L' IRRATIONNEL

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L’IRRATIONNEL Formateur : Yves LIOGIER Collection Philosophique Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays à l’auteur. Dépôt légal : Décembre 2013

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Question : La connaissance scientifique dissipe-t-elle la superstition ? Cet exposé philosophique répond au sujet. La notion de "superstition" est ambiguë. Il convient donc de l'analyser et de bien préciser les diverses réalités qu'elle recouvre dans ce cours intitulé : L'irrationnel.

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Page 1: L' IRRATIONNEL

L’IRRATIONNELFormateur : Yves LIOGIER

Collection Philosophique

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays à l’auteur. Dépôt légal : Décembre 2013

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L’IRRATIONNEL

La connaissance scientifique dissipe-t-elle

la superstition ?

La notion de « superstition » est ambiguë. Il convient donc de l’analyser et de bien

préciser les diverses réalités qu’elle recouvre.

Collection Philosophique 1

Question

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L’IRRATIONNEL« La connaissance de toute la nature,

écrivait Cicéron, nous délivre de la superstition, nous libère de la crainte de la

mort, nous empêche d’être troublés par l’ignorance des choses, de laquelle

proviennent souvent d’horribles épouvantes »

(De finibus, I, XIX, 63).

La connaissance scientifique dont nous voyons presque tous les jours les prodigieux

progrès est par excellence la connaissance de la nature. Mais est-il sûr qu’elle dissipe la

superstition ? Collection

Philosophique 2

QuestionIntroduction

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L’IRRATIONNELa) Une pratique religieuse aberrante

Le mot « superstition » vient du latin superstitio, qui désignait soit le culte et la religion, soit la superstition, soit la divination et les diverses

pratiques magiques qui lui sont apparentées. Or, comme les Romains avaient

traditionnellement du dédain pour les pratiques divinatoires autres que celles de

leurs haruspices officiels, ce terme prit rapidement une connotation péjorative, désignant des observations extérieures

accomplies par pur formalisme, et superstitio s’opposa alors à religio (religion) qui désignait

les « bonnes » pratiques ou les « vrais » sentiments religieux.

Collection Philosophique 3

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

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L’IRRATIONNELa) Une pratique religieuse aberrante

Ainsi Cicéron écrivait-il :

« Comme il faut répandre la religion, qui est liée à la connaissance de la nature, il faut extirper

toutes les racines de la superstition »

(De Divinatione, II, LXXVII, 49).

La superstition est donc conçue comme une déviation de la religion, un ensemble de

croyances et de rites sans fondements objectifs, irrationnels, qui témoignent,

contrairement à ceux de la vraie religion, d’une ignorance des lois de la nature comme de la

nature des dieux. C’est pourquoi la superstition est toujours dite « vaine », et que l’on voit en

elle une « folie ».Collection

Philosophique 4

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

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L’IRRATIONNELb) Toute religion est superstition

Cependant, qu’est-ce qui permet de définir le caractère aberrant d’une attitude

religieuse ?

A partir de quels critères pourrons-nous dire qu’une pratique ou une croyance religieuse est

superstitieuse parce qu’infondée ?

Si l’on recherche des critères objectifs, rationnels, scientifiques, c’est toute religion qui apparaît

bientôt superstitieuse, puisque le propre de la religion est d’être fondée sur la croyance en des

vérités révélées, non sur leur démonstration rationnelle, et il apparaît du même coup que ce

que la conscience religieuse taxait de « superstition » n’était jamais que la religion de

l’autre. Collection

Philosophique 5

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

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L’IRRATIONNELb) Toute religion est superstition

C’est pourquoi le mot « superstition » a fini par désigner, notamment chez nombre des philosophes des lumières, la religion en

général, ou du moins toutes les religions constituées, par opposition à une « religion

naturelle », raisonnable, qui se réduit à admettre seulement l’existence d’un Dieu

architecte de l’Univers.

Ou bien la religion est entièrement rationnelle, et elle se confond alors avec la philosophie

et la science, ou bien elle ne l’est pas et, par conséquent, elle est une superstition. Collection

Philosophique 6

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

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L’IRRATIONNELc) Connaissance scientifique et

superstition religieuse

Impuissance de la connaissance scientifique

Dans ces conditions, se demander si la connaissance scientifique peut dissiper la

superstition, c’est se demander si elle peut dissiper la religion. Si les deux pivots de cette

superstition que constitue la religion sont, comme le dit d’Holbach « l’ignorance et la

peur » (rappelons que le mot grec deïsidaïmonia signifie à la fois « crainte des

dieux » et « superstition »), si cette ignorance est celle « de la nature », le progrès de la

connaissance scientifique devrait évidemment contribuer à la dissiper.

Collection Philosophique 7

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

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L’IRRATIONNELc) Connaissance scientifique et

superstition religieuse

Impuissance de la connaissance scientifique

Mais il semble que la religion réponde à des besoins que ne peut satisfaire la

connaissance scientifique : réponse au désir infantile d’être protégé, selon Freud,

à la misère sociologique, selon Marx. La connaissance scientifique ne peut alors dissiper au mieux que certaines formes

spécifiques de la superstition, non la superstition elle-même. Collection

Philosophique 8

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

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L’IRRATIONNELc) Connaissance scientifique et

superstition religieuse

Des connaissances dépassées

De fait, on peut constater que la connaissance scientifique a bien vaincu certaines croyances

dites superstitieuses, par exemple que les astres sont des dieux. Mais il n’est pas sûr que

de telles croyances fussent superstitieuses à l’époque où elles avaient cours : la croyance en

la perfection et donc en la divinité des astres n’était pas irrationnelle dans l’Antiquité, et la croyance en l’astrologie, aujourd’hui devenue

une superstition, n’était pas non plus, dans l’état des connaissances astronomiques d’alors,

irrationnelle. Collection

Philosophique 9

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

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L’IRRATIONNELc) Connaissance scientifique et

superstition religieuse

Des connaissances dépassées

On pourrait prendre beaucoup d’autres exemples dans des domaines fort

divers comme l’agriculture, la médecine, la métallurgie, etc., où des croyances que l’on dit superstitieuses se révèlent à l’analyse n’être que des

connaissances fausses, dépassées.

Collection Philosophique 10

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

Page 12: L' IRRATIONNEL

L’IRRATIONNELc) Connaissance scientifique et

superstition religieuse

Des connaissances dépassées

La question se pose alors de savoir pourquoi certaines croyances dépassées et

démontrées fausses se maintiennent néanmoins, et d’autres non. La solution à ce

problème doit sans doute être recherchée dans le rôle du désir (inconscient) : de telles superstitions seraient des réponses illusoires

à des désirs profonds que la connaissance scientifique ne peut satisfaire (l’astrologie,

par exemple, une réponse au désir de maîtriser l’avenir). Collection

Philosophique 11

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-même

Page 13: L' IRRATIONNEL

L’IRRATIONNELMais est-il vraiment légitime d’identifier, avec les

philosophes des lumières, superstition et croyance religieuse ?

N’y a-t-il pas une spécificité de la croyance superstitieuse par rapport à la croyance

religieuse ?

Lorsqu’une conscience religieuse taxe une croyance ou une pratique de superstitieuse, c’est toujours une croyance ou une pratique

qu’elle ne partage pas, à laquelle elle ne croit pas en tant que conscience religieuse ; en

revanche, la conscience religieuse croit à ses propres croyances, elle les tient pour

objectivement vraies, même si elle sait qu’elle ne peut les démontrer, puisque ces croyances

relèvent de la foi.Collection

Philosophique 12

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-mêmeL’essence

de la superstition

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L’IRRATIONNELOr il est des croyances auxquelles nous ne croyons

objectivement pas, que notre raison et, éventuellement, notre foi repoussent

complètement, et auxquelles pourtant nous nous soumettons irrationnellement, comme malgré nous. Je sais, par exemple, qu’il est stupide de

penser que de croiser un chat noir porte malheur, je sais parfaitement que ce n’est pas vrai, et

pourtant je ne puis pas m’empêcher de craindre de croiser un chat noir : je suis superstitieux. Ainsi

la superstition serait « une attitude psychique spécifique, celle d’un sujet qui, en proie au

sentiment d’une menace diffuse et transcendante, adhère à des croyances et des pratiques qu’il sait

objectivement sans fondement et sans valeur ».

(S. Matton, Encyclopaedia Universalis, art. « Superstition »).Collection

Philosophique 13

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-mêmeL’essence

de la superstition

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L’IRRATIONNEL

On ne voit donc pas comment la connaissance scientifique pourrait

dissiper la superstition ainsi entendue.

Collection Philosophique 14

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-mêmeL’essence

de la superstition

Page 16: L' IRRATIONNEL

L’IRRATIONNELIl ne semble pas que la connaissance

scientifique puisse dissiper la superstition, sauf si l’on entend par ce

mot une simple connaissance dépassée.

Si en effet l’on accorde que la superstition est de l’ordre du désir, du religieux ou

qu’elle procède d’une crainte irrationnelle, la connaissance

scientifique ne saurait la combattre puisque cette connaissance se place et se meut sur un tout autre plan, celui de

la raison.Collection

Philosophique 15

QuestionIntroduction

De la religion de l’autre

à la religion elle-mêmeL’essence

de la SuperstitionConclusion

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L’IRRATIONNELFormateur : Yves LIOGIER

Collection Philosophique

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays à l’auteur. Dépôt légal : Décembre 2013

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