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INFORMATION ET COMMUNICATION UNIVERSITÉ RENNES 2 - 2009/2010 Enseignement de licence 2 Introduction à la communication organisationnelle Schéma général et Bibliographie Bruno CHAUDET Bibliographie de base : Thierry Libaert : La communication d'entreprise. Economica. 2ème édition 2005 Alain Kempf : Communication Des Entreprises - Stratégies Et Pratiques . 1999 Ouvrage collectif : « la communication organisationnelle en débat » Bernard Floris : La Communication Managériale - La Modernisation Symbolique Des Entreprises 1996 Daniel Bougnoux : La communication par la bande. Introduction aux sciences de l’information et de la communication. 1991. Michèle Jouve : Communication et publicité, Théories et pratiques, Bréal, 1994. SCHEMA GENERAL INDICATIF DES COURS Stratégie et démarche stratégique Le plan dans la communication d’entreprise Définition, enjeux et métiers L’évolution de la communication d’entreprise La communication interne L'innovation dans les démarches de communication organisationnelle Mobilisation de quelques concepts info-com Les acteurs de la publicité : annonceurs, agences, supports, recherche

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INFORMATION ET COMMUNICATION

UNIVERSITÉ RENNES 2 - 2009/2010

Enseignement de licence 2

Introduction à la communication organisationnelle

Schéma général et BibliographieBruno CHAUDET

Bibliographie de base :

Thierry Libaert : La communication d'entreprise. Economica. 2ème édition 2005Alain Kempf : Communication Des Entreprises - Stratégies Et Pratiques . 1999Ouvrage collectif : « la communication organisationnelle en débat » Bernard Floris : La Communication Managériale - La Modernisation Symbolique Des Entreprises 1996Daniel Bougnoux : La communication par la bande. Introduction aux sciences de l’information et de la communication. 1991.Michèle Jouve : Communication et publicité, Théories et pratiques, Bréal, 1994.

SCHEMA GENERAL INDICATIF DES COURS

Stratégie et démarche stratégiqueLe plan dans la communication d’entrepriseDéfinition, enjeux et métiersL’évolution de la communication d’entrepriseLa communication interneL'innovation dans les démarches de communication organisationnelleMobilisation de quelques concepts info-comLes acteurs de la publicité : annonceurs, agences, supports, recherche

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Colloque national de Paris : POUR UNE REFONDATION DES ENSEIGNEMENTS DE COMMUNICATION DES

ORGANISATIONS

25 au 28 août 2003

Étudier les communications organisationnelles :

problématiques et questions actuelles (extraits)

Christian Le Moenne,Professeur de sciences de l’information et de la communicationUniversité de Haute Bretagne

Les étudiants arrivent souvent avec une conception erronée du fonctionnement des organisations. Selon eux, les professionnels des entreprises « savent ce qu’ils font » c’est à dire ils sont à la fois capables d’agir et de se forger une théorie générale de leur pratique. Or, cela suppose une mise à distance de cette pratique et la construction de méthodes et de moyens d’analyse appelés concepts ou modèles, ce qui n’est pas toujours le cas. À cet égard, les écrits managériaux, au nombre desquels on range la littérature foisonnante émise par les consultants, ont un statut ambigu : ils présentent des concepts, des outils pour l’action ; ce sont aussi les traces visibles des services qu’ils sont susceptibles de rendre . Il convient de mettre tout cela à distance. (…)

Plus spécifiquement, la question organisationnelle peut être abordée à partir de constats qui s’appuient sur l’état de la recherche et des débats en cours.

Des tendances lourdes se manifestent qui permettent de mieux comprendre les évolutions managériales actuelles et donnent des pistes pour mieux penser la communication organisationnelle dans ce contexte.

Tendances lourdes qui permettent de comprendre les évolutions managériales actuelles

Elles sont de deux ordres :

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Les tendances sociétales lourdes

Publicisation croissante des activités sociales et professionnellesCe processus de publicisation touche la sphère privée : 40% de la

population adulte n’hésite pas à faire état de sa vie privée en public. Plus largement, la publicisation concerne toutes les activités professionnelles. Les médias qui s’intéressent aux organisations ont explosé dans les années 60 et procèdent à une observation très attentive et permanente de ce qui se passe dans les entreprises. Les activités professionnelles sont donc susceptibles d’être évaluées publiquement indépendamment des critères d’évaluation qui prévalaient jusqu’alors dans leurs propres sphères Les journalistes sont devenus des traducteurs médiateurs dont il faut tenir compte. Cette médiatisation de la sphère professionnelle est un fait irréversible et engendre deux conséquences :

-la création dans les années 70 de grands services de communication dans les entreprises chargés surtout de gérer la relation avec la presse, avec la problématique paranoïaque de savoir qui du journaliste ou du « communicator » influence ou pervertit l’autre ?

-le développement d’une communication institutionnelle fondée sur des stratégies symboliques, des discours, des évènements qui visent à instituer l’entreprise dans son identité (culture), à l’édifier comme entité symbolique susceptible de créer du lien, à créer les conditions d’acceptabilité de l’entreprise pour son environnement et à instituer de la clôture. Elle n’est plus un espace clos comme elle a tenté de l’être au XIXème siècle : d’une logique de surveillance qui consiste à exercer un contrôle physique des salariés ( faire tenir en place des populations rurales déambulatoires) , on est passé à une logique de contrôle fondée sur l’intériorisation de la contrainte. D’où l’importance de penser l’entreprise de manière symbolique en développant la communication institutionnelle.

L’évaluation publique contribue à reposer la distinction entre sphère publique et sphère privée.

Délimitation délicate entre sphère publique et sphère privée(…) Les premières formes normatives du professionnalisme sont représentées par les grandes

corporations de métier qui sont à l’origine de l’émergence de la sphère publique au XIVème siècle. Le professionnalisme se caractérise par un ensemble de normes considérées comme légitimes dans un contexte donné. Selon le droit français, la sphère professionnelle procède à la fois de la sphère privée où chacun peut faire ce qu’il veut et de la sphère publique ; elle se pense donc en tension permanente entre ces deux pôles.

L’évaluation des professionnels renvoie à la question des normes et s’effectue selon des modalités pour une part extra-professionnelles. Le corollaire de cela est qu’on assiste à une distribution extrême de l’expertise : chacun se proclame « expert qualifié » . Ainsi, dans le secteur associatif et professionnel, il arrive que le président de l’association étant aussi gestionnaire de ressources humaines dans une organisation se croit qualifié pour imposer ses propres normes dans la nouvelle sphère.

La délimitation des sphères, le travail intense sur la question des normes (explicitation des procédures…) coûtent, depuis quinze ans, des sommes considérables aux secteurs professionnels.

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Juridicisation générale des relations sociales et professionnellesTout professionnel ou toute situation professionnelle est susceptible d’être évalué devant les

tribunaux. L’assertion selon laquelle il s’agirait d’une tendance à « l’américanisation » de la société française est inexacte car le mécanisme de la charge de la preuve est fondamentalement différent en France et aux États Unis.

Les tendances managériales lourdesDeux tendances apparaissent :

Crise profonde des modèles d’organisationAprès la remise en cause du modèle taylorien-fordiste, puis de la recherche d’un nouveau

modèle qui serait le toyotisme, on assiste à une crise profonde des modèles d’organisation et du rapport à la norme. Dans un contexte de mondialisation de la compétition pour des formes d’efficacité organisationnelle apparaissent des formes variables d’organisation. Les modalités de négociation des normes ISO font l’objet de luttes sourdes : les querelles ont été nombreuses au sujet de l’extension de la norme « ISO 2000 » aux services.

Prise de conscience de la complexité de la notion d’organisation-Il faut attendre les années 80 pour que le patronat français prenne conscience de l’importance

des facteurs organisationnels sur la performance des entreprises. La prise en compte de la qualité est tardive : d’où l’importance donnée récemment à la recherche des normes d’efficacité à travers l’ISO. Ces normes techniques sont des règles impératives résultant d’un accord passé entre les parties qui vaut tant que cet accord mérite d’être appliqué. (…)

La notion de norme ne peut être dissociée d’une réflexion sur les processus et sur la traçabilité c’est dire l’importance d’une politique générale des écritures et des traces. La juridicisation et l’évaluation publique obligent à une clarification des processus. L’entreprise peut être amenée à démontrer, éventuellement devant les tribunaux, de la réalité de tel ou tel processus en produisant des « traces ». La crise actuelle des modèles d’organisation met en avant les notions de communication et d’information. L’information devient donc essentielle dans son sens étymologique de mise en forme. L’organisation n’est pas ni les ressources ni les individus mais c’est ce qui fait tenir tout cela ensemble. C’est de l’ordre du symbolique qui produit des effets de matérialité Ce ne sont pas les technologies qui sont au cœur de la révolution informationnelle, mais la possibilité de numériser des processus et des traces.

Normes, traçabilité, numérisation générale emportent des conséquences :

Comment penser la communication organisationnelle dans ce contexte ?

La recomposition des métiers

Bouleversement de la notion de métierInitialement attaché à l’individu, à ses compétences et à ses qualités, le

métier devient celui de l’organisation. Cette idée se retrouve dans l’énoncé « se replier sur le métier de base ». Cette nouvelle conception s’exprime dans la définition formulée par l’ISO : « le métier de l’entreprise est

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l’ensemble des processus qu’elle est capable de contrôler et de mettre en œuvre de A à Z. C’est ce qu’on appelle des processus clé. Cela entraîne aussi le bouleversement de la professionnalité individuelle.

Recomposition de la professionnalitéL’individu doit davantage s’intégrer et s’adapter à des contextes

organisationnels qui nécessitent de produire de la traçabilité plutôt que mettre en avant son excellence individuelle. La professionnalité est alors fondée sur des capacités communicationnelles : écriture, analyse, communication car l’écriture prend un caractère stratégique dans l’entreprise. Ainsi, lors d’un recrutement de techniciens de process chez Citroen, la sélection finale des candidats s’opère sur l’aptitude à faire la synthèse en une heure des notes de suggestion rédigées par des opérateurs et à hiérarchiser les idées. En effet, les entreprises s’interrogent de plus en plus sur quelles traces produire pour attester de la réalité d’une activité, d’un processus, d’une situation, que doit-on communiquer à l’interne, à l’externe, que doit-on archiver pour pouvoir en rendre compte dans dix ans? La politique interne de construction des traces est essentielle : c’est un travail permanent de structuration organisationnelle. (…)

Les nouveaux enjeux de la formation interneLa formation interne est elle aussi bouleversée par l’ensemble de ces processus : elle est le

principal vecteur de la communication interne puisqu’elle permet de produire les conditions d’un langage homogène dans l’organisation. L’importance de la clarification de situations professionnelles critiques c’est à dire qui présentent des ruptures de processus ou des phénomènes de non-qualité qui ne peuvent être anticipés, génère des écritures et des interprétations donc des situations de communication.

ConclusionL’UNESCO prépare le sommet mondial sur « la société de l’information ».

C’est l’énoncé d’un programme mondial de normalisation selon les logiques d’évaluation des entreprises du monde occidental. Ce qui se joue derrière la société de l’information pour l’entreprise, c’est une conception large et normative qui marque le passage d’une société de surveillance basée sur la surveillance physique à une société de contrôle fondée sur l’intériorisation de la contrainte. Ainsi, chez Citroen, un groupe de salariés est venu pendant des mois, le soir après le travail voire le dimanche, pour résoudre des problèmes techniques rencontrés. Comment se fait-il que des personnes acceptent de venir volontairement, sans être payées, pour innover ? Le fait de valoriser l’intelligence de ceux la même qui ont des savoirs tacites non reconnus comme des savoirs, de leur déléguer la responsabilité et le rôle de cette légitimation du savoir est susceptible d’attacher durablement le personnel à son organisation. Cette mobilisation par l’intelligence est caractéristique d’une société de contrôle.

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Bibliographie- Ouvrage collectif : « la communication organisationnelle en débat » ; Presses universitaires

du Mirail ;- Ouvrage collectif : « Communication d’entreprise et d’organisation » ; Presses universitaires

de Rennes ;- « La communication organisationnelle en débat » ; revue « Sciences de la société » n° 50-

51 ; Presses universitaires du Mirail.

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Thierry LIBAERTL’ÉVOLUTION DE LA COMMUNICATION D’ENTREPRISE

La communication d’entreprise n’est pas une discipline figée, c’est un domaine en évolution constante. Ses caractéristiques actuelles semblent fort éloignées des paramètres qui jalonnaient la sphère de la communication organisationnelle jusqu’au milieu des années 90 où l’on pouvait encore s’interroger sur le degré de professionnalisme de la fonction communication1. Parmi les tendances actuelles, huit évolutions ayant des effets majeurs sur le métier de communicant peuvent être constatées.

La remise en cause de la communication d’entreprise

Aux côtés d’actions sporadiques des mouvements antipublicitaires, la communication d’entreprise traverse une période difficile qu’il est possible d’analyser en trois étapes.

La remise en cause de la communication

Il s’agit ici d’un mouvement théorique dont on retrouve les prémices dans les analyses marxistes, celles de l’école de Francfort (Adorno, Benjamin, Marcuse) et celles de l’école situationniste qu’incarne Guy Debord. Selon eux, la communication se réduit à une analyse en termes de manipulation, généralement fondée sur des rapports préalables de domination. Cette vision un peu linéaire a été améliorée depuis le début des années 90 par un courant de pensée hétérogène mais tout aussi critique (H.P. Jeudy, L. Sfez, Ph. Breton, D. Wolton, D. Quessada, J.P. Le Goff, R. Debray) selon lequel la communication serait devenue la nouvelle idéologie des temps modernes et il conviendrait de combattre, selon ces auteurs, cette vision simpliste d’une communication utopique pour qui l’idéal de transparence2 serait la solution ultime à tous les dysfonctionnements possibles.

La remise en cause de l’entreprise

L’entreprise est interpellée parce que le sens de son action s’est estompé sous trois effets. C’est d’abord la disparition des usines qui

1 : en ce sens cf Liliane Messika, Les Dircoms : un métier en voie de professionnalisation, L’Harmattan, 19952 : Thierry Libaert, La transparence en trompe l’œil, Ed. Descartes, 2003

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réduit de plus en plus les grands groupes à externaliser leur production au travers de contrats temporaires avec leurs fournisseurs. L’entreprise se concentre sur sa marque et sa valeur financière et décentralise fortement la partie amont de sa production, généralement aux endroits où les coûts de fabrication sont les plus faibles.

C’est ensuite le mouvement de mondialisation lui-même qui implique des regroupements incessants, les ennemis d’hier deviennent les alliés d’aujourd’hui, les dénominations d’entreprises se modifient à une allure effrénée à l’exemple de Rhône Poulenc, entreprise chimique réputée dans les années 80, devenue Hoecht au début des années 90, puis Aventis et aujourd’hui Sanofi. La figure emblématique d’une entreprise, pilier économique et social, bascule dans le tourbillon d’une accélération temporelle aux contours imprécis et même les entreprises les plus solides ne sont pas à l’abri d’un rachat brutal à l’exemple de Gillette rachetée pour 57 milliards de dollars en février 2005 par le groupe Procter & Gamble ou le groupe Arcelor à l’été 2006 par l’entreprise Mittal.

C’est enfin la flexibilité qui s’accentue et ceci à l’intérieur même des entreprises avec le développement des SBF (sans bureau fixe) où les salariés n’ont plus de bureau attitré et s’installent à des places attribuées selon leur ordre d’arrivée. Le développement des ordinateurs portables et des outils de travail à distance accentue cette distanciation entre le salarié et son entreprise.

Un phénomène similaire se constate en externe avec ce que Jérémy Rifkin3 appelle « L’âge de l’accès ». Selon lui les entreprises de demain vendront de moins en moins des produits mais des services. La Sncf a déjà commencé en vendant des billets d’avion et des locations de voiture. Après-demain, le consommateur n’achètera plus de voiture mais un accès à un service global de mobilité où il pourra choisir en permanence l’outil le plus approprié à son besoin de déplacement.

La remise en cause de la communication d’entreprise

Le thème de la confiance est central dans la plupart des communications d’entreprise. Alors qu’en 1985, seuls 25 % des français déclarent n’avoir pas confiance dans l’entreprise, ils sont désormais plus de 50 % et le phénomène s’observe dans la plupart

3 : Jérémy Rifkin, L’âge de l’accès, La Découverte, 2000

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des pays occidentaux, à l’exception des Etats-Unis où l’entreprise bénéficie encore d’un bon capital de confiance. Le phénomène s’observe également chez les salariés parmi lesquels les 2/3 se déclarent désormais désengagés de leur entreprise sous des formes diverses : sceptiques, mitigés, mécontents.

C’est la parole même de l’entreprise qui est en débat. Sur des thèmes comme la communication sur le risque ou sur l’environnement, le discours de l’entreprise a une crédibilité quasi nulle. Cette tendance lourde a été amplifiée par le passif de la communication de crise qui s’est souvent cantonnée à un rôle de rassurance et de minimisation lors des crises majeures : Tchernobyl, sang contaminé, amiante, vache folle, Erika. Tout ceci plonge le communicant dans un sérieux paradoxe où il est exigé de lui de diffuser une information toujours plus importante et transparente, et dans le même temps il lui est signifié que sa parole n’est pas crédible et donc que sa diffusion d’information n’aura aucun effet pratique. Grandeur et misère de la communication !

Et ce mouvement global de perte de crédibilité semble encore accentué par le mouvement antipublicitaire. Celui-ci est aussi ancien que la publicité elle-même et il resurgit régulièrement. La caractéristique du mouvement actuel réside en sa relation très forte avec le courant altermondialiste au point qu’il est possible de s’interroger sur sa spécificité. Faute de pouvoir s’attaquer aux causes de la mondialisation, le mouvement contestataire ne représenterait-il pas la face émergée d’une attaque qui ne pourrait s’en prendre qu’à son symbole le plus visible : la publicité des entreprises ?

Bien que souvent fort documentée, à l’exemple de l’ouvrage No Logo4 de Naomi Klein, bénéficiant d’un fort capital médiatique de sympathie, parfois très créative, comme l’illustrent les numéros de la revue Casseurs de pub, la tendance anti-publicitaire pourrait avoir un effet paradoxal ; celui d’accroître la communication d’entreprise justement dans la perspective de répondre aux critiques formulées et de reconquérir la confiance détériorée, voir perdue.

L’inversion du ratio média – hors média

Durant plusieurs décennies, les dépenses consacrées à l’achat d’espace publicitaire représentèrent les 2/3 des dépenses des entreprises et ceci dans l’ensemble des pays européens. Un tournant

4 : Naomi Klein, No Logo : la tyrannie des marques, Actes Sud, 2001

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brutal s’est opéré au début des années 1990, les dépenses publicitaires se sont effondrées relativement à l’envolée des dépenses consacrées aux opérations de marketing. Le ratio s’est inversé et désormais, le marketing représente près des 2/3 des actions de communication.

Dépenses des entreprises - France5

Média Hors Média1960 63 371990 60 402006 35 65

Le caractère majoritaire du hors média se retrouve dans l’ensemble des pays d’Europe, à l’exception de l’Italie où le ratio est de 50/50.

Par contre la publicité reste le vecteur prédominant aux Etats-Unis 58/42 et surtout au Japon 73/27.

Les cinq premiers annonceurs français, chiffres 2006(source TNS Média Intelligence)

Renault 311,2 M €E. Leclerc 218,5 M €Unilever 213,9 M €SFR 208,3 M €Peugeot 201,3 M €

5 : sources : Xavier Dordor, Médias, hors médias, Editions Gualino, 1998 (pour la période 1960-1990) et IREP – France Pub pour les chiffres 2006

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Dans le détail, les dépenses des entreprises françaises s’effectuent de la manière suivante : (chiffres 2006, source IREP6 – France Pub)

Marketing direct(hors média)

31 % dont MailingEdition publicitaire

45 %40 %

Marketing téléphonique 15 %Les dépenses de promotion

(hors média)15,6 %

Les insertions publicitaires dans la presse

(média)

14 % dont Presse magazineGratuits

35 %19 %

Presse quotidienne Régionale

18 %

Revues professionnelles 15 %Presse quotidienne nationale

6 %

La télévision(média)

12,9 %

L’événementiel(hors média)

7,1 % dont Salons et foiresParrainage

2/31/3

Les relations publiques(hors média)

5,6 % dont Relations pressesPortes ouvertes, visitesSéminaires et congrès

40 %30 %30 %

Affichage(média)

4,4 %

Annuaires et guides(média)

3,7 %

Radio(média)

3,1 %

Internet(média)

1,7 %

Cinéma(média)

0,4 %

En Belgique, la répartition est un peu différente mais les comparaisons sont difficiles en raison de modes de calcul non identiques. Le Centre d’Information sur les médias ne comptabilise que les dépenses strictement publicitaires. Dans ce cadre, La répartition est la suivante (Chiffres CIM-2006):

6 : IREP : Institut de Recherches et d’Etudes Publicitaires (association Loi de 1901) – Stratégies n° 447, 8 mars 2006

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Télévision : 34,4%Quotidiens : 24,5%Radio : 11,4%Magazines : 10%Affichage : 7,9%Toutes boîtes : 6,1%TV Locales : 3%Internet : 1,6%Cinéma : 1%

Au niveau des investissements publicitaires, les 3 premiers annonceurs en Belgique sont : Procter & Gamble, l’Etat Fédéral et Belgacom.

Il est important dans ces résultats de constater que les deux premiers postes (marketing et promotion) représentent à eux deux près de la moitié des dépenses de communication et les quatre premiers en représentent près des 3/4. Bien évidemment, il y aurait lieu de distinguer par type d’entreprise et par secteur d’activité. Outre le fait que cela permet de situer les domaines d’action au sein d’une panoplie globale, il convient de noter les évolutions majeures. Ainsi sur la période 1994-2000, il a été observé :

- prospectus distribués en boîtes aux lettres : + 79 %- marketing téléphonique : + 35%- mailing : + 21,8 %

Tout ceci traduit « l’obsession du direct ». En période de difficultés économiques, les entreprises privilégient le contact direct avec leur public plutôt que de s’engager sur des actions de construction ou d’amélioration d’image à moyen ou long terme. Les opérations de communication s’effectuent dans une relation qui se veut directe, interactive et personnalisée ; l’idée sous-jacente est que la rentabilité et le retour sur investissement doivent être immédiats.

La judiciarisation de la profession

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Le droit étend son emprise sur la communication. Le communicant actuel doit posséder un minimum de culture juridique ou être soigneusement entouré d’experts en la matière. La prégnance du droit s’explique par le développement de textes juridiques qui encadrent l’activité du communicant. L’agence de communication a vu son activité contrôlée par la loi dite loi Sapin du 29 janvier 1993, certains secteurs se voient soit interdits de communication (tabac), soit fortement réglementés comme l’alcool (loi Evin du 10 janvier 1991). Des secteurs, comme celui de l’alimentation pour les enfants, font l’objet de contraintes nouvelles en raison de l’accroissement de phénomènes d’obésité infantile. Depuis le 1er mars 2007, toutes les publicités des entreprises françaises d’énergie devront comporter la mention « L’énergie est notre avenir, économisons là ». En parallèle à ces interdictions, certaines entreprises sont obligées de communiquer sur des secteurs comme celui de la prévention des risques industriels ou celui de l’environnement. Toutes les sociétés cotées en Bourse ont l’obligation depuis le 1er janvier 2003 de publier leurs impacts environnementaux au sein de leur rapport d’activité. Le secteur de la publicité comparative a été fortement modifié et celui de l’accès à la publicité télévisée largement étendu depuis le début 2000. La jurisprudence est également en pleine ébullition comme l’ont attesté les procès en plagiat publicitaire tel celui qui a condamné SFR à verser 300.000 euros à Luc Besson pour la référence au film « Le 5ème élément » dans une publicité. L’utilisation des marques d’entreprises par des groupes contestataires a également fait l’objet de nombreuses affaires, notamment celle qui a opposé Danone au site « jeboycottedanone.com » et Greenpeace à Esso et Areva.

Ce mouvement juridique devrait s’accélérer à l’exemple des pratiques anglo-saxonnes, de l’inscription le 28 février 2005 des principes de précaution dans la Constitution française, de la création en France d’un système de « Class Action » (action de groupe), adopté en conseil des ministres le 8 novembre 2006, permettant à chacun de bénéficier des retombées d’un procès même s’il n’en était pas partie, et surtout le souhait des avocats de pouvoir communiquer plus librement. A titre d’exemple, le journal des avocats du barreau de Paris paru en décembre 20037 comporte un dossier de 65 pages sur le thème « Communiquer pour se développer ». La conséquence immédiate de cette communication sera un accroissement de contentieux. Tout ceci ne peut qu’inciter les entreprises à être toujours

7 : Les dossiers du Barreau de Paris, Communiquer pour se développer, décembre 2003, n° 3

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plus vigilantes sur leur communication faute de se voir exposées à des situations de crise.

L’élargissement des discours de l’entreprise

Si, comme l’affirmait Milton Friedman, prix Nobel d’Economie, l’entreprise ne peut avoir d’autre finalité que la poursuite du profit, « Il existe peu de courants plus dangereux pour les fondements mêmes de notre société libre que l’acceptation par les dirigeants d’entreprise d’une conception de la responsabilité sociale autre que de servir au mieux les intérêts de leurs actionnaires. »8, force est de constater que son discours s’en écarte de plus en plus. Sous l’effet conjugué d’un relatif désengagement de l’Etat et d’un accroissement de la pression de l’opinion publique, l’entreprise a accru le périmètre de sa prise de parole. Le phénomène a réellement émergé vers la fin des années 80 avec le développement de la communication environnementale. Le mouvement éthique s’est greffé sur cette tendance au milieu des années 90 où l’entreprise rêvait de citoyenneté et propageait des valeurs de solidarité. Le concept de développement durable semble actuellement le concept fédérateur de nombreuses communications d’entreprise, voire une « idéologie du dernier recours »9 pour les entreprises en quête de légitimité externe et de sens pour leurs salariés. En outre, le développement des médias économiques qu’ils soient écrits ou audiovisuels tend à focaliser l’entreprise sur son dirigeant à qui il est fréquemment demandé de se prononcer sur des événements d’actualité. Le mouvement est vraisemblablement durable puisqu’il rencontre un enjeu financier où le paramètre « éthique » intervient directement en incitation d’investissement pour une part non négligeable des flux financiers internationaux.

La professionnalisation du métier de communicant

Le professionnalisme de la communication est également une tendance structurelle comme en témoigne la modification des recrutements de communication. Là où hier il était demandé un tempérament, il est aujourd’hui exigé une formation professionnelle toujours plus pointue. Les formations à la communication d’entreprise se multiplient en université comme en écoles ou instituts privés (Iscom, Iscpa, Sup de Pub, ESP, …).

8 : Milton Friedman, Capitalisme et liberté, Laffont, 1979, éd. originale Capitalism and Freedom, Chicago University Press, 19629 : Gabriel Saint–Lambert, « Développement durable : en quête de légitimité et de sens, l’entreprise s’affiche responsable », Education permanente, n° 167, juin 2006, p. 108

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La professionnalisation s’inscrit en parallèle à la prise en compte du poids financier de la réputation, au développement et à la sophistication des outils de mesure et d’évaluation et à la perception que derrière une appellation générique, la communication recouvre toute une gamme de métiers hautement techniques (planner stratégique, sémiologie, …)

Quelques dates en France

1955 Création de l’Association Française des Relations Publiques1956 Création d’un cours de Relations Publiques à Sciences-Po Paris1957 Création de l’Ecole Supérieure de Publicité1961 Création de l’Ecole Française des Attachés de Presse – EFAP1965 Création du CELSA1970 Création de la première direction de la communication chez

Saint-Gobain

Cette professionnalisation est valable quel qu’en soit l’émetteur : entreprises, mais aussi administrations, associations, ONG, …

Quelques dates en Belgique

1950 Création de l’UJEB Union des Journaux d’Entreprise de Belgique, du Congo et du Grand Duché de Luxembourg

1953 Création du Centre Belge des Relations Publiques (devenu depuis lors Belgian Public Relations Centre)

1957 Création d’un cours de relations publiques à l’Université catholique de Louvain

1961 Création du Cetedi (UCL) Centre des Techniques de Diffusion et Relations Publiques

1965 L’UJEB devient l’ABPE, Association Belge de la Presse d’Entreprise1974 Création de l’UPREL – Union Professionnelle des conseillers et des

cadres supérieurs en relations publiques

Les techniques au secours de la communication

Comme nous l’avons dit ci-dessus, la première dérive de la communication d’entreprise réside dans sa tendance instrumentale. De ce point de vue, Internet a pu symboliser cette tendance où la croyance à la modernité technologique faisait office de valeur communicationnelle. L’entreprise devait avoir un site Internet, et si possible le plus esthétique possible. Ce n’est que dans un second temps, au début des années 2000, que la direction s’est interrogée sur

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l’outil et les objectifs qui devaient lui être assignés au sein de la globalité des stratégies de communication. Internet oui, mais pour quoi faire ? S’agit-il d’un objectif d’image, de marketing, de relationnel ? Quel en est le public prioritairement visé ? La situation s’est désormais améliorée même s’il est vrai que beaucoup d’entreprises raisonnent majoritairement encore en termes d’intégration de nouveaux outils visant une image de modernité : blogs, pod cast, flux RSS et également en nombre de mise en ligne de documents, brochures, communiqués, rapports d’activité – et de ce point de vue, la notion de « pages web » est révélatrice – sans s’apercevoir que le web est d’abord un réseau mondial où l’échange et l’interactivité apparaissent comme les dominantes premières.

La financiarisation de la communication d’entreprise

Les entreprises hésitent encore à le reconnaître publiquement, mais l’actionnaire tend à devenir la cible principale de la communication d’entreprise. L’entreprise préfère annoncer « le client » ou « ses salariés » mais personne n’est dupe. Parce que les sommes en jeu sont colossales et qu’il suffit d’une déclaration mal préparée pour que le cours de Bourse s’effondre, parce que le mécontentement des actionnaires entraînera le départ du Président (Vivendi, Eurotunnel, Carrefour, IBM, Coca-Cola, Hewlett-Packard, …), la communication financière a pris une part majeure au sein de la communication d’entreprise. Durant cette période 2005-2010, on peut avancer l’hypothèse que la communication financière va se faire de plus en plus institutionnelle, c’est-à-dire qu’elle deviendra partie intégrante de l’image de l’entreprise. Un indice de cette tendance est fourni par le raccourcissement extrême de la durée des plans de communication. Jadis élaborés pour des durées de 3 à 5 ans, voire davantage, les plans de communication actuels ont des durées qui dépassent rarement l’année et tendent à devenir semestriels pour une raison simple : l’échéance de la stratégie de communication est fixée aux deux rendez-vous annuels majeurs : la publication des résultats financiers.

La communication de proximité

L’entreprise cherche à se rapprocher de ses interlocuteurs et cette nouvelle forme de communication s’effectue autour de trois axes :

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• Un axe instrumental déjà analysé. Dans sa communication, l’entreprise privilégie les outils de la communication possédant un effet direct sur la cible, la communication est fragmentée, segmentée, personnalisée au travers d’outils comme les numéros verts, le phoning, le mailing et les nouvelles techniques comme le géo-marketing, street-marketing, Buzz-marketing.

• Un axe géographique puisque la communication se décentralise. Les sièges sociaux redéploient leurs effectifs dans les délégations régionales, dans les usines ou diverses implantations. La direction de la communication conserve la vision stratégique et l’essentiel des actions de relations publiques sont conduites et mises en œuvre au niveau local au plus près des clients et autres cibles de communication.

• Au niveau des messages. Cette communication s’effectue selon divers axes. D’abord celui des visuels utilisés. L’entreprise pour « humaniser » son image met de plus en plus en scène ses propres salariés. L’objectif est d’accroître symboliquement la proximité avec la cible par l’identification de l’entreprise au travers de l’image de ses salariés. IBM, le CIC, Siemens, Adecco, EDF, la SNCF utilisent fréquemment cette technique.

Cette volonté de rapprochement se vérifie également au niveau des accroches. Là où jadis, les entreprises mettaient l’accent sur leur puissance (« UAP, n°1 oblige », « Chronopost, les maîtres du temps »), elles recentrent aujourd’hui leur discours vers des messages de relations, de connivence, voire de conseils de comportement « N’imitez pas, innovez », « Deviens ce que tu es », … Le message se veut sobre, humble et discret et l’on peut s’interroger sur la durée de ce phénomène : « Finis la toute-puissance et l’orgueil, pour mieux vendre et se développer l’entreprise serait-elle en train d’adopter une attitude faite de modestie et d’écoute ? »10

Bien d’autres évolutions pourraient être signalées ; les nouvelles formes de communication interne, la banalisation de la communication de crise, l’effacement progressif des spécificités de la communication publique vis-à-vis des organismes privés, la réduction de la durée des

10 : Valérie Carayol, « Du clinquant au sensible. La modestie mise en scène par les entreprises », Recherches en communication, n°17, 2002, p. 111-112

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plans de communication, le développement de la communication internationale et multi-culturelle et la généralisation des indicateurs de résultats et de mesure de l’efficacité des actions engagées. Les métiers de la communication doivent s’adapter en permanence à l’évolution des activités et comme il a été justement observé : « Les professionnels de la communication sont confrontés à une multiplication croissante de paramètres qu’ils doivent à la fois intégrer et arbitrer »11. Si la communication de demain doit faire preuve de toujours plus d’expertise et de technicité, elle devra également pouvoir les confronter aux modifications incessantes de sa discipline. Le communicant devra toujours se battre sur le terrain de la légitimité. La sienne au sein des métiers de son entreprise, et celle de son entreprise parmi le tissu économique et social dans lequel elle évolue. Tout ceci impliquera vraisemblablement une évolution des formations à la communication qui s’orienteront moins vers la transmission de savoir-faire opérationnels mais plutôt vers l’acquisition de méthodes de compréhension et de pilotage d’une fonction en modification incessante.

11 : Nicole d’Almeida et Yanita Andonova, « La communication des organisations », in Stéphane Olivesi, Sciences de l’information et de la communication, PUF, 2005, p. 135-136

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Chapitre 1 - La communication des organisationsDéfinition, enjeux et métiers

I - Concepts, définitions

De nombreux termes sont employés pour évoquer un même type d’activité. Au début de cet ouvrage il importe de clarifier certains concepts, notamment ceux de communication d’entreprise, de relations publiques ou de marketing. Il convient en tout premier lieu de s’interroger sur ce vocable de « communication ».

A - La communication introuvable

Dans le « Que Sais-je ? » consacré à la communication, Lucien Sfez écrivait : « On ne parle jamais autant de communication que dans une société qui ne sait plus communiquer avec elle-même. »12 Il est vrai que le mot de communication fait figure de concept passe-partout, de terme polysémique pour désigner des réalités multiples. On évoquera les voies de communication pour désigner les autoroutes ou chemins de fer, les techniques de communication pour parler de téléphonie ou d’application informatique et plus globalement de Communication pour faire référence aux relations interpersonnelles.

La communication semble souffrir de quatre difficultés :

1 - Une vision mécaniste

La communication repose largement sur les travaux des cybernéticiens, au premier rang desquels s’impose la figure de l’auteur de Cybernétique et société, paru en 1949 aux Etats-Unis : Norbert Wiener. Mathématicien d’origine, Wiener définissait la cybernétique comme étant « la science du contrôle et des communications ».

Les travaux de l’époque sont généralement fortement influencés par une vision de la communication comme un flux d’informations entre un émetteur et un récepteur.

émetteur récepteur

12 : Lucien Sfez, La communication, PUF, « Que sais-je ? », 1991, p.4

A B

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Développée par Claude Shannon et Waren Weaver dans un ouvrage paru également en 1949, The Mathetical theory of communication, cette vision fut présentée autour de cinq éléments :

• la source de l’information• le transmetteur• le canal de transmission de l’information• le récepteur• le destinataire de l’information.

La plupart des chercheurs à l’origine de ces modèles étaient employés dans des compagnies de téléphone, et la Bell Téléphone fut à l’avant-garde des recherches alors publiées dans le journal de l’entreprise. Ils ajoutèrent la notion de bruit parasite pouvant perturber la qualité du message, ce que fait visualiser le schéma ci-dessous :

canal de diffusion

récepteur

bruit parasite

Ce schéma, bien que mécaniste, avait le grand mérite d’amener la réflexion sur la dégradation du message lors de sa transmission ce que résume l’approche psycholinguistique :

• ce que je pense• ce que je veux dire• ce que je dis• ce que le récepteur entend• ce que le récepteur comprend• ce que le récepteur retient.

Cette vision de la communication est encore très présente en entreprise où le langage est souvent conçu de manière balistique. On parle des cibles de communication qui seraient les destinataires uniques des messages et il est fréquent de

Origine de l’information

émetteur destinataire

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constater les propos de certains dirigeants étonnés que la presse ait fortement interprété, voire déformé les propos émis par le service communication. L’héritage majeur de cette école est le schéma des 5 W proposé par Harold Lasswell. Concepteur de ce qu’on appelle « le paradigme des effets », H. Lasswell croyait en l’intentionnalité de toute communication et développa un modèle qui sert autant de grille d’analyse que d’embryon de tout plan de communication : Who, What, Whom, What channel, When.

Cette formule « qui dit quoi, à qui, quand et comment » laisse peu de place à l’écoute et à l’interactivité. L’émetteur serait actif et le récepteur passif, nous sommes dans un unilatéralisme de communication, une approche purement linéaire.

2 - Une approche quantitative

La vision quantitative de la communication repose sur une définition de celle-ci en termes de flux. Elle est à la base de nombreuses stratégies de communication où l’objectif principal est conçu sur la base de la notoriété, il faut être vu, il faut être présent, il faut diffuser ses messages. Cela fut longtemps le credo de nombreuses publicités basées sur les effets de répétition : « Du bon, du bon, Dubonnet », mais reste largement présent autant dans les publicités actuelles (cf Orange) que dans un certain type d’approches autour des réseaux Internet selon lequel diffuser plus d’informations et si possible le plus rapidement possible permet de mieux communiquer et donc, au final, de mieux nous comprendre.

Dans cette approche, « communiquez plus » signifie également de réduire au maximum les bruits parasites pouvant gêner la quantité et la qualité de l’information diffusée. C’est la raison pour laquelle les deux maîtres mots de la modernité en communication sont « transparence » et « réactivité ». Pour que la communication de votre organisation soit de qualité, vous devez être réactif et votre organisation transparente.

Nous sommes ici dans une vision utopique de la communication13, ce qui importe est de maintenir le plus ouvert possible les canaux de transmission de la communication. Le

13 : l’expression est de Philippe Breton, L’utopie de la communication, La Découverte, 1992

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contenu n’est ici pas en cause, puisque, selon toute hypothèse (dans cette théorie), la communication est la solution. Communiquons plus, soyons transparents et nous serons plus heureux. Cette vision est pourtant largement réductrice et amplement répandue, alors que, comme le rappelle justement Dominique Wolton : « La transparence ne dispense pas plus des conflits, et l’information ne suffit pas à créer de la connaissance »14.

3 - L’approche balistique

Fortement corrélée à la précédente, l’approche holistique considère la communication selon une vision globale qui s’imposerait en dehors de tout contexte. Il est important de bien s’apercevoir que le terme de « communication » nécessite toujours un objet. Le verbe est soit transitif « On communique quelque chose à quelqu’un » soit intransitif « On communique avec quelqu’un ». Or, progressivement le terme s’est imposé sans adjonction d’objet, comme si le fait-même de communiquer pouvait exister en soi. Chacun pourra faire le test. Il suffit de se rendre le soir à la sortie de n’importe quel type de bureaux ou d’usines et d’interroger les salariés sur les problèmes rencontrés dans leur organisation. Trois fois sur quatre en moyenne, la première réaction sera d’accuser le manque de communication : « On ne communique pas assez » et cela sous ses différentes variantes que peuvent être le cloisonnement des services, la rétention d’informations par les petits chefs ou à l‘inverse la surcharge d’informations liée aux messageries électroniques. La communication est toujours l’accusée idéale de tous les dysfonctionnements structurels de l’entreprise, elle serait la solution ultime. Et comme souvent il est plus facile d’actionner la communication que de s’attaquer à un problème structurel, la solution apparaît rapidement : « Il faut communiquer ». Et ceci est valable quel que soit le type de problème : le climat social se dégrade dans le pays, le gouvernement décrétera : « il faut communiquer », vous avez un problème avec votre petit(e) ami(e), alors pas de doute, vous devez « communiquer ».

Contre cette croyance en la communication comme recours unique, il importe de comprendre la communication de manière moins globale. Anne Bartoli avait clairement exprimé le problème

14 : Dominique Wolton, Penser la communication, Flammarion, 1997, p. 53

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posé : « On ne saurait améliorer dans l’absolu cette insaisissable communication », pas plus que ne s’obtient ex nihilo la fameuse « motivation du personnel. Pour l’une comme pour l’autre, c’est un raisonnement relatif et temporel qui s’impose : on communique pour ou sur ... on est motivé pour ou sur ... Toute autre ambition globale n'est-elle pas une gageure pure et simple ?"15

C’est là un point fondamental : toute communication ne peut se comprendre qu’en fonction d’un contexte, d’un enjeu particulier, d’un objectif, d’une relation avec le destinataire du message. Toute croyance en une communication globale risque au mieux l’inefficacité, au pire de sérieuses difficultés.

4 - L’approche technique

Il s’agit de la dérive la plus fréquente en communication d’entreprise et elle constitue une sorte de point d’aboutissement des dérives précédentes. Appelée également « dérive instrumentale », elle consiste à utiliser un outil de communication avec la croyance que celui-ci réussira à résoudre le problème de communication. Le schéma est alors simple :

détection d’un problème

croyance en la communication comme solution

création d’une action de communication

Le dirigeant d’une entreprise sentira la démotivation de ses salariés, il demandera au responsable de communication de créer un nouveau journal interne, il sentira la défiance de ses actionnaires alors il repensera le site web de l’entreprise, il voudra marquer son territoire face à la concurrence alors il élaborera une nouvelle plaquette de présentation.

Le jeu des pouvoirs en entreprise oblige parfois à accepter certains compromis et il est parfois difficile au chargé de communication -surtout s’il est nouvellement recruté- de

15 : Anne Bartoli, Communication et Organisation, Ed. d’organisation, 1990, p. 97

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s’opposer à un dirigeant qui souhaiterait voir le nom de son entreprise sur les affiches de sa ville et son stand à la foire commerciale. C’est pourtant toujours en s’interrogeant d’abord sur les objectifs, les cibles et les messages que la communication prend toute son efficacité. La réflexion sur les outils n’intervient qu’en aboutissement d’un processus de réflexion stratégique, elle ne saurait en aucun cas s’y substituer.

Après avoir défini le concept de communication au travers de ses multiples acceptions et dérives, il est désormais possible de limiter plus rigoureusement la notion même de communication d’entreprise.

B - La définition de la communication d’entreprise

La communication des organisations est le processus d’écoute et d’émission de messages et de signes à destination de publics particuliers et visant à l’amélioration de l’image, au renforcement de ses relations, à la promotion de ses produits ou services, à la défense de ses intérêts.

De nombreuses définitions existent (encart ci-dessous), nous privilégierons celle ci-dessus en raison de ces éléments majeurs qu’elle contient :

• des organisations. Le terme est relativement nouveau, il a supplanté l’ancienne approche de la « communication d’entreprise ». L’idée majeure réside en ce que l’idée de stratégie de communication s’applique désormais selon les mêmes paramètres fondamentaux à tout type d’organisation et non aux seules entreprises. Cela correspond également à la

La communication d’entreprise

La communication d’entreprise est l’action volontariste d’émission, de transmission et de réception de messages, dans un système de signes qui s’échangent au sein de l’entreprise et entre celle-ci et son environnement.

Fédération Nationale Entreprise et Performance, 1989

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perception d’une réalité, à savoir que tout type d’organisation a progressivement mis en place une professionnalisation de la fonction communication. Ainsi qu’il sera démontré dans les derniers chapitres de cet ouvrage, la communication s’exerce désormais dans les entreprises privées ou publiques, quelle soit leur taille ou leur secteur d’activité ; elle s’exerce dans les sphères publiques des ministères, administrations, collectivités territoriales, elle s’exerce enfin dans le domaine non marchand des associations, fondations ou ONG.

• Le processus. La communication ne peut être définie comme une « science », son domaine n’est pas suffisamment délimité et ses méthodes trop embryonnaires. A l’inverse, il est impossible de la définir comme un « art » puisqu’elle prétend au professionnalisme des techniques. Il eut été possible de la définir en tant que « domaine » ou « discipline » mais, par le terme de processus nous visons à positionner la communication autour d’un effort planifié, soutenu et cela autour d’un objectif de long terme. C’est sur la durée que s’opère la communication d’entreprise, c’est le temps qui donne de la valeur à ses actions. La communication ne peut être conçue comme un acte isolé mais comme un ensemble dynamique d’interactions sur la durée.

• L’écoute. La grande majorité des définitions de la communication ne considère que l’émission ou la production de messages. C’est une grave erreur et il est important de toujours considérer que la communication est un processus interactif qui commence par une phase d’écoute. En organisation, cette étape est dénommée « audit », « analyse de situation », « diagnostic » mais recouvre la même réalité : la compréhension des attentes des interlocuteurs. Sans phase d’écoute la communication ne serait qu’un flux linéaire d’informations à l’exemple des modèles mécanistes de l’immédiate après-guerre. L’analyse de situation est souvent comprise par analogie avec la fondation d’un immeuble ; si elle est suffisamment approfondie, l’ensemble de la stratégie de communication sera stable et solide. A défaut, c’est l’ensemble de l’édifice communicationnel qui sera vacillant.

• Des messages et des signes. C’est le terme de « signes » qui est important parce que trop souvent négligé. On conçoit

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aisément que la communication diffuse des messages, c’est-à-dire produise un discours de manière volontariste. L’analogie ici serait autour de la figure de l’iceberg ; sous la face émergée composée des messages émis consciemment par l’entreprise se dissimule un ensemble hétérogène et très large composé d‘éléments de contact avec le public et pouvant avoir un rôle dominant dans l’image de l’entreprise. Ces éléments peuvent être l’architecture des bâtiments, l’accueil téléphonique, la courtoisie des salariés, l’expérience personnelle, ... Les déterminants de l’image d’une entreprise peuvent résider prioritairement dans la somme de ces paramètres hétéroclites plutôt que dans une stratégie publicitaire très élaborée : l’image que nous avons de La Poste tient peut-être moins à sa communication volontaire qu’à nos expériences d’attentes interminables au guichet, notre image de la SNCF réside peut-être majoritairement dans la perception de grèves à répétition, celle d’Air France de la fréquence des retards au décollage. L’entreprise va ainsi veiller à ce qu’il n’y ait pas de décalage entre les signes et les messages. Par exemple, dans l’hypothèse où elle émettrait des signes « conservateurs », toute campagne basée sur le mouvement et la modernité risquerait d’entrer en contradiction et de générer un brouillage d’image et une incompréhension auprès du public.

• A destination de publics particuliers. Une communication ne peut se comprendre qu’en fonction du destinataire à qui elle s’adresse. Chacun peut en faire l’expérience à l’écoute des réactions souvent tranchées devant certaines publicités jugées « nulles ». Il est préférable de partir de l’idée qu’il n’y a pas de publicité nulle, mais seulement des individus hors cible. Et c’est peut-être justement parce que nous recevons des publicités qui ne nous sont pas destinées que nous les recevons aussi négativement.

Une communication comme celle que Total mit en œuvre après le naufrage de l’Erika sur les côtes bretonnes le 12 décembre 1999 illustre parfaitement cette idée. De l’avis général, Total aurait commis d’importantes erreurs de communication en se réfugiant derrière une posture défensive de type : « Nous ne sommes pas juridiquement responsables ». A la suite de cette communication, l’image

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grand public de Total chuta pour aboutir dans les tréfonds des classements portant sur les images d’entreprises.

Il est toutefois important de mettre cette chute d’image grand public en parallèle à d’autres indicateurs : Total n’a perdu aucune part de marché et ses clients sont restés fidèles, ses marges bénéficiaires se sont établies à des niveaux records dans les mois qui suivirent et le cours de Bourse s’accrut très fortement. Bien évidement, il n’y a aucune relation de cause à effet entre la chute d’image et les marges bénéficiaires, par contre il est très important de remettre cette communication en regard d’une idée centrale : quel est le cœur de cible de l’entreprise Total ? Si l’on considère que l’entreprise opère les deux tiers de son chiffre d’affaires à l’étranger, que le marché français est majoritairement captif, alors on peut comprendre que le grand public ne soit pas automatiquement la cible principale de l’entreprise. L’importance et la volatilité des flux financiers internationaux amène plutôt à considérer que la cible principale de communication est constituée des opérateurs financiers internationaux et que c’étaient eux qu’il fallait rassurer immédiatement en excipant d’une irresponsabilité juridique qui mettait l’entreprise à l’abri de versements d’indemnités importantes et pouvant faire baisser le cours de l’action en Bourse.

Certes, cela n’empêchait pas Total de se préoccuper également de son image globale. Toutefois, ce qui ici est fondamental est de bien s’apercevoir que l’on ne peut évaluer et comprendre une communication d’entreprise qu’en fonction de la cible principale à qui elle s’adresse. Nous ne jugeons pas une communication selon que nous sommes étudiant, militant de l’altermondialisme, actionnaire, catholique pratiquant ou retraité.

• L’amélioration de l’image. L’image de l’entreprise est un concept dont les praticiens éprouvent quelques difficultés à délimiter l’objet. L’image est généralement représentée sous forme d’un carré qui en représenterait les quatre composantes.

image perçue image voulue

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identité image possible(image réelle)

Une distinction est parfois opérée entre l’image et la réputation. Il est parfois considéré que l’image « n’est finalement qu’une approche statique, ponctuelle, une photographie qui restitue un instant de la vie « publique » d’un produit, d’une entreprise, d’une personne » alors que la réputation serait fondée sur une approche culturelle, historique et qu’elle s’inscrit dans le temps »16. Pour d’autres17, l’image serait l’ensemble des perceptions des publics autour de quatre axes : la réputation, les valeurs, la personnalité et l’identité de l’entreprise. Quoi qu’il en soit, l’important est ici de considérer que l’image est devenue un actif majeur de l’entreprise et qu’il devient aujourd’hui possible de la mesurer. Il est par exemple estimé que le simple fait que Volkswagen puisse avoir une meilleure image que Renault lui permet de vendre - toutes choses égales par ailleurs - ses véhicules 15 % plus cher. Il est également estimé que l’actif d’image puisse représenter des valeurs supérieures à l’ensemble des actifs tangibles de l’entreprise. Le Cabinet Interbrand évalue ainsi le poids financier de l’image des grandes entreprises mondiales.

Les cinq images les plus rentables

Coca-Cola 70.45Microsoft 65IBM 51General Electric 42Intel 31

(source : Interbrand / Business Week)

• Le renforcement de ses relations. Dénommés « Relations publiques », la création, l’entretien et l’amélioration des

16 : Jean-Pierre Piotet, Réputation, le regard des autres, Eskar, 2004, p. 1717 : Shirley Harrison, Public relations, Thomson Press, 1995, p.71

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relations sont la partie la plus ancienne des relations publiques. Les termes de relations publiques et de communication ont d’ailleurs longtemps été synonymes jusqu'à ce que, au début des années 80, le terme de communication supplante définitivement celui de relations publiques en le reléguant à une des quatre composantes de la communication. De nombreuses définitions des relations publiques existent puisqu’un chercheur Rex Harlow, en avait, en 1976, dénombré 472 définitions.

« Les relations publiques sont une fonction de gestion qui identifie, établit et maintient des relations mutuellement profitables entre une organisation et les divers publics dont dépend le succès ou l’échec de ses activités »18.

Par ailleurs, l’Institute for Public Relations donne la définition suivante : « Discipline concernée par la réputation de l’entreprise, de ses hommes, services ou produits, et visant à gagner compréhension et soutien ». Dans cette définition, la frontière devient beaucoup plus floue avec la communication globale puisque les relations publiques ambitionnent également le travail sur l’image.

De même, il est fréquent dans les différentes définitions de trouver la notion de relations publiques internes pour évoquer la communication des dirigeants d’entreprise envers leurs salariés.

Les étapes des relations publiquesInauguration de la Pacifique Railroad, chemin de fer reliant New York à San FranciscoCréation du premier service de relations publiques en entreprise : WestinghouseCréation par Yvy Lee du premier cabinet conseil en relations publiquesPremier ouvrage de relations publiques « Crystallizing Public Opinions » par Edward BernaysCréation par Henri Pineau de la première

18 : Cutlip, Center et Broom, cité in Danielle Maisonneuve et al., Les relations publiques dans une société en mouvement, Presses de l’Université du Québec, 2004, p.11

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agence française de relations publiques : « Relations »Fondation de l’association internationale des relations publiques

Il nous apparaît légitime que les professionnels des relations publiques puissent prétendre au travail sur l’image. La frontière entre « l’image » et « les bonnes relations » est souvent fort étroite puisque l’on conçoit difficilement avoir de bonnes relations avec une mauvaise image. Néanmoins et pour écarter toute ambiguïté, nous préférons nous en tenir aux définitions officielles d’organisme comme l’Union des Annonceurs. Les relations publiques sont alors clairement une discipline de la communication, elles sont la composante de trois éléments : les relations presse, les visites et portes ouvertes , les séminaires et congrès.

Enfin, il est nécessaire de signaler aux étudiants que les ouvrages de communication anglo-saxons sont généralement présentés sous le vocable de « Public Relations », le terme « communication » étant, la plupart du temps, réservé aux études liées à la technologie de la communication (télécommunication). Notons également la terminologie québécoise selon laquelle la fonction d’un chargé de communication est dénommée « relationniste ».

• La promotion de ses produits. La communication est un domaine à géométrie variable où les querelles d’experts existent. La promotion des produits est un domaine d’activité des démarches marketing et les représentants du marketing refusent généralement de considérer le marketing comme un domaine de la communication d’entreprise. Selon eux, l’entreprise n’existe que par les ventes de ses produits ou services et ainsi la communication ne serait que secondaire.

L’école communicante a un avis opposé et considère que « sans communication, il ne peut y avoir ni organisation, ni gestion, ni coopération, ni motivation : sans communication, pas de vente, pas de demande, pas de marketing et aucune coordination des processus de travail »19. Ce n’est sans doute

19 : Gérald M. Goldhaber, Osmo Wirio et al., Information Stratégies : New Pathways to corporate power, Prentice Hill, 1979

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pas aujourd’hui que se clôturera un débat qui ressemble beaucoup aux interrogations sur la primauté originelle de l’œuf ou de la poule.

• La défense de ses intérêts. Le lobbying est défini comme l’activité visant à influence un décideur afin d’obtenir une disposition conforme aux intérêts de l’organisation. C’est une discipline de communication basée sur une activité de relations publiques, mais pouvant parfois emprunter les voies de la communication corporate dans le cadre d’une stratégie à double niveau : l’entreprise agit sur l’opinion publique afin de faire pression indirectement sur les décideurs. Le lobbying est appelé également « communication d’influence » ou « affaires publiques ». Trois niveaux de lobbying sont généralement considérés : l’approche internationale et notamment européenne, le lobbying national auprès des gouvernements et des assemblées parlementaires, le lobbying local auprès des élus locaux. Bien qu’étant perçu comme un acte de communication, le lobbying est souvent géré par un service spécialisé non intégré à la direction de la communication mais rattaché également à la présidence de l’entreprise.

II - Les domaines de la communication d’entreprise

Durant longtemps, la communication pouvait être définie en fonction des interlocuteurs à qui elle s’adressait.

Patrick d’Humières20 pouvait ainsi définir quatre types de communication :

20 : Patrick d’Humières, Management de la communication d’entreprise,Ed. d’organisation, 1993

Communication sociale

Communication institutionnelle

Communication commerciale

Publics dirigeants citoyens

clients

Publics financiers

Publics sociauxsalariés

Communication financière

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Cette classification est assez proche de la nôtre puisque nous avons distingué deux axes dans la communication commerciale selon le type de public ; un public individuel (communication B to C) et un public industriel (communication B to B).

Christian Regouby21 distinguait cinq types de communication :

Communication de recrutement

Communication financière

Communication politique

Communication sociale

Communication d’opinion

Chercheurs d’emploisEcolesUniversités

Milieux financiersBourseMilieux d’affaires

Pouvoirs publicsAdministrationCollectivités locales

SyndicatsAssociationsLobbies

Citoyens

Une même organisation pourra pourtant utiliser une palette de communication plus vaste puisque treize domaines peuvent être recensés.

• Une communication produit. Il s’agit de la communication marketing destinée au consommateur dans un objectif de vente du produit. Le public est généralement parfaitement délimité et le message unique : « Unique selling proposition ».

• La communication B to B. C’est une communication d’industriel à industriel. Elle peut emprunter les voies de la communication produit ou de la communication corporate.

• La communication financière. Elle a supplanté le domaine de « l’information financière » au début des années 1990 en raison de la masse en expansion des capitaux internationaux et de sa volatilité croissante. La communication financière est devenue une discipline de plus en plus poreuse aux autres domaines de communication, tant en raison de la diversité des cibles à qui elle s’adresse (rôle croissant des salariés notamment) qu’à celle des domaines qui interagissent avec elle. Le thème du développement durable est ainsi de plus présent dans la communication financière en raison du rôle croissant des agences de notation éthique destinées à influer sur les flux de placements financiers

21 : Christian Regouby, La communication globale, Ed. d’organisation,1988

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internationaux. En France, le marché de l’investissement sur des fonds dits « Ethiques » est estimé en 2005 à 5 milliards d’Euros, soit un doublement depuis 2002.

• La communication d’influence. Appelée également « lobbying » ou « affaires publiques », c’est la communication qui cherche à faire pression sur un décideur afin d’influer sur une décision.

• La communication institutionnelle. Destinée à améliorer l’image de l’entreprise, elle vise essentiellement le grand public mais peut s’adresser à des cibles particulières (B to B) ou s’intégrer dans une démarche de lobbying (pouvoirs publics, décideurs).

Apparue au début des années 1920 aux Etats-Unis, la communication institutionnelle utilise prioritairement la voie de la publicité pour la construction et l’amélioration de l’image de l’entreprise. Le terme de communication institutionnelle est parfois employé – à tort - pour désigner la communication des institutions. Compréhensible auparavant, cette acception doit désormais être écartée en raison du développement d’une activité marketing au sein des administrations publiques.

Certains auteurs distinguent la communication institutionnelle de la communication corporate qui serait « l’approche globale et systémique des entreprises au plan de communication »22. Comme la plupart des acteurs de la communication utilisent indifféremment les deux termes pour désigner la même activité, nous préférons ne pas entrer dans de trop subtiles distinctions et considérons la similitude des deux termes.

• La communication sensible. Destinée à des publics hétérogènes, la communication sensible concerne des thèmes crisogènes. Elle se distingue pourtant de la communication de crise en ce qu’elle vise justement à éviter toute polémique. La communication sur le tabac, les ventes d’armes, les aliments génétiquement modifiés sont des illustrations de ce type de communication.

• La communication d’acceptabilité. Elle s’effectue en accompagnement de projet d’implantation industriel ou équipementier ayant un impact environnemental ou humain

22 : Philippe Schwebig, Les communications de l’entreprise - Au-delà de l’image, Mc GrawHill, 1988

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important. Elle vise à convaincre de l’utilité d’un projet susceptible de générer de fortes oppositions. La communication d’acceptabilité est une discipline délicate car elle est au cœur d’une contradiction psychosociologique : 70 à 95 % des citoyens acceptent la nécessité de construire des voies de TGV, d’autoroutes, de nouvelles lignes à haute tension, des décharges d’ordures ménagères, des incinérateurs. Et dans le même temps un pourcentage similaire de la population déclare refuser toute implantation qui la concernerait directement dans son voisinage. Pour désigner cette situation paradoxale d’une acceptabilité de principe et d’un refus de fait, les chercheurs utilisent le terme de « syndrome NIMBY », Not In My Back Yard, traduit en français comme signifiant « pas dans mon jardin ».

• La communication de crise. Ce domaine s’est fortement élargi en l’espace de quelques années puisqu’il ne concerne plus seulement la communication autour du risque industriel majeur mais tout type de crise et ce dans l’ensemble des secteurs d’activité, quels que soient la taille ou le statut de l’entreprise. La discipline est transverse puisqu’elle peut concerner la plupart des autres domaines de communication en fonction de la nature de la crise : sociale, financière, corporate, environnementale, …

• La communication de proximité. Elle traite de la communication locale de l’entreprise. Partant du constat d’une différence d’objectif et d’interlocuteurs entre une entreprise et les usines qui la composent, entre les grandes entreprises en réseau et les PME, la communication de proximité traite de communication de terrain, elle vise les relations entre l’implantation et les acteurs locaux : élus locaux, presse locale, riverains.

• La communication de recrutement. Elle concerne le public de jeunes diplômés potentiels ou réels et tend à être de plus en plus une déclinaison de la communication institutionnelle sur ce type de public. Elle utilise également une panoplie d’outils de relations publiques : forums, amphi-retapes, sponsoring. L’outil Internet est désormais devenu un moyen central de cette communication.

• La communication interne. Les salariés forment le public central de cette communication qui poursuit des objectifs de motivation et de décloisonnement. Trois types de communication interne sont généralement distingués : descendante, ascendante et latérale. Elle

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utilise des moyens qui lui sont spécifiques : journaux internes, Intranet, mais tend à être de plus en plus ouverte : la communication interne ne l’est plus totalement, elle s’exerce plutôt autour d’un continuum interne – externe qui se déplace en fonction des situations et des enjeux.

• La communication internationale. La mondialisation a entraîné un accroissement des canaux de communication et une concentration des marques désormais présentes largement au-delà de leurs frontières originelles. Cela amène les entreprises à conduire une communication où après avoir été longtemps standardisée, celle-ci tend à prendre davantage en compte les spécificités et les attentes locales. Aux côtés de logo et base line homogène, les communications adoptent leur visuel et leur message. La communication internationale est également transverse aux autres domaines : crise, interne, recrutement …

• La communication sur le développement durable. Il est délicat de présenter cette communication comme une discipline de la communication d’entreprise puisqu’elle n’en forme qu’une variante thématique à l’exemple de la communication scientifique et technique. Pourtant, tant en raison de sa place prépondérante dans les messages diffusés que des règles spécifiques qui l’encadrent, la communication sur le développement durable apparaît désormais comme une discipline propre. Elle intervient à la suite de la communication environnementale apparue vers la fin des années 80 et dans le sillage des communications sur les thèmes de l’éthique ou de la citoyenneté d’entreprise.

Trois autres types de communication existent également, elles ne se définissent qu’en relation avec leur émetteur, il s’agit de :

• La communication non marchande. Elle regroupe la communication des ONG, des associations ou fondations. Le terme « non marchand » apparaît réducteur, d’abord parce qu’il ne situe cette communication qu’en opposition à celle du secteur marchand, ensuite et surtout parce que la communication non marchande emprunte de plus en plus les voies du marketing le plus élaboré : mailing, phoning, couponing, fund-raising, …

• La communication publique. Elle est composée de la communication des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Elle comprend

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donc la communication gouvernementale que coordonne le SIG, service d’information du gouvernement, la communication des administrations et des autorités administratives indépendantes, la communication des régions, départements et régions. Il était d’usage d’y inclure également les entreprises publiques mais le constat que leur communication se rapproche davantage d’une communication d’entreprise classique que des règles administratives tend à les en exclure chaque jour davantage.

• La communication politique. Située à l’interface des deux communications précédentes, elle vise à canaliser les passions politiques au profit d‘une idée, d’un parti, d’un homme. Elle comprend une communication globale et une communication électorale de plus en plus encadrée juridiquement et financièrement.

D’autres types de communication existent mais ne se définissent que par les moyens utilisés : la communication multimédia au travers de l’outil Internet, la communication événementielle au travers des inaugurations et portes ouvertes.