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Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0)

http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

UNIVERSITE  CLAUDE  BERNARD  –  LYON  1  

FACULTE  DE  MEDECINE  LYON  EST

 

Année  2015  –  N°  

Le délire inaugural tardif du sujet âgé :

influence de la personnalité et impact

des événements de vie.

A partir d’une étude cas/témoins.

THESE

Présentée à l’Université Claude Bernard Lyon 1

et soutenue publiquement le 27 mai 2015

pour obtenir le grade de Docteur en Médecine

par

Nina BIANCOLLI

Née le 14 juillet 1986 à Orléans (45)

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Le Serment d'Hippocrate

Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la Médecine.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination.

J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité.

J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance.

Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au dessus de mon travail.

Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.

Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne provoquerai délibérément la mort.

Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission.

Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d'opprobre et méprisé si j'y manque.

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REMERCIEMENTS

Aux membres du jury

Monsieur le Professeur Thierry D’Amato, vous me faites l’honneur de présider mon jury de thèse.

Votre disponibilité pour les internes, ainsi que la qualité de votre enseignement sont des éléments

pour moi essentiels. Je vous remercie pour ce solide apprentissage que vous m’avez transmis et vous

adresse mon profond respect.

Monsieur le Professeur Emmanuel Poulet, merci d’avoir accepté de juger mon travail de thèse. Par

l’intermédiaire de vos cours et de vos interventions magistrales, j’ai pu bénéficier de vos qualités

pédagogiques et admirer votre vif intérêt clinique et vos considérables travaux de recherche. Soyez

assuré de ma gratitude.

Monsieur le Professeur Pierre Krolak-Salmon, je suis très honorée que vous acceptiez de juger mon

travail de thèse. Votre présence représente les pratiques médicales gériatriques et permet de tisser des

ponts avec la psychiatrie du sujet âgé. Merci d’apporter ce regard transversal nécessaire, soyez assuré

de ma profonde considération.

Monsieur le Docteur Jean-Michel Dorey, je te remercie d’avoir accepté de diriger ce travail de thèse

avec enthousiasme. Tes remarques et tes conseils pertinents, ton écoute attentive et tes

encouragements ont été déterminants. Lors de mon passage par le stage de la consultation-mémoire,

j’ai également eu le privilège de bénéficier de ton intérêt et de ta solide expérience dans ce vaste

domaine. Je t’adresse aujourd’hui mes remerciements et ma reconnaissance pour ta confiance pour les

projets passés ainsi que pour ceux à venir.

Madame le Docteur Florence Dibié-Racoupeau, je vous remercie d’avoir accepté de poser votre

indispensable regard clinique sur ce travail de thèse. Votre approche profondément riche et humaine

de la clinique du sujet âgé est pour moi un exemple. La formation de qualité dont j’ai pu bénéficier au

cours de mon internat m’a été permise par votre implication dynamique dans les différents

apprentissages théoriques. Soyez assurée de ma très profonde admiration. C’est aujourd’hui un

honneur et un plaisir de revenir exercer sur le pôle de psychiatrie du sujet âgé de l’hôpital Saint-Jean-

de-Dieu pour lequel vous avez tant fait. Je vous suis grée de la confiance et de la transmission que

vous m’avez accordée.

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A tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ce travail,

A Catherine Padovan, Docteur en psychologie, pour ta collaboration à ce travail de recherche et ton

entière participation à l’analyse statistique. J’ai apprécié tes conseils et ta disponibilité de poids et te

remercie pour cette aide précieuse.

A tous les médecins et soignants des centres hospitaliers du Vinatier et de Saint-Jean de Dieu, merci

d’avoir participé aux recrutements préliminaires.

A toutes celles et ceux qui ont distribué les auto-questionnaires à travers la France, merci.

A Mesdames Agnès Belmer, Liliam Mirquez, Sylvana Moreau et Denise Siraud, bibliothécaires aux

centres de documentation des centres hospitaliers du Vinatier et de Saint-Jean de Dieu, pour votre

aide précieuse dans les recherches bibliographiques.

A mes relecteurs, merci pour vos avis et votre patience.

Enfin et surtout, à tous les patients qui ont accepté ces rencontres, pour la qualité et la richesse de nos

échanges. Et à toutes les personnes qui ont bien voulu prêter leurs réponses anonymes à ces auto-

questionnaires, et sans qui ce travail n’aurait pu aboutir. Merci.

A mes collègues,

A Nicolas Janaud, pour ton accompagnement pendant ces derniers mois riches en émotions et pour

tout ce que je n’étais pas venue chercher à Renoir. Merci d’avoir suscité les réflexions, guidé les réponses et

amorti les déconvenues. Ta présence et ton regard éclairé m’ont été précieux durant cette transition

d’interne à homologue au milieu des écureuils. Tu as contribué à solidifier les bases de mon identité

professionnelle et je te dois beaucoup. Je te dédie la troisième partie de ce « petit livre rouge »,

compromis entre tout et rien composé à tes côtés. Et surtout ne jamais s’arrêter de penser, d’écrire…

et de compter.

A Délia Hidalgo, pour ton écoute attentive et chaleureuse, pour ta relecture avisée et la pertinence de

tes conseils (je te dois toujours un paquet !). A Marion Lyoen, pour notre duo de choc en période de

vacances et pour ta disponibili-thé, notamment celle du vendredi soir… En espérant faire perdurer

nos échanges hors-les-murs. A toute l’équipe infirmière de Renoir au grand complet, j’ai pu admirer

votre implication et votre capacité à vous mobiliser en toutes circonstances, même les plus difficiles,

pour vous mettre au service du sujet âgé. Ce stage aura permis de nourrir bon nombre de réflexions

pour la suite. J’emporte précieusement le téléphone rouge avec moi, pour que les liens humains et les

ponts entre institutions perdurent. Merci pour cet apprentissage et bonne route !

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Au Dr Blandine Perrin, j’ai pu apprécier vos qualités humaines, le dynamisme et l’implication

professionnelle que vous mettez au service du pôle de psychiatrie du sujet âgé et de l’institution

psychiatrique, soyez assurée de ma profonde considération.

A toute l’équipe des CMP pour personnes âgées de Décines et de Villeurbanne.

Merci à Françoise Guingand, pour ton accompagnement de poids dans cette découverte de la

gérontopsychiatrie ambulatoire. La pertinence de ton regard clinique, ta constance sage et protectrice

ont fait de ce terrain de stage une expérience aussi solide que fertile. Une pensée pour toutes les

infirmières, les secrétaires et assistantes sociales, pour ces bons moments parmi vous.

A toute l’équipe soignante de Clos Layat II pour le cadre de travail que vous m’avez fourni à deux

reprises, volontaire et professionnel, serein et accueillant, m’ayant permis d’acquérir autonomie et

initiative. Au plaisir de vous retrouver tous très bientôt ! A Véronique Chavane, merci pour ton

soutien et ta disponibilité souriante, pour ce solide apprentissage théorique que tu m’as légué pour la

suite, ainsi que pour tous les prémices d’une vocation germée à ton contact.

A toute l’équipe d’Ulysse, qui fait de l’accompagnement et du soin de ces adultes en devenir, sa

priorité. Merci à Dorothée Charvet, pour ton accueil bienveillant et ton envie de transmettre la

richesse de tes connaissances, même à des heures très tardives ! Ce stage à vos côtés m’a permis de

découvrir la passionnante mais mobilisante psychopathologie de l’adolescence, il a aiguisé ma

curiosité clinique et restera un souvenir remarquable de ma formation. Une pensée émue pour toute

l’équipe infirmière, aussi dynamique que chaleureuse.

A l’équipe médicale et infirmière du CMP/HDJ de Tassin, pour cet apport clinique considérable sur

la prise en charge groupale et la psychiatrie ambulatoire de crise. Et pour cette ambiance conviviale,

en souvenir de tous ces repas de midi parmi vous.

A l’équipe de périnatalité à l’HFME, m’ayant permis de prendre conscience de l’enjeu fondamental

des interactions précoces, et ce jusqu’à la fin de vie.

A toute l’équipe soignante de l’unité Bel-Air du Vinatier. Merci pour cette première découverte d’une

psychiatrie institutionnelle profondément humaniste et riche de sens.

A l’équipe médico-infirmière de l’UMA, pour cette plongée initiatique dans la psychiatrie d’urgence,

m’ayant permis de constituer des acquis solides pour après. Une pensée toute particulière pour

Claude-Aline Largeron, guide passionnant et soutien indéfectible de ces débuts d’interne.

Au Dr Gilles Gruel du CHS Daumezon à Fleury-les-Aubrais, pour avoir accueilli mes premiers pas

d’externe, décisifs pour la suite.

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TABLE DES MATIERES

ABREVIATIONS 4

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : LE DELIRE TARDIF DU SUJET AGE, ASPECTS HISTORIQUES,

CONCEPTUELS ET EPIDEMIOLOGIQUES 8

I. LE DELIRE : EVOLUTION D’UN CONCEPT A TRAVERS LES EPOQUES ............................................. 9 A. DE L’ANTIQUITE AUX TEMPS MODERNES .................................................................................... 9 B. EPOQUE CONTEMPORAINE ...................................................................................................... 10 1. L’aliénation mentale : naissance de la psychiatrie clinique ................................................... 10 2. D’une à plusieurs maladies mentales : l’âge d’or de la sémiologie ....................................... 11 3. L’ère des grandes structures psychopathologiques et de la psychiatrie moderne ................ 12 C. CONSIDERATIONS GENERALES MODERNES ............................................................................... 13 1. Définitions actuelles .............................................................................................................. 13 2. Approche descriptive et sémiologique .................................................................................. 14 3. Analyse catégorielle .............................................................................................................. 15 II. LE DELIRE INAUGURAL TARDIF : CONSIDERATIONS EPISTEMOLOGIQUES ET NOSOGRAPHIQUES . 16 A. CONTRAINTES DIAGNOSTIQUES ............................................................................................... 16 1. Le concept d’adultomorphisme ............................................................................................. 16 2. Imprécisions terminologiques ................................................................................................ 16 3. Absence de considération des réalités psychopathologiques liées à l’âge ........................... 17 B. UNE ENTITE TRANSNOSOGRAPHIQUE ....................................................................................... 18 1. Pathologies psychiatriques chroniques ................................................................................. 18 2. Hors du champ des pathologies psychiatriques chroniques ................................................. 24 C. PLACE DE L’APPROCHE STRUCTURALE ..................................................................................... 25 III. UN CONTEXTE CLINIQUE PARTICULIER : REVUE DE LA LITTERATURE ET EPIDEMIOLOGIE .......... 27 A. PREVALENCE ET CARACTERISTIQUES SOCIODEMOGRAPHIQUES ................................................ 28 B. SPECIFICITES GERIATRIQUES .................................................................................................. 30 1. Rôle du déficit sensoriel ........................................................................................................ 30 2. Impact de la désafférentation sociale .................................................................................... 31 C. ROLE DU TERRAIN ET DE L’HISTOIRE DE VIE .............................................................................. 32 1. Antécédents psychiatriques familiaux ................................................................................... 32 2. Influence de la personnalité .................................................................................................. 33 3. Impact des événements de vie ............................................................................................. 35 IV. PISTES DE REFLEXION ........................................................................................................... 37

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DEUXIEME PARTIE : ETUDE DU ROLE DU TERRAIN ET DES FACTEURS DE STRESS

SUR LE DELIRE INAUGURAL TARDIF DU SUJET AGE 38

I. INTRODUCTION ........................................................................................................................ 39 II. MATERIEL ET METHODES ........................................................................................................ 40 A. POPULATION PARTICIPANTE .................................................................................................... 40 B. OUTILS DIAGNOSTIQUES .......................................................................................................... 41 1. Intérêt et détail des tests psychométriques ........................................................................... 41 2. Etude de la personnalité ....................................................................................................... 42 III. RESULTATS .......................................................................................................................... 44 A. CARACTERISTIQUES SOCIODEMOGRAPHIQUES ......................................................................... 44 B. ANALYSE DE LA PERSONNALITE ............................................................................................... 45 1. Dimensions de personnalité BIG FIVE .................................................................................. 45 2. Troubles de la personnalité pathologique ............................................................................. 46 C. ANALYSE LONGITUDINALE : RETOUR SUR L’HISTOIRE DE VIE ...................................................... 48 1. Antécédents psychiatriques familiaux ................................................................................... 48 2. Antécédents psychiatriques personnels ................................................................................ 48 3. Evénements de vie ................................................................................................................ 49 D. FORMES CLINIQUES ET SEMIOLOGIE ........................................................................................ 50 1. Symptomatologie délirante .................................................................................................... 50 2. Corrélation avec les dimensions de l’échelle BFI .................................................................. 51 3. Désafférentation sensorielle et sociale ................................................................................. 52 4. Dimension dépressive ........................................................................................................... 52 IV. LIMITES METHODOLOGIQUES ET PERSPECTIVES ..................................................................... 53 A. BIAIS DE L’ETUDE ET DIFFICULTES RENCONTREES .................................................................... 53 B. VERS UNE APPROCHE PLUS SPECIFIQUE DE L’AGE .................................................................... 54 V. DISCUSSION GENERALE .......................................................................................................... 56 A. UN TERRAIN PREDISPOSANT .................................................................................................... 56 1. Traits de personnalité ............................................................................................................ 57 2. Troubles de la personnalité ................................................................................................... 57 B. LE ROLE DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX ......................................................................... 58 1. Expériences négatives précoces et théorie de l’attachement ............................................... 58 2. Evénements de vie tardifs et modèle du traumatisme .......................................................... 60 C. DEPRESSIVITE SOUS-JACENTE ................................................................................................. 60 D. QUESTIONS ET REPONSES OUVERTES SUR LA PERSONNALITE .................................................. 62 VI. CONCLUSION DE L’ETUDE ...................................................................................................... 63

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TROISIEME PARTIE : LE DELIRE TARDIF DU SUJET AGE, CONSIDERATIONS

PSYCHOPATHOLOGIQUES ET PSYCHODYNAMIQUES 65

I. LA VIEILLESSE : UN NAUFRAGE ? ............................................................................................. 66 A. DEFINITION DE LA VIEILLESSE .................................................................................................. 66 B. REPRESENTATIONS SUBJECTIVES DU VIEILLISSEMENT .............................................................. 68 C. DEUILS ET RENONCEMENTS : TOUT PERDRE SANS SE PERDRE .................................................. 70 D. DU VIEILLISSEMENT REUSSI… ................................................................................................. 71 1. Stratégies adaptatives et facteurs protecteurs ...................................................................... 71 2. Modalités défensives élaborées ............................................................................................ 72 3. Le concept de résilience chez l’âgé ...................................................................................... 72 E. …AU VIEILLISSEMENT PATHOLOGIQUE ..................................................................................... 73 1. Le narcissisme : fil conducteur du vieillissement .................................................................. 73 2. Une période de crise existentielle ......................................................................................... 74 3. Modalités défensives archaïques .......................................................................................... 75 II. DELIRER : UNE TENTATIVE D’AUTOPROTECTION ? ................................................................... 76 A. ACCES A UNE REVALORISATION NARCISSIQUE .......................................................................... 76 B. APAISEMENT DE L’ANGOISSE DU PROCESSUS DEFICITAIRE ........................................................ 78 C. RELANCE DU COMMERCE OBJECTAL ........................................................................................ 78 D. MAINMISE SUR LA DEPRESSION ............................................................................................... 79

CONCLUSIONS 81

BIBLIOGRAPHIE 84

ANNEXE I : VIGNETTES CLINIQUES 95

ANNEXE II : QUESTIONNAIRE DU GROUPE DE CAS 100

ANNEXE III : AUTO-QUESTIONNAIRE DU GROUPE-TEMOIN 115

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ABREVIATIONS

BFI : Big Five Inventory

CIM : Classification Internationale des Maladies

DAT : Délire d’Apparition Tardive

DSM : Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders

EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes

GDS : Geriatric Depression Scale

LOS : Late-Onset Schizophrenia

MADRS : Montgomery and Asberg Depression Rating Scale

MMSE : Mini Mental State Evaluation

PHC : Psychose Hallucinatoire Chronique

SCID-II : Structured Clinical Interview for DSM-IV (Axis II)

VLOS : Very-Late-Onset Schizophrenia

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INTRODUCTION

La psychiatrie du sujet âgé ne se limite pas au vieillissement des troubles psychiatriques préexistants et

préalables à la vieillesse. Une vaste part de son champ clinique comprend les troubles mentaux à

début tardif. Le contexte gériatrique assorti à ces décompensations psychiatriques apparaît souvent

assez spécifique, avec le vieillissement physiologique du système nerveux central, associé à

l’intervention d’autres facteurs de stress endogènes ou extérieurs.

La propension à délirer, toutes causes confondues, est relativement fréquente chez la personne âgée,

avec une prévalence pouvant atteindre 10 %. M. GROSCLAUDE constate d’ailleurs que tout sujet

vieillissant semble être à même de présenter un jour une décompensation délirante. Pour autant,

l’auteur considère que n’importe qui ne se met pas à délirer tardivement [1]. Comment rendre

compte, sur un plan théorique et scientifique, de telles contradictions ? Qu’est ce qui peut bien

amener un sujet jusque-là indemne d’antécédents psychiatriques à délirer sur le tard ? L’hypothèse de

l’intervention de facteurs de risque particuliers influençant le délire inaugural tardif se profile donc

naturellement face à ces questions. En prenant appui sur une revue de la littérature et par

l’intermédiaire d’une étude cas-témoin, nous avons tenté de mettre en évidence le rôle de la

personnalité dans le déclenchement du délire, ainsi que l’impact de certaines variables contextuelles.

Actuellement, le délire à l’âge avancé reste encore mal défini sur le plan de la nosographie

internationale, les classifications existantes s’enchevêtrent entre elles et ne font pas l’objet d’un réel

consensus sur ce sujet, ni l’unanimité selon les différentes écoles théoriques. Cette approche

transnosographique du délire tardif complexifie sa prise en charge en pratique, d’autant que ce

syndrome possède pourtant de nombreuses spécificités cliniques et psychopathologiques. Dans une

première partie, nous résumerons l’évolution historique du concept de délire à nos jours et

reprendrons des différents cadres nosographiques traitant du délire inaugural tardif. Une revue de la

littérature des différentes études épidémiologiques existant sur le sujet sera détaillée.

Au cours de la seconde partie de ce travail, nous exposerons les objectifs, méthodes, résultats et

discussion de notre étude cas-témoins effectuée entre juin 2014 et janvier 2015. Elle consistait en

l’analyse clinique et psychométrique de 25 patients âgés de plus de 60 ans ayant présenté un premier

épisode délirant inaugural tardif. Les résultats étaient comparés à ceux de 25 témoins appartenant à la

population générale. Nous tâcherons donc de démontrer s’il existe des facteurs de risque, tant

endogènes qu’environnementaux pouvant amener un sujet vierge de tout antécédent psychiatrique à

délirer tardivement. L’épidémiologie analytique se fonde sur l’étude de ces facteurs de risque et

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permet en effet de répondre à des questions essentielles en terme de stratégies de soin et de

compréhension théorique. Une corrélation statistique n’impliquant pas obligatoirement un lien de

causalité, la logique statistique est une logique du risque, elle dégage le risque potentiel de l’événement

aléatoire. Elle ne permet pas de dresser un tableau des causes, mais de renseigner sur le rôle d’une

variable dans la survenue du délire.

La dimension psychopathologique liée à l’avancée en âge se doit également d’être considérée. La

sénescence représente une étape particulière, marquant une rupture irrémédiable avec l’état antérieur

du sujet, par la confrontation à la perte et au déclin de l’image de soi. Dans certains cas, elle peut alors

conduire à des réactions pathologiques décisives, telles que le trouble délirant tardif. Cette

manifestation clinique consiste en l’expression symptomatique d’une souffrance psychique dépassant

les capacités adaptatives du sujet. Elle vient souvent révéler un état de crise existentielle, voire un état

de crise familiale, face à un entourage souvent confronté aux limites de ses capacités d’étayage. Dans

la troisième partie de ce travail de thèse, nous tenterons donc de mettre en perspective ces éléments

psychopathologiques spécifiques, en resituant le délire tardif dans une réflexion psychodynamique

centrée sur l’épreuve existentielle de la vieillesse.

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« Diminué, appauvri, en exil dans son temps, le vieillard demeure cependant cet homme qu’il était.

Comment réussit-il au jour le jour à s’arranger d’une telle situation ?

Quelles chances lui laisse-t-elle ? Peut-il s’y adapter et à quel prix ? »

S. de Beauvoir [2]

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PREMIERE PARTIE :

Le délire tardif du sujet âgé, aspects historiques,

conceptuels et épidémiologiques

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I. LE DELIRE : EVOLUTION D’UN CONCEPT A TRAVERS LES EPOQUES

Interroger la spécificité de l’émergence délirante chez le sujet âgé amène naturellement à résumer

l’évolution des considérations à propos du délire jusqu’à maintenant, en posant un regard rétrospectif

sur le plan historique.

A. De l’Antiquité aux temps modernes

L’entité délire découle de l’étymologie latine delirare et signifie « dérailler » ou « s’écarter du sillon » (de :

hors de, lira : sillon). Au Ve siècle avant JC, le délire était le maitre-mot de la folie et l’est resté pendant

très longtemps. Pour PLATON, cette folie était pathologique si elle était causée par l’affection

concomitante du corps, ou bonne et respectable lorsqu’elle était inspirée par les divinités. Dans ce cas,

elle contenait une potentialité créatrice et était associée aux traits de génie. SOCRATE disait

d’ailleurs : « On ne peut être poète sans le délire que concèdent les muses, car la poésie d’un homme de sang-froid est

toujours éclipsée par celle d’un inspiré » [3]. Délirer consistait donc à sortir d’une norme établie, en

divaguant ou bien en prophétisant.

A cette époque gréco-romaine, le vieillissement et la vieillesse étaient déjà considérés comme

inéluctables et souvent rattachés à l’idée de maladie incurable, elle-même inséparable de la notion de

causalité. Mais malgré cette notion générale de déclin, les philosophes de l’époque prônaient une

véritable gérontocratie, considérant que le vieillard avait acquis sagesse et dignité au fil des années, ce

qui lui conférait une réelle position dans sa cité.

Au Moyen-Age, les croyances religieuses et le mysticisme dominèrent peu à peu, ayant rapidement

raison de cette place jusqu’alors laissée aux vieillards. Certains auteurs allèrent même jusqu’à suggérer

que la sénilité puisse être la conséquence du péché originel. Quant au terme de délire, il fut repris en

langue française sous la dénomination populaire deslere, mais son usage médical fut plus tardif, sous la

définition suivante : « modification radicale des rapports de l’individu avec la réalité » [3]. Dans la population, le

délire exerçait alors inquiétude et fascination, étant davantage assimilé à la magie et à la brutalité. Les

sujets délirants, déviants par rapport à la morale et la religion, étaient considérés comme des

hérétiques possédés par le diable et souvent condamnés au bûcher.

De l’époque antique à la Renaissance, l’intérêt des médecins pour la pathologie psychique du sujet

âgé resta assez restreint, celle-ci étant souvent directement assimilée à la démence et à la pathologie

organique. Ce n’est qu’au siècle des Lumières que l’on accéda à un remodelage théorique, d’un point

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de vue médical, littéraire et philosophique. La naissance d’une vision philanthropique s’imposa

progressivement à toute l'Europe occidentale et permit une ouverture sur toute la question des

troubles psychiatriques, enfin assimilés à la notion de détresse psychique, y compris chez l’âgé.

B. Epoque contemporaine

Nous hiérarchiserons ici les apports historiques essentiels de ces deux derniers siècles concernant le

délire de l’âgé, en envisageant une périodisation s’inspirant des différents paradigmes décrits par G.

LANTERI-LAURA [4], sans chercher à aboutir à une énumération chronologique qui ne puisse être

exhaustive.

1. L’aliénation mentale : naissance de la psychiatrie clinique

Dès la fin du XVIIIe siècle, les praticiens de l’Europe occidentale envisagèrent le trouble mental

comme une seule maladie : l’aliénation mentale. Bien que considérée comme un processus unique, cette

pathologie pouvait toutefois prendre des aspects variés. P. PINEL distinguait alors quatre variantes ou

« espèces d’égarement » dans son Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale : la manie, la

mélancolie, l'idiotisme et enfin la démence, qui nous intéresse ici. Cette dernière était définie comme

« une débilité générale qui frappe les fonctions intellectuelles et affectives dans la vieillesse », dans un chapitre

résumant succinctement la pathologie psychiatrique du vieillard à cette notion déficitaire, alors

éloignée des considérations modernes [5].

JE. ESQUIROL, dans la lignée de son prédécesseur, approfondit à son tour la clinique en proposant

des descriptions symptomatiques très riches, ainsi que des définitions sémiologiques concernant

l’hallucination ou le délire. Il décrivit ainsi la démence sénile, constatant l’incurabilité de cette dernière

par rapport à d’autres formes de délires pour le moins curables [6].

C’est dans ce contexte que naquit la tradition psychiatrique française et qu’un début de clinique

mentale s’ébaucha progressivement, engendrant toute une entreprise nosographique et classificatoire.

Vers le milieu du XIXe siècle, après que les derniers disciples de P. PINEL aient appliqué ses

préceptes, ce paradigme de l'aliénation mentale et d’une folie unique céda progressivement sa place à

celui des maladies mentales.

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2. D’une à plusieurs maladies mentales : l’âge d’or de la sémiologie

Vers le milieu du XIXe siècle, JP. FALRET, d’abord interne de JE. ESQUIROL puis médecin-chef à

l’hôpital de la Salpêtrière, publia un article virulent récusant l'unité de l'aliénation mentale au nom

des progrès de la médecine. Il fut alors le critique le plus engagé dans la remise en cause de cette

aliénation mentale et progressivement l’idée s’imposa que la psychiatrie était composée d'une diversité

d'espèces morbides, désignées sous le vocable maladies mentales [7]. Son fils Jules, légataire et

propagateur de l’œuvre son père, évoqua plus tard : « Abandonnons ce point de vue étroit et exclusif pour

envisager l’individu lui-même dans son ensemble, dans sa constitution physique et morale toute entière, dans son passé,

son présent et son avenir » [8].

La vision pluraliste des maladies mentales permit le développement de la sémiologie et exigea la

constitution d'une nosographie mieux organisée séparant les différentes entités morbides entre elles.

Concernant le délire, le dictionnaire Littré en donnait alors la définition suivante en 1874 : « Perversion

de l'entendement qui fait que le malade associe des idées incompatibles et prend ces idées ainsi alliées pour des choses

réelles ; désordre des facultés intellectuelles avec ou sans altération des facultés morales ; égarement d'esprit causé par une

maladie » [9] [10]. Le délire était alors ramené à la notion d’erreur, d’idée sans fondement, voire de

scandale intellectuel.

Figure 1 : Lithographie, Jardins de l’hôpital de la Salpêtrière. 1857, Armand GAUTIER

Les auteurs de l’époque s’initièrent ensuite à une approche explicative étiopathogénique, avec toutes

sortes de controverses sur cette recherche des causes morales de la folie. Ses promoteurs les plus

célèbres furent BA. MOREL et V. MAGNAN, avec leur théorie héréditaire de la dégénérescence,

s’instituant sur le socle génétique de la transmission de la folie, avec la notion de déclin irrémédiable à

travers les générations.

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Du côté germanique, il nous faut bien sûr aborder l’œuvre considérable d’E. KRAEPELIN dans le

domaine de la psychiatrie de l’âgé. Vers 1899, ce psychiatre allemand fondateur de la psychiatrie

scientifique moderne, s’intéressa plus précisément aux troubles délirants présentés par les sujets âgés.

Il décrivit le délire présénile de préjudice en observant des patients présentant insidieusement des idées

délirantes de préjudice, de vol et de jalousie, mais aussi des idées hypochondriaques, sur un psychisme

par ailleurs intact. Il décrivit également le délire sénile de persécution, globalement similaire au précédent.

Par la suite, certains auteurs reprirent ces entités sous d’autres variantes : K. KLEIST exposa la

paranoïa d’involution en 1913, M. DIDE et P. GIRAUD proposèrent le délire de récrimination devant

l’exagération de faits en 1922, et enfin bien plus tard, J. DE AJURIAGUERRA décrivit le délire tardif

d’intrusion du domicile ou de l’intime.

A partir de là, la psychopathologie au cours de la vieillesse, auparavant anecdotique, continua

d’intéresser de plus près les auteurs. JM. CHARCOT autonomisa la première catégorie des « troubles

mentaux à début tardif », attribuant des maladies spécifiques à un groupe de sujets ayant atteint un âge

avancé [11]. Puis en 1885, A. RITTI, aliéniste précurseur rapidement oublié, présenta un rapport au

6e congrès des Médecins Aliénistes, différenciant les troubles psychotiques évolutifs vieillissants des

troubles inauguraux tardifs : « On doit entendre par psychoses de la vieillesse, les affections mentales qui se

développent chez les vieillards arrivés au dernier âge de la vie, sous-entendu plus de 60 ans, et restés jusque-là indemnes

de tout trouble psychique » [12]. On note également un engouement des doctorants pour le sujet, avec J.

SEGLAS qui soutint sa thèse : « Contribution à l’étude de la folie chez les vieillards » en 1889. Ce champ

clinique particulier fut donc de plus en plus investi, laissant toutefois la pathologie démentielle en

première ligne.

C’est finalement grâce à A. ALZHEIMER qu’une réelle dichotomie des troubles démentiels et

troubles délirants du vieillard s’instaura par la suite. La maladie éponyme fut progressivement

conceptualisée et cet apport vint fixer de manière définitive le sens exclusif du terme de démence.

3. L’ère des grandes structures psychopathologiques et de la psychiatrie moderne

Cette période aurait débuté en 1926, lorsque E. BLEULER tint un congrès à Genève puis à

Lausanne, où il vint exposer en français sa conception psychopathologique de la schizophrénie.

Au cours de cette période, les psychiatres s’appuyèrent sur divers modèles psychopathologiques.

Les théories phénoménologiques abordèrent le délire comme un vécu subjectif, une manière

particulière d’être au monde. Les mouvements psychanalytiques considérèrent le délire comme ayant

une fonction dans l’économie du délirant, en proposant une approche théorique interprétative du

symptôme. Puis d’un point de vue neurobiologique, la maladie fut enfin considérée comme une

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

13

réaction biologique d’un individu pouvant présenter une personnalité fragile, liée à des facteurs

héréditaires ou acquis.

La clinique psychanalytique du vieillissement ne se développa que vers les années 1970. Auparavant,

S. FREUD avait été conduit à ne pas choisir la vieillesse comme objet d’étude pour cause de

résistances personnelles et de réserves liées aux représentations de l’époque. Lui qui fixait l'entrée dans

la vieillesse à 50 ans, considérait qu’un sujet âgé ne pouvait ensuite plus bénéficier d’une cure

analytique pour deux raisons : d’une part pour cause d’excès de matériel à traiter, d’autre part du fait

que les vieilles gens ne seraient plus « éducables ». Au même moment, le Délire d’Apparition Tardive fit

l’objet de descriptions cliniques et psychopathologiques par l’équipe universitaire de Genève, en

s’intéressant de plus près et directement au rôle de la vieillesse dans cette décompensation. J. DIAS

CORDEIRO publia d’importants écrits axés sur ces questions et notamment son travail de thèse sur

« les états délirants tardifs » paru à Genève en 1972 et portant sur l’étude de 100 cas de délires tardifs

[13].

Le terme de ce paradigme se situe en 1977, date de la mort de H. EY. C’est cette même année que

GL. ENGEL pose les jalons de qu’il nommera plus tard le modèle biopsychosocial. Ce dernier propose de

prendre en compte les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux participant simultanément au

développement d’une maladie, le tout dans une réflexion se voulant globalisante, sans pour autant

qu’une de ces trois catégories ne se voit accorder une prépondérance, mais plutôt selon une variation

de chacune en fonction des situations [14].

Si l’on prend la doctrine aliéniste comme point de départ du discours psychopathologique, nous

sommes passés en deux siècles de la notion de cause morale à celle de vulnérabilité-stress dans une

approche plus intégrative. La possibilité d’un quatrième paradigme est à ce jour non définie et semble

avoir clairement perdu de sa substance, mais la controverse reste entière. Quoi qu’il en soit, la

tendance théorique actuelle serait celle d’un continuum allant du normal au pathologique, via une

approche somme toute plus dimensionnelle.

C. Considérations générales modernes

1. Définitions actuelles

Pour nous approcher d’une définition générale du délire, utilisable dans le langage courant et par le

sens commun, nous nous sommes appuyés sur celle proposée par l’édition 2014 du dictionnaire

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

14

LAROUSSE en tant que : « perte du sens de la réalité se traduisant par un ensemble de convictions fausses,

auxquelles le sujet adhère de façon inébranlable » [15]. Elle n’a donc que peu évolué à travers les époques

quant à la question du critère de réalité, en tant que norme sur laquelle s’accorder par rapport à un

consensus collectif.

La définition médicale du délire proposée par le dictionnaire GARNIER-DELAMARE des Termes

de Médecine est « un désordre des facultés intellectuelles caractérisé par une suite d’idées erronées, choquant l’évidence,

inaccessibles à la critique » [16]. Sur le plan psychiatrique, le délire est clairement caractérisé par la notion

fondamentale de modification radicale des rapports de l’individu avec la réalité. Pour H. EY, le moi

est forcément lié à son monde et cette liaison constitue la réalité de son être, en tant qu’elle est l’ordre

dans lequel se déroule son existence. Or, le délire viendrait à inverser les rapports de réalité du moi à

son monde et bouleverser cette liaison existentielle. Délirer, ce serait donc sortir du réel sans s’en

rendre compte, dans la mesure où le délire passerait, aux yeux du sujet délirant, pour le réel [17] [18].

2. Approche descriptive et sémiologique

L’approche clinique du délire proposée dans les manuels de psychiatrie découle des classifications

françaises traditionnelles dans une version plus codifiée. Le délire est considéré comme un syndrome,

soit une constellation de symptômes constituant une entité clinique mais non étiologique, avec les

caractéristiques sémiologiques suivantes :

• Durée (aigu ou chronique)

• Mécanismes (interprétation, imagination, intuition, hallucination)

• Thèmes (persécution, jalousie, mégalomanie, etc.)

• Structure (systématisation ou non)

• Extension (secteur ou réseau)

• Adhésion et conviction du patient, participation affective associée

Cette méthodologie permet donc de caractériser le délire afin de l’orienter ensuite vers différentes

étiologies.

Les classifications traditionnelles françaises héritières d’H.EY, ont proposé une typologie détaillée du

délire chronique, en distinguant le délire schizophrénique des délires non schizophréniques selon la présence ou

non d’un syndrome dissociatif [19] :

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15

SCHIZOPHRENIE

DELIRES CHRONIQUES NON

SCHIZOPHRENIQUES :

• Psychose Hallucinatoire Chronique

• Paraphrénie

• Paranoïa :

o Délire d’interprétation

o Délire de relation des sensitifs

o Délires passionnels

3. Analyse catégorielle

La nosographie psychiatrique contemporaine est actuellement régie par les systèmes classificatoires

descriptifs représentés par le DSM (Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux), édité

par l’Association Américaine de Psychiatrie, ainsi que la CIM-10 (10e édition de la Classification

Internationale des Maladies) publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé. Ils proposent un

langage commun adapté pour la recherche scientifique et épidémiologique internationale, se voulant

athéorique, consensuel et objectif.

Les critères diagnostiques du trouble délirant proposés par les systèmes catégoriels DSM récents sont les

suivants [20] [21] :

A. Idées délirantes non bizarres (c’est-à-dire impliquant des situations rencontrées dans la réalité

telles que : être poursuivi, empoisonné, contaminé, aimé à distance, ou trompé par le conjoint

ou le partenaire, ou être atteint d'une maladie), persistant au moins 1 mois.

B. N'a jamais répondu au Critère A de la Schizophrénie. Des hallucinations tactiles et olfactives

peuvent être présentes dans le trouble délirant si elles sont en rapport avec le thème du délire.

C. En dehors de l'impact de l'idée délirante ou de ses ramifications, il n'y a pas d'altération

marquée du fonctionnement ni de singularités ou de bizarreries manifestes du comportement.

D. En cas de survenue simultanée d'épisodes thymiques et d'idées délirantes, la durée totale des

épisodes thymiques a été brève par rapport à la durée des périodes de délire.

E. La perturbation n'est pas due aux effets physiologiques directs d'une substance ou d'une

affection médicale générale.

Tableau 1 : Définition du trouble délirant selon le DSM-IV-TR et le DSM-5

La CIM-10 individualise également l’entité trouble délirant (F22) au sein du groupe « troubles délirants

persistants », devant l’existence d’idées délirantes persistantes évoluant depuis plus de trois mois, en

l’absence de symptômes schizophréniques associés [22].

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

16

II. LE DELIRE INAUGURAL TARDIF : CONSIDERATIONS EPISTEMOLOGIQUES ET

NOSOGRAPHIQUES

A. Contraintes diagnostiques

1. Le concept d’adultomorphisme

Selon J. PELLETIER, « l’originalité du champ gérontopsychiatrique, bien qu’incontestable, souffre encore des

contraintes qui lui sont imposées par la psychiatrie de l’adulte » [23]. La psychiatrie du sujet âgé doit souvent se

fondre dans la psychiatrie du sujet adulte alors qu’elle possède de réelles spécificités cliniques, telles

que l’instabilité et l’hétérogénéité de la symptomatologie, le caractère flou des limites entre normal et

pathologique, l’intrication complexe entre facteurs endogènes et exogènes avec l’impact des

pathologies physiques et neurocognitives associées, ainsi que la particularité des risques évolutifs [24]

[25] [26] [27].

JM. LEGER et JP. CLEMENT ont donc élaboré le concept d’ « adultomorphisme » pour caractériser

cette perspective centrée sur l’efficience sociale et professionnelle de l’adulte jeune, très éloignée de la

réalité et de la clinique du sujet âgé [28]. Par exemple, les items de certaines échelles font presque

exclusivement référence à l’activité professionnelle avec des questions du type : « Est-ce que vous ou

des proches considérez que vous êtes tellement dévoué(e) à votre travail qu’il ne vous reste plus de

temps à consacrer à vos amis ou à vos loisirs ? ».

2. Imprécisions terminologiques

Il n’est pas simple de distinguer cliniquement un délire vieillissant d’un délire tardif inaugural. La

question qui se pose serait finalement de savoir si la décompensation tardive pourrait n’être que

l’expression tardive d’un trouble jusqu’ici infraclinique et passé inaperçu car bien compensé. En

pratique gérontopsychiatrique, il est fréquent de voir certaines formes de délire initialement

circonscrites à l’environnement familial, ne se révéler au grand jour que bien après leur survenue

initiale. Dans ces cas-là, la consultation spontanée est plutôt exceptionnelle et se fera à la faveur d’une

demande de la famille à un stade souvent avancé. Selon JJ. BURGERMEISTER, la famille serait

d’ailleurs parfois beaucoup plus tolérante aux écarts de comportement de l’âgé qu’elle ne le serait à

l’égard d’un autre membre du groupe [29]. C’est souvent le franchissement d’un seuil représentant la

limite des capacités d’étayage de la part du système groupal, qui amènera à une situation de crise,

nécessitant parfois une hospitalisation en urgence, pour le coup tardive [30].

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

17

Dans son Manuel de Psychiatrie du Sujet Agé, JP. CLEMENT se demande donc si le début des troubles

doit être assimilé aux premières manifestations psychiatriques supposées ou à la première

hospitalisation du patient, entre lesquelles il s’écoulerait fréquemment cinq ans. Dans ce contexte,

l’auteur décide de fixer approximativement le début des troubles délirants tardifs en moyenne vers 67

ans [31]. Mais les critères d’âge de début du trouble délirant tardif évoluent régulièrement en fonction

des époques et de la durée de vie moyenne. Ils ne font pas consensus selon les pays et les différentes

approches théoriques et sont donc difficilement harmonisables en pratique.

Par ailleurs, l’enchevêtrement des entités utilisées, la disparité des courants théoriques et l’absence de

consensus international, entraînent de nombreux recoupements diagnostiques et une difficulté

évidente d’appréciation clinique.

3. Absence de considération des réalités psychopathologiques liées à l’âge

Selon J. PELLETIER, une limite notable est l’approche des formes pathologiques sans définir la

période de vie dans laquelle elles se produisent, en se conformant alors à un modèle médical excluant

les circonstances situationnelles de leur apparition, pourtant prises en compte à l’origine par des

auteurs comme E. KRAEPELIN ou K. KAHLBAUM. L’auteur rapporte que « cette surdétermination

situationnelle du symptôme délirant tardif paraît pourtant caractéristique. Il apparaît cependant difficile de l’intégrer dans

une des classifications existantes, celles-ci étant limitées aux aspects symptomatologiques » [23].

Plusieurs gérontopsychiatres regrettent l’absence d’un socle conceptuel psychopathologique spécifique

au sujet âgé, envisageant les changements biopsychosociaux inhérents à cette phase de la vie qu’est la

vieillesse. Pour A. CANUTO, l’influence des facteurs de stress relatifs à l’âge devraient être

reconsidérés, notamment la notion de confrontation à la perte [32] [26]. A ce sujet, C. HAZIF-

THOMAS pose la question suivante : « Est-ce néanmoins si simple dans le domaine de la gérontopsychiatrie, où

l’on connaît le nombre d’occurrences où l’expression symptomatique des pathologies est infiltrée par l’angoisse de mort, la

peur de la solitude, l’ennui, la stigmatisation sociale non seulement commune à la maladie mentale, mais aussi et surtout

à la vieillesse, au mieux confondue avec la tristesse, au pire avec la déchéance et le naufrage de la sénilité ? » [28].

Il serait donc pertinent de s’appuyer parallèlement sur des approches expérientielles et situationnelles,

explorant le rapport au monde et aux domaines d’expérience anormale du sujet, et prenant en

compte ses modalités adaptatives.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

18

B. Une entité transnosographique

En France, jusqu’à récemment, la nosographie psychiatrique tendait à circonscrire le délire de l’âgé

au champ de la démence ou à l’étude du vieillissement des psychoses [33]. Cette tendance est devenue

progressivement obsolète au profit d’une approche clinique se voulant plus spécifique, mais ayant

parallèlement contribué à s’appuyer sur une diversité de cadres nosographiques que nous détaillerons

ci-dessous. Aux Etats-Unis, la taxinomie des pathologies tardives suscite assez peu d’intérêt, en

témoignent les classifications DSM, entraînant un « exercice d’acrobatie pour situer le tableau d’un patient âgé

dans l’enchevêtrement de ces classifications » selon M. KRASSOIEVITCH [34].

1. Pathologies psychiatriques chroniques

Schizophrénie vieillie / schizophrénie d’apparition vraiment tardive

Dès le départ, la notion d’un début précoce de la schizophrénie était communément admise, et ce

déjà du temps de la démence précoce d’E. KRAEPELIN. Au cours de l’avancée en âge, la

symptomatologie de la schizophrénie aurait progressivement tendance à être moins bruyante. On

note en effet l’évolution vers un tableau plus déficitaire et une symptomatologie négative

prédominante, avec une indifférence, un retrait affectif et un estompement des manifestations

délirantes.

Vers 1943, dans une étude portant sur 126 patients schizophrènes, Manfred BLEULER, le petit-fils

d’E. BLEULER, retrouva 15% de débuts des troubles après 40 ans et 3% après 60 ans. Se posèrent

alors plusieurs questions : La schizophrénie tardive pouvait-elle correspondre à une schizophrénie de

début précoce passée inaperçue ? S’agissait-il de la même pathologie pouvant débuter tardivement ou

de pathologies strictement différenciées sur un plan étiopathogénique ? [35]

M. BLEULER choisit de distinguer ces deux pathologies et adopta le concept de schizophrénie

d’apparition tardive ou Late-Onset Schizophrenia avec pour critères diagnostiques [36] [37]:

• Un début des troubles après 40 ans

• Une symptomatologie globalement similaire à celle de la schizophrénie de l’adulte jeune

• Un meilleur pronostic et moins de détérioration ultérieure

Puis, dans les années 2000, un groupe de travail international de 17 psychiatres proposa un consensus

sur la distinction entre la schizophrénie d’apparition tardive (Late-Onset Schizophrenia) débutant après 40

ans et la schizophrénie d’apparition VRAIMENT tardive (Very-Late-Onset Schizophrenia)

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

19

débutant après 60 ans [38]. Cette réflexion permit dès lors de progresser dans la délimitation de

critères diagnostiques valables et adaptés aux troubles du sujet âgé. Pour la schizophrénie d’apparition

vraiment tardive qui nous intéresse ici, la symptomatologie serait finalement très différente de celle du

tableau classique de schizophrénie de l’adulte jeune, avec :

• Un début des troubles après 60 ans

• Une surreprésentation chez le genre féminin

• Un délire chronique aux symptômes positifs prédominants (hallucinations visuelles, tactiles et

olfactives), par rapport à la symptomatologie négative et dissociative

• La présence fréquente d’un automatisme mental.

Mais cette définition reste toutefois imprécise et source de confusion du fait de son absence de critères

diagnostiques reconnus sur le plan international [39]. La schizophrénie d’apparition vraiment tardive est

actuellement englobée dans la vaste catégorie des troubles schizophréniques.

En France et en Europe, la discussion concernant la pertinence de ces concepts de schizophrénie

d’apparition tardive ou vraiment tardive n’est actuellement pas tranchée. Certains auteurs restent assez

réfractaires à l’usage de ce terme, comme N. BAZIN et JP. CLEMENT qui considèrent que « porter un

diagnostic de schizophrénie tardive après 60 ans n’a aucun sens pour le clinicien », avec le risque « d’amalgame

simplificateur de tous les patients dans la catégorie diagnostique de schizophrénie ». Pour eux, cette terminologie

anglo-saxonne n’a pas fait la preuve de sa valeur diagnostique et est insuffisamment spécifique d’une

clinique du sujet âgé. Ils proposent alors de la remplacer par le terme plus adapté de « psychose d’allure

schizophrénique d’apparition très tardive » [40] [41] [31].

En effet, les réticences françaises concernent les aspects sémiologiques, et en premier lieu l’absence

fréquente de syndrome dissociatif dans le délire tardif. Rappelons qu’en France, la base de la

nosographie traditionnelle est basée sur la présence ou l’absence de dissociation et que les délires

chroniques non dissociatifs s’opposent donc aux délires schizophréniques dissociatifs. Proposé initialement

comme le critère diagnostique spécifique et fondamental de la schizophrénie par E. BLEULER, le

syndrome dissociatif n’apparaît pas dans les critères de la schizophrénie d’apparition tardive et certains

auteurs français, tels que P. CHARAZAC ou JP. CLEMENT, s’étonnent donc que ce diagnostic de

schizophrénie puisse être porté chez le sujet âgé malgré l’absence de syndrome dissociatif

caractéristique [25] [31].

Ensuite, les thématiques délirantes sont considérées comme très variables selon l’âge de début. Le

délire schizophrénique de l’adulte jeune trouve souvent sa source dans des thématiques plutôt riches,

telles que la question originelle par exemple, avec le fantasme d’auto-engendrement décrit par PC.

RACAMIER. A l’inverse, les thématiques du délire tardif sont bien plus actuelles, restreintes à

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

20

l’immédiat, circonscrites au présent, les hallucinations empruntant aux modalités sensorielles de la

proximité [42].

P. CHARAZAC et son équipe considèrent également que la schizophrénie d’apparition vraiment tardive

mériterait tout du moins d’être remplacée par le terme de « schizophrénie de révélation tardive », plus

adapté en pratique courante [25]. En effet, nous avons vu précédemment que la date de début est

réellement difficile à harmoniser, car certains patients présentant une personnalité prémorbide bien

équilibrée, exprimeraient leurs symptômes plus tardivement, grâce au bénéfice d’un étayage familial

bienveillant et d’une relative qualité de vie.

Au sein des classifications catégorielles maintenant :

• Dans les années 1980, le DSM-III excluait tout diagnostic de schizophrénie après 40 ans,

restant dans la tradition kraepelinienne d’un début des troubles chez l’adulte jeune.

• En 1987, la version révisée du DSM-III-TR distingua, au sein du groupe des schizophrénies,

une catégorie diagnostique de troubles schizophréniques débutant après 45 ans.

L’individualisation fugace des troubles schizophréniques tardifs dans la version révisée du

DSM-III, permettant de différencier un éventuel sous-groupe tardif plus homogène, aurait

cependant duré trop peu de temps pour tirer des conclusions intéressantes, selon plusieurs

auteurs français [40] [39] [43].

• Par la suite, le DSM-IV, le DSM-IV-TR, et désormais le DSM-5, n’ont plus spécifié aucun

critère d’âge de début. La tendance actuelle tend en effet à réunir tout délire chronique, au

sein du concept extensif de spectre schizophrénique, avec la notion d’une origine

neurobiologique et étiopathogénique commune, rappelons le, sans précision sur un critère

d’âge [44].

La CIM-10 est d’ailleurs actuellement alignée sur ce modèle.

La Psychose Hallucinatoire Chronique

La Psychose Hallucinatoire Chronique (PHC) est une entité conceptualisée par G. BALLET en 1911

[43]. Elle appartient au registre des classifications françaises classiques, classée au sein des « délires

chroniques non dissociatifs ». Avec un début vers l’âge de 50 ans, plus fréquente chez la femme, son auteur

l’avait rapidement séparée de la schizophrénie de l’adulte jeune du fait de ce début tardif, de l’absence

de symptomatologie dissociative et d’une évolution non déficitaire. La PHC comprend des

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

21

hallucinations auditives, un automatisme mental au premier plan et des idées délirantes contingentes,

souvent centrées sur les voisins et entraînant des troubles du comportement pour lutter contre ces

persécuteurs désignés. L’association à une composante affective est quasiment systématique.

Les auteurs français ne sont pas tous unanimes sur la pertinence de ce concept. Actuellement, le

Manuel de Psychiatrie de JD. GUELFI, propose tout au plus quelques lignes sur la PHC, dans un

chapitre bien différencié de la schizophrénie. L’auteur du chapitre, J. DALERY, lui concède pourtant

« une grande place dans l’histoire de la psychopathologie et de la nosologie française ». Il rapporte que cette entité

serait cependant considérée comme une schizophrénie d’apparition tardive outre Atlantique, ce que

constate également l’équipe de C. DUBERTRET, pour qui la PHC ne serait que « la version française de

la schizophrénie d’apparition vraiment tardive ». Ces auteurs s’accordent donc à dire que ces deux entités

présentent suffisamment de points communs de type cliniques, sociodémographiques et

étiopathogéniques pour « leur supposer l’existence de facteurs étiologiques communs » [45] [39]. Quant à H.

EY, il considérait déjà que le polymorphisme clinique de la PHC ne permettait que difficilement de la

différencier d’autres entités, « les parentés avec les autres espèces étant si évidentes qu’il est parfois bien difficile d’en

faire un diagnostic précis » [17].

A l’inverse, d’autres auteurs français réclament une autonomisation nosographique de la PHC du fait

de ses spécificités cliniques gérontopsychiatriques et de sa prise en charge spécifique [31] [40]. P.

CHARAZAC invoque la bien meilleure réponse au traitement dans la PHC, notamment

antidépresseur, que dans toute autre forme de délire. En outre, le regard porté sur la dynamique

familiale du patient permettrait, selon lui, de différencier la PHC d’un autre diagnostic. Il considère

qu’une décompensation schizophrénique tardive se révèle souvent chez un patient lors de la

confrontation à un décès ou à une perte du conjoint ou de l’enfant, entraînant la rupture de

l’homéostasie familiale et l’éclatement de la dyade symbiotique. Concernant la PHC, l’auteur

remarque que l’entourage est « bien plus extérieur aux troubles du patient », constituant alors une union de

deux personnes réellement différenciées. Il rapporte parallèlement que lors de la décompensation

d’une schizophrénie tardive, la prise en soin du patient représente souvent une menace de l’équilibre

familial, alors que pour la PHC la famille s’avère être un soutien et un étayage bien plus solide [25].

Au-delà de ces conflits d’écoles, il semble que sur le plan international la question de la validité de la

PHC soit tranchée. Le DSM restant la référence dans ce domaine, il ne reconnait tout simplement

plus cette entité. La CIM-10 propose quant à elle un item PHC au sein des « autres troubles

psychotiques non organiques », mais non individualisé de la schizophrénie classique. Il s’ensuit que la

PHC ne peut être considérée dans aucune étude scientifique internationale, très probablement

reléguée au sein des troubles schizophréniques dans le cadre de la recherche, mais qu’elle reste pour

autant encore utilisée en pratique courante en France, du fait de sa pertinence clinique notable.

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22

Le délire paranoïaque

Selon les classifications françaises traditionnelles, la description de ce délire par E. KRAEPELIN en

tant que « système restreint, durable et impossible à ébranler, avec une conservation complète de la clarté et de l’ordre

dans la pensée, le vouloir et l’action », met en évidence un délire rigide, structuré, systématisé et bien

construit, sans syndrome dissociatif associé, dans une forteresse de conviction interprétative et de

logique absolue, se développant souvent chez une personnalité pathologique ancienne [46] [17].

Dans les années 1990, B. CASTRO, s’appuyant sur le concept de paranoïa de préjudice d’E.

KRAEPELIN, proposait d’ouvrir la réflexion sur le délire paranoïaque de l’âgé ou la paranoïa sénile, dans

une extension de sa signification d’origine. Selon lui, cette symptomatologie délirante retrouvée dans

plusieurs configurations, surviendrait souvent dans un contexte réactionnel à l’épreuve de la vieillesse,

face à l’isolement social ou à la perte de l’intégrité corporelle. Il décrivait des personnes âgées accusant

leur entourage, se barricadant dans leur logement et refusant l’aide extérieure. L’auteur pensait alors

que cette symptomatologie paranoïaque non spécifique puisse être dépendante de facteurs acquis avec

le vieillissement, sans être rattachée à une organisation particulière comme chez le sujet jeune. Son

hypothèse était celle d’une « réaction paranoïaque avec dénégation projective » comme « défense activée par une

situation intolérable » [47]. P. FREMONT déplorait lui aussi l’oubli du terme paranoïa dans sa survenue

tardive et espérait qu’il puisse un jour resurgir différencié d’avec la schizophrénie [48].

Pour l’équipe de Marseille de l’hôpital Valvert dans les années 1993, le délire de relation des sensitifs leur

apparaissait selon leurs termes « d’une actualisation féconde ». Ce terme a été décrit en 1919 par E.

KRETSCHMER face à un épisode délirant de pronostic favorable chez une personnalité prémorbide

de type sensitif. Cette équipe considérait que des personnes âgées sans antécédent psychiatrique mais

avec une personnalité globalement vulnérable, pourraient alors décompenser sur ce mode dans les

suites d’un bilan de vie péjoratif et de la confrontation à un facteur déclenchant à haut retentissement

émotionnel. Ces considérations ont amené cette équipe à vouloir « dépoussiérer » et réactualiser ce

cadre diagnostique spécifiquement chez le sujet âgé [49].

La paraphrénie

Dans les années 1950, le concept de paraphrénie tardive fut réhabilité par la psychiatrie britannique et

notamment M. ROTH. Le tableau clinique se caractérisait par la présence d’un délire imaginatif chez

des patients âgés de plus de 70 ans, sans syndrome dissociatif et sans détérioration évolutive ultérieure.

La désafférentation sensorielle et sociale, fréquentes chez le sujet âgé, furent progressivement prises en

compte comme facteurs de risque de ce type de décompensation [50]. Ce concept fut provisoirement

adopté par la communauté psychiatrique internationale de l’époque, mais la distinction entre

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23

paraphrénie tardive et d’autres entités resta laborieuse jusqu’alors. DWK. KAY et M. ROTH

suggérèrent plus tard que la paraphrénie tardive n’était finalement qu’une variante de la

schizophrénie avec des critères cliniques moins restreints [51].

Les troubles de l’humeur

La maladie bipolaire recouvre des fluctuations thymiques, via des récurrences dépressives parfois

mélancoliques, ainsi que des accès maniaques. En pratique gérontopsychiatrique, la symptomatologie

maniaque est souvent atypique et moins spectaculaire que chez l’adulte jeune, plus proche de l’état

mixte, mais peut pour autant être associée à une symptomatologie délirante, parfois pseudo-

confusionnelle. A l’inverse, la symptomatologie mélancolique peut s’avérer extrêmement

spectaculaire. Le syndrome de COTARD en est un exemple assez spécifique, décrit devant une forme de

mélancolie délirante dont la thématique hypocondriaque associe des idées de négation d’organe et du

corps, de damnation et d’immortalité.

Plusieurs résultats de recherche ont corrélé la présence de troubles délirants chez le sujet âgé à la

présence d’une dépression bipolaire ou unipolaire. Dans une étude australienne de AS.

HENDERSON portant sur des sujets présentant un délire tardif, 9,7% des cas répondaient aux

critères CIM-10 de dépression contre 2,9% des témoins [52]. Pour autant, il est dorénavant admis

qu’après 60 ans, même si la dépression présente souvent des caractéristiques délirantes par rapport au

sujet jeune, celles-ci ne constituent pas un critère de gravité [53].

La présentation délirante peut jusqu’à venir masquer un authentique épisode dépressif chez le sujet

âgé. Cette « dépression à masque délirant » ou « dépression masquée » est en effet difficilement

différenciable du délire de l’âgé, à cause de leur proximité sémiologique. Elle peut se présenter sous la

forme de symptômes délirants au premier plan, constitués souvent de plaintes somatiques, d’idées de

préjudice et de l’interprétation péjorative de faits banals, le tout congruent à l’humeur.

La frontière reste donc souvent très imprécise entre le délire et la dépression. Des auteurs comme J.

DIAS CORDEIRO ou JJ. BURGERMEISTER objectivent que le délire tardif est fréquemment

coloré et enrichi par « un élément thymique expansif ». Ils estiment que faire le diagnostic différentiel entre

ces deux entités reste primordial, du fait de leur indépendance relative et d’attitudes thérapeutiques

différentes. A l’inverse, d’autres auteurs considèrent leur intrication tellement fréquente que cette

distinction ne leur apparait pas pertinente. M. PANCRAZI juge que seule l’évolution des troubles

permet souvent de trancher à distance et pour F. MORGANT, il serait « illusoire de séparer pathologies en

dépression délirante ou non, car tous les degrés du délire seul à la dépression seule peuvent se voir » [29] [24] [35].

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24

2. Hors du champ des pathologies psychiatriques chroniques

Le Délire d’Apparition Tardive

L’analyse du contenu du Délire d’Apparition Tardive met en évidence certaines spécificités cliniques

liées à l’âge. Assez limité, plutôt pauvre et en boucle, de plus en plus concret et terre à terre, il fait

référence à la situation présente de la personne âgée, avec l’alimentation de thématiques délirantes de

persécution et de préjudice par les événements de vie récents, par le quotidien et l’environnement

immédiat du patient, de plus en plus restreints avec l’avancée en âge [54] [55].

Cliniquement, le Délire d’Apparition Tardive (DAT) est en général plutôt bien construit et

relativement systématisé, il possède des mécanismes interprétatifs et intuitifs, sans trouble dissociatif

associé. Ce concept descriptif ne présage d’aucune étiologie particulière, mais son continuum avec

l’humeur est en général très étroit.

Le Délire d’Apparition Tardive a pour autre caractéristique intéressante de disposer d’une approche

psychopathologique propre, centrée sur le stress que constitue l’épreuve de la sénescence chez le sujet

âgé. Longuement développée par l’équipe de psychiatrie de Genève et notamment par J. DIAS

CORDEIRO, cette perspective permet de « retrouver dans le symptôme un sens par rapport à l’histoire passée de

la personne » selon JP. CLEMENT [31].

Du fait de sa pertinence clinique et psychopathologique, l’usage de ce concept syndromique est

répandu dans la pratique des gérontopsychiatres français et européens. Cependant, à cause de son

absence d’identité spécifique, cette entité n’apparaît pas directement dans les études internationales et

ne possède donc pas d’échelle valide, ni de critères diagnostiques suffisamment précis permettant de

l’individualiser et de la caractériser [28].

Les troubles psychotiques au cours des démences

Les manifestations psychotiques peuvent dans certains cas être révélatrices d’un processus démentiel

en cours d’évolution. Cette symptomatologie psychotique est maintenant incluse dans la

dénomination des Symptômes Comportementaux et Psychologiques de la Démence au sein des

classifications catégorielles. Environ un tiers des patients présentant une Maladie d’Alzheimer et

jusqu’à 60% des sujets présentant une démence à Corps de Lewy seront à même de présenter ces

symptômes au cours de leur maladie.

Sur le plan clinique, les manifestations délirantes seront souvent moins structurées et plus simples,

organisées autour de thématiques souvent redondantes. Ces personnes pourront initialement

présenter des idées de jalousie, de vol ou de persécution et il sera fréquent de les voir attribuer à autrui

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des oublis d’actes ou des pertes d’objets. Avec l’évolution de la maladie, d’authentiques syndromes

hallucinatoires verront le jour, avec notamment des ecmnésies ou évocations hallucinatoires du passé,

consistant en l’émergence de souvenirs anciens vécus comme une expérience actuelle.

Les affections somatiques

La démarche diagnostique devant un trouble délirant chez une personne âgée nécessite initialement

une exploration clinique des hypothèses somatiques avant de pouvoir envisager une étiologie

psychiatrique [31].

Le syndrome confusionnel étant très fréquent dans ce contexte clinique, il est impératif de l’éliminer

en priorité, devant une perturbation de la conscience ou un trouble de la vigilance, ainsi que face à

une fluctuation de l’état général du patient. Les principales étiologies pouvant y être associées

consistent en un trouble métabolique ou hydro-électrolytique, une origine neurologique, un syndrome

infectieux, une douleur aigüe, un trouble de la continence vésicale ou anale, une iatrogénie

médicamenteuse ou un syndrome de sevrage.

C. Place de l’approche structurale

Le modèle structural a été emprunté à d’autres champs de connaissance que la psychiatrie, puis a été

décliné sous une approche analytique, selon les travaux de S. FREUD jusqu’à J. BERGERET. Ce

dernier proposait une distinction des différents modes d’organisation de la psyché selon les modalités

défensives, le type d’angoisse et les modes de relation à l’objet. En fonction de l’articulation de ces

trois axes, il différenciait trois grandes lignées structurales [56] :

• Les structures psychotiques

• Les structures névrotiques

• Les a-structurations états-limites

La structure s’organiserait aux premiers temps infantiles de l’organisation du psychisme, prenant ses

racines dans le développement de la personnalité, influençant alors l’intégration de l’existence et du

monde et engageant les aspects fondamentaux de la vie psychique [57]. R. ROUSSILLON a

remodelé ultérieurement ce concept d’organisation structurale, considéré alors comme trop rigide

pour rendre compte des complexités de la vie psychique. Il proposait la notion plus mouvante et plus

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26

instable de pôle organisateur de la psyché, comme mode de fonctionnement psychique prévalant, variant

selon les aléas de l’existence et les circonstances événementielles [18]. Concernant le niveau de

structuration, il se fixerait toutefois rapidement au cours de l’existence et ne pourrait ensuite subir que

des modifications fonctionnelles et non pas structurales. Seule l’adolescence serait la période où le

passage d’une structure à l’autre serait encore possible. Lors de la vieillesse par contre, les

bouleversements psychiques spécifiques n’apporteraient alors pas de changement de la lignée

structurale. La célèbre formule de JJ. DE AJURIAGUERRA se rapproche de ces considérations :

« nous vieillissons comme nous avons vécu », reformulée ensuite par J. MESSY : « nous vieillissons comme nous

vivons ! » [29] [58]. Une exception toutefois, selon J.BERGERET, certaines a-structurations états-

limites peu stables pourraient évoluer tardivement vers la psychose dans des conditions bien

particulières. Ces sujets conserveraient des possibilités évolutives différentes du fait d’un aménagement

seulement provisoire et immature sur le plan affectif. C’est lors de traumatismes narcissiques, de

pertes successives avec rupture des liens anaclitiques, qu’ils pourraient alors décompenser sur le mode

délirant [59].

Cette théorie s’avère donc intéressante car les symptômes restent globalement peu informatifs du

fonctionnement global de l’individu, en considérant que ce ne sont pas ceux-ci qui importent mais

l’état mental qui les conditionne. Selon E. MINKOWSKI et H. EY, les symptômes seraient

finalement interchangeables, plus ou moins inconstants, jamais pathognomoniques et c’est donc

l’expression du processus morbide sous-jacent qui resterait toujours la même [60].

La notion d’un terrain psychique sous-jacent tel que l’organisation psychotique, paraît généralement

admise comme déterminant la possibilité d’un processus délirant chez le sujet adulte : « pour faire un

délire psychotique, il faut être psychotique ». Rappelons que la psychose se caractérise par une

transformation radicale du rapport du sujet à la réalité, entraînant une modification profonde et

durable de l’identité et de la personnalité [18]. De manière consensuelle, il est donc considéré que

n’importe qui ne fait pas un délire. Toutefois, ces modalités ne se vérifient pas aussi facilement chez

l’âgé. Pour M. GROSCLAUDE, tout sujet âgé peut potentiellement produire un délire, en dehors de

toute perspective structurale [1].

C’est dans ce contexte que M. BLEULER et J. BERGERET invitaient à ne pas classer dans la

catégorie « psychose » les évolutions délirantes tardives n’ayant jamais présenté d’antécédents

psychiatriques. Pour eux, le délire n’apparaissait pas constitutif d’une structure psychotique chez l’âgé.

Il ne serait qu’à considérer comme un symptôme d’un état de décompensation chez un sujet, qui

montrant une adaptation normale durant toute son existence, pourra se mettre à délirer sur le tard

dans un contexte particulier. Les tableaux cliniques délirants de l’âgé, souvent transitoires et

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27

incomplets, peuvent apparaître dans une grande variété de situations cliniques mais ne viennent donc

pas forcément signer l’association à une organisation psychotique [61] [1]. Selon MB. DILIGENT et

M. GROSCLAUDE, le délire tardif se rapprocherait alors de la classique bouffée délirante aigüe de

l’adolescent ou du jeune adulte, du fait d’une « rupture aigüe dans le mode de fonctionnement psychique supposé

et les réaménagements introduits » [62] [1], ayant le mérite de ne pas présager d’un aménagement

particulier ni d’une évolution spécifique.

Dans une perspective plus dynamique, F. QUARTIER proposait alors le concept de plasticité psychique

pour contrebalancer cette notion d’irréversibilité structurale. Ce concept envisage la personnalité

comme une dimension oscillant entre normal et pathologique, et évite tout enfermement dans un

diagnostic structural statique et immuable. Il nous apparaît opérant chez l’âgé, et fait finalement écho

au concept de plasticité cérébrale des neurosciences, démontrant que quel que soit l’âge, l’appareil

cérébral est capable d’adaptation morphologique et fonctionnelle.

III. UN CONTEXTE CLINIQUE PARTICULIER : REVUE DE LA LITTERATURE ET

EPIDEMIOLOGIE

A partir d’une revue de la littérature internationale existante, nous tenterons de situer la prévalence

des troubles délirants tardifs, ainsi que de relever les facteurs de risque pouvant précipiter ces

décompensations.

Notons tout d’abord que ces résultats sont à considérer avec quelques réserves, du fait de plusieurs

limites méthodologiques rendant difficile toute tentative de comparaison selon M. HARRIS et ME.

AGRONIN [63] [64] :

A. HOLT relevait que les patients âgés présentant un trouble délirant et inclus dans les études, sont

souvent regroupés dans le vaste groupe syndromique « delusion » très peu spécifique, malgré leurs

différentes réalités physiopathologiques et étiopathogéniques [65]. Les critères d’identification de la

production délirante de l’âgé ne sont pas réellement définis, face à « des hallucinations, des idées

délirantes, des symptômes psychotiques, des idéations paranoïdes, etc. ». La conférence de consensus

de 2000 définissant la Very-Late-Onset Schizophrenia avait permis de délimiter plus précisément les

contours cliniques, pour autant, cette terminologie diagnostique qui se veut consensuelle n’apparaît

pas exploitée à ce jour [38]. De plus, lorsque des entités diagnostiques sont employées, elles diffèrent

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28

radicalement en fonction des pays et des époques, avec l’usage de différentes terminologies telles que

paraphrénie, schizophrénie d’apparition vraiment tardive, trouble délirant tardif, etc.

Par ailleurs, l’âge de début des troubles peut varier considérablement d’une étude à l’autre. Des

patients ne dépassant pas la cinquantaine sont souvent inclus dans des études nord-américaines chez

le sujet âgé, alors qu’il existe une génération d’écart avec un patient octogénaire. On sait pourtant que

les contextes socio-culturels liés à leur histoire de vie sont très différents, ainsi que les réalités

psychopathologiques de leur vieillesse. Cette hétérogénéité a été critiquée par C. HAZIF-THOMAS

pour son aspect trop vaste avec des limites d’âge trop écartées, restreignant considérablement le

nombre d’études chez les patients les plus âgés [28].

A. Prévalence et caractéristiques sociodémographiques

La première étude de prévalence des troubles psychotiques tardifs date de 1984. R. CHRISTENSON

retrouvait alors 4% d’idées de persécution chez des sujets américains de plus de 65 ans vivant à

domicile et bien intégrés socialement [66].

En 1998, AS. HENDERSON retrouvait une prévalence de 6,3% d’idéations paranoïdes dans une

communauté australienne de plus de 65 ans, ainsi que de 5,7% chez des patients de plus de 70 ans

recrutés à partir de listes électorales. Cette prévalence pouvait attendre jusqu’à 24,2% pour les sujets

admis en institution [67] [52].

En France cette fois, à Montpellier, en 2004, une prévalence de 4% de premiers épisodes

psychotiques chez des patients de plus de 65 ans vivant à domicile était retrouvée dans l’étude

conduite par K. RITCHIE [68].

En Suède, en 2009, dans une étude prospective sur trois ans sur des sujets âgés non-déments de plus

de 70 ans, les auteurs retrouvaient une prévalence de 1% de symptômes psychotiques [69]. Ce résultat

était plutôt bas, en comparaison à une cohorte de patients plus âgés. En effet, dans une étude

similaire, ils avaient retrouvé 10,1% de troubles psychotiques chez des sujets non déments de plus de

85 ans, vivant à domicile ou en institution [70]. Les auteurs attribuaient cette différence à un biais de

sélection, au manque d’expérience à faire passer ce type d’examens psychométriques, ainsi qu’à

l’absence dommageable d’informateurs-clés qui auraient permis d’obtenir un relevé précis de tous les

antécédents.

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29

En 2007, S. OSTLING retrouvait une prévalence de 7,4% de symptômes psychotiques, cette fois

chez des sujets alors bien plus âgés, de plus de 95 ans et non-déments [71]. Puis, il retrouvait une

incidence cumulée de 4,8% pouvant aller jusqu’à 19,8% de symptômes psychotiques et d’idées

paranoïdes pour une population de patients non déments âgés de 70 à 90 ans. Il concluait donc

qu’une personne âgée sur cinq survivant après l’âge de 85 ans, serait à risque de présenter un premier

épisode délirant [72].

Concernant la schizophrénie tardive, sa prévalence a été estimée à environ 0,12% dans une étude

anglo-saxonne de J. COPELAND datant de 1992 et effectuée sur 5222 personnes de plus de 65 ans

sélectionnées à partir de dossiers médicaux. L’auteur notait une diminution de la prévalence entre les

années 1980 et 1990, et l’attribuait aux évolutions nosographiques ayant entraîné des modifications

des critères diagnostiques et des critères d’âge de début [73].

Pour conclure, les auteurs de la conférence de consensus de 2000 sur la Very-Late-Onset

Schizophrenia, en reprenant les différentes données et études à ce sujet, proposaient donc une

prévalence allant de 4 à 10% de symptômes psychotiques chez le sujet âgé et de 0,1 à 0,5% pour la

schizophrénie tardive [38] [65] [73]. Il en résulte que la décompensation inaugurale tardive est

relativement fréquente chez le sujet âgé, mais ne s’apparente que dans certains cas bien précis à une

schizophrénie d’apparition vraiment tardive.

La prépondérance féminine chez les individus âgés présentant des troubles délirants tardifs après 60

ans a largement été soulignée [74] [75] [67] [76]. DWK. KAY et M. ROTH comptaient alors 88%

de femmes chez leurs délirants tardifs et ME. HERBERT retrouvait un nombre majoritaire de

femmes, à savoir 45 sur 47 patients [51] [77].

A titre indicatif, ces mêmes résultats ont été retrouvés dans des études proposant des critères d’âge de

début des troubles plus précoces, vers 40 ans seulement [76] [78] [79] [80].

Une hypothèse biologique formule que l’état post-ménopausique et le déclin du niveau d’estrogènes

pourraient constituer des facteurs de risque de décompensation tardive chez la femme. Les estrogènes

mimeraient les propriétés des composants antipsychotiques et allongeraient le délai du début des

symptômes chez des femmes prédisposées à la schizophrénie. Toutefois des preuves définitives en

faveur de cette théorie manquent encore actuellement et les résultats récents ne convergent pas tous

vers cette hypothèse [78].

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B. Spécificités gériatriques

Le vieillissement physiologique du système nerveux central et l’involution cérébrale, associés à

l’intervention d’autres facteurs de stress endogènes tels que la désafférentation sensorielle, abaissent le

seuil de vulnérabilité du sujet âgé.

1. Rôle du déficit sensoriel

Troubles auditifs

E. KRAEPELIN définissait déjà à l’époque la paranoïa des sourds comme prenant racine dans « le

sentiment d’insécurité qui dérive de l’impossibilité de relations intellectuelles avec l’extérieur ». Il constatait déjà que la

surdité pouvait accentuer l’isolement, contribuant alors au développement progressif d’idées délirantes

dans un cercle auto-entretenu.

A partir de 1961, de nombreuses études mettaient en évidence la fréquence des troubles auditifs chez

les patients à délire tardif [51] [77] [79] [80] [81] [82]. Toutefois ces données sont à considérer avec

réserve, puisque obtenues chez des patients dont l’âge de début des troubles avoisinait souvent 40 ans

seulement.

En 1984, pour R. CHRISTENSON les troubles sensoriels apparaissaient à nouveau comme un

facteur de risque de développer des idées délirantes de persécution, avec 58% de patients délirants de

plus de 65 ans présentant des troubles de l’audition, contre 36,6% dans le groupe-témoin [66].

En 1995, O. ALMEIDA retrouvait un risque quatre fois plus important de perte auditive chez 47

patients diagnostiqués late-paraphrenia par rapport à 33 sujets-témoins présentant un trouble affectif

[74].

D’autres études ont aussi retrouvé des résultats évocateurs mais non significatifs concernant

l’association de l’hypoacousie avec le délire tardif [83] [75]. Les auteurs évoquaient la possibilité d’un

déficit auditif léger ignoré des patients, mais pouvant tout de même conduire à des interprétations

erronées.

L’intervention de l’hypoacousie dans la genèse des troubles tardifs n’est actuellement plus discutée en

pratique, car on sait que l’atteinte de l’ouïe peut prédisposer un individu à mal interpréter son

environnement. Cependant, il faut rester prudent avec ces résultats obtenus grâce à une évaluation

empirique du trouble sensoriel, souvent peu précise et non audiométrique, sauf dans quelques cas bien

précis [84]. De plus, d’autres études comparatives seraient nécessaires, puisque le rôle potentiel de la

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31

surdité comme facteur de risque spécifique de développer un délire tardif doit être considéré dans le

contexte de sa haute prévalence lors de la vieillesse [83].

Troubles visuels

C. LASEGUE décrivait quant à lui une forme de délire très particulière, le syndrome des persécutés visuels,

à propos de patients présentant des idées délirantes dans les suites de l’installation d’un déficit de la

vue. Le syndrome de Charles BONNET quant à lui, ou syndrome hallucinatoire visuel des ophtalmopathes, est un

phénomène bénin qui survient chez des personnes sans antécédent psychiatrique souffrant d’une

diminution bilatérale de l’acuité visuelle due à une pathologie oculaire et causant une privation

sensorielle du cortex visuel. Ces sujets développent de manière subaiguë un syndrome hallucinatoire

riche, très coloré, représentant des scènes complexes et animées.

Il existe moins d’études récentes à ce sujet, avec des résultats très disparates, 15% de cécité chez les

patients de DWK. KAY et M. ROTH [51], 47% chez ME. HERBERT [77], 48% chez G.

PEARLSON [79].

Sur un plan comparatif, O. ALMEIDA ne retrouvait pas de différence significative pour l’atteinte

visuelle entre des sujets atteints de paraphrénie tardive et un groupe-témoin de sujets âgés avec des

troubles de l’humeur [74]. Dans l’étude de R. CHRISTENSON, 78% des sujets présentant des idées

de persécution avaient des troubles de la vue, contre 51% des sujets considérés sains (p<0,001) [66].

En 2002, dans une population de patients délirants de plus de 85 ans, un déficit visuel avait été

identifié lors de l’entretien chez les patients présentant des hallucinations (OR=3,4), ou bien des

idéations paranoïdes (OR=3,6) [70].

Les résultats sont divergents concernant l’impact de la désafférentation visuelle sur le délire tardif et

d’autres études comparatives chez le sujet âgé seraient donc nécessaires.

2. Impact de la désafférentation sociale

De nombreuses études ont mis en évidence l’impact de la désafférentation sociale sur le délire

inaugural tardif [51] [75] [23] [74] [66]. Plusieurs auteurs avaient également abouti à cette

corrélation, mais chez des patients présentant un début des troubles plus précoce, vers l’âge de 40 ans

[79] [81] [82] [51].

Dans l’étude australienne d’AS. HENDERSON en 1998, sur 65 sujets âgés de plus de 70 ans

présentant des symptômes psychotiques de type idées de persécution et hallucinations auditives, les

facteurs de risque associés étaient l’isolement social et le fait de vivre seul (OR=2,53) [52].

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32

Plus récemment, en 1999, l’étude française d’A. HASSET retrouvait 76,1% d’isolement social dans

une cohorte de 46 sujets de plus de 60 ans présentant un premier épisode délirant et pris en charge

pour la moitié en ambulatoire, pour l’autre à l’hôpital [83].

Globalement, ces divers résultats mettaient en évidence une diminution des relations intimes, avec un

faible taux de mariages et de procréation chez les patients délirants [66] [77] [83] [75], par rapport

aux groupes-témoins [82] [51]. Les variables associées à l’isolement étaient le divorce, le célibat et les

situations d’immigration [67] [52] [70].

La désafférentation sociale pourrait donc être considérée comme un facteur de risque de développer

des idées délirantes chez le sujet âgé. Bien que les raisons de cet isolement ne soient pas tranchées,

elles peuvent être dues en partie à l’atteinte auditive, entraînant une distorsion subjective de

l’environnement qui renforcerait alors l'isolement social, dans un cercle vicieux auto-entretenu

limitant alors le rapport à l’extérieur [84]. Toutefois, le rapport de causalité reste à évaluer, cet

isolement pourrait être aussi la conséquence plutôt que la cause du délire. Pour ME. HERBERT par

exemple, des traits de personnalité méfiants et sensitifs entrainent souvent une diminution de la

socialisation. Par ailleurs, un concubinage souvent plus tardif diminuerait les chances de procréation,

avec moins de descendants et d’entourage ultérieur [77].

La détection précoce de l’hypoacousie est indispensable afin de proposer une prise en charge rapide

du déficit. L’amélioration des symptômes psychotiques après appareillage auditif a d’ailleurs pu être

constatée, même si les auteurs de la conférence de consensus de 2000 sur la schizophrénie tardive

soulignent la réticence globale des patients âgés délirants à être appareillés, ainsi que le faible niveau

d’accès aux soins de santé chez ces derniers [38].

C. Rôle du terrain et de l’histoire de vie

1. Antécédents psychiatriques familiaux

Malgré ses difficultés à obtenir des données biographiques fiables, ME. HERBERT concluait à une

incidence plus élevée de pathologies psychiatriques dans les familles de paraphrénies tardives, en

comparaison à un échantillon randomisé de la population générale [77]. Toutefois, les résultats à ce

sujet restent contradictoires et d’autres auteurs retrouvaient moins d’antécédents psychiatriques

familiaux chez les délirants tardifs que dans les groupes-témoins [75] [51], ou bien autant [74].

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Il faut d’ailleurs préciser qu’il existe un risque de biais diagnostique dans cette catégorie. Des proches

peuvent être décédés ou disparus sans que le diagnostic suspecté ait pu être réellement posé. De plus,

les informations recueillies dépendent beaucoup du bon-vouloir et de la capacité du sujet et de ses

proches à retracer les antécédents familiaux.

2. Influence de la personnalité

Définitions

Selon le Manuel de Psychiatrie de JD. GUELFI, la personnalité décrite par J. DELAY et P.

PICHOT constitue « l’organisation dynamique des aspects cognitifs, pulsionnels, intellectuels, volitionnels et affectifs

de l’individu ». A cette unité intégrative viennent s’ajouter deux caractéristiques supplémentaires : la

personnalité est à la fois stable en contribuant à la permanence de l’individu, et unique en rendant le

sujet reconnaissable et distinct de tous les autres [85]. Elle se construit dès le début de la vie et se fixe

progressivement à l’adolescence. L’agencement de ces différents éléments constitue les traits de

personnalité, à savoir les modalités relationnelles durables de la personne, sa façon de percevoir le

monde et de penser son environnement et soi-même, dans un large éventail de situations.

La personnalité normale est considérée comme souple et adaptable. Elle ne s’approche du trouble que

lorsqu'elle devient rigide et inadaptée et qu'elle cause une souffrance subjective ou une altération

significative du fonctionnement. Les troubles de la personnalité pathologique sont donc

envisagés comme des attitudes ou comportements pathologiques et déviants par rapport à la norme

retenue. Dans les classifications DSM-IV-TR et DSM-5 ils sont définis par la présence conjointe des

caractéristiques suivantes [21] [20] :

A. Modalité durable des conduites et de l'expérience vécue, qui dévie de ce qui est attendu dans la culture de l'individu et qui se manifeste dans deux des domaines suivants :

• la cognition • l'affectivité • le fonctionnement interpersonnel • le contrôle des impulsions

B. Caractère envahissant et rigide

C. Source de souffrance significative ou d’altération du fonctionnement socio-professionnel

D. Déviation stable et durable, début à l'adolescence ou à l’entrée dans l'âge adulte

E. Pas d’explication possible par les manifestations ou les conséquences d'un autre trouble mental

F. Ce tableau n'est pas causé par les effets physiologiques directs d'une substance ou d'une affection médicale générale

Tableau 2 : Définition du trouble de la personnalité pathologique selon le DSM–IV-TR et le DSM-5

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

34

La définition proposée par la CIM-10 est globalement similaire à celle-ci [22].

Spécificités chez le sujet âgé délirant

Plusieurs auteurs se sont déjà attachés à définir une personnalité-type qui favoriserait l’émergence de

troubles délirants chez le sujet âgé, pour appréhender au mieux les comorbidités et les facteurs de

risque de décompensation, avec un objectif préventif permettant une intervention thérapeutique

précoce.

Initialement, DWK. KAY et M. ROTH retrouvaient des traits de personnalité paranoïaque ou

schizoïde dans 45% des cas au sein de leur étude conduite sur les « psychoses paranoïdes tardives » de

plus de 60 ans. Ils concluaient à la présence fréquente d’un « trouble de personnalité ancien interférant avec les

modalités relationnelles » et en énuméraient les tendances les plus fréquentes : jalousie, suspicion,

arrogance, froideur émotionnelle, solitude, sectarisme, méfiance, voire sensitivité ou caractère explosif

[51].

Dans l’étude de ME. HERBERT, en 1967, seulement quatre cas de plus de 65 ans sur 47 ne

présentaient pas de trait de personnalité jugé anormal. Les autres étaient considérés comme montrant

des traits paranoïaques ou schizoïdes. Les auteurs concluaient que des traits de personnalité

prémorbides étaient quasiment systématiquement associés au délire tardif [77].

L’étude rétrospective de DWK. KAY et AF. COOPER en 1976 montrait chez des patients délirants

de plus de 50 ans seulement, une tendance à la réserve, au sentiment d’insécurité et à l’altération de

l’image de soi, s’apparentant à des traits sensitifs. Ces sujets, plus réticents et plus suspicieux,

apparaissaient moins en mesure d’afficher de l’émotion et de la sympathie, avec des difficultés à

établir et maintenir des relations sociales satisfaisantes. Les auteurs évoquaient alors un « facteur de

personnalité schizoïde prépsychotique » prédisposant aux troubles ultérieurs [81].

Bien plus récemment, en 2007, chez des individus très âgés de plus de 90 ans présentant des

hallucinations et des idées paranoïdes, S. OSTLING retrouvait la présence significative de troubles de

la personnalité paranoïaque, en comparaison à un groupe-témoin [71]. Cette dernière étude

comparative nous intéresse plus particulièrement, puisqu’elle utilise des critères diagnostiques se

rapprochant plus précisément de ceux que nous utilisons à l’heure actuelle.

Concernant les dimensions de personnalité maintenant, la seule étude descriptive existante à ce jour

chez l’âgé est celle d’A. HASSET [83]. Ses résultats montraient une augmentation de l’Agréabilité et

de la Conscience chez les sujets délirants par rapport à la moyenne adulte, ainsi qu’une diminution

des facteurs Névrosisme, Extraversion et Ouverture. Selon l’auteur, un bas niveau d’Ouverture

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35

altérerait la flexibilité cognitive, le répertoire comportemental et les poursuites créatives. Cela pourrait

expliquer que ces patients présentent des difficultés dans la mise en œuvre d'interprétations

alternatives adéquates et de critique de leurs convictions délirantes.

D’autres études retrouvaient un faible du niveau de Conscience par rapport à un groupe contrôle

[86], un faible niveau d’Extraversion [87], ainsi qu’un faible niveau d’Agréabilité [88] [87] chez des

patients diagnostiqués schizophrènes, mais bien plus jeunes que notre population étudiée.

Globalement, ces différents résultats mettent donc en évidence la présence de troubles de la

personnalité paranoïaque et schizoïde chez les patients âgés délirant tardivement. Il existe par contre

assez peu de travaux antérieurs s’intéressant aux corrélations entre dimensions de personnalité et

délire du sujet âgé.

3. Impact des événements de vie

Au départ, DWK. KAY et M. ROTH concluaient à une faible fréquence d’événements de vie

négatifs chez les patients paraphrènes tardifs. Ils relevaient bien quelques événements antérieurs jugés

traumatiques comme le changement de milieu de vie et les ruptures de lien dans les familles unies,

tout en considérant que ces associations étaient fortuites [51].

Quelques auteurs ont évoqué ensuite la possibilité d’une association entre décompensation délirante

tardive et passé douloureux. Ces derniers notaient alors l’importance des expériences précoces

négatives de l’enfance, des changements de vie radicaux, ainsi que des situations de stress et de

traumatisme ultérieur, provoquant un sentiment d’insécurité et d’altération de l’image de soi [63] [89]

[90].

Sur la seule base de neuf patients paranoïdes âgés, B. GURIAN a proposé un modèle spéculatif sur le

rapport possible entre une expérience traumatisante dans l’enfance (ici chez des patients survivants de

l’holocauste), l'absence d’activité reproductrice ultérieure et le risque de trouble délirant dans la

dernière période de vie. L’auteur imaginait que l'effet de premier traumatisme puisse conduire à faire

le choix de ne pas avoir d’enfants, voire rendre biologiquement moins apte à concevoir ou mener à

bien une grossesse. Toutefois cette étude ne portait que sur neuf patients, soit un chiffre très restreint

réduisant considérablement sa puissance [89].

D’autres auteurs ont évoqué le possible impact des pertes tardives dans la paraphrénie tardive,

remarquant en pratique que celles-ci précédaient fréquemment la maladie d’un à trois ans dans la

majorité des cas [81] [90]. Enfin, l’étude de D. JESTE a mis en avant une différence significative sur

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

36

le plan des variables psychosociales chez des patients présentant une schizophrénie tardive, avec de

mauvais ajustements dans l’enfance, des troubles d’ordre psychosexuel et des relations

interpersonnelles [76].

Dans une étude allemande conduite sur 60 patients ayant présenté à plus de 50 ans une psychose

paranoïde de début tardif, T. FUCHS retrouvait deux fois plus de patients réfugiés de guerre et expulsés

de leur territoire durant la seconde Guerre Mondiale, en comparaison à la population bavaroise du

même âge. On sait à quel point un sentiment de détresse, d'anxiété ou de menace peut favoriser une

symptomatologie paranoïde réactionnelle en principe immédiate, apparaissant après le choc, dans les

jours ou mois à venir, mais pouvons-nous imaginer qu'un événement de vie traumatisant exerce un tel

effet après une durée bien plus importante ? T. FUCHS évoquait en effet la possibilité d’un impact

stressant « à long terme » chez ces patients délirant tardivement. Selon lui, l'intégration sociale, dans

la plupart des cas normale chez ces patients, pourrait expliquer que le stress émotionnel latent et

durable ait été amenuisé et jugulé par l'engagement professionnel et familial de la vie adulte. Cet

investissement se modifiant et diminuant dans la vieillesse, ce changement de vie pourrait alors mener

à la décompensation tardive. L’auteur finissait toutefois par conclure à l’absence de données

suffisantes en faveur de cette hypothèse [90].

Dans le même registre, W. BUSUTTIL a aussi évoqué la possibilité que ces patients délirants aient pu

subir un traumatisme antérieur, sans pouvoir recourir précocement à des soins médicaux du fait de

retrait social et d’hypervigilance. Ils auraient alors pu développer un état de stress post-traumatique

dans les suites, ou du moins quelques symptômes pouvant être confondus avec la symptomatologie

paranoïde [91].

On admet donc désormais que certains facteurs psychosociaux récents associés au vieillissement

puissent être considérés comme déstabilisants [38]. Toutefois leur rôle et notamment celui des

événements de vie plus précoces sur la décompensation tardive reste à déterminer. Pour autant, un

lien de causalité direct ne peut être clairement mis en avant du fait de leur implication multiple et de

leur intrication variable.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

37

IV. PISTES DE REFLEXION

Le manque d’études scientifiques chez le sujet âgé est à ce jour manifeste. Jusqu’ici, la revue de la

littérature nous a permis de rendre compte du rôle de certains facteurs de risque dans la

décompensation délirante tardive, sans pour autant que tous puissent être clairement définis, du fait

de leur implication variable. Dans ce contexte, il est intéressant de s’appuyer sur le modèle

biopsychosocial, prenant en compte les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux participant

simultanément au développement d’un processus pathologique. Cette approche se veut globalisante,

sans pour autant qu’une de ces trois catégories ne se voit accorder une prépondérance, mais plutôt

selon la notion de variabilité situationnelle.

Comme nous l’avons souligné précédemment, ce qui détermine l’apparition d’un délire chez le sujet

âgé n’est pas à rechercher dans une organisation psychotique ou névrotique sous-jacente, à l’inverse

du sujet jeune chez qui celle-ci est souvent postulée en pratique. M. GROSCLAUDE propose donc

d’introduire un modèle opérant pouvant expliquer la propension délirante de l’âgé : la potentialité

délirante. Ce concept englobe la notion de contexte de franchissement d’un seuil, dans un moment de

convergence entre différents facteurs en jeu : événements internes et externes, trouble du jugement de

réalité (confusion, iatrogénie, etc.), fragilité physique liée à l’âge, etc. L’étiologie du délire, quelle

qu’elle soit, ne viendrait pour le coup en rien modifier ces différentes modalités, ni l’expérience

subjective qui en découle chez l’âgé.

Ce modèle théorique intégratif apparaît particulièrement opérant dans l’approche multifactorielle du

délire tardif. Ce sont précisément sur ces questions que nous tenterons donc de nous pencher dans la

suite de ce travail, en tentant de dégager plus clairement l’influence de certaines variables.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

38

DEUXIEME PARTIE :

Etude du rôle du terrain et des facteurs de stress sur

le délire inaugural tardif du sujet âgé

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

39

I. INTRODUCTION

La décompensation délirante est relativement fréquente chez le sujet âgé, puisque la littérature

considère qu’une personne sur dix vivra une expérience délirante durant sa vieillesse [38]. Il apparaît

donc nécessaire de mettre en évidence les situations pouvant rendre les sujets vulnérables à

développer avec le vieillissement ce type de décompensations psychiatriques, afin de pouvoir les

appréhender au mieux en pratique. Actuellement, on connaît une partie des facteurs de risque

pouvant précipiter cette décompensation, notamment le rôle du vieillissement physiologique et des

modifications cérébrales, ainsi que l’impact de la désafférentation sociale et sensorielle. Cependant, la

physiopathologie et la psychopathologie du délire tardif restent globalement mal connues à ce jour.

L’étude de l’influence de facteurs de risque chez le sujet âgé délirant s’avère en effet complexe, du fait

de la disparité des modèles théoriques explicatifs et de l’enchevêtrement des cadres nosographiques,

ne facilitant pas la recherche scientifique chez l’âgé. Afin d’éviter de se retrouver confrontés à cet

écueil, nous avons donc choisi de considérer ici le délire tardif selon sa dimension clinique et non pas

en tant qu’entité pathologique individualisée par une approche nosographique.

Dans cette seconde partie, nous présenterons notre travail de recherche basé sur une étude cas-

témoin. Nous faisions l’hypothèse que la personnalité puisse constituer un facteur de risque de

décompensation délirante tardive et l’objectif principal de cette étude a donc été de rechercher un lien

entre le délire et la variable personnalité. Les objectifs secondaires ont ensuite consisté à déterminer si la

confrontation à la variable événements de vie pouvait influencer la survenue inaugurale d’un délire chez

l’âgé.

La population d’étude était constituée par un groupe de cas ayant présenté un épisode délirant

inaugural à plus de 60 ans et par un groupe-témoin comprenant des sujets de plus de 60 ans recrutés

dans la population générale et ayant accepté de répondre à un auto-questionnaire de manière

anonyme.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

40

II. MATERIEL ET METHODES

A. Population participante

D’août 2014 à janvier 2015, à partir des centres hospitaliers Le Vinatier et Saint-Jean-de-Dieu à

Lyon, nous avons recruté des patients admis dans les unités intrahospitalières des pôles de Psychiatrie

de la Personne Agée, ou bien suivis en ambulatoire sur les Centres Médico-Psychologiques

extrahospitaliers rattachés à ces mêmes secteurs géographiques.

Les critères d’inclusion étaient :

• Sujets ayant présenté un premier épisode délirant révélé après 60 ans

• Hommes ou femmes

• De tous milieux socio-culturels confondus

• Rencontrés à distance de l’épisode délirant aigu

Etaient exclus, les sujets présentant :

• Des antécédents psychiatriques documentés, de type maladie bipolaire ou troubles

psychotiques

• Un diagnostic de pathologie démentielle ou des troubles cognitifs évidents

• Une impossibilité de répondre au questionnaire (aphasie, absence de maitrise de la langue

française, etc.).

Bien que nous n’ayons présagé d’aucune étiologie sous-jacente chez ces sujets, si l’on s’en tient aux

critères cliniques du Délire d’Apparition Tardive, ces derniers pourraient être inclus dans ce cadre

diagnostique.

Nous avions préalablement avisé les praticiens hospitaliers de notre démarche scientifique afin qu’ils

nous contactent dès qu’ils rencontraient des patients présentant le profil recherché. Ces personnes

étaient informés en amont et devaient donner un accord favorable. Une rencontre était programmée

par la suite sur leur lieu de soin ou à leur domicile, en fonction de leur degré d’autonomie physique.

Afin de pouvoir comparer nos données, nous avons constitué un groupe-témoin en recrutant des

sujets âgés de plus de 60 ans dans la population générale. Ils étaient inclus en l’absence d’antécédents

psychiatriques antérieurs, notamment de maladies bipolaires et troubles psychotiques, ainsi que de

pathologies démentielles.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

41

B. Outils diagnostiques

L’objectif principal de cette étude a donc consisté à rechercher un lien entre délire tardif et

personnalité, ainsi qu’entre délire et confrontation à des événements de vie.

Pour y répondre, nous disposions des outils psychométriques suivants avec lesquels nous avons évalué

les cas :

• Une échelle d’événements de vie (EVE)

• Une évaluation neurocognitive sommaire (MMSE)

• Deux échelles de dépression (GDS et MADRS)

• Une échelle d’anxiété (HAMILTON)

• Deux échelles catégorielle et dimensionnelle de personnalité (SCID-II et BFI)

Par l’évaluation clinique permise dans l’espace de l’entretien et par l’intermédiaire des éléments

rapportés par leurs médecins respectifs, nous avons obtenu un recueil descriptif des éléments

sémiologiques, à savoir les mécanismes et thèmes du délire des cas. Enfin, nous avons procédé à une

analyse d’aspect plus qualitatif, en posant des questions ouvertes aux patients sur leur représentation

de leurs traits personnalité et de leur vieillesse.

Les témoins devaient quant à eux répondre de manière anonyme à un auto-questionnaire

comprenant le recueil d’événements de vie et l’échelle BFI. Cette échelle est réalisable en auto-

questionnaire grâce à son langage simple et usuel. Des rapports de MCCRAE et COSTA ont montré

l’obtention de résultats superposables dans les évaluations par un tiers, les classifications d’experts et

les auto-évaluations [92]. Nous avons choisi de ne pas utiliser la SCID-II chez les témoins du fait de

son caractère fastidieux et complexe en auto-questionnaire. Nous n’avons pas non plus effectué de

MMSE car ils étaient interrogés de manière anonyme, sans faire appel à un interrogateur.

1. Intérêt et détail des tests psychométriques

Le Mini Mental State Evaluation (MMSE) et l’appréciation clinique au cours de l’épreuve ont permis

d’être attentif à toute altération cognitive, mnésique ou praxique.

L’échelle de dépression gériatrique à 15 items, ou Geriatric Depression Scale (GDS), a été choisie pour sa

spécificité tenant compte des difficultés propres à la personne âgée (fatigabilité, faible concentration,

compréhension parfois difficile), avec une passation simple et de courte durée. Elle est considérée

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

42

comme un outil de dépistage de la dépression mais reste insuffisante pour établir un diagnostic précis.

Dans ce cadre, elle a été associée à l’échelle MADRS ou Montgomery et Asberg Depression Rating Scale.

L’échelle de Hamilton ou Hamilton Anxiety Rating Scale (HARS) a été utilisée pour évaluer la sévérité de

l’anxiété, malgré l’absence d’existence d’échelle spécifique validée chez le sujet âgé.

La personnalité était évaluée via des échelles catégorielles (SCID-II) et dimensionnelles (BFI) dont

nous reprenons les modalités ci-dessous.

2. Etude de la personnalité

L’étude de la personnalité cherche à mesurer quelles sont les différentes manières qu’ont les individus

de traverser différemment des expériences émotionnelles, interpersonnelles, expérimentales,

motivationnelles, dans des styles propres à chacun.

Approche catégorielle

L’approche catégorielle constitue une approche descriptive, statique et athéorique. Elle permet

d’étudier la personnalité dite pathologique et s’inscrit dans une démarche médicale nosologique,

classant l’individu dans des catégories sensées représenter des diagnostics qualitativement distincts

[27].

Le diagnostic de trouble de la personnalité pathologique est posé lorsqu’un certain nombre de critères

diagnostiques et d’éléments fonctionnels sont présents et qu’ils dépassent un seuil préétabli dans le

DSM ou dans la CIM par exemple.

L’échelle SCID-II (Structured Clinical Interview for DSM Axis II Personality Disorders) s’appuie sur

les critères diagnostiques de l’axe II de la quatrième version du DSM et permet d’orienter vers un

diagnostic de trouble de la personnalité. Selon le résultat obtenu à des réponses binaires aux questions

sur le fonctionnement et les réactions comportementales du sujet, le diagnostic posé appartiendra à

l’une des catégories suivantes : évitant, dépendant, obsessionnel-compulsif, passif-agressif, dépressif, paranoïaque,

schizotypique, schizoïde, histrionique, narcissique, borderline ou antisocial.

Approche dimensionnelle

La perspective dimensionnelle représente une alternative à cette approche catégorielle. Selon celle-ci,

les troubles de la personnalité représentent des variables inadaptées de traits de personnalité, avec la

notion d’un continuum entre le normal et le pathologique, sans transition nette.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

43

Dans l’étude de la personnalité, l’approche dimensionnelle s’attache à la description quantitative des

dimensions constituant la personnalité, chez le sujet malade comme chez le sujet sain.

Plusieurs modèles dimensionnels existent et découlent initialement d’une approche psychologique. Ci-

dessous, nous reprenons le modèle des « BIG FIVE » développé par PT. COSTA et RR. MCCRAE,

proposant une description des cinq dimensions fondamentales de base constituant la personnalité,

indépendantes entre elles [93] :

Ouverture Capacité à vivre des expériences nouvelles ou inhabituelles. Diversité des intérêts,

créativité, originalité et complexité de la vie mentale.

Conscience (ou « conscienciosité », selon le néologisme repris par JP. CLEMENT).

Contrôle des impulsions facilitant le comportement vers un but sérieux et la

planification. Persévérance et engagement à long-terme.

Extraversion Tendance et enthousiasme à rechercher à se confronter à l’environnement social et

matériel, dans une recherche de stimulation.

Agréabilité Nature des relations interpersonnelles, sensibilité au bien-être d’autrui. Désir de

coopération, de cohésion et de conciliation.

Névrosisme Propension à la détresse psychologique et à l’instabilité émotionnelle. Prédisposition à

ressentir la réalité comme menaçante, problématique et pénible.

Tableau 3 : Définition des cinq dimensions de personnalité OCEAN

L’échelle NEO-PI-R (NEO-Personality Inventory-Revised) est un modèle dimensionnel de référence

qui offre une évaluation approfondie de la variation de ces cinq dimensions dans la population

générale. Cet inventaire américain est composé de 240 items et a été créé dans les années 1990 par

PT. COSTA et RR. MCCRAE. Il est considéré comme universel et généralisable à différentes

cultures.

L’échelle BFI-Fr (BIG FIVE INVENTORY) est la version française simplifiée de la précédente. Avec

seulement 44 items, il s’agit d’un outil permettant un inventaire simple, économique et d’une durée de

passation courte [94] [27]. O. PLAISANT a mis en avant ses aspects robustes et fiables, et montré

une validation convergente et discriminante de ce modèle français par rapport à la NEO-PI-R [95].

Nous avons donc choisi de nous appuyer sur ces deux modèles catégoriels et dimensionnels qui

apparaissent complémentaires, tout en nous attardant sur l’approche dimensionnelle, dont la

pertinence et l’intérêt n’est plus à démontrer à ce jour.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

44

III. RESULTATS

Au total, nous avons rencontré 25 patients et recueilli 30 auto-questionnaires anonymes. Le nombre

de femmes était au départ plus important chez les cas que chez les témoins, mais nous avons apparié

ces groupes sur le genre et l’âge. Après appariement, nous ne retrouvions pas de différence

significative concernant ces deux facteurs entre les deux groupes (p<0,05) et nous disposions alors de

25 cas pour 25 témoins.

Le résultat moyen au MMSE était de 27,16/30 (+/- 1,80) chez les cas. Ceux-ci ne présentaient par

ailleurs aucune perte d’autonomie au quotidien. Les observations et résultats psychométriques

permettent d’écarter cliniquement un processus neurodégénératif sous-jacent, sans pour autant

permettre d’exclure la potentialité d’une évolution démentielle ultérieure. En outre, nous ne notions

aucune corrélation statistique entre les résultats au MMSE et aux échelles psychométriques GDS,

HAMILTON, MADRS.

A. Caractéristiques sociodémographiques

Dans ce chapitre nous proposerons une analyse descriptive des différents résultats

sociodémographiques.

CARACTERISTIQUES

SOCIODEMOGRAPHIQUES

CAS

n (%)

TEMOINS

n (%) p

Marié(e) 8 (32) 16 (64) >0,05

Célibataire 5 (20) 1 (4) >0,05

Divorcé(e) 6 (24) 5 (20) >0,05

Veuf (ve) 5 (20) 3 (12) >0,05

Avec enfants 18 (72) 22 (88) >0,05

Vit à domicile 23 (92) 24 (96) >0,05

Vit seul(e) 13 (52) 7 (28) >0,05

Pas d’études 6 (24) 0

0,0002 CEP ou CAP 13 (52) 8 (32)

Lycée et baccalauréat 2 (8) 6 (24)

Etudes supérieures 4 (16) 11 (44)

Tableau 4 : Comparaison des caractéristiques sociodémographiques entre cas et témoins

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

45

Concernant l’état civil, les patients délirants étaient globalement moins mariés que les témoins, plus

souvent célibataires, veufs ou divorcés. Ils avaient eu souvent moins d’enfants au cours de leur

existence et la tendance à vivre seuls était surreprésentée. Pour autant, sur le plan statistique, aucune

différence significative n’était retrouvée entre le groupe de cas et le groupe-témoin (p>0,05).

A l’inverse, la différence de niveau d’études entre le groupe de cas et le groupe-témoin était

significative. Malgré notre volonté de contrôler les deux populations en les appariant sur le sexe et

l’âge, le niveau d’étude s’est avéré plus élevé chez les témoins (U = 127,5 ; Z = 3.8 ; p= 0,0002). Les

sujets avec une plus grande fragilité ont probablement présenté plus de difficultés à s’investir dans un

long cursus scolaire demandant des capacités intellectuelles élevées.

B. Analyse de la personnalité

1. Dimensions de personnalité BIG FIVE

Le schéma ci-dessous compare les moyennes des résultats obtenus à l’échelle BFI chez les cas et chez

les témoins.

Figure 2 : Graphique en étoile comparant les moyennes des cinq dimensions de personnalité entre cas et témoins

2

3

4

Extraversion

Agréabilité

Conscience Névrosisme

Ouverture

CAS

TEMOIN

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

46

DIMENSIONS DE

PERSONNALITE

CAS

Moyenne BFI (ET)

TEMOINS

Moyenne BFI (ET)

p

Ouverture 2,99 (+/- 0,86) 3,17 (+/- 0,92) >0,05

Conscience 3,89 (+/- 0,77) 3,78 (+/- 0,59) >0,05

Extraversion 2,72 (+/- 0,99) 3,04 (+/- 0,62) >0,05

Agréabilité 3,82 (+/- 0,64) 3,88 (+/- 0,67) >0,05

Névrosisme 3,51 (+/- 0,72) 2,74 (+/- 0,76) 0,0003

Tableau 5 : Comparaison des moyennes des cinq dimensions de personnalité entre cas et témoins.

(Interaction BFI*sujet significative à F (4,192) = 3.22 ; p=0,01)

La différence était significative pour la dimension de personnalité Névrosisme entre le groupe de cas

et le groupe-témoin. Cette propension à la détresse psychologique était en effet plus marquée chez les

patients ayant présenté un délire inaugural et pourrait donc être considérée comme un facteur de

vulnérabilité pouvant favoriser la décompensation tardive, en association à d’autres variables.

Il n’y avait pas de différence significative pour la dimension Extraversion, mais le résultat retrouvé

chez les cas était plus bas que chez les témoins.

2. Troubles de la personnalité pathologique

Les données suivantes ont uniquement une vocation descriptive car elles n’ont pas pu être comparées

statistiquement à celles du groupe-témoin auquel nous avions choisi de ne pas faire passer la SCID-II

du fait de son caractère fastidieux et complexe en auto-questionnaire.

Nous avons relevé l’absence de trouble de la personnalité chez 32% des cas. Chez les 67% restants,

nous retrouvions une cooccurrence importante, un patient pouvant présenter jusqu’à trois diagnostics

de troubles de la personnalité différents.

La prévalence des troubles de la personnalité chez les sujets de plus de 50 ans a été estimée à environ

10% selon la méta-analyse de R. ABRAMS et S. HOROWITZ, résultat globalement similaire à celui

de la population plus jeune. Ces personnes âgées délirantes présentaient donc plus souvent un profil

de personnalité pathologique que la population standard [96].

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

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Le tableau suivant résume la prévalence des troubles de la personnalité pathologique obtenue chez les

patients délirants, et confronte ces résultats aux prévalences de la population générale et de la

population psychiatrique retrouvées dans les données de la littérature [20] [21] [85] [97] :

TROUBLE DE LA PERSONNALITE

PREVALENCE CAS n (%)

PREVALENCE POPULATION

GENERALE (%)

PREVALENCE POPULATION

PSYCHIATRIQUE (%)

AUCUN 8 (32) 85 à 95 40 à 70

CLU

STER

A

excen

triqu

e Paranoïaque 5 (20) 0,5 à 2,5 2 à 30

Schizotypique 1 (4) 3 ?

Schizoïde 0 Rare Rare

CLU

STER

B

dram

atiq

ue

Narcissique 1 (4) <1 2 à 16

Histrionique 1 (4) 2 à 3 10 à 15

Borderline 1 (4) 2 10 à 50

Antisocial 0 1 à 3 3 à 30

CLU

STER

C

anxie

ux

Obsessionnel Compulsif 11 (44) 1 3 à 10

Evitant 7 (28) 0,5 à 1 10

Dépendant 3 (12) 2,5 à 7,5 4 à 20

Passif-Agressif 0 0,4 à 3 ?

Dépressif 4 (16) ? ?

Tableau 6 : Type de trouble de la personnalité chez les cas selon l’axe II du DSM-IV, en

comparaison aux prévalences retrouvées dans la littérature

Au sein du CLUSTER A, le trouble de la personnalité paranoïaque était surreprésenté, vérifiant les

conclusions de l’étude de S. OSTLING [71]. Par ailleurs, nous n’avons diagnostiqué que très peu de

troubles de la personnalité schizoïde et schizotypique, appartenant au spectre de la schizophrénie et

pouvant en constituer des états prémorbides.

Les troubles de la personnalité obsessionnel-compulsif et évitant du CLUSTER C, s’apparentant à un

profil anxieux, étaient quant à eux surreprésentés chez nos sujets.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

48

C. Analyse longitudinale : retour sur l’histoire de vie

1. Antécédents psychiatriques familiaux

CAS n (%)

TEMOINS n (%)

p

AUCUN ANTECEDENT 13 (52) 18 (72)

ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES 12 (48) 7 (28) Trouble délirant, schizophrénie 1 (4) 1 (4) > 0,05

Maladie bipolaire 3 (12) 2 (8) > 0,05

Episode dépressif 9 (36) 3 (12) X2 (1) = 3,94 p=0,04 rho = +0,28 p=0,004

TOC, trouble anxieux 4 (16) 4 (16) > 0,05

Tentative de suicide, suicide 2 (8) 1 (4) > 0,05

Addictions 4 (16) 2 (8) > 0,05

Troubles indéterminés 1 (4) 1 (4) > 0,05 Tableau 7 : Comparaison des antécédents psychiatriques familiaux entre cas et témoins.

Concernant l’histoire psychiatrique familiale, la seule différence significative entre les cas et les

témoins concernait la présence d’antécédents d’épisodes dépressifs chez les apparentés de premier

degré. Il n’y avait par contre aucune différence significative concernant les antécédents de

schizophrénie. Les études familiales d’agrégation montrent que le risque de schizophrénie est plus

élevé chez les apparentés du sujet schizophrène adulte, ce qui ne se vérifie pas ici pour le délire tardif.

Toutefois, les informations recueillies dépendaient de la capacité du sujet à retracer son histoire.

2. Antécédents psychiatriques personnels

CAS n (%)

TEMOINS n (%)

p

AUCUN ANTECEDENT 6 (24) 22 (88)

ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES 19 (76) 3 (12)

Episode dépressif 18 (72) 1 (4) X2 (1) = 24.5 p<0,000001 rho = +0,70 p=0,0001

TOC, trouble anxieux 14 (56) 2 (8) X2 (1) = 13.23 p=0,0002 rho = +0,51 p=0,0001

Tentative de suicide 6 (24) 0 X2 (1) = 6.81 p=0,009 rho = +0,36 p=0,008

Addictions 3 (12) 0 0,07 Tableau 8 : Comparaison des antécédents psychiatriques personnels entre cas et témoins.

Nous avons retrouvé une différence significative concernant la présence d’antécédents psychiatriques,

avec une prépondérance d’épisodes anxio-dépressifs et de tentatives de suicide chez les cas.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

49

3. Evénements de vie

Dans les tableaux ci-dessous, nous avons répertorié les différents événements de vie auxquels ont été

confrontées nos deux populations, précocement pendant l’enfance, à l’âge adulte et enfin tardivement

durant la vieillesse.

EVENEMENTS DE VIE PRECOCES CAS n (%)

TEMOINS n (%)

p

Séparation avec les parents 17 (68) 7 (28) X2 (1) = 9.74 p=0,001 rho = +0,44 p=0,001

Maltraitance 7 (28) 1 (4) X2 (1) = 5.35 p=0,02 rho = +0,32 p=0,02

Décès d’un parent 6 (24) 3 (12) >0,05

Dépression maternelle 3 (12) 1 (4) > 0,05

Confrontation à la guerre 18 (72) 11 (44) > 0,05

Divorce ou séparation des parents 5 (20) 2 (8) > 0,05

Maladie grave 3 (12) 3 (12) > 0,05 Tableau 9 : Comparaison des événements de vie précoces entre cas et témoins.

EVENEMENTS DE MILIEU DE VIE CAS n (%)

TEMOINS n (%)

p

Pertes périnatales (parmi les femmes) 15 (83) 7 (39) X2 (1) = 7.53 p=0,006

rho = +0,47 p=0,004 Difficultés professionnelles 10 (40) 4 (16) > 0,05

Précarité sociale 6 (24) 4 (16) > 0,05 Tableau 10 : Comparaison des événements de milieu de vie entre cas et témoins.

EVENEMENTS DE VIE TARDIFS CAS n (%)

TEMOINS n (%)

p

Retraite difficile 13 (52) 0 X2 (1) = 16.98 p=0,00004 rho = +0,60 p<0.0001

Conjugopathie, divorce, séparation 11 (44) 1 (4) X2 (1) = 10.96 p=0,0009 rho = +0,46 p=0,0006

Handicap, incapacité 13 (52) 2 (8) X2 (1) = 11.52 p=0,0006 rho = +0,48 p=0,0004

Deuil, décès des proches 16 (64) 3 (12) X2 (1) = 12.00 p=0,0005 rho = +0,47 p=0,0003

Perte matérielle, entrée en institution 3 (12) 0 0,07

Conflit avec les enfants 4 (16) 1 (4) > 0,05

Maladie des proches 4 (16) 4 (16) > 0,05 Tableau 11 : Comparaison des événements de vie tardifs entre cas et témoins.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

50

Les cas avaient tendance à avoir été confrontés à un nombre plus élevé d’événements de vie par

rapport aux témoins, sans pour autant que les corrélations soient toutes statistiquement significatives.

Les résultats ont par contre mis en évidence une présence significative de la confrontation à des

événements de vie précoces dans l’enfance chez les cas, avec une augmentation des situations de

maltraitance et des séparations répétées.

Les résultats ont ensuite montré une corrélation significative des événements de vie à l’âge adulte et

tardif chez les cas. Ces événements de vie associés à la notion de perte et de deuil, en apparence assez

ordinaires et communs, pourraient finalement comporter un caractère traumatisant en fonction du

vécu subjectif du patient et de ses expériences infantiles et adultes passées.

La conjonction de certains facteurs de stress événementiels et environnementaux pourrait donc être

considérée comme un des facteurs de risque de délire tardif.

D. Formes cliniques et sémiologie

1. Symptomatologie délirante

MECANISME n (%)

Interprétation/intuition 22 (88)

Hallucination 8 (32)

Imagination 5 (20)

THEMATIQUE n (%)

Persécution 20 (80)

Mélancolie 6 (24)

Hypochondrie 5 (20)

Mégalomanie 2 (8)

Mysticisme 2 (8)

Erotomanie 1 (4)

Jalousie 1 (4)

Tableau 12 : Typologie du délire chez les cas

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

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Les mécanismes du délire étaient très majoritairement interprétatifs et la thématique la plus

représentée était la persécution, en tête devant les thématiques mélancoliques et les préoccupations

hypocondriaques centrées sur le corps, fréquemment retrouvées en pratique gérontopsychiatrique.

Les résultats obtenus s’accordent donc avec les descriptions cliniques du délire tardif retrouvées dans

la littérature et décrites dans la première partie de ce travail.

2. Corrélation avec les dimensions de l’échelle BFI

Nous détaillerons ci-dessous les associations significatives retrouvées entre la symptomatologie

délirante et certaines dimensions de personnalité.

• Plus le niveau de Conscience est bas, plus il y a de risque de dissociation (rho=-0.51 ;

p=0,008), et moins il y a de risque de mécanismes interprétatifs/intuitifs (rho=0.52 ; p=0,006).

La Conscience est liée aux fonctions exécutives et l’abaissement de son score entraîne une

diminution de la rigidité des processus mentaux ainsi qu’une certaine désinhibition et une

impulsivité.

• Plus le niveau d’Ouverture est haut, plus il y a de risque de mécanismes hallucinatoires visuels

(rho=0.43 ; p=0,02), et de tendance aux mécanismes imaginatifs (rho=0.36 ; p=0,06).

L’Ouverture étant liée à la flexibilité cognitive, elle s’apparente à la créativité, l’originalité

intellectuelle, avec une complexité de la vie mentale.

Plus le niveau d’Ouverture est bas, plus il y a de risque de thématiques de persécution

(rho=-0.4 ; p=0,02) et moins il y a de risque de thématiques mégalomaniaques (rho=0,4 ;

p=0,04). Les individus présentant une diminution de l’Ouverture ont tendance à être plus

conventionnels et conservateurs, limités dans leurs réponses émotionnelles et dans leurs

capacités introspectives et de remise en question.

• Plus le niveau de Névrosisme est bas, moins il y a de risque de thématiques de ruine

(rho=0,38 ; p=0,05).

Ces résultats apparaissent relativement cohérents avec la clinique. Ils permettent de souligner que la

typologie du délire est modulée selon le profil personnalité, en rappelant que la singularité du sujet

entre en jeu lors de l’expression délirante aigüe.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

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3. Désafférentation sensorielle et sociale

DESAFFERENTATIONS CAS n (%)

TEMOINS n (%)

p

Surdité, hypoacousie 9 (36) 0 0,01

Sentiment d’isolement 12 (48) 1 (4) 0,003

Tableau 13 : Comparaison de la désafférentation sensorielle et sociale entre cas et témoins.

Les déprivations sensorielles et sociales pourraient être considérées comme des possibles facteurs de

risque de délire tardif.

En effet, nous avons retrouvé une différence significative concernant la présence de troubles auditifs

chez les patients délirants par rapport au groupe-témoin (X2(2)=8.10 ; p=0,01). La corrélation de

Spearman étant également significative (rho=0.40 ; p=0,003), on peut envisager que le risque de

présenter un délire tardif puisse être majoré chez des patients isolés sur le plan sensoriel et alors plus à

même d’interpréter différemment leur environnement.

A la question « vous sentez-vous actuellement isolé ? », les résultats étaient significativement différents

entre les patients et les témoins (X2(1)=9.92 ; p=0,001). Selon la corrélation de Spearman, on peut

considérer que plus le sentiment subjectif d’isolement est élevé, plus il y aurait un risque de développer

un délire tardif (rho=0,44 ; p=0,001). Pour autant, il faut rester vigilant à ce que l’isolement soit bien

la cause et non pas la conséquence du délire. Ces résultats diffèrent de nos résultats concernant la

réalité objective de l’isolement, qui ne retrouvaient aucune différence significative entre les cas et les

témoins, selon leur lieu de vie et leur mode de vie. L’intérêt est de mettre ici en évidence le rôle

primordial de la dimension subjective chez ces sujets.

4. Dimension dépressive

Chez les cas, la moyenne des résultats obtenus à l’échelle de dépression gériatrique (GDS) était de

5,8/15 (+/- 3,2), alors qu’il existe un risque de dépression pour des valeurs supérieures à 5.

La moyenne des résultats à l’échelle de dépression MADRS était de 14,3 (+/- 8,83), pour un seuil de

dépression à 15. Concernant l’évaluation de l’anxiété pour l’échelle HAMILTON, la moyenne était

de 12,2 (+/- 7,49), correspondant à une anxiété légère sous le seuil de 17. L’exploitation de ces

derniers résultats est plus complexe du fait de l’absence de réponse chez deux des cas. En outre, ces

données n’ont pu être comparées à celles de la population-témoin. Quoi qu’il en soit, la possibilité de

l’association d’une symptomatologie dépressive à la propension à délirer de l’âgé est à prendre en

compte. Nous développerons cette hypothèse plus loin.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

53

IV. LIMITES METHODOLOGIQUES ET PERSPECTIVES

A. Biais de l’étude et difficultés rencontrées

Cette étude comportait certaines limites et biais méthodologiques que nous nous efforcerons de

détailler dans ce chapitre.

• Parmi les patients considérés comme remplissant les critères d’inclusion, nous avons eu à faire

à des situations de non-répondants. Trois femmes ont refusé dans l’après-coup de se prêter à

l’entretien, visiblement méfiantes et réticentes à cette rencontre.

• La taille réduite de l’échantillon entraîne probablement un manque de puissance de l’étude.

En effet, le recrutement était dépendant du bon-vouloir et de la sensibilisation des

professionnels à ce type de recherche, ceux-ci étant par ailleurs souvent contraints à un

manque de temps pour y répondre.

• Nous avons rencontré des patients à des stades différents de la maladie. Cette configuration a

pu avoir une influence sur la qualité de leurs réponses et entraîner une réduction de la

standardisation du processus d’évaluation. Selon JP. CLEMENT, le trouble de la personnalité

ne peut être diagnostiqué avec affirmation qu’en dehors d’un épisode pathologique [98].

Toutefois, même si les patients n’étaient pas totalement stabilisés cliniquement, nous les avons

reçus en dehors d’une période de crise et de décompensation aigüe, la symptomatologie

délirante étant suffisamment circonscrite pour permettre une évaluation suffisamment précise

de leur fonctionnement global.

• Le recueil longitudinal de données anamnestiques rétrospectives s’est avéré complexe du fait

de l’âge. Au cours de ce questionnaire, plusieurs personnes âgées ont évoqué leurs difficultés à

se remémorer certains événements de vie anciens et à se représenter leur fonctionnement

global sur l’ensemble de leur existence. Il est souvent admis que l’histoire longitudinale de la

personnalité finit par être basée sur l’histoire de vie des cinq voire dix dernières années, avec

plus de fuites mnésiques concernant les précédentes décades.

• Les outils psychométriques se sont parfois révélés insuffisamment adaptés aux réalités du sujet

âgé et à la prise en compte des changements liés à l’âge. A la question « Etes-vous inquiet

d’être abandonné à vous-même ? », beaucoup de sujets répondaient que oui, tout en

considérant qu’ils auraient démenti s’ils avaient été plus jeunes. Le besoin de considération et

d’aide augmente avec la vieillesse et la perte d’autonomie, mais n’est pas forcément lié à des

traits de personnalité particuliers. Ensuite, la durée de passation de l’échelle SCID-II était

relativement longue pour des sujets rapidement fatigables.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

54

• Le MMSE à visée discriminante n’a pas été effectué chez les témoins car ils étaient interrogés

par auto-questionnaire anonyme. Même si nous avons fait en sorte d’exclure les patients

présentant visiblement des troubles cognitifs, nous n’avons donc pas pu les tester sur ce plan.

Chez les cas, le résultat moyen au MMSE était de 27,16/30 (ET=1,80). Ce résultat ainsi que

l’absence de perte d’autonomie associée, permettent actuellement d’écarter une étiologie

neurodégénérative sous-jacente, sans pour autant exclure une telle potentialité évolutive

ultérieure.

• Nous ne pouvons pas écarter totalement le risque d’avoir inclus des patients finalement

atteints d’un trouble bipolaire ancien jusqu’alors non diagnostiqué et ayant présenté un

épisode délirant tardif révélateur de la maladie.

• Nous avons recueilli des données subjectives et l’évalué était alors considéré comme à même

de porter un regard sur lui-même. Dans ces cas-là, il nous faut partir du postulat que la

perception spontanée de soi fournit des données scientifiquement acceptables, alors qu’elle est

également dépendante des capacités d’insight et d’introspection, ainsi que de la réserve

cognitive. Malgré tout, définir ce qui est de la réalité et ce qui appartient au vécu du sujet n’est

pas une mince affaire dans un tel contexte. Le risque pourrait être celui d’une amplification

pessimiste rétrospective chez des patients potentiellement déprimés. En outre, un biais de

désirabilité sociale pourrait survenir, consistant pour le patient à se présenter sous son meilleur

jour. Car même sans enjeu précisément défini, les items peuvent comporter une composante

évaluative. Par exemple, malgré l’assurance de l’anonymat, toutes les personnes interrogées à

l’échelle de personnalité BFI ont systématiquement et catégoriquement désapprouvé l’item :

« Cherchez vous des histoires aux autres ? ».

B. Vers une approche plus spécifique de l’âgé

Les limites méthodologiques relevées ci-dessus nous conduisent à une réflexion plus générale

concernant les difficultés diagnostiques de la personnalité dans cette population âgée. Une grande

partie des auteurs l’ayant étudiée s’est accordée à en souligner la complexité. ME. AGRONIN et G.

MALETTA ont répertorié plusieurs éléments pouvant expliquer les erreurs et les distorsions

diagnostiques les plus fréquentes [64]. Ces éléments permettent d’envisager quelques perspectives

pour un abord plus spécifique chez le sujet âgé.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

55

Le système catégoriel proposé par le DSM est un outil fondamental pour la recherche, permettant

d’apparier des populations dans les études scientifiques et d’aborder les malades avec le même langage

international compréhensible par tous. Il est indispensable pour toute étude scientifique ou

épidémiologique, par sa portée universelle permettant d’améliorer la fidélité inter-juges. Toutefois,

l’utilisation préférentielle de modèles catégoriels comme instruments diagnostiques peut comporter

certaines limites. A. SKODOL et SPJ. VAN ALPHEN ont rapporté une cooccurrence excessive

parmi les troubles, l’absence d’informations sur la sévérité de la pathologie et le risque de sous et de

sur-diagnostics, avec des seuils diagnostiques jugés parfois arbitraires [99] [100]. L’approche

catégorielle, critériologique et décontextualisée, mériterait désormais être couplée à des approches

dimensionnelles, afin de pouvoir poser un regard exhaustif sur la personnalité. Selon cet angle, les

dimensions exprimées rendraient alors compte de la diversité des tableaux existants, soulignant la

notion d’un continuum entre normal et pathologique. Un nombre croissant d’auteurs, dont JD.

GUELFI, considère que privilégier cette approche permettrait une meilleure conceptualisation dans le

domaine de la psychopathologie et serait plus utile sur le plan clinique [101].

Les instruments psychométriques et les entretiens structurés s’avèrent parfois insuffisamment adaptés

aux réalités cliniques du sujet âgé. En effet, les auteurs rencontrent souvent des patients qui ne

remplissent pas les critères cliniques suffisants en faveur d’un diagnostic, pourtant posé par

l’évaluation clinique ou inversement. Pour SPJ. VAN ALPHEN, les sujets âgés présentent des

difficultés à répondre à des questions qui ne tiennent pas compte des changements psychosociaux,

cognitifs ou physiques inhérents à la vieillesse [99]. De plus, l’entretien peut représenter un dilemme

entre une mémorisation récente ne représentant pas une histoire de vie longitudinale et un historique

spéculatif basé sur des faits trop anciens. Obtenir des éléments biographiques et anamnestiques précis

chez le sujet âgé peut s’avérer laborieux, surtout lorsqu’il est rencontré seul, sans appui sur un

informateur-clé tel un aidant familial. Cette configuration limite l’accès à des informations suffisantes

et fiables à propos de son passé.

L’absence de prise en compte des modifications comportementales et existentielles liées à l’âge peut

altérer profondément l’analyse sémiologique. Par exemple, considérer l’isolement et la diminution des

interactions sociales, ainsi que la perte d’autonomie et la dépendance due à l’âge comme un trait

pathologique, pourrait mener à des diagnostics abusifs de trouble de la personnalité schizoïde ou

évitant [64] [96] [99]. A l’inverse, selon JP. CLEMENT et AL. MAGOTEAUX, des habitudes

excentriques adaptatives chez l’âgé pourraient être considérées à tort comme des traits schizotypiques

[98] [102]. E. ROSOWSKY et J. STEVENSON ont également remarqué que certains aspects

cliniques caractéristiques de la personnalité borderline chez des patients plus jeunes ne sont plus les

mêmes à un âge plus avancé. En effet, les troubles affectifs, relationnels, identitaires perdurent, mais

c’est leur expression comportementale habituelle qui se modifie au cours du temps. Plutôt que d’être

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

56

confrontés à une impulsivité, des automutilations, des prise de risques ou abus de substances, on aura

notamment à faire à des présentations moins démonstratives, plus axées sur la recherche d’étayage et

de réassurance, dans des attitudes parfois plus régressives et moins marquées par les passages à l’acte

[103] [104].

Concernant l’étude de la personnalité, ME. AGRONIN milite alors en faveur d’une sous-

classification gériatrique des troubles de la personnalité pathologique. Il serait également nécessaire de

promouvoir des échelles psychométriques mieux adaptées aux contraintes de cette population âgée

[105] [39] [32] [48]. SPJ. VAN ALPHEN envisage à ce propos d’ajouter aux résultats des coefficients

de pondération différents selon les phases de vie. En attendant, C. HAZIF-THOMAS considère que

« lire entre les lignes » des items des tests psychométriques permettrait d’adapter la tournure des

questions posées en fonction de son propre ressenti clinique [28]. Cette méthode comporterait pour

autant un caractère très subjectif dépendant de l’observateur, à l’encontre de l’objectivité visée par ces

méthodes psychométriques et risquant d’altérer le processus de standardisation.

V. DISCUSSION GENERALE

L’objectif principal de cette étude cas-témoin a été de rechercher un lien entre le délire et la variable

personnalité. Les objectifs secondaires ont ensuite consisté à déterminer si la confrontation à la variable

événements de vie pouvait influencer la survenue inaugurale d’un délire chez l’âgé. Nous discuterons ci-

dessous le détail de nos résultats.

A. Un terrain prédisposant

Selon les résultats obtenus durant cette étude, la décompensation délirante tardive pourrait être

considérée comme influençable par la personnalité. Ces personnes âgées développant un délire

inaugural présentent en effet un profil de personnalité particulier.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

57

1. Traits de personnalité

Le haut niveau de Névrosisme, en tant que détresse émotionnelle et propension à l’inquiétude,

pourrait être identifié comme un marqueur de vulnérabilité et un des facteurs de risque de délire chez

le sujet âgé.

Il existe assez peu de travaux antérieurs s’intéressant aux corrélations entre personnalité et délire du

sujet âgé. Quelques études avaient déjà montré des hauts niveaux de Névrosisme chez des patients

jeunes développant des symptômes psychotiques [86] [106] [88] [87]. Dans l’étude de L.

KRABBENDAM, le Névrosisme était le plus fort facteur indépendant prédictif et cette dimension

était associée à certaines distorsions cognitives, telles que la croyance de non contrôlabilité de certains

événements, rendant vulnérable à percevoir certaines expériences comme stressantes.

Chez les patients âgés, la seule étude descriptive existante à ce jour est celle d’A. HASSET conduite à

Melbourne entre 1994 et 1997 [83]. Ses résultats montraient un haut niveau d’Agréabilité et de

Conscience chez les sujets délirants par rapport à la moyenne adulte, ainsi qu’un faible niveau de

Névrosisme, d’Extraversion et d’Ouverture. Il s’agit cependant d’une approche descriptive à

considérer prudemment, effectuée chez des patients présentant des troubles cognitifs et avec l’absence

de comparaison à une population témoin. Ces résultats se rapprochaient de ceux d’études ayant

étudié les changements graduels de la personnalité avec l’avancée en âge chez des sujets sans trouble

psychiatrique [107] [108] [109]. Toutefois, ils s’éloignaient des résultats de notre étude, notamment

pour la dimension Névrosisme.

2. Troubles de la personnalité

Concernant le CLUSTER A, le trouble de la personnalité paranoïaque était surreprésenté chez nos

sujets malades. Nous n’avons par contre diagnostiqué que très peu de troubles de la personnalité

schizoïde et schizotypique, appartenant pourtant au spectre de la schizophrénie et pouvant en

constituer des états prémorbides.

Les personnalités du CLUSTER C apparentées aux personnalités anxieuses dans le DSM-IV-TR,

étaient globalement surreprésentées dans notre population. L’étude qui nous intéresse ici est celle d’O.

PLAISANT qui retrouvait pour le CLUSTER C un profil reproductible de corrélation positive avec

la dimension Névrosisme [94].

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

58

On peut donc considérer que les sujets développant un délire tardif présentent un terrain vulnérable

prédisposant, favorisant la décompensation tardive mais n’étant pour autant pas un facteur explicatif

suffisant à lui-seul. Le mécanisme interne qui explique le déterminisme du trouble est à prendre en

compte en termes de probabilité, parallèlement à l’étude des facteurs de risque externes. C. BALIER

rappelait à ce titre que la considération du terrain dans la production du symptôme ne doit pas faire

négliger l’impact du milieu environnant, « on ne peut considérer que les réactions pathologiques du vieillissement

sont le fait de personnalités inadaptées à un milieu, sans remettre ce dernier en cause » [110].

B. Le rôle des facteurs environnementaux

« Ce qui garantit l’homme sain contre le délire ou l’hallucination, ce n’est pas sa critique mais la structure de son espace »

M. Merleau-Ponty [111]

Les résultats de notre étude démontrent à l’évidence l’importance des facteurs environnementaux

dans le déterminisme du délire tardif. Ils sont donc en faveur de l’impact de certains événements de

vie tout au long de l’existence, que nous détaillerons et discuterons ci-dessous.

1. Expériences négatives précoces et théorie de l’attachement

Les résultats de notre étude ont permis de montrer une augmentation significative d’événements de

vie dans l’enfance des cas par rapport aux témoins. Nous avons retrouvé une surreprésentation de

carences affectives et de maltraitances, ainsi que de séparations récurrentes et désordonnées.

Concernant les événements de vie précoces, il est désormais admis que certains d’entre eux peuvent

jouer un rôle défavorable dans le processus développemental ultérieur et impacter durablement le

fonctionnement du sujet. Selon PA. GARETY, l’absence initiale d’accès à un sentiment de sécurité

pérenne peut contribuer à un vécu de méfiance vis à un vis d’un environnement alors perçu comme

plus menaçant, caractérisé alors par des schémas cognitifs négatifs de soi et du monde qui facilitent la

mauvaise estime de soi, les attributions externes et les décompensations pathologiques [112]. Ces

expériences infantiles peuvent donc avoir eu un impact vulnérabilisant chez nos sujets délirants.

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

59

La théorie de l’attachement a été abordée jusqu’alors via plusieurs perspectives et points de vue théoriques.

Cette conception découle de disciplines éthologiques, tout en incluant une part de la pensée

psychanalytique et en établissant des liens avec la psychologie cognitive. Nous reprendrons le modèle

développé spécifiquement par J. BOWLBY sur les comportements d’attachement en tant que

« propension des êtres humains à établir des liens affectifs tout au long de la vie » [113].

Dès la naissance, le bébé, alors dépendant et immature, s’attachera préférentiellement à l’adulte qui

répondra de manière adéquate à ses besoins en lui procurant un sentiment de sécurité interne. Son

développement s’appuiera sur une réponse parentale adaptée, faite d’une présence disponible et d’une

constance des réactions à son égard. Cette relation primaire d’attachement viendra teinter les

modalités relationnelles ultérieures et l’accès aux formes d’attachement suivantes. La possibilité de

remplacer un lien par un autre tout au long de la vie sera constituée par la substitution répétée des

formes d’attachement primaire. Lorsqu’un individu sera « attaché » de manière adaptée, il éprouvera

un sentiment de sécurité et de bien-être en présence de l’autre personne, qui lui servira de base de

sécurité interne à partir de laquelle il pourra explorer le monde extérieur. La variable sera finalement

la qualité de cet attachement, avec le risque de développer durablement une relation d’attachement

insécure ou désorganisée, dans un contexte d’interactions précoces inadaptées.

M. SPERLING et W. BERMAN ont défini l’attachement adulte comme « la tendance stable d’un individu

à faire des efforts substantiels pour rechercher et maintenir la proximité et le contact avec un ou quelques individus

particuliers qui apportent la possibilité subjective d’une sécurité physique ou psychologique » [114]. Cette tendance est

régulée par les modèles internes d’attachement que nous avons décrits ci-dessus, construits à partir de

l’expérience précoce de l’individu dans son monde interpersonnel. L’attachement n’est donc pas

seulement une théorie des liens premiers, mais plus généralement, des relations dyadiques et de leurs

implications dans des domaines variés. Autrement dit, l’attachement n’est pas un besoin qui se limite à

la petite enfance : il perdurera tout au long de l’existence, à l’âge adulte, puis lors de la vieillesse.

Selon J. BOWLBY, bien que les comportements d’attachement soient moins manifestes chez les

individus plus âgés, l’impératif d’attachement et son style ne varient pas au cours de la vie. La

tendance à contrôler l’accessibilité ́ des figures d’attachement et à les rechercher en cas de détresse

persistera donc jusqu’à la fin. Pour autant, on est en droit de se demander ce qu’il en sera quand ces

figures d’attachement et substitutions d’objets viendront inévitablement à se raréfier, ne garantissant

plus ni leur permanence ni celle du sujet sur « l’horizon temporel réaliste » [115]. Comment investir

ce qui a une fin et va cesser, ayant pourtant fait un temps le sens relatif de la vie, mais confrontant

dorénavant davantage à la question de sa propre finitude ?

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

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2. Evénements de vie tardifs et modèle du traumatisme

Nos résultats ont mis en évidence une corrélation significative chez les cas concernant la confrontation

à des événements de vie tardifs. La décompensation délirante dans les suites d’un événement de vie

tardif, induit la notion d’un lien de causalité que l’on aurait tendance à entrevoir dans une perspective

réactionnelle, voire traumatique, donnant à l’événement son pouvoir pathogène « révélateur tardif ».

L’événement vital, théorisé par D. WIDLÖCHER, ne serait pas seulement une réalité extérieure mais

une réalité datée, survenant dans un temps déterminé et comportant un avant et un après [116]. Cette

épreuve affectant douloureusement l’individu l’obligerait à une adaptation difficile, voire parfois

impossible, pouvant alors mener à des décompensations pathologiques tardives.

M. GROSCLAUDE s’appuie sur le modèle traumatique pour éclairer sa réflexion sur le rapport entre la

personnalité et le délire, mettant en avant la notion de prédisposition chez ces sujets. Comme nous

avons pu le souligner auparavant, ce n’est bien souvent pas cet événement seul qui entre en jeu, mais

aussi le terrain sur lequel il apparaît. Il est admis que le vécu du traumatisme est purement subjectif et

que deux personnes peuvent réagir totalement différemment à un événement globalement similaire,

indépendamment de la réalité et de la gravité des faits. Cet événement prendra toute sa signification

traumatique de sa connotation subjective et son impact sera modulé par les capacités d’adaptation du

sujet au stress et à l’épreuve, en fonction de ses propres représentations psychiques et schémas internes

[1].

En outre, les théories psychanalytiques stipulent que toute situation peut potentiellement engendrer

un traumatisme, mais que celui-ci est souvent lié à la conjonction de deux événements, l’actuel venant

réactiver le précédent. Les événements de vie tardifs, souvent rattachés à la notion de perte, comme

nous avons pu le souligner dans cette étude, entreront alors en résonance avec les événements passés,

via la réactivation de blessures non élaborées auparavant, amenant inévitablement le sujet à affronter

la question du deuil. Selon D. WIDLÖCHER, il faudra alors bien différencier l’expérience vécue de

la réalité subjective et des opérations mentales qui la construisent.

C. Dépressivité sous-jacente

Au cours de cette étude, la présence d’une dimension dépressive en toile de fond du délire tardif s’est

rapidement précisée, venant alors re-questionner les aspects psychopathologiques. Tout d’abord, nous

retrouvions une augmentation significative d’antécédents personnels et familiaux d’épisodes dépressifs

BIANCOLLI (CC BY-NC-ND 2.0)

61

chez les patients délirants, ainsi qu’une fréquente symptomatologie dépressive objectivée par les tests

psychométriques et l’évaluation clinique. Nos résultats montraient également une surreprésentation

des troubles de la personnalité du CLUSTER C à tendance anxieuse, ainsi qu’un haut niveau de

Névrosisme, alors qu’il est maintenant admis que cette dimension Névrosisme est associée à une

tendance anxio-dépressive. Une étude d’O. PLAISANT retrouvait un plus haut niveau de

Névrosisme, bien que statistiquement non significatif, chez les sujets aux troubles anxio-dépressifs ou

addictifs, en comparaison à un groupe-témoin constitué par du personnel hospitalier [94]. Ces

différents points permettent d’évoquer l’hypothèse d’une prédisposition héréditaire, via un probable

déterminisme génétique, ainsi que d’une vulnérabilité acquise sur le plan affectif.

L’approche théorique de la dépression apparaît bien souvent multiforme et hétérogène, faisant écho

aux nombreuses écoles ayant tenté de l’appréhender. La dépression est actuellement incluse dans

divers cadres nosographiques et est notamment répertoriée sous le terme d’Episode Dépressif Majeur

au sein des classifications catégorielles. Quant aux nosographies européennes, elles organisaient

jusqu’alors la dépression selon un modèle binaire. D’un côté, la dépression endogène, considérée comme

produite par un état interne en relation avec des facteurs biologiques. De l’autre, la dépression exogène,

envisagée comme réactionnelle à des facteurs environnementaux. H. EY estimait que dans les

dépressions endogènes on traite le processus dépressif et que dans les dépressions exogènes, c’est la

personne du déprimé que l’on tendrait à soigner [17].

La propension délirante du sujet âgé pourrait donc s’inscrire dans le prolongement d’un continuum

dépressif ou dysthymique ancien avec une potentialité héréditaire d’aspect endogène, ou être associée

à un épisode dépressif plus aigu d’allure réactionnelle et exogène.

En pratique gérontopsychiatrique, une prise en charge médicamenteuse avec un traitement

antidépresseur de type Inhibiteur de la Recapture de la Sérotonine (IRS) a montré de réels effets

bénéfiques sur la symptomatologie délirante initiale. Dans certains cas, l’adjonction d’un traitement

neuroleptique à faible dose peut s’avérer également efficace. Malgré tout, un écueil à ne pas négliger

est le rapport de cause à effet. Serions-nous face à la cause ou la conséquence du délire ? Il est bien

connu que le délire une fois amendé, peut laisser place à une dépression post-psychotique, tel un état

dépressif consécutif à l’épisode délirant pouvant être également exacerbé par l’action dépressogène

des traitements neuroleptiques antiproductifs.

Le modèle de la dépression réactionnelle mérite d’être développé ici. Il est communément admis que tout

événement de vie majeur, et d’autant plus la succession de plusieurs d’entre eux, peut entraîner un

bouleversement à l’origine de mouvements psychiques dynamiques plus ou moins dépressogènes.

« L’étude des circonstances d’une dépression réactionnelle montre constamment que le traumatisme psychologique n’est pas

unique, mais que la cause déclenchante apparente à laquelle il semble que l’on puisse attribuer l’état dépressif, est assortie

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62

de conditions de vie et d’un mode d’existence, au moment où cet événement survient, qui jouent généralement aussi un rôle

essentiel. L’appréciation de l’intensité de l’événement est toute relative et dépend essentiellement de la façon dont il a été

vécu par le malade » [17]. En la décrivant ainsi, H. EY mettait donc l’accent sur l’importance de la

réaction subjective de l’individu et du contexte, comme condition nécessaire à la réaction dépressive.

Selon J. BOWLBY, la tonalité particulière que prend l’état dépressif serait fonction de la tonalité

également particulière des expériences infantiles, reliée à la nature des circonstances de l’événement

défavorable entrant en jeu au moment précis. Les neurosciences ont aussi postulé que la dépression

pouvait être une modalité de fonctionnement du système cognitif, avec la mise en place de schémas à

visée adaptative dans l’enfance, du fait de la confrontation à des événements de vie négatifs. Ces

schémas se réactiveraient ensuite lors de l’exposition à des situations analogues avec l’avancée en âge.

Cependant, ce modèle dichotomique biologique /psychologique apparaît progressivement délaissé en

pratique, considéré comme ramenant l’individu à une position passive et de soumission indépendante

et aléatoire, soit à son fonctionnement biologique, soit à son environnement. L’avènement des

modèles épigénétiques permettra progressivement d’approfondir la question sous une nouvelle

dimension, en tentant de déterminer l’intrication bien plus forte, voire l’interdépendance, entre gène

et environnement.

D. Questions et réponses ouvertes sur la personnalité

Afin d’obtenir une vision globale de la personnalité de notre population, nous nous sommes

également appuyés sur des aspects plus qualitatifs et subjectifs. Durant les entretiens, les questions

posées de manière ouverte demandaient aux sujets de décrire spontanément leurs traits de

personnalité principaux, leur caractère et leur tempérament.

La majorité des patients a employé les qualificatifs suivants : « calme, réservé, introverti, timide, solitaire,

sédentaire, renfermé, ayant peu de sens du lien social ». Quelques-uns se considéraient comme « excessivement

prudents », parfois jusqu’à être « méfiants » et en arrivant même à « s’auto-exclure des situations sociales ».

Cette présentation pourrait s’apparenter à des traits de personnalité en faveur d’un faible niveau

d’Extraversion ou bien encore d’un trouble de la personnalité de type évitant.

Deux femmes se sont attribuées les qualificatifs suivants « simplette, naïve ». Une autre s’est exprimée à

ce propos : « De la personnalité ? C’est bien cela qui me manque… ». Beaucoup de sujets se présentaient

comme « sensibles, fragiles, émotifs, inquiets », manquant de confiance en eux. Plusieurs ont consenti « un

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mauvais caractère, une personnalité nerveuse, en proie au pessimisme ou au stress », en faveur d’un haut niveau de

Névrosisme.

La description de traits de personnalité obsessionnels revenait fréquemment, face à « un tempérament

rigoureux et ordonné, des traits scrupuleux », une forte exigence morale, ainsi que l’aspiration à « une vie bien

réglée », afin d’éviter tout imprévu ou toute confrontation à un changement brutal.

Et enfin, une minorité des sujets a tout de même rapporté « un caractère serein, posé », avec des

dispositions altruistes et oblatives.

Ces auto-descriptions subjectives et spontanées des personnalités des patients s’apparentaient de près

aux résultats retrouvés via les échelles psychométriques.

VI. CONCLUSION DE L’ETUDE

A partir d’une étude cas-témoins effectuée chez des patients de plus de 60 ans, nous avons tenté de

mettre en évidence les différents facteurs de risque pouvant précipiter la décompensation délirante

tardive du sujet âgé.

Nos résultats au test MMSE ont d’abord objectivé que le délire tardif ne pouvait être expliqué ici par

une étiologie neurodégénérative.

Puis, la notion d’un terrain prédisposant a pu être établie comme l’un des facteurs de risque potentiel

de développer tardivement un délire. Les résultats ont permis de mettre en évidence des traits de

personnalité particuliers chez les patients délirants, tels que l’augmentation significative de la

dimension Névrosisme et la surreprésentation de certains troubles de la personnalité pathologiques.

La personnalité détermine les réactions subjectives du sujet en s’appuyant sur ses expériences

antérieurement vécues. Elle viendrait alors colorer la réaction délirante, entrant en jeu dans un moment

de convergence entre différents facteurs de stress.

L’hypothèse d’une prédisposition héréditaire et d’une vulnérabilité acquise sur le plan affectif a

également été postulée chez les cas, face à la fréquence d’antécédents anxio-dépressifs, tant personnels

que familiaux, ainsi que devant l’objectivation une symptomatologie dépressive.

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64

Ces considérations sur la dépressivité associée nous amènent naturellement à formuler des hypothèses

thérapeutiques concernant l’intérêt de l’adjonction d’un traitement antidépresseur. Clairement

adoptée en pratique courante, cette méthode mériterait d’être vérifiée scientifiquement. En 2004, un

consensus d’experts s’intéressant à l’usage des psychotropes en pratique gériatrique, recommandait de

traiter le trouble délirant par un antipsychotique seul, et la dépression avec signes psychotiques grâce

à un neuroleptique et un antidépresseur [117]. Les quelques études thérapeutiques sur le sujet ne

furent ensuite que des recherches à court-terme conduites chez des patients bien plus jeunes d’environ

40 ans, diagnostiqués Late-Onset Schizophrenia [118].

Nous avons également étudié l’impact de l’environnement chez l’âgé. Premièrement, la confrontation

à des événements de vie dans l’enfance pourrait être considérée comme un facteur vulnérabilisant. Il

est admis qu’éprouver précocement des carences affectives et des situations de maltraitance, ainsi que

des séparations imprévisibles, peut contribuer à des comportements d’attachement insécures et

désorganisés perdurant pendant l’existence. Ensuite, les événements de vie tardifs d’allure

traumatique pourraient être envisagés comme des facteurs de stress révélateurs chez ces personnalités

prédisposées. L’expérience de la perte peut venir réactualiser des deuils antérieurs non élaborés et

précipiter la décompensation pathologique. Considérons toutefois que cette conjonction

multifactorielle entre en jeu de manière variable et selon l’interférence de ces différents facteurs de

risque.

Enfin, M. GROSCLAUDE vient à porter un regard plus global sur cette situation spécifique,

l’envisageant dans le cadre du fonctionnement général et universel humain. Ce contexte déclenchant

pourrait en effet être acutisé par la réalité existentielle propre à toute personne âgée, lors d’un vécu de

perte, réel ou symbolique, et lors de la confrontation à la menace de mort [1]. Ce sont ces questions

que nous développerons dans la troisième partie de ce travail, afin de mettre en perspective la

symptomatologie délirante de l’âgée en la resituant dans l’épreuve existentielle de la vieillesse.

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TROISIEME PARTIE :

Le délire tardif du sujet âgé, considérations

psychopathologiques et psychodynamiques

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I. LA VIEILLESSE : UN NAUFRAGE ?

Dans cette troisième partie, nous chercherons à aborder la symptomatologie délirante inaugurale du

sujet âgé dans une perspective centrée sur les difficultés constituées par l’épreuve de la vieillesse. Nous

tenterons de proposer une élaboration explicative opérante mais non suffisante, en prenant appui sur

des approches théoriques existentielles, phénoménologiques et psychodynamiques. Elles sont

existentielles dans la mesure où elles partent d’une expérience individuelle considérée comme unique

et restituent le symptôme dans le continuum de l’histoire personnelle. Elles sont phénoménologiques

car elles dégagent de cette expérience vécue particulière, un mode général de rapport d’être au

monde, en rétablissant une logique du sens dans la compréhension du symptôme.

Plusieurs modèles théoriques coexistent et il apparaît nécessaire de préciser que ceux que nous

développerons dans ce chapitre ne constituent pas à eux seuls une grille de lecture du délire du sujet

âgé. La gérontopsychiatrie ne pourrait en effet se passer d’une approche intégrative et G. LE GOUES

disait à ce propos : « S’il y a un deuil à faire pour le gérontopsychiatre, c’est celui du monisme de la pensée. Autant

admettre que chaque modèle conceptuel ne porte en lui que la vertu d’une lecture parmi d’autres » [119].

A. Définition de la vieillesse

La spécificité des troubles psychiques observables au cours de la vieillesse demande en premier lieu de

définir cette dernière, en tant que période distincte de la vie de l’être humain. Différant selon les pays

et les civilisations, cette notion a largement été remaniée au fil du temps, variant selon les approches

médicales, culturelles, sociologiques ou politiques.

Selon le dictionnaire LAROUSSE, la vieillesse constitue la « dernière période de la vie normale, succédant à

l’enfance et à l’âge adulte » [15]. Cette définition jusque là assez consensuelle et élémentaire, s’adressant

au sens commun, ne répond pourtant pas à la question suivante : quand passe-t-on de l’âge adulte à la

vieillesse ? Plus clairement : quand devient-on vieux ? Malgré l’imprécision concernant ce début

potentiel, une évidence émerge, la limite supérieure ou date de fin se rapporte inéluctablement à celle

du décès.

Sur le plan sociétal, l’âge socio-administratif est sectionné en différentes classes d'âge : la catégorie des

retraités de plus de 60 ans, la catégorie du troisième-âge entre 75 et 84 ans, la catégorie du quatrième-

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âge au-delà de 85 ans. Selon ces critères, le début de la vieillesse apparaît donc lié à l’âge de mise à la

retraite, lors de la cessation d’activité professionnelle. Jusqu’en 2010, cela revenait alors à entrer dans

la vieillesse autour de 55 à 60 ans. Puis l’âge légal de départ à la retraite a été porté à 62 ans après la

réforme politique des retraites et cette limite devrait aller en s’accroissant dans les années à venir, en

fonction des avancées politiques et selon l’augmentation de l’espérance de vie.

L’âge moyen d’entrée en EHPAD en 2013 était quant à lui d’environ 85,1 ans selon l’observatoire

national des EHPAD du KPMG1. Rappelons que les conditions d’admission dans ces institutions

nécessitent un âge minimum de 60 ans, mais que ce critère n’est ici pas suffisant et doit être associé à

une perte d’autonomie entraînant une dépendance humaine, matérielle ou psychologique.

Selon une définition médicale maintenant, l’Organisation Mondiale de la Santé retient le critère d’âge

de 65 ans et plus pour considérer une personne comme âgée. Sur le plan organique, la vieillesse est

marquée par un processus irréversible de vieillissement. Celui-ci est par contre bien plus insidieux et

débutera très tôt au cours de l’existence avant d’évoluer au long cours. Ce continuum entrainera des

modifications corporelles et biologiques très précoces, et exposera progressivement à l’accroissement

d’une vulnérabilité et du risque d’affections avec le temps. La vieillesse est donc marquée par ce

processus évolutif de vieillissement, que l’on est à même de définir physiologiquement, à l’inverse de

cette dernière qui reste difficilement caractérisable en tant que telle.

Une perspective s’esquisse à travers l’énoncé des définitions précédentes, celle de la multiplicité des

pertes pour accéder à ce statut d’âgé. La définition de la vieillesse de J. MESSY serait à reconsidérer

ici, car pour lui peut importe l’âge de début puisque l’entrée dans la vieillesse se ferait « à l’occasion

d’une rupture brutale de l’équilibre entre pertes et acquisitions ». Celle-ci serait précipitée du fait d’une rencontre

avec le vieillissement forcément traumatique, assimilable à un deuil impossible. L’intérêt de cette

approche dynamique est donc d’envisager la vieillesse non pas comme un état atteint une bonne fois

pour toutes, mais de la resituer dans une temporalité, comme une étape faite de crises et de stabilités

évoluant jusqu’à la mort. En effet, retenir une définition précise de la vieillesse selon un âge de début

apparaît impossible tant ses limites sont impossibles à établir, celle-ci ne pouvant se résumer en une

somme d’années définie, lui octroyant un aspect trop normatif, réducteur et stigmatisant. J.

BOUISSON insistait à ce propos sur « l’infinie diversité des vieillesses, en une époque où l’on a tendance à

confondre tout un chacun dans le nébuleux amalgame du troisième âge » [120].

Pour conclure, d’un point de vue plus anecdotique, J. MESSY s’était penché sur ces définitions dans

son livre au titre provocateur, La personne âgée n’existe pas, où il désavouait la terminologie « personne

âgée », considérant qu’il n’est pas nécessaire de rappeler que l’âgé est bien une personne… L’auteur

rapportait alors que « nous sommes finalement toujours le vieux de quelqu’un d’autre » et MB. DILIGENT

1 KPMG : groupe français d’audit, de conseil et d’expertise comptable.

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envisageait quant à lui qu’il est classique de dire que le vieux est celui qui a quinze ans de plus. Cette

modalité défensive consistant à penser que l’âgé est nécessairement un autre que soi, permettrait de se

tenir à distance et de se protéger d’une prise de conscience de notre propre vieillissement. Par ces

propos, les deux auteurs soulignaient l’aspect subjectif de notre propre représentation de la vieillesse,

évolutive au cours de notre existence et selon notre âge [58] [62].

Les chapitres suivants nous permettront maintenant d’appréhender l’épreuve de la vieillesse selon ces

modalités et selon le sens que l’on peut donner aux enjeux et renoncements qu’elle viendra susciter.

B. Représentations subjectives du vieillissement

Afin d’introduire notre propos, nous reprendrons dans ce chapitre quelques éléments évoqués au

cours de nos entretiens avec les patients, concernant leur représentation subjective du vieillissement et

de ses contraintes. La manière dont ils ont pu aborder ces questions apparaissait liée à leurs propres

représentations internes, à leur réalité subjective et à leurs expériences vécues tant dans le passé que

dans la réalité présente.

Plusieurs patients consentirent avec leurs mots que le vieillissement entrainait une atteinte narcissique

profonde, profondément déstabilisatrice, « C’est dur de vieillir, j’ai l’impression de ne pas me reconnaître »

confiait l’une d’entre eux.

Ils furent beaucoup à considérer que « le temps passe trop vite », décrivant de réels regrets existentiels,

comme le fait de n’avoir pas pu faire d’études, n’avoir pas eu d’enfants ou encore avoir raté un

mariage. L’une d’entre eux se culpabilisait d’avoir quitté un premier amour, se raccrochant à cette

représentation plutôt flatteuse de sa jeunesse, dans une idéalisation massive et probablement excessive

du passé, à l’encontre d’un quotidien plutôt morose, terni par une conjugopathie déjà ancienne. Cette

modalité défensive qu’est l’idéalisation du passé, revenait souvent chez ces sujets âgés. Dans une

glorification des valeurs anciennes, le souvenir de l’enfance devenait alors un refuge en tant que

modalité connue et rassurante, « on ne croit plus en rien maintenant, tout se perd, c’était mieux avant ». Pourtant,

on peut penser que la vie quotidienne à cette époque, pour beaucoup d’entre eux en temps de guerre,

a pu également comporter son lot de désillusions et de frustrations.

Concernant leur représentation de la mort, certains patients avaient des propos assez fatalistes, dans

une certaine rationalisation, « de toute façon il n’y a pas de solution, on ne choisit pas l’heure de sa mort ».

L’angoisse de la finitude arrivait bien souvent en arrière-plan de l’appréhension d’être atteint d’une

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maladie. Le cancer, le handicap, le vieillissement pathologique ou les chutes comportaient un

caractère plus imprévisible et anxiogène, venant symboliser la déchéance progressive et l’incertitude

de l’avenir. Certains patients confièrent à ce propos : « Je ne voudrais pas trop que ça traîne », « je voudrais être

sûr de partir intègre et en paix », « je n’ai peur que de mourir seule ou malade ».

Globalement, à distance de l’épisode psychiatrique aigu, la mort apparaissait pour la plupart des sujets

relativement intériorisée et singularisée. Quelques patients relativisaient et s’autorisaient à positiver,

considérant qu’avoir pu atteindre le stade du grand-âge n’est pas donné à tout le monde. Certains se

montraient rassurés par des croyances religieuses, avec l’idée de pouvoir rejoindre leurs proches

perdus dans la mort. D’autres se rattachaient à l’idée d’une continuité générationnelle en exprimant

« il faut bien laisser la place à nos générations futures », faisant alors preuve de générativité (intérêt pour la

génération suivante, conceptualisé par E. ERIKSON). Enfin, les derniers s’autorisaient à investir un

ultime projet de vie, bien qu’il apparaisse dans certains cas quelque peu illusoire, « je ferai le tour du

monde avant de mourir » rapporta une patiente.

Concernant le ressenti des entretiens médicaux et l’éprouvé général face à ces rencontres, quelques

patients ont bien consenti une inquiétude et montré une certaine méfiance, mais globalement, la

plupart d’entre eux ce sont dit satisfaits de cette expérience. Certains considéraient que cet échange

leur avait permis de se représenter en tant qu’individu et d’initier un bilan de vie. Quelques femmes

adoptèrent un discours prolixe mais chuchoté durant l’entretien, dans une atmosphère confidentielle

et secrète, au sein de laquelle elles se dévoilèrent sur leurs ratés, leurs complexes et leurs regrets de

jeunesse. Cet échange comportait alors un caractère presque intangible et inaltérable, retraçant une

partie de leur histoire dont je devenais alors dépositaire à travers la transmission orale qu’elles en

faisaient.

Enfin, certains me firent visiter intégralement leur appartement et me montrèrent la place

qu’occupaient leurs objets personnels avant d’être « volés ». D’autres insistèrent pour présenter leurs

proches dans les albums-photos, s’inscrivant de ce fait au sein d’une unité familiale. Au décours d’un

entretien, une patiente me rappela pour repréciser certains éléments de son histoire, inquiète qu’un

détail important ait pu échapper à sa remémoration et à la passation qui m’en était faite. Enfin, une

dernière m’adressa une carte de vœux quelques semaines plus tard, cherchant visiblement à maintenir

une correspondance en exprimant sa satisfaction d’une rencontre venue égayer un quotidien décrit

comme morne et solitaire.

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C. Deuils et renoncements : tout perdre sans se perdre

La vieillesse s’illustre par la notion de pertes, réelles ou craintes. Pour autant, ces pertes sont possibles

à tout âge et ne sont pas propres à cette période. Ce qui fait leur spécificité durant le grand-âge, ce

sont leur multipicité et leur répétitivité, celles-ci étant d’autant plus difficiles à surmonter qu’elles se

succèdent inévitablement. Du fait de cette accumulation successive de pertes, tant physiques,

matérielles, qu’humaines, le sujet âgé passe donc progressivement de l’individualisation à la

dépendance, de la liberté à la raréfaction de choix, du privé au public lors de l’instauration d’aides à

domicile ou d’une entrée en institution.

Pour G. LE GOUES, le deuil est défini non moins par la perte elle-même que par l’investissement

préalable et antérieur qui y était associé. Le travail de deuil, marqué par les pertes qui l’ont précédé,

concerne « l’ensemble des efforts que le sujet doit fournir pour se détacher psychiquement d’un objet perdu » [121].

L’illusion que l’objet demeure, doit alors céder progressivement la place à la réalité, jusqu’à ce que la

conscience permanente de la perte soit pleinement acquise et que le sujet se trouve disponible pour

d’autres attachements ultérieurs. J. BOUISSON considère que ce processus de séparation qui se

produit dans le travail de deuil serait à l’œuvre dès l’enfance et se poursuivrait avec des

réaménagements nécessaires à différentes étapes de la vie, et notamment celle de la vieillesse [120]. Le

travail de deuil se trouverait parfois facilité par un désinvestissement antérieur à bas bruit, protégeant

partiellement de ces étapes inéluctables. A l’opposé, il pourrait s’avérer plus difficile lorsque

l’investissement est très ancien et profond, pouvant même être compromis lorsque l’objet est investi

comme un prolongement de soi-même et non comme un objet différencié. Dans ce cas, pour G. LE

GOUES, la douleur du deuil pourrait apparaître comme une blessure narcissique et personnelle, dans

une identification massive à cet objet perdu [121]. Certaines pertes possèderaient donc une

potentialité traumatique à la mesure de l’investissement sous-tendu.

Enfin, pour J. SUTTER, selon son concept d’anticipation, face à la situation de perte, le sujet jeune

aurait la possibilité d’aménager des mécanismes substitutifs [122]. Or, la perspective de la mort

comme limite, empêcherait la personne âgée d’anticiper et de se projeter. La notion de sa propre

finitude apparaîtrait désormais comme une évidence incontournable et la mort ne comporterait plus

ce caractère inimaginable, irreprésentable propre au « fantasme d’immortalité », cette modalité défensive

de l’adulte jeune décrite par S. FREUD [123]. Le sujet âgé devra alors faire le deuil de soi, dans une

perspective de détachement et de renonciation, sachant que ce n’est pas cette connaissance préalable

de la menace de mort qui rendrait plus facile l’affrontement à cette expérience. D’autant qu’il

pourrait bien s’agir d’une certaine injonction paradoxale, exigeant un désinvestissement de soi tout en

continuant à investir la vie restante, dont la durée ne pourrait être prédite.

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D. Du vieillissement réussi…

La question de se trouver face à un vieillissement réussi d’allure normale ou de se situer dans le cadre

du pathologique se pose fréquemment en gérontopsychiatrie et la frontière entre ces deux états

apparaît souvent infime. En effet, la vieillesse peut être l’occasion de nombreux changements et

remises en question, tant bénéfiques que pathogènes. Comme nous l’avons vu précédemment, il n’y a

pas un stade de la vieillesse mais des voies diverses par lesquelles le sujet pourra aborder cette

problématique.

« Il n’y a pas de manière de bien ou de mal vieillir mais une manière plus ou moins économique et adaptée de vivre »

J. Messy [58]

1. Stratégies adaptatives et facteurs protecteurs

Le concept de vieillissement réussi, relativement novateur, est apparu dans les années 1990 pour décrire

une « forme de résilience à l’âge avancé » [124]. Il ne prenait pas uniquement en compte des

indicateurs objectifs de bien-être, tels que les caractéristiques physiologiques et physiques, mais tentait

d’analyser les indicateurs subjectifs et la participation de facteurs psychologiques individuels, comme

le sentiment de bien-être et de satisfaction.

D’autres facteurs coexistent selon les différentes approches et ont été résumés par C.AGUERRE dans

un article de synthèse : Les partisans de la théorie du désengagement caractérisent le vieillissement réussi en

se focalisant sur les désinvestissements que l’individu est amené à opérer positivement au cours de la

vieillesse, via une acceptation de soi et de sa progressive impuissance, dans une expectative plutôt

passive. A l’inverse, pour les défenseurs de la théorie de l’activité, le renoncement ne va pas de soi et ils

supposent le maintien d’une activité personnelle ou professionnelle, l’endossement de nouveaux rôles

sociaux et familiaux, l’établissement de relations interpersonnelles dans la balance pour un

vieillissement réussi. Enfin, la théorie de la continuité part du postulat que la vieillesse est conditionnée par

sa propre trajectoire de vie et que les expériences passées représentent un enseignement pour le sujet

vieillissant [124].

L’auteur énumère ensuite l’ensemble des traits de personnalité « salutogènes » en lien avec un

vieillissement réussi. L’Extraversion, l’Ouverture aux expériences, l’optimisme, le sens aigu des

responsabilités, la confiance dans la capacité à faire face à un engagement actif dans la vie sont des

facteurs reliés, autant que possible, à une mise à distance des incapacités à l’âge avancé. Elle cite C.

RYFF qui proposait dans les années 1990, un modèle intégratif et multifactoriel de vieillissement

réussi, dépendant de six facteurs de fonctionnement optimal : acceptation de soi, bonnes relations

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avec autrui, maintien de l’autonomie, maitrise de l’environnement, poursuite d’objectif et recherche

d’épanouissement personnel.

La sénescence demande donc au sujet un niveau de réorganisation suffisant pour lui permettre

d’accéder à un état d’équilibre et de compromis acceptable. Cette démarche requiert la mobilisation

des ressources antérieures et dépend de la mise en œuvre de certaines défenses ou de stratégies

d’ajustement pour faire face, tout en demandant l’élaboration de nouvelles réponses adaptatives. Nous

détaillerons ci-dessous ces différentes modalités efficaces et protectrices contre le vieillissement [125].

2. Modalités défensives élaborées

La restriction effective des échanges avec l’environnement peut amener la personne âgée à désinvestir

celui-ci au profit du ressassement du passé et de l’idéalisation de l’enfance. Le retour aux

représentations idéalisées et la ré-identification aux images maternelles ou paternelles, dont la

mémoire aurait justement survécu jusqu’à soi, préserveraient le sentiment de continuité.

L’idéalisation, via l’idée que « c’était mieux avant », parerait le passé de satisfaction en contrepoint de

la dévalorisation narcissique actuelle.

Les défenses opérantes face à la vieillesse consisteraient donc au recentrage sur soi et à un certain

désinvestissement du monde extérieur lointain, avec l’inscription du sujet dans un rapport à

l’environnement proche auquel il est lié. Le sujet garderait l’espoir de survivre à la mort grâce à la

chaîne générationnelle, forme de continuité symbolique lui permettant d’accepter sa moindre importance.

Il se réfèrerait aux générations suivantes, avec la notion d’une continuation de lui-même ou du moins

de son souvenir à travers ses descendants, et ce même après sa mort.

La sublimation intellectuelle ou artistique permettrait quant à elle, grâce à l’accès à la créativité, de

continuer à développer les capacités de symbolisation, ainsi que de mettre en œuvre les capacités de

séduction par déplacement interposé et sur un mode acceptable [126]. Le détachement et l’humour,

l’ouverture et l’altruisme, l’anticipation et le pragmatisme seraient également des stratégies pour faire

face (coping) à cette épreuve, garantes d’un bon état de santé mentale, selon N. HAAN et GE.

VAILLANT [124].

3. Le concept de résilience chez l’âgé

On parle de résilience lorsqu’à la suite d’un traumatisme grave ou d’une période suffisamment

traumatique, il y a reprise d’une forme de développement fécond sur les plans psychologique,

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comportemental et social. Relativiser, continuer de vivre et de se sentir exister en dépit des affres de la

vieillesse, de ses cascades de traumatismes et de l’inéluctabilité de la mort serait l’enjeu de la résilience

du grand-âge. L’accès à une résilience suffisante pourrait donc être considéré comme un facteur

protecteur, s’agissant alors de « vivre à souffrance réduite et dignité préservée » selon G. LE GOUES [119].

Ce processus dynamique basé sur ses propres ressources psychiques, permettrait au sujet âgé de

développer des modalités élaboratives et stratégies personnelles pour faire face à l’adversité. L’idée

que chaque homme dispose d’une liberté d’action sans être soumis au conditionnement, permet

d’entrevoir une alternative et une possibilité de changement, favorisées par une prise en charge

thérapeutique adéquate. Ce concept n’anticipant pas l’avenir en fonction du seul passé, tendrait alors

à s’écarter de toute notion d’irréversibilité.

La réalité actuelle de la personne âgée, ne pouvant souvent subir aucun changement et évoluant vers

la fin, l’obligera à un « aménagement acceptable avec le passé » [127]. Elle aura alors à composer avec une

histoire figée et désormais derrière elle dont elle devra proposer une lecture acceptable, si tant est

qu’elle soit envisageable. Soit la personne âgée parviendra à faire face, participant à élaborer ses

difficultés et à trouver de nouvelles solutions, grâce à différentes capacités adaptatives et modalités

défensives, soit elle échouera et risquera d’entrer dans le cadre du vieillissement pathologique décrit

ci-dessous.

E. …Au vieillissement pathologique

« Il en est de la vieillesse comme de la mort, quelques-uns l’affrontent avec indifférence, non parce qu’ils ont plus de courage que les autres, mais parce qu’ils ont moins d’imagination »

M. Proust [128]

1. Le narcissisme : fil conducteur du vieillissement

Dans un article historique datant de 1979, C. BALIER cherchait l’explication des décompensations

pathologiques à l’âge tardif dans les aléas du narcissisme [110]. Le narcissisme découle du Mythe de

Narcisse en tant qu’amour porté à l’image de soi. Sa construction s’origine dans l’enfance, permettant

par la suite d’établir le sentiment d’identité et d’intégrité du sujet.

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Selon C. BALIER, pour que l’équilibre narcissique perdure au fil du temps, l’investissement de soi

doit s’équilibrer avec l’investissement de l’environnement. Mais lors de la vieillesse, l’investissement de

soi-même peut diminuer, du fait d’une remise en question de son image et de sa représentation

propre, pouvant menacer le sentiment d’identité et d’estime de soi. Pour contrebalancer, le sujet

pourrait se recentrer sur l’environnement extérieur mais bien souvent, les objets externes substitutifs se

raréfient au fil du temps. Il risque alors de se retrouver pris dans un mouvement de retrait progressif

de la relance des investissements possibles, avec un déséquilibre de la balance investissement de soi /

investissement d’objet. Ce double déséquilibre peut alors ouvrir la voie à des décompensations

psychiatriques, notamment chez ces sujets âgés dont la personnalité s’est construite sur une assise

narcissique plus fragile, davantage exposés à une mauvaise tolérance aux pertes [13] [129].

2. Une période de crise existentielle

La crise qualifiée de « la pleine maturité » par E. JACQUES, ou de « la sénescence » selon J. BERGERET,

viendrait signer le moment de l’entrée dans la vieillesse pour les sujets y étant confrontés [120] [130].

La crise est considérée comme une période critique dans l’existence d’un individu, un moment

charnière, « un changement brut et décisif dans le cours d’un processus, […] associé à une menace mortifère, une

attaque vitale » selon R. KAËS [131]. Envisagée comme une rupture avec un état de stabilité initial, un

ébranlement d’un équilibre précédemment acquis, la crise dépasse les possibilités d’adaptation du

sujet et marque l’échec de son fonctionnement antérieur. Soit ce niveau de stabilité antérieur

parviendra tout de même à contenir la crise, participant à l’élaborer et à trouver de nouvelles

solutions, soit il échouera et le niveau supérieur sera sollicité. Sauf à s’installer, cette crise pourrait

donc déboucher sur des processus de transformation participant au « travail du vieillir », mais son

issue restera incertaine jusqu’à sa résolution pour les sujets les plus fragiles, selon I. SIMEONE [132]

[133].

E. ERIKSON avait proposé un modèle développemental par lequel il théorisait toutes les étapes de la

vie mentale. Il concevait la traversée de la vie selon huit stades, dont l’entrée dans chacun d’eux se

ferait selon une crise, dans la tension entre deux polarités. Soit cette tension tendrait à se résoudre

avec l’accès à un nouvel équilibre, soit elle perdurerait dans une exagération d’un des pôles qui ne

serait plus pondéré par l’autre, pouvant alors conduire à la pathologie. Le dernier stade de la vie serait

donc le huitième, en tant que période de la sénescence demandant à l’individu de revisiter son passé et

d’en tirer le bilan. Cette dernière étape cruciale de la vie pourrait alors être considérée comme un

temps nécessaire où l’individu est amené à faire le constat de ce qui a été vécu et de ce qui reste à

vivre, en « acceptant la vie qu’il a vécue, en admettant que le passé soit passé et que la mort soit l’inévitable conclusion

de la vie ». La juste tension entre les deux pôles intégrité/désespoir de ce huitième stade, permettrait

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dans le meilleur des cas d’accéder à un sentiment suffisant d’identité et de stabilité psychique. Dans le

cas contraire, le risque serait le développement d’une forme inadaptée de détresse ou de désespoir

[120] [134].

Dans ses travaux, J. BERGERET comparait cette crise de la sénescence à la crise d’adolescence, en

tant que rejet du mode relationnel antérieur et apparition de nouvelles remises en question

concernant l’autonomie, les idéaux, les identifications, etc. L’adolescence est une période de pertes et

de renoncements, tant sur le plan narcissique ou identitaire que sur le plan objectal, menant à

l’abandon progressif des premières figures d’attachement au profit d’autres. Le sujet âgé, lui, devra

également renoncer aux pertes subies sur les plans narcissique et objectal. Chez l’adolescent comme

chez le sujet âgé, un remaniement psychique et une remise en question des solutions antérieures

seront alors nécessaires, pour parvenir à une potentielle issue réorganisatrice, dont la mise en œuvre

déterminera d’ailleurs en partie la symptomatologie aigüe [35]. L’adolescent ou le sujet âgé devront

pouvoir « penser » cette crise, mais à condition qu’ils en aient les ressources psychiques suffisantes.

Celle-ci pourrait en effet comporter un risque pour les sujets dont le degré de maturation est tel qu’il

limiterait les moyens d’élaboration.

`

3. Modalités défensives archaïques

Dans certains cas, la tentative d’accéder à une réorganisation nouvelle peut échouer, et amener à

l’inefficacité des mécanismes de défense élaborés, au profit de mécanismes moins structurés et plus

immatures [57]. L’équipe universitaire de Genève a proposé une base de réflexion sur la fonction

défensive des idées délirantes chez le sujet âgé. Selon J. DIAS CORDEIRO, dans certains cas, la

réalité du sujet âgé peut être acceptée sans trop de difficultés. Dans d’autres, elle s’avère insupportable

et inélaborable, pouvant alors mener à la construction délirante et à des mécanismes défensifs de type

psychotique.

Dans ce cas, le sujet âgé aura recours à la projection, qui consiste à « expulser de lui et localiser dans l’autre,

personne ou chose, tout contenu qu’il méconnaît ou refuse en lui », permettant alors de « situer hors de lui-même le

centre de ses préoccupations en projetant sa propre responsabilité sur autrui » [135] [13] [29]. Pour M.

PERUCHON et H. LEBOUCHER, la projection serait le « pivot central » de l’activité délirante du

sujet âgé, permettant d’éjecter les aspects déplaisants et les idées intolérables [136] [137] [129]. Le

sujet y recourrait alors dans la mesure où il est moins délicat de faire face à un danger extérieur

qu’intérieur, avec l’idée que « ce n’est pas soi qui change, c’est le monde alentour » [57].

Selon H. BIANCHI, dans les cas où le travail de deuil s’avère inaccessible, le déni s’offre comme source

pour affronter la perte, quelle qu’elle soit. L’auteur considère que l’attitude du vieillard face à la

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vieillesse et parallèlement à la mort peut s’inscrire dans le déni de la réalité. Cette modalité adaptative

prendra alors la place du travail de ce deuil impossible [138]. Le « déni du décès d’un proche » ou

même le « déni de la réalité de la mort » retrouvé dans les idées délirantes de longévité en sont des

exemples cliniques.

Enfin, le recours au clivage bloquerait le fonctionnement mental pour permettre au sujet de se sentir

encore suffisamment bon, en le mettant à l’abri de la douleur morale et de l’angoisse de mort. En

effet, le clivage d’une partie de soi permettrait au sujet âgé d’accepter la mort, pendant que la part la

refusant et l’ignorant lui permettrait de se projeter dans le futur et de continuer à vivre. Sur un plan

clinique notamment, les paraphrénies seraient organisées sur ce mode, avec une partie du moi

adaptée à la réalité externe et l’autre entretenant une activité délirante bien contenue [139].

Pour S. NACHT et PC. RACAMIER, le délire pourrait finalement constituer un essai de résolution

d’un conflit, mais rien ne garantirait alors qu’il soit la bonne solution [57].

Après cette revue des mécanismes défensifs mis en place pour affronter les conséquences de la

vieillesse, nous dégagerons ci-dessous leurs issues concomitantes, en nous appuyant sur les travaux de

l’équipe de psychiatrie de Genève.

II. DELIRER : UNE TENTATIVE D’AUTOPROTECTION ?

« Le délire n’est pas une manière d’ignorer le monde de la réalité, mais une façon autre de le voir et de le vivre »

S. Nacht et PC. Racamier [57]

A. Accès à une revalorisation narcissique

La vieillesse pourrait être assimilable à une phase de déclin du fait d’un profond remaniement

physique. Le sujet serait alors confronté à la diminution de l’efficience cognitive, l’altération

sensorielle, la modification de l’apparence corporelle, ainsi qu’à la réduction de la puissance sexuelle

chez l’homme et de la capacité reproductrice et de séduction chez la femme. G. LE GOUES rappelait

à ce propos que le désir sexuel reste présent jusqu’à la mort et que ce n’est que l’écart entre ce dernier

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et les moyens de sa réalisation qui s’accroît [121]. La vieillesse viendrait aussi signifier l’abandon du

rôle sociétal d’actif, mais également le renoncement au rôle de parent, la modification du rôle

conjugal, etc. Ce retour progressif forcé de la personne âgée sur ces pertes risque d’entraîner une

atteinte narcissique profonde et de constituer une brusque confrontation à ses limitations et aux

moyens d’y faire face. Le délire pourrait alors avoir une fonction réparatrice et protectrice, autorisant

« une mise à distance de ce qui risque de perturber l’équilibre narcissique du sujet » selon G. LE GOUES [121]

[129] [13].

Pour JJ. BURGERMEISTER, la conviction de subir la pénétration d’un tiers dans son logement,

l’irruption d’une femme dans son propre couple ou l’évolution d’une maladie dans son corps, auraient

alors pour but de contrecarrer ces vécus de perte en les attribuant à autrui. Les idées délirantes

s’articulent souvent autour de la notion d’intrusion ou encore de destitution, car se sentir envahi ou

volé permettrait de contrebalancer cette sensation de fuite inexorable [29]. Quant à M.

PERUCHON, elle considère que les idées de préjudice sont souvent à rattacher directement à

certaines valeurs et acquisitions pouvant être perdues avec l’âge, telles que la propriété, la réputation

ou la santé. JP BARANGER résumait simplement cette situation : « le délire tardif s’alimente de ce dont le

sujet se défait » [137] [127].

Pour J. DIAS CORDEIRO, le délire de spoliation ou de persécution permettrait au sujet de se

considérer comme quelqu’un qui aurait encore le mérite d’être volé ou persécuté, en restant digne de

l’attention d’autrui [140]. Selon N. BAZIN, la personne à présent envahie par son persécuteur,

tendrait à se sentir « reconnue et identifiée au regard d’autrui et de ses proches, pour retrouver l’assurance d’exister

encore » [55]. La conviction d’être victime d’un vol autoriserait une revalorisation des affaires

personnelles du sujet âgé et, par déplacement, de lui-même. Ses affaires seraient alors suffisamment

désirables et intéressantes pour faire l’objet des mouvements envieux des autres selon JM. TALPIN

[61]. Face à d’innombrables pertes dues au vieillissement, cette modalité défensive permettrait donc à

la personne âgée de reconsidérer ce qu’elle possède toujours et ce qu’il lui reste, soit-il sur un plan au

départ matériel.

Lors d’un entretien, une patiente expliqua que son fils s’introduisait la nuit dans l’EHPAD où elle vivait,

afin de se cacher sous son lit et lui dérober durant son sommeil les cinq millions d’euros qu’en réalité

elle ne détenait pas. Elle rapportait alors son sentiment que cette situation de ruine entachait toute sa

réputation auprès des autres résidents. Ce fils, célibataire depuis toujours, aurait divorcé pour la

quatrième fois selon la patiente, lui laissant de nombreux petits-enfants dont elle fantasmait alors

l’existence dans l’idée d’une continuation de la sienne.

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Une autre patiente fit part de sa conviction délirante d’être envahie par des dizaines d’enfants et de

sans-papiers que son voisin lui adressait à son domicile afin qu’elle les loge et s’en occupe

constamment, jour comme nuit, « comme une mère ». Ce délire comportait un caractère valorisant et

gratifiant, sans caractère anxiogène, chez une femme alors considérable comme encore suffisamment

robuste pour prendre soin d’autrui.

B. Apaisement de l’angoisse du processus déficitaire

Dans une société où l’avancée en âge est souvent perçue dans le sens du déficit, l’écart entre les

performances individuelles et l’idéal du sujet se creuse, accentué par le sentiment de complexification

d’un monde toujours plus rapide, plus instantané, plus immédiat et plus pointu en technologies. Le

processus de vieillissement peut entraîner une fragilisation de l’estime de soi et de ses capacités

personnelles, une atteinte du sentiment identitaire et de sa propre représentation dans cette société en

mouvement. Le sujet âgé peut être d’autant plus mis à mal lors de la participation d’un processus

neurodégénératif à la désintégration progressive de la conscience de soi.

Le délire pourrait alors témoigner d’une construction mentale autour d’une défaillance chez un sujet

âgé fragilisé par la perte. Dans un double renversement, « je perds » deviendrait « je détiens mais on

me vole », et le vide se transformerait en plein. Au lieu de subir, le sujet imputerait, passant d’une

position passive à une posture active. JP CLEMENT et de nombreux autres auteurs jugent en effet

qu’il est souvent plus acceptable d’attribuer à autrui les conséquences de ses propres pertes et oublis,

plutôt que de reconnaître les répercussions d’un déficit qui s’installe [141] [129] [119] [137]. La

propension à délirer pourrait donc être considérée comme une production, témoin d’une richesse et

d’une potentialité chez le sujet âgé, évitant de réduire uniquement le vieillissement à la notion de

déficit.

C. Relance du commerce objectal

La diminution des capacités physiques, le handicap, les troubles cognitifs ainsi que la raréfaction

progressive de l’entourage peuvent entraîner une diminution des interactions sociales et engendrer un

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sentiment de solitude. Cette situation peut alors s’aggraver dans un cercle vicieux de type « isolement

forcé-méfiance-isolement désiré » décrit par J. DIAS CORDEIRO [13]. La production délirante pourrait

alors s’apparenter à une modalité de lutte contre cet isolement, permettant le remplissage d’un vide

réel [24] [55] [141].

Selon H. LEBOUCHER, le délire aurait également une fonction de reconquête de l’objet. Toutefois

cette notion théorique reste secondaire pour M. PERUCHON, hormis dans certains cas bien

particuliers. Dans le délire de persécution par exemple, accuser quelqu’un permettrait de le faire exister,

en lui accordant une valeur objectale et en recréant une présence avec laquelle le sujet pourrait

encore avoir commerce. Citons à ce propos le discours d’E. KAHN au congrès international de

psychiatrie en 1950 : « plutôt combattre ou souffrir du monde entier que d’être seul » [57]. Dans le délire

érotomaniaque tardif maintenant, par la jubilation, le jeu fantasmatique, la relance des positions de

rivalité, tout un échange avec autrui serait de nouveau lancé. En effet, la quête d’interactions

relationnelles exerce une forte attraction jusqu’aux âges les plus avancés [129] [1] [62]. Enfin, dans le

délire du compagnon tardif, le sujet dément ferait revivre un proche, disparu ou du moins à distance, tout

en reconstituant une partie du passé [137].

J. DIAS CORDEIRO décrivait ces épisodes délirants comme une réalisation délirante ou magique du désir

offrant au sujet une fonction de protection et de réassurance [140]. Dans ce cas, pour M.

KRASSOIEVITCH, « le sujet se comporte comme s’il suffisait de surinvestir le connu pour faire face à l’inconnu, à

l’irruption de l’inattendu » [34].

Enfin, le délire possèderait cette tonalité protestataire face à l’épreuve de la sénescence, permettant

l’envoi d’un signal de détresse, ayant valeur d’appel et de demande impérative d’aide et de présence

d’autrui.

D. Mainmise sur la dépression

Face à une réalité actuelle potentiellement anxiogène et dépressiogène, face à l’effraction d’éléments

traumatiques et à la représentation de sa propre finitude, le délire pourrait être considéré comme une

« dimension de fuite » selon MP.PANCRAZI, pour s’épargner cette prise de conscience autrement plus

douloureuse [24].

La propension au délire pourrait donc avoir une fonction antidépressiogène en évitant au sujet âgé de

se laisser rattraper par l’effondrement et l’abyme dépressif. L’issue de la dépression serait

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effectivement plus incertaine dans le grand âge, au vu de l’importance notable des taux de suicide

dans cette population, mais également des spécificités évolutives telles que le syndrome de glissement.

Cette fonction protectrice du délire a pu être décrite dans la littérature comme une « modalité

antidépressive partiellement réussie » ou une « prothèse antidépressive » [13] [35].

C’est à E. MINKOWSKI que l’on doit l’analyse la plus complète du trouble de la temporalité propre

à l’état dépressif. Alors que nos actes sont habituellement toujours inscrits dans un rapport au temps,

son écoulement apparaît différent dans la dépression. Il place le malade à contre-courant, celui-ci

n’entrevoyant plus d’avenir, avec un présent figé et un passé envahissant tout l’espace [142].

H. EY fait d’ailleurs une description très riche de ce trouble de la temporalité dans ses études

psychiatriques, avec pour seules formes d’action « la stagnation, l’attente, la rétrogradation, la réitération »,

dans une immobilité et une suspension de l’existence [143]. Cette approche phénoménologique nous

apparaît intéressante dans ce contexte de la sénescence, chez des sujets pour qui la perspective

d’avenir est réellement amoindrie et resserrée, confrontés à accepter les aléas d’un passé révolu et les

contraintes d’un présent souvent insatisfaisant. La production délirante comme « rempart contre la

dépression » pourrait alors constituer un mécanisme adaptatif, recréant une « néo-réalité » plus acceptable,

permettant à la personne âgée de réorganiser de manière cohérente pour elle le milieu environnant

dans lequel elle vit [24] [54]. Le délire offrirait une restructuration du monde interne et externe et

apporterait un sentiment illusoire de maîtrise de la réalité, en réinstaurant un ordre arbitraire, en

rétablissant une continuité rassurante et en restituant un sens acceptable à l’existence. JP.

BARANGER décrivait alors le délire tardif comme « une tentative reconstructrice, un processus de sauvegarde

pour reprendre la succession de la trame et le cours de l’histoire » [127].

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CONCLUSIONS

La décompensation délirante est fréquente chez le sujet âgé, puisque l’on considère qu’une personne

sur dix vivra une expérience délirante durant sa vieillesse. Cependant, la physiopathologie et la

psychopathologie du délire tardif restent globalement mal connues à ce jour, du fait de la multitude et

de l’enchevêtrement des modèles théoriques explicatifs. En outre, la complexité des cadres

nosographiques actuels ne cesse de remettre en question leur validité. Leur absence d’unanimité sur le

plan international ne permet pas de disposer de critères diagnostiques valides dans le cadre de la

recherche scientifique et adaptés au sujet âgé. Afin d’éviter de se retrouver confrontés à cet écueil,

nous avons donc choisi de considérer ici le délire tardif selon sa dimension clinique et non pas en tant

qu’entité pathologique individualisable.

Dans la littérature actuelle, il existe à ce jour peu de publications sur l’épidémiologie et les facteurs de

risque de décompensation délirante tardive, avec des résultats souvent contradictoires, chez une

population finalement très hétérogène. Dans ce contexte, le concept original de potentialité délirante de

M. GROSCLAUDE apparaît particulièrement intéressant [1]. Il englobe la notion d’abaissement du

seuil de vulnérabilité sous l’effet de facteurs de stress liés au vieillissement, tels que la désafférentation

sensorielle et sociale et le vieillissement physiologique du système nerveux central. Toutefois, leur rôle

étiopathogénique respectif dans le déclenchement des troubles délirants chez la personne âgée ne

saurait y être circonscrit. Cette conception repose sur la notion de vulnérabilité variable selon le sujet

et d’un ensemble requis pour évoluer vers la décompensation délirante tardive, nécessaire sans pour

autant être suffisant.

L’objectif de ce travail de recherche a donc consisté à démontrer un lien éventuel entre la personnalité

et le délire tardif, ainsi qu’à mettre en évidence l’impact potentiel d’événements de vie précoces et

tardifs. A partir d’une étude cas-témoins, grâce à une évaluation dimensionnelle et catégorielle de la

personnalité et un recueil exhaustif des événements de vie, nous avons comparé les résultats de 25

sujets à ceux de 25 témoins. Les cas étaient rencontrés au décours d’un épisode délirant inaugural à

plus de 60 ans et les témoins étaient recrutés dans la population générale du même âge.

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Les résultats ont alors permis de mettre en évidence les effets de la personnalité sur l’émergence du

délire tardif, avec un haut niveau de Névrosisme (propension à la détresse psychologique) chez les cas

par rapport aux témoins. Nous avons également pu souligner l’importance de l’antériorité dépressive

personnelle, la surreprésentation des antécédents anxio-dépressifs familiaux et la fréquence d’une

symptomatologie dépressive chez les cas. La présence d’un terrain prédisposant a donc pu être établie

comme l’un des facteurs de risque potentiel de développer tardivement un trouble psychotique, avec

l’hypothèse d’une prédisposition héréditaire et génétique sous-jacente et d’une vulnérabilité acquise

sur le plan affectif.

Cependant, plutôt que de constituer un facteur causal unique, le poids du terrain dans le

fonctionnement ultérieur doit être envisagé comme un facteur de prédisposition dont la seule

influence ne serait pas suffisante à déclencher l’apparition du trouble. Les résultats de ce travail ont

mis en évidence l’importance de l’impact environnemental, avec une augmentation de la

confrontation à des événements de vie chez les cas durant leur existence. Nous avons retrouvé une

surreprésentation d’expériences infantiles, telles que la maltraitance et les séparations répétées. Du fait

d’expériences de carences affectives et d’attachement insécure, ces événements précoces ont pu avoir

un impact vulnérabilisant, amenant à des schémas cognitifs adaptatifs négatifs portés sur

l’environnement. Nous avons ensuite pu mettre en évidence une augmentation des événements de vie

tardifs chez les cas, avec un probable rôle stressant « révélateur » de la décompensation délirante de

personnalités déjà prédisposées. Ces événements étaient essentiellement rattachés à la notion de pertes

et de deuil.

Dans cette perspective d’un déterminisme multifactoriel hétérogène du trouble délirant tardif, l’appui

sur le modèle biopsychosocial apparaît pertinent. Il repose sur la notion d’interaction entre facteurs de

stress sociaux et vulnérabilité biologique et psychologique.

L’intervention de la personnalité sur le délire tardif est donc à considérer sur plusieurs niveaux :

D’une part, la personnalité influe selon ses dimensions spécifiques, en fonction d’une situation

événementielle à risque. Ce n’est pas seulement l’événement de vie en lui-même qui entre en jeu, mais

aussi la manière qu’aura le sujet selon ses propres traits de personnalité, de développer des stratégies

adaptatives plus ou moins efficaces pour faire face à cette épreuve au caractère traumatique. D’autre

part, la personnalité imprègne également l’expression sémiologique du délire et son contenu. Enfin, la

personnalité est convoquée à un lieu commun de l’Humain, interpellée dans ce qui la caractérise de

plus général et universel, ici l’épreuve de la vieillesse. Cette « réponse fondamentale délirante » de l’âgé

possèderait les mêmes facteurs déclenchants en lien à la perte et les problématiques de vécu

d’abandon se rejouant tardivement.

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Cette perspective débouche finalement sur l’idée de ne pas envisager le délire de l’âgé comme fortuit

et de le resituer dans le contexte de l’épreuve existentielle de la vieillesse grâce à une approche

psychodynamique. La propension à délirer tardivement pourrait alors être considérée comme une

production mentale autour d’une défaillance, permettant au sujet âgé d’accéder à une « néo-réalité »

souvent plus tolérable. Elle posséderait donc une fonction adaptative et pourrait dans certains cas être

envisagée comme une « tentative auto-thérapique » face au risque d’effondrement dépressif [24] [141]. Il

est maintenant acquis en pratique courante que les traitements antidépresseurs offrent dans certains

cas une réponse favorable à la symptomatologie délirante de l’âgé. Dans ces circonstances, le délire

tardif apparaît également accessible à un abord psychothérapique permettant au sujet d’accéder à une

relative acceptation des difficultés liées au vieillissement, ainsi qu’à une élaboration des moyens d’ y

faire face. Plutôt que d’être uniquement considérée en termes de déficit, cette étape de la vieillesse

mérite d’être envisagée comme l’émergence de nouvelles capacités adaptatives, voire même d’une

certaine créativité pour faire face aux contraintes d’un passé révolu, d’un présent souvent insatisfaisant

et d’un avenir nécessairement incertain.

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ANNEXE I : Vignettes cliniques

Madame M.

Madame M. est une femme de 80 ans, à la présentation bien mise et apprêtée. Elle est sortie

d’hospitalisation depuis plusieurs mois maintenant. Elle y a été accueillie pour trois séjours au total, en

vue de « se reposer », selon ses dires. Madame M. présente actuellement un délire très riche,

relativement systématisé, avec des mécanismes interprétatifs, intuitifs et hallucinatoires, ainsi qu’un

automatisme mental. Elle est convaincue de manière inébranlable d’être depuis quelques années la

cible d’un réseau de trafiquants de drogue qui opérerait au-dessus de chez elle. Elle a bien tenté de

déménager pour éviter ces malfrats, venant alors s’installer dans l’immeuble d’à côté, mais selon elle

cela n’aurait rien changé, ceux-ci ayant déplacé leur local simultanément et continuant à

l’incommoder jour et nuit. Elle attribue à ces agissements la cause de ses douleurs gastriques, de ses

varices et de l’hémopathie qui vient de lui être diagnostiquée récemment. Les acides et les gaz

émanant des tuyaux procureraient des dégâts irréversibles sur un corps surtout usé par le

vieillissement, mais tentant malgré tout de garder le panache d’autrefois. Cette dernière rapporte

donc de manière enjouée, dans un discours fluent, limpide et circonstancié, ce qu’elle décrit comme

« le mal de sa vie », qui apparaît clairement encombrer, pour ne pas dire remplir, son quotidien de

femme âgée et très isolée. Cette présentation clivée nous laisse accès à un discours totalement délirant

à propos de ce présumé trafic, associé à un discours sain et adapté, nous détaillant l’histoire de son

quartier lyonnais, critiquant l’actualité géopolitique et rebondissant ensuite de manière extrêmement

lucide sur les conditions d’hospitalisation en psychiatrie. Le contact se veut cordial, chaleureux,

accueillant et attaché aux conventions sociales.

Lors de sa première hospitalisation sur l’unité Clos Layat II à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu il y a

maintenant trois ans, la patiente y a été admise sur une modalité sans consentement. Elle rapporte

s’être sentie trahie par son médecin traitant qui avait alors posé l’indication et dont elle a depuis

changé. De ce premier séjour, Madame M. garde un mauvais souvenir, « on m’y a volé mon intégrité

psychique » rapportera-t-elle de manière projective. La patiente y a bénéficié de soins psychiatriques

actifs, avec une amélioration légère de la symptomatologie délirante et notamment de la production

hallucinatoire. Mais au décours, cette dernière s’est rapidement mise en rupture de soins, arrêtant

brutalement son traitement, puisque ne se considérant pas malade. Les dégradations successives de

son état psychique l’ont amenée à deux nouvelles hospitalisations, plus acceptables narcissiquement

car vécues comme un séjour hôtelier de rupture pour se remettre de la fatigue infligée par ses

persécuteurs désignés. De là, une légère alliance thérapeutique s’est instaurée mais est restée en réalité

bien superficielle et non pérenne.

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Depuis son retour au domicile, Madame M. a repris le cours et le contrôle de son existence, elle se

rend chaque midi dans le restaurant en bas de chez elle et organise son prochain déménagement.

Pour le relai de ses soins psychiatriques, elle n’a toléré et investi que son nouveau médecin traitant,

qui s’assure mensuellement que le délire reste bien circonscrit et n’est pas trop envahissant.

Concernant son histoire de vie, la patiente vivait dans son premier appartement depuis de

nombreuses années, avec son époux avec qui elle n’a pu avoir d’enfants, le « deuxième regret » de sa

vie. Ce dernier l’a quittée sans prévenir, successivement à une retraite professionnelle déjà vécue

difficilement. Au même moment, elle perdait également une amie et son unique frère, décédés

brutalement. Madame M. s’est donc retrouvée seule du jour au lendemain dans cet appartement et

explique que peu de temps après, les fabricants de drogue se sont installés au-dessus de chez elle et ne

l’ont plus lâchée. Elle a choisi de quitter le lit conjugal pour le canapé du salon car « les acides brûlaient

trop », puis elle a multiplié les dépôts de plainte et les recours sans aucun succès, désormais très

occupée par ces nouveaux événements. Madame M. est bien connue dans son quartier et se considère

appréciée. Au sein des relations de courtoisie avec qui les échanges sont plutôt formels, la patiente se

montre discrète sur les éléments qu’elle considère subir au quotidien, car « on n’est jamais trop prudent ».

De son enfance, elle reste également très évasive, rapportant tout au plus un climat non serein.

Actuellement, elle se dit plus apaisée face à sa situation et apparaît plus résignée. Elle continue à

présenter des hallucinations acousticoverbales et cénesthésiques, à percevoir les dommages physiques

collatéraux de ce trafic et entendre les menaces à son encontre, mais qui ne semblent pas l’intimider.

Ces persécuteurs font en quelque sorte partie intégrante de son quotidien, ils la surveillent jusque dans

sa sphère intime et elle imagine en jubilant l’importance que sa lutte pourrait constituer à leurs yeux.

« Je ne céderai pas » finira-t-elle par lâcher, laissant apparaître cet objectif comme l’enjeu vital des

jours à venir.

Concernant sa personnalité, Madame M. se dit vouée d’une grande sensibilité, elle aime le

raffinement et la distinction. Elle concède avoir été très réservée au début de sa vie, presque

renfermée, mais ce tempérament semble s’être un peu amélioré au fil des années. Les résultats

psychométriques mettent en évidence une discrète augmentation du Névrosisme ainsi que de la

Conscience, chez cette patiente sensible et hyper-réactive au monde qui l’entoure. Les résultats des

échelles de dépression ne retrouvent pas de symptomatologie dépressive, pour autant le discours, bien

qu’enjoué, est connoté de lourds regrets existentiels dont elle paraît se défendre autrement que par

l’effondrement dépressif. Au vu du tableau clinique, Mme M. paraît présenter des traits de

personnalité sensitifs sur une assise narcissique fragile.

A la fin de notre rencontre, la patiente se dit satisfaite d’avoir pu livrer l’actuel mal de son existence en

toute confiance, tout en ayant finalement tu stratégiquement les éléments biographiques

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incommodants. Madame M. apparaît enchantée de cette entrevue, qui aura en effet permis de venir

remplir et modifier un quotidien dont les perspectives semblent figées depuis des années.

Monsieur G.

Monsieur G. a 68 ans, il a perdu sa première épouse d’un cancer, puis s’est remarié avec la femme

avec qui il vit à présent. De sa première union il a deux enfants qu’il voit régulièrement. Il n’a aucun

antécédent psychiatrique connu. Monsieur G. a exercé comme expert-comptable avant une mise à la

retraite difficile, chez un homme se retrouvant brusquement confronté au vide d’un quotidien

jusqu’ici bien organisé. Le reste de son existence aurait été traversé selon lui « sans encombre ». Pour

autant, il se décrit très stressé et émotif, plutôt introverti et inhibé dans les situations sociales. Il n’a pas

de problèmes physiques particuliers et est autonome au quotidien.

Il a été hospitalisé sur l’unité Renoir de l’hôpital du Vinatier en juillet 2014 en Soins Psychiatriques à

la Demande d’un Tiers pour une primo-décompensation délirante. L’anamnèse rapporte que le

patient se trouvait dans la région du Gard, dans l’appartement hérité de sa défunte mère, qu’il tentait

de restaurer afin de le léguer à ses enfants. De là, la conviction délirante d’avoir été piraté par un

réseau informatique pour l’empêcher de mener à bien ses travaux s’est rapidement imposée à lui,

avant de s’élargir en secteur dans une théorie d’un vaste complot mené contre sa personne. A partir

de mécanismes intuitifs et interprétatifs, les thématiques persécutoires se sont progressivement

déplacées sur le corps. Les interprétations externes laissaient place à des préoccupations internes

envahissantes, d’allure hypocondriaque, associées à une participation affective importante.

Initialement, lors de son arrivée dans le service, la présentation de Monsieur G. était très ralentie, le

faciès était figé, presque amimique, avec des yeux fixes, amenant une sensation étrange de vide. Cette

présentation quasi-stuporeuse laissait transparaître un envahissement anxieux au premier plan, pour

autant non verbalisable par le patient, dont le discours s’en tenait à des propos minimalistes, somme

toute très factuels et opératoires. Les éléments l’ayant amené à être hospitalisé ne pouvaient alors pas

être repris avec le patient.

Durant l’hospitalisation, c’est au cours d’un entretien familial que nous avons pu verbaliser et accéder

à ces éléments anamnestiques. L’épouse de Mr G. a pu objectiver que le projet de restauration de

l’appartement s’était avéré profondément mobilisant et déstabilisant pour ce dernier, qui s’était

brusquement retrouvé confronté aux incapacités physiques dues à son âge, alors qu’il était jusqu’alors

très indépendant. La projection des conséquences de cette perte d’autonomie vers un extérieur

persécuteur a pu avoir une vertu défensive pour ce dernier.

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Au cours des entretiens médico-infirmiers, des examens neurocognitifs et psychométriques, nous

avons pu éliminer des troubles cognitifs associés et étayer notre analyse clinique. Les résultats

psychométriques aux dimensions de personnalité ont retrouvé un haut niveau de Névrosisme, de

l’ordre de 4. Les échelles catégorielles ont également mis en avant un trouble de la personnalité

obsessionnel-compulsif et un trouble de la personnalité évitant. La ritualisation massive du quotidien

lui permettait de garder une certaine illusion de maîtrise d’une réalité de plus en plus anxiogène. Ces

traits semblaient d’ailleurs s’être progressivement rigidifiés avec l’âge.

La symptomatologie délirante et anxieuse s’est ensuite améliorée lentement grâce à la prise en charge

institutionnelle et thérapeutique. Au décours, le patient a présenté un contact encore distant et un

discours plutôt pauvre et provoqué, dans des considérations essentiellement factuelles et ritualisées

concernant les horaires et le déroulement de la journée.

Malgré la présentation initiale désaffectivée nous ayant initialement amenés à envisager un pôle

d’organisation psychotique, il nous a semblé plus juste de reconsidérer le diagnostic pour celui de

Délire d’Apparition Tardive dans une approche dynamique chez ce patient indemne de toute

décompensation antérieure. Ce concept n’exclut pas l’association à un épisode dépressif majeur

masqué par la symptomatologie délirante. Il a également le mérite de ne pas présager de l’évolution

ultérieure des troubles, qui à ce jour, plusieurs mois après l’épisode aigu, apparaissent totalement

amendés. Au décours de sa prise en charge, Monsieur G. a alors pu rapporter à propos de sa

décompensation délirante : « j’ai subitement pris conscience que j’étais vieux et ça a été insupportable ».

Madame V.

Madame V. a 74 ans et a été hospitalisée durant plusieurs mois sur l’unité Clos Layat II à l’hôpital

Saint-Jean de Dieu, dans un contexte de passage à l’acte hétéro-agressif à l’encontre de sa voisine. Elle

présentait un délire interprétatif relativement systématisé, avec la conviction d’être victime d’un

préjudice de la part de cette dernière. Elle attribuait à sa voisine la responsabilité d’objets perdus

qu’elle ne retrouvait plus, pensant que celle-ci s’introduisait à son domicile en son absence pour les lui

voler. Progressivement, la patiente s’était alors repliée chez elle, excluant toute sortie pour éviter toute

intrusion potentielle.

Madame V. a un fils qui est très pris par son travail et reste assez peu présent, deux petits-enfants

éloignés sur le plan géographique. Son mari est alcoolique et un diagnostic de pathologie néoplasique

au pronostic péjoratif lui a été posé récemment. La situation semble très conflictuelle à ce sujet,

Madame V., inquiète pour l’état de santé de son mari, tente de lui imposer une diminution de sa

consommation d’alcool, sans résultat. Dans le même temps, cette patiente a perdu sa sœur d’un

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cancer et a subi des opérations chirurgicales itératives, vécues comme éprouvantes tant sur le plan

physique que psychique. La chirurgie de prothèse de hanche et l’opération de cystocèle venaient

douloureusement symboliser l’avancée en âge, rapportées à la notion de perte d’autonomie et à

l’inquiétude de la dépendance.

Son enfance est décrite comme « plutôt morose », Madame V. a émigré d’Italie lorsqu’elle était

enfant et ce départ a été vécu comme traumatisant, avec le sentiment d’y avoir abandonné une partie

de sa famille. Dans les suites, la patiente a été accueillie en pension et ne rentrait chez ses parents que

lors des vacances d’été.

Au cours de l’entretien, le contact est adapté, se voulant relationnel et cordial. Le discours est

cohérent, bien que laissant entrevoir un discret manque du mot. La patiente se montre plus prolixe et

se désorganise dès lors que nous reprenons les éléments l’ayant conduite à être hospitalisée. Elle

consent toutefois avoir « perdu les pédales » et regrette son geste à l’encontre de sa voisine, mais peine

encore à critiquer sa conviction d’avoir été volée.

Madame V. a présenté plusieurs épisodes dépressifs au cours de son existence, souvent réactionnels

aux événements douloureux, tels que les deuils et la maladie. Elle montre cependant de bonnes

capacités d’adaptation et de résilience malgré ses difficultés actuelles et son tempérament anxieux. Sur

le plan de la personnalité, elle se voit plutôt réservée et accorde manquer d’estime et de confiance en

elle, « ce qui n’aide pas à avoir confiance en l’autre », lâchera-t-elle. Elle apprécie également la perfection et

l’ordre, et tiendra à me faire visiter un appartement très bien ordonné.

Les résultats psychométriques catégoriels et l’analyse clinique retrouvent des éléments en faveur d’un

trouble de la personnalité de type obsessionnel-compulsif et paranoïaque, que l’on pourrait qualifier

de sensitif au vu des éléments cliniques. L’échelle dimensionnelle de personnalité met en évidence un

haut niveau de Névrosisme chez cette patiente. Les résultats de l’IRM cérébrale effectuée durant son

hospitalisation retrouvaient une discrète atrophie cortico-sous-corticale. Le MMSE cote à 27 durant

notre rencontre. L’évaluation des troubles cognitifs serait à envisager à distance de l’épisode aigu, afin

d’éliminer une évolution ultérieure vers une étiologie démentielle en lien avec ces idées de vol.

Au décours de la prise en charge hospitalière, un travail d’accompagnement familial a été envisagé.

Afin d’améliorer le support social et de s’assurer de la prise du traitement neuroleptique et

antidépresseur, un passage par des infirmiers libéraux a été instauré. La patiente a pu bénéficier dans

les suites de la mise en place d’un appareillage auditif permettant d’améliorer une récente

hypoacousie.

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ANNEXE II : Questionnaire du groupe de cas

DATE DE NAISSANCE

SEXE

ETES-VOUS ACTUELLEMENT :

-­‐ Veuf (ve) / Célibataire / Marié(e) / En concubinage /Séparé(e) ou divorcé(e) ?

AVEZ-VOUS DES ENFANTS ?

-­‐ Si oui, les rencontrez vous régulièrement ou non ? -­‐ Si vous les rencontrez peu ou jamais, y a-t-il un échange avec eux ou non ? -­‐ Considérez-vous que vous soyez actuellement bien entouré ?

VIVEZ-VOUS :

-­‐ En institution / A domicile ? -­‐ Seul / accompagné ?

NIVEAU D’ETUDES :

-­‐ Vous n’avez jamais fait d’études -­‐ Vous avez le certificat d’études -­‐ Vous avez arrêté avant le BAC -­‐ Vous avez arrêté après le BAC -­‐ Vous avez fait des études après le BAC, si oui, lesquelles ?

STATUT PROFESSIONNEL :

-­‐ Quels ont été vos exercices professionnels ? -­‐ Quel a été votre durée totale d’exercice professionnel ? -­‐ Quelle est la cause de votre cessation d’activité professionnelle ?

à Chômage ? Maladie ? Raison personnelle ? Retraite ?

ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES PERSONNELS :

-­‐ Dépression ? -­‐ Maladie bipolaire ou psychose maniaco-dépressive ? -­‐ Trouble anxieux ? -­‐ Tentative de suicide ? (Si oui, combien ?) -­‐ Addiction à l’alcool, à des drogues ? -­‐ Troubles du comportement alimentaire de type anorexie mentale ou boulimie ? -­‐ Hospitalisations en psychiatrie ? (Si oui, combien ?)

ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES FAMILIAUX :

-­‐ Dépression ? -­‐ Maladie bipolaire ou psychose maniaco-dépressive ? -­‐ Trouble anxieux ?

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-­‐ Schizophrénie ou état délirant ? -­‐ Tentatives de suicide ? Suicides ? -­‐ Démence ou maladie d’Alzheimer ? -­‐ Troubles psychiatriques non déterminés ? -­‐ Addictions à l’alcool, à des drogues ? -­‐ Troubles du comportement alimentaire de type anorexie mentale ou boulimie ? -­‐ Hospitalisations en psychiatrie ?

PRESENCE D’UN HANDICAP SENSORIEL ? -­‐ Surdité -­‐ Cécité

PRESENCE D’UN HANDICAP PHYSIQUE OU D’UNE ATTEINTE DE LA MOBILITE ? -­‐ Marche sans difficulté / Aide nécessaire / Ne marche plus

SUR LE PLAN PROFESSIONNEL ET SOCIAL, AVEZ-VOUS CONNU :

-­‐ Une période de chômage ? -­‐ Un licenciement ? -­‐ Des conflits professionnels ? -­‐ Des problèmes financiers ? -­‐ Une mise à la retraite difficile ? -­‐ De graves conflits avec l’entourage ou le voisinage ?

SUR LE PLAN PERSONNEL, AVEZ-VOUS CONNU :

-­‐ Un temps de séparation avec les parents dans l’enfance ? -­‐ Divorce des parents ou relation de discorde ? -­‐ Des maltraitances physiques, psychologiques ou sexuelles ? -­‐ Une maladie grave ? -­‐ Le décès d’un de vos parents dans l’enfance ? -­‐ Une guerre ? -­‐ Un accident ? -­‐ Pour les femmes, des fausses-couches, des morts in utero, des avortements ? -­‐ Un traumatisme autre ?

ACTUELLEMENT :

-­‐ Y a-t-il des évènements qui vous paraissent importants, auxquels vous avez été confronté au cours de ces dernières années ?

-­‐ Comment pourriez-vous décrire votre tempérament et votre personnalité ?

SEMIOLOGIE DU DELIRE :

-­‐ Mécanismes -­‐ Thématiques -­‐ Systématisation -­‐ Participation affective

Tonalité du discours, préoccupations personnelles, vécu de la vieillesse, avis sur le questionnaire, etc.

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MINI-MENTAL STATE EXAMINATION Orientation  1   En  quelle  année  sommes-­‐nous  ?          2   En  quelle  saison  ?    3   En  quel  mois  ?    4   Quel  jour  du  mois  ?    5   Quel  jour  de  la  semaine  ?    6   Quel  est  le  nom  de  l'hôpital  où  nous  sommes  ?    7   Dans  quelle  ville  se  trouve-­‐t-­‐il  ?    8   Quel  est  le  nom  du  département  dans  lequel  est  située  cette  ville  ?    9   Dans  quelle  région  est  situé  ce  département  ?    10   À  quel  étage  sommes-­‐nous  ici  ?    

 Apprentissage  Je  vais  vous  dire  3  mots.  Je  voudrais  que  vous  me  les  répétiez  et  que  vous  essayiez  de  les  retenir  car  je  vous  les  redemanderai  tout  à  l'heure.  11   Cigare    12   Fleur    13   Porte      Attention  et  calcul  Voulez-­‐vous  compter  à  partir  de  100  en  retirant  7  à  chaque  fois  ?  14   93    15   86    16   79    17   72    18   65      Rappel  Quels  étaient  les  3  mots  que  je  vous  ai  demandé  de  répéter  et  de  retenir  tout  à  l'heure  ?  19   Cigare    20   Fleur    21   Porte      Langage  22   Montrer  un  crayon.  Quel  est  le  nom  de  cet  objet  ?    23   Montrer  votre  montre.  Quel  est  le  nom  de  cet  objet  ?    24   Ecoutez  bien  et  répétez  après  moi  :  "Pas  de  mais,  de  si,  ni  de  et"    25   Poser  une  feuille  de  papier  sur  le  bureau,  la  montrer  au  sujet  en  lui  disant  :  Écoutez  bien  et  faites  ce  

que  je  vais  vous  dire  :  Prenez  cette  feuille  de  papier  avec  la  main  droite    

26   Pliez-­‐la  en  deux    27   Et  jetez-­‐la  par  terre    28   Tendre  au  sujet  une  feuille  de  papier  sur  laquelle  est  écrit  en  gros  caractères  :    

"Fermez  les  yeux"  et  dire  au  sujet  :  Faites  ce  qui  est  écrit    

29   Tendre  au  sujet  une  feuille  de  papier  et  un  stylo,  en  disant  :  Voulez-­‐vous  m'écrire  une  phrase,  ce  que  vous  voulez,  mais  une  phrase  entière.  

 

 Praxies  constructives  30   Tendre  au  sujet  une  feuille  de  papier  et  lui  demander  :  

"Voulez-­‐vous  recopier  ce  dessin  ?"    

                       SCORE  GLOBAL  :                  /30        

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MADRS : EVALUATION DE LA DEPRESSION

1) Tristesse apparente Correspond au découragement, à la dépression et au désespoir (plus qu'un simple cafard passager) reflétés par la parole, la mimique et la posture. Coter selon la profondeur et l'incapacité à se dérider.

0 Pas de tristesse. 1 2 Semble découragé mais peut se dérider sans difficulté. 3 4 Parait triste et malheureux la plupart du temps. 5 6 Semble malheureux tout le temps. Extrêmement découragé.

2) Tristesse exprimée Correspond à l'expression d'une humeur dépressive, que celle-ci soit apparente ou non. Inclut le cafard, le découragement ou le sentiment de détresse sans espoir. Coter selon l'intensité, la durée et le degré auquel l'humeur est dite être influencée par les événements.

0 Tristesse occasionnelle en rapport avec les circonstances. 1 2 Triste ou cafardeux, mais se déride sans difficulté. 3 4 Sentiment envahissant de tristesse ou de dépression. 5 6 Tristesse, désespoir ou découragement permanents ou sans fluctuation.

3) Tension intérieure Correspond aux sentiments de malaise mal défini, d'irritabilité, d'agitation intérieure, de tension nerveuse allant jusqu'à la panique, l'effroi ou l'angoisse. Coter selon l'intensité, la fréquence, la durée, le degré de réassurance nécessaire.

0 Calme. Tension intérieure seulement passagère. 1 2 Sentiments occasionnels d’irritabilité et de malaise mal défini. 3 4 Sentiments continuels de tension intérieure ou panique intermittente que le malade ne peut maîtriser qu’avec difficulté. 5 6 Effroi ou angoisse sans relâche. Panique envahissante.

4) Réduction du sommeil Correspond à une réduction de la durée ou de la profondeur du sommeil par comparaison avec le sommeil du patient lorsqu'il n'est pas malade.

0 Dort comme d’habitude. 1 2 Légère difficulté à s’endormir ou sommeil légèrement réduit, léger ou agité. 3 4 Sommeil réduit ou interrompu au moins deux heures. 5 6 Moins de deux ou trois heures de sommeil.

5) Réduction de l'appétit Correspond au sentiment d'une perte de l'appétit comparé à l'appétit habituel. Coter l'absence de désir de nourriture ou le besoin de se forcer pour manger.

0 Appétit normal ou augmenté. 1 2 Appétit légèrement réduit. 3

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4 Pas d’appétit. Nourriture sans goût. 5 6 Ne mange que si on le persuade.

6) Difficultés de concentration Correspond aux difficultés à rassembler ses pensées allant jusqu'à l'incapacité à se concentrer. Coter l'intensité, la fréquence et le degré d'incapacité.

0 Pas de difficulté de concentration. 1 2 Difficultés occasionnelles à rassembler ses pensées. 3 4 Difficultés à se concentrer et à maintenir son attention, ce qui réduit la capacité à lire ou à soutenir une conversation. 5 6 Incapacité de lire ou de converser sans grande difficulté.

7) Lassitude Correspond à une difficulté à se mettre en train ou une lenteur à commencer et à accomplir les activités quotidiennes.

0 Guère de difficultés à se mettre en route ; pas de lenteur. 1 2 Difficultés à commencer des activités. 3 4 Difficultés à commencer des activités routinières qui sont poursuivies avec effort. 5 6 Grande lassitude. Incapable de faire quoi que ce soit sans aide.

8) Incapacité à ressentir Correspond à l'expérience subjective d'une réduction d'intérêt pour le monde environnant, ou les activités qui donnent normalement du plaisir. La capacité à réagir avec une émotion appropriée aux circonstances ou aux gens est réduite.

0 Intérêt normal pour le monde environnant et pour les gens. 1 2 Capacité réduite à prendre plaisir à ses intérêts habituels. 3 4 Perte d’intérêt pour le monde environnant. Perte de sentiment pour les amis et les connaissances. 5 6 Sentiment d’être paralysé émotionnellement, incapacité à ressentir de la colère, du chagrin ou du plaisir, et impossibilité

complète ou même douloureuse de ressentir quelque chose pour les proches, parents et amis.

9) Pensées pessimistes Correspond aux idées de culpabilité, d'infériorité, d'auto-accusation, de péché ou de ruine.

0 Pas de pensées pessimistes. 1 2 Idées intermittentes d’échec, d’auto-accusation et d’autodépreciation. 3 4 Auto-accusations persistantes ou idées de culpabilité ou péché précises, mais encore rationnelles. Pessimisme croissant à

propos du futur. 5 6 Idées délirantes de ruine, de remords ou péché inexpiable. Auto-accusations absurdes et inébranlables.

10) Idées de suicide Correspond au sentiment que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue, qu'une mort naturelle serait la bienvenue, idées de suicide et préparatifs au suicide. Les tentatives de suicide ne doivent pas, en elles-mêmes, influencer la cotation.

0 Jouit de la vie ou la prend comme elle vient.

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1 2 Fatigué de la vie, idées de suicide seulement passagères. 3 4 Il vaudrait mieux être mort. Les idées de suicide sont courantes et le suicide est considéré comme une solution possible,

mais sans projet ou intention précis. 5 6 Projets explicites de suicide si l’occasion se présente. Préparatifs de suicide.

RÉSULTATS : / 60

Chaque item est coté de 0 à 6, seules les valeurs paires sont définies. Le médecin doit décider si l’évaluation doit reposer sur les points de l’échelle bien définis (0, 2, 4, 6) ou sur des points intermédiaires (1, 3, 5). Score maximal de 60. Seuil de dépression est fixé à 15.

ECHELLE DE DEPRESSION GERIATRIQUE : GDS 15 ITEMS 1. Êtes-vous satisfait(e) de votre vie ? 2. Avez-vous renoncé à un grand nombre de vos activités ? 3. Avez-vous le sentiment que votre vie est vide ? 4. Vous ennuyez-vous souvent ? 5. Êtes-vous de bonne humeur la plupart du temps ? 6. Avez-vous peur que quelque chose de mauvais vous arrive ? 7. Êtes-vous heureux (se) la plupart du temps ? 8. Avez-vous le sentiment d’être désormais faible ? 9. Préférez-vous rester seul(e) dans votre chambre plutôt que de sortir ? 10. Pensez-vous que votre mémoire est plus mauvaise que celle de la plupart des gens ? 11. Pensez-vous qu’il est merveilleux de vivre à notre époque ? 12. Vous sentez-vous une personne sans valeur actuellement ? 13. Avez-vous beaucoup d’énergie ? 14. Pensez-vous que votre situation actuelle est désespérée ? 15. Pensez-vous que la situation des autres est meilleure que la votre ?

Compter 1 si la réponse est non aux questions: 1, 5, 7, 11, 13, et oui aux autres.

Score global : __ /15

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HAMILTON : EVALUATION DE L'ANXIETE 1) Humeur anxieuse

Cet item couvre la condition émotionnelle d'incertitude devant le futur, allant de l'inquiétude, l'irritabilité, de l'appréhension à un effroi.

0 Le patient ne se sent ni plus ni moins sûr de lui et n'est ni plus ni moins irritable que d'habitude. 1 Que le patient soit plus irritable ou se sente moins sûr de lui que d'habitude est peu clair. 2 Le patient exprime plus clairement qu'il est dans un état d'anxiété, d’appréhension ou d’irritabilité difficile à contrôler. Néanmoins,

l'inquiétude touche des préoccupations mineures et ceci reste sans influence sur la vie quotidienne du patient. 3 Quelques fois, l'anxiété ou le sentiment d’insécurité sont plus difficiles à contrôler car l'inquiétude porte sur des blessures graves ou des

menaces qui pourraient arriver dans le futur. Il est arrivé que cela interfère avec la vie quotidienne du patient 4 Le sentiment d'effroi est présent si souvent qu'il interfère de manière marquée avec la vie quotidienne du patient.

2) Tension nerveuse

Cet item inclut l'incapacité à se détendre, la nervosité, la tension physique, les tremblements et la fatigue agitée

0 Le patient n'est ni plus ni moins tendu que d'habitude. 1 Le patient semble quelque peu plus nerveux et tendu que d'habitude. 2 Le patient dit clairement être incapable de se détendre et est empli d'agitation intérieure, qu'il trouve difficile à contrôler, mais c'est

toujours sans influence sur sa vie quotidienne. 3 L'agitation intérieure et la nervosité sont si intenses ou si fréquentes qu'elles interfèrent occasionnellement avec le travail et la vie

quotidienne du patient. 4 Les tensions et l'agitation interfèrent constamment avec la vie et le travail du patient.

3) Craintes

Cet item inclut la crainte d'être dans une foule, des animaux, d'être dans des lieux publics, d'être seul, de la circulation, des inconnus, du noir etc. Il est important de noter s'il y a eu davantage d'anxiété phobique que d'habitude pendant et épisode.

0 Absentes. 1 Il n'est pas clair si ces craintes sont présentes ou pas. 2 Le patient vit de l'anxiété, mais est capable de lutter contre 3 Surmonter ou combattre l'anxiété ́ physique est difficile, ce qui fait qu'elle interfère avec la vie quotidienne et le travail du patient d'une

certaine manière.

4) Insomnie

Cet item couvre l'expérience subjective du patient concernant la durée et la profondeur de son sommeil pendant les trois nuits précédentes. A noter que l'administration de calmants ou de sédatifs n'est pas prise en considération.

0 Durée et profondeur du sommeil habituelles. 1 La durée est peu ou pas réduite (par exemple par de légères difficultés d'endormissement), mais il n'y a pas d'altération de la

profondeur du sommeil. 2 La profondeur du sommeil est également diminuée, le sommeil étant plus superficiel. L'entièreté du sommeil est quelque peu

perturbée. 3 La durée du sommeil et sa profondeur sont altérés de manière marquée. Le total du sommeil n'est que de quelques heures sur 24. 4 Le sommeil est si peu profond que le patient parle de courtes périodes de somnolence mais sans vrai sommeil.

5) Troubles de la concentration et de la mémoire

Cet item couvre les difficultés de concentration, ainsi que celles à prendre des décisions dans des domaines quotidiens, et les problèmes de mémoire.

0 Le patient n'a ni plus ni moins de difficultés à se concentrer que d'habitude. 1 Il n'est pas clair si le patient a des difficultés de concentration et/ou de mémoire. 2 Même en faisant un gros effort, le patient éprouve des difficultés à se concentrer sur son travail quotidien de routine. 3 Le patient éprouve des difficultés prononcées de concentration, de mémoire, de prise de décisions; par exemple, pour lire un article

dans le journal ou regarder une émission télévisée jusqu'à sa fin. 4 Pendant l'entretien, le patient montre des difficultés de concentration, de mémoire, ou à la prise de décisions.

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6) Humeur dépressive

Cet item couvre à la fois la communication non-verbale de la tristesse, de la déprime, de l'abattement, de la sensation d'impuissance, et de la perte d'espoir.

0 Absente. 1 Il n'est pas clair si le patient est plus abattue ou triste que d'habitude, ou seulement vaguement. 2 Le patient est plus clairement concerné par des vécus déplaisants, bien qu'il ne se sente ni impuissant ni sans espoir. 3 Le patient montre des signes non-verbaux clairs de dépression ou de perte d'espoir. 4 Le patient fait des observations sur son abattement ou son sentiment d'impuissance ou les signes non- verbaux sont prépondérants

pendant l'entretien, de plus, le patient ne peut pas être distrait de son état.

7) Symptômes somatiques généraux : musculaires

Faiblesse, raideur, allodynie ou douleurs, situées de manière plus ou moins diffuse dans les muscles, comme de la douleur à la mâchoire ou à la nuque.

0 Le patient n'est ni plus ni moins douloureux ni n'éprouve plus de raideurs dans les muscles que d'habitude. 1 Le patient semble éprouver un peu plus de douleurs ou de raideurs musculaires qu'habituellement. 2 Les symptômes sont caractéristiques de la douleur. 3 Les douleurs musculaires interfèrent jusqu'à un certain point avec la vie et le travail quotidiens du patient. 4 Les douleurs musculaires sont présentes la plupart du temps et interfèrent clairement avec la vie quotidienne et le travail du patient.

8) Symptômes somatiques généraux : sensoriels

Cet item inclut une fatigabilité accrue ainsi que de la faiblesse ou des perturbations réelles des sens, incluant l'acouphène, la vision floue, des bouffées de chaleur ou de froid, et des sensations de fourmillements.

0 Absents. 1 Il n'est pas clair si les indications du patient indiquent des symptômes plus prononcés qu'habituellement. 2 Les sensations de pression sont fortes au point que les oreilles bourdonnent, la vision est perturbée et il existe des sensations de

démangeaisons ou de fourmillements de la peau. 3 Les symptômes sensoriels en général interfèrent jusqu'à un certain point avec la vie quotidienne et le travail du patient. 4 Les symptômes sensoriels en général sont présents la plupart du temps et interfèrent avec la vie quotidienne et le travail du patient.

9) Symptômes cardio-vasculaires

Cet item inclut la tachycardie, les palpitations, l'oppression, la douleur dans la poitrine, la sensation de pulsations, de « cognement » dans les vaisseaux sanguins, ainsi que la sensation de devoir s'évanouir.

0 Absents. 1 Leur présence n'est pas claire 2 Les symptômes cardio-vasculaires sont présents, mais le patient peut les contrôler. 3 Le patient a des difficultés occasionnelles à contrôler les symptômes cardio-vasculaires, qui interfèrent donc jusqu'à un certain point

avec sa vie quotidienne et son travail. 4 Les symptômes cardio-vasculaires sont présents la plupart du temps et interfèrent avec la vie quotidienne et le travail du patient.

10) Symptômes respiratoires

Sensations de constriction ou de contraction dans la gorge ou la poitrine et respiration soupirante.

0 Absents. 1 Présence peu claire. 2 Les symptômes respiratoires sont présents, mais le patient est toujours capable de les contrôler. 3 Le patient a des difficultés occasionnelles pour contrôler les symptômes respiratoires, qui interfèrent donc jusqu'à un certain point avec

sa vie quotidienne et son travail. 4 Les symptômes respiratoires sont présents la plupart du temps et interfèrent clairement avec la vie quotidienne et le travail du patient.

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11) Symptômes gastro-intestinaux

Cet item couvre les difficultés à avaler, la sensation de « descente » brusque de l'estomac, la dyspepsie (sensation de brûlant dans l'œsophage ou l'estomac), les douleurs abdominales mises en relation avec les repas, la sensation d'être « rempli », la nausée, les vomissements, les gargouillements abdominaux et la diarrhée.

0 Absents. 1 Il n'est pas clair s'il existe une différence avec le vécu habituel. 2 Un ou plusieurs symptômes gastro-intestinaux sont présents mais le patient peut encore les contrôler. 3 Le patient a des difficultés occasionnelles à contrôler les symptômes gastro-intestinaux, qui interfèrent donc jusqu'à un certain point

avec sa vie quotidienne et son travail. 4 Les symptômes gastro-intestinaux sont présents la plupart du temps et interfèrent avec la vie quotidienne et le travail du patient.

12) Symptômes urinaires et génitaux

Cet item inclut des symptômes non lésionnels ou psychiques comme un besoin d'uriner plus fréquent ou plus urgent, des irrégularités du rythme menstruel, l'anorgasmie, douleurs pendant les rapports (dyspareunie), éjaculation précoce, perte de l'érection.

0 Absents. 1 Il n'est pas clair si présents ou non (ou s'il existe une différence avec le vécu habituel). 2 Un ou plusieurs symptômes urinaires ou génitaux sont présents mais n'interfèrent pas avec le travail et la vie quotidienne du patient. 3 Occasionnellement, un ou plusieurs symptômes urinaires ou génitaux sont présents au point d'interférer à un certain degré avec la vie

quotidienne et le travail du patient. 4 Les symptômes génitaux ou urinaires sont présents la plupart du temps et interfèrent clairement avec la vie quotidienne et le travail

du patient.

13) Autres symptômes du SNA

Cet item inclut la sècheresse buccale, les rougeurs ou la pâleur, les bouffées de transpiration et les vertiges.

0 Absents. 1 Présence peu claire. 2 Un ou plusieurs symptômes autonomes sont présents, mais n'interfèrent pas avec la vie quotidienne et le travail du patient. 3 Occasionnellement, un ou plusieurs symptômes autonomes sont présents à un degré tel qu'ils interfèrent jusqu'à un certain point avec

la vie quotidienne et le travail du patient. 4 Les symptômes sont présents la plupart du temps et interfèrent clairement avec la vie quotidienne et le travail du patient.

14) Comportement pendant l'entretien

Le patient peut paraître tendu, nerveux, agité, inquiet, tremblant, pâle, en hyperventilation ou en sueur, pendant l'entretien. Une estimation globale est faite sur base de ces observations.

0 Le patient n'apparaît pas anxieux. 1 Il n'est pas clair si le patient est anxieux. 2 Le patient est modérément anxieux. 3 Le patient est anxieux de façon marquée. 4 Le patient est submergé par l'anxiété; par exemple : il tremble de tout son corps

RESULTATS : < 17 : légère 18 – 24 : légère à modérée 25 – 30 : moderée à grave

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BIG FIVE INVENTORY

Vous vous voyez comme quelqu’un qui :

1) 2) 3) 4) 5) 1 Est bavard 2 A tendance à critiquer les autres 3 Travaille consciencieusement 4 Est déprimé, cafardeux 5 Est créatif, plein d’idées originales 6 Est réservé 7 Est serviable et n’est pas égoiste avec les autres 8 Peut être parfois négligent 9 Est « relaxe », détendu, gère bien le stress 10 S’interesse à de nombreux sujets 11 Est plein d’énergie 12 Commence facilement à se disputer avec les autres 13 Est fiable dans son travail 14 Peut être angoissé 15 Est ingénieux, une grosse tête 16 Communique avec beaucoup d’enthousiasme 17 Est indulgent de nature 18 A tendance à être désorganisé 19 Se tourmente beaucoup 20 A une grande imagination 21 A tendance à être silencieux 22 Fait généralement confiance aux autres 23 A tendance à être paresseux 24 Est quelqu’un de tempéré, pas facilement troublé 25 Est inventif 26 A une forte personnalité, s’exprime avec assurance 27 Est parfois dédaigneux, méprisant 28 Persévère jusqu’à ce que sa tache soit finie 29 Peut être lunatique, d’humeur changeante 30 Apprécie les activités artistiques et esthétiques 31 Est quelque fois timide, inhibé 32 Est prévenant, gentil avec tout le monde 33 Est efficace dans son travail 34 Reste calme dans les situations angoissantes 35 Préfère un travail simple et routinier 36 Est social, extraverti 37 Est parfois impoli avec les autres 38 Fait des projets et les poursuit 39 Est facilement anxieux 40 Aime réfléchir et jouer avec des idées 41 Est peu interessé par tout ce qui est artistique 42 Aime coopérer avec les autres 43 Est facilement distrait 44 A de bonnes connaissances en art, en musique ou en littérature 45 Cherche des histoires aux autres

1) Désapprouve fortement 2) Désapprouve un peu 3) N’approuve ni ne désapprouve 4) Approuve un peu 5) Approuve fortement

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SCID II - EVALUATION DE LA PERSONNALITE

EVITANT

Oui Non NA

Avez-vous déjà évité des emplois ou tâches qui impliqueraient d’être en contact avec beaucoup de personnes ?

Evitez-vous de vous impliquer avec d’autres personnes à moins d’être certain(e) qu’elles vous apprécieront ?

Êtes-vous réservé(e) même avec des personnes dont vous êtes proche ?

Craignez-vous souvent d’être critiqué(e) ou rejeté(e) dans des situations sociales ?

Êtes-vous généralement silencieux(se) quand vous rencontrez de nouvelles personnes ?

Vous percevez-vous comme moins bon(ne), moins intelligent(e) ou moins attirant(e) que la plupart des gens ?

Avez-vous peur d’essayer de nouvelles choses ?

DEPENDANT

Oui Non NA

Avez-vous besoin de recevoir beaucoup de conseils ou d’être rassuré(e) par les autres avant de pouvoir prendre des décisions concernant la vie quotidienne telles que : comment vous habiller, que demander au restaurant ?

Avez-vous besoin que d’autres personnes assument à votre place les responsabilités dans des domaines importants de votre vie, tels que les finances, le soin aux enfants, le logement ?

Avez-vous du mal à exprimer votre désaccord avec autrui même lorsque vous pensez qu’ils ont tort ?

Trouvez-vous difficile de commencer des tâches ou de vous y atteler lorsqu’il n’y a personne pour vous aider ?

Vous êtes-vous souvent porté(e) volontaire pour faire des choses désagréables ?

Vous sentez vous habituellement mal à l’aise lorsque vous êtes seul(e) ?

Lorsqu’une relation proche se termine, ressentez-vous que vous avez immédiatement besoin de trouver quelqu’un qui prenne soin de vous ?

Êtes-vous très préoccupé(e) par la crainte d’être abandonné(e) à vous-même ?

OBSESSIONEL-COMPULSIF

Oui Non NA

Êtes-vous le genre de personne à être préoccupé(e) par les détails, les règles, l’organisation, à faire des listes et des plans ?

Avez-vous de la difficulté à terminer un travail tant vous passez de temps à essayer de faire en sorte que les choses soient parfaites ?

Est-ce que vous ou des proches considérez que vous êtes tellement dévoué(e) à votre travail qu’il ne vous reste

plus de temps à consacrer à vos amis ou vos loisirs ?

Avez-vous des standards très élevés concernant ce qui est bien ou mal ?

Avez-vous du mal à jeter des choses parce qu’elles pourraient être utile ?

Vous est-il difficile de laisser les autres vous donner un coup de main ?

Vous est-il difficile de faire des dépenses pour vous-même et pour les autres même lorsque vous avez assez d’argent ?

Etes-vous tellement sûr(e) d’avoir raison que ce peuvent dire les autres n’a pas d’importance ?

Vous a-t-on déjà dit que vous étiez têtu(e) ou rigide ?

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PASSIF-AGRESSIF

Oui Non NA

Lorsque quelqu’un vous demande de faire quelque chose que vous ne voulez pas faire, dîtes-vous « oui » pour ensuite travailler lentement ou faire du mauvais travail ?

Souvent, si vous ne voulez pas faire quelque chose, « oubliez-vous » simplement de le faire ?

Avez-vous souvent le sentiment que les autres ne vous comprennent pas, ou n’apprécient pas ce que vous faites à sa juste valeur ?

Êtes-vous souvent renfrogné(e) ou susceptible de vous disputer ?

Considérez-vous que la plupart de vos patrons, professeurs, superviseurs, médecins ou autres, qui sont censés savoir ce qu’ils font, ne le savent pas en réalité ?

Pensez-vous souvent qu’il n’est pas juste que les autres aient plus que vous ?

Vous plaignez-vous souvent qu’il vous arrive plus que votre part des choses désagréables ?

Vous arrive-t’il souvent de refuser avec colère de faire ce que les autres veulent et plus tard ne pas vous sentir bien et vous excuser ?

DEPRESSIF

Oui Non NA

Avez-vous habituellement le sentiment d’être malheureux(se) ou que la vie n’est pas gaie ?

Avez-vous une mauvaise opinion de vous-même, pensant qu’au fond, vous n’êtes pas à la hauteur ?

Vous dépréciez-vous souvent ?

Pensez-vous continuellement aux mauvaises choses qui vous sont arrivées dans le passé, ou vous inquiétez-vous des mauvaises choses qui pourraient arriver dans le futur ?

Jugez-vous souvent les autres sévèrement et leur trouvez-vous facilement des défauts ?

Pensez-vous que la plupart des gens sont fondamentalement mauvais ?

Vous attendez-vous presque toujours au pire ?

Vous sentez-vous souvent coupable de choses que vous avez ou n’avez pas faites ?

PARANOÏQUE

Oui Non NA

Avez-vous souvent besoin d’être vigilant(e) pour empêcher les gens de vous exploiter ou de vous faire du mal ?

Passez-vous beaucoup de temps à vous demander si vous pouuvez faire confiance à vos amis ou aux personnes avec qui vous travaillez ?

Trouvez-vous qu’il est préférable de ne pas laisser les autres en savoir trop long sur vous du fait qu’ils pourraient le retourner contre vous ?

Détectez-vous souvent des menaces ou des insultes cachées dans ce que les autres disent ou font ?

Êtes-vous le genre de personne qui garde rancune ou qui met longtemps à pardonner aux personnes qui vous ont insulté(e) ou dédaigné(e) ?

Y-a-t’il beaucoup de personnes à qui vous pouvez pardonner de vous avoir dit ou fait quelque chose il y a longtemps ?

Vous mettez-vous souvent en colère ou vous fachez-vous lorsque quelqu’un vous critique ou vous insulte d’une façon ou d’une autre ?

Avez-vous souvent mis en doute la fidélité de votre conjoint(e) ou de votre partenaire ?

SCHIZOTYPIQUE

Oui Non NA

Lorsque vous êtes en public et que vous voyez des gens discuter, avez-vous l’impression qu’ils parlent de vous ?

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112

Avez-vous souvent l’impression que des choses qui n’ont pas de signification spéciale pour la plupart des gens sont en réalité destinées à vous transmettre un message ?

Quand vous êtes entouré(e) de personne, avez-vous souvent l’impression d’être observé(e) ou dévisagé(e) ?

Avez-vous déjà eu l’impression que vous pouviez faire arriver les choses simplement en faisant un vœu ou en passant à elles ?

Avez-vous déjà vécu des expériences surnaturelles ?

Croyez-vous posséder un sixième sens qui vous permez de savoir et de prédire les choses alors que les autres en sont incapables ?

Avez-vous souvent l’impression que des objets ou des ombres sont des personnes ou des animaux réels ou que des bruits sont réellement des voix humaines ?

Avez-vous le sentiment qu’une personne ou une force quelconque vous entourrait , même si vous ne pouviez voir personne ?

Voyez-vous des auras ou des champs d’énergie autour des gens ?

Y-a-t’il très peu de personnes dont vous vous sentiez vraiment proche en dehors de famille directe ?

Vous sentez-vous souvent tendu(e) lorsque vous êtes avec d’autres personnes ?

SCHIZOÏDE

Oui Non NA

Cela n’est-il vraiment pas important pour vous d’avoir des rélations intimes avec les autres ?

Préféreriez-vous, presque toujours, faire les choses seul(e) plutôt qu’avec d’autres personnes ?

Pourriez-vous être satisfait(e) sans jamais vivre une relation sexuelle avec quelqu’un ?

N’y-a-t’il vraiment que très peu de choses qui peuvent vous faire plaisir ?

Êtes-vous totalement indifférent(e) à ce que les autres pensent de vous ?

Trouvez-vous que rien ne vous rend ni vraiment heureux(se) ni vraiment triste ?

HISTRIONIQUE

Oui Non NA

Aimez-vous être le centre de l’attention ?

Avez-vous de nombreux flirts ?

Vous trouvez-vous souvent provocant(e) envers les autres ?

Essayez-vous d’attirer l’attention sur vous par la façon dont vous vous habillez ou par votre apparence ?

Vous faites vous souvent un devoir d’être théatral(e) et original(e) ?

Changez-vous souvent d’opinion en fonction des personnes avec qui vous êtes ou de ce que vous venez juste de

lire ou de voir à la télévision ?

Avez-vous beaucoup d’amis dont vous êtes très proche ?

NARCISSIQUE

Oui Non NA

Est-ce que les autres négligent souvent d’apprécier vos dons très particuliers ou vos réalisations ?

Vous a-t’on déjà dit que vous avez une trop haute opinion de vous-même ?

Pensez-vous beaucoup au pouvoir, à la renommée ou à la reconnaissance qui seront vôtres un jour ?

Pensez-vous beaucoup à la parfait histoire d’amour que vous vivrez un jour ?

Lorsque vous avez un problème, insistez vouspresque toujours pour voir la personne la plus haut placée ?

Considérez-vous qu’il est important de consacrer du temps à des personnes qui se distinguent par leur particularité ou qui sont influentes ?

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113

Est-il très important pour vous que les gens vous prêtent attention ou vous admirent, d’une façon ou d’une autre ?

Pensez-vous qu’il est inutile de suivre certaines règles ou conventions sociales lorsqu’elles se mettent en travers de votre chemin ?

Avez-vous le sentiment que vous êtes le genre de personne qui mérite un traitement de faveur ?

Trouvez-vous souvent nécessaire d’utiliser les autres pour obtenir ce que vous voulez ?

Devez-vous souvent placer vos désirs au dessus de ceux des autres ?

Attendez-vous souvent des autres qu’ils fassent ce que vous demandez sans poser de questions, parce que c’est vous ?

N’avez-vous réellement aucun intérêt pour les problèmes des autres ou leurs sentiments ?

Les autres se sont-ils plaints à vous que vous ne faites pas attention à leurs sentiments ?

Enviez-vous souvent les autres ?

Avez-vous souvent le sentiment que les autres vous envient ?

Trouvez-vous qu’il y a très peu de gens qui méritent votre temps et votre attention ?

BORDERLINE

Oui Non NA

Vous-êtes vous souvent mis hors de vous à l’idée qu’une personne que vous appréciez réellement était sur le point de vous quitter ?

Est-ce que vos relations avec les personnes que vous aimez vraiment connaissent beaucoup de hauts et de bas ?

Avez-vous brutalement changé votre façon de vous considérer et vos objectofs de vie ?

Est-ce que l’image de vous-même change souvent radicalement ?

Variez-vous en fonction des personnes différentes ou dans des situations différentes à tel point que parfois, vous ne savez plus qui vous êtes vraiment ?

Y a-t’il eu beaucoup de changements soudains dans vos objectifs, projets de carrière, vos convictions religieuses, etc. ?

Avez-vous souvent fait des choses de manière impulsive ?

Avez-vous tenté de vous faire du mal ou de vous suicider ou avez-vous menacé de le faire ?

Vous êtes-vous déjà intentionnellement coupé(e), brûlé(e) ou écorché(e) ?

Avez-vous de nombreux et brusques changements d’humeur ?

Vous sentez-vous souvent vide de l’intérieur ?

Avez-vous souvent des accès de colère ou vous mettez-vous tellement en colère que vous en perdez le contrôle de vous-même ?

Frappez-vous les gens ou jetez-vous des objets lorsque vous vous metez en colère ?

Est-ce que même de petites choses peuvent vous mettre très en colère ?

Lorsque vous êtes très stressé(e), devenez-vous suspicieux(se) à l’égard des autres ou vous sentez-vous particulièrement déconnecté(e) ?

ANTISOCIAL

Oui Non NA

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous brutalisé ou menacé d’autres enfants ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous déclenché des bagarres ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous blessé ou menacé quelqu’un avec une arme telle qu’une batte, une brique,

une bouteille cassée, un couteau ou une arme à feu ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous délibérément torturé quelqu’un ou infligé une douleur physique ou de la

souffrance à quelqu’un ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous intentionnellement torturé ou blessé un animal ?

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114

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous volé, agressé quelqu’un ou obtenu quelque chose de force en menaçant la personne ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous obligé quelqu’un à avoir des rapports sexuels avec vous, à se déshabiller devant vous ou à vous toucher sexuellement ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous déclenché des incendies ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous délibérément endommagé des choses qui n’étaient pas à vous ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous cambriolé des maisons, d’autres bâtiments ou des voitures ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous beaucoup menti ou escroqué les autres ?

Avant l’âge de 15 ans, avez-vous parfois volé des choses ou volé à l’étalage ou imité la signature de quelqu’un ?

Avant l’âge de 15 ans, vous êtes-vous enfui(e) de chez vous et absenté(e) pendant la nuit ?

Avant l’âge de 13 ans, restiez-vous souvent très tard dehors, bien après l’heure à laquelle vous étiez censé(e) être rentré(e) ?

Avant l’âge de 13 ans, avez-vous souvent fait l’école buissonnière ?

Et maintenant, à partir de l’âge de 15 ans

Avez-vous fait des choses, qui étaient contre la loi – même si vous n’avez pas été attrapé -, comme voler, consommer ou vendre de la drogue, signer de faux chèques, etc. ?

Trouvez-vous que vous êtes souvent obligé(e) de mentir pour avoir ce que vous voulez ?

Faites-vous souvent les choses sur un coup de tête sans vous soucier des conséquences pour vous ou les autres ?

Y a-t’il eu une période où vous n’aviez pas de domicile fixe ?

Après l’âge de 15 ans, avez-vous participé à des bagarres ?

Avez-vous déjà conduit une voiture en état d’ivresse ou sous l’emprise d’une drogue ?

Durant ces 5 dernières années, pendant combien de temps avez-vous été sans travail ?

Si a reconnu des actions antisociales comme un adulte : que ressentez-vous à propos de (LISTE DES ACTIONS ANTISOCIALES) ?

SCORE GLOBAL DE LA SCID II :

Les numéros grisés indiquent le seuil nécessaire au diagnostic.

Evitant 1 2 3 4 5 6 7 Dépendant 1 2 3 4 5 6 7 8 Obsessif-compulsif 1 2 3 4 5 6 7 8 Passif-agressif 1 2 3 4 5 6 7 Dépressif 1 2 3 4 5 6 7 Paranoïque 1 2 3 4 5 6 7 Schizotypique 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Schizoïde 1 2 3 4 5 6 7 Histrionique 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Narcissique 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Borderline 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Antisocial 1 2 3 4 5 6 7 Non spécifié autrement 1

DIAGNOSTIC PRINCIPAL AXE II :

(c’est-à-dire, le Trouble de la Personnalité qui est ou qui devrait être le principal centre d’intérêt clinique).

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ANNEXE III : Auto-questionnaire du groupe-témoin

Ce questionnaire est anonyme. Veuillez-le remplir lisiblement et le plus précisément possible, puis le rapporter en main propre au médecin qui vous l’a confié. Nous vous remercions par avance pour votre aimable participation.

DATE DE NAISSANCE : ____/____/________ SEXE : féminin / masculin

ETES-VOUS ? : OUI NON Veuf (ve) Célibataire Marié(e) En concubinage Séparé(e) /divorcé(e)

OUI NON Avez-vous des enfants ? Si oui, les rencontrez-vous régulièrement ? êtes-vous en conflit ?

VIVEZ-VOUS ? : OUI NON En institution A domicile Seul Accompagné(e)

QUEL EST VOTRE NIVEAU D’ETUDES ? OUI NON Vous n’avez jamais fait d’études Vous avez le certificat d’études Vous avez arrêté avant le BAC Vous avez arrêté après le BAC Vous avez fait des études après le BAC

STATUT PROFESSIONNEL : Quels ont été vos exercices professionnels ?........................................................................................................ Quelle a été la durée totale de votre exercice professionnel ? ………………………………………………… Quelle est la cause de votre cessation d’activité professionnelle ? (Entourez la bonne réponse ci-dessous)

Chômage / Maladie ou invalidité / Raison personnelle / Retraite

AVEZ-VOUS LES ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES SUIVANTS ? OUI NON Dépression Maladie bipolaire ou psychose maniaco-dépressive Trouble anxieux Tentative de suicide Addiction à l’alcool, à des drogues Troubles du comportement alimentaire de type anorexie mentale ou boulimie Hospitalisations en psychiatrie

ETES-VOUS ? : OUI NON Sourd ou malentendant Aveugle ou malvoyant Atteint d’un handicap physique

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Atteint de douleurs physiques MARCHEZ-VOUS ? : OUI NON Sans difficulté Avec une aide, de type canne ou déambulateur Pas du tout

DANS VOTRE FAMILLE, Y’A-T-IL DES ANTECEDENTS DE ? OUI NON Dépression Maladie bipolaire ou psychose maniaco-dépressive Trouble anxieux Tentative de suicide Addiction à l’alcool, à des drogues Troubles du comportement alimentaire de type anorexie mentale ou boulimie Hospitalisations en psychiatrie Schizophrénie ou état délirant Suicides Démence ou maladie d’Alzheimer Troubles psychiatriques non déterminés

SUR LE PLAN PROFESSIONNEL ET SOCIAL, AVEZ-VOUS ETE CONFRONTE A ?

OUI NON

Une période de chômage Un licenciement Des conflits professionnels Des problèmes financiers Une mise à la retraite difficile De graves conflits avec l’entourage ou le voisinage

SUR LE PLAN PERSONNEL, AVEZ-VOUS ETE CONFRONTE A ? OUI NON Un temps de séparation avec vos parents dans l’enfance, de type foyer, pension… Le divorce de vos parents ou une relation de discorde Le décès d’un de vos parents durant votre enfance Une maladie grave dans l’enfance Une guerre Un accident Pour les femmes : des fausses-couches, des morts in utero, des avortements Des maltraitances physiques, psychologiques ou sexuelles

Y A-T-IL DES EVENEMENTS QUI VOUS PARAISSENT IMPORTANTS, AUXQUELS VOUS AVEZ ETE CONFRONTE CES DERNIERES ANNEES ? :

1

3

CONSIDEREZ-VOUS QUE VOUS ETES-ACTUELLEMENT BIEN ENTOURE ?

1

3

DECRIVEZ SIMPLEMENT VOS TRAITS DE CARACTERE, VOTRE PERSONNALITE

1

3

RECOPIEZ LES TRAITEMENTS DE VOTRE ORDONNANCE ACTUELLE :

1

3

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BIG FIVE INVENTORY

Vous vous voyez comme quelqu’un qui :

(cochez la case correspondante)

Absolument pas

d’accord

Pas d’accord

Ne sait pas

Un peu d’accord

Totalement d’accord

1 Est bavard 2 A tendance à critiquer les autres 3 Travaille consciencieusement 4 Est déprimé, cafardeux 5 Est créatif, plein d’idées originales 6 Est réservé 7 Est serviable et n’est pas égoiste avec les autres 8 Peut être parfois négligent 9 Est « relaxe », détendu, gère bien le stress 10 S’interesse à de nombreux sujets 11 Est plein d’énergie 12 Commence facilement à se disputer avec les

autres

13 Est fiable dans son travail 14 Peut être angoissé 15 Est ingénieux, une grosse tête 16 Communique avec beaucoup d’enthousiasme 17 Est indulgent de nature 18 A tendance à être désorganisé 19 Se tourmente beaucoup 20 A une grande imagination 21 A tendance à être silencieux 22 Fait généralement confiance aux autres 23 A tendance à être paresseux 24 Est quelqu’un de tempéré, pas facilement

troublé

25 Est inventif 26 A une forte personnalité, s’exprime avec

assurance

27 Est parfois dédaigneux, méprisant 28 Persévère jusqu’à ce que sa tache soit finie 29 Peut être lunatique, d’humeur changeante 30 Apprécie les activités artistiques et esthétiques 31 Est quelque fois timide, inhibé 32 Est prévenant, gentil avec tout le monde 33 Est efficace dans son travail 34 Reste calme dans les situations angoissantes 35 Préfère un travail simple et routinier 36 Est social, extraverti 37 Est parfois impoli avec les autres 38 Fait des projets et les poursuit 39 Est facilement anxieux 40 Aime réfléchir et jouer avec des idées 41 Est peu interessé par tout ce qui est artistique 42 Aime coopérer avec les autres 43 Est facilement distrait 44 A de bonnes connaissances en art, en musique

ou en littérature

45 Cherche des histoires aux autres

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Biancolli Nina : La décompensation délirante inaugurale du sujet âgé : influence de la personnalité et impact des événements de vie. A partir d’une étude cas/témoins.

131 pages, 2 illustrations, 13 tableaux Th. Méd : Lyon 2015 n°

RESUME : Le délire de l’âgé est relativement fréquent, puisque l’on considère qu’un sujet sur

dix vivra une expérience délirante tardive. A travers une revue de la littérature, puis à partir

d’une étude cas-témoins, nous avons donc tenté de mettre en évidence les différents facteurs de

risque pouvant précipiter cette potentialité délirante. Nos résultats ont permis d’objectiver la présence

d’un terrain prédisposant et d’un contexte gériatrique spécifique. Ces sujets présentaient des traits

de personnalité particuliers venant colorer la réaction délirante, et notamment un haut niveau de

Névrosisme. La conjonction de facteurs de stress environnementaux entrait également en jeu. En

effet, les événements de vie dans l’enfance, tels que les carences affectives ou les séparations

précoces, pourraient représenter un impact vulnérabilisant à long terme. Les événements de vie

traumatiques tardifs, réactivant des deuils antérieurs non élaborés, viendraient alors révéler l’état

de crise. Enfin, une réflexion psychopathologique a permis de resituer le délire de l’âgé dans la

perspective existentielle de la vieillesse, de ses contraintes et de ses enjeux, en tant que modalité

adaptative, voire antidépressive.

MOTS CLES : délire, sujet âgé, facteurs de risque, personnalité, Névrosisme, environnement, psychopathologie, vieillesse, adaptation.

JURY : Président : Monsieur le Professeur D’AMATO Membres : Monsieur le Professeur POULET Monsieur le Professeur KROLAK-SALMON Madame le Docteur DIBIE-RACOUPEAU Monsieur le Docteur DOREY

DATE DE SOUTENANCE : 27 mai 2015

Adresse de l’auteur : 30 rue Servient, 69003 LYON

Email : [email protected]

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