Orbitofrontal Cortex and Its Contribution to Decision-Making
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UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS
DE LA DECISION A L’ACTION :
CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE
DECISIONS DANS LES PROCESSUS D’ACTION STRATEGIQUES
Habilitation à diriger des recherches
en sciences de gestion
Anne MARCHAIS-ROUBELAT
Soutenue le 8 septembre 2005
Membres du jury :
Jean-Pierre BRECHET, Professeur à l‟IAE de Nantes
Yvonne GIORDANO, Professeur à l‟IAE de Nice
Raymond LEBAN, Professeur au CNAM-Paris
Jean-Fabrice LEBRATY, Professeur à l‟IAE de Nice
Yvon PESQUEUX, Professeur au CNAM-Paris
Jacques THEPOT, Professeur à l‟Université Louis Pasteur – Strasbourg
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REMERCIEMENTS
Je voudrais exprimer ma gratitude au Professeur Yvonne GIORDANO qui a accepté
d‟encadrer ce travail.
Je remercie le Professeur Raymond LEBAN qui a toujours dans le cadre du CEREM soutenu
ces recherches.
Je tiens aussi à remercier le Professeur Yvon PESQUEUX pour les conseils qu‟il m‟a
apportés tout au long de la préparation de cette habilitation.
Je remercie les Professeurs Jean-Pierre BRECHET, Jean-Fabrice LEBRATY et Jacques
THEPOT d‟avoir accepté de faire partie de ce jury.
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SOMMAIRE
Remerciements ........................................................................................................................... 2
Avant propos .............................................................................................................................. 5
Introduction : Structure du champ des recherches sur la décision et le temps et positionnement
des travaux .................................................................................................................................. 6
La problématique du temps dans les recherches sur la décision ........................................ 6
Positionnement des travaux ................................................................................................ 7
Tableau synthétique des recherches ................................................................................... 7
Partie I : Des théories décisionnelles à la phénoménologie de l‟action ................................... 12
Chapitre I. Les limites des cadres théoriques existants pour formaliser les enchaînements de
décisions dans une logique temporelle ................................................................................. 13
I. 1. Des problèmes théoriques aux difficultés empiriques dans les approches
organisationnelles de la décision ...................................................................................... 13
I. 2. La nécessité de construire un système conceptuel adapté ........................................ 14
Chapitre II. De la décision à l‟action .................................................................................... 18
II. 1. Résoudre l‟ambiguïté de la décision : de l'analyse du choix à l'observation de l'acte
.......................................................................................................................................... 18
II. 2. Percevoir les événements dans le temps : le rapport des acteurs au réel et sa
représentation ................................................................................................................... 20
II. 3. Résoudre l‟ambiguïté du statut du décideur : l'agent et l'acteur .............................. 23
Chapitre III. Les applications et pistes de recherches .......................................................... 27
III. 1. Les enchaînements de décisions et la notion d‟irréversibilité ................................ 27
III. 2. La gestion des âges ................................................................................................. 34
III. 3. Le management des réseaux ................................................................................... 38
Partie II : Enseignements méthodologiques et épistémologiques ............................................ 47
Chapitre IV. Méthodologie pour l‟étude des enchaînements de décisions au cours d‟un
processus d‟action complexe ................................................................................................ 48
IV. 1. L‟étude des processus : les raisons d‟un choix méthodologique ........................... 49
IV. 2. La formalisation des processus .............................................................................. 53
IV. 3. L‟étude des processus en gestion : le problème du choix des limites .................... 55
IV. 4. L‟exploitation des documents écrits ...................................................................... 58
Chapitre V. Epistémologie de la phénoménologie de l‟action ............................................. 65
V. 1. Les origines de la phénoménologie de l‟action : l‟action comme processus temporel
.......................................................................................................................................... 66
V.2. Décision, action et intentionalité .............................................................................. 69
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V. 3. Les critères de validité de la phénoménologie de l‟action ...................................... 72
Conclusion ................................................................................................................................ 76
Références bibliographiques .................................................................................................... 79
Annexes ................................................................................................................................ 83
Curriculum vitae ....................................................................................................................... 89
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AVANT PROPOS
Si la recherche était une expédition vers de nouveaux mondes mentaux, le chercheur, qui en
serait l‟explorateur, devrait à un moment de son parcours rassembler ses travaux pour
ébaucher une carte du domaine reconnu. Une telle carte ne constitue pas seulement un bilan
du passé, elle contribue aussi, avec les autres cartes déjà établies par d‟autres explorateurs, à
préparer de nouvelles expéditions.
Tout cheminement, s‟il suppose un espace, suppose aussi du temps. Les recherches présentées
dans ce document placent le temps au cœur des enchaînements de décisions dans les grandes
organisations. Leur objectif est d‟offrir à l‟acteur engagé dans un processus stratégique une
grille d‟analyse temporelle qui lui permette d‟anticiper l'enchaînement des décisions.
Ces recherches s‟inscrivent à la croisée de courants de recherches anciens et des approches
actuelles de la décision. Mais pour pouvoir les mener à bien, il m‟a fallu créer des concepts
adéquats, et par conséquent adapter la méthodologie. En 1993, lorsque ma thèse a été
soutenue, les processus organisationnels n‟étaient pas encore très étudiés en France et il était
difficile, pour ces recherches à la fois théoriques et transversales, de se positionner clairement
à l‟intersection des travaux sur les décisions, les organisations, la prospective et la stratégie,
d‟autant que l‟approche, historique, n‟est pas issue des disciplines de référence en gestion.
Au cours du temps, les concepts ont été appliqués à différents cas, voire utilisés en recherche-
action par d‟autres chercheurs. Dix ans après les premiers travaux, dans un contexte de
recherche où désormais les analyses de processus se diffusent (Pettigrew, 1997), il devient
plus aisé de positionner d‟un point de vue épistémologique et méthodologique des recherches
sur le temps et les enchaînements de décisions dans les processus complexes d‟action. Que le
lecteur veuille bien considérer ce qu‟il va lire comme le repérage d‟un petit morceau de côte
sur la carte des recherches sur la décision et l‟action, état des lieux sur ce qui a été fait mais
aussi invitation à l‟embarquement pour de nouveaux rivages encore inexplorés.
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INTRODUCTION
STRUCTURE DU CHAMP DES RECHERCHES SUR LA DECISION ET LE
TEMPS ET POSITIONNEMENT DES TRAVAUX
LA PROBLEMATIQUE DU TEMPS DANS LES RECHERCHES SUR LA DECISION
Avec la remise en cause dans les années 70 des postulats de la théorie classique de la décision
à la suite des travaux de J. March (March, 1972) et de K. Weick (Weick, 1979), les théories
de l‟organisation permettent de « reconnaître à l‟organisation la capacité de créer une partie
de sa propre réalité » (Koenig, 1987, p. 108). A partir du moment où il y a « rupture d‟avec le
schéma stimulus-réponse qui fondait les démarches antérieures » (ibid., p. 109), on ne
considère plus que la décision est un choix pour atteindre un objectif indiqué, mais on
considère la décision comme un processus qui peut jouer aussi bien un rôle d‟engagement des
acteurs ou de justification à l‟action engagée que de résolution de problème. « L‟inversion de
l‟effet et de la cause, du comportement et du motif » (ibid. p. 110) remet indirectement en
cause le temps linéaire et sécable en intervalles issu de la décomposition d'une décision en
décisions élémentaires.
Pourtant le temps ne constitue pas un concept central dans la mesure où en dehors de l'ordre,
le rythme et la cadence d'enchaînement des décisions ne font pas l'objet d'attentions
particulières, même dans les approches constructivistes.
L'importance des rythmes différentiels et de leurs effets est évoquée par certains auteurs :
ainsi, J. G. March évoque des processus d'adaptation efficaces dans le court terme, mais
destructeurs à long terme (March, 1991). En général cependant, même lorsque les études
diachroniques indiquent la durée des processus étudiés, elles cherchent avant tout à
comprendre ou à formaliser les étapes des processus de décision et d'information, plutôt qu‟à
s'interroger sur la logique temporelle de leur enchaînement : quand ? quel événement s'est
produit avant ? quel événement s'est produit après ? est-ce que des acteurs ont mentionné ces
événements ?
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Dans un autre ordre d‟idées, le modèle du "garbage can" (Cohen, March, Olsen, 1972) met en
valeur le fait qu'à chaque instant les individus concernés changent d'attitude vis-à-vis de la
décision, du processus de décision, ou de sa mise en place. Pour analyser l'enchaînement des
décisions individuelles et organisationnelles dans le temps, il apparaît alors important de tenir
compte des apports de ce modèle, notamment en s'interrogeant sur le moment où les individus
participant à un choix constatent une divergence entre leurs représentations du monde tel qu'il
devrait être et tel qu'ils le constatent, et en intégrant les conséquences au cours du temps non
pas du constat, mais des changements de comportements des acteurs qu'il a pu induire.
Paradoxalement, le modèle du "garbage can", alors qu‟il a des conséquences sur le traitement
du temps, lui accorde directement si peu d'intérêt que pour Van de Ven et Poole cette
approche ne contient aucun "moteur" de changement (Van de Ven et Poole, 1995).
POSITIONNEMENT DES TRAVAUX
L‟objectif de mes travaux est de comprendre ce qu‟est une action au sens de processus au
cours duquel un ou plusieurs acteurs effectuent des choix successifs afin de mieux
appréhender la logique de l'enchaînement de décisions au cours du temps.
D‟un point de vue épistémologique, mes travaux adoptent une approche constructiviste,
ancrée sur la modélisation des processus : avec le temps, les connaissances des acteurs
évoluent, les processus d‟action sont nécessairement des processus de construction de
significations nouvelles et d‟apprentissage, dans un contexte historique complexe.
En pratique, il s‟agit de décrire ce qui se passe et d‟en formaliser la dynamique temporelle.
C‟est pourquoi ma thèse a proposé et testé un système de concepts adapté à cette conception
de l‟action (annexe 1).
TABLEAU SYNTHETIQUE DES RECHERCHES
Les recherches peuvent être classées, selon les problématiques qu‟elles abordent, en quatre
ensembles (tableau 1). Le premier (Recherche 1) porte sur la présentation des concepts conçus
pour modéliser l‟action et leur application à des études de cas. Dans cet ensemble, la thèse se
singularise par la méthode travail utilisée. En effet, la démarche adoptée dans la thèse est
successivement inductive puis logico-déductive : à partir de l‟observation de l‟environnement,
elle définit un ensemble de concepts ensuite appliqués à une analyse comparative de
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processus afin de montrer qu‟il est possible de créer des concepts et une méthodologie
permettant de comparer le déroulement de processus complexes. Son principal résultat est la
construction du métamodèle (ensemble de concepts sans bouclage logique entre eux et
permettant de formaliser un processus d‟un point de vue temporel).
Le deuxième ensemble (Recherche 2) prolonge et applique le premier aux questions
concernant l‟irréversibilité et les décisions stratégiques dans l‟action. Il aborde ces questions
par différents angles :
- soit le processus d‟action (par exemple la modélisation de processus militaires ou
d‟innovation ou la modélisation comparée de grands projets) ;
- soit les décisions (par exemple la modélisation de la décision dans un processus
complexe, la modélisation des alliances et des oppositions entre les acteurs au cours
d‟un processus en référence à la théorie des jeux dans le cadre d‟un séminaire de
recherche de la FNEGE, ou bien encore les enchaînements de décisions dans les
processus d‟innovation dans une optique prospective) ;
- soit enfin les processus stratégiques (par exemple la comparaison entre les conditions
d‟exercice de la stratégie militaire et de la stratégie d‟entreprise ou les tactiques de
provocation ou d‟évitement d‟irréversibilités dans le lancement de grands projets ou
dans les stratégies d‟entreprises).
Le troisième ensemble (Recherche 3) se situe dans le domaine de la gestion des ressources
humaines, puisqu‟il s‟agit de la gestion des âges. Outre l‟intérêt de modéliser un processus qui
se déforme systématiquement au cours du temps - même si les effectifs restent inchangés, les
individus vieillissent -, ce travail a permis de collaborer avec un autre chercheur, qui a pu
ensuite transposer le modèle initial et développer des axes innovants de recherches et
d‟applications.
Enfin, le quatrième ensemble (Recherche 4) concerne la problématique du management des
réseaux. Les premiers travaux proposent une réflexion sur la définition des réseaux et une
analyse de l‟utilisation de réseaux en management dans les entreprises de réseau. Ils sont
ensuite complétés par l‟application au management en réseau des concepts de la
phénoménologie de l‟action pour une analyse de l‟utilisation des réseaux dans le contexte plus
large du management des organisations.
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Ce tableau ne fait pas référence à un cadre théorique particulier en-dehors de la
phénoménologie de l‟action et des approches de la décision, car les travaux abordent des
thèmes très variés et mobilisent par conséquent à chaque fois des cadres de référence
différents (apprentissage organisationnel, innovation, théorie des jeux, gestion des âges …).
En effet, comme les concepts proposés dans la thèse s‟appliquent aux enchaînements de
décisions dans le temps de l‟action, les terrains d‟études sont extrêmement nombreux et
variés. Leur principale limitation n‟est pas thématique mais méthodologique, liée aux cas eux-
mêmes car il faut pouvoir vérifier la pertinence et la fiabilité de l‟information dont on peut
disposer. Ma formation antérieure d‟historienne et mes activités actuelles en sciences de
gestion m‟ont fait privilégier les grands programmes et les processus de décision politico-
stratégiques, mais des problèmes comme la gestion des âges ou le management en réseau
m‟ont aussi paru particulièrement intéressants, l‟un parce qu‟il ne pouvait pas être abordé par
les démarches classiques, l‟autre parce que le concept de réseau lui-même se prêtait
particulièrement bien à mon approche.
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Tableau 1 : Synthèse des recherches par thèmes
Recherche 1
Phénoménologie de l’action
(thèse)
Recherche 2
Irréversibilités
décisions stratégiques
Recherche 3
Gestion des âges
Recherche 4
Management en réseau
Objectifs Proposer un métamodèle
pour modéliser des processus
d‟actions pendant lesquels
des décisions s‟enchaînent
Proposer une grille d‟analyse
des enchaînements de
décisions et des
irréversibilités dans des
processus temporels
d‟ampleur stratégique
Proposer un modèle
de la gestion des
âges dans le temps
Proposer un modèle et une
méthode d‟analyse qui
permette de gérer l‟évolution
des réseaux
Méthode de
recherche
Construction du système de
concepts :
- démarche inductive
(observation de
l‟environnement) et logico-
déductive (application des
concepts aux cas
historiques),
- logique formelle (pas de
bouclage entre les concepts)
Démarches inductives ou
hypothético-inductives
Méthodologie des études de
cas : Recherches historiques
puis
Construction des modèles :
transposée de méthodes
d‟analyse de documents
Démarche
hypothético-
inductive
Démarches inductives ou
hypothético-inductives
Méthodologie des études de
cas :
Recherches historiques
puis
Construction des modèles :
transposée de méthodes
d‟analyse de documents
Niveaux
d’analyse
Grands projets
Stratégie militaire
Stratégie
Grand projet Organisation
Organisation Organisation
Terrains 2 grands projets
2 campagnes militaires
2 grands projets
1 entreprise
Les armées
françaises
4 entreprises
1 Ordre religieux
Principales
publications
Thèse 1993
RFG 1995
Livre 2000
Stratégique 1995
Contributions à des ouvrages
collectifs : 1998, 2000, 2003
AGRH 1999 Flux 1998
HGO 2002
IAE 2004
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L‟évaluation de la contribution des recherches présentées ici s‟organisera en deux temps.
Dans un premier temps, j‟évaluerai l‟apport des travaux d‟un point de vue théorique dans les
champs de recherche sur la décision et le management en sciences de gestion. La présentation
des travaux et de leur évolution conduit à proposer un regard sur la dynamique temporelle des
processus, qui s‟applique aux enchaînements de décisions et se concrétise dans de nombreux
domaines, comme ceux de la gestion des âges ou du management en réseau.
La seconde partie concernera les enseignements d‟ordre méthodologique et épistémologique
de ces recherches. Cette présentation sera l‟occasion de discuter la transposition de principes
méthodologiques provenant d‟autres domaines que ceux dont sont issues les sciences de
gestion à une problématique qui a été depuis les années 50 et jusqu‟à aujourd‟hui au cœur des
interrogations de ces sciences naissantes : comment nous comporter dans un monde en
bouleversement ?
Pour faciliter la lecture du texte, j‟ai préféré présenter sous forme d‟encadrés des éléments de
méthodologie ou des exemples, afin de proposer au lecteur des éclaircissements sur certains
résultats ou points de méthodologie tout en conservant le fil directeur de mon propos.
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PARTIE I :
DES THEORIES DECISIONNELLES A LA
PHENOMENOLOGIE DE L’ACTION
L‟objet de cette première partie est d‟évaluer la contribution de mes travaux à la
compréhension des enchaînements de décisions au cours de processus complexes aux enjeux
stratégiques, tels qu‟ils apparaissent dans le temps vécu des acteurs. Cette évaluation contient
deux volets : un volet théorique, dont l‟objectif est de montrer comment la dissociation
théorique entre les concepts de décision et d‟action s‟articule avec les courants de recherche
sur la décision, et un volet appliqué, où il s‟agit de montrer l‟intérêt des résultats obtenus par
la phénoménologie de l‟action.
En ce qui concerne le premier objectif, je montrerai d‟abord en quoi les cadres théoriques
existants sont insuffisants pour aborder la formalisation des enchaînements de décisions dans
une logique temporelle et par conséquent pourquoi j‟en suis venue à proposer un métamodèle
de l‟action. Les principaux concepts de ce métamodèle seront présentés dans le chapitre 2 et
mis en relation avec les résultats des travaux existants dans les différents domaines qu‟ils
concernent.
Pour le deuxième objectif, le chapitre 3, conclusif, proposera une synthèse des résultats de la
phénoménologie de l‟action appliqués à trois thèmes de gestion : le thème de l‟irréversibilité
stratégique, celui de la gestion des âges, celui du management en réseau. Cette synthèse me
permettra de donner une orientation générale pour de nouveaux travaux, dont certains sont
déjà amorcés.
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CHAPITRE I.
LES LIMITES DES CADRES THEORIQUES EXISTANTS POUR
FORMALISER LES ENCHAINEMENTS DE DECISIONS DANS UNE
LOGIQUE TEMPORELLE
Le principal résultat de la thèse a été de créer le cadre conceptuel et méthodologique d‟une
phénoménologie de l‟action (Recherche 1). Le cadre conceptuel, d‟une trentaine de concepts
non bouclés a été appliqué à des recherches portant sur des processus de décision militaires et
industrielles, ainsi qu‟à des problématiques de gestion prospective des ressources humaines
ou des problématiques de management des réseaux. Son application a pour objectif de
modéliser des processus d‟action en vue de déterminer les différentes phases qui permettent
de décrire ces processus et d‟en analyser les conséquences en termes de management, qu‟il
s‟agisse de problématiques stratégiques ou de problématiques opérationnelles. La position
théorique de cette approche est originale, puisqu‟elle se situe à l‟articulation entre approches
formalisées de la décision – c‟est une formalisation non quantitative – et les approches plus
descriptives comme la théorie néo-institutionnelle qui sépare décision et action (Brunsson,
1990, 1993, Meyer et Rowan, 1977), la théorie de l'environnement qui relativise l'importance
des processus de décision internes (Freeman et Hannan, 1983), ou le constructivisme pour
qui, à l'inverse, nos décisions modèlent, involontairement, cet environnement (Weick, 1976,
1979).
I. 1. DES PROBLEMES THEORIQUES AUX DIFFICULTES EMPIRIQUES DANS LES
APPROCHES ORGANISATIONNELLES DE LA DECISION
Les théories formalisées de la décision supposent qu‟un problème est décomposable en
décisions élémentaires simultanées et/ou successives. Les approches plus descriptives
montrent qu‟une telle simplification théorique ne s‟applique que partiellement aux situations
réelles.
Si la définition des théories formalisées de la décision comme choix ne convient pas aux
approches stratégiques, une définition alternative est néanmoins extrêmement difficile à
proposer tant les processus de prise de décision sont complexes : les acteurs participent à des
processus de choix qui ne correspondent pas nécessairement à celui annoncé dans la décision
finale (Cohen, March, Olsen, 1972, Brunsson, 1993), leur rationalité est limitée, leur système
d‟évaluation perturbé par divers biais cognitifs (Meyer et Rowan, 1977, Argyris, 1995), etc.
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Toutefois, ce que les pistes de recherches ouvertes par la critique des approches formalisées
ont permis de gagner d‟un point de vue opérationnel par les représentations des processus
décisionnels qu‟elles proposent, elles l‟ont perdu en s‟accommodant d‟un flou conceptuel
certain : “il est courant, dans les travaux sur la décision, de laisser le phénomène lui-même
non défini” (Meyer, 1990), et lorsque la décision est définie, elle prend des acceptions très
différentes en fonction des problématiques des auteurs, ce qui rend la confrontation des
résultats extrêmement difficile.
I. 2. LA NECESSITE DE CONSTRUIRE UN SYSTEME CONCEPTUEL ADAPTE
Ainsi, d'un point de vue empirique, plusieurs difficultés subsistent pour observer et analyser
les enchaînements de décisions au cours du temps :
- quel est le statut de la décision ?
- quel est le statut des événements ?
- la notion de décideur s‟applique-t-elle indifféremment à des individus et à des
organisations ?
Ces difficultés sont à la base des travaux sur les processus décisionnels et constituent un point
de départ de mes travaux (tableau 2).
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Tableau 2 : Tableau synthétique des questions théoriques et des réponses proposées
Ambiguïté du statut de la décision Ambiguïté du statut des événements Ambiguïté du statut du décideur
Observation du
processus
organisationnel
S‟il n‟y a pas de décideur identifié
au cours du processus décisionnel,
y a-t-il quand même décision ?
Si le processus est fondé uniquement sur
l‟intersubjectivité des acteurs (Weick),
- où placer le curseur entre « mythe »
(Meyer) et réalité ?
- comment se repérer dans le temps ?
Si le décideur est une organisation,
jusqu‟à quel point peut-on lui accorder
un comportement intentionnel ?
Comportements
des individus
Une « hypocrisie » des acteurs
(Brunsson)
Les décideurs poursuivent-ils les
mêmes objectifs que ceux annoncés
par la décision ?
Subjectivité des acteurs face aux
événements : « invention de la réalité »
(PNL), modèles mentaux (Johnson-
Laird), biais cognitifs …
L‟existence des événements se réduit-elle
à la perception qu‟en ont les individus ?
Si le décideur est un individu, la
décision est-elle individuelle ?
(Barnard)
Problèmes
méthodologiques
Rendre compte de l‟ordre et du
rythme d‟enchaînement des
événements et des comportements
des acteurs dans la description du
processus décisionnel.
Maîtriser la dépendance de l‟analyse de
la dynamique des processus envers le
choix des repères temporels.
Modéliser l‟évolution du sens des
événements au cours du temps.
Articuler entre eux les niveaux
individuel et organisationnel.
Positionnement de
mes travaux
Dissociation entre la décision
(individuelle, virtuelle,
intemporelle) et l’acte. On
n’observe pas de décisions mais des
actes.
Il peut ne pas y avoir de décideur
identifié au cours du processus
d’action, mais il y a des actes et des
effets de ces actes.
D’une part le processus existe en-dehors
de l’idée que s’en font les acteurs,
d’autre part ceux-ci peuvent s’organiser
essentiellement à partir de variables de
représentation (intersubjectivité des
acteurs). Il y a un pont entre les deux
mondes par les variables d’état (une
variable d’état est une variable dont on
peut repérer les états possibles, elle est
toujours dans le présent).
Une organisation n’a pas de
comportement intentionnel, seuls les
agents en ont.
On peut toutefois attribuer des règles
de comportement à une organisation.
Elles diffèrent cependant des règles des
agents.
![Page 16: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/16.jpg)
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Ainsi, les concepts liés au processus décisionnel sont ambigus. Ils reflètent l'ambiguïté des
événements qui ne sont pas pris en compte tant qu'ils ne sont pas insérés dans un système de
"sens" à deux niveaux : celui des individus, celui des organisations (Simon, 1991), et
conduisent à éliminer le rôle du temps dans les enchaînements de décisions.
Bien sûr, le temps est introduit dans les approches formalisées, mais c‟est un temps théorique,
adapté aux besoins de la formalisation mathématique. Malgré leur intérêt conceptuel, les
modèles ainsi obtenus sont difficilement applicables aux déroulements des processus concrets
de gestion (Thépot, 1998), notamment parce que la décision ne s‟y laisse pas réduire à une
problématique de choix, ce qu‟ont particulièrement bien montré les travaux de Brunsson. On
balance ainsi entre un besoin de clarification et de formalisation, et la nécessité pratique de
prendre en compte l‟immense diversité des processus ainsi que leur caractère évolutif - si on
admet l‟hypothèse selon laquelle les acteurs qui vivent la décision sont à la fois immergés
dans un monde où des phénomènes réels s‟enchaînent et dans un monde de comportements et
d‟enjeux qui ne sont pas seulement rationnels, mais aussi affectifs et largement guidés par
leurs « modèles mentaux » (Johnson-Laird, 1993) du moment - . Dans un tel univers où des
mondes toujours en mouvement sont infléchis, voire créés par des acteurs qui font
d‟incessants allers-retours entre le réel et le virtuel, on est bien obligé de penser que le temps
vécu des acteurs joue un rôle essentiel dans la description et la compréhension des processus
où s‟enchaînent des décisions.
Les ambiguïtés qui viennent d‟être évoquées posent donc de nombreux problèmes que les
concepts existants ne m‟ont pas permis de résoudre, notamment celui de l‟articulation entre
l‟intention (individuelle) et l‟acte organisationnel. La solution a consisté à déplacer la
problématique initiale de la décision à celle de l‟enchaînement des décisions dans l‟action, et
de créer les moyens de la traiter en construisant un système de concepts adéquat.
Ainsi, l‟action dont il est question est un processus au cours duquel des acteurs effectuent des
choix successifs. Quelles qu‟en soient les causes, les évolutions de ces actions ne sont pas
complètement aléatoires, elles respectent des règles. Ces règles sont des relations entre des
variables de l‟action, dont on remarque qu‟elles se produisent plus d‟une fois. J‟insiste sur le
fait que les règles ne portent pas sur l‟occurrence des événements - qui sont a priori
imprévisibles - mais sur la logique selon laquelle ils s’enchaînent au cours du temps. Elles
peuvent aussi s‟appliquer aux comportements observables des individus à partir de leurs actes
- et non de leurs intentions -. Ce sont alors des contraintes de comportement que les acteurs
![Page 17: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/17.jpg)
17
suivent à cause de leurs modèles mentaux, par effet d‟expérience ou quelle qu‟en soit la
raison, que celle-ci soit justifiable ou non. Au cours d‟une action, plusieurs règles peuvent
fonctionner en parallèle ou s‟enchaîner dans le temps, provoquant alors des « décalages » au
sens de Berger (Berger, 1957). Ce qui importe n‟est pas la cause des phénomènes ni leur
interprétation, mais leur observation, tels qu‟ils se présentent à nous : c‟est en cela qu‟il s‟agit
d‟une phénoménologie.
Les actes que l‟on observe au cours de l‟action sont des changements de comportement des
acteurs effectivement suivis d'une modification de l‟environnement (donc d‟une inflexion de
l‟évolution du processus). En revanche, la décision est la sélection d‟une intention d‟acte. La
décision est donc virtuelle, parce qu‟elle est non-actuelle (Granger, 1995) et parce qu‟elle est
fondée sur la conception que les acteurs se font de l‟environnement dans lequel se situe
l‟action. La relation entre décision et action constitue par conséquent une dialectique entre le
virtuel et le réel, entre les croyances et intentions des acteurs et leur comportement.
![Page 18: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/18.jpg)
18
CHAPITRE II.
DE LA DECISION A L’ACTION
Si la question de l‟enchaînement des décisions au cours du temps est centrale en gestion, les
problématiques et les concepts des approches formalisées de la décision comme des
approches plus descriptives ne lui sont pas adaptées. L‟objectif de la thèse ayant été de
démontrer qu‟un système de concepts (métamodèle) adapté pouvait être utilisé, j‟ai choisi de
présenter l‟intérêt des principaux concepts par rapport aux problèmes théoriques présentés
dans le chapitre précédent. Les résultats de l‟application de ces concepts aux études de cas de
la thèse seront intégrés dans la partie conclusive du chapitre 3.
II. 1. RESOUDRE L’AMBIGUÏTE DE LA DECISION : DE L'ANALYSE DU CHOIX A
L'OBSERVATION DE L'ACTE
N. Brunsson constate que les décisions peuvent jouer d'autres rôles dans l'organisation que
servir les buts établis par des choix comme le présument les approches formalisées de la
décision (Brunsson, 1990). Elles peuvent par exemple mobiliser l'action organisationnelle,
attribuer de la responsabilité ou allouer de la légitimité. D'autre part, la manière dont les
acteurs se représentent la réalité en vue de la décision joue un rôle essentiel dans le processus
stratégique, comme en témoignent les apports de l‟approche cognitive de la stratégie (Laroche
et Nioche, 1994).
Pour prolonger la décomposition des rôles de la décision en respectant l'importance des
représentations mentales des décideurs tout en prenant explicitement le temps en compte, il
devient nécessaire de dissocier les intentions et les événements au cours des processus de
décision et de mise en œuvre. On définit alors une décision comme une intention d‟acte. La
décision est virtuelle et intemporelle tandis que l‟acte et ses effets sont en prise directe avec le
réel : l‟acte est un changement de comportement d‟un acteur, à la suite duquel le déroulement
de l‟action est modifié (figure 1).
![Page 19: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/19.jpg)
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Figure 1
Décision, acte, effet d’un acte : articulation dans l’action
DECISION Comme intention suppose
- une perception du monde
- des critères de comparaison - des valeurs
ACTE
Modification du comportement des acteurs
être suivi d'une modification du cours de l'action
Comme événement doit
Suivi de modifications des trajectoires des variables de l'action
que chacun peut mesurer
ou estimer
INTENTION
ACTE
EFFET DE L'ACTE
Sélection d’une
intention d’acte
Abstrait, intangible, atemporel
Concret, datable
(d‟après : Marchais-Roubelat (A.), Roubelat (F.), 2003)
Cette modification de l‟action est due aux effets de l‟acte, c‟est-à-dire de la transformation de
variables ou de leurs trajectoires. L'acte peut d‟ailleurs être simplement l'annonce d'une
décision, pourvu que cette annonce soit suivie d‟effets. Les effets appartiennent à des
processus différents de ceux qui ont conduit à l'annonce de la décision, ce qui est cohérent
avec les observations de Brunsson. Plus généralement, la dissociation dans le temps et dans le
mode de représentation de l‟intention, de l‟acte et de l‟effet permet de traiter tous les cas de
figures : lorsqu‟il y a décision sans acte, acte sans décision, effet qui échappe au contrôle de
l‟acteur.
L‟observateur peut déduire des règles de comportement de l'observation des événements, mais
en aucun cas il ne peut observer des intentions. Bien que la décision reste virtuelle, elle garde
un rôle structurant à condition d‟être médiatisée par l‟acte.
![Page 20: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/20.jpg)
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II. 2. PERCEVOIR LES EVENEMENTS DANS LE TEMPS : LE RAPPORT DES ACTEURS
AU REEL ET SA REPRESENTATION
A partir du constat général selon lequel "les gens et les organisations résolvent les problèmes
par des processus distincts des processus selon lesquels ils perçoivent et caractérisent les
problèmes" (Nystrom et Starbuck, 1981 : XIX), comment articuler ensemble l‟intention
(individuelle) et l‟acte organisationnel dans le temps de l‟action ? En voulant formaliser
l‟enchaînement des décisions en terme de composantes d‟un processus d‟action dont la
logique échappe partiellement aux acteurs on aborde directement cette question, puisque la
prise en compte du temps à la fois comme ordre et comme rythme d‟enchaînement de
phénomènes observés ou estimés contraint à rendre compte des incessants passages entre le
réel et le virtuel au cours d‟une certaine durée.
Encadré 1
Un exemple de la relation entre
les acteurs, le temps et les variables de représentation et d’état
à partir des débuts de l’électro-nucléaire en France
En 1954, lorsque l‟EDF commence à se rapprocher du CEA pour produire de l'électricité
d'origine nucléaire, celle-ci n‟existe pas encore : c‟est une variable de représentation. Elle
représente une possibilité pour le Directeur des Etudes et Recherches à l‟EDF, Pierre Ailleret,
dont la mission est de chercher toutes les énergies possibles afin de répondre à une demande
nationale en forte croissance.
Les premiers kWh français sont produits en 1956 à partir de l‟installation de récupération
greffée par EDF sur le réacteur du CEA (G1). Ils constituent, deux ans après le début de
l'expérience, une variable d‟état que P. Ailleret vient faire constater sur place au conseil
d‟administration de l‟EDF pour le convaincre de continuer le projet.
Lorsqu‟ils constatent la production d‟électricité par la pile atomique, les membres du conseil
d‟administration modifient leurs croyances : le constat de la variable d‟état est un élément de
conviction en vue de la décision.
(source : Marchais-Roubelat (A.), 2000 a)
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Le réel, ce sont les variations de phénomènes qui se produisent au cours du temps (les
événements), le virtuel, c'est la connaissance qu'en ont les individus : connaissance directe par
l'observation ou indirecte par l'estimation. Cette connaissance dépend de la visibilité de
l'événement pour l'acteur, mais aussi du temps (mémoire du passé ou projection dans l'avenir
(Berger, 1964, Jouvenel, 1964). Dans le prolongement de cette réflexion, on distingue des
variables d‟état, que l'on peut observer directement, et des variables de représentation qui
représentent une variable d'état ou une autre variable de représentation (encadré 1). Au cours
d'un processus, les allers-retours entre variables d'état et variables de représentation peuvent
notamment constituer un moyen pour introduire la notion de durée dans les métamodèles des
théories représentatives de l'action fondées sur le paradigme stimulus-réponse (Weick, 1995).
La prise en compte du temps comme ordre et comme rythme d‟enchaînement de phénomènes
observés ou estimés conduit par ailleurs à concilier la continuité des évolutions avec les
éventuelles ruptures dans les modèles mentaux qu'en ont les acteurs (Johnson-Laird, 1993).
Le concept d'innovation en constitue une illustration notable en gestion. On définit alors des
règles comme des relations entre des variables ou contraintes qui s‟exercent pendant des
durées que l'on appelle phases. Ces concepts permettent de combiner dans un même modèle
les ruptures dans la représentation des enchaînements de phénomènes et la continuité des
processus observés. Inversement, les règles et les phases restituent une cohérence logique à
des enchaînements d'événements qui ne peuvent être que partiellement observés. Par exemple,
lorsque plusieurs phases se succèdent ou coexistent au cours d‟une même action, elles créent
des interactions qui échappent au moins partiellement à la perception de l‟acteur. Si l'acteur
ne peut connaître dans le détail ces interactions et leurs implications, il est concerné par
certains de leurs effets qu'il subit ou cherche à utiliser. Or, ces effets suivent les règles des
phases établies (encadré 2). Ainsi, malgré un système de perception limité, l'acteur peut
anticiper l'évolution des pans du processus qui le concernent.
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Encadré 2
La succession de deux phases et leurs conséquences sur la stratégie d’ICI
La firme britannique ICI doit passer d‟une phase d‟expansion du marché après guerre à une
surcapacité massive de l‟industrie chimique à la fin des années soixante dix. Elle s‟adapte avec retard,
à la suite de luttes de pouvoir exacerbées entre les tenants de la stratégie adaptée à la première période
et s‟appuyant sur la culture technique de l‟entreprise et les tenants de la stratégie adaptée à la seconde
période et favorisant désormais la dimension commerciale.
création de nouveaux produits
invention et absorption de
nouvelles technologies
années 60 :
ICI
développement mondial
années 80 :
contrôler les investissements et
des liquidités
culture technique
dimension technique
culture commerciale groupe mondial
contrôler les coûts
volume des échanges en croissance
dimension géographique
augmenter le volume des
ventes
forte implantation
nationale
exportations plutôt qu'implantations
offre mondiale > demande mondiale
dimension commerciale
rechercher la marge
"qualité"et politique de
communication
règle imposée par le marché
règle adoptée par l'entreprise
Source : Marchais-Roubelat, 1998, d‟après l‟étude de cas d‟A. Pettigrew, in Organizational strategy
and Change, Hinings éd., 1985, pp. 290-318
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II. 3. RESOUDRE L’AMBIGUÏTE DU STATUT DU DECIDEUR : L'AGENT ET
L'ACTEUR
Les concepts de décision individuelle et organisationnelle des approches classiques sont
ambigus à cause du rôle social des individus pour l'une, et aux incertitudes sur la participation
des acteurs au processus de décision en fonction de leur degré d'implication et de la durée de
cette implication.
On distingue l‟acteur en tant qu‟organisation, de l‟agent. L‟agent est un individu qui joue un
rôle au cours du processus. Ce rôle est l‟expression de sa liberté individuelle, mais est aussi
déterminé par le rôle de représentant de l‟acteur qui lui est reconnu dans un domaine donné, et
au cours d‟une phase donnée (encadré 3).
Le rôle de l'agent est toutefois limité par ses fonctions au sein d'un acteur, d'une part, et par
les contraintes que des acteurs dominants sont susceptibles de lui imposer. On distingue ainsi
deux formes de dominances : la dominance forte ou modification d'une contrainte
décisionnelle, la dominance faible ou modification des effets qu'un acteur attendait de son
acte. Bien qu'il constitue par ailleurs un terme technique employé dans un sens précis en
théorie des jeux (Harsanyi, 1977), le concept de dominance est utilisé ici dans un esprit
proche de son sens ancien qui exprime le fait de dominer pour la dominance forte, tandis que
la dominance faible relève plutôt des capacités d‟influence des acteurs.
Ainsi, l‟acteur n‟est pas homogène dans le temps, il ne décide pas (dans la mesure où la
décision est une intention, elle est nécessairement individuelle). Ce sont donc des agents qui
décident, mais toute annonce de décision est un acte de l‟organisation, c'est-à-dire de l‟acteur
qui la met en œuvre. On désigne alors sous le terme de décideur un acteur qui sélectionne une
intention d'acte à la suite duquel l'action sera modifiée.
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Encadré 3
Un homme-clef à l’origine de l’apprentissage de l’électronucléaire à EDF :
Pierre Ailleret
En 1925, Pierre Ailleret suit le cours de physique atomique de Jean Perrin, dont le fils Francis est le
préparateur. Lorsque ce dernier devient Haut Commissaire au CEA, Pierre Ailleret est directeur de la
DER (Direction des Etudes et Recherches) à l‟EDF. Il est nommé membre du Comité scientifique du
CEA par Félix Gaillard, Secrétaire d‟Etat à la Présidence du Conseil, et est par ailleurs chargé par le
directeur général de l‟EDF, Roger Gaspard, des questions nucléaires. Néanmoins, Pierre Ailleret est au
Commissariat à titre personnel. Il n‟a pas été nommé en tant qu‟agent de l‟EDF, qu‟il ne représente
donc pas. Réciproquement, il fait des exposés à titre informatif devant le Conseil de l‟EDF en excluant
toutefois les aspects militaires confidentiels. Dans ce cadre particulier il est un acteur, c‟est à ce titre
qu‟il effectue ses choix.
Selon les circonstances et les enjeux, Pierre Ailleret est un agent qui représente l‟acteur EDF, ou bien
il représente un autre acteur, la DER, dont il est le directeur, ou bien il ne représente aucun acteur mais
il en est un lui-même. Ces différents rôles lui procurent différentes contraintes selon les contextes : en
tant qu‟acteur du Comité scientifique du CEA, Pierre Ailleret doit censurer l‟information qu‟il
transmet au Conseil de l‟EDF. En tant qu‟agent de l‟EDF, il doit agir en accord avec son directeur
général. Toutefois ces rôles lui procurent, en même temps que des contraintes, les moyens d‟intervenir
dans l‟action. Par l‟information qu‟il transmet au Conseil de l‟EDF, Pierre Ailleret l‟acteur oriente les
décisions de ce dernier, contribuant de cette manière à infléchir le processus. A la DER, Pierre Ailleret
l‟agent incarne les intentions de la direction de l‟EDF, ce rôle lui procurant directement un pouvoir
opérationnel à l‟interne.
De cette manière, on montre comment un même agent peut utiliser plusieurs fonctions de
représentation de l‟acteur pour agir dans et sur l‟organisation. Dans le même temps, le processus
engendre des restructurations organisationnelles et modifie les acteurs ainsi que les rôles des agents.
Membre de différents conseils, Pierre Ailleret exerce une dominance faible par son pouvoir
d‟influence, sa connaissance de dossiers connexes et son expertise scientifique. Par ses fonctions
opérationnelles, il exerce en tant que directeur une dominance forte qui lui permet d‟orienter les
projets qu‟il dirige.
D‟après Marchais-Roubelat (A), 2000 c)
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Synthèse des principaux concepts
Les concepts, dont le lecteur trouvera un glossaire en annexe (annexe 1), peuvent être classés
en deux catégories selon qu‟ils sont plus particulièrement destinés à analyser l‟action (tableau
3) ou les stratégies d‟acteurs (tableau 4).
L‟action en tant que processus dynamique s‟observe à partir des événements qui se produisent
dans son environnement et confèrent au processus son rythme.
Tableau 3 : Les concepts liés à l’analyse de l’action
niveau d’analyse concepts utilisés
le processus action, événement
ses rythmes phase, séquence
sa dynamique règle, transfert
l‟inflexion du processus (concrète, datée) Effet
sa perception environnement,
variable d‟état, variable de représentation,
dimension d'évaluation, espace d‟évaluation,
critère d‟évaluation
Le cadre général de l‟action étant posé : un processus appréhendable par la modification de
variables qui obéissent à des règles limitées dans le temps et dans l‟espace, il faut compléter
cette grille de lecture en y incluant le comportement subjectif des individus. Ceux-ci
interviennent de manière isolée ou sont en interaction, ils ne vivent pas uniquement dans le
présent mais projettent leurs intentions ainsi que les événements dans le temps.
![Page 26: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/26.jpg)
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Tableau 4 : Les concepts liés au rôle de l’acteur dans l’action
niveau d’analyse concepts utilisés
l‟échelle individuelle ou organisationnelle acteur, agent, coalition, institution, décideur
le fonctionnement de l‟organisation Procédure
le comportement de l'acteur dans l'action acte, actation, actuation, annonce
les conjectures sur l‟action effet virtuel, issue, rupture
l‟intention (virtuelle, intemporelle) Décision
les interactions dominance forte, dominance faible,
négociation
la persévérance du comportement stratégie, objectif, tactique, décision
stratégique, décision tactique
Entre l‟action et l‟acteur, la décision perd son unité. Ses trois composantes articulent le monde
virtuel de l‟acteur avec le monde concret de l‟action, au moyen du comportement de l‟acteur.
Ainsi, l'analyse phénoménologique de l'action propose une grille d'analyse des enchaînements
de décisions individuelles et organisationnelles qui accorde une place prépondérante au
temps, intégré au système d'observation : d'une part, on ne qualifie pas de la même façon un
événement observé ou estimé, d'autre part cette qualification évolue au cours du temps. Cette
approche temporelle s'appuie sur l'analyse de phénomènes : on n'observe pas une décision en
tant qu'intention d'acte, mais l'acte dans le temps. La logique d'enchaînement des actes dépend
de phases de durées variables. L'analyse de ces phases et de leurs évolutions ouvre une voie
de recherche sur la maîtrise du temps dans des processus stratégiques.
![Page 27: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/27.jpg)
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CHAPITRE III.
LES APPLICATIONS ET PISTES DE RECHERCHES
Plutôt qu‟un compte-rendu de l‟ensemble des résultats obtenus, j‟ai préféré mettre en exergue
trois thèmes. J‟ai par conséquent choisi de présenter plus particulièrement le thème de
l‟irréversibilité stratégique (Recherches 2), celui de la gestion des âges (Recherches 3) et celui
du management en réseau (Recherches 4). Pour chacun d‟entre eux je présenterai à la fois la
méthodologie et les résultats, celle-ci contribuant largement à la validation de ceux-là. Je
synthétiserai dans un dernier sous-chapitre les principaux résultats théoriques et les pistes de
recherches qu‟ils permettent d‟esquisser.
III. 1. LES ENCHAINEMENTS DE DECISIONS ET LA NOTION D’IRREVERSIBILITE
Comment décrire et comprendre un processus quand des « frottements » (Lesourne, 1991)
(décalages temporels, dysfonctionnements) pouvant engendrer des irréversibilités, s‟y
produisent ? Les frottements sont susceptibles d‟être négligés dans certains cas, notamment
lorsque l‟enchaînement des décisions peut être dissocié des enchaînements d‟événements qui
constituent le reste du processus. On s‟intéresse alors à la décision comme choix, aux
interactions entre les décideurs, ou encore au processus décisionnel. Toutefois, lorsque
l‟action contient des enjeux stratégiques, il n‟est plus pertinent d‟ignorer les frottements qui
affectent les enchaînements de décisions : « pour toute organisation... la notion de stratégie est
inséparable de celle d‟irréversibilité de grande échelle » (Lesourne, 1994).
Le cadre théorique
Les approches formalisées comme les approches empiriques de la décision prennent
difficilement en compte les enchaînements de décisions au cours d‟un processus concret
d‟ampleur stratégique. Si cette problématique concerne les approches formalisées, elle
dépasse leur objet de recherche. Par ailleurs, les concepts utilisés par les approches
empiriques ne lui sont pas adaptés :
- les théories formalisées considèrent la décision de façon abstraite, comme « un choix entre
un ensemble d'actes possibles » (Lesourne, 1965). Or, il arrive souvent que le choix annoncé
par la décision diffère de celui qui est effectivement mis en œuvre et que lorsque cette mise en
![Page 28: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/28.jpg)
28
oeuvre a lieu : généralement, plus la décision est stratégique, plus elle engendre des
irréversibilités, plus sa mise en œuvre est incertaine et pourtant décisive pour la suite des
événements ;
- si l'on s'en tient aux discontinuités pointées par les approches empiriques, la problématique
de la décision comme choix est insuffisante, car inapplicable. Cette conception de la décision
pratique éclaire les limites de la théorie. Elle n'est cependant pas plus opérationnelle lorsque
les organisations sont confrontées à des irréversibilités à grande échelle, que cette
irréversibilité se produise à l‟occasion d‟une “grande” décision, ou qu‟elle bouleverse une
succession de décisions. En effet, les démarches empiriques qui s'intéressent aux "décisions
stratégiques en univers non structuré" (Mintzberg, Raisinghani, Théoret, 1976) ou à ses
variantes ignorent les relations entre le processus décisionnel, la grande décision et ses suites.
Comprendre ces relations intéresse pourtant l'homme d'action engagé dans un processus
d'ampleur stratégique.
Deux courants de pensée s‟intéressent directement ou indirectement à l‟irréversibilité et aux
successions de décisions. L‟un insiste sur le rôle de l‟environnement, l‟autre sur les
enchaînements de décisions.
Les théories de l‟environnement partent du principe que l‟environnement provoque
l‟irréversibilité à l‟échelle des entreprises, puisqu‟il les sélectionne (Hannan et Freeman,
1983). La succession des décisions à l‟intérieur de l‟organisation sort du domaine de la
recherche, elle est résumée par son résultat : la plus ou moins grande rapidité d‟adaptation aux
évolutions de l‟environnement.
A l‟inverse, les approches constructivistes réduisent le rôle des enchaînements d‟événements
qui échappent à l‟univers mental des acteurs (Weick, 1979). Le processus se déroule en vase
clos dans la mesure où cette approche ne dispose pas des concepts nécessaires pour relier
efficacement le monde concret des événements et le monde virtuel des décideurs en
interaction.
En général, l‟irréversibilité est produite à la fois par des événements issus de l‟évolution de
l‟environnement et des événements issus des enchaînements de décisions, sans que l‟on puisse
déterminer son origine exacte ni un enchaînement de causalité unique. Ainsi, l‟environnement
et le monde des décisions sont constamment en interaction : non seulement leur frontière est
complexe, mais elle évolue au cours du processus. Les approches empiriques de la décision ne
disposent pas de concepts pour décrire les phénomènes qui s‟y produisent.
![Page 29: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/29.jpg)
29
Décisions, irréversibilités et réversibilité dans le contexte de l’action
S‟appuyant sur différents cas issus de la thèse, le tableau 5 suivant illustre le problème de la
relation entre l‟action, l‟enchaînement des décisions et l‟irréversibilité que ces enchaînements
engendrent.
Ce tableau montre que, si l‟accord franco-anglais de novembre 1962 est bien à l‟origine d‟une
irréversibilité, d‟autres décisions importantes par leurs effets (la déclaration de guerre, le
changement de filière) ne sont pas nécessairement à l‟origine du transfert mais peuvent
simplement achever un transfert déjà quasiment irréversible, quitte à donner une orientation
particulière à la nouvelle phase.
Ce tableau montre aussi comment les acteurs cherchent à reporter l‟irréversibilité soit par une
succession de décisions réversibles (cas de l‟A380), soit en décomposant une décision en une
série de décisions (cas du choix du passage du Pô). Dans ce cas, c‟est le résultat de
l‟enchaînement qui engendre l‟irréversibilité : l‟A380 vient d‟effectuer sa première
présentation en vol, Bonaparte a franchi le Pô (encadré 4).
![Page 30: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/30.jpg)
30
Tableau 5 : Irréversibilité ou réversibilité : l’enchaînement des décisions dans l’action
Le contexte initial Décisions et irréversibilité Décisions et réversibilité
Campagne de 1796 Bonaparte s‟impose une
règle de comportement
Le traité de Cherasco : achève le
transfert initié par l‟atteinte d‟un
objectif militaire (l‟élimination du
Sarde Colli)
Le passage du Pô : comment créer de la
réversibilité par la décomposition du
mouvement
De la déclaration de
guerre à la bataille
de la Marne
Dominance politique sur
les Armées françaises
La déclaration de guerre amorce un
transfert diplomatique (mise en
place progressive des coalitions),
Il n‟y a pas de transfert politique,
La seule rupture est militaire
Eviter l‟irréversibilité militaire : maintenir
le front
quitte à risquer un transfert politique
Le Concorde Des acteurs industriels
dominés par les
gouvernements français et
britannique
Pour les industriels, l‟accord
intergouvernemental de 1962 est un
objectif et l‟origine d‟une nouvelle
phase, où leurs contraintes
stratégiques sont modifiées
Par opposition : le projet de l‟A380 s‟est
développé par une succession d‟accords
réversibles entre les industriels
Les débuts de
l’électro-nucléaire
en France
Deux acteurs en
interaction : EDF et le
CEA, un acteur politique
dominant : le
gouvernement
Si l‟annonce du changement de
filière en 1969 provoque des
remous, cette décision entérine un
transfert déjà pratiquement achevé
Le déroulement du processus engendre
progressivement une modification des
rapports de forces entre les acteurs et
l‟émergence de nouveaux acteurs
![Page 31: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/31.jpg)
31
Encadré 4 :
Bonaparte et le jeu des tactiques
Vérification par la théorie des jeux
Casteggio
détachem ent sur P
V
P
D
D
P
V
(1,0)
(p,1-p)
(p,1-p)
(1,0)
P
V
V
P
(p,1-p)
(p,1-p)
S -
1
1
2
2
1
1
1
2
Bonaparte
BeaulieuV : Valence
P : Plaisance
D : division des forces entre Valence et P laisance
S : sortie du j eu (Bologne)
paiem ents des j oueurs
(1,2)
détachem ent sur V
P
V
P
V (0,1)
(0,1)
(0,1)
(0,1)
P
V
P
V (1,0)
(1,0)
Le 6 mai Bonaparte écrit au Directoire : “Si mon mouvement sur Plaisance décide Beaulieu à
passer la Lomellina, je le passe (le Pô) tranquillement à Valence. Si Beaulieu ignore pendant
vingt-quatre heures notre marche à Plaisance et que je trouve des bateaux dans cette ville ou
de quoi faire des radeaux, je le passe dans la nuit.” (Lettre de Bonaparte au Directoire,
Correspondance militaire de Napoléon 1er, Paris, Plon, 1876, t.1, n° 30)
La stratégie adoptée par Bonaparte, et qui correspond au jeu des tactiques constitue un cas
d‟école car son action, qui apparaissait a priori très risquée, ne devient irréversible qu‟en cas
de succès.
![Page 32: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/32.jpg)
32
Synthèse des résultats
Mes travaux m‟ont conduite à distinguer deux irréversibilités de grande échelle :
l'irréversibilité à l'échelle de l'action (le transfert), et l'irréversibilité stratégique à l'échelle des
acteurs.
En ce qui concerne la définition de la grande décision en relation avec la notion
d‟irréversibilité, ils montrent que l‟ampleur des effets d‟une décision ne suffit pas à qualifier
une décision de grande décision et permettent d‟en préciser la définition : une grande décision
est une décision (un acte) qui crée un transfert ou une irréversibilité stratégique à l‟échelle des
acteurs.
On peut synthétiser les principaux résultats sur les enchaînements de décisions dans l‟action
par une série de propositions :
- les processus où se produisent des irréversibilités fortes peuvent être modélisés par des
phases (parties du déroulement de l'action durant lesquelles des relations fondamentales du
système restent inchangées ; il y a changement de phase lorsque l'une ou plusieurs de ces
relations sont transformées, soit par suite d'influences exogènes, soit par suite d'actes) ;
- les individus (agents) et les organisations (acteurs) suivent des règles de comportement
différentes de celles du processus complexe d'enchaînement d'événements auquel ils
participent ;
Ce résultat permet de préciser le mécanisme du comportement des acteurs dans le cadre de
l‟ « hypocrisie » des décisions mise en exergue par N. Brunsson.
- un transfert constitue une irréversibilité à l‟échelle de l‟action ;
Cette proposition a été vérifiée dans les cas historiques (Bonaparte : la campagne de 1796,
Joffre : de la déclaration de guerre à la création du front, le Concorde, les débuts de l‟électro-
nucléaire en France) et appliquée à des études prospectives sur la gestion prévisionnelle des
âges à MAAF Assurances par Régine Monti (Monti, 2002). En particulier, si dans une étude
prospective on repère un transfert en cours, on sait qu‟une telle irréversibilité aura lieu, on
peut s‟interroger sur ses modalités, voire, dans une optique plus stratégique, proposer des
actions pour l‟annuler ou l‟orienter dans le sens d‟un scénario souhaité.
![Page 33: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/33.jpg)
33
- à l'intérieur de la phase, comme à l‟occasion d‟un transfert, l'ordre et le rythme
d'enchaînement des décisions constituent autant un facteur d'irréversibilité pour la suite des
événements que l‟ampleur des effets qui suivent chaque décision ;
- l‟ampleur des effets (les nouvelles trajectoires des variables) aussi grande soit-elle, ne
constitue pas un critère suffisant pour établir l‟existence d‟une irréversibilité dans l‟action.
Ce résultat conduit à préciser la décision stratégique par rapport à la définition de H.
Mintzberg, D. Raisinghani et A. Théorêt, (Mintzberg, Raisinghani, Théorêt, 1976) ;
- les séries d'événements postérieurs aux décisions (leurs effets) s'enchaînent selon la règle de
la phase au cours de laquelle ils se produisent. Par conséquent, lorsqu‟il y a irréversibilité, les
effets suivent les règles de la nouvelle phase et non pas les règles qui étaient valables
lorsqu‟ils ont été envisagés.
On retrouve ainsi de manière appliquée les résultats de S. V. Ramani et A. Richard (Ramani
et Richard, 1993) sur l‟enchaînement des décisions et l‟irréversibilité.
Se plaçant dans le cadre des théories de la décision qui considèrent que “une décision
irréversible est une décision qui, si elle est prise, aboutit à des résultats qui ne permettent pas
d‟exercer (pour une longue période, voire pour toujours) une option qui était jusque-là
disponible” (Ramani & Richard, 1993), mes travaux approfondissent ainsi « l‟effet
d‟irréversibilité » (Henry, 1974) qui est une proposition normative d‟un modèle décisionnel à
deux périodes établissant explicitement une relation entre irréversibilité, information et
flexibilité. Ce modèle incite les décideurs à ne pas prendre de décision irréversible s‟ils
prévoient d‟avoir plus d‟information entre la première décision et la seconde. Discutant la
généralité de ce modèle, Ramani et Richard nous mettent en garde : il ne faut pas
systématiquement rejeter une décision sur la seule base de l‟irréversibilité de ses
conséquences, mais prendre aussi en compte le fait que si elle fait effectivement perdre de la
flexibilité vis à vis des choix initiaux elle peut aussi créer de nouvelles options, alors que la
décision réversible ne le peut pas. Le travail sur la comparaison entre la décision de construire
le Concorde au début des années 60 et le développement des projets actuels d‟avions gros
porteurs met en exergue l‟utilisation de la décision stratégique pour provoquer une
irréversibilité qui ouvre une possibilité autrement inenvisageable ainsi que le coût stratégique
de cette décision pour les différents acteurs. Il explique a contrario pourquoi toute
irréversibilité est au contraire soigneusement évitée dans le montage et la mise en œuvre des
projets actuels de gros porteurs (Marchais-Roubelat, 2000 b).
![Page 34: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/34.jpg)
34
Perspectives de recherche
La relation entre « grande décision » et irréversibilité n‟est pas simple. Les études de cas
amènent à penser que le moment où la grande décision a lieu (en début ou en fin de transfert)
joue probablement un rôle important, mais qui reste à analyser, de même que l‟existence
d‟une relation entre les relations de dominance entre les acteurs et la recherche ou l‟évitement
d‟irréversibilité.
Les concepts de phase et de règle rendent possible une recherche sur les irréversibilités au
travers des transferts qui combinent le rôle des individus avec celui des structures au cours du
temps, afin de poursuivre l‟objectif prospectif indiqué par Gaston Berger : « déterminer assez
tôt pour que l‟on puisse en tenir compte, les traits et les caractères des situations dans
lesquelles nous allons sans doute être placés » (Berger, 1957). Dans cette optique, il s‟avérera
intéressant d‟approfondir la réflexion sur les décalages entre perception des acteurs et
déroulement du processus d‟action, notamment en termes d‟ancrage - lorsque le décideur est
attaché à son jugement initial et peu sensible à l‟information nouvelle – et d‟escalade à
l‟engagement – lorsque le décideur poursuit l‟action engagée d‟autant qu‟elle ne produit pas
les effets attendus - (Duhaime et Schwenk, 1983, Laroche et Nioche, 1994).
Grâce à la compréhension des conditions dans lesquelles les changements de règles s‟opèrent,
il est apparu possible d‟évaluer les processus d‟action passés en dissociant l‟analyse
temporelle du comportement des acteurs de l‟analyse temporelle des effets de leur actes.
Reprenant ces deux logiques d‟analyse, on peut passer d‟un travail de modélisation fondé sur
une analyse historique à une préparation prospective d‟avenirs possibles.
III. 2. LA GESTION DES AGES
La gestion volontariste des âges constitue un phénomène encore émergent et son étude
présente des difficultés souvent rencontrées dans les sciences de gestion et nécessite le recours
à une démarche hypothético-inductive. Dans le cadre de notre recherche sur ce thème menée
conjointement avec Régine Monti, il s‟agissait donc dans un premier temps de poser les
premières étapes de la construction d'un modèle d'analyse de ce phénomène, afin de pouvoir
ultérieurement le mettre ultérieurement à l'épreuve sur une population plus large.
Généralement, pour construire un tel modèle, il est judicieux de mener une observation de
![Page 35: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/35.jpg)
35
terrain sur quelques cas qui permettent de déterminer empiriquement des indicateurs de
phénomènes, d'identifier les concepts et d'analyser les indicateurs (Igalens et Roussel, 1998).
Dans le cas de la gestion des âges, il n'est pas si aisé d'identifier, au-delà du discours, les
entreprises menant "réellement" une gestion volontariste des âges, car ce qualificatif ne peut
se vérifier que sur la durée, une pyramide des âges portant par essence sur du long terme. Il
est donc apparu risqué de construire notre modèle d'analyse à partir de cas qui peuvent se
révéler à moyen terme inadéquats. Nous avons alors recherché des organisations qui ont
adopté de longue date ce type de gestion et les Armées nous ont paru répondre à ce critère. En
effet, d‟une part elles sont parvenues, à maintenir sur le moyen terme la structure de leur
pyramide des âges dans un contexte de réduction d'effectifs. D‟autre part, elles ont réussi à
diminuer le nombre de personnel employé tout en maintenant des dynamiques de carrières et
surtout un haut niveau de motivation du personnel.
Bien sûr, les objectifs comme les moyens mis en œuvre sont de toute évidence fort différents
lorsqu‟il s‟agit des Armées ou des entreprises. L'Armée est une organisation particulière, et la
transposition de l'analyse de sa politique de gestion des âges aux entreprises est non seulement
un problème de méthode mais aussi de mode de gestion.
Cadre théorique et méthodologique : approche systémique et modélisation des processus
dans le champ de la gestion des ressources humaines
Pour analyser les tenants et les aboutissants de la politique de gestion volontariste des âges
dans ses différentes dimensions, nous avons eu recours à une démarche de modélisation
qualitative. Outre son caractère descriptif, l'intérêt d'un tel modèle a consisté à mettre en
exergue des stratégies d'action simples dans une réalité complexe, à condition toutefois de
traiter la politique de gestion volontariste des âges non pas comme une situation théorique,
mais comme le processus concret qu'elle est.
La gestion volontariste des âges agit sur la variable « structure par âge », qui influence de
façon indirecte les variables résultats de la gestion des ressources humaines comme la
motivation et peut finalement réagir sur les performances de l'entreprise. Elle renvoie par
ailleurs à un système de décisions plus ou moins clairement spécifié mais qui interagit avec
d'autres dimensions de l'organisation, financière, technique et organisationnelle notamment. Il
faut donc pouvoir non seulement mesurer les implications de la gestion volontariste des âges
sur ces dimensions, mais aussi évaluer les contraintes que ces dimensions exercent sur les
choix en termes de gestion des ressources humaines, ainsi que les éventuelles contradictions
ou convergences d'intérêts qui peuvent apparaître aux différents niveaux de l'organisation. Il
![Page 36: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/36.jpg)
36
apparaît ainsi important d‟acquérir une vision multidimensionnelle et systémique (Le Moigne,
1990) des effets des structures par âge sur les organisations afin de ne pas aboutir à des prises
de décisions parcellaires aux effets mal évalués.
Vouloir décrire un modèle de gestion volontariste des âges suppose que l'on s'y intéresse
comme à un processus au sens de "progression (en tant qu'ordre et séquence d'enchaînement)
d'événements dans l'existence d'une entité organisationnelle au cours du temps" (Van de Ven
et Poole, 1995).
On se heurte alors à des difficultés méthodologiques majeures de deux sortes : les unes sont
liées au caractère complexe du processus, les autres à l'inexistence de bornes temporelles.
Non seulement le processus de gestion volontariste des âges n'a pas d'origine identifiable,
mais il n'a pas non plus de fin identifiable par une décision ou un changement organisationnel
particulier : même si aucune décision n'est prise en termes de recrutements, de carrières ou de
départs, l'ensemble du système se déforme d'une année sur l'autre car les individus qui le
composent ont vieilli dans l‟intervalle. On doit alors étudier un enchaînement continu de
décisions dans le temps, qui maintient un flux en vue de conserver un état stationnaire malgré
l'évolution de contraintes, ou qui cherche au contraire à modifier les flux, soit pour s'adapter
aux évolutions du système de contrainte, soit pour le modifier par des effets rétroactifs.
L'impossibilité de borner le processus dans le temps a ainsi des conséquences sur la
redéfinition, au cours de son déroulement, des objectifs et des moyens à mettre en œuvre.
L'analyse théorique des processus s'appuie sur des études diachroniques, qu'il s'agisse de
changement organisationnel (Huber et Van de Ven, 1995) ou de décisions stratégiques
(Mintzberg, Rainsinghani et Théoret, 1976). Dans ces approches, même si on ne connaît pas
nécessairement bien le début du processus, sa fin au moins est identifiée. Or, la politique de
gestion des âges ne conduit pas nécessairement à un changement organisationnel ni à une
décision stratégique identifiée qui pourrait justifier la fin de l'intervalle temporel de l'étude.
De plus, l'intérêt de l'analyse de la gestion volontariste des âges réside non seulement dans la
comparaison de processus historiques, mais aussi dans la prolongation des études vers le
futur, de manière à dégager des éléments de politique concrète de gestion volontariste des
âges.
Pour résoudre ces problèmes, on a utilisé les concepts et la méthodologie de la
phénoménologie de l'action qui formalise la dynamique des enchaînements de décisions au
![Page 37: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/37.jpg)
37
cours du temps à partir de l'observation de processus d'action. Dans la mesure où la
phénoménologie de l‟action modélise la dynamique d'enchaînements des événements par des
règles, qui sont des relations entre des variables ou des contraintes, découpant l'action en
phases correspondants à des durées de validité de ces règles, cette approche est adaptée à
l'étude de processus dont on ne peut déterminer clairement ni le début ni la fin. D'une part,
elle permet de traduire l'ajustement mutuel des objectifs et des règles au cours du temps.
D'autre part, elle justifie l'absence de limites temporelles fondées sur des événements
particuliers, puisqu'elle travaille sur des variations temporelles. Dans cette logique
différentielle, on ne justifie pas le choix du début et de la fin du processus mais celui de sa
durée, qui doit contenir plus d'une phase. De plus, d'un point de vue stratégique, un modèle
phénoménologique de l'action étudiée permet de repérer les transferts (les changements de
phases) en cours et d'y adapter le système de décisions et d'objectifs. Enfin, l'étude des
décalages entre les phases et de leurs conséquences permet de construire des scénarios
prospectifs où le temps est introduit par les différences de durées.
Synthèse des résultats obtenus : le modèle, sa régulation et son évolution
Le modèle identifie les principales composantes du modèle de gestion volontariste des âges
des officiers de l'Armée de terre en utilisant des concepts de la phénoménologie de l'action. Il
permet, dans une seconde étape, d‟étudier les principes qui régissent sa régulation et sa
modification au cours du temps.
La méthode d'analyse adoptée permet de donner une cohérence d'ensemble à la combinaison
d'emploi des modalités de régulation auxquelles a recours l‟Armée de terre : les recrutements
non contractuels, les recrutements contractuels, la mobilité externe, les mesures d'incitation au
départ anticipé. Cette logique de régulation, en vue de maintenir l‟équilibre dynamique du
système de gestion exprimé par la structure de la pyramide des âges, est comparable à celle du
modèle d' "anticipation-adaptation" identifié par D. Thierry (Peretti, 1995, p. 46) pour les
entreprises. Ce modèle d' "anticipation-adaptation" suppose toutefois une certaine stabilité de
l'environnement pour adapter quantitativement et qualitativement les ressources humaines aux
orientations stratégiques de l'organisation et ne permet pas de gérer la transition d'un
environnement stable à un environnement instable. Or, la phénoménologie de l'action montre
que la gestion de cette transition, exprimée par les notions de transfert ou de rupture, fait
partie intégrante de la gestion des âges.
![Page 38: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/38.jpg)
38
Perspectives de recherche
La gestion volontariste des âges est encore un phénomène émergent. Elle est difficile à
étudier, d‟une part parce que l‟étude d‟un processus de ce type pose des problèmes
méthodologiques, d‟autre part parce que les entreprises n‟ont pas encore beaucoup
d‟expérience en la matière.
La démarche qui a été proposée tente de pallier la première difficulté puisqu‟elle formalise la
gestion volontariste des âges dans une organisation qui en a une longue pratique : l‟Armée.
Elle rend explicite une logique d'enchaînement temporel des décisions à différents niveaux de
l'organisation, en fonction de contraintes internes et externes.
Les résultats obtenus incitent à se poser de nouvelles questions, notamment en ce qui
concerne le temps puisque la gestion volontariste des âges, outre le fait d'intégrer dans les
objectifs de la politique de ressources humaines des objectifs en terme d'âge et de constituer
un mode de gestion des compétences et de la motivation possède aussi une dimension
anticipatrice qui consiste non seulement à anticiper la future structure des âges et des
compétences mais aussi à gérer les transferts.
Deux nouvelles pistes de recherches mériteraient d'être explorées. La première consiste à
utiliser le modèle pour analyser la gestion passive des âges dans les entreprises. Est-il possible
de dégager des règles qui fassent émerger une logique de long terme dans un ensemble de
pratiques à court terme ? La deuxième piste concerne la gestion des changements de phase : la
gestion des âges dans les entreprises s'inscrit-elle dans des phases longues avec des transferts
courts, ou consiste-t-elle surtout à gérer des transferts ? Dans un cas comme dans l'autre, il
faut développer l‟aide à l'anticipation que permet le modèle.
III. 3. LE MANAGEMENT DES RESEAUX
Le réseau est au croisement de multiples champs de recherches : sociologie, économie,
sciences de gestion. Mais il est aussi très difficile à appréhender. Proposer une définition
synthétique des réseaux à partir de leur forme (Douard et Heitz, 2003) ou de leur structure
semble une entreprise bien difficile tant est grande la diversité des problématiques qui leur
sont associées. Elles sont susceptibles de concerner autant les organisations et leurs limites
(Paché, 1992, Fréry, 1996, 2001, Besson, 1997) que les individus interagissant par le réseau
ou influencés par lui (Lazega et Lebeaux, 1995, Kickert et Koppenjan, 1997, Floyd et
Wooldridge, 2000).
![Page 39: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/39.jpg)
39
Selon les problématiques, les définitions mettent plutôt en avant les fonctions
d‟interconnexion ou d‟intermédiation du réseau (Curien, 2000), ou bien les objectifs qu‟il
permet de poursuivre (Jarillo, 1988). Les réseaux peuvent alors être considérés comme très
instables (Benchimol, 1993) ou bien fondés sur des relations stables (Thorelli, 1986) avec ou
sans leader (Jarillo, 1988, Koenig, 1996).
Malgré la multiplicité des approches, j‟en suis venue à proposer une définition supplémentaire
du réseau comme système de règles caractéristiques afin de répondre à une question
pragmatique : comment repérer le moment où un réseau ne sert plus les objectifs qui lui
étaient assignés ? et à son corollaire : comment manager un réseau pour conserver ces
objectifs ou pour en changer volontairement ?
Mon intérêt pour les réseaux est issu à l‟origine d‟une demande du ministère des Transports.
Le constat initial était que la prééminence historique de la dimension technique dans le
management des entreprises de réseau s‟affaiblissait avec d‟une part les modifications des
contraintes techniques propres à l‟infrastructure et d‟autre part l‟importance croissante
d‟autres dimensions, notamment institutionnelles, sociales et culturelles, imposées par
l‟environnement. On pouvait dès lors se demander si, pour survivre dans un univers désormais
turbulent, les entreprises de réseau quittaient l‟ancien modèle du “ château ” et adoptaient
celui du “ réseau ”, pour reprendre les termes de F. Butera (Butera, 1991).
Mes premiers travaux ont débouché sur deux pistes de recherches :
- l‟une concerne les spécificités des entreprises de réseau,
- l‟autre le management en réseau proprement dit.
Cadre méthodologique et synthèse des terrains
Depuis 1995, le cadre conceptuel et méthodologique issu de la thèse a été mis en œuvre dans
une série de recherches (contrat de recherche pour le Ministère des transports, contrat ACI
Ville notamment) destinées à modéliser les problématiques de management de réseaux
(Recherche 4). Ces recherches ont porté sur des réseaux très différents : un réseau
d‟observation sociale à EDF-GDF, l‟organisation du réseau de transport à la RATP,
l‟organisation des réseaux de maintenance et du réseau commercial Fret à la SNCF, ainsi que
l‟organisation en réseau des unités chez ABB ou, plus éloignées dans le temps, sur les
modalités de fonctionnement du réseau des abbayes cisterciennes. Chacun de ces cas a fait
l‟objet de recherches de données diachroniques (tableau 6) qui ont été triangulées (croisement
![Page 40: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/40.jpg)
40
des données à l‟intérieur d‟un même type de sources et croisement des différents types de
sources).
Tableau 6
Les cas : problématiques et méthodologie
Problématiques des réseaux Méthodologie de recueil des
données
EDF-GDF Réseau d‟experts
Réseau d‟observation sociale
Entretiens de recherche
Documents internes
Articles de presse
RATP Réseau de transport
Entretiens de recherche
Documents internes
Littérature de recherche
Articles de presse
SNCF Réseau de maintenance
Réseau commercial
Entretiens de recherche
Documents internes
Cîteaux Organisation en réseau Littérature de recherche
(Histoire)
ABB Organisation en réseau Littérature de recherche
Articles de presse
L‟étude des trois premiers cas (EDF-GDF, RATP, SNCF) selon une perspective
phénoménologique a progressivement fait apparaître que chacun de ces réseaux pouvait être
caractérisé à partir de la combinaison de trois règles :
- une règle d‟objectif : le réseau sert un objectif spécifique et durable ;
- une règle interne : les entités participantes respectent une contrainte qui sert l‟objectif de
façon durable ;
- une règle externe : des dimensions auparavant indépendantes sont mises en relation.
Une telle combinaison de règles est alors apparue comme un modèle qui permet de
conceptualiser le réseau en tant que processus d‟action (tableau 7). Ce modèle des trois règles
a ensuite été testé sur deux cas suffisamment éloignés dans le temps et dans leurs
problématiques (Cîteaux et ABB) pour en tester la généralisation à d‟autres cas que ceux
d‟entreprises de service public gérant des réseaux physiques d‟infrastructures.
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Tableau 7 : Les modèles du réseau médiéval d’abbayes cisterciennes
et de l’entreprise-réseau ABB
règle d’objectif règle interne règle externe
Cîteaux
Mériter le Ciel
Observation de la
règle de l‟Ordre
Relie les dimensions
spirituelle et
économique
Asea Brown
Boveri
Taux de marge
d‟exploitation de 10%
Contrôle de gestion
fort, s‟appuyant sur
le système
d‟information
Rend compatibles les
dimensions locale
(consommation) et
globale (économies
d'échelle)
(d‟après Marchais-Roubelat, 2002)
Synthèse des résultats
Les spécificités des entreprises de réseau
Le terrain initial, qui reste mon terrain de recherche privilégié, est celui des entreprises de
réseau définies comme des entreprises fournissant des services d'intérêt général à travers
l'exploitation d'infrastructures lourdes. Ces entreprises connaissent toujours actuellement de
profondes mutations.
A la question initiale qui consistait à savoir si elles quittaient l‟ancien modèle du “ château ”
et adoptaient celui du “ réseau ”, les études de cas de management en réseau à EDF, la SNCF
et la RATP ont montré selon que ses dimensions sont ou non en phase avec la hiérarchie des
priorités déjà établie, le réseau facilite le fonctionnement ou la transformation de
l'organisation. L'expansion du réseau ou son caractère purement local dépendrait alors de
l'importance stratégique des fonctions qu'il remplit à un moment donné plutôt que de ses
caractéristiques intrinsèques. Par ailleurs, l'analyse en termes de fonctions a montré qu'une
transformation radicale de l'organigramme où la pyramide laisse la place au réseau a pu
permettre de mieux contrôler les grandes fonctions de l'entreprise qu'une adaptation
incrémentale aux déséquilibres locaux lorsque ceux-ci sont devenus interdépendants. Dans le
premier cas, le réseau s'opposait par sa forme au "château", mais il conservait les mêmes
fonctions principales. Dans le deuxième cas, les conséquences croisées des déséquilibres
engendraient des effets de réseau susceptibles de remettre en cause l'existence de l'entité elle-
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même. La question de la dissociation des infrastructures et du service apparaissait alors plus
porteuse de changements stratégiques à long terme que de spectaculaires remaniements
organisationnels et managériaux (Marchais-Roubelat, 1998).
Ces premiers résultats ont mis en évidence la nécessité de construire un modèle spécifique du
réseau pour en comprendre, d‟un point de vue managérial, les enjeux et les modalités de
fonctionnement au cours temps. C‟est ainsi que le modèle des trois règles m‟a permis de
développer une analyse temporelle de l‟évolution du processus de management en réseau et
de mettre en évidence une typologie de leur évolution à partir de la transgression des règles.
L’objectif en question : de la création de la règle d’objectif à son oubli
On distingue deux logiques de constitution de la règle d‟objectif en fonction du moment où
l‟objectif est établi : en même temps que le réseau (l‟objectif existe parce que le réseau
fonctionne), ou avant (le réseau fonctionne parce qu‟il atteint l‟objectif).
Au cours du temps, deux modes de désuétude sont possibles (tableau 8) : une évolution
progressive (Cîteaux, EDF) qui n‟aboutit pas nécessairement à un changement de phase, ou
une interruption brutale de la phase (ABB).
Tableau 8 : Evolution des règles d’objectif
Règle d’objectif Mode d’établissement de la
règle d’objectif
Mode de désuétude
Permettre à ses membres de
suivre la règle de Saint
Benoît (Cîteaux)
Réponse organisationnelle à
l‟afflux des vocations autour de
Robert de Molesme et de son
programme, puis surtout de
Bernard de Fontaine (Saint
Bernard)
Réduction du nombre
d‟abbayes
Procurer de l‟information aux
dirigeants pour une meilleure
compréhension du corps
social d‟EDF-GDF
Décision de la Direction
Extinction progressive
par manque
d‟information pertinente
Un taux de marge
d‟exploitation de 10 % au
moins (ABB)
Décision stratégique de la
Direction
Interruption brutale par
une décision stratégique
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L‟objectif vieillit parce que les conditions à l‟origine de son existence se modifient, parfois à
cause du réseau, parfois indépendamment de lui, parfois pour les deux raisons.
Que cette évolution se produise sans que le management n‟y prête attention ne pose pas de
problème tant que l‟objectif du réseau n‟est plus d‟actualité. Néanmoins, un ancien réseau
ainsi oublié est susceptible de se réactiver et de jouer un rôle stratégique lorsque, à cause d‟un
concours de circonstances et/ou de la volonté d‟un acteur, son objectif redevient d‟actualité.
Les acteurs du réseau et leur comportement : respect et transgression de la règle interne
La règle interne est une contrainte de comportement qui sert à atteindre l‟objectif associé au
réseau et que toutes les entités participant au réseau respectent, mais seulement elles. La
frontière qu‟elle dessine n‟a de sens qu‟au moment de l‟observation puisqu‟elle aura déjà
changé de forme l‟instant d‟après. On ne peut donc pas établir de typologie des règles internes
à partir des formes qu‟elles engendrent. Par contre, on peut distinguer deux grands principes
de fonctionnement : la règle est recherchée par les entités qui participeront au réseau pour la
respecter (Cîteaux), ou elle est imposée aux entités qui participent au réseau parce qu‟ils la
respectent (ABB).
L‟évolution de la règle interne dépend à la fois : de la logique d‟adhésion des entités
participantes qui recherchent ou subissent la règle, du mode d‟organisation du processus -
auto-organisé ou canalisé par des acteurs stratégiques -, des moments où ces facteurs
interviennent, et du contexte dans lequel ils interviennent.
Que sa désuétude soit due à un dysfonctionnement interne (réseau d‟observation sociale à
EDF-GDF) ou à des raisons plus complexes (ABB, Cîteaux), lorsque cette règle interne n‟est
plus respectée le réseau disparaît, faute de participants (tableau 9).
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Tableau 9 : Principes de fonctionnement et de dysfonctionnement de la règle interne
Règle interne Principes de fonctionnement Principes de dysfonctionnement
Respect de la règle de
Saint Benoît (Cîteaux)
La règle est recherchée par les
participants
La règle est toujours respectée par
les participants mais elle est de
moins en moins recherchée par de
potentiels entrants
Création et circulation
d‟information pertinente
(observation sociale à
EDF-GDF)
La règle est recherchée par les
participants
La règle est ignorée par les
participants qui n‟y trouvent plus
d‟intérêt
Soumission à un
contrôle de gestion fort
(ABB)
La règle est subie par les
participants
La règle est modifiée
unilatéralement par la direction
L’échelle du réseau : du caractère tactique ou stratégique de la règle externe
La règle externe est complémentaire de la règle interne, mais elle s‟applique à des dimensions
d‟évaluation appartenant à l‟environnement du réseau et qu‟elle met en interaction.
La combinaison de la règle interne et de la règle d‟objectif peut s‟appliquer à de nombreux
processus d‟organisation, mais c‟est à cause de la règle externe que l‟on reconnaîtra un
réseau. De manière générale, celle-ci peut être volontairement recherchée et le réseau est
utilisé comme un outil pour la créer et la contrôler (ABB, RATP, réseau d‟observation
sociale), ou elle peut en constituer un avatar (Cîteaux) (tableau 10).
A l‟origine, la constitution de l‟ordre cistercien correspond aux aspirations de retrait des
moines au désert, dans la pauvreté et le travail, en partie en réaction par rapport à Cluny. Mais
parce que cette démarche réussit, elle conduit à un enrichissement des abbayes qu‟il faut bien
gérer. La dimension économique, qui émerge avec la constitution de l‟ordre, entre en
contradiction croissante avec l‟idéal spirituel des moines. Cette évolution de la règle se
combine avec l‟évolution générale de la spiritualité, à laquelle l‟ordre cistercien a aussi
contribué. Les dimensions économique et spirituelle deviennent ainsi de moins en moins
compatibles. Cet exemple met en exergue le constat selon lequel, au cours du temps, la
réussite de la règle peut constituer le principal facteur de son obsolescence.
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Tableau 10 : La règle externe : modalités de remise en cause
Règle externe Types d’interactions entre
les dimensions d’évaluation
Evolution de l’interaction
Cîteaux : mise en relation de la
dimension économique et de la
dimension spirituelle
La dimension économique
émerge comme une
conséquence de la dimension
spirituelle (pauvreté
individuelle et travail)
Contradiction : la
dimension économique
devient incompatible avec
la dimension spirituelle
(richesse des abbayes)
ABB : mise en cohérence du
global (économies d‟échelles)
et du local (consommation)
Mise en relation de
dimensions de niveaux
différents
Déclassement : la
dimension locale n‟est plus
stratégique
S‟agissant d‟ABB, une fois mise en œuvre l‟ouverture des frontières, la dimension locale perd
son caractère stratégique. L‟intérêt de la règle externe, et par conséquent du réseau qu‟elle
caractérise, diminue. Ce facteur s‟est ajouté à d‟autres facteurs stratégiques pour engendrer la
disparition du réseau au profit d‟une organisation plus centralisée.
La mise en relation de dimensions d‟évaluation, en modifiant l‟environnement du réseau,
modifie aussi les enjeux du management, ce qui fait du réseau un instrument de pouvoir. Les
enjeux initiaux peuvent être stratégiques puis perdre de l‟importance (ABB), ils peuvent être
locaux et rester à un niveau tactique (réseau de maintenance à la SNCF), mais ils sont aussi
susceptibles de changer d‟échelle et devenir stratégiques. Le réseau est alors utilisé comme
levier de changement ou au contraire comme moyen pour conserver un statu quo (RATP).
Perspectives de recherche
A travers ces travaux, j‟ai montré qu‟en concevant un réseau comme un processus temporel,
on pouvait le modéliser par un système de règles qui sont des contraintes durables, la durée
d‟une règle étant définie comme une phase. Ce modèle est suffisamment général pour
s‟appliquer à des réseaux dont les modes de management diffèrent radicalement dans le
temps, les objectifs, les systèmes d‟information, les mentalités … et pourtant il permet de
comprendre pour chaque réseau son mode de fonctionnement particulier, son utilité et ses
limites. A partir de ce modèle, l‟observateur du processus (qui peut en être un acteur) devient
capable de repérer les variations indiquant les changements de règles avant que des pratiques
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jusqu‟ici efficaces (puisqu‟elles respectaient les règles du moment) deviennent inefficaces,
voire même contre-productives. Ce type de modèle permet ainsi une anticipation des actes des
acteurs et de leurs conséquences au cours d‟un processus temporel complexe.
Ce travail sur la modélisation des réseaux à partir d‟une combinaison de règles ouvre trois
grandes pistes de recherches :
- la première, qui découle directement de l‟évolution temporelle du modèle, consiste à
inventorier les différents types de déformation possibles pour en proposer une
typologie ;
- la deuxième porte sur la transgression des règles : les règles peuvent elles-mêmes
engendrer les conditions de leur désuétude mais elles peuvent aussi être modifiées par
le comportement des acteurs, dont il conviendrait d‟analyser plus en profondeur les
stratégies. La question est de savoir à quelles conditions ce constat peut être
généralisé ;
- la troisième piste porte sur les rythmes d‟évolution des règles. Pour les acteurs de
l‟action, l‟enjeu est la possibilité d‟organiser, par des changements de phases, des
irréversibilités stratégiques.
Les entreprises de réseau constituent dans ce programme un terrain de recherche privilégié,
autant en ce qui concerne mes propres travaux qu‟en ce qui concerne l‟encadrement de
travaux de jeunes chercheurs, comme par exemple le travail d‟A. de Franceschi, Application
du concept « d’entreprises étendue » au sein des organisations soumises à de fortes
variations d’activités saisonnières, un exemple : l’Aéroport de Chambéry-Aix Les Bains,
mémoire de DEA soutenu en 2004.
Du point de vue de la synthèse entre le modèle des trois règles et l‟évolution des entreprises
de réseau, il est apparu à l‟occasion de débats lors d‟une présentation au colloque de clôture
de l‟ACI Ville en 2004, que la combinatoire de ces trois règles dans le cadre de l‟évolution
des régies d‟électricité mettait particulièrement en exergue les problèmes stratégiques du
moment. Dans cette optique, il est prévu en coopération un développement de recherches
s‟appuyant sur une série d‟entretiens concernant l‟impact de l‟ouverture à la concurrence sur
l‟organisation et la stratégie des régies d‟électricité.
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PARTIE II :
ENSEIGNEMENTS METHODOLOGIQUES ET
EPISTEMOLOGIQUES
J‟ai cherché à décrire le cheminement de mes recherches sur l‟enchaînement des décisions
dans le contexte de l‟action, il convient désormais de préciser dans cette seconde partie la
démarche mise en oeuvre et de discuter l‟originalité des concepts utilisés pour critiquer le plus
objectivement possible la validité des connaissances que l‟on peut en tirer.
Concepts, méthode et mode de questionnement théorique sont à mon sens intimement liés : le
métamodèle a été créé par des allers et retours entre une démarche inductive et l‟invention de
concepts, testés à la manière d‟hypothèses dans les études de cas. Il a donc bien fallu mettre
au point pour celles-ci une démarche permettant de sélectionner l‟information pertinente, la
mettre en forme, puis créer les modèles d‟actions de manière à devenir capable de mettre en
exergue la logique temporelle d‟enchaînement des décisions au cours d‟un processus
complexe. Ce sont les principes et les spécificités de la méthode, ainsi que son intérêt en
gestion, qui feront l‟objet du chapitre 4. Deux aspects me sont apparus particulièrement
importants à développer : le problème de l‟articulation entre les limites du processus étudié et
le questionnement posé dans les études longitudinales ou diachroniques, d‟une part,
l‟exploitation des documents écrits comme sources de données particulièrement riches et
pertinentes lorsqu‟on les critique avec une méthode adaptée, d‟autre part.
Contrastant avec le chapitre précédent qui explique pourquoi la méthode utilisée est issue de
disciplines, comme la géomorphologie, peu usitées en gestion, le chapitre 5 replacera le
modèle conceptuel de la phénoménologie de l‟action dans une optique d‟évaluation et de
prospective.
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CHAPITRE IV.
METHODOLOGIE POUR L’ETUDE DES ENCHAINEMENTS DE
DECISIONS AU COURS D’UN PROCESSUS D’ACTION COMPLEXE
En procurant les outils d'une phénoménologie des processus complexes, le métamodèle
constituait un préalable nécessaire à l‟étude de l‟action comme processus au cours duquel un
ou plusieurs acteurs effectuent des choix successifs.
Le choix des concepts étant lié à celui de l‟approche (Rojot, 2003), il a fallu ensuite mettre au
point une démarche distinguant les événements concrets et leurs règles d'évolution des
intentions des acteurs susceptibles d'agir sur eux. J‟expliquerai par conséquent pourquoi je
décompose l‟étude des processus en deux étapes successives, distinctes par leurs objectifs et
leurs méthodologies : d‟abord la description du processus, puis sa formalisation et son
analyse. Je développerai ensuite l‟intérêt de la démarche choisie pour la formalisation de
processus complexes. J‟insisterai en dernier lieu sur deux problèmes méthodologiques de la
constitution du cas qui renvoient à des débats en gestion :
- en ce qui concerne l‟étude des processus, le choix des limites du processus étudié ;
- du point de vue des études de cas diachroniques en général, la sous-exploitation des sources
écrites.
Cherchant à montrer les spécificités de la démarche de recherche pour l‟étude de
l‟enchaînement de décisions au cours de processus complexes, j‟aborderai finalement dans le
désordre les trois temps de la démarche de recherche habituellement évoqués en gestion : le
« design » de la recherche, la collecte de données, l‟analyse et l‟interprétation des données.
Concernant le « design » de la recherche, je montrerai que pour aborder un processus
temporel complexe, il faut une réflexion particulière sur l‟adéquation entre la problématique,
la collecte des données et les limites de l‟étude. Comme en histoire, la problématique initiale
peut en être modifiée. En ce qui concerne plus particulièrement la collecte des données,
j‟insisterai sur l‟importance des documents écrits en l‟absence d‟entretiens (cas anciens) ou de
la préparation des entrevues avec des témoins qui sont ou ont été des décideurs dans le
processus étudié. Pour l‟analyse et l‟interprétation des données, je développerai à part la
méthodologie car elle a été adaptée à partir de domaines inhabituels en gestion - notamment la
géomorphologie -.
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IV. 1. L’ETUDE DES PROCESSUS : LES RAISONS D’UN CHOIX METHODOLOGIQUE
Si la problématique de l‟enchaînement des décisions au cours d‟un processus historique
complexe appartient bien au champ de la gestion, le choix des méthodes pour l‟aborder reste
très pauvre : « Pour l’étude des processus organisationnels, beaucoup de méthodes d’analyse,
d’outils de représentation restent à inventer. Les présentations actuelles sont séquentielles.
On explique les événements dans le temps comme une suite de phases, de photos de la réalité
(…).» (Wacheux, 1996, p. 53).
J‟expliquerai pourquoi je n‟ai pas choisi une méthode quantitative, puis comment j‟ai
construit une méthode qualitative, largement issue de mes formations antérieures, notamment
en histoire et en géographie.
Intérêt et limites de l’analyse statistique pour l’étude temporelle d’un processus
Au cours de mes études de géographie, je me suis intéressée à la « nouvelle géographie »
alors en émergence et à ses méthodes, notamment à l‟application de techniques d‟analyse
factorielle à l‟évolution du réseau urbain français. La méthode, qui correspond en gestion à
l‟analyse des cohortes, dans la catégorie des approches longitudinales quantitatives (Forgues
et Vandangeon-Derumez, 2000), était à la fois très lourde dans le traitement des données et
délicate dans leur interprétation. Surtout, elle ne permettait pas de comprendre la dynamique
des évolutions constatées.
Il m‟est ainsi apparu que, si je voulais travailler sur le temps et la décision, la méthode
consistant à chercher à créer du sens à partir d‟une analyse statistique ne conviendrait pas car
trop incertaine en termes de données et d‟interprétation de résultats. Il vaudrait mieux
travailler sur le lien logique entre la sélection et l‟évaluation des données au cours du temps et
le raisonnement que l‟on pourrait tirer d‟elles, sans pour autant négliger les données
statistiques lorsqu‟elles avaient du sens par rapport à la problématique. Ce cas s‟est par
exemple présenté à l‟occasion du travail sur la gestion volontariste des âges (Marchais-
Roubelat et Monti, 1999) où Régine Monti et moi avons travaillé sur notre modèle de gestion
des ressources humaines à partir de pyramides des âges, la question du lien entre les
différentes composantes de la politique des ressources humaines et la pyramide des âges se
posant alors a priori et non pas a posteriori.
De la cartographie à l’analyse de la carte : une méthode pour aborder les processus
En dehors de la dimension statistique de la recherche, cartographier les trajectoires des villes
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m‟avait semblé une piste de travail intéressante car, certaines évoluant plus vite que d‟autres,
l‟on aurait pu imaginer mieux saisir leur mouvement si la période choisie avait été plus
longue, ou le rythme d‟évolution plus rapide. Les problèmes de cartographie sont des
problèmes techniques de représentation qui portent sur le choix et l‟intensité des couleurs, les
caractères et leur positionnement … Si je ne brillais pas particulièrement par la beauté de mes
œuvres, j‟aimais au contraire particulièrement l‟analyse des cartes.
Il existait au cours du cursus une matière, habituellement la bête noire des étudiants, et qui me
fascinait : la géomorphologie. La méthode d‟analyse des cartes en géomorphologie est très
rigoureuse. L‟étudiant décrit d‟abord le relief à partir de la carte topographique puis le
reconsidère à l‟aide d‟une carte géologique, de manière à reconstituer la genèse du paysage. Il
découvre alors une nouvelle signification aux formes initialement décrites et il les renomme
pour exprimer la dynamique qui les a constituées (morphogenèse). Lorsqu‟un jour il se rend
sur place, il ne voit plus des collines mais des cuestas, des synclinaux perchés, des jardins
d‟écueils ... exprimant l‟état momentané d‟un processus souvent très lent, parfois
catastrophique, et pourtant continûment à l‟œuvre.
Si l‟on ne tient pas compte du sujet mais du seul principe de l‟analyse, on peut faire un
parallèle avec l‟analyse littéraire : je suivais à la faculté de langues un cours de littérature
allemande où nous étudions les Romantiques, le Sturm und Drang … Nous étions capables, à
partir de l‟analyse de la forme et du fond d‟un poème, de le replacer dans son contexte
historique, et de retrouver le courant auquel il appartenait ainsi que son auteur. De la même
manière, l‟analyse d‟une peinture consiste à décrire puis analyser la forme telle qu‟elle se
présente à nous avant d‟en analyser le fond et de le replacer dans son contexte historique,
technique … pour redonner à l‟ensemble un sens nouveau qui modifie notre regard. J‟ai
utilisé ce principe méthodologique pour aborder de manière dynamique les processus
organisationnels, auxquels il m‟est apparu particulièrement bien adapté puisqu‟il permet une
formalisation évolutive au cours du déroulement du processus, tout en conservant en référence
la description méthodique des phénomènes. Le lecteur comprendra ainsi pourquoi je dissocie
clairement la description du cas de sa formalisation et pourquoi je n‟utilise pas les mêmes
méthodes dans l‟une et l‟autre situation.
Ce qui importe pour la description du cas, c‟est sa validité, ce qui pose la question de
l‟objectivité avec laquelle les événements pertinents sont relatés. Si la question de
l‟objectivité fait nécessairement toujours débat en histoire, une position qui convient au
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problème de la description de processus en vue de leur modélisation consiste à considérer que
si notre perception des événements est subjective, le fait de mettre en exergue les sources
utilisées, leur nature et leur validité, pour permettre au lecteur d‟exercer son esprit critique, est
une condition d‟objectivité : les sources sont-elles adaptées à la question posée ? Certaines
sources n‟ont-elles pas été oubliées ? Comment ont-elles été croisées (triangulation) ? Sont-
elles suffisamment actualisées ? … C‟est à partir de la discussion des sources que le lecteur
peut se faire sa propre idée du degré de précision dans la description du cas, de la pertinence
du choix des limites, du risque d‟omission de données importantes …
En guise d‟illustration, l‟encadré 5 synthétise la critique des sources qui a été effectuée pour
chacun des cas traités dans la thèse (Marchais-Roubelat, 1993).
Encadré 5
Synthèse de la critique des sources pour les quatre cas traités dans la thèse
- dans les cas militaires il existe des ordres, des lettres et des mémoires. La documentation
est assez fiable sur les grandes lignes, mais il est impossible d'aller dans les détails. Les
cas militaires sont ceux qui permettent d'aborder de la façon la plus rigoureuse les
stratégies et les tactiques des acteurs car l'action, les décisions et les effets sont bien
identifiés.
- les cas industriels sont récents, leur analyse présente de grosses difficultés : le plus
souvent, peu de recherches historiques ont réellement pu être menées, peu de documents
sont disponibles. Il faut surtout s'appuyer sur des témoignages d'acteurs de l'époque,
témoignages différents et difficiles à vérifier. Le problème des sources et la complexité du
processus ne permettent pas d'établir de façon argumentée les stratégies ou les tactiques
des acteurs. Par contre, il est possible de vérifier si les concepts proposés s'appliquent
correctement et de poser des hypothèses sur le déroulement d'une action à partir des
enchaînements d'actes constatés.
Ce n‟est qu‟une fois l‟étape de la constitution du cas franchie que l‟on peut aborder la
formalisation et l‟analyse du processus. Ce qui pose un vrai problème pour la formalisation
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est que l‟ensemble du système est susceptible de se transformer au point que non seulement
aucune des références que l‟on aura pu mettre en place au début de la période étudiée ne sera
valide à la fin, mais encore il est impossible de prévoir ex ante un cadre de références
suffisamment large pour englober les éventuelles évolutions du processus : on rejoint là l‟idée
des futuribles de la prospective (Jouvenel, 1964). D‟où le principe qui consiste à dissocier la
description du processus qui évolue avec lui, de la formalisation, qui évolue en fonction de la
description, et la nécessité d‟utiliser des concepts spécifiquement adaptés à cette démarche.
L‟encadré 6 illustre le lien entre la description et la formalisation pour le concept d‟acte :
Encadré 6
Repérer et évaluer des événements pour construire les règles
L’exemple de l’acte
On définit la décision comme la sélection d‟une intention d‟acte. La décision est virtuelle : on
ne peut pas la placer sur l‟axe du temps. Par contre, l‟acte s‟inscrit dans le temps, et
doublement : pas n‟importe quel changement de comportement, mais un changement de
comportement suivi d‟effets, c‟est-à-dire de la transformation de certaines variables.
Une conséquence importante pour l‟analyse est que la qualification d‟un événement est datée :
dans le cas de l‟acte, il faut constater des effets. La décision n‟est pas un acte observable :
c‟est son annonce, si elle est suivie d‟effets, qui constitue un acte.
De cette manière, la définition de la décision est proche des définitions théoriques, mais elle
reste virtuelle. Par contre, l‟annonce de la décision, si elle est suivie d‟effets, est un acte
particulier.
Ainsi, la méthodologie permet que la formalisation d‟un événement évolue au cours du
temps : au moment où une décision est annoncée, c‟est une annonce. Lorsque des effets se
produisent, même s‟ils ne correspondent pas à ce qui avait été annoncé, l‟annonce devient un
acte.
![Page 53: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/53.jpg)
53
IV. 2. LA FORMALISATION DES PROCESSUS
Au fur et à mesure des études de cas, j‟ai amélioré et standardisé la procédure de
formalisation :
1) Définir l‟action, c‟est-à-dire le processus observé (les débuts de la campagne d‟Italie,
la construction du Concorde …) et le placer dans son contexte historique, notamment
pour prévenir les anachronismes ;
2) Définir les acteurs (organisations susceptibles d'effectuer des choix) et les agents qui
les représentent au début de l'action (un agent est un individu qui incarne un acteur à
un moment de l'action) ;
3) Emettre des hypothèses sur le système de règles qui structure le processus. Il faut
vérifier que l‟on ne confond pas une règle avec une séquence, et à l‟inverse que la
durée de chaque règle est suffisamment longue pour pouvoir être vérifiée sur au moins
deux enchaînements d‟événements. Si la règle porte sur une durée trop longue elle est
trop générale et doit être remplacée par une autre. On différencie à cette occasion
l'environnement qui contient le processus (règles qui déterminent l‟évolution de
l‟environnement physique de l‟action, règles qui régissent l‟environnement humain au
sens large, règles qui sont propres à l‟action), en distinguant les espaces d'évaluation
(qui contiennent simplement les effets des décisions) et les dimensions d'évaluation
(car les contraintes y sont susceptibles d'être modifiées par les comportements des
acteurs) ;
4) Etablir les éventuelles stratégies, c'est-à-dire les enchaînements de modifications de
variables recherchées par les acteurs tels qu'on peut les déduire de leurs
comportements observés.
Au cours de la procédure, il faut être particulièrement attentif à l‟expression du temps dans le
modèle, notamment en vérifiant la validité de la règle (une règle n‟est valable que tant que la
relation ou la contrainte qu‟elle postule est vérifiée, dès qu‟elle ne l‟est plus il y a un transfert)
et en précisant quand les acteurs s‟appuient sur des variables d‟état ou de représentation (une
variable d‟état devient une variable de représentation dès qu‟elle n‟est plus directement
observée).
![Page 54: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/54.jpg)
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Une fois le modèle constitué, on analyse le fonctionnement des phases, les conditions et les
conséquences de leurs successions, notamment lors des transferts (les périodes de transitions).
Dans l'analyse phénoménologique de l'action, les règles de comportement constituent un
modèle dynamique de l‟agent, sachant que celui-ci peut (et il le fait la plupart du temps)
suivre des règles de comportement différentes des règles qui animent l‟évolution de son
environnement, notamment parce que sa rationalité est limitée. La durée de la règle de
comportement est limitée, elle change si l'individu (agent) change de rôle : lorsqu‟il change
d'organisation ou de fonction par exemple.
L'évaluation des actes de gestion de l'organisation dépend aussi du temps : "afin qu'une
organisation agisse de manière adaptative, elle a besoin de certaines régularités et de
procédures stables qu'elle puisse employer pour mener à bien ses actions adaptatives (…)
L'adaptation à courte échéance correspond à ce que nous appelons ordinairement la résolution
des problèmes, et l'adaptation à longue échéance correspond à l'apprentissage" (March et
Simon, 1991, p.166).
Appliquée à une organisation (acteur), la règle de comportement résume les relations qui
résultent des processus à l'œuvre au sein de cette entité, sans risque de lui appliquer une vision
anthropologique. L'organisation suit des règles de comportement différentes de celles de
l'environnement, notamment parce que son existence même engendre des rigidités qui lui sont
propres. La règle de comportement de l'organisation est susceptible de changer à la suite de
modifications de structure, du remplacement du dirigeant… ou, comme l'a fait remarquer
March, de processus d'adaptation efficaces dans le court terme mais destructeurs à long terme
(March, 1991).
On peut ainsi essayer d'analyser dans le temps long de l‟action les conditions de la pérennité
de l'acteur en même temps que les processus de mutation à l'œuvre.
La formalisation de l'action ne fait à aucun moment appel à des hypothèses sur la démarche
cognitive des acteurs ou des agents qui les représentent : peu importent les raisons pour
lesquelles ceux-ci respectent ou non les règles. L'essentiel est de constater que les
enchaînements d'événements confirment la relation postulée par la règle ou préparent
l'émergence d'une nouvelle phase. D‟un point de vue méthodologique, il n‟y a donc pas de
rupture conceptuelle entre la formalisation de cas historiques ou prospectifs.
Il est toutefois important que chaque processus formalisé ait été auparavant systématiquement
replacé dans son contexte historique de manière à éviter des lacunes, des contresens ou des
anachronismes et qu‟une attention particulière ait été portée au choix du début de la période
![Page 55: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/55.jpg)
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de l‟étude, celle-ci ne portant pas nécessairement sur l‟ensemble du processus (dont de toutes
façons on ne peut pas établir avec précision le début ni la fin). De manière générale, la période
d'observation doit être suffisamment longue pour pouvoir vérifier que les relations entre les
variables ou les contraintes de comportement postulées dans les règles sont durables. Il faut
donc pouvoir repérer au moins une phase.
IV. 3. L’ETUDE DES PROCESSUS EN GESTION : LE PROBLEME DU CHOIX DES
LIMITES
Dans les analyses diachroniques, la problématique de la recherche définit le phénomène
étudié dont découle la période d‟analyse. Pour reprendre un exemple cité par B. Forgues et I.
Vandangeon-Derumez (Forgues B., Vandangeon-Derumez I., 1999), s‟il s‟agit d‟une
problématique de changement, c‟est ce que l‟on considère comme changement que l‟on va
étudier qui va déterminer la période de l‟étude. On définit donc ce que l‟on entend par
changement, et on émet des hypothèses (par exemple : le changement est ponctuel, ou au
contraire il est continu).
« Tout chercheur s’engageant dans une recherche de type longitudinal est confronté à
deux grandes questions : sur quelle période doit porter l’étude ? et quel est le nombre
de points de collecte des données nécessaires sur cette période ? Alors que la réponse
à la première question dépend de la problématique de la recherche, la seconde
question est, quand à elle, liée à la place du temps dans la recherche ».
(B . Forgues, I. Vandangeon-Derumez, 1999, p. 425)
Ce type de démarche n‟est pas applicable lorsqu‟on s‟intéresse à l‟enchaînement des décisions
au cours du temps car l‟origine – et souvent la fin - du processus temporel étudié est
incertaine. C‟est notamment un problème majeur dans le domaine de la stratégie :
… une décision stratégique traite l’environnement et le temps comme des variables.
C’est justement le choix de l’environnement et de l’horizon d’action qui est au cœur de
la décision.» (Martinet, 1983, pp. 15-16).
Ainsi, les bornes du processus étudié ne peuvent être posées en fonction de la problématique
car elles contribuent à la structurer. Le temps n'est plus une variable du problème, c‟est le
problème qui est variable dans le temps.
Ainsi, l'action n'est pas définie par ses limites, contrairement à une "situation de gestion"
(Girin, 1990) par exemple. Elle n'a donc pas de fin, même si les acteurs sont susceptibles
![Page 56: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/56.jpg)
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d'envisager des issues possibles (une issue est un événement virtuel attribué comme état final
probable à une action par un acteur). Son origine dépend du moment où commence son
observation : on peut dire que la campagne de Napoléon en Italie commence dès 1794 lorsque
des stratégies commencent à être ébauchées, à l'arrivée de Bonaparte à la tête de l'armée, aux
premiers déplacements... Parce que l'action n'est pas définie par un début et une fin, c'est un
processus au cours duquel un ou plusieurs acteurs effectuent des choix successifs, elle
s'organise en phases structurées par des règles (une règle est une contrainte de comportement
ou relation entre les variables valable pendant une phase).
Dans ces conditions, on ne peut pas, à un moment donné, définir l‟ensemble des dimensions
pertinentes pour tout le processus. La méthode adoptée a alors consisté à décomposer l‟action
en phases. Ces phases ne sont pas simplement des intervalles de temps tels qu‟on les conçoit
habituellement car leur durée est déterminée par l‟existence de règles, définies comme des
relations entre des variables ou des contraintes de comportement qui s‟exercent de façon
durable. La phase n‟est par conséquent pas déterminée par le choix arbitraire d‟événements,
mais par la vérification d‟une relation qui modélise leur dynamique dans le temps. Plusieurs
phases peuvent ainsi coexister sur plusieurs dimensions ou se succéder au cours du temps.
Ce découpage historique de l'action en phases formalise les dynamiques d'enchaînements
d‟événements (un événement est une modification de variable). L'acteur participe à l'action
par ses actes et leurs effets mais ceux-ci ne suffisent pas à définir une action. Les notions de
décision, d'effet et d'acte sont par conséquent à la fois liées et clairement dissociées puisque
l'action est définie comme un processus qui inclut le comportement d'acteurs mais qui n'est
pas complètement maîtrisé par eux, chaque acteur ne possédant qu'une vision partielle et un
pouvoir limité sur le déroulement du processus.
Méthodologie et déontologie
La méthode de constitution du cas pose des questions très proches des problèmes
méthodologiques de l‟historien :
« Le sujet une fois choisi, l’historien doit faire un premier travail de repérage,
d’inventaire des lieux (…). Rapidement, l’historien doit définir le genre et préciser les
limites chronologiques (monographie d’entreprise de 1810 à 1880, le corps préfectoral
dans tel département sous le Premier Empire) : mais il faut user de prudence dans ce
domaine :
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- il faut éviter les choix trop dogmatiques : on peut fort bien glisser d’une monographie
d’entreprise à une biographie d’industriel, d’une étude sur la sidérurgie dans un
département à une monographie d’usine : toute délimitation est nécessairement
provisoire ;
- il faut se méfier des seuils chronologiques trop stricts : il y a toujours un avant et un
après qu’on ne peut négliger (…) : une périodisation trop stricte n’a pas grand sens,
les limites chronologiques ne sont qu’une fiction commode. »
(Thuillier et Tulard, 1986, p. 45)
Toutefois, les questions méthodologiques en histoire renvoient à des problèmes de
déontologie :
« Assurément il existe une déontologie de l’historien : mais ce sont des règles non
écrites qui ne s’enseignent pas (…). »
(Charles Samaran, préface à l‟Histoire et ses méthodes, 1961, p. XIII, in Thuillier,
Tulard, 1986, p. 91)
Parmi ces principes non écrits, citons, dans le désordre :
- 1) « Il faut toujours marquer explicitement les hypothèses qui guident la recherche, et
souligner nettement les limites de l’enquête (…). »
- 2) « On doit se méfier des généralisations hâtives (…). »
- 3) « On ne doit rien affirmer sans qu’il y ait un « document » que l’on ait vérifié
personnellement (…). »
- 4) « On doit toujours indiquer le degré de « probabilité » - ou d’incertitude - du
document (…). »
- 5) « Il faut garder une certaine distance au sujet traité et ne pas confondre, par
exemple, biographie et hagiographie1 (…). »
- 6) « Il faut savoir que rien n’est définitif, que la recherche qu’on a entreprise n’est
qu’une étape dans une chaîne de recherches (…) ».
(ibid. p. 92-94)
Certains de ces principes sont couramment évoqués à propos des études de cas en gestion, où
ils ne donnent toutefois pas a priori lieu à un problème déontologique car les problèmes
1 Vie des saints, par extension biographie excessivement embellie.
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auxquels ils renvoient sont de l‟ordre de l‟efficacité des modèles proposés, et restent donc au
niveau de la méthodologie. Pour une étude de processus dans le cadre de la phénoménologie
de l‟action, la réflexion sur les limites temporelles et les dimensions d‟évaluation est aussi
poussée qu‟en histoire, mais elle reste un problème d‟efficacité du modèle, donc
méthodologique : si les limites sont mal établies, le modèle est soit trop général, donc
inapplicable, soit trop analytique, et les règles changent alors trop rapidement (on risque de
confondre les règles et les séquences).
On a vu que des problèmes déontologiques en histoire sont d‟ordre méthodologique en
gestion, et que les implications pour la phénoménologie de l‟action sont importantes car de
ces choix dépend l‟efficacité des modèles d‟actions.
Il n‟en est pas moins vrai que des problèmes déontologiques se posent pour la
phénoménologie de l‟action, notamment en ce qui concerne la valorisation des travaux. Plus
l‟étude des enchaînements de décisions est actuelle et porte sur des problèmes sensibles, plus
elle est vérifiable, donc convaincante d‟un point de vue théorique. Si ces recherches sont
souvent publiables, comme l‟ont montré les travaux sur la gestion volontariste des âges ou la
plupart des études sur le management en réseau, d‟autres doivent rester confidentielles. Il est
aussi possible d‟appuyer les travaux sur des études de cas historiques, déconnectées des
enjeux actuels, à condition que la méthodologie soit suffisamment rigoureuse pour éviter le
risque de « réécrire l‟histoire » ; d‟où, notamment, l‟attention apportée à la critique de la
validité des sources.
IV. 4. L’EXPLOITATION DES DOCUMENTS ECRITS
Dans la mesure où la période d‟analyse ne découle plus du phénomène défini a priori par la
problématique de la recherche, la démarche s‟apparente à celle de l‟historien non seulement
pour la définition des limites du processus étudié, mais aussi pour la collecte des données.
Qu‟il s‟agisse d‟études de cas historiques, actuelles ou prospectives, les documents écrits
constituent alors, à côté des sources orales qu‟ils contribuent à vérifier pour les cas les plus
récents (triangulation), une source de données potentiellement très riche mais nécessitant un
traitement rigoureux.
Deux points me paraissent importants à évoquer. Le premier porte sur la méthode de lecture
du document :
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« Conseil pratique très humble : ne jamais se figurer qu’en dépouillant un texte on
peut immédiatement noter tout ce qu’il contient d’utile : c’est le meilleur moyen de
laisser passer ce qui est important »
(Robert Marichal, « La critique des textes », dans l‟Histoire et ses méthodes, 1961, p.
1356, in Thuillier et Tulard, 1986 : 82)
Lorsqu‟on aborde une étude de cas, on a des idées, des hypothèses explicites ou implicites sur
les événements et leurs enchaînements. Or les témoignages et les documents écrits
contiennent des informations qui modifient nos a priori. A cet égard, l‟expérience montre que
pour réussir une entrevue il est important de se documenter sur la décision ou les événements
que l‟on veut aborder avec des témoins avant de solliciter l‟entrevue, surtout si ces témoins
ont été des décideurs et ont joué un rôle stratégique car on peut alors les interroger avec
pertinence sur les points importants. Il faut alors préparer l‟entrevue à partir de documents
écrits existants, archives d‟entreprises, articles de journaux, publications…
L‟analyse des documents met en exergue les caractéristiques importantes des acteurs et de la
décision du point de vue de l'action. Aussi doit-elle étudier :
- la nature du document (document officiel, interne, discours politique, publication large ou
restreinte …),
- les caractéristiques de l‟émetteur (décideur, conseiller, homme d‟état), du ou des
destinataires (un décideur ? un prescripteur ? …),
- le moment de la rédaction du document,
- sa forme (existe-t-il un préambule, une formule finale particulière, un standard de
présentation … ces éléments de forme sont-ils cohérents avec le contenu ?),
- le moment de son éventuelle publication …
Dans l‟exemple de l‟accord du 29 novembre 1962, tous les éléments qui constituent le
document - et ceux qui manquent - (encadré 7) contribuent à lui donner du sens.
A partir de cette description, l‟analyse fournit des indications fiables sur la nature et le rôle de
l‟accord du 29 novembre 1962 (encadré 8).
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Encadré 7
L’exemple du Concorde : la description de l'accord du 29 novembre 1962
Le 29 novembre 1962, les gouvernements français et britannique signent le document officiel qui annonce leur décision commune de construire
un avion de transport supersonique.
Le contexte historique :
Le gouvernement français décide d'entreprendre les négociations avec le gouvernement britannique le 29 novembre 1961, le lendemain de
l'accord Bristol Siddeley Engines Limited (BSEL)2 / SNECMA pour le moteur. La SNECMA collabore depuis 1960 au projet avec Sud-Aviation.
L'accord entre les motoristes survient un peu plus de deux mois après l'adoption du supersonique par la commission du Plan.
Les discussions intergouvernementales au niveau ministériel commencent en février de l'année suivante, et l'accord intergouvernemental a lieu un
mois après un deuxième accord, entre les avionneurs cette fois. Il s'agit de l'accord Sud-Aviation / British Aircraft Corporation (BAC) du 25
octobre 1962 pour la cellule.
La nature du document :
L'accord est court, il contient sept articles. Il est signé par G. de Courcel, l'Ambassadeur de France à Londres, pour le gouvernement français, et
par deux représentants du gouvernement britannique, dont le ministre de l'aviation, Sir Julian Amery. C'est un document public, enregistré au
2 Un an plus tard, au moment de l'accord intergouvernemental, la BSEL avait fusionné avec Rolls Royce.
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secrétariat général des Nations Unies, par lequel les gouvernements s'engagent mutuellement à "construire en commun un avion de transport
supersonique" (TSS). Il est complété par des annexes techniques qui ne sont pas diffusées.
Les destinataires :
L'article 2 rappelle les accords industriels précédents et précise que "les gouvernements ayant pris connaissance de l'accord passé (entre les
industriels) les approuvent, sauf en ce qui pourrait être contraire aux dispositions qui font l'objet d'accord à l'échelon des gouvernements". Les
gouvernements créent un "comité permanent de fonctionnaires des deux pays" (article 5).
Le contenu de l'accord :
L'article premier précise que "le principe de la collaboration est le partage égal entre les deux pays, sur la base d'une égale responsabilité pour le
projet pris dans son ensemble, du travail, des dépenses engagées par les deux gouvernements, et du produit des ventes". L'égalité du partage est
globale, elle admet une péréquation entre des réalisations techniques différentes (art. 1).
L'accord entérine les accords précédemment signés entre les industriels des deux pays :
- l'accord entre les motoristes prévoyait la construction d'un réacteur, la BSEL devant participer pour 60% à sa concrétisation et mettre au point la
partie principale du réacteur, la SNECMA prenant en charge 40% du programme avec la mise au point du canal arrière ;
- l'accord entre les avionneurs prévoyait la construction de la cellule. La BAC prenait en charge 40% du programme. Sud-Aviation avait la
responsabilité de la réalisation de la section centrale du fuselage, de la voilure et du puits du train d'atterrissage, ce qui représentait 60% du
programme.
Deux versions possibles de l'avion sont prévues : "la proposition technique (...) comporte une version "moyen courrier" et une version "long
courrier" de l'avion" (art.3).
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Encadré 8
L’exemple du Concorde : l’analyse de l'accord du 29 novembre 1962
Le contexte historique :
L'accord intergouvernemental a été préparé par une succession de négociations et de décisions entre les industriels des deux pays, d'une part,
entre les industriels et leurs gouvernements respectifs, d'autre part. La date de sa signature en indique les enjeux politiques et diplomatiques,
puisque pour la France l'accord est signé au lendemain de la réforme de la Constitution et des élections de novembre. D'autre part, il intervient au
moment où la Grande Bretagne cherche à entrer dans le Marché Commun.
La nature du document :
La validité de l'accord du 29 novembre 1962 est celle d'un acte diplomatique officiel. Sa logique n'est pas essentiellement économique, même si
son objet est un grand programme qui engage les industriels des deux pays : les dimensions politique et diplomatique sont prééminentes.
Les destinataires :
Dans l‟article 2, les gouvernements affirment ainsi la prééminence actuelle et à venir de leurs objectifs sur les objectifs industriels. Si l'accord
n'engage directement que les seuls signataires, c'est-à-dire les gouvernements, il sert de cadre à l'exécution du programme par les industriels, dont
il fixe les modalités de collaboration et d'arbitrage par la création d'un comité que les gouvernements contrôlent.
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Le contenu de l'accord :
Etant donnée la structure des industries des deux pays, la mise en œuvre du programme aurait été facilitée, d'un point de vue économique et
logistique, si la construction de la cellule avait été confiée aux avionneurs français et celle du moteur aux motoristes britanniques. Or ce n'est pas
le cas. Le fait que Sud-Aviation ait la responsabilité de 60% du programme la mettait notamment en position de leader industriel. L'accord
intergouvernemental porte donc sur un choix de politique industrielle plutôt que sur un projet économique.
L'accord ne tranche pas entre deux versions possibles de l'avion car les Anglais veulent un long courrier capable de traverser l'Atlantique
(Londres-New York), tandis que les Français pensent à un long moyen courrier (Paris-Dakar).
Par conséquent, s'il organise l'égalité de l'engagement dans la construction commune, l'accord reporte à la mise en œuvre ultérieure les
négociations sur les choix techniques, sans prendre en compte les coûts supplémentaires, dont ceux liés au rallongement des délais que ces
négociations entraîneront nécessairement.
Une lacune de taille :
Bien que l'accord porte sur un projet particulièrement risqué sur le plan technique et économique, il ne contient aucune clause d'abandon. Les
considérations industrielles et technologiques ne suffisent donc pas à le rompre, ni même la décision unilatérale d'un des deux gouvernements.
Source : Marchais-Roubelat (A.), 1999
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Le fait que le sens que l‟on peut tirer du document écrit n‟est pas un sens provoqué pour les
besoins de la problématique est généralement considéré en gestion comme une limite
importante de ce type de source, dont on comprend qu‟ « une même organisation de données
peut servir à plusieurs démonstrations complémentaires, voire contradictoires » (Wacheux,
1996 : 221). Mais si on se place dans le contexte d‟un processus complexe dont on ne peut
définir a priori les limites et qu‟on l‟étudie avec rigueur dans son contexte historique en
prenant la précaution de croiser plusieurs sources d‟informations (triangulation), il devient
générateur de sens.
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CHAPITRE V.
EPISTEMOLOGIE DE LA PHENOMENOLOGIE DE L’ACTION
Les recherches sur la décision et les théories des organisations s‟intéressent au comportement
des acteurs (Simon, 1965). S'ils sont des individus, ces derniers ont un comportement
"intentionnel" (Searle, 1985), plus ou moins "enchâssé" dans un système de relations sociales
(Granovetter, 1985), rationnel même si cette rationalité est limitée. S'il s'agit d‟un acteur
collectif, celui-ci est orienté par une finalité (Parsons & Shils, 1967). A partir du principe
selon lequel les organisations prennent des décisions en tant qu‟ « engagement dans l‟action »
(Mintzberg & Waters, 1990), le débat porte sur la mesure dans laquelle elles font
effectivement des choix et sur la manière dont elles les font (Cohen, March & Olsen, 1972,
Brunsson, 1990). Actuellement, les recherches s'orientent vers une prise en compte croissante
du caractère psychologique de la prise de décision (Beach, 1997) dans une logique plus
dynamique, comme en témoigne notamment le développement des champs de recherche sur la
cognition managériale et organisationnelle (Eden & Spender, 1998) et sur le changement
organisationnel (Huber & Van de Ven, 1995). Mais les recherches sur la décision hésitent à
explorer le processus historique dans lequel celle-ci intervient, alors qu‟il en constitue à la fois
la cause et la finalité.
Pourtant, il existe une tradition de la réflexion sur ce sujet et je voudrais dans un premier
temps expliquer pourquoi la phénoménologie de l‟action découle directement des travaux sur
la prospective de Gaston Berger et de Bertrand de Jouvenel et comment elle a été influencée
par les travaux d‟Abraham Moles, avant de situer, dans un second temps, quelques concepts
par rapport aux courants de pensée et aux recherches d‟aujourd‟hui. En effet, lorsque j‟ai
construit le système de concept pour la phénoménologie de l‟action, j‟avais le choix entre
créer de nouveaux termes ou utiliser des termes existants. J‟ai préféré la deuxième solution,
d‟abord parce que cette solution m‟est parue moins rébarbative pour l‟utilisateur, ensuite
parce que finalement le sens large dans lequel ces termes sont utilisés dans la vie courante
englobe à peu près le sens précis que je leur donne. En revanche, une limite importante de ce
choix consiste dans le fait que nombre d‟entre eux peuvent avoir des sens particuliers dans des
domaines de référence en gestion et que des confusions sont par conséquent possibles. Il m‟a
donc semblé utile de clarifier quelques uns de ces concepts pour que le lecteur puisse mieux
situer mes travaux d‟un point de vue épistémologique.
![Page 66: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/66.jpg)
66
V. 1. LES ORIGINES DE LA PHENOMENOLOGIE DE L’ACTION : L’ACTION COMME
PROCESSUS TEMPOREL
Les échelles de l’action : l’apport de la prospective et de la théorie des actes
L‟échelle à laquelle je place l‟action n‟est pas celle de l‟action comme acte individuel, mais
celle d‟un « processus temporel » au sens prospectif de
« développement d’un phénomène qui n’a point été choisi comme but par une volonté
humaine, mais qui est effet d’un concours complexe d’actions » (Jouvenel, 1964, p.
144).
A la suite de Gaston Berger et de Bertrand de Jouvenel, il s‟agit dans une optique
prospectiviste d‟une conception où l‟action est d‟abord un processus temporel complexe,
ensuite un processus qui n’a pas de but.
Au cours de ce processus, le projet est conçu au sens large comme une anticipation sur
l'avenir au sens de « jeter en avant » son imagination ("pro-jacio") que lui prêtait B. de
Jouvenel, opposant les facta, les faits connus et nécessairement passés, aux futura, les faits à
venir. La distinction entre variables d‟état et de représentation adapte à la phénoménologie de
l‟action l‟opposition entre ces facta et ces futura.
Enfin, ce processus pose la question prospective de l'orientation volontaire d‟un avenir que
l'on ne peut concevoir ni par analogie ni par extrapolation (Berger, 1957). On comprend donc
pourquoi les résultats des modèles de la phénoménologie de l‟action ne visent pas à prédire,
pourquoi ils s‟inspirent fortement de la démarche historique dans la constitution des cas, et
enfin pourquoi la modélisation découle d‟un système de concepts spécialement créé pour que
l‟observateur du processus ne s‟enferme jamais dans un monde de représentations, mais reste
toujours en contact avec le déroulement des phénomènes (actes et événements) tels qu‟ils se
présentent à lui.
L‟échelle à laquelle j‟étudie l‟action est celle des processus temporels qui intéressent les
prospectivistes, alors que les théories des actions sont surtout des théories des actes qui
constituent cependant une échelle élémentaire de ces processus. La phénoménologie de
l‟action d‟Abraham Moles, dont je me suis beaucoup inspirée, est aussi une théorie des actes.
Elle propose de
« décomposer une action en suite d’atomes d’actes comme une phrase est une suite de
mots, dont chacun accomplit les fonctions spécifiques à l’intérieur d’un système plus
grand. (...) Les actes élémentaires seront appelés actomes quand ils sont observés
![Page 67: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/67.jpg)
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comme des fragments d’un processus extérieur à l’observateur : les actomes, ce sont
les atomes des actes ». (Moles et Rohmer, 1977, p. 95)
Quoique ce ne soit pas là son objet, la théorie des actes incite à s'interroger sur la relation
entre l'acte observable et l'intention de celui qui agit. Plus particulièrement : dans quelle
mesure l'acte traduit-il effectivement la mise en œuvre d'une décision ? Ce sont les travaux
d‟Abraham Moles qui m‟ont conduite à pousser jusqu‟au bout la distinction entre la décision
et l‟acte que l‟on observe comme un fragment d’un processus extérieur à l’observateur. Mais
je ne pouvais pas me contenter de la dissociation entre l‟intention et l‟acte, défini comme « un
déplacement visible de l’être dans son environnement », c‟est-à-dire une action selon A.
Moles (Moles, 1974), puisque je me plaçais dans le cadre d‟un processus complexe, évoluant
dans le temps. C‟est pour cette raison que l‟acte est défini comme un « changement de
comportement d'un ou de plusieurs acteurs, à la suite duquel le déroulement de l'action est
modifié ». Il faut donc constater ces modifications pour qualifier d‟acte le changement de
comportement observé. Le moyen pour le faire est de constater au moins un effet, qui est la
transformation de la trajectoire de certaines variables à la suite de ce changement de
comportement.
Une perspective phénoménologique
Dans la lignée prospective, mon objectif initial était de trouver des outils conceptuels et une
démarche rigoureuse pour observer l‟action conçue comme un enchaînement de phénomènes,
sachant que les comportements des acteurs qui y participent sont influencés par leurs
intentions et leurs systèmes d'évaluation, et d'autre part que ces intentions et ces systèmes
d'évaluation évoluent, modifiant au cours du temps les conditions des interactions entre les
acteurs. Cette question est au cœur du débat épistémologique qui oppose souvent le postulat
constructiviste selon lequel nous n‟observons jamais le monde de manière objective mais
nous produisons du sens, et le postulat positiviste selon lequel l‟univers est gouverné par des
lois dont l‟existence est objective : nommer ces lois c‟est découvrir la vérité (Le Moigne,
1990).
Pour le chercheur en gestion actuel, le terme de « phénoménologie » est essentiellement une
démarche de recherche fondée sur l‟introspection (Wacheux, 2002), tandis que l‟action
évoque l‟action individuelle, ou l‟acte intentionnel. Il y a donc une cohérence sémantique
entre phénoménologie et action, le lecteur s‟attendant plutôt à une méthodologie fondée sur
![Page 68: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/68.jpg)
68
l‟analyse des discours, elle-même cohérente avec le fait de susciter des données en relation
avec la problématique. Or, on l‟a vu, cette démarche n‟est pas applicable à des actions
définies comme des processus complexes dont on ne peut définir a priori les limites en
fonction de la problématique mais que l‟on appréhende telles qu‟elles se présentent à nous.
Pour les aborder,
« Il nous faut (…) renoncer à l’usuel (…). Il nous faut adopter une attitude qui ne
requiert aucune connaissance préliminaire particulière, ni scientifique ni
philosophique.» (trad. Pascal David), Heidegger, Concepts fondamentaux, cours de
1941, cité par F. de Towarnicki (Towarnicki, 1993, p. 314).
Encadré 9
Différences dans la relation au phénomène chez Husserl et Heidegger
Pour Husserl la conscience est close, mais elle est toujours conscience de quelque chose et en
cela ouverte sur le monde : je perçois un pommier, mais pas une représentation du pommier.
Il s'agit de déterminer l'acte du sujet par lequel il y a relation au phénomène : comment je
perçois, comment je me souviens, comment j'imagine... Il s'agit donc de revenir réflexivement
sur l'acte de conscience.
Chez Heidegger, il s'agit de "laisser les phénomènes se manifester à moi". La manifestation
tient autant à l'imagination qu'à la perception. Il n'y a non seulement plus de représentation,
mais plus non plus de sujet au sens où il n'y a plus de conscience subjective et réflexive qui
appréhende : les choses se manifestent à l'être humain. Celui-ci joue un rôle, mais il "laisse
être", il est "ouvert à", "disponible à".
Pour Heidegger, dans conscience de, le "de" indique "vers quelque chose de conscient". L'être
humain est « l‟être-le-là » (Dasein) où les choses viennent se manifester. Exister c'est se
manifester de manière immédiate ou médiate. Heidegger écrit : eksistence : ek pour aller au
dehors, mouvement de sortie, et sistein : se tenir. C'est donc "se tenir au dehors". Il n'y a plus
d'intériorité : je suis triste, le monde m'apparaît triste, j'apparais aux autres comme triste. C'est
l'être au monde et non pas dans le monde.
(notes d‟après un entretien réalisé en mars 2003 avec Hadrien France-Lanord, professeur de
philosophie, auteur de Paul Celan et Martin Heidegger, Fayard, 2004 et chargé de la traduction du
tome 79 de l‟édition intégrale des Heidegger Conférences de Brême et de Fribourg)
![Page 69: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/69.jpg)
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Par conséquent, à la différence de la phénoménologie de Husserl qui peut être comparée à une
introspection du sujet, ma démarche s‟inspire de Heidegger pour lequel la phénoménologie est
une pratique du regard qui tente d'appréhender les phénomènes tels qu'ils se présentent à nous
(encadré 9).
Cette attitude phénoménologique explique la distinction méthodologique entre la construction
du cas, décrit comme une succession d‟événements (ou de modifications de variables), et sa
modélisation. La démarche qui consiste à observer les actes parmi d‟autres événements sans
préjuger des intentions des acteurs a également été développée par A. Moles :
« une phénoménologie des actions sera, tout d’abord, la mise entre parenthèses de
leurs particularités définies, de leur intentionnalité, dirons-nous, de leur « sens »,
dans l’acception que la linguistique donne à ce terme. (…) La signification d’un acte
particulier ne lui apparaîtra qu’à la fin de l’analyse, et non au début (...). »
« Le praxéologiste analysera l’action en partant de tous les caractères descriptifs
externes de celle-ci (…) avant même de la déterminer par un nom particulier*. »
*C’est la méthode ou attitude phénoménologique telle que l’enseignent les
philosophes
(Moles, 1974, p. 277)
Sur ces bases, la phénoménologie de l‟action fait appel à la démarche de l‟historien pour
replacer le déroulement des événements dans leur contexte temporel, et elle se réfère aux
conceptions des prospectivistes sur les futurs multiples pour chercher à formaliser des
enchaînements de décisions dans des processus d‟organisation tels qu‟ils se présentent aux
acteurs dans le temps historique.
V.2. DECISION, ACTION ET INTENTIONALITE
La définition de l'acte comme modification de comportement suivie d'effets le rapproche en
apparence de la définition de l‟action, individuelle ou collective, dans les théories de la
décision et de l‟action. En fait, les concepts sont profondément différents car l'acte n'existe
que dans le temps : il faut impérativement qu'un effet, c'est-à-dire une modification de
variable qui infléchit le processus, soit constaté simultanément au changement de
comportement ou postérieurement à lui. Il faut donc constater le changement de
comportement et l‟inflexion du processus (l‟effet) pour considérer que ce changement de
comportement est un acte. Or, la dynamique de l'effet dans le temps diffère de celle de l'acte
![Page 70: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/70.jpg)
70
qui en est à l'origine. Au cours d'une action, un acteur n'a pas nécessairement de stratégie ni
d'objectif, qu'il ait ou non les moyens a priori d'orienter l'action. Le comportement de l'agent
est formalisé par une règle qui définit soit ses relations avec d'autres variables de
l'environnement, soit des contraintes de comportement, de manière à anticiper des
enchaînements d'événements pendant la durée de la phase.
L’intentionalité de l’acte
Pour l‟étude des enchaînements des décisions au cours du temps, l‟ “intentionalité” (Searle,
1985) de l'action conduit à des paradoxes, comme celui de l‟observateur qui en observant
effectue lui-même une action. Ces paradoxes tiennent à la double nature de l‟action
intentionnelle comme expression concrète et observable d‟une intention hypothétique.
Conserver la double nature de l‟action intentionnelle comme expression concrète et
observable d‟une intention abstraite aurait donc conduit à une impasse de recherche : parce
que la décision renvoie à une intention, sa justification est virtuelle, donc à la fois
intemporelle et non mesurable. Par contre, en tant qu‟acte concret, elle est mesurable et
s‟inscrit dans l‟espace et le temps. Sauf à supposer l‟infaillibilité du décideur et la nécessité de
son existence, il est donc à la fois nécessaire et impossible de mesurer l‟adéquation de son
acte à son intention : l'acteur (individu ou organisation) se justifie-t-il après-coup ? était-il
même animé d'une intention particulière ? Evaluer l‟adéquation de l‟action de l'individu au
résultat qu'il a obtenu n‟est guère plus aisé, car tout dépend du moment et de l‟échelle de la
mesure.
J‟ai donc cherché à formaliser moins les croyances de l'acteur que son comportement : même
si celui-ci résulte partiellement de ses croyances, il intègre des contraintes dues à
l'organisation (March et Olsen, 1975).
L'utilisation des règles contribue ainsi à expliquer les mécanismes à l‟oeuvre dans la
constitution des décalages observés par certains auteurs entre les rôles effectifs de la décision
d‟une part et d‟autre part les processus de structuration des choix (Cohen, March et Olsen,
1972) ainsi que les choix annoncés (Brunsson, 1990), et les mythes accompagnant les
décisions (Meyer et Rowan, 1978). En effet, à partir du moment où l'expression d'une
intention (la décision) provoque des changements, c'est-à-dire des effets, cette expression
![Page 71: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/71.jpg)
71
devient un acte (actation3). Entre cet acte initial (actation) et les transformations constatées à
un moment donné, un processus de mise en œuvre se déroule, qui est une autre forme d'acte
(actuation). La modélisation de l'intention en tant que choix abstrait entre dans le domaine des
théories de la décision, mais la mise en oeuvre de cette intention suit les règles de l‟action.
Concrètement, l'annonce de la décision (actation) est ainsi susceptible d'exprimer,
volontairement ou non, un choix différent de celui projeté par le décideur. La communication
de la décision est donc susceptible d'engendrer des réactions différentes de celles imaginées
ou recherchées. La mise en œuvre ou actuation qui succède à l'annonce de la décision est
aussi susceptible de produire d'autres effets (Brunsson, 1990). Poussée à l'extrême, la
dissociation de ces processus reproduit le modèle du "garbage can". En sociologie, les
conséquences non intentionnelles d‟activités intentionnelles ont notamment été mises en
exergue par le concept d‟effet pervers proposé par R. Boudon (Boudon, 1977).
Les concepts de décision, d‟acte et d‟effet, combinés à la notion de règle, permettent de
modéliser de très nombreux processus en appliquant notamment la logique contenue dans la
critique de Mintzberg et Waters (Mintzberg et Waters, 1990) : dans la mesure où des
actuations peuvent être constatées sans actation initiale, elles traduisent des processus
complexes d'engagement à l'intérieur et à l'extérieur des organisations, sans que l'existence
d'un décideur identifié comme tel ne soit nécessaire au modèle.
La décision et l’acte
La décision définie comme la sélection d‟une intention d‟acte se situe à la croisée des
principales définitions. Elle est conçue comme un choix qui reste virtuel, clairement dissocié
de sa concrétisation (l'acte) et de ses conséquences observables dans le temps (les effets
réels). La problématique concerne ainsi moins le choix entre des comportements virtuels pris
en compte par les théories de la décision et des jeux que l'adéquation entre les effets virtuels
espérés qui résultent de ce choix et les effets de l'acte ou de la succession d'actes. Elle se situe
donc en amont du choix puisqu'elle contribue à définir les données du modèle, et en aval de ce
choix puisqu'elle en formalise l'évolution des conséquences.
L'évaluation d'un acte appartient alors à deux systèmes de références : la logique temporelle
du comportement de l'acteur, individuel ou organisationnel (puisque l'acte est un changement
de comportement), et la logique temporelle de l'évolution des effets de cet acte tels qu'il sont
3 Le lecteur pourra se reporter au glossaire des concepts du métamodèle présenté en annexe.
![Page 72: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/72.jpg)
72
observés (puisque pour être qualifié d'acte, le changement de comportement est suivi d'une
modification de trajectoires de variables pertinentes pour l'action). La conséquence de la
définition de l'acte est que tout décideur est dépossédé des effets de sa décision dès qu'il la
concrétise par un acte.
On est alors très proche de la distinction effectuée par H. Simon entre la rationalité
“objective” et la rationalité “subjective” des acteurs (Simon, 1983, p. 69). Dans l‟exemple
qu'il utilise, si un malade a pris un médicament et en est mort, sa conduite est analysée en
fonction du phénomène qui en résulte, même s‟il espérait au contraire guérir (rationalité
subjective). En général les processus, en l‟occurrence la vie du malade en question, ne
s‟interrompent pas de manière aussi radicale. On a donc le temps d'observer le comportement
des acteurs pendant plusieurs séquences (une séquence est un processus d'action autonome
défini pendant une certaine durée à l'intérieur d'une phase), avant d'en déduire ses règles de
comportement.
V. 3. LES CRITERES DE VALIDITE DE LA PHENOMENOLOGIE DE L’ACTION
Mes recherches se sont placées à deux niveaux : le premier était celui de la construction du
métamodèle et de la méthodologie (Recherches 1), le second est celui de la construction des
modèles (Recherches 2, 3, 4, 5), il débouchera peut-être un jour sur une théorie plus générale.
Une grande difficulté lors de la conception du métamodèle était d‟ordre logique et renvoyait
au problème de sa validité interne, c‟est-à-dire de sa pertinence et de sa cohérence interne. La
pertinence impliquait des concepts précis et utiles pour la description de l‟action, mais par
conséquent relativement nombreux. La cohérence interne exige qu‟il n‟y ait pas de bouclage
logique entre les concepts. Or, plus les concepts sont nombreux, plus l‟ajustement du système
devient difficile. La cohérence logique du système a été validée lors de la soutenance de thèse
et le lecteur peut se référer à la liste complète des concepts, qui a été publiée.
C‟est à partir de ce système de concepts qu‟ont commencé à être construits des modèles
d‟actions.
De l’évaluation de la décision à l’anticipation prospective : l’inversion des modèles
Dans les processus d‟action, la décision comme sélection d‟intention d‟acte qui sera suivie
d‟effet peut être annoncée par un ou plusieurs acteurs, ou par un agent représentant un acteur.
Elle est cependant le plus souvent issue d‟un processus d‟action où de nombreux acteurs
![Page 73: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/73.jpg)
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interagissent par leurs actes, en suivant des règles différentes, et parfois divergentes. Il s‟avère
alors parfois utile de remonter le temps pour comprendre certains choix et les évaluer sans
risque de contresens ou d‟anachronisme.
Ainsi, pour être opérationnel, un tel modèle d‟enchaînement des actes doit s‟appuyer sur des
mesures. Or, l‟évaluation d‟un acte dépend notamment de l‟évaluation de ses effets au cours
du temps. Outre le choix de la variable, l‟évaluation dépend donc du choix de la mesure, ainsi
que de l‟échelle et du moment de cette mesure. Comment par exemple faut-il évaluer
l‟enchaînement des actes qui ont abouti à la mise en place du programme électronucléaire
français ? Ses bas coûts de production en font-ils irrémédiablement un succès ? Ou au
contraire les incertitudes environnementales sur l‟aval du cycle et les problèmes et surcoûts de
Superphénix viennent-ils ternir le tableau ? Et quand doit-on évaluer le programme ? Car le
poids des critères évolue au cours du temps : l‟évocation du surdimensionnement du
programme d‟équipement jette un froid dans les années 80. Fin des années 90, il apparaît
comme un facteur clé de succès à l‟exportation…
L‟évaluation d‟un acte appartient alors à deux systèmes de références :
- la logique temporelle du comportement de l‟acteur, individuel ou organisationnel (puisque
l‟acte est un changement de comportement),
- et la logique temporelle de l‟évolution des effets de cet acte tels qu‟ils sont observés
(puisque pour être qualifié d‟acte, le changement de comportement est suivi d‟une
modification de trajectoires de variables pertinentes pour l‟action).
Si l‟on considère la prospective stratégique selon une perspective cognitive (Laroche et
Nioche, 1994) fondée sur les représentations que les acteurs se font de l‟évolution de leur
environnement et de leur organisation (Roubelat, 2001), la théorie de l‟action propose un
cadre conceptuel permettant de construire des scenarii selon l‟une ou l‟autre de ces deux
logiques d‟évaluation des actes. On s‟intéressera alors plus particulièrement aux changements
de comportement, individuels ou collectifs, susceptibles de modifier de manière durable les
règles de l‟action et d‟être à l‟origine d‟irréversibilités à l‟échelle de l‟organisation.
Enfin, les règles et les phases restituent une cohérence logique à des enchaînements
d‟événements qui ne peuvent être observés dans leur totalité. Par exemple, lorsque plusieurs
phases se succèdent ou coexistent au cours d‟une même action, elles créent des interactions
qui échappent au moins partiellement à la perception de l‟acteur. Si l‟acteur ne peut connaître
dans le détail ces interactions et leurs implications, il est concerné par certains de leurs effets
qu‟il subit ou cherche à utiliser. Or, ces effets suivent les règles des phases établies. De cette
![Page 74: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/74.jpg)
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manière, et malgré un système de perception limité, l‟acteur peut anticiper l‟évolution des
pans du processus qui le concernent.
Dans l‟analyse phénoménologique de l‟action, les règles de comportement constituent aussi
un modèle dynamique de l‟agent, sachant que celui-ci peut (et il le fait la plupart du temps)
suivre des règles de comportement différentes des règles qui animent l‟évolution de son
environnement, notamment parce que sa rationalité est procédurale. La durée de la règle de
comportement est par conséquent limitée. De plus, elle change notamment quand l‟individu
change de rôle, d‟organisation ou de fonction.
La phénoménologie de l‟action propose une méthodologie d‟analyse diachronique de
l‟enchaînement de décisions permettant de mettre en évidence, à travers les changements de
comportement des acteurs et les effets de leurs actes, des changements de règles à l‟échelle de
l‟action.
Plus que les horizons temporels, ce sont donc ici les changements de rythmes qui sont
importants car ils traduisent une modification des règles de l‟action et du comportement des
acteurs, voire l‟apparition de nouveaux acteurs. Si on prend l‟exemple de la prospective
électronucléaire en France, l‟échelle des alliances industrielles à un niveau européen pour le
développement d‟un nouveau réacteur permettant de renouveler le parc actuel à l‟horizon
2025 se situe dans la continuité des processus politico-stratégiques qui se sont mis en place
lors du changement de filière en 1969. Déjà, par rapport aux années soixante-dix, de
nouveaux acteurs ont contribué à changer les règles de l‟action, comme les écologistes qui en
devenant une force de gouvernement, ont acquis des capacités stratégiques qui leur ont déjà
permis d‟arrêter Superphénix et en Allemagne de décider l‟arrêt du nucléaire. Pour la
prospective, d‟autres scenarii doivent donc être envisagés comme le développement,
notamment sous l‟effet de la dérégulation, de la production décentralisée qui réduirait les
perspectives de développement du nucléaire, sauf à imaginer des centrales de petite taille, ce
qui conduirait les acteurs à changer de paradigme. Dans tous les cas, les processus de décision
ne semblent pouvoir être envisagés sans prendre en considération un nombre de plus en plus
important d‟acteurs dont il convient d‟étudier les comportements possibles, les relations de
dominance*, ainsi que les effets de leurs actes.
Outre le concept d‟action qui est défini dans une optique de gestion comme un processus au
cours duquel un ou plusieurs acteurs effectuent des choix successifs, la phénoménologie de
l‟action s‟appuie sur les concepts d‟acteur et d‟agent pour distinguer les échelles individuelles
![Page 75: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/75.jpg)
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et organisationnelles. Il s‟agit par là de montrer la manière dont le comportement individuel
s‟articule avec celui de l‟organisation et, en précisant les relations de pouvoir par des relations
de dominances (faibles et fortes), comment les individus et les organisations peuvent orienter
le processus d‟action et en particulier susciter des changements de règles. Avec la distinction
entre la décision et l‟effet de l‟acte, il s‟agit aussi de montrer comment au cours du temps les
résultats espérés lors de la décision se transforment et changent de signification, ainsi que les
problèmes d‟évaluation concrets que ce phénomène peut poser. En particulier, il s‟avère ici
essentiel de pouvoir définir d‟une part les relations ou les contraintes pérennes (règles), ainsi
que les conditions de leurs modifications.
Grâce à la compréhension des conditions dans lesquelles les changements de règles s‟opèrent,
il devient alors possible d‟évaluer les processus d‟action passés en limitant les risques
d‟anachronismes en dissociant l‟analyse temporelle du comportement des acteurs de l‟analyse
temporelle des effets de leurs actes. Pour la prospective, plus encore que pour l‟évaluation,
c‟est l‟observation des agents plus que des acteurs qui permet d‟inférer ces évolutions
possibles car l‟action se construit par l‟articulation dans le temps des actes individuels et
collectifs, tant au sein des organisations qu‟à un niveau inter-organisationnel.
![Page 76: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/76.jpg)
76
CONCLUSION
J‟ai cherché dans ce document à expliquer ma démarche et l‟attitude phénoménologique que
j‟y adopte : je n'observe pas une décision en tant qu'intention d'acte, mais l'acte dans le temps.
En montrant qu‟il était possible de formaliser, à l‟aide d‟une grille d‟analyse unique, des
actions très différentes, mes premiers travaux ont construit les bases d‟une phénoménologie
qui permet de mieux comprendre des processus sans fin programmée, et au cours desquels des
acteurs prennent des décisions. L‟originalité du système conceptuel proposé provient de ses
bases théoriques fondées sur la distinction entre l‟action comme processus temporel sans
finalité et la décision comme intention d‟acteurs.
En ce qui concerne les modèles qui appliquent les concepts du métamodèle, il faut distinguer
la construction des cas et leur modélisation. Lors de la construction des cas, les problèmes
déontologiques en histoire restent méthodologiques dans le cadre de la phénoménologie de
l‟action, mais la qualité du modèle est très dépendante d‟eux : en effet, la méthodologie
intègre une argumentation critique sur le choix de la problématique et le recueil des données,
de manière à rendre possible une discussion sur la pertinence et la cohérence du cas. De
l‟accumulation des modèles établis à partir de ces cas commencent à émerger des régularités,
qui conduisent à leur tour à formuler des propositions plus générales, destinées à alimenter les
débats théoriques et méthodologiques.
L‟application des modèles a pour objectif de modéliser des processus d‟action en vue de
déterminer les différentes phases qui permettent de décrire ces processus et d‟en analyser les
conséquences en termes de management, qu‟il s‟agisse de problématiques stratégiques ou de
problématiques opérationnelles. Si l‟on en revient au modèle d‟une action particulière, par
exemple « la construction du Concorde », le modèle est construit à partir d‟une étude de cas
dont le résultat est la description du processus dans une logique temporelle. Le modèle évolue
en fonction de l‟apparition de nouveaux événements, il est nourri par le processus au fur et à
mesure de son déroulement. C‟est pourquoi une annonce devient un acte lorsque apparaissent
des effets.
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77
L‟intérêt des modèles proposés dans le cadre de mes travaux sur l‟action réside dans le fait
qu‟ils permettent de « reconnaître le sens général des transformations et les vitesses très
approximatives avec lesquelles elles se produisent », pour reprendre le projet prospectif de
Gaston Berger (Berger, 1957). Un acteur capable d‟évaluer si le processus conserve les
mêmes règles à court, moyen ou long terme, ou bien au contraire si une ou plusieurs règles
s‟achève et l‟impact sur l‟ensemble du processus de ce « décalage » au sens de Berger (ibid.),
acquiert une capacité d‟intervention sur le processus au lieu de le subir.
Les résultats de ces modèles ne consistent pas à prédire puisqu‟ils s‟appliquent à des
processus aux futurs multiples. Ils s‟inscrivent dans le contexte de la prospective. Leur but est
de maîtriser, moins dans le sens de « comprendre les situations pour proposer des
interprétations théoriques globales de la complexité d‟un phénomène » (Wacheux , 1996), que
dans celui de s‟immerger directement et sans se perdre dans la complexité du processus pour
comprendre à temps les situations.
Cette approche fait appel à un nombre important de concepts, c‟est sa force mais aussi une de
ses limites car elle demande des efforts pour la comprendre et la mettre en œuvre. Surtout, il
faut accepter de « jouer le jeu » en rentrant dans la vision du monde qu‟elle propose. Avec un
tel métamodèle, l‟encadrement des recherches peut s‟appuyer sur un langage et un cadre
conceptuel permettant de représenter de manière dynamique des problématiques de gestion à
long terme ou intégrant des ruptures. Ainsi, le modèle réalisé en commun avec Régine Monti
sur la gestion des âges dans les Armées lui a servi de point de départ pour la construction des
autres cas de sa thèse.
L‟expérience que m‟a donnée la construction de ces modèles constitue aussi une base pour
l‟étude d‟actions plus simples ou de pratiques de gestion délimitables dans le temps. En
particulier, les enseignements méthodologiques de mes recherches me sont apparus, quel que
soit le processus étudié, directement transmissibles aux futurs chercheurs de la spécialité
« Management des Organisations Industrielles et des Services en réseaux » créée en 1999 en
coopération entre le Cnam et l‟Ensam ou aux doctorants de la formation doctorale
« Prospective, stratégie, organisation » du Cnam auquel je propose depuis deux ans un cours
de méthodologie de la recherche. Dans ces deux formations, je contribue à l‟encadrement de
mémoires de DEA ou de thèse qui s‟appuient sur des retours d‟expériences très riches, tant en
ce qui concerne des enquêtes quantitatives que des études de cas qualitatives, et qui posent
des problèmes méthodologiques proches de ceux que je me suis posés dans le cadre de mes
![Page 78: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/78.jpg)
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recherches. En terme d‟encadrement de futures thèses, des axes de recherches commencent à
se dessiner, notamment sur des problématiques d‟organisation et de stratégie concernant en
particulier les spécificités de management des entreprises de réseau ou les processus
décisionnels au sein des processus d‟innovation comme l‟implantation de nouveaux systèmes
d‟information.
Enfin, je voudrais dans les années à venir poursuivre mes recherches sur les irréversibilités de
manière à en affiner la typologie et en améliorer l‟analyse. Toutefois, il faut combiner dans
l‟analyse des transferts non seulement la logique d‟évolution de chaque phase et les
perturbations engendrées par les interactions entre les phases, mais encore le rôle des
individus qui cherchent à accélérer ou au contraire freiner ou dévier le transfert. En comparant
mes études de cas j‟ai en effet été frappée de m‟apercevoir que, sans le rechercher, j‟avais
toujours été amenée à approfondir le comportement particulier de certains agents. Il pouvait
s‟agir d‟individus qui ne poursuivaient pas d‟objectifs stratégiques par rapport à l‟action, mais
il se trouvait que leurs décisions se sont articulées de manière telle qu‟elles ont pu orienter le
processus, comme dans le cas du Concorde par exemple. Il pouvait aussi s‟agir de volontés
d‟hommes ayant une vision stratégique du processus sur lequel ils exerçaient une influence
durable, comme ce fut le cas pour Bonaparte ou Pierre Ailleret. A travers le rôle des
individus, je voudrais ainsi approfondir la notion de centrage, par analogie avec les arts
martiaux, au sens où les moyens, l‟intensité et le rythme concourent ensemble à l‟obtention de
l‟issue (Musashi, 1983), et aborder par ce biais le domaine de l‟intuition et de l‟intention
créatrice.
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83
ANNEXES
GLOSSAIRE DES DEFINITIONS
Deux glossaires sont présentés ici pour faciliter la lecture du système de concepts : l‟un par
ordre logique, l‟autre par ordre alphabétique.
PAR ORDRE LOGIQUE
acteur : organisation ou individu isolé susceptible d'effectuer des choix.
action : processus au cours duquel un ou plusieurs acteurs effectuent des choix successifs.
environnement : système de variables transformées par l'action ou susceptibles de la
transformer.
événement : modification d'une variable de l'environnement.
agent : individu qui incarne un acteur à un moment de l'action. Le même individu peut être
agent dans certains cas, et un pur exécutant dans d'autres.
acte : changement de comportement d'un ou de plusieurs acteurs, à la suite duquel le
déroulement de l'action est modifié.
décision : sélection d'une intention d'acte par un acteur.
effet d'un acte : transformation de la trajectoire de certaines variables à la suite de l'acte.
effet virtuel : transformation de la trajectoire de certaines variables prévue par un acteur lors
d'une décision.
décideur : acteur qui prend une décision, c'est-à-dire qui sélectionne une intention d'acte à la
suite duquel l'action sera modifiée.
décision collective : décision dont le décideur est un groupe d'acteurs qui suivent une règle de
comportement commune.
coalition : groupe d'acteurs dont les actes sont coordonnés à un moment donné.
institution : décideur qui a vocation de façon pérenne à certains types de décisions collectives.
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84
phase : partie du déroulement de l'action durant laquelle des relations fondamentales du
système restent inchangées. Il y a changement de phase lorsque l'une ou plusieurs de ces
relations sont transformées, soit par suite d'influences exogènes, soit par suite d'actes.
règle : contrainte de comportement ou relation entre les variables valable pendant une phase.
transfert : transformation d'une ou plusieurs règles, qui se produit à l'achèvement d'une phase.
séquence : processus d'action autonome défini pendant une certaine durée à l'intérieur d'une
phase.
procédure : règle d'enchaînement de décisions et/ou d'actes fixé par les règles de
fonctionnement de l'acteur au sein duquel cet enchaînement se déroule.
variable d'état : variable dont on peut repérer les états possibles.
variable de représentation : estimation par un acteur d'une autre variable (variable de
représentation ou variable d'état).
espace d'évaluation : partie de l'environnement susceptible de contenir les effets virtuels d'une
décision ou de subir l'effet d'un acte.
dimension d'évaluation : dimension élémentaire résumant un sous-système de l'environnement
qui exerce une contrainte actuelle ou potentielle sur le comportement de l'acteur ou sur celui
d'autres acteurs et qui est susceptible d'être transformé par les effets d'un acte ou d'une
combinaison d'actes.
critère d'évaluation : mesure ou estimation choisie pour évaluer les effets virtuels d'une
décision ou l'effet d'un acte sur une dimension.
annonce : information donnée par un ou plusieurs acteurs à un ou plusieurs autres acteurs sur
un changement d'état de variable ou sur un changement de variable.
actuation : acte modifiant directement l’action par la modification de la trajectoire de
variables d’état.
actation : acte modifiant indirectement l’action par la modification de variables de
représentation qui engendrent la modification du comportement d‟un acteur au moins. On
dira qu‟une décision ou une annonce est actée si elle est suivie d‟un changement de
comportement qui la transforme en actation.
contrainte : condition limitant, au moment d'une décision, l'ensemble des choix possibles.
acteur dominant : acteur dont les actes sont suivis d'effets qui limitent les choix de
comportement d'autres acteurs ou transforment les effets que ceux-ci attendent de leurs
décisions.
dominance forte : caractéristique d'un acte d'un acteur dominant, dont certains effets
transforment des contraintes décisionnelles sur un acteur dominé.
![Page 85: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/85.jpg)
85
dominance faible : caractéristique d'un acte d'un acteur dominant, dont certains effets
transforment les effets virtuels que l'acteur dominé attend de son propre acte.
négociation : succession d'actations par des décideurs alternativement dominants.
négociation achevée : négociation suivie d'une actuation d'un ou de plusieurs acteurs.
issue : événement virtuel attribué comme état final probable à une action par un acteur.
rupture : transfert qui remet en cause l'issue de l'action pour un acteur au moins.
objectif : événement virtuel qu'un acteur souhaite atteindre à la fin d'une phase ou au cours
d'une action.
stratégie : enchaînement de changements de variables d'état envisagé par un acteur de
manière plus ou moins détaillée, portant soit sur une phase, soit sur un ensemble de phases, en
vue d'un objectif.
décision stratégique : décision dont le décideur attend un transfert virtuel.
acte stratégique : acte suivi d'un transfert (changement de règle).
tactique : succession de combinaisons de décisions envisagées par un acteur en vue de créer
des effets qui produiront les changements d'états favorables à la réalisation d'une stratégie.
décision tactique : décision dont le décideur attend un effet virtuel direct sur une contrainte .
acte tactique : acte suivi d'un effet direct sur une contrainte.
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86
PAR ORDRE ALPHABETIQUE
actation : acte modifiant indirectement l’action par la modification de variables de
représentation qui engendrent la modification du comportement d‟un acteur au moins. On
dira qu‟une décision ou une annonce est actée si elle est suivie d‟un changement de
comportement qui la transforme en actation.
acte : changement de comportement d'un ou de plusieurs acteurs, à la suite duquel le
déroulement de l'action est modifié.
acte stratégique : acte suivi d'un transfert (changement de règle).
acte tactique : acte suivi d'un effet direct sur une contrainte.
acteur : organisation ou individu isolé susceptible d'effectuer des choix.
acteur dominant : acteur dont les actes sont suivis d'effets qui limitent les choix de
comportement d'autres acteurs ou transforment les effets que ceux-ci attendent de leurs
décisions.
action : processus au cours duquel un ou plusieurs acteurs effectuent des choix successifs.
actuation : acte modifiant directement l’action par la modification de la trajectoire de
variables d’état.
agent : individu qui incarne un acteur à un moment de l'action. Le même individu peut être
agent dans certains cas, et un pur exécutant dans d'autres.
annonce : information donnée par un ou plusieurs acteurs à un ou plusieurs autres acteurs sur
un changement d'état de variable ou sur un changement de variable.
coalition : groupe d'acteurs dont les actes sont coordonnés à un moment donné.
contrainte : condition limitant, au moment d'une décision, l'ensemble des choix possibles.
critère d'évaluation : mesure ou estimation choisie pour évaluer les effets virtuels d'une
décision ou l'effet d'un acte sur une dimension.
décideur : acteur qui prend une décision, c'est-à-dire qui sélectionne une intention d'acte à la
suite duquel l'action sera modifiée.
décision : sélection d'une intention d'acte par un acteur.
décision collective : décision dont le décideur est un groupe d'acteurs qui suivent une règle de
comportement commune.
décision stratégique : décision dont le décideur attend un transfert virtuel.
![Page 87: DE LA DECISION A L ACTION CONTRIBUTION A UNE THEORIE DES ENCHAINEMENTS DE … · 2009-02-07 · UNIVERSITE DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS DE LA DECISION A L’ACTION: CONTRIBUTION A](https://reader034.fdocuments.in/reader034/viewer/2022042312/5edbb0a9ad6a402d666608e9/html5/thumbnails/87.jpg)
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décision tactique : décision dont le décideur attend un effet virtuel direct sur une contrainte .
dimension d'évaluation : dimension élémentaire résumant un sous-système de l'environnement
qui exerce une contrainte actuelle ou potentielle sur le comportement de l'acteur ou sur celui
d'autres acteurs et qui est susceptible d'être transformé par les effets d'un acte ou d'une
combinaison d'actes.
dominance faible : caractéristique d'un acte d'un acteur dominant, dont certains effets
transforment les effets virtuels que l'acteur dominé attend de son propre acte.
dominance forte : caractéristique d'un acte d'un acteur dominant, dont certains effets
transforment des contraintes décisionnelles sur un acteur dominé.
effet d'un acte : transformation de la trajectoire de certaines variables à la suite de l'acte.
effet virtuel : transformation de la trajectoire de certaines variables prévue par un acteur lors
d'une décision.
environnement : système de variables transformées par l'action ou susceptibles de la
transformer.
espace d'évaluation : partie de l'environnement susceptible de contenir les effets virtuels d'une
décision ou de subir l'effet d'un acte.
événement : modification d'une variable de l'environnement.
institution : décideur qui a vocation de façon pérenne à certains types de décisions collectives.
issue : événement virtuel attribué par un acteur comme état final probable à une action.
négociation : succession d'actations par des décideurs alternativement dominants.
négociation achevée : négociation suivie d'une actuation d'un ou de plusieurs acteurs.
objectif : événement virtuel qu'un acteur souhaite atteindre à la fin d'une phase ou au cours
d'une action.
phase : partie du déroulement de l'action durant laquelle des relations fondamentales du
système restent inchangées. Il y a changement de phase lorsque l'une ou plusieurs de ces
relations sont transformées, soit par suite d'influences exogènes, soit par suite d'actes.
procédure : règle d'enchaînement de décisions et/ou d'actes fixé par les règles de
fonctionnement de l'acteur au sein duquel cet enchaînement se déroule.
règle : contrainte de comportement ou relation entre les variables valable pendant une phase.
rupture : transfert qui remet en cause l'issue de l'action pour un acteur au moins.
séquence : processus d'action autonome défini pendant une certaine durée à l'intérieur d'une
phase.
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stratégie : enchaînement de changements de variables d'état envisagé par un acteur de
manière plus ou moins détaillée, portant soit sur une phase, soit sur un ensemble de phases, en
vue d'un objectif.
tactique : succession de combinaisons de décisions envisagées par un acteur en vue de créer
des effets qui produiront les changements d'états favorables à la réalisation d'une stratégie.
transfert : transformation d'une ou plusieurs règles, qui se produit à l'achèvement d'une phase.
variable d'état : variable dont on peut repérer les états possibles.
variable de représentation : estimation par un acteur d'une autre variable (variable de
représentation ou variable d'état).
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CURRICULUM VITAE
Anne
MARCHAIS-
ROUBELAT
Née le 27 novembre 1961, mariée, deux enfants
Coordonnées
adresse : 18 avenue de Verdun – 79000 Niort
tél/fax : 05 49 73 22 76
e.mail : [email protected]
Formation
1993 : doctorat de Sciences de Gestion « Décision et action : proposition
de concepts et analyses de cas », Conservatoire national des arts et
métiers, mention très honorable avec les félicitations du jury
1989 : DESS de Gestion de l'Innovation, Paris IX
1988 : DEA d'Histoire des Techniques, EHESS
Autres titres et formations : Maîtrise de géographie quantitative, (1985,
Paris I), Maîtrise d'histoire contemporaine, (1984, Paris I), Baccalauréat
série C (1979).
Fonction
depuis 1995, Maître de conférences en sciences de gestion, CNAM,
Département Economie et Gestion, Chaire d‟Economie et Management de
l‟Entreprise
Expérience
professionnelle
1993/95, CNAM, ESCPI (Ecole Supérieure de Conception et Production
Industrielle), enseignante responsable des enseignements de management
du programme « Ingénieur 2000 » de formation d‟ingénieurs par
l‟apprentissage
1989/93, EDF, Direction de l'Economie, de la Prospective et de la
Stratégie (DEPS), Chargée d'études au sein de la Mission prospective
1989, EDF-GDF, Direction du Personnel et des Relations Sociales,
chargée d‟étude sur le management de l'innovation sociale
1988, Recherche-application sur des imageurs (logiciel de traitement de
l‟information par images en couleur) avec la société Airelle
1985/88, Professeur certifié d'histoire au collège Anne Frank à Harly
(Aisne), puis au collège Jean Macé à Fontenay-sous-Bois (Val de Marne)
Activités
d'enseignement
cours au sein du Cnam :
chargée du cours d‟« Economie et Management de l‟Entreprise » du
DESS Management Jeune Ingénieur du Centre de préparation de
l‟ingénieur au management, depuis 1995
chargée du cours « Management économique de l‟entreprise pour
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l‟ingénieur » en formation continue, valeur de gestion commune à
l‟ensemble des diplômes d‟ingénieur du CNAM, depuis 1995
chargée du séminaire de méthodologie du Doctorat Prospective, Stratégie,
Organisation du CNAM, depuis 2003
chargée de cours dans le cadre du séminaire de méthodologie du DEA de
Sciences de gestion du CNAM, depuis 2002
cours dans d’autres établissements :
chargée en collaboration du cours « stratégie prospective » de la licence
« analyse des risques industriels et management de la qualité » du
département Gestion des risques de l‟IRIAF – Niort, depuis 2002
direction de mémoires :
mémoires de DEA de Sciences de Gestion du CNAM, depuis 2002
membre de l‟équipe d‟encadrement des mémoires de l‟option
« Management Industriel Approfondi », en collaboration avec le
Laboratoire d‟organisation, de gestion industrielle et de logistique de
l‟ENSAM, depuis 2002
membre de l‟équipe d‟encadrement des thèses du doctorat Prospective,
Stratégie, Organisation du CNAM, depuis 2003
Activités de
recherches
responsabilités en matière de recherche :
membre du comité de rédaction de la revue Flux depuis 1999, revue
classée en catégorie B par le CNRS
coordination de deux numéros thématiques :
- n° 51 : « Réseaux, risques et crises », en collaboration avec
Christophe Defeuilley, 2003
- n° 44-45 : « Dérégulation, état des lieux », en collaboration avec
Dominique Lorrain, 2001
membre du CEREM, unité de l‟EA 2430 du CNAM
chargée de la partie IV « Le management des entreprises de service
public : les trois règles des réseaux » du rapport du CEREM Régulation et
management des services publics en réseau, contrat ACI « Ville », 2002
auteur du rapport « Peut-on manager en réseau les entreprises de
réseau ? », Cahiers du CEREM, Contrat de recherche du Ministère des
Transports, 1997
membre de l‟AIMS, de l‟AGRH et de l‟ISC (Institut de Stratégie
Comparée)
axes de recherche :
irréversibilité et enchaînements de décisions
phénoménologie de l‟action et prospective
management stratégique des réseaux
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Activités
administratives
et responsabilités
collectives
enseignant correspondant des centres associés du CNAM pour la valeur
« Management économique de l'entreprise pour l'ingénieur » :
responsabilité de l‟agrément et du contrôle pédagogique des enseignants,
ainsi que de l‟accord des dispenses depuis 1995
membre suppléant de la Commission de spécialistes 6ème section du
CNAM depuis 1997
Publications
et travaux de
recherche
thèse de doctorat:
« Décision et action : proposition de concepts et analyses de cas »,
CNAM, thèse de doctorat en sciences de gestion, 1993, volume 1, 486 p.,
volume 2 (annexes), 198 p.
ouvrage :
De la décision à l'action. Essai de stratégie et de tactique, Economica,
2000, 370 p.
contributions à des ouvrages collectifs :
« La règle et le conflit. Les débuts de la campagne d‟Italie », in M. Saboly
et L. Cailluet, dir. , Conflit(s), Presses de l'Université des Sciences
Sociales de Toulouse, 2003, pp. 53-63
« Le réseau et la règle. Les leçons de la naissance et du déclin de l‟ordre
cistercien », in M. Saboly et L. Cailluet, dir. , Marché(s) et hiérarchie(s),
Presses de l'Université des Sciences Sociales de Toulouse, 2002, pp. 315-
325
« Décisions et croyances », in Gestion et croyances, Presses de
l'Université des Sciences Sociales de Toulouse, 2000, pp. 23-30
« Décisions et irréversibilités. À propos du supersonique », in Thépot J. et
alii (éds), Décision, prospective, auto-organisation, Mélanges en
l'honneur de Jacques Lesourne, Dunod, 2000, pp. 140-155
« L'articulation dans le temps des décisions individuelles et
organisationnelles », in Décisions et gestion, Presses de l'Université des
Sciences Sociales de Toulouse, 1999, pp. 495-508
« Le rapport à l‟autre dans le temps : le jeu et l‟action », in Gestion et
théorie des jeux : regards croisés, Thépot J. (éd.), Paris, Vuibert, 1999,
pp. 147-170
articles de revues à comité de lecture :
« Gérer en réseau des entreprises de réseau ? », Flux, n° 33, juillet-
septembre 1998, pp.36-44
« Modélisation et complexité : de la décision à l'action », Revue Française
de Gestion, n° 102, janvier-février 1995, pp. 102-105
« Stratégie militaire, stratégie d‟entreprise : même combat ? »,
Stratégique, n° 60, 1995, pp.117-130
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communications aux colloques académiques :
« Le sens de la décision stratégique : la règle et l‟action », 1er
congrès
Raison(s) et décision, IAE de Lille, 27 mai 2004
« Le management stratégique des services publics en réseau », Colloque
de clôture Action Concertée Incitative Ville, Paris, 1er
-3 mars 2004
«Assessing Innovation in a Long Range Perspective, Conceptual
Framework and Case Study», 6è Conférence Quality Management and
Organizational Development, Paris, 1-3 octobre 2003, en collaboration
avec F. Roubelat
« La prospective en amont et en aval de la décision. Une évaluation sous
l‟angle de l‟action », 3ème colloque pluridisciplinaire Interactions entre
décisions individuelles et décisions collectives, Paris, 19-20 mars 2003, en
collaboration avec F. Roubelat
« La règle et le conflit. Les débuts de la campagne d‟Italie », 11ème
rencontre Histoire et Gestion, Toulouse, 28-29 novembre 2002
« Du modèle à la pratique : les trois règles du Réseau », XVIèmes
journées nationales des IAE, Paris, 10-12 septembre 2002
« Le réseau et la règle. Les leçons de la naissance et du déclin de l‟ordre
cistercien », Colloque Histoire, Gestion, Organisations, « Marché(s) et
hiérarchie(s), Toulouse, 29-30 novembre 2001
« L‟enchaînement des décisions individuelles et organisationnelles dans
les processus d‟action : modèle conceptuel et application stratégique »,
2ème colloque pluridisciplinaire Interactions entre décisions individuelles
et décisions collectives, Troyes, 2000, en collaboration avec F. Roubelat
« La gestion volontariste des âges. Le cas des Armées : construction d'un
modèle », 10ème
congrès de l'AGRH, Lyon, 1999, en collaboration avec R.
Monti, pp.693-710
« Décisions et croyances », Huitièmes Rencontres de l'ESUG, Toulouse,
1999
« L'articulation dans le temps des décisions individuelles et
organisationnelles », Septièmes Rencontres de l'ESUG, Toulouse, 1998
« Pour une phénoménologie de l‟action en gestion : discussion théorique
et application », colloque des IAE, Lille, 1997, pp. 444-451
« Stratégies d‟acteurs et processus d‟apprentissage : essai de
modélisation », rencontre MCX, Poitiers, 1997
« Theory of action, how to describe decision making processes »,
colloque CECOIA IV, Cachan, 1995
« Complexité ou perplexité : de la décision à l‟action », rencontre MCX,
Aix-en-Provence, 1994
autres travaux et publications :
cahiers de recherche :
« La gestion prospective des âges. Le modèle des Armées », Cahiers du
LIPS, 2000, pp. 39-89, en collaboration avec R. Monti
« Peut-on manager en réseau les entreprises de réseau ? », Cahiers du
CEREM, 1997, 106 p., (Contrat de recherche du Ministère des
Transports)
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Notes de lecture :
Guilhon B., Orillard M., Zimmermann J. B. (dir.), Economie de la
connaissance et organisations. Entreprises, territoires, réseaux,
L‟Harmattan, 482 p., 1997, note de lecture, Flux n°39/40, janvier/juin
2000
Curien N., Economie des réseaux, La Découverte, collection Repères,
2000, 120 p., note de lecture, Flux n°39-40, 2000
Entretiens :
« Services publics en réseau : perspectives de concurrence et nouvelles
régulations », entretien avec Jean Bergougnoux, Flux n°39-40, 2000
« Les stratégies des entreprises de réseaux en France : réflexion
prospective », entretien avec Jacques Lesourne, Flux n° 44/45, avril-
septembre 2001