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    Genèse du Centre multidisciplinaire Tolbiacdans le contexte universitaire des années 1970

    Christophe C

    Dans son livre publié en 1890, intitulé Universités et facultés , Louis Liard,l’inamovible directeur de l’Enseignement supérieur de la IIIe République,s’interrogeait déjà sur l’avenir immobilier de l’Université de Paris, quelquesannées après le démarrage du chantier de la nouvelle Sorbonne inauguréeau début du  e siècle :

    «  Je me demande si ces grands monuments inextensibles, faits pour durer

    des siècles et des siècles répondront toujours aux exigences de la Science.Qui sait ce que deviendront un jour son outillage et ses engins, et si, aulieu de ces palais durables, mieux n’eussent pas valu de simples atelierslégèrement construits, pourtant faciles à remplacer, le jour où la Sciencey aurait avantage ? Et alors je me prends à regretter que, laissant la facultédes Lettres à la Sorbonne, on ne se soit pas avisé, quand il était temps,d’élever sur de vastes espaces, à la Halle aux vins, par exemple, au flanc duMuséum, une trentaine de pavillons et d’instituts distincts pour le servicede la faculté de Médecine et de la faculté des Sciences. […] En Allemagne,une université n’est pas un monument ; c’est tout un quartier, parfois même

    une cité entière, la cité ouvrière de la science, où tous les services sont à lafois chacun chez soi et groupés tous ensemble, comme les pièces organiquesd’un même appareil. Tout autre a été presque partout le type de nos facultésnouvelles. À l’ordre dispersé, nous avons préféré la concentration derrièrela même façade, sous le même toit, de services dissemblables peu faits pourcohabiter ensemble. C’est un peu par la faute de nos professeurs qui, dansles débuts, n’étaient pas assez au courant des installations de l’étranger, etqui, jugeant de ce qu’on leur off rait par ce qu’ils avaient, se montraientfacilement satisfaits. Mais c’est aussi celle des architectes qui, plus d’unefois, dans une faculté à construire, ont vu moins des services à pourvoird’organes appropriés qu’un monument à édifier 1. »

    Le Centre Pierre Mendès-France, dénommé d’abord Centre Tolbiac, alongtemps souff ert d’une image négative auprès des usagers. Cette nouvelle

    1. L. L, Universités et facultés, Paris, A. Colin, 1890, p. 42-43.

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    « nouvelle-Sorbonne », exportée au cœur du 13e arrondissement, n’est enrien un monument comparable à la vieille Sorbonne ou à l’ancienne faculté

    de Droit du Panthéon dont Louis Liard dressait déjà le procès dans ce textedans la dernière décennie du  e siècle 1890. L’université pluridisciplinairenouvelle, née des dépouilles de l’Université de Paris refondée par ce mêmeLouis Liard en 1896 se trouvait projetée directement en plein   e siècle,dans un immeuble de grande hauteur. Il rappelle plutôt l’univers des toursdu quartier de la Défense au nord-ouest de Paris, un monde sans fenêtresqu’on peut ouvrir, aux paliers ornés d’ascenseurs colorés séparés selonles étages de destination, un empilement de salles calculées au plus juste(à  peine 3 m2 par usager), bien qu’encore situé en ville à la diff érence des

    campus comme Nanterre. Compte tenu des limites de la documentation etde l’ampleur réduite de cette contribution 2, il n’est pas possible de recons-tituer l’ensemble des facteurs qui ont abouti à l’érection de cet ensembledense de salles, de bibliothèques et d’amphithéâtre dont on ne trouveaucun équivalent contemporain, ni en France ni en aucun pays a ff ronté auproblème de la démographie étudiante explosive de la fin des années 1960.En revanche, je voudrais m’eff orcer de reconstituer le contexte historiquegénéral de cette création. Elle a suscité au départ, et assez longtemps, denombreuses polémiques. Je souhaiterais comprendre les raisons des choix

    des autorités compétentes et comment la communauté universitaire ouses représentants ont tenté d’assumer et parfois de corriger certaines desaberrations initiales qui ont abouti à cette forme architecturale singulièredans le paysage universitaire national et international.

    Croissance de l’enseignement supérieur et permanencesdes inégalités disciplinaires et géographiques

    Pour évoquer le contexte historique de naissance du futur Centre Pierre-Mendès France, il faut rappeler brièvement la tension extrême à laquelleétaient soumises les universités françaises en général et l’Université deParis en particulier, à partir des années 1960 3. Les courbes comparées deseff ectifs étudiants en France et en région parisienne soulignent la pression

    2. Je remercie Mme Luce des Archives de Paris 1 et Charles Soulié, maître de conférences à l’universitéParis VIII pour leur aide et la documentation inédite qu’ils ont gracieusement mis à ma disposition.Ce texte repose sur l’exploitation des archives de l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, PV desconseils (1970-1974), d’archives concernant le Centre Tolbiac et son inauguration et enfin d’archivestransmises par Charles Soulié (Lettre de la direction de l’Enseignement supérieur, 6 avril 1971,enquête sur les eff ectifs enseignants des universités de Paris. Enquêtes diverses sur les eff ectifs et lesbudgets 1971-1974, direction de l’Enseignement supérieur).

    3. Sur l’histoire générale de l’université, R. C  et J.-C. P  (dir.), Éducation, développementet démocratie, Algérie, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Pays arabes, Yougoslavie , Paris,La  Haye, Mouton, 1967 ; C. C et J. V  , Histoire des universités  XII e - XXI e  siècle , Paris, PUF,coll. « Quadrige », 2012 ; M. D, Histoire contemporaine de l’Université de Pékin à Berkeley en

     passant par Paris , Paris, SEDES, 1976 ; Y. G et C. C (dir.), « Entreprises académiques »,  Actes de la recherche en sciences sociales , n° 148, juin 2003, 94 p. ; A. P, Histoire générale de

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    démographique que devaient absorber les anciennes universités et les raresuniversités nouvelles créées pour alléger les capacités d’accueil déjà saturées

    des établissements parisiens. En fait la surconcentration d’étudiants à Parisinquiétait les pouvoirs publics depuis les années 1930. La stratégie face àla croissance fut d’abord de créer des centres universitaires en périphériedu bassin parisien à Orléans (1960), Reims (1961), Amiens (1964) Rouen(1966), Tours (1971), puis d’ouvrir des annexes en banlieue dans le cadrede la réorganisation de la région parisienne avec la création des nouveauxdépartements. Des annexes de l’Université parisienne sont ainsi projetéesapproximativement aux quatre points cardinaux de la région programme :au nord à Villetaneuse 4, au nord-ouest à Nanterre, un peu plus tard à

    Créteil et Saint Maur, au sud-est. Elles s’ajoutent à l’annexe plus ancienneau sud-ouest à Orsay pour les Sciences, décidée depuis 1955 et opération-nelle dans les années 1960. Toutes ces annexes sont tardives, encore à peineassurées de leur fonctionnement (comme l’indique la crise de 1968 qui partde Nanterre ouverte à la rentrée 1964 mais fragilisée dès 1967  5).

    Contrairement à une légende, aujourd’hui entretenue par les admira-teurs des « Trente glorieuses », le manque d’anticipation des principauxdécideurs est avéré 6. Depuis le colloque de Caen de 1956 et le retourau pouvoir du général de Gaulle en 1958, le mot d’ordre de l’expansion

    bénéfique de l’enseignement supérieur est acquis au sein des élites gouver-nantes et d’ailleurs la société française toute entière s’y rallie allant mêmeau-delà des attentes des gouvernements avec la poussée de la scolarisationsecondaire en amont. Et c’est bien là où le bât blesse, les projections desdiff érents plans ont toutes sous-estimé les évolutions réelles. La courbeeff ective (inférieure d’ailleurs à la réalité car elle ne prend pas en compte lesétudiants étrangers de plus en plus nombreux aussi) n’était pas celle que lesaménageurs du nouvel espace universitaire avaient en tête.

    L’écart est important, comme le rappelle Serge Vassal l’un des raresgéographes, professeur à Orléans puis à Paris I, à s’être intéressé de manièrecomparative à ces questions dans des travaux pionniers pour les historiensde l’éducation 7. Cette sous-estimation de la croissance s’accompagne surtoutd’une mauvaise allocation des moyens, liée aux choix a priori  de l’idéologiesaint-simonienne qui anime les principaux dirigeants de l’époque. Le colloquede Caen souhaitait que la France rattrape son retard sur les États-Unis en

    l’enseignement et de l’éducation en France , t. 4. : L’école et la famille dans une société en mutation, Paris,Perrin, 2004. Voir également C. M, La longue marche des universités , Paris, PUF, 2001.

    4. Cf. J. G, J.-C. L et L. V  , Paris XIII, histoire d’une université en banlieue (1970- 2010), Berg International, 2012.

    5. Voir G. D-A , « La faculté de Nanterre de 1964 à 1968. Entretien avec Pierre Grappin », Matériaux pour l’histoire de notre temps , n° 11-13, « Mai-68 : Les mouvements étudiants en Franceet dans le monde », 1988, p. 100-104.

    6. Voir dans le présent ouvrage le texte de Loïc Vadelorge.7. S. V  , L’Europe des universités , Caen, EDITEC, 1988 ; « Les nouveaux ensembles universitaires

    français. Éléments de géographie urbaine », Annales de Géographie , t. 78, n° 426, 1969, p. 131-157.

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    mettant l’accent sur les domaines qui, aux yeux des politiques et des univer-sitaires modernistes, avaient fait la force de la « superpuissance du monde

    libre » : les Sciences expérimentales (Physique nucléaire, Chimie industrielle,Informatique naissante) et la Médecine. Or les divergences entre les prévisionset la réalité sont particulièrement marquées dans ces domaines : le déficiten Sciences est de plus de 67 000 étudiants par rapport aux prévisions, lesurplus est de 47 000 étudiants en Médecine, ce qui inquiète la profession etexplique la mise en place du numérus clausus en 1972. En Lettres et en Droit,l’a fflux contrevient encore plus aux attentes du ministère et aux capacitésd’accueil puisque les décideurs ont lancé les programmes dans les secteursqu’ils estimaient prioritaires et non dans ces facultés jugées non stratégiques

    et pouvant survivre dans le cadre ancien des amphithéâtres et des coursmagistraux à l’ancienne, générateurs d’échecs et de tensions multiples avecles universitaires inquiets devant ces masses montantes.

    G 1. – Croissance des e  ff  ectifs étudiants (Paris et France), 1955-1971. Sources   :S. V  ASSAL, « Les nouveaux ensembles universitaires français. Éléments de géographie urbaine  », Annales de Géographie, t. 78, n°  426, 1969, p. 131-157 ; A. P ROST  et  J.-R. C YTERMANN , « Une  histoire en chi  ff  res de l’enseignement supérieur en France  », Le Mouvement social, n°   233,octobre-décembre 2010, p.  31-46, tableau 1, p.  34 ; R. B OUDON , « La crise universitaire française,essai de diagnostic sociologique  », Annales ESC, vol. 24, n°   3, 1969, p. 738-764, et tableau 1.

    C’est pourquoi, les premières réalisations et les premières constructions

    nouvelles concernent les Sciences et la Médecine  : à Paris et en régionparisienne, la nouvelle faculté de la Halle aux vins et le campus d’Orsaysont décidés dès 1955 8, la faculté de Médecine de la rue des Saints-Pères,

    8. Voir C. H, «  Jussieu, l’inachevée. Cinquante ans de projets pour la “Faculté des sciencesde Paris-centre” », Livraisons d’histoire de l’architecture , n° 13, p. 21-49 et C. H, «  Jussieul’inachevée », in P. P  (dir.), Paysages des campus. Urbanisme, architecture et patrimoine , Dijon,

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    projetée avant la guerre, est inaugurée en 1953, ou encore la réforme Debréde 1958 conduit à la création des CHU. Dans les régions, les nouveaux

    campus s’organisent autour des Sciences et de la Médecine jugées straté-giques et prioritaires. Cet eff ort contraste avec l’oubli, la négligence voirele mépris dans lequel sont maintenues les facultés des Lettres et de Droit,héritières, pour les technocrates de la V e République, de la société obsolètedes notables et des humanistes du e-  e siècle, nids à « frelons » à côtédes « abeilles » de la science, pour reprendre la célèbre parabole de Saint-Simon. Or, on le sait, c’est là que les tensions sur les locaux sont les plusfortes. L’ouverture de Nanterre en 1964 pour désengorger la Sorbonneet celle de l’annexe d’Assas pour alléger la faculté du Panthéon, la même

    année, ne peuvent pas répondre adéquatement à des estimations aussierronées des progressions.

    T  1. – E  ff  ectifs étudiants (1965-1969) : prévisions et réalités  9.

    Deux facteurs supplémentaires expliquent ces tensions qui sont à l’ori-gine entre autres de la crise universitaire de 1968 : les étudiants parisienssont de plus en plus des étudiantes, en particulier en Droit et en Lettres, les

    Presses universitaires de Dijon, 2009, p. 55-70 ; voir aussi A. R , « Le 1 % de la faculté desSciences de Paris à l’Université Pierre et Marie Curie : inventaire, restauration, valorisation d’unpatrimoine artistique méconnu », In situ, 17, 2011, « Les patrimoines de l’enseignement supérieur »,consultable en ligne sur [revues.org], [http://insitu.revues.org/889], et la communication de FranckDelorme dans le présent ouvrage.

    9. S. V  , L’Europe des universités, op. cit., p. 101.

    Faculté

    Prévisions

    IV e plan

    1965 en milliers

    d’étudiants

    Prévisions

    IV e plan

    1969 en milliers

    d’étudiants

    Eff ectifs

    observés

    1965 en milliers

    d’étudiants

    Eff ectifs

    observés

    1969 en milliers

    d’étudiants

    Erreur

    d’appréciation

    Droit 53 71 80 138,7 +27/+67,7

    Lettres 87 115 133 218,3 +46/+103,3

    Sciences 135 190 121,5 122,8 -13,5/-67,2

    Médecine 49 61 48 107,5 -1/+46,5

    Pharmacie 13 19 13,5 20,9 0,5/1,9

    Total 337 456 396 608,2 +59/+152,2

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    facultés qui croissent le plus, or les disciplines qu’on souhaiterait développer,elles, sont peu accueillantes aux jeunes filles du fait des biais de genre des

    filières dès l’enseignement secondaire. De la même façon, la création troptardive des IUT (1966) ne peut alléger suffisamment les premiers cycles desfacultés puisqu’ils sont en priorité tournés vers les domaines non littéraireset non juridiques et sont eux-mêmes des établissements de petite taille etpeu féminisés. En outre, conformément au conservatisme universitaire del’époque, ils sont considérés comme moins prestigieux et ne trouvent pasleur place à Paris centre, ceux qui sont créés en région parisienne sont tousrepoussés sauf un (l’IUT Paris-Descartes fondé en 1968-1969 et installé 143,avenue de Versailles dans le XVIe arrondissement) en banlieue : à Cachan,

    Créteil 10, Villetaneuse, Sceaux et Ville d’Avray. Les planificateurs espéraientaussi que les sureff ectifs parisiens se dirigeraient vers les nouvelles universitéspériphériques ou les établissements de banlieue mais, sauf à Nanterre, celane fonctionne pas : 92 % des étudiants de l’académie de Paris restent étudierdans l’académie tandis que les nouvelles académies d’Orléans, Amiens etRouen laissent encore partir des étudiants vers la métropole parisienne 11. Il estvrai que, là aussi, les travaux sont très en retard sur la demande : à Orléans-laSource, les bâtiments sont construits entre 1965 et 1970, soit trop tard pourattirer d’éventuels candidats à l’air pur dans ce qu’on appelait avec emphase

    « l’Oxford français » au bord du Loiret 12.

    Raisons politiques et symboliques d’une inertie

    L’image prospère et dynamique de la V e République en matière écono-mique sociale, voire internationale, contraste avec les incertitudes de sapolitique en matière d’éducation et d’enseignement supérieur, comme l’adémontré en détail Antoine Prost à propos de la réforme Fouchet et del’échec du projet de sélection qui avait été l’une des issues envisagées àl’incapacité du système à faire face aux flux étudiants 13. Les mouvementsétudiants ont d’ailleurs commencé à partir de cette protestation sur cesprojets dans l’air.

    Un deuxième facteur d’inertie dans les décisions, ce sont les divisionsinternes aux équipes au pouvoir, après la loi d’orientation de 1968, entrelibéraux, prêts à mettre en œuvre les nouvelles réformes, et conservateursqui souhaiteraient, après les concessions arrachées à la faveur de la situationexplosive, revenir en arrière aussi vite que possible. Ce processus heurté va

    10. F. B, L. C   L, N. B et A. O, Aux origines del’UPEC, Créteil, UPEC, 2012 (téléchargeable sur internet) et communication de F. Bourillon aucolloque cité note 3 et 6.

    11. S. V  , op. cit., p. 218.12. S. V  , op. cit., p. 364.13. A. P, Éducation, société et politiques  : une histoire de l’enseignement en France, de 1945 à nos

     jours , Paris, Le Seuil, 1997.

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    s’étaler de 1970 à 1976 et s’amorcer après l’éviction du premier ministreChaban-Delmas en 1972. Les centres de décision sont occupés au cours

    de la période par des personnalités qui ne poursuivent pas les mêmes butsbien qu’elles appartiennent en apparence au même gouvernement ou à desgouvernements théoriquement de la même couleur politique. La visionde l’enseignement supérieur du premier ministre, puis président de laRépublique, Georges Pompidou est nettement plus conservatrice que celledes autres ministres gaullistes, et l’eff ort de retour à l’ordre après 1969 etson élection à la présidence de la République en porte nettement la marque.C’est Georges Pompidou en particulier qui a refusé dès 1966 l’idée de créerdes premiers cycles type IUT pour les disciplines littéraires et juridiques, ce

    qui aurait permis de désengorger les facultés des Lettres et de Droit. Ce rejetd’une conception nouvelle de ce type d’études renvoie au plus profond desa formation humaniste d’agrégé de lettres classiques et d’ancien élève del’École normale supérieure.

     À l’inverse, l’ouverture libérale d’Edgar Faure et de sa loi d’orientationtraduit une vision beaucoup plus moderne de l’avenir universitaire qui vaplus loin parfois que ne le souhaite la communauté universitaire elle-même,en tout cas des professeurs de facultés des Lettres et de Droit notamment àParis. Ces facultés sont profondément divisées à l’époque entre disciplines

    anciennes et disciplines nouvelles 14, tenants des Humanités et tenants desSciences humaines, privatistes et publicistes, pour résumer de manièrebrutale, mais à peu près juste, comme le montreront les lignes de fractureet de regroupement des UER en 1969-1970 qui donnent naissance àParis I face à Paris II, à Paris III et Vincennes face à Paris IV, et même àParis VII 15 face à Paris VI et Paris V  16. Cette liberté de choix intellectuelouverte aux acteurs était bien dans l’esprit de mai 1968 et très éloignéede la philosophie centralisatrice de l’administration de l’Éducation natio-nale, des contraintes budgétaires (la rue de Rivoli joue un rôle essentielpar les crédits qu’elle accorde ou non pour mettre en œuvre la reconstruc-tion des nouvelles universités), des contre-pouvoirs locaux et régionauxqui peuvent ou non faciliter la mise en place des nouvelles institutions.Le nouveau recteur de Paris, Robert Mallet a été choisi en 1969 parce qu’ila mis en place la nouvelle académie d’Amiens et paraît à même de conduirele changement dans celle de Paris. Ce littéraire de formation mais ouvertaux sciences remplace Jean Roche, un éminent médecin, et est acquis auxvertus de la pluridisciplinarité. Il souhaite éviter que les universités issues

    de l’Université de Paris ne soient que le faux nom des anciennes facultés14. Voir à titre d’exemple dans le présent ouvrage l’article de S. Méchine et È.-M. Rollinat-Levasseur.15. Voir dans le présent ouvrage le texte de Arnaud Desvignes.16. Sur Vincennes, voir P. M, « Sur l’irrationalité des décisions en matière d’urbanisme univer-

    sitaire (1950-2000) », 8 avril 2013 intervention inédite, 3 pages pdf ; C. S et al ., Un mytheà détruire ? Origines et destin du Centre universitaire expérimental de Vincennes , Saint-Denis, Pressesuniversitaires de Vincennes, 2013.

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     monodisciplinaires d’antan. Même dans le secteur scientifique cependant,il se heurte au conservatisme des doyens en place, comme il le raconte dans

    une interview de 1990 à propos de la fondation de Paris VII où il se heurtede front au doyen Zamansky  :

    « Lorsqu’en 1969, j’ai été nommé recteur de l’académie de Paris les cinqfacultés traditionnelles subsistaient et rien n’avait encore été entrepris pourles transformer en universités pluridisciplinaires comme le prévoyait la loid’orientation. Il y avait le Droit, la Médecine, les Sciences, les Lettres etla Pharmacie. Elles regroupaient déjà plus de deux cent mille étudiants cequi était considérable.

     À titre de comparaison, en province, une faculté comprenait cinq mille

    étudiants environ contre cinquante mille, voire soixante mille, à Paris.L’application de la loi d’orientation était donc nécessaire et urgente.Mettre en place la pluridisciplinarité exigeait bien entendu de concilier lesa ffinités électives entre chaque discipline. Nous devions également tenircompte des divergences politiques extrêmement vives en ces lendemainsde Mai 68. Car nous désirions à tout prix éviter de créer des universitésde gauche et des universités de droite. Je ne pouvais concevoir l’enseigne-ment autrement que comme une compréhension respective et l’universitécomme un lieu de confrontation pacifique des idées. Je ne devais doncfavoriser personne.L’application de la loi nous a cependant amené à constater que la plupartdes nouvelles universités avaient opté pour une monodisciplinarité plusou moins avouée. Je continuais de penser que la loi d’orientation seraitbafouée si nous n’arrivions pas à créer au moins une université véritable-ment pluridisciplinaire.

     J’ai alors jeté mon dévolu sur le campus du quai Saint-Bernard qu’occupaitla faculté des Sciences dont Monsieur Zamansky était le doyen. Cet hommeéminent tenait énormément à l’homogénéité de son institution, forte de30 à 40 000 étudiants.

    Pour diviser l’énorme faculté, je me devais d’user d’une politique persuasive. J’avoue que je croyais les professeurs scientifiques plus accessibles à l’idéed’interdisciplinarité que leurs collègues littéraires.Il me semble en eff et que les scientifiques ont besoin d’un regard humanistecomme celui du sociologue, du psychologue. Ma déception fut grandelorsque je constatais que l’énorme majorité des professeurs voulaient lemaintien de l’université scientifique dans son unité. Il ne restait donc plusqu’une seule solution : faire appel à ceux qui désiraient cette pluridiscipli-narité puis, à partir de ce noyau initial, susciter la chair du fruit.Monsieur Zamansky luttait de toutes ses forces contre une telle initiative.Il était le président d’une université de grand renom dont les bâtiments, s’ilsn’honorent pas l’architecture parisienne, off rent toutefois un certain confortrationnel. Très humainement, il ne tenait pas à perdre toute cette richesseau détriment d’une autre université qui, de plus, coexisterait géographi-quement avec la sienne.

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     Je ne pouvais ignorer qu’une rivalité apparaîtrait entre son universitémarquée par un certain conservatisme et la nouvelle venue, plutôt contes-

    tataire et tournée vers l’avenir. Je voudrais ici rendre hommage au ministre de l’Éducation nationale  :Olivier Guichard, un vrai libéral. Il désirait la pluridisciplinarité à la condi-tion, bien entendu, qu’elle ne constitue pas le ferment d’une contestationpermanente. Or je n’étais pas le seul interlocuteur d’Olivier Guichard.Monsieur Zamansky faisait valoir ses arguments en haut lieu et avaitl’oreille du Président de la République, Georges Pompidou 17. »

    Cette analyse d’un témoin central met en valeur les tensions au plushaut niveau de l’État face à la mise en place de la nouvelle loi d’orienta-

    tion et la tactique, spécifique au cas parisien, qui permet à certains grandsmandarins d’en appeler au sommet politique contre les autorités acadé-miques. Nous n’avons malheureusement que rarement des informations surtous ces jeux de couloir, mais il est sûr que ce qui est vrai pour la scissionParis VI/Paris VII s’est reproduit à une grande échelle lorsqu’il a fallu opérerle partage Paris I/Paris II et Paris I/Paris IV ou Paris III/Paris IV en matièrede locaux, comme nous le verrons plus loin. Paris I, comme Paris VII,est une des rares universités à Paris issues de la loi Faure qui a pratiquécomplètement le jeu de l’interdisciplinarité puisqu’elle rassemble des

    disciplines humanistes (Philosophie, Histoire, Histoire de l’art) des Scienceshumaines et sociales (Géographie, Sociologie, Économie) et des disciplines juridiques tournées vers la société et le monde (Droit du travail, Droitinternational, Science politique) ainsi qu’un nouveau domaine, absent desfacultés traditionnelles, les Arts plastiques, jusque-là isolés dans des écolesspéciales. Le problème était pour la nouvelle entité inverse de celui a ff rontépar Paris VII face à Paris VI ; la première devait se faire une place dans unbâti déjà largement modernisé et fonctionnel puisqu’en cours d’achèvementquai Saint-Bernard. Paris I, elle, devait pour l’instant cohabiter avec les

    autres universités dans des bâtiments impossibles à diviser rationnellementparce qu’anciens (presque tous construits avant 1903), trop petits pour deuxou trois entités (comme les nouvelles annexes). Dans ce partage douloureuxet lent, tant que Tolbiac n’a pas été achevé, il a donc fallu être dans lasituation de deux époux qui divorcent mais doivent toujours cohabitermalgré tout. Les témoignages issus des archives de Paris I et dus à la plumesouvent acide de l’historien de la Grèce ancienne Henri Van Eff enterre,chargé des problèmes des locaux dans le conseil, sont à ce sujet des pluséloquents et pittoresques :

    « Depuis quatre années, dès avant la constitution provisoire de Paris 1, jeme suis attaché aux problèmes des locaux universitaires, persuadé qu’à Paris,la solution de ces problèmes était vitale pour notre avenir. La  confiance que

    17. Interview téléchargeable sur le site  : [http://www.univ-paris-diderot.fr/sc/site.php?bc=archivesP7&np=Mallet].

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    les collègues m’ont toujours manifestée m’a aidé à résister à l’atmosphèreéprouvante dans laquelle se déroulait ma tâche : impuissance des pouvoirs

    publics à définir une politique et à en donner les moyens ; impuissance desautorités responsables à faire assurer le respect des décisions qu’elles prenaient ;contradictions allègrement multipliées entre une ladrerie tatillonne etpaperassière et un gaspillage serein des fonds publics. Moitié Courteline,moitié Ubu, moitié Kafka, nous l’avons trop souvent constaté 18. »

    La singularité d’une architecture verticaledans le contexte parisien

    Les conditions politiques et universitaires complexes de la naissance deParis I 19 ne sont évidemment pas la seule clé qui mène à la constructionde la nouvelle tour universitaire Les autres universités issues de la scissionfont face aux mêmes tensions, et aux mêmes divisions ou hésitations despouvoirs publics, mais il faut souligner que les données morphologiquesinitiales qui caractérisent Paris I les aggravent notablement et confirment ladiatribe de l’éminent spécialiste de l’architecture minoenne précédemmentcité. Les évolutions comparatives des eff ectifs, des financements, des locauxet le partage des espaces le démontrent amplement. Paris I est l’ensemble

    le plus complexe, le plus gros dans son ordre de discipline et il faut bien lereconnaître, le plus mal loti, eu égard à sa taille objective.Formée à partir du décret fondateur du 21 mars 1970 de dix-huit compo-

    santes diff érentes, les unes anciennes, comme les UER juridiques et écono-miques ou celles de Philosophie, d’Histoire, de Géographie implantées dansles locaux au Panthéon et à la Sorbonne, les autres récentes ou en train denaître et souvent sans implantation propre actuelle comme l’Histoire de l’art,les Arts plastiques, les Sciences sociales, la nouvelle université se trouve écarte-lée sur dix-sept sites, les uns anciens, les autres provisoires et toujours en

    cohabitation plus ou moins heureuse en attendant les arbitrages rectorauxqui interviennent seulement en mars 1971, un an après le décret fondateur.L’obtention d’un bâtiment nouveau est donc une préoccupation

    dominante entre 1970 et 1973 pour accueillir les premiers cycles qui repré-sentent entre plus du tiers ou plus de la moitié des eff ectifs totaux selonles UER.

    Si l’on compare Paris I à ses consœurs, elle est particulièrement malpartagée faute d’un bâti moderne dans ses a ff ectations de locaux. Elledispose en gros d’1  m2  par étudiant alors que la norme ministérielle

    théorique, en lettres et en droit, était alors de 4 m2.18. Archives de Paris I, PV du CA, 9 avril 1973, annexe III, Henri van Eff enterre, communication sur

    la situation des bâtiments.19. P. L, De la Sorbonne à l’Université Paris 1. Les premières années de l’UER d’histoire (1968-

    1973), mémoire de master 2, sous la dir. C. Charle, septembre 2013, université de Paris 1, Centred’histoire du  e siècle, 1 vol et 1 vol. d’annexe.

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    UER sciences humaines

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    en nombre d’étudiants

    UER économiques

    en nombre d’étudiants

    1re année 2 116 1 651+1 436 capacité 1 893

    2e année 1 188 745+203 1 142

    Total 3 304 4 035 3 035

    Part (%) 37,1 54 36,8

    T  2. – Part des premiers cycles dans les di  ff  érentes UER en 1972-1973. Source  : archivesde Paris I.

    Malgré la motion du conseil d’administration du 17 mars 1971 enréaction aux arbitrages rectoraux jugés défavorables, l’université doit brico-ler pour assurer ses cours et travaux dirigés aux quatre coins de Paris.

    Henri van Eff enterre résume ainsi cette situation difficile dans le rapportdéjà cité :

    « Les partages de la Sorbonne, du Panthéon, d’Assas, de Censier faitsavec un génie de notaire de province habile à maintenir une profitabletension entre des héritiers enchevêtrés. Des déménagements imposéssans crédits, au hasard de décisions sans cohérence. Et naturellement,des compléments de travaux à notre charge, qui ont dévasté nos fonds deréserve et notre trésorerie 20. »

    Genèse d’une implantation

    Le projet de nouvel immeuble est évoqué par le ministère dèsoctobre 1970 mais le terrain d’un peu plus de 4 000 m2 est jugé d’embléetrop exigu par le président de Paris I. Faute d’alternative, la procédure estlancée et dure plus d’un an pour aboutir à la promesse d’un immeuble enhauteur le 10 septembre 1971 dont la conception revient à Michel Andraultet Pierre Parat 21, deux architectes qui avaient concouru pour construirele nouveau siège du ministère de l’Éducation nationale dans le quartierde la Défense, projet finalement abandonné mais pour lequel la propo-sition d’Andrault et Parat avait été remarquée. Le 16 novembre 1971 alieu la présentation à la presse de la maquette par les architectes. Au termede dix-neuf mois de construction, la livraison définitive à l’université

    20. Archives de Paris I, PV du CA, 9 avril 1973, annexe III, Henri van Eff enterre, communication surla situation des bâtiments.

    21. Voir dans le présent ouvrage le texte d’Eléonore Marantz-Jaen.

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     intervient le 30 novembre 1973 22, mais les amphithéâtres sont ouvertsdès le 22 octobre pour assurer la rentrée des cours magistraux, les travaux

    dirigés (TD) devant patienter un mois supplémentaire pour découvrir lenouveau paysage parisien vu d’en haut. Cette mauvaise insertion initialedans un quartier en pleine rénovation à l’époque s’explique en partie parl’image négative des étudiants dans la population parisienne et surtout chezles élus dans le climat agité qui perdure après 1968 23.

    Désillusions

    Peu après l’ouverture, les jugements des étudiants mais aussi des respon-

    sables ne sont guère enthousiastes. Avant même l’ouverture de Tolbiac uneétude conclut aux surcoûts imposés par un immeuble de grande hauteurLe surcoût total par rapport à un immeuble normal de même superficieest d’1,4 million de francs de l’époque. Malgré sa taille, il ne peut absorberl’ensemble des premiers cycles ni éviter aux étudiants des déplacements,faute d’un restaurant universitaire à proximité, du fait de l’échec à l’obten-tion du terrain adjacent promis à la construction de l’ensemble HLM de laVille de Paris dit des Hautes Formes.

    Le nouvel immeuble, du fait de sa conception et de ses servitudes, s’avère

    donc une lourde charge pour Paris I dont les finances étaient déjà réguliè-rement déficitaires depuis sa fondation. En fonction du tableau analytiquecité ci-dessus, le président Luchaire en tire le bilan financier lors du Conseild’administration (CA) du 25  juin 1974 :

    « Peut-on encore espérer qu’un collectif budgétaire, intervenant à la rentrée,mette à la disposition de notre université le crédit indispensable pourpermettre de faire face aux lourdes dépenses de fonctionnement en cetteannée 1974 particulièrement difficile,Peut-on également espérer que les mesures envisagées par le précédentministre de l’Éducation nationale pour apurer notre situation déficitaire,seront retenues et appliquées par le nouveau ministre de l’Éducation ou lesecrétaire d’État aux Universités ?Peut-on enfin espérer que les critères normaux d’attribution de créditseront plus justes en 1975 et qu’ils tiendront compte notamment de lasituation particulière du centre Tolbiac et du coût élevé du fonctionne-ment de ce centre ? »

    22. Les recherches de Sybille Le Vot, présentées lors de la journée du 12  février 2014 consacrée auquarantième anniversaire du Centre Pierre-Mendès France établissent sur la base de documentsconservés dans le fonds du SCARIF aux archives du rectorat de Paris que le chantier débute endécembre 1971 (avant même l’obtention du permis de construire déposé le 16 décembre 1971) ets’achèvent le 30 septembre 1973 ; si la réception provisoire du bâtiment remonte au 30 septembre1973, la réception définitive intervient le 16  juin 1975 avec eff et au 1er octobre 1974.

    23. J. V  , Croissance et contestations 1958-1981, « Histoire de la France contemporaine », Paris,Le Seuil, 2014, chap.   et .

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    Le professeur van Eff enterre pose d’autres questions tout aussi gênantessur le fonctionnement pédagogique de l’ensemble et les contradictions des

    injonctions du ministère :« Que dire de la bouff onnerie des programmes pédagogiques, arbitrairementcensurés quand nous demandons un restaurant universitaire, mais dont onexige qu’ils comportent eff ectifs prévisionnels détaillés et plannings horairesd’utilisation, pour que des bureaux hautement compétents modèlent sureux leurs études de débits d’ascenseurs ou de financement mobilier, sanstenir compte des réformes en cours depuis trois ans, sectorisation, DEUG,ou filières nouvelles.La dimension prévue des salles de T.D. est de 40 m2 soit 25 places, confor-

    mément à vos désirs de rénovation pédagogique exprimé en 1970-1971.Le ministère a approuvé le programme et construit le bâtiment, mais nefournira de crédits d’heures complémentaires que pour des groupes de 40 24. »

    Tolbiac13 600 m2

    Panthéon15 500 m2

    Bâtimentclassique

    13 600 m2

    Coefficientd’alourdissement

    Coûtsupplémentaire

    Nettoyage 626 740 F 444 192 F 389 232 F 1,6 237 508 F

    Contrats locationet entretien

    830 738 F 282 456 F 247 520 F 3,3 583 218 F

    Chauff age 377 605 F 189 934 F 166 647 F 2,2 210 958 F

    Électricité 406 850 F 116 321 F 101 728 F 3,9 305 122 F

    Eau 39 000 F 23 968 F 20 672 F 1,8 18 238 F

    Gardiennage 122 645 F 51 582 F 45 152 F 2,7 77 492 F

    Total  2 403 578  F  1 108 453 F 970 951 F 2,5 1 432 627  F 

    T  3. – Évaluation des surcoûts d’un immeuble de grande hauteur (I.G.H.) type Tolbiacen francs (F) 25 .

    24. Ibid.25. Archives Paris I, présidence, « Étude analytique des charges annuelles du Centre Tolbiac compte

    tenu de sa nature d’I.G.H. » (1974).

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    Du stigmate à l’emblème

    L’historien des universités françaises a une tâche ingrate. Il a peu demotifs d’enthousiasme et beaucoup de moments d’interrogation sur lesoccasions manquées, les calculs erronés, les difficultés insurmontablesnées de l’enchevêtrement des problèmes et de la multiplicité des acteurssurtout dans une ville comme Paris et pour des méga universités commeParis I. Antoine Prost, le 25 février 2013, lors de sa remise de la cravatede commandeur de la Légion d’honneur par le ministre de l’Éducationnationale Vincent Peillon s’interrogeait sur l’utilité pour les politiques, del’histoire de l’éducation. Les expériences du passé, heureuses ou malheu-

    reuses, peuvent-elles éclairer les décideurs d’aujourd’hui ? La constructiondu Centre Pierre Mendès-France était une réponse imparfaite et trophâtive à des questions posées aux universités de Paris depuis dix ans. Avecses faiblesses intrinsèques, les servitudes d’un IGH, l’insuffisance de lasurface eu égard au nombre d’usagers largement sous-estimé, il a causé desproblèmes constants à Paris I. La tentation est alors de reporter la responsa-bilité sur les erreurs ou les choix des gouvernements de l’époque mais aussiplus récents. Elles sont indéniables et les arrière-pensées politiques ont étépointées. Que les universités réputées de gauche et à dominante Sciences

    humaines et sociales ou multidisciplinaires aient été plus maltraitées queles autres est évident et c’est une constante de la politique universitairedepuis 40 ans. Nous sommes dans une société de l’image. Certains établis-sements, même dans nos domaines, tirent mieux leur épingle du jeu dansla concurrence pour les ressources et les locaux parce qu’ils ont réussi àdiff user dans l’opinion éclairée et chez ceux qui tiennent les moyens uneimage positive, pas toujours justifiée pour ceux qui connaissent la réalitéuniversitaire, mais peu importe, les résultats sont là. On leur donne lesmoyens de leurs ambitions. Dans le monde entier, les puissants et les riches

    construisent des tours pour manifester leur gloire et leur domination auxyeux des mortels ordinaires. Pourquoi les universités dotées de tour, il y ena peu, ne retourneraient-elles ce qui était jusqu’ici un stigmate en emblèmede leurs aspirations, à dominer, non le monde matériel, mais celui des idéeset du futur ? Ce qui n’est après tout que leur mission originelle.