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HAL Id: hal-01898797 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01898797 Submitted on 18 Oct 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Copyright La Responsabilité Sociale de l’Entreprise : une diversité des concepts, des enjeux multiples et imbriqués et diverses méthodes de mesure Abderrahman Jahmane, Pierre Louart To cite this version: Abderrahman Jahmane, Pierre Louart. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise : une diversité des concepts, des enjeux multiples et imbriqués et diverses méthodes de mesure. Management & Sciences Sociales, Kedge Business School, 2013, Responsabilité sociale des entreprises et les PME, pp.99-117. hal-01898797

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  • HAL Id: hal-01898797https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01898797

    Submitted on 18 Oct 2018

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    La Responsabilité Sociale de l’Entreprise : une diversitédes concepts, des enjeux multiples et imbriqués et

    diverses méthodes de mesureAbderrahman Jahmane, Pierre Louart

    To cite this version:Abderrahman Jahmane, Pierre Louart. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise : une diversité desconcepts, des enjeux multiples et imbriqués et diverses méthodes de mesure. Management & SciencesSociales, Kedge Business School, 2013, Responsabilité sociale des entreprises et les PME, pp.99-117.�hal-01898797�

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  • La Responsabilité Sociale de l’Entreprise : une diversité des concepts,des enjeux multiples etimbriqués et diverses méthodes de mesure

    Abderrahman JahmaneDocteur en sciences de gestion, IaE de Lille, Lille Economie & Management (LEM)[email protected]

    Pierre LouartProfesseur, IaE de Lille, Université de Lille [email protected]

    La Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) est devenue, ces dernières années , l’un

    des thèmes les plus importants de la littérature managériale. Ce concept correspond

    bien à l’intégration, par l’entreprise, d’objectifs sociaux en plus des objectifs

    économiques. Cette notion de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) suscite un

    intérêt grandissant dans le monde académique et managérial francophone et

    européen. Ce phénomène, parfois assimilé à la diffusion d’une véritable mode

    managériale « importée » des Etats-Unis vers les pays européens, apparaît surprenant

    lorsqu’il est analysé d’un point de vue socioculturel.

    Mots clés : Responsabilité sociale de l’entreprise, performance, parties prenantes.

    Introduction

    La Responsabilité Sociale1 de l’Entreprise(RSE) ne cesse de susciter un intérêt de lapart des chercheurs depuis unecinquantaine d’années (Friedman, 1962;McGuire, 1963; Carroll, 1979 ; Jones,1980 ; Wood, 1991 ; Clarkson, 1995 ;Husted, 2000). toutefois, l’appropriationdu vocabulaire issu de la RSE sembleindiquer une absence flagrante quant à lasignification et les différents aspectscouverts par ce concept.

    1. Le terme « social », en français, peut renvoyer,

    dans une acception étroite, aux relations de travail

    (comme par exemple dans « bilan social » ou

    « partenaires sociaux ») et, dans une acception

    large, aux relations qui se nouent dans l’ensemble de

    la société. Afin d’éviter toute ambiguïté, nous

    utiliserons le néologisme « sociétal » lorsque nous

    parlerons de comptabilité ou de notation. En

    revanche, nous conserverons le mot « social » dans

    l’expression « responsabilité sociale de l’entreprise »,

    qui est désormais bien enracinée dans les discours.

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  • Plusieurs définitions ont été avancées,différentes approches et orientations sontprises par les chercheurs pour cerner leconcept, sans que, pour autant, se dégage unconsensus. Ces diverses conceptualisations,souvent divergentes, ont fait émerger denombreuses tentatives d’opérationnalisation,mais qui se révèlent peu homogènes.

    L’ouvrage de Bowen (1953), The SocialResponsibilities of the Businessman, marquela naissance du concept et le début d’uneriche recherche (Carroll, 1999 ; acquier etGond, 2005). Cet ouvrage établit lesprincipaux fondements de la ResponsabilitéSociétale de l’Entreprise. Si Bowen estreconnu dans la littérature comme étant lepère de la RSE (Ben Yedder et Zaddem, 2009),acquier et Gond (2005) considèrent que detelles idées étaient « à la mode » dans lecontexte nord-américain de l’époque, ettémoignent de traces de l’éthiqueprotestante, telle que décrite par Max Weber(Ben Yedder et Zaddem, 2009).

    La Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE)est redevenue, ces dernières années, l’un des thèmes phares de plusieurs discip-lines de la littérature managériale. Ce concept correspondrait à l’intégration, parl’entreprise, d’objectifs sociaux en plus desobjectifs économiques. Cette notion deresponsabilité sociale de l’entreprise (RSE)suscite un intérêt grandissant dans le mondeacadémique et managérial francophone(Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004; Igalens,2004; allouche et Laroche, 2005) et européen(Commission européenne, 2001). Cephénomène, parfois assimilé à la diffusiond’une véritable mode managériale « importée » des États-Unis vers les payseuropéens, se révèle surprenant lorsqu’il estanalysé d’un point de vue socioculturel.

    En effet, depuis une dizaine d’années, laResponsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE)prend une importance croissante dans lespratiques et les discours des organisations.Les revues scientifiques de gestion2, desociologie, de science politique lui ontconsacré des numéros spéciaux.

    Selon la Commission européenne, ladéclinaison des principes du développementdurable, à l’échelle des entreprises, doit sefaire par le biais de la responsabilitésociétale. Elle définit la responsabilitésociétale des entreprises (RSE) comme « l’intégration volontaire, par les entreprises,de préoccupations sociales etenvironnementales à leurs activitéscommerciales et à leurs relations avec leursparties prenantes » (2001, p. 8). Cetteresponsabilité signifie, essentiellement, queles entreprises, de leur propre initiative,contribuent à améliorer la société et àprotéger l’environnement, en liaison avecleurs parties prenantes. Ces partiesprenantes ou Stakeholders, définies parFreeman (1984) comme tout groupe ouindividu pouvant influencer ou être influencépar l’activité de l’entreprise, attendent desentreprises qu’elles rendent compte de lamanière dont elles conduisent leurs activités et assument leurs impacts sur les employés, les actionnaires, les riverains,l’environnement, etc.

    C’est dans ce contexte que le concept deperformance globale est mobilisé dans lalittérature managériale pour évaluer la miseen œuvre des stratégies de développementdurable par les entreprises et rendre comptede leurs responsabilités sociétales envers lesdiverses parties prenantes3. Comme lesoulignent Capron et Quairel-Lanoizelée(2004, p. 97), « le concept de parties

    2. Ainsi Business and Society soutenue par IABS(International Association for Business and Society),

    Business Ethics Quarterly soutenue par la SBE (Society forBusiness Ethics), Business Ethics : a European Review,Society and Business Review, Journal of Business Ethics.3. On distingue classiquement deux groupes de parties

    prenantes : les parties prenantes contractuelles qui

    concernent les acteurs en relation directe et déterminée

    contractuellement avec l’entreprise (par exemple, les

    clients, les fournisseurs, les salariés, les actionnaires) et

    les parties prenantes « diffuses » qui sont les acteurs

    situés autour de l’entreprise qui se trouvent impactés par

    l’action de cette entreprise mais sans pour autant se

    trouver en lien contractuel avec elle (par exemple, les

    collectivités locales, les organismes publics, les ONG). Ce

    sera le sujet de la section 2 de notre présente recherche.

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  • prenantes est omniprésent dans toute lalittérature sur la responsabilité sociétale desentreprises ».

    aujourd’hui la Responsabilité Sociale del’Entreprise alimente un grand nombre de pratiques : bilan sociétal, notation,investissements responsables, mécénat etfondations d’entreprise, lobbying, productionde normes, chartes, livres blancs, campagnesmédiatiques… Ces pratiques peuvent, elles aussi, revêtir des significations etintentions variables : de l’opportunisme auphilanthropisme, du cynisme au militantisme,de l’attentisme au prosélytisme. LaResponsabilité Sociétale de l’Entreprisetraite, pour une large part, non seulement del’entreprise mais aussi de ses relations avec lasociété.

    À travers cet article nous reviendrons dansune première section sur l’historique et leconcept de la responsabilité sociale del’entreprise, puis présenterons dans lasection suivante les enjeux qui sont multipleset imbriqués, et enfin, dans une troisièmesection, nous mettrons en avant lesdifférents moyens de mesure de laperformance sociale de l’entreprise .

    Historique et Concept de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise

    Depuis le début des années 1970, le monde aprogressivement pris conscience que lacroissance économique n'entraîne pasnécessairement le progrès social et risquemême de mettre en danger l'équilibrenaturel de la planète. Les catastrophesindustrielles à répétition (Seveso, Bhopal,tchernobyl, Exxon Valdez, Erika, aZF…) fontcroître les préoccupations du public quant àson milieu de vie et à l'environnement engénéral. Mais au-delà de la seule perspectiveenvironnementale, les scandales financiers(Enron, Parmalat, Vivendi…), leslicenciements abusifs, le travail des enfants,les salaires démesurés de certains dirigeants

    d'entreprises, etc. ont souligné un besoind'éthique dans notre société (et passeulement dans les entreprises). Lesdisparités entre les pays développés et ceuxqui le sont moins appellent également unbesoin d'équité non seulement au sein dechaque pays mais aussi entre les pays. À cepoint, beaucoup de notions telles que le bilan social, l'entreprise citoyenne, ledéveloppement durable, la responsabilitésociale (ou sociétale) de l'entreprise (RSE), lesparties prenantes, ont émergé. Pour Combes(2005, p. 445), « la Responsabilité Sociale del’Entreprise s’inscrit en Europe dans unelongue tradition de capitalisme social,contrairement à un courant américain plutôtmoraliste ».

    En France, en particulier, la notion deResponsabilité Sociale de l’Entreprise estdirectement issue de réflexions sur la placede l'entreprise dans la société, concrétiséespar l'établissement d'un bilan social annueldans les entreprises de 300 salariés et plus(loi du 12 juillet 1977), puis par le concept del'entreprise citoyenne proclamé par le Centredes Jeunes Dirigeants dès 1975 et consacrépar les lois auroux (1982).

    Depuis le rapport Brundtland (1987), onassiste à la constitution de tout un corpus deprincipes, de lois et de règlements, de guideset de normes cherchant à établir un meilleuréquilibre entre les dimensions économique,sociale et écologique en vue d'undéveloppement durable (SustainableDevelopment).

    La préoccupation des dirigeants pour laqualité de l'environnement social de leursemployés n'est pas nouvelle en France. « Lesdiscours et les pratiques des dirigeants duXIXe siècle sont déjà imprégnés de moralisme, liés à la religion, mais aussi à des comportements individuels laïcs. Lepatronage, puis le paternalisme, constituentl'essentiel des relations sociales entre patronset ouvriers en France à partir de la révolution industrielle » (Ballet et De Bry,2001, p. 43).

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  • L'approche contemporaine de laResponsabilité Sociale de l’Entreprise estmarquée par l'ouvrage de Bowen (1953),Social Responsabilities of the Businessman,que beaucoup considèrent comme étant lepremier à aborder ce sujet. Selon lui, lanotion de Responsabilité sociale repose surdeux principes :• Le contrat social (niveau macro) : si

    l'entreprise existe, c'est parce que lasociété le veut bien et en contrepartie soncomportement et ses méthodes doiventrespecter les lois formulées par la société ;

    • L’agence morale (niveau micro) : de par son influence dans la société et son pouvoir dedécision, l'entreprise doit avoir uncomportement exemplaire, cohérent avecles valeurs de la société.

    À ce point, il est tout à fait normal dans uncontexte macroéconomique de savoir quidéfinit la Responsabilité sociale del’entreprise.

    Qui définit la Responsabilité sociale de l’entreprise ?

    trois catégories de partenaires peuventinfluencer la définition de la responsabilitésociale de l’entreprise : les actionnaires, lesStakeholders et la société.

    Les actionnaires définissent

    la Responsabilité sociale de l’entreprise :

    le modèle shareholders

    Pour Friedman (1962, 1970), ceux quidéfinissent la RSE sont clairement identifiés :• la responsabilité sociale de l’entreprise

    dépend des exigences des actionnaires, « généralement » sensibles à l’applicationdes règles de droit et des règles éthiques ;

    • le dirigeant est, au nom des actionnaires, le garant de l’application de ces règles.

    ainsi selon Friedman, qui s’appuie sur lemodèle économique orthodoxe, seul l’usagejuridique du concept de responsabilité est àprendre en compte. au travers des règles de

    droit et de jurisprudence, la justice définitexplicitement l’ensemble des obligations desemployeurs.

    Selon cette approche, l’intégration de la RSEse limite à la stricte application des règles dedroit en matière de pratiques sociales commede pratiques commerciales, et le dirigeant estgarant de l’application de ces règles. Dans laconduite de l’entreprise, le dirigeant appliquetout le droit, mais rien que le droit, et ni lui niles actionnaires n’ont à envisager lesrépercussions néfastes de leurs décisions surle plan social.

    Mintzberg (2004, p. 183-203) rejette lespositions théoriques censées justifier cetteconception de la RSE. Il constate que :• les actionnaires n’optimisent pas les

    possibilités de contrôle dont ils disposentpour cadrer l’action des dirigeants ;

    • il n’y a pas de concurrence ouverte et libre :plus l’entreprise est grande, plus ellemanipule le marché, appliquant des règlesqui n’obéissent ni au droit, ni à l’éthique.

    Ces critiques sont largement admises et lesarguments de Friedman sont aujourd’huiinvalidés sur le plan économique (Stiglitz,2003, p. 46-54 et p. 329-340) et écartés, sur leplan social, par de nombreux dirigeants etacadémiques (Pesqueux et Ramanantsoa,1995).

    Les « partenaires » définissent la RSE :

    le modèle stakeholders

    Martinet et Reynaud (2001, p. 13-17)rappellent que l’entreprise n’est passeulement un agent de production, maisaussi une organisation sociale et un systèmepolitique. La légitimité des décisions dunoyau stratégique n’est pas uniquementsoumise aux demandes des actionnaires maisaussi à la pression d’un ensemble des partiesprenantes. Selon ce modèle « partenarial »(Freeman, 1984), la RSE se comprend commela capacité à satisfaire les intérêtsquelquefois contradictoires des différentsStakeholders. L’approche de la RSE est en

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  • effet, à la fois juridique, en respectant lecadre légal, et gestionnaire, en intégrant lesintérêts des différentes parties prenantes.

    Selon cette vision, le dirigeant arbitre lesintérêts contradictoires des Stakeholders(personnels, actionnaires), respecte le cadrelégal, et il cherche à intégrer des pratiques deRSE qui s’exercent au bénéfice de tous. En1999, Mercier (p. 66) a signalé la nécessitéd’une implication de tous les niveauxhiérarchiques. Selon lui, la direction généraledéfinit les orientations; le service ressourcehumaine propose, coordonne et harmonisedes pratiques qui répondent à cesorientations, alors que l’encadrementrespecte ou améliore ces pratiques dans lagestion quotidienne des personnes.

    au-delà, Mercier (1999, p. 66-69) indique lanécessité de prendre en compte nonseulement les potentiels mais aussi lesattentes des salariés en matière de pratiques« socialement responsables ».

    La société définit la RSE :

    le modèle du volontarisme social

    Selon Brummer (1991) les entreprisesdoivent favoriser activement les projetssociaux même lorsqu’ils entrent en conflitavec la maximisation de la valeur créée. LaRSE consiste alors en une prise en comptevolontaire d’attentes qui sont exprimées auniveau de la société dans son ensemble.amadieu (1999) donne de la RSE unedéfinition qui relève également de cetteconception : la responsabilité sociale del’entreprise est « une notion qui recouvrel’ensemble des conséquences humaines etsociales de son [l’entreprise] fonctionnementet de son activité ».

    Cette définition, qu’on peut considérercomme étant de loin la plus intéressante, estcelle qui traduit le mieux la notion deresponsabilité prospective définie par Jones(1990). C’est pourquoi on peut comprendrela RSE comme un construit social dépendantlargement de contextes culturels et qui

    intéresse des disciplines scientifiquesdistinctes.

    Concept de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise

    Plusieurs chercheurs ont tenté de fournir desdéfinitions du concept de la Responsabilitésociale de l’entreprise sans pour autant qu’unconsensus se dégage (Bowen, 1953 ;Friedman, 1962 ; Wood, 1991; Clarkson, 1995; Husted, 2000). Selon allouche et Laroche(2004), les tentatives de définition de laResponsabilité Sociale de l’Entreprise par lesacteurs concernés, entreprises, agences denotations et chercheurs, ont généré uneconfusion dans la conceptualisation de cettenotion. ainsi, donner au concept de la RSEune définition exacte est un exercice aussicomplexe que périlleux, c’est bel et bien unenotion aux contours flous.

    Parallèlement, la responsabilité sociétale desentreprises s’impose comme un conceptdans lequel les entreprises intègrent, sur unebase volontaire, les préoccupations sociales,environnementales et économiques dansleurs activités et dans leurs interactions avec les différentes parties prenantes. Dans la pratique, la Responsabilité sociale de l’entreprise peut couvrir, par exemple, la qualité globale des filièresd’approvisionnement et de sous-traitance, la recherche de relations durables etcoopératives avec les fournisseurs, la prise encompte des attentes des clients (via desprocédures qualité, des numéros verts, desservices d’information-client et des enquêtesde satisfaction), le bien-être des salariés, la qualité du management et del'environnement de travail, l’incitation àl'autonomie, la formation et la rémunération,l’empreinte écologique de l’entreprise.

    La Responsabilité Sociétale de l’Entrepriseapparaît ainsi comme la déclinaison pourl’entreprise des concepts de développementdurable qui intègrent les trois piliersenvironnementaux, sociaux et économiques.

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  • À ce point, Gabriel et Gabriel (2004)envisagent le développement durablecomme une nouvelle convention, permettantde réconcilier les logiques économiques etcitoyennes, tandis qu’Igalens (2003) a évoquél'avènement d'un nouveau paradigme avec laResponsabilité sociale de l’entreprise. LaResponsabilité sociale de l’entreprise peutêtre alors envisagée comme le conceptmanagérial du développement durable4.

    Les définitions jusqu’à présent données auconcept semblent être peu uniformes. Il n’estpas surprenant de constater la multiplicitéd’orientations prises par les chercheurs pours’approprier le concept. Chaque auteur l’aabordé d’un point d’ancrage différent, en seréférant à une discipline pour le cerner.

    Pour parvenir à approcher le concept, il seraitplus pertinent de mettre en avant l’évolutiondu construit Responsabilité sociale del’entreprise et de mettre en lumière « lalogique d’accumulation de connaissancesautour du construit qui s’opère à travers lesgisements sémantiques renvoyant chacun àune étape précise de sa constructionthéorique » (Gond et Mullenbach, 2004).Pour Ben Yedder et Zaddem (2009, p. 86),« les définitions académiques du concept sedistinguent par la volonté de fournir un cadred’analyse général indépendant des objectifspropres à une organisation donnée ». Eneffet, la Responsabilité sociale de l’entreprisepeut être considérée aussi comme étant« l’ensemble des actions visant le bien socialau-delà des intérêts de la firme et de ce quiest demandé par la loi » (McWilliams etSiegel, 2000).

    Définitions de la RSE

    Les textes fondateurs de la Responsabilitésociale de l’entreprise se réclament tous devaleurs universelles, qu’il s’agisse de laDéclaration des droits de l’homme de 1948,de la déclaration de Rio de 1992, desprincipes et droits fondamentaux del’Organisation internationale du travail (OIt),de la Charte des droits fondamentaux de

    l’Union européenne adoptée à nice en 2000(Igalens et Joras, 2002). Pour ne citer qu’unexemple, lorsque le Secrétaire Général desnations Unies, Kofi annan, lance à Davos en1999 le « pacte mondial des entreprises » ildéclare : “I propose that you, the businessleaders gathered in Davos, and we, theUnited Nations, initiate a global compact ofshared values and principles, which will give ahuman face to the global market”.

    La Responsabilité sociale de l’entreprise estun concept mal défini. Cet état de fait n’estpas lié à une absence de définition, mais aucontraire à une « prolifération de laterminologie » pour reprendre l’expressionde Rowe et al. (2006). Carroll (1999) a définila notion de Responsabilité sociale del’entreprise comme étant la capacité d’unefirme à répondre aux pressions sociales. alorsque pour Wood (1991), la réceptivité signifiela mise en place d’une gestion des relationsqui lient la firme avec les différentsStakeholders. Cette nouvelle notion apporteune orientation plus managériale et plusopérationnelle à la responsabilité sociétale.

    Suivant la définition proposée par le WorldBusiness Council for SustainableDevelopment en 1992, « la Responsabilitésociale de l’entreprise consiste en unengagement des entreprises à agir dans uncadre légal en vue de participer au progrèséconomique et de contribuer à l'améliorationde la qualité de vie de ses salariés, del'environnement et de la société dans sonensemble », alors que la Commissioneuropéenne (2001, p. 5) définit laResponsabilité sociale de l’entreprise comme« l'intégration volontaire par les entreprisesde préoccupations sociales etenvironnementales à leurs activitéscommerciales et leurs relations avec leurs

    4. Elle a été à l’ordre du jour du Sommet de la Terre de

    Johannesburg en 2002 auquel ont participé de grandes

    entreprises, notamment françaises, des secteurs de

    l’environnement et de l’énergie.

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  • parties prenantes ». ainsi la Responsabilitésociale de l’entreprise signifie « nonseulement satisfaire pleinement auxobligations juridiques applicables, mais aussialler au delà et investir 'davantage' dans lecapital humain, l'environnement et lesrelations avec les parties prenantes ». Cettedéfinition se distingue, par exemple, de ladéfinition du ministère français de l’Écologiepour qui « la responsabilité sociétale desentreprises (RSE) est la déclinaison desprincipes du développement durable àl’échelle de l’entreprise. Elle signifieessentiellement que les entreprises, de leurpropre initiative, contribuent à améliorer lasociété et à protéger l’environnement, enliaison avec les parties prenantes »5. En 2000,selon l’Organisation de la Coopération et duDéveloppement Économique, « laresponsabilité sociale des entreprises est leurengagement à contribuer au développementéconomique, tout en préservantl’environnement, en travaillant avec lesemployés, leur famille, la communauté localeet la société dans son ensemble afind’améliorer la qualité de vie de l’ensemble deces acteurs ».

    Une autre définition, qu’on peut reteniraussi, est celle de Mc Williams et Siegel(2000)6 : « Nous définissons la ResponsabilitéSociale de l’Entreprise comme des actionspermettant d’améliorer le bien-être social au-delà des intérêts de la firme et de ce qui estrequis par la loi ». Jones (1980), en insistantsur les obligations de l’entreprise envers sesparties prenantes, a proposé une autredéfinition : « la responsabilité sociale del’entreprise est la notion selon laquelle lesentreprises ont une obligation envers desacteurs sociaux autres que les actionnaires etau-delà des prescriptions légales oucontractuelles »7.

    En 2002, d’autres définitions sont proposéespar la même Commission : la Responsabilitésociale de l’entreprise est un concept quireconnaît que « les entreprises peuventcontribuer au développement durable engérant leurs opérations en vue, d'une part, de

    renforcer la croissance économique etd'accroître leur compétitivité et, d'autre part,de garantir la protection de l'environnementet promouvoir leur responsabilité sociale »(Commission européenne, 2002).

    Malgré les nombreuses interprétations dontfait l'objet la Responsabilité sociale del’entreprise et la variété des approches, ilsemble néanmoins qu'il existe un consensussur ses principales caractéristiques : « LaResponsabilité Sociétale de l’Entreprise estintrinsèquement liée au concept dedéveloppement durable : les entreprisesdoivent intégrer les retombées économiques,sociales et environnementales dans leurgestion », (Commission européenne, 2002)c'est-à-dire qu'elles doivent non seulementse soucier de leur rentabilité et de leurcroissance, mais aussi de leurs impactssociaux et environnementaux.

    En effet la Responsabilité sociale del’entreprise est un engagement volontaire del'entreprise de mettre en œuvre unedémarche de développement durable. « LaResponsabilité sociale de l’entreprise n'estpas une option à 'rajouter' aux activitéscentrales de l'entreprise – elle a trait à lagestion même de l'entreprise », (Commissioneuropéenne, 2002).

    La Responsabilité sociale de l’entrepriseimplique la prise en compte des attentes detous les acteurs (ou « parties prenantes »),internes à l'entreprise (actionnaires, salariés) et externes à l'entreprise (clients,fournisseurs, détenteurs de capitaux, sociétécivile), qui peuvent être affectés par sonfonctionnement. C'est une condition sine qua

    5. Commission européenne, juillet 2001, p. 8.

    6. C’était aussi la définition retenue dans le numéro

    spécial de Structural Change and Economic Dynamics(2004), et noté aussi par Mc Williams, Siegel et Wright en

    préambule du numéro spécial consacré à la RSE du

    Journal of Management Studies (2006, p. 8). 7. « Corporate Social Responsibility is the notion that

    corporations have an obligation to constituent groups in

    society other than stockholders and beyond that

    prescribed by law or union contract ».

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  • non de la réussite de l'entreprise (Hillman etKeim, 2001). La Responsabilité sociale del’entreprise traite de la place de l’entreprisedans la société, de sa contribution à la vie ensociété et pas uniquement dans sa dimensionéconomique.

    À cet effet, la Responsabilité sociale del’entreprise permet d’aborder tout ce quiexcède le rôle de l’entreprise comme simpleagent économique : elle offre uneopportunité de sortir d’une visionétroitement économique de l’entreprise,comme l’ont bien perçu ses opposantslibéraux, de Friedmann jusqu’à Jensen. Laquestion du profit comme finalité ultimevoire unique de l’entreprise se pose alors.Capron et Quairel-Lanoizelée relèvent ainsi :« les parties prenantes servent de base auxdomaines d’évaluation de la performancesociétale et constituent les publics cibles de ladiffusion d’informations sociétales. Les diversréférentiels de management de laResponsabilité sociale de l’entreprise sontfondés sur la théorie des parties prenantes »(2004, p. 100). alors que pour allouche etLaroche, « dans une conception actuelle, laResponsabilité Sociale de l’Entreprise intègretrois éléments : honorer des obligations àl’égard de la pluralité des parties prenantes ;répondre aux demandes sociales émises parl’environnement socio-économique ; utiliserle concept et son champ d’application commeoutil de gestion » (2005, p. 6).

    Une définition très récente est proposée parEwa Björling8 : « La Responsabilité sociale del’entreprise est une manière pour lesentreprises de gagner des parts de marché etd'accroître leurs bénéfices par la bonnevolonté dont elles font preuve en matière deRSE. Les entreprises tirent bien sûr souventprofit de cela dans la promotion de leursproduits ».

    Les définitions ainsi proposées autorisent untrès large éventail d’interprétations : intégrerdes préoccupations sociales, répondre auxattentes sociales ou encore travailler avecdes parties prenantes pour améliorer laqualité de vie.

    En 2006, Cazal, en cherchant une définitionplus vaste de la Responsabilité sociale del’entreprise, a posé la question : de quoil’entreprise est-elle responsable et devantqui est-elle responsable « On pourraitsommairement résumer la RSE par deuxquestions centrales : de quoi l’entreprise est-elle responsable et devant qui ? C’est de laseconde que traite, dans le champacadémique la théorie des partiesprenantes » (Cazal, 2006, p. 7). Cettedéfinition nous laisse réfléchir sur lacomplexité du concept de Responsabilitésociale de l’entreprise et la nature de sesambiguïtés.

    La RSE : un concept « ambigu »

    À l'origine, la notion de responsabilité estutilisée dans le cadre de la responsabilitécivile : « tout fait quelconque de l'homme, quicause à autrui un dommage, oblige celui parla faute duquel il est arrivé à le réparer »(Code civil, article 1382). Mais elle aégalement une dimension morale puisqu'elleest « protéiforme, polysémique, floue,imprécise, confuse, autant d’adjectifs dont onaffuble fréquemment la notion deresponsabilité sociale (ou sociétale)d’entreprise (RSE). Pourtant si la notion estsans doute d’origine scientifique, elle alargement débordé les cercles académiquespour se répandre dans le grand public,devenant également une notion profane »(Cazal, 2006, p. 3). Friedman (1970) considèrenotamment que la RSE doit se limiter auxniveaux économique et juridique. Si elle vaau-delà, soit il y a un problème d'agence (lesmanagers utilisent les bénéfices appartenantaux actionnaires pour les distribuer auxcauses sociétales qu’ils considèrent commeétant d'intérêt - notons que les actionnairesauraient pu prendre eux-mêmes cettedécision), soit les managers remplissent le

    8. Ministre déléguée au commerce suédoise :

    http://www.se2009.eu/fr/reunions_actualites/ 2009/11/

    9/09/

    N° 14 - Janvier-Juin 2013 • La Responsabilité sociale des entreprises et les PMEManagement & Sciences Sociales106

  • rôle du gouvernement (ils exercent ainsi unimpôt sur les bénéfices - or ils n'en ont pas lalégitimité).

    En effet, la Responsabilité sociale del’entreprise devra néanmoins être soumise àdes normes, à des critères d’évaluationclairement définis, d’où la complexité etl’ambiguïté de cette notion. Cette ambiguïtéest de nature à la fois sémantique, théoriqueet idéologique.

    Les enjeux de la ResponsabilitéSociale de l’Entreprise : multiples et imbriqués

    Suivant Cazal (2006), quel que soit soncontenu en tant que notion, la ResponsabilitéSociale de l’Entreprise n’en a pas moins deseffets pratiques : développement denouvelles pratiques de gestion et denouveaux marchés, émergence de nouveauxacteurs dans les débats sociopolitiquesnationaux et internationaux... Quatre enjeuxnous paraissent centraux. Ils sont présentéssous forme de propositions, sur lesquels uncertain accord existe. nous laisserons de côtéles questions liées à la performance ainsi quecelles liées à l’opérationnalisation(opérateurs, procédures, normes et labels…).La Responsabilité sociale de l’entreprisetraite de la place de l’entreprise dans lasociété, de sa contribution à la vie en sociétéet pas uniquement dans sa dimensionéconomique. Pour Evan et Freeman (1993, p.255), renouveler la conception de la firmeimplique de poser la question suivante : « Forwhose benefit and at whose expense shouldthe firm be managed ?».

    Il est, dès lors, clair que la question desfinalités de l’entreprise n’est pas uniquementpertinente pour les économistes ou lesgestionnaires mais comporte également desimplications sociopolitiques : la notion deprofit s’insinue déjà, car elle implique undestinataire (traditionnellement actionnaire),si bien que de fil en aiguille, on parvient à desquestions de gouvernance.

    En effet, la Responsabilité sociale del’entreprise permet d’aborder tout ce quiexcède le rôle de l’entreprise comme simpleagent économique : elle offre uneopportunité de sortir d’une visionétroitement économique de l’entreprise,comme l’ont bien perçu ses opposantslibéraux, de Friedmann jusqu’à Jensen. Laquestion du profit comme finalité ultime,voire unique de l’entreprise, se pose alors.

    La RSE confère de la légitimité et donc favorise le débat dans et autourde l’entreprise en société

    De plus en plus d’acteurs, hors del’entreprise, invoquent la Responsabilitésociale de l’entreprise : gouvernements,organisations internationales et nongouvernementales, groupes de pression…Pour Cazal (2006), la Responsabilité socialede l’entreprise cristallise ainsi nombred’enjeux, quels que soient le bien-fondé(pertinence) et les fondements(sociopolitiques) de la notion, ce qui confortesa légitimité… En ce sens, suivant Cazal(2006), la Responsabilité sociale del’entreprise contribue à la structuration et àl’animation de la société civile et favorise unecertaine diversification des acteurs sur lascène sociopolitique. En effet, il a insisté surle point suivant lequel la Responsabilitésociale de l’entreprise devient le support dela légitimité nouvelle ou grandissante dedivers groupes (depuis les syndicatshistoriques jusqu’à des groupes de défensede l’environnement, de minorités, d’espècesanimales ou végétales…). « Il est clair quel’entreprise n’échappe pas non plus à cettequête de légitimité, même si celle-ci ne lui estpas vitale ni centrale, comme à ces groupesqui lui doivent leur existence ou leur essor »(Cazal, 2006, p. 5).

    La RSE pose des questions dereprésentation politique et cognitive

    La Responsabilité sociale de l’entreprise poseégalement des questions relatives à la

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  • gouvernance des entreprises et à larégulation des marchés voire de la société.Suivant Cazal, D. (2006), si l’importance deces processus est claire, la question desacteurs et institutions impliqués resteouverte. De même, on peut poser la questionde l’intervention d’organisations autres queles entreprises dans la régulation desmarchés (des produits et services, du travail,voire des marchés financiers).

    La RSE favorise le débat et donc la citoyenneté de et dans l’entreprise

    En évoquant ces enjeux, pour Cazal (2006), laRSE apparaît investie d’importants enjeuxpolitiques pour la société civile ; il note ici quela dimension sociale ou sociétale estexplicitement mise en exergue. Les enjeuxressortent de manière éclairante danscertaines problématiques associées :citoyenneté de l’entreprise et dansl’entreprise, démocratie dans l’entreprise etparticipation de l’entreprise à la démocratiedans la société. Selon Capron et Quairel-Lanoizelée (2004, p. 46), de nouveaux typesde partenariats se mettent en place, qu’onpeut analyser comme « une nouvelle formede régulation de l’action publique en mêmetemps qu’une forme de régénération descontenus de légitimation du capitalisme ».alors, selon Cazal (2006), les questionsrelatives à la mise en œuvre de la RSEmettent bien en avant la dimension politique.L’entreprise devient ainsi un champ politique,au niveau de ses pratiques internes et unacteur politique dans ses relations avec sonenvironnement.

    La mesure de la performancesociale de l’entreprise

    Des problèmes ou des flousméthodologiques, voire épistémologiques,entourent les tentatives d’opérationnalisationde la Performance sociale observées dans lalittérature testant l’existence ou non de celien. De nombreuses études, dont le rythmede parution s’est récemment accéléré, ont

    permis d’articuler la connaissance empiriquepar la synthèse des réponses obtenues(Griffin et Mahon, 1997 ; Balabanis et al.,1998 ; Margolis et Walsh, 2003 ; Orlitsky,Schmidt et Reynes, 2003).

    En effet, de nombreux modesd’opérationnalisation de la performancesociale ont été proposés dans la littératureempirique, qu’il s’agisse de travaux visant àétudier les liens entre performance sociale etperformance financière (Preston etO’Bannon, 1997) ou plus généralement detravaux analysant les déterminants oul’impact de ce construit (pour des synthèsesplus exhaustives, voir Decock Good, 2001).L’ambiguïté sémantique dans la définition duconcept explique la confusion qui règne danssa mesure : dans certains cas, la performancesociale est assimilée à une mesured’orientation envers la responsabilité sociale(aupperle et al., 1985) ; dans d’autres cas, laconfusion s’opère avec la citoyennetéd’entreprise (Maignan et Ferrell, 2003).

    Selon Carroll (1979), on marque l’intégrationde l’ensemble des conceptualisationsantérieures (principes et processus) au seinde la notion de performance sociétale desentreprises (PSE). C’est à Carroll (1979) quel’on doit cette approche intégrée quis’impose dans la littérature comme référenceincontournable. Cette nouvelle approches’ancre dans le modèle de PSE avancé parCarroll (1979). La performance sociétale desentreprises serait, selon ce modèle, « uneconfiguration organisationnelle de principesde responsabilité, de domaines sociaux où seposent des problèmes et des Philosophies deréponse face à ces problèmes sociaux ».Wartick et Cochran (1985) aménagent lesdimensions de la performance sociétale desentreprises de Carroll (1979) qui devient « l'interaction sous-jacente entre les principesde responsabilité sociétale, le processus deréceptivité sociétale et les politiques mises enœuvre pour faire face aux problèmessociaux ». Parallèlement, les conceptions,avancées notamment par Wood (1991),inspirées de celles de Carroll (1979)

    N° 14 - Janvier-Juin 2013 • La Responsabilité sociale des entreprises et les PMEManagement & Sciences Sociales108

  • s’inscrivent dans cette perspective, etmettent l’accent sur les principes hiérarchisésde la PSE qui se déclinent au niveauinstitutionnel, organisationnel et managérial.Des travaux plus récents de Husted (2000)font interpeller la logique de contingencepour expliquer la dynamique incarnée par laperformance sociétale des entreprises.L’auteur conçoit la performance sociétale desentreprises comme fonction d’interactionentre les problèmes sociaux, d’un côté, et lastructure et stratégie de réponse à cesproblèmes, d’un autre côté. La RSE apparaîtcomme une concrétisation de l’intégration derepères éthiques dans le domaine del’entreprise (Sautré, 2003) qui semblait vouéà être régi uniquement par la logique duprofit. On peut alors penser que ce conceptreprésente une voie de conciliation entrel’éthique et l’économique au sein de la firme.De plus en plus, on cherche à mesurer lesperformances sociales des entreprises, audelà de leurs performances économiques etfinancières. Cela concerne non seulement lesentreprises privées qui doivent pouvoirjustifier leur responsabilité sociale, mais aussiles organisations à but non lucratif quiveulent montrer leur valeur ajoutée entermes d’impact social.

    Les principales dimensions prises en compteau niveau des entreprises portentgénéralement sur les points suivants :• éthique de l’activité : arrangements contra-

    ctuels, pratiques équitables avec lesfournisseurs et les clients, politique desentreprises dans la sélection desfournisseurs, etc.

    • initiative locale : implication dans les communautés locales, renforcement desrelations et communication, contribution àl’économie locale, effort versl’enrichissement et l’accroissement descapacités locales, etc.

    • environnement : protection des ressources naturelles, santé humaine, etc.

    • gouvernance : démocratie, transparence, lutte contre la corruption, etc.

    • droits de l’homme : travail des enfants, travail forcé, discrimination, libertéd’association ;

    • lieu de travail : salaires et bénéfices, éducation et formation, temps de travail,santé et sécurité, précarité du travail, etc.

    • implication de l’entreprise : dons, pro-grammes de subvention et de mécénat,etc.

    • impact social des produits : contribution des produits et des services au bien-êtresocial et à l’équité.

    Les cinq catégories de mesures qui suiventsont les plus couramment empruntées par leschercheurs anglo-saxons.

    L’analyse de contenu des rapports annuels

    Ces mesures sont fréquemment mobiliséesdans les travaux de comptabilité s’efforçantde mesurer la dimension sociale du discours,le plus souvent dans le but d’en expliquer lesdéterminants (Igalens et Gond, 2003).L’analyse du rapport annuel constitue plusune mesure de « discours » social qu’unemesure de RSE à proprement parler.

    Les indices de pollution

    L’un des indicateurs les plus utilisés est letoxic Release Inventory (tRI). Le tRI, ouInventaire des rejets toxiques, mesure le tauxde libération des déchets toxiques dans laterre, l’air ou l’eau (US EnvironmentalProtection agency, 1995 ; Jones, 1990, citéspar Griffin et Mahon, 1997).

    Ces indicateurs sont, en général, produits pardes organismes publics indépendants desentreprises, ce qui garantit une certaineobjectivité (Igalens et Gond, 2003).

    Pour Griffin (1996) et Logsdon (1995, cité parGriffin et Mahon, 1997), ces indices sontcontroversés puisqu’ils ne portent que surune industrie bien spécifique, ce qui rend cesmesures peu généralisables.

    Les indicateurs de réputation

    N° 14 - Janvier-Juin 2013 • La Responsabilité sociale des entreprises et les PME Management & Sciences Sociales 109

  • Les deux mesures les plus utilisées sontl’indicateur de réputation de Moskowitz(1972, cité par Griffin et Mahon, 1997) etl’indicateur du magazine Fortune. Fortune estune base de données qui fournitannuellement un classement9 des dixmeilleures firmes appartenant à la mêmeindustrie. Les mesures de la Responsabilitésociale de l’entreprise proposées par Fortunefont ainsi figure de référence incontournabledans la littérature empirique anglo-saxonne.Bien qu’elles fournissent des indicateurs deperformance sociétale regroupant denombreux aspects de la Responsabilitésociale de l’entreprise, les mesures issues deFortune sont jugées ambiguës et à caractèreperceptuel (Griffin et Mahon, 1997).

    Les données produites par lesorganismes de mesures

    Elles renvoient aux données produites pardes agences spécialisées dans l’évaluation ducomportement socialement responsable del’entreprise tel que le KLD10. Le KLD reprend lalogique de Fortune mais il intègre entreautres des responsabilités envers lacommunauté internationale.

    La seule limite de cet indice provient du faitqu’il ne prend pas en considération le poidsrelatif à chaque dimension dans la formationde la Responsabilité sociale de l’entrepriseainsi que son caractère perceptuel (Graves etWaddock, 1994 ; Griffin et Mahon, 1997).

    Les mesures fondées sur les activités philanthropiques et les contributions charitables

    Ces mesures portent sur la contribution oules donations qu’accordent les entreprisesaux organismes philanthropiques. Elles sontcalculées moyennant un indice de générositéobtenu en faisant un recensement des firmesles plus généreuses. Par la suite, descomparaisons entre firmes auront lieu pourressortir cet indice (Griffin et Mahon, 1997).Cet indice est peu ancré dans la littérature.

    Dans une analyse critique et empirique desdonnées aRESE de la mesure de laperformance sociale de l’entreprise, Igalenset Gond (2003) ont bien contesté ces derniersindices de mesure. Suivant les deux auteurs,chacune de ces mesures présente un certainnombre de limites liées à son mode deproduction et de construction. ainsi, lesmesures perceptuelles présentent un fortrisque de subjectivité et d’effet de halo, c’estle cas de l’indicateur de réputation. Lesmesures s’appuyant sur des donnéesdirectement produites par les entreprisespeuvent être fortement biaisées ainsi qu’onl’observe lorsqu’on codifie les informationscontenues dans les rapports annuels. Enfincertaines de ces mesures ne se focalisent quesur l’une des dimensions du construit deperformance sociale, les indicateurs depollution constituant une illustration de cettevision restrictive.

    Le tableau 1 présente la pertinence et leslimites de chacun de ces modes de mesure.

    Ces cinq catégories de mesures sont les pluscouramment empruntées par les chercheursanglo-saxons. L’appréhension de laResponsabilité sociale de l’entreprise repose,dans la majorité des cas, sur des indicateursprescrits par des organismes dont la finalitéconsiste à éclaircir l’image sociale desentreprises aux yeux des investisseurs. Dèslors, ces indicateurs, en tant que tels, nepeuvent pas être mobilisés pour mesurer la

    9. Ce classement se fait sur la base de huit attributs de

    réputation (la qualité de management, la qualité des

    produits et services, l’innovation, la valeur de

    l’investissement à long terme, la financial soundness, ou

    capacité à acquérir et à développer un personnel qualifié,

    l’utilisation efficace de l’actif, la responsabilité envers la

    communauté et l’environnement (Fortune, 1994, 58, cité

    par Griffin et Mahon, 1997).

    10. Cet indice (KLD) donne un classement des firmes sur la

    base de 8 dimensions comprenant 60 critères de la

    performance sociétale : les relations sociales, les relations

    avec les employés, l’environnement, le produit, le

    traitement des femmes et des minorités, les contrats

    militaires, le pouvoir nucléaire, le South Africa

    Involvement (Griffin et Mahon, 1997).

    N° 14 - Janvier-Juin 2013 • La Responsabilité sociale des entreprises et les PMEManagement & Sciences Sociales110

  • RSE puisqu’ils ne disposent d’aucunsoubassement théorique capable de fonderla mesure préconisée . De plus, cesindicateurs n’obéissent pas à une logiquestatistique cohérente en matière de fiabilitéet de validité (allouche et Laroche, 2005).

    néanmoins, il existe une lignée de mesuresqui sont à la fois plus ancrées dans lalittérature et théoriquement fondées: ce sontles mesures perceptuelles issues d’enquêtespar questionnaire. Ces mesures se proposentd’opérationnaliser directement les quatredimensions du modèle de Carroll (1979),économique, juridique, éthique etdiscrétionnaire, en générant des itemsinhérents à chaque dimension. L’une despremières tentatives de développementd’échelle de mesure allant dans ce sens estcelle d’aupperle et al. (1985) qui ont proposé

    une échelle mesurant l’orientation desdirigeants envers la responsabilité sociétalecomposée d’items à choix forcé.

    Les travaux plus récents de Maignan et al.(1999), cherchant à développer des outils demesure de la citoyenneté d’entreprise puiséedans la conception de Carroll (1979) etreprenant la logique d’aupperle et al. (1985),ont permis de fournir des résultatspsychométriques plus satisfaisants. Lamesure ainsi conçue est quadri-dimensionnelle (Maignan et al., 1999). Parailleurs, Maignan et Ferrell (2003) arrivent àmontrer le caractère relativement « universel » de l’échelle de Maignan et al.(1999). Cette échelle, qui analyse lesreprésentations que se font lesconsommateurs des quatre responsabilités, aété testée et validée empiriquement dans

    Type de mesure Pertinence par rapport au concept de PS Caractéristiques / problèmes Mode de production

    Contenu des rapports annuels

    Mesure plus symbolique que substantive (discours) qui ne renvoie pas aux différentes dimensions du construit

    Mesure subjective facilement manipulable

    Par l’entreprise

    Indicateurs de Pollution

    Ne mesure que l’une des dimensions du construit (aspects environnementaux)

    Mesure objective Ne s’applique pas à toutes les entreprises

    Par un organisme externe à l’entreprise

    Enquêtes par Questionnaire

    Dépend des mesures proposées. Possibilité d’une adéquation forte au concept mais ces mesures reflètent en priorité les perceptions des acteurs

    Mesure perceptuelle Possibilités de manipulation liées au mode d’administration

    Par le chercheur qui les recueille directement auprès de l’entreprise par questionnaire

    Indicateurs de Réputation

    Confusion avec la notion de réputation Mesure globale de la PSE mais ambiguë

    Mesure perceptuelle Effet de halo

    Par un organisme externe à l’entreprise

    Données produites par des organismes de mesure

    Mesure multidimensionnelle, le degré d’adéquation aux modèles théoriques dépend du mode de travail et des référentiels mobilisés par ces agences

    Dépend du mode de travail des agences Effets de halo

    Par un organisme externe à l’entreprise

    Source : Igalens et Gond (2003, p. 117).

    Table 1

    Caractéristiques et pertinence des principales mesures académiques de laPerformance sociale

    N° 14 - Janvier-Juin 2013 • La Responsabilité sociale des entreprises et les PME Management & Sciences Sociales 111

  • trois contextes différents : l’allemagne, laFrance et les États Unis. En effet, il n’existetoujours pas d’outils et d’indicateurs, dont lafiabilité est reconnue, qui soient en mesurede restituer les trois dimensions économique,sociale et environnementale à la fois et d’endonner une évaluation.

    Pour allouche et Laroche (2005, p. 6), « dansune conception actuelle, la ResponsabilitéSociale de l’Entreprise intègre trois éléments :honorer des obligations à l’égard de la

    pluralité des parties prenantes ; répondre aux demandes sociales émises parl’environnement socio-économique ; utiliser leconcept et son champ d’application commeoutil de gestion ».

    Les deux auteurs ont proposé un tableau desmesures de la Performance sociale desentreprises allant des critères utilisés parPava et Krausz (1996) jusqu’aux travaux deOrlitsky, Schmidt et Reynes (2003).

    Auteurs Critères RSE

    Pava et Krausz (1996) Protection de l’environnement – Indices de réputation – Informations divulguées par l’entreprise au-delà de son rapport annuel – Activité en Afrique du Sud – Mode de Gouvernance

    Frooman (1999)

    Violation des lois anti-trust – Retrait de produits dangereux – Conduite délictueuse (évasion fiscale, défaut de présentation de documents financiers, …) – Pollution de l’environnement – Violation des standards des Agences gouvernementales de régulation

    Griffin/Mahon (1997) Indice de réputation Fortune – Évaluation du cabinet KLD – Contributions charitables et Philanthropie – Inventaire des rejets toxiques…

    McWilliams/Siegel (1997)

    Retrait d’activité en Afrique du Sud – Comportements illégaux – Retrait du marché de produits dangereux – Fermeture d’usines et licenciements – Prix annuels décernés par le Département du Travail…

    Balabanis/Phillips/ Lyall ( 1998)

    Informations divulguées par l’entreprise au-delà de son rapport annuel – Engagement en faveur de l’Égalité Professionnelle - Contributions charitables et Philanthropie – Protection de l’environnement – Engagement dans la Société civile (refus des discriminations politiques) – Refus de l’expérimentation animale – Critères d’exclusion (le tabac, l’alcool…) – Relations d’affaires avec les régimes dictatoriaux – Activité de production d’équipements militaires – Relations d’affaires avec les pays en voie de développement…

    Margolis/Walsh (2003)

    Indice de réputation Fortune – Indice de Working Mothers – Indices Moskowitz – Évaluation du cabinet KLD – Screening des Fonds Mutuels – Évaluation CEP(Council on Economic Priorities) – Rapports de l’EIA/Energy Information Association – Publication par l’entreprise d’informations sociales – Publication par l’entreprise d’informations environnementales – Inventaire des rejets toxiques – Engagement éthique rendu public – Contributions charitables – Critères d’exclusion (le tabac, le commerce avec l’Afrique du Sud…) – Prix annuels décernés par le Département du Travail…

    Orlitsky/Schmidt/ Reynes (2003)

    Indices de réputation – Informations sociales divulguées par les entreprises – Audits sociaux – Comportements d’entreprises – Valeurs et engagements d’entreprises – Contributions charitables – Informations environnementales divulguées par les entreprises – Gouvernance partenariale…

    Source : Allouche et Laroche (2005, p. 8).

    Table 2

    Les mesures de la Performance Sociale des Entreprises

    N° 14 - Janvier-Juin 2013 • La Responsabilité sociale des entreprises et les PMEManagement & Sciences Sociales112

  • Les variables de performance socialecorrespondent, dans les études académiquescollectées à l’occasion de ces recherches, àune multitude de mesures, souvent nonjustifiées théoriquement.

    Suivant allouche et Laroche (2005),l’appréhension de la performance sociale del’entreprise repose sur une grande diversitéd’indicateurs, issus d’indices comme celui duDSI ou du KLD, d’enquêtes et de classements(Fortune), extrêmement variés. Commentdès lors assurer une mise en perspectivecohérente et une comparabilité de cesétudes ? notamment, la description de laresponsabilité sociale de l’entreprise se fait,tout à la fois, au travers d’actions positives(sauvegarde de l’emploi, mécénat,préoccupations écologiques, droits desminorités…) ou d’actions socialementirresponsables, voire illicites (Frooman,1999).

    Enfin, adopter un comportement deresponsabilité sociale, c’est répondre à lanécessité de maximiser les objectifs del’entreprise par le biais de sa rentabilité, auprofit bien sûr de l’actionnaire mais aussi deses autres partenaires. « Les systèmes demesure de la performance sociale del’entreprise (KLD, Innovest, Ethibel, BItC,arese/Vigéo, …) se focalisent sur les critèressociétaux et environnementaux et mesurentla qualité des actions de RSE en réduisant lepoids des critères de gestion des ressourceshumaines » (allouche et Laroche, 2005, p. 9).

    Conclusion

    Porter (2003) déclare : « ma principalecritique est que le champ de la Responsabilitésociale de l’entreprise est devenu une religionavec ses prêtres, et pour laquelle il n’y auraitplus besoin ni de faits ni de théories. Trop deprofesseurs et de managers se satisfont del’argument selon lequel 'on sent que c’estbien'. Trop d’actions philanthropiques sontdirigées par les croyances personnelles desdirigeants. Et presque toute la philanthropie

    d’entreprise est focalisée sur le renforcementde la marque et la construction d’uneréputation de bon citoyen. Il s’agit de se fairedes amis. […] Je suis en désaccord completavec cette approche. […] Ma préoccupationest que les entreprises réagissent à despressions au lieu de développer des stratégiesaffirmatives »11.

    Dans un champ organisationnel déjàstructuré par le gouvernement d’entreprise(Rubinstein, 2006), l’implantation massive dela RSE dans les sociétés cotées eut lieu àpartir de la décennie 199012. LaResponsabilité sociale de l’entreprise estdevenue un élément central de la stratégiedes entreprises suite aux pressions citoyenneet politique, du besoin d’éthique des salariés,des intérêts bien compris des entreprises designaler leur engagement dans ledéveloppement durable, pour éviter uneréglementation trop contraignante et pouraméliorer leur image. « Les choses ne peuventpas uniquement se faire volontairement. Laquestion est de savoir quand et à quel niveauil faut avoir des législations » (D’Humières,2005, p. 94). En effet, la Responsabilitésociale de l’entreprise correspondrait à « l’adoption par la firme de chartes, denormes et de labels et par la réalisationd’audits en mettant en avant sonvolontarisme social. Cette activité consiste àdivulguer les données relatives aux activitéssociales et environnementales effectuées parl’entreprise. La publication de ces donnéespermettrait de rendre plus vérifiable et, parconséquent, plus crédible l’engagement del’entreprise sur la voie de la responsabilitésociale » (Ben Yedder et Zaddem, 2009, p.94).

    11. Traduction faite par Acquier A. et al. (2005, p. 21)

    12. En France, les sociétés cotées publient très largement

    des informations sociales et environnementales, ce qui

    s’explique à la fois par le développement de la

    Responsabilité sociale de l’entreprise et par la dimension

    contraignante de l’article 116 de la loi NRE du 15 mai

    2001, qui oblige les sociétés cotées à faire apparaître,

    dans leur rapport annuel, des informations « sur la

    manière dont la société prend en compte les

    conséquences sociales et environnementales de son

    activité ».

    N° 14 - Janvier-Juin 2013 • La Responsabilité sociale des entreprises et les PME Management & Sciences Sociales 113

  • La Responsabilité sociale de l’entreprise offrel’avantage de dépasser les limites de ce quiest visible (les produits, les unités deproduction, les marques commerciales) et deprendre sens à un niveau corporate qui,jusque là, n’était connu que des marchésfinanciers. Que ce soit dans le temps, dansl’espace ou parmi les hommes, laResponsabilité sociale de l’entrepriseintroduit une frontière nette et souventoriginale entre ce qui est dans son champ etce qui ne l’est pas.

    Enfin, suivant la littérature, la Responsabilitésociale de l’entreprise est rattachée audomaine du marketing, de la gestion desressources humaines (Coulon, 2006), desrelations publiques (Roberts, 1992) ou aumanagement environnemental de la firme(Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004).Godfrey et Hatch (2007) affirment ainsi que laResponsabilité sociale de l’entreprise n’estpas une activité mais constitue unedénomination générale pour un ensembled’activités.

    On peut alors se demander dans quellemesure la recherche sur la Responsabilitésociale de l’entreprise intègre ces enjeux etcontribue à renouveler la conception del’entreprise, de sa place dans la société et deses relations avec différents acteurs.apporter des éléments de réponse à cettequestion ne va pas sans difficultés. nousallons prendre le parti d’examiner cettequestion à travers la théorie des partiesprenantes (stakeholder theory) en nousappuyant sur l’idée que la Responsabilitésociale de l’entreprise est basée sur uncontrat entre entreprise et société pourassurer un échange équilibré,

    La théorie des parties prenantes constitue,aujourd’hui, le cadre de référence pourancrer théoriquement la Responsabilitésociale de l’entreprise, qui apparaît alorscomme une modalité particulière du modèledes parties prenantes (ou modèlestakeholder). La théorie des partiesprenantes est aussi un cadre théorique idéal,

    mobilisé de manière dominante pourl’analyse de la dynamique portée par lespratiques de Responsabilité sociale del’entreprise.

    La démarche Responsabilité sociale del’entreprise fait du dialogue avec toutes lesparties prenantes la base d’une nouvellerelation, « ne cherchant pas à convaincre,mais à se comprendre, ne voulant pas justifiermais anticiper » (D’Humières 2005), prenanten compte les attentes non seulement desconsommateurs, des actionnaires et dessalariés, mais aussi de l’opinion, à travers cesacteurs critiques et dérangeants au sein de lasociété civile que sont les associations, lesOnG...

    Références bibliographiques

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    Abderrahman JahmaneDiplômé de l’université de Lille1 (sous la direction dePierre Louart) et de l’université de Corse, ancien cadredans diverses entreprises, ancien atER à l’université deHaute-alsace et l’université du Maine, ses travaux derecherche portent sur la fidélisation des partiesprenantes centrales et leur effet sur la performancefinancière de l’entreprise, la responsabilité sociale desentreprises, l’investissement socialement responsable,l’audit social et la gestion des ressources humaines. aparticipé à divers congrès nationaux et internationaux(aGRH, aSaC, aDERSE, RIODE, IaS).

    Pierre LouartProfesseur des Universités, a présidé le réseau des IaEentre juin 2006, juin 2012. Entre 2007 et 2012, il aeffectué son troisième mandat de directeur de l'IaEaprès avoir occupé cette fonction entre 1992 et 1997 etentre 2002 et 2007. actuellement responsable desformations Master 1 - Management Social et territorialet Master 1 - Management des Organisations Sociales,Culturelles et territoriales à l’IaE de Lille.auteur de plus que 150 ouvrages, articles etcommunications de recherche, dont 11 publiés et 5encours de parution, on peut citer : - L'année des ressources humaines (5 éditions différentes

    de 1989 à1995) ;- Gestion des ressources humaines, Paris : Eyrolles,

    septembre 1991, trois éditions. Traduction espagnoleaux éditions Gestión 2000, SA (Gestión de los Recursoshumanos).

    - Succès de l'intervention en Ressources Humaines, Paris : Liaisons, option gestion, janvier 1995.

    - Gestion des ressources humaines, cédérom interactif conçu dans le cadre du programme CAAE-CNED,Edusoft, 1997.

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