Cristiana Apetroale, Mineurs roumains et délinquance sur le territoire français

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Cristiana Apetroale, Mineurs roumains et délinquance sur le territoire français

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  • MINEURS ROUMAINS EN DELINQUANCE SUR LE TERRITOIREFRANAIS : UN ENJEU DE POLITIQUE CRIMINELLE PARTICIPATIVETRANSNATIONALE

    Cristina Apetroaie

    Editions A. Pdone | Archives de politique criminelle

    2008/1 - n 30pages 321 344

    ISSN 0242-5637

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-archives-de-politique-criminelle-2008-1-page-321.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Apetroaie Cristina, Mineurs roumains en delinquance sur le territoire franais : un enjeu de politique criminelleparticipative transnationale , Archives de politique criminelle, 2008/1 n 30, p. 321-344. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour Editions A. Pdone. Editions A. Pdone. Tous droits rservs pour tous pays.

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  • MINEURS ROUMAINS EN DELINQUANCE SUR LE TERRITOIRE FRANAIS :

    UN ENJEU DE POLITIQUE CRIMINELLE PARTICIPATIVE TRANSNATIONALE

    par Cristina APETROAIE

    Doctorante - UMR de droit compar CNRS Universit de Paris 1 Panthon-Sorbonne

    Peu nombreux mais fort visibles , cette formule employe par Dana Diminescu1 explique elle seule la spcificit des mineurs roumains sur le territoire franais. Prsents depuis la fin des annes 90 dans les rues et les tribunaux franais, ils sont souvent en tte des statistiques de la dlinquance juvnile. Spcialiss dans le pillage des horodateurs ou le vol ltalage, reconvertis dans la prostitution ou la mendicit, ces jeunes sont des victimes de trafics organiss depuis leur pays ou ont t attirs par "l'eldorado franais" et sont tombs ensuite sous la coupe des chefs de groupes dexploitation. La question de la dlinquance des mineurs roumains sur le territoire franais est rcurrente et interpelle juges des enfants, ducateurs, travailleurs sociaux et socit civile. Au-del de leur stigmatisation en tant que jeunes dangereux, qui nourrit le fameux sentiment dinscurit et sert de justification pour lapplication des mesures de renvoi et dexclusion, lenjeu rel soulev par cette dlinquance est rvlateur dune vritable crise de socit. Mais malgr leur forte visibilit statistique et mdiatique, il est presque impossible de rendre compte dune manire fiable de lampleur relle du phnomne. Les difficults de recensement sont lies la multiplicit des sources dinformation (associative, policire, administrative, judiciaire), au manque de coordination de ces instances en matire de suivi, leffet de rvlation destin servir tel ou tel discours politique, ainsi quau fameux chiffre noir qui invite interprter chaque statistique avec prudence. Il faut encore voquer le rle amplificateur jou par les mdias, qui, tout comme en matire dinscurit et de dlinquance locale , donnent de ce phnomne une image souvent disproportionne. Au bout de sept ans de proccupations intergouvernementales, judiciaires, associatives et socitales, le phnomne est en constante volution et demeure dactualit, malgr une prsence moins accentue sur les territoires et dans les

    1 Dana DIMINESCU (dir), Visibles, mais peu nombreux, Les circulations migratoires roumaines, ditions de la Maison des sciences de lhomme, Paris, 2003.

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    secteurs dactivit habituels2. Aucun lment ne permet de conclure une quelconque diminution du phnomne, qui semble plutt stre tendu et rparti gographiquement. Et il pourrait difficilement en tre autrement, tant le dbat politico diplomatique est centr quasi-exclusivement sur des questions scuritaires. En effet, les solutions intertatiques qui ont suivi la prise de conscience de la gravit de cette situation demeurent trop loignes de la misre sociale dans laquelle vivent ces enfants. Axe notamment sur lchange dinformations en vue dassurer leur retour, la coopration franco-roumaine se contente de traiter les symptmes, sans sattaquer en profondeur ses sources et sans privilgier lintrt suprieur de lenfant. Pousss, dun ct, par lincontournable sentiment dinscurit, et de lautre par le souci dune image entache, Paris et Bucarest se sont dcids lutter ensemble contre la dlinquance roumaine en France. Un premier accord visant protger les mineurs roumains en difficult sur le territoire franais a t sign le 4 octobre 20023, dmarrant un programme orient notamment vers le retour de ces enfants en Roumanie, qui a t renouvel par un autre accord intervenu dbut fvrier 2007. De leur ct, le droit et la justice ne disposent pas, eux seuls, des cls ncessaires pour rpondre efficacement et durablement cette dlinquance de survie. Et si leur rle est dnoncer et de renforcer les valeurs et principes qui doivent guider laction des uns et des autres 4, il est nanmoins difficile, face au repli sur soi mme de ces enfants, daboutir crer lindispensable lien qui dtient la cl de la transmission de la valeur de la loi. Relevant le dfi que reprsente la mise en uvre dune politique criminelle, revtue de surcrot dune dimension transnationale, la prsente tude a pour objectif de prsenter les diffrentes ractions et rponses suscites par ce phnomne. A cette fin, on ne peut pas se limiter aux accords mentionns antrieurement, dautant plus que les initiatives de nombreux intervenants sur le terrain, associations, magistrats, ducateurs, les ont prcds, voir dpasss. Sans avoir la prtention doffrir un aperu exhaustif du phnomne, nous avons en vue de dgager certains aspects qui paraissent reprsentatifs, en soulignant les russites, les failles et les amliorations quon pourrait leur apporter. Dans un premier temps, il conviendra dexaminer la russite partielle de lensemble des actions que lon peut appeler prventives, avec le soin de souligner limportance de la construction dun projet de vie, comme source de socialisation et responsabilisation (I). On analysera, dans un second temps, le double dfi pos la justice pnale, issu de la difficult de nouer avec ces enfants

    2 On note avec inquitude lmergence dune exploitation sexuelle de ces mineurs, apparue initialement en rgion parisienne comme une reconversion professionnelle des petits horodateurs, et transforme progressivement en une prostitution de chambre , cache et difficilement identifiable. 3 Dcret n2003-220 du 7 mars 2003 portant publication de laccord entre le Gouvernement de la Rpublique franaise et le Gouvernement de la Roumanie relatif une coopration en vue de la protection des mineurs roumains en difficult sur le territoire de la Rpublique franaise et leur retour dans leur pays dorigine ainsi qu la lutte contre les rseaux dexploitation, sign Paris le 4 octobre 2002, J.O. n 62 du 14 mars 2003 page 4422 texte n 17. 4 Guy CANIVET, Intervention en ouverture des travaux de la journe dtudes intitule Mineurs trangers isols, un dfi relever, Cour de Cassation, le 28 janvier 2005.

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    un lien capable de briser la loi du silence, obstacle la prise de conscience des responsabilits incombant tout jeune qui a commis une infraction, ainsi quau dmantlement des rseaux et des groupes dlinquants qui restent derrire la scne pnale (II).

    I LA REUSSITE PARTIELLE DUNE POLITIQUE PREVENTIVE

    Le volet prventif sarticule autour de stratgies dinformation, dinsertion et de protection de lenfance, abordant tant le travail en amont (A), que celui en aval du dpart, qui vise lintgration dans le pays daccueil ou le retour (B).

    A. Les stratgies de prvention au dpart

    Partant du fait que la dlinquance des mineurs roumains en France est creuse dans le contexte prcaire dune migration de survie (1), le principal moyen de prvenir son installation est dinformer les enfants, leurs familles et la socit sur les risques encourus et surtout de leur permettre, avant quils envisagent dmigrer, la construction dun avenir (2).

    1) Entre innocence et malice, la route vers lEldorado

    La classique ambivalence entre linnocence et la malice de lenfance se reflte pleinement dans limage des mineurs roumains sur le territoire franais, dlinquants et en danger la fois. Ils sont en ralit une varit denfant en danger 5, dont les conduites infractionnelles ne peuvent pas tre analyses en les isolant du contexte qui les gnre. Afin de mieux saisir limportance de linitiation des mesures prventives l o cette crise de socit retrouve ses racines, en Roumanie, il est fondamental de prendre conscience des dynamiques qui sont lorigine de leur errance. Les raisons pour lesquelles les mineurs roumains arrivent en France sont les mmes que pour les adultes : ils fuient la pauvret et esprent avoir de meilleures conditions de vie. Dans un contexte global de dsenchantement conomique, des familles et des communauts rurales entires ont prouv un attrait contagieux daller travailler quelques annes ltranger, pour pouvoir vivre et faire vivre la famille. Lide qui dirige ce mouvement est la conviction que la migration est la solution, et elle est dautant plus renforce et gnralise, que les mdias donnent limage dun lointain facilement accessible 6, dun bonheur matriel de lOccident, ncessairement porteur dune vie meilleure. Dans la grande majorit des cas, le parcours des mineurs roumains est construit autour de cette fascination pour leldorado occidental. La situation difficile quils trouvent en France nest que le maillon final dune chane que les sociologues dcrivent

    5 Alain BRUEL, Entre innocence et malice, Mlampous, Revue de lAssociation franaise des magistrats de la jeunesse et de la famille, Hors Srie n1, Paris, fvrier 2005, p.24. 6 Dana DIMINESCU, Le migrant connect, Pour un manifeste pistmologique, Migrations/Socit, vol.17, n102, juin 2005, p. 275-292.

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    comme le phnomne migratoire contemporain fond sur la culture du lien 7. Initialement enfants de migrants circulants rejoignant leur famille pour faire une saison ltranger 8, leur mobilit sest dveloppe dans le cadre dun mouvement de proximit, dont les acteurs font partie dune mme communaut et se dplacent en rseau . Une parent ou un proche qui revient de ltranger et vente les opportunits dtudes, de travail, de logement, aide les nouveaux venir, qui en aideront dautres leur tour, et cette entraide cre au fur et mesure une chane migratoire. Cette proximit gographique du lieu du dpart dtermine le pays de destination. Selon lendroit choisi par le premier maillon du rseau, chaque rgion dveloppe sa propre dynamique migratoire, orient vers la France, lItalie ou lEspagne9. Le recours ces chanes dentraide , sans quil sagisse ncessairement de filires de traite ou de passeurs, cre nanmoins une forte dpendance et fragilise la situation de ces migrants et cela plus particulirement lorsquil sagit des enfants, qui subissent ainsi un partage des fonctions parentales. Cette mobilit en rseau alimente les dparts des enfants, qui sont souvent mandats pour travailler ltranger et envoyer de largent la famille reste au pays. Il peut galement sagir de fugueurs, de clandestins , ou de victimes de traite. Les diffrentes modalits de dpart expliquent en partie la situation de difficult que peut vivre un enfant ltranger. Une fois dbarqus en France, ou dans un autre pays de destination, ces enfants subissent des conditions de vie souvent bien plus difficiles que celles quils croyaient fuir en quittant la Roumanie. Non accompagns ou abandonns eux-mmes, mme si leurs parents se trouvent galement en France, ils subissent progressivement une perte des repres, quil sagisse des repres affectifs et ducatifs, par labsence de la famille ou des liens solides avec celle-ci, des repres identitaires, par lextranit du langage, par labsence de leurs traditions et leur culture, des repres ducatifs lis la scolarisation ou une formation professionnelle. Ce dracinement, qui va bien au-del du simple dmnagement dans un pays tranger, est susceptible de les jeter dans la dlinquance, de les transformer en une proie facile pour des rseaux criminels qui les recrutent afin de les utiliser dans la commission de diverses infractions, bien conscients du traitement adouci que le droit pnal rserve aux mineurs. Misant sur leur vulnrabilit, ces rseaux fonctionnent comme un systme ducatif parallle et se transforment, paradoxalement, en substituts de la protection parentale, transmettant en revanche un autre systme de valeurs, un autre modle dadulte.

    7 Dana DIMINESCU, Les nouveaux visages du migrant, Confrence de lUniversit de tous les savoirs, 9 janvier 2006, www.lemonde.fr. 8 DIMINESCU Dana, La mobilit des jeunes roumains lheure de llargissement europen, Hommes et Migrations, n1251/2004, p.42. 9 Conformment une analyse effectue en 2003 par lONG Terre des Hommes, la plupart des mineurs se trouvant en situation de danger ou de dlinquance dans les grandes villes franaises, est originaire du pays dOas , une petite rgion frontalire denviron 600 kilomtres carrs, structure autour donze villages et situe dans le dpartement de Satu-Mare (dans le nord-ouest de la Roumanie).

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    Lattachement ces groupes et linstallation dans la dlinquance des mineurs roumains arrivs en France sinscrit le plus souvent dans une recherche des compensations matrielles, sensations qui remplacent un manque daffection. La dlinquance devient, dans leur perception, lunique stratgie de survie possible et ce contexte particulier de migration contribue relativiser la lgalit. Dans ces conditions, il semble vident que le premier choix se doit dtre un choix de construction, partant de la rflexion que si le pays dans lequel ces enfants arrivent, en loccurrence la France, doit sen occuper et les protger, le travail en amont doit tre ncessairement ax sur la prvention au dpart.

    2) Briser le mirage de louest travers linformation et linsertion

    La fascination dmesure pour leldorado occidental, ne du dveloppement de ce quon peut appeler une migration pendulaire , appelle une action concerte dinformation dvoilant la ralit de la migration non prpare et les risques de traite. Car les aspects ngatifs lis aux dparts ltranger sont peu connus, voire volontairement dissimuls derrire une vritable omert10. Cette omert fait des risques un sujet tabou, notamment lorsquil sagit des activits illgales, de la traite et de lexploitation et reprsente le premier obstacle la sensibilisation de la population sur ces aspects. Alors que certains parents encouragent, voire mandatent eux-mmes les enfants pour partir ltranger afin de gagner de largent, sans se renseigner sur les adultes auxquels ils seront confis, les enfants ne transmettent souvent que de bonnes nouvelles pour ne pas inquiter ou dcevoir ceux rests au pays. La famille tant un facteur qui renforce, voire provoque directement la dcision de dpart des enfants, elle doit ncessairement tre intgre, ct des enfants, au cur dune stratgie ducative portant sur la ralit et les dangers dun dpart prcoce et non prpar ltranger. Et au-del de cette stratgie dinformation sur les groupes risque, la socit dans son entier doit faire lobjet dune ducation sur les ralits de la migration. La question de linformation et de la sensibilisation de la population comme volet prventif a t aborde assez brivement par laccord franco-roumain de 2002. Larticle 4 de cet accord stipulait que des actions prventives de coopration bilatrale seront tablies dun commun accord et consisteront () dvelopper sur le territoire de la Roumanie des actions dinformation et dducation de la population 11. Mais les initiatives les plus concrtes relvent des acteurs du secteur associatif uvrant sur le terrain, qui ciblent leurs activits au sein de la communaut, au plus prs des enfants et de leurs familles12. Le bilan des

    10 Ltymologie du mot omert est incertaine. Il pourrait provenir du mot italien umilta , ou umirta en dialecte sicilien, qui signifie humilit . Quelle que soit son origine, l'omert est lie aux groupements mafieux et dsigne la loi du silence, dont linjonction premire est de ne jamais rvler lauteur dun dlit. 11 Accord franco-roumain du 4 octobre 2002. 12 En 2004, la Fondation Terre des Hommes (TDH) et La Fondation roumaine pour la communaut, lenfant et la famille (Fundatia Romana pentru Copii, Comunitate si Familie - FRCCF) ont intgr ensemble un axe de prvention et dducation sur les ralits de la migration des enfants, travers le projet de cette dernire, intitul Prvention des risques de la migration des enfants dans le pays dOas . Au programme, des animations et ateliers artistiques ont t organiss dans le but de susciter une rflexion sur ce thme. En 2005, dans le cadre du mme projet, des sessions

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    projets entrepris est plutt positif, mme si le travail auprs des familles savre tre un rel dfi, car les parents eux-mmes incitent parfois la mobilit des jeunes par un culte entretenu de largent et ignorent volontairement ce que cela implique13. Or dans ce cas, les efforts des acteurs associatifs ne sont bien videmment pas suffisants pour changer ces mentalits. Leur action exemplaire, mais ponctuelle, devrait tre relaye par les autorits locales et les acteurs qui, au quotidien, sont au plus prs des membres de ces petites communauts (le maire, le mdecin, lcole, lglise). En tout tat de cause, ces campagnes dinformation et de prvention cibles sur les groupes risque doivent tre doubles par une vritable politique en matire de migrations, mene au niveau national, rvlant au grand public les ralits des dparts improviss ltranger, et favorisant ainsi une prise de conscience gnrale des risques de traite et dexploitation que cela reprsente. Ce type de stratgie informative a dbut tardivement en Roumanie, avec une vaste campagne lance en 2006 par lAgence Nationale contre la traite dtres humains14. Le droulement de cette campagne dinformation a entran dans son mouvement des structures policires territoriales spcialises dans la prvention, la police des frontires, des ONG et des structures gouvernementales partenaires, tant au niveau central, que local. Sa porte dpasse le cercle des populations cibles, qui nont pas toujours accs aux mdia et pour lesquelles le travail de proximit, dans la dure, des acteurs de terrain est susceptible davoir un impact plus fort. Le but recherch est de gnrer, au niveau du grand public, une nouvelle perception de lexprience de la migration, ainsi quun changement de mentalit dans le sens dune reconnaissance du statut de victimes. Le silence actuel sur ce dernier point ne permet pas de protger les jeunes de linfluence des rseaux criminels se greffant sur les mouvements migratoires, qui jouent de leur navet, de leur dsir de travailler ou de fuir un contexte familial difficile. Ces aspects sont souvent ignors par lopinion publique, qui considre, sans aucune reconnaissance de leur qualit de victimes, que les mineurs qui commettent des actes de dlinquance sont des roms ou des mineurs qui narrivent pas sintgrer en Roumanie 15. Au-del de linformation, et pour en assurer lefficacit, lactivit de prvention des dparts, et donc des situations favorisant linstallation dans la dlinquance, ne peut pas faire lconomie de la remise en cause du systme roumain de protection de lenfance, dont les dysfonctionnements privent ces enfants de toute

    dinformation ont t associes aux activits denseignement dans les coles de la rgion. Plus de 750 enfants ont particip aux discussions portant sur les droits de lenfant et sur les dangers auxquels sont exposs ceux qui partent seuls ltranger, tandis quenviron 300 familles, dont les enfants se trouvent en risque de migration ou ont dj migr, ont t mis en garde et informs par les assistants sociaux. 13 FRCCF avec le soutien UNICEF, Tara de vis sau tara de cosmar...?, Sudiu asupra fenomenului migratiei in Tara Oasului, octobre 2005, p.43. 14 Cette agence, cre par la Dcision du Gouvernement n1584 du 8 dcembre 2005, est une unit spcialise de ladministration publique centrale, dote de personnalit morale et fonctionnant au sein du Ministre des Internes et de la Reforme Administrative. 15 FONDATION TERRE DES HOMMES, LA VOIX DE LENFANT, PARADA, Mineurs isols dOas en France : Analyse de situation en vue dune intervention de prvention, 2003, p.23.

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    assistance approprie. Car actuellement, ce systme prsente de nombreuses lacunes malgr lmergence, petits pas, dun paquet normatif destin lengager dans un ample processus damlioration. La nouvelle loi de protection et de promotion des droits de lenfant16 est conforme la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et la Convention Europenne de sauvegarde des droits de l'homme. Au niveau de lUnion Europenne, on dit quelle achve la rforme de la protection de la protection de lenfance17. Elle reprsente certes une relle avance, mais demeure incomplte plusieurs gards, et sa mise en application est lente et lacunaire. Ainsi, la loi fait rfrence certaines situations concernant les enfants roumains qui se trouvent ltranger, non accompagns par leurs parents ou par un autre reprsentant lgal, sans pour autant rglementer plus svrement les conditions de sortie du pays ou renforcer la protection et la prise en charge de ces enfants en cas de retour. Du point de vue organisationnel, nombre de dysfonctionnements sont lis une mise en place dfectueuse de la dcentralisation. Au niveau central, lAutorit Nationale pour la Protection de lEnfant et lAdoption (Autoritatea Nationala pentru Protectia Copilului si Adoptie - ANPCA) est la structure charge de sassurer de lapplication des lois en vigueur et dtablir de nouveaux instruments en conformit avec les normes internationales de protection des droits de lenfant18. Les departements se sont vu transfre la responsabilit des services daide lenfance, dans un processus de multiplication des institutions, dont les prrogatives et les missions concrtes sont vaguement dfinies par les textes19 et dont le personnel na pas toujours bnfici dune formation adquate aux exigences de la nouvelle lgislation. Cela fait que les services et les mesures prises diffrent dun dpartement lautre, do une ingalit des prestations offertes, la fois sur le plan quantitatif et qualitatif. Outre les difficults concernant la protection de lenfance, on ne peut pas ignorer le fait que le projet incertain de migration et la drive dans une dlinquance de survie ne sauraient se mettre en route si ces enfants croyaient la ralisation dun projet de vie en Roumanie. Les vertus de laide apporte dans certaines communes et petits villages, par des structures associatives agissant au plus prs des enfants qui songent partir la recherche dune alternative de vie, pourraient bien servir dexemple pour la mise

    16 La Loi 272/2004 de protection et de promotion des droits de lenfant entre en vigueur au 1er janvier 2005. 17 Le rapport 2005 de suivi de lintgration de la Roumanie au sein de lUnion europenne tablit que les progrs raliss dans ce domaine ont t largement reconnus par le panel dexperts indpendants sur le droit de la famille des tats membres de l'UE et quils ont t jugs satisfaisants au vu des meilleures pratiques des tats membres. 18 LANPCA gre galement les fonds manant des programmes dintrt national et autres financements, et co-finance, surveille et value les services offerts par les directions dassistance sociale de protection de lenfance au niveau des dpartements. 19 Chaque dpartement dispose dune Commission de protection de lenfance, charge de prendre des mesures concernant la protection de lenfance et dune Direction gnrale dassistance sociale et de protection de lenfant (Directia Generala de Asistenta Sociala si Protectia Copilului - DGASPC), charge de fournir des services concrets dassistance sociale et protection de lenfance en difficult. Au niveau municipal on trouve les services dassistance sociale.

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    en place dactions plus amples. Ainsi, le programme de Prvention des risques de la migration des enfants dans le pays dOas , initi par La Fondation roumaine pour lenfant, la communaut et la famille (Fundatia Romana pentru Copii, Comunitate si Familie - FRCCF), ne comporte pas uniquement un volet informatif sur les risques auxquels sont exposs les enfants, mais essaye doffrir quelques alternatives pour ceux qui envisagent de quitter le pays, matrialiss par louverture de centres de jour qui accordent un suivi individualis aux enfants en difficult20. Le nombre dinitiatives de ce type, dploys dans plusieurs rgions du pays, est de plus en plus ample, et la rponse apporte lenjeu de la prvention des dparts, dune efficacit considrable. Nanmoins, les interventions se droulent dune manire trop clate et appellent un renforcement de la coordination des intervenants. Et notamment, malgr leur dvouement, lmergence dune vritable politique dinsertion et de lemploi ne peut dpendre que de ltat. Car pour la plupart des enfants en qute du mirage de lOuest, lcole, ce premier lieu dinsertion sociale, est achev au bout de huit annes de scolarit obligatoire, sans aucune qualification professionnelle et sans aucune prparation pour leur futur dadultes. Il est important de prciser que dans les zones rurales, la possibilit de suivre une formation professionnelle, si elle existe, est limite une filire menuiserie pour les garons et une filire - couture pour les filles. Or les mtiers auxquelles elles prparent ne sont pas forcement en concordance avec la demande de main duvre, tout comme elles ne le sont pas forcement avec les intrts des jeunes. De plus, les habitants de nombreux villages se trouvent loigns des lyces situs en ville et les moyens de transport sont peu adapts, voir inexistants21. Cela explique pourquoi beaucoup dlves arrtent leurs tudes 16 ans. Il devient ainsi impratif de diversifier le choix de formations, dautant plus quil y a des domaines qui souffrent actuellement en Roumanie dun fort dficit de main duvre, d aux dparts massifs dadultes ltranger22.

    20 En 2006 un premier centre de jour, fonctionnant sur le principe des classes relais, a t ouvert Gherta Mica, une commune du pays dOas, par la FRCCF, en partenariat avec la Mairie locale et le Ministre franais des affaires trangres. Dans le mme esprit, en janvier 2007, un partenariat avec le Service de Protection Sociale du dpartement de Satu-Mare, a permis la mise en place dun projet dassistance spcialise pour les enfants dfavoriss, par lintermde de deux nouveaux centres de jour. Dans ces centres les enfants bnficient dune assistance mdicale et psychologique, ainsi que daides aux devoirs, et sont impliqus dans de diverses activits de socialisation et dorientation vers une formation professionnelle. Un important soutien est apport aux familles de ces enfants, tant sous la forme de conseils sur les droits et le dveloppement de lenfant, que par un accompagnement dans les dmarches de recherche dun travail. 21 Par exemple, un enfant scolaris dans le collge de Gherta Mica, le village dOas susmentionn, doit se rendre la ville de Negresti pour suivre une formation au lyce, ou une formation professionnelle. Or les horaires de bus pour se rendre au lyce ne correspondent pas aux horaires scolaires, et le cot de rsidence en internat est rdhibitoire pour les parents, souvent en situation de prcarit (BIGOT Rgis, Le parcours de mineurs isols Roumains suivis par Hors la Rue et pris en charge par lAide Sociale lenfance de Paris, dcembre 2006, p. 14, www.horslarue.org.) 22 On peut inclure dans cette catgorie les mtiers du btiment (maonnerie, menuiserie, plomberie, installation lectrique, peinture), de lhtellerie et de la restauration, ainsi que les domaines sanitaires ou sociales.

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    A dfaut de solutions leur permettant denvisager la construction dun projet de vie, les plus tmraires et les plus dsespres quittent la Roumanie. Certains le font de leur propre chef, mais beaucoup sont confis ou vendus par leur familles des rseaux qui les exploitent 23. Ils sinstallent dans la mobilit, avec ces rseaux fonctionnant comme un systme ducatif parallle.

    B. Lintrt suprieur de lenfant, entre accueil et renvoi

    Concernant les mineurs roumains non accompagns, qui se trouvent en errance sur le territoire franais, deux possibilits souvrent leur gard : lintgration dans le pays daccueil ou le retour au pays dorigine. On verra par la suite que la prise en charge au titre de la protection de lenfance permet de faire adhrer les enfants une alternative la rue et la dlinquance (1), tandis que le retour digne et scurisant prend dans la pratique le visage dune prvention situationnelle qui fait fi de lintrt suprieur de lenfant, requis pour tout choix concernant les mineurs24 (2).

    1) Le rle des acteurs civiques dans la prise en charge des mineurs errants sur le territoire franais

    Invariablement, on constate, ici encore, le rle remarquable de lintervention associative, supplant aux dficiences des institutions par une dimension humaine. Dans limbroglio de la coopration intertatique, les pratiques du secteur associatif ont prcd linitiative des reprsentants officiels. Lnergie et le dvouement des acteurs de terrain ont abouti structurer la prise en charge et la protection des enfants roumains en difficult sur le sol franais. En mars 2002, lassociation Parada a dmarr un programme pilote, dans un contexte o aucune administration ne prenait encore de mesures concrtes en rponse la prsence massive denfants dans les rues en France25. Aprs une premire dmarche dvaluation et comprhension du phnomne et de son contexte, lassociation a mis en place un programme de reprage et de soutien aux mineurs trangers, isols et en situation derrance Paris et en rgion parisienne. Intitul Rues de Paris , ce programme fut cr pour rpondre aux difficults particulires des enfants roumains, tenant compte de la spcificit de leur situation. On se rend compte, en nous rapportant lactivit de cette association, pourquoi la mise en confiance et llaboration dun tel lien sont un atout l o le contrle social et les rponses rpressives sont impuissantes. Le reprage, la revalorisation, la mise en confiance, et laccompagnement des jeunes dans un projet de sortie de rue sont les concepts cls de lapproche de lquipe de

    23 ASSOCIATION PARADA FRANCE, Programme oprationnel Rues de Paris , Aide aux mineurs isols trangers, Rapport dactivits mars 2002-mai 2003, p. 3, www.horslarue.org. 24 Aux termes de larticle 3 de la Convention des droits de lenfant, dans toutes les dcisions qui concernent les enfants, quelles soit le fait des institutions publiques ou prives de protection sociale, des tribunaux, des autorits administratives ou des organes lgislatifs, lintrt suprieur de lenfant doit tre une considration primordiale . 25 Lassociation PARADA France, cre en 1996, est lorigine de lassociation HORS LA RUE, qui a repris en 2004 lactivit et les programmes en cours de droulement, sans aucune modification.

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    lassociation, qui base son action sur le travail de terrain, la proximit de jeunes26. Tout comme en matire dinformation sur les risques de la migration, lanimation se rvle tre un outil particulirement adapt, car il permet daccrocher les jeunes par un biais dtourn, sans aborder demble les sujets qui bloquent rapidement lentre en relation (identit, parcours, activits) 27. Transgressant le dfi que reprsente lentre en contact avec les jeunes tout en vitant de les mettre en danger par rapport aux adultes qui pourraient les surveiller, le rapport dactivit 2003 estimait 250 le nombre de jeunes concerns par ces actions, et ce pour la seule priode allant doctobre 2002 fin mai 2003. Depuis, les intervenants ne cessent duvrer pour entretenir une relation constante avec les jeunes roumains, par le biais de visites et animations dans leurs lieux de vie. Ils essaient galement de leur montrer des issues possibles leur situation et leur proposer un lieu dcoute, une sorte despace intermdiaire entre la rue et la sortie de rue 28 o les enfants peuvent rencontrer dautres jeunes, en phase de sortie de rue ou qui en sont dj sortis, ainsi que des ducateurs et psychologues qui peuvent leur faire bnficier dun suivi socio-ducatif, sils le souhaitent. La dmarche ducative est nanmoins complexe et dlicate. Car si les jeunes apprcient de participer aux activits proposes, ils gardent une certaine rticence aborder leur situation personnelle. Par ailleurs, on ne peut occulter lattrait conomique exerc sur certains jeunes par ces activits dlinquantes, synonymes de butin immdiat quils hsiteront abandonner en faveur dune scolarisation et dune formation professionnelle, dont les fruits ne se rcoltent qu plus long terme. Il sagit notamment de ceux qui se trouvent sous la protection dadultes malveillants et qui sont particulirement fragiles dans la phase suivante, quand un projet de prise en charge merge de la collaboration de lassociation avec les autorits chargs avec la protection de lenfance. Parmi les 418 mineurs isols, majoritairement roumains, suivis par Hors la Rue entre mars 2002 et aot 2005, 191 jeunes ont quitt la prcarit des squats et ont abandonn la vie derrance, prostitution, vol, mendicit, travail au noir quils menaient dans les rues de Paris. Les rsultats montrent quune fois pris en charge, sur le long terme, presque tous ces jeunes se sont investis dans leur formation, ont appris le franais, se sont intgrs dans leurs foyers ou dans leur famille d'accueil, ont fait preuve d'une grande motivation pour obtenir un diplme ou un travail et ont abandonn leurs activits illgales29. Alors quils

    26 Lquipe de terrain est constitue de huit travailleurs sociaux polyvalents, dont cinq parlent le roumain, un le romani, et connaissent le contexte socio culturel des bnficiaires, ce qui facilite le contact avec les jeunes et permet danticiper les difficults. 27 ASSOCIATION HORS LA RUE, Rapport dactivit 2004, p. 26, www.horslarue.org. 28 ASSOCIATION HORS LA RUE, Rapport dactivit 2004, p. 9, www.horslarue.org 29 Lenqute mene par Hors la Rue relve que, sur 100 de ces jeunes qui ont accept de participer ltude, seuls 5 ont eu, depuis leur prise en charge, des dmls avec la justice (pour des affaires de vol essentiellement). () Il est frappant de constater que, une fois pris en charge, 95% des jeunes on abandonn leurs activits illgales. Le changement de comportement est radical (BIGOT Rgis, Le parcours de mineurs isols Roumains suivis par Hors la Rue et pris en charge par lAide Sociale lenfance de Paris, dcembre 2006, p.1, www.horslarue.org)

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    gardent le contact avec leurs familles, la plupart souhaitent vivre et sinstaller en France, rares sont ceux qui dsirent rentrer en Roumanie.

    2) Un rapatriement inscrit dans une logique de prvention situationnelle

    L'intrt suprieur de l'enfant n'est pas ncessairement de rester en France, en particulier lorsque le mineur a sa famille en Roumanie. Il est ainsi lgitime, voire souhaitable de se poser la question du retour de lenfant au sein de sa famille, dans le pays dorigine. La Convention Internationale des droits de lenfant insiste particulirement sur la runification des familles et sur la ncessit de sauvegarder les liens familiaux. Mais le rapatriement peut aussi savrer dangereux pour lenfant. Il ne faut pas oublier que la migration des enfants roumains, en France ou ailleurs, est souvent le rsultat dune prise en charge dfectueuse par une famille dfaillante, voire dun mandat pour gagner de largent ltranger. Dans ces conditions, des prcautions srieuses doivent tre prises afin dviter que ces enfants ne soient victimiss une deuxime fois. Par consquent, avant toute dcision concernant le rapatriement, il convient de sinterroger sur les causes ayant motiv le dpart de lenfant, comme lexige dailleurs la Convention des droits de lenfant : Tout retour automatique denfants () sans rechercher les raisons pour lesquelles ils ont fui, sans alternative et sans protection, () est une pratique en conflit avec les normes et les principes de la Convention . Lintrt suprieur de lenfant, la non-discrimination, la survie et le dveloppement de lenfant, ainsi que la participation de lenfant tout stade de la procdure, doivent guider chaque pas du retour au pays. Dans ce but, un projet de retour doit tre labor en tenant compte de la situation de lenfant, au cas par cas, et mis en uvre ds son arrive. Il est trs important de donner place la parole de lenfant tous les stades de la prparation. Car dfaut de son adhsion au projet de retour, non seulement le rapatriement sapparente au refoulement et lexpulsion, mais entrane de graves risques. Une fois au pays, il nest pas rare que les enfants soient forcs de partir vers une autre destination o ils seront accueillis par une autre errance, une autre dlinquance. Le dveloppement des partenariats entre le pays dorigine et le pays de destination est indispensable lors de llaboration dun tel projet et doit favoriser le retour des enfants dans les meilleures conditions. Faire revenir les enfants roumains dans leur pays dorigine est en effet une proccupation dominante des facteurs de dcision en la matire, tant du ct franais, que du ct roumain. Les gouvernements des deux pays semblent tre convaincus que le rapatriement est la panace, nonobstant labsence avre dun accompagnement social appropri des enfants une fois rentrs en Roumanie. En ralit le programme de rapatriement30 mis en place en 2003 a gnr des rsultats modestes par-del

    30 Aux termes de lart. 2, alinas 4 et 5, le dispositif en question implique un processus se dcomposant en quatre phases : 1. Lidentification et la prise en charge des enfants se trouvant en situation disolement sur le territoire franais ; 2. La ralisation dune enqute sociale visant identifier la famille dorigine et les conditions ayant dtermin le dpart de lenfant, par lintermdiaire des autorits roumaines ; 3. Llaboration dun projet de retour au pays, dans la famille, dans une famille daccueil, ou

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    leffet dannonce de lpoque. Selon les autorits, une soixantaine de mineurs seulement aurait t rapatri31. Cest peu au regard des centaines, voire milliers denfants qui sjournent sur le territoire franais, sachant que nombre dentre eux naviguent rgulirement entre la Roumanie et la France. Plusieurs lments expliquent ce timide rsultat. Tout dabord, lattractivit du mirage de lOuest demeure inchange, du fait notamment du manque dinfrastructures ducatives dans certaines rgions de Roumanie, de sorte que le nombre de candidats au retour est considrablement rduit. Et lorsque des projets de retour volontaire sont envisageables, ils se heurtent au fonctionnement souvent difficile du programme susmentionn, li louverture tardive des foyers destins accueillir les enfants rapatris (le premier fut ouvert en juillet 2004), au nombre insuffisant des travailleurs sociaux, ainsi quaux retards considrables au niveau normatif (le dcret fixant la mthodologie de rapatriement et la protection spciale destine aux enfants roumains est entr en vigueur en septembre 200432). Madame Cristina Nicoara, procureur chef adjoint de la Section danalyse, tudes et questions concernant les mineurs, du Parquet auprs de la Haute Cour de Cassation et Justice, souligne lcart qui existe entre les intentions annonces et la ralit du terrain : Nous doutons qu ce moment la Roumanie soit prpare pour recevoir ces enfants, bien quil existe 12 centres de transit o ils pourraient tre logs jusqu leur rintgration dans la socit et dans leurs familles dorigine, l o cette opration savrerait possible. Le manque dune aide concrte, immdiate et suffisante de la part des autorits habilites, visant la rcupration et la rinsertion de ces enfants dans le processus dducation et denseignement fait que leur meilleure option leur retour en Roumanie est un nouveau dpart ltranger, cette fois ci utilisant une route diffrente, vers un autre pays de destination 33. Nonobstant le fait que les professionnels saccordent pour dire que le suivi des enfants sarrte aussitt aprs la remise des enfants leurs familles, laction des deux gouvernements montre une tendance de plus en plus prononce vers le protocole de rapatriement.

    une structure daccueil adapte, projet labor par le Conseil Dpartemental du lieu dorigine de lenfant, avec le concours de lAutorit Nationale pour la Protection de lEnfant et lAdoption ; 4. Lorganisation du retour, avec laccord de lenfant, assure par lOffice des Migrations Internationales, aprs la mainleve du placement judiciaire par le juge des enfants, suivi dun accompagnement ducatif en Roumanie, relaye par des ONG habilits, pendant une priode dau moins 6 mois, dans chaque cas, en vue de leur rintgration sociale. (Art. 2, alinas 4 et 5). 31 Linformation reste floue sur ce point : 59 selon des sources franaises, 69 selon des sources roumaines. 32 Hotarare nr. 1443 din 02.09.2004, privind metodologia de repatriere a copiilor romani neinsotiti si asigurarea masurilor de protectie speciala in favoarea acestora, M.O. nr. 873 din 24.09.2004. 33 Cristina NICOARA, Lvidence des dplacements ltranger des enfants roumains accompagns et non accompagns. Lassurance des mesures de protection sociale pour les enfants. Des non concordances qui imposent des modifications lgislatives, Intervention lors de la journe dtudes intitule Modles de prvention de la criminalit dans le monde contemporain , Bucarest, 21-26 septembre 2006.

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    Un nouvel accord franco-roumain visant notamment augmenter le nombre de mineurs isols roumains renvoys de France, conclu le 1er fvrier 2007 Bucarest, suscite l'inquitude des magistrats, des associations et d'autres acteurs de la protection de l'enfance. Les critiques portent sur le pouvoir accord au parquet de lancer la procdure de rapatriement, dcision qui appartenait auparavant exclusivement au juge des enfants. Cette monte en puissance du parquet lui permet dsormais dautoriser le rapatriement, sil estime, au seul vu des donnes fournies par la partie roumaine, que toutes les garanties assurant la protection du mineur sont runies34. En effet, cet accord ne touche pas le fond du problme, tout comme le premier dailleurs, mais ouvre la voie, sous couvert de protection, vers lexpulsion pure et simple des mineurs isols trangers vers leur pays dorigine. La question de lintrt suprieur de lenfant, qui nest mme pas aborde directement par ces textes, reste en suspens, alors quun bilan objectif des quatre annes dapplication de laccord de 2002 aurait montr la ncessit damliorer la qualit de la prise en charge des mineurs en Roumanie avant de sacharner multiplier les possibilits de rapatriement non volontaires. La manire de rpondre aux difficults auxquelles sont confronts ces enfants semble relever plutt dune technique de prvention situationnelle, qui vise modifier les situations propices au passage lacte plutt que les facteurs tenant lindividu35. Agissant exclusivement sur la prsence des mineurs roumains sur le territoire franais, par le biais de cette procdure de retour non prpar, on arrive certes limiter les occasions favorables leur ventuelle dlinquance. Mais on arrive galement rorienter les enfants vers dautres destinations occidentales ou vers dautres activits. Telle fut lissue de laffaire des jeunes pilleurs dhorodateurs Paris. Croyant supprimer le dlit, ladministration a supprim les parcmtres, avec pour consquence immdiate de reconvertir les jeunes roumains dans dautres formes de vol et dans la prostitution. Le dbat public et les solutions apportes sont centrs quasi-exclusivement sur les questions scuritaires, alors quelles devraient porter essentiellement sur les solutions mettre en uvre dans le pays dorigine ainsi que sur les droits de lenfant dans la situation concrte l o il a t dtect. Lexprience dmontre que le fait de rflchir et dagir en termes d'intervention prventive, a plus des chances de favoriser un changement. Une autre catgorie de rponses la dlinquance des mineurs roumains en France se dessine bien videmment travers leur rencontre avec la justice pnale. A lvidence, sur un phnomne comme celui-ci, revtant une crise socitale et, de plus, une dimension internationale, le droit et la justice ne disposent pas de toutes les cls . Mais il leur appartient indissolublement dnoncer les valeurs et principes qui doivent guider laction des uns et des

    34 Communiqu de presse AFP du 8 fvrier 2007. 35 Vronique LEVAN, La prvention situationnelle dans lhabitat social : lettre dAmrique, Questions Pnales, dcembre 2005, p.1.

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    autres 36. Il est nanmoins difficile, face au repli sur soi mme de ces enfants, accentu par un contexte procdural marquant, daboutir crer lindispensable lien qui dtient la cl de la transmission de la valeur de la loi. Dautant plus quils ont une histoire et un parcours spcifiques qui les rendent mfiants et fuyants lgard des institutions.

    II - LECHEC CONSTATE DUNE POLITIQUE REPRESSIVE

    Force est de constater quen ce qui concerne la dlinquance des mineurs roumains sur le territoire franais, la rponse judiciaire se voit confronte un double dfi. Dun ct, la justice des mineurs semble prouver un sentiment dimpuissance face la rticence de ces mineurs, confus devant des mesures qui se veulent ducatives tout en commenant par tre punitives (A). Dun autre ct, il est difficile de mettre fin cette dlinquance sans agir lencontre des rseaux auxquels les mineurs sont soumis, ou sans crer le lien de confiance qui permettrait aux mineurs de smanciper de la pression des groupes dlinquants (B).

    A. Une justice des mineurs inadapte aux spcificits de cette dlinquance

    La tche des acteurs de la justice des mineurs savre ardue. Les enfants roumains sont dsorients par le modle ducatif quil leur est propos, en ce quil ne correspond pas leur faon dapprhender la seule rponse possible linfraction : linfraction entrane la sanction, la sanction mne en prison. Dautant plus que les premiers pas dans le systme judiciaire contribuent, par les vellits rpressives des rgles procdurales applicables, renforcer cet a priori. Du moment de linterpellation et jusquau jugement, le circuit judiciaire reprsente une source de confusion pour ces mineurs, qui seront encore plus mfiants et rfractaires aux mesures ducatives quon leur propose par la suite, ce que gnre un fort risque de glissement vers des rponses tournes vers lexclusion.

    1) Un chemin procdural dont la finalit est incomprise

    Le durcissement rsultant de lattraction progressive du droit pnal des mineurs par le droit pnal des majeurs est visible sur le plan des rgles procdurales applicables. Dpourvues, au fil de multiples rformes, de la spcificit due la minorit, elles ont un impact encore plus fort sur les enfants trangers isols qui, dbarqus dans un environnement hostile leurs yeux pour le simple fait quil est inconnu, manifestent une difficult accrue de comprhension de leur parcours judiciaire. Du ct des professionnels, la mconnaissance des ralits vcues et des ractions spcifiques de ces jeunes amplifie les effets du durcissement susmentionn. Le systme se rigidifie quand au contraire, il faudrait plus de souplesse dans l'accompagnement, pour assurer le succs des rponses apportes.

    36 Guy CANIVET, Intervention en ouverture des travaux de la journe dtudes intitule Mineurs trangers isols, un dfi relever, Cour de Cassation, le 28 janvier 2005.

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    Prenons par exemple le dfrement, procdure qui permet que la retenue37 ou la garde vue38 soit suivie dun dlai de maximum 20 heures dans les locaux de la juridiction o ils vont comparatre, compter de lheure laquelle la garde vue a t leve39. Cela fait que les mineurs concerns par cette dcision du procureur resteront la disposition des forces de lordre et ils seront conduits au tribunal o ils sjourneront plusieurs heures, voire une nuit entire, au dpt. Sajoutera un ventuel dlai de quelques heures entre le passage au parquet et celui devant le juge des enfants, pendant lequel les ducateurs du Service ducatif auprs du Tribunal (SEAT) rencontreront les enfants au dpt. Ils disposeront ainsi de trs peu de temps pour essayer de les rassurer, de leur donner un minimum de confiance afin de recueillir quelques informations sur leur situation et un ventuel accord pour une mesure daccueil dans un foyer, titre dassistance ducative. Car le rapport tabli par la suite, destin clairer le juge des enfants, devra mentionner tout renseignement utile sur la situation familiale, scolaire, sociale du mineur, et contenir une proposition ducative. Dans certaines juridictions cette procdure du dfrement est largement utilise. Visible, elle a le mrite denrichir les statistiques et de donner aux politiques, lopinion, aux victimes, lillusion dune rponse, si possible immdiatement oprationnelle. Les magistrats critiquent cette tendance de vouloir user au risque dabuser du dfrement . Comme lexplique Monsieur Jean-Pierre Rosenczveig, Prsident du Tribunal pour Enfants de Bobigny, Bobigny, le dfrement est roi : 1700 cas sur lanne 2005, 1850 en 2006, alors que 2007 est sur une base de plus 43% par rapport 200640. Systmatise pour certains types de dlinquance, cette pratique est difficilement supportable, tant pour le fonctionnement de la juridiction, que pour les jeunes concerns, qui arrivent devant la figure paternelle du juge des enfants compltement ttaniss41 et incapables de croire que, enfin, on veut les aider. La prparation de la rencontre avec le tribunal se droule dans le cadre dun rituel judiciaire intimidant, porteur des conditions qui tiennent compte dans une moindre mesure du contexte qui se cache derrire les faits, de lextranit, ltat de dveloppement et du repli sur soi mme qui caractrisent les mineurs roumains dlinquants rencontrs dans les tribunaux franais. Le processus judiciaire est dautant plus incomprhensible pour ces enfants, qui, ne parlant pas toujours la langue, et lexception des passages rapides des interprtes, se sentent broys par un fonctionnement procdural auquel ils ne comprennent rien. Les auditions multiplies devant des acteurs diffrents (policiers, avocats,

    37 Possible, titre exceptionnel, pour les mineurs de 10 13 ans, si la peine encourue est suprieure 5 ans demprisonnement (art. 4-1 de lOrd de 1945), pour une dure de 12 heures renouvelable une fois. 38 Le mineur de 13 moins de 16 ans peut tre plac en garde vue pour une dure de 24 heures, renouvelable une fois si le dlit est puni dune peine suprieure 5 ans, alors que le mineur de 16 18 ans peut tre gard vue pour 24 h, renouvelable une fois, sans condition de gravit (art.4-5 de lOrd de 1945). 39 Art. 803-3 CPP. 40 Jean-Pierre ROSENCZVEIG, Les rponses judiciaires aux jeunes dlinquants. Le traitement initial des procdures par le parquet, in Cours de droit pnal des mineurs , p.6, www.rosenczveig.com. 41 Propos dune avocate de permanence de Bobigny.

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    magistrats, ducateurs) qui rptent les mmes questions, sont autant des sources de confusion. Leur principale proccupation est dchapper au plus vite la prsence de tous ces adultes qui se succdent devant leurs yeux. Bien quil faille toujours prendre le portrait des jeunes avec une relative objectivit, et se garder de gnraliser, certains lments ressortent avec une telle vidence, quon peut dautant moins les ignorer quils offrent une rponse lchec de lintervention judiciaire. Lorsquils arrivent devant les professionnels de la justice, ces enfants ont dj dans leurs valises une longue histoire dinscurit relationnelle et de carences affectives. Leur univers est charg dadultes qui les ont dplacs dun endroit lautre, dans des conditions de vie de plus en plus pres. Non seulement ils nont pas connu de vritables relations scurisantes, mais encore aucune image dadulte ne sest impose leur mmoire comme repre, comme quelquun capable de leur offrir un contexte scurisant, stable et susceptible de leur permettre de se construire en tant quadultes. Ces difficults qui fondent la fermeture au contact avec les acteurs institutionnels, toute offre daide, sont accentues par les premires tapes du parcours judiciaire. Leur mutisme est souvent peru comme une preuve de mauvaise volont, alors quen ralit, la non demande provient dune longue chane de dceptions, ces enfants pensant quaucune rponse valable ne peut leur tre apporte par le monde des adultes. Sans vouloir suggrer llimination des procdures telles que la garde vue ou le dfrement, qui sont souvent inhrentes au circuit judiciaire, il conviendrait en revanche damliorer les conditions dexcution de ces mesures, par la gnralisation dune formation spcifique des intervenants et la mise en place dun accompagnement spcialis, qui donnerait plus de substance lintervention ultrieure du juge des enfants. Sorienter, par exemple, vers le secteur associatif spcialis dans le travail auprs des mineurs roumains isols, et dont la contribution, on la vu, est remarquable en matire de prvention et associer leurs efforts ceux des services de police, des ducateurs du SEAT, des magistrats, aurait le mrite de prparer le terrain pour les dmarches ducatives suivre, tout en donnant une meilleure connaissance du profil et de lhistoire de ces mineurs aux professionnels qui se trouvent souvent dmunis sur ce point. Assurer par la suite le suivi du jeune, lors de son parcours dans le milieu judiciaire permettrait de crer le lien dont le dfaut actuel voue lchec les dmarches avant mme quelles soient envisages.

    2. Une dimension ducative en manque dadhsion

    Tout au long du procs pnal des mineurs, juges et travailleurs sociaux ont pour objectif de faire en sorte que le jeune jug ne soit plus le dlinquant quil tait au moment de louverture de la procdure 42. A cette fin, une large gamme des mesures est offerte par lordonnance de 1945 pour assurer une prise en charge du jeune sur le plan ducatif, tout en rpondant aux impratifs lis

    42 Interview de Jean-Pierre ROSENCZVEIG, On chouera si on laisse reposer la paix sociale sur les seuls magistrats et policiers et mme sur les travailleurs sociaux, propos recueillis par Jean Luc RONGE, www.rosenczveig.com

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    lordre public et aux ncessits de lenqute. Sans dvelopper le contenu de ces mesures, on note la difficult den rendre les jeunes roumains rceptifs, surtout lorsquil sagit de ceux qui arrivent devant le juge des enfants suite un dfrement. Leur stratgie de refus et de repli sur soi est renforce par cet enchanement de rencontres judiciaires dont ils ne peroivent pas la porte. Il convient nanmoins de souligner certains aspects du placement, qui, mme en tant galement dlicat mettre en uvre, aboutit dans certains cas offrir aux mineurs roumains une alternative de vie et diminuer considrablement leur rcidive. Cette mesure est, aux yeux des professionnels, la mesure ducative la plus adquate lgard des jeunes dlinquants errants, sans domicile fixe et sans rfrent parental, tels que les mineurs roumains. Lloignement du milieu prcaire, des rseaux qui les exploitent, offre la possibilit dengagement dans un processus de transformation et lespoir de la reconversion de ces jeunes souvent ancrs dans une vie de dlinquance. Il faut avouer que cette vision est confirme par la pratique dans un nombre limit de cas, quand les jeunes acceptent de saisir lopportunit qui souvre eux. Le plus souvent ils la refusent totalement, car, ayant la base une vision ngative des institutions, ils sattendent recevoir une peine ferme et ont la tendance assimiler toute autre mesure une impunit. Le fait quon sintresse leur personne, le suivi ducatif, le placement dans un foyer daccueil, autant de termes qui les laissent perplexes43. Sajoute une forte dpendance leur entourage, les seules personnes quils connaissent et qui, leurs yeux, leur offrent une protection. Or, si les jeunes ne prennent pas conscience du sens du placement, de lalternative de vie qui soffre ainsi eux, sans quils y adhrent en toute responsabilit, lchec est imminent. Le placement dun mineur peut tre confi, la suite dune dcision pnale, soit un tablissement public de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) soit un tablissement associatif habilit cette fin. Le type daccueil nest pas identique, car souvent ces tablissements se spcialisent dans la prise en charge de certaines difficults. Linsertion dans des tablissements spcialiss, sous la forme de petites structures de 8 12 places, permettant la cohabitation avec dautres mineurs roumains, semble la formule la plus efficace pour aboutir ladhsion de ces enfants un autre mode de vie, lissue du parcours judiciaire44. Les

    43 Paola RIVA GAPANY, Les mineurs non accompagns, quelles solutions ?, in Dlinquance des jeunes et justice des mineurs : les dfis des migrations et de la pluralit ethnique , Ed. Bruylant, Bruxelles, 2005, p.249. 44 Un exemple en ce sens est le Service dAccueil des Mineurs Isols (SAMI), ouvert le 8 dcembre 2003 par lassociation Concorde. Situe Montfermeil, dans un quartier pavillonnaire, cette structure accueille des mineurs gs de seize dix-huit ans, majoritairement roumains. Tous ceux qui ont choisi de rester, depuis son ouverture, sont aujourdhui autonomes, ils travaillent et ont abandonn les activits dlinquantes. Courant fvrier 2008, 21 jeunes, dont 10 roumains y sont accueillis. Parmi eux, G.R., un jeune garon de 16 ans, arriv en France en 2005, qui vit ici depuis avril 2007, aprs avoir connu les squats de Nanterre et un mois de prison ferme pour vol. Prsent avec un ducateur du foyer en fvrier 2008 devant le Tribunal pour Enfants de Bobigny, suite un ajournement de peine avec mise lpreuve, il a bnfici dune dispense de la peine prononce, car il a respect les obligations lui revenant dans le cadre de son ajournement et a connu une insertion trs positive au sein du SAMI, o il est scolaris et prpare une formation de plombier.

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    jeunes, suivis et assists par les ducateurs, font lapprentissage des rgles de vie en collectivit, des aptitudes professionnelles ainsi que de la recherche et du maintien dun emploi. Comme le prcise Monsieur Jean Pierre Rosenczveig, ils ne sont ni tous des voleurs ni vous voler. Quand on arrive gagner leur confiance il est possible de les extraire de leur squat et des dangers dans lesquels ils se meuvent au quotidien pour survivre. A Montfermeil comme dans quelques autres lieux, en alliant moyens publics et associatifs, on sort ces jeunes de la dlinquance et on les amne une formation professionnelle solide 45. Malheureusement, pour les jeunes sur lesquels les adultes malveillants continuent exercer leur influence et une forte pression, le passage au foyer est rduit quelques heures voire une nuit maximum. Ils acceptent la mesure sachant quils pourront y chapper rapidement. Le risque est alors trs grand que pour une petite minorit de personnes, lon abandonne les principes de protection, dintgration, dducation, pour ne se rabattre que sur lobjectif de protection de la socit, et recourir ainsi au vieux rflexe scuritaire, mettant en avance la rpression, sous la forme de privation de libert. Nous assisterions ainsi la cration dune justice deux vitesses, une pour ces mineurs, qui font preuve de mauvaise volont, et une pour les autochtones, plus cooprants eux, gardant le fondement ducatif46.

    3. Une exclusion acheve en milieu clos

    Le principe pos par lordonnance du 2 fvrier 1945 reste valable : les peines ne se justifient quen cas dchec des mesures ducatives. Cependant, force est de constater quil y a des cas o la dimension ducative est rduite sa plus simple expression, quand les mineurs eux-mmes font dfaut , en ne se prsentant pas. Cela sera le cas pour nombre des enfants trangers isols sans domicile fixe et sans rfrant parental et, plus particulirement, pour la grande majorit des mineurs roumains entrs dans le circuit judiciaire. Dans certains cas ils auront t cits au parquet47, c'est--dire quen ralit ils nauront pas t informs de la date de laudience. La voie de lopposition leur sera ouverte en cas de condamnation et ils pourront demander tre rejugs en leur prsence. Si lors de cette nouvelle audience ils sont absents, la premire condamnation ne pourra qutre confirme et dfinitive. Il arrive galement que les jeunes, ayant t convoqus une audience dlai rapproch suite un dfrement, ne se prsentent pas la date qui leur a t communique, par peur dtre incarcrs, ou tout simplement parce que, une fois sortis du tribunal aprs la premire comparution ils pensent en avoir fini avec la justice. La sanction prononce en leur absence pourra tre purement formelle pour en terminer avec 45 Entretien avec Monsieur Jean-Pierre ROSENCZVEIG, Prsident du Tribunal des Enfants de Bobigny, le 21 mai 2007. 46 Jean ZARMATTEN, Jeunes migrants et justice des mineurs, La fin des ides ducatives ?, in Dlinquance des jeunes et justice des mineurs : les dfis des migrations et de la pluralit ethnique , Ed. Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 422. 47Aux termes de larticle 559 du Code de procdure pnale, si la personne vise par l'exploit est sans domicile ou rsidence connus, l'huissier remet une copie de l'exploit au parquet du procureur de la Rpublique du tribunal saisi .

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    laffaire mais elle peut aussi tre particulirement lourde. Du fait de cette absence de lintress, il sagit plus souvent de peines et non de mesures ducatives, qui se comptent en mois sinon en annes de prison ferme avec excution provisoire. La prochaine interpellation aura ainsi lieu dans des conditions diffrentes. Ils excuteront la peine quils auraient pu viter en se prsentant laudience de jugement. De la part des professionnels, il ne sagit pas de rechercher tout prix lincarcration de ces jeunes quils savent en difficult, mais de faire pression sur les rseaux dlinquants. Il est malheureusement vrai que certaines organisations recrutent les enfants afin de les utiliser pour des vols ou des recels, sachant que le droit pnal des mineurs accorde un traitement adouci, par rapport aux adultes, celui qui se fait prendre. Nanmoins, punir les enfants pour donner une leon ces rseaux nous semble une faon particulirement nocive de transmettre ceux qui les exploitent un subtile message du risque dincarcration immdiate en cas darrestation. Car le rsultat est bien souvent, tout comme en matire de prvention situationnelle, de remplacer les outils , de chercher dautres mineurs, souvent plus jeunes. Ayant connaissance de la sanction qui lui pse au dessus de sa tte , le jeune sera envoy vers une autre destination europenne ou il partira de son propre gr pour svir ailleurs, puisque les causes de cette dlinquance nauront pas t radiques 48. Tout comme ceux qui se trouvent incarcrs pendant quelque temps, ils seront remplacs rapidement car leur loignement gnre une baisse de production au sein de lorganisation. Il faut dpasser ces premiers constats qui conduisent trouver des solutions temporaires, pour faire cesser un scandale immdiat. Cest sans difficult que lon peut faire disparatre un mineur du paysage judiciaire, mais sans associer la mise sous crou avec des efforts de resocialisation, de formation aux valeurs de la loi et notamment la cration dun projet de vie auquel le mineur pourra saccrocher sa sortie, il ne sagira que dune autre maltraitance ajoute son parcours. Or ils se confronteront avec les mmes menaces et carences la sortie de prison, auxquelles ce sjour ajoutera forcement dautres. De surcrot, ce serrait illusoire de penser que le passage carcral aura un tel impact sur ses mcanismes de peur ou sur sa conscience que le jeune ne rcidivera pas. Aussi paradoxalement que cela puisse paratre, ces enfants semblent dsirer purger simplement la peine pour retrouver au plus vite leurs activits. Les dysfonctionnements gnrs par les impratifs lis la rapidit et au rendement, et limpuissance prendre en charge ces enfants facilitent le travail de rotation des rseaux, bien habiles eux sadapter aux obstacles et contourner les piges.

    B. Le dfi du dmantlement des rseaux dlinquants

    Parmi les jeunes partis de Roumanie on distingue les volontaires, les incits ou les forcs au dpart. Beaucoup sont confis ou mme vendus par la famille des

    48 Entretien avec Monsieur Jean-Pierre ROSENCZVEIG, Prsident du Tribunal des Enfants de Bobigny, le 21 mai 2007.

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    rseaux, ou des adultes qui les exploitent49. La frontire entre ces catgories est permable et en mouvance. Une fois arrivs en France, ils se retrouvent dans la rue, dans des immeubles abandonns, squats, ou caravanes, et deviennent la proie et linstrument des trafics, vols, recels, plus ou moins organiss par des adultes malveillants ou encore dautres jeunes plus gs. La majorit des jeunes nayant jamais vol en Roumanie, ils apprennent les ficelles du mtier avec les plus expriments et en font leur unique mode de survie. Enferms dans leur double statut de victimes et dlinquants, ils transgressent rarement la loi du silence, ce qui rend difficile le dmantlement des rseaux criminels qui les instrumentalisent (1). Sajoute lappartenance au groupe dlinquant, qui, en remplaant souvent une famille dfaillante, offre un espace pseudo protecteur et des possibilits de valorisation rapide. Anesthsis par la pression slective de ce groupe, le redressement et le choix du droit chemin semblent lointains (2).

    1. La pression des filires adultes dexploitation

    Les filires dexploitation des mineurs ne prsentent pas toujours la forte structuration caractrisant le crime organis, mais la nature et les logiques de fonctionnement se rapprochent ou se confondent parfois avec celles de systmes mafieux : loi du silence, menaces, soutien entre leurs membres, trafics des divers produits du vol, proxntisme. Ces rseaux sont, dans la plupart des cas, monts par deux ou trois personnes, de la mme nationalit et de la mme provenance gographique, qui recrutent et encadrent les jeunes, souvent avec laccord de la famille. Les jeunes sont sponsoriss par leur patron , et devront lui rembourser, en volant, parfois 1500 euros, parfois plus, pour saffranchir. Les mthodes denseignement sont renforces par des menaces et des violences et le temps que la dette soit acquitte, ils seront dj engloutis dans le systme, et leur formation professionnelle acheve. Lexploitation sexuelle des mineurs est un autre march trs rentable pour des adultes sans scrupules. Apparue initialement comme une reconversion professionnelle aprs linstallation Paris des horodateurs carte, elle a marqu un passage progressif des enfants dlinquants vers lexploitation sexuelle, montrant, une fois de plus quils sont de simples marionnettes entre les mains dadultes, qui changent, leur gr, leur emplacement lucratif ou gographique. Pour uvrer plus efficacement contre ces rseaux, dont on parle beaucoup mais quon rencontre rarement dans les tribunaux, il faudrait dabord faire reconnatre par les autorits, dans leur ensemble, que la question dpasse le champ de la dlinquance des enfants. Encore faut-il pour cela cesser dattendre que lincarcration ou le retour au pays de ces derniers dissuade les adultes se trouvant derrire la scne pnale. Or, en ce qui concerne les recels, par exemple, on se contente souvent d'une procdure ponctuelle, sans remonter les filires dadultes et avoir ainsi une approche plus globale de la situation des mineurs commandits.

    49 ASSOCIATION PARADA FRANCE, Programme oprationnel Rues de Paris -aide aux mineurs isols trangers, Rapport dactivits mars 2002-mai 2003, www.horslarue.org, p.8.

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    La Brigade de protection des mineurs de la Direction de la police judiciaire de la Prfecture de Police de Paris, a non seulement une mission de protection des mineurs en situation de danger, mais galement de rpression lencontre des auteurs des infractions sur les mineurs. Depuis la cration du Groupe de liaison oprationnel franco-roumain en 200250, compos de reprsentants judiciaires, policiers et travailleurs sociaux des deux pays, la Brigade y participe activement. Selon Madame Yvette Bertrand, ce Groupe oprationnel permet un change de renseignements rapides et a un rle important jouer dans le dmantlement des filires51. Bien videment, la difficult de traiter ce type dinfractions, dans lesquelles les mineurs sont impliqus comme acteurs de lavant scne, rside essentiellement dans laccs aux informations permettant louverture dune procdure judiciaire. Il est trs rare que les mineurs parlent et dvoilent les noms de leurs patrons . Deux axes de travail ont t entrepris, concernant des affaires dans lesquelles les mineurs taient utiliss des fins infractionnelles. Dune part, sont viss des affaires de provocation directe de mineurs commettre des crimes et dlits (art.227-21 CP) et dune autre part des affaires de proxntisme (art.225-5 et suiv. CP). Dans le premier cas, il sagissait des filires dadultes qui obligeaient les mineurs voler et leur remettre le butin. Plusieurs affaires ont pu tre inities grce des tmoignages denfants qui se sont dcid rvler lexploitation quils subissaient. Un travail de surveillance, filature et didentification des mineurs victimes, mais surtout des majeurs auteurs est men en coopration avec les policiers roumains. Cest ainsi, suite aux rvlations de deux mineurs roumains, quune opration qui sest droule en 2003 dans un camp Saint Denis a permis de trouver sur place une trentaine denfants amens en France par leurs familles et confis des adultes sans aucun lien de parent (33 personnes ont t mis en cause). Quant lexploitation sexuelle des mineurs, la Brigade mne un travail daudition, afin de collecter un maximum dinformations sur leurs habitudes quotidiennes, les htels les hbergeant, ou bien les lieux o ils rencontrent les clients. Des poursuites ont t engages lencontre de ces derniers (49 en 2003 et 48 en 2004), ainsi qu lencontre des htels qui les accueillent avec les mineurs. En revanche, identifier les adultes qui en tirent profit est un combat plus difficile. En avril 2003, il a t constat que des jeunes filles en provenance dune mme rgion de lest de la Roumanie (le dpartement Braila), se prostituaient dans les mmes lieux, en rgion parisienne. Aprs plusieurs passages la Brigade de la protection des mineurs, suivis dun travail de mise en confiance, lune dentre elles sest dcide rvler tre venue en France aprs avoir rencontr un homme qui lui a promis un travail bien pay dans un bar

    50 Art.3, alina 2 de lAccord franco-roumain du 4 octobre 2002. 51 Yvette BERTRAND, La lutte contre les filires dexploitation des mineurs trangers isols, Intervention lors de la journe dtudes intitule Mineurs trangers isols, un dfi relever , Cour de Cassation, le 28 janvier 2005, Les annonces de la Seine, Supplment au numro 61 du jeudi 5 octobre 2006, p.14.

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    parisien. Aprs seulement quelques jours dans un campement de la rgion parisienne, elle a t contrainte de se prostituer sur Paris. Son tmoignage a t suivi par celui de deux autres filles et dun travail de filature et didentification des proxntes, en liaison avec les policiers roumains du GLO. Un rseau de proxntes, appartenant une mme famille, en provenance de la rgion Braila a pu tre ainsi dcouvert. Par la suite, 250 personnes prsentes dans un camp Saint-Denis furent contrles, et 7 proxntes clairement identifis, ainsi quune quinzaine des filles prostitues52. Ces affaires ne peuvent tre menes vritablement que si la poursuite des investigations est continue en Roumanie, tant donn que les adultes passent trs facilement et trs frquemment dun pays lautre, mais pour la plupart, ceux-ci ou leurs profits se retrouvent finalement en Roumanie. Madame Yvette Bertrand regrette que les suites judiciaires soient variables et dpendent beaucoup de la bonne volont des parquets locaux de poursuivre les dlinquants sur leur territoire . Dautres mthodes ont t envisages pour parvenir anantir les filires qui oeuvrent derrire les mineurs. Par ricochet et sans beaucoup des chances de russite, semble-t-il. Ainsi, dans un dsir de renforcer son action contre les rseaux organisateurs des trafics de mineurs, la section des mineurs et de la famille du parquet gnral de Paris a recommand, en 2004, un nouveau mode opratoire aux associations concernes par la prise en charge des mineurs errants, savoir le signalement systmatique des mineurs au Parquet. Le parquet vrifie alors si le jeune est connu des services, et agit selon le cas : placement en urgence, simple dlivrance dun rcpiss davis de prise en charge, demande dge osseux, ou saisine du juge des enfants. Cela prsente, certes, lavantage de centraliser linformation et davoir une meilleure ide du nombre de jeunes sur Paris, mais namliore en rien la lutte contre les rseaux. Au contraire, en confrant aux associations une sorte de mission de police, leurs efforts de mise en confiance des jeunes sont anantis, et la prise en charge de ces derniers devient impossible. Ces exemples mettent en lumire, une fois de plus, limportance du travail de mise en confiance des mineurs exploits. Sans leur parole, il est trs difficile, voire impossible, daccder des informations prcises sur lactivit des rseaux, du fait de leur organisation peu visible la surface, et de leur forte mobilit. Et leur donner la parole, les aider raconter leur histoire, nommer les adultes faisant partie dun rseau, et leur offrir une protection efficace, signifie avant tout leur permettre de se voir reconnatre en tant que victime 53. Bien videmment, la mise en confiance est le premier pas, mais sans lappui dune plus forte mission policire, les rsultats sont faibles. Les dploiements de moyens, humains et financiers, ncessaires pour le droulement dune opration, sont normes et pas toujours compatibles avec les disponibilits. La mentalit, la lente prise de conscience de la qualit de victime, une action insuffisante aux

    52 Yvette BERTRAND, article prcit p.15. 53 Yvette BERTRAND, article prcit, p.15.

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    sources , en Roumanie, sont autant de facteurs propices aux trafiquants. Selon une analyse effectue par la Fondation Terre des hommes sur la situation des mineurs isols en provenance de Oas, peu de moyens sont attribus dans la rgion la lutte contre le crime organis 54. Et si la partie roumaine du GLO voquait des rsultats excellents de cette collaboration bilatrale, en invoquant des donnes statistiques et lintention de la partie franaise de renouveler laccord ayant fond ce groupe de travail55, on constate que les mineurs sont toujours prsents en avant scne, toujours aussi silencieux et soumis lencadrement des adultes dont la trace est facilement dissimule. La diminution allgue sexplique essentiellement par les plus frquentes arrestations des mineurs isols dans les rues de Paris, qui ont fini par gnrer une volution de la mobilit et des pratiques.

    2. Lornire de lappartenance au groupe dlinquant

    Lorsque le contexte ngatif perdure, les amis ou les adultes du squat deviennent les seuls repres et acteurs de transmission des valeurs et les enfants trouvent au sein de ces groupes un espace pseudo protecteur pour la personnalit 56. Llection et lintgration de groupes dappartenance viennent sassocier une dlinquance de survie et le fait dagir en groupe, altre la perception de la gravit des faits, tout comme la conscience dune responsabilit personnelle. Lactivit de terrain de lassociation Hors la Rue dcrit, parmi les jeunes rencontrs la sortie des commissariats, une catgorie particulire : des jeunes totalement isols, parfois accompagns dun cousin , mais pas dadulte rfrent. Ce sont des jeunes du milieu urbain, originaires de Bucarest ou Ploiesti, souvent amens par dautres jeunes ou des adultes. Certains sont en France depuis plusieurs annes, amens par des adultes leur promettant un travail et contraints, souvent violement voler pour eux, afin de rembourser leur voyage. Smancipant petit petit, ils trouvent difficilement le travail dont ils rvaient au dpart et continuent les activits illgales qui, jusque-l leur assuraient la survie. Une fois la formation accomplie, quelques-uns sont rentrs en Roumanie puis revenus en France leur compte, ramenant avec eux dautres jeunes dans le but affich de voler. Ils se logent chez des amis ou lhtel, selon leurs revenus, vivant en bande dune faon plus au moins soude au gr des tensions internes57. Ds que les biens vols sont un peu encombrants ou difficiles couler 58, diffrents circuits de recel sont organiss entre les jeunes, entrants ainsi dans le jeu typique dun rseau. Les plus gs ont lexclusivit sur des vols plus importants, comme les vols de voiture, et les petits auront le plus souvent la

    54 FONDATION TERRE DES HOMMES, LA VOIX DE LENFANT, PARADA, Mineurs isols dOas en France : Analyse de situation en vue dune intervention de prvention, 2003, p.24. 55 Daniela Eugenia BADICA, Aspecte generale ale activitatii Grupului operational de legatura romano-francez, Drepturile minorilor, n1/2006. 56 Roland COENEN, duquer sans punir, Une anthropologie de ladolescence risques, Ed. Eres, Ramonville Saint Ange, 2004, p.121. 57 ASSOCIATION HORS LA RUE, Rapport dactivit 2004, p.23, www.horslarue.org. 58 Catherine BLATIER, La dlinquance des mineurs : Lenfant, le psychologue, le droit, Ed. PUG, 2002, p.140.

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    charge des recels. Consciemment ou pas, les jeunes dlinquants appliquent la recette de leurs anciens chefs. On ne rencontre pas une vritable structure prsentant une organisation prcise, mais plutt des agissements impulsifs, sans une longue prparation. La dimension conomique est trs forte, et ce qui peut tre oppose la dlinquance, savoir la scolarisation et la formation professionnelle, nest gnralement pas peru comme une alternative intressante. Ces jeunes ont