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Le continent africain «poumon» spirituel de l’humanité La deuxième visite pastorale de Benoît XVI en Afrique Réflexions du cardinal Robert Sarah XXIX e ANNÉE N.10 - 2011 - 5 Directeur: Giulio Andreotti dans l’Église et dans le monde Directeur: Giulio Andreotti dans l’Église et dans le monde In caso di mancato recapito rinviare a Uff. Poste Roma Romanina per la restituzione al mittente previo addebito. If undelivered please return to sender, postage prepaid, via Romanina post office, Roma, Italy. En cas de non distribution, renvoyer pour restitution à lʼexpéditeur, en port dû, à: Ufficio Poste Roma Romanina, Italie www.30giorni.it MENSILE SPED. IN ABB. POST. Tar. Economy Taxe Percue Tassa Riscossa Roma. ED. TRENTA GIORNI SOC. COOP. A R. L. ISSN 1827-6288 En hommage, une méditation sur Noël nella Chiesa e nel mondo nella Chiesa e nel mondo

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Le continent africain«poumon» spirituel de l’humanité

La deuxième visite pastorale de Benoît XVI en Afrique

Réflexions du cardinal Robert Sarah

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Directeur: Giulio Andreottidans l’Église et dans le monde Directeur: Giulio Andreottidans l’Église et dans le monde

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En couverture:

une jeune africaine en prière

ÉDITORIAL

Don Giussani et la présence du laïcat dans l’Église— par Giulio Andreotti 4

COUVERTURE

DEUXIÈME VISITE PASTORALE

DE BENOÎT XVI EN AFRIQUE

Le continent africain «poumon» spirituel de l’humanité— par le cardinal Robert Sarah 22

DANS CE NUMÉRO

ANNÉE DE LA FOI 2012-2013

Un don, pas une propriétéinterview du cardinal Walter Kasper

— par G. Valente 30

ÉGLISES ORIENTALES

“Notre foi est la foi des apôtres, transmise par saint Thomas” interview de George Alencherry,

archevêque majeur de l’Église syro-malabare

— par R. Rotondo et G. Valente 42

COLLÈGES ECCLÉSIASTIQUES DE ROME

L’Inde qui vit au cœur de Rome— par P. Baglioni 48

RÉFLEXIONS D’UN HOMME POLITIQUE ALLEMAND

Le Pape reste fidèle à lui-même:rendez témoignage de votre foi— par Hans-Gert Pöttering 54

RÉCITS DES MISSIONS

De la Valtellina aux Andes — par G. Ricciardi 58

LIVRES

Loyauté des chrétiens et tolérance de Rome— par L. Bianchi 64

RUBRIQUES

LETTRES DU MONDE ENTIER 10

LECTURE SPIRITUELLE 14

30JOURS dans le monde 36

330JOURS N.10 - 2011

ÉditorialGiulio Andreotti rappelle don Luigi Giussani

Direction et Rédaction

Via Vincenzo Manzini, 45 00173 Roma - ItaliaTel. +39 06 72.64.041 Fax +39 06 72.63.33.95Internet:www.30giorni.it E-mail: [email protected]

Directeurs adjoints

Roberto Rotondo - [email protected] Cubeddu - [email protected]

Rédaction

Gianni Cardinale - [email protected] Francioni - [email protected] Malacaria - d. [email protected] Mattei - [email protected] Quattrucci - [email protected] Valente - [email protected]

Réalisation graphique

Marco Pigliapoco - [email protected] Scicolone - [email protected] Viola - [email protected]

Recherche iconographique

Paolo Galosi - [email protected]

Collaborateurs

Pierluca Azzaro,Pina Baglioni, M. A. Beaugrand, F.M. Babinet, Maurizio Benzi, Lorenzo Bianchi, Massimo Borghesi, Lucio Brunelli, Rodolfo Caporale, Stefania Falasca, Lorenzo Cappelletti, Gianni Cardinale, Giuseppe Frangi, Silvia Kritzenberger, Walter Montini, Jane Nogara, Stefano M. Paci, Felix Palacios, Tommaso Ricci, Giovanni Ricciardi

Ont collaboré à ce numéro

Hans-Gert Pöttering,le cardinal Robert Sarah

Bureau légal

Davide Ramazzotti - [email protected]

Secrétariat de rédaction

[email protected]

30GIORNI

nella Chiesa e nel mondo

est une publication mensuelle enregistrée au Tribunal de Rome en date du 11/11/1993 n° 501. Elle bénéficie dʼun financement publicdirect (Loi du 7 août 1990, n. 250).

Société éditrice

Trenta Giorni soc. coop. a r. l. Sede legale: Via Vincenzo Manzini, 45 00173 Roma - Italie

Conseil dʼAdministration

Giampaolo Frezza (president),Massimo Quattrucci (vicepresident), Giovanni Cubeddu, Paolo Mattei, Roberto Rotondo, Michele Sancioni, Gianni Valente

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Impression

Arti Grafiche La Moderna Via di Tor Cervara, 171 - 00155 - Roma

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Ce numéro a été bouclé

le 7 novembre 2011

Achevé dʼimprimer en novembre 2011

3OGIORNInella Chiesa e nel mondo

Directeur Giulio Andreotti

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES: Godong/Corbis: Couverture; avec lʼaimable autorisation du père Marko Ivan Rupnik: p.7; Photothèque Messaggero di SantʼAntonio: p.15; Photo Scala, Florence: p.17; OsservatoreRomano: p.22,30,33,36,42,54-55,56; M.Merletto/Nigrizia: p.23; Paolo Galosi: p.23,24,46,48,49,50,51,52;Associated Press/LaPresse: p.25,40,41,57; AFP/Getty Images: p.25,26,27,29,43,47,55,57; Pepi Merisio:p.28; Photo Felici: p.29; Romano Siciliani: p.30,40,41; Franco Cosimo Panini Éditeur, sur autorisation deFratelli Alinari: p.31,32,35; avec lʼaimable autorisation de Sa Béatitude George Alencherry: p.44; NationalGeographic/Getty Images: p.39; Reuters/Contrasto: p.39; avec lʼaimable autorisation du père VargheseKurisuthara, recteur de lʼInstitut pontifical Saint Jean Damascène: p.49; MichaelHorowitz/Anzenberger/Contrasto: p.52; James Estrin/Redux/Contrasto: p.52-53; Shobha/Contrasto: p.53;avec lʼaimable autorisation de don Mirko Santandrea, Postulation de la cause de béatification et decanonisation du serviteur de Dieu Daniele Badiali: p.58,59,60,61,62; LaPresse: p.65.

N. 10 - 2011an

née X

XIX Sommaire

p. 4

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Ma connaissance personnelle dedon Luigi Giussani remonte aux an-nées Quatre-vingt, Quatre-vingt-dix, mais je savais déjà depuis long-temps qui il était. J’avais surtout été

favorablement impressionné par le fait que quel-qu’un eût enfin réagi à un certain climat idéologiquedans les universités, et notamment à Milan. Àl’époque, Milan nous apparaissait comme une villefortement contestatrice, aux expressions politiquesplus que médiocres. Avec les assassinats et les “jam-bisations”, l’activité des Brigades rouges faisait trèspeur, mais il y avait aussi des ferments inquiétants àdroite. On voyait circuler dans les institutions l’illu-

sion que la méthode démocratique à laquelle nousétions liés, et dont nous ne voulions absolument passortir, aurait pu combattre par elle-même le commu-nisme; mais peut-être cela ne suffisait-il plus en cemoment précis. Et lorsque les violents pensaientpouvoir dominer, c’est de don Giussani et de ses dis-ciples qu’est venue la rescousse. En réalité, l’inter-vention de don Giussani a représenté une sorte detournant, de revirement: refus de l’assujettissement àl’idéologie dominante, mais refus aussi de la réactionopposée qu’aurait été un anticommunisme viscéral.

Avant de parler de don Luigi, je voudrais cepen-dant éclaircir un point: on a souvent jugé, à tort, queson expérience était en concurrence avec l’Actioncatholique de ces années-là. Même à l’époque, j’aitoujours pensé que c’était une erreur, parce qued’après ce que je ressentais de l’extérieur, don Gius-sani me donnait l’impression de ne jamais partird’une opposition à quelque chose, mais d’un pointde vue positif.

L’Action catholique avait depuis toujours uneorganisation composée d’hommes, de femmes, dejeunes, d’aspirants, d’enfants, et de deux mouve-ments rassemblant d’une part les étudiants (la FU-CI) et de l’autre ceux qui avaient terminé leursétudes universitaires. Pendant la période fasciste,ce type d’organisation avait plutôt bien marché,parce qu’elle permettait un brin d’autonomie etune diversité dont nous étions fiers, sans créer dedifficultés. En outre, il est important que cette orga-nisation ait été réalisée sous cette forme capillaire,presque “enrégimentée”. Je me souviens qu’à l’oc-

par Giulio Andreotti

Éditorial

4 30JOURS N.10 - 2011

Don Giussani et la présencedu laïcat dans l’Église

Don Giussani et Rose Busingye

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casion d’une des célébrations des jeunes filles del’Action catholique (les “bérets marrons”) au ForumMussolini, le socialiste Saragat avait dit «Je veux al-ler voir», et qu’il avait été favorablement impres-sionné. Pie XI avait vu juste en créant les mouve-ments et leurs ramifications, mais en permettantque la base reste paroissiale. Et puis, au bout d’uncertain temps, on commença à percevoir une cer-taine lassitude. Ceci ne voulait pas dire que l’expé-rience des paroisses n’était plus valable, mais le filde la formation s’était rompu. Il y a une dizained’années, lors du centenaire de la FUCI, j’aipresque été scandalisé de voir émerger cette lignedirectrice: “Disons clairement que nous ne sommespas un mouvement de formation, mais de re-cherche”. Mais ce n’était pas ce que nous avionsvécu, nous qui avions grandi dans les rangs de laFUCI! Nous dont l’objectif prioritaire était juste-ment la formation: la liturgie, l’étude de l’Ancien etdu Nouveau Testament, une présence courageusedans les universités, une collaboration attentiveavec les autres étudiants et les professeurs – dontnous devions nous faire apprécier par nos qualités–, et puis la coordination internationale à travers“Pax romana” et une sensibilité sociale cultivéegrâce aux missions d’assistance de la Conférencede saint Vincent de Paul. À cet égard, je pense sou-vent que c’est aux familles pauvres de Pietralata,où nous allions avec la Conférence de saint Vincentde Paul, que je dois quelques-unes des leçons de vieles plus importantes qui m’aient été données.Giulio Andreotti et don Luigi Giussani ¬

Avant de parler de don Luigi, je voudrais cependant éclaircir un point: on a souvent jugé, à tort, que son expérience était en concurrence avec l’Action catholique de ces années-là. Même à l’époque, j’ai toujours pensé que c’était une erreur, parceque, d’après ce que je ressentais de l’extérieur, don Giussani ne partait jamais d’une opposition à quelque chose, mais d’un point de vue positif

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Comme peut en témoigner le cardinal Angelini,dans les années les plus glorieuses de l’Action catho-lique, les manifestations de masse avaient été utileset elles avaient même montré une certaine force,mais elles étaient liées à des circonstances histo-riques: la mobilisation des Comités civiques en1948 elle-même avait un but spécifique, elle réunis-sait à la fois des tertiaires franciscains, des profes-seurs universitaires et des ménagères. Mais, aussipositives qu’elles eussent été, ces manifestations,hors de leur contexte, ne représentaient qu’un anti-dote, et le risque était de n’apprécier que le nombreet la masse comme seuls critères, comme si riend’autre n’existait. Selon les maximes de l’idéologienon catholique de l’époque, l’individu n’était paspris en considération.

Je disais que don Giussani donnait la sensation dene pas avoir peur, de ne pas consentir. Il donnait lasensation qu’il était possible de réagir, même sur leplan idéologique, en apportant des idées, une forma-tion, un aggiornamento. En prenant aussi en consi-dération le catholicisme d’autres pays et en tenantcompte de ce qui se passait dans le monde. Don Gius-sani a innové. Je pense qu’il avait, dès le début, uneorientation précise, mais qu’il l’a introduite graduelle-ment: car une prédication immédiate, directe, com-me celle que j’ai eu l’occasion d’entendre, pouvaitpeut-être exercer une fascination, mais avait besoind’un public formé. Et il y a eu une certaine évolution.

Parlons d’un autre aspect: don Giussani, lesœuvres de Communion et Libération, la présence deslaïcs catholiques dans la société. Je me permets de fai-re une comparaison: pensez à Marthe et Marie dansl’Évangile. Marie écoutait Jésus et, si Marthe ne s’étaitpas occupée de la cuisine – même si personne n’au-rait été mort de faim ce soir-là, parce que Jésus était là–, il y aurait eu un problème, parce qu’il fallait bienquelqu’un pour préparer le dîner. L’une des pre-mières fois où j’ai assisté à une rencontre entre les di-rigeants de Communion et Libération avec don Gius-sani, j’ai pensé à cet épisode de l’Évangile, parce que,tout en étant frappé par l’atmosphère et les échanges

de cette rencontre, j’ai cru percevoir une distinc-tion, une différence entre don Giussani et lesœuvres, et la Compagnia delle Opere. Les œuvresétaient quelque chose de magnifique, de positif,mais il me semblait que don Giussani se reconnais-sait plutôt dans la figure de Marie. Cela voulait direqu’il fallait quelqu’un pour s’occuper de l’organisa-tion, que c’était chose bonne et sage, mais que lui,il s’intéressait à autre chose. Il m’est arrivé d’en-tendre don Giussani faire une conférence sur leconcept d’œuvre: si une œuvre n’est pas enraci-née dans de grandes idées et soutenue par elles, el-le se stérilise, elle flétrit et elle meurt. J’ai été frap-pé par ce point central de sa réflexion, qui n’avaitrien à voir avec une critique des œuvres. Mais il di-sait: «Attention, nous ne devons pas nous faireprendre uniquement par la matérialité». Cet as-pect redevient actuel, aujourd’hui que nousconstatons un certain découragement dans lesuniversités – mais aussi dans la vie quotidienne – etque s’est perdue, à nouveau, une certaine vivacité.

Un troisième élément: Giussani avait une ca-pacité de communication particulière, mais audébut, je ne réussissais pas à en comprendre l’es-prit. J’y suis arrivé petit à petit, car au début,j’avais l’impression qu’il parlait une langue diffé-rente de la mienne: il disait des choses magni-fiques, qui me restaient dans le cœur, mais je netrouvais pas la clé de lecture de ses paroles. Ilavait, bien sûr, quelque chose de charismatique,on voyait qu’il était différent, qu’il y avait quelquechose de différent en lui; si je devais le comparer àquelqu’un, je penserais à Mazzolari, mais aussi àdon Gnocchi. Eux aussi, ils étaient différents, ilsagissaient toujours avec un horizon plus large.Quant à moi, je suis par nature un bureaucrate, etj’ai tendance à apprécier l’administration couran-te. J’ai toujours pensé que les meilleurs mi-

Jésus avec Marthe et Marie, détail de la mosaïque

Mensa di Betania, Marko Ivan Rupnik,

réfectoire du Centre Aletti, Rome

Éditorial

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Éditorial

nistres sont ceux qui, au lieu de s’agiter pour faire uneénième réforme, essaient avec humilité de faire mar-cher le mécanisme existant.

En fait, deux choses m’ont aidé pour comprendreà fond don Giussani: la première a été l’éloge funèbreprononcé à ses obsèques par celui qui était alors lecardinal Ratzinger; j’ai été d’autant plus impression-né qu’il brossait un portrait parfaitement exact dedon Giussani. Ce n’était pas une simple oraison fu-nèbre: on voyait que Ratzinger ressentait profondé-ment ce qu’il disait; d’ailleurs, à mon avis, le modèled’apostolat proposé par don Giussani se retrouvedans certains aspects du pontificat de Benoît XVI.D’après ce qu’il a dit en cette occasion et même plustard, on se rend compte que ce qui le liait à Giussanin’était pas seulement l’admiration ou le sentimentd’amitié, mais aussi leur conviction commune quantau modèle de vie chrétienne qu’il fallait prêcher.

Une simple remarque à ce propos: à mes yeux,Benoît XVI est un pape authentiquement moderne,et je pense que la critique qu’il fait – à juste titre – de lafausse idée de modernité qui domine aujourd’hui estla même que celle de don Giussani. Notre générationn’était pas préparée à affronter l’idée que la moderni-té se réduise à ne pas avoir de règles. Alors que nousétions plutôt bien préparés en matière économique etsociale – je pense au code de Camaldoli et à la moder-

nité de la réforme agraire –, il nous est arrivé d’adhé-rer à certaines choses, simplement parce qu’ellesnous semblaient porteuses de modernité, mais sansnous rendre compte de leurs conséquences à longterme. Je pense par exemple à la modification des ar-ticles du code civil en matière de mariage, dans les-quels les idées de père de famille et d’autorité, ont dis-paru. Nous les avons subies parce que nous avionspeur de ne pas sembler suffisamment modernes.

Voilà, Giussani et Ratzinger sont des personnali-tés qui savent indiquer une voie. Et cela n’est pas tou-jours donné, au-delà de leur propre foi, à toutes lesgrandes figures du catholicisme. Je pense entreautres à Lazzati, qui se trouve certainement au para-dis: je l’ai vu quelquefois à la messe matinale de l’égli-

En fait, pour comprendre à fond don Giussani, j’ai été aidé par deux choses: la première a été l’éloge funèbre prononcé par Ratzinger à ses obsèques, qui m’a d’autant plusimpressionné qu’il brossait un portrait parfaitement exact de don Giussani. Ce n’était pas une simple oraison funèbre: on voyait que Ratzinger ressentait profondément ce qu’il disait;d’ailleurs, à mon avis, le modèle d’apostolat proposé par don Giussani se retrouve dans certains aspects de son pontificat

Le cardinal Joseph Ratzinger prononçant l’homélie à l’occasion

des obsèques de don Luigi Giussani, cathédrale de Milan,

24 février 2005

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se du Gesù, et il semblait vraiement en extase. Mais –je le dis avec la foi du simple romain que je suis – je nedirais pas qu’il ait su donner une ligne de conduite àl’Université catholique.

Mais pour revenir à don Giussani, l’autre chosequi m’a permis de mieux le comprendre a été d’avoirparticipé bien des fois à la messe que célèbre à Saint-Laurent-hors-les-Murs don Giacomo Tantardini, unprêtre qui a toujours manifesté son admiration et sadévotion envers don Giussani, en le présentant tou-jours comme le point de référence vers lequel se tour-ner. Il m’est très souvent arrivé, depuis que je suis de-venu directeur de 30Jours, de participer à cesmesses du samedi soir, aux baptêmes, aux confirma-tions, et chaque fois, j’ai vu quelque chose d’unique:

des étudiants et des travailleurs, des jeunes époux te-nant leurs enfants par la main, qui vont communierensemble: quelque chose de paradisiaque. Je me suisdemandé, grâce, entre autre, à une superbe couver-ture du numéro de 30Jours dédié à Lourdes, en2008, si ce n’était pas cela, au fond, l’avenir du chris-tianisme, le modèle de laïcat des années à venir. Il estsûr que cela m’a permis de comprendre et de mieuxpénétrer les paroles de don Giussani que j’avais écou-tées par le passé.

(Conférence prononcée

au XVe Congrès international sur la Sainte Face,

à l’Université pontificale Urbanienne,

les 22 et 23 octobre 2011)

930JOURS N.10 - 2011

Mais pour revenir à don Giussani, l’autre chose qui m’a permisde mieux le comprendre a été d’avoir participé bien des fois à la messe que célèbre à Saint-Laurent-hors-les-Murs don Giacomo Tantardini, un prêtre qui a toujours manifestéson admiration et sa dévotion envers don Giussani, en le présentant toujours comme le point de référence vers lequel se tourner

La couverture de 30Jours, N. 1 – 2008; don Giacomo Tantardini et don Giussani place Saint-Pierre, dimanche des Rameaux,

Année Sainte 23 mars 1975

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MEXIQUEADORATRICES PERPÉTUELLES DU TRÈS SAINT SACREMENT

La Paz, Basse-Californie du Sud, Mexique

Nous sommes enthousiasmées de reprendre lechant grégorien, surtout dans les fêtes solennelles

La Paz, 4 août 2011

Monsieur le Directeur,Loué soit le Très Saint Sacrement!Recevez nos affectueuses salutations de ces terres loin-taines de la Basse-Californie du Sud, où nous recevons

10 30JOURS N.10 - 2011

Il y a longtemps que parviennent, à30Giorni, des lettres provenant non seu-

lement des monastères cloîtrés, des mis-sionnaires, des séminaires, mais aussid’évêques et de prêtres, de religieux et dereligieuses, de simples fidèles du mondeentier. C’est la raison pour laquelle nousavons jugé bon d’intituler cette rubrique“Lettres du monde entier”, avec pour em-blème l’image de Jésus en compagnie desapôtres Pierre, Jacques et Jean, représen-tée dans La Dernière Cène, une des nou-velles mosaïques de la façade de la basi-lique du Rosaire, à Lourdes. Cette façade aété réalisée par le père Marko Ivan Rupniksj, à l’occasion des cent-cinquante ans desapparitions de la Vierge à Bernadette. Lechoix de l’image de Jésus, accompagné deses disciples bien-aimés pendant la Der-nière Cène, veut indiquer que ces lettressont un petit signe de la grande mosaïquedes communautés eucharistiques dans les-quelles le sacrifice d’amour de Jésus serend présent, comme le disait le pape Be-noît XVI le mercredi 26 octobre.

Les lettres qui arrivent chaque mois ànotre rédaction sont très nombreuses.Nous regrettons de ne pas pouvoir les pu-blier toutes, et nous nous en excusons au-près des intéressés. Nous tenons cepen-dant à assurer nos correspondants quetoutes ces lettres sont lues et que nous ten-tons de répondre à chacune d’elles, en es-sayant, quand cela est possible, de satisfai-re les requêtes qu’elles pourraient contenir.

Le t t re s du monde en t i e r • Le t t re s du mond

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1130JOURS N.10 - 2011

régulièrement votre belle revue 30Giorni qui nouspermet de prendre connaissance des nouvelles lesplus variées de l’Église et du monde. C’est pour celaque nous tenons à vous remercier, ainsi que tous ceuxqui travaillent à la rédaction.

Nous voulons aussi vous remercier pour le livre «ElHijo no puede hacer nada por su cuenta», et pour leCD des chants grégoriens. Grâce à ce don, nousavons retrouvé notre enthousiasme pour reprendre lechant grégorien, surtout dans les fêtes solennelles.

Nous sommes une communauté de vingt-et-unesœurs; l’an dernier, la révérende mère María Angéli-ca, fondatrice de la communauté, et la sœur María deSan José sont retournées à la maison du Père, de sor-te que 46 ans après notre fondation, seule une desfondatrices est encore avec nous.

Nous vous envoyons nos salutations en vous assurantde nos prières et avec nos félicitations pour votre revue,

La mère supérieure, Luisa Beltrán C.

Les images qui illustrent les pages des Lettres du monde entier et celles de la Lecture spirituelle sont tirées des fresques de la basilique

Saint Antoine, à Padoue. Ci-dessus, La Crucifixion, Altichiero, chapelle de Saint Jacques

e en t i e r • Le t t re s du monde en t i e r • Le t t re s du monde en t i e r •

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MALAWISŒURS SACRAMENTINES DE NTCHEU

Ntcheu, Malawi

Nous demandons une contribution pour construire un centre d’accueil pour des jeunes, orphelines ou pauvres

Ntcheu, 22 août 2011

Monsieur le Directeur,Au cours d’un bref passage en Italie, j’ai eu la chance detrouver et de lire votre magnifique revue 30Giorni etd’en apprécier le contenu.

Nous aurions tant besoin, nous aussi qui résidonsdans une terre de mission où les nouvelles n’arrivent ja-mais dans la juste perspective, d’apprendre les clés delecture de ce qui se passe dans le monde et de savoir cequi se passe de beau, même dans le monde de l’Église!

C’est la raison pour laquelle je me permets dem’adresser à vous pour vous demander de bien vouloirenvoyer, à notre communauté aussi, un exemplaire devotre revue que je considère comme un importantmoyen d’information mais aussi de formation!

Je me permets aussi de vous adresser une autre re-quête: dans notre mission, nous sommes consacrées àl’éducation, convaincues que le meilleur moyen d’aiderun pays à grandir dans la direction d’un progrès gra-duel, mais respectueux de la dignité de l’homme, c’estd’offrir une instruction et une éducation. Nous vou-drions pouvoir accueillir auprès de notre école dugrand bourg de Nsumbi (dans le diocèse de Mangochi)une centaine de jeunes, orphelines ou très pauvres,pour leur permettre de fréquenter régulièrement l’éco-le et de consacrer du temps à l’étude, chose encore trèsrarement possible dans leurs villages.

Nous faisons tout pour construire un centre d’accueilet pouvoir les loger toute l’année, ce qui requiert un dor-toir et une cuisine avec réfectoire, pour qu’elles trouventun milieu essentiel pour leur permettre une vie sereineet digne.

Tout devient très difficile en Afrique, surtout en ce mo-ment où les injustices semblent se multiplier en s’abattantsur les plus faibles, au point que notre projet rencontrechaque jour de nouveaux obstacles! Seule la certitude quecette œuvre en faveur des femmes africaines est nécessai-re nous donne le courage de ne pas abandonner, même siles frais se multiplient au-delà du budget prévu.

Nous vous demandons, si possible, une contribu-tion pour pouvoir continuer, au moins pour l’essentiel,le travail qui nous reste à accomplir.

Pour toute information, vous pouvez nous contac-ter par courrier électronique à cette adresse: [email protected].

Nous vous remercions d’avance de ce que vousréussirez à réaliser pour nous et nous vous rappelonsdans notre adoration quotidienne, devant le Très SaintSacrement.

Avec toute notre estime et notre reconnaissance,

Sœur Ornella Sala et les sœurs sacramentines de Ntcheu

PORTUGALFRATERNITÉ DE SAINT FRANÇOIS D’ASSISE

Beja, Portugal

Nous sommes une fraternité franciscainequi vit au sud du Portugal

Beja, 7 septembre 2011Pax et bonum!

Grâce à un ami, j’ai pu lire et relire plusieurs fois la re-vue 30Dias qui m’a immensément plu, car elle offreune vision de l’Église et du monde très complète. Mesfélicitations pour votre revue. Que le Seigneur soit louépour votre œuvre d’évangélisation.

Nous sommes une communauté franciscaine qui vitau sud du Portugal, dans le diocèse de Beja, l’un desplus pauvres de ce pays.

Nous serions très heureux de recevoir votre revue,qui serait très utile pour notre mission et pour la forma-tion des jeunes frères de notre communauté, mais nosmoyens ne nous le permettent pas.

Notre communauté se consacre essentiellement àl’évangélisation dans la région d’Alentejo.

Nous aimerions beaucoup recevoir aussi un exem-plaire pour chaque frère du livret Quem reza se salva,

12 30JOURS N.10 - 2011

Le t t re s du monde en t i e r • Le t t re s du mond

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1330JOURS N.10 - 2011

mais il est un peu coûteux pour notre communauté quiest formée de huit jeunes consacrés, lesquels annon-cent l’Évangile de la paix et du bien, dans la pauvreté etdans l’allégresse.

Je vous envoie mes salutations, en vous assurant denotre prière pour toute l’équipe de la rédaction de votrerevue, qui est un instrument précieux pour l’Église.

Je vous embrasse fraternellement,

Le père Ricardo Borges

Beja, 19 septembre 2011

Pax et bonum!Nous désirons vous remercier pour l’envoi des li-

vrets Quem reza se salva.C’est un livre de prière très bien fait, et il sera très

utile pour notre apostolat d’évangélisation. Nous res-tons dans l’attente de quelques exemplaires de votre

Imago Pietatis, Altichiero, chapelle de Saint Jacques

e en t i e r • Le t t re s du monde en t i e r • Le t t re s du monde en t i e r •

¬suite à la p. 18

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14 30JOURS N.10 - 2011

Confiance!

C’est la main de Jésus

qui conduit tout…

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

Ne nous lassons pas

de prier. La confiance

fait des miracles.

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

Invitation à la prière

La rédaction de 30Jours invite tout le monde, et en particulier les personnes con-

sacrées des monastères de clôture, à prier pour don Giacomo Tantardini. Il se soi-

gne depuis quelques mois pour une tumeur au poumon. Que le Seigneur nous

donne de demander avec confiance le miracle de la guérison. Aux prêtres qui

estiment et aiment 30Jours nous demandons de célébrer la messe selon cette in-

tention. Aux parents nous demandons la charité de faire prier leurs enfants.

Lecture spirituelle • Lecture spirituelle • Lecture

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1530JOURS N.10 - 2011

Je tire toujours grand réconfort du passage del’Évangile que nous venons d’entendre (Lc 9,57-62). Au fond, et sous bien des aspects, il ne

dit qu’une seule chose, à savoir que l’initiative desuivre Jésus ne dépend pas de l’homme, mais deJésus lui-même. Personne ne peut prendre l’initiati-ve de Le suivre par soi-même. «Ce n’est pas vous

qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis»(Jn 15, 16). L’initiative appartient au Seigneur.C’est à Lui avant tout qu’elle appartient. L’hommepeut se laisser attirer, mais il ne peut pas prendrel’initiative par lui-même.

Cette conviction revenait comme un refraindans les rares et magnifiques sermons du pape

Padoue, basilique Saint-Antoine, mercredi 28 septembre 2011,

messe pour le trente-troisième anniversaire de la mort du pape Jean Paul Ier

Homélie de don Giacomo Tantardini

¬

e spirituelle • Lecture spirituelle • Lecture spirituelle • Lecture spirituelle

La Madone

des borgnes,

Stefano da Ferrara

«Chez les humbles, la grâce resplendit encore plus»

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16 30JOURS N.10 - 2011

Jean Paul Ier, le mercredi. Après avoir lu une poésiede Trilussa – en dialecte romain – dans un sermonsur la foi, il dit: «Cette poésie est belle en tant quetelle, mais elle ne vaut pas comme catéchisme». Eneffet, expliquait le Pape, la foi ne naît pas de l’hom-me. La foi est un don de Jésus. C’est si vrai que Jé-sus a dit: «Nul ne vient à moi, si mon Père ne l’atti-re» (Jn 6, 44. 65).

Nul ne peut aller à Jésus, si Jésus ne l’attire. Lafoi est grâce du Seigneur. Et dans son sermon surla charité, le Pape disait justement cela. «Je nepars pas, si Dieu ne prend pas d’abord l’initiative».Tous seuls, nous ne partons pas, tous seuls nousne prenons aucune initiative. L’initiative appar-tient au Seigneur. S’Il ne commence pas, nous nepartons pas. Si ce n’est pas Lui qui nous attire,nous ne Le suivons pas. Cela revient comme unrefrain, dans ces quatre merveilleuses homélies: lefait que la vie chrétienne est grâce, est initiative dela grâce, et que notre réponse est correspondanceà cette attraction.

Mais cette fois, en relisant ces sermon du mer-credi, ce qui me frappe le plus c’est que le Pape dit àplusieurs reprises: «Priez pour ce pauvre Pape». Ilutilise l’expression «pauvre Pape»: «Qui sait si l’Es-prit Saint aide ce pauvre Pape…». «Quand lepauvre Pape, quand les évêques, les prêtres propo-sent la doctrine…». Et encore: «Je vois ici, à côté demoi, des frères évêques, et puis il y a ce pauvre Pa-pe». Comme elle est belle, cette expression «pauvrePape»! Je commence à comprendre pourquoi lebon cardinal Gantin, commentant le conclave quiavait élu pape Albino Luciani, a dit tout simple-ment: «Nous étions tous très contents!». Cette élec-tion n’était pas une surprise, elle était prévisible,mais tout le monde était très content, parce qu’unepersonne pauvre, une personne humble avait étéélue évêque de l’Église de Rome. À une Églisepauvre, à une Église humble, à une Église petit trou-peau, avait été donné un Pape pauvre, un Papehumble et tout le monde était donc très content.Parce que, comme le dit saint Ambroise: «Chez les

humbles, la grâce resplendit encore plus/ In humi-libus magis elucet gratia». Chez les pauvres, chezles humbles, la grâce resplendit encore plus. Etnous sommes tous contents lorsque la grâce res-plendit. Lorsque resplendit ce que fait le Seigneur,nous sommes tous contents.

Ainsi, nous commémorons ce pauvre Pape,trente-trois ans après sa mort inattendue. Nous célé-brons le souvenir de ce pauvre Pape. De ce «pauvrePape», pauvre, et donc grand aux yeux du Seigneuret aux yeux de ses saints. Nous le célébrons ici, à Pa-doue, dans la basilique Saint-Antoine.

«Si quaeris miracula / Si tu veux obtenir des mi-racles», dit le chant, «prie saint Antoine». Et donc,avec Jean Paul Ier, avec nos amis en paradis, avectous les saints du paradis, prions en particulier saintAntoine pour des miracles, pour tous les miracles.Aujourd’hui, j’ai trouvé dans le bréviaire, dans lesvêpres, cette phrase de saint Pierre: «De toute votreinquiétude, déchargez-vous sur lui, car il a soin devous» (1P 5, 7). Il faut demander tous les miracles. Ilfaut demander toutes les grâces. Dans ces mois – etje le dis pour l’amitié qui nous lie – combien de foisai-je répété, dans les moments où la peur et l’an-goisse se présentaient, cette phrase: «Jésus jet’offre, Jésus guéris-moi, Jésus rends-moi humble».Il faut demander tous les miracles, par exemple lemiracle de la guérison. Tous les miracles.

Mais l’image de saint Antoine qui porte Jésusdans ses bras nous suggère que tous les miraclessont demandés dans l’étreinte de ces bras. «Hormistoi, je ne désire rien sur cette terre» (Ps 72, 25).Hormis cette étreinte de Jésus, hormis l’étreinte deJésus, hormis la douceur de l’étreinte de Jésus, nulne demande rien. Dans cette douceur – commelorsqu’Antoine tenait l’Enfant Jésus dans ses bras –on peut tout demander. Comme le petit enfant, quidemande tout à son papa et à sa maman. Dans cet-te douceur, dans cette étreinte: «Hormis toi, je nedésire rien sur cette terre».

Alors la première chose à demander, c’est cettefamiliarité plus que merveilleuse avec Jésus. C’est ladouceur de la communion avec Jésus. «Il est fidèle,le Dieu par qui vous avez été appelés à la commu-nion de son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur!» (1Co1, 9). Comme elle est douce, cette communion!

Saint Antoine porte l’Enfant Jésus dans ses bras,mais c’est Jésus qui porte Antoine. Combien defois ai-je répété cette prière de saint Ambroise,

Lecture spirituelle • Lecture spirituelle • Lecture

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1730JOURS N.10 - 2011

après la communion: «Veni, Domine Iesu, / Viens,Seigneur Jésus, / ad me veni, / viens vers moi,/ quaere me, / cherche-moi, / inveni me, / trouve-moi, / suscipe me, / prends-moi dans tes bras, por-ta me/ porte-moi». Lorsque l’on est porté par le Sei-gneur, alors on demande tout. Ainsi m’est revenue,dans ces derniers temps de ma vie, l’oraison jacula-toire tirée du Cantique des Cantiques (2, 16), queje récitais lorsque, bien jeune, je suis entré au sémi-naire: «Dilectus meus mihi et ego illi qui pasciturinter lilia / Mon bien-aimé est avec moi…». Monbien-aimé, parce que le bien-aimé de notre cœur estle Seigneur Jésus. Mon bien-aimé est avec moi; etnous aussi, pauvres pécheurs, nous pouvons dire,

par grâce renouvelée: «Et nous avec Lui qui paît sontroupeau parmi les lis». Avec Lui qui est le seul saint,le seul Seigneur. Tu solus sanctus, Tu solus Domi-nus. Le seul qui nous aime d’un amour si doux, sitendre, que l’amour d’un père et d’une mère est unepâle image de cet amour.

Demandons aux saints, demandons au papeJean Paul Ier, demandons à saint Antoine, deman-dons à don Giussani, demandons aux saints du pa-radis qu’ils nous fassent, à nous aussi, expérimentersur cette terre la douceur d’être aimés par Jésus etdemandons tous les miracles, enveloppés par cettedouceur. Tous les miracles, qui servent à garder et àvivre la foi. q

La Vierge en gloire, Giusto de’ Menabuoi

e spirituelle • Lecture spirituelle • Lecture spirituelle • Lecture spirituelle

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revue, que vous avez eu la géné-rosité de nous offrir en abonne-ment. Seul Dieu pourra vous ré-compenser pour cette si grandegénérosité.

Nous vous envoyons nos salu-tations en vous assurant de notreprière,

Le père Ricardo Borges

CHILIMISSIONNAIRES SALÉSIENS

Catemu, Chili

Un merci de la Terre de Feu

Catemu, 8 septembre

Aux rédacteurs de la revue30Giorni.

Celui qui vous écrit est un lec-teur de votre revue. Je la reçois régulièrement; je trou-ve qu’elle est bien faite, utile et qu’elle nous garde unisà l’Église.

Que le Seigneur vous bénisse pour ce travail quevous faites tout à l’avantage des lecteurs, en particu-lier de ceux qui sont loin. Je suis salésien et je me trou-ve au Chili, en Terre de Feu.

Mes compliments pour le CD avec les chants tradi-tionnels pour la messe en latin, et le petit livret avec lestextes: formidable! Cela me rappelle, non sans nostal-gie, mes années de jeunesse, quand le latin était trèsutilisé dans la liturgie.

Et maintenant, pour exploiter au maximum lecontenu de la revue, je vous demande de m’aider enme l’envoyant en langue espagnole, car je voudraisla faire circuler et que je suis le seul à pouvoir la lireen italien.

La revue qui arrive ici est adressée à GiuseppeDe Marchi, mais il s’est définitivement transféré enItalie.

Tous mes vœux pour la poursuite de ce travail, etmon souvenir dans la prière, avec mes salutations,

Ardiccio Fusi

18 30JOURS N.10 - 2011

L’Ange annonciateur,

chapelle de Saint Jacques

Le t t re s du monde en t i e r • Le t t re s du mond

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1930JOURS N.10 - 2011

COLOMBIECLARISSES DU MONASTÈRE DE BELLO

Bello, Colombie

Merci pour Quien reza se salva

Bello, 24 septembre 2011

Monsieur le Directeur,Recevez nos salutations fraternellesde paix et de bien, avec d’abon-dantes bénédictions du Seigneurpour le merveilleux travail d’évangé-lisation que vous faites à travers la re-vue 30Días.

Nous avons reçu ces jours derniersdix exemplaires du petit livret Quienreza se salva. Vous n’imaginez pasnotre joie de voir les principalesprières du chrétien rassemblées dansces pages, et de pouvoir les partageravec les nouvelles religieuses et les fi-dèles qui nous accompagnent dansles célébrations liturgiques de notremonastère.

Nous vous suivons de près, en vousrappelant dans nos prières et en par-tageant avec vous et avec vos collabo-rateurs les trésors spirituels que nousavons reçus du Seigneur.

Nous espérons recevoir bientôt la revue 30Días,parce qu’elle est pour nous un précieux instrumentspirituel qui nous aide à grandir dans la foi et dans laréponse vocationnelle que nous donnons à Dieu, àpartir de cette vie contemplative qui nous unit.

Que Dieu vous bénisse et que la Très Sainte Viergevous encourage et vous réconforte toujours avec laforce de l’Esprit Saint.

En vous redisant notre affection et notre gratitude,

La mère abbesse, sœur Margarita María del Sagrado Corazón, osc, et la communauté

CORÉE DU SUDCAPUCINS DE LA CUSTODIE DE LA CORÉE DU SUD

Séoul, Corée du Sud

Des frères capucins de la Corée

Séoul, 27 septembre 2011

Pax et Bonum.Tout d’abord, merci pour les deux exemplaires gra-tuits du mensuel 30Days. Nos frères sont très heureuxd’avoir la possibilité de le lire. ¬

e en t i e r • Le t t re s du monde en t i e r • Le t t re s du monde en t i e r •

La Vierge de l’Annonce,

chapelle de Saint Jacques

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Je suis Anthony Choi, frère capucin de la Custodiede Corée et séminariste. Je suis les cours de prépara-tion au sacerdoce. Ici, dans notre couvent qui ac-cueille ceux qui fréquentent le séminaire, il y a en touttrois frères séminaristes coréens et un prêtre irlandais.

Notre custodie, qui comprend seize frères etdeux postulants, a été fondée par la province irlan-daise en 1986 et nous fêtons cette année notre jubi-lé d’argent.

S’il vous était possible de nous faire parvenir gra-tuitement 30Days, nos frères en seraient trèscontents.

Si cela ne vous est pas possible, ne vous inquiétezpas, cela ira bien quand même. Nous comprenonsvotre situation.

Je me souviendrai de vos familles et de vos amisdans mes prières.

Nous vous prions de vous souvenir des frères capu-cins en Corée.

Que Dieu vous bénisse,

Anthony Choi

ITALIE

Nous habitons juste à vingt mètres de la petite église où repose la dépouilledu bienheureux don Serafino Morazzone

Chiuso di Lecco, 7 octobre 2011

Je suis abonnée depuis des années à votre splendideet importante revue, à laquelle je “m’abreuve” de cul-ture ecclésiale, politique, et de tant de connais-sances!

Aujourd’hui, à l’arrivée du numéro 7/8, j’ai lu pa-ge 70 l’article signé par Giovanni Ricciardi sous letitre «La grandezza della piccolezza», qui évoque la fi-gure du bienheureux don Serafino Morazzone, citépar Manzoni dans I promessi sposi (Fermo et Lucia).

Quelle surprise! Nous habitons juste à vingt mètresde la petite église du quartier de Chiuso di Lecco, dé-diée à saint Jean-Baptiste, et dans laquelle se trouve ladépouille du bienheureux!

En outre, justement pour donner la possibilité auxpèlerins de trouver un endroit où se restaurer et pas-ser la nuit, nous avons ouvert un Bed & Breakfastdont je me permets de vous envoyer l’adresse inter-net: www.bebtralagoemonti.it.

En vous renouvelant mes vœux pour que 30Giornipuisse obtenir les plus grands succès, je vous présentemes meilleures salutations.

Maria Assunta AnghileriAurelio Brusadelli

FRANCE DOMINICAINES DU MONASTÈRE NOTRE-DAME DE CHALAIS

Chalais, France

Je vous assure de ma prière et de celle de ma communauté

Chalais, 8 octobre 2011

Monsieur,Soyez remercié pour 30Jours! C’est magnifique, et c’est une vraie joie de recevoirces nouvelles du Sant Père et de ce qui se passe enItalie.

Je suis une moniale dominicaine, et ma famille estoriginaire de Rome et des Abruzzes; mais je ne parlepas italien, bien que mon nom soit Domenica Benzi,Dominique en français. Merci pour ce que vous faites,merci de nous envoyer cette revue. Je vous assure dema prière et de celle de ma communauté, dont je suisle porte-parole.

Je prie pour vous et pour tous ceux qui font cetterevue que nous aimons lire.

Recevez mes remerciements,

Sœur Dominique, op

20 30JOURS N.10 - 2011

Couronnement de Marie,

Giusto de’ Menabuoi

Le t t re s du monde en t i e r • Le t t re s du mond

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2130JOURS N.10 - 2011

e en t i e r • Le t t re s du monde en t i e r • Le t t re s du monde en t i e r •

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22 30JOURS N.10 - 2011

L’Afrique est vraiment trèshonorée par cette deuxiè-me visite pastorale du Saint-

Père, le Pape Benoît XVI, qui vabientôt se rendre au Bénin. Cettevisite pastorale voudrait, sans au-cun doute, encourager le continentafricain à prendre en mains, de fa-çon responsable, sa propre desti-née, le réconforter au milieu de sesnombreuses épreuves, consoliderla foi des chrétiens et réveiller l’É-

glise à sa tâche missionnaire.L’Afrique est totalement ouverteau Christ. Elle a fait un grand bondvers le Christ Jésus. En 1900, iln’y avait que deux millions de ca-tholiques dans toute l’Afrique. Au-jourd’hui elle en compte 147 mil-lions, avec une quantité impres-sionnante de vocations à la vie sa-cerdotale et religieuse et de nom-breuses conversions au christianis-me. Mais de vastes régions ne

connaissent pas encore «l’Évangi-le de Dieu» (Mc 1,14).

Le premier Synode sur «l’Égliseen Afrique et sa mission évangélisa-trice» et le deuxième Synode de ceContinent sur «l’Église en Afriqueau service de la réconciliation, de lajustice et de la paix», ont abordéavec beaucoup de sérieux et d’en-gagement les questions de fond quipréoccupent et tourmentent toutel’Église et les populations afri- ¬

par le cardinal Robert Sarahprésident du Conseil pontifical «Cor Unum»

Le continent africain«poumon» spirituel de l’humanité

Deuxième visite pastorale de Benoît XVI en Afrique

Benoît XVI pendant le voyage au Cameroun et en Angola, en mars 2009; le Pape retourne dans le continent africainà l’occasion du voyage apostoliqueau Bénin, du 18 au 20 novembre 2011

COUVERTURE

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R obert Sarah est né à Ourous, dans lʼarchidiocèse de Conakry, en Guinée, le 15 juin1945. Ordonné prêtre le 20 juillet 1969, il a ensuite été envoyé à Rome où il a passé sa

licence en Théologie à lʼUniversité pontificale Grégorienne. À Rome, il a enrichi sa forma-tion culturelle à lʼInstitut biblique pontifical, et lʼa approfondie ensuite grâce à une périodedʼétudes au Studium Biblicum Franciscanum de Jérusalem. Revenu dans sa patrie, il adʼabord été curé, puis recteur du petit séminaire de Kindia. Nommé archevêque de Co-nakry le 13 août 1979, il a été consacré le 8 décembre suivant. Il a ensuite été administra-teur apostolique de Kankan, président de la Conférence épiscopale de la Guinée et prési-dent de la Conférence épiscopale régionale pour lʼAfrique occidentale francophpne (Ce-rao). En octobre 2001, il a été nommé secrétaire de la Congrégation pour lʼÉvangélisationdes peuples, une charge quʼil a exercée pendant neuf ans, jusquʼau 7 octobre 2010, lor-sque Benoît XVI lʼa désigné président du Conseil pontifical «Cor Unum». Il a été créé cardi-nal par Benoît XVI au cours du Consistoire du 20 novembre 2010.

D. M.

Biographie du cardinal Robert Sarah

2330JOURS N.10 - 2011

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caines: l’évangélisation, l’incultura-tion, l’Église-Famille de Dieu, le dia-logue, comme «le mode d’être duchrétien à l’intérieur de sa commu-nauté, comme avec les autrescroyants», la Justice et la Paix, la ré-conciliation, l’influence massive etpuissante des mass-media dansl’évolution culturelle, anthropolo-gique, éthique et religieuse de nossociétés. Ces questions impor-tantes ont été étudiées et discutéesdans un climat de foi et de prière,examinées dans une humble obéis-sance à la Parole de Dieu, et sousles lumières toujours allumées del’Esprit, qui nous accompagne toutau long de l’histoire.

J’ai confiance qu’avec la patien-ce, la détermination, la force de lafoi, et Dieu aidant, le Continentafricain connaîtra la paix, la récon-ciliation, une plus grande justicesociale, et pourra contribuer à re-trouver les valeurs humaines, reli-gieuses et éthiques, la sacralité et lerespect de la vie, depuis sa concep-tion jusqu’à la mort naturelle, lagrandeur du mariage entre unhomme et une femme, le sens et lanoblesse de la famille, que les so-ciétés modernes, surtout occiden-

tales, moralement affaiblies par«l’apostasie silencieuse» «décons-truisent» et rendent flous et incon-sistants. Il contribuera à retrouverDieu, le sens du sacré et la réalitédu péché, sous ses formes indivi-duelles et sociales.

En plus de ses fabuleuses res-sources naturelles, le continent afri-cain possède une extraordinaire ri-chesse humaine. Sa population estjeune et en constante croissance.L’Afrique est une terre féconde devie humaine. Malheureusement,malgré les richesses naturelles ethumaines, elle est tragiquementtouchée par la pauvreté, l’instabili-té et le désordre politiques et éco-nomiques. Elle connaît encore leseffets de la domination, du mépris,du colonialisme, phénomène qui,bien qu’apparemment fini sur leplan politique, n’est pourtant pasterminé: il est plus subtil et plus do-minateur que jamais. À cause desfaiblesses technologiques, écono-miques et financières de l’Afrique,les puissants et les experts astu-cieux du monde économique ontorganisé le pillage et l’exploitationanarchiques de ses richesses natu-relles, sans aucun profit pour ses

populations. L’Afrique est pauvreet sans argent, mais elle achète desarmes avec ses ressources natu-relles pour engager des guerres fo-mentées avec la complicité de cer-tains leaders africains corrompus,véreux et qui se moquent des souf-frances atroces de leurs popula-tions continuellement déplacées eten fuite devant les violences, lescombats sanglants et l’insécurité.

Il faut cependant remercierDieu. Aujourd’hui, l’Afrique, dansson ensemble, semble vivre unecertaine accalmie par rapport auxvives tensions qui ont marqué leContinent les deux dernières dé-cennies. Même si la paix et la sécu-rité des populations restent encoremenacées et fragiles à certains en-droits, une réelle évolution vers lapacification est perceptible. Laguerre terminée – ou presque – ilfaut maintenant amorcer le che-min vers la réconciliation. Le se-cond Synode sur l’Afrique est arri-vé au bon moment pour rappeleraux chrétiens qu’ils doivent êtredes artisans de paix et de réconci-liation. Pour l’aider à affronter cetimmense défi et cette bataille ar-due contre la pauvreté et pour ledéveloppement économique etune existence humainement plusdigne et plus heureuse où l’Églisedoit collaborer avec d’autres struc-tures, le Saint-Père, le Pape BenoîtXVI, retourne en Afrique dans lebut de redire aux Africains toute saconfiance en leur capacité de sor-t ir, par eux-mêmes, de cettelongue et pénible crise socio-éco-nomique et politique, par le travail,l’unité et la communion des es-prits, et rappeler aux chrétiensd’Afrique que Dieu nous a réconci-liés avec Lui par le Christ et nous aconfié le ministère de la réconcilia-tion (2Co 5,18). Le Saint-Père vastimuler les énergies du Continentafricain, et, comme un père, pous-ser les Africains à sortir de leur ré-serve et à entrer dans les grandscircuits mondiaux pour s’affirmeret manifester publiquement les va-leurs culturelles et les qualités hu-maines et spirituelles inestimablesqu’ils peuvent offrir à l’Église et àtoute l’humanité.

Certes, aujourd’hui, l’Afrique,dans sa grande majorité est en de-hors des grands circuits mondiaux.

24 30JOURS N.10 - 2011

La cérémonie d’ouverture de l’Assemblée spéciale pour l’Afriquedu synode des évêques, Basilique Saint-Pierre, 4 octobre 2009

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Elle est facilement laissée de côté,marginalisée. L’Afrique est unmaillon négligeable de la chaînemondiale, devant un monde totale-ment contrôlé par les nationsriches et puissantes, économique-ment, technologiquement, militai-rement. Toutes les armées despays occidentaux sont presque entotalité déployées dans les payspauvres d’Asie, d’Afrique, bom-bardant et détruisant bâtiments,des milliers et des milliers de vieshumaines innocentes, pour soi-di-sant maintenir la paix et promou-voir la démocratie. L’Iraq et sa po-pulation sont détruits et SaddamHussein a été supprimé. Ben La-den a été tué et jeté à la mer.Muammar Al Kadhafi vient d’êtresupprimé avec quelques membresde sa famille et on fait disparaîtreson souvenir dans le sable du dé-sert. La Côte d’Ivoire était un payséconomiquement bien parti. Elleest aujourd’hui cassée en deux etdétruite... Je ne bénis pas ceshommes et leurs œuvres, certesmille fois exécrables et condam-nables. Mais que des puissances ci-vilisées se coalisent et traitent ainsides êtres humains créés à l’imagede Dieu est barbare et impardon-nable. Et si ces personnalités ont

été des brigands et des dictateurspour leurs peuples, pourquoicraindre que leurs tombes devien-nent des l ieux de pèlerinage.D’autres chefs d’état attendentpeut-être le même sort!

Je ne sais ce que Dieu, dans sonsilence, pense de tant de cruauté.

Son cœur est probablement bientriste. Pardonnez cette parenthèse.Il ne faut plus que l’argent et le pou-voir s’installent comme les dieux dumonde, et leur offrir, en sacrifices,les vies humaines. Il faudrait que lavérité triomphe. Dieu seul est lasouveraine et première vérité.

2530JOURS N.10 - 2011

¬

Ci-dessus, des enfantscongolais et rwandaisreçoivent des aidesalimentaires distribuéespar les soldats des Nations Unies, non loin du village de Kimua, dans le Congooriental; à gauche, des miliciens àPekanhouebli,à la frontière entre le Liberia et la Côte d’Ivoire, avril 2011

BÉNIN. Deuxième visite pastorale de Benoît XVI en Afrique

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Sans la vérité, l’homme ne peut sai-sir le sens de la vie; il laisse alors lechamp libre aux plus forts (BenoîtXVI, «Jésus de Nazareth, de l’en-trée à Jérusalem à la Résurrec-tion»). La loi du plus fort, la violenceet les guerres de ce monde sont unegrande question et la grande blessu-re que porte notre humanité au-jourd’hui !

Le continent africain est oubliépar les hommes, mais non parDieu qui privilégie de manière évi-dente les petits, les pauvres et lesfaibles. Déjà le Pape Jean-Paul IIdisait, en 1995, que «l’Afrique ac-tuelle peut être comparée à l’hom-me qui descendait de Jérusalem àJéricho; il tomba entre les mainsde brigands qui le dépouillèrent, lerouèrent de coups et s’en allèrentle laissant à demi-mort (Lc 10, 30-37). L’Afrique est un continent oùd’innombrables êtres humains –hommes et femmes, enfants etjeunes – sont étendus, en quelquesorte, sur le bord de la route, ma-lades, blessés, impotents, margi-nalisés et abandonnés. Ils ont unextrême besoin de bons Samari-tains qui leur viennent en aide» (Ec-clesia in Africa, n. 41). C’estpourquoi, forts de leur foi en JésusChrist, les évêques d’Afrique ontconfié leur continent au Christ Sei-gneur, le véritable Bon Samaritain,convaincus que Lui seul, par sonÉvangile et par son Église, peutsauver l’Afrique de ses difficultésactuelles et la guérir de ses nom-breux maux.

Jésus Christ, son Évangile et sonÉglise, sont l’espérance del’Afrique, et l’Afrique est l’avenir dumonde. Les derniers Papes pen-sent ainsi selon l’interprétation queje fais de leurs paroles. Et je croisque leur vision mérite crédit, car ilsse sont ainsi exprimés dans le cadrede leur fonction prophétique.

Dans l’Ancien Testament, lesProphètes avaient pour mission delire, d’interpréter et de commenterl’histoire et les événements socio-politiques et religieux, non seule-ment du Peuple d’Israël, mais aussides peuples voisins d’Israël. Il estcertain, qu’aujourd’hui, les papes,successeurs de Pierre, suivent ceministère prophétique spécifiquepour lire, analyser et interpréterl’histoire de l’Église et les situations

humaines, religieuses et socio-poli-tiques du monde.

Et que disent les derniers Papesde l’Afrique? Ils expriment avecclarté ce qu’est l’Afrique aux yeuxde Dieu et sa mission présente etfuture dans le monde.

Ainsi Paul VI déclarait à Kampa-la, en juillet 1969: «Nova PatriaChristi, Africa. La nouvelle Patriedu Christ, c’est l’Afrique». Dieu atoujours eu une attention particuliè-re pour l’Afrique, la faisant collabo-rer au salut du monde. «C’est en ef-fet le continent africain qui a ac-cueilli le Sauveur du monde quandJésus, enfant, dut se réfugier enÉgypte avec Marie et Joseph pouravoir la vie sauve des persécutionsd’Hérode», a dit Sa Sainteté BenoîtXVI. Et puis c’est un Africain, uncertain Simon originaire de Cyrè-ne, le père d’Alexandre et de Ru-fus, qui a aidé Jésus à porter la croix(cf. Mc 15,21).

En 1995, le bienheureux PapeJean-Paul II écrivait dans Ecclesiain Africa: “… voici, je t’ai gravé sur

les paumes de mes mains (Is 49,15-16). Oui, sur les paumes desmains du Christ, percées par lesclous de la Crucifixion. Le nom dechacun d’entre vous, Africains, estgravé sur ces mains» (Ecclesia inAfrica n.143).

Et Benoît XVI, dans son homélied’ouverture de la Deuxième Assem-blée spéciale pour l’Afrique du Sy-node des évêques, le 4 octobre2009, a dit: «L’Afrique est déposi-taire d’un trésor inestimable pour lemonde entier: son profond sens de-Dieu... L’Afrique représente un im-mense “poumon” spirituel pourune humanité qui semble traverserune crise de foi et d’espérance. Maisce “poumon” lui-même peut tom-ber malade, et il est actuellement enproie à deux dangereuses patholo-giesau moins: tout d’abord, une ma-ladie déjà répandue dans le mondeoccidental, à savoir le matérialismepratique, auquel s’ajoute la penséerelativiste et nihiliste».

D’où l’importance et l’urgenced’une plus profonde évangélisa-

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tion des mentalités, des coutumeset des cultures africaines, un travailintense d’approfondissement etd’appropriation de la foi et desmystères chrétiens. La formationdu cœur, permettant de nouer desliens d’intime amitié avec Jésus etfavorisant une intense vie de priè-re, et des rencontres fréquentes etpersonnelles avec Dieu, devrait

être promue et renforcée. Pour yarriver, nous avons l’aide, le sou-tien et les encouragements desmodèles africains de sainteté quenous sommes appelés à imiter: StCharles Lwanga et Compagnonsmartyrs, bienheureux Cyprian Mi-chael Tansi, Sainte Joséphine Ba-khita, Sainte Clémentine Anuari-te, martyre, etc., etc. Mais nousavons aussi un grand modèle chré-tien et un grand Africain qui vient àpeine de rejoindre la maison duPère: le vénéré Cardinal Bernar-din Gantin.

C’était un homme de Dieu, ungrand priant, attentif à Dieu et auxhommes, et d’une délicate humili-té. Voilà ce qu’il nous recomman-de: «Ordonnez vos journées en al-liant repos et travail; écoutez le Sei-gneur et aussi les hommes, enfinpriez. Priez surtout par le signe vi-vant de l’Eucharistie, qui est le mo-ment divin du plus grand amour de

Dieu pour l’humanité» (Homéliepour une ordination sacerdotale,19 novembre 2005). La prièreétait le centre de sa vie. Il disait unjour à un jeune prêtre: «Mon fils,nous devons beaucoup prier. Nousdevons prier en demandant par-don pour tout ce que nous aurionspu faire, mais que nous n’avonspas pu réaliser… Prière, prière; ouiprière avant tout et uniquement…Au fur et à mesure que croissent lescharges et les responsabilités, laprière aurait dû être plus intense,plus longue, plus pressante». Elledoit davantage nous unir à Dieu quiopère à travers nos pauvres per-sonnes. Et vers la fin de sa vie, il entémoigna en disant: «J’avais pro-mis au pape Jean-Paul II de consa-crer mon temps de retraite au re-cueillement, à l’écoute et à la priè-

re» (Noces d’or épisco-pales, Ouidah, 3 fé-vrier 2007).

Le Cardinal Ber-nardin Gantin était unfidèle et affectueux ser-viteur de Dieu, de l’É-glise et du Pape. Unhomme d’une grandefoi, totalement impré-gné de l ’Amour duChrist. Soumission, fi-délité et amour pourl’Église et pour le Pa-pe, voilà comment ilvivait son don et sonservice humble à Dieuqui lui avait fait don dela grâce du sacerdoce.Une fois créé cardinal,il a défini ainsi cet hon-neur et ce privilège:«Qu’est-ce qu’un cardi-nal de l’Église, sinonun serviteur, ministredu Pape, disponible etsemblable au gondd’une porte, selon ladéfinition de son origi-ne latine cardo, tou-

jours heureux et reconnaissantd’avoir été choisi uniquementpour servir» (Bernardin Gantin, 30ans de cardinalat, homélie, Coto-nou, 27 juin 2007). Et il ajoute:«Tout mon amour chrétien se résu-me en ces simples mots: Dieu, Jé-sus Christ, le Pape, la Vierge. Réa-lités suprêmes que Rome m’a faitdécouvrir, aimer et servir. Pour

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BÉNIN. Deuxième visite pastorale de Benoît XVI en Afrique

À gauche, la ville de Falloujah en Irak,frappée par les terribles bombardementsde novembre 2004; ci-dessous, la cathédrale syro-catholiquede Bagdad, théâtre d’un sanglantattentat en octobre 2010

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cela encore, comment ne jamaispouvoir remercier, à suffisance, leSeigneur ».

Le Cardinal Bernardin Gantinétait également un grand Africain.Malgré ses 30 ans au service de l’É-glise universelle, à Rome, il est res-té imperturbablement un authen-tique Africain, simple, humble, af-fable, respectueux de tous, sansfaste, cherchant surtout à appro-fondir, chaque jour, son amour etson amitié avec Jésus et à rendreson service pour l’Église et pour lePape toujours plus vrai, plus total etplus humble.

Il a été un pont solide et sûrentre l’Afrique et le Saint-Siège. Ila été un digne fils de l’Église. Il aété un digne et noble représentantde l’Afrique auprès des autrescontinents et peuples du monde.Voici ce que Benoît XVI a dit delui: «Sa personnalité humaine etsacerdotale constituait une mer-veilleuse synthèse des caractéris-tiques de l’âme africaine aveccelles propres à l’esprit chrétien,de la culture et de l’identité africai-ne et des valeurs évangéliques. Il aété le premier ecclésiastique afri-cain à avoir assumé de très hautes

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À gauche, Paul VI devant le monumentaux martyrs ougandais, Namugongo, 2 août 1969. Jean-Baptiste Montini a été le premier pape à visiter l’Afrique; ci-dessous, le cardinal Bernardin Gantinen visite au séminaire d’Ouidah, au Bénin, son pays natal, dans lequel il est revenu vivre en 2002 après avoirdémissioné de sa charge de doyen du Sacré Collège

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charges et responsabilités dans laCurie romaine, et il s’en est acquit-té avec son style particulier, faitd’humilité et de simplicité».

J’ai eu le privilège de connaîtrele Cardinal Gantin depuis 1971. Ilétait alors Secrétaire de la Congré-gation pour l’Évangélisation desPeuples (Propaganda Fide). Etmoi, étudiant à Rome. Monévêque, S.E. Mgr Raymond-MarieTchidimbo, archevêque de Cona-kry – Guinée, était en prison. L’É-glise de Guinée était dans la tour-mente de la persécution sous le ré-gime révolutionnaire de SékouTouré. Je n’avais donc plusd’évêque et je n’avais plus aucuncontact avec mon pays et ma fa-mil le. Ainsi Mgr Gantin, àl’époque, s’était constitué et secomportait comme s’il était monévêque, mon père, monconseiller. Son humilité, sa simpli-cité et sa délicatesse m’ont tou-jours profondément marqué. Ilavait une immense affection pourmoi et c’était réciproque. Il meconsidérait comme son fils, son

prolongement, son rejeton. Unjour, au cours d’une réception àl’ambassade du Sénégal auprès duSaint-Siège, réception organiséeen son honneur et à l’occasion deson retour définitif au Bénin, il adit ceci, en parlant de moi: «Moi,aujourd’hui, je suis comme le ba-nanier. Le bananier, après avoirdonné son régime, on le coupe et

il meurt. Mais avant de mourir, ildonne naissance à plusieurs reje-tons qui lui succèdent. Le voici,mon rejeton». Je reconnais qu’àcôté des immenses qualités du car-dinal, je ne suis qu’un rejeton ra-bougri, pauvre et sans grande va-leur. Mais je suis fier de l’avoir eupour père et qu’il m’ait considérécomme son fils spirituel.

En a l lant au Bénin, c’estl’Afrique tout entière que BenoîtXVI revisite, pour raffermir sa foi,révei l ler son espérance et saconfiance en son avenir, un avenirlumineux parce qu’il est entre lesmains de Dieu. Le Saint-Père varedonner à l’Église, qui est enAfrique, un nouvel élan mission-naire et un dynamisme nouveauau service de l’Évangile, de la ré-conciliation, de la justice et de lapaix. Mais s’il va au Bénin, c’estaussi le cardinal Gantin, cet hom-me «plein d’esprit et de sagesse»,ce grand serviteur de Dieu, de l’É-glise et du Pape, que Benoît XVIvoudrait vénérer en allant se re-

cueillir quelques instants devantsa tombe. Il mérite l’amitié et l’at-tention du Pape.

Que cette deuxième visite pas-torale du Saint-Père renforce etrende plus filiaux et plus affectueuxl’attachement et la fidélité de toutel’Église d’Afrique au Successeur dePierre, comme l’a été le vénérécardinal Bernardin Gantin. q

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BÉNIN. Deuxième visite pastorale de Benoît XVI en Afrique

Mgr Gantin avec Jean Paul Ier, le 28 septembre 1978

Jean Paul II à Dakar à l’occasion de son voyage apostolique au Sénégal, en Gambie, et en Guinée, février 1992

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Une «Année de la foi»,un «temps de réflexion par-ticulière», convoqué à l’ins-

tar de ce que fit Paul VI en 1967pour favoriser «une conversion àDieu toujours plus pleine, pour ren-forcer notre foi en Lui et pour L’an-noncer avec joie à l’homme denotre temps». La proposition queBenoît XVI a lancée à l’Église tout

entière au cours de l’homélie du di-manche 16 octobre, et qu’il a illus-trée dans sa Lettre apostolique Por-ta fidei, en est encore au stade del’annonce; elle se concrétisera seu-lement dans onze mois, à partir decet octobre 2012 où seront célé-brés à la fois le cinquantenaire del’ouverture du Concile œcumé-nique Vatican II et le vingtième an-

Pour descendre dans la crypte et vénérer la tombe de François, Benoît XVI traverse la basiliqueinférieure de Saint François avec quelques chefs etreprésentants des Églises, des communautés ecclésiales et des religions du monde, à l’occasion de la Rencontred’Assise, 27 octobre 2011

La foi a les caractéristiques d’un don qui survient, qu’on ne peutpas déduire, qui ne peut pas être “produit”. Il ne s’agit pas d’uneconquête de notre part. Interview du cardinal Walter Kasper

par Gianni Valente

ANNÉE DE LA FOI 2012 – 2013

Un don, pas une propriété

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niversaire de la publication du Caté-chisme de l’Église catholique.

Et pourtant, cette initiative du Pa-pe peut d’ores et déjà être considé-rée comme l’une des plus significa-tives de son pontificat, a souligné lepère Federico Lombardi, directeurde Radio Vatican et de la Salle depresse du Vatican.

Dans ses premières allusions àcet événement, et dans sa Lettreapostolique elle-même, le Papenous invite discrètement, à plusieurs

reprises, à mettre de côté les “ecclé-siocentrismes” autoréférentiels, et àtout demander à Jésus-Christ, «Ce-lui qui est à l’origine de la foi et qui lamène à son terme».

«Que devait nous dire de plus im-portant le pasteur du peuple de Dieuen marche?», a commenté le pèreLombardi. 30Jours à adressé cettemême question au cardinal WalterKasper, président émérite duConseil pontifical pour la Promo-tion de l’unité des chrétiens.

Benoît XVI a convoqué uneAnnée de la foi. Paul VI en avaitfait autant en 1967. À cetteépoque, Joseph Ratzinger etvous étiez deux jeunes théolo-giens dans la fleur de l’âge.Quel souvenir avez-vous de cechoix de Paul VI?

WALTER KASPER: C’étaientles années qui ont immédiatementsuivi le Concile. Une fois passé legrand enthousiasme, on avait l’im-pression, dans l’Église, de vivre ¬

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C’est Dieu qui tient ouverte la porte de la foi, pour nous etpour tous les hommes. C’est pour cela que le commencementde la foi est toujours possible. À la Rencontre d’Assise, le Pape a dit que les agnostiques aident les croyants à ne pasconsidérer Dieu comme leur propriété…Même dans un contexte de sécularisation, Dieu a ses propresvoies pour toucher le cœur de tout homme. De ceux quicherchent et même de ceux qui ne cherchent pas. Et les voies du Seigneur sont impénétrables

Sur ces pages,quelques fresques de Pietro Lorenzettidans la Basiliqueinférieure de SaintFrançois à Assise. À droite, La dernière Cène

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une sorte d’effondrement. La foisemblait sur le point de disparaître,justement au moment où les milieuxecclésiastiques étaient en train de ré-fléchir aux réformes à introduiredans l’Église pour reproposer l’an-nonce chrétienne dans la réalité denotre temps. C’est alors que Ratzin-ger a écrit son Introduction auchristianisme, tandis que moi,j’écrivais Introduction à la foi.Dans ce contexte, Paul VI a eu l’in-tuition de convoquer une Année dela foi, qui s’est conclue par la procla-mation du Credo du peuple deDieu. Il voulait que tout le mondecomprenne que c’est la foi qui est lecentre, le cœur de tout. Les ré-formes sont utiles et nécessaires,elles aussi, quand elles favorisent lavie de foi et le salut de tous les fi-dèles. Je suis en train de relire Ber-nard de Clairvaux: la grande réfor-me qu’il a instituée était, elle aussi,un nouveau départ dans la foi. Com-me l’écrivait Yves Congar, «dans l’É-glise, les réformes réussies sontcelles qui sont faites en fonction desbesoins concrets des âmes».

Pourquoi convoquer uneAnnée de la foi, justement en cemoment?

Parce qu’il y a crise. On le voitsurtout en Europe. En Allemagne,elle est évidente. Mais si je parleavec des évêques italiens, ils me ra-content les mêmes choses. Beau-coup de gens, surtout les jeunes,n’ont aucun contact réel avec la viede l’Église et les sacrements. Si l’onveut parler de nouvelle évangélisa-tion, on ne peut que prendre acte decette réalité. Autrement, on finit parfaire quelque chose d’académique.

Et pourtant, Benoît XVIcommence sa Lettre de convo-cation de cette Année spécialeen disant que «la porte de la foiest toujours ouverte pournous». Que veut-il dire?

C’est Dieu qui tient ouverte laporte de la foi, pour nous et pourtous les hommes. Ce n’est pas nousqui pouvons ou qui devons nousagiter pour l’ouvrir, et c’est pour ce-la que le commencement de la foiest toujours possible. Il ne s’agit pasd’une conquête de notre part. Lafoi a les caractéristiques d’un don

qui survient, qu’on ne peut pas dé-duire, qui ne peut pas être “pro-duit”. D’où l’importance de l’invita-tion que le Pape a adressée auxagnostiques au cours de la dernièreJournée d’Assise. Même dans uncontexte de sécularisation, Dieu ases propres voies pour toucher lecœur de tout homme. De ceux qui

cherchent et même de ceux qui necherchent pas. Et les voies du Sei-gneur sont impénétrables.

À Assise, Benoît XVI a juste-ment parlé des agnostiquesdans des termes qui n’avaientrien d’hostile.

Le Pape a dit que les agnostiquesaident les croyants «à ne pas consi-

30JOURS N.10 - 2011

ANNÉE DE LA FOI 2012 – 2013

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Le don de la foi n’est pas un sorte de poussée,d’élan que quelqu’un nous donne au départ,après quoi nous marcherions tous seuls. Elle ressemble plutôt à une lanterne que nous tenons à la main et qui avance avec nousen éclairant le petit bout de chemin que nous avons devant nous. Sa lumière estnécessaire et suffit pour faire le pas suivant

La Crucifixion, détail

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dérer Dieu comme leur propriété».Dieu n’est pas la propriété de ceuxqui croient. On ne peut pas dire de lafoi: moi je la possède, d’autres ne lapossèdent pas… Les croyants quiont reçu le don de la foi sont en pèle-rinage, eux aussi, et l’on ne peut ja-mais prétendre s’accaparer ce doncomme s’il s’agissait de posséder unsavoir conceptuel. Dans l’Église, ilarrive parfois que l’on se retranche

devant l’incrédulité et l’agnosticis-me, et que l’on donne l’impressionde considérer la foi comme une pro-priété, comme si le problème étaitde se disputer et de se battre avecceux qui ne croient pas… On perdpresque de vue que le Christ estmort pour tous les hommes.

Dans les premières lignes dela Lettre apostolique Porta fi-dei, il est écrit que dans l’Église,

ce qui prévaut souvent, c’est lacrainte des conséquences so-ciales, culturelles et politiquesde l’engagement des chrétiens,«en continuant à penser à la foicomme un présupposé évidentde la vie en commun». Pensez-vous, vous aussi, qu’il s’agitd’un présupposé évident?

Commençons par dire que la foi,c’est un rapport personnel avecDieu, qui s’exprime dans la prière etdans la certitude que Dieu noustient dans ses bras à tout moment,dans toutes les situations; ou, com-me le dit Jésus, c’est aimer Dieu detout son cœur. Les théologiens par-lent d’une vertu théologale, maisdans ce premier commandementl’amour de Dieu est étroitement liéau fait d’aimer son prochain com-me soi-même. Ainsi la foi a-t-elledes conséquences sociales, cultu-relles et politiques sans lesquelleselle ne serait pas sincère. D’autrepart, ces conséquences doiventêtre animées et motivées parl’amour de Dieu, sinon elles devien-draient une forme d’idéologie hu-maniste, dépourvue de fonde-ments solides. Je pense à la prédi-cation dans les égl ises, le di-manche. Aucune autre réalité hu-maine n’a cette chance de pouvoirs’unir à un si grand nombre de per-sonnes qui viennent écouter spon-tanément. Mais il arrive parfois queles homélies semblent de simplesinstructions sur ce que les chrétiensdoivent faire ou ne pas faire au ni-veau moral, culturel et politique, etque le joyeux message annonçantque Dieu nous précède toujours deSa grâce soit souvent absent.

Certains disent: «Aujour-d’hui, il vaut mieux miser sur lafoi que sur les œuvres sociales».Cela est-il la bonne “solution”?

On ne peut pas opposer la foi etla charité. Ce serait un intellectua-lisme ou une espèce de mysticismemal interprété. Saint Paul a dit quela foi devient opérationnelle dans lacharité. Et qu’elle s’est toujours ex-primée dans les œuvres de miséri-corde corporelle et spirituelle: aiderles pauvres, les prisonniers, les op-primés, les malades… Cela, c’esttout simplement la vie chrétienne.Pour ma part, les témoignages lesplus frappants de la foi, je les ai vusau cours des voyages que je fai-

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Benoît XVI en prière devant la tombe de François, dans la crypte de la Basiliqueinférieure avec quelques chefs et représentants des Églises, des Communautés ecclésiales et des religions du monde

INTERVIEW DU CARDINAL WALTER KASPER

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sais lorsque j’étais responsable del’Église en Allemagne pour appor-ter des aides à l’Église des pays envoie de développement. Nous al-lions là-bas en apportant quelquesressources matérielles pour aider àla survivance de ces personnes etnous découvrions, dans la misèredes villages et des favelas, la gaitéet la confiance de leurs vies aiméeset consolées par le Seigneur. Ilm’est arrivé la même chose en dé-couvrant la foi de beaucoup defrères rencontrés dans le dialogueœcuménique. On rend témoignagede la foi catholique à travers cesrapports fraternels.

Et maintenant qu’a étéconvo quée l’Année de la foi, quefaut-il faire?

Benoît XVI a seulement deman-dé que l’on réfléchisse sur le Credodans chaque diocèse. Il ne suffit pasde le réciter, il faut le connaître et lecomprendre dans toute sa profon-deur, car il exprime les articles fon-damentaux de la foi, qui sont com-muns à tous les chrétiens, et qui cor-respondent aux promesses du bap-tême. Et d’ailleurs, ces articles sontconstitutifs pour l’existence chré-tienne. Mais il me semble importantque la simple confession de foi n’ex-prime pas la prétention de posséder

conceptuellement la vérité. Le Cre-do, nous le chantons souvent pen-dant la messe du dimanche, alorsqu’un système dogmatique etconceptuel ne peut pas se chanter.En revanche, nous chantons le Cre-do, et nous le chantons en tant queprière. C’est une doxologie, unelouange et une reconnaissance quirendent grâce.

Certains disent qu’il faut fai-re plus pour rendre crédible lavision anthropologique chré-tienne.

Oui, bien sûr, cela aussi est im-portant. La foi n’est pas seulementun acte intellectuel, mais aussi une

manière d’être et de vivre dans lesmains de Dieu et sous les ailes de Saprovidence. Ceci implique aussiune liberté chrétienne bien enten-due. La confession de foi est prière,car elle demande à Dieu de révélerson mystère. Comme le disait saintThomas, actus fidei non termina-tur ad enuntiabile, sed ad rem.L’acte de foi ne s’achève pas avec larépétition verbale de formulesvraies. Il reste ouvert à la reconnais-sance de la réalité vivante que cesparoles indiquent. Et pour saintThomas, la «res», c’est Dieu même.C’est Lui qui agit, ce n’est pas nousqui devons le “démontrer” . Et puis,

le Credo est aussi un résumé de lafoi des autres générations. Dans lafoi, nous ne sommes pas seuls de-vant Dieu, nous sommes dans unecommunion qui embrasse tous lessiècles. Dans une époque comme lanôtre, on perçoit encore mieux àquel point il est important de trou-ver un réconfort et de jouir de lacompagnie des saints et des Pèresde l’Église, et de tous les grands té-moins qui nous ont précédés.

«Les croyants se fortifient encroyant», écrit le Pape, en citantsaint Augustin. Comment gran-dit-on et comment progresse-t-on sur le chemin de la foi?

Dans la foi, on est toujours porté,au début et tout au long du cheminde la vie. On découvre au fur et àmesure les richesses de la foi dansles expériences de la vie. Ce n’estpas nous qui gardons la foi, commeune propriété acquise. Noussommes gardés dans la foi. SaintThomas a écrit: «La grâce crée la foinon seulement quand la foi naîtchez une personne, mais pour toutle temps que la foi dure». Nousavons utilisé cette définition dans lecadre de l’accord avec les luthé-riens, lorsque nous avons reconnul’identité fondamentale qui existeentre la théologie de Luther sur la

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ANNÉE DE LA FOI 2012 – 2013

Dans le Credo, nous confessons notre foi en un Dieu Père, en Jésus-Christ, en l’Esprit saint, mais nous ne confessons pas notre foi en l’Église.L’Église n’est pas un terme de foi. Il est peut-êtreutile de rappeler que les Pères de l’Église n’avaientaucunement ressenti l’exigence d’élaborer une ecclésiologie systématique. Ils ne se posaientpas le problème de réfléchir sur l’Église, ils sebornaient à quelques indications. L’institutionecclésiastique n’était certainement pas au centrede leurs intérêts et de leurs préoccupations

Paul VI prononce le Credo du Peuple de Dieu, place Saint-Pierre, dimanche 30 juin1968

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justification par la foi et des aspectsessentiels de la doctrine du Concilede Trente définie dans le décret DeIustificatione. Ceci veut dire que ledon de la foi n’est pas un sorte depoussée, d’élan que quelqu’un nousdonne au départ, après quoi nousmarcherions tous seuls. Et elle n’estpas non plus comme les systèmesd’éclairage sur les pistes des aéro-ports: des lumières fichées dans l’as-phalte pour éclairer tout le parcours.Elle ressemble plutôt à une lanterneque nous tenons à la main et quiavance avec nous en éclairant le petitbout de chemin que nous avons de-vant nous. Sa lumière est nécessaireet suffisante pour faire le pas suivant.

Si la foi est au début et àchaque pas un don et une re-connaissance de l’œuvre gra-tuite du Seigneur, que repré-sente l’Église?

Comme le dit une vieille défini-tion, l’Église est la communion des fi-dèles. Tertullien a dit: unus christia-nus, nullus christianus. Un seulchrétien, pas de chrétien. En tantque chrétiens, nous ne sommes ja-mais seuls, mais toujours dans unecommunauté de fidèles, de tous lestemps et de tous les lieux. L’Églisen’est pas pour autant un terme defoi. L’Église est sacrement, c’est-à-dire signe et instrument. Dans leCredo, nous confessons notre foi en

Dieu le Père, en Jésus-Christ, enl’Esprit saint, mais nous ne confes-sons pas notre foi en l’Église. Oncroit en Dieu, et c’est Lui qui nous ré-vèle l’Église comme Corps du Christet comme Son peuple. L’Église estcomme la lune qui n’a pas de lumièrepropre, elle ne fait que refléter la lu-mière du soleil, qui est le Christ. Si el-le ne renvoie pas au Christ, elle n’aaucune beauté propre. La beauté quise trouve en elle, par exemple, dansles liturgies, n’est que le reflet de lagloire de Dieu.

Et pourtant, il semble par-fois que l’Église veuille occuperla scène en pensant que de cet-te manière, elle rend témoigna-ge au Seigneur.

Il est peut-être utile de rappelerque les Pères de l’Église n’avaientaucunement ressenti l’exigenced’élaborer une ecclésiologie systé-matique. Ils ne se posaient pas leproblème de réfléchir sur l’Église, ilsse bornaient à quelques indications.L’institution ecclésiastique n’étaitcertainement pas au centre de leursintérêts et de leurs préoccupations.L’ecclésiologie naît seulement à lafin du Moyen-Âge, en réaction auconciliarisme, et ensuite à Luther. Etcomme le disait Yves Congar, elledébute comme «hiérarchologie»,pour exposer les raisons théolo-giques et doctrinales de la fonctionet de la suprématie des hiérarchiesdans la communauté ecclésiale.C’est de là qu’est partie aussi la ten-tation et le piège d’un certain “ecclé-siocentrisme”. Le Concile Vatican II,avec son ressourcement dans lesPères de l’Église, a aussi repris l’ima-ge utilisée par un grand nombre desPères, à savoir l’Église commesimple reflet de la lumière et del’œuvre du Christ, que l’on retrouveaussi dans le titre de la constitutionsur l’Église du Concile Vatican II, Lu-men gentium.

À propos de hiérarchologie,aujourd’hui, on continue àbeaucoup parler d’évêques etde cardinaux dans la presse.

Bien sûr, les évêques et les cardi-naux jouent un rôle dans la vie del’Église. Mais Benoît XVI continue àrépéter que la question centralen’est pas celle de l’Église, mais cellede Dieu. Si la foi en Dieu disparaît,on peut laisser l’Église de côté etl’oublier. q

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INTERVIEW DU CARDINAL WALTER KASPER

La Résurrection

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PAPE/1Année de la foi2012-2013

Au cours de l’homélie de lamesse célébrée dans la Basi-l ique Saint-Pierre, le di-manche 16 octobre, BenoîtXVI a annoncé la convoca-tion de l’Année de la foi, quicommencera le 11 octobre2012, jour du cinquantièmeanniversaire de l’ouverturedu Concile Vatican II, et seconclura le 24 novembre2013, solennité du ChristRoi de l’univers. Le 17 oct-tobre a été publié le motuproprio Porta fidei par le-quel le Pape a formalisé etexpliqué sa décision.

PAPE/2Trois nouveaux saints

Le 23 octobre, Benoît XVI acanonisé l’évêque Guido Ma-ria Conforti, le prêtre LuigiGuanella et la religieuse espa-gnole Bonifacia Rodríguez deCastro. «Trois nouveauxsaints», a dit le pape dans sonhomélie, «qui se sont laisséstransformer par la charité di-vine et qui ont inspiré touteleur existence à celle-ci».

PAPE/3«Dieu n’est pas la propriété de ceux qui croient»

«Dieu n’est pas une “proprié-té” de ceux qui croient. BenoîtXVI parle devant les trois

cents représentants des diffé-rentes religions du mondequ’il a invités à Assise, vingt-cinq ans après la premièrerencontre voulue par JeanPaul II». Ainsi commence l’ar-ticle de Gian Guido Vecchi,publié sur le Corriere dellaSera du 28 octobre et dédié àla “Journée de réflexion, deprière et de dialogue pour lapaix et la justice dans le mon-de” qui s’est tenue à Assise le27 octobre. L’article conti-nue: «Benoît XVI fait l’élogedes agnostiques pensants, deceux qui “cherchent la vérité”et qui, par leur exemple, pri-vent les “athées combatifs” deleur “fausse certitude” maisen même temps “font appel”aux croyants eux-mêmes:pour qu’ils “ne considèrentpas Dieu comme leur proprié-

té”. Si les personnes qui cher-chent la vérité “ne trouventpas Dieu”, cela dépend “aussides croyants” qui ont “uneimage réductive ou même dé-formée de Dieu”. Aussi lesagnostiques jouent-ils un rôleimportant contre la “décaden-ce de l’homme et de l’huma-nisme”. Vecchi conclut ainsi:«Comme cela avait été annon-cé, il n’y a eu aucun momentde prière commune. Et pour-tant, il fallait les voir, tous en-semble, lorsqu’ils sont des-cendus à la fin dans la crypte,au-dessous de la basilique,pour rendre hommage à latombe de saint François».Titre de l’article: Il Papa elo-gia gli agnostici: «Un aiutoper i credenti» [Le Pape faitl’éloge des agnostiques: “Uneaide pour les croyants”].

36 30JOURS N.10 - 2011

À gauche, Paul VI prononce le Credo du peuple de Dieu, dimanche 30 juin 1968, au terme de l’Année de la foi

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Dépêches Dépêches Dép30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MON

À droite, pour descendre vénérer la tombe de François,Benoît XVI traverse labasilique inférieure de SaintFrançois avec quelques chefset représentants des Églises, des communautés ecclésiales, et des religions du monde, à l’occasion de la Rencontred’Assise, le 27 octobre 2011

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30JOURS N.10 - 2011 37

Le Corriere della Sera du 17 octobre a pu-blié de longs passages d’une intervention deVittorio Messori devant le Conseil pontificalpour la Promotion de la Nouvelle Évangéli-sation. Ainsi commence le texte: «Nous de-vons reprendre conscience du fait que ce àquoi nous croyons, ce dont tout provient estrésumé (comme nous l’enseigne saint Paul)dans ces trois mots: “Jésus est ressuscité”.Et en découle la conséquence: “Jésus estdonc le Christ annoncé par les prophètes etattendu par Israël”. C’est ce que les pre-miers chrétiens appelaient le kérygme, àsavoir le cri du héraut qui parcourait les ruesen annonçant au peuple les nouvelles ur-gentes. Je crois que la réévangélisation del’Occident, qui nous a été demandée parJean Paul II et par Benoît XVI n’est riend’autre: pas de doctrines complexes, maisrecommencer par le kérygme, la base sur la-quelle tout tient debout. Recommencer àproclamer ces simples, et en même tempsscandaleuses paroles: Iesùs estì kyrios, Jé-sus est le Seigneur».

Messori écrit ensuite, en rappelantl’époque du Concile Vatican II: «On s’affron-tait sur l’organisation de l’institution ecclé-siale, sur le rôle des papes, des évêques, desprêtres, des laïques, des femmes, de la litur-gie. Personne ne parlait de la foi, et encore moinsde ses raisons. On la considérait comme quelquechose d’évident, d’acquis, alors que l’on bataillaitsur la question de ce que devaient être, pour le ca-tholique, l’éthique et l’engagement politique, social,économique, culturel. Mais ceci n’était que la consé-quence d’une cause première, le oui à la vérité duCredo, alors que personne ne s’occupait de l’exami-ner et de le vérifier».

Messori conclut: «On n’a aucune incidence sur lasociété ou sur la culture si on repropose la perspecti-ve évangélique sans poser avant tout le problème du

Christ et de la vérité de son évangile. Les problèmesauxquels les catholiques d’aujourd’hui doivent seconfronter ont une racine souvent inavouée, etpourtant dramatique, à savoir la chute de la foi, laréduction de Jésus à un maître de morale, du Nou-veau Testament à un obscur pastiche de judaïsme etde paganisme, du miracle à un mythe, de l’espéran-ce eschatologique à un engagement séculier.

Bien avant toute réforme institutionnelle et touteprédication morale et sociale, nous devons retrou-ver le Credo, celui que nous récitons à la messe,dans la plénitude de sons sens».

ANNÉE DE LA FOI 2012-2013Le christianisme est résumé dans ces trois mots: «Jésus est ressuscité»

pêches Dépêches DépêchesNDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE

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38 30JOURS N.10 - 2011

«Membra Christi et corpus sumus omnes simul; non qui

hoc loco tantum sumus, sed et per universam terram; nec

qui tantum hoc tempore, sed quid dicam? Ex Abel iusto

usque in finem saeculi / Tous ensemble, nous sommes

membres et corps du Christ: et non seulement nous,

qui nous trouvons maintenant dans ce lieu, mais

nous tous et sur toute la terre. Et non seulement nous

qui vivons en ce temps, mais que dire? du juste Abel

jusqu’à la fin du monde», Augustin, Sermones 341, 9,

11; cf. Lumen gentium, n. 2.

«Dans le passage de l’Évangile que nous avons écouté, Jé-sus envoie soixante-douze disciples à la grande moissonqu’est le monde, en les invitant à prier le Maître de lamoisson pour que les ouvriers ne manquent jamais à samoisson (cf. Lc 10, 1-3); cependant Il ne les envoie pasavec des moyens puissants, mais bien «comme desagneaux au milieu des loups» (v. 3), sans bourse, besace,ni sandales (cf. v. 4). Saint Jean Chrysostome, dans l’unede ses homélies, commente: «Tant que nous serons desagneaux, nous vaincrons et, même si nous sommes en-tourés par de nombreux loups, nous réussirons à lesvaincre. Mais si nous devenons des loups, nous seronsvaincus, car nous serons privés de l’aide du pasteur» (Ho-mélie 33, 1: PG 57, 389). Les chrétiens ne doivent ja-mais céder à la tentation de devenir des loups parmi lesloups. Ce n’est pas par le pouvoir, par la force, par la vio-lence que le royaume de paix du Christ s’étend, mais parle don de soi, par l’amour porté à l’extrême, même àl’égard de ses ennemis. Jésus ne vainc pas le monde parla force des armes, mais par la force de la Croix, qui est lavéritable garantie de la victoire. Et cela a pour conséquen-ce pour celui qui veut être un disciple du Seigneur, son en-

voyé, d’être également prêt à la pas-sion et au martyre, à perdre sa vie pourLui, afin que dans le monde triom-phent le bien, l’amour, la paix. Telle estla condition pour pouvoir dire, en en-trant dans chaque réalité : «Paix à cettemaison!» (Lc 10, 5).

Devant la basilique Saint-Pierre setrouvent deux grandes statues dessaints Pierre et Paul, facilement identi-fiables: saint Pierre tient les clefs danssa main, saint Paul, en revanche, tientune épée à la main. Celui qui neconnaît pas l’histoire de ce dernierpourrait penser qu’il s’agit d’un grandcondottiere qui a guidé de puissantes armées et qui, avecson épée, à soumis des peuples et des nations, parvenantà la célébrité et à la richesse avec le sang des autres. Orc’est exactement le contraire: l’épée qu’il tient entre lesmains est l’instrument avec lequel Paul fut mis à mort, aveclequel il subit le martyre et répandit son propre sang. Sabataille ne fut pas celle de la violence, de la guerre, maiscelle du martyre pour le Christ. Son unique arme fut préci-sément l’annonce de «Jésus-Christ et du Christ crucifié»(1 Co 2, 2). Sa prédication ne se fonda pas sur «des dis-cours persuasifs de la sagesse; c’était une démonstrationde l’Esprit et de sa puissance» (v. 4). […] «Cette même lo-gique vaut également pour nous, si nous voulons être desannonciateurs du royaume de paix annoncé par le pro-phète Zacharie et réalisé par le Christ: nous devons êtredisposés à payer de notre personne, à souffrir en premièrepersonne l’incompréhension, le refus, la persécution. Cen’est pas l’épée du conquérant qui construit la paix, maisl’épée de celui qui souffre, de celui qui sait donner sa vie».Ainsi a parlé le pape Benoît XVI lors de l’audience généra-le du mercredi 26 octobre 2011.

Saint Paul

MIRACLE ET MARTYRE«Comme des agneaux au milieu des loups». L’épée de saint Paul

Abel et Caïn, Chapelle palatine, Palerme

Dépêches Dépêches Dép30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MON

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ÉGLISE /1Tettamanzi: le livre de la vie, c’est Jésus

«“Le livre de la vie”, dit saintBernard, “c’est Jésus, et bien-heureux est celui auquel il estdonné de lire dans ce livre”: cesera pour lui une grande joieet une grande paix». Ainsi seconclut l’intervention du car-dinal Dionigi Tettamanzi dansle Corriere della Sera du 2novembre, à l’occasion de lapublication du nouvel Évangé-liaire ambroisien.

ÉGLISE /2Martini et les mouvements

«Les mouvements peuventbeaucoup donner à l’Église,comme on le voit dans lemouvement œcuménique etdans le mouvement biblique.Mais lorsque prévalent chezeux les dynamiques du pou-voir et du profit, il se peutque la Grâce se perde et quel’Église, au lieu de s’enrichird’une nouvelle énergie spiri-tuelle, subisse des hémorra-gies qui l’affaiblisse». C’estce qu’écrit le cardinal CarloMaria Martini dans le Cor-riere della Sera du di-

manche 30 octobre, en ré-ponse à une lectrice dans larubrique qu’il tient chaquemois dans le quotidien deMilan.

SACRÉ COLLÈGE/1Les quatre-vingts ansde Law

Le 4 novembre, le cardinalaméricain Bernard FrancisLaw, archiprêtre de la Basi-lique papale Sainte-Marie-Majeure, a fêté ses quatre-vingts ans. À cette date, le col-lège cardinalice compte donc193 cardinaux, dont, 112électeurs.

SACRÉ COLLÈGE/2La démission de Rosales

Le 13 octobre, le Pape a ac-cépté la démission du cardinalGaudencio Borbon Rosales,79 ans, de sa charge d’arche-vêque de Manille, dans lesPhilippines, et il a nommé à sasuccession Luis AntonioTagle, 54 ans, évêque d’Imusdepuis 2001.

RUSSIE/1Les dons de l’Esprit ou un roulement de tambours qui restesans écho

«Une “Église politique” n’estpas utile au monde. La réduc-tion de l’Église du Christ dansles derniers siècles a fait qu’untrès grand nombre de genss’en sont éloignés [...] Si leschrétiens ne s’inquiètent pasd’obtenir les dons authen-tiques de l’Esprit, et en pre-

mier lieu la sainteté, leur pré-dication se réduira à un roule-ment de tambours qui restesans écho». Ces paroles sontextraites de l’intervention dudirecteur de la revue du Pa-triarcat de Moscou, SergejCapnin, au cours d’uncongrès organisé par la Fon-dation Russie chrétienne àMilan, auprès de l’UniversitéCatholique du Sacré Cœur, etpubliée dans l’OsservatoreRomano du 4 novembre.

RUSSIE/2Medvedev et le miracle de la foi

«Si l’on regarde ce qui s’estpassé dans les vingt dernièresannées, et en considérationde mon expérience de chré-tien orthodoxe, c’est un mi-racle. Franchement, je n’au-rais jamais imaginé, il y aquinze ou vingt ans, qu’en sipeu de temps un si grandnombre de citoyens auraientrécupéré, retrouvé la foi».Ainsi s’exprime le présidentde la Fédération Russe Dmi-trij Medvedev dans son inter-vention à un congrès auquelont aussi participé le pa-

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Le 22 octobre, en vue de la XIIIèmeAssemblée générale ordinaire dusynode des évêques, qui se déroule-ra du 7 au 28 octobre 2012 sur lethème “La nouvelle évangélisationpour la transmission de la foi chré-tienne”, le Pape a nommé Rappor-teur général, le cardinal DonaldWilliam Wuerl, 71 ans, archevequede Washington depuis 2006, et se-crétaire spécial l’archevêque deMontpellier en France, Pierre-Ma-rie Joseph Carré, 64 ans.

SYNODEWuerl Rapporteur général

Baptême à Moscou

Le cardinal Donald William Wuerl

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triarche de Moscou Kirill etd’autres éminents respon-sables de l’Église orthodoxe.Les paroles du président rus-se ont été reprises par le vati-caniste Marco Tosatti dansson blog, San Pietro e din-torni, le 7 novembre.

ITALIEUn parti catholiqueserait nuisible, estimela majorité des Italiens

Dans le Corriere della Seradu 23 octobre, l’éminent di-recteur de sondages RenatoMannheimer a analysé l’opi-nion des catholiques italiens àpropos de l’hypothèse de lanaissance d’un nouveau particatholique. Il conclut ainsi: «Àpeine plus d’un quart (26%)des pratiquants (à savoir, dansnotre terminologie, ceux quivont à la messe au moinsdeux fois par mois) déclarentqu’ils apprécient un renforce-ment de la présence politiquedes croyants en tant que telsdans notre pays. Et 44%d’entre eux estiment mêmeque ce genre de choix seraitnuisible ou en tout cas inop-

portune». Enfin, parmi les ca-tholiques “sporadiques” (ceuxqui fréquentent les fonctionsreligieuses une fois par moisou moins) le pourcentage deceux qui sont favorables à unplus grand engagement orga-nisé des catholiques est enco-re plus bas (22%)».

MOYEN-ORIENT/1L’attaque contre l’Iranaurait des effetsdésastreux pendantcent ans

Israël est prêt à bombarderl’Iran. Les indiscrétions quiont filtré dans la presse ontété confirmées par le prési-dent israélien Shimon Peresqui a confirmé, en différentesoccasions publiques, l’exis-tence d’un plan militairepour conjurer le développe-ment de l’atomique iranien-ne. Après avoir fait allusionau fait que l’hypothèse d’unraid contre les implantationsnucléaires iranienne «divisele gouvernement» israélien,un article du Corriere dellaSera du 5 novembre, pour-suit ainsi: «Pas moins de trois

anciens chefs des services se-crets – Efraim Levy, YuvalDiskin et Meir Dagan [...] – ledéconseillent ouvertement:l’Iran n’est pas encore unemenace, Ahmadinejad n’estpas Saddam ni même Assad,et cette fois, les bombarde-ments-surprise “aurait deseffets désastreux pendantcent ans”».

MOYEN-ORIENT/2Segev: Shalit et les mémorablesnégociations avec Hamas

«La grande et mémorablenouveauté, c’est que Hamaset Israël ont signé un accord,et que le monde ne s’est pasécroulé dès le lendemain. Ilsont signé un pacte avec lediable et le soleil s’est levéquand même. Les deux par-ties ont vu qu’il est possible deraisonner ensemble autourd’une table. Ce petit pas peutapporter un peu de rationali-té, il peut mener à quelquechose de différent dans le fu-tur. Cela n’arrivera pas de-main, mais après-demain, quisait?». C’est ce que déclare

l’historien israélien Tom Se-gev, interviewé par le Corrie-re della Sera au lendemainde la libération par Hamas dusoldat de Tsahal, Gilad Shalit,en échange de 1.027 prison-niers palestiniens.

MOYEN-ORIENT/3L’Unesco reconnaît l’État palestinien

«Mettons-nous d’accord. Siles Palestiniens prennent lesarmes, tout le monde crieque la violence est un obs-tacle à la paix. Si les Palesti-niens essaient de forcer lavoie diplomatique, comme ilsl’ont fait hier, tout le mondecrie que ces initiatives “unila-térales” sont un obstacle à lapaix. Alors nous aimerionsexactement savoir – en parti-culier d’Israël, des États-Unis,et de l’ Ital ie – ce que de-vraient faire les palestiniens,à part disparaître tranquille-ment parmi les nuages, com-me dans le film Miracolo aMilano. Hier, la Palestine aété admise à l’Unesco. Vieillehistoire – chaque année, lespalestiniens demandent ré-gulièrement à être admis –,

30JOURS N.10 - 201140

Fidèles à la messe paroissiale du dimanche

Gilad Shalit

Dépêches Dépêches Dép30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MON

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mais nouveau résultat: 107contre 14, avec 52 abstenus.L’approbation est arrivéegrâce surtout au consensusdu nouveau front qui gouver-ne le développement mon-dial, les pays du Brics, Brésil,Inde, les pays africains,arabes, la Chine, la Russie etquelques pays européens im-portants comme la France etla Belgique», écrit Lucia An-nunziata dans la Stampa du1er novembre.

TUNISIELe parti islamiquecomme la Dc de Moro

«Ennahda peut être comparéà la Démocratie chrétienneau temps d’Aldo Moro. Et iln’existe pas un seul islam,comme il n’existait pas unseul communisme: nous nepouvons pas mettre sur le mê-me plan les extrémistes radi-caux et les musulmans modé-

rés. Ce serait comme si l’onmettait sur le même plan PolPot et Berlinguer». Cette dé-claration de Moncef Marzou-ki, leader du CPR (Congrèspour la République), a été

rapportée par le Corrieredella Sera du 27 octobrecomme commentaire desélections tunisiennes qui sesont déroulées à la fin d’oc-tobre et qui ont été gagnéespar le parti d’inspiration isla-mique Ennahda, dont le lea-der est Rachid Ghannouchi.

DIPLOMATIE/2Nouveauxambassadeurs près le Saint-Siège

Le 9 septembre, Benoît XVI areçu les lettres de créance dunouvel ambassadeur de Gran-de Bretagne près le Saint-Siè-ge. Il s’agit de Nigel MarcusBaker, 45 ans, diplomate decarrière, qui a été chef de mis-sion en Bolivie dans les quatredernières années.

Le 21 octobre cela a étéle tour du nouveau représen-tant des Pays Bas, JosephWeterings, 62 ans, diploma-

te de carrière, précédem-ment ambassadeur en Libyeet au Zimbabwe.

Le 31 octobre, c’était letour du nouveau représentantdu Brésil, Almir Franco de SáBarbuda, 68 ans, diplomatede carrière, ambassadeur enBelgique puis consul général àWashington dans les der-nières années.

Le 4 novembre a été reçule nouvel ambassadeur de laCôte d’Ivoire, Joseph Tebah-Klah, 63 ans, diplomate decarrière qui a été, entre 2003e 2006, conseiller et chargéd’affaires ad interim de l’am-bassade près le Saint-Siège.

Enfin le 7 novembre, leslettres de créance ont étéprésentées par le nouvel am-bassadeur d’Al lemagne,Reinhard Schweppe, 62ans, diplomate de carrière,ancien chef de mission àVarsovie et dernièrement re-présentant auprès du siègeONU de Genève. q

30JOURS N.10 - 2011 41

Le 15 septembre, le Pape a nommé l’archevêque sici-lien Giuseppe Leanza, 68 ans, nouveau nonce en Répu-blique tchèque; il était nonce en Irlande depuis 2008.

Ensuite, le 15 octobre, il a nommé l’archevêque amé-ricain James Patrick Green, 61 ans, nouveau nonceapostolique au Pérou; depuis 2006, ce dernier était non-ce en Afrique du Sud, en Namibie, au Swaziland et au Le-sotho et, depuis 2009, premier nonce en Botswana.

Le 19 octobre, l’archevêque Carlo Maria Viganò,70 ans, a été nommé nouveau nonce apostolique auxÉtats-Unis; il était secrétaire général du Gouvernorat del’État de la Cité du Vatican depuis 2008.

Le 29 octobre, l’archevêque Nicola Girasoli, 54ans, a été nommé nonce apostolique à Antigua etBarbuda, aux Bahamas, à la Dominique, en Jamaïque,à Grenade, à Saint-Christophe et Niévès, à Sainte-Lu-cie, à Saint-Vincent et les Grenadines, au Suriname,et en Guyane, et enfin, délégué apostolique aux An-tilles. Il avait été nommé nonce au Malawi et en Zam-bie en 2006.

DIPLOMATIENouveaux nonces en République tchèque, au Pérou, aux États-Unis et aux Antilles

Carlo Maria Viganò

Rachid Ghannouchi, leader

du parti islamique Ennahda

pêches Dépêches DépêchesNDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE

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Rome est loin du Malabar. Maissi l’on veut saisir ce qu’est vrai-ment la proximité qui caracté-

rise et exprime la Communio Eccle-siarum, il suffit de voir le lien de re-

connaissance gratuite et réciproquequi unit l’Église de Rome et l’Églisesyro-malabare. Deux Églises qui,pendant presque dix siècles, n’ont euentre elles aucun type de lien juri-

dique ni institutionnel: George Alen-cherry, élu en mai dernier arche-vêque majeur de cette Église indien-ne de rite oriental qui est née de laprédication de saint Thomas apôtre,

Benoît XVI avec Sa Béatitude George Alencherry, à l’occasion de l’audience avec la délégation de l’Église syro-malabare, dans la salleClémentine du Palais apostolique vatican, le 17 octobre 2011

par Roberto Rotondo et Gianni Valente

“Notre foi est la foi des apôtres, transmise par saint Thomas”

Églises orientales

L’origine apostolique. La fidélité à leurs traditions. Les rapports avec les hindous et une floraison de vie qui ne connaît pas de limites. Les relations avec Rome. Interview de George Alencherry, archevêque majeur de l’Église syro-malabare, à l’occasion de sa visite au pape Benoît XVI

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est venu au mois d’octobre rencon-trer le Successeur de Pierre dans sonsiège apostolique. À l’occasion deson passage à Rome, le chef de lacommunauté catholique de riteoriental la plus nombreuse et la plusimportante après celle des grecs-ca-tholiques ukrainiens, a souhaité ren-contrer aussi 30Jours.

L’interview s’est déroulée à laDomus Romana Sacerdotalis de viadella Traspontina.

Votre Béatitude, pouvez-vous nous raconter votre entre-vue avec le Saint-Père?

GEORGE ALENCHERRY: Se-lon une procédure qui a été appli-quée pour la première fois, j’ai étéélu archevêque majeur par le Syno-de de l’Église syro-malabare en maiet le Pape a ensuite confirmé monélection. Les deux archevêques ma-jeurs qui m’ont précédé avaient eneffet été choisis directement par leSaint-Siège. L’élection a eu lieu le24 mai et, le 29 mai, je me suis ins-tallé comme archevêque majeur etarchevêque du diocèse d’Ernaku-lam-Angamaly. La visite que j’ai fai-te au Pape en octobre, avec le Syno-de permanent de nos évêques, a étéma première visite en tant qu’arche-vêque majeur. Cela a été l’occasionde renouveler, comme archevêquemajeur, ma déclaration de loyauté et

d’obéissance au Successeur de Pier-re. Pendant mon séjour, j’ai renduvisite à d’autres dicastères du Saint-Siège et en particulier à la Congré-gation pour les Églises orientales.

Quels sujets avez-vousabordés dans vos rencontresau Vatican?

Nous avons beaucoup parlé desproblèmes de juridiction qui font obs-tacle à notre œuvre pastorale. Les fi-dèles de l’Église syro-malabare sontenviron quatre millions, dont troismillions quatre cent mille vivent dansles vingt-huit diocèses d’Inde. De cesdiocèses, dix-huit se trouvent sur leterritoire (Kerala, une partie du TamilNadu et Karnataka) de l’Église syro-malabare. Nous n’avons de juridic-tion territoriale que dans ces dix-huitdiocèses mais nous aimerions quecelle-ci couvre tout le territoire de l’In-de: c’est là l’un des sujets de notre ap-pel au Saint-Père et c’est pour nousune requête importante. Nous pen-sons qu’il s’agit pour nous d’un droit.Avant l’arrivée des missionnaires oc-cidentaux – les Portugais sont arrivésau XVIe siècle – notre juridiction de“Chrétiens de saint Thomas” étaitétendue à toute l’Inde. Puis les mis-sionnaires occidentaux prirent, àcause de l’influence des souverainseuropéens, la juridiction de l’Inde, ré-duisant la nôtre aux régions où nousétions le plus concentrés.

Votre requête peut appa-raître comme une revendica-tion de droits passés, désor-mais ensevelis par l’histoire…

Non, c’est une question qui regar-de le présent, en des termes trèsconcrets. Nos fidèles croissent ennombre et vont vivre dans d’autresrégions. Mais il arrive alors qu’ils netrouvent pas là de soin pastoral quisoit en continuité avec leur traditionet qu’ils souffrent de cette situation.Nos fidèles sont habitués à notre li-turgie, à nos coutumes, à notre façonde prier et de faire participer les laïcsà l’administration des paroisses. Lerôle des laïcs dans la vie des paroisseset dans la catéchèse est une particu-larité de l’Église syro-malabare. Dansbeaucoup de grandes villes, il y a uneforte concentration de fidèles syro-malabars: soixante-dix mille à Delhi,cinquante mille à Chennai et Banga-lore, vingt mille environ à Hydera-bad. Nous voudrions pouvoir établirdes diocèses au moins dans cesgrands centres urbains.

Et que vous a-t-on répondu?Le Saint-Siège nous a dit qu’en

principe nous avons droit à la juridic-tion. Mais comme l’Église latine s’estinstallée dans les autres régions, ilfaut trouver une forme d’ententeavec les latins. Le Saint-Père com-prend nos besoins et nous a expliquéqu’il faudra avancer doucement, pasà pas. Il nous a rappelé les paroles duConcile Vatican II, selon lequelchaque Église sui iuris a le droit devivre en autonomie. C’est une ano-malie historique qui doit être corri-gée. Nous sommes patients mais iln’est pas juste de continuer ainsi.

Quelles sont les objectionsque l’on oppose à votre requête?

Les Églises syro-malabare, syro-malankare et latine ont déjà mainte-nant des diocèses qui se superposentdans notre territoire historique. Maiscertains évêques pensent que si nousétendions notre juridiction à des ter-ritoires qui sont dans leurs diocèses,cela pourrait créer des difficultés. Te-nez compte du fait qu’actuellement,dans certains diocèses latins, les sy-ro-malabars représentent une gran-de partie des fidèles dont s’occupentles prêtres latins. Si nous étendionsla juridiction il pourrait ne rester danscertains de ces diocèses latins qu’untrès petit nombre de fidèles de rite la-tin. Une autre crainte concerne les ¬

INDE. Les syro-malabars

Fidèles en prière pendant une messe dans l’église Notre-Dame-du-Salut, à Hyderabad, dans l’État de l’Andhra Pradesh

4330JOURS N.10 - 2011

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prêtres syro-malabars qui ont apprisle rite latin et travaillent dans les dio-cèses latins. Il y a plus de trenteévêques d’origine syro-malabare quitravaillent comme évêques latinsdans les diocèses du nord.

Et comment vont les choseshors de l’Inde?

Il y a un grand nombre de fidèlessyro-malabars hors de l’Inde. AuxÉtats-Unis, il y en a environ cent mil-le et a été institué pour eux un diocè-se qui a son centre à Chicago. Lamajeure partie des fidèles de l’étran-ger sont concentrés dans le Golfepersique. En Arabie Saoudite, il y ena plus de quatre-vingt mille. Ce sontpresque tous des travailleurs qui sontinstallés là de manière permanente.Le Pape a nommé deux vicairesapostoliques et un nonce, mais lesprêtres qui ont été chargés de s’oc-cuper de ces fidèles ont adhéré, bienqu’ils soient d’origine syro-malaba-re, aux congrégations latines et sontlatins de formation. L’absence deprêtres de notre rite a créé quelquestensions dans ces pays. C’est unautre problème que nous avons pré-senté au Saint-Siège; espérons quel’on nous écoute.

Comment se passe la colla-boration entre les différentesÉglises catholiques en Inde?

Les trois Églises latine, syro-ma-labare et syro-malankare, font partiede l’unique Église universelle et il y aune Conférence épiscopale desévêques des trois Églises. Nous tra-vaillons ensemble dans cette Confé-rence sans aucun problème. L’Églisecatholique est la communion de dif-

férentes Églises particulières: il y avingt-deux Églises orientales quicomposent, avec l’Église latine, l’É-glise universelle. Ce n’est qu’en par-tant de cette théologie que l’œcumé-nisme devient possible: si les grec-sorthodoxes percevaient l’existencede cette communion, ils s’uniraientaux catholiques. L’œcuménisme neconsiste pas à soumettre l’Église or-thodoxe à l’administration de l’Égli-se latine. Nous, de l’intérieur, nousdemandons un œcuménisme réel.Les orthodoxes le demandent de

l’extérieur. Mais il y a des gens parmiles latins qui ne le comprennent pas.

Et les rapports avec les hin-dous?

L’hindouisme est une religion qui,en général, favorise la paix et l’har-monie. La majeure partie des hindousnous regarde avec sympathie et noustravaillons ensemble. Mais, commevous le savez, dans un passé récent,des groupes de fondamentalistes ontcréé des problèmes. Pour une raisonou pour une autre, il existe dans tousles pays des fondamentalistes. De mê-

30JOURS N.10 - 2011

Églises orientales

George Alencherry avec le Synode qui l’a élu archevêque majeur, le 24 mai 2011

George Alencherry donne la confirmation à une petite fille

Le premier archevêque majeur élu par le Synode

George Alencherry est né en 1945. Il a deux frères prêtres et une sœurreligieuse. Il a fait ses études au Saint Josephʼs Pontifical Seminary

dʼAlwaye et a grandi dans lʼarchidiocèse de Changanacherry où il a assu-mé des fonctions de responsabilité avant et après les périodes dʼétudessupérieures passées en France (doctorat en Catéchétique à lʼInstitut ca-tholique de Paris et doctorat en Théologie biblique à la Sorbonne). En1996, il a été nommé premier évêque de Thuckalay, diocèse né de la sub-division de lʼarchidiocèse de Changanacherry. Quarante-six évêques duSynode lʼont élu archevêque majeur de lʼÉglise syro-malabare, le 24 mai2011, en lui donnant la majorité exigée des deux tiers au second tour: deuxjours plus tard, Benoît XVI a confirmé son élection.

La devise épiscopale de mar George Alencherry est: «Service en dia-logue de vérité et amour».

G.V.

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me, il existe des extrémistes politiquesque nous appelons terroristes. En In-de, il existe des groupes extrémistes àl’intérieur de l’hindouisme: ceux quicroient dans l’hindouisme authen-tique ne les aiment pas, mais cesgroupes créent des problèmes surtoutaux chrétiens car ils craignent que leschrétiens, à travers les conversions,ne prennent le contrôle du pays. Maisc’est une crainte sans fondementd’autant plus que les chrétiens, lors-qu’ils sont attaqués, ne réagissent paspar la violence. Le gouvernement lesait et nous aide.

L’Église syro-malabare, touten vivant dans une culture enra-cinée dans d’autres présuppo-sés religieux, est restée dans lafoi des apôtres. C’est un splen-dide témoignage du fait que l’É-

glise est de Jésus-Christ (Eccle-siam Suam, écrivit Paul VI).Que peut suggérer à la chré-tienté entière l’histoire deschrétiens syro-malabars?

Notre héritage est le résultat devingt siècles de témoignage de la foicatholique à laquelle nous sommestoujours restés fidèles, même lors-qu’il y avait de sérieuses incompré-hensions de la part des mission-naires étrangers. Notre Église a untype unique de catéchèse: dans lesfamilles, dans les paroisses et dansles écoles, à ces trois niveaux nousenseignons aux enfants à sauvegar-der leur foi. Ici, à Rome, il y a environsix mille fidèles syro-malabars: le 6octobre, nous avons célébré une bel-le liturgie dans la basilique du Latran.La basilique était pleine.

L’Église syro-malabare aconfirmé la communion avecRome après des siècles d’ab-sence de contacts. C’est lesigne que la communion de l’É-glise n’est pas d’abord le résul-tat de rapports juridiques…

Notre foi est la foi des apôtres,transmise par saint Thomas. SaintThomas n’aurait pas pu donner nais-sance à une nouvelle Église par sespropres forces. En Inde aussi, il fitseulement ce que Jésus lui avait dit defaire. Pour la même raison, Thomaset tous ceux qui ont reçu de lui l’an-nonce évangélique sont en commu-nion avec Pierre, et cela est la garan-tie de notre foi. La loyauté à l’égarddu Pape naît de notre expérience dela foi: nous prions pour le Pape dansla célébration eucharistique, nousconsidérons dans la liturgie les saintsde toutes les Églises particulières enmême temps que les nôtres. Dupoint de vue doctrinal, nous conser-vons ce que nous avons reçu du Cre-do de Nicée. L’eucharistie et lesautres sacrements nous unissent, pardon de l’Esprit saint, dans l’Égliseune, sainte et apostolique.

Voulez-vous nous parler devotre dévotion pour saint Tho-mas?

Après les fêtes de Notre Sei-gneur, de Noël à Pâques, et les fêtesde la Bienheureuse Vierge – Imma-culée Conception, Nativité et As-somption –, la fête la plus solennelledans l’Église syro-malabare est la“dukhrana” ou commémoration desaint Thomas. Nous la célébronsdans le monde entier, et même enArabie Saoudite, où l’on ne peut ef-fectuer de célébrations officielles,plus de trois cents fidèles se sont ré-unis dans un lieu privé et m’ont télé-phoné en me demandant une béné-diction. Selon la tradition, Thomas afondé sept communautés en Inde.Ces lieux sont devenus autant debuts de pèlerinage. Et le premier di-manche après Pâques, on célèbre lafête de saint Thomas qui touche lecôté de Jésus. C’est une grande fêteà laquelle participent beaucoupd’hindous.

Le cardinal Levada, au der-nier Synode des Églises orien-tales, a annoncé qu’il allaitconsulter les patriarches orien-taux au sujet d’une possible ré-forme de l’exercice du minis-

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INDE. Les syro-malabars

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Notre foi est la foi des apôtres, transmise par saint Thomas. Saint Thomas n’aurait pas pu donner naissance à une nouvelle Église parses propres forces. En Inde aussi, il fitseulement ce que Jésus lui avait dit de faire.Pour la même raison, Thomas et tous ceux quiont reçu de lui l’annonce évangélique sont encommunion avec Pierre, et cela est la garantiede notre foi

Une procession à l’occasion de la "dukhrana", la commémoration de saint Thomas,près de l’église Saint-Thomas, à Palayur, dans l’État du Kerala

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tère pétrinien. Que suggérez-vous, en particulier en ce quiconcerne les rapports avec lesÉglises orientales?

L’Église catholique, à travers leConseil pour l’Unité des Chrétiens,a déjà entamé un dialogue sur la pri-mauté. Je pense qu’il faut poursuivresur la voie de ce dialogue et chercherun accord commun avec les Églisesd’Orient, tel qu’il existait dans lesquatre premiers siècles de la chré-tienté. À cette époque, il y avait unecompréhension commune de la pri-mauté. Maintenant l’Église ortho-doxe objecte qu’il est impossible deremonter à la théologie qui précédaitle Concile de Chalcédoine parce quenous ne possédons aucun documentde cette époque. Mais je crois que,même à partir de documents et dedéclarations postérieures au tempsde Chalcédoine, un dialogue et unaccord sur le ministère pétriniensont possibles. Car existe l’expres-sion primus inter pares. Nousavons tous besoin d’un ministère pé-trinien qui soit une référence d’unitépour toutes les Églises. J’ai l’espoirque l’on trouvera un point médiansur lequel l’Église catholique et lesÉglises orthodoxes pourront se ren-contrer dans la pleine communionde l’Église du Christ.

Pendant des siècles votreÉglise a dû compter avec lesprocessus de “latinisation”réalisés à vos dépens. Il y avaitdes gens qui vous considé-raient comme des hérétiquesou des schismatiques parceque vous aviez vos prières, vosliturgies et que vous ne parliezpas le latin. Des restes de cettementalité subsistent-ils encoreaujourd’hui?

La façon de penser a beaucoupchangé même dans l’Église latine,chez les théologiens, une grandepartie des évêques et au Siège apos-tolique. Le père Placid Podipara,cmi, théologien et historien de grandrenom appartenant à notre Église, adit que l’Église syro-malabare estchrétienne par la foi, hindoue par saculture et orientale dans son culte.Malheureusement, les missionnairesqui arrivèrent au XVIe siècle ne lecomprirent pas. Ils n’avaient pas demauvaises intentions, c’était l’attitu-de du temps. Mais maintenant, cequ’ils ont considéré comme des er-

reurs peut être restauré. C’est ce quedit le Concile Vatican II. Beaucoupde choses ont changé, mais là où deschangements n’ont pas eu lieu, il y ades problèmes. Et cela vient de lamentalité de certains évêques latins.Je l’ai dit au Pape; j’ai dit: «Sainteté,il y a un très grand nombred’évêques latins qui comprennentcorrectement l’ecclésiologie de com-munion, mais il y en a d’autres…».

La liturgie a eu un rôle cen-tral pour la continuité histo-rique de votre Église. Que pen-sez-vous de l’importance qu’ac-corde à la liturgie le magistèredu Pape actuel?

Le magistère du Pape actuel estréellement en train de sauver l’Égli-se de notre temps. De nombreusesaberrations étaient sur le point des’insinuer dans l’Église, parfois aunom du Concile Vatican II. Il y a desgens qui ont mal interprété ceConcile: ils ont mis l’accent sur despoints secondaires et ont perdu de

vue l’essentiel. Le Pape veut suivrece que Vatican II a vraiment voulu di-re. Et lorsqu’il aura réussi, peu àpeu, à faire passer ces choses, l’Égli-se sera vraiment unie. La dissipationet la mondanisation de l’Église sontvraiment étendues, spécialement enEurope, et pour la recomposition ilfaudra du temps. Mais c’est l’inten-tion du Pape et l’Église syro-malaba-re est avec lui.

Et pourtant, il y a eu aussidans l’Église syro-malabare devives controverses opposantceux qui sont pour la récupéra-tion totale du patrimoine litur-gique traditionnel et ceux quivoient dans cette récupérationune forme d’esthétisme tradi-tionnaliste. “Chaldéisants”donc contre “latinisants”…

Je vais vous dire: que quelquechose soit chaldéen, européen, oude quelque autre lieu, peu importe,ce qui est valide est valide. Mais cer-tains, comme conséquence de la lati-

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Églises orientales

Beaucoup de gens ne semblent pascomprendre que si l’Église syro-malabarefleurit et prospère, fleurit aussi l’Égliseuniverselle. Car tout Église particulière est pour l’Église universelle. L’Église latine estelle aussi une Église particulière

Sa Béatitude George Alencherry pendant l’interview avec les journalistes de 30Jours, le 17 octobre 2011

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nisation, se sont convaincus que cequi appartient à la culture occidentaleest bon et que ce qui vient d’Orientn’est pas bon. C’est une façon de voirnée de la latinisation à laquelle nousavons été soumis pendant troissiècles. Même si l’Église universellenous a restitué, avec le Concile Vati-can II, la liberté de récupérer les élé-ments valides de notre patrimoine,une bonne partie de l’Église les a ou-bliés et ne sent pas le besoin de les ré-cupérer. Ces gens disent: continuonsà avancer avec ce que nous avonsmaintenant et, si nous avons besoinde quelque chose d’autre, emprun-tons-le à l’Église latine. C’est leur atti-tude. D’autres répondent que pourcontinuer à être ce que noussommes, nous devons avant tout ré-cupérer ce qui nous a été enlevé etque nous avons perdu.

Moi, dans l’exercice de mes fonc-tions, j’essaierai de créer une plusgrande unité et d’introduire une cer-taine uniformité dans les célébra-tions liturgiques. Non pas une unifor-mité totale, mais une unité sur l’es-sentiel. À réaliser peu à peu. Gra-

duellement. Par exemple, avant,dans l’Église latine, il y avait des gensqui disaient que nous, nous célébronsdos au peuple. Mais regarder versl’Est, ce n’est pas être dos au peuple.C’est regarder dans la direction d’oùvient le Seigneur. Dans la théologiede notre Église, le peuple et le célé-brant offrent ensemble, tournés versl’Orient, le sacrifice à Dieu le Père.

L’Inde est en train de devenirune super-puissance géo-écono-mique. De nouveaux problèmessont apparus. Comment cesprocessus touchent-ils votre tra-vail pastoral?

Le monde qui change, nous chan-ge nous aussi. Nos fidèles émigrentpour faire des études ou chercher dutravail et un tiers seulement d’entreeux vivent dans leur diocèse d’origi-ne. Deux tiers environ des fidèles vi-vent hors de leur diocèse d’origine,dans les grandes villes. En Amériqueet en Europe, il y a des médecins, desentrepreneurs, des commerçants sy-ro-malabars qui sont en train de gra-vir l’échelle sociale. Si nous est re-connue la juridiction universelle surnos fidèles, nous pouvons vraimentfavoriser cette énergie de sorte quesa force soit au service de l’Église uni-verselle. Autrement, ce que nousperdrons nous, l’Église universelle leperdra. Et si nos fidèles ont du mal àrester en contact avec leur patrimoi-ne spirituel, ils chercheront la spiri-tualité dans les groupes pentecôtistesou dans des mouvements de ce gen-re. C’est d’ailleurs déjà ce qui se pas-se. Nous sommes en train de perdrenos fidèles. Ceux-ci arrivent d’Indeen Occident, ils rencontrent quel-qu’un qui leur dit: pourquoi devrais-tu aller dans les églises des latins?Viens avec nous, prions ensemble.Nous en avons perdu beaucoup. Ce-la nous angoisse, et nous avons ex-primé nos angoisses aussi auxmembres des dicastères vaticans.Ceux-ci semblent tous comprendrece que nous disons mais ensuite au-cune décision n’est prise. Il nous fautconsulter un grand nombre de genset ainsi le temps passe et la situations’aggrave. Beaucoup de gens nesemblent pas comprendre que si l’É-glise syro-malabare fleurit et prospè-re, fleurit aussi l’Église universelle.Car tout Église particulière est pourl’Église universelle. L’Église latine estelle aussi une Église particulière.

Mais dans l’esprit de certains, univer-sel coïncide avec latin. Ce n’est évi-demment pas là la doctrine officielle,ce n’est la pensée d’aucun théolo-gien sérieux. Mais c’est encore unefaçon de voir très répandue et celacrée des retards.

Ces jours derniers, s’est dé-roulé à l’Université pontificalegrégorienne un importantCongrès international sur ceque l’on appelle l’Anaphored’Addaï et Mari. Pourquoi cetteanaphore a-t-elle une importan-ce particulière du point de vueœcuménique et liturgique?

L’Anaphore d’Addaï et Mari estla plus ancienne anaphore dans l’É-glise universelle. Nous pouvons voiren elle la plus simple théologie desÉvangiles, la compréhension en ger-me du mystère du Christ, sans les for-mulations doctrinales qui ont suivi.De même que l’Évangile de saintMarc est l’Évangile le plus simple, demême la liturgie d’Addaï et Mari est laliturgie la plus simple. Ainsi, quandnous la célébrons, nous sentons in-tensément la présence de Jésus avecnous. Les attentes et les suppliquesde l’Église sont elles aussi très biensintégrées dans l’Anaphore. Celle-cicontient les prières pour les faibles,les opprimés, les martyrisés, lespauvres, les réfugiés. Bref, elle a labeauté de la simplicité. L’Anaphored’Addaï et Mari est en usage dansl’Église assyrienne d’Orient et a la ca-ractéristique de ne pas contenir demanière explicite les paroles d’institu-tion, celles que Jésus a prononcéesdans la Dernière Cène (« Prenez etmangez, ceci est mon corps…Prenezet buvez, ceci est mon sang… Faitesceci en mémoire de moi »). L’Églisesyro-malabare a elle aussi utilisé laformule traditionnelle de cette ana-phore jusqu’au seizième siècle, sansinterpolations. Mais les théologienslatins soutenaient que, sans les pa-roles de l’institution, il n’y avait pas devéritable consécration et que donc ilstenaient pour non valide l’Anaphored’Addaï et Mari. Puis en 2001, leConseil pontifical pour l’Unité desChrétiens a reconnu, avec l’assenti-ment de la Congrégation pour laDoctrine de la Foi, la validité de cetteanaphore utilisée aussi, depuis destemps immémorables, dans notreQurbana, le sacrifice eucharistiqueselon le rite malabar. q

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INDE. Les syro-malabars

Dévotion mariale à Srinagar, dans l’État du Jammu-et-Cachemire

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48 30JOURS N.10 - 2011

Collèges ecclésiastiques

L’Institut qui fut voulu par Pie XII accueille aujourd’hui quarante prêtres de rite syro-malabar et syro-malankar. Notre visite est l’occasion de connaître de plus près ces rites qui, avec le rite latin, constituent l’Église catholique indienne, l’une des plus florissantes de la chrétienté

La chapelle de l’Institut pontifical Saint Jean Damascène, décorée avec des icônes réalisées par don Jakob Kooroth; au centre, une mosaïque de Marko Ivan Rupnik

par Pina Baglioni

L’Inde qui vit au cœur de Rome

INSTITUT PONTIFICAL SAINT JEAN DAMASCÈNE

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On respire un climat de gran-de liesse à l’Institut pontificalSaint Jean Damascène, la

demeure des quarante prêtres in-diens qui séjournent à Rome pourapprofondir leurs études.

Ce sont les fils de l’Église de saintThomas, dont la tradition veut qu’elleait été fondée par l’apôtre du Sei-gneur à l’extrême sud de l’Inde, dansl’actuel état du Kerala: trente-et-und’entre eux appartiennent à l’Églisecatholique syro-malabare. Les neufautres, à l’Église catholique syro-ma-lankare. Ils ont tous entre trente ettrente-cinq ans, et plusieurs annéesde sacerdoce à leur acquit.

Celui qui les guide est le père Var-ghese Kurisuthara: il est syro-mala-bar et il provient du Kerala. Il dirigel’institut Saint Jean Damascène de-puis quatre ans, après en avoir passéneuf comme vice-directeur. Aprèsses années d’études et son ordina-tion en Inde, il a obtenu son doctoraten théologie morale à l’Académie Al-phonsienne, et il enseigne aujour-d’hui cette discipline à l’institut Tere-sianum, la faculté de théologie duCollège international des Carmesdéchaussés de sainte Thérèse de Jé-sus et de saint Jean de la Croix.

Le père Varghese appartient à laprovince de Malabar de l’ordre desCarmes déchaussés. «Les carmesont joué un rôle extrêmement im-portant dans l’histoire des chrétiensde saint Thomas», explique le rec-teur. «Ils furent envoyés par le papeAlexandre VII vers la moitié du XVIIesiècle, sous la juridiction de laCongrégation Propaganda Fide,

pour réunir les fidèles et faire revenirla paix entre les missionnaires portu-gais et les chrétiens de saint Tho-mas, qui ne cessaient de se quereller.Ils ont été si appréciés par les chré-tiens indiens, surtout dans le Kerala,qu’ils ont inspiré des congrégationscarmélitaines indigènes».

Parmi les prêtres qui séjournentau Collège saint Jean Damascène,on trouve des étudiants de la congré-gation missionnaire du Très Saint Sa-crement, de la Congrégation Vin-centienne, de la Congrégation deSainte Thérèse, de la Société desOblats du Sacré-Cœur, de l’ordre del’Imitation de Jésus-Christ et de laSociété missionnaire de Saint Tho-mas apôtre.

Les quarante prêtres sont tous ar-rivés à Rome grâce à des boursesd’études accordées par la Congréga-tion pour les Églises orientales. Cer-tains, pour obtenir leur licence; laplupart, pour passer leur doctorat;treize d’entre eux suivent les cours deDroit canonique et de Liturgie orien-tale à l’Institut pontifical oriental. Lesautres étudient généralement lathéologie et la philosophie danstoutes les autres universités pontifi-cales. «Cet institut, inauguré le 4 dé-

cembre 1940, fut forte-ment voulu par Pie XII pourles prêtres provenant desÉglises orientales quin’avaient pas de “maison-mère” à Rome pour suivreleur formation, et pourceux qui désiraient exercerleur ministère sacerdotal enOrient. À l’époque, il n’yavait pas un seul Indien», ra-conte le père Varghese. «LePape voulut le dédier à saintJean Damascène à causede sa dévotion envers la pa-pauté et à la Mère de Dieu».

À l’époque, les sémina-ristes et les prêtres indienslogeaient dans une aile duCollège pontifical Russi-cum, pour être hébergésensuite par le Collège PioRomeno, parce que le régi-me soviétique interdisaitaux prêtres roumains de ve-nir à Rome. Enfin, en1993, l’Institut fut transférédans son siège actuel, uneancienne clinique situéedans un entrelacs de rues

30JOURS N.10 - 2011 49

Ci-dessus, les étudiants de l’Institut pontifical Saint Jean Damascène avec le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, à l’occasion de la bénédiction de l’iconostase, le 4 octobre 2010; en bas, saint Thomas sur une icône conservée dans l’atrium de l’Institut

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entre Saint-Jean-de-Latran et Sain-te-Croix-en-Jérusalem, que laCongrégation pour les Églises orien-tales avait achetée et complètementrestructurée.

Le Collège Saint Jean Damascè-ne dépend directement du préfet dela Congrégation pour les Églisesorientales, le cardinal Leonardo San-dri, et depuis l’année académique1996-1997, il est exclusivement ré-servé aux élèves qui appartiennent àl’Église catholique syro-malabare et àl’Église catholique syro-malankare.

Un Institut pour deux Églises«La journée de l’Institut», nous ex-plique le recteur, «commence par lamesse du matin, à 6h 30. Celle-ci estcélébrée dans les deux rites dansleurs chapelles respectives: dans laplus grande, celle des Malabars, dansle rite syro-malabar; et dans la pluspetite, celle des malankars, dans le ri-te syro-antiochien. «Ensuite, tous en-semble célèbrent aussi la messe selonle rite latin. Une sorte d’“entraîne-ment” en vue des messes que les unsou les autres iront célébrer le di-manche, et aussi Noël ou à Pâques,dans les paroisses romaines. Ou en-core l’été, lorsque les prêtres indiensiront donner un coup de main dansde nombreuses paroisses en Italie eten Allemagne».

En outre, comme peut en témoi-gner l’auteur de cet article, il est per-mis de dire que le Saint Jean Damas-cène pratique un art culinaire d’ex-

cellent niveau: indien deux fois parsemaine et italien les autres jours.

Nous demandons au père Var-ghese ce que ferons ces prêtres, unefois revenus en Inde. «Une partied’entre eux iront enseigner dans lesséminaires, une autre sera employéedans les activités de la curie diocésai-ne (notamment la pastorale desjeunes et la catéchèse), et les autresauront la charge d’une paroisse».

Au Kerala, les syro-malabars etles syro-malankars dirigent un grandnombre d’écoles, depuis les classesprimaires et jusqu’à la fin des étudessecondaires, et les cours suivent leprogramme de l’enseignement pu-blic. «Et les frais sont largement cou-verts par les Églises. Ces écoles sontfréquentées non seulement par lescatholiques, mais aussi par un grandnombre d’élèves hindous, attirés parl’excellent niveau de leur enseigne-ment. Si le Kerala est l’état au plushaut niveau d’instruction de l’Inde,c’est justement grâce aux écoles ca-tholiques». En Inde, les catholiquesde rite latin, syro-malabar et syro-malankar sont en tout 17 millions,soit moins de 2% de la populationindienne.

Les trois Églises mises ensemblegèrent vingt-cinq mille écoles, sanscompter des milliers de logementspour les veuves et les orphelins, desrefuges pour les lépreux et les ma-lades du SIDA, des hôpitaux et desmaisons de repos. Et puis le Kerala,où les chrétiens représentent 22% dela population, a le plus haut niveaud’instruction de l’Inde, y comprispour les filles. C’est aussi l’État dontl’indice de lecture est le plus élevé.Depuis 2008, on y imprime mêmeen malayalam, la langue locale, uneédition hebdomadaire de L’Osserva-tore romano, publiée par les Carmesdéchaussés de la province du Mala-bar. En outre, le Kerala est l’État oùl’on trouve le taux le plus élevé de plu-ralisme religieux: en somme, c’est unexemple de coexistence concrète.

«Dans les écoles catholiques, quisont ouvertes à tous, on enseigne lesprogrammes scolaires établis par lesrèglements publics; et puis les éco-liers chrétiens peuvent suivre descours spécifiques de doctrine, de mo-rale et d’éthique».

Comment s’explique la vitalité del’Église syro-malabare, l’Église orien-tale qui, avec plus de quatre millions

Collèges ecclésiastiques de Rome

50 30JOURS N.10 - 2011

Le recteur de l’Institut, père Varghese Kurisuthara

La messe célébrée selon le ritesyro-malabar dans l’égliseromaine Santa Maria in Portico in Campitelli

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de fidèles, présente le taux de crois-sance le plus élevé et le plus vigoureuxde la chrétienté tout entière? À elleseule, elle procure presque 70% des120.000 vocations de toute l’Inde ca-tholique. Dans cet État, presque tousles diocèses ont un petit séminaire, etcette région fait partie de celles quisont en mesure d’“exporter” desprêtres et des religieuses.

«Cela dépend des familles, danslesquelles est très fort, très émou-vant, l’attachement à la récitation del’Angélus et du chapelet et à la fré-quentation de la messe», nous révèlele recteur. «Dès l’âge le plus tendre,les papas et les mamans, et lesgrands-parents eux-mêmes appren-nent aux enfants le signe de croix etles premières prières. En somme, ilsapprennent tout cela avec le lait ma-ternel. Ce qui fait que la famille estun milieu qui favorise les vocationssacerdotales, d’autant plus quecelles-ci sont tenues en grandeconsidération».

Le diocèse d’Adilabad: une Église florissanteLes prêtres catholiques syro-mala-bars vivent dans une situation para-doxale: leur Église est l’une des plusflorissantes de toute la chrétienté,mais hors du Kerala, ils se trouventen terre de mission. «Pour exercer aumieux notre mission et pour formerles croyants selon nos traditions,

nous aurions besoin d’éparchies quinous soient propres. C’est la raisonpour laquelle nous demandons de-puis longtemps au Saint-Père une ju-ridiction plus grande hors du Kerala»,nous dit don Prince Panengadan De-vassy, qui se trouve à Rome pour fai-re sa licence de Théologie biblique àl’université pontificale urbanienne.

Il vient de la ville de Thrissur, où ila fait toutes ses études de l’école pri-maire au baccalauréat; ensuite, il afait deux ans de séminaire à Bangalo-re, dans l’État du Karnataka, pourétudier la philosophie. «Et puis je suisallé en mission dans l’éparchie d’Adi-labad, dans l’État de l’Andhra Prade-sh, en Inde sud-orientale».

Adilabad est l’une des plus jeuneséparchies de l’Inde, créée par JeanPaul II le 23 juin 1999. Elle faisait au-paravant partie du diocèse de Chan-da, qui comprenait les États de Ma-harashtra et de l’Andhra Pradesh,qui ont deux langues et deux culturesdifférentes.

Les premiers prêtres syro-mala-bars sont arrivés à Adilabad en1962. Ils y ont fondé des structuresscolaires pour favoriser l’accès àl’instruction des enfants les pluspauvres, filles et garçons.

Ensuite, dans les villages, les mis-sionnaires ont travaillé dur pouraméliorer les conditions sociales desgens, surtout en matière de santé etd’alimentation. Et un grand nombre

de personnes, attirées par le splendi-de témoignage des missionnaires,ont choisi le christianisme. Aujour-d’hui, l’Église d’Adilabad compte15.000 catholiques, avec soixanteprêtres, dont vingt-quatre diocésainset sept vocations locales. Ils sont tousIndiens.

Don Prince est témoin oculaire detoute cette splendeur. «Pour pouvoircommuniquer avec les gens, j’ai dûétudier leur langue. Chez nous, auKerala, on parle le malayalam. Dansl’État de l’Andhra Pradesh, on parlele telugu, et l’écriture est tout à faitdifférente de la nôtre», nous dit-il.

Après ces années passées à Adila-bad, don Prince a dû aller dans le

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À gauche, les étudiants de l’Institut dans le réfectoire

Ci-dessous, saint JeanDamascène sur une icônepeinte par Lauretta Viscardi,conservée dans l’atrium de l’Institut

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Nord, dans le Madhya Pradesh, pourétudier la théologie pendant quatreans, et puis il a été ordonné prêtre etil est revenu à Adilabad pour deuxautres années. Nous lui demandonsalors ce que signifie être missionnairedans cette marée d’hindous, sans ou-blier la multitude de musulmans.«C’est la merveille de la culture in-

dienne. L’Inde a été à l’origine de dif-férentes religions et elle a accueillitoutes les religions du monde. Les In-diens sont tolérants et pacifiques, etils accueillent tout le monde. La ca-ractéristique de la culture indienne,c’est qu’elle respecte les autres reli-gions et qu’elle accueille à bras ou-verts le bien, d’où qu’il vienne. Cha-cun est libre de croire à la religionqu’il préfère», ajoute le jeune prêtre.«Pour nous, être missionnaire, c’estd’abord, tout simplement, visiter lesvillages éparpillés dans les grandesrégions rurales habitées par de

pauvres ouvriers agricoles et des éle-veurs de bétail. Nous ne disons riende Jésus ni de l’Évangile, mais nousassistons les malades et nous aidonsles plus pauvres. Ensuite, nous de-mandons aux parents s’ils veulentnous confier leurs enfants pour leurfaire faire leurs études gratuitement,et la majorité d’entre eux acceptent.

Alors nous emmenons les enfantsdans nos écoles, où nous enseignonsles matières obligatoires. C’est lapremière phase de notre mission, àsavoir celle où nous essayons deconstruire une relation forte avec lesgens à travers l’aide dont ils ont be-soin. Beaucoup de missionnaires sesont prodigués pour apporter l’élec-tricité et l’eau dans les villages isolés.

Ensuite, et seulement lorsques’est établie une relation de confian-ce réciproque, nous essayons de leurfaire prendre conscience de la digni-

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Ci-dessus, enfants dans l’école catholique de Champakulam, au Kerala, pendant le repas; à droite, La dernière Cène, icône peinte par don Jacob Kooroth et conservée dans le réfectoire de l’Institut

Collèges ecclésiastiques de Rome

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té de la vie et des droits humains. Ilsnous arrive de les aider à s’affranchirde l’exploitation et de l’injustice », ditencore don Prince Panengadan De-vassy. «Au bout de quelque temps deservice dans les villages et dans lesécoles, il arrive très souvent que lesgens nous posent des questions surnotre religion et sur notre Dieu. C’estalors que nous parlons explicitementde Jésus. Nous ne prêchons pas Jé-sus par la force et nous ne cherchonsà convertir personne avec des ca-deaux, mais nous essayons de rendre

témoignage de Jésus àtravers notre vie, en ai-mant toutes les per-sonnes sans aucune dis-tinction. Cette manièrede vivre attire les per-sonnes, qui sont ame-nées à nous demanderd’où vient notre capaci-té d’accueillir tout lemonde, les riches et lespauvres, qui est vrai-ment Jésus et ce qu’estl’Évangile. Pour faciliterla compréhension denotre foi, il nous arrivede passer des films sur lavie du Seigneur dansquelque salle ou mêmesur les places du village,vu que personne oupresque ne possède detélévision. Ce qui estmerveilleux, c’est qu’ungrand nombre de ces

personnes, à commencer par les en-fants, font personnellement l’expé-rience de Jésus, parce que grâce à laprière et au rapport personnel avecLui, ils voient que cela correspond àleur vie, ils reçoivent une réponse àleurs questions, alors que cela ne leurétait jamais arrivé jusque là. Bien sûr,il y en a beaucoup qui ne veulent pasentendre parler du Christ, mais ceuxqui disent “oui” reçoivent une foi ex-trêmement solide. En somme, nousne convertissons personne, mais cesont les personnes elles-mêmes quise convertissent sous l’action de lagrâce divine. C’est leur choix. Etpuis, dans ce contexte, l’État garantità chacun la liberté de croire à la reli-gion qu’il a choisie. Et c’est la troisiè-me phase de la mission», conclut donPrince. «On peut comprendre quetoutes les personnes que nous ser-vons et que nous aidons n’arriventpas au même point. Un grandnombre d’entre elles en restent à lapremière ou à la deuxième phase,mais en dépit de tout, nous ne ces-

sons pas d’exercer notre ministère.Nous continuons à servir ces gens,parce que nos activités ne visent pasla conversion, qui est l’œuvre duSaint-Esprit, mais une propositionrespectueuse et libre».

Le père Benedict Kurian,membre de l’Église catholique syro-malankare, se joint à notre conversa-tion. Il provient de l’éparchie de Ma-velikara, suffragante de l’archépar-chie de Trivandrum. Ordonné en2002, il a été pendant quatre ans cu-ré à Amburi, au Kerala. Arrivé à Ro-me en 2007, il est sur le point d’obte-nir son doctorat en Droit canoniqueoriental avec une thèse sur les droitset les devoirs des laïcs. «J’aime énor-

mément Rome, d’au-tant plus qu’en Inde, àl’école, nous étudionsl’histoire de l’empire ro-main de manière appro-fondie», nous dit-il.

Nous lui demandonsce qu’ont de si particu-lier les catholiques syro-malankars, qui ne sontrevenus à la commu-nion avec Rome qu’en1930. «La seule diffé-rence avec nos frères sy-ro-malabars, c’est la li-turgie; la nôtre est syro-antiochienne, alors que

celle de l’Église syro-malabare pro-vient de la tradition chaldéenne.L’une des particularités de notre litur-gie est que nous célébrons la messedos au peuple, et que nos fidèles sontextrêmement attachés à notre tradi-tion liturgique», nous explique donBenedict.

«La réunification avec le succes-seur de Pierre, le Pape, a été réaliséepar cinq personnes. Aujourd’hui,nous sommes cinq-cent mille, etnotre Église a fait naître deux congré-gations féminines, dénommées Sis-ters of the Imitation of Christ etDaughters of Mary, et une congré-gation masculine, Order of Imita-tion of Christ.

Nous autres, syro-malankars,nous avons la même tradition aposto-lique et la même origine que les syro-malabars. Nous sommes nous aussihéritiers des Chrétiens de saint Tho-mas. Et nous aussi, comme nos frèresmalabars, nous demandons à NotreSainte Mère l’Église de Rome de nousaider à étendre notre juridiction». q

À gauche, des étudiants du petit séminaireSaint Paul, diocèsed’Irinjalakuda, au Kerala

Ci-dessous, un baptême dansl’église Saint Alex, à Calangute, dans l’État de Goa

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Les paroles du pape Benoît XVI dans sa terre natale peuvent êtrelues comme un appel pressant à revenir à l’essentiel et à en tirer les conséquences. C’est ce que dit Hans-Gert Pöttering,ancien président du Parlement européen

Le Pape reste fidèle à lui-même:rendez témoignage de votre foiCi-dessous, Benoît XVI en visite au Bundestag, à Berlin, le 22 septembre 2011

par Hans-Gert Pöttering

Voyage apostolique en Allemagne

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La visite de Benoît XVI a été unévénement émouvant. Un pa-pe allemand est venu dans sa

terre natale. Il a apporté un messageprofondément théologique: le re-nouveau de l’Église ne peut se pro-duire qu’à travers la disponibilité à laconversion et à partir d’une foi réno-vée. La façon dont il a parlé de Dieua été si passionnée et si convaincan-te qu’elle a même surpris de la part

d’un théologien successeur de Pier-re comme Benoît XVI.

Son discours au Bundestag, audébut de son voyage à Berlin, a étéparticulièrement significatif. À cetteoccasion, il s’est interrogé sur l’es-sence de l’activité politique, sur lefondement du droit et sur la distinc-tion entre bien et mal. Il a situé sesréflexions à l’intérieur du grandcontexte des traditions de la penséeeuropéenne: la philosophiegrecque, le droit romain et la foi ju-déo-biblique en Dieu, qui formentl’«identité profonde de l’Europe».Dans la recherche d’un fondementcommun pour la formation de sondroit, l’Europe ne devrait pas se li-miter à une pure vision positivistequi réduit la réalité intégrale del’homme. Il a comparé une telle li-mitation à un édifice de béton ar-mé, sans fenêtres. Coupé de tout cequi arrive à l’extérieur, l’hommes’atrophie. Au contraire, dans unevision globale, il pourrait saisirtoutes les sortes de ressources.C’est là qu’est entrée en jeu «l’écolo-gie de l’homme», comme dans l’en-cyclique Caritas in veritate. L’ap-parition du mouvement écologiquea été une «aspiration à l’air frais» quel’on ne pouvait pas ne pas entendre.L’homme devrait écouter le langagede la nature. S’il fait attention à elleet l’accueille comme quelque chosequi n’est pas produit par lui, la libertéde l’homme trouve son accomplis-sement. Mais comme les normespeuvent découler seulement de lavolonté, celles-ci présupposent lareconnaissance de la “raison créatri-ce” de Dieu. Et Benoît XVI a deman-dé de façon presque provocatrice:«Est-il vraiment privé de sens de ré-

fléchir pour savoir si la raison objec-tive, qui se manifeste dans la nature,ne suppose pas une raison créatrice,un Creator Spiritus?».

Le Pape a insisté particulière-ment avec les politiques surl’exemple du roi Salomon qui avaitdésiré une “cœur docile” pour cher-cher le vrai droit, pour servir la justi-ce et la paix. Comme l’interventiondu Pape au Bundestag a été avanttout théologique e a visé les prin-cipes, il ne s’est pas en cette occa-sion occupé des exigencesconcrètes de l’Église allemande,bien qu’ils fussent nombreux à s’at-tendre à qu’il le fît et à l’espérer. Biendifférent a été son discours au Kon-zerthaus de Fribourg, qui a parfoisirrité. Il s’est adressé là surtout à l’É-glise allemande. Il a invité à seconcentrer sur l’essentiel, au-delà detout raisonnement de caractère ins-titutionnel. Le concept de “monda-nisation” pourrait être mal comprismais ces idées de Benoît XVI ne sontpas nouvelles. Il les avait déjà expri-mées à la fin des années Soixante.Elles expriment une vision de fondautocritique de l’Église entière. Il l’acomprise lui dans une perspectivehistorique et il a appelé l’attentionsur le fait que le témoignage de l’É-glise serait plus limpide si celle-ciétait libre «des fardeaux matériels etpolitiques». Elle pourrait alors mieuxse consacrer aux vraies valeurs chré-tiennes dans le monde entier, êtrevraiment ouverte au monde. L’Égli-se serait d’autant plus crédible qu’el-le se concentrerait davantage surson propre domaine, sur son messa-ge central.

Le Pape a conçu tout cela – il l’adit lui-même –, non pas comme unenouvelle tactique pour obtenir uneplus grande considération pour l’É-glise, mais comme la volonté dechercher une «pleine sincérité quine néglige ni ne refoule rien de lavérité de notre aujourd’hui mais quiréalise pleinement la foi dans l’au-jourd’hui».

Comme l’a noté l’archevêque deFribourg-en-Brisgau, Robert Zol-litsch, le fait que les Allemands orga-nisent, structurent, réforment aveczèle ne devrait pas les détourner decette recherche de Dieu. Cepen-dant, comme le Pape n’a pas donnéd’indications concrètes sur ce qu’ilentend par “fardeaux mondains”, ¬

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RÉFLEXIONS D’UN HOMME POLITIQUE ALLEMAND

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il faudra d’autres entretiens et dis-cussions pour tirer les conclusionsde ce qu’il a dit afin de diffuser la foicomme il l’a indiqué. On verra dansles mois prochains si le discours deBenoît XVI doit être compris, com-me certains le veulent en s’avançantbeaucoup, comme un refus du sys-tème allemand de la taxe pour le cul-te et du rapport actuel entre l’État etl’Église, ou s’il n’a pas plutôt été unappel pressant à revenir à l’essentielet à en tirer les conséquences.

Cette invitation à se concentrersur l’essentiel du message bibliquen’a pas été adressée seulement auxcatholiques allemands mais égale-ment à toute l’Europe, à cet en-semble de pays dans lesquels lesconditions de coexistence de l’Égliseet de l’Etat se sont développées, aucours des siècles, de façon fort diffé-rente. Il faut rappeler à ce proposque l’article 17 du Traité de Lisbon-ne garantit à tous les pays euro-péens le maintien du rapport qu’en-tretiennent traditionnellement chezeux l’État et l’Église. Il est absolu-ment nécessaire de maintenir en viele dialogue entre les Églises et de te-nir compte dans notre politique dessollicitations du Pape durant sa visiteen Allemagne. Il s’agit de la réalisa-tion des valeurs chrétiennes dans lapratique politique.

Et c’est en effet ce que BenoîtXVI a souligné dans ses homélies: lafoi en Dieu ne devrait pas rester unfait privé mais devrait se manifesterdans la société. Il a encouragé leschrétiens à s’engager de façon fruc-tueuse dans la société et à se faire le-

vain. Il s’agit d’imprimer les valeurschrétiennes dans le discours socialmais aussi d’accueillir les inquié-tudes de l’homme et de leur appor-ter un soutien. C’est ce qu’a dit lePape dans son homélie à Fribourg,la ville de la Caritas. Il a, en ce lieu,explicitement remercié tous ceuxqui s’occupent de leur prochaindans les crèches et les écoles, maisaussi ceux qui s’occupent despauvres et des handicapés dans lesnombreuses institutions sociales etcaritatives, en Allemagne et dans lemonde. C’est une incitation très for-te à l’adresse justement des hommespolitiques. La foi a des consé-quences pour notre vie sociale etnotre action publique. C’est pour-quoi il est désormais nécessaire que

les catholiques s’engagent dans lapolitique, dans l’économie et dans lasociété ainsi que dans des servicessociaux qui apportent une aideconcrète.

C’est en ce sens qu’à Erfurt il aloué l’engagement des chrétiensqui, sur la base de la foi, se sont op-posés au régime totalitaire de laRDA. Malgré des circonstances ad-verses, les habitants de cette villesont restés fidèles au Christ. On re-cherche aussi aujourd’hui dans l’estde l’Allemagne, dans une société quiest très éloignée de la foi, des voiesnouvelles pour diffuser la foi chré-tienne et pour parler à ceux quicherchent vers où s’orienter et quel-le réponse apporter aux questionsultimes.

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À gauche, Benoît XVI au Konzerthaus de Fribourg, à l’occasionde la rencontre avec les catholiques engagés dans l’Église etdans la société, le 25 septembre; ci-dessus, pendant la rencontre avec les représentants des communautésmusulmanes présentes en Allemagne, au siège de la Nonciaturede Berlin, le 23 septembre; ci-dessous, à la fin de la messecélébrée sur le parvis de la cathédrale d’Erfurt, le 24 septembre

Voyage apostolique en Allemagne

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Le pont que Benoît XVI a jetéen direction des musulmans dans larencontre de Berlin montre lui aus-si que le Souverain Pontife se pré-sente comme un “constructeur deponts” pour la pratique publique dela religion. Il a dit très explicitementqu’il voudrait que les musulmanscontribuent eux aussi au bien com-mun à partir de leur religion et quedonc, à partir de leur foi, ils défen-dent la cause d’une coexistence pa-cifique dans la société. Se reflète iciaussi la reconnaissance de notre ty-pe de rapport entre État et religion,lequel doit être aussi ouvert auxmusulmans.

C’est précisément parce que,pour le Pape, il s’est surtout agidans ce voyage d’un approfondisse-ment de la foi, que le désir de chan-gements concrets et rapides devaitinévitablement être mis de côté. Etcette remarque vaut aussi pour laquestion de l’œcuménisme avec l’É-glise évangélique en Allemagne.Cela a déjà été en soi un signe im-portant, une étape de portée histo-rique, que le Pape ait rencontrédans le couvent augustin d’Erfurt lesreprésentants de l’Église évangé-

lique. C’est un lieu de grande valeursymbolique pour les protestants al-lemands. C’est là qu’a vécu et menéson action Martin Luther. C’estpourquoi le geste a constitué déjàun signe d’ouverture. Avec insistan-ce et avec le regard tourné versl’avenir, le Pape a cité Luther et sarecherche d’un Dieu miséricor-dieux. Il a là entrevu d’importantspoints communs entre les confes-sions par rapport au monde sécula-risé: les grandes Églises doivents’occuper ensemble de la questionde Dieu et doivent mainteniréveillée la question de Dieu dans lemonde sécularisé. Ce qui intéressaitle Pape, c’étaient les fondements dela foi chrétienne, en réponse auxquestions existentielles “d’où ve-nons-nous?” et “où allons-nous?”.

Cependant, beaucoup de gensavaient espéré que le Pape accom-plirait «un pas sans équivoque pourdépasser la division entre lesÉglises», comme l’a dit NorbertLammert, président du Bundestag.En réalité – selon ce qu’a dit l’arche-vêque Robert Zollitsch –, il faut seréférer à la Conférence épiscopaleallemande pour traduire les ré-flexions fondamentales du Pape ettrouver, avec les représentants del’Église évangélique en Allemagne,des voies pour un approfondisse-ment de l’œcuménisme. NikolausSchneider, président du “Conseil del’Église évangélique en Alle-magne”, a parlé d’un «œcuménis-me de dons» et a proposé ainsi une

voie pour poursuivre le chemincommun. Il faut espérer que les pro-blèmes que posent pour la vie com-mune de foi les mariages entremembres de confessions chré-tiennes différentes et les famillescomposées elles aussi de membresde confessions chrétiennes diffé-rentes, puissent être, ainsi que les li-mitations pour les divorcés rema-riés, repensés après la visite du Pa-pe et que puissent être accomplisdes pas de réconciliation réalistes.

Nombreuses sont les questionsqui restent ouvertes: il est sûrementtrop tôt pour dresser un bilan. Lesrésultats des nombreuses et in-tenses rencontres avec le Pape, sesincitations et ses sollicitations se-ront élaborés dans les discussionset les débats des prochaines se-maines et des prochains mois. On yverra comment l’Église peut au-jourd’hui subsister en Allemagne etcomment les fidèles peuvent êtreindividuellement des témoins de lafoi dans leur milieu.

Pour moi, en tant qu’homme po-litique et que catholique, reste l’invi-tation à réfléchir sur les principes dema politique à la lumière des sollici-tations du Pape durant sa visite. Be-noît XVI, avec son message qui n’estpas toujours facile, pas toujoursconfortable, nous a amenés, nousAllemands, à réfléchir. Nous devonslui être profondément reconnais-sants pour ses paroles, pour son en-couragement à vivre la foi, pour savisite dans sa terre natale. q

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À gauche, Benoît XVI avec Nikolaus Schneider, président du Conseil de l’Égliseévangélique en Allemagne, au couvent des Augustins, à Erfurt, le 23 septembre; ci-dessus, depuis la gauche, le président de la République fédérale allemande ChristianWulff et sa femme, le ministre de la Défense Thomas de Maizière (au second rang), le président du Bundestag, Norbert Lammert, et la chancelière Angela Merkel, assistentà la messe célébrée par Benoît XVI au Stade olympique de Berlin, le 22 septembre 2011

RÉFLEXIONS D’UN HOMME POLITIQUE ALLEMAND

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par Giovanni Ricciardi

Récits des missions

«J’ai toujours désiré voir de mes propres yeux le patronage de Valdocco lorsqu’il était animé par don Bosco. Mon désir a été exaucé ici, au pieds des Andes»,

a déclaré le cardinal Martini en visitant la mission du salésien Ugo de Censi, l’inventeur de l’Opération Mato Grosso.

Nous en racontons l’histoire

De la Valtellina aux Andes

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Le père Ugo de Censi a aujourd’huiquatre-vingt-sept ans, dont soixantede sacerdoce dans la congrégation

salésienne. Il vit depuis 1976 à Chacas, unpetit village perdu à l’est du Pérou, aux piedsde la majestueuse Cordillère des Andes, quilui rappelle les montagnes de sa Valtellina.C’est un lieu où la vie est précaire et où,chaque jour, il faut arracher les moyens desubsistance à la montagne, car la pauvretéest le pain quotidien.

«Con los pobres de la tierra quiero yo misuerte echar», dit l’une des plus célèbres mélo-dies sud-américaines, Guantanamera. Danssa beauté, ce vers résume l’expérience mis-sionnaire du père Ugo: «Je veux jouer monsort avec les pauvres de la terre». Jouer sonsort, parier, semer une graine qui a donné àChacas des fruits particulièrement abondants,au point que le cardinal Martini, lorsqu’il a visi-té la mission pour inaugurer une maison don-née par le diocèse de Milan, a déclaré: «J’aitoujours désiré voir de mes propres yeux le pa-tronage de Valdocco lorsqu’il était animé pardon Bosco. Mon désir a été exaucé ici, aupieds des Andes».

Le père Ugo revient de temps en temps enItalie pour rencontrer les groupes de volon-taires qui l’aident en récoltant chaque mois dela nourriture et des vêtements et en travaillantpour envoyer de l’argent à la mission. Il s’agitd’une œuvre non confessionnelle, sans identi-té juridique au sein de l’Église, et où sont ac-cueillis tous ceux qui ont envie de donner uncoup de main. Son nom – Opération MatoGrosso – n’a pas changé depuis les annéesSoixante-dix. Le père Ugo prêche des re-traites spirituelles pour ceux qui désirent uneréflexion plus spécifiquement catholique àl’intérieur de ce mouvement. Les formulessont simples: on prie selon la tradition del’Église, on se met à genoux, y compris pourse confesser. Nombreux sont les participantsqui prennent, en silence, des notes que le pèredicte comme un maître d’école, en ajoutantquelques remarques sur le moment. Cette an-née, le thème de ces rencontres était: «Berna-dette et Aquero», et l’objectif étai d’“ap-prendre à bien faire le signe de croix”.

La référence à Lourdes n’est pas un ha-sard, mais une étape fondamentale dans la viede ce salésien “vif, allègre et contestataire”,comme le définissaient ses supérieurs. Mais

aussi de santé fragile. La spondylite tubercu-leuse qui lui avait été diagnostiquée pendantses années de séminaire l’avait immobilisépendant trois ans, à l’hôpital. Et la fistule quis’était ouverte en l’obligeant à cette si longuehospitalisation ne s’est refermée que devant lagrotte de Massabielle. Ainsi le père Ugo, enfinrétabli, a pu être ordonné prêtre en 1951 parle cardinal Schuster, dans la cathédrale de Mi-lan. «Mais mes supérieurs», raconte-t-il, «meconsidéraient quand même comme une têtebrûlée. Alors, pour “me faire passer le goût derire”, ils m’ont donné la charge de directeurspirituel d’une maison de redressement pourgarçons, à Arese». Il y a bien passé vingt ans«Et là, j’ai appris que les mots religieux ne ser-vent à rien. Les jeunes qui écoutaient mes ser-mons tournaient la tête de l’autre côté. Et à lafin, ceux qui s’étaient rendus compte de madéception me disaient: “Mais regarde-toi! Tute rends compte de la tête que tu fais? Essaieau moins de me montrer un peu d’affection”».

Alors, à la fin des années Soixante, émupar les récits de ses confrères missionnairesqui parlaient de la pauvreté et des immensesexigences des missions, le père Ugo a com-mencé à voyager en Amérique du Sud et àchercher de l’aide pour les œuvres des salé-siens. Jusqu’au jour où, en 1976, à 52 ans, il apris la décision de s’installer au Pérou, à Cha-cas. Il était accompagné de quelques jeunes dela maison de redressement. «J’avais beaucoupperdu de l’extériorité de la religion. Mais àChacas, je suis redevenu enfant, et j’ai redé-couvert la simplicité des choses de la foi: la viede Jésus et la dévotion, bien chanter à l’église,garder les mains jointes pendant la prière.

5930JOURS N.10 - 2011

Le sanctuaire

de Pomallucay

au Pérou

(c’est là qu’a été

construit le séminaire

du diocèse de Huari

en 1992),

projeté et réalisé

par des volontaires

de l’Opération

Mato Grosso

Page ci-contre,

le père Ugo de Censi

avec le père Daniele

Badiali à Yanama,

au Pérou, en 1992

Opération Mato Grosso

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Ces choses-là, je les ai apprises à nouveauavec les enfants de la mission».

«Pour le moment, je fais mon métier deprêtre», écrivait-il dans les premiers mois deson séjour sur les Andes: «Chacas a une égli-se énorme. Le dimanche, elle est remplie degens qui sont là, en silence. Je me sens chezmoi, je sens que ces gens m’appartiennent.J’aime les faire chanter, je sens qu’ils m’ai-ment, je voudrais les connaître un à un». Etencore: «Je crois qu’ici, je serai vraiment unprêtre à l’ancienne: catéchisme, chants, visi-ter les malades, dire la messe…. avec cesgens qui ont besoin de pain, de routes, de tra-vail, d’hygiène. Les garçons de l’Opérationviendront m’aider à trouver une solution àtous leurs besoins».

Et c’est ce qui est arrivé dans les années quiont suivi: avec l’aide des volontaires de l’Opé-ration Mato Grosso, le père Ugo a réalisé unnombre incalculable d’œuvres de charité: desécoles professionnelles pour les graveurs surbois, pour les infirmières, et pour les maî-tresses d’école; un hôpital à Chacas, des mai-sons d’accueil pour orphelins ou pour enfantsabandonnés; la réparation et la constructionde ponts et de routes, et même la réalisationd’une centrale hydroélectrique qui fournitl’énergie au village. Toutes ces œuvres portentle nom de don Bosco ou de Marie Auxiliatrice,dans la plus pure tradition salésienne. Et natu-rellement, le patronage pour des milliers d’en-fants, garçons et filles, qui s’y pressent tous lesdimanches.

«Vous devriez venir à Chacas», écrit l’undes confrères du père Ugo, dont il est aussi lecollaborateur «pour connaître sa maison,pour découvrir la richesse d’un cœur librecomme le sien, un cœur qui conquiert facile-ment ceux qui l’approchent. Vous découvri-riez que la maison du père Ugo est commeune place, sans murs, sans portes. Bien sûr, ily a eu des portes et des murs, mais les gensqui s’y pressent sont si nombreux qu’ils lesont fait tomber. Un peu comme le dit le psau-me: “Les murs d’enceinte de la vigne du Sei-gneur ont été abattus, et tous les passants yfont leur vendange”».

Au fil des ans, des centaines de volontairesont voulu consacrer quelques mois à aider lepère Ugo dans sa mission. Certains sont restésplus d’un an, d’autres ont décidé de rester pourtoujours, d’autres enfin ont senti le désir desuivre l’exemple du père Ugo, et ils ont pris lechemin du sacerdoce. Ainsi a-t-il fondé un sé-minaire pour les aspirants prêtres, qui sont en-suite “donnés” aux différents diocèses du Pé-rou, car l’Opération Mato Grosso n’a pas destatut juridique dans l’Église. L’un d’entre eux,un jeune prêtre italien, le père Daniele Badiali,a terminé son existence terrestre en 1997, as-sassiné par un groupe de bandits qui l’avaientenlevé pour obtenir une grosse rançon. Le pè-re Daniele avait mûri sa vocation dans le cadrede l’Opération Mato Grosso. Deux ans de bé-névolat à Chacas, de 1984 à 1986, l’amènentà prendre la décision définitive. Il rentre àFaenza, entre au séminaire régional de Bo-logne et, peu après son ordination pour le dio-cèse de Faenza-Modigliana, il est envoyé com-me prêtre fidei donum au diocèse de Huari auPérou pour aider le père Ugo dans sa mission.C’est ainsi que le 1er septembre 1991, il estchargé de la paroisse de San Luis, sur la Cor-dillère Blanche: un vaste territoire, avec plusde soixante villages disséminés dans les mon-tagnes, où l’on ne peut arriver qu’à cheval ou à

60 30JOURS N.10 - 2011

Ci-dessus,

la nouvelle église

de San Luis,

au Pérou, inaugurée

le 18 mars 2007;

en haut, à droite,

travaillant pour

décorer le chœur

de l’église,

les jeunes de l’école

professionnelle

pour graveurs

sur bois fondée par

le père Ugo

Récits des missions

Page 61: Le continent africain «poumon» spirituel de l’humanité 10 FRANCESE... · Le continent africain «poumon» spirituel de l’humanité La deuxième visite pastorale de Benoît

pied. Le père Daniele essaie d’atteindre toutesces communautés, même les plus éloignées,et son presbytère devient un point de référen-ce pour les innombrables besoins des pauvres.Il décrit ces conditions dans l’une de ses lettres:«Ces quelques minutes pour écrire, je les ai vo-lées aux gens qui frappent continuellement àma porte, pour demander des vivres, des mé-dicaments, pour demander, pour demander,pour demander… Je suis étourdi par ces as-sauts continuels, j’ai de la peine à sortir de chezmoi, car je les vois déjà qui me courent aprèspour me chercher, pour demander. Je ne saispas quoi faire… J’ai envie de me sauver devanttout ce monde, parce que je ne veux pas direoui, tout en sachant que je ne peux leur refuserune aide… Je suis appelé à tout donner, en sa-chant que demain, je recommencerai à zéro etque je devrai tout donner encore une fois. Cespauvres ont planté dans mon cœur une épinequi ne cesse de me faire souffrir, et il ne dépendpas de moi de la calmer. Il est midi, je sors pourdéjeuner avec les enfants du taller [atelierndr], j’ouvre ma porte et je vois une vieille fem-me sur le seuil. Elle ne dit rien, alors que lessupplications des autres finissent par être exté-nuantes. Son silence m’a percé le cœur, je fer-me les yeux, je descends prendre un bol desoupe, avec des pâtes italiennes: je le lui don-ne, j’ai honte, c’est elle qui doit implorer Jésuspour qu’il me donne la grâce du salut. Elle meremercie avec un sourire qui me semble trèsdoux. Et si c’était vraiment Jésus qui se cachaitderrière cette vieille femme crasseuse?».

Il commence à travailler au patronage,avec les enfants. En mars 1992, il en préparequatre-cents à la première communion. Enoctobre de la même année, un volontaire amide Daniele, Giulio Rocca, qui mûrissait luiaussi une vocation au sacerdoce, est tué parun groupe de terroristes. Voici ce que Daniele

écrit au sujet de cette mort: «Giulio est mortcomme un martyr. Ce n’est pas lui qui l’achoisi, c’est la situation qui l’a fait mourir demort violente, comme les martyrs. Aujour-d’hui, je comprends clairement ce que veutdire pour moi l’Opération Mato Grosso: don-ner sa vie jusqu’au martyre. Tout cela me faitpeur, mais en même temps, je sens une quié-tude en moi…».

Dans les années qui suivent, à partquelques retours en Italie pour des raisons desanté, il se donne corps et âme au travail de lamission. Il construit un refuge andin avec sesjeunes pour accueillir les escaladeurs et lestouristes, car cela lui permet d’aider financiè-rement les plus pauvres. En 1997, bien qu’ilait en tête de retourner en Italie, il décide derester au Pérou tout en se chargeant des acti-vités du père Ugo, qui doit s’absenter pourprêcher les retraites des bénévoles. Il passehuit semaines dans le village de Yanama pourpréparer huit cents enfants à la confirmation.Tous les vendredis, il les prépare à la confes-sion: c’est le moment le plus important pourle père Daniele, qui le décrit ainsi dans cettedernière année de sa vie: «Aujourd’hui, c’estle jour de la Passion. Je ne peux rien dire, jevoudrais seulement pleurer. J’ai eu froid. Jedésirais que les enfants me tendent la main, jene demandais pas qu’ils viennent prendre maplace, mais seulement qu’ils m’aident. Queveut dire tendre la main à quelqu’un quisouffre? Je devais parler de la mort de Jésus,je ne pouvais pas la raconter comme un contede fées. Les enfants étaient si distraits que celame perçait le cœur, et j’entendais le diable quiriait: “Tu te démènes, tu t’agites, mais cela nesert à rien”. Ils auraient dû prier ou au moinstenir les mains jointes. Mais on ne peut pas

6130JOURS N.10 - 2011

Le père Ugo

et le père Daniele

dans une procession

Le père Daniele

écoute une confession

Opération Mato Grosso

¬

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prétendre, il ne faut que donner… pardonner.Je me suis senti comme un condamné à mort,c’était comme si la scène de la Passion se ré-pétait ici. Je recevais tous les coups. J’ai dû les

accepter tous, cela au-rait été une erreur de lesrefuser. J’espère seule-ment que cette souf-france servira à quel-qu’un. Je l’offre. MonDieu, je n’avais qu’unseul désir, parler de Toiaux enfants».

À son retour dans laparoisse de San Luis, le10 mars 1997, la pré-paration de la première

communion commence pour cinq-cents en-fants: quinze jours de participation intense, ré-partis entre le catéchisme, la prière et les jeux,jusqu’au Jeudi Saint où ils auraient reçu Jésuspour la première fois. Le père Daniele travailleinlassablement, tout en attendant le retour dupère Ugo. Il écrit alors: «Je suis de nouveau in-capable de m’abandonner, de laisser Dieu me-

ner toute chose: même s’il mesemble jouer le tout pour le tout, jeme retrouve comme si je devais en-core parier sur Dieu. Être des servi-teurs inutiles, cela veut vraiment di-re qu’on fait appel au maître, en re-mettant tout entre ses mains, sansrien vouloir conduire. Être des ser-viteurs inutiles, cela veut vraimentdire invoquer Jésus avec sespropres armes: la bonté, le pardon,l’abandon, la patience, un souri-re… la mort».

Six jours après, le 16 mars, undimanche, après avoir célébré lamesse du soir dans le petit village deYauya, il trouve tout à coup la routebloquée par des pierres. Survientun bandit armé qui demande quel-qu’un en otage. Une volontaire ita-lienne, Rosamaria, esquisse unmouvement pour sortir de la jeep,mais Daniele l’arrête: «C’est moiqui y vais, reste ici». Un message dequelques lignes, destiné au pèreUgo, indique le prix de la rançon.Mais deux jours après, le 18 mars,le corps du père Daniele est retrou-

vé sur un talus pierreux. Quelques jours aupa-ravant, quand il était encore en liberté, il avaitécrit à un ami en Italie, à propos de la “bonnebataille” de la foi: «C’est surtout quand on serend compte que la bataille en faveur de Dieuest déjà perdue… que l’on doit mourir sur lechamp de bataille pour que Dieu entre en liceet abatte l’ennemi, le diable. Nous n’avonsqu’à préparer la venue du Seigneur. Cela nouscoûte très cher, parce que nous devons don-ner la vie pour un Dieu qui compte de moinsen moins dans la vie des hommes. Tu te ren-dras bientôt compte que ce Dieu auquel tu dé-sires être utile n’est pas tellement recherché etaimé par les hommes. Et plus tu iras del’avant, plus il te semblera que ce Dieu est entrain de disparaître de la vie des hommes, etmême de la nôtre. Il te laisse seul pour le repré-senter sur le champ de bataille. Tu te deman-deras souvent: «Mais quand arrivera le Sei-gneur? Et tu n’entendras aucune réponse,c’est toi qui devras donner la réponse par tavie. Le général entrera quand et comme il vou-dra… Nous ne connaissons ni le jour, ni l’heu-re… La seule chose sûre, ce sont les disposi-tions qu’il nous a laissées pour combattre l’en-nemi: “Va, vends tout ce que tu as et donne-leaux pauvres… Si tu veux être mon disciple,prends ma croix et suis-moi…”. Ton compa-gnon de bataille, père Daniele». Et aujour-d’hui, le diocèse de Faenza-Modigliana a ou-vert les procédures pour sa béatification.

Le martyre du père Daniele a fait fleurirune série de vocations pour l’Opération MatoGrosso. Aujourd’hui, le séminaire du diocèsede Huari accueille environ quarante aspirantsau sacerdoce et la mission du père Ugo estplus active et florissante que jamais, même silui, qui a presque quatre-vingt-dix ans, ne veutpas entendre parler de nommer un succes-seur, ou de donner une règle à son œuvre: «Sic’est une œuvre de Dieu», répète-t-il souvent,«elle continuera. Sinon, il vaut mieux qu’ellefinisse».

À cet âge vénérable, il semble vraiment unpetit enfant: «Dieu n’est pas ce que j’ai», dit-il,«mais ce qui me manque et que je désire leplus. Je ne peux que reconnaître mon incré-dulité. Être pécheur, être incapable de vivre deDieu, être un pauvre homme qui n’a besoinque de la miséricorde de Dieu, que de Dieu.Que Dieu me prenne et qu’Il fasse de moi cequ’il veut. Mais qu’il me prenne». q

62 30JOURS N.10 - 2011

Opération Mato Grosso

Il est possible de nous contacter àlʼadresse mail [email protected] les renseignements concer-nant lʼomg (opération mato grosso),les groupes de travail en Italie, lescamps de travail dʼété et les moyensdʼaide à lʼomg, nous contacter direc-tement à cette adresse: [email protected], ou bien visiter lesite www.operazionematogrosso.it

Pour contribuer au procès debéatification et de canonisationdu père Daniele Badiali (en don-nant son propre témoignage sur lepère Daniele, en présentant deslettres de lui, en fournissant des ré-cits dʼévénements miraculeux attri-bués à son intercession), sʼadres-ser à don Alberto Luccaroni, jugedélégué. Pour recevoir des infor-mations et des publications sur lepère Daniele, sʼadresser à don Mir-ko Santandrea, vice-postulateur.

Pour dʼautres renseignements, visi-ter le site www.padredanielebadiali.it

POUR EN SAVOIR PLUS

Récits des missions

Le père Daniele

avec les jeunes

du patronage

de Yanama en 1992

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64 30JOURS N.10 - 2011

Le très récent petit livre d’IlariaRamelli, philologue et histo-rienne, spécialiste du christia-

nisme dans l’Antiquité, contient,comme elle l’indique elle-mêmedans la préface, une sélection debrefs articles de vulgarisation parusdans les années 2009 et 2010 surAvvenire. Il ne s’agit pourtant pas,comme on pourrait le croire, d’unesimple réédition d’interventions re-groupées par affinités de thèmes nid’un pur travail de compilation. Ils’agit, au contraire, d’un résumé trèsprécis et très dense qui illustre dansune synthèse qui, pour être extrê-mement concise, n’omet rien de né-cessaire ni de fondamental, les résul-tats des études que l’historienne amenées ces vingt dernières années,sur le premier christianisme, avecune grande rigueur méthodologique(en particulier en ce qui concernel’analyse philologique des textes etl’évaluation des sources historiques).

Ce livre donc, bien qu’il s’adresseprincipalement à des lecteurs nonspécialistes de la matière, est d’unegrande utilité pour le chercheur. Il seprésente en effet – et c’est là en par-ticulier le mérite de l’auteur et le ca-ractère précieux de l’œuvre – com-me un index raisonné très étenduqui ordonne et systématise une trèsvaste production (toutes les indica-tions bibliographiques nécessairesapparaissent toujours à l’endroitvoulu) et qui met en évidence le filconducteur d’une recherche cohé-rente et unitaire bien que “disper-sée” dans une quantité de revuesscientifiques spécialisées.

La structure de l’œuvre ne per-met pas de signaler dans un compte-rendu tous les sujets traités, sauf sil’on choisit de présenter de ces sujetsune longue liste, ce qui n’est pasdans notre intention. Aussi nous li-miterons-nous à indiquer les thèmesqui nous semblent les plus originauxet les plus significatifs.

Nous commencerons donc pardire que le livre est articulé en quatresections distinctes.

Dans la première, qui traite de lafigure de Jésus dans les sources nonchrétiennes du Ier siècle, deux textes,dont est démontrée l’authenticité, sedistinguent particulièrement. Ils se si-tuent dans une période bien anté-rieure aux passages connus de Taci-te: il s’agit de la lettre de Mara Bar-Serapion, un stoïcien païen, écritevers 73, et d’un passage des Anti-quités judaïques (XVII, 63-64) del’historien Flavius Josèphe, un phari-sien qui écrit au lendemain de la chu-te de Jérusalem (en 70); «C’est préci-sément l’extranéité des deux sourcesau christianisme, écrit l’auteur (p.10) «qui font de Mara et Josèphe destémoins précieux et non “suspects”de la figure historique de Jésus: etmême si ces auteurs ne croient pas àla résurrection physique, ils témoi-gnent de la foi qu’ont les chrétiens“puisqu’il leur apparut de nouveauvivant, le troisième jour” (Antiquitésjudaïque XVII, 64).

Plus loin, dans la troisième sec-tion, Ilaria Ramelli souligne la pré-sence d’une série d’évocations duchristianisme dans les satires et lesromans païens du I-IIe siècle: le Sa-

tyricon de Pétrone, Les aventuresde Chaeréas et de Callirhoé deChariton, Les Métamorphosesd’Apulée, œuvres dans lesquelles setrouvent des allusions, parfois évi-dentes, aux faits racontés dans lesÉvangiles. Dans la quatrième sec-tion, l’auteur recherche les traceshistoriques de la première diffusiondu christianisme, du Proche-Orientà l’Inde: on y trouve en particulierl’histoire du roi Abgar d’Édesse(dont le rapport avec l’empereur Ti-bère paraît fondé), l’évangélisationd’Édesse par Addaï (nom syrien deThaddée, l’un des soixante-dix dis-ciples de Jésus, envoyé par l’apôtreThomas), celle de la Mésopotamiepar Mari (disciple de Thaddée etconverti par lui), la mention dumandylion (l’image achiropite deJésus que l’on rapproche du Saint-Suaire), la mission de Pantenus enInde (accomplie par le philosophestoïcien, converti au christianismeet maître d’Origène et de Clémentd’Alexandrie entre 180 et 190).

Mais nous voudrions nous arrêterplus longuement sur la seconde sec-tion qui traite du premier christianis-me à Rome.

Dans cette section, l’auteur dé-montre que le christianisme fut im-médiatement connu à Rome: en té-moigne l’information, rapportée parTertullien, sur le Sénatus-consulte de35, par lequel le Sénat refusa la pro-position de l’empereur Tibère d’ac-corder la légitimité au credo chré-tien. Cette information considéréepar beaucoup d’historiens comme

Livres

Loyauté des chrétienset tolérance de RomeLes sources antiques, discutées dans les études

de l’historienne Ilaria Ramelli, sur le rapport

entre le premier christianisme et Rome,

contredisent la vulgata d’un pouvoir romain

idéologiquement ennemi des chrétiens

par Lorenzo Bianchi Ilaria Ramelli, I cristiani e l’impero romano.In memoria di Marta Sordi, Marietti 1820,Gênes-Milan 2011, 96 p., 12,00 euros

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douteuse, a été confirmée par IlariaRamelli, qui, en historienne, ajoutede nouveaux arguments à ceuxqu’avaient fournis Marta Sordi etCarsten Thiede. Parmi ceux-ci figu-re en particulier un fragment du phi-losophe néoplatonicien Porphyre(233-305), qui ne peut certainementêtre soupçonné, comme Tertullien,d’intentions apologétiques. Porphy-re, lorsqu’il refuse de croire en la ré-surrection de Jésus, déclare que s’ilétait vraiment ressuscité, il n’auraitpas dû apparaître à des personnesobscures (comme l’étaient lesapôtres) mais «à beaucoupd’hommes contemporains et dignesde foi, et surtout au Sénat et aupeuple de Rome, de sorte que les sé-nateurs, stupéfaits de ses prodiges,n’eussent pu, par un senatus-consul-te unanime, émettre une sentencede mort sous l’accusation d’impiété,contre tous ceux qui lui obéissaient».

On doit au Sénat la législationantichrétienne de Rome, mais Tibè-re ne permit pas que les chrétiensfussent mis en accusation; si bienque, jusqu’en 62, les chrétiens nefurent condamnés comme tels paraucune autorité romaine. La corres-pondance entre saint Paul et Sé-nèque, qui nous est parvenue parune voie différente de celle du cor-pus paulinien, témoigne aussi del’attitude de tolérance du milieu de lacour impériale à l’égard des chré-tiens. Cette correspondance, hâti-vement écartée comme apocryphedans la vulgata de la critique moder-ne, est ici, au contraire, à nouveauregardée, sur la base de nouvelles etabondantes considérations philolo-giques et lexicales particulièrementconvaincantes, comme probable-ment authentique, du moins en cequi concerne la plus grande partiedes lettres (ou mieux brefs billets) quinous sont parvenues et qui portentles dates des années 58 et 59. Cesont les années durant lesquelles (sil’on accepte la chronologie haute),Paul était à peine arrivé à Romepour être soumis au jugement del’empereur; en attendant son pro-cès, il jouissait d’une garde militairebénévole et était libre de prêcher etde diffuser le christianisme, mêmedans le prétoire («dans tout le prétoi-re et partout où l’on sait que je suisdans les chaînes pour le Christ» (Ph1, 13) et à la cour impériale ( tous les

saints vous saluent, surtout ceux dela maison de César», Ph 4, 22).

L’attitude de tolérance et mêmede bienveillance du pouvoir impérialromain à l’égard des premiers chré-tiens – au moins jusqu’au tournantautoritaire de Néron, en 62, et au dé-chaînement de la persécution aprèsl’incendie de Rome qui se déclara le19 juillet 64 (persécution qui, com-me nous le racontent Tacite, An-nales XV, 44, et Clément Romain,Les Corinthiens V, 3-7 – VI, 1, futalimentée par l’envie et la dénoncia-

tion de chrétiens –, décrite par IlariaRamelli dans la seconde section,nous renvoie nécessairement au titremême de son livre. Dans celui-ci, eneffet, l’auteur reprend à la lettre celuid’un ouvrage fondamental de sonmaître, Marta Sordi, titulaire pen-dant plus de vingt ans de la chaired’Histoire ancienne à l’Université ca-tholique du Sacré Cœur de Milan (Icristiani e l’impero romano, publiéen 1984 qui suit, résume et met àjour le précédent ouvrage Il cristia-nesimo e Roma, édité en 1965). Ila-ria Ramelli suit aussi, à travers la mé-thode de l’examen rigoureux, analy-

tique et attentif des sources histo-riques, l’idée fondamentale de sonmaître, à savoir que l’opposition,prouvée par les persécutions, entreceux qui administraient le pouvoirromain et les chrétiens, ne fut pas lerésultat, du moins dans ses racinesles plus profondes, d’un affronte-ment politique ou d’une lutte declasses, comme le veut un préjugéencore répandu. Cette oppositioneut en fait des causes diverses,causes liées pour la plupart à la sphè-re religieuse. Les documents histo-riques montrent que l’attitude deschrétiens du Ier siècle à l’égard dupouvoir impérial fut toujours caracté-risée, et dès le début, par la loyauté etle respect de son autorité. Il est donchistoriquement erroné de voir dansl’empire romain une incarnationparticulièrement maligne du pouvoiret l’ennemi de l’Église; et même aucontraire – ajoutons-nous –, c’estprécisément l’empire romain, com-me le suggère l’interprétation que

saint Jean Chrysostome (HomélieIV, Sur la IIe Épître aux Thessaloni-ciens, PG 62, 485) donna des pa-roles de saint Paul, qui semble s’inter-poser pour faire obstacle au véritableennemi de l’Église, à savoir l’Anté-christ. «Et maintenant sachez ce quiempêche sa manifestation [celle del’Antéchrist], qui se produira à sonheure. Le mystère de l’iniquité est dé-jà en acte; mais il est nécessaire quesoit supprimé ce qui, jusqu’à présent,le retient» (2 Ts, 2, 6-7). Or ce qui re-tient le mystère de l’iniquité, selonsaint Jean Chrysostome, c’est lepouvoir impérial de Rome. q

6530JOURS N.10 - 2011

Ci-dessus, saint JeanChrysostome(344-407 env.); à droite, le Colisée

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est le mensuel international le mieuxinformé sur la vie de l’Église. Dans ses pages, les événements politiques et ecclésiastiques les plusimportants commentés par les intéressés. Dans chaquenuméro, des dossiers historiques, des reportages et desinformations venant du monde entier, des événementslittéraires et artistiques, des inédits.

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Ce petit livre, dont 30Giornia déjà distribué des centaines de milliers d’exemplaires, contientles prières les plus simplesde la vie chrétienne, comme celles du matin et du soir,et tout ce qui aide à bien se confesser.

Il est possible de demander des exemplaires de toutes les éditions (l’édition italienne existe en grand et en petit format) en écrivant à: 30GIORNI via Vincenzo Manzini,45 - 00173 Roma, Italia ou à l’adresse e-mail: [email protected]

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