revenir aux aspirations profondes de tous les êtres humains. Ce qui ouvre la possibilité pour eux d’entendre leur présence terrestre, de retrouver le sens originel de leur existence. Et pourquoi pas, de se réunir en multitudes, pour soulever la réalité et reconstruire un monde vivant et vivable. Cet endroit du spectacle sera d’un très grand calme et proposera une vision apaisée de la vie intérieure des êtres humains. David Ayala

STALKER, FILM RÉALISÉ PAR D’ANDREÏ TARKOVSKI, SORTIE EN FRANCE : 1981

Dans un pays et une époque indéterminés, il existe une zone interdite, fermée et gardée militairement. On dit qu’elle abrite une chambre exauçant les désirs secrets des hommes et qu’elle est née de la chute d’une météorite, il y a bien longtemps. Les autorités ont aussitôt isolé le lieu, mais certains, au péril de leur vie, bravent l’interdiction. Leurs guides se nomment les «stalker», êtres déclassés, rejetés, qui seuls connaissent les pièges de la zone, en perpétuelle mutation...

Par Pierre Murat, critique de cinéma français, 1981:

Cela fait des années que les frères Strougatski l’ont imaginée et qu’Andreï Tarkovski l’a magnifiée : la « zone interdite ». Terre née de la chute d’une météorite, rendue inaccessible par un pouvoir dictatorial, elle dissimule un lieu merveilleux et funeste, doté d’un étrange pouvoir : en exauçant le voeu le plus cher de celui qui s’y présente, cet endroit le révèle à lui-même - le cadeau le plus atroce que l’on puisse faire à un être humain...Pour le scientifique qui s’apprête à tenter l’épreuve, en compagnie d’un littérateur désabusé, la « chambre des désirs » est une chimère dangereuse, à détruire absolument. Pour le simple d’esprit, le « stalker » qui les guide, elle est la seule issue afin de vaincre ses peurs et perpétuer l’espoir... Stalker est tourné presque clandestinement dans l’URSS des années 1970. C’est un film de combat spiritualiste (« la dureté ne vaincra jamais », professe Tarkovski), qui semble constamment avancer immobile : les héros glissent dans des paysages changeants qui, tous, se ressemblent, cernés par le silence, le souffle du vent, la pluie cliquetant dans des flaques.

Hormis un prologue (mystérieux) et un épilogue (sublime), la quête vers la « chambre des désirs » donne l’impression d’un unique plan de deux heures (c’était le voeu du réalisateur), transcendé par la figure de ce « stalker » qui s’offre vainement en sacrifice à des gens endurcis et glacés.

LA CHAMBRE DES DÉSIRS

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 13

STRUCTURE DU TEXTE - VERSION SCÉNIQUE DU 19 DÉCEMBRE 2016

PROLOGUE Cube Idiot Finance 1

SCANSION DEBORD 1Nous tournons en rond dans la nuit

SEQUENCE FINANCE 1Premier cercle : le cercle est un cube idiot : Les Possédés - Les Dépossédés - Les Furieux et les nantis

LA FÊTE REPRENDCube Idiot Finance 2 - Les Masques - Alors on danse ?

VIVRE ENSEMBLECulture pour tous - Je dis oui à mon ego

SEQUENCE FINANCE 2

COROLLAIRE PIER PAOLO 1Les Lucioles - Pier Paolo

REPRISE DE LA FÊTECube Idiot 3 - Les zombies - alors on danse

DESERT / BOND 1Deuxième cercle : paradis en enfet - les irradiés

CONFESSIONS 1

(...)

SÉQUENCE POLITIQUETroisième cercle : Les Imposteurs - Les Menteurs - Les Infames

INTERLUDE PRÉPA DES POLITIQUESLes Lucioles - Pier Paolo

(...)

LE MEETING IDIOT POURRI

DESERT / BOND 2Quatrième cercle : Paradis en enfer - les irradiés II

SÉQUENCE CYBERNETIQUE 1Cinquième cercle : l’homme machinique - cercle des connectés et des mutants

DESERT / BOND 3Sixième cercle : Paradis en enfer - les survivants

LES INSURRECTIONS SONT VENUSSeptième cercle - Le comité invisible - le cercle des insurgés

LA CHAMBRE DES DÉSIRSHuitième cercle : désir d’être humain - quête de justice

DRAMATURGIE

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 14

DAVID AYALA, conception, réalisation et mise en scène

David Ayala suit la formation du Conservatoire National de Région de Montpellier, Atelier Jacques Bioulès (formation J. Lecocq). Théâtre École du Passage (Niels Arestrup), Licence de Lettres Modernes (Université Paul Valery à Montpellier). Stages : Alain Françon, Ariane Mnouchkine, Edward Bond, Joël Jouanneau, David Warrilow, Mario Gonzales, Claude Evrard, Pascal Elso, Juliette Binoche etc...

Comédien depuis 1990, travaille notamment sous la direction de Dan Jemmett dans Ubu et La Comédie des erreurs, Dog Face et Macbeth (The Notes), Jacques Bioulès dans Folianne, Rideau, La Vedette, Le roi Gordogane et Lionel Parlier dans Toto le Mômo, dont il est aussi le concepteur, Joël Dragutin dans le Mariage de Figaro, La Baie de Naples, La Double inconstance, Messieurs les ronds de cuir, Sandrine Barciet dans La Mouette, Paul Golub dans Le Songe d’une nuit d’été, MacBeth, Hamlet sur la route, Celle qui courait après la peur et La Puce à l’Oreille de Feydeau, Marie Montegani avec Andromaque, Geneviève Rosset dans Britannicus, L’École des femmes, Jean Boillot dans Coriolan de Shakespeare, Pierre Pradinas dans Fantomas revient de Gabor Rassov, Maldoror, L’enfer et Ubu Roi, Jean-Claude Fall dans Jean la chance de B. Brecht inédit et Le Roi Lear, Richard III et Le fil à la patte, Richard Brunel dans Hedda Gabler, Simon Abkarian, Le dernier Jour du jeûne, Claudia Stavisky dans Tableau d’une exécution.

Il est metteur en scène, Laisse venir l’imprudence (et tu penseras grâce à la rage) d’après Hamlet de Shakespeare et des textes de Angelica Liddell de Edward Bond. Avec les élèves de 3ème et 4ème année de l’école d’art dramatique Les Enfants Terribles (Paris 20). Copies - un certain nombre (21 visages ?) de Caryll Churchill. Ma Peau sur la Table (Féérie), d’après les derniers romans et interviews de L.-F. Céline. Scanner – nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu – d’après l’œuvre critique, politique et cinématographique de Guy Debord. Toto le Mômo d’après La conférence du Vieux Colombier et Les Cahiers de Rodez d’Antonin Artaud. Moha le fou, Moha le sage de Tahar Ben Jelloun. Armatimon – Furie des Nantis d’après Timon d’Athènes de Shakespeare et la Furie des Nantis d’Edward Bond. Sous le phare obsédant de la peur (mes occupations) d’après Henri Michaux. Nomen Nescio de François Clarinval. Paradoxe sur le comédien de Diderot. Docteur Faustroll d’Alfred Jarry. Plume (démontages) d’après L’espace du dedans d’Henri Michaux. En attendant Godot de Samuel Beckett. Apparitions/Visions de Roger Blin, chantier à Sortie Ouest.

Il est également acteur dans plusieurs films longs, moyens et courts métrages au cinéma.

Pour la saison 2016/2017, il est artiste associé au CDN Nancy Lorraine, La Manufacture.

BIOGRAPHIE

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 15

EXTRAITS

Des squelettes étaient assis devant les manettes de pierre et des ordinateurs de pierreDes politiciens de pierre et des officiers de pierre se penchaient sur les cartes de pierre des villesqu'ils avaient réduites en poussière."

TEXTE MARYSE : enchaîne directement avec Roger

- "Nos ancêtres se réfugiaient dans des cavernes et peignaient sur les murs des scènes de lavieCeux-là les avaient tapissés des graphiques de la mortIls étaient comme ces pharaons qui tuaient leurs serviteurs pour les mettre dans leur tombe avec desvivres et des armesAinsi que leurs avocats pour négocier avec les managers des mortsMais même les vivres étaient changées en pierreEt même les rats volant les vivres : eux-mêmes et leur larcin étaient pris pour l'éternité dans lapierreCes gens étaient si téméraires et si bêtes qu'on aurait pu dire de leur vivant qu'ils hantaient lesmorts."

Une fois le choeur terminé, Roger s'approche de Maryse et ils se posent à jardin, devant.

La scèneLa furie des nantis p48

FABIENNE : "Nous arrivâmes en un endroit où la rivière était obstruée par les débris : corps etembrasures de portes et briques : balayés là par l'onde de choc"DIANE : "Pourquoi parler de çaEn parlant je croyais possible de vivre à nouveau normalementMais comment parler de la destruction du monde en restant normal?Diane s'approche de face publicMes parents m'ont parlé dans mon sommeil : ils ne savent pas qu'ils sont morts : je me senscoupable comme si je leur cachais la vérité"FABIENNE : "J'ai vu quelque chose que je n'aurais pas dû voir – car jamais aucun être humainn'aurait dû voir le jour là où cela se produisit parce que là des êtres humains ne pourraient jamais sesentir chez eux"DIANE : à Fabienne. " Tu n'as pas souffert plus que tous les autres A public. J'ai essayé d'aider les blessés – il n'y avait pas de savoir médical ni de médicamentsQuand les aveugles touchaient les murs les murs leur tombaient dessus"HERVE : arrive, il a cheminé. Voit une boîte de conserve par terre. "BoîteA mangerAbandonnéeParois propres : pas de boue, pas éclaboussées par la pluieSortant de terre un crâne de bébé"

VERO entre dans le cube à jardinVERO : "N'ayez pas peurVéro monte sur le fauteuilNous sommes quelques uns à avoir survécuNous habitons sur l'autre versantJe vous ai vu depuis le sommet des rochersMe voyez-vous ?

Pas de réponse

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Je suis allée chercher de quoi manger puis j'ai couru jusqu'à votre rencontre"HERVE : "La boîte c'est à vous?"VERO : "Je vais l'ouvrir" Elle saute du fauteuil.HERVE : "Ne bougez pas

Véro s'approche, elle rapproche la boite de conserve d'Hervé, puis s'éloigne.Hervé se détourne et recule – en gardant un oeil sur elle – puis se tourne vers elle

Piège Pas mourir pour une boîte de conserve"VERO : prend la boîte et l'ouvre. "Ce n'est pas empoisonné"

Pose la boîte sur le sol et s'en éloigne.HERVE : "... D'autres boîtes?"VERO : "Oui – mangez tout"HERVE : "Du poison au fond"VERO : "Je vous ferai rencontrer les autres (Véro s'approche)L'un d'entre nous est mortMaintenant vous êtes là... !"

Hervé prend la boîte et s'éloigne. Vous n'avez plus l'habitude d'être avec quelqu'unNous marcherons chacun d'un côté de la routeIls ont lâché une bombe à neutrons iciÇa a tué les gardes – épargné les boites de conserve"DIANE : Parle en courant, en s'approchant. "Nous sommes heureux que vous soyez là"FABIENNE : "Ecoutez : Un dépôt de secours a été construit dans cette vallée"VERO : "Il y a cinq entrepôts pleins de boîtes de conserve"DIANE : "Des millions! Rien que pour nous!"FABIENNE : "Nous n'aurons plus jamais faim!"HERVE : Combien ?DIANE : "De personnes ?"VERO : "QuatorzeMARYSE : "Quatorze de survivants"FABIENNE : " Deux sont en train de dormir. Nous ne réveillons jamais ceux qui dorment"

Ils s'en vont

INTERVENTION CONTRADICTEURSDISCUSSION

BANCS-TITRES Après Bond, un temps de perplexité pour reconnecter avec le présent. Ils s'interrogent sur lanécessité de mettre Bond dans le document ou pas. Dialectique.Tous sont présents au plateau, pas nécessairement immobiles. Des échanges de regards peuventavoir lieu. Silence.

CONFESSIONS 1

BANC-TITRE

PLATEAU CALME, éclairé. (Ils en profitent pour enlever les objets au plateau, certains sortent duplateau, et reviennent dans la séquence, discrètement)

22

EXTRAITS DE LA VERSION SCÉNIQUE DU VENT SE LÈVE - PAGES 21 À 23

Ces extraits sont tirés de la séquence DÉSERT / BOND1 - Deuxième cercle : paraDis en enfer - les irraDiés. Ils commencent par une scène de « La Furie des Nantis » des Pièces de guerre d’Edward Bond.

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 16

Je suis allée chercher de quoi manger puis j'ai couru jusqu'à votre rencontre"HERVE : "La boîte c'est à vous?"VERO : "Je vais l'ouvrir" Elle saute du fauteuil.HERVE : "Ne bougez pas

Véro s'approche, elle rapproche la boite de conserve d'Hervé, puis s'éloigne.Hervé se détourne et recule – en gardant un oeil sur elle – puis se tourne vers elle

Piège Pas mourir pour une boîte de conserve"VERO : prend la boîte et l'ouvre. "Ce n'est pas empoisonné"

Pose la boîte sur le sol et s'en éloigne.HERVE : "... D'autres boîtes?"VERO : "Oui – mangez tout"HERVE : "Du poison au fond"VERO : "Je vous ferai rencontrer les autres (Véro s'approche)L'un d'entre nous est mortMaintenant vous êtes là... !"

Hervé prend la boîte et s'éloigne. Vous n'avez plus l'habitude d'être avec quelqu'unNous marcherons chacun d'un côté de la routeIls ont lâché une bombe à neutrons iciÇa a tué les gardes – épargné les boites de conserve"DIANE : Parle en courant, en s'approchant. "Nous sommes heureux que vous soyez là"FABIENNE : "Ecoutez : Un dépôt de secours a été construit dans cette vallée"VERO : "Il y a cinq entrepôts pleins de boîtes de conserve"DIANE : "Des millions! Rien que pour nous!"FABIENNE : "Nous n'aurons plus jamais faim!"HERVE : Combien ?DIANE : "De personnes ?"VERO : "QuatorzeMARYSE : "Quatorze de survivants"FABIENNE : " Deux sont en train de dormir. Nous ne réveillons jamais ceux qui dorment"

Ils s'en vont

INTERVENTION CONTRADICTEURSDISCUSSION

BANCS-TITRES Après Bond, un temps de perplexité pour reconnecter avec le présent. Ils s'interrogent sur lanécessité de mettre Bond dans le document ou pas. Dialectique.Tous sont présents au plateau, pas nécessairement immobiles. Des échanges de regards peuventavoir lieu. Silence.

CONFESSIONS 1

BANC-TITRE

PLATEAU CALME, éclairé. (Ils en profitent pour enlever les objets au plateau, certains sortent duplateau, et reviennent dans la séquence, discrètement)

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INTERVIEWS entendus (Voix off): FABIENNE, VÉRO. Tous écoutent, dispersés dans l'espace.Certains peuvent sortir.

Les lumières de service s'allument.

CONFESSIONS: SOPHIE, HERVEConfessions : la personne vient face public, elle s'adresse à lui dans une d'intimité, de proximité,elle n'amène pas de réponse, peut-être des questions. Elle parle à partir d'elle, de son expérience,de ce qu'elle ressent de la chambre des désirs, sans nécessairement la nommer. Ce qui se dit là estsensible.Revenir à une parole normale, partant d'eux, intime, dans une tonalité sèche, nette, brute entre eux,interrogative, cherchant des solutions, s'interrogeant sur leur expérience. Moments de vie, commedans un documentaire où l'on voit des être humains dans la complexité de leur engagement dansdes formes d'actions politiques, et dans la question du "comment" et "quoi" faire ?

A la fin des confessions, Roger arrive avec le micro HF. Les lumières diminuent, le cube restetoujours totalement relevé.

SCANSION DEBORD 2NOUS TOURNONS EN ROND DANS LA NUIT ?

DEVORES PAR LE FEU ?

BANC-TITRE

Roger dit son texte en partant du fauteuil à cour devant puis en circulant dans le cube ouvert. Toussont assis, répartis dans le cube, fond cour et côté jardin. Ils écoutent. Des instants de complicités.

ROGER texte Debord : - Il a écrit : "La société du spectacle avoue franchement quʼelle nʼest plus, dans lʼessentiel,

réformable ; quoique le changement soit sa nature même, pour transmuter en pire chaque choseparticulière. Elle a perdu toutes ses illusions générales sur elle-même.Tous les experts du pouvoir, et tous leurs ordinateurs, sont réunis en permanentes consultationspluridisciplinaires, sinon pour trouver le moyen de guérir la société malade, du moins pour luigarder autant que faire se pourra, et jusquʼen coma dépassé, une apparence de survie.Qui peut encore croire à quelque issue moins radicalement réaliste ?

Partout se posera la même redoutable question, celle qui hante le monde depuis deux siècles,comment continuer à faire travailler les pauvres en leur mentant avec une si parfaite absence deconséquence ?

Il sort de l'espace du cube et se dirige vers la première table à jardin.

INTERVENTION CONTRADICTEURSDISCUSSION

BANCS-TITRES

Les jours de cette société sont comptés ; ses raisons et ses mérites ont été pesés, et trouvés légers ;ses habitants se sont divisés en deux partis, dont l'un veut qu'elle disparaisse."

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Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 17

PIÈCES DE GUERRE, EDWARD BOND

On ne saurait séparer les Pièces de guerre (The War Plays, 1985) d’Edward Bond (né en 1934), du contexte contemporain de leur écriture : la guerre froide du début des années 1980, et la menace nucléaire qui occupait alors les esprits. À tel point que Bond lui-même a pu justifier le choix de son sujet en proclamant que la destruction nucléaire était alors le seul sujet possible pour l’art.

Chez Bond, le propos politique, prenant comme détour la fiction apocalyptique pour mieux pointer les failles du monde actuel, s’accompagne d’une exploration des formes théâtrales du passé, assortie de perpétuelles innovations esthétiques. Les Pièces de guerre jouent d’une tension entre un régime dramatique, fondé sur le dialogue et la relation interpersonnelle, et des techniques épiques telles que l’adresse frontale au public ou le récit choral. Mais elles proposent également un agencement variable des parties qui la composent. De même qu’elle entreprend de relire le devenir de l’humanité à travers le prisme de sa destruction, l’œuvre offre une traversée des formes dramaturgiques, de la tragédie antique au théâtre épique. Bien plus pourtant qu’un catalogue formel, la démarche de Bond se veut une expérimentation théâtrale du politique.

UN THÉÂTRE DE CATACLYSMELa première des trois pièces, Rouge noir et ignorant (Red Black and Ignorant), est placée sous le signe du théâtre d’agit-prop, théâtre d’agitation et de propagande, apparu en U.R.S.S. et en Allemagne après 1917. Faisant office de prologue, elle se compose d’une série de tableaux qui sont autant d’épisodes de l’existence virtuelle et tronquée d’un Monstre brûlé par le feu des bombes : « Mon sang pue : flaques sur sols d’usine : acide/ Mes bandages sont brûlés par l’acide/ Les mots arrachent mes dents : les souches de vieux arbres/ Elles s’entrechoquent dans ma bouche : jeu de dés/ Je les crache et compte : la fin du monde ! »

La Furie des nantis (The Tin Can People) se déroule dans un désert postnucléaire, au sein d’une communauté de survivants persuadés, parce qu’il leur reste de quoi subvenir à leurs besoins pour des siècles et qu’ils n’ont donc pas à travailler, de jouir d’un état paradisiaque, avant que l’arrivée d’un étranger ne coïncide avec le déclenchement d’une épidémie qui les décime.

La troisième pièce, Grande Paix (Great Peace), relate le calvaire d’une femme traînant dans le même désert un baluchon qu’elle chérit comme son enfant. Son errance fait suite au crime fratricide accompli par son fils, à qui l’armée, pour cause de pénurie, avait intimé l’ordre de supprimer un nouveau-né de son voisinage.

Une série d’éléments (le désert postatomique, la présence de certains personnages) contribue à assurer une continuité entre la deuxième et la troisième partie de la trilogie, même si le début de l’action de Grande Paix se situe dans un temps antérieur à celui de La Furie des nantis. Le développement des deux pièces s’articule autour du moment non représenté de l’explosion atomique, événement destructeur, sur le plan thématique, de tout édifice social, politique ou institutionnel, mais dramaturgiquement fondateur. Le cataclysme devient le point d’appui de la fiction bondienne, légèrement anticipatrice, et lui permet de montrer sur la scène la constitution ex nihilo d’une société humaine.

(...)

David LESCOT, dramaturge, metteur en scène, Encyclopædia Universalis

EDWARD BOND

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture 18