La liberté humaine chez Thomas d'Aquin · jean-marc goglin la libertÉ humaine chez thomas...
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La libert humaine chez Thomas dAquinJean-Marc Goglin
To cite this version:Jean-Marc Goglin. La libert humaine chez Thomas dAquin. Philosophie. Ecole pratique des hautestudes - EPHE PARIS, 2011. Franais.
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JEAN-MARC GOGLIN
LA LIBERT HUMAINE CHEZTHOMAS DAQUIN
THSE DE DOCTORAT EN SCIENCES DES RELIGIONSSOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR LE PROFESSEUR OLIVIER BOULNOIS
COLE PRATIQUE DES HAUTES TUDESSECTION DES SCIENCES RELIGIEUSES
2010
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REMERCIEMENTS
Tout dabord, il mest un honneur de remercier Monsieur le Professeur OlivierBoulnois, Directeur dtudes lcole Pratique des Hautes tudes, pour avoir accueilli cetterecherche, lorigine personnelle, dans un cadre universitaire. Ce devoir de remerciement semeut en sincre gratitude pour avoir si magistralement su guider et encourager la fois larecherche et, surtout, son auteur.
Puis, il mest un devoir de remercier celles et ceux qui, par leurs remarques, leursquestions, leur savoir, ont permis denrichir ce travail, et, notamment le R. P. GillesBerceville o. p. (Professeur de thologie, Institut Catholique de Paris) ; Bernard Chambr(Lettres classiques, Val-de-Reuil) ; Eric Doudoux (Philosophie, Val-de-Reuil) ; Nicole ly(Histoire des religions, Brest) ; le R. P. Grard Guitton o. f. m. (Orsay) ; Raphal Legoy(Histoire des sciences, Universit du Havre) et Benot Morin.
Il mest encore ncessaire de remercier celles et ceux qui, logistiquement, ont permisla ralisation de cette recherche : le personnel de la Bibliothque du Saulchoir (Paris), delInstitut Catholique de Paris et du Centre Thologique Universitaire de Rouen pour leurdisponibilit ; Jean-Paul Turpin, Proviseur du Lyce Marc-Bloch de Val-de-Reuil, pour avoiraccept dallger mon service ; Maryvonne Goglin, pour la gestion de mes sjours parisienset, surtout, Marie-Gabrielle ly-Goglin, pour la gestion du quotidien et son soutien constant.
Enfin, il mest ncessaire de remercier celles et ceux qui, patiemment, relecture aprslecture, ont traqu, sans concession, rptitions et fautes de frappe, et en particulier FlorenceCoulombel ; Jean-Louis Goglin et Jrg Schller.
En dernier, je remercierai mes enfants Franois, Paul et Julien davoir support lesabsences longues et rptes de leur Papa.
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LISTE DES ABRVIATIONS
Revues.
A.H.D.L.M.A.= Archives dHistoire Doctrinale et Littraire du Moyen ge, Paris.
E.T.L.= Ephemerides Theologicae Lovaniensis, Louvain.
R.P.A.M.= Recherches de philosophie ancienne et mdivale, Paris.
R.P.L.= Revue Philosophique de Louvain, Louvain.
R.S.P.T.= Revue des Sciences Philosophiques et Thologiques, Paris.
R.S.R.= Recherches de Sciences Religieuses, Strasbourg.
R.T.= Revue Thomiste, Toulouse.
R.T.A.M.=Recherches de Thologie Ancienne et Mdivale, Paris.
F.Z.P.T.= Freiburger Zeitschrift fr Philosophie und Theologie, Fribourg.
Collections.
P.L.=Patrologie Latine, d. Migne.
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INTRODUCTION
Pour le christianisme, la libert constitue indniablement un lment ncessaire
lhomme en tant quil lui appartient de conqurir son salut. Sil est impensable un chrtien
de le nier, plus difficile est de conceptualiser ce qui apparat comme une donne indubitable
de la foi. Thomas dAquin (1224/5-1274), frre prcheur et matre en thologie, sest attel
cette tche.
Au XIIIe sicle, la querelle thologique qui a oppos Augustin dHippone au moine
Plage et ses disciples au sujet du lien entre la grce divine et le libre arbitre humain est dj
loin1. La thorie augustinienne sest impose lors du second concile dOrange de 5292 et a t
ratifie par le pape Boniface II en janvier 531. Anselme de Cantorbry, au XIe sicle, Bernard
de Clairvaux, au XIIe sicle, ont, chacun leur manire, rfut de nouveau la thorie
plagienne. Pourtant, Thomas dAquin est amen rtudier avec prcision le thme de la
libert de lhomme. En effet, deux lments bouleversent, depuis le XIIe sicle, les concepts
intellectuels traditionnels : lmergence de la conscience de soi et de son individualit3, et,
surtout, lentre des crits philosophiques grco-arabes en Occident4. En effet, aprs 1150,
partir de Tolde5 et de Palerme, de nouveaux traits sur la cosmologie, la physique6, la
1 Pour une prsentation de la querelle contre Plage et ses disciples : J.-M. SALAMITO, Les Virtuoses et la
multitude. Apects sociaux de la controverse entre Augustin et les plagiens, Paris, 2005.2 Les canons des conciles mrovingiens, J. Gaudemet, B. Basdevent d., Paris, 1989, p. 92-99. Pour une
prsentation des dbats : O. PONTAL, Histoire des conciles mrovingiens, Paris, 1989, p. 92-99.3 Sur ce thme : J. F. BENTON, Consciousness of Self and Perception of Individuality , in R. L. Benson, G.
Constable dir., Renaissance and Renewal in the Twelfth Century, Oxford, 1982, p. 263-275.4 Sur la transmission de la philosophie grecque du monde grec au monde arabo-musulman : D. GUTAS, Pense
grecque, culture arabe. Le mouvement de traduction grco-arabe Bagdad et la socit abbasside primitive
(IIe-IVe/VIIIe-Xe sicles), Paris, 2005 ; A. BADAWI, La transmission de la philosophie grecque au monde
arabe, Paris, 1987.5 C. DANCONA dir., Storia della filosofia nellIslam medievale, t. 2, Torino, 2005, p. 783-831 : La
trasmissikone della filosofia araba dalla Spagna musulmana alle universit del XIII secolo .6 La Physique dAristote est traduite par Jacques de Venise, puis par Grard de Crmone, Michel Scot, et enfin
par Guillaume de Moerbeke. Sur limpact de la Physique au XIIe sicle : T. RICKLIN, Die Physica und der
Liber de Causis im 12. Jahrhundert, Freiburg, 1995.
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mtaphysique, la psychologie1 et lthique2 sont traduits de larabe3 en latin. Alors que le
monde latin dut longtemps se contenter seulement des uvres logiques dAristote4, le corpus
aristotlicien est connu en quasi-totalit au dbut du XIIIe sicle5. Limpact est dautant plus
important que les oeuvres dAristote sont accompagnes de gloses, commentaires et traits
dauteurs se rclamant de lui, dauteurs grecs, tels Alexandre dAphrodise, Ammonius,
Themistius, Simplicius, arabo-musulmans, tels Avicenne6 et Averros7, juifs tel Mamonide,
et mme byzantins, tels Michel dphse et Eustrate de Nice. Parfois remarquables, parfois
imparfaites, car souvent traduites de larabe en langue vernaculaire puis de la langue
vernaculaire en latin8, dotes parfois de passages apocryphes, de mauvaises interprtations et
dimprcisions terminologiques, ces traductions offrent une nouvelle conception du monde
1 Le trait De lme dAristote est traduit dabord par Jacques de Venise puis par Michel Scot et, enfin, par
Guillaume de Moerbeke.2 Lthique Nicomaque prsente la philosophie pratique selon Aristote. Lthique est destine lducation
des hommes vertueux. Lthique est connue progressivement, par des traductions successives. Les Livres II et
III sont traduits la fin du XIIe sicle par un anonyme (translatio vetus). Les Livres I et des fragments des
Livres II et X sont traduits au dbut du XIIIe sicle (translatio nova). Robert Grosseteste traduit lensemble vers
1246-1247. Cette traduction est soit faite directement sur le grec, soit une rvision de lancienne traduction
complte . Elle comporte nanmoins un certain nombre derreurs dues au manuscrit grec de base. Une rvision
est faite, en deux tapes, par Guillaume de Moerbeke, entre 1250, pour leditio minor, et 1260, pour la recensio
recognita. J. BRAMS, The Revised Version of Grossetestes Translation of the Nicomachean Ethics , in
Bulletin de Philosophie Mdivale, 36, 1994, p. 45-55 ; Guillaume de Moerbeke et Aristote , in J. Hamesse,
M. Fatori d., Rencontres de cultures dans la philosophie mdivale. Traductions et traducteurs de lantiquit
tardive au XVe sicle, Louvain-la-Neuve-Cassino, 1990, p. 320-322.3 A DE LIBERA, in La philosophie mdivale, Paris, 1998, 3e d., p. 73-75, fournit la liste des principales
traductions en arabe des uvres dAristote. Pour une prsentation du corpus arabe : F. E. PETERS, Aristoteles
arabus. The Oriental Translations and Commentaries on the Aristotelian Corpus, Leyde, 1968.4 Soit par les traductions de lIsagoge, un rsum dun trait sur les universaux rdig par Porphyre, du De
interpretatione et des Catgories, deux opuscules placs au dbut de lOrganon, soit par les propres
commentaires des Premiers Analytiques, des Topiques et des Rfutations sophistiques, effectus par Boce au
VIe sicle. Sur les oeuvres, les traductions de Boce et leur impact : M. GIBSON, Boethius, his Life, Thought
and Influence, Oxford, 1981.5 R. BRAGUE, Lentre dAristote en Europe , in R. Faloci d., Aristote, lcole de Chartres et la cathdrale,
Chartres, 1997, p. 73-79 ; J. BRAMS, La riscoperta di Aristotele in Occidente, Milano, 2003.6 Cf : D. GUTAS, Avicenna and the Aristotelian Tradition, Leiden, 1988.7 Cf : C. BAFINI, Averroes and the Aristotelian Heritage, Napoli, 2004.8 Sur cette mthode de traduction : A. RUCQUOI, Les traductions deux interprtes, darabe en langue
vernaculaire et de langue vernaculaire en latin , in Traduction et Traducteurs au Moyen ge, Paris, 1989, p.
193-206.
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qui bouleverse les conceptions chrtiennes1. Les thologiens latins doivent dsormais faire
face deux conceptions diffrentes de lhomme : celle dAugustin dHippone et celle
dAristote. Le monde latin hrite dun conflit qui a dj secou le monde arabe confront,
partir du VIIIe sicle2, au noplatonisme3 : le conflit sur la libert de lhomme4.
En consquence, Thomas, membre de lordre des frres prcheurs, dont lune des
fonctions voulues par le fondateur Dominique de Guzmn, est de lutter contre les erreurs ,
et matre en thologie, notamment dans la prestigieuse universit de Paris, dveloppe une
uvre varie dans laquelle le thme de la libert humaine est abondamment trait :uvres
universitaires
uvres
personnelles
uvres
prparatoires
Ecrits de
circonstances
Commentaires
scripturaires
1252-1257 :
1256-1259 :
Avant1260-1265 :
1265-1266 :
Scriptum superlibrosSententiarum.
QuaestionesDisputatae DeVeritate : q. 22, q.24.
QuaestionesDisputatae DePotentia.
QuaestionesDisputatae Deanima.
Summa contraGentiles.
Super Iob.
1 C. H. LOHR, The medieval interpretation of Aristotle , in N. Kretzmann et alii d., The Cambridge History
of Later Medieval Philosophy, Cambridge, 1982, p. 80-98.2 M. FAKHRI, Histoire de la philosophie islamique, Paris, 2007 rd., p. 66 : Les sources les plus anciennes
reconnaissent que le premier problme abstrait autour duquel sengagrent les premires controverses
thologiques fut la question du libre arbitre et de la prdestination (qadar) .3 M. FAKHRY, Histoire de la philosophie islamique, Paris, 2007 rd., p. 43-54 : Elments noplatoniciens :
La Thologie dAristote apocryphe et le Livre des Causes .4 Sur ce point : C. DANCONA dir., Storia della filosofia nellIslam medievale, t. 1, Torino, 2005, p. 131-136 :
La libert e la responsabilit delluomo . Pour une prsentation des diffrentes thories relatives lacte
humain : R. ARNALDEZ, LHomme selon le Coran, Paris, 2002 ; D. GIMARET, Thories de lacte humain en
thologie musulmane, Paris, 1980 ; W. M. WATT, Free Will and Predestination in Early Islam, London, 1948 ;
C. BOUAMRANE, Le problme de la libert humaine dans la pense musulmane (Solution Mutazilite), Paris,
1978.
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1267-1268 :
v. 1269-1272 :
1270 :
1271 :
QuaestionesDisputatae DeMalo : q. 6.
Summatheologiae :Prima Pars.
Summatheologiae :Prima SecundaPars.
Sententia Libri Deanima.
Sententia LibriEthicorum.
De iudiciisastrorum.
De unitateintellectus contraaverroistas.
Lensemble du corpus thomasien peut sembler contradictoire 1 : uvres de
thologie systmatique, commentaires bibliques, commentaires philosophiques, traits de
circonstances Pourtant, chaque fois, Thomas tente de prsenter la libert humaine de
manire univoque. La consultation du lexique de R. J. Deferrari et de M. I. Barry relve les
usages nombreux des termes electio 2, liber 3, liberalis 4, libero 5, libertas 6,
liberum arbitrium 7, voluntarius 8 et voluntas 1. La consultation de lIndex
1 Selon le qualificatif employ par M. CORBIN au sujet du corpus de textes tudiant le libre arbitre, in Du libre
arbitre selon S. Thomas dAquin, Paris, 1992, p. 4-7 : Un dossier contradictoire .2 R. J. DEFERRARI et M.-I .BARRY, A Lexicon of S .Thomas, Baltimore, 1949, p. 356.3 Ibid, p.634-635.4 Ibid, p. 635.5 Ibid, p. 635-636.6 Ibid, p. 636. Il est cit 106 fois dans le commentaire sur les Sentences ; 37 fois dans le De Veritate ; 9 fois dans
la Summa contra Gentiles ; 10 fois dans la Prima Pars ; 10 fois dans la Prima Secundae Pars ; 8 fois dans le De
Malo ; 10 fois dans le commentaire de lptre aux Galates.7 Cit 287 fois dans le commentaire sur les Sentences ; 285 fois dans le De Veritate ; 28 fois dans la Summa
contra Gentiles ; 33 fois dans le De Malo.8 R. J. DEFERRARI et M.-I .BARRY, A Lexicon of S. Thomas, Baltimore, 1949, p. 1178-1179.
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thomisticus indique que Thomas a cit 10 496 fois le terme de voluntas , 7623 le verbe
velle , 1584 fois le terme voluntarium , 2394 fois le terme appetitus , 1751 fois le
terme appeto , 848 fois le terme appetitivus , 717 fois le terme appetibile 2 Il
utilise mme lexpression de voluntas libera 3. Thomas construit son concept partir de
ces notions prcises quil explique, transforme, articule
Depuis le renouveau thomiste, la fin du XIXe sicle, les tudes philosophiques et
historiques portant sur les uvres du matre dominicain se sont multiplies4. Une consultation
des diffrents rpertoires bibliographiques rcents suffit pour sen convaincre5. Quels aspects
de sa pense nont pas t tudis, que ce soit du point de vue systmatique ou historique ?
Que reste-t-il analyser dun thme aussi essentiel que celui de la libert humaine ? Pourtant,
la lecture des uvres thomasiennes entrane de multiples questions.
La plupart des tudes historiques ou thologiques lie la libert de lhomme laction
divine. B. Lonergan la tudie par rapport la grce divine6. C. Bermudez la tudie par
rapport la grce et la prdestination7. J.-P. Arfeuil la tudie par rapport la providence
divine8. J. F. Wippel1 et H. G. Goris2 lont tudie par rapport la prescience divine. M.
1 Ibid, p. 1179-1182. Thomas lutilise 1068 fois dans le commentaire sur les Sentences ; 626 fois dans le De
Veritate ; 265 fois dans la Summa contra Gentiles ; 282 fois dans le De Malo ; 4 fois dans le Contra averroistas ;
568 fois dans la Ia-IIae Pars.2 R. BUSA, Index thomisticus, C.-D.-rom, 1996.3 Cite 4 fois dans le commentaire sur les Sentences ; 1 fois dans le De Potentia (q. 10, a. 2, arg. 5) ; 3 fois dans
la Catena aurea.4 J. INGLIS, dans son tude Freiheit, libert, or Free Choice : The recovery of Aquinas after 1848 as
interpretation or misinterpretation , in P. van Geest, H. Goris, C. Leget d., Aquinas as authority, Utrecht-
Leuven, 2002, p. 109-116, relve que lintrt pour la thorie thomasienne de la libert humaine renat au XIXe
sicle, dans le contexte des rvolutions de 1848. Par exemple : J. KLEUGTEN, Theologie der Vorzeit, 3 vol.
Mnster, 1853-1860, vol. 1, p. 229 ; p. 247.5 Plusieurs rpertoires bibliographiques sont la disposition de lhistorien dont : E. ALARCN et alii,
Bibliographia thomistica. 1491-2002, Pampelona, 2005.6 B. LONERGAN, Grace and Freedom : Operative Grace in the Thought of St. Thomas Aquinas, Toronto, 2005
rd, p. 444 : Another notable point is that St Thomas did not work on the problem of liberty in isolation from
the problem of its relations with grace .7 C. BERMUDEZ, Predestinazione, grazia e libert nei commenti di san Tommaso alle lettere di san Paolo ,
in Annales theologici, 4, 1990, p. 399-421.8 J.-P. ARFEUIL, Le dessein sauveur de Dieu. La doctrine de la prdestination selon Thomas d'Aquin , in
R.T., 74, Toulouse, 1974, p. 591-641. Il tudie successivement deux points : p. 601 : la providence divine ; p.
613 : Dieu comme dterminant ou dtermin. Concernant la libert humaine, il tudie : p. 615 : la motion divine
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Corbin a tudi la notion de libre arbitre selon Thomas, notamment en rapport avec la nature3
et la grce4. Dautres tudes ont une approche philosophique. Certaines recherches ont abord
ce thme de manire psychologique. Parmi celles-ci, certaines ont tudi le rle des
puissances de lme dans lacte libre. O. Lottin a cherch dfinir la notion thomasienne de
libre arbitre5. J. Laporte a tent de prciser la notion de libre arbitre et le rle de lintention
dans le libre choix6. F. Bergamino a tudi le lien entre la raison et le libre choix7. D. M.
Gallagher a essay de prciser le rle du jugement dans le libre choix8. L. Dewan a tent de
dgager les causes du libre choix9. Dautres recherches ont tudi la volont. M. Pion a tent
de montrer comment la volont est la cause et la matresse des actes humains10. T. Alvira a
tent de dfinir avec prcision les diffrentes volonts prsentes par Thomas, la volont de
nature et la volont de raison11. A. A. Robiglio a tudi la notion de vouloir et de velleitas en
lien avec lanthropologie du Christ12. Dautres tudes ont tent de prciser les rapports entre
lintellect et la volont afin de prciser la puissance qui confre la libert. R. Garrigou-
Lagrange13 et R. Laurer1 ont accord la primaut lintellect. M. Wittmann2, K.
et la causalit cre ; p. 623 : la motion divine et la libert humaine ; p. 631 : la grce divine et la libert
humaine.1 J. F. WIPPEL, Metaphysical Themes in Thomas Aquinas, Washington D. C., 1984, p. 243-270 : Divine
Knowledge, Divine Power and Human Freedom .2 H.-J. GORIS, Free Creatures of an Eternal God. Thomas Aquinas on Gods Infaillible Foreknowledge and
Irrestible Will, Utrecht-Leuven, 1996.3 M. CORBIN, Du libre arbitre selon S. Thomas d'Aquin, Paris, 1992, p. 7-13 : Nature et libert .4 Ibid, p. 37-43 : Nature et grce .5 O. LOTTIN, Le libre arbitre chez saint Thomas dAquin , in R.T., 12, 1929, p. 400-430.6 J. LAPORTE, Le libre arbitre et lattention selon S. Thomas , in Revue de Mtaphysique et de Morale, 38,
1931, p. 61-73 ; 39, 1932, p. 199-223 ; 41, 1934, p. 25-57.7 F. BERGAMINO, La razionalit e la libert della scelta in Tommaso dAquino, Roma, 2002.8 D. M. GALLAGHER, Free Choice and Free Judgement in Thomas Aquinas , in Archiv fr Geschichte
Philosophie, 76, 1994, p. 247-277.9 L. DEWAN, St Thomas and the Causes of Free Choic , in Acta Philosophica, 8, 1999, p. 87-96.10 M. PINON, The Nature and the Causes of the Psychological Freedom or Psychical Mastery of the Will over
its Acts in the Writings of St. Thomas, Thesis, Manila, 1975.11 T. ALVIRA, Naturaleza y Libertad, estudio de los conceptos tomistas de voluntas ut natura y voluntas ut
ratio, Pamplona, 1985.12 A. A. ROBIGLIO, Limpossibile volere. Tommaso dAquino, i tomisti e la volont, Milano, 2002, p. 3-42 :
La struttura delle volizioni alla luce di Summa theologiae, III, q. 18 .13 R. GARRIGOU-LAGRANGE, Intellectualisme et libert chez Saint Thomas , in R.S.P.T., 1, 1907, p. 641-
673 ; 2, 1908, p. 5-32.
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Riensenhuber3, D. Welp4, A. Giannatiempo5, A. W. J. Harper6 et H.-M. Manteau-Bonamy7
ont accord la primaut la volont. M. Wittmann fait mme de Thomas un volontariste 8.
Dautres tudes ont abord ce thme de manire mtaphysique. B. J. Shanley la tudie en
lien avec la causalit divine9. O. Lottin10 et G. Montanari ont essay de prciser larticulation
entre la libert humaine et la motion divine. G. Montanari semploie notamment prciser
larticulation entre la motion divine et la volont humaine11. M. R. Fischer a tudi le rapport
entre la libert humaine et lordonnancement au Bien12. Quelques tudes ont prsent la
libert comme cosmologique ou thique. .-H. Wber a tudi le rle des vertus dans lagir
libre13. J. I. Murillo a tudi le rle des habitus dans la libert1. Le constat simpose. Mme
1 R. LAUER, St Thomass Theory of Intellectual Causality in Election , in The New Scholaticism, 28, 1954,
p. 297-319.2 M. WITTMANN, Die Lehre von der Willensfreiheit bei Thomas von Aquin , in Philosophisches Jahrbuch,
40, 1927, p. 170-188 ; p. 285-305.3 K. RIESENHUBER, Die Transzendenz der Freiheit zum Guten : Der Wille in der Anthropologie und
Metaphysik des Thomas von Aquin, Mnchen, 1971 ; The Bases and Meaning of Freedom in Thomas
Aquinas , in Proceedings of the American Catholic Philosophical Association, 48, 1974, p. 99-111 ; Der
Wandel des Freiheitsverstndnisses von Thomas von Aquin zur frhen Neuzeit , in Rivista di Filosofia Neo-
scolastica, 66, 1974, p. 946-974.4 D. WELP, Willensfreiheit bei Thomas von Aquin, Fribourg, 1969.5 A. GIANNATIEMPO, Sul primato trascendentale della volont in S. Tommaso , in Divus Thomas, 74,
1971, p. 131-137.6 A. W. J. HARPER, St. Thomas and Free Will , in Indian Philosophical Quarterly, 7, 1979, p. 93-99.7 H.-M. MANTEAU-BONAMY, La libert de l'homme selon Thomas d'Aquin. La datation de la Question
Dispute De Malo , in A.H.D.L.M.A., 46, 1979, p. 7-34.8 M. WITTMANN, Die Lehre von der Willensfreiheit bei Thomas von Aquin , in Philosophisches Jahrbuch,
40, 1927, p. 304-305.9 B. J. SHANLEY, Divine Causation and the Human Freedom in Aquinas , in American Catholic
Philosophical Quaterly, 72, 1998, p. 447-457.10 O. LOTTIN, Libert humaine et motion divine de s. Thomas dAquin la condamnation de 1277 , in
R.T.A.M., 7, 1935, p. 52-69 ; p. 156-173.11 G. MONTANARI, Determinazione e libert in san Tommaso dAquino, Roma, 1962, p. 1-30 : c. 1 :
Lazione divina negli agenti creati ; p. 31-37 : c. 2 : Lagire della creatura in quanto specifica e determina
lazione divina ; p. 38-89 : c. 3 : Lazione divina nellagire della volonta quanto alexercizio dellato ; p.
90-104 : Azione divina e specificazione dellato della volonta .12 M. R. FISCHER, El orden al Bien y la libertad humana , in Revista Patristica et Mediaevalia, vol. 7, 1986,
p. 65-82.13 .-H. WBER, Lenchanement vertu-libert , in Angelicum, 54, 1977, p. 377-393.
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lorsquelles annoncent ouvertement traiter du thme de la libert humaine, ces tudes nont
tudi le thme de la libert humaine que sous un seul angle ou dans le cadre dune seule
uvre. Mme B. Mondin, dans son Dizionario enciclopedico del pensiero di San Tommaso
dAquino, ne prsente aucun article sur la libert selon Thomas. Il se contente den faire une
proprit de la volont2.
Deux tudes proposent une solution. Une analyse de la problmatique est propose par
S. Pinckaers. Celui-ci prsente une tude dans laquelle il a rpertori lensemble des thmes
lis la libert humaine : les inclinations naturelles, la libert de qualit et la fin ultime3, la
raison et la volont associes dans le choix et le prcepte4, la perfection de lagir5, les
prceptes mis au service des vertus6, le pch7. Mme sil se limite aux thmes lis la libert
humaine selon une optique morale, il insiste sur la ncessit de mettre ces thmes en relation.
Son analyse permet de faire du concept de libert un concept la fois englobant et structurant.
Une premire bauche est propose par J.-C. Salvat8. Cependant, si elle prend en compte
lvolution de la pense thomasienne, elle demeure essentiellement centre sur son aspect
moral. Or, la notion de libert nest pas une notion morale par essence. Elle est une ide
sans essence . Comme Robert Fossier la rsum: la libert est aux temps mdivaux
comme en dautres, bien difficile cerner et sources dinterprtations opposes. On
rappellera dabord que la libert est une notion sans contenu effectif (). Il nexiste que des
liberts, ce qui ouvre toutes les nuances ; cependant, des expressions comme demi libre
sont proscrire : on est plus ou moins libre, mais par rapport aux autres et alors
pleinement 9. La libert se manifeste de manire ontologique, mtaphysique, physique,
psychologique ou encore thique.
1 J. I. MURILLO, Habito y libertad , in B. C. Bazn, E. Andujar, L. G. Sbrorchi d., Les philosophies morales
et politiques au Moyen Age, II, New York-Ottawa-Toronto, 1995, p. 281-285.2 B. MONDIN, Dizionario enciclopedico del pensiero di San Tommaso dAquino, p. 667 : Propriet della
volont : libert .3 S. PINCKAERS, Libert et prceptes dans la morale de saint Thomas , in L. Elders et K. Hedwig dir., Lex et
libertas. Freedom and law according to St. Thomas Aquinas, Rome, 1987, p. 19-20.4 Ibid, p. 20-21.5 Ibid, p. 21.6 Ibid, p. 21-22.7 Ibid, p. 22-24.8 J.-C. SALVAT, La libert dans la morale de saint Thomas dAquin, Mmoire de Licence, Fribourg, 1989.9 R. FOSSIER, Libre (Homme) , in Dictionnaire du Moyen Age, Paris, 2002, p. 832.
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Thomas sinscrit dans une tradition. Ses sources commencent tre bien connues. O.
Lottin sest dj employ les prciser propos du thme du libre arbitre1. Frre prcheur,
lAquinate puise dans les sources scripturaires. tudiant en thologie, il lit et commente les
Sentences de Pierre Lombard qui rpertorient lensemble des grands thmes thologiques.
Thologien, il accde aux grands traits sur la libert humaine dAugustin, dAnselme et de
Bernard. De manire directe ou indirecte2, Thomas accde des sources patristiques3 aussi
bien latines, tel Boce4, que grecques5, tels Denys lAropagite6, Jean Damascne ou
Nmsius dmse7. Que doit-il ces deux traditions thologiques qui ne dfinissent pas la
libert de manire parfaitement identique ? Matre luniversit, le dominicain est confront
aux nouvelles traductions des uvres dAristote et de leurs commentaires grecs, arabes8, juifs
et byzantins. Il est essentiellement confront quatre familles de philosophies, laristotlisme,
le noplatonisme, le stocisme9 et lpicurisme, selon lidentification et la classification
1 O. LOTTIN, La thorie du libre arbitre de saint Anselme jusqu saint Thomas dAquin, Louvain, 1929.2 H.-F. DONDAINE, Les scolastiques citent-ils les Pres de premire main ? , in R.S.P.T., 36, 1952, p. 231-
243.3 G. BERCEVILLE, Lautorit des Pres selon Thomas dAquin , in R.S.P.T., 1, 2007, p. 129-144.4 R. MAC INERNY, Boethius and Thomas Aquinas, Washington, 1990.5 G. EMERY, St Thomas dAquin et lOrient chrtien , in Nova et Vetera, 74/4, 1999, p. 19-36 ; G. BARDY,
Sur les sources patristiques grecques de St. Thomas dans la Ie partie de la Somme thologique , in R.S.P.T.,
12, 1923, p. 493-502.6 D. BURRELL, I. MOULIN, Albert, Aquinas and Dionysius , in Modern Theology, 24/4, 2008, p. 633-649.7 E. DOBLER, Indirekte Nemesiuszitate bei Thomas von Aquin, Freiburg, 2002.8 L GARDET, Saint Thomas et ses prdcesseurs arabes , in St. Thomas Aquinas. 1274-974. Commemorative
studies, Toronto, 1974, p. 417-448 ; A. N. NADER, lments de la philosophie musulmane mdivale dans la
pense de saint Thomas dAquin , in A. Zimmermann d., Thomas von Aquin. Werk und Wirkung in Licht
neurer Forsehungen, Berlin-New York, 1988, p. 161-174.9 Il nest pas ais didentifier les stociens utiliss par Thomas. Il ne cherche jamais diffrencier ni les stociens
ni les diffrences de doctrines. Seul Snque est une source directe. Ces stociens influencent surtout la
philosophie morale de Thomas. Sur les traductions des uvres stociennes en latin au XIIIe sicle : G.
VERBEKE, The Presence of Stoicism in Medieval Thought, p. 16-19. Sur linfluence du stocisme dans la
pense de Thomas : G. VERBEKE, Saint Thomas et le stocisme , in P. Wilpert d., Antike und Orient im
Mittelalter, Berlin, 1962, p. 48-68 ; M. SPANNEUT, Influences stociennes dans la pense morale de saint
Thomas dAquin , in L. Elders, K. Hedwig d., The Ethics of St Thomas Aquinas, Vaticano, 1984, p. 50-79 ; K.
RAND, Cicero and the Courtroom of St Thomas Aquinas, Milwaukee, 1946 ; J. VANTEENKISTE, Cicero
nellopera di San Tommaso , in Angelicum, 36, 1959, p. 343-382.
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effectues par les mdivaux eux-mmes1. Outre Aristote2, il est confront notamment aux
uvres dAvicenne, Averros3 et Mamonide4. Il leur doit des problmes philosophiques quil
insre dans sa thologie5. En consquence, sa thorie de la libert humaine est marqu par
laristotlisme. Mais peut-on souponner Thomas de proposer une thorie qui serait trop
marque par la philosophie naturelle au dtriment des donnes scripturaires6 ?
Thomas enseigne dans une institution, luniversit7, o il est confront un
encadrement des savoirs : des mesures prcisent la fois ce quil faut enseigner et ce quil ne
faut pas enseigner. Aussi, bachelier, lAquinate hrite-t-il des premires ractions
institutionnelles hostiles aux uvres dAristote. En 1210, le synode de Sens, runi sous la
direction de larchevque Pierre de Corbeil, condamne certains matres, dont Amaury de
Bne8 et David de Dinant1, pour leurs crits panthistes, perus comme inspirs dAristote2, et
1 Les philosophes assimils aux picuriens sont : Thals, Anaximandre, Hraclite, Empdocle, Dmocrite,
Leucippe, Caecina, Attale, Hsiode et/ou Homre, picure ; les philosophes assimils aux stociens sont :
Pythagore, Herms Trismgiste, Socrate, Platon, Speucippe et les Acadmiciens ; les philosophes assimils aux
aristotliciens sont : Anaxagore, Aristote, Alexandre dAphrodise, Thophraste, Porphyre, Albubacher et/ou
Avempace, Avicenne, Algazel et Averros. Sur cette classification : A. DE LIBERA, picurisme, stocisme,
aristotlisme. Lhistoire de la philosophie vue par les Latins (XIIe-XIIIe sicle) , in A. Hasnawi, A. Elamrani-
Jamal, M. Aouad d., Perspectives arabes et mdivales sur la tradition scientifique et philosophique grecque,
Louvain-Paris, 1997, p. 343-364.2 L. ELDERS, Saint Thomas dAquin et Aristote , in R.T., 88, 1988, p. 357-376.3 Pour une recension des 500 citations dAverros dans l uvre de Thomas : C. VANTEENKISTE, San
Tommaso dAquino ed Averro , in Rivista degli studi orientali, Roma, 32, 1957, p. 585-663. Pour une
prsentation de lutilisation dAverros et des critiques de Thomas : L. ELDERS, Averros et saint Thomas
dAquin , in Doctor Communis, 45, 1992, p. 46-56 ; A. PAVLOVIC, Saint Thomas et son attitude lgard
dAverros , in Synthesis Philosophica, 7, 1992, p. 303-315.4 A. WOHLMAN, Thomas dAquin et Mamonide. Un dialogue exemplaire, Paris, 1988 ; id., Thomas dAquin et
Mamonide. Un dialogue impossible, Fribourg, 1995 ; R. IMBACH, Alcune precisazioni sulla presenza di
Maimonide in Tommaso dAquino , in Studi 1995, Roma, 1995, p. 48-64.5 L.-J. BATAILLON, Problmes philosophiques dans les uvres thologiques , in Lenseignement des
disciplines la Facult des arts (Paris et Oxford, XIIIe-XIVe sicle), O. Weijers, L. Holtz d., Turnhout, 1997,
p. 445-453.6 Comme la suggr M. CORBIN, dans son tude Du libre arbitre selon St. Thomas dAquin, Paris, 1992, p. 42.7 Pour un aperu du fonctionnement universitaire : R. IMBACH, Universit , in Dictionnaire du Moyen Age,
Paris, 2002, p. 1420-1421.8 Sur ce point : G. C. CAPELLE, Autour du dcret de 1210, t. 3 : Amaury de Bne. Etude sur son panthisme
formel, Paris, 1932 ; P. LUCENTINI, Leresia di Almarico , in W. Beierwaltes d., Eriugena redivivus,
Heidelberg, 1987, p. 174-191.
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et interdit la lecture, tant publique que prive, des livres naturels dAristote et de ses
commentateurs, sous peine dexcommunication3. Les thories du De anima, de lthique, de
la Physique et de la Mtaphysique sont vises4. Si certains matres en thologie, tel Simon de
Tournai, sont influencs par le nouvel Aristote, la plupart, tel Prvotin de Crmone, chancelier
de luniversit de 1201 1210, sont opposs lenseignement des uvres dAristote5. En
1215, la rcente universit de Paris, par le biais des statuts crs par le cardinal-lgat Robert
de Couron, interdit lenseignement des uvres dAristote, hormis les oeuvres logiques6.
Cette mesure, qui ninterdit pas de lire Aristote, mais seulement de le prendre pour support
dun cours quil soit particulier ou public, est limite dans lespace et dune efficacit
relative7. En 1228, les constitutions des frres prcheurs, rdiges par Raymond de Peafort,
interdisent, sauf dispense particulire, dtudier les arts libraux8. Le tournant a lieu dans les
annes 1220-1230. Alors que, le 7 juillet 1228, il sinquite des graves nouveauts de
lenseignement de la thologie et assne que les thologiens doivent tenir leur esprit captif,
dans lobissance au Christ 9, le pape Grgoire IX promulgue la bulle Parens scientiarum et
confie, le 13 avril 1231, une commission dexpurger les uvres dAristote de leurs erreurs
avant de pouvoir les enseigner10. Il est improbable quil ait prvu lchec de cette entreprise1.
1 E. MACCAGNOLO, David of Dinant and the Beginnings of Aristotelianism in Paris , in P. Droncke d., A
History of Twelftrh Century Western Philosophy, Cambridge , 1988, p. 429-442.2 Cette lecture est galement inspire du Periphyseon de Jean Scot Erigne. Amaury a tudi dans les coles de
Chartres o il certainement pris connaissance des textes dErigne.3 Chartularium Universitatis Parisiensis, I, n11, p. 70.4 Sur ce point : L. BIANCHI, Censure et libert luniversit de Paris (XIIIe et XIVe sicles), Paris, 1999, p. 92-
99 : Livres lisibles et livres illisibles .5 L. BIANCHI, Les interdictions relatives lenseignement dAristote au XIIIe sicle , in C. Lafleur d.,
Lenseignement de la philosophie au XIIIe sicle. Autour du Guide de ltudiant du ms Ripoll 109, Turnhout,
1997, p. 109-137.6 Chartularium Universitatis Parisiensis, I, n20, p. 78-80.7 Par exemple, luniversit de Toulouse ne sent pas lie par cette interdiction. En 1229, elle attire les matres
parisiens, alors en grve, en vantant lautorisation denseigner lensemble des uvres dAristote.8 Sur ce point : G. MEERSSEMAN, In libris gentilium non studeant. Ltude des classiques interdite aux
clercs au Moyen ge ? , in Italia medioevale e umanistica, I, Padova, 1958, p. 1-13.9 Chartularium Universitatis Parisiensis, I, n59, p. 114-116. Sur ce thme : L. BIANCHI, Captivare
intellectum in obsequium Christi , in Rivista critica di storia delle filosofia, 38, 1983, p. 81-87.10 Chartularium Universitatis Parisiensis, I, n79, p. 137-138. Sur ce point : L. BIANCHI, Censure et libert, p.
103-110 : Aristote expurg .
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Aussi, bachelier, Thomas hrite-t-il des intrts de certains matres en thologie pour l uvre
dAristote. En effet, certains, tels Guillaume dAuxerre et Philippe le Chancelier, portent leur
intrt sur lensemble des uvres dAristote. Ils considrent quil nest plus possible dutiliser
uniquement la logique du Philosophe tout en en refusant les autres uvres alors que
lenseignement de la Facult des arts intgre progressivement la philosophie naturelle du
Philosophe2. Matre en thologie, officiellement reu Paris, le 12 aot 1257, Thomas est le
contemporain la fois de la dcision de 1255 denseigner, la Facult des arts de Paris,
lensemble des uvres dAristote3 et de la condamnation universitaire de certaines thses
enseignes issues de la philosophie grco-arabe de 12704. Quels impacts ont ces dcrets
institutionnels sur la pense thomasienne ? Quelles incursions dans le domaine de la
philosophie naturelle permettent les autorisations ? Au contraire, quelles limitatrions de
questionnement impliquent les interdictions ?
tudiant puis Matre en thologie, Thomas est membre de luniversitas, cest dire de
la communaut des matres et des tudiants. tudiant, il bnficie de lenseignement dAlbert
le Grand5. Matre, il se confronte lenseignement dautres matres sur la thorie de la libert
humain, aussi bien des matres es-art6, tel Siger de Brabant7, ou de thologie, tel
Bonaventure8. Celui-ci, suivi par dautres, tel Jean Peckham, promeut une thologie
1 S. J. WILLIAMS, Repenser lintention et leffet des dcrets de 1231 du pape Grgoire IX sur ltude des
libri naturales dAristote lUniversit de Paris , in C. Lafleur et J. Carrier dir., Lenseignement de la
philosophie au XIIIe sicle. Autour du Guide de ltudiant du mas. Ripoll 109, Turnouht, 1997, p. 139-163.2 De plus, les matres de la Facult des arts de Paris enseignent lessentiel des uvres dAristote ds 1240. Vers
1230-1240, un manuel relatif aux principaux textes dAristote est rdig aux bnfices des candidats aux
examens de la Facult des arts. En 1252, la nation anglaise de la Facult des arts de Paris oblige les candidats
la determinatio suivre des leons portant sur le De anima dAristote.3 Chartularium Universitatis Parisiensis, I, n246, p. 277-279.4 Chartularium Universitatis Parisiensis, I, n432, p. 486-487.5 J. A. WEISHEIPL, Thomas Aquino and Albert, His Teacher, Toronto, 1980.6 A. DE LIBERA, Facult des arts ou facult de philosophie ? Sur lide de philosophie et lidal
philosophique au XIIIe sicle , in LEnseignement des disciplines la Facult des arts (Paris et Oxford, XIIIe-
XVe sicles), O. Weijers, L. Holtz d., Turnhout 1997, p. 429-444.7 .-H. WBER, Lhomme en discussion luniversit de Paris. La controverse de 1270 et son retentissement
sur la pense de s. Thomas dAquin, Paris, 1270, p. 15-25 : Le dialogue philosophique de Thomas dAquin et
de Siger de Brabant . Analyse conteste par B. C. BAZN, Le dialogue philosophique entre Siger de Brabant
et Thomas dAquin. A propos dun ouvrage rcent d.-H. Wber O.P. , in R.P.L., 72, 1974, p. 53-155.8 .-H. WBER, Dialogue et dissensions entre saint Bonaventure et saint Thomas dAquin Paris (1252-1273),
Paris, 1974, p. 17-29 : Le dialogue de Bonaventure et Thomas dAquin ; J.-G. BOUGEROL, Saint Thomas
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dinspiration augustinienne strictement oppose laristotlisme tel quil est profess la
Facult des arts. Quel impacts doctrinaux ont ces confrontations et ces dialogues sur la
dfinition de la libert humaine de Thomas1 ?
Certaines tudes ont affirm que Thomas, sur le thme de la libert humaine, a
radicalement chang de perspective. O. Lottin a affirm que la pense thomasienne a volu
fortement de son commentaire sur les Sentences aux De Malo2. Prcisment, il a distingu
dabord trois3 puis deux tapes4 dans la pense thomasienne. B. Lonergan et G. P. Klubertanz
ont repris le triple dcoupage. Selon eux, le commentaire sur les Sentences serait le premier
essai pour dfinir la libert humaine. Le De Veritate, la Summa contra Gentiles et la Prima
Pars de la Summa theologiae formeraient un ensemble de textes prsentant une conception
qualifie d errone de la libert5. Dans ces textes, Thomas restreindrait la dfinition de la
libert une indtermination. Seules la Secunda Pars de la Summa theologiae et la question 6
du De Malo prsenteraient une conception qualifie d aboutie de la libert humaine. Dans
ces textes, le dominicain donnerait une dfinition positive de la libert comme libert de
vouloir. la suite dO. Lottin et de B. Lonergan, H.-M. Manteau-Bonamy, dans son article
dAquin et saint Bonaventure frres amis , in 1274. Anne charnire, mutations et continuits, Paris, 1277, p.
741-750.1 Un des aspects a t relev par .-H. WBER, in Dialogue et dissensions, Paris, 1974, p. 459-484 : La raison
fondamentale de la rupture de Thomas avec laugustinisme .2 O. LOTTIN, La date de la Question dispute De Malo de Saint Thomas dAquin , in Revue dHistoire
ecclsiastique, 24, 1928, p. 373-388 ; Le libre arbitre chez saint Thomas dAquin , in R.T., 12, 1929 ;
Libert humaine et motion divine de s. Thomas dAquin la condamnation de 1277 , in R.T.A.M., 7, 1935, p.
52-69 ; p. 156-173 ; La preuve de la libert humaine chez S. Thomas dAquin , in R.T.A.M., 23, 1956.3 O. LOTTIN, Le libre arbitre chez saint Thomas dAquin , in R.T., 1929, p. 410 : on peut distinguer trois
tapes : lune correspond la rdaction du Commentaire des Sentences (1254-1256) ; lautre est marque par
la Question De Veritate (1256-1259), la Somme contre les Gentils et stend jusqu la priode o fut rdige la
Pars prima de la Somme thologique (vers 1267) ; la troisime priode enfin est celle o saint Thomas rdigea
la Question De Malo (1269-1270) et la Prima secundae de la Somme thologique (1271) .4 O. LOTTIN, Psychologie et Morale, I, Louvain-Gembloux, 1942, p. 226 : Dans le dveloppement de la
pense de saint Thomas relativement la libert humaine et ses fondements, on peut distinguer deux priodes :
lune stend de lpoque du Commentaire des Sentences (1254-1256) jusqu la premire condamnation de
laverrosme par lvque de Paris, le 10 dcembre 12370, lautre comprend les crits du saint Docteur qui ont
suivi cette condamnation .5 B. LONERGAN, Grace and Freedom : Operative Grace in the Thought of St. Thomas Aquinas, Toronto, 2005,
rd., p. 95: the historian cannot but regard the relevant passages in the De Veritate, the De potentia, and the
Prima Pars as a momentary aberration .
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qui napporte rien de nouveau, a mme prsent la question 6 du De Malo comme tant le
seul texte thomasien dfinissant de manire rellement satisfaisante la notion de libert.
Dautres tudes ont t beaucoup plus nuances en affirmant que lAquinate na pas
rellement chang ni sa thorie de la libert humaine1 ni sa thorie de la volont2 mais les a
plutt affines et prcises. Ces approches sont trop restrictives. Quelle ait radicalement
chang ou quelle se soit simplement affine, la pense thomasienne ne peut quavoir volu.
Il est en effet certain que la pense dun homme de fides quaerens intellectum ne cesse de
progresser. Le problme est, en ralit, double : Thomas a-t-il modifi son usage des notions
qui lui permettent de dfinir son concept de libert et, par consquent, a-t-il modifi son
concept de libert humaine ?
Plusieurs thories de la libert soffrent Thomas. La premire est celle de
l'automotion : lhomme est responsable uniquement des actions dont il est l'auteur, c'est--dire
de ses gestes et de toute la srie des consquences de ces gestes. La deuxime est celle de la
connaissance des circonstances : lhomme est responsable uniquement des actions quil
accomplit en connaissance de cause. La troisime est la libert l'gard de la contrainte :
lhomme nest pas libre parce quil nest pas responsable des actions pour lesquelles il est
contraint par une force extrieure. La quatrime est celle de la libert l'gard de toute
dtermination par des causes extrieures : les mmes causes produisent des effets diffrents
qui manifestent lexistence de la libert. La cinquime est celle de la libert l'gard de toute
dtermination par des causes internes : lhomme est libre car il possde toujours le choix
dagir autrement. La sixime thorie est celle de la libert de dcision : lhomme est libre car
la forme d'action quil dcide d'accomplir n'est pas causalement dtermine ; il possde le
libre arbitre ou la volont libre. La septime thorie est celle de la libert non-prdtermine :
lhomme est libre car il nexiste pas de causes antrieures son action ou son choix qui
puissent dterminer d'avance sil accomplira ou choisira une forme d'action ou une autre ; rien
d'autre que l'agent lui-mme n'est cause de sa manire d'agir. Certaines de ces dfinitions sont
incompatibles avec la foi chrtienne. Dautres, en revanche, peuvent tre adoptes par un
thologien. En effet, les quatre premires dfinitions de la libert sont compatibles aussi bien
avec un systme du monde dterministe qu'avec un systme du monde indterministe. En
revanche, les cinquime et sixime dfinitions supposent un systme du monde
1 G. P. KLUBERTANZ, The Root of Freedom in St. ThomasLater Works , in Gregorianum, 42, 1961, p.
701-724.2 D. WESTBERG, Did Aquinas Change his Mind about the Will ? in The Thomist, 58, 1994, p. 41-60.
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indterministe. Thomas est, en consquence, amen rfuter, adopter, voire articuler ces
diffrentes thories pour construire la sienne propre.
Le dialogue que Thomas engage avec la philosophie naturelle lui permet de construire
une pense spcifique. Deux autorits simposent surtout : Augustin dHippone1 et Aristote2.
LAquinate hrite de deux thories psychologiques et thiques partir desquelles il construit
sa dfinition de la libert : celle du libre arbitre et celle de la volont. Le premier concept,
forg par la patristique latine, permet dassurer la responsabilit de lhomme dans le choix du
mal. Il permet de distinguer la facult de choisir librement dune simple condition de libert
comme absence de contrainte externe. Le libre arbitre est donc un pouvoir des opposs. En
revanche, la notion de volont montre davantage le dsir qui met lhomme agir en vue
dobtenir quelque chose. Lexpression franaise de libre arbitre rend insuffisamment compte
du lien indissoluble qui lunit la notion de volont. Dans ses uvres, Thomas semploie
articuler ces deux notions. Il entend prouver que lhomme agit librement. Mais adopte-t-il
parfaitement ce que lon pourrait appeler un principe des possibilits alternatives 3 ?
Trois interprtations ont t proposes. Certaines ont fait valoir quil existe diffrentes
interprtations possibles de ce principe et que lAquinate ny adhrerait qu une version
faible. Dautres ont avanc quil y a dans son analyse de lagir humain des lments qui
sopposent une telle notion, de sorte que sa thorie densemble serait incohrente. De sorte
que, parmi ceux qui avancent une telle hypothse, certains ont propos une analyse dite
dterministe. Mais, dautres encore ont propos une analyse dite compatibiliste : Thomas
naurait pas adhr au principe des possibilits alternatives ou alors sous une forme qui le
rend compatible avec une certaine forme de ncessit. Quen est-il rellement ?
Un fil conducteur, pour concilier lapproche philosophique et lapproche historique,
simpose : comparer lusage des autorits, et par consquence des thories, dAugustin et
dAristote dans ses uvres majeures, du commentaire sur les Sentences au De Malo. Depuis
tienne Gilson, il est commun de prsenter lAquinate comme un aristotlicien. Dans une
tude clbre, il demandait : Pourquoi saint Thomas a critiqu saint Augustin 4. Depuis, il
est acquis que le dominicain nest pas un pur aristotlicien. Une lecture nouvelle de ses
uvres entrane demander pourquoi il a rompu, non avec Augustin, mais avec Aristote !
1 Voir Partie I, chapitre 2, I.2 Voir Partie I, chapitre 3.3 C. MICHON, Le libre arbitre , in T.-D. Humbrecht dir., Saint Thomas dAquin, Paris, 2010, p. 237. E.
STUMP, Aquinas, London-New York, 2005, p. 299.4 in A.H.D.L.M.A., 1, 1926, p. 5-127.
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PARTIE 1 : LES SOURCES DE THOMAS DAQUIN
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CHAPITRE 1 : LA LIBERT HUMAINE DANS LA BIBLE
Thomas dAquin na de cesse de mditer et dapprofondir sa connaissance des
critures, lues de manire thologique. Religieux mendiant, il coute, mdite et prche les
textes bibliques lors de la liturgie1. tudiant, Paris puis Cologne, de 1245 1252, il a
probablement reu un enseignement complet sur lensemble des livres de la Bible2. Bachelier
biblique Cologne3, il lit et commente les livres dIsae, de Jrmie et les Lamentations, en
1252. Matre, il lit et commente le livre de Job, entre 1261 et 1265, lvangile selon Matthieu,
en 1269-1270, lvangile selon Jean, entre 1270 et 1272, les ptres de Paul, en 1272-12734,
et les cinquante-quatre premiers Psaumes, en septembre-octobre 12735. Pratiquant une
exgse littrale, lAquinate trouve dans ces textes des citations et des notions qui alimentent
sa thorie de la libert humaine. Deux familles de textes sont distinguer : ceux de lAncien et
ceux du Nouveau Testament. W. Thnissen la rappel : lAncien Testament ne mentionne pas
explicitement la notion de libert humaine6. Pourtant, les crits vtrotestamentaires
prsentent lhomme soit en situation de libert (hofsi)7, soit en situation de captivit. Le
Nouveau Testament insiste sur la captivit du pch et la restauration de la libert par le
Christ. Aussi, trois thmes retiennent-ils particulirement lattention : lobissance en lien
avec la volont et la Loi divines, le choix du mal, lasservissement au pch et la restauration
de la libert humaine par et dans le Christ.
1 L. G. WALSH, dans son tude Liturgy in the Theology of St. Thomas , in The Thomist, 38, 1974, p. 557-
583, relve des parallles entre la thologie de Thomas et la clbration de lanne liturgique.2 H. DENIFLE, Quel livre servait de base lenseignement des matres en thologie luniversit de Paris ? ,
in R.T., 2, 1894, p. 149-161.3 Les commentaires scripturaires thomasiens demeurent peu tudis. Pourtant W. G. B. M. VALKENBERG,
Words of the Living God. Place and Function of Holy Scripture in the Theology of St. Thomas Aquinas, Louvain,
2000, considre que ce sont les oeuvres les plus originales de Thomas.4 Thomas accorde une importance capitale aux ptres de Paul quil lit de manire systmique. O.-H. PESCH,
Paul as Professor of Theology. The Image of the Apostle in St. Thomass Theology , in The Thomist, 38,
1974, p. 584-605.5 T. F. RYAN, Thomas Aquinas as Reader of the Psalms, Notre Dame, 2000.6 W. THNISSEN, Libert in J.-Y. Lacoste dir., Dictionnaire critique de thologie, Paris, 2007, 3e d., p.
783-784.7 Ce mme terme signifie esclave en cananen.
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I. La libert humaine est fonde sur lobissance.
1) LAncien Testament : La libert est fonde sur lobissance la
volont de Dieu.
La Gense prsente ltat de libert originel dans lequel se trouvaient Adam et ve
dans le cadre du jardin dEden. Le texte centre sa rflexion sur lobissance humaine la
parole de Dieu. YHWH pose lhomme la fois une autorisation et une interdiction : De
tous les arbres du jardin tu peux manger, mais de larbre de la connaissance du bien et du
mal, tu nen mangeras pas 1. Par cette sentence qui prend la forme dun commandement,
YHWH fait de lhomme le responsable de son agir. Linterdiction prend forme de loi et sert
faire perdurer le don de la vie. Lobissance de lhomme se fonde sur la confiance dans la
parole divine qui permet de dpasser lapparente contrainte du commandement. Lobissance
ce commandement est une ncessit. La sanction encourue par lhomme, en cas de
transgression, est la mort : car le jour o tu en mangeras, tu mourras de mort 2. zchiel le
rappelle : la pratique de la loi assure la vie3. Mais le commandement offre une alternative :
obir ou dsobir. Les thologiens mdivaux retiendront tous ce point de doctrine essentiel.
2) LAncien Testament : La libert est fonde sur lobissance la
Loi ancienne.
LAncien Testament prsente lhomme comme libre sous la Loi4. Trois ensembles
lgislatifs se distinguent : le code de lalliance (Exode 20, 2-17), le code deutronomique
1 Liber Genesis 2, 15-17 a : Tulit ergo Dominus Deus hominem, et posuit eum in paradiso voluptatis, ut
operaretur et custodiret illum ; praecepitque ei dicens : Ex omni ligno paradisi comede ; de ligno autem
scientiae boni et mali ne comedas .2 Liber Genesis 2, 17 b : in quocumque enim die comederis ex eo, morte morieris .3 Prophetia Ezechielis 20, 11 : Et dedi eis praecepta mea et iudicia mea ostendi eis, quae faciat homo et vivat
in eis . Un proverbe sumrien nonce la mme ide : Y a-t-il quelquun qui fasse le droit ? Pourtant il gnre
la vie ! . E. I. GORDON, Sumerian Proverbs, New York, 1968, p. 41.4 O. ARTUS, La loi, un concept thologique ? Approche de la comprhension biblique de la Loi dans la
Torah , in P. Bordeyne dir., Bible et morale, Paris, 2003, p. 176-177 : Dans sa matrialit et dans la finalit
quelle se donne, la loi dIsral doit sans doute beaucoup aux grandes civilisations qui lont prcde. Mais
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(Deutronome 12-26), et la loi de saintet (Lvitique 17-26). Ces textes placent lensemble
des actes humains, quils soient relatifs la morale, la puret alimentaire, corporelle,
sexuelle..., sous la Loi. Celle-ci snonce en pluralit mais forme une totalit dnombrable. En
consquence, la Loi fait de tout acte humain un acte rtribuable ou condamnable. Au total, six
cent treize commandements (mitsvt) sont respecter, deux cent quarante-huit positifs et trois
cent soixante-cinq ngatifs. Parmi les ensembles lgislatifs, les thologiens mdivaux
accorderont une importance essentielle aux dix paroles 1, quils nhsitent pas
commenter2. Les Dcalogues prsentent la Loi fondamentale respecter. Deux sortes de
prescriptions sont donnes : celles concernant la relation YHWH et celles concernant la
relation au prochain. Prsents de manire unilatrale et inconditionne, les commandements
ne sont pas associs une quelconque peine, en cas dinfraction. Pourtant, ils imposent
lhomme la notion de justice divine (mishpat)3. Lobissance la Loi est une ncessit. Mais,
la Loi offre une alternative : obir ou non. Le fondement de lobissance repose sur la foi dans
lorigine divine de la Loi4. Celle-ci devient la manifestation de lalliance (herith) propose par
YHWH. Les thologiens mdivaux, dont Thomas dAquin, rtudieront larticulation entre la
Loi ancienne et la Loi nouvelle.
cest la mise en relation progressive des diffrentes lois entre elles, cest leur articulation avec des rcits
fondateurs, rcits de cration et de salut, cest enfin la confession de foi que Yahv sengage personnellement
auprs des plus faibles, professe par les prophtes, et intgre dans les textes lgislatifs, qui confrent aux lois
de la Torah leur spcificit. Dans la Torah, la loi devient un lieu thologal. Elle nonce la rponse possible de
lhomme Dieu, dans le cadre de lalliance : rponse toujours imparfaite, toujours susceptible de nouvelles
formulations, suscites par le dialogue fcond entre les normes historiquement dtermines et les mtanormes
qui rappellent les exigences ternelles de lalliance .1 Cette apellation a t donne par Clment dAlexandrie et Irne de Lyon. La Bible hbraque en connat deux
versions : Exode 20, 2-14 ; Deutronome, 5, 6-21. Sur la constitution et le dveloppement du canon juif : B.
CHAPMAN, The Law and the Prophets, Tbingen, 2000. I. HIMBAZA, Le Dcalogue et lhistoire du texte,
Gttingen-Fribourg, 2004.2 Pour ne citer quun exemple : BONAVENTURE, Les Dix commandements, M. Ozilou trad., Paris, 1992.3 Sur ce point : J. A. ZIESLER, The Meaning of Righteousness in Paul. A linguistic and theological Inquiry,
Cambridge, 1972, p. 17-43.4 La Bible, la diffrence des autres codes lgislatifs du Moyen Orient, na pas rassembl ses lois sous le nom de
ses rois. N. LOHFINK, Les lois du Pentateuque dans le contexte des lgislations du Proche-Orient ancien , in
Transversalit, 70, 1999, p. 132-133.
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3) Les vangiles : La libert est fonde sur lobissance la Loi
nouvelle.
Les vangiles centrent leur rflexion sur le message de Jsus qui proclame que sa
venue accomplit la Loi1. Mais ladhsion lenseignement de de Jsus nest pas prsente
comme contraignante mais comme la rponse un appel. Nanmoins, le message de Jsus
face la Loi est complexe. En effet, il comporte trois aspects : labrogation des interprtations
et des pratiques dvies des lois anciennes ; le maintien, voire laccentuation de certaines
lois ; lajout de nouvelles lois2. Lvangile de Luc rappelle la fois lanciennet de la loi et la
nouveaut de lenseignement de Jsus3. Il enseigne que celui qui agit moralement ne fait que
son devoir4 et que la vritable libert consiste suivre Jsus5. Lvangile de Matthieu
transmet deux discours sur la Loi : dabord, il rappelle la validit indfectible de la Torah6
puis, se rfrant au Deutronome et au Lvitique, il dfend la primaut de lamour de Dieu, du
prochain, comme de soi-mme7. Lvangile de Matthieu fusionne les deux approches en
1 Evangelium super Matthaeum 5, 17 : Nolite putare quoniam veni solvere legem aut prophetas : non veni
solvere, sed adimplere .2 J. P. MEIER, Un certain Juif, Jsus. Les donnes de lhistoire, t. 4 : La loi et lamour, Paris, 2009, p. 33 : les
quatre vangiles dcrivent Jsus en train de donner un enseignement, qui tour tour, confirme, largit,
intriorise, radicalise ou mme abroge des lments particuliers de la Loi-tout en considrant la Torah
mosaque comme allant de soi en tant que le donn, et mme le divinement donn .3 Le terme de loi est cit neuf fois. Sur ce point : F. BOVON, La Loi dans l uvre de Luc , in La loi dans lun
et lautre Testament, Paris, 1997, p. 206-225.4 Evangelium secundum Lucam 17, 10 : Sic et vos, cum feceritis omnia quae praecepta sunt vobis, dicite : Servi
inutiles sumus ; quod debuimus facere, fecimus .5 Evangelium secundum Lucam 9, 23-25 : Dicebat autem ad omnes : Si quis vult post me venire, abneget
semetipsum, et tollat crucem suam quotidie, et sequatur me. Qui enim voluerit animam suam salvam facere,
perdet illam ; nam qui perdiderit animam suam propter me, salvam faciet illam. Quid enim proficit homo, si
lucretur universum mundum, se autem ipsum perdat, et detrimentum sui faciat ? .6 Evangelium secundum Mattaeum 5, 18 : Amen quippe dico vobis : Donec transeat caelum et terra, iota unum
aut unus apex non praeteribit a Lege, donec omnia fiant . D. MARGUERAT, Pas un iota ne passera de la
loi (Mt 5, 18). La loi dans lvangile de Matthieu , in La loi dans lun et lautre Testament, Paris, 1997, p. 140-
174.7 Evangelium secundum Ioannem 15, 12 : Hoc est praeceptum meum ut diligatis invicemsicut dilexi vos ;
Evangelium secundum Mattaeum 22, 39 : Secundum autem simile est huic : Diliges proximum tuum sicut
teipsum ; Evangelium secundum Marcum 3, 35 : qui enim fecerit voluntatem Dei, hic frater meus, et soror
mea, et mater est ; Evangelium secundum Marcum 12, 28-34 : Et accessit unus de scribis, qui audierat illos
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prsentant la perfection de Dieu comme norme de lacte raliser1. Jsus enseigne que
lhomme doit devenir parfait comme Dieu lest2. En consquence, la Loi morale acquiert une
radicalit nouvelle : elle exige une application totale qui ne se limite plus au respect
dinterdits. En effet, lhomme doit accomplir la volont de Dieu3 prsent comme Pre de
tous les hommes4. Il se perfectionne par et dans lamour. Lenseignement de Jsus bouleverse
ainsi le statut de la Loi : Jsus appelle lhomme une autre forme dexistence qui dpasse les
cadres du monde. Les vangiles proposent une morale dont la fin est surnaturelle.
II. La libert humaine est marque par le mal.
1) lorigine : Lhomme est libre de renoncer au bien.
a) Lhomme est laiss son conseil.
LAncien Testament reconnat lhomme une libert personnelle : YHWH a fait au
commencement lhomme et il la laiss son conseil 5. Thomas verra dans cette citation une
correspondance avec la notion aristotlicienne du choix. LAncien Testament situe la source
conquirentes, et videns quoniam bene illis responderit, interrogavit eum quod esset primum omnium mandatum.
Jesus autem respondit ei : Quia primum omnium mandatum est : Audi, Isral ; Dominus Deus tuus Deus unus
est ; et diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et ex tota anima tua, et ex tota mente tua, et ex tota
virtute tua. Hoc est primum mandatum. Secundum autem simile est illi : Diliges proximum tuum tanquam
teipsum. Majus horum aliud mandatum non est. Et ait illi scriba : Bene, Magister, in veritate dixisti quia unus
est Deus, et non est alius praeter eum ; et ut diligatur ex toto corde, et ex toto intellectu, et ex tota anima, et ex
tota fortitudine ; et diligere proximum tanquam seipsum majus est omnibus holocaustometibus et sacrificiis.
Jesus autem videns quod sapienter respondisset, dixit illi : non est longe a regno Dei ; Evangelium secundum
Lucam 10, 27 : Ille respondens dixit : Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et ex tota anima tua, et
ex omnibus viribus tuis, et ex omni mente tua ; et proximum tuum sicut teipsum .1 Sur ce point : J. LAMBRECHT, Eh bien ! Moi je vous dis : le discours programme de Jsus (Mt 5-7 ; Luc 6,
20-49), Paris, 1986, p. 107-109 : La perfection de Dieu comme norme .2 Evangelium secundum Mattaeum 5, 48 : Estote ergo vos perfecti, sicut Pater vester caelestis perfectus est .3 Ibid, p. 172-173 : Servir Dieu seul (6, 19-24) .4 Evangelium secundum Matthaeum 23, 9 : Et patrem nolite vocare vobis super terram ; unus est enim Pater
vester qui in caelis est .5 Le texte hbreu nonce son penchant . Le texte latin quutilise Thomas nonce son conseil . Liber ad
Ecclesiasticum 15, 14 : Deus ab initio constituit hominem, et reliquit illum in manu consilii sui .
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du vouloir dans le leb, le c ur , qui peroit, connat, comprend, dsire et choisit1. Il sous-
entend que Dieu a confr lhomme une autonomie morale. Lvangile de Marc voque le
ur (kardia/cordis), lme (psych/anima), lesprit (dianoia/spiritus) et la force
(ischys/fortitudo) comme source dimpulsion2. Dieu attend que lhomme se porte vers le bien
mais Il le laisse libre de choisir entre deux forces antithtiques : le bien qui est compltude et
perfection et le mal qui nest pas un simple oppos du bien mais qui est une puissance
agressive qui apporte la destruction et donne la mort3. Pour choisir, lhomme doit faire preuve
de discernement. Pour cela, il doit se fonder sur la Parole divine. Sappuyant notamment sur
ces donnes bibliques, mais aussi sur lptre aux Romains, les thologiens latins thoriseront
une notion de volont quil prseront comme irrductible et fondement de la libert humaine.
b) Lhomme a le devoir de combattre son penchant mauvais.
LAncien Testament insiste sur la ncessaire obissance la Parole divine mais laisse
entrevoir que lhomme a, sous une certaine forme, le choix entre le bien et le mal. La Gense
impose ce problme : pourquoi vouloir le mal plutt que le bien alors que le choix de celui-ci
conduit tre chass dEden? Lcclsiastique admet la dualit qui existe en lhomme, dou
de deux penchants, un bon (ysr hatb) et un mauvais (ysr hr)4. Il existe donc pour
lhomme deux formes de vouloir contradictoire. Cependant, lAncien Testament refuse de
faire du penchant mauvais une cause ncessitante qui oblige lhomme vouloir
ncessairement le mal. Comment lhomme peut-il choisir dcouter son bon penchant et
carter son mauvais penchant ? Lcclsiastique propose trois solutions. La premire solution
est dordre moral : quelle que soit la force de ce penchant mauvais, lhomme a le devoir de le
1 Liber Psalmorum 21, 3 : Desiderium cordis eius tribuisti et et voluntatem labiorum eius non denegasti .2 Evangelium secundum Marcum 12, 30 : et diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo et ex tota anima
tua et ex tota mentetua et ex tota virtute tua .3 E. BEAUCAMP, Pch dans lAncien Testament. Le vocabulaire hbraque , in Dictionnaire de la Bible
(supplment), Paris, 1961, VII, col. 411-414.4 J. HADOT, Penchant mauvais et volont libre dans la Sagesse de Ben Sira, Bruxelles, 1970, p. 23 : La
doctrine du ysr constitue un des points les plus importants de la spculation juive sur la faiblesse morale de
lhomme [] Elle a pour but de rendre compte de laspect moral de la nature humaine en la considrant comme
un champ de bataille entre deux tendances, deux penchants, selon le terme consacr, le mauvais (ysr hr) et
le bon (ysr hatb). Selon que lun ou lautre lemporte dans cette lutte, lhomme est considr comme juste ou
pcheur .
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combattre1. La seconde solution est de mditer avant dagir. Lcclsiastique admet que
cette activit est dterminante pour le choix2. La troisime solution consiste mettre
volontairement3 sa volont au service de celle de Dieu4. Ainsi, lAncien Testament manifeste-
t-il la possibilit pratique pour lhomme de ne pas pcher et, en consquence, divise
lhumanit en deux catgories : dun ct, les justes ; de lautre, les insenss . Il relve
donc du choix de chacun de devenir lun ou lautre5.
c) Lhomme est soumis la justice divine.
LAncien Testament prsente YHWH comme jaloux mais juste. En effet, la Gense
enseigne que Dieu sinterdit de punir par vengeance6. Le texte manifeste lexistence de la
libert daction de lhomme en prsentant la justice divine comme rtributive : toute uvre,
bonne ou mauvaise, appelle un jugement de rcompense ou de chtiment. La responsabilit
morale entraine dcoule la culpabilit objective et subjective. Autrement dit, la justice divine
nest pas sans lhomme et sa libert dagir.
2) Adam et ve ont choisi dtre comme des dieux .
1 Pour une tude densemble : A.-M. DUBARLE, Le Pch originel dans lEcriture, Paris, 1967, p. 14-18 : La
tendance au mal .2 Sur ce point : J. HADOT, Penchant mauvais et volont libre dans la Sagesse de Ben Sira, Bruxelles, 1970, p.
202-205 : Cest le conseil qui dtermine le choix fondamental .3 J. HADOT, Penchant mauvais et volont libre dans la Sagesse de Ben Sira, Bruxelles, 1970, p. 100 : Le mot
cl est : Si tu veux. Il revient trois fois dans le contexte : au premier stique de 15, au second de 16, au second
de 17. cest donc lide centrale du passage .4 Comme la dfini J. HADOT, Penchant mauvais et volont libre dans la Sagesse de Ben Sira, Bruxelles, 1970,
p. 100 : Vouloir, quand il sagit du service de Dieu et de la Sagesse, cest orienter tout son tre et tous ses sens
sans restriction vers laccomplissement de ce que Dieu veut .5 J. HADOT, Penchant mauvais et volont libre dans la Sagesse de Ben Sira, Bruxelles, 1970, p. 166-167 :
Lide est dveloppe en quatre stiques, qui rsument magnifiquement la doctrine de Ben Sira : Quelle race
est honore ? La race de lhomme. Quelle race est honore ? Ceux qui craignent le Seigneur. Quelle race est
mprise ? La race de lhomme. Quelle race est mprise ? Ceux qui transgressent le commandement. Lide est
trs belle : par sa nature, lhomme est autant digne dhonneur que de mpris. Cest seulement son attitude en
face de Dieu qui tranchera. Sil craint le Seigneur, il sera digne dhonneur. Sinon, il sera digne de mpris .6 Liber Genesis 8, 21.
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LAncien Testament admet donc que lhomme possde la libert de choix comme en
tmoigne lacte de dsobissance dAdam et ve. Contrairement aux crits babyloniens qui
font des dieux la source du mal qui frappe lhomme1, le rcit biblique dresponsabilise YHWH
sans pour autant totalement responsabiliser lhomme de la dsobissance originelle. Le texte
introduit un tentateur, le serpent. Celui-ci prsente le commandement divin originel comme
contraignant et propose un autre choix que celui propos par YHWH. Plus prcisment, il
renverse le sens du commandement divin et propose, en consquence, le choix inverse2.
Aussi, propose-t-il Adam et ve de ne plus tre des hommes mais dtre comme des
dieux 3. Le rcit ne mentionne pas le terme de pch, ni mme celui de transgression et
nvoque pas lorigine psychologique de la dfaillance mais il insiste sur le consentement
dve puis dAdam4. ve entrane Adam dans son choix de dsobir au commandement de
1 G. MINOIS, Les origines du mal. Histoire du pch originel, Paris, 2002, p. 14 : Les origines du mal
proccupaient dj les Babyloniens. Selon ce que nous savons de leurs mythes labors au milieu du IIIe
millnaire sous la dynastie dAkkad, ils croyaient que lhomme avait t fabriqu partir du sang dun dieu
rvolt et dchu, Kingu, et quil avait donc t cr mauvais. Dans ses veines coule sans doute le sang dun
dieu, mais dun dieu coupable et condamn. [] Lhomme, en dfinitive, assume le chtiment dun crime quil
na pas commis. [] Cest bien par les dieux que le mal est entr dans le monde. Cette croyance se retrouve
dans le pome babylonien de la Cration : Ea a fait lhomme en mlangeant de la terre et du sang pourri dun
dieu dchu ; lhomme a ainsi t pourri ds lorigine. Et dans lpope de Gilgamesh, Sidouri, la cabaretire
divine, attribue les souffrances et la mort un dcret arbitraire des dieux jaloux : Quand les dieux ont cr
lhumanit, cest la mort quils allourent lhumanit, et ils retinrent la vie entre leurs mains .2 Liber Genesis 3, 1-5 : Sed et serpens erat callidior cunctis animantibus terrae quae fecerat Dominus Deus.
Qui dixit ad mulierem : Cur praecepit vobis Deus ut non comederetis de omni ligno paradisi ? cui respondit
mulier : de fructu lignorum, quae sunt in paradiso, vescimur ; de fructu vero ligni, quod est in medio paradisi,
praecepit nobis Deus ne comederemus, et ne tangeremus illud, ne forte moriamur. Dixit autem serpens ad
mulierem : nequaquam morte moriemini. Scit enim Deus quod in quocumque die comederitis ex eo, aperientur
oculi vestri ; et eritis sicut dii, scientes bonum et malum .3 Liber Genesis 3, 5 : Scit enim deus quod in quocumque die comederitis ex eo, aperientir oculi vestri, et eritis
sicut deus scientes bonum et malum . PAUL DE TARSE, Epistola ad Romanum 7, 7-11 : Quid ergo dicemus?
Lex peccatum est? Absit! Sed peccatum non cognovi nisi per legem, nam concupiscentiam nescirem nisi lex
diceret : Non concupiscences. Occasione autem accepta, peccatum per mandatum operatum est in me omnem
concupiscentiam ; sine lege enim peccatum mortuum erat. Ego autem vivebam sine lege aliquando, sed, cum
venisset mandatum, peccatum revixit, ego autem mortuus sum, et inventum est mihi mandatum, quod erat ad
vitam, hoc esse ad moretem ; nam peccatum, occasione accepta, per mandatum seduxit me et per illud occidit .4 E. BEAUCAMP, Pch dans lAncien Testament. Le vocabulaire hbraque , in Dictionnaire de la Bible
(supplment), Paris, 1961, VII, col. 417-422.
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Dieu et de manger le fruit de larbre de la connaissance du bien et du mal1. Les thologiens
mdivaux accorderont Adam de possder, ds lorigine, une libre dtermination et rcusent
que Dieu soit lauteur du mal. En ralit, le texte fait de lacte dAdam et ve un acte
manqu 2. En effet, ils agissent mais nobtiennent pas le bien souhait. La promesse du
serpent se rvle mensongre : lhomme ne devient pas comme un dieu car cela ne relve pas
de sa nature de crature ni de son choix. Les thologiens mdivaux verront dans cet pisode
une faute commise envers Dieu et le drame de la libert humaine : lhomme sest dtourn de
YHWH mais aussi de lui-mme en succombant la tentation3. Ils y verront la faillibilit de la
libert humaine et la fragilit de lhomme face la tentation. Thomas dAquin accordera ce
pch des origines une ralit formelle puisquen consquence lhumanit est prive de la
grce divine, et une ralit matrielle, puisquen consquence le dsordre rgne sur la
concupiscence.
3) En consquence : La libert humaine est asservie par le mal.
a) Le choix du pch rompt lalliance divine.
LAncien Testament prsente le pch comme la rupture par lhomme de lalliance
propose par Dieu et enseigne que cette rupture est immdiatement suivie de consquences
dramatiques pour le pcheur4. La Gense nonce tragiquement qu la suite de leur faute,
1 Liber Genesis 3, 6 : Vidit igitur mulier quod bonum esset lignum ad vescendum, et pulchrum oculis,
aspectuque delectabile ; et tulit de fructu illius, et comedit, deditque viro suo, qui comedit ; Liber
Ecclesiasticus 25, 24 : Nequitia mulieris immutat faciem eius et obscurat vultum eius tamquam ursus .2 Cest le sens primitif du htu akkadien et du hatat hbreux. Sur ce point : E. BEAUCAMP, Pch dans
lAncien Testament. Le vocabulaire hbraque , in Dictionnaire de la Bible (supplment), Paris, 1961, VII, col.
441-443. Sur le thme du pch dans la Bible : K. VAN DER TOORN, Sin and Sanction in Isral and
Mesopotamia, Assen, 1985.3 A. GESCHE, Dieu et le mal , in J. Vermeylen et alii, Pch collectif et responsabilit, Bruxelles, 1986, p.
85 : La tentation est trs exactement lacte par lequel on empche quelquun de devenir lui-mme. Le
sducteur est, la lettre, celui qui sduit (se-ducere), celui qui conduit, qui mcarte de moi-mme (a desiderio
meo). Alors que Dieu-Pre et le pre sur la terre sont ceux qui nous permettent, justement parce que non
sducteurs (rle de la loi, de linterdit) de grer mes dsirs, le sducteur, appel justement pre du mensonge (Jn
8, 44) me rend cet accs impossible .4 Les textes utilisent trois termes pour qualifier la rupture de lalliance : hefer, rompre, abar, transgresser, azab,
abandonner. P. BUIS, La notion dalliance dans lAncien Testament, Paris, 1976, 125-126. O. ARTUS, Pch
(Bible) , in Dictionnaire de lAntiquit, Paris, 2005, p. 1674.
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Adam est condamn travailler tandis quve est condamne enfanter dans la douleur1. Les
prophtes rappellent que ltat pcheur devient la marque de chaque individu2 et des
gnrations qui se succdent3. Le meurtre de Can, le dluge, lexil Babylone manifestent un
chtiment collectif et la privation de la prsence divine. zchiel, lui, insiste sur la
responsabilit individuelle de ses actes face YHWH. Les maux de ventre du roi Joram et la
lpre de Guhazi sanctionnent un individu coupable davoir faut. Le choix du pch entrane
la privation, individuelle ou collective, de la prsence divine.
b) Le pch entrane lhomme pcher.
LAncien Testament rapporte que, avant lexil, le pch prend surtout deux formes : la
dsobissance envers les commandements de Dieu4 et lidoltrie5. Ces actes ont en commun
le mpris de YHWH et de la Loi. Isae, liant pch et orgueil6, prsente le peuple hbreu tout
1 Liber Genesis 3, 16-23 : Mulieri quoque dixit multiplicabo aerumnas tuas et conceptus tuos in dolore paries
filios et sub viri potestate eris et ipse dominabitur tui ad Adam vero dixit quia audisti vocem uxoris tuae et
comedisti de ligno ex quo praeceperam tibi ne comederes maledicta terra in opere tuo in laboribus comedes eam
cunctis diebus vitae tuae spinas et tribulos germinabit tibi et comedes herbas terrae in sudore vultus tui vesceris
pane donec revertaris in terram de qua sumptus es quia pulvis es et in pulverem reverteris .2 Cependant, A.-M. DUBARLE ne relve aucune citation biblique explicite qui lierait cet tat pcheur un
pch commis aux origines . Sur ce point : A.-M. DUBARLE, Le Pch originel dans lEcriture, Paris, 1967,
p. 19-22 : Luniversalit du pch . J. VERMEYLEN, Fatalit du mal et responsabilit morale au regard de
la Bible , in J. Vermeylen et alii, Pch collectif et responsabilit, Bruxelles, 1986, p. 35-67.3 Prophetia Jeremiae 3, 25 : Dormiemus in confusione nostra, et operiet nos ignominia nostra, quoniam
Domino Deo nostro peccavimus nos, et patres nostri, ab adolescientia nostra usque ad diem hanc, et non
audivimus vocem Domini Dei nostri .4 Prophetia Osee 10, 8 : Et disperdentur excelsa impietatis, peccatum israel ; spina et tribulus ascendet super
aras eorum, et dicent montibus : Operite nos ! et collibus : Cadite super nos ! . Comme la relev G.-H.
BAUDRY, in Le Pch dit originel, Paris, 2000, p. 11 : La dsobissance est lexpression concrte de la
rvolte car elle est le refus de reconnatre lautorit du Dieu-Pre, le refus de suivre ses lois, de marcher dans
ses voies .5 G.-H. BAUDRY, Le Pch dit originel, Paris, 2000, p. 13 : Lidoltrie ne fut pas seulement la tentation
permanente de lAncien Isral mais son pch, celui qui aux yeux des prophtes caractrisent le mieux son
infidlit lgard de son Dieu, sa rvolte contre son autorit .6 Liber Isaiae 14, 13 : qui dicebas in corde tuo : In caelum conscendam, super astra Dei exaltabo solium
meum, sedebo in monte conventus in lateribus aquilonis .
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entier comme coupable du pch1. Le Deutronome prsente lexil comme la consquence de
linfidlit dIsral et de Juda. Cette exprience de lexil entrane une volution dans la
perception du pch : la solidarit des gnrations dans la faute est remise en cause. En
revanche, tous les crits vtrotestamentaires sont unanimes pour reconnatre la responsabilit
individuelle du pch. Jrmie voque lendurcissement du c ur mauvais 2. Le choix du
mal devient structurel et non conjoncturel. Le penchant mauvais de lhomme sexprime et
conduit la ralisation dactes mauvais3 : parjure4, vol5, adultre6, vengeance7 Si le choix
du bien unifie lhomme et le lie YHWH, le choix du mal len loigne et multiplie le mal.
Lhomme devient la cause du mal qui frappe lhomme. La tradition sacerdotale, que
mconnatront les thologiens mdivaux, distingue les fautes volontaires (hattat) qui
entranent lexclusion de la communaut et les fautes involontaires (shgagh) susceptibles
dtre rpares par un rite sacrificiel. Une thorie de la rtribution est mise en question par
Job et Qohlet, sans pour autant quune thologie de la misricorde divine soit propose.
c) Le pch rend lhomme incapable de faire le bien quil veut.
Dans lptre aux Romains, Paul de Tarse nonce que Adam a fait entrer le pch dans
le monde8. Il relve une consquence essentielle : limpuissance de lhomme faire le bien1.
1 Liber Isaiae 64, 5-6 : Et facti sumus ut immundus omnes nos, et quasi pannus inquinatus universae iustitiae
nostrae ; et marcuimus quasi follium universi, et iniquitates nostrae quasi ventus abstulerunt nos. Non est qui
invocet nomen tuum, qui consurgat et adhaereat tibi, quia abscondisti faciem tuam a nobis et dissolvisti nos in
manu iniquitatis nostrae .2 Prophetia Jeremiae 3, 17 : In tempore illo vocabunt Jerusalem solium Domini ; et congregabuntur ad eam
omnes gentes in nomine Domini in Jerusalem, et non ambulabunt post pravitatem cordis sui pessimi ; 7, 24 :
Et non audierunt, nec inclinaverunt aurem suam ; sed abierunt in voluntatibus et in pravite cordis sui mali ;
factique sunt retrorsum, et non ante .3 Liber Genesis 6, 5 : Videns autem Deus quod multa malitia hominum esset in terra, eet cuncta cogitatio
cordis intensa esset ad malum omni tempore .4 Liber Proverbiorum 30, 9 : ne forte satiatus illiciar ad negandum, et dicam : Qui est Dominus ? aut egestate
compulsus, furer, et perjurem nomen Dei mei .5 Liber Proverbiorum 29, 24 : Qui cum fure participat odit animam suam ; adjurantem audit, et non indicat .6 Liber Exodi 20, 14 : Non moechaberis .7 Prophetia Jeremiae 11, 20 : Tu autem, Domine Sabaoth, qui judicas juste, et probas renes et corda, videam
ultionem tuam ex eis ; tibi ennim revelavi causam meam .8 PAUL DE TARSE, Epistola ad Romanos 5, 12-21 : Propterea sicut per unum hominem peccatum in hunc
mundum intravit, et per peccatum mors; et ita in omnes homines mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt.
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Au moment o il dsire agir en juste, Paul saperoit que cest le mal qui est ma porte 2.
Le thme nest pas nouveau : il se trouve galement dans Les Mtamorphoses dOvide3 et
dans la Mde dEuripide4. Mde, notamment, fait du conflit intrieur une forme de passion
et montre que la passion nest pas un mouvement dune conscience rvolte contre la raison
mais une ngociation avec soi-mme lissue de laquelle lhomme cde. Suivant ce modle,
Paul intriorise le problme de lagir. Contrairement la Gense, il passe sous silence les
causes du pch extrieures lhomme5. Pour Paul, seule compte la transgression et ses
consquences. Laptre enseigne la diffusion du pch partir dun seul homme dans tous les
Usque ad legem enim peccatum erat in mundo ; peccatum autem non imputabatur, cum lex non esset. Sed
regnavit mors ab Adam usque ad Moysen, etiam in eos qui non peccaverunt in similitudinem praevaricationis
Adae, qui est forma futuri. Sed non sicut delictum, ita et donum ; si enim unius delicto multi mortui sunt, multo
magis gratia Dei et donum in gratia unius hominis Jesu Christi in plures abundavit. Et non sicut per unum
peccatum, ita et donum ; nam judicium quidem ex uno in condemnationem, gratia autem ex multis delictis in
justificationem. Si enim unius delicto mors regnavit per unum, multo magis abundantiam gratiae, et donationis,
et justitiae accipientes, in vita regnabunt per unum Jesum Christum. Igitur sicut per unius delictum in omnes
homines in condemnationem, sic et per unius justitiam in omnes hominis peccatores constituti sunt multi, ita et
per unius obeditionem justi constituentur multi. Lex autem subintravit ut abundaret delictum. Ubi autem
abundavit delictum, superabundavit gratia ; ut sicut regnavit peccatum in mortem, ita et gratia regnet per
justitiam in vitam aeternam, per Jesum Christum Dominum nostrum . Pour une prsentation des difficults
poses par le texte : A.-M. DUBARLE, Le Pch originel dans lcriture, Paris, 1967, p. 122-149 : Le texte de
Romains 5, 12-21 .1 J.-M. AUBERT, C. YANNARAS, R. MEHL, La Loi de la libert. vangile et morale, Paris, 1972, p. 77 : Ici
apparat lquivoque fondamentale du terme de libert. Par le pch lhomme na pas t dchu de son rang
dhomme, il nest pas devenu chose, il conserve son pouvoir de choix et de dcision. Il nest en aucune faon un
automate. Mais il est dans la condition dun esclave. Un esclave conserve toute sa volont et ses facults
intellectuelles, il est capable de conduite intelligente. Mais lensemble de son tre est soumis la dpendance
dun autre. Cest sa libert elle-mme qui est en esclavage .2 PAUL DE TARSE, Epistola ad Romanos 7, 21 : Invenio igitur legem, volenti mihi facere bonum, quoniam
mihi malum adjacet .3 OVIDE, Les Mtamorphoses, J. Chamonard trad., Paris, 1936, 7, 20, p. 314-315 : Video meliora proboque,
deteriora sequor .4 EURIPIDE, Mde, D. Mesguich trad., Paris, 2008, 1078-1080.5 J.-N. ALETTI, Isral et la loi dans la lettre aux Romains, Paris, 1998, p. 125 : Limportance accorde
Adam en Rm 5 vient aussi de ce que lAptre passe sous silence les causes lointaines du pch, quil sagisse de
lenvie du diable ou de la rbellion des anges ; il ne mentionne pas davantage les ruses de la tentation et la
fragilit des humains qui pchent le plus souvent en se laissant abuser par leur dsir. Les circonstances
attnuantes de la faute qui pourraient faire remonter qui a tromp et tent le premier homme- nont ici
aucune place .
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hommes1. Le texte offre deux interprtations : soit tous les hommes ont pch en Adam, soit
chacun pche la suite dAdam. Paul met en valeur lunicit dAdam afin dinsister sur la
consquence disproportionne de lacte. Le pch a asservi lhomme au pch2. Sil est
encore capable de reconnatre la justesse de la loi, lhomme est devenu incapable de vouloir le
bien et plus encore de laccomplir. En effet, le pch rside dsormais dans le c ur de
lhomme et le livre la convoitise de la chair3. En consquence, le pcheur fait ce quil hait :
le mal. Paul nonce la rtribution : le salaire du pch, cest la mort . A.-M. Dubarle la
soulign : cette mort nest pas seulement biologique mais spirituelle4. la suite de Paul, les
Pres enseigneront la dchance physique et morale de lhomme en Adam. Tertullien,
Cyprien et surtout Augustin dHippone thoriseront la notion de pch originel5.
III. La libert est restaure par le Christ.
1) La restauration de la libert commence par une conversion.
LAncien Testament ne prsente jamais le choix du pch comme une fatalit6. En
effet, il fonde la ncessaire obissance (amunah) la Loi sur le souvenir de la libration
1 Sur ce point thologique difficile : A.-M. DUBARLE, Le Pch originel dans lcriture, Paris, 1967, p. 164-
168 : La transmission du pch originel .2 Sur ce point : J. BECKER, Paul. Laptre des nations, Paris-Montral, 2008, rd., p. 446-461 : Le pcheur,
la loi et la mort .3 PAUL DE TARSE, Epistola ad Romanos 1, 24 : Propter quod tradidit illos Deus in desideria cordis eorum,
in immunditiam; ut contumeliis afficiant corpora sua in semetipsis .
Sur ce thme : A.-M. DUBARLE, Le Pch originel dans lEcriture, Paris, 1967, p. 158-170 : III. La chair .4 A.-M. DUBARLE, Le Pch originel dans lcriture, Paris, 1967, p. 150 : Il est ds lors lgitime de se
demander ce que Paul met exactement sous les mots. Mort physique ou mort spirituelle ? Mort actuelle ou mort
eschatologique ? Dans certains cas, lune ou lautre de ces prcisions est vidente. Le plus souvent, il vaut
mieux ne pas choisir et inclure toutes les spcifications de sens dans une ralit fondamentale, souvent
personnifie par Paul .5 A. SAGE, Le pch originel. Naissance dun dogme , in Revue dEtudes Augustiniennes, 13, 1967, p. 211-
248.6 Comme la rsum G.-H. BAUDRY, Le Pch dit originel, Paris, 2000, p. 23-24 : Si la Bible dnonce si
vigoureusement toute forme de pch et lutte constamment contre sa prolifration, cest quelle a une haute ide
de lhomme, cest que le pch personnel nest pas considr comme une fatalit, quelque chose quon ne
pourrait que subir. Ce nest pas une ncessit inscrite dans la cration. La cration est bonne. Lhomme est cr
libre. Le pch, en tant que tel, est l uvre de la libert humaine qui, place devant le choix entre les deux voies,
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dIsral qui manifeste la volont de YHWH de conduire son peuple la libert. Les vangiles
rapportent que Jsus appelle les pcheurs (harmatolos) la conversion (metnoia). Alors que
la Gense insiste sur le respect du commandement divin qui permet de conserver la vie, les
vangiles enseignent que lobservance de la Loi mne la vie1. Ils renforcent cette ide en
dressant de Jsus un portrait dhomme libre2 qui restaure la volont originelle de Dieu3.
Les ptres de Paul de Tarse thorisent la ncessit de la restauration de la libert de
lhomme par le Christ. Dans lptre aux Romains, Paul oppose le Christ Adam : si lacte
dAdam a entran la perte de la libert de lhomme, lacte du Christ la restaure4. Laptre lie
lacte du Christ au don du Salut accord par Dieu. Il nonce la rtribution : le don gratuit de
Dieu, cest la vie ternelle en Jsus-Christ 5. En effet, le Christ dtruit le corps du pch 6
et restaure la libert de lhomme. la suite des vangiles, Paul fait de cette libert restaure
par et dans le Christ une libert qui sadresse chacun et qui fonde lgalit universelle de
le bien et le mal, choisit le mal. Si la Bible parle tant de pch, cest quelle a une haute ide de la responsabilit
humaine, responsabilit la fois personnelle et collective. Dautre part, lappel constant la conversion
suppose bien videmment que la volont humaine nest pas esclave des dterminismes, ni alin par la sduction
du mal .1 Evangelium secundum Lucam 10, 25-28 : Et ecce quidam legis peritus surrexit tentans illum dicens :
Magister, quid faciendo vitam aeternam possidebo ? At ille