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UNIVERSITÉ DE LYON Institut d’Etudes Politiques de Lyon « Fighting the World » Culture metal et marginalisation sociale en France PONCET Romain Action Publique – Action et Gestion Publique Cultures Populaires, éthique et politique 2017-2018 Sous la direction de Monsieur Philippe Corcuff Jury composé de : Philippe Corcuff : Maître de conférences à l’IEP de Lyon Lilian Mathieu : Directeur de recherche au CNRS, enseignant à l'ENS Date de soutenance : Jeudi 6 septembre

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UNIVERSITÉ DE LYON

Institut d’Etudes Politiques de Lyon

« Fighting the World » Culture metal et marginalisation

sociale en France

PONCET Romain

Action Publique – Action et Gestion Publique

Cultures Populaires, éthique et politique

2017-2018

Sous la direction de Monsieur Philippe Corcuff

Jury composé de : Philippe Corcuff : Maître de conférences à l’IEP de Lyon

Lilian Mathieu : Directeur de recherche au CNRS, enseignant à l'ENS

Date de soutenance : Jeudi 6 septembre

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« Fighting the World » Culture metal et marginalisation

sociale en France

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Déclaration anti-plagiat

1. Je déclare que ce travail ne peut être suspecté de plagiat. Il constitue l’aboutissement d’un travail personnel.

2. A ce titre, les citations sont identifiables (utilisation des guillemets lorsque la pensée d’un auteur autre que moi est reprise de manière littérale).

3. L’ensemble des sources (écrits, images) qui ont alimenté ma réflexion sont clairement référencées selon les règles bibliographiques préconisées.

NOM : Poncet PRENOM : RomainDATE : 19 aout 2018

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Remerciements

Je remercie en premier lieu Philippe Corcuff pour ses indications et ses pistes de

travail, ayant été d’une grande aide quant à la réalisation de ce travail de recherche.

Un grand merci également à J.C, C.M, F.G et C.C pour le temps qu’ils m’ont accordé et leur

apport non négligeable à la production de cette étude.

Merci à Rémy Deslyper pour ses conseils avisés, m’ayant permis de ré envisager mes travaux

sous un angle plus riche.

Je tiens également à remercier la communauté des musiciens et metalleux de Lyon, ayant

largement répondu présents dans le cadre de la diffusion de mon questionnaire en ligne, ainsi

que chaque personne ayant contribué et partagé. Merci à eux également pour leur mobilisation

au sein de mes travaux et l’intérêt porté à cette recherche. Merci à ce titre à Thibault Seurot

dont le partage de documents m’a été d’une aide non négligeable.

Enfin, un grand merci au DH Crew qui a soutenu à distance la réalisation de cette recherche,

et dont le soutien fut comme souvent des plus cruciaux. Une pensée particulière pour Paul

Jacquet, dont l’absence n’aura pas empêché ce dernier de m’inspirer quant à mes travaux

futurs. Merci Paul.

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Sommaire

Introduction...............................................................................................................................6

PREMIÈRE PARTIE Metal et marginalisation : entre transgression et distinction sociale.......................................................................................................................................20

A/ De la « Sympathie pour le diable» au « Chiffre de la bête » : présentation socio-historique de la culture metal.....................................................................................................................20

B/ La violence figurative comme medium de transgression.....................................................28

C/ Culture de marge, culture de la marge.................................................................................34

SECONDE PARTIE Les modes d’appropriations pluriels de la culture metal................42

A/ Les mises en scènes de la culture metal...............................................................................42

B/ Une réappropriation à taille humaine : des enjeux des arbitrages individuels de légitimité47

C/ Public et non-public : une approche générationnelle de la culture metal............................58

TROISIÈME PARTIE Culture metal et hybridation : une illégitimité remise en question...................................................................................................................................................69

A/ Vers la fin de l’antagonisme entre metal et mainstream ?....................................................69

B/ Une stigmatisation résiduelle à l’épreuve de la segmentation de la culture metal...............75

C/ Mythologie du metal : du structurellement illégitime au conjoncturellement acceptable.. .83

Conclusion................................................................................................................................88

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Introduction

Depuis l'après-guerre en France, l’étude du lien intrinsèque entre pratiques culturelles

et socialisation n'a eut de cesse de se renouveler, et de se réaffirmer. Les années 1970 font la

part belle aux enquêtes concernant les pratiques culturelles des Français, rendant compte des

différents comportement de ces derniers dans le domaine de la culture et des médias.

L’importance accordée aux pratiques culturelles ne fera que croître avec deux rapports, en

1997 et en 2008, synthèses des études approfondies de ces enquêtes réalisées par le

sociologue Olivier Donnat1. Philippe Coulangeon, sociologue et directeur de recherches au

CNRS définit l'expression « pratique culturelle » en ces termes : « Par pratiques culturelles,

on entend généralement l’ensemble des activités de consommation ou de participation liées à

la vie intellectuelle et artistique, qui engagent des dispositions esthétiques et participent à la

définition des styles de vie ».2 Ce lien tout particulier entre modes de mobilisations

intellectuels et artistique d’une part, et style de vie d’autre part, n'est pas sans intéresser la

sociologie occidentale depuis la fin du XXème siècle. Pierre Bourdieu en 1979 dans La

Distinction3 étudiait d'ailleurs les habitus culturels propres à chaque classes sociales, ainsi que

les processus de distinction sociale et de violence symbolique véhiculés par ces mêmes

pratiques culturelles. Une pratique culturelle est donc symbolique en tant qu'elle est porteuse

d'une pluralité de sens sociaux.

Lorsque l’on se penche sur les pratiques sociales des Français au regard du rapport

d’Olivier Donnat en 20084, on remarque qu’un genre de musique est tout à la fois le moins

cité en tant que genre musical le plus écouté, et le plus fréquemment mentionné en tant que

genre musical non apprécié. Il s’agit du metal. Le terme « metal » étant relativement

nébuleux en tant que tel, il convient d’en dresser une première définition, de sorte de saisir

avec une plus grande précision la réalité derrière le concept. Il est intéressant à ce titre de

1 DONNAT Olivier, Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris, Documentation Française, 2004, 352p

2 COULANGEON Philippe, Sociologie des pratiques culturelles, Paris, Éd. La Découverte, coll. Repères, 2005, 123 p

3 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992, 672p.

4 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique: enquête 2008, Paris, La Découverte, 2009, 12p.

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mobiliser la définition de Fabien Hein au sein de l’ouvrage au sein de l'ouvrage Hard rock,

heavy metal, metal – Histoires, cultures et pratiquants. (2004) Pour ce dernier,

« Le terme générique metal désigne une multitude de genres et de sous-genres

musicaux issus de l’appariement du hard rock et du heavy metal. Il résulte d’une

agrégation sémantique consécutive de l’érosion et de l’interpénétration de ces termes

au cours des années 1980. Leurs modèles canoniques, respectivement représentés par

les groupes Led Zeppelin et Black Sabbath, se sont progressivement dilués sous l’effet

d’une filiation particulièrement effervescente et féconde : black, thrash, doom,

progressive, crossover, death, hardcore, gothic, sludge, néo, etc. »5

Le metal englobe ainsi plusieurs réalités et sous-genres différents, c’est un terme

« pavillon » comme le précise Hein, un réceptacle de représentations communes, tant pour les

étrangers que les aficionados du genre. Ces derniers, selon des mesures variables, se

présentent comme « metalleux » en France, traduction de l’expression « metalhead » importée

des pays anglophones. Corentin Charbonnier, anthropologue français spécialiste de la culture

metal définit le terme de metalleux au sein de la conférence Métal : histoire et controverse

datant de 2013 : « un fan ou musicien qui mobilise à la fois un capital culturel et social en

rapport avec la musique metal », avec « une terminologie commune »6 malgré la grande

diversité des genres. On comprend dès lors que le metal en tant que genre soit affaire de

représentations communes, mais également de pratiques sociales. Il est en effet renseigné la

mobilisation d’un capital social au sein chez le metalleux, ce qui fait par ailleurs écho à la

définition des pratiques culturelles de Philippe Coulangeon7 évoquant l’influence de ces

dernières sur les styles de vie.

Derrière l’écoute du metal, il existe donc des pratiques sociales, des représentations,

associées à une dimension d’identification. Ces pratiques et représentations forment une

culture au sens de l’anthropologue américain Robert Redfield :

5 HEIN Fabien, Hard rock, heavy metal, metal ...: histoire, cultures et pratiquants, Clermont-Ferrand, Séteun, 2004, 320p

6 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

7 COULANGEON Philippe, Sociologie des pratiques culturelles, Paris, Éd. La Découverte, coll. Repères, 2005, 123 p

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« Par le terme de culture nous désignons l’accord mutuel sur les idées

conventionnelles, manifestes dans les actions et les objets, qui caractérise toute

société. […] On peut ainsi définir la « culture » par les limites à l’intérieur desquelles

les comportements conventionnels des membres de la société peuvent varier sans

cesser d’être tenus pour identiques par tous les membres »8

Il existe une culture metal en cela que des représentations communes organisées

autour du genre musical qualifié de metal recouvrent un réseau de pratiques et codes,

« d’actions et d’objets ». Ainsi entendrons-nous par « culture metal » dans cette étude

l'ensemble des pratiques socioculturelles dérivées et associées au genre musical

communément appelé « metal ». Le signe des « cornes du diable », les cheveux longs pour

les hommes, la pratique du « pogo » en concert... sont autant de pratiques qui seront

communément associées à l'écoute et à l'appropriation du genre par les individus. Si nous

l’avons vu le metal en tant que genre musical fait statistiquement l’objet d’un rejet important

de la part des Français, il est important de noter que la culture metal a historiquement

tendance à subir le même sort en France.

Stigmatisations sociales, médiatiques, politiques

En effet, ces derniers souffrent de manière fréquente de stigmatisation et de

marginalisation en France, comme dans de nombreux pays occidentaux. On remarque une

certaine fréquence des discours stigmatisant associés à la culture metal : L'émission Zone

Interdite diffusée sur M6 parle lors de son numéro du 24 juillet 2013 de « hordes de zombies

gothiques », « alcoolisés » ainsi que d'une « ambiance entre morbide et grand-guignol » pour

qualifier le public du Hellfest, premier festival de metal en France.9 Le public est ainsi

stigmatisé selon des termes peu avantageux, avec une référence commune aux codes de la

culture metal mobilisés. Le festival lui même est également fréquemment pris pour cible sur

le plan politique. Christine Boutin parle en 2010 de « culture de la mort »10. La même année,

8 REDFIELD Robert, The folk culture of Yucatan, Chicago, IL, The Univ. of Chicago Press, 1970, p123.

9 ZONE INTERDITE « Zone Interdite M6 24/07/2013 HELLFEST », August 16, 2018, Vimeo, [ https://vimeo.com/71013580 ], accessed: August 20, 2018.

10 Ouest-France, « Clisson - Christine Boutin veut interdire le Hellfest », Nantes.maville, [ https://nantes.maville.com/actu/actudet_-Clisson-Christine-Boutin-veut-interdire-le-Hellfest_39904-

8

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Phillipe De Villiers a condamné les valeurs qui « poussent le Conseil Régional [du Pays de la

Loire, région du Hellfest] à financer un festival sataniste », applaudi par François Fillon,

Premier Ministre de l’époque ainsi que le candidat UMP Christophe Béchu.11 En 2011 est

fondé le collectif « Provocs Hellfest, ça suffit », destiné à informer les individus du contenu

du Hellfest et plus largement de la musique metal, touchant à « l’occultisme, le satanisme et

l’anti christianisme d’une partie de la programmation. » Ce même collectif qualifie le black

metal, sous-genre du metal, de « beuglerie anti-chrétienne »12. L’exemple du Hellfest est

illustratif car largement médiatisé, cependant cette stigmatisation de la culture metal se

prolonge au-delà du simple champ du festival.

En 2010, le défunt député PS Patrick Roy déplorait à l’Assemblée Nationale13 lors d’une

intervention à l’attention de Frédéric Mitterrand, alors ministre de la culture, le constat d'une

musique souvent boudée par les médias et cantonnée à une diffusion numérique. Il est vrai

qu’en 2015, la part accordée au metal sur les chaînes télévisées musicales s’élève à 0,2 %

contre 18,1 % pour la dance, 17 % pour la variété française et la pop-rock internationale, et

17 % pour le rap, selon la société d'études de marché Yacast.14 L’intervention du député a

suscité un profond émoi à l’Assemblée Nationale. Pointant du doigt un profond mépris de

cette culture, l’intervention est le théâtre de sourires moqueurs, de huées, voire de hurlements

amusés de la part du député UMP Patrick Balkany, rappelé à l’ordre par le président de

l’Assemblée Nationale de l’époque monsieur Bernard Accoyer. Si l’intervention se clôt sur les

applaudissements des députés PS, et un discours bienveillant du ministre de la culture, les

railleries des réactions suscitées par cette intervention sont symptomatiques d'une véritable

violence symbolique à l'encontre du genre, perçu comme non légitime à être traité en ce

contexte.

1310581_actu.Htm?idAvis=194060 ], accessed: March 25, 2010.

11 BLANC Amaury, « Honte d'être français », March 15, 2010, RADIO METAL, [ http://www.radiometal.com/article/honte-detre-francais,917 ], accessed: August 20, 2018.

12 HELLFEST PROVOCS, « RIP #ArethaFranklin de la musique, de la vraie ! Autre chose que les beugleries anti-chrétienne du black #metal #hellfest financé par #Clisson #loireatlantique », August 16, 2018, Twitter, [ https://twitter.com/Provocshellfest/status/1030136466784038912 ], accessed: August 20, 2018.

13 ROY Patrick, « Hellfest : l'Assemblée nationale débat. », April 2, 2010, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UENvu1d9q9U ], accessed: August 20, 2018.

14 SOENEN Marie-Hélène, « Pourquoi la télé zappe la musique metal », Télérama.fr, [ https://www.telerama.fr/television/la-tele-zappe-la-musique-metal,138261.php ], accessed: August 20, 2018.

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Il y a là un symptôme d’une absence de légitimité sociale de la question de la culture metal.

L’Assemblée Nationale, théâtre d’une culture extrêmement légitime puisque mobilisant des

individus dont les fonctions politiques assurent un capital économique et social supérieur, ne

semble pas se plier au discours du metal, mais semble au contraire susciter une

décrédibilisation de cette culture. Ce sujet, puisque moqué n’est pas sérieux, et donc illégitime

à figurer au sein d’un discours usuel de député. Il y a semble-t-il de par les exemples cités une

forme d’illégitimité du metal au sens de Pierre Bourdieu. Ce dernier au sein de son ouvrage

La Distinction15 (1979) décrit une culture légitime comme celle des classes dominantes (au

capitaux économiques et sociaux élevés). Les classes moyennes aspirent par ailleurs à accéder

à cette culture.

Dès lors peut-on dire qu’une culture illégitime correspond à une culture de classes non

dominantes, faisant dès lors l’objet d’un rejet social de la part des classes moyennes et

supérieures. Le metal comme illégitime au sens de Bourdieu a fait l'objet d'une étude signée

Brown et Griffin en 2014, au sein de l'ouvrage 'A cockroach preserved in amber':The

significance of class in critics' representations of heavy metal music and its fans.16 Cette

étude rend compte des stéréotypes essentialistes souvent associés au metal au Royaume-Uni :

Sur la base d’études de discours du magazine musical New Musical Express, entre 1999 et

2008, les auteurs développent la manière dont les modes dominants d’autorité culturels

associés aux classes moyennes sont inscrits au sein des modes de goûts et de distinction,

formant de la part des critiques musicales une identification symbolique de la culture metal à

une idée de classe laborieuse et d’attributs négatifs. « Our analysis demonstrates how

contemporary music criticism symbolically attaches negative attributesand forms of

personhood to the working-class male bodies identified with heavy metal culture and its

audience, allowing dominant middle-class modes of cultural authority to be inscribed within

matters of musical taste and distinction. »17 Les auteurs reprennent par ailleurs le concept de

violence symbolique que Pierre Bourdieu développe au sein de La Reproduction18, co-rédigé

avec Jean-Claude Passeron. La violence symbolique est une violence sociale consistant à la

15 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992, 672p.

16 BROWN Andy R. and GRIFFIN Christine, « ‘A Cockroach Preserved in Amber’: The Significance of Class in Critics Representations of Heavy Metal Music and its Fans », The Sociological Review, 2014, vol. 62, no. 4, pp. 719–741, p. 719-741, [ http://dx.doi.org/10.1111/1467-954x.12181 ]

17 BROWN Andy R. and GRIFFIN Christine, « ‘A Cockroach Preserved in Amber’: The Significance of Class in Critics Representations of Heavy Metal Music and its Fans », pp. 719–741

18 BOURDIEU Pierre and PASSERON, Jean-Claude, « La Reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement », Paris, Minuit, 1970, 284 p.

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justification de modes de dominations sociaux en tant que légitimes par nature. Le

« metalhead » outre-manche fait l’objet de représentations évoquant l’idée d'une middle-class

violente, alcoolique, débauchée. Ainsi la violence symbolique à l’égard des aficionados de

cette culture est établie et diffusée. Dans les faits, on se rend compte que le « metalleux »

français ne souffre pas de jugements sociaux très différents, qualifié lors de l'émission Zone

Interdite mentionnée précédemment de « «Drogué, alcoolique, irrespectueux, voleur, sale,

sataniste ». Ainsi, on peut parler du metal comme culture marginalisée en soi.

Cette marge est d’ailleurs paradoxalement entretenu par la culture metal, dont la

transgression des normes musicales et sociales représente un point d’orgue de sa naissance,

des dires d’Ozzy Osbourne, chanteur du groupe britannique Black Sabbath, souvent considéré

comme le premier groupe de metal. Le courant a ainsi historiquement cultivé une marge de la

« norme », du « grand public »19 . Pourtant comme précisé plus tôt, le metal ne peut donc pas

être analysé comme un bloc monolythique à opposer à la culture « légitime », ou tout du

moins « grand public », tant ses ramifications sont aujourd’hui conséquentes. On en

dénombre plus de 300 selon Corentin Charbonnier. Un lexique non-exhaustif sera à ce titre

proposé en annexe pour une meilleure compréhension du raisonnement. Pourtant au-delà de

cette diversification, ces nombreux sous genres demeurent dans leur grande majorité mis à

l’écart médiatiquement, politiquement, et socialement dans leurs représentations les plus

communes.

Dès lors, la question qui se pose est la suivante : Comment et dans quelle mesure la

culture metal a-t-elle été construite en France en tant que culture illégitime ?

À partir de cette problématique centrale, nous dresserons l'hypothèse selon laquelle la

culture metal semble évoluer, s'imprégner de cultures plus grand public tout en s'en

distinguant dans un mouvement assez paradoxal de proximité croissante. En effet si le metal

demeure boudé des médias de masse en France, des percées notables sont à noter, telle que le

passage du groupe de death metal français Gojira en février 2017 au sein de l’émission

19 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

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Quotidien diffusée sur TMC.20 La culture metal sujette à de nombreuses hybridations connaît

ses moments provisoires d’exposition pour le grand public, dont certains membres s’en

approprient jusqu’aux codes, d’une manière assez paradoxale, que nous aurons l’occasion de

développer au sein de notre étude.

Afin d'explorer cette problématique et de confirmer ou infirmer nos hypothèses de travail,

nous débuterons nos travaux en analysant la culture metal en tant que discours au sens

Foucauldien du terme21 c’est à dire en tant que réseau de codes répondant à un certain sens

donné au monde. Il sera intéressant d’étudier par ce biais sa culture paradoxale de la marge

par la transgression. Nous discuterons par la suite cette marge en analysant les modes

d’appropriations pluriels de la culture metal, de plus en plus perméable. Enfin cette étude

nous permettra de saisir correctement les modes de mise à l’écart de la culture metal, ses

conditions et incarnations complexes en contexte contemporain. Ce sera également l’occasion

d’observer la manière avec laquelle la culture metal compose avec ces modes de

représentations.

L’interactionnisme symbolique, cadre d’étude des

marginalités

Dans le but de clarifier notre démarche, et d’ancrer notre réflexion au sein d’un

paradigme explicitement établi, il convient dans un premier temps de dresser un cadre

théorique rendant compte avec efficacité de la position ambivalente de la culture metal. Pour

se faire, j'ai choisi de mobiliser des études s'inscrivant au sein d'un paradigme constructiviste

et interactionniste symbolique. L’intérêt d’une telle approche est de mettre en lumière tout à la

fois les modes de constructions sociales d’une identité associée à la culture metal, mais dans

un même mouvement les modes de construction de cette culture comme illégitime. Le choix

de l’interactionnisme symbolique a donc du sens dans le cadre de cette démarche, dans la

mesure où ce courant de pensée sociologique mobilise principalement trois principes, tels

qu’énoncés par Herbert Blumer en 1937 au sein d’un essai publié dans la revue L’homme et la

20 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

21 FOUCAULT Michel, « L’ordre du discours », Gallimard, 1971, 88p.

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société22 : « 1. Les humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens qu’ils attribuent

à ces choses. 2. Ce sens est dérivé ou provient de l’interaction sociale que chacun a avec

autrui. 3. Ces sens sont manipulés dans, et modifiés via, un processus interprétatif utilisé pour

interagir avec les choses rencontrées. » Selon ces principes, notre étude sera à même

d'analyser la façon dont se construit l'identité individuelle au sein de la culture metal, et la

façon dont les interactions sociales confrontées à ces pratiques culturelles particulières forgent

la légitimité ou non de tels artefacts sociaux.

Ainsi les travaux que nous mobiliserons serons généralement associé au courant de la

seconde école de Chicago, connue pour son importance au sein de la mouvance

interactionniste. Les références aux travaux de Erwing Goffman et notamment Howard

Becker seront en ce sens nombreuses. Je m’inspirerai tout particulièrement de ce dernier qui,

au sein de son ouvrage Outsiders (1963)23 étudie l'individu socialement déviant, c'est à dire

l'individu qui ne se conforme pas aux codes hégémoniques. Becker va ainsi étudier les

fumeurs de marijuana de Chicago, mais aussi les musiciens de jazz. La proximité entre la

communauté metal et celle du jazz décrite par Becker est édifiante : les musiciens de jazz

cultivent la non congruence de leurs pratiques avec les codes hégémoniques comme une

richesse. À contrario, de la même manière que le metalleux souhaite se distinguer du

« mainstream », dont nous déploierons une définition au cours de notre recherche, le musicien

de jazz méprise le « cave », amateur de « musique commerciale », incapable de comprendre la

richesse symbolique de leurs propres pratiques sociales. À partir de ce constat, Becker

développe le concept d'identité et de carrière déviante comme intégration de ce système

alternatif de valeurs et de normes, qui viendra consolider une communauté autour de cette

culture de marge. Nous serons par la même occasion amenés à discuter de cette marge comme

mentionné plus avant. Les références aux travaux et concepts de Pierre Bourdieu, seront ainsi

utiles dans l’analyse de la violence symbolique dont la culture metal est sujette, mais aussi de

la distinction sociale recherchée par cette dernière.

Il conviendra une fois avoir correctement décortiqué ce caractère marginal de la

culture metal, de discuter le syllogisme voulant que marginalisation soient symptômes et/ou

22 QUEIROZ J. M. de et & ZIOLKOWSI M., « L’interactionnisme symbolique. », Rennes (Ile-et-Vilaine), Presses universitaires de Rennes, 1994

23 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

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causes systématique de domination, d'illégitimité. En effet si la non-appartenance à un

paradigme hégémonique semble impliquer de fait une charge en violence symbolique non

négligeable, Bernard Lahire dans La culture des individus24 (2004) souligne la fréquence de

profils individuels mixtes mobilisant cultures légitimes et non légitimes. Par ce biais, Lahire

effectue un changement de niveau quant au cadre coutumier de l'étude des dominations

sociales : en passant du macro au micro, il remarque que l'individu peut lui aussi être le

théâtre d'une lutte de légitimité. Il sera intéressant d'opérer un nouveau changement d'échelle,

et de passer du micro au « méta » , entendu ici comme passage à un niveau d'abstraction

supérieur et transcendant, depuis l'individuel jusqu'au culturel, qui est tout à la foi entre les

mains de l'homme, mais qui par ailleurs le dépasse bien souvent. En effet, une culture en tant

qu'agrégat de pratiques socioculturelles pourrait donc bien être le théâtre d'une lutte intérieure

de légitimité et même de systèmes de légitimité. Il y a un travail actif de réappropriation

individuelle de la culture par les agents qui ne sont pas passifs face à des représentations qui

lui seraient contraintes.

Au sein de ce paradigme constructiviste et interactionniste nous inscrirons plus

particulièrement des travaux déjà mentionnés précédemment et traitant de manière explicite

de la construction de la culture metal. Parmi ce corpus, on peut mentionner ceux de Fabien

Hein dans Hard rock, heavy metal, metal – Histoires, cultures et pratiquants25, proposant une

intéressante grille compréhension du mouvement. Nous nous intéresserons de même aux

travaux du français Corentin Charbonnier auteur de l'ouvrage « Hellfest : Un pèlerinage pour

metalheads »26 (2017), pour décortiquer le travail de construction symbolique derrière

l'identité de « metalleux ». En intégrant ces études spécialisées dans notre cadre théorique,

nous aurons la possibilité de mettre en relief les spécificités du mouvement. En effet aucune

culture dite « de marge » ne fonctionne de la même manière. Ainsi si la culture du rap peut

être comparée à celle du metal, chacune possède ses caractéristiques propres qui la démarque

des autres, et qu'il convient de mettre en lumière. Il convient toutefois ici de remarquer que les

recherches autour de la culture metal en contexte français représentent un domaine d’étude

assez marginal en sciences sociales contemporaines. Les observations de recherche menées,

24 LAHIRE Bernard, La culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, 2008, 777p.

25 HEIN Fabien, Hard rock, heavy metal, metal ...: histoire, cultures et pratiquants, Clermont-Ferrand, Séteun, 2004, 320p

26 CHARBONNIER Corentin, Le Hellfest: un pèlerinage pour metalheads, Azay-sur-Cher, IRMA, 2017, 218p.

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ainsi que le cadre théorique déployé seront autant de matières premières utiles à l’étude des

modes de marginalisation de la culture metal.

Une méthodologie d’inspiration Beckerienne

L'établissement de ce cadre théorique nous permet désormais de nous intéresser à la

méthode à employer pour analyser correctement la culture metal. À ce propos l'ouvrage

Outsiders de Becker semble représenter une porte d’entrée pertinente. La proximité de son

objet d'analyse avec celui de cette étude ayant été démontrée plus avant, il sera intéressant

dans un premier temps de s'inspirer de la méthodologie de l'auteur pour aborder la

problématique. Becker privilégie une méthode dite d’observation participante, qu’il utilise

d’ailleurs pour l’étude des musiciens de jazz.

« Quand j’ai réalisé cette étude, en 1948 et 1949, j’étais pianiste professionnel depuis

quelques années et j’appartenais aux milieux musicaux de Chicago. […] J’ai travaillé

au cours de cette période avec de nombreux orchestres de différents types, et j’ai pris

es notes abondantes sur les évènements qui se produisaient pendant que j’étais en

compagnie d’autres musiciens. La plupart des personnes que j’ai observées ne

savaient pas que je faisais une étude sur les musiciens. »27

Il s’agit donc de prendre part aux pratiques culturelles étudiées pour mieux en

comprendre les enjeux. D'un point de vue réflexif, la proximité des deux cas d'étude se

prolonge à une similarité des situations du chercheur – Becker - et de l'étudiant – moi même

– d'une façon intéressante. Howard Becker était musicien de jazz, et s'est servi de sa position

pour étudier plus facilement les mécanismes animant cette culture et ces pratiques

particulières. Étant moi même musicien semi-professionnel évoluant dans le milieu du metal

depuis plusieurs années, j’ai pu de la même manière user de cette position pour faciliter mes

travaux dans le cadre d'une démarche participative. Évidemment, une telle démarche suppose

tout d’abord un travail réflexif d'envergure afin de conserver une neutralité axiologique

suffisante, et garantir la validité sociologique de la recherche en tant que telle.

27 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, P107.

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J'ai choisi pour terrain d'enquête principal la ville de Lyon et ses environs, puisque

constituant un terrain où j’ai pu développer au fil des années une certaine présence au sein de

la culture metal locale. J’ai à ce titre entrepris plusieurs observations participatives à

l’occasion des concerts successifs de Psykup (mathcore français) le vendredi 4 mai 2018 à

Lyon, Parkway Drive (metalcore australien) le mardi 5 juin 2018 à Lyon, Plini, Arch Echo et

Mestis (metal progressif moderne) le vendredi 15 juin 2018, Alkymia (deathcore, black

lyonnais) le 10 juillet 2018 à Lyon. J’ai enfin eu l’occasion de participer à la huitième édition

du festival de metal Sylak à Saint-Maurice-De-Gourdans dans l’Ain à 35km de Lyon, les 3, 4

et 5 août 2018. Je n’ai pas mentionné lors de mes observations successives ma démarche de

recherche, mais ai toutefois pu noter mes observations au cours de ces évènements sur

téléphone portable. L’emploi d’un support écrit me semblait peu appropriée quant à la nature

des évènements que j’ai choisi d’étudier, d’un point de vue pratique, comme social, puisque

pouvant impliquer un risque de changements des comportements des individus en

conséquence.

Ces observations sur le terrain permettent un travail crucial de décorticage des codes

associés à la culture metal, constatables empiriquement. J’ai toutefois choisi de réaliser par

ailleurs plusieurs entretiens avec des profils présentant des appropriations différentes de la

culture metal, dans la perspective de me donner un accès aux représentations des individus

quant à cette dernière, qui, j’ai pu le constater, s’avèrent extrêmement variables selon les

individus. J’ai donc contacté via les réseaux sociaux quatre individus ayant répondu à mon

annonce quant à ma volonté de m’entretenir avec des personnes au sujet de la musique metal,

et de la culture associée. Ainsi, C.C âgée de 21 ans est étudiante en école vétérinaire et écoute

du metal de manière sporadique. Elle fréquente néanmoins occasionnellement les concerts de

metal et porte un t-shirt à l’effigie de groupe de metal. C.M est étudiant en mathématiques, de

CSP aisée, âgé de 22 anse et de CSP modestee. Il présente un profil similaire à celui de C.C.

F.G est étudiant en langues, âgé de 23 ans et de CSP moyenne, écoute fréquemment du metal,

use de nombreux codes associés et se revendique metalleux. J’ai enfin pu m’entretenir avec

J.C, ingénieur du son lyonnais âgé de 27 ans et de CSP moyenne, musicien et amateur de

metal parmi d’autres styles, ne se considérant pas comme metalleux. Un entretien avec ce

dernier m’a semblé pertinent dans la mesure où sa position professionnelle donne accès une

large connaissance du public associé à la culture metal. J’ai choisi de réaliser ces entretiens

selon un modèle informel et semi-directif. L’objectif étant de rendre le fil de la conversation

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relativement naturel afin de conserver l’authenticité des discours proposés, ma position de

musicien de metal a permis chez les individus dont la réappropriation des codes du metal est

au moins occasionnelle de donner un caractère presque informel à ces derniers. Ma grille

d’entretien était donc relativement souple, et j’ai volontairement laissé une marge de

manœuvre conséquente aux enquêtés dans leur façon d’aborder les thématiques proposées. Je

regrette malgré tout la relative homogénéité générationnelle des entretiens que j’ai eu

l’occasion de mener, les individus intéressés par l’annonce diffusée sur les réseaux sociaux

appartenant très souvent à une tranche d’âge comprise entre 20 et 30 ans.

Des sources plurielles : confronter le qualitatif et

le quantitatif

Afin de mieux saisir les représentations plus « quotidiennes » associées à la culture

metal, plusieurs études de discours m’ont parues pertinentes par ailleurs. J’ai opté pour une

méthodologie inspirée de Teun Van Dijk, sociologue néerlandais développant une définition

de l’analyse critique de discours au sein de son essai Principles of critical discourse analysis.

(1993)28 « a detailed description, explanation and critique of the ways dominant discourses

(indirectly) influence such socially shared knowledge, attitudes and ideologies, namely

through their role in the manufacture of concrete models.[speaking about dominant

representations] ». « Une description, explication et critique détaillée de la manière dont les

discours dominants influencent (indirectement) des connaissances, attitudes et idéologies

socialement partagées, à travers leur rôle dans la conception de modèles concrets (de

représentations dominantes). » Le terme critique est ici à comprendre en tant que remise en

question argumentative (de l’anglais « critique »), et non et non pas en tant que blâme (de

l’anglais « criticism »). Cette méthode d’inspiration Foucauldienne admet par ailleurs son

propre biais potentiel en tant qu’elle intentionalise sa démarche au sein d’une logique top-

down. Toutefois, la densité des observations relatives aux représentations de la communauté

associée de près ou de loin à la culture metal nous permettra de conserver à ce titre une

certaine vigilance, de sorte d’éviter l’écueil misérabiliste du postulat selon lequel la culture

metal n’existe que sous le prisme de la domination des cultures plus hégémoniques.

28 DIJK TEUN A. Van, « Principles of Critical Discourse Analysis », Discourse & Society, 1993, vol. 4, no. 2, p 259

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J’ai tout d’abord fait le choix d’analyser le passage du groupe Gojira au magazine télévisé

Quotidien29, déjà mentionné. Cet évènement assez singulier représente une source riche en

terme de représentations et de réappropriation du metal par les medias généralistes. À cette

première analyse viendra s’ajouter une étude plus spécifique du traitement de la culture metal

par des médias plus hybrides. J’ai choisi le cas intéressant de la presse rock, avec un corpus de

11 articles parus au sein des magazines Rock & Folk, Les Inrocks, et Rolling Stone Magazine.

Ce choix par ailleurs assez proche de la démarche entreprise par Brown et Griffin 30 dans le

cadre de l’étude de la stigmatisation du metalhead dans la presse musicale britannique, permet

de même de mesurer le taux de tolérance de ces médias face à la transgression inhérente à la

culture metal.

Cette pluralité d'entretiens et d'analyses représente un corpus de ressources de nature

qualitative, auquel j’ai souhaité confronter des données quantitatives. Ces dernières m’ont

semblé utiles dans la perspective d'éclairer de manière empirique les recherches menées. J’ai

ainsi diffusé un questionnaire en ligne doté de 24 questions détaillées en annexes, auxquelles

sont joins les résultats bruts de l’enquête. Ce questionnaire a été diffusé dans un soucis

d’efficacité sur les réseaux sociaux, notamment au sein des groupes Facebook « métalleux de

Lyon » et « musiciens de Lyon ». Il est fondamental de prendre en compte cette dimension

lors de l’exploitation des résultats, puisque les enquêtés ont donc pour un certain nombre déjà

une relation intrinsèque au domaine musical, premièrement. Secondement ces derniers sont

pour partie affiliés au metal, du fait de leur appartenance au premier groupe. Cette dimension

n’est toutefois pas si problématique dans le sens où l’enquête rend tout de même compte de

profils variés, avec un taux d’engagement largement fluctuant au sein de la culture metal.

Ainsi les représentations sont parfois loin d’être homogènes lorsque l’analyse des réponses

données est traitée. Le questionnaire a mobilisé au total 902 enquêtés, 38,1 % de femmes

contre 61 % d’hommes et 0,9 % au sein de la catégorie « Autre. » Parmi cet échantillon, on

compte principalement des individus compris entre 15 et 35 ans (82,4 %), aux CSP variables :

une majorité de fils et filles de cadres avec 33,3 % et d’employés avec 29,8 %. Il est important

de noter par ailleurs que la majorité des enquêtés indique écouter du metal très fréquemment,

29 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

30 BROWN Andy R. and GRIFFIN Christine, « ‘A Cockroach Preserved in Amber’: The Significance of Class in Critics Representations of Heavy Metal Music and its Fans », The Sociological Review, 2014, vol. 62, no. 4, pp. 719–741, p. 719-741, [ http://dx.doi.org/10.1111/1467-954x.12181 ]

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avec une proportion de 52,8 %, et 19,4 % au moins régulièrement. Enfin 59,6 % des auditeurs

de metal se qualifient eux-même de metalleux. Cette mise en lumière de l’échantillon est

nécessaire dans le but d’éviter autant que faire se peut les biais de recherche ainsi que l’écueil

du traitement d’informations autonomisé de son échantillon source.

Le questionnaire, conscient des limites intrinsèques aux approches quantitatives est

volontairement orienté du côté des représentations des individus, d’avantage que de celui des

réalités objectives. Il est par exemple demandé aux enquêtés leur représentation de ce que

représente un metalleux, si ils s’envisagent eux même en tant que tels, ainsi que leur

représentation plus générale de la culture metal : leurs perceptions ou non de stigmatisation,

de violence, et leurs degrés d’adhésion à ses codes (pogo, port de t-shirts…) La pratique du

port de t-shirt n’est en effet pas anodine, dans le sens où l’on peut observer une forme de mise

en scène de la pratique culturelle intrinsèque à la culture metal, sur laquelle nous reviendrons

plus tard. De même, nous mobiliserons le terme « metalleux » au sein du questionnaire, ainsi

qu’au sein de cette étude. On peut s’apercevoir très vite que derrière ce terme se cache des

représentations tout à fait différentes et très variées selon les individus (modes de vie,

fréquence d’écoute du metal…). Cependant nous mobiliserons ce dernier, une fois de plus non

en tant que réalité objective empiriquement selon quelque caractéristique nécessaire, puisqu’il

est très vite apparu qu’il y a bien souvent autant de définition du terme que d’individus pour

le définir. La caractéristique que nous retiendrons sera celle de la représentation personnelle

des individus en tant que metalleux ou non, ainsi que la nature de ces représentations. Il en

sera ainsi de même pour le terme « metal », regroupant plusieurs réalités différentes, mais

dont les représentations seront étudiées au sein de cette recherche. Ainsi les termes « metal »

comme « metalleux » demeurent de bons outils représentatifs pour désigner des réalités

différentes mais dont la proximité et la connivence particulière avec la culture metal est une

variable commune.

Enfin, et puisque la culture metal suscite des représentations plurielles mises en lumière à

travers les entretiens, comme à travers le questionnaire ainsi que l’analyse de discours que j’ai

pu mené, je ferai plusieurs fois l’usage de définitions proposées par le Centre National de

Ressources Textuelles et Lexicales (C.N.R.T..L) piloté par l’unité ATILF (Analyse et

Traitement Informatique de la Langue Française), laboratoire rattaché au C.N.R.S. Les

définitions proposées permettront à ce titre d’éclaircir de manière concrète l’usage des termes

observés et associés à la culture metal.

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Par le biais de ces différentes méthodes, j'entends comprendre d'avantage la formation

subjective des identités associées à la culture du metal, ainsi que les représentations qui lui

sont associées, que ce soit depuis l’intérieur de la communauté, ou depuis l'extérieur. Ces

analyses pourront nous aider à comprendre dans quelle mesure la culture metal peut-elle

assimilée à une culture dite socialement « illégitime ».

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PREMIÈRE PARTIE Metal et marginalisation : entre transgression et distinction sociale

A/ De la « Sympathie pour le diable»31 au « Chiffre de la bête »32 : présentation socio-historique de la culture metal

Comprendre le metal comme culture illégitime implique le postulat selon lequel il n'est

pas acceptable pour les couches dominantes de la société de revendiquer un capital culturel

relevant de cette culture précise. L'exemple du député Patrick Roy33 développé pour introduire

notre propos est une illustration de ce postulat, dans la mesure ou il illustre une dissonance

entre culture dite « légitime » et culture metal. La culture ainsi que les codes

traditionnellement dominants au sein d'une structure de pouvoir politique et symbolique telle

que l'Assemblée Nationale semble réduire la culture metal à l'inopportun. Cela se matérialise

par des moqueries de la part des députés, tournant en dérision le propos de monsieur Roy afin

de lui retirer sa substance sérieuse, de même que sa crédibilité. Au regard de l’analyse que

nous avons développé en introduction, la culture metal peut ainsi être considérée comme

illégitime. Elle fait l’objet de marginalisation, et ses membres de stigmatisation. Un simple t-

shirt à l’effigie d’une groupe de metal est chargé de symboles tantôt vraisemblablement

gratifiant au sein de la communauté, et selon ses propres codes, tantôt discriminant auprès du

grand public. « Des hordes de zombies gothiques », « satanistes », « parfois effrayantS »,

« alcoolisés ». Les qualificatifs employés lors de l'émission Zone Interdite34 diffusée sur M6

31 The Rolling Stones, Beggars Banquet, 1968

32 Iron Maiden, Number of the Beast, 1982

33 ROY Patrick, « Hellfest : l'Assemblée nationale débat. », April 2, 2010, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UENvu1d9q9U ], accessed: August 20, 2018.

34 ZONE INTERDITE « Zone Interdite M6 24/07/2013 HELLFEST », August 16, 2018, Vimeo, [ https://vimeo.com/71013580 ], accessed: August 20, 2018.

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ne manquent pas. Ils sont pour la plupart de nature péjorative et stigmatisante. La diffusion de

cette émission avait d'ailleurs suscitée de vives réactions avec une pétition signées par 56000

individus réclamant des excuses publiques de la part de la chaîne. Un article daté de 2010 de

la webradio Radio Metal établi de même un constat de stigmatisation suite aux propos de

Philippe De Villiers au sujet du Hellfest. L’auteur Amaury Blanc, fondateur de la webradio

déclare « Aujourd’hui, en ce 12 mars 2010, j’ai honte. Honte d’être français, honte qu’un pays

comme la France favorise toutes les formes d’intolérance dans les discours et dans les

actes. »35

Il y a donc un réel sentiment d’illégitimité, de marge et de stigmatisation vécu comme

tel par les individus. On peut le constater par ailleurs en consultant le rapport de l'enquête

diffusée pour cette étude. On remarque que 50,1% des individus sondés se déclarant

« metalleux » ont déjà subit une situation de stigmatisation incluant moquerie, violence

verbale et/ou physique. On remarque le même constat chez 32,3% des individus se déclarant

« non-metalleux » mais écoutant tout de même du metal. Ce phénomène peut ainsi s'observer

non seulement chez les adeptes des codes de cette communauté, se décrivant parfois en tant

que « metalleux », mais également chez des profils plus hybrides écoutant du metal parmi

d'autres styles musicaux. C'est le cas de C.C, étudiante en école vétérinaire avec qui je me suis

entretenu. À propos de l'écoute du metal elle explique que selon elle « Sauf si 'as plein de

potes metalleux.... […] Bah t'es un peu mis de côté ». Elle parle également de « regards

bizarre » de la part d'étrangers lorsqu'elle porte un t-shirt à l’effigie d'un groupe de metal.

Il n'est pas toujours socialement acceptable de se revendiquer ouvertement aficionado

des pratiques associées à la culture metal et ce, qu'il s'agisse de codes ou simplement d'écoute.

À partir de cette illégitimité constatée, il convient d'en analyser l'expression concrète.

L'exemple du reportage de l'émission Zone Interdite ou encore l'intervention de Patrick Roy,

mettent en lumière une incarnation de cette illégitimité par la marginalisation en tant que

rançon d'une expression trop vive de connivence avec la culture metal. On remarque que le

dénominateur commun de ces symptômes est la notion de différentiation. Il y a une volonté de

mise à l'écart, de marge, de non-inclusion. Celui qui exprime sa proximité avec la culture

metal est donc considéré comme « autre », lorsqu'il est confronté à certains contextes. On

35 BLANC Amaury, « Honte d'être français », March 15, 2010, RADIO METAL, [ http://www.radiometal.com/article/honte-detre-francais,917 ], accessed: August 20, 2018.

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constate donc bien qu'il y a une forme de méfiance de la part des cultures hégémoniques et

légitimes vis-à-vis de la culture metal.

Pourquoi ces codes, ces pratiques, sont-ils relégués à la marge, la différence? Cette mise à

l'écart du courant est-elle née avec le courant lui même, de ce courant en particulier, ou est-ce

le fruit d'une évolution ? Puisque les pratiques sociales sont historiquement situées, une

première piste de réflexion pertinente serait de s'intéresser à la naissance de la culture metal,

ainsi qu'à la naissance du genre même. Le metal a-t-il toujours été considéré comme un

courant de marge ?

Afin d'en apprendre plus à ce propos, il convient de revenir à la définition que propose

Fabien Hein pour cerner le metal. Ce dernier évoque la genèse du mouvement et rappelle son

origine à travers les groupes de hard rock Deep Purple et Led Zepelin, durant les années 70,

parlant d’une « radicalisation autant des sons, des paroles ou de l’imagerie, qui lui ont souvent

valu une réputation sulfureuse et en font un genre musical assez peu répandu dans les médias

grand public, qui l’ont parfois présenté comme une menace sociale pour la jeunesse. »36 En

effet le genre est historiquement boudé des médias en France. Ce constat est remarqué par les

sondés, à qui la question « Diriez-vous qu’en règle général, le metal est mis à l’écart en

France ? » fut posée dans le cadre du questionnaire en ligne. Les enquêtés ont eu à donner un

en réponse un chiffre sur une échelle de un à cinq (avec un correspondant à « pas du tout »,

cinq, « tout à fait »). Les individus se considérant comme metalleux ont donné une moyenne

de 4,08, contre 3,95 pour les autres. Olivier Garnier, ancien directeur artistique de CNR

musique tient à ce sujet les propos suivants :

« A l'époque de Nulle part ailleurs, explique-t-il, la direction de Canal+ savait que le

metal faisait fuir la moitié des téléspectateurs. Si on veut faire de la musique à la télé,

il faut réussir à oublier l'audience. » Ils sont peu nombreux, à la tête des chaînes, à

prendre le risque. Du coup, la même liste réduite d'artistes défile en boucle sur des

plateaux qui ne peuvent recevoir qu'en configuration légère, voire acoustique. Râpé

pour les riffs métalliques. « Si passer à la télé c'est comme au Petit journal, une

chanson réduite à une minute trente, des versions passées à la moulinette, il vaut

36 HEIN Fabien, Hard rock, heavy metal, metal ...: histoire, cultures et pratiquants, Clermont-Ferrand, Séteun, 2004, 320p, p 147.

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mieux ne pas y aller. Sur C à vous, on ne peut même pas installer une vraie batterie,

sinon le décor s'effondre. »37

Il y adonc une historicité de la marge du metal. Des paroles d'Ozzy Osbourne,

chanteur du groupe Black Sabbath, généralement considéré comme premier groupe de metal,

la musique jouée par ce dernier était né d'un désir de transgression38. Il convient dès lors de

contextualiser la naissance du mouvement. Le contexte est celui de la guerre froide, entre

détente et tensions internationales. Le contexte social est également complexe. Black Sabbath

est originaire d’Aston, un quartier défavorisé de Birmingham, ville industrielle qui fut

bombardée pendant la seconde guerre mondiale, dont sera également originaire le groupe

Judas Priest. C'est aussi le moment de la guerre du Vietnam, et des mouvements pacifistes

contre la violence d'un nouvel ordre mondial né du lendemain de la seconde guerre mondiale.

L'heure est donc à la protestation, et la culture s'en fait le medium via les mouvements hippies

et rock, qui s'interalimentent tout en promouvant de nouvelles formes de codes sociaux. Le

metal s'inscrit dans cet héritage du « transgresser par et pour le culturel ». Black Sabbath a

produit son premier album éponyme dans un climat de consensus culturel établi autour de la

pop et du rock dont les codes traditionnels étaient alors en train de passer du transgressif au

mainstream, notamment grâce à la large popularité des groupes de rock britanniques, tels que

The Who, les Rolling Stones ou encore Pink Floyd. Prolongeant plus loin la démarche de

groupes tels que Led Zeppelin et Deep Purple, poussant un peu plus loin les codes musicaux

du rock (d'ailleurs considérés à postériori comme tendant vers le hard rock), Black Sabbath

représente une véritable rupture musicale tant le contenu musical proposé représente une

poussée à l'extrême du parti pris rock initial.

Il est tout à fait possible d'objectiver de manière concrète cette radicalisation. Black

Sabbath est en effet l'un des premier groupe de musique reconnu à faire l'usage d'accords de

quinte diminués. On appelle ces derniers « tritons », qualifiés de Diabolus in Musica 39 au

moyen-âge et même interdits pour leurs consonances dissonantes. Ainsi Black Sabbath

37 SOENEN Marie-Hélène, « Pourquoi la télé zappe la musique metal », Télérama.fr, [ https://www.telerama.fr/television/la-tele-zappe-la-musique-metal,138261.php ], accessed: August 20, 2018.

38 « La véritable histoire de Black Sabbath », February 14, 2016, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=NOGPn_-jr8g ], accessed: August 20, 2018.

39 BIAMONTE Nicole, « »Les fonctions modales dans le rock et la musique metal », L’analyse musicale aujourd’hui, Delatour-France, 2013, p12

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reprend-il les racines musicales blues héritées du rock et du hard rock, autour d'un univers

plus sombre et torturé. Cette volonté de passer outre un cadre de consensus socioculturel peut

d'ailleurs se constater au travers des paroles du groupe, dénonçant par exemple dans la

chanson War Pigs la guerre du Vietnam.40 « Politicians hide themselves away, They only

started the war. Why should they go out to fight, They leave that role to the poor. » Le groupe

s'inscrit donc volontairement dans la marge et la transgression de l'hégémonie politique,

comme culturelle.

Rapidement d'autres groupes emboîtent le pas du combo britannique, jusqu'à exploser

au début des années 80 avec la NWOBHM (New Wave of British Heavy Metal) menée entre

autres par des groupes tels que Iron Maiden ou encore Judas Priest. La culture metal

s'approprie donc progressivement au fil des années ce goût de la transgression et de la marge

par la radicalisation. Corentin Charbonnier parle d’un esprit du « toujours plus loin ».41 On

passe progressivement du chant clair au saturé, des pédales d'overdrive aux pédales de

distorsion pour guitares comme basse. Les rythmes de batterie s'accélèrent, avec l'avènement

du thrash metal durant la seconde partie des années 80. Les lignes de batterie font la part belle

à la complexité, avec par exemple la technique du blast beat, enchaînement rapide et cyclique

de grosse caisse et caisse claire en double croche, ponctuées de cymbales, inspiré du

mouvement punk.

En un peu plus d'une décennie s'est donc opérée la transition symbolique depuis « Sympathy

for the Devil » des Rolling Stones jusqu'à « Number of the Beast » d'Iron Maiden.

Ce détour par la démarche de transgression musicale de la musique metal était nécessaire afin

de comprendre correctement le parallèle que l'on peut établir entre nouvelles formes

d'expression culturelle, et nouvelles pratiques sociales. À l'instar des mouvements rock et

hippie, la musique metal a progressivement créé dans son sillage un réseau complexe de codes

et pratiques sociales diverses.

Afin de mieux les comprendre et d’objectiver empiriquement ces dernières, j'ai mené cinq

observations participatives. J'ai ainsi assisté à plusieurs concert de metal de divers sous-genre,

afin d'en dresser de par constatation les caractéristiques principales de la prestation, du public,

40 Black Sabbath, Paranoid, 1970.

41 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

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ainsi que des pratiques générales récurrentes et observables associées à la culture metal. À ce

titre j’ai trouvé pertinent de croiser la méthode utilisée par Howard Becker avec celle

développée par Harris Harris et Guillemin dans Developing sensory awareness in qualitative

interviewing: A portal into the otherwise unexplored.42 (2011) Ces travaux appartiennent au

courant assez marginal en sciences sociales de l'ethnographie sensorielle. Domaine très peu

exploité en sociologie moderne, mais dont la mobilisation m'a semblé pertinente en contexte

de concert, qui est un lieu social où les sens et la perception sont particulièrement mobilisées.

En ce sens, Harris et Guillemin prolongent la démarche de Becker et recommandent une

posture de recherche prenant en compte la perception sensorielle de la réalité. Si l’ouvrage

traite principalement d’une emphase des perceptions sensorielles au sein d’entretiens

sociologiques, les auteurs prolongent leur raisonnement et soulignent l’intérêt d’une attention

toute particulière à la stimulation des sens en contexte de recherche sociologique. Une

méthode participative avec emphase sur l’expérience sensitive et les stimulus sensoriels sont

de ce fait autant de mediums sociaux pertinents à interroger, notamment en condition de

concert où les sens sont sollicités de façons plurielles : contacts physiques, parfois soutenus

en condition de concert de metal, l’audition bien sûr, mais également la vue. Les sens sont

« un portail utile pour délivrer une vision interne au sein d'un type d'expérience qui disparaît

aisément avant que l'on ne puisse mettre le doigt dessus. »43

Afin de mener cette étude, j'ai opté pour le concert de metal comme terrain privilégié,

puisqu'il réunit une grande variété de profils différents. De plus, il est le théâtre d'enjeux

symboliques extrêmement importants. Il est souvent considéré comme une forme de

consécration, un passage obligatoire en terme de légitimité au sein de cette communauté. Le

sociologue Français Corentin Charbonnier parle d'ailleurs de véritable « pèlerinage » dans son

ouvrage Hellfest : un pèlerinage pour metalhead44, tant la charge symbolique de ce type

d’événement est importante. C'est de fait le théâtre d'un foisonnement social et d’interactions,

donc en ce sens un endroit privilégié où étudier les pratiques associées à la culture metal. Au

lendemain de cette étude ethnographique, j'ai donc pu recueillir un corpus conséquent de

42 HARRIS Anna et GUILLEMIN Marilys, « Developing Sensory Awareness in Qualitative Interviewing », Qualitative Health Research, 2011, vol. 22, no. 5, pp. 689–699, p. 689-699, [ http://dx.doi.org/10.1177/1049732311431899 ]

43 HARRIS Anna et GUILLEMIN Marilys, « Developing Sensory Awareness in Qualitative Interviewing », Qualitative Health Research, 2011, vol. 22, no. 5, p 691 « Experiences and instances of fleeting sensory experiences that have vanished before one has been quite able to put a finger on them »

44 CHARBONNIER Corentin, Le Hellfest: un pèlerinage pour metalheads, Azay-sur-Cher, IRMA, 2017.

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pratiques récurrentes, mais aussi d'observations plus marginales. J'ai également dressé comme

le recommandent Harris et Guillemin une forme de bilan de ma propre expérience sensorielle

durant l’événement.

À partir des résultats obtenus lors de mes observations, j'ai pu noter des pratiques

récurrentes, que je classerai en deux catégories : les pratiques individuelles à priori, et

collectives à priori, selon si elles engagent expressément un seul individu ou plusieurs. Il est

évident que les pratiques dites « individuelles » revêtent également et particulièrement dans ce

contexte un caractère collectif sur lequel nous reviendrons plus tard, cependant il me semble

opportun dans un soucis de clarté de les distinguer de cette sorte dans un premier temps.

Parmi les pratiques individuelles, j'ai pu observer de manière générale des façons

particulières de se vêtir. La couleur noire prédomine et les vêtements à l’effigie de groupes

prolifèrent. Parmi les plus populaires, t-shirts et casquette. Les imageries mises en valeur

tiennent tantôt de l'abstrait, tantôt du gore et/ou de la science-fiction. On pouvait également

noter de nombreuses vestes à patchs parmi les participants. Il s'agit de vestes dont les manches

sont coupées, sur lesquelles sont collés des patchs de tissus à l'effigie de groupe, ou de

symboles affiliés au metal. Ces symboles mobilisent le même type d'imagerie mentionné plus

haut. Par ailleurs, on remarque de nombreux hommes aux cheveux longs, même si cette

caractéristique n'est pas systématique. J'ai également pu dénombrer un nombre conséquent de

piercings, écarteurs, tatouages chez les hommes comme chez les femmes. Ainsi les façons de

se présenter en concert sont-elles bien particulières bien que assez hétérogènes. Les profils et

les combinaisons de pratiques sont multiples, et on dénombre également un nombre

conséquent de profils « lambda » ne réunissant aucune ou peu de ses caractéristiques.

Parmi les pratiques que j'ai choisi de qualifier de collectives, j'ai pu principalement les

relever au moment de la prestation scénique des groupes se produisant. Tout d'abord, la

pratique la plus récurrente que j'ai pu constater à de nombreuses reprises, et à chacune de mes

observations fut le signe dit « des cornes ». Il s'agit de lever un poing fermé, index et

auriculaire relevés, dans le but de mimer un symbole de cornes. Ce signe popularisé par le

défunt chanteur de heavy metal Ronnie James Dio a été largement réapproprié par la

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communauté metal45 en tant que signe distinctif. Souvent critiqué pour rappeler les cornes du

diables, Dio disait pourtant tenir ce signe de sa grand-mère qui y voyait au contraire un

moyen de « repousser le malin ». La pratique de ce signe intervenait généralement en cas de

stimulation du groupe à l'adresse du public. En fin de chanson par exemple, ou en guise de

ponctuation de mots de remerciement des artistes par exemple, sur un modèle de

reconnaissance, de gratitude, similaire à un applaudissement, les deux se mêlaient d'ailleurs à

plusieurs occasions. La comparaison s'arrête toutefois ici, tant le signe semble symboliser

également une forme d'appartenance et de reconnaissance collective tacite, explicitée le temps

d'un geste. D'autres pratiques collectives très caractéristiques et plus extrêmes dans leurs

expressions peuvent être notées. On peut citer notamment la pratique du pogo. Cette pratique

mobilisant plusieurs acteurs implique de projeter son corps, notamment ses épaules et ses

avants bras vers ceux d'autres acteurs de sorte de se retrouver ballotté de collision en collision.

De nombreux dérivés existent, se basant de même sur le contact selon des caractéristiques

propres, entre autres le wall of death, le mosh-pit, le circle-pit pour ne citer que quelques

exemples. L’attention sur les modes sensoriels de socialisation de cette pratique est ici très

pertinente. En effet on peut constater que l’ensemble des pratiques citées ici en tant que

collectives répondent à un stimuli de sens. Les cornes du diables ponctuent souvent la fin d’un

morceau où un appel des artistes eux-mêmes. C’est aussi le cas des mogos, circle-pits, wall of

death, bien souvent provoqués par les artistes eux-mêmes, principalement le chanteur assurant

souvent le rôle de communication entre scène et fosse. Ainsi Scott Lewis, chanteur du groupe

Carnifex vu au Sylak encouragea à sept reprises le déclenchement de circle-pits. On remarque

des pratiques similaires chez Psykup, Sepultura, Parkway Drive… Les pratiques du pogo,

circle-pits, wall of death sont donc foncièrement sociale et impliquent une forme de

reconnaissance, qui n’est pas systématique. Il est arrivé que certains groupes souhaitent

déclencher un circle-pits sans succès. J.C le mentionne au sein de l’entretien que j’ai mené

avec lui. À propos du pogo, ce dernier considère le faire « quand il y a un morceau qui le

mérite et que quand je l’écoute dans la rue tu vois, j’ai envie de violence. »

Notons ici que si aucune pratique citée n'est systématique chez le festivalier ou même

l'individu participant à un concert de metal, ce lieu et ces codes sont sources de prestige chez

les pratiquants.

J'ai pu relever lors de mon étude du Sylak les propos d'un festivalier à propos d'un de ses

pairs. Celui-ci me confiait : « J'adore ce gars. Comme ça on dirait un gars banal, mais dans un

45 DUNN Sam, Metal : A Headbanger’s Journey, 2005, 95 min

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pogo il est complètement timbré ». J.C de même me racontait l’anecdote de l’un de ses

meilleurs pogos. « J’ai fini les genoux en sang, parce que forcément je suis tombé sur le

béton… Mais c’était génial ! Génial ! ». « C’est même ma récrée pour moi », précisait-il plus

tôt au cours de l’entretien. J'ai remarqué également à plusieurs occurrences des festivaliers

arborant de multiples bracelets de festivals différents, comme témoins de leurs expériences

passées. Cela vient en somme appuyer l'argument de Charbonnier46 au sujet de la valeur

symbolique et prestigieuse du concert de metal. Ces pratiques ne sont donc pas « gratuites »

mais incarnent un sens ainsi que des enjeux de légitimité interne à la communauté metal.

B/ La violence figurative comme medium de transgression

En somme, les pratiques sociales constatées en contexte de concert et de festival

forment une sorte de réseau de codes, qui même s'ils ne sont pas systématiquement suivis sont

tout à la fois cohérents mais également caractéristiques. F.G qui se considère par exemple

comme metalleux et adopte de nombreux codes associés tels que les cheveux longs, les t-

shirts à l’effigie de groupe, ainsi que la fréquentation assidue de concerts déclare clairement

ne pas apprécier les pogos. Ces pratiques ont toutefois ceci en commun qu'elles se

démarquent des pratiques sociales communes par une transgression de ces dernières. On

pourrait argumenter qu'il s'agit là du propre de n'importe quelle culture et/ou sous-culture de

se démarquer d'une culture dite « hégémonique » par la transgression et la marge par rapport à

cette dernière. Toutefois, il convient de remarquer ici qu'il s'opère une marge par la

radicalisation, pour revenir à la remarque de Hein citée plus haut. Ainsi, F.G a mentionné au

cours de l’entretien plusieurs remarques dont il a fait l'objet de la part d'individus étrangers à

la culture metal. Les termes mentionnés vont de la curiosité à la violence verbale : par

exemple « sauvage » ou encore « gars extrême ». Il y a donc là une dimension de

représentations de la communauté metal comme marginale, comme peut nous le renseigner

une définition du C.N.R.T.L du terme « sauvage » : « Qui vit à l'écart des formes de

civilisation dites évoluées, qui est proche de l'état primitif. »47 On a là une représentation de

46 CHARBONNIER Corentin, Le Hellfest: un pèlerinage pour metalheads, Azay-sur-Cher, IRMA, 2017, 218p.

47 « SAUVAGE : Définition de SAUVAGE », CNRTL.FR, [ http://www.cnrtl.fr/definition/sauvage ], accessed: August 20, 2018.

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l’individu en marge de la civilisation. Il y a également, conjointe à cette marge, des

représentations fondées sur une idée de radicalisation, comme le renseigne le terme

« extrême ».

Il est dès lors pertinent d'opérer un parallèle entre radicalisation musicale depuis le

rock et le hard rock vers le metal, à une radicalisation des pratiques sociales qui y sont

associées. Le genre musical se voulant de marge, transpose semble-t-il, et de manière assez

logique, son aspiration à la marge aux codes sociaux qu'il a contribué à faire naître.

Transgresser selon l’acception ordinaire pourrait simplement signifier « aller au-delà ». Or

dans le cas du metal, on peut quasiment constater une démarche du « aller contre ». Les

imageries font appel à des symboles considérés comme touchant à l'effrayant et non au

« traditionnellement attrayant », à savoir les domaines de l'horreur, ou encore la figure du

diable par exemple. À ce titre il est également intéressant de remarquer que l'affiche de

promotion du festival Sylak 2018 auquel j'ai pu assister met en scène la mascotte du festival,

un boxer à l'expression menaçante, émergeant d'un poste de télévision. Il s'agit d'une référence

au film d'horreur japonais The Ring d'Hideo Nakata48, où l'antagoniste émergeait des postes

de télévision pour tuer ses victimes. Il y a donc là des références symboliques à la violence (le

boxer étant couramment considéré comme une race de canidés violents et dangereux), ainsi

qu'à l'horreur.49

Ce type de représentations est commun au discours de la culture metal, puisque déjà

remarqué au niveau des codes vestimentaires associés à cette culture. C’est également un

choix artistique lorsque l’on étudie les pochettes d’albums de metal ainsi que les thèmes

abordés par les musique metal. Corentin Charbonnier en dresse un listing non-exhaustif,

parmi lesquels la mort (Follow the Reaper de Children of Bodom, Master of Puppets de

Metallica), le fantastique la science fiction (Final Frontier de Iron Maiden, Dawn of Victory

de Rhapsody of Fire), voire l’abstraction chez des genres plus modernes (Scurrilous de Protest

the Hero, Are You Kidding Me ? No. De Destrage).50 Les paroles sont ainsi associées à des

thèmes variés selon les genres, avec une récurrence particulière des thèmes du fantastique, de

48 NAKATA Hideo, The Ring, 1997

49 « SYLAK Open Air », SYLAK Open Air, [ https://www.sylakopenair.com/ ], accessed: August 20, 2018.

50 Voir le site internet metal-archives : https://www.metal-archives.com/

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la guerre, de la mort, avec une certaine dimension nihiliste de certains textes.51 Il y a donc une

standardisation des thématiques gravitant autour d’une imagerie violente dans ce qu’elle

évoque. Au niveau des pratiques, nous avons pu voir que certaines d'entre elles impliquant des

contacts corporels relativement brutaux sont également mobilisées et valorisées – ou du moins

considérées comme acceptables – et non pas prohibées ni stigmatisées au sein de ce

paradigme. Le violent n'est pas autre, mais fait partie intégrante du réseau de codes artistiques

et sociaux de la culture metal.

Il y a donc ici une marge cultivée par la radicalisation transgressive. Le principal canal

de de mobilisation de cette transgression réside, nous avons pu le constater lors de notre

analyse, en une double violence au niveau des pratiques : la violence est tout à la fois

picturale mais aussi manifestement physique. Évoquée mais aussi manifestée. Cette violence

physique ne se manifeste pas par une quelconque agression, mais à travers le simple contact

des individus très souvent provoqué en concert de metal. Lorsque l’on garde en tête

l’approche sensorielle privilégiée par Harris et Guillemin52, il apparaît intéressant de noter que

cette pratique de contacts corporels est socialement très symbolique. Pour David Parisi dans

l’article Fingerbombing, or « Touching is Good ». (2008)53, le contact et le sens du toucher en

général représentent au sens un taboo au sein des sociétés modernes. Il est considéré comme

relevant de l’ordre de l’intime et du non-intellectualisé. Plus qu’une pratique violente, le pogo

représente ainsi une violence en cela qu’il enfreint cette règle tacite du toucher comme intime.

Avant de poursuivre notre étude de la mobilisation de la violence par la culture metal

comme mode de transgression, il convient de s'attarder sur le terme « violence », assez

généraliste en tant que tel, afin de décortiquer ses enjeux, nous aidant à préciser le propos de

notre étude.

51 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

52 HARRIS Anna et GUILLEMIN Marilys, « Developing Sensory Awareness in Qualitative Interviewing », Qualitative Health Research, 2011, vol. 22, no. 5, pp. 689–699, p. 689-699, [ http://dx.doi.org/10.1177/1049732311431899 ]

53 PARISI David, Fingerbombing, or “Touching is Good”: The Cultural Construction of Technologized Touch, The Senses and Society, 3:3, 2008, p 307-328

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L'usage de ce terme est d'emblée problématique, si l'on tente de l'associer de manière

systématique à la culture metal. Dans le cadre du questionnaire en ligne à la question « Le

metal et sa communauté sont-ils violents selon vous ? », les réponses sont très

majoritairement orientées vers le « non », tant chez les adeptes de la musique metal que chez

les autres. Il a été demandé aux sondés d'émettre un jugement quant à la violence du metal et

de sa communauté, de un (très peu violent) à cinq (très violent). La moyenne est de 1,65 chez

les auditeurs de metal, et de 1,86 chez les non auditeurs. Cette violence semble désamorcée

au sein des représentations des individus. C.C à propos des pogos juge que « c'est pas doux,

après c'est pas de la violence ». Elle poursuit : « Pour moi quand tu parles de violence c'est

faire mal pour euh... Je sais pas. Que là c'est juste pour bouger. » Ce constat est partagé au

sein de la totalité des entretiens menés. Ainsi la pratique du pogo par exemple implique des

contacts parfois importants, sans pour autant avoir pour finalité cette violence en elle-même.

Le metal semble exprimer de la violence, sans pour autant s’incarner en violence. « Beaucoup

de groupes metal ont essayé de faire peur... y a un truc de l'enfance où on veut dire non à nos

parents » explique Joe Duplantier, guitariste-chanteur du groupe Gojira lors de son

intervention au sein du magazine Quotidien sur TMC.54

Pourtant cette violence fait tout de même l'objet de stéréotypes, comme évoqué plus

tôt dans notre étude. Le metal est toujours associé au satanisme, à l’absence de crédibilité

sociale, à une agression en général.

Pour résoudre cette problématique, il convient dans un premier temps de poser des

mots plus précis sur le terme « violence », dont les représentations peuvent être plurielles.

Mobilisons une fois de plus les définitions proposées par le C.N.R.T.L afin d'affiner notre

recherche. La première proposition proposée est la suivante : « Force exercée par une

personne ou un groupe de personnes pour soumettre, contraindre quelqu'un ou pour obtenir

quelque chose ». Il s'agit en effet de la définition la plus commune, sous-entendant une

dimension de contrainte chez autrui. On comprend par la même occasion la dissociation

apparente du metal et de la violence chez les individus sondés et les enquêtés, rejoignant

finalement les termes employés par C.C, relevés plus haut. En effet ces derniers semblent

distinguer la culture metal d'une potentielle contrainte voire danger. On retrouve en revanche

54 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

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une meilleure définition de la violence mobilisée par le metal lorsque l'on s'intéresse aux

définitions par métonymie relatives au terme « violence ». Pour rappel, la métonymie est une

figure évoquant un concept par le biais d'un terme en désignant un autre par le biais d'une

relation de nécessite quasi-logique. Ainsi le C.N.R.T.L propose-t-il également la définition

suivante : « Expression de la brutalité, d'un comportement brutal. ». Il est également

intéressant de noter que cette définition est illustrée par un court extrait de l'Encyclopédie

Française, tomes XVI et XVII, parue en 1935 et consacrées aux Arts et à la Littérature.55 Cet

extrait traite de la violence au sein de l'art assyrien. « L'art assyrien est d'une violence inouïe:

ce ne sont que lions égorgés, combattant et mourant les muscles bandés, les crocs en bataille,

les griffes ouvertes, têtes et mains coupées, flèches volantes, vautours sur les cadavres en

lambeaux. » La violence ici décrite est semble-t-il figurative, et la définition qui lui est jointe

semble correspondre à la violence que nous avons pu observer au sein de la culture metal.

C'est en effet une violence en tant « qu'expression de brutalité ». C'est donc une

« expression », non une « force exercée » directement pour contraindre autrui. Nous

l’appellerons à ce titre « violence figurative »

Nous l'avons vu, la culture metal mobilise cette forme de violence tant sur les plans

artistiques qu'au niveau des pratiques sociales qu'elle génère. Il convient pour mieux

comprendre les mécanismes de transgression de la culture metal de déconstruire ces derniers,

afin de comprendre en quoi et pourquoi la violence du metal est transgressive, mais aussi ce

que cette transgression implique.

Pour se faire il est pertinent de s'intéresser aux travaux Norbert Elias dans La

Civilisation des Moeurs. (1973) Ce dernier démontre que ce que l'on a naturalisé en société

contemporaine occidentale comme étant « les bonnes manières » est un construit social datant

de l'Ancien Régime. La cour du Roi a vu naître des pratique sociales distinctives signifiant

symboliquement la domination sociale de ses membres vis-à-vis du tiers-état. La réserve et la

maîtrise de ses émotions étaient ainsi valorisées comme caractéristiques de la noblesse de

cour. De fait toute expression de violence était significatrice d'un manquement à sa propre

maîtrise de ses émotions, donc sujette à un jugement social intense. Norbert Elias explique par

la suite comment cette pratique s'est diffusée aux autres couches de la société par une logique

55 « VIOLENCE : Définition de VIOLENCE », CNRTL.FR, [ http://www.cnrtl.fr/definition/violence ], accessed: August 20, 2018.

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de transmission top-down, avant de devenir une caractéristique naturalisée de la vie sociale en

société occidentale.56 Ainsi l'expression de signes de violence devint-elle synonyme dans

certains contextes d'illégitimité sociale, et par la même occasion sujette à marginalisation.

L'unique expression de violence légitime est réservée aux mains de l'Etat comme le précisait

Max Weber dans Le Savant et le Politique. Il y a donc une institutionnalisation de la

répression de la violence. (1963)57

Il serait toutefois naïf de considérer la violence comme totalement reniée de la scène

sociale. On peut citer la pratique de sports impliquant une dimension violente, tel que le rugby

ou la boxe. On peut également penser au registre cinématographique ou les scènes violentes

ne sont, dans une certaine mesure, pas pointées du doigt. On peut fort bien trouver

l'explication de ce phénomène au prisme de la théorie des champs de Pierre Bourdieu, décrite

dans Les règles de l'Art. (2015)58 Il existe au sein de la société des champs avec des règles et

des habitus sociaux très spécifiques, et tout à fait différenciés vis-à-vis d'un autre champ.

Ainsi la violence encadrée et assujettie à un but jugé comme raisonnable dans le cadre d'un

champ donné devient tout à fait acceptable. Dans les exemples donnés la violence est

acceptable puisqu'elle n'est pas sa propre fin : elle fait l'objet d'un assujettissement à la

performance et aux valeurs sportives d'une part. Pour le cas du cinéma, elle sert la mise en

scène et le propos artistique, ou au moins divertissant.

La question légitime à se poser dès lors est la suivante : pourquoi n'est-ce pas le cas

avec la culture metal ? L'exemple cité plus au dessus, se rapprochant le plus de notre propos

pourrait être celui du cinéma, puisque reposant sur un contenu artistique. La violence peut,

comme nous l'avons vu, y être utilisée comme medium acceptable d'expression artistique. La

principale différence avec la culture metal demeure que, comme nous l'avons étudié

précédemment, la culture metal projette la violence de son expression artistique sur les

pratiques sociales dont elle constitue le centre de gravitation. Ce phénomène s'opère ainsi

malgré le fait que, comme nous avons pu le voir plus haut, la violence du metal semble

parfois désamorcée comme n'étant pas une fin en soi. Ainsi la culture metal en tant qu'elle

56 ELIAS Norbert, La civilisation des moeurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973, 514p

57 WEBER Max, Le Savant et le Politique, Paris, Union Générale d’Editions, 1963, 186p

58 BOURDIEU Pierre, Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Poche, 2015, 576p

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projette une forme de violence figurative dans le cadre de pratiques sociales devient

transgressive et par la même occasion sujette à une stigmatisation, puisque semblant dépasser

le simple champ artistique. La violence figurative dont sont emprunts les codes sociaux de la

culture metal forment ainsi une source d'illégitimité par sa dimension transgressive.

C/ Culture de marge, culture de la marge

Dès lors peut-on dire de la culture metal qu'elle souffre de stigmatisation, mais qu'elle

cultive paradoxalement cette dernière. En effet, en favorisant son réseau de codes

explicitement transgressifs des cultures légitimes hégémoniques, il y a une forme de volonté

de marge. On observe donc un double mouvement : celui de marginalisation par l'extérieure

premièrement, avec la mise à l'écart de cette culture par les non initiés. Deuxièmement un

mouvement de marginalisation par l'intérieure avec une valorisation de la marge et une culture

de la transgression par la violence dans sa définition métonymique en tant que symbole tacite.

Des dires des enquêtés se qualifiant de « metalleux », le metal est tout à fait mis à l'écart en

France (en moyenne 4,08 sur une échelle de un à cinq allant du moins au plus à l'écart.)

Toutefois, lorsque ces mêmes enquêtés répondent à la question « Cela vous dérange-t-il ? »

les réponses sont bien plus mitigées, avec une moyenne de 2,78 ( une fois de plus sur une

échelle de un à cinq, allant du moins au plus de dérangement.) Ainsi les metalleux enquêtés ne

sont globalement que moyennement dérangés par l'absence de reconnaissance du metal.

On peut en ce sens observer par le biais de nombreux exemples qu'il y a même une forme de

rejet des cultures hégémoniques plus légitimes, souvent qualifiées de « mainstream ». F.G

emploie d'ailleurs ce terme pour l'opposer au metal. Il prolonge sa pensée en parlant du metal

comme « une composition musicale bien plus soutenue et complexe que ce qu'on peut écouter

de manière casual ». Le discours de J.C en soi ne diffère pas tant que cela de celui de F.G sur

ce point précis puisqu’il opère une distinction entre metal et mainstream, mentionnant dans un

premier temps le fait que « même dans certains festivals mainstream comme le Rock-en-Seine

on a parfois des têtes d’affiches metal. » Pour illustrer d'avantage ce propos, on peut se référer

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à la conférence de Corentin Charbonnier59 au sein de laquelle l'anthropologue français parle

de « refus de la variété, pas de variété, pas de Christophe Maé, pas de mainstream. », comme

un discours largement partagé au sein de la communauté metal. Au sein d'une interview pour

Libération datant de 2017, il emploie une fois de plus le terme « mainstream » pour qualifier

les médias de masse absents du Hellfest en 2006.

En se posant la question du sens précis du terme « mainstream », le dictionnaire de

Cambridge nous précise la définition suivante : « considered normal, and having or

using ideas, beliefs, etc. that are accepted by most people »60, « considéré comme normal, et

comportant ou usant d'idées, croyance, etc... acceptées par le plus grand nombre ». Ainsi on

remarque une forme de rejet de ce qui est acceptable « pour le plus grand nombre » chez la

culture metal. Un rejet du « normal » dont le metal se distingue. Cela rejoint également les

propos tenus par le festivalier cité plus haut lors de cette étude à propos d'un autre camarade

festivalier. « J'adore ce gars. Comme ça on dirait un gars banal, mais dans un pogo il est

complètement timbré. ». Un second festivalier plus tard me confiait ne plus écouter la télé ou

la radio, qu'il qualifiait de « soupe informe et dégueulasse ». Il y a donc un rapport

antagoniste avec la « normalité » au sens « consensuel et socialement hégémonique », que

nous qualifierons de « mainstream ». Cette boîte noire regroupe la musique dite « pop », ou

plus précisément grand public, c'est-à-dire sujets à une diffusion de masse par les médias

principaux (ce que F.G qualifie également de musique casual par ailleurs), mais aussi les

médias grands publics la diffusant, ainsi que le public réceptif à ce type de contenu artistique.

Steel Panther, groupe de glam meal a dimension satyrique chante en 2009 « Death to

All but Metal », « mort à tous sauf le metal »61. Le groupe se joue du discours de certains

groupes de metal qui excluent de l'ordre du légitime tout contenu musical divergeant du metal.

En substance Steel Panther reprend le discours de groupes de heavy metal tels que Manowar,

qui chante vingt ans plus tôt en 1987 dans le titre « Fighting the World »62« Now people keep

59 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

60 « mainstream | signification, définition dans le dictionnaire Anglais de Cambridge », gender pay gap Definition in the Cambridge English Dictionary, [ https://dictionary.cambridge.org/fr/dictionnaire/anglais/mainstream ], accessed: August 20, 2018.

61 Steel Panther, Feel the Steel, 2009

62 Manowar, Fighting the world, 1987

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asking if we're going to change, I look'em in the eye, Tell'em no way, Strips on a tiger don't

wash away, Manowar's made of steel not clay. » Le titre de la chanson (traduisible en

« combattre le monde ») est en lui-même évocateur. L'idée de cultiver une différence voire un

antagonisme est le thème principal abordé. On rejoint ici le rejet du mainstream, c'est-à-dire

du commercial et du aisément écoutable pour le plus grand monde. Ce monde là que

Manowar dit combattre. Lorsqu'Eric Adams, chanteur du groupe chante « Manowar est fait

d'acier, pas d'argile », c'est pour signifier là une légitimité supérieure des codes de la culture

metal selon son propre prisme subjectif. Ce n'est là qu'un exemple prit à part parmi de

nombreux autres, principalement au sein de la mouvance heavy et power metal.

Afin une fois de plus de prolonger notre propos depuis le contenu artistique de la

culture metal jusqu'aux pratiques sociales, nous pouvons également observer la vive aversion

de certains metalleux lorsque des icônes dites « mainstream » tentent de s'approprier des

codes de la communauté metal. En 2015, Kendall Jenner Kardashian s'est faite prendre en

photo vêtue d'un t-shirt à l'effigie du groupe de thrash metal Slayer. En guise de réponse, Gary

Holt, guitariste de Slayer arbora durant l'un de ses concerts un provoquant t-shirt « Kill the

Kardashians ».63 À propos de cet exemple, F.G considère au sein de l'entretien que j'ai mené

avec ce dernier que dans le cas où Kardashian n'écoute pas de Slayer il s'agit « d'appropriation

culturelle bête et méchante, sans comprendre », ce qu'il qualifie de « dommage ». Il y a donc

un profond rejet du mainstream de la part d'une partie du metal, ainsi qu'une forme de culture

de la marge. Corentin Charbonnier64 au sein de sa conférence confie à son audience qu'un

forum de metalleux « élitistes » rechignaient à l'idée que ce dernier ne vulgarise au grand

public les codes du metal. Comme si le metal ne devait pas s'échapper de sa condition

marginale, « underground ». Comme si de même, il perdrait sa substance en se mariant avec

le mainstream.

Dès lors, pourrait-on dire que la communauté metal recherche sa propre

marginalisation voire sa propre stigmatisation ? Elle semble en effet revendiquer sa marge de

par la transgression qui, une fois exprimée par une forme de violence, fait l'objet d'une

63 « EXODUS' Gary Holt Explains His "Kill The Kardashians" Shirt, Still Hates Them », July 12, 2017, Metal Injection, [ http://www.metalinjection.net/latest-news/drama/exodus-gary-holt-explains-his-kill-the-kardashians-shirt-still-hates-them ], accessed: August 20, 2018.

64 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

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stigmatisation puisque perçue comme illégitime, comme détaillé précédemment. Pourtant

l'exemple du t-shirt de Kendall Jenner Kardashian nous pousse à mener plus loin cette

réflexion. En effet ce dernier n'est pas si trivial qu'il n'y paraît. S'il illustre en effet très bien le

rejet de la culture metal vis-à-vis du mainstream, il illustre aussi, il faut le rappeler, une

paradoxale récupération de codes et des icones de la culture metal par la culture mainstream.

À ce titre fut diffusée de 2002 à 2005 sur MTV l'émission « The Osbournes » mettant en

scène le chanteur de metal Ozzy Osbourne et sa famille dans un contexte de télé-réalité.

Encore une fois cet exemple a le mérite d'illustrer à la fois la récupération de la culture metal

par les portes étendards des cultures dites mainstreams, mais aussi le profond rejet de ce

phénomène par la communauté metal. Pour poursuivre avec l'exemple de la conférence de

Corentin Charbonnier, ce dernier évoque rapidement l'émission. En s'adressant à son public

majoritairement metalleux, ce dernier parle d'un programme « qui nous a tous fait soit très

bizarre, soit très mal au coeur ». Il y a donc une représentation commune et entendue de

dissonance presque douloureuse à l'idée de la pénétration du mainstream dans le metal. Ce

qu’illustre aussi dans une certaine mesure les représentations de J.C concernant la culture

metal dont les connexions avec le mainstream « dénature l’œuvre de base » à ses yeux.

Comment alors comprendre qu'une culture doublement marginale (d'une volonté toute

à la fois intérieure et extérieure à elle-même) puisse produire des codes acceptables pour les

tenants de la même culture mainstream qui est pourtant sensée se poser en antagoniste ? Un

exemple édifiant de ce phénomène est celui de la ligne de vêtement H&M commercialisée en

2015, mettant en image des noms de groupes de metal factices65 dans un but commercial. Les

mêmes codes symboliques sont adoptés : couleurs sombres, figurations abstraites et gores

telles que des têtes de mort ou autres figures fantastiques. Cette démarche n'est pas anodine :

il existe véritablement une demande de l'imagerie metal, et une réappropriation de ses codes

au delà de leurs centres de gravitation, à savoir la musique metal elle-même. Quel intérêt

social dès lors pour quelqu'un n'ayant pas ou peu de connivence avec la culture metal d'en

adopter certains codes ? Poser cette question légitime nous permet de poser par la même

occasion le postulat qu'il existe à la fois une proximité et une distance de la culture metal et

des cultures sinon légitimes, au moins mainstream, plus hégémoniques, traditionnellement

acceptables.

65 « H&M : faux groupes de métal pour vraie ligne de vêtements ? », ARTE Info, [ https://info.arte.tv/fr/hm-faux-groupes-de-metal-pour-vraie-ligne-de-vetements ], accessed: August 20, 2018.

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On pourrait dès lors parler de dualité de la culture metal. Tantôt pointée du doigts,

tantôt récupérée par les cultures plus hégémoniques. Cette dualité va jusqu'à questionner la

condition même de la culture metal en tant qu'illégitime, que nous nous sommes pourtant

employé à démontrer précédemment via nos observations. Le metal semble donc osciller entre

rejet et réappropriation, entre déviance et distinction sociale. En employant ces termes, j'ai

choisi de confronter volontairement deux auteurs ayant travaillé sur les marginalités sociales

et les pratiques artistiques, et dont les œuvres semblent selon moi dialoguer d'une façon

pertinente dans le cas de notre étude. Il s'agit de Pierre Bourdieu pour la notion de distinction,

qu'il développe principalement au sein de son ouvrage La Distinction (1979)66; et de Howard

Saul Becker pour la notion de déviance, élaborée au sein de son ouvrage Outsiders. (1963)67 Il

convient dans un premier temps de fournir une définition succincte des deux termes, avant de

tenter de les mobiliser dans l’espoir d’éclairer les problématiques soulevées vis-à-vis de la

paradoxale marginalité et de l'illégitimité de la culture metal. La déviance évoque la

divergence souvent stigmatisée d'une culture, d'un réseau de codes, par rapport aux

conventions usuelles. La distinction se rapporte aux comportements sociaux d'un groupe

social donné qui trouvent leurs intérêts sociaux subjectifs en cela qu'ils se distinguent des

comportements sociaux des autres. Analyser le paradoxe du metal, objet tant d'appropriation

que de rejet, à la lumière de ces deux concepts pourra nous aider à lever le voile sur

l’ambiguïté manifeste de cette marge.

Abordons tout d'abord le concept de déviance qui semble correspondre aux constats

établis au regard de notre stade d'étude actuel. Un individu est considéré comme déviant au

sens d'Howard Becker lorsque ce dernier n'obéit pas aux codes sociaux hégémoniques,

auxquels il a substitué un autre système de code. Le fumeur régulier de marijuana est déviant

dans le sens où sa consommation est une composante de son identité et de son mode de vie,

qui est en marge du mode de vie considéré comme « socialement acceptable ». Il ne faut

toutefois pas assimiler déviance et illégalité ou même illégitimité. Au sens de Becker, le

musicien de jazz n'est ni 'un ni l'autre, mais bel et bien déviant, en cela qu'il obéit à des

pratiques et codes de marge par rapport aux codes hégémoniques. De la même manière que le

metalleux semble rejeter le mainstream, le musicien de jazz rejette le « cave », c'est à dire le

66 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992, 672p.

67 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

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non-initié aux subtilités du jazz. Le cave est perçu non seulement comme illégitime au prisme

des codes de la culture jazz, mais également comme une menace pour ces derniers68.

Ici les similitudes avec la culture metal sont nombreuses. Ainsi le metalleux peut-il dans cette

mesure être qualifié de déviant dans le sens où ses codes et pratiques sociales ne

correspondent pas au système de code hégémonique. L'individu déviant n'est pas déviant par

essence mais va glisser vers cette dernière, souvent pour des raisons très différentes. Plus

précisément, il s'agit selon Becker de la société qui crée sa propre déviance, puisqu'à l'origine

de ses propres normes conventionnelles. Cela se vérifie encore une fois avec l'exemple de la

culture metal, puisque comme nous l'avons vu, le tissu social a construit l'ordre du convenable

et du non convenable. Une culture socialement déviante propose ainsi son propre système de

légitimité, de codes et de pratiques propres, distinctes du système usuel. C.C qualifie à ce titre

le metal de musique « incomprise », précisant que « beaucoup de choses incomprises sont mal

vues ». Le metalleux est incompris car « autre », déviant. Ce mécanisme met en jeu par

ailleurs une démarche de construction cohérente d'un soi social, dont nous reparlerons plus

loin au sein de notre étude. C'est donc le fruit d'un travail actif de l'individu qui met en jeu

des stratégies individuelles, et également en un sens une forme d'intérêt social. Il y a donc une

véritable construction personnelle du metalleux au sein de la marge, de la déviance au seins

de Becker.

C'est ici qu'intervient la seconde notion que j'ai choisi de mobiliser dans ce contexte, à

savoir la notion de distinction sociale. Pour Pierre Bourdieu, les différents groupes sociaux

mobilisent des pratiques sociales différentiées dans le but de se distinguer socialement

d'autres groupes.69 C'est par exemple le cas des pratiques de cultures dites les plus

« légitimes » comme le goût pour l'opéra ou la musique classique. Il s'agit de pratiques

exigeantes en terme de capital culturel, et qui nécessite un effort particulier pour en jouir

pleinement. Encore une fois, cette notion d'effort et de construction est centrale. L'acteur va

mobiliser certaines pratiques distinctives subjectivement avantageuses sur la scène sociale,

selon le contexte. La particularité de la culture metal comme nous avons pu le constater est le

caractère transgressif volontaire et assumé de ses codes. Cette caractéristique est par nature

distinctive des normes qu'elle entend transgresser. Il y a donc dans certains cas et dans

certains contexte un avantage social à adopter les codes de la culture metal, puisqu'ils

68 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

69 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992, 672p.

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incarnent eux-même par nature une forme de distinction. Il est dès lors compréhensible

d’observer ce culte de la marge au sein des individus s’appropriant la culture metal. Si les

individus se déclarant metalleux au sein du questionnaire en ligne notent à 4,08 sur cinq la

véracité de la locution « le metal est mis à l’écart en France », les avis sont beaucoup plus

partagés quant il s’agit de se prononcer sur le dérangement suscité par cette situation. Si la

moyenne se situe à 2,78 sur cinq (avec un correspondant à « pas du tout dérangé », et cinq

pou « tout à fait dérangé »), les résultats sont assez bien répartis.

La mobilisation avantageuse de la valeur distinctive de la culture metal présuppose

que le contexte social, c'est à dire le milieu social théâtre d'interactions au sein duquel évolue

l'individu, soit tolérant à l'expression relative de la violence figurative dont est emprunte le

metal, et ce d’autant plus pour un non-adepte de la culture metal. Cela explique aussi la

volonté relative et interne de marginalité de la part de la communauté metal, qui désire

cultiver sa différence et limiter la perméabilité de la communauté à ces mêmes non-adeptes

qui menacent leur propre distinction. Il apparaît en effet cohérent que des individus, y compris

non affiliés à la culture metal, soient tentés d'en emprunter certains codes pour la valeur

sociale distinctive qu'elles incarnent. Se vêtir d'un t-shirt à l'effigie d'un groupe de metal, c'est

donc afficher une composante subversive et donc distinctive de sa propre identité sociale. À

ce titre, parmi les individus ayant répondu au questionnaire en ligne et précisant n'écouter

qu'occasionnellement voire pas du tout du metal, 29,8% disent se vêtir au moins

occasionnellement de t-shirt de metal.

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Les codes associés à la culture metal, bien que violents et donc souvent marginalisés

peuvent donc faire l'objet d'une réappropriation par les cultures hégémoniques dites

mainstream, donc acceptables, qui y trouvent une matière première au haut potentiel distinctif.

La culture metal est donc construite comme illégitime, mais possède néanmoins un potentiel

distinctif, socialement acceptable voire récompensé. Que penser dès lors de cette marge qui au

final semble nourrir la norme ? Puisqu'adopter l'ensemble des codes du metal est synonyme

de risque de marginalisation, il y a semble-t-il une limite à ne pas dépasser quant à la

réappropriation socialement avantageuse des codes du metal. Où se situe cette limite ?

Certaines pratiques telles que le port de t-shirt font l'objet d'une récupération, or ce n'est pas –

ou moins - le cas d'autres pratiques telles que le pogo ou le wall of death en concert, ou plus

naturellement l'écoute de la musique metal. Pourquoi certaines pratiques ont un potentiel en

terme de gratification sur la scène sociale hégémonique et non d'autres ?

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SECONDE PARTIE Les modes d’appropriations pluriels de la culture metal

A/ Les mises en scènes de la culture metal

Si l'on s'intéresse de plus près à l'appropriation de la culture metal par le mainstream,

on remarque qu'il y a une forme de dilution de la première au sein de la seconde. En plus des

exemples déjà évoqués, j’ai choisi d’étudier le cas du passage du groupe de metal Français

Gojira dans le magazine Quotidien diffusé sur TMC le premier février 2017.70 Il s'agit du

premier et unique passage d'un groupe de metal sur le plateau de cette émission, et l'un des

très rares exemples de diffusion d'un groupe de metal aux horaires de grandes écoutes sur une

chaîne télévisée. Il est pertinent de réaliser une analyse de discours du passage de Gojira au

sein de cette émission, dans le sens où cela constitue une mise en scène symbolique d'une

récupération de la culture metal au sein d'un environnement mainstream.

Le groupe est présenté par Yann Barthès, l’animateur comme « le groupe de metal le plus

important au monde selon Metal Hammer », et précise que « pourtant, ils ne passent jamais à

la télé. » Le message tacite passé ici est donc que le magazine Quotidien va se distinguer du

reste de la « télé » en transgressant la censure du-dit groupe. Le présentateur souhaite par la

suite « évacuer les clichés » en assurant que le groupe ne « les mangeraient pas dans les

premières secondes », puis en se surprenant de l'absence de tatouages. Il y a ici derrière un

désamorçage de stéréotype, un rappel de la différence. Ce rappel est renouvelé, lorsque le

présentateur évoque la nomination du groupe au Grammy's et leur demande ironiquement si

les musiciens comptent s'y rendre dans leurs tenues actuelles, des tenues sombres mais sobres.

Il y a encore un fois un rappel tacite de codes différents : Il est demandé au groupe comment

ce dernier s'en sortira sur une scène sociale légitime, à laquelle ils n'appartiennent pas. Sous-

texte à moitié avoué lorsque Barthès demande au groupe si leurs femmes écoutent du metal,

70 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

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Joe Duplantier répond que « non globalement leurs femmes sont tout à fait normales ». Il y a

donc toujours ce rapport et cette divergence soulignée face à la normalité. À ce propos,

lorsque le présentateur demande au groupe pourquoi ils ne sont pas nominés aux victoires de

la musique, ni diffusés sur les grands médias, Mario Duplantier, batteur du groupe répond que

le metal est un style « underground », et qu'ils n'ont pas besoin de grands médias pour avoir

une carrière. Son frère Joe, chanteur du groupe renchérit : « on veut pas se plaindre de ne pas

être présents dans les médias mainstreams, c'est une musique rebelle, fruit d'une société

rouleau-compresseur où c'est un peu le règne de la compétition... Nous on est un peu à

l'opposé de tout ça, donc on peut pas demander à être présentés aux victoires de la

musique... » Un culte de la différence revendiqué, en contexte de domination symbolique tout

de même, puisque le théâtre de cette interview est une chaîne mainstream tout à fait acceptée

socialement. Cette différence fait donc l'objet d'une domestication et d'une forme de

soumission : lorsque sur recommandation du groupe est diffusé le morceau Chaos AD du

groupe de thrash/death metal Sepultura, les sourires et les rictus se multiplient tant chez les

invités que chez le présentateur ainsi que son public. Tantôt gênés, tantôt moqueurs, tantôt

bienveillant,s on peut aisément rapprocher ces réactions de celles des députés face à

l'intervention de Patrick Roy71 dans l'exemple que nous traitions en début d'étude.

La culture metal est donc récupérée par le media mainstream, mais maîtrisée,

assujettie à ses propres finalités : la distinction par la transgression. Il ne faut toutefois pas

tomber dans une diabolisation aveugle du média ou encore une victimisation du groupe,

puisque ce dernier tire aussi son épingle du jeu de par une meilleure visibilité, en contexte de

bienveillance relative, ou du moins d'absence de malveillance explicite, avec une volonté de

diffusion d'une culture souvent cachée. Le mainstream compose donc avec le metal et sa

violence, en maîtrisant cette dernière. On grossit volontairement le trait pour montrer son

caractère bénin et n'en garder que sa composante transgressive, de la même manière qu'une

célébrité choisirait de se vêtir d'un t-shirt de Slayer. Il y a là encore une fois une construction,

et plus encore une mise en scène. L’émission Quotidien est un théâtre au sein duquel jouent

des acteurs sociaux adoptant un certain rôle. Ainsi les interactions y prenant place sont

conditionnées par des constructions personnelles mais aussi par le cadre de l’action, de la

même manière qu’une mise en scène. On peut rapprocher ce constat du propos d'Erving

71 ROY Patrick, « Hellfest : l'Assemblée nationale débat. », April 2, 2010, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UENvu1d9q9U ], accessed: August 20, 2018.

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Goffman dans La mise en scène de la vie quotidienne. (1959)72 Goffman démontre que

l'individu dans son quotidien va en quelque sorte établir une mise en scène de soi même sur la

scène sociale. Cela mobilise la notion de construction qui transparaît manifestement au fil de

notre étude, mais la prolonge aussi en précisant un véritable travail de théâtralisation.

Pour introduire une analyse fondée sur la théorie de Goffman relative à la mise en

scène de soi, il est pertinent de présenter son propos. Ce dernier conçoit l'individu social

comme acteur évoluant sur une scène. En tant que tel, il convient de présenter d'une manière

particulière ses interactions avec certains pairs, avec d'autres également. Il y a donc une

construction du soi sur scène, mais également du soi relativement aux autres. Par ailleurs, si je

choisis de présenter quelque chose à autrui, je choisis d'occulter autre chose. Il y a donc des

conditions, des contextes qui supposent une mise en scène particulière et différenciée selon

les cas. La culture metal et plus précisément les membres qui la constituent opèrent de même

une mise en scène d'eux même selon une forme de théâtralisation.73 Il est intéressant de noter

que cette théâtralisation et cette mise en scène est poussée à l'extrême dans le cas de la culture

metal.

Selon une étude menée par Corentin Charbonier au sein de l’ouvrage Hellfest, un

pélerinage pour metalheads », en moyenne, seul 3 % des participants au festival Hellfest

n’arborent aucun signe distinctif rappelant leur affiliation à la culture metal.74 Ces signes

distinctifs vont du t-shirt de groupe, aux piercings, tatouages ou autres ornements, dont nous

avons dressé une liste non exhaustive plus tôt dans notre étude. Le public metal est donc

attaché à montrer son appartenance, à mettre en scène cette dernière. Parmi les individus se

déclarant metalleux au sein du questionnaire en ligne, 54,2 % affirment porter un t-shirt de

metal, fréquemment, très fréquemment ou bien tout le temps.

J’ai également pu observer ce phénomène de mise en scène de soi lors de mon étude

participative au festival Sylak. J’ai pu noter outre les pratiques citées plus haut une grande

72 GOFFMAN Erving, « The Presentation of Self in Everyday Life », Anchor Books, 1959, 256p.

73 GOFFMAN Erving, « The Presentation of Self in Everyday Life », Anchor Books, 1959, 256p

74 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

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occurrence de déguisements, n’étant pas forcément liés à la culture metal. J’ai pu relever par

exemple des déguisements de Spiderman, de The Dude du film The Big Lebowsky, de

dinosaure, de prêtre, de sorcier, de travesti… Des déguisements parfois intégraux, malgré une

température moyenne d’environ 35 degrés durant les trois jours. Les exemples sont nombreux

et font aussi écho aux tenues de scène parfois théâtralisées des artistes. Les groupes Bloodbath

et In Arkadia arboraient par exemple des « corpse paints ». Cette pratique répandue

notamment chez les groupes de death et de black metal (voir Behemoth, Abbath…)75 consiste

en l’usage de maquillages corporels intégraux, parfois blancs, dorés ou écarlates évoquant le

sang ou la poussière par exemple. Dans un autre registre, le chanteur du groupe de pirate

metal Alestorm était vêtu d’un kilt rappelant les influences folk du groupe.

Opérer ce parallèle entre mise en scène du public et des artistes, nous permet par la

même occasion de nous pencher de nouveau sur la production artistique associée à la culture

metal. Le metal est une culture dont de nombreux portes étendards musicaux usent de la

théâtralisation comme une partie intégrante de leur identité artistique, et par la même, de leur

appartenance à la communauté metal. De nombreux artistes associés à la culture metal jouent

de cette dimension. Ozzy Osbourne cultive par exemple une image occulte, se faisant

communément appeler « The Prince of Darkness », le « Prince des Ténèbres ». Rob Halford,

chanteur du groupe Judas Priest arrive fréquemment sur scène en Harley Davidson. Il y a un

travail volontaire d'exagération et de grossissement du trait lorsqu'il s'agit de metal, et ce

même depuis l'intérieur même de la communauté, chez quelques uns des groupes les plus

reconnus. Le groupe Iron Maiden met bien souvent en scène lors de leurs représentations

scéniques des animatroniques à l’effigie de leur mascotte Eddie, une créature humanoïde

surnaturelle visuellement proche d'un mort-vivant. Le concept de mascotte est de même un

procédé récurrent au sein de la culture metal. Une mascotte est une figure fictive sensée

représenter l'image du groupe. On peut citer parmi les plus célèbres Eddie, pour Iron

Maiden76, Vic Rattlehead, un squelette sourd, aveugle et muet pour Megadeth77 ou encore

Snaggletooth, un sanglier furieux pour Motorhead.78 Si cette utilisation est typique des

groupes les plus traditionnels de la culture metal, des groupes plus contemporains tels

75 Voir le site internet metal-archives : https://www.metal-archives.com/

76 Iron Maiden, Iron Maiden, 1980

77 Megadeth, Rust in Peace, 1980

78 Motorhead, Overkill, 1979

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qu'Avenged Sevenfold79 et la Deathbat, une chauve-souris squelettique ou encore Children of

Bodom80 et Roy, un homme à capuche rappelant la figure de la faucheuse reprennent de même

la « traditionnelle » utilisation de la mascotte.

Encore une fois, on cherche à mettre en scène le propos et à la prolonger voire

l’exagérer par le biais d'un medium propre. Il est important de noter que cette mise en scène

du propos est donc transversale de la culture metal, depuis les groupes plus traditionnels

jusqu'aux plus contemporains. De ce fait, le groupe Ghost se produit en tenues de prêtre et de

cultistes dans le but de prolonger scéniquement le propos de leur discours musical. Ce

procédé est assez courant et les exemples nombreux. De la même façon le groupe Lordi se

produit sur scène en costume de monstres, avec un second degré presque burlesque. Cette

caractéristique est non seulement présente, mais également consciente puisque faisant l'objet

de parodie de groupes reconnus. Le groupe Alestorm dont nous parlions plus haut s’est

produit au Sylak avec un canard gonflable de plusieurs mettre sur scène. Il y a ici une

conscience de la démesure, apprivoisée et détournée pour se jouer des codes traditionnels.

Alestorm étant un groupe de pirate metal dont l’imagerie et les textes s’inspirent des thèmes

marins, le canard gonflable sur scène évoque ce même thème en le réinterprétant d’une

manière parodique. De la même manière le groupe Gloryhammer se joue des codes du power

metal inspirés de folklores fantastiques et les rethéâtralise en mettant en scène des caricatures

de ces derniers. Ainsi la chanson « The Unicorn Invasion of Dundee » narre l'histoire d'une

invasion de licornes de guerre zombies. Le groupe Steel Panther que nous avons déjà évoqué

pousse encore une fois de la même manière les codes du glam metal à l'extrême.81

On peut interpréter ainsi les pratiques telles que le pogo ou le mosh-pit en contexte de

concert comme des modes de théâtralisation suivant le même modèle. Il est d’ailleurs aisé

d’établir la comparaison à l’aide de l’étude que j’ai pu mener au Sylak. Les concerts d’In

Arkadia et de Bloodbath (étant toutefois deux groupe de sous-genres bien distincts,

rétrospectivement deathcore et death metal) faisant tous deux la part belle à l’utilisation de

corpse paints ont été également le théâtre de nombreux pogos et wall of death. Le concert

79 Avenged Sevenfold, Nightmare, 2010

80 Children of Bodom, Follow the Reaper, 2000

81 Voir le site internet metal-archives : https://www.metal-archives.com/

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d’Alestorm, plus porté sur l’exaltation du second degré a également été le théâtre de pogos

mais aussi de farandoles au sein du public, les gens se tenant par les épaules, traversant la

foule en fil indienne. De même la foule s’est assise, mimant des signes de vénération à l’égard

du groupe lors de la chanson « Hangover ». Ici la vénération tout comme la violence est une

affaire de théâtralisation, de mise en scène.

Comprendre le metal au prisme de la théâtralisation dont il est le lieu permet donc de saisir à

la fois ses modes de transgression, de distinction mais aussi de marginalisation volontaires

internes comme externes, dans la mesure où la violence parfois désamorcée inhérente au

metal revêt son ambiguïté justement de par sa dimension théâtrale.

B/ Une réappropriation à taille humaine : des enjeux d’arbitrages individuels de légitimité

Ce qu'il est important de noter, c'est ici la démarche personnelle qui est mobilisée

derrière cette mécanique. Le metal en tant que culture suscite une réappropriation personnelle

de ses codes. Il y a une différenciation évidente de réappropriation selon si l'individu, ou la

scène sur laquelle il se présente se revendique ou non de la culture metal. Les entretiens ainsi

que le questionnaire en ligne montrent toutefois un rapport bien plus complexe entre

l'individu et la culture dont il s'imprègne selon des mesures et modalités variables. On

remarque par exemple que parmi les individus se déclarant metalleux, le rapport au pogo,

mosh-pits et/ou wall of death est loin d’être systématique avec sur une échelle d’appréciation

de un à cinq une moyenne de 3,19 avec une dispersion importante des réponses.

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De même le rapport à l’identification à la culture metal est le fruit d’un travail à

l’aboutissement non systématique. Parmi les individus ne se considérant pas comme

metalleux, plus de 53,6 % disent pourtant écouter du metal régulièrement voire très

fréquemment.

Ce que l’on peut constater c’est que la culture metal ne fait pas l'objet d'une

appropriation binaire de la part des individus, entre reconnaissance ou rejet total, mais d'un

traitement personnalisé selon une multitude de critères. De très nombreux individus

correspondent à des profils que l'on pourrait qualifier d'hybrides. Ces derniers s'approprient

certains codes propres à la culture metal sans toutefois nécessairement se qualifier de

« metalleux. » La question qu'il convient de se poser dès lors est donc celle des conditions

favorisant ou non l'appropriation individuelle d'une telle culture.

Afin de nous aider dans cette démarche, nous allons nous aider des travaux de Claude

Grignon et Jean-Claude Passeron au sein de l'ouvrage Le Savant et le Populaire publié en

1989 .82 Ces derniers présentent un double écueil lorsqu'il s'agit d'étudier les cultures

populaires : premièrement celui de concevoir les cultures populaires comme les plus

authentiques, en en oubliant leur domination sociale, c'est le piège du populisme.

82 GRIGNON Claude and PASSERON Jean-Claude, Le savant et le populaire: misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Points, 1989, 368p.

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Secondement, celui de n'envisager les cultures populaires qu'au prisme de leur état de

domination social, leur ôtant par la même toute forme de substance autonome. Ce second

piège est qualifié de « misérabilisme » par les auteurs, et peut par ailleurs nous aider à mettre

en perspective les données qui découlent de notre étude jusqu'ici. N'envisager la culture metal

qu'au prisme de sa transgression, donc de sa distance depuis les codes légitimes et/ou

mainstream revient symboliquement à nier l'autonomie de la culture metal et son existence

dans l'absolu, c'est à dire hors de son existence relative au mainstream. Le metal ne serait

alors qu'une marge vis-à-vis de la norme. On peut discuter de cette perspective au regard des

entretiens réalisés.

Les entretiens montrent au contraire une appropriation parfois indépendante de tout

rapport à la culture hégémonique. C.M, étudiant avec qui je me suis entretenu a mentionné au

sein de l'entretien que j'ai pu mener avec lui son affection pour l'instrumentalisation originale

du metal. Ce dernier m’a confié écouter de la musique celtique et folklorique, mais également

du metal folk et pagan metal, des groupes tels que Alestorm ou Korpiklaani qui reprennent

des codes musicaux inspirés des musiques traditionnelles celtiques avec une

instrumentalisation propre au metal. « C’est une approche différente, c’est une approche que

j’aime bien. » C.M ne se considère pas en tant que metalleux, mais s’approprie certaines

pratiques : il va occasionnellement en concerts, porte parfois des t-shirts de metal par

exemple. C’est un profil hybride. Il ne faut ainsi pas considérer la culture metal comme un

réseau imperméable structurant les interactions des acteurs y prenant part , mais plutôt

réorienter notre focale de recherche sur les réseaux personnels et interpersonnels que ces

mêmes acteurs créent à partir de la matière première que représente la culture metal.

Dès lors, puisque l’individu compose avec des codes de cette culture en se les

réappropriant selon sa propre appréciation – et aussi souvent selon son propre intérêt – il est

cohérent de considérer que l’illégitimité de la culture metal n’opère pas en tout lieux et en tout

temps, mais demeure largement subordonnée au théâtre social au sein duquel elle figure. Cela

explique la possible réappropriation par le mainstream de codes metal selon des mesures

variables, sans pour autant résulter en une marginalisation ou une situation illégitimité sociale.

Il ne faut donc pas se figurer la culure metal comme un antagonisme au mainstream par

essence même, mais plutôt comme une entité fluide qui dialogue selon diverses mesures avec

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les cultures mainstreams. En effet si la recherche de marge est une caractéristique fondatrice

de la culture metal, cultiver cette marge nécessite d’entretenir un dialogue avec la norme.

Lorsque l’on parle d’illégitimité sociale du metal, il faut donc être précautionneux en

cela que cette dernière est toujours socialement située. Bernard Lahire au sein de son ouvrage

La culture des individus (2004)83 explique ce phénomène et vient réinterpréter le concept

d’illégitimité sociale. Selon ce dernier, un individu n’est pas soumis à un habitus unique

impliquant une culture soit légitime soit illégitime de manière stricte. Au contraire ses

expériences de vie et son parcours social vont le pousser à piocher au sein de cultures

différentes, parfois légitimes, d’autre fois moins, afin de composer sa propre identité sociale.

Ainsi puisque les individus de toutes classes sont sujets à des dilemmes de légitimité internes,

les modes de dominations sociaux, avant tout construits des individus, ne s’opèrent ni de

manière systématique, ni de manière absolue, c’est à dire en toute condition.

C’est de toute évidence le cas avec la culture metal dont l’illégitimité semble, nous l’avons

vu, désamorcée selon certaines conditions. On remarque que la récupération du metal par les

autres cultures est précautionneuse en cela que ces dernières veillent à ne conserver que

certains codes précis, en délaissant les autres.

Par exemple, le magazine Quotidien choisit de diffuser une performance live du

groupe Gojira84, cependant la fosse n’est pas le théâtre de pogo. Bien entendu les contextes de

concerts traditionnels et de performance télévisée sont à bien des égards différents, et ce

dernier n’invite pas nécessairement à cette pratique, toutefois cela peut également être du fait

d’une violence symbolique latente en milieu mainstream, que nous avons déjà évoqué. De

même, Kendall Jenner Kardashian arbore un t-shirt Slayer, sans autre artifice en tant qu’indice

d’une connivence avec la communauté metal. Le propos ici n’est pas d’affirmer la nécessité

de réunion du plus de codes possibles afin de réellement se revendiquer de la culture metal, ce

qui serait faux. Il est toutefois intéressant de se pencher sur les modes de réappropriation de

cette dernière par des cultures mainstreams. Une analyse de ces outsiders du metal au sens

Beckerien du terme, mais également des profils plus hybrides dont il serait plus complexe de

83 LAHIRE Bernard, La culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, 2008, 777p.

84 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

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jauger l’appartenance ou non à cette communauté, pourra ainsi nous renseigner quant aux

caractéristiques de codes socialement acceptables ou inacceptables, selon le contexte.

Concernant les modes de récupération des pratiques de la culture metal, par une communauté

ne s’en revendiquant pas forcément, on pourrait qualifier ces modes de « prudents », dans le

sens où ils ne sont pas systématiques, mais sont soumis à de nombreuses conditions.

Cette notion de « prudence sociale » peut s’illustrer également de par les résultats du

questionnaire en ligne. On compte au total 325 enquêtés se déclarant « non metalleux »

malgré une écoute au moins occasionnelle du metal. Parmi ces derniers, 154 déclarent plutôt

apprécier les pogos (mentionnant sur une échelle de un à cinq une appréciation d’au moins 3).

Toujours parmi ces 325 enquêtés, 167 mentionnent arborer des t-shirts de metal au moins

occasionnellement. Ces deux pratiques sont discriminantes au sein de l’échantillon des 325

individus qui se diminue de moitié dès lors que l’on ajoute à l’écoute du metal la pratique de

l’un des deux codes mentionnés ci-dessus. Il est d’autant plus intéressant de remarquer que

sur cet échantillon de départ, seulement 91 individus déclarent à la fois plutôt apprécier la

pratique du pogo, et arborer au moins occasionnellement un t-shirt de metal. On diminue

encore une fois les effectifs de moitié à mesure que les codes se cumulent.

Lorsque l’on étudie d’un point de vue parallèle le rapport des individus se déclarant

metalleux, et écoutant au moins occasionnellement du metal aux codes du metal, on remarque

que ces derniers sont beaucoup moins discriminants. Parmi les 479 individus correspondant

aux critères précédemment cités, 423 mentionnent le port au moins occasionnel d’un t-shirt

metal. Parmi ces même 478, 329 ont une vision plutôt positive de la pratique du pogo.

Lorsque l’on combine la totalité de ces critères (se déclarer metalleux, écouter au moins

occasionnellement du metal, porter au moins occasionnellement des t-shirts de metal et avoir

une vision positive du pogo), on tombe à 303 individus, soit 60 % de l’effectif choisi

initialement.

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Ainsi la pratique des codes associés au metal est de plus en plus rare chez les individus

à mesure que ceux-ci se cumulent. L’agglomérat de ces derniers chez les individus ayant une

représentation d’eux-mêmes en tant que metalleux semble plus aisé et envisagé, puisque le

rapport entre individus ne pratiquant que l’écoute du metal, et individus regroupant les trois

pratiques mentionnées est plus faible que chez ceux ne se concevant pas en tant que

metalleux.

Face à ce phénomène, on peut porter deux remarques : Premièrement, il convient de

remarquer que la quantité de musique metal écoutée par les individus joue largement dans la

constitution de l’identité de « metalleux ». Le premier résultat à la question « Pour vous,

qu’est-ce qu’un metalleux ? » est « un individu écoutant majoritairement du metal », tant chez

les metalleux que les non-metalleux. F.G lors de l’entretien que j’ai mené avec lui postule

qu’être metalleux à ses yeux signifie « écouter plus de metal que d’autres musiques ». Dès

lors, si l’écoute du metal joue un rôle subjectivement important dans la construction d’une

identité associée à la culture metal, une différentiation est semble-t-il logique de prime abord,

puisque la proportion d’individus considérant écouter fréquemment voire très fréquemment

du metal est largement plus élevées chez les individus se considérant en tant que metalleux

que chez ceux ne se considérant pas en tant que tel.

Il y aurait dès lors un rapport symétrique entre fréquence d’écoute du metal, et usage

voire cumul des codes de cette culture, puisque le sentiment d’appartenance à l’identité

sociale de metalleux semble corrélée à cette même fréquence d’écoute. Cette remarque

préalable permet de comprendre l’adoption partielle des codes metal de la part des profils

hybrides. Elle fait également écho aux entretiens que j’ai pu avoir avec C.M et C.C,

présentant des profils similaires en cela qu’ils écoutent de façon non régulière du metal sans

se qualifier de metalleux. C.C explique n’avoir qu’un seul t-shirt de metal, et précise plus tard

dans l’entretien ne pas particulièrement aimer participer à des pogos. « Tu perds un peu de la

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musique » explique-t-elle à ce titre. Le discours de C.M n’est en somme pas si différent. Ce

dernier ne participe pas aux pogos car il dit avoir une écoute « plus calme et posée ». De

même ce dernier explique mettre des t-shirts de metal, cependant il nuance rapidement son

propos en expliquant qu’il s’agit de metal de genres « entre grosses guillemets calmes ». Il y a

donc une forme de précaution tacite qui ressort, ce qui nous donne d’ores et déjà quelques

pistes quant à notre seconde remarque. On constate lorsque l’on s’intéresse aux résultats, sans

considérer les représentations d’eux mêmes des individus en tant que metalleux ou non que

chez les 478 enquêtés renseignant écouter très fréquemment du metal, seuls 203 ont en plus

de ce critère un avis plutôt favorable à propos du pogo, ainsi qu’un port du t-shirt de metal au

moins fréquent, soit moins de la moitié de l’échantillon. À contrario, on remarque que 88 %

de ce même échantillon se déclare metalleux. Il y a donc une relation plus prégnante entre la

fréquence d’écoute de la musique metal et la construction de l’identité de metalleux, qu’entre

la fréquence d’écoute et la pratique de codes, à fortiori cumulés.

Si l’on mobilise de nouveau les résultats obtenus plus avant lors de notre étude

concernant la valeur transgressive et distinctive des codes associés au metal de par la violence

véhiculée, ainsi que le potentiel stigmatisant associé, il devient intéressant de confronter cette

dimension avec la pratique concrète de ces codes par les individus se déclarant metalleux et

non metalleux. Il est dans un premier temps pertinent de revenir sur l’étude menée plus haut,

concernant la mobilisation de codes associés au metal en fonction du sentiment

d’appartenance ou non à la catégorie de metalleux. Rappelons que 479 individus se déclarent

metalleux, écoutant au moins occasionnellement du metal. On remarque que partant de cet

échantillon, 49,9 % des individus déclarent avoir déjà été victimes de marginalisation,

stigmatisation, violence physique ou verbale pour leur écoute du metal. Ce pourcentage monte

à 52,2 % lorsque l’on cumule au sein de l’échantillon l’écoute du metal et le port du t-shirt de

metal au moins occasionnel. 51,1 % lorsque l’on cumule au sein de l’échantillon l’écoute du

metal et l’appréciation du pogo. Enfin lorsque l’on cumule au sein du même échantillon les

trois variables citées (écoute du metal, port de t-shirt, appréciation du pogo), on obtient un

pourcentage de 51,8 % des individus déclarant avoir été stigmatisés pour leur écoute du metal.

Dressons de la même manière que précédemment l’étude parallèle de ce pourcentage chez les

individus se déclarant non metalleux. Parmi les 325 déclarés non metalleux écoutant par

ailleurs au moins occasionnellement du metal, 32,3 % des individus déclarent avoir déjà été

victimes de marginalisation, stigmatisation, violence physique ou verbale pour leur écoute du

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metal. Le pourcentage s’élève à 37 % lorsque l’on ajoute seulement l’appréciation du pogo, et

à 42,5 % lorsque l’on ajoute seulement le port au moins occasionnel du t-shirt de metal.

Lorsque toutes les variables sont combinées, le pourcentage redescend à 40,7 %.

Le premier constat apparent est le fait que le cumul des codes, en plus de l’écoute de

musique metal, est vécu comme bien plus stigmatisant chez celui ne se considérant pas

comme metalleux, que chez les autres, dans la majorité des cas. Cette différenciation est de

fait très intéressante : Si dans les deux cas le port du t-shirt se révèle être le plus sujet à

stigmatisation selon les représentations des individus, la situation de port de t-shirt chez les

individus se considérant comme non metalleux et écoutant au moins occasionnellement du

metal implique une augmentation des effectifs ressentant un sentiment de stigmatisation de

10 %. Plus édifiant encore, chez ces mêmes individus, lorsque l’on s’intéresse à ceux qui ne

portent jamais de t-shirt, le sentiment stigmatisation descend à 21 %. Un opinion plutôt

négatif face au pogo produit le même résultat de diminution du sentiment de stigmatisation

avec un retour à 29,8 %, ce qui traduit toutefois une diminution nettement moindre. Même

constat chez les profils se caractérisant comme metalleux et ayant une écoute au moins

occasionnelle du metal, avec une très nette diminution du sentiment de marginalisation

lorsque les individus déclarent ne jamais porter de t-shirt metal (retombé à 32 %, pourcentage

à relativiser tout de même du fait de la faiblesse quantitative de cet échantillon, regroupant

seulement 56 individus).

Cela nous renseigne sur le fait qu’un t-shirt de metal soit potentiellement plus

discriminant sur la scène social qu’un pogo. Par ailleurs, si en valeur absolue la proportion

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d’individus écoutant du metal et arborant un t-shirt de metal, souffrant ou ayant souffert par la

même occasion de stigmatisation est plus importante chez les metalleux que chez les non

metalleux, ces derniers ont plus de « risques » de stigmatisation à arborer un t-shirt de metal

avec une sensation de stigmatisation qui double en terme d’effectifs concernant le port au

moins occasionnel de t-shirt de metal pour des non metalleux écoutant par ailleurs du metal.

Ici rappelons que par nature une étude de type quantitative telle que celle-ci nous renseigne

avant tout sur des représentations, plutôt que sur des réalités objectives. Toutefois ces

représentations sont pertinentes et ont un sens notable dans le cadre de notre étude

puisqu’elles nous renseignent ici sur un « risque social» supérieur perçu par la communauté

non metal de s’approprier le code du t-shirt. Rappelons ici, comme nous l’avons étudié plus

haut que l’individu en tant qu’il met en scène son quotidien est confronté à plusieurs espaces

sociaux différenciés ou il est plus ou moins acceptable de faire pénétrer des codes de nature

relativement transgressive tels que ceux du metal.

Concrètement, il n’est pas si surprenant de constater que la pratique du pogo, ou tout

du moins son appréciation est moins corrélée à une stigmatisation sociale, bien que plus

« extrême » dans le sens où elle mobilise un contact physique, puisqu’elle est circonscrite à un

espace bien précis, celui du concert de metal, où cette pratique est légitime au sein du

paradigme socialement déviant au sens de Becker85 qui y est présent. Le port du t-shirt est au

contraire une pratique mobilisée potentiellement sur une scène quotidienne, où le contrôle

social est plus prégnant car emprunt de cultures plus standardisées et hégémoniques.

L’entretien mené avec C.C illustre d’ailleurs parfaitement ce constat. Et parle du metal

comme « quelque chose de pas très social » et explique s’être « retranché vers la musique un

peu plus commerciale » car « quand t’écoutes du metal […] sauf si t’as plein de potes

metalleux mais sinon, bah t’es un peu mis de côté ». Puisqu’il est ici fait mention de la

dimension sociale du metal, on peut comprendre dans le discours de C.C l’expression

« écouter du metal » au sens « le montrer et le pratiquer socialement ». Cette dernière

interprète cette pratique comme source de marginalisation sociale et présente son détour vers

le « commercial » comme une résultante de ce constat.

85 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

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Il n’y a donc pas de pratique du metal illégitime systématiquement stigmatisante, mais

présentant selon les contextes un potentiel d’illégitimité. Face à ce potentiel, les individus sont

arbitres de leur adoptions ou non des codes. On peut donc dire de ce fait que la culture metal

est propice à l’hybridation, c’est à dire sa combinaison avec des cultures plus légitimes, dans

le prolongement de cette logique de précaution sociale. Les sciences sociales contemporaines

analysent d’ailleurs de plus en plus ce phénomène de profils culturels non congruents et

pluriels. Peterson et Simkus dans How musical tastes mark occupational status groups

(1992)86 parlent d’individus « omnivores » et d’éclectisme culturel. L’heure est semble-t-il de

moins en moins à la stricte dichotomie établie par Pierre Bourdieu87 entre cultures légitimes et

illégitimes, mais aux profils mixtes se réappropriant différentes cultures. On remarque grâce

au questionnaire qu’y compris les adeptes les plus impliqués de la culture metal déclarent

écouter fréquemment d’autres styles de musique. Parmi les individus se déclarant metalleux,

précisant écouter très fréquemment du metal, porter au moins fréquemment des t-shirts de

metal, et avoir une bonne opinion de pogo (supérieure ou égale à trois sur cinq), 84 %

écoutent fréquemment un autre style de musique par ailleurs, ce qui se vérifie de même au

sein des entretiens. Un autre facteur de ces hybridations croissantes est cité par ailleurs par

Olivier Donnat dans Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique: enquête 2008

(2009)88, qui évoque l’essor de la culture de masse, notamment par le biais de la télévision et

d’internet. Ce postulat est corroboré dans une certaine mesure par le questionnaire en ligne. Si

les amis et la familles sont spontanément les deux pôles principaux de découverte du metal, la

principale occurrence au sein de la catégorie « autre » fait mention d’internet (youtube,

vidéos, bande son de séries animées…). À noter toutefois et de manière rétrospective que les

choix mis à disposition pour cette question, certes basés sur des résultats d’entretiens

préalables, sont à posteriori trop arbitraires et limitatifs, notamment la réponse « par hasard »

qui constitue une boîte noire pouvant aisément contenir une part non négligeable de réponses

liées à internet. Cette importance d’internet pour la culture metal, qu’il s’agisse de medium de

découverte ou de relai d’approfondissement, est constatable par une étude menée par Headz

Entertainment, une société de conseil à destination des grandes marques, qui comptabilise

86 PETERSON, R. A. et A. SIMKUS, « How musical tastes mark occupational status groups », Cultivating Differences, M. Lamont et M. Fournier, Chicago, University of Chicago Press, 1992 p. 152-168.

87 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992,672p.

88 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p.

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trois millions de fans Facebook de 10 grands groupes de metal parmi lesquels Iron Maiden,

Metallica, Slipknot.89

Corentin Charbonnier dans sa conférence Metal : histoire et controverse analyse lui

aussi le XXIème siècle comme propice à la propagation du metal via internet et les réseaux

sociaux. 90 Au delà de cet écueil de formalisation du questionnaire, on remarque toutefois une

prégnance notable de l’importance des modes de socialisation que sont les amis et la famille.

Comme le précisent Armelle Bergé et Fabien Granjon dans Eclectisme culturel et sociabilités

(2007)91 la sociabilité est une plateforme d’éclectisme. C’est le cas chez C.M et C.C dont

l’écoute de musique metal remonte à des liens respectivement amicaux et familiaux.

On peut donc lister trois modes d’hybridation : Premièrement un mode volontairement

distinctif mais limitatif répondant au concept de prudence sociale développé précédemment.

Secondement un mode par construction d’identité sociale sous influence de supports

médiatiques de masse tels qu’internet ou encore la télévision. Troisièmement, un support par

socialisations plus directes. Ces modes incarnent avant tout des récurrences observées. Il est

89 SOENEN Marie-Hélène, « Pourquoi la télé zappe la musique metal », Télérama.fr, [ https://www.telerama.fr/television/la-tele-zappe-la-musique-metal,138261.php ], accessed: August 20, 2018.

90 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

91 BERGE Armelle et GRANJON Fabien, « Éclectisme culturel et sociabilités », Terrains & Travaux, ENS Paris-Saclay, 2017 2007, p 195-215

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fondamental de remarquer que, dès lors que l’on parle de réappropriations individualisées et

différenciées, ces trois modes font potentiellement très souvent l’objet de combinaisons et

d’inter-alimentation. L’exemple de C.M illustre par exemple ce principe : Il explique avoir

découvert le metal par « un groupe d’amis », puis avoir « commencé à [s’y] intéresser à ce

moment là », supposant « une découverte sur internet souvent » avec laquelle il a composé de

manière prudente avec, comme nous l’avons évoqué plus haut, une pratique seulement

modérée des codes associés à la culture metal.

Il y a toujours un travail personnel et social plus ou moins prononcé derrière l’écoute

de la musique metal. Du fait du haut potentiel transgressif des pratiques associées, le travail

de construction personnel est d’autant plus important et répond, nous l’avons vu à plusieurs

enjeux. Mario Duplantier, batteur de Gojira avoue au sein de l’émission Quotidien dont nous

avons analysé le discours plus haut que : « Au début le metal c'était pour moi une agression,

puis au fur et à mesure des écoutes j'ai vu une dimension incroyable... […] il faut être patient

et passionné quoi. »92 Il y a une agression tacite et latente lors de la découverte du metal

comme musique comme en tant que culture, du fait de la déviance profonde de ces codes.

Tout comme la musique metal est agressive au non-initié, les codes associés sont une

agression à un soi social, en tant que ces derniers l’exposent potentiellement à un danger.

C/ Public et non-public : une approche générationnelle de la culture metal

Ce travail et cet arbitrage personnel sont relatifs au contexte social de l’individu. Il ne

faut dès lors pas oublier que ce dernier est historiquement et géographiquement situé. Afin de

nous aider à cerner les profils privilégiés en terme d’adhésion à la culture et à l’écoute de la

culture metal, il convient de s’intéresser à une étude plus large que le simple questionnaire

dont nous avons fait l’usage jusqu’à présent. Depuis 1973, le ministère de la culture produit

des rapports au sujet des pratiques culturelles des Français, se basant sur des questionnaires

dont les réponses constituent des données quantitatives riches. Nous nous intéresserons aux

92 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

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études dirigées par Olivier Donnat, Sociologue au Département des études, de la prospective

et des statistiques du ministère de la Culture et de la Communication, produites en 1997 et en

2008.9394 Les deux études sont assez similaires dans la formulation de leurs questionnaires à

priori. Dans le cas qui nous intéresse, la question posée est celle du « genre de musique le plus

écouté », avec pour précision en 1997 la pratique préalable d’écoute de cassettes ou de

disques, mode privilégié d’écoute de musique à l’époque. Les catégories correspondant à la

musique metal ne sont pas tout à fait énoncées de la même manière par ailleurs, elles sont

catégorisées comme « hard-rock, punk, trash » en 1997, et « métal, hard rock » en 2008. On

devine tout de même les mêmes représentations derrière ces termes nébuleux, c’est pourquoi

nous userons du terme « musique metal » comme catégorie regroupant les deux définitions

employées.

Lorsque l’on observe les données de 1997 et de 2008, on peut tout d’abord remarquer que

l’écoute du genre correspondant au metal en tant que musique principale est l’une des moins

fréquentes. C’est la moins fréquente en 2008, et la deuxième moins fréquente en 1997. Il est

toutefois utile de mentionner que l’étude de 1997 fait mention de bien plus de genres

particuliers, mais généralistes dans leur énoncé (musique folklorique, contemporaine,

d’ambiance ou encore de films). On recueille 4 % des effectifs affirmant écouter du metal en

tant que musique principale en 1997, contre 7 % en 2008. Dans ces études par ailleurs, on

remarque que la nature des CSP, le niveau d’étude ou encore la taille des agglomérations

n’influe que peu sur le choix du metal en tant que musique principalement écouté. Tout

d’abord, on remarque que les femmes ont une tendance générale à une moindre écoute

principale de metal que les hommes (ce que l’on constate également par le questionnaire en

ligne, cependant les résultats concernant ce point précis sont à relativiser du fait de la non

équité de participation des genres au sein de l’enquête). L’élément de réponse principal

concernant cet état de fait est l’association des thématiques metal avec la violence, la guerre,

comme nous avons pu le voir, attributs socialement associés aux hommes d’avantage qu’aux

femmes, comme le précise d’ailleurs Raewyn Connell au sein de Masculinities. (1995).95 Ces

stéréotypes de genres tendent à exclure socialement les femmes de la communauté associée à

93 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise, 1998, 14p.

94 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p.

95 CONNEL Raewyn, Masculinities: how masculinities are made and how they differ ; why gender change occurs and how men handle it ; how social science understands masculinity ; how we can pursue social justice in a gendered world, St. Leonards, New South Wales, Allen & Unwin, 1995.

60

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la culture metal. C.C l’avoue à demi mots, « j’ai pas un tête de meuf qui peut écouter du

metal ». L’emploi du terme « pouvoir » est ici intéressant en cela qu’il dénote l’acception

tacite d’un profil « pouvant » ou ne « pouvant pas » écouter du metal. Une femme selon les

représentations usuelles au sens des représentations de C.C ne peut pas écouter de metal sans

avoir un profil particulier, qui diverge donc d’un modèle classique, auquel elle peut

appartenir. Cette différence d’autant plus grande qu’implique donc l’appropriation de la

culture metal chez les individus de sexe féminin peut ainsi expliquer en partie la non

réceptivité de ce public. Il est toutefois extrêmement important de constater qu’au delà du

sexe, le facteur indiscutablement proéminent selon l’étude du ministère de la culture demeure

l’âge des individus. On remarque chez les deux études en effet un rapport décroissant entre

âge et choix du metal. Les individus de 15 à 24 ans demeurent en 199796 comme en 200897 les

plus touchés par l’adhésion à la musique metal. Si l’on observe plus précisément ces données,

on remarque de même qu’il y a une évolution très constante de ce rapport :

Les plus jeunes écoutant principalement du metal en 1997, c’est à dire les individus

situés entre 15 et 24 ans, constituent en moyenne 12,5 % (16 % chez les 15-29 ans, 9 % chez

les 20-24 ans, soit une moyenne de (16 + 9)/2 = 12,5%). en 2008 cette catégorie correspond

aux 25-34 ans, et on observe des chiffres similaires : autour de 11 % d’écoute principale du

metal chez cette catégorie. Il en va de même pour les autres tranches d’âges avec des chiffres

similaires 10 ans plus tard, voire très légèrement supérieurs (l’unique exception notable étant

la catégorie des 25 à 34 ans en 1997 dont le pourcentage augmente de 7 % en 2008, les autres

évolutions étant inférieures ou égales à 2%). On peut en déduire deux phénomènes conjoints :

à la fois une grande fidélité des individus écoutant principalement du metal (avec peu

d’effectifs en moins), et une faible perméabilité de cette communauté (peu d’effectifs en

plus). La fidélité dans le temps n’est pas une caractéristique exclusive au metal : c’est le cas

cas chez les auditeurs de variété française qui représente le genre le plus populaire, et dont les

effectifs ne diminuent pas lorsque l’on prend un échantillon et qu’on le transpose 10 ans plus

tard. En revanche, on observe au contraire un mouvement d’augmentation d’écoute

96 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise, 1998, 14p.

97 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p.

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privilégiée de la variété française chez toutes les tranches d’âge, d’une manière de moins en

moins prononcée plus la catégorie d’âge de départ en 1997 est élevée.9899

D’une manière générale les variations relatives à l’écoute de variété en 10 ans sont beaucoup

plus importantes et inclusives que l’écoute de metal, comme le renseigne le graphique ci-

dessous :

98 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p.

99 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise, 1998, 14p.

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La variation moyenne d’écoute de metal en valeur absolue s’élève à 2,3 %, contre 13,8

pour la variété, soit une variation six fois inférieure entre 1997 et 2008 pour la même

génération.100101 Le metal se distingue donc par sa réserve constante en terme d’effectifs.

Réserve tant au sens d’effectifs restreints, mais aussi d’effectifs constants. Il s’agit en quelque

sorte d’un cercle relativement fermé. On remarque d’ailleurs à travers les résultats de

l’entretien en ligne que plus l’écoute du metal est considérée comme fréquente chez les

sondés, plus la part d’amis « metalleux, ou bien écoutant régulièrement du metal » augmente

en conséquence. Cette part devait faire l’objet d’une note comprise entre un et dix (avec un

correspondant à aucun ami, et dix correspondant à presque tout le cercle d’amis).

100 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise, 1998, 14p.

101 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise, 1998, 14p.

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Il y a ici clairement un écho avec le concept de marge entretenue, précédemment

développé. Cependant ce constat nous révèle par ailleurs et de la même manière une constante

de la non-adhésion des catégories les plus âgées.

L’individu social arbitre a ainsi proportionnellement plus de probabilité de ne pas

adhérer à la musique metal comme musique privilégiée si son âge est élevé. On peut aussi le

constater du fait que la variation d’écoute du metal est plus importante avant le seuil des 35-

44 ans. Il y a toutefois une distinction à établir entre le fait de ne pas choisir le metal comme

musique privilégiée, et le fait de ne pas du tout en écouter. Comme nous avons pu le voir les

profils hybrides sont pluriels et nombreux, et il est probable que parmi les individus ne

déclarant pas la musique metal comme musique privilégiée, certains en écoutent tout de

même une proportion inférieure. Il est également clair que parmi ce même échantillon existent

des individus n’écoutant pas du tout de musique metal. L’étude de ces derniers est

extrêmement pertinente dans notre cas puisqu’exposés ultimement aux mêmes codes que les

passionnés de metal. Face au public metal, on peut qualifier ces hermétiques à la culture metal

de « non-public ». Cette notion de « non-public » est définie par Francis Jeanson dans

l’Action culturelle dans la cité (1973)102 en ces termes : « une immensité humaine composée

de tous ceux qui n’ont encore accès ni aucune chance d’accéder prochainement au phénomène

culturel ». Ce concept d’abord subordonné aux politiques publiques de démocratisation de la

culture a par la suite fait l’objet d’un développement en sociologie pour désigner des non-

publics à un type de culture précis103, et il est pertinent dans notre cas d’appliquer ce concept à

la culture metal. Puisque « les goûts sont avant tout des dégoûts » comme le rappelait Pierre

Bourdieu sur le plateau de l’émission télévisée Apostrophes en 1979104, il convient d’étudier

ces dégoûts du metal comme un rapport à cette culture en tant que tel. Pour se faire, nous

pouvons nous référer une fois de plus à l’étude menée par Olivier Donnat qui en 2008105

décide d’inclure au sein de son questionnaire la problématique du dégoût à travers la question

« Quel genre de musique n’écoutez-vous jamais, ou ne vous plaît pas ». Étudier le non-public

du metal et de sa culture, c’est également s’intéresser aux raisons pour lesquelles des

102 JEANSON Francis, L’action culturelle dans la cité, Seuil, Paris, 1973, 248p.

103 PETERSON Richard. A., Le passage à des goûts omnivores : notions, faits et perspectives, Sociologie et sociétés, Les Presses de l’Université de Montreal, volume 36, numéro 1, 2004, p 145-164

104 Voir : http://www.ina.fr/video/I12012180

105 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p.

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individus ne sont pas touchés par la pratique de l’écoute et des codes associés. Les individus

participant activement ou passivement à la stigmatisation du metal faisant à priori parti du

non-public – puisque manifestant un dégoût mobilisant les deux sens du termes : le non-goût

et le fait d’être dégoûté – les récurrences relatives à cet effectif pourront nous fournir des

renseignements supplémentaires quant à la marginalisation sociale du metal, et les scènes

sociales au sein desquelles elle s’incarne. Au sein de l’étude de 2008, 57 % des individus

déclarent ne pas aimer la musique metal, soit le genre recueillant le plus de « non-public ». On

remarque que, de la même manière que l’âge est le facteur le plus notable pour l’adhésion au

metal comme genre de musique principal, c’est aussi l’influence la plus notable en matière

d’appréciation de non-écoute. Cette non-écoute du metal est stable en terme de pourcentage

jusqu’à la catégorie des 35 à 44 ans. Au delà de cette catégorie, c’est à dire dès les 45 ans, on

observe une très nette augmentation du dégoût du metal au sens « absence de goût » pour ce

style de musique.106107

106 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p.

107 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise, 1998, 14p.

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On observe par ailleurs le même phénomène en terme de CSP, puisque les

pourcentages sont généralement variables, mais nettement plus élevés chez les retraités qui

constituent strictement la seule CSP dépassant systématiquement dans ses cinq incarnations

(anciens indépendants, anciens cadres, anciennes professions intermédiaires, anciens ouvriers

anciens ouvriers) les 70 % de dégoûts. Il est d’autant plus intéressant de remarquer que chez

les autres CSP, les statistiques de « dégoût » n’excèdent qu’à deux occurrences les 60 % (chez

les femmes au foyers et les inactifs). L’âge est donc un paramètre important de

l’imperméabilité face au metal. Il est pertinent grâce à cette même étude d’observer que le

rapport au metal en fonction de l’âge est quasiment similaire au rapport à la musique hip hop

et rap. 108

Il y a un rapport générationnel aux cultures rap et metal, qui peut se comprendre par

l’émergence temporellement proche des deux genres en France. Sébastien Barrio dans

Sociologie du rap français, état des lieux (2000/2006) (2008) estime son émergence en France

en 1979 avec le morceau Rapper’s Delight du groupe Sugarhill Gang, et sa popularisation via

l’émission télévisée H.I.P.H.O.P diffusée sur TF1 dès 1984.109 Cet ancrage historique n’est pas

si différent de celui du metal, avec l’essor du heavy puis du thrash metal dans les années

1980, et en France du groupe Trust dès le début de cette même décennie. 110

Pour aller plus loin, prenons l’année 1980 comme date symbolique en France. Cette

année représente la sortie de l’album Repression du groupe Français Trust, sacré disque d’or

en moins d’un an et totalisant au total plusieurs millions d’exemplaires vendus, notamment

grâce au bien connu Antisocial.111 On compte parmi les très nombreux albums massivement

influents du courant sortis la même année les albums British Steel de Judas Priest, Ace of

Spades de Motorhead, Heaven and Hell de Black Sabbath, Blizzard of Ozz de Ozzy

Osbourne, ainsi que l’album éponyme Iron Maiden, premier album du groupe Iron Maiden.

108 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p/

109 BARRIO Sébastien, Sociologie du rap français état des lieux, 2000-2006, Saint-Denis, Université de Paris 8, 2008, 340p.

110 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

111 New Music, « Trust », Janvier 1983, voir : http://trust.connection.free.fr/PRESSE%20TRUST/1983/new%20music%2083.pdf

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En 2008, les individus âgés de 45 ans, âge semble-t-il charnière quant au rejet du

metal comme nous avons pu le voir, avaient 17 ans en l’an 1980. Si nous analysons ce

contexte au prisme des résultats trouvés précédemment quant à la réceptivité et

l’appropriation potentiel du metal, nous pouvons tout d’abord souligner des modes

médiatiques plus modestes que dans le cadre du contexte actuel, dans le sens où si la

télévision connaissait en effet son essor, internet n’était pas encore un média d’actualité. De

plus l’âge de 17 ans suppose une socialisation primaire déjà accomplie. Emile Durkheim dans

Education et Sociologie (1922) distingue socialisation primaire et secondaire.112 La

socialisation primaire repose principalement sur des pôles tels que la famille et l’école et dans

un cadre moins formel les pairs, opérant durant l’enfance. La socialisation secondaire

intervient à la fin de l’adolescence et au début de l’âge adulte et constitue un prolongement

des fondements acquis lors du mode de socialisation primaire. L’assimilation ou non de la

culture metal à une identité sociale, ou la simple pratique de l’écoute du metal relève dans

notre exemple, selon les conditions citées d’un mode de socialisation secondaire. Les

individus n’ont majoritairement pas pu avoir l’occasion de s’imprégner plus tôt de cette

culture, puisque cette dernière ne se faisait que très discrète avant la fin des années 70 et le

début des années 80, de part sa jeunesse. On pourrait toutefois supposer qu’à travers la

continuité existante entre culture hard rock et culture metal, les aficionados de la première

auraient pu basculer vers la deuxième, cependant comme nous l’avons vu, la radicalisation est

telle que rien ne prouve que cette transition fût systématique. D’autant plus que la culture hard

rock, déjà subversive en tant que radicalisation du rock, nécessitait déjà un travail de

construction prématuré chez les individus. Patrick Eudeline lors d’un article publié au sein

d’un numéro du magazin Rock & Folk du premier juillet 2017 parlait du morceau Race with

the Devil du groupe de rock/hard rock britannique Gun, sortie en 1968 en ces termes : « moi

et mes quinze ans, on trouvait le morceau sauvage. Même si on aimait ça presque en cachette

[…] le hard rock c’était l’ennemi. » Ce type de représentation peut très bien se transposer 10

ans plus tard, chez des individus de 15 ans en contexte d’émergence de la culture metal. 113

On comprend donc par la même occasion que parmi la population de non-public, la principale

explication de cette imperméabilité demeure la non exposition sociale primaire du fait de la

112 DURKHEIM Émile, Éducation et sociologie, Paris, PUF, 2013, 51p.

113 Eudeline Patrick, QUAND LE HARD ROCK DEVIENT METAL, Rock & Folk, 1er juillet 2017

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marge de cette culture. Si l’adhésion aux codes de la culture metal ne s’établit donc pas

nécessairement pendant la période de socialisation primaire, cette dernière semble

conditionner dans une certaine mesure cette adhésion qui pourra prendre forme plus tard.

Peter Berger et Thomas Luckmann au sein de La construction sociale de la réalité (1967) 114

précisent à ce titre que la socialisation secondaire peut rediscuter les normes et valeurs

fondées en socialisation primaire, mais pas les effacer totalement. Cela explique par ailleurs la

forme de « path-dependency » existante lors du suivi des individus écoutant principalement

du metal entre 1997 et 2008, mais également le phénomène selon lequel proportionnellement,

les tranches d’âges équivalentes écoutent plus de metal en 2008 qu’en 1997 : les modes de

socialisation primaire impliquant le metal sont facilités en contexte contemporain, où la

culture metal est déjà installée. Philippe Manoeuvre, ancien journaliste et critique pour le

magazine Rock & Folk reconnaît cette évolution dans une interview accordée en 2011 à Radio

Metal :

« Regardez Metallica, ils ont mis longtemps avant d’écrire « Enter Sandman » et pour

moi c’était la fin du truc ! (rires) C’était la fin créative mais au départ c’était autre

chose : ils venaient comme toute nouvelle génération. Je crois qu’une nouvelle

génération qui arrive, il faut qu’elle ait envie de dégager les vieux et là aujourd’hui

c’est ça qui est gênant, les jeunes qui arrivent ont le respect des vieux. Nous, on

l’avait pas. Moi je voulais dégager l’accordéon, c’était des trucs abominables. »115

La question générationnelle est donc cruciale : il est plus aisé en contexte

contemporain d’écouter du metal, puisque ce dernier est bâti sur des codes déjà ancrés. Il

apparaît dès lors logique de comprendre la réaction des députés face à l’intervention du

député Patrick Roy, puisque pour ces derniers, dont l’âge moyen était de 54 ans en 2012.116 la

légitimité d’une telle culture elle générationnellement improbable. C’est également le cas par

exemple de la mère de C.C, comme le souligne cette dernière en entretien, âgée de bientôt 50

114 Berger Peter L. and Luckmann Thomas, The social construction of reality: a treatise in the sociology of knowledge, New York, Anchor Books, 1967, 240p.

115 BLANC Amaury, « On refait le metal avec Philippe Manœuvre ! », November 21, 2011, RADIO METAL, [ http://www.radiometal.com/article/on-refait-le-metal-avec-philippe-manoeuvre,18906 ], accessed: August 20, 2018.

116 HULLOT-GUIOT Kim, « Les députés de 2017 sont-ils si différents de ceux de 2012 ? » , June 19, 2017, Libération.fr, [ http://www.liberation.fr/politiques/2017/06/19/les-deputes-de-2017-sont-ils-si-differents-de-ceux-de-2012_1577920 ], accessed: August 20, 2018.

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ans. Fabien Hein l’admet au sein d’une interview donnée pour le centre IRMA (Centre

d’information et de ressources pour les musiques actuelles) :

« Au dernier concert d’Iron Maiden où je me suis rendu, il y avait trois générations,

qui venaient au concert en famille. Et les trois générations chantaient les chansons !

Depuis la fin des années 1960-début des années 1970, des gens ont grandi et vieilli

avec ces musiques. Au départ, on entendait « c’est de la musique de jeunes, ça leur

passera ». Mais elles sont toujours là et se sont même bien développées. Il y a aussi

quelque chose qui relève de la transmission qui se passe, et c’est très intéressant. »117

Dans la mesure où, comme nous l’avons vu, la pratique de ces codes est fortement liée

dans les représentations comme dans les faits à la fréquence d’écoute, la remarque

générationnelle influant sur les modes de sociabilisation primaire concernant l’écoute de

metal peut raisonnablement se prolonger à la pratique de codes. La socialisation primaire

apparaît dès lors comme une première clé de compréhension des codes de la culture metal.

Encore une fois il est nécessaire de rappeler que cela ne signifie en aucun cas que l’écoute

assidue ou la pratique de codes associés au metal commence systématiquement durant la

période de socialisation primaire. Toutefois peuvent être entrepris des liens plus ou moins

étroits, des connexions distantes ou non avec cette culture durant cette période, qui seront

potentiellement subjectivement acceptables voire appréciables lors d’une socialisation

secondaire par exemple. Il semble apparaître que plus l’individu est exposé aux codes du

metal tard dans sa vie, plus ce dernier a de chances de ne pas y adhérer. Nous avons pu le

comprendre au sein de notre étude précédente, ce phénomène s’explique par le caractère

transgressif de la culture y étant associé, nécessitant ainsi un désamorçage social rapide. Ainsi

les plus jeunes tranches d’âges sont d’avantages susceptibles d’écouter principalement du

metal en 1997 qu’en 2008 puisque l’exposition sociale est globalement supérieure par

diffusion progressive de cette culture au fil du temps. Il convient également de souligner la

barrière du numérique qui éloigne potentiellement les générations les plus âgées d’un mode de

découverte.

117 IRMA, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed: August 20, 2018.

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TROISIÈME PARTIE Culture metal et hybridation : une illégitimité remise en question

A/ Vers la fin de l’antagonisme entre metal et mainstream ?

La persistance des profils écoutant principalement du metal prend donc un autre sens

que celle des profils écoutant majoritairement de la variété. Les enjeux de distinctions révélés

plus tôt expliquent une relation particulière à cette culture. Sa valeur transgressive assure une

marge distinctive cultivée semble-t-il sur le long terme, pour ceux dont le metal représente la

plus grosse part d’écoute. Il y a donc un choix d’identité radical dans ce cas. Pourtant comme

nous l’avons vu, de 1997 à 2010, de plus en plus d’individus se déclarent près à faire se choix.

Cela n’est pas anodin, et compte tenu de la forte propension des gens citant le metal comme

musique privilégiée à user de codes dérivés de la culture metal, on peut parler d’une

multiplication des carrières déviantes au sens d’Howard Becker. Ce dernier définit le terme de

carrière en ces termes « D’un point de vue subjectif, la façon avec laquelle une personne

perçoit son existence comme une totalité et interprète la signification de ses diverses

caractéristiques et actions ainsi que tout ce qui lui arrive. »118

Nous l’avons vu, choisir cette carrière déviante suppose de dépasser une forme de

prudence sociale, et socialement conditionnée par ailleurs. Si le caractère distinctif d’une telle

carrière demeure prégnant, on peut se poser la question du sens de l’augmentation

contemporaine de l’écoute du metal. Si l’écoute du metal en tant que genre privilégié est

118 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

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minoritaire, comme nous le montrent les chiffres d’Olivier à Donnat119120 analysés plus haut,

une augmentation le passage de 4 % à 7 % de 1997 à 2008 représente quasiment un effectif

multiplié par deux en 10 ans, ce qui n’est pas anodin, notamment lorsque l’on observe les

PCS des parents d’individus concernés. On passe d’un effectif majoritairement composé

d’ouvriers et d’inactifs à une majorité de cadres et de professions intermédiaires. Même si de

fait ces effectifs sont réduits, une telle évolution demeure surprenante pour un genre musical

associé à des codes usuellement illégitimes. Il n’est à ce titre que peu surprenant de trouver

une majorité de fils et filles de cadres/professions intellectuelles parmi les individus se

déclarant metalleux au sein du questionnaire en ligne. Bien que ces derniers soient la CSP

majoritaire de l’échantillon enquêté, cela montre tout de même que ce milieu social

économiquement et socialement aisé est tout à fait apte à composer de manière conséquente

avec la culture metal. À ce titre, près de la moitié de cet effectif déclarent porter des t-shirts de

metal au moins occasionnellement. Une étude menée par Corentin Charbonnier121 rendant

compte de la population participant au festival Motocultor souligne qu’au total 41 % des

individus se situent à un niveau d’étude égal ou supérieur à BAC+2, contre une moyenne

nationale de 16 % en 2017. Le sociologue Fabien Hein le remarque également et postule dans

une interview donnée pour le centre IRMA que le public metal en France et varié, voire aisé.

« On trouve dans les publics du metal des ouvriers, des cadres supérieurs, des instituteurs, des

médecins, des infirmières, et même des professeurs d’université ! Les études montrent même

plutôt un profil de type bac+2 ou 3, inséré socialement, en emploi, donc disposant d’un capital

économique. »122

La culture metal n’est donc pas imperméable aux hauts capitaux culturels,

économiques et sociaux, la tendance est manifestement à l’inverse désormais.

Ici, ne perdons toutefois pas de vue la matière brute derrière cette culture, à savoir la

production musicale gravitant autour de la dénomination metal. Cette musique metal subit elle

aussi un mouvement centrifuge vers des codes musicaux plus commerciaux, et un succès en

119 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise, 1998, 14p.

120 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p.

121 Documents encore non consultables du grand public à ce jour

122 Irma, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed: August 20, 2018.

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conséquence. En 1991 sort l’album éponyme de Metallica, totalisant 30 millions de vente à ce

genre, représentant le 29ème album le plus vendu de tous les temps. L’arrivée du néo metal au

début des années 2000 marque le pinacle de l’ouverture des codes musicaux du metal à

d’autres codes tels que le rap ou la musique électronique, comme étudié plus tôt. Les figures

telles que Marilyn Manson deviennent connues du grand public. En 1999 sort l’album Follow

the Leader du groupe Korn, arrivé très rapidement numéro un du Billboard aux Etats-Unis et

s’écoule à 14 millions d’exemplaires. Deux ans plus tard, le groupe Linkin Park sort son

premier album Hybrid Theory, devenu le meilleur succès musical de l’année avec 4,8 millions

de disques vendus aux Etats-Unis, 24 millions au total. En 2009, Linkin Park se plaçait à la

8ème place des artistes ayant vendu le plus d’albums au XXIème siècle, tandis que Metallica

occupait la 14ème. Si ces chiffres reflètent les répercutions internationales, l’écho s’opère bel

et bien en France avec l’album Mezmerize du groupe System of a Down arrivé numéro un des

ventes en mai 2005. L’album Minutes to Midnight opère la même performance deux ans plus

tard, puis Iron Maiden et Metallica à deux occurrences durant les années suivantes.123

Si en France la musique metal demeure en règle général boudée par les médias, comme nous

avons pu le voir plus tôt, elle se fait sa place progressivement, et les codes associés les

accompagnent : la fréquentation des festivals spécialisés français se décuple. Le festival

Sylak auquel j’ai pu assister fait son premier sold-out en 2018. Le Hellfest passe de 45000

festivaliers à 152000 en 2018, soit une fréquentation plus de triplée en 10 ans. 124

« Le Monde, Libération s’intéressent au Hellfest, les grands quotidiens nationaux ont

évoqué le décès de Ronnie James Dio (chanteur et auteur-compositeur de metal, ex-

Black Sabbath, entre autres, NDLR), et plus récemment celui de Jeff Hanneman, le

guitariste de Slayer, lui reconnaissant la place d’un grand guitariste d’un groupe

important. Le regard est un petit peu en train de changer. »

remarque Fabien Hein.125 Un tel phénomène n’est pas sans représenter des

bouleversements à l’échelle culturelle puisque celle-ci entretient de fait une marge certaine et,

nous l’avons vu, volontaire en parti. L’antagonisme avec la culture mainstream, s’il est encore

123 Voir : http://www.chartsinfrance.net/charts/singles.php

124 Voir : https://www.touslesfestivals.com/actualites/le-bilan-des-festivals-de-lannee-2017-121217

125 IRMA, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed: August 20, 2018.

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partiellement présent, demeure relativisé. Au sein du questionnaire en ligne figurait la

fameuse photo de Kendall Jenner Kardashian arborant un t-shirt Slayer.126 Il était par la suite

demandé aux sondés leur ressenti face à cette photo (l’identité de la personne étant précisée de

ce fait). La réponse la plus récurrente chez les individus se déclarant être metalleux fut

« l’inintérêt », réponse trois fois plus récurrente que « l’agacement » arrivant en deuxième

position, et ce y compris en comptabilisant les réponses « autres » s’identifiant à l’une ou à

l’autre des propositions de réponse. L’antagonisme est donc aujourd’hui tout relatif, et le rejet

de l’appropriation du metal par le mainstream manifestement tempéré. S’opère dès lors et par

relation d’inter-causalité une hybridation culturelle. Cette période marque en parallèle

l’explosion des genres de metal, en terme quantitatif. Corentin Charbonnier le souligne au

sein de sa conférence127, cette exposition scinde également le courant en sous-branches selon

une architecture complexe. Rappelons que selon ce dernier, on peut en dénombrer au moins

300 différents. Il est extrêmement intéressant de remarquer par ailleurs que dans le cadre de

l’enquête en ligne, à la question « quel genre de metal écoute-vous ? », 83 réponses

mentionnaient écouter un autre genre que ceux proposés, qui étaient pourtant au nombre de

14. Les genres se multiplient selon un processus conscient de la part des individus.

Ces derniers mobilisent un travail de réappropriation que nous expliquions plus haut, à travers

l’adhésion à tels ou tels genres, au sein même de la culture metal. Ces individus opèrent ce

travail de manière plus ou moins consciente selon le degré d’investissement au sein de cette

culture. Il y a un rapport inverse entre fréquence d’écoute de musique metal et

méconnaissance des genres, comme nous le montre l’enquête en ligne. De même, ce rapport

ce projette de manière logique sur la représentation de soi en tant que metalleux.

126 « EXODUS' Gary Holt Explains His "Kill The Kardashians" Shirt, Still Hates Them » , July 12, 2017, Metal Injection, [ http://www.metalinjection.net/latest-news/drama/exodus-gary-holt-explains-his-kill-the-kardashians-shirt-still-hates-them ], accessed: August 20, 2018.

127 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

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La culture metal aujourd’hui, si elle regroupe sous son dénominatif certaines pratiques

et réalités semblables, semble de plus en plus morcelée en sous-cultures parfois opposées sur

certains points. Le sociologue Fabien Hein que nous citions plus tôt déclare au sein de la

même interview que « La fragmentation des genres et des sous-genres musicaux à l’intérieur

de la scène musicale elle-même produit des effets communautaires et identitaires. De même

qu’un fan de black metal n’ira pas à un concert de reggae, il n’ira pas non plus à un concert de

crustcore. »128 Lorsque l’on se penche de nouveau sur l’étude de Corentin Charbonnier

concernant la fréquentation du festival Motocultor, on observe que les individus se

positionnent clairement sur des genres appréciés, mais également sur des genres de metal non

appréciés. Parmi ces derniers on en retrouve cinq dépassant les 20 % ( symphonic, grindcore,

deathcore/metalcore, neo metal, gothic metal ) se détachant du reste avec une sixième place

occupée par le black metal représentant 15,70 %. Il est intéressant de noter que l’essor des

128 IRMA, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed: August 20, 2018.

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groupes porte-étendards de ces genres se situe à la fin des années 90, début 2000 à l’exception

du grindcore, genre le plus extrême parmi les genres cités (respectivement et à titre d’exemple

Nightwish en 1996 pour le symphonic, Bring me The Horizon en 2006 pour le deathcore,

Korn en 1999 pour le néo metal dont nous avons déjà parlé. Le gothic metal étant par ailleurs

souvent associé au symphonic dans les représentations communes.129 Même si cette étude

porte sur les goûts des festivaliers participant à un festival dont la programmation fait la part

belle à des genres plus anciens tels que le thrash ou le death, ces données montre tout de

même des mouvements contradictoires au sein même d’une culture pénétrée par le

mainstream. Antoine Béon, directeur artistique de l’ouvrage hommage aux 10 ans du Hellfest

va plus loin au sein d’une interview pour la magazine Les Inrocks datant de 2015. Pour ce

dernier, le destin du metal est « d'appartenir à la pop culture, à la manière du phénomène

geek , et toucher un public de plus en plus large. »130

Pour J.C, les mouvements du metal vers le mainstream ont « participé à la

popularisation du metal, ça a séduit diverses oreilles qui étaient pas séduites avant, c’est que

ça a pas séduit dans son plus bel appareil et du coup… C’est donner de la confiture aux

cochons pour moi. » Il poursuit en revenant sur la dimension générationnelle que nous

évoquions plus haut : « On avait déjà les prémices avec ce qu’est devenu Metallica à la fin des

années 90 2000, ça commençait déjà à déconner sévère ». En ces termes, J.C reprend le

constat de Philippe Manoeuvre qui dans un numéro de Rock & Folk de 1997 qualifiait lors

d’une critique de l’album Reload de Metallica le genre metal comme « un genre quasi

mort ».131

Ce que cela montre, c’est qu’il y a désormais plus qu’un antagonisme entre metal et

mainstream, des antagonismes au sein même de la culture metal. Chaque individu

s’appropriant de près ou de loin les pratiques de la culture metal – dont l’écoute – ai une

représentation particulière de cette dernière : de ce qu’elle est, de ce qu’elle devrait être.

129 « Defining Gothic Metal: The Truth And Lies Of The Scene », Metal Storm, [ http://www.metalstorm.net/pub/article.php?article_id=78 ], accessed: August 20, 2018.

130 DECHERF Guillaume, « Hellfest: les préjugés sur le métal perdurent », March 21, 2012, Les Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/2015/06/18/musique/hellfest-les-prejuges-sur-le-metal-perdurent-11754841/ ], accessed: August 20, 2018.

131 MANOEUVRE Philippe, « Re-Load », Rock & Folk, Décembre 1997, p73

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La culture metal est segmentée, comme j’ai également pu le constater lors de mes expériences

participatives : les concerts de Plini, Arch Echo, Mestis et Parkway Drive, groupes de metal

plutôt modernes (respectivement metal progressif modernes teintés de djent et metalcore) ont

mobilisé une population très largement plus jeune que le festival Sylak. Par ailleurs, les codes

vestimentaires tout comme les pratiques mobilisées étaient somme toute très différenciées. Si

l’on retrouve la pratique du pogo chez les concerts de Parkway Drive, comme dans la totalité

des concerts du Sylak, on n’en retrouve pas au concert d’Arch Echo. De même, si les

casquettes et les écarteurs sont nombreux aux concerts d’Arch Echo et de Parkway Drive,

c’est beaucoup moins le cas au Sylak, où contrairement aux deux concerts précédent on

retrouve beaucoup de vestes à patch par exemple. Comparativement, la pratique la plus

commune aux trois expériences participatives que j’ai pu mener est celle du signe des cornes

définie plus avant, et celle du headbanging (marquer le rythme de la musique par une

balancement prononcé de la tête), tant chez les musiciens que parmi le public. Deux pratiques

largement réappropriées par ailleurs au sein de cultures non metal.

B/ Une stigmatisation résiduelle à l’épreuve de la segmentation de la culture metal

Pourtant malgré ces différentiations intrinsèques subsiste un ressenti de stigmatisation

partielle, comme nous avons pu le voir, englobant les genres les plus traditionnels tels que le

heavy et le thrash, comme les genres les plus modernes et hybrides (metalcore, deathcore,

neo metal...) selon des degrés divers.

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Comment le comprendre, sachant que la culture metal est désormais plurielle, tant

dans son contenu musical que dans ses codes sociaux et les individus pratiquants?

Pour tenter d’y voir plus clair, j’ai choisi de m’intéresser au traitement de la culture

metal par des medias eux-mêmes hybrides tels que des magazines ou webzines de musique

traitant entre autre du metal: ces derniers ont une connaissance même partielle de cette

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culture, et sont donc dans une certaine mesure conscients de cette métamorphose. L’analyse

de leurs représentations est un indice intéressant quant à la réception du metal en tant que

culture de plus en plus mixte. L’étude de ces champs intermédiaire à l’avantage de nous

proposer des représentations mieux renseignées que celles de medias maintream, et plus

hégémoniques et objectives socialement que celles de médias spécialisés dans la culture

metal. Les médias traitant plus précisément du rock représentent à ce sens un bon objet

d’étude. L’un de mes premier choix s’est porté sur le magazine Rock & Folk. Mensuel fondé

en 1966, il est consacré à la musique rock en général. Il est premièrement intéressant de noter

que les unes consacrées au metal sont quasiment inexistantes, excepté un numéro hors série

datant de décembre 2012 consacré aux 50 meilleurs albums de metal.132 Lorsque l’on

s’intéresse à ce classement, il est de même très intéressant de remarquer que 20 des albums

cités sont sortis avant 1980, et 36 avant 1990. 25 De ces mêmes 50, une partie conséquente

des groupes ne sont pas considérés par le site last.fm133 comme des groupes de metal. Ce

critère ne nous renseigne pas sur la véracité objective de l’appellation de ces groupes en tant

qu’appartenant au genre metal, mais plutôt sur les représentations générales que les individus

s’en font, puisque le site last.fm est fondé sur la participation de ses membres quant aux

contributions associées aux œuvres référencées. Led Zeppelin, Kiss, Deep Purple, Rose

Tattoo, Cheap Trick, Steppenwolf, Aerosmith, Soundgarden entre autre sont ainsi classifié

comme groupes de metal, tant bien même que les représentations usuelles des quelques 21

millions d’utilisateurs du site last.fm sont divergentes de cette conception. Cette observation,

ainsi que la caractéristique des dates de sorties d’albums évoqués nous donne des indices

quant au traitement du metal au sein de ce magazine.

Il convient toutefois d’en prolonger l’étude en recherchant un véritable article

consacré au metal par le magazine. Les exemples sont finalement peu nombreux, cependant

on peut trouver une analyse de l’évolution du hard rock vers le metal signée Patrick Eudeline

dans un article du 1er juillet 2017 nommé Quand le hard rock devient metal134, dont nous

avons déjà fait mention plus haut au sein de notre étude. Ce dernier entreprend de dresser le

passage des codes musicaux du hard rock à ceux du metal, en illustrant son propos d’analyse

de sa propre expérience. L’article débute ainsi par un rappel du caractère transgressif et

132 Rock & Folk, hors-série n28, décembre 2012

133 Voir : https://www.last.fm/fr/home

134 Eudeline Patrick, QUAND LE HARD ROCK DEVIENT METAL, Rock & Folk, 1er juillet 2017

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subversif originel du hard rock, initialement boudé par la presse spécialisée. « Les hautes

autorités de l’époque (Rock&Folk en somme) avaient décidé que seuls Soft Machine et le

virage country de Grateful Dead avaient de l’importance. Le hard rock, c’était l’ennemi.

Creedence, Status Quo, Variations, Led Zeppelin, Deep Purple… Tous étaient honnis ». Après

revenir sur l’étymologie du qualificatif de « heavy metal », l’auteur aborde la naissance du

hard rock et sa façon de « perfectionner » le rock et le blues en respectant les harmonies

traditionnellement héritées de ce dernier. « À la panoplie d’accords habituels, il a simplement

ajouté ceux venus du blues. Les fameuses blue notes de la gamme mineure pentatonique. » Le

tournant s’opère au sens de l’auteur lorsque Led Zeppelin diverge de ces racines blues pour

s’orienter vers des « sonorités exotiques ». Dès lors l’auteur évoque cette direction selon un

champ lexical péjoratif « guitaristes de metal, des virtuoses en carton pâte des années 80 »,

« New wave of british heavy metal. Metal certes, les constructions ridicules d’Iron Maiden ».

L’article se conclut sur une liste non exhaustive de genres de metal : « soyons obscènes !

Dream Theater, le doom, le hardcore, le rock symphonique, les guitares à huit cordes, le djent

(oui cela existe) et les chanteurs qui rappent en pantacourt avec une pédale et un octaveur

dans la gorge », avant de clôre sur une définition du metal en ces termes : « On appelle metal

tout ce qui n’est pas du rock mais fait quand même un sacré boucan. » La représentation du

metal véhiculée est donc celle d’un genre ridicule et historiquement illégitime de par ses

divergences d’avec les racines blues dont le hard rock est issu. Les genres sont certes connus

au moins nominalement mais privés de leur substance voire tournés au ridicule concernant le

djent. Le metal est donc d’avantage considéré comme une boîte noire plus ou moins cohérente

ayant pour point commun le dénominatif de « sacré boucan. » On remarque donc de par ces

deux analyses conjointes une forme de rejet du metal dans ses représentations les plus

modernes. Les références fréquentes au hard rock mettent en lumière un certain ancrage

générationnel de la ligne éditorial, mais également une forme de rejet de la culture metal en

tant que réseau artistique complexe et pluriel. Une fois de plus il y a une réappropriation

partielle de cette culture. Toutefois il est possible qu’il s’agisse là d’une caractéristique de ce

mensuel en particulier. Une confrontation du discours de ce dernier aux discours d’autres

magazines traitant de la musique, voire du rock en particulier apparaît dès lors pertinent.

Pour se faire, j’ai opté pour les études conjointes d’articles tirés du magazine Les

Inrockuptibles, et du magazine Rolling Stone. Ces magazines traitant à une occurrence bien

plus grande du metal, une analyse de discours sur la base de quatre articles pour le premier, et

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cinq articles pour le second m’a paru représenter un corpus pertinent. Ci dessous la liste des

dits articles :

Pour les Inrocks : Hellfest : les préjugés dur le métal perdurent » (2015)135, Ghost, le groupe à

rebours du metal en 2015 (2015)136, Rammstein : rencontre avec des légendes vivantes du

metal (2017)137 , La culture heavy metal au Botswana (2014).138

Pour Rolling Stone : Download Festival 2018 : Metal hurlant à Brétigny-sur-Orge (2018)139,

Metallica remporte le « Prix Nobel » de la Musique (2018)140, Myles Kennedy, sombre héros

du metal (2017)141, Alcest : Objet Metal non Identifié (2017)142, Comment Vinnie Paul et

Pantera ont révolutionné l’art délicat du metal (2018).143

La première remarque que l’on peut établir quant au traitement du metal dans le cadre

de ces deux magazines, c’est que ce dernier est bien plus différencié que dans le cas de Rock

& Folk. Contrairement à Rock & Folk fondé en 1966, les deux magazines ont vu leurs

premières publications durant les années 80, ce qui explique potentiellement une approche

différente dans un premier lieu. On remarque un traitement du metal globalement neutre. Les

interviews du groupe Rammstein par les Inrocks, et du guitariste-chanteur Myles Kennedy par

le Rolling Stone sont opérées de manière classique et centrées sur les artistes en tant

135 DECHERF Guillaume, « Hellfest: les préjugés sur le métal perdurent », March 21, 2012, Les Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/2015/06/18/musique/hellfest-les-prejuges-sur-le-metal-perdurent-11754841/ ], accessed: August 20, 2018.

136 DECHERF Guillaume, « Ghost, le groupe à rebours du metal en 2015 », March 27 2015, Les Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/ghost-meliora/ ], accessed: August 20, 2018.

137 RIQUIER Mathias, « Rammstein: rencontre avec des légendes vivantes du metal », 30 Mai 2017, Les Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/2017/05/30/musique/rammstein-rencontre-avec-des-legendes-vivantes-du-metal-11949837/ ], accessed: August 20, 2018.

138 DERID VERA LOU, « [Portfolio] La culture heavy metal au Botswana », November 5, 2014, Les Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/2014/01/09/style/portfolio-la-culture-heavy-metal-au-botswana-11841724/ ], accessed: August 20, 2018.

139 Rédaction, « Download Festival 2018 : Métal hurlant à Brétigny-sur-Orge » , June 21, 2018, Rolling Stone, [ https://www.rollingstone.fr/download-festival-2018-live-report/ ], accessed: August 20, 2018.

140 Rédaction, « Metallica remporte le "Prix Nobel" de la Musique », February 23, 2018, Rolling Stone, [ https://www.rollingstone.fr/metallica-remporte-prix-nobel-de-musique/ ], accessed: August 20, 2018.

141 SAVAL Jessica, « Myles Kennedy, sombre héros du metal », May 13, 2017, Rolling Stone, [ https://www.rollingstone.fr/myles-kennedy-sombre-heros-du-metal/ ], accessed: August 20, 2018.

142 SAVAL, Jessica « Alcest : Objet Metal non Identifié », June 17, 2017, Rolling Stone, [ https://www.rollingstone.fr/alcest-objet-metal-non-identifie/ ], accessed: August 20, 2018.

143 Rédaction, « Comment Vinnie Paul et Pantera ont révolutionné l'art délicat du metal - Rolliong Stone », June 25, 2018, Rolling Stone, [ https://www.rollingstone.fr/comment-vinnie-paul-et-pantera-ont-revolutionne-lart-delicat-du-metal/ ], accessed: August 20, 2018.

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qu’artistes et non en tant qu’artistes de metal. Il en va de même pour le traitement de

Metallica et du prix nobel leur ayant été remis en 2018 abordée de manière très factuelle.

Cette neutralité se fond même souvent en bienveillance à plusieurs occasions. Les Inrocks

soulèvent la question du « plafond de verre » du metal, incapable de pénétrer les médias de

masse faisant preuve « d’un mépris – ou d’une méconnaissance si l’on veut rester diplomate

- ». De même le magazine vante les mérites des groupes de metal évoqués au sein des autres

articles, qualifiant la musique du groupe Ghost de « finement troussée », et le groupe

Rammstein de « monument ». Il en va de même chez le Rolling Stone magazine parlant du

groupe Alcest et de son dernier album Kodama comme une « bouffée d’air », ou l’album Far

Beyond Driven de Pantera comme « redoutable et cohérent », multipliant les superlatifs tels

que « jeu abrasif », « si massif », et « marque indélébile ». Il y a donc une véritable ouverture

à la musique metal au sein de ces deux magazines, qu’il convient toutefois de nuancer. Si les

éloges sont récurrentes, elles sont bien souvent accompagnées de critiques plus ou moins

tacites, rappelant en certains termes la vision très conservatrice de Rock & Folk. On souhaite

ainsi distinguer le groupe Alcest d’un metal « hurlant » et « atrabilaire » chez Rolling Stone.

Ces derniers louent la prestation du groupe Hollywood Undead au festival Download 2018,

« qui réussit à rendre le rap-metal – pourtant une aberration en soi – plus qu’écoutable. » On

distingue encore une fois le metal « légitime » de « l’aberration » en soulignant

qu’Hollywood Undead incarne une exception. De même le groupe Ghost chez Les Inrocks,

bien que lui aussi décrit en des termes élogieux de prime abord est décrit comme

potentiellement plaisant aux oreilles tant d’un « rookie alléché par l’image grand

guignolesque que quadra fan de classic rock ».

On observe ainsi toujours une forme de respect et de fascination de cette presse face

au metal, très vite désamorcée en tant que potentiellement illégitimement écoutable. Alcest

n’est pas comme les autres groupes de metal « hurlants » et « atrabilaires », Hollywood

Undead n’est pas comme les autres groupes de rap-metal puisqu’ils sont « écoutables ». Ghost

séduit malgré ses airs grand guignolesques, dont le terme rappelle également les propos de

Yves Bigot cité plus haut, qui déplore la propagation d’une telle image. Il est opéré un choix

précautionneux des codes désirés et non désirés, si bien qu’une partie de la culture metal se

voit très souvent reléguée à la marge, à sa condition d’autre, de culturellement illégitime.

Socialement illégitime aussi dans le traitement qui est fait des festivaliers du Hellfest au sein

de l’article des Inrocks, dont le ton général est pourtant bienveillant. Après qualifier le

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metalleux « primates en rut face à une caméra », l’auteur cite Christian Lamet, créateur du

mensuel spécialisé en musique metal Hard Force devenu pure-player postulant à propos des

metalleux que l’ « On ne peut pas se plaindre de passer pour un débile quand on montre son

cul au Petit Journal, qu'on vient beugler dans le micro au lieu de s'exprimer, ou que l'on se

veut respectable mais qu'on ne tient plus debout tant on est déchiré. » L’article se conclut

malgré un développement au sujet de la percée du metal en littérature d’un cynique « Après

ça, si on voit encore un metalhead oser montrer son cul aux caméras… ». Si le ton est

évidemment celui du second degré, il en ressort encore une fois l’image du metalleux peu

éduqué et vulgaire, d’autant plus que l’auteur évoque par ailleurs un « enclin des metalleux à

s'auto-glorifier plus intelligents que la moyenne ». C’est donc une défense à demi-teinte

opérée au sein de l’article, entre défense de la musique mais désaveu d’une communauté au

nom de l’agir d’une minorité diffusée à la télévision.

Ce que l’on peut remarquer dès lors et pour synthétiser cette analyse de discours, c’est

que le traitement fait du metal par la presse spécialisée en musique rock demeure finalement à

l’image du traitement proposé par les médias plus grands publics. Il s’effectue un tri au sein

du réseau complexe de codes constituant la culture metal, et si certains sont parfois défendus

vigoureusement, on les distingue de manière quasi systématique d’un autre metal, un metal

encore une fois illégitime. Ce procédé s’opère bien entendu selon des mesures différentes

pour chacun des magazines, cependant la variable générationnelle demeure encore une fois

une clé de compréhension pertinente. Rock & Folk dont les origines sont plus vieilles se

réapproprie le metal de manière extrêmement prudente, c’est à dire à sa source, plus légitime

pour cette génération. Les Inrocks et Rolling Stone se permettent un traitement plus libéré du

metal, toutefois les éloges sans détours sont réservées aux plus grands artistes (Rammstein,

Pantera…)144145. Pour ce qui est du reste, un tri est opéré, ce qui n’est pas conservé étant

relégué une fois de plus au sein de la boîte noire du metal dit illégitime. De la même manière

que la façon dont les représentations du metal évoluent, et avec elles les représentations du

metal « acceptable », celles du metal « non acceptable », « hurlant », « atrabilaire », se sentant

« obligé de growler comme verrat qu’on égorge » touchant à « l’aberration » évoluent

144 RIQUIER Mathias, « Rammstein: rencontre avec des légendes vivantes du metal », 30 Mai 2017, Les Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/2017/05/30/musique/rammstein-rencontre-avec-des-legendes-vivantes-du-metal-11949837/ ], accessed: August 20, 2018.

145 Rédaction, « Comment Vinnie Paul et Pantera ont révolutionné l'art délicat du metal - Rolliong Stone », June 25, 2018, Rolling Stone, [ https://www.rollingstone.fr/comment-vinnie-paul-et-pantera-ont-revolutionne-lart-delicat-du-metal/ ], accessed: August 20, 2018.

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également. Ces dernières demeurent tout à fait répandues, c’est le cas au sein de cinq articles

sur les neuf étudiés, six sur 10 en comptant l’article de Rock & Folk.

Cette analyse prouve par ailleurs deux choses : premièrement est opéré un traitement

d’une partie de la culture metal en tant que culture « acceptable ». Secondement, ce premier

postulat démontre qu’une seconde partie de cette même culture demeure « autre », beaucoup

moins acceptable, si bien qu’il est nécessaire de s’en démarquer expressément. C’est là le

symptôme d’une illégitimité partielle subsistante malgré la percée croissante du metal au sein

du mainstream. Cette illégitimité est de l’ordre du stigmate au sens Goffmanien du terme. Au

sein de l’ouvrage Stigmate (1963)146, Erving Goffman conceptualise le stigmate en tant

qu’attribut d’un individu qui se conçoit et que les autres conçoivent comme « autre » du reste

de la communauté. Cet attribut conduit à la stigmatisation voire au mépris de la part des

représentants de la « norme ». Goffman considère que tout individu se doit de construire une

représentation de soi en tant que « normal », en définissant par la même occasion ce qui ne

l’est pas, et ce dont il diverge. On revient ici au concept Beckerien de déviance de la norme147

et au sentiment d’appartenance à une culture déviante, une carrière déviante. Ce retour est

nécessaire, puisque l’on remarque au sein des discours de la presse rock cette même définition

de ce qui est normal, et de ce qui ne l’est pas, incluant ainsi certains pans de la culture metal

et non pas d’autres. Ce qu’il est particulièrement intéressant de noter, c’est que si c’est

également le cas chez les individus proches de la culture metal (arbitrant parfois radicalement

entre les différents genres), on remarque chez la presse rock la construction d’une boîte noire

plus informe et volatile constituant les pans illégitimes de la culture metal. Il y a un rejet des

formes de chants les plus extrêmes (récurrent de par l’usage d’expressions telles que

« hurlants », « verrat qu’on égorge »), mais aussi des codes neo-metal plus accessibles et

hybrides (on pense à l’emploi du terme « aberration » qui renvoie par ailleurs au discours de

Rock & Folk sur le metal moderne). Le metal inacceptable est relégué sous toutes ses formes

à une identité différente. C’est là le principe même d’un stigmate chez Goffman qui prend

l’exemple suivant :

146 GOFFMAN Erving et KIHM Alain, Stigmate: les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Éditions de minuit, 2015, 176p.

147 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

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« Chez certains, il peut exister une hésitation à toucher ou à guider les aveugles,

tandis que chez d'autres une constatation d'une privation de la vue peut se généraliser

pour former une perception globale d'inaptitude, si bien que ces personnes s'adressent

aux aveugles en criant, comme s'ils étaient sourds, ou essayent de les soulever, comme

s'ils étaient infirmes. Il est fréquent que, face aux aveugles, les gens présentent toute

sorte de croyances ancrées dans le stéréotype. Ainsi, ils peuvent se croire jugés

comme jamais auparavant car ils pensent que l'aveugle a accès à certains canaux

d'information fermés pour les autres »148

L’aveugle peut se voir assimilé au handicap, tandis que le metal ne répondant pas aux

attentes socialement construites du journaliste, et donc d’une ligne éditoriale, peut de même se

voir reléguer au concept de metal comme musique illégitime.

C/ Mythologie du metal : du structurellement illégitime au conjoncturellement acceptable

Il y a donc tant chez les aficionados de la culture metal que chez les médias

commençant à se réapproprier son discours une forme de schizophrénie relative au degré

d’appropriation de la culture par chacun. Ce degré à tendance à évoluer avec le temps, ce qui

n’est pas sans bouleverser comme nous avons pu le voir certains membres de la communauté

associée au metal. Il n’en demeure pas moins que de cette schizophrénie constatée chez les

tenants d’une culture plus extérieure au metal par ailleurs, une illégitimité subsiste, cultivant

encore les motifs de stigmates donc nous parlions plus tôt au sein de l’étude : celle du

metalleux peu instruit, auditeur d’une musique violente et artistiquement pauvre. Il semble

que le stigmate subsiste ainsi selon des mesures variables malgré l’essor de générations

manifestement plus ouvertes, et malgré de même l’ouverture récente du metal à l’hybridation

avec d’autres cultures. Pour parler d’un phénomène si durable et ancré, il est intéressant

d’explorer le domaine de la sémiologie et des sciences de la communication. Après avoir

148 GOFFMAN Erving et KIHM Alain, Stigmate: les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Éditions de minuit, 2015, p16.

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étudié divers discours et confronté par ailleurs des représentations tout à fait différentiées, un

tel détour semble nécessaire afin de saisir correctement les modes de diffusion et de

construction de ces stigmates encore aujourd’hui présents.

Si la conceptualisation de la culture metal comme en partie violente et absurde perdure

au sein de la presse informée, et représente parfois la principale représentation de la presse

plus grand public, c’est qu’il y a un procédé de montée en généralité d’une catégorie de

caractéristiques considérées comme non souhaitables du metal, caractéristiques énumérées

plus avant, dont la violence que nous avons qualifié de figurative fait amplement parti.

Cette montée en généralité, et la pérennité de ce stigmate aussi partiel soit-il répond à

un mécanisme de conception durable et global des représentations individuelles et collectives,

nécessaire pour entretenir aussi longtemps ce type de visions. On peut rapprocher ce

mécanisme de ce que le sémiologue Roland Barthes qualifie de mythe au sein de son ouvrage

Mythologies. (1957) 149 Barthes reprend la dichotomie sémiologique classique signifiant

(forme d’expression du concept) et signifié (concept exprimé) constituant un signe. Il postule

cependant qu’il arrive que ce signe devienne le signifiant d’un signifié autre, socialement et

historiquement construit. Très concrètement il est ici question de symbolique du réel. Barthes

prend pour exemple à ce titre le mythe de la voiture DS qui incarne plus qu’une simple

voiture mais représente un symbole de modernité à l’époque de publication de l’ouvrage. Il

semble s’être produit la même chose avec la culture metal. S’est socialement et

historiquement construit le mythe du metal par essence violent, du fait d’une génération

majoritairement plus hermétique à ses codes transgressifs et encore jeunes. Aujourd’hui, et

au-delà même du fait que la culture metal soit morcelée en une multitude de sous-courants

flirtant parfois avec le mainstream, donc l’accessible, cette conception garde une importance

au sein des représentations. Barthes au sujet du mythe postule que « Ce que le monde fournit

a un mythe c'est un réel historique, défini, si loin qu'il faille remonter, par la façon dont les

hommes l'ont produit ou utilisé; et ce que le mythe restitue, c'est une image naturelle de ce

réel. »150 Ce mécanisme n’est pas sans faire écho à l’image véhiculée par certains individus ou

médias d’une culture metal totalement ou en partie autre et illégitime par essence.

149 BARTHES Roland, MYTHOLOGIES, Seuil, 1957, 288p

150 BARTHES Roland, MYTHOLOGIES, Seuil, 1957, p214

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Il serait toutefois préjudiciable de monter ce postulat en généralité en signifiant un

antagonisme systématiquement orienté vers la culture metal. Comme nous avons pu le voir, il

est cohérent de considérer que le metal, bien que toujours marginalisé, a de plus en plus sa

place en tant que culture et musique socialement acceptable. La consultation des chiffres du

ministère de la culture concernant les genres ne musique ne plaisant pas aux individus en

2008151 montre, nous l’avons vu, une plus forte tendance de rejet chez les plus de 45 ans.

Toutefois nous l’avons étudié de même, c’est aussi le cas avec le rap et aussi dans une

moindre mesure, de la musique électronique. Ces trois genres les plus catégorisés en tant que

« non écouté » sont aussi les trois plus récents. Nul doute que le rap et la musique

électronique font eux aussi de fait l’objet de mythes selon des mesures et des modalités

variables. Dès lors la source de commune de ces rejets et de l’entretien du mythe du metal

serait avant tout une imperméabilité aux nouvelles cultures, aux cultures de l’alternatif,

d’avantage qu’un réel rejet unique et monolythique du metal. La nouveauté et l’innovation

artistique implique la différence en cela qu’elle se projette bien souvent sur les codes sociaux,

c’est en tous cas le cas du metal. Cette frayeur de l’alternatif est constatable par ailleurs.

Philippe Manoeuvre pour une interview accordée à Radio Metal racontait à ce titre l’une de

ses expériences personnelles :

« Nan, mais ils se rendent même pas compte ! On se rend pas compte à quel point

c’est rebelle pour la télévision, voyez. J’ai vu quand Lussie, la chanteuse de la

Nouvelle Star qui chantait Led Zeppelin, voulait chanter « Thunderstruck » mais la

télé s’arrachait les cheveux : « Thunderstruck mais c’est quoi ?! AC/DC,

Thunderstruck, en prime time ?!! » alors à la fin ils lui ont collé « Highway To Hell »

et j’me battais contre ça et j’disais « mais arrêtez !! »… » 152

Si l’on parle ici du groupe AC/DC généralement plus affilié au hard rock qu’au metal,

la logique reste la même, et l’exemple fort illustratif. En effet le choix de l’équipe de

programmation télévisuelle de faire interpréter la chanson Highway to Hell n’est pas anodin,

151 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La Découverte, 2009, 12p.

152 BLANC Amaury, « On refait le metal avec Philippe Manœuvre ! », November 21, 2011, RADIO METAL, [ http://www.radiometal.com/article/on-refait-le-metal-avec-philippe-manoeuvre,18906 ], accessed: August 20, 2018.

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puisqu’il s’agit de l’une des chansons les plus populaires et grand public du groupe

australien153 contrairement à la chanson Thunderstruck, beaucoup moins plébiscitée par les

étrangers de la culture hard rock.

Le différent effraie une ligne éditoriale, comme elle effraie au sein des différentes

scènes de l’action sociale. Questionner l’illégitimité contemporaine du metal, c’est donc avant

tout questionner l’illégitimité contemporaine de la différence. Et questionner la différence

c’est questionner la norme. La principale problématique soulevée par ce constat est que dans

la mesure où l’illégitimité est sujette à des représentations multiples et n’opère pas en tout

milieu, chez tous les individus ni en tout temps, il en va de même pour le non-illégitime.

Lahire postulait dans La culture des individus (2004) que :

« la frontière entre la légitimité culturelle (la « haute culture ») et l’illégitimité

culturelle (la « sous culture », le « simple divertissement ») ne sépare pas seulement

les classes, mais partage les différentes pratiques et préférences culturelles des mêmes

individus, dans toutes les classes de la société. (…) D’une manière générale, les

profils dissonants « recrutent » dans tous les milieux sociaux »154

Ainsi si les individus eux-mêmes arbitrent le subjectivement acceptable, et

subjectivement illégitime, et dans la mesure où ces représentations sont soumises à des

évolutions constantes, tant générationnel que artistiques et sociales du côté de la culture metal,

la norme elle-même est donc socialement mouvante. J.C avec qui je me suis entretenu fait part

de représentations rendant compte de cette fluidité. Ce dernier considère le postulat du metal

en tant que culture illégitime comme « daté ». Pour autant, ce dernier reconnaît un certain

sentiment de stigmatisation au collège et au lycée « dans des groupes relativement fermés et

[…] des environnements sociaux assez clôt » ; Il y a donc une contingence social de la norme,

en tant qu’elle est historiquement et socialement localisée, comme nous avons pu le discuter

par ailleurs lors de l’étude de discours précédente. Ces modes de diffusions étant tout à la fois

constitué de représentations médiatiques et sociales, elle ne saurait être stable.

153 WALKER Clinton, Highway to Hell: the Life and Times of AC/DC Legend Bon Scott. Pan Macmillan Australia, 1994.

154 LAHIRE Bernard, La culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi , Paris, La Découverte, 2004, p13-19

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Le socle de rejet de la violence même en tant qu’elle n’est qu’expression, ainsi que le

mythe socialement construit et largement diffusé perdure encore partiellement, puisque

solidement construit et cultivé. Toutefois les individus ne sont pas soumis aux forces sociales

en tant que mouvements omnipotents. La richesse des interactions sociales fait évoluer la

norme et érode ces structures. Il n’est pas surprenant dès lors, et malgré la nature le

l’échantillon sondé, de constater que parmi les 100 individus ayant mentionné ne pas écouter

du tout de metal au questionnaire en ligne, la moyenne des réponses à la question « Le metal

et sa communauté sont-ils violents selon vous ? » se situe autour de 1,86 (sur une échelle de

violence incrémentée de un à cinq), avec une très grande majorité de réponse postulant une

représentation du metal comme « pas du tout violent ». Le très faible échantillon indiquant ne

pas écouter de metal et ayant une vision du metal en tant que plutôt violent (entre trois et cinq

sur l’échelle proposée) ne représente que 19 individus, définissant en effet le metal comme

« violent », « agressif », « bruyant », « cacophonique »… Ces termes font chacun l’objet d’au

moins une occurrence parmi les 19 définitions des signes distinctifs du metal. Un échantillon

aussi faible ne saurait être pleinement représentatif, mais il dénote tout de même que les non-

auditeurs potentiellement hostiles au metal sont une minorité parmi les sondés.

De fait la culture metal demeure-t-elle considérée comme une culture illégitime de par

sa jeunesse, sa violence transgressive, mais avant tout par sa différence, caractéristique

assimilant les deux précédentes. Cette divergence cultivée de la norme est toutefois remise en

question de nos jours face à plusieurs mouvements : un mouvement évolutif de la part du

contenu musical et des pratiques associées dans une moindre mesure, impliquant une

fragmentation de la culture, un mouvement générationnel depuis le public par ailleurs. Ces

deux mouvements inter-alimentés donnent naissance via des interactions successives à un

mouvement des représentations de la norme ou du moins de l’acceptable. Ce dernier flux va

rentrer en résonance avec les individus dont les niveaux d’appropriation et de rejet voire de

stigmatisation – puisqu’avec la fragmentation de la culture, les deux sont possibles – seront

fruits d’un arbitrage socialement influencé, mais dont l’individu demeure maître dans la

mesure de ses intérêts. Aujourd’hui en France, si ses codes sont soigneusement triés et sa

culture discrètement exposée lorsqu’elle ne fait pas l’objet de stéréotypes, c’est que le socle

initialement transgressif du metal est encore présent. Le metal est devenu une culture

structurellement illégitime, mais conjoncturellement acceptable.

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Conclusion

Ainsi avons-nous pu constater au cours de notre recherche que la place de la culture en

tant que culture illégitime demeure ambiguë. Si sa composante transgressive fait partie de son

identité, à travers le medium que représente une forme de violence figurative comme

expression artistique et sociale, on constate que sa marginalisation est bien plus complexe

qu’il n’y paraît. Loin de représenter une culture n’ayant que pour simple substance la

domination des cultures hégémoniques dites « mainstream » dont elle entend

traditionnellement se distinguer, elle cultive au contraire sa marge qui revêt en tant que telle

une forme de distinction sociale. Ainsi la culture metal est-elle une culture tout à la fois

marginalisée mais également récupérée. Puisque cette culture est une mise en scène artistique

comme sociale, chacun arbitre quant à son degré de réappropriation de cette dernière, ce qui

explique par ailleurs le grand nombre de profils omnivores, se rapprochant seulement

partiellement de la culture metal. Ce phénomène s’explique par ailleurs d’un point de vue

générationnel, avec dans un mouvement d’influence réciproque une évolution des

générations, de plus en plus imprégnées d’une culture metal dont les bases se consolident

historiquement, ainsi qu’un mouvement mutuel d’attirance vers la scène mainstream, grand

public. Les deux s’imprègnent l’une de l’autre, si bien que la différenciation binaire entre

metal et mainstream semble de moins en moins pertinente. Le metal ne fait « plus peur à

grand monde » selon Fabien Hein.155 Cependant la réappropriation d’une partie du metal par

le mainstream signifie également le rejet d’une autre, puisque « les goûts sont des

dégoûts ».156C’est cette dernière, dont les contours sont variables qui hérite des stéréotypes

historiquement associés au metal.

Ici la clé de voûte de cette analyse est la non-passivité des individus associés à cette culture.

Les modes de réappropriations sociales se font également en terme de recherche d’intérêts

sociaux. la culture metal possède traditionnellement son propre système de légitimité dont la

nature transgressive incarne tant une déviance qu’une distinction de ses adeptes, et donc de

manière très paradoxale, une forme de légitimité contextuelle sur la scène sociale.

155 IRMA, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed: August 20, 2018.

156 Voir : http://www.ina.fr/video/I12012180

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S'il semble perdurer d'un point de vue général des instances structurelles de pouvoir et

de domination socioculturelle au sein desquelles la culture metal subit toujours une forme de

violence symbolique comme nous avons pu le constater, cette dernière ne serait pas un cadre

systématique mais une forme de force sociale avec laquelle la culture metal compose, parfois

à son avantage. Si nous l’avons vu les antagonismes entre metal et mainstream s’affaiblissent,

le rapprochement définitif n’est encore pas acquis. Tout d’abord, la culture est encore jeune,

d’où un non-public encore très important notamment chez les publics les plus âgés.

L’exclusion numérique de ce public n’y est pas totalement étrangère, comme le prouvent par

ailleurs les difficultés rencontrées lors de cette étude à prendre contact avec ces individus.

Cette dimension est amenée à évoluer au fil des années. Toutefois, il demeure également une

culture de la marge comme recherchée au sein de la culture metal. Et comment rechercher la

marge, une sans norme de laquelle se distinguer? Ben Barbaud, dirigeant du Hellfest avouait

en 2016 sur Canal Plus : « C'est bien que cette musique continue un petit peu à faire chier,

parce que c'est censé être une contre-culture entre guillemets, donc il faut que ça fasse un peu

peur à certaines personnes sinon ça ne va plus avoir d'intérêt »157

Ainsi l’illégitimité conjoncturelle de la culture metal tient aussi en parti d’une volonté de sa

part. Cette démarche paradoxale de tirer avantage d’une illégitimité va jusqu’à remettre en

cause la notion même d’illégitimité culturelle et sociale. Nous l’avons vu, l’illégitimité est un

concept fluide sujet à des arbitrages aux échelles sociales, culturelles mais aussi individuelles.

À travers le rôle actif de l’individu – demeurant évidemment influencé par son contexte

d’évolution social et donc historique que nous avons développé – l’illégitimité sociale du

metal est donc paradoxale en cela qu’elle n’est ni systématique, ni nécessairement négative.

Dès lors, quel avenir pour la culture metal en

France ?

Il apparaît certain que le metal entre peu à peu dans les mœurs, bien que de manière

toujours marginale. Son public est fidèle, et grandissant lentement mais sûrement à mesure

que les années passent. Dès lors, le metal représentera-t-il un jour une culture « comme les

autres », tant médiatiquement que socialement ? Cette évolution marquera-t-elle la confusion

totale de la culture metal et de la culture mainstream, de la « pop culture » comme le postule

157 GILBERT, Vincent. “Pourquoi Les Anti-Hellfest Ont (Quasiment) Disparu.” Le Huffington Post, Le Huffington Post, 20 June 2017, www.huffingtonpost.fr/2017/06/15/pourquoi-les-anti-hellfest-ont-quasiment-disparu_a_22191910/.

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Antoine Béon, directeur artistique de l’ouvrage hommage aux 10 ans du Hellfest ?158 Ou bien

la reconnaissance de la culture metal sous toutes ses déclinaisons comme socialement

acceptables, y compris les plus transgressives d’entre elles ? La démarche de distinction

inhérente au mouvement, ayant accompagné son développement depuis sa naissance avec

Black Sabbath, jusqu’aux hybridations des 20 dernières années laisse à supposer le contraire.

Nous l’avons vu, l’hybridation de la culture metal avec des cultures plus grand public

n’impose pas nécessairement la dilution de son essence transgressive. C’est la réappropriation

par le mainstream qui le suppose dans une certaine mesure, ce qui n’implique pas

nécessairement que ce soit le cas à proprement parler au sein de la culture metal et de ses

évolutions. La culture du « toujours plus loin » évoquée par Charbonnier semble au contraire

se pérenniser, puisque si le groupe associé au metal le plus populaire en France avant les

années 2000 était Trust et ses consonances hard-rock, c’est aujourd’hui le groupe Gojira et ses

inspirations death progressif qui remplissent le plus de salles, avec une tournée sold-out159,

dont deux Olympia complets en 2017. Il y a là une clé d’analyse intéressante. Le metal

demeure boudé des médias grands publics, mais rempli de nombreuses salles de concerts en

France. Si la culture metal a donc la possibilité de gagner en exposition durant les années à

venir, d’autant plus avec l’avènement d’une génération ayant grandi avec une culture metal

déjà segmentée, il semble que la culture de « l’entre-soi » soit amenée à se perpétuer,

mobilisant un cercle avant tout fermé, selon des modes précis, les concerts et festivals comme

plateforme sociale face à une norme, qui est encore aujourd’hui combattue dans une certaine

mesue. Puisque la marge transgressive implique bien souvent la stigmatisation, le résidu

d’illégitimité de la culture metal, malgré son atténuation générationnelle, semble amené à

perdurer.

Il semble que l’heure l’heure du metal « affrontant le monde » n’est pas révolue. Du moins

pas pour le moment.

158 DECHERF Guillaume, « Hellfest: les préjugés sur le métal perdurent », March 21, 2012, Les Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/2015/06/18/musique/hellfest-les-prejuges-sur-le-metal-perdurent-11754841/ ], accessed: August 20, 2018.

159 “Gojira Official Website.” Gojira Official Website, 1 Jan. 1970, www.gojira-music.com/..

91

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7 COULANGEON Philippe, Sociologie des pratiques culturelles, Paris, Éd. La Découverte, coll. Repères, 2005,

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12 HELLFEST PROVOCS, « RIP #ArethaFranklin de la musique, de la vraie ! Autre chose que les beugleries

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14 SOENEN Marie-Hélène, « Pourquoi la télé zappe la musique metal », Télérama.fr, [ https://www.telerama.fr/

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15 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992, 672p.

16 BROWN Andy R. and GRIFFIN Christine, « ‘A Cockroach Preserved in Amber’: The Significance of Class

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17 BROWN Andy R. and GRIFFIN Christine, « ‘A Cockroach Preserved in Amber’: The Significance of Class

in Critics Representations of Heavy Metal Music and its Fans », pp. 719–741

18 BOURDIEU Pierre and PASSERON, Jean-Claude, « La Reproduction. Éléments pour une théorie du système

d’enseignement », Paris, Minuit, 1970, 284 p.

19 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

20 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/

quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

21 FOUCAULT Michel, « L’ordre du discours », Gallimard, 1971, 88p.

22 QUEIROZ J. M. de et & ZIOLKOWSI M., « L’interactionnisme symbolique. », Rennes (Ile-et-Vilaine),

Presses universitaires de Rennes, 1994

23 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

24 LAHIRE Bernard, La culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La

Découverte, 2008, 777p.

25 HEIN Fabien, Hard rock, heavy metal, metal ...: histoire, cultures et pratiquants, Clermont-Ferrand, Séteun,

2004, 320p

26 CHARBONNIER Corentin, Le Hellfest: un pèlerinage pour metalheads, Azay-sur-Cher, IRMA, 2017, 218p.

27 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, P107.

28 DIJK TEUN A. Van, « Principles of Critical Discourse Analysis », Discourse & Society, 1993, vol. 4, no. 2,

p 259

29 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/

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30 BROWN Andy R. and GRIFFIN Christine, « ‘A Cockroach Preserved in Amber’: The Significance of Class

in Critics Representations of Heavy Metal Music and its Fans », The Sociological Review, 2014, vol. 62, no. 4,

pp. 719–741, p. 719-741, [ http://dx.doi.org/10.1111/1467-954x.12181 ]

31 The Rolling Stones, Beggars Banquet, 1968

32 Iron Maiden, Number of the Beast, 1982

33 ROY Patrick, « Hellfest : l'Assemblée nationale débat. », April 2, 2010, YouTube, [

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34 ZONE INTERDITE « Zone Interdite M6 24/07/2013 HELLFEST », August 16, 2018, Vimeo, [

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35 BLANC Amaury, « Honte d'être français », March 15, 2010, RADIO METAL, [ http://www.radiometal.com/

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36 HEIN Fabien, Hard rock, heavy metal, metal ...: histoire, cultures et pratiquants, Clermont-Ferrand, Séteun,

2004, 320p, p 147.

37 SOENEN Marie-Hélène, « Pourquoi la télé zappe la musique metal », Télérama.fr, [ https://www.telerama.fr/

television/la-tele-zappe-la-musique-metal,138261.php ], accessed: August 20, 2018.

38 « La véritable histoire de Black Sabbath », February 14, 2016, YouTube, [ https://www.youtube.com/watch?

v=NOGPn_-jr8g ], accessed: August 20, 2018.

39 BIAMONTE Nicole, « »Les fonctions modales dans le rock et la musique metal », L’analyse musicale

aujourd’hui, Delatour-France, 2013, p12

40 Black Sabbath, Paranoid, 1970.

41 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

42 HARRIS Anna et GUILLEMIN Marilys, « Developing Sensory Awareness in Qualitative Interviewing »,

Qualitative Health Research, 2011, vol. 22, no. 5, pp. 689–699, p. 689-699, [

http://dx.doi.org/10.1177/1049732311431899 ]

43 HARRIS Anna et GUILLEMIN Marilys, « Developing Sensory Awareness in Qualitative Interviewing »,

Qualitative Health Research, 2011, vol. 22, no. 5, p 691 « Experiences and instances of fleeting sensory

experiences that have vanished before one has been quite able to put a finger on them »

44 CHARBONNIER Corentin, Le Hellfest: un pèlerinage pour metalheads, Azay-sur-Cher, IRMA, 2017.

45 DUNN Sam, Metal : A Headbanger’s Journey, 2005, 95 min

46 CHARBONNIER Corentin, Le Hellfest: un pèlerinage pour metalheads, Azay-sur-Cher, IRMA, 2017, 218p.

47 « SAUVAGE : Définition de SAUVAGE », CNRTL.FR, [ http://www.cnrtl.fr/definition/sauvage ], accessed:

August 20, 2018.

48 NAKATA Hideo, The Ring, 1997

49 « SYLAK Open Air », SYLAK Open Air, [ https://www.sylakopenair.com/ ], accessed: August 20, 2018.

50 Voir le site internet metal-archives : https://www.metal-archives.com/

51 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

52 HARRIS Anna et GUILLEMIN Marilys, « Developing Sensory Awareness in Qualitative Interviewing »,

Qualitative Health Research, 2011, vol. 22, no. 5, pp. 689–699, p. 689-699, [

http://dx.doi.org/10.1177/1049732311431899 ]

53 PARISI David, Fingerbombing, or “Touching is Good”: The Cultural Construction of Technologized

Touch, The Senses and Society, 3:3, 2008, p 307-328

54 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/

quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

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55 « VIOLENCE : Définition de VIOLENCE », CNRTL.FR, [ http://www.cnrtl.fr/definition/violence ], accessed:

August 20, 2018.

56 ELIAS Norbert, La civilisation des moeurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973, 514p

57 WEBER Max, Le Savant et le Politique, Paris, Union Générale d’Editions, 1963, 186p

58 BOURDIEU Pierre, Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Poche, 2015, 576p

59 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

60 « mainstream | signification, définition dans le dictionnaire Anglais de Cambridge », gender pay gap

Definition in the Cambridge English Dictionary, [

https://dictionary.cambridge.org/fr/dictionnaire/anglais/mainstream ], accessed: August 20, 2018.

61 Steel Panther, Feel the Steel, 2009

62 Manowar, Fighting the world, 1987

63 « EXODUS' Gary Holt Explains His "Kill The Kardashians" Shirt, Still Hates Them » , July 12, 2017, Metal

Injection, [ http://www.metalinjection.net/latest-news/drama/exodus-gary-holt-explains-his-kill-the-kardashians-

shirt-still-hates-them ], accessed: August 20, 2018.

64 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

65 « H&M : faux groupes de métal pour vraie ligne de vêtements ? », ARTE Info, [ https://info.arte.tv/fr/hm-

faux-groupes-de-metal-pour-vraie-ligne-de-vetements ], accessed: August 20, 2018.

66 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992, 672p.

67 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

68 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

69 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992, 672p.

70 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/

quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

71 ROY Patrick, « Hellfest : l'Assemblée nationale débat. », April 2, 2010, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UENvu1d9q9U ], accessed: August 20, 2018.

72 GOFFMAN Erving, « The Presentation of Self in Everyday Life », Anchor Books, 1959, 256p.

73 GOFFMAN Erving, « The Presentation of Self in Everyday Life », Anchor Books, 1959, 256p

74 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

75 Voir le site internet metal-archives : https://www.metal-archives.com/

76 Iron Maiden, Iron Maiden, 1980

95

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77 Megadeth, Rust in Peace, 1980

78 Motorhead, Overkill, 1979

79 Avenged Sevenfold, Nightmare, 2010

80 Children of Bodom, Follow the Reaper, 2000

81 Voir le site internet metal-archives : https://www.metal-archives.com/

82 GRIGNON Claude and PASSERON Jean-Claude, Le savant et le populaire: misérabilisme et populisme en

sociologie et en littérature, Paris, Points, 1989, 368p.

83 LAHIRE Bernard, La culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La

Découverte, 2008, 777p.

84 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/

quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

85 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

86 PETERSON, R. A. et A. SIMKUS, « How musical tastes mark occupational status groups », Cultivating

Differences, M. Lamont et M. Fournier, Chicago, University of Chicago Press, 1992 p. 152-168.

87 BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1992,672p.

88 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à l ’ère numérique: enquête 2008, Paris, La

Découverte, 2009, 12p.

89 BERGE Armelle et GRANJON Fabien, « Éclectisme culturel et sociabilités », Terrains & Travaux, ENS

Paris-Saclay, 2017 2007, p 195-215

SOENEN Marie-Hélène, « Pourquoi la télé zappe la musique metal », Télérama.fr, [

https://www.telerama.fr/television/la-tele-zappe-la-musique-metal,138261.php ], accessed: August 20, 2018.

90 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

91

92 « Gojira : ils sont français, nominés aux Grammy Awards », February 1, 2017, tmc, [ https://www.tf1.fr/tmc/

quotidien-avec-yann-barthes/videos/gojira.html ], accessed: August 20, 2018.

93 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise,

1998, 14p.

94 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La

Découverte, 2009, 12p.

95 CONNEL Raewyn, Masculinities: how masculinities are made and how they differ ; why gender change

occurs and how men handle it ; how social science understands masculinity ; how we can pursue social justice

in a gendered world, St. Leonards, New South Wales, Allen & Unwin, 1995.

96

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96 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise,

1998, 14p.

97 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La

Découverte, 2009, 12p.

98 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La

Découverte, 2009, 12p.

99 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation Francaise,

1998, 14p.

100 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation

Francaise, 1998, 14p.

101 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation

Francaise, 1998, 14p.

102 JEANSON Francis, L’action culturelle dans la cité, Seuil, Paris, 1973, 248p.

103 PETERSON Richard. A., Le passage à des goûts omnivores : notions, faits et perspectives, Sociologie et

sociétés, Les Presses de l’Université de Montreal, volume 36, numéro 1, 2004, p 145-164

104 Voir : http://www.ina.fr/video/I12012180

105 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La

Découverte, 2009, 12p.

106 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La

Découverte, 2009, 12p.

107 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation

Francaise, 1998, 14p.

108 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La

Découverte, 2009, 12p/

109 BARRIO Sébastien, Sociologie du rap français état des lieux, 2000-2006, Saint-Denis, Université de Paris

8, 2008, 340p.

110 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

111 New Music, « Trust », Janvier 1983, voir : http://trust.connection.free.fr/PRESSE%20TRUST/1983/new

%20music%2083.pdf

112 DURKHEIM Émile, Éducation et sociologie, Paris, PUF, 2013, 51p.

113 Eudeline Patrick, QUAND LE HARD ROCK DEVIENT METAL, Rock & Folk, 1er juillet 2017

114 Berger Peter L. and Luckmann Thomas, The social construction of reality: a treatise in the sociology of

knowledge, New York, Anchor Books, 1967, 240p.

97

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115 BLANC Amaury, « On refait le metal avec Philippe Manœuvre ! », November 21, 2011, RADIO METAL, [

http://www.radiometal.com/article/on-refait-le-metal-avec-philippe-manoeuvre,18906 ], accessed: August 20,

2018.

116 HULLOT-GUIOT Kim, « Les députés de 2017 sont-ils si différents de ceux de 2012 ? » , June 19, 2017,

Libération.fr, [ http://www.liberation.fr/politiques/2017/06/19/les-deputes-de-2017-sont-ils-si-differents-de-

ceux-de-2012_1577920 ], accessed: August 20, 2018.

117 Irma, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de

ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed:

August 20, 2018.

118 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

119 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation

Francaise, 1998, 14p.

120 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La

Découverte, 2009, 12p.

121 Documents encore non consultables du grand public à ce jour

122 Irma, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de

ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed:

August 20, 2018.

123 Voir : http://www.chartsinfrance.net/charts/singles.php

124 Voir : https://www.touslesfestivals.com/actualites/le-bilan-des-festivals-de-lannee-2017-121217

125 Irma, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de

ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed:

August 20, 2018.

126 « EXODUS' Gary Holt Explains His "Kill The Kardashians" Shirt, Still Hates Them » , July 12, 2017, Metal

Injection, [ http://www.metalinjection.net/latest-news/drama/exodus-gary-holt-explains-his-kill-the-kardashians-

shirt-still-hates-them ], accessed: August 20, 2018.

127 CHARBONNIER Corentin, « Métal : histoire et controverse », November 14, 2013, YouTube, [

https://www.youtube.com/watch?v=UdZzg-B9NeI&t=455s ], accessed: August 20, 2018.

128 Irma, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et

de ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ],

accessed: August 20, 2018.

129 « Defining Gothic Metal: The Truth And Lies Of The Scene », Metal Storm, [

http://www.metalstorm.net/pub/article.php?article_id=78 ], accessed: August 20, 2018.

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130 DECHERF Guillaume, « Hellfest: les préjugés sur le métal perdurent », March 21, 2012, Les Inrocks,

[ https://www.lesinrocks.com/2015/06/18/musique/hellfest-les-prejuges-sur-le-metal-perdurent-11754841/ ],

accessed: August 20, 2018.

131 MANOEUVRE Philippe, « Re-Load », Rock & Folk, Décembre 1997, p73

132 Rock & Folk, hors-série n28, décembre 2012

133 Voir : https://www.last.fm/fr/home

134 Eudeline Patrick, QUAND LE HARD ROCK DEVIENT METAL, Rock & Folk, 1er juillet 2017

135 DECHERF Guillaume, « Hellfest: les préjugés sur le métal perdurent », March 21, 2012, Les Inrocks,

[ https://www.lesinrocks.com/2015/06/18/musique/hellfest-les-prejuges-sur-le-metal-perdurent-11754841/ ],

accessed: August 20, 2018.

136 DECHERF Guillaume, « Ghost, le groupe à rebours du metal en 2015 », March 27 2015, Les Inrocks,

[ https://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/ghost-meliora/ ], accessed: August 20, 2018.

137 RIQUIER Mathias, « Rammstein: rencontre avec des légendes vivantes du metal », 30 Mai 2017, Les

Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/2017/05/30/musique/rammstein-rencontre-avec-des-legendes-vivantes-

du-metal-11949837/ ], accessed: August 20, 2018.

138 DERID VERA LOU, « [Portfolio] La culture heavy metal au Botswana », November 5, 2014, Les Inrocks,

[ https://www.lesinrocks.com/2014/01/09/style/portfolio-la-culture-heavy-metal-au-botswana-11841724/ ],

accessed: August 20, 2018.

139 Rédaction, « Download Festival 2018 : Métal hurlant à Brétigny-sur-Orge », June 21, 2018, Rolling Stone,

[ https://www.rollingstone.fr/download-festival-2018-live-report/ ], accessed: August 20, 2018.

140 Rédaction, « Metallica remporte le "Prix Nobel" de la Musique », February 23, 2018, Rolling Stone,

[ https://www.rollingstone.fr/metallica-remporte-prix-nobel-de-musique/ ], accessed: August 20, 2018.

141 SAVAL Jessica, « Myles Kennedy, sombre héros du metal », May 13, 2017, Rolling Stone, [

https://www.rollingstone.fr/myles-kennedy-sombre-heros-du-metal/ ], accessed: August 20, 2018.

142 SAVAL, Jessica « Alcest : Objet Metal non Identifié », June 17, 2017, Rolling Stone, [

https://www.rollingstone.fr/alcest-objet-metal-non-identifie/ ], accessed: August 20, 2018.

143 Rédaction, « Comment Vinnie Paul et Pantera ont révolutionné l'art délicat du metal - Rolliong Stone

», June 25, 2018, Rolling Stone, [ https://www.rollingstone.fr/comment-vinnie-paul-et-pantera-ont-revolutionne-

lart-delicat-du-metal/ ], accessed: August 20, 2018.

144 RIQUIER Mathias, « Rammstein: rencontre avec des légendes vivantes du metal », 30 Mai 2017, Les

Inrocks, [ https://www.lesinrocks.com/2017/05/30/musique/rammstein-rencontre-avec-des-legendes-vivantes-

du-metal-11949837/ ], accessed: August 20, 2018.

145 Rédaction, « Comment Vinnie Paul et Pantera ont révolutionné l'art délicat du metal - Rolliong Stone

», June 25, 2018, Rolling Stone, [ https://www.rollingstone.fr/comment-vinnie-paul-et-pantera-ont-revolutionne-

lart-delicat-du-metal/ ], accessed: August 20, 2018.

99

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146 GOFFMAN Erving et KIHM Alain, Stigmate: les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Éditions de

minuit, 2015, 176p.

147 BECKER Howard, « Outsiders, Study in the Sociology of Deviance », Métailié, 1985, 250p.

148 GOFFMAN Erving et KIHM Alain, Stigmate: les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Éditions de

minuit, 2015, p16.

149 BARTHES Roland, MYTHOLOGIES, Seuil, 1957, 288p

150 BARTHES Roland, MYTHOLOGIES, Seuil, 1957, p214

151 DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête 2008 , Paris, La

Découverte, 2009, 12p.

152 BLANC Amaury, « On refait le metal avec Philippe Manœuvre ! », November 21, 2011, RADIO METAL, [

http://www.radiometal.com/article/on-refait-le-metal-avec-philippe-manoeuvre,18906 ], accessed: August 20,

2018.

153 WALKER Clinton, Highway to Hell: the Life and Times of AC/DC Legend Bon Scott. Pan Macmillan

Australia, 1994.

154 LAHIRE Bernard, La culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La

Découverte, 2004, p13-19

155 Irma, « "Les musiques metal sont déjà des musiques comme les autres" », IRMA : Centre d'information et de

ressources pour les musiques actuelles, [ http://www.irma.asso.fr/Les-musiques-metal-sont-deja-des ], accessed:

August 20, 2018.

156 Voir : http://www.ina.fr/video/I12012180

157 GILBERT, Vincent. “Pourquoi Les Anti-Hellfest Ont (Quasiment) Disparu.” Le Huffington Post, Le

Huffington Post, 20 June 2017, www.huffingtonpost.fr/2017/06/15/pourquoi-les-anti-hellfest-ont-quasiment-

disparu_a_22191910/.

158 DECHERF Guillaume, « Hellfest: les préjugés sur le métal perdurent », March 21, 2012, Les Inrocks,

[ https://www.lesinrocks.com/2015/06/18/musique/hellfest-les-prejuges-sur-le-metal-perdurent-11754841/ ],

accessed: August 20, 2018.

159 “Gojira Official Website.” Gojira Official Website, 1 Jan. 1970, www.gojira-music.com/..

160 Pour en savoir plus consulter : https://www.metal-archives.com/

100

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Annexes

Annexe 1 – Lexique indicatif des genres associés au metal

Avant-propos

Le but de ce lexique n’est pas de proposer une définition détaillée ni exhaustive des genres de

metal existants. Ce document entend avant tout éclairer le lecteur quant à la nature des

principaux genre, leurs affiliations, et leurs signes distinctifs généraux. Le but est ici de

clarifier le propos de la recherche, parfois obscurci par la densité des genres cités, pourtant

très largement connus de la communauté metal. Les descriptions rapportent des récurrences et

non des vérités systématiques. Les genres sont classés par ordre approximatif d’apparition,

cependant une chronologie stricte est impossible à établir, puisque chaque genre et sous-genre

s’entrecroise bien souvent.

Note : les sous-genres indiqués reprennent en général une partie conséquente des genres

associés

Heavy Metal : Genre le plus connu, l’un des plus anciens. Démocratisé au début des

années 80 grâce à la NWBHM (New Wave of British Heavy Metal), nouvelle vague de heavy

metal britannique. Il se caractérise par un chant clair souvent aiguë, des guitares souvent

harmonisées et un rythme soutenu. La part belle est faite aux cheveux longs et aux pantalons

en cuir. (Iron Maiden, Judas Priest)

Glam Metal : Parfois baptisé « hair metal », il marie les codes du hard-rock et du

heavy metal avec des sonorités souvent plus légères que ce dernier. Les thèmes touchent à la

fête, la romance et la musique rock en général. Les esthétiques reprennent les cheveux longs

du heavy, associé régulièrement à des vêtements colorés et déchirés, ainsi que des pantalons

moulants. (Motley Crue, Steel Panther)

→ sous- genres associés : hard fm...

101

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Power Metal : Genre situé dans le prolongement artistique du heavy. Les rythmes

s’accélèrent tant à la guitare qu’à la batterie. Les voix touchent parfois au lyrique,

l’instrumentalisation parfois soutenue de violons, de violoncelles. Les thèmes touchent

principalement à l’epic fantasy, et à la guerre. Les codes visuels demeurent proches du heavy.

(Blind Guardian, Rhapsody of Fire)

→ sous-genres associés : viking, pirate, pagan, folk...

Thrash Metal : D’origine Américaine, popularisé au milieu des années 80,

radicalisation du heavy dont la lourdeur s’hybride avec l’agressivité du punk rock. La voix est

généralement plus saturée et les rythmiques bien plus soutenues. L’esthétique du heavy est

conservée, les thèmes abordés touchent à la violence en général, qu’elle soit physique,

psychologique, sociale voire sociétale. (Megadeth, Metallica.)

→ sous-genres associés : crossover thrash, groove metal, speed...

Death Metal : Radicalisation du thrash. Les rythmiques s’accélèrent d’avantage avec

la technique du blast-beat à la batterie (voir Partie I – A/). Le chant est exclusivement saturé.

Les thèmes gravitent autour de la vie et de la mort, de l’existence humaine. Les codes visuels

sont généralement sombres, inspirés du thrash, rarement couplé à du maquillage corporel

(corpse paint) (Death, Entombed)

→ sous-genre associés : brutal death, technical death, melodic death…

Doom Metal : Réappropriation des codes originaux du metal. On garde du groupe

Black Sabbath sa lourdeur, avec des tempos très lents et pesant. Les esthétiques ne sont pas

particulièrement distinctes, les thèmes abordent le désespoir, la peur et la fatalité.

(Candlemass, Reverend Bizarre)

→ sous-genres associés : drone, sludge, stoner, funeral doom...

Black Metal : D’origine scandinave. À l’instar du death, les rythmiques sont

soutenues et le chant saturé. Les thèmes gravitent autour de la dépression, du mal-être, de la

mélancolie avec pour quelques exemples précis le satanisme. Les mélodies divergent du death

par leur dimension parfois atmosphériques. Les esthétiques sont souvent associées à l’usage

ud corpse paint. (Burzum, Mayhem)

→ sous-genres associés : post black, blackgaze

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Hardcore : Influence du punk, du punk hardcore et du thrash. Le chant est en général

à mi chemin entre le saturé et le clair, les rythmiques lourdes et agressives. Les thématiques

sont souvent politisées, et traitent parfois d’enjeux sociétaux. Les codes esthétiques se

rapprochent de ceux du punk.

Grindcore : Genre extrême inspiré du hardcore et des codes du death metal. Les

chansons sont pafois très courtes (moins d’une minute), le chant extrêmement saturé via la

technique du pig squeal, et les rythmiques extrêmement vives. Les thèmes sont variés et vont

selon les catégories du gore à la sexualité par exemple. Le genre est parfois parodique. (Pig

Destroyer, Rotten Sound)

→ sous-genres associés : porngrind, goregrind, deathgrind

Neo Metal : Genre aux hybridations plurielles, démocratisé à la fin des années 90. On

y retrouve tantôt des éléments mélodiques de rap, d’électro, parfois de reggae. Les rythmiques

sont plus lourdes qu’auparavant, et sont inspirées en parti du tournant groove du thrash

incarné par le groupe Américain Pantera au début des années 90. Les thèmes sont souvent

torturés, et gravitent parfois autour de problèmes sociétaux. (Korn, Deftones)

→ sous-genres associés : rapcore, indus/electronic

Symphonic Metal : Hybridation du power metal avec des éléments symphoniques en

terme d’orchestration et de chant parfois lyrique, souvent associé à une chanteuse. Les

rythmiques sont moins soutenues, les thèmes touchent au fantastique et les esthétiques font la

part belle aux costumes et maquillages. (Nightwish, Within Temptation)

→ sous-genres associé : gothic metal

Metalcore : Hybridation du heavy metal et du punk hardcore dont l’avènement prend

part au sein des années 2000. Les accordages se veulent plus bas et les mélodies alternent

entre rapidité et lourdeur. Le chant est tantôt clair, tantôt saturé. Les esthétiques reposent de

moins en moins sur les cheveux longs pour les hommes. Les thèmes gravitent autour d’enjeux

souvent psychologiques et métaphoriques. (Parkway Drive, As I Lay Dying)

→ sous-genres associés : nintendocore, mathcore…

Deathcore : Radicalisation des codes du metalcore. Sa démocratisation prend place au

milieu des années 2000. Les rythmiques sont tantôt plus agressives, tantôt plus lourdes. La

dissonance fait souvent parti des construits mélodiques associés. Les esthétiques regroupent

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de manière récurrente le port de casquettes, d’écarteurs et de débardeurs plutôt que de t-shirts.

Les cheveux longs pour homme ne sont plus privilégiés. (Carnifex, Despised Icon)

→ sous-genres associés : brutal deathcore, beatdown

Progressive Metal : Genre assez transversal, donc situé hors classement temporel. Il relève

de beaucoup de caractéristiques parfois communes à différents genres de metal auxquels il se

trouve associé. La dimension progressive d’un genre de metal implique des structures

musicales peu communes, souvent complexes, telles que des signatures rythmiques

particulières ou des accordages et gammes atypiques. (Opeth, Gojira)160

→ sous-genres associés : djent, avant-garde, metal expérimental

160 Pour en savoir plus consulter : https://www.metal-archives.com/

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Annexe 2 – Grille d’entretien 1 : C.C, F.G, C.M

Grille d’entretien destinée à orienter l’entretien semi-directif réalisé au cours des mois de mai

et juin 2018 avec :

• C.C, étudiante en école vétérinaire, 21 ans

• C.M, étudiant en mathématiques, 22 ans

• F.G, étudiant en langues, 23 ans

1. Représentations générales de la culture metal

• Le metal pour vous qu’est-ce que c’est ?

→ quelle différence avec un autre genre musical ?

• Écoutez vous du metal souvent ?

• Comment avez-vous commencé à écouter du metal ?

• Quel autre genre de musique ?

→ à quelle fréquence ?

• Qu'est-ce qu'un metalleux pour vous ?

• Vous considériez-vous comme metalleux ?

→ pourquoi ?

• Qu'aimez-vous dans le metal ?

• Trouvez vous le metal violent ?

→ Si oui, pourquoi ? Cela vous gêne ?

• Quel type de metal écoutez vous ?

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2. La pratique des codes associés à la culture metal

• Allez vous a des concerts de metal ?

→ Si oui quelle fréquence ?

→ seul parfois ?

→ habillé d’une certaine manière ?

→ Avez vous déjà participé a des pogo, mosh...?

→ Qu'en pensez vous ? Trouvez-vous cela violent ?

• Avez vous participé à des concerts non metal ? Quelle différence?

→ Quels styles ? Quelle fréquence ?

• Mettez vous des tshirts à l’effigie de groupes de metal hors concert ?

3. Metal et marginalisation

• Avez vous déjà été jugé pour écouter du metal ? Pour un tshirt ?

• Pensez vous que le metal fait l'objet de discrimination ?

→ Pourquoi ? Cela vous gêne-t-il ?

• Que pensez vous de Kendall Jenner Kardashian qui revêtant un tshirt slayer?

• Pensez vous que le metal est sataniste ?

→ Exemple du « Number of the Beast » de Iron Maiden

• Existe-t-il selon vous un profil de metalleux ?

→ Si oui, y a-t-il un profil que vous détestez ? Pourquoi ?

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Annexe 3 – Grille d’entretien 2 : J.C

Grille d’entretien destinée à orienter l’entretien semi-directif réalisé au cours du mois d’août

2018 avec J.C : Ingénieur du son, 27 ans

1. Représentations générales de la culture metal

• Le metal pour vous qu’est-ce que c’est ?

→ quelle différence avec un autre genre musical ?

• Écoutez-vous du metal souvent ?

• Comment avez-vous commencé à écouter du metal ?

→ quel âge ?

• Quel autre genre de musique ?

→ à quelle fréquence ?

• Qu'est-ce qu'un metalleux pour vous ?

• Vous considériez-vous comme metalleux ?

→ pourquoi ?

• Qu'aimez-vous dans le metal ?

• Trouvez vous le metal violent ?

→ si oui, pourquoi ? Cela vous gêne ?

• Quel type de metal ecoutez vous ?

2. La pratique des codes associés à la culture metal

• Allez vous a des concerts de metal ?

→ si oui quelle fréquence ?

→ seul parfois ?

→ habillé d’une certaine manière ?

→ Avez vous déjà participé a des pogo, mosh...?

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→ Qu'en pensez vous ? Trouvez-vous cela violent ?

• Avez vous participé à des concerts non metal ? Quelle différence?

→ Quels styles ? Quelle fréquence ?

• Mettez vous des t-shirts à l’effigie de groupes de metal hors concert ?

3. Metal et marginalisation

• Avez vous déjà été jugé pour écouter du metal ? Pour un tshirt ?

→ y a-t-il des conditions dans lesquelles tu te sens obligé de dissimuler ton écoute ?

• Pensez vous que le metal fait l'objet d’une mise à l’écart en France ?

→ pourquoi ? Cela vous gêne-t-il ?

→ à contrario que pensez-vous de la musique massivement diffusée à la radio,

télévision ?

4. La communauté metal locale

• Appréciez-vous la communauté associée au metal ?

→ Pourquoi ?

• Existe-t-il selon vous un profil récurrent de metalleux ?

→ si oui, y a-t-il un profil que vous détestez ? Pourquoi ?

• Diriez-vous que la communauté associée au metal a changé ?

→ en bien ou en mal ?

→ pourquoi a-t-elle changé ?

• Avez-vous côtoyé des individus totalement fermés au metal ?

→ pourquoi selon vous ?

• Le public metal semble être fidèle, pourquoi selon-vous?

• Quel avenir pour le metal dans 10 ans ?

→ écouteriez-vous encore du metal dans 10 ou 20 ans ?

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Annexe 4.1 – Entretien avec C.C

Contexte

Je me suis entretenu avec C.C, étudiante en école vétérinaire, âgée de 21 ans. J'ai pu prendre

contact avec C.C grâce aux réseaux sociaux suite à une annonce concernant mon étude sur le

metal. J'avais posté cette annonce en précisant ma démarche de recherche en contexte de

rédaction de mémoire, en précisant par ailleurs qu'une multiplicité de profils étaient aptes à se

présenter à cet entretien.

J'étais en effet à la recherche de profils variés afin de me fournir une matière brute assez

variée et exhaustive. C.C constitue un profil intéressant en cela qu'elle est de sexe féminin, de

CSP moyenne, et qu'elle écoute du metal de façon ponctuelle. On peut donc dire d'elle qu'elle

correspond à un profil hybride, non étranger à la culture metal, mais n'y appartenant pas

totalement pour autant. Un tel profil présente un double intérêt pour notre étude, puisqu'il

nous renseigne tout à la fois au sujet de certaines caractéristiques de la culture metal, mais

aussi de son rapport aux cultures plus hégémoniques de l'intérieur comme de l'extérieur. Cette

dernière s'est montrée intéressée par le sujet, et a ainsi eu la gentillesse de m'accorder un peu

de son temps.

Nous nous sommes rencontrés au bar Le Berthom à Lyon, le mercredi 2 mai à 15h. L'entretien

a duré 30 minutes au total, et a été enregistré à l'aide d'un dictaphone. L'atmosphère était

volontairement détendue, bien que rigoureuse. L'entretien s'est déroulé convenablement. J'ai

pu sentir une forme d'intimidation, et de crainte de ne pas trouver les mots les plus justes au

début de l'entretien, cependant le contexte et la forme de ce dernier ont rapidement permis au

propos de devenir plus naturel, l'endroit étant par ailleurs peu fréquenté à cet horaire, et

propice aux discussions. J'ai essayé de moduler ma grille d'entretien du plus général au plus

précis, tout en prenant soin de laisser à C.C le loisir de s'exprimer selon ses propres mots. J'ai

pris le temps de préciser en amont de l'entretien que je n'attendais pas d'elle de réponses

précises ou justes, mais plutôt sa propre vision et les mots qu'elle était à même de poser sur

certains phénomènes.

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Retranscription

Romain Poncet :Première question que j'ai envie de te poser C.C, c'est euh, « pour toi le

metal c'est quoi ? »

C.C: De la musique.

RP : D'accord de la musique. Rien de plus ?

CC : Euh...

RP : Comment tu définirais le metal à quelqu'un qui ne connaît pas le metal ?

CC : Bah... Y a... Pff c'est compliqué parce que je le définirais de deux façons différentes, en

terme de ce qu'il s'y passe musicalement et ce qu'on en tire niveau ressenti.

RP : D'accord.

CC : Et du coup voilà, faut que je développe ou pas ?

RP : Bah, ce que... Du coup enfin, comment du coup tu le définis bah de ces deux manières

différentes.

CC : Ben du coup euh...Musicalement parlant, tu peux pas... Je le dirais comme ça mais c'est

pas vraiment euh, juste. Tu prends du rock, tu mets des gens qui crient, beaucoup plus de

batterie, et t'as du metal. (rires)

RP : Ok. Ok !

CC : Et après, pour moi, bah le metal c'est beaucoup plus des émotions, enfin c'est de la

musique mais c'est beaucoup plus des émotions, et du coup... C'est une musique qui pour moi

est sincère, et c'est comme ça que je le présenterais, comme de la sincérité et... Peut-être de la

violence dans certains mots mais pour... Bref... Dans une optique de transmettre un message...

Voilà...

RP : Et du coup ce serait une musique qui serait plus sincère qu'une autre ?

CC : Ouais je pense !

RP : Euh, pourquoi ?

CC : Bah parce qu'elle est faite pour être plus sincère !

RP : Oui, mais qu'est-ce qu'il fait qu'elle est plus sincère ? C'est qu'elle est faite pour être plus

sincère ?

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CC : Ouais ! Parce que, je dis pas que ça existe pas parce que c'est pas vrai ça existe, de

partout, mais je trouve que le metal c'est une musique qui est moins commerciale...

RP : Ouais...

CC : C'est une musique qui sort un peu plus des sentiers battus, et du coup... du coup... et

forcément, enfin ça peut pas... enfin certaines musiques vont l'être mais, c'est pas du

commercial comme on l'entendrait au sens strict du terme, et le fait de faire quelque chose

d'un peu différent de ce qu'on entend habituellement, ça veut dire quelque chose qui est un

peu différent et dire des vraies choses, entre guillemets.

RP : Ok. Est-ce que toi C.C tu écoutes régulièrement ou occasionnellement du metal ?

CC : Oui ça m'arrive.

RP : Est-ce que t'as un genre de prédilection ?

CC : Bah je connais des noms de genre mais je sais pas les associer avec précision, après...

Du metal alternatif moderne, ouais...

RP : Et quel genre d'autres musique écoutes-tu par ailleurs ?

CC : De tout ! J'écoute du rap, du jazz, de la musique classique, du reggae, de la dub, de la

trance, enfin je...

RP : D'accord, et t'as pas un genre qui se démarque plus que les autres ? Où tu te reconnais...

CC : Si, peut-être le rap, mais dans... Que dans certains artistes...

RP : D'accord.

CC : Mais ouais j'écoute pas mal de rap...

RP : Tu te reconnais d'avantage dans des artistes plutôt que des genres musicaux.

CC : Ouais.

RP : D'accord, ça marche. Alors du coup en parlant de reconnaissance, est-ce que toi tu

pourrais te dire et te considérer metalleuse ?

CC : Non !

RP : Non pas du tout ? Pourquoi ?

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CC : Bah parce que, déjà j'ai pas grandi dans cette culture là, je me suis développée dans une

musique on va dire commerciale pour euh... Voilà, me fondre dans la masse on va dire (rires).

Mais même si c'est une musique que j'apprécie beaucoup, j'ai pas la connaissance pour me

dire metalleuse.

RP : D'accord, donc pour toi être metalleux, ça nécessite avoir un petit peu grandit dedans,

évolué puis...

CC : Bah pas forcément grandi dedans mais s'y intéresser au moins suffisamment pour y

connaître vraiment quelque chose ! (rires)

RP : Justement, comment t'as commencé à écouter du metal ?

CC : Bah c'est compliqué en fait... Mon frère a commencé à écouter du metal...

RP : Ouais...

CC : Euh... Du coup j'ai commencé à en écouter en... à travers le mur de ma salle de bain on

va dire (rires).

RP : D'accord !

CC : Parce que voilà, ma chambre est de l'autre côté de la salle de bain et mon frère écoute de

la musique très fort quand il prend sa douche et puis ben voilà, j'ai commencé à écouter du

metal comme ça.

RP : Ouais.

CC : Et euh... Après euh... J'ai... En grandissant bah je me suis fais un peu ma propre opinion,

je me suis un peu renseigné et j'aimais bien donc j'ai écouté un peu plus de choses. Pus après,

j'avais un peu tout arrêté pour euh... Bah justement pour … Parce que c'est pas quelque chose

de social quoi...

RP : Ouais, oui oui d'accord...

CC : Enfin, quand t'écoutes du metal t'es euh... Enfin sauf si t'as plein de potes metalleux mais

sinon, bah t'es un peu mis de côté. Donc euh, je me suis retranché vers la musique un peu plus

commerciale, et puis j'y suis revenu un peu plus tard. Sur conseils, le hasard, réentendre un

titre et se dire « Oui ah ouais j'écoutais ça », tu remets une playlist et machin du coup voilà.

RP : Ok, d'accord. Mais alors tu t'y es remis plus tard, tu t'y es remis quand euh... Je sais pas...

Quand tu te sentais vraiment euh... Sûre d'être euh... D'avoir verrouillé ton confort social entre

guillemets ?

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CC : Ouais !

RP : Ouais. En gros quand t'avais cette sécurité là, ça te donnait euh...

CC : ça devenait possible pour moi...

RP : Possible pour toi de prendre le risque...

CC : Voilà.

RP : D'accord, bien sûr, ça marche. Et plus simplement, qu'est-ce que t'aime dans le metal ?

CC : Bah je l'ai dit tout à l'heure c'est...

RP : La sincérité ?

CC : Ouais voilà la sincérité, beaucoup de sincérité...

RP : Les émotions... ça marche...

CC : C'est ça...

RP : Et est-ce que selon toi, vis-à-vis de tout ce qu'on a dit y a un profil vraiment de

metalleux qui se dégage ? Genre, est-ce qu'il y a des redondances que tu vois dans chaque

metalleux où tu te dis « tiens alors là, lui c'est un metalleux », ou alors dans ta tête le

metalleux est forcément ceci cela etc...

CC : Euh non, c'est super vaste comme domaine je trouve, après y a... y a on va dire... Parfois

certains profils qui se détachent un peu mais globalement pour moi y a pas qu'un metalleux...

Pour moi être metalleux c'est pas une façon de s'habiller c'est pas ça et du coup euh... y a

beaucoup beaucoup de profils qui peuvent se dégager ! Après... Alors c'est peut-être que dans

ma... Dans ma tête entre guillemets, mais je me dis que y a peut-être un truc qui regrouperait

tout le monde c'est la recherche de sincérité et que pour moi les metalleux sont sensés être des

gens qui ressentent des choses et sont un peu sensibles quoi.

RP : Ok ok.

CC : Après je me trompe probablement, mais euh...

RP : Non non, mais je euh... C'est pas... Je demande pas la vérité, juste ce que tu penses...

Ok, donc plutôt des gens un petit peu sensibles.

CC : Ouais bah après pas forcément, qui le montrent pas forcément parce que au final... Ouais

c'est ça, au final les metalleux, enfin, ce que j'ai l'impression, c'est des gens qui ressentent

beaucoup de choses, qui savent pas forcément comment le dire, comment l'exprimer, qui

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retrouvent ça dans le metal, du coup c'est leur façon à eux de l'exprimer, et en même temps,

ben ce côté un peu violent du metal permet d'avoir cette façade de mec dur entre guillemets,

tu vois ?

RP : D'accord.

CC : De...

RP : Donc, si y a un paradoxe « le metalleux est sensible mais à la fois violent » c'est parce

que du coup il est très sensible et euh... Mais il sait pas comment l'exprimer, et le metal lui

permet de l'exprimer, et en même temps il peut se la jouer en étant violent.

CC : Ouais c'est ça...

RP : Enfin en étant violent... En paraissant violent.

CC : En paraissant violent ouais.

RP : Et vu qu'il y a certaines redondances, y aurait un profil de metalleux que tu détestes ?

CC : …

RP : Peut-être pas du tout... Alors peut-être des caractéristiques générales que t'aimes pas, qui

te font lever les yeux aux ciels...

CC : Y a un truc qui m'énerve...

RP : Ou alors...

CC : Après c'est compliqué parce que c'est vraiment très, c'est hyper personnel mais...

RP : Ouais ?

CC : C'est euh... J'aime pas le metalleux par euh... Par dépit entre guillemets. Je m'explique.

RP : Dis moi.

CC : J'ai remarqué à certains concerts que, y a certains gars dans la foule, la musique ils

l'aiment même pas vraiment, c'est... Ils sont là parce qu'en fait ils se sentaient mis à l'écart et

ils ont trouvé ce groupe de gens qui eux aussi étaient mis à l'écart mais du coup ensemble et

du coup c'est moins dur, à vivre. Et du coup ils en sont venus à dire « je vais devenir ça, et

avec eux parce que du coup je suis pas tout seul, et ça me donne une identité » tu vois ? Mais

ils sont pas... pas sincère ! Enfin, c'est pas clair !

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RP : Mais...

CC : C'est pas du tout clair ce que j'ai dit !

RP : Nan nan, si si, bah je vois très bien ce que tu veux dire, c'est, bah, des gars qui se sentent

un peu perdus et qui du coup euh... viennent chercher des autres gens un peu perdus …

CC : Ouais c'est ça

RP : Mais sans vraiment aimer bah... le contenu euh...

CC : C'est ça !

RP : Le contenu musical derrière quoi.

CC : Après y a des gens qui aiment et certains finissent par réellement aimer ça mais, mais...

Mais voilà ça, ça m'énerve.

RP : Ok, pourquoi ça t'énerve d'ailleurs ?

CC : Parce que...

RP : C'est pas trop sincère ?

CC : Ouais c'est pas sincère ! C'est faux et du coup bah c'est dommage parce que justement

pour moi le metal c'est quelque chose de sincère... Qui... Qui au moins a le mérite d'essayer de

l'être ! Pas tout le temps hein, je dis pas que tous les artistes le sont ! (rires) Mais voilà, donc

dans l'idée quoi !

RP : Ok. Et ces gens là tu les vois en concert ?

CC : Oui !

RP : Du coup tu es déjà allée à un concert de metal ?

CC : Oui un petit peu.

RP : Un petit peu ?

CC : Oui un petit peu.

RP : Et tu t'y habilles différemment ?

CC : Non.

RP : Pas du tout ?

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CC : Euh...

RP : Tu choisis pas tes habits en fonction de « tiens je vais aller à un concert de metal je

vais... Je vais m'habiller euh... Plutôt de cette façon ou plutôt euh... »

CC : Bah je vais pas mettre une robe à fleurs ouais mais... (rires) mais enfin sinon je mets

mes fringues, enfin sinon je met un jean, un débardeur, comme d'hab...

RP : Comme d'hab quoi ?

CC : Voilà !

RP : T'as pas genre la tenue genre voilà... la tenue euh... (C.C fait non de la tête) Bon ok. Je

voulais te demander du coup si tu mettais des t-shirts de metal hors concert mais bon, je pense

que voilà, ça a l'air d'être le cas. (C.C portait un débardeur à l'effigie du groupe de neo-metal

Korn) (rires) Est-ce que voilà, ça a attiré un petit peu anormalement l'attention de gens euh...

CC : Ouais, ouais ouais ouais ouais ouais. Bien sûr...

RP : Souvent ou pas trop ?

CC : Euh... Bah ça fait pas longtemps que je l'ai...

RP : Ouais...

CC : Donc c'est difficile de dire « souvent », mais euh... Non assez quand même, bah surtout

que après… Bah c'est complètement subjectif de ouf... Mais j'ai pas une tête de meuf qui peut

écouter du metal en fait.

RP : Ouais ok.

CC : Et du coup c'est ça qui attire l’œil enfin...

RP : Ah oui ça... Ouais...

CC : C'est le... Le contraste entre les deux.

RP : Et du coup cette réaction que t'as observé c'était chez des gens que tu connaissais ou pas

trop ?

CC : Les deux.

RP : Ah oui ?

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CC : Bah la différence c'est que les gens qui te connaissent ils te posent la question et les

autres ils te regardent juste avec un regard bizarre...

RP : D'accord. Et tu l'as vécu comment ?

CC : ça dépend des gens, de euh... Si je les connais ou pas comme je t'ai dis, mais en général

je m'en fiche quoi.

RP : Tu es déjà allée à un autre concert qu'un concert de metal ?

CC : Oui.

RP : Quoi par exemple ?

CC : Je suis allée voir Shaka Ponk deux fois déjà, la dernière fois en février dernier...

RP : Et je me demandais ce qu'était pour toi la principale différence en fait? Entre les deux

expériences que t'as pu vivre.

CC : Bah en fait le truc c'est que... On peut pas répondre à cette question parce que...

RP : D'accord !

CC : Enfin ça dépend de chaque style de musique que tu vas voir parce que j'ai... Enfin, tu vas

voir un concert de reggae, ce qui plane le plus c'est la convivialité de ouf, enfin le reggae c'est

peace and love, tout le monde est déchiré donc ça aide un peu mais...

RP : Oui oui !

CC : Mais voilà (rires), tu vas voir un concert de pop, c'est chacun pour sa gueule c'est celui

qui sera le plus prêt de la star...

RP : Ouais.

CC : Tu vas voir un concert de rap, bah je sais pas j'ai jamais été voir un concert de rap, donc

voilà je dirais que chaque style...

RP : A un petit peu...

CC : A ses propres caractéristiques donc je peux pas dire est différent de ça de tout... Parce

que c'est pas de... Enfin tu vois ? En soi... Quand... Bah Shaka Ponk bah c'est un style de

musique un peu à eux tous seuls mais...

RP : Ouais ?

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CC : Mais quand tu vas à un concert de Shaka Ponk, y a un peu cette même ambiance qu'il y

a à un concert de metal et en même temps y a un peu cette ambiance de la pop aussi...

RP : C'est une hybridation...

CC : Et du coup ouais, dans le metal, t'as ce truc de... En général quand même... Alors...

Ouais y a des exceptions mais, mais... Les gens sont assez ... Ouverts, dans un concert de

metal enfin... ça pogotte, ça se touche tu vois ?

RP : Ouais, très bien...

CC : Ce qui arrive pas dans tous les concerts... Et euh.. Et puis... Je sais pas j'en ai peut-être

pas assez fait mais… Y a une sorte de... Le public du metal est humble, un peu, je trouve...

RP : D'accord.

CC : Enfin tu vois, contrairement à un concert un peu plus euh... pop...

RP : Ouais...

CC : Où je trouve que le public se met moins en avant, il est plus vraiment là pour écouter la

musique et pour les artistes que pour euh..

RP : D'accord.

CC : Se montrer en tant que public.

RP : D'accord, et ça se manifeste comment ? Les gens écoutent simplement euh...

CC : Non bah ça bouge, mais euh, je sais pas comment dire, c'est difficile à expliquer, puis

c'est plus un ressenti...

RP : D'accord.

CC : Mais j'ai pas l'impression que.. Enfin tu vois, j'ai l'impression que deux façons de faire

du bruit dans un concert, y a faire du bruit euh... en répondant aux artistes qui sont sur scène,

et faire du bruit pour faire du bruit.

RP : Ouais.

CC : Pour dire « on est là on est présents » quoi, et dans le metal t'as pas trop ce « faire du

bruit pour faire du bruit ». Après c'est ce que je trouve...

RP : D'accord. Et du coup c'est, c'est... C'est marrant que tu dises que euh.. Y ai une forme

de... Plus d'écoute euh...

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CC : Mutuelle finalement, entre le public et l'artiste...

RP : Ouais c'est ça ! Parce que du coup bah, l'image qu'on a des concerts de metl c'est plutôt

des gens qui se rentrent dedans dans tous les sens et...

CC : Bah y a ça aussi, mais déjà ils se rentrent pas dedans à n'importe quel moment déjà...

RP : Ah ouais ?

CC : Souvent, la plupart des pogos, pas tous mais beaucoup ils sont lancés par euh.. Par les

artistes qui sont sur scène.

RP : Ah oui, donc fruit d'une interaction en fait.

CC : Ouais.

RP : Et est-ce que tu trouves ça violent ?

CC : Un pogo ?

RP : Ouais ?

CC : Bah euh c'est pas doux ! (rires)

RP : En gros wall of death, mosh-pits etc quoi...

CC : Ouais tout ça... Bah c'est pas doux, après c'est pas de la violence parce que.. Bah le but

c'est pas de faire mal aux autres...

RP : Ouais ?

CC : C'est juste de bouger ! Donc c'est pas violent, mais c'est clair que c'est pas doux et c'est

clair que oui tu peux te faire mal et que voilà, c'est...

RP : Ah tu dirais pas que c'est violent quand même !

CC : Non pour moi...

RP : C'est pas de la violence?

CC : Non le but c'est... C'est pas de faire mal, c'est tout. Pour moi quand tu parles de violence

c'est faire mal pour euh... Je sais pas. Que là c'est juste pour bouger enfin... Et quand tu

regardes les gens qui sont dans les pogos, la plupart ils sont juste éclatés de rire, enfin voilà...

Tu ris rarement quand t'es violent quoi.

RP : Ouais, ce serait curieux.

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CC : Ouais ce serait bizarre ! (rires)

RP : Pas faux. Mais du coup vu que c'est pas violent, tu trouves pas que ces pratiques elles

sont... Hors de propos, déplacées, effrayantes... enfin ça te fait pas peur, un pogo te fait pas

peur ?

CC : Non ça me fait pas peur, après je vais rarement dans des pogos parce que...

RP : Tu y es déjà allée une fois ou pas ?

CC : Oui, oui oui mais...

RP : Ah oui ?

CC : Bah Shaka Ponk !

RP : Ah ouais ? Et tu en as pensé quoi du coup ? À l'intérieur du pogo ?

CC : Euh... Bah, c'est rigolo ! (rires) C'est rigolo, enfin après moi c'est pas mon délire mais...

RP : Ouais ?

CC : Nan c'est pas trop mon truc, moi je préfère vraiment enfin... Moi en fait dans le pogo j'ai

l'impression qu'au bout d'un moment quand c'est trop long, tu perds un peu la musique et tu

tentes juste de rester debout et je trouve ça un peu dommage...

RP : Ouais d'accord. Et tu connais des gens qui, bah en parlant de pogo ou euh... du metal en

général, trouveraient ça violent ou euh... Trouvent ça violent et te l'ont dit par exemple, t'as

des exemples comme ça ?

CC : Bah ma mère !

RP : D'accord !

CC : Ma mère elle... Ouais ma mère elle trouve ça super violent, et dangereux et...

RP : Elle a quel âge ta mère ?

CC : Bientôt 50 ans !

RP : D'accord, et elle trouve ça plutôt violent, dangereux, pas trop son monde quoi...

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CC : Pas trop son monde, et elle comprend pas trop quoi, mettre autant de guitares, autant de

batterie, euh.. Voilà, c'est une musique qui euh... Et concrètement, et c'est ce qu'elle dit « c'est

une musique qui est trop violente pour moi et ça me fait mal aux oreilles quoi! »

RP : C'est marrant du coup, parce que elle elle emploie le mot « violence »

CC : Ouais elle emploie le mot violence.

RP : Et satanistes aussi ? (rires)

CC : (rires)

RP : Tu trouves le metal sataniste toi ?

CC : Non ! (rires)

RP : Mais alors pourtant, le groupe Iron Maiden chante « 666 le chiffre de la bête, 666 le

chiffre pour toi et moi ». Ils sont pas satanistes eux ?

CC : Mais non euh... je veux dire, je suis pas dans leurs têtes...

RP : Mais pourquoi ils...

CC : Mais je, je veux dire ce seraient pas les premiers...

RP : C'est pas faux...

CC : Mais, je vois pas pourquoi ce serait plus sataniste d'avoir plus ces paroles là dans une

musique metal que le même genre de paroles dans une musique pop enfin... Je les connais pas

mais je suis sûr qu'on en trouve... Je vais être franc mais, dans le mauvais rap français tu

trouves hein ? Tu trouves des trucs satanistes dans le mauvais rap hein ?

RP : Euh... Ok.

CC : Après j'ai pas d'exemple précis en tête parce que... Parce que bah j'en ai pas. Mais.. Mais

je sais que ça se trouve !

RP : D'accord. Et du coup, j'ai presque ma réponse, mais tu penses que le metal c'est

globalement une musique un peu mal vue, marginalisée ?

CC : Bah je pense que c'est surtout une musique pas comprise.

RP : Ouais.

CC : Et du coup euh...

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RP : Pas comprise.

CC : Ouais.

RP : D'accord.

CC : Et qui du coup, de ce fait est mal vue, mais comme beaucoup de choses qui sont

incomprises sont mal vues en fait, du fait de cette incompréhension.

RP : Oui D'accord, c'est pas faux... euh..

CC : Et du coup, oui après dès qu'on parle de metal, oui on parle un peu de marginaux tu vois

enfin...

RP : Euh... Ouais, ok.

CC : C'est... Tout de suite on parle de quelque chose qui est pas dans la norme sociétale,c'est

pas la musique que tu dois écouter et du coup, enfin je veux dire, tu trouves pas de metal en

boîte de nuit, tu trouves pas enfin... à part dans des soirées metalleux y a pas de metal quand

tu vas en soirée enfin...

RP : C'est vrai.

CC : ça fait pas partie des musiques que tu mets quotidiennement dans une foule.

RP : Et comment ça se fait à ton avis ?

CC : Parce que c'est, c'est, c'est...

RP : C'est du fait que ce soit trop cru, comme tu m'as dit ?

CC : Ouais parce que c'est, je pense que voilà c'est... ça dit trop de choses, et les gens... La

plupart des gens sont peut-être pas apte à comprendre ou à vouloir comprendre et ressentir ces

choses là.

RP : Ouais. Et c'est assez drôle d'ailleurs ce que l'on dit parce que j'aimerais te parler d'un

exemple. Tu vois Kendall Jenner Kardashian ?

CC : Oui.

RP : Elle a été prise en photo y a pas longtemps.

CC : Ouais.

RP : Y a quelques années avec un t-shirt Slayer.

CC : Ok.

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RP : Qu'est-ce que t'en penses ?

CC : …

RP : ça a fait un énorme débat. Les twittos se sont enflammés...

CC : Ils s'enflamment pourquoi ? Explique moi le débat qui... qui se crée parce que...

RP : D'abord... D'abord, j'aimerais bien savoir ton opinion sur ça, tu t'en fiches ?

CC : Ah oui oui je m'en... Bah okay elle... Enfin très bien, soit ! (rires) Elle s'habille bien

comme elle veut enfin je veux dire, enfin non non ! Je... Je vois pas du tout enfin...

RP : Parce que enfin, en gros, la déferlante de haine qui s'est abattue sur cette femme, c'est

que du coup en fait euh... Personne n'était dupe du fait que bah, elle n'écoutait pas du tout

Slayer.

CC : Oui...

RP : Et c'était surtout symptomatique du fait que bah y avait pas mal de célébrités qui

jouaient surtout sur l'image du metal sans en écouter, vu qu'ils arboraient des noms de groupes

qu'ils ne connaissaient même pas.

CC : … Après euh... Je comprends tu vois, je comprends que ça puisse faire rager du coup et

que... Que ça puisse enflammer. Après en soi, c'est aussi euh... Pas forcément une mauvaise

chose là dedans parce que ça permet... Enfin je veux dire, le nombre de gens qui regardent

cette femme et qui ont même pas idée ce que ça pouvait être vraiment que le metal et bah

euh... En voulant euh... S'intéresser à autre chose et voir un peu ce que c'est qu'il se passe, bah

découvrir cette musique là donc... C'est pas forcément une mauvaise chose. Elle en n'écoute

pas elle en n'écoute pas, mais elle peut le faire découvrir aux autres pourquoi pas.

RP : Mais euh...

CC : Puis je veux dire, on est les premiers, enfin je veux dire... C'est, c'est... On a tous eu

quasiment une paire de converses, une paire de machin alors que on n'a aucune idée du reste,

enfin je veux dire, on a probablement tous déjà porté des t-shirts à slogan, et en fait c'est un

slogan on sait même pas, on trouve juste le t-shirt cool, enfin, faut... Faut... Je vois pas

pourquoi faudrait à tout prix connaître à tout prix le groupe sur le t-shirt si tu aimes bien le t-

shirt, après c'est un t-shirt de metal, c'est un t-shirt de metal mais bon après voilà...

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RP : Ok d'accord. Donc ouais, dans ce que tu me dis y a vraiment une distinction à faire

dans... Entre bah euh... « Y a le nom du groupe de metal sur le t-shirt » et bah l'action

d'écouter ce groupe de musique .

CC : Ouais voilà.

RP : Ok.

CC : Pour moi c'est pas pareil.

RP : Et bien euh... je pense que j'ai posé toutes les questions que j'avais à poser, merci

beaucoup pour ta participation.

CC : De rien, avec plaisir !

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Annexe 4.2 – Entretien avec F.G

Contexte

Je me suis entretenu avec F.G le 1er juin 2018 au bar Le Berthom, à 15h30. Ce dernier avait

répondu à mon appel sur les réseaux sociaux. F.G est un homme de 23 ans, étudiant en langue.

Son profil est assez polarisé dans le sens où ce dernier cumule écoute de metal, pratique de

cette musique en groupe, et pratiques nombreuses associées au metal : longs cheveux, t-shirts

metal, fréquentation de concerts de metal, participation bénévole à des organisations de

concert metal locaux… F.G est une figure engagée au sein de cette culture, se considérant à ce

titre en tant que metalleux. La densité des codes mobilisés par ce dernier est un objet d’étude

intéréssant dans le cadre de mon étude. Un tel investissement suppose des représentations

particulières que j’ai considéré pertinentes à étudier, dans la mesure où elles correspondent

tant à un sens donné à la culture metal elle-même, sous plusieurs dimensions, ainsi qu’à un

sens donné aux cultures extérieures au metal.

L’entretien dura au total une petite demie-heure. F.G choisissait soigneusement ses mots avant

de répondre aux questions, mais son argumentaire semblait solidement construit, et ses idées

assez fixes sur les sujets abordés. Ma position de musicien de metal m’a permis d’instaurer un

climat détendu, rapprochant l’entretien d’une discussion informelle, chose que je recherchais

expressément, afin d’avoir accès aux représentations les plus fidèles des enquêtés.

Retranscription

RP : F.G, Qu'est-ce que le metal pour toi ?

FG : Le metal ?

RP : Oui.

FG : Le metal pour moi est une voie vers euh... une voie vers un endroit qui permet d'éviter

tous les problèmes.

RP : Okay !

FG : Du moins s'en séparer pendant un temps.

RP : D'accord.

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FG : C'est une musique plutôt viscérale qui s'écoute... Euh viscérale qui peut être interprété

dans le bon sens comme dans le mauvais sens, et c'est ça qui est intéressant.

RP : Et alors en quoi ça permet, dans le sens euh... général, de... de s'évader de ses problèmes,

c'est ça que tu as dis ?

FG : Oui. Alors euh, dans mon cas... Parce que c'est un cas parmi tant d'autres mais dans mon

cas le metal ça parle pas des problèmes de tous les jours, ça parle de... Même de la vie

simplement de tous les jours, ça parle d'un truc qui est euh... Parallèle à notre monde, dans

mon cas ça parle de magie, ça parle de dragons, ça parle de, de... De guerriers d'antan, donc

rien à voir avec 2018 et les flocons de neige qui...

RP : (rires)

FG : Nyaaah, « cis-blanc » machin... Voilà.

RP : D'accord. Donc pour toi le metal c'est comme une sorte de bon roman ou un film

fantastique.

FG : C'est à peu près ça sauf que du coup c'est pour les oreilles.

RP : Ok.

FG : Voilà.

RP : Alors, F.G, la question que je me pose maintenant c'est si tu écoutes du metal souvent.

(rires, nous avions discuté peu avant de sa passion pour le metal)

FG : (rires) Oui j'écoute, 95% de mon temps musical est consacré à l'écoute de metal.

RP : Du coup j'imagine... Alors tu m'arrête si je me trompe, mais j'imagine que tu te

considères comme étant metalleux.

FG : Je me considère comme étant metalleux.

RP : Euh... Pour toi c'est quoi un metalleux ?

FG : Euh... Pour moi être metalleux je dirais c'est simplement, on va dire, écouter plus de

metal que d'autres musiques euh...

RP : C'est une question de pourcentages en fait ?

FG : Je pense que c'est ça en fait, se dire metalleux c'est écouter plus ce genre de musique que

simplement écouter 95% de pop, on va pas dire qu'il est metalleux. Le mec qui écoute que du

rap on dit que c'est... bon voilà, c'est...

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RP : C'est...

FG : C'est une rappe à fromage.

RP : Ah oui je vois.

FG : Moi je pense que c'est une question de pourcentage, mais si ça peut être aussi interprété

comme euh.. Comme euh.. Comme... Un style de vie ! Mais le style de vie sera quand même

engendré par une écoute plus importante de metal.

RP : D'accord du coup euh...

FG : On va dire que c'est une part de pourcentage.

RP : Du coup, si je désigne quelqu'un comme metalleux c'est avant tout de par la proportion

d'écoute de musique euh... Puis après cette musique qui donnera pourquoi pas des styles de

vie.

FG : Euh du coup par la musique...

RP : Surtout par la musique...

FG : Et aussi par le style de vie qui peut être aussi esthétique, influencé par l'écoute de la

musique.

RP : Donc c'est... Y a quand même la musique comme raison première.

FG : Oui.

RP : Ok. Comment tu as commencé le metal ?

FG : J'ai commencé le metal en voyons simplement disons... Un t-shirt metal avec une

esthétique intéressante. Iron Maiden, je savais pas ce que c'était, et j'ai demandé ce que c'était,

et la personne m'a dit « voilà c'est un groupe de metal qui s'appelle Iron Maiden, l'album

Powerslave ». Ok je suis allé chez moi, j'ai écouté cette musique là, j'ai tout de suite adhéré,

j'en ai parlé à mes parents, ils connaissaient, on a pu discuter et puis j'ai pu en apprendre un

peu plus sur le metal.

RP : Tu avais quel âge quand ça s'est passé ?

FG : J'avais... J'avais j'avais... J'étais en seconde. Donc c'était euh... 16 ans ?

RP : 15 je pense...

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FG : Je crois que c'était 16 ans, on passe son bac à 18 donc je crois que j'avais 16 ans.

RP : D'accord, ok. J'ai envie de te demander si ton ami qui avait ce t-shirt Powerslave était lui

aussi metalleux.

FG : Non c'est un gros poseur de merde.

RP : Ah bon ?

FG : Oui.

RP : Mais alors, mais pour... Mais comment tu le sais déjà ?

FG : Parce qu'il m'a dit qu'il avait complètement euh... écouté ça par hasard, qu'il avait acheté

ce t-shirt parce qu'il était joli, qu'il avait écouté légèrement de Maiden, ça lui a plu un moment

puis après il a totalement arrêté, il continue de le porter, même si il disait qu'il aimait pas ça.

RP : D'accord. Et euh... Comment dire, là maintenant en y réfléchissant tu, enfin, ouais tu te

dis, c'est « un poseur ».

FG : Là maintenant il écoute plus du tout de metal euh... D'ailleurs j'ai pas ouïe dire qu'il en

avait écouté depuis ce moment là donc, je pense que... Si jamais je le revois encore avec un t-

shirt, un esthétique metal je pense que bah... Déjà il l'écoute pas, ça j'en suis sûr, et du coup

c'est un peu dommage. C'est un poseur.

RP : Mais alors du coup j'ai une question, concernant un exemple dont j'aimerais te parler...

Tu as peut-être entendu parler de l'affaire Kendall Jenner et du t-shirt Slayer ?

FG : Oui oui.

RP : Qu'est-ce que tu en penses toi de cette affaire ?

FG : Bah j'y ai beaucoup réfléchi et euh... Honnêtement je ne sais pas si elle l'écoute.

RP : Ouais.

FG : Si jamais elle l'écoute tant mieux, ça fait de la pub pour le groupe, même si je suppose

que le groupe a pas besoin de ce genre de personne, mais ça c'est pas à eux de décider.

RP : Ouais.

FG : Mais si jamais elle écoute pas, c'est encore plus de dommage, c'est de l'appropriation de

culture bête et méchante sans comprendre. C'est un peu comme euh... Aborder un style

vestimentaire euh... Ou une orientation politique alors qu'on n'a aucune idée de quoi il s'agit,

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voilà, c'est comme si je décidais de porter une casquette Maga alors que ça m'intéresse pas du

tout quoi.

RP : D'accord.

FG : Et du coup ça crée des polémiques.

RP : ça fait pas de sens en fait ?

FG : Du moins si elle aime bien l'esthétique elle aurait pu effectivement chercher des t-shirts

d'un autre esthétique... Sans représentation d'un groupe dessus..

RP : Sans s'approprier en fait...

FG : Et dieu sait que y en a des esthétiques comme Slayer... Euh, l'effort à faire c'est de pas

mettre Slayer, mais simplement la même esthétique sans aucun groupe dessus. Pas de

représentation du groupe quoi.

RP : ça marche. Mais du coup, moi la question que je me pose c'est, pourquoi ces gens...

Alors admettons, là on part du postulat comme 99% des gens l'ont compris selon lequel elle

porte un t-shirt Slayer mais n'écoute pas Slayer, moi la question que je me pose c'est pourquoi

ton ami, Kardashian, ont des t-shirts de groupes qu'ils n'écoutent peu ou pas ?

FG : Alors pour mon pote c'est parce qu'il a écouté du metal et qu'il en écoute plus.Parce qu'il

écoutait ça et qu'il aimait ça à un moment donné, ça lui a donné l'impulsion d'acheter un t-

shirt, je trouve ça pas mal.

RP : Ouais ?

FG : Quant à Kardashian, vu comme c'est une personnalité publique euh... Qui n'a pas

beaucoup de sens selon moi, c'est seulement pour faire parler d'elle, pour faire un buzz.

RP : Ok, d'accord.

FG : Je pense que c'est l'explication la plus plausible.

RP : ça marche. Du coup, pour passer un peu au delà de l'exemple Kardashian, j'aimerais

revenir sur toi. Qu'est-ce que toi tu aimes dans le metal ? On l'a déjà un peu dit un petit peu, le

fait que ce soit une porte ouverte sur une chose qui s'échappe un petit peu de la réalité.

FG : Et bien non ! C'est simplement une composition musicale bien plus soutenue et

complexe que ce qu'on peut écouter de manière « casual » dans la pop, ou tout simplement

parce que c'est une orchestration musicale qui me plaît, par exemple le rap j'aime pas parce

que j'aime pas comment c'est fait, j'aime pas non plus la pop parce que je trouve ça très

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simpliste, trop simpliste selon moi, j'aime quand c'est un peu plus complexe et que y a de

l'idée derrière.

RP : Complexe...

FG : D'où le fait que si j'écoute du metal j'écoute aussi du classique, j'écoute d'autres styles

musicaux avec plus de... Plus de complexité musicale.

RP : Ok, d'accord. Et euh... Comment dire... Du coup en fait toi tu dirais que en fait c'est un

peu une question de goûts et d'aversion pour la musique un peu trop simpliste et trop bateau

dans sa...

FG : L'aversion c'est trop euh... C'est un peu un terme très fort. Je dirais simplement un non-

intérêt pour cette musique simpliste.

RP : ça marche.

FG : Aversion... J'ai quand même Ed Sheeran dans ma playlist, ça passe bien, y en a plein

d'autres qui me plaît, pourtant y a pas plus simple.

RP : Et du coup ça veut dire que ouais t'écoutes d'autres genres que le metal.

FG : Oui.

RP : Est-ce que t'as un autre genre de prédilection par exemple ?

FG : Musique classique, eurobeat...

RP : Et t'as déjà participé à des concerts de metal j'imagine ?

FG : Oui j'ai déjà participé à des concerts de metal.

RP : Beaucoup ?

FG : Beaucoup.

RP : Et est-ce que ça t'es déjà arrivé d'y aller seul ?

FG : Oui.

RP : Et tu t'habilles différemment pour y aller ?

FG : Non pas spécialement.

RP : Pas spécialement ? Et tu vas à d'autres concerts que des concerts de metal ?

FG : Oui.

RP : Par exemple ?

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FG : Genre à des concerts de trance, et de pop rock aussi. Whist ? Bof, pop punk.

RP : Et est-ce que tu vois vraiment une différence notable d'ambiance au niveau de ces

concerts par rapport à un concert de metal ?

FG : Ah totalement. Même si euh... On va dire... Le principal on le retrouve : être là et

regarder le groupe, écouter ce qu'ils font et les encourager c'est là et y a quand même des

différences dans la fosse...

RP : Ouais...

FG : Spécialement dans le metal ou... ou d'autres genres ?

RP : Genre... Ouais, quelle différence y aurait, enfin, entre un concert de metal et un concert

d'autre chose en fait ?

FG : Bah la différence avec un concert de metal ça peut être beaucoup de chose, mais peut y

avoir des pogos par exemple, peut ne pas y en avoir, y a des gens qui secouent la tête en rond,

d'avant en arrière, y en a qui font des circle-pits et ils tournent en rond. Y en a qui font des

wall of death alors que dans d'autres, par exemple je vais prendre le concert de trance, ils sont

juste à danser chacun dans leur coin, alors ils sont beaucoup mais ils bougent chacun dans

leurs coins, c'est marrant on dirait des fourmis, euh... Ils fument des joins, ils se défoncent la

tête, ils mettent la tête dans les caissons euh... Ils font des gestes un peu bizarre de vague

parce qu'ils sont défoncés, voilà. L'ambiance est pas la même parce que c'est pas la même

musique, parce que c'est pas les mêmes messages, c'est très différent.

RP : Du coup tu dirais que c'est vraiment la musique metal qui invite à tout ce qui est... Voilà,

secouage de tête...

FG : Ah non pas du tout pas du tout, y a beaucoup de musiques qui invitent à se défoncer, à

secouer la tête, à taper des pieds, pas forcément du metal, y a du hardstyle, tout simplement de

la grosse techno, euh... y a euh... Plein de choses !

RP : D'accord ! Donc c'est pas une caractéristique des concerts de metal que ça bouge dans

tous les sens...

FG : Non, la seule chose qui invite à faire ça c'est le décibel.

RP : Et tu parlais du coup de pogo, de mosh-pits tout ça, toi t'en penses quoi ? T'as déjà fait

ou pas ?

FG : Oui.

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RP : Oui ?

FG : C'est de la merde.

RP : C'est de la merde ?

FG : C'est de la merde.

RP : Mais alors pourquoi c'est de la merde dis moi ?

FG : Simplement parce que j'aime pas ça. J'aime être devant, j'aime secouer la tête d'avant en

arrière et sur les côtés...

RP : Ouais.

FG : Et faire le signe des cornes avec mes mains. Voilà comme ça. (Il me montre le signe des

cornes) Comme Dio le faisait, paix à sa grand-mère et à Dio lui même. (rires)

RP : (rires)

FG : Nan mais c'est vrai, c'est un signe que sa grand-mère lui faisait !

RP : Oui absolument ! Mais euh d'accord. Mais comment ça se fait euh... Qu'est-ce que t'as de

moins du coup euh... T'as l'impression de pas profiter dans le pogo ?

FG : En fait moi c'est euh... J'aime beaucoup regarder les musiciens jouer, leur jeu de scène,

et quand je suis dans les pogos, forcément j'écoute pas, et avec les coups et euh... Dans le petit

environnement de violence où je suis, enfin violence... entre guillemets parce que c'est... C'est

des coups d'épaules qui sont bien gras, et de bide, et on te relève quand tu tombes donc ça va,

mais euh... je suis pas pleinement concentré sur ce que j'écoute et du coup j'apprécie moins

l'expérience.

RP : D'accord. Mais du coup est-ce que tu dirais que c'est une pratique entre guillemets

violente ou pas ?

FG : Alors ça peut être une pratique entre guillemets violente oui, parce que, pour les non-

initiés qui savent pas faire, pour tous ceux qui le font dans un style autre que le metal,

notamment qui revient souvent, des pogos sur Linkin Park où des gens se fracassaient, euh...

Se donnaient de vrais coups, se relevaient pas, parce qu'ils pensaient pas, ils sont pas habitués

à ce genre de choses donc...

RP : Ah oui ils ont pas les codes en fait...

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FG : Voilà, et puis d'autres pogos dans le metal où c'est vraiment, on se tape comme des gros

sacs, on se donne vraiment des gros coups de poings, on se tabasse, littéralement, et c'est

beaucoup moins bon enfant que dans un concert on va dire lambda de metal, où on joue

simplement des épaules grasses et « haha lol c'est marrant ».

RP : Ah ouais ouais d'accord. Mais alors du coup, est-ce que euh... Est-ce que y a vraiment un

type de concert où c'est beaucoup plus violent ou euh...

FG : Euh...

RP : En terme de metal du coup...

FG : Oui. Je me doute bien que dans des concerts qui vont parler de dragons, de magie, va

pas y avoir des pogos...

RP : Ouais ?

FG : Mais quant y aura des concerts de metal qui parlent de la société qui oppresse « c'est de

la merde, j'ai besoin de me défouler », je comprends que là ça joue des mécaniques et des

épaules.

RP : Ouais. Et, euh... Ouais ok. Donc finalement en fait c'est comme si euh...

FG : ça dépend de ce qu'on a à extérioriser en fait.

RP : Ouais c'est comme si du coup y avait un prolongement de la musique à travers la fosse,

mais en logique quoi.

FG : C'est ça.

RP : Ok. D'accord. Par rapport au côté assez marginal de ces concerts et de ces pratiques, tu

t'es déjà senti regardé bizarrement parce que soit t'écoutais du metal, soit tu faisais du metal,

soit t'avais un t-shirt de metal ?

FG : Euh... Oui à tout.

RP : Oui à tout ? Euh... Des gens que tu connaissais ou que tu connaissais pas ?

FG : Les deux. Dans le sens où c'est pas le genre de groupes qu'ils écoutent, ou alors ce sont

des gens qui ne connaissent pas le metal et qui me voient avec les cheveux longs, des t-shirts

aux esthétiques un petit peu plus particulières, même d'autres habits tout simplement, des

accessoires, et voilà ça donne des remarques, « t'es extrême, t'écoutes du dark metal »...

RP : ça t'est arrivé souvent ce genre de remarques ou de truc ?

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FG : Euh oui souvent, mais après c'est pas la même violence à chaque fois, c'est simplement

de la, de la pure incompréhension ou alors de la curiosité, jusqu'à un gros dédain voire de la

haine chez certaines personnes.

RP : D'accord, ah oui t'as quand même...

FG : Une bonne fourchette de... de... Pas d'émotion mais de... sentiment ! De sentiment ! Et

de ressentiment aussi à travers ce que je porte et comment les gens le voient.

RP : Ah ouais y a du ressentiment carrément ?

FG : Ouais ouais, y a des gens qui m'étaient violents verbalement et physiquement envers moi

parce que bah …

RP : Mais ça veut dire quoi, ça veut dire...

FG : Simplement dire que j'écoute de la merde, je prêche satan, des mauvaises choses, c'est

de la musique de sauvages euh...

RP : D'accord.

FG : Voilà !

RP : Ok. Selon toi du coup j'imagine que la musique metal du coup n'est pas une musique

sataniste ?

FG : Euh... Le metal ?

RP : Ouais.

FG : … La musique metal est... Comment dire... J'ai envie de dire 50/50. Y a beaucoup de

genres musicaux en parlant de metal qui parlent de satan, qui le prêchent, y en a tout autant

qui s'en fichent. Qui parlent simplement des problèmes de la vie, qui parlent de dragons et de

magie, qui parlent de, qui parlent de... Juste se bourrer la gueule avec des coups de poings et

faire la fête et donc voilà, y en a autant qui parlent de satan que de papa noël quoi.

RP : Mais du coup, quand Iron Maiden chante « 666 the number of the beast, the one for you

and me », euh, est-ce qu'ils sont satanistes ?

FG : Alors, ils ne sont pas satanistes, premièrement car il faut regarder comment les paroles

sont écrites et quelle est la prise du position du personnage qu'interprète le chanteur qui donne

vie à ces paroles. Ce n'est pas du tout du prêchage, du... De la prêche ? Comment on dit...

RP : Ouais je sais pas...

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FG : Prosélytisme, c'est pas du prosélytisme, on n'incite pas à satan et si on regarde plus

précisément c’est un pantin, manipulé par satan, qui est manipulé lui-même par la mascotte de

Maiden.

RP : Hm...

FG : Donc euh, Maiden met carrément le pied sur Satan et euh... Après je sais pas du tout.

RP : Hm. Donc ouais, c'est encore cette posture du narrateur plutôt que quelqu'un qui prend

parti en fait.

FG : Bah pour Maiden en tous cas oui.

RP : Ouais. T'aurais... Ouais...

FG : D'autres exemples à donner ?

RP : D'autres exemples ouais. De groupes satanistes par exemple...

FG : Euh alors je ne suis pas sûr pour les noms, mais je vais simplement citer des genres

comme le black metal qui est clairement est... Tout ce qui est noir, et tout ce qui est noir on

peut parler clairement de... De magie noire d'occultisme et on fait tout de suite refrain à satan

en parlant de ce genre de choses. Donc je vais peut-être citer le groupe Rotting Christ,

possiblement Behemoth, après y en a sûrement d'autre mais je connais pas assez...

RP : Ouais c'est pas ton truc ouais...

FG : Donc je vais simplement citer le genre comme étant ce genre là qui prêche Satan.

RP : Entendu. Du coup j'aurais une dernière petite question pour terminer.

FG : Ouais ?

RP : Le metal, plus un truc d'homme ou de femme à ton avis ?

FG : Euh...

RP : Bah du coup je vais reformuler, parce que derrière y a évidemment le sous-entendu, est-

ce que c'est que pour les hommes ?

FG : … Je dirais que non. C'est, c'est... Comme je l'ai dis plus tôt c'est une musique qui est

viscérale, qui se ressent, et euh... Jusqu'à preuve du contraire, les hommes et les femmes

ressentent.

RP : Bien sûr.

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FG : Donc je pense que c'est plus une musique pour tout le monde.

RP : Mais du coup comment...

FG : Y a peut-être plus de mecs qui écoutent parce que c'est plus extrême, et de nature les

hommes sont un peu plus casse-cous, et aiment plus les sensations fortes que les femmes...

C'est pour ça que y a possiblement une grande majorité d'hommes plutôt que de femmes dans

le metal.

RP : Et pour finir ur les profils de metalleux, est-ce que tu peux... Est-ce que tu as un

archétype du metalleux, un profil qui revient tout le temps quand tu rencontres un metalleux

ou quoi que ce soit ?

FG : La plupart du temps je dirais des vêtements sombres, des chaussures en cuir plus ou

moins renforcées, et des cheveux longs. Après y a des petites nuances comme un jean soit en

latex, jean, en cuir, et pour le haut on aura... Le plus souvent un t-shirt de groupe, ça c'est clair

et net, après peut y avoir une veste en jean, une veste en cuir, pas de veste tout court, torse

nu...

RP : Et du coup euh... Dernière question : selon toi, l'idée que le metalleux est très souvent

alcoolique et violent, c'est un stéréotype ou pas ?

FG : C'est un stéréotype.

RP : Ouais ?

FG : Et malheureusement les stéréotypes c'est, c'est ce qui porte le plus, c'est ce qui parle le

plus, parce que c'est toujours les mauvais exemples qu'on entend le plus dans une

communauté.

RP : Bien sûr.

FG : Donc oui c'est un stéréotype, mais il faut bien sûr bien comprendre qu'il n'y a pas que

des gens comme ça dans le metal.

RP : Et bien merci F.G pour cet entretien.

FG : Un plaisir !

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Annexe 4.3 – Entretien avec C.M

Contexte

Je me suis entretenu avec C.M le 16 juin 2018 à 14h. Ce dernier à répondu à mon appel passé

sur les réseaux sociaux. Nous nous sommes rencontré au bar Le Berthom et avons pu discuter

calmement. C.M est un homme de 22 ans, étudiant en mathématiques, issu d’une CSP aisée.

Son profil est intéressant, dans la mesure où ce dernier a une écoute modérée du metal, mais

participe tout de même à des concerts de metal, porte des t-shirts metal. L’entretien a du être

écourté pour des raisons personnelles, mais a tout de même duré une vingtaine de minutes.

Même si succin, l’entretien fut enrichissant et se déroula sans encombre. C.M même si parfois

hésitant, est resté toutefois clair lorsqu’il s’agissait de développer sa pensée tout au long de

l’entretien. Ce dernier fut pertinente au sein de mon analyse, puisque les représentations de

profils hybrides sont un outil fort intéressant dans le but de comprendre les modes de

réappropriation différenciés de la culture metal. L’omnivorisme culturel est ainsi approché de

manière à en faire ressortir sa dimension constructive.

Retranscription

RP : Pour toi le metal qu'est-ce que c'est ?

CM : …

RP : Quand on te dit metal, qu'est-ce que c'est ?

CM : Euh... J'en sais rien en fait, moi c'est juste un genre de musique que j'aime bien.

RP : Ouais ? Un genre de musique que t'aimes bien d'accord.

CM : Ouais.

RP : Qu'est-ce qui le distingue des autres entre guillemets ? Enfin je veux dire, qu'est-ce qui

te fait dire que par exemple entre deux morceaux « bah tiens celui là c'est du metal, celui là

c'est pas trop du metal »

CM : … J'ai jamais réussi à cerner. Peut-être plus de batterie que sur le reste mais... Mais j'en

sais rien ! J'en sais vraiment rien !

RP : Ouais plus de batterie quoi... Plus de...

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CM : Pas forcément dans le genre violent, c'est genre plus de... Y a une emphase posée sur la

batterie en fait. Tu l'entends plus, ou elle est plus développée que dans certains autres

morceaux.

RP : D'accord. Ok.

CM : Que dans d'autres genres de musique.

RP : Une histoire de mix du coup donc euh... D'accord. Donc euh, est-ce que ça t'arrive

d'écouter du metal ?

CM : Oui !

RP : Ouais ça t'arrive ? Plutôt souvent ? Pas trop ?

CM : De temps en temps, après moi je...

RP : Pas systématiquement...

CM : Après moi l'idée c'est que moi je fonctionne par phases donc souvent... j'ai une phase

metal qu revient souvent, et même dans les phases où j'écoute pas que du metal, ça... Il

m'arrive d'écouter du metal quand même.

RP : Et comment est-ce que t'as commencé à écouter du metal, comment t'as découvert euh...

CM : Euh...

RP : Ce style musical...

CM : … Comment j'ai découvert le metal ?

RP : Après ça peut être une période, ou ton premier morceau...

CM : Non, je pense que j'ai découvert le metal par un groupe d'amis.

RP : Ok.

CM : Qui ont commencé à former un groupe de metal, et du coup j'ai commencé à m'y

intéresser à ce moment là.

RP : D'accord. Donc c'est par le biais du coup de ce groupe d'amis qui du coup faisaient du

metal que t'as commencé à t'y intéresser plus particulièrement.

CM : Hm. Par internet souvent...

RP : D'accord. Et tu te considères comme metalleux toi même ?

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CM : Non, je pense pas, parce que pour être metalleux, enfin pour moi pour être metalleux il

faut à la fois écouter du metal mais avoir aussi une... Une certaine curiosité culturelle par

rapport à l'univers en fait.

RP : Ok.

CM : Par rapport à l'univers du metal. Que j'écoute du metal mais j'ai pas cette culture qui va

avec donc je me considère pas comme metalleux par rapport à ça.

RP : ça marche. Est-ce que tu peux être plus précis juste sur « curiosité culturelle » ?

CM : Bah, comment dire... Euh... Bah plus euh... Bah pas forcément chronologiquement,

mais plus euh... Une idée euh... De comment tu structures... Après moi j'ai l'exemple de mon

groupe de potes qui euh... Qui ont un groupe de metal ensemble. Du coup sur la structure

musicale des différents morceaux.

RP : D'accord, ok. Donc c'est... Euh ouais, je vois ce que tu veux dire. Le côté expertise...

Enfin expertise musicale, analyse un petit peu...

CM : Alors... à la fois oui. Oui oui oui, oui. Expertise musicale euh... Avoir la curiosité de

faire la comparaison entre les différents morceaux de différents groupes.

RP : Du coup, toi tu te considères plus dans l'optique « j'aime bien, voilà j'écoute, et puis

euh... Peu importe que ce soit du metal ou autre chose. »

CM : C'est ça, moi j'ai une écoute euh... En général j'ai une écoute très égoïste de la musique,

dans le sens où j'aime bien je garde, j'aime pas je vais éviter.

RP : D'accord ok. Et dans ceux que tu gardes parmi les morceaux de metal, qu'est-ce qui te

plaît ?

CM : … Généralement la musicalité de l'ensemble.

RP : Ouais ?

CM : Parce que euh... Dans les genres de metal que j'écoute, j'écoute plus du folk metal ou

euh... Enfin ouais, j'écoute principalement du folk metal donc euh... C'est euh... C'est des

genres, c'est des genres de metal qui sont très...

RP : Très mélodiques ?

CM : Mélodiques oui.

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RP : Ouais ok. La façon dont tu as mis en avant la mélodie, puis peut-être

l'instrumentalisation aussi parce que du coup...

CM : Oui beaucoup.

RP : Parce que du coup le... Enfin, le folk metal, arrête moi si je me trompe mais j'ai, enfin, le

folk metal, le cliché qui est un peu vrai aussi c'est que ça reprend un petit peu des thèmes un

petit peu celtiques avec de la grosse disto etc.

CM : Mais pas que. Parce que par exemple y a Alestorm qui va reprendre du … Du, du... Du

pirate metal. C'est moins celtique, mais ça reste du folk.

RP : D'accord, mais du coup euh... Qu'est-ce qui fait que t'écouterais plus ce genre de choses,

plutôt que des thèmes pirates classiques, de BO pirates, ou des musiques traditionnelles

celtiques...

CM : J'écoute quand même des musiques celtiques traditionnelles, c'est juste que ça change,

c'est une approche différente, c'est une approche que j'aime bien.

RP : Entendu, du coup selon toi, si je synthétise un metalleux c'est plus quelqu'un qui a... Qui

est à même entre guillemets de comparer les morceaux de metal entre eux et qui a la curiosité

d'aller plus loin dans ce truc...

CM : Pas forcément, pas forcément « à même » mais qui a la curiosité de pouvoir comparer

les différents morceaux.

RP : Ouais. Entendu.

CM : Voilà.

RP : Tu es déjà allé à des concerts de metal ?

CM : Oui.

RP : Est-ce que tu y es déjà allé seul ?

CM : Hm... Non.

RP : Et t'es-tu habillé d'une manière différente de ta manière habituelle pour ces occasions ?

CM : Euh non.

RP : Pas spécialement ?

CM : Non pas du tout. J'ai pas l'habitude d'avoir une tenue particulière sauf pour les mariages.

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RP : Et tu as eu l'occasion d'aller à d'autres concerts que des concerts de metal ?

CM : Oui. Je vais souvent au festival interceltique, Matmatah entre autres, et je suis allé voir

aussi, dans un style tout autre Alizee.

RP : Et c'est quoi selon toi la principale différence que t'as pu voir entre un concert de metal

et un concert non-metal ?

CM : Bah j'ai envie de dire la muique mais c'est un peu évident ! (rires)

RP : à part la musique du coup.

CM : Euh... nan sinon...

RP : Au niveau des ambiances, des gens euh...

CM : Nan bah...

RP : T'as pas noté forcément foncièrement de différence en fait.

CM : Non parce que j'ai, en gros euh... je l'ai dis précédemment, mais j'ai une écoute très

égoïste de la musique, du coup je... Je m'enferme un peu dans mon monde et je regarde très

peu la scène autour donc euh...

RP : Et du coup, est-ce que tu as déjà participé à des pogos, mosh-pits, des wall of death...

CM : Euh (rires), euh non pas spécialement, j'aime bien regarder, parce que c'est drôle de voir

des gens chahuter devant mais... C'est pas quelque chose qui m'attire particulièrement.

RP : D'accord. Et t'en penses quoi toi, tu trouves pas ça trop violent ou... enfin...

CM : Bah c'est violent, mais c'est enfin... Pour moi c'est enfin... Comment dire... C'est un

chahut, à taille XXL.

RP : Un chahut géant.

CM : C'est violent dans le sens où y a du contact physique, mais c'est pas une violence qui a

pour but de blesser l'autre. .

RP : C'est une violence dans son expression mais pas dans sa finalité ?

CM : C'est ça.

RP : D'accord.

CM : Le but c'est pas de se faire mal c'est de se bousculer.

RP : C'est ça.

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CM : C'est de se faire bouger justement.

RP : Et du coup ça désamorce genre le côté dangereux si j'ai bien compris.

CM : C'est ça parce que en gros, je... Je m'y connais pas assez, mais si j'ai bien compris, et

des dires de mes amis qui en font, y a tout un set entre guillemets de règles et de mouvements

que tu peux exécuter pour que l'ensemble soit, pas forcément plus cohérent, mais plus

sécurisant pour les gens participants.

RP : D'accord, donc de ton point de vue ça fait que bah y a pas vraiment à se faire du soucis

quand les gens se rentrent dedans en concert quoi.

CM : Bah, forcément ça reste de la violence entre guillemets donc y a un risque...

RP : Ouais bien sûr.

CM : Mais en tous cas il est minimisé.

RP : Mais du coup... comment ça se fait que ça t'attire pas toi ?

CM : Bah justement, j'ai une écoute plus calme et plus posée et du coup ce genre de pratiques

n'est pas … N'a pas forcément pas lieu d'être mais euh... a moins l'occasion de ressortir.

RP : D'accord, donc du coup dans les concerts où t'as l'occasion d'aller de metal un peu plus

calme, y a peut-être moins de pogos de...

CM : C'est ça.

RP : D'accord. Et par ailleurs tu as pas de genres qui se dégagent plus que d'autres dans cette

écoute particulière ?

CM : Nan, bah après y a le metal qui revient souvent, j'écoute beaucoup de pop japonaise, je

recherche surtout l'inventivité dans les morceaux et la créativité qu'il y a derrière, et c'est

quelque que chose qui je trouve est très présent dans le metal, peu importe le sous-genre de

metal derrière, mais du coup c'est un style de musique que j'apprécie.

RP : Hm hm, le côté créatif du coup.

CM : Ouais.

RP : Et à ce titre tu mets parfois des t-shirts de metal ?

CM : Oui.

RP : Bon bah du coup, puisque tu m'as dis que tu changeais pas beaucoup de tenues que ce

soit en concert ou hors concert je me doute que portes aussi des t-shirts metal hors concert ?

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CM : Oui.

RP : Et est-ce que tu as déjà eu à faire à... Un jugement, je sais pas, des regards bizarres... vis

à vis, soit du t-shirt, soit de l'écoute de metal, soit...

CM : Non, bah justement, parce que déjà j'ai peu de t-shirts de groupes, donc ça se voit pas en

permanence. Et aussi que les genres de metal que j'écoute sont euh... Les genres entre gros

guillemets « calmes » de metal, donc qui sont rarement sujet à tous les stéréotypes de violence

du genre...

RP : En parlant de stéréotype et de violence, tu es au courant du scandale au sein de la

communauté metal de... Kendall Jenner Kardashian.

CM : Ah euh non ?

RP : En fait, elle a été photographiée avec un t-shirt à l'effigie du groupe Slayer. Et les

metalleux se sont indignés car bah... Ils ont tous supposé qu'elle n'en écoutait pas.

CM : Ah oui ça va je m'en souviens encore.

RP : Tu en penses quoi ?

CM : Bah c'est … C'est tout le débat savoir si... Bon je te le dis, je m'en fiche. Dans le sens où

la... Savoir pourquoi elle avait un t-shirt de Slayer c'est ça ?

RP : Oui.

CM : N'a pas beaucoup d'intérêt, savoir si... Si elle en écoute bah grand bien lui en fasse, si

elle en écoute pas, d'accord. Si elle a voulu surfer sur la vague médiatique de « je porte un t-

shirt metal donc je suis « edgy », très bien, elle s'est faite prendre en photo, c'est ce qu'elle fait

de mieux.

RP : Ok.

CM : Point. (rires)

RP : Et du coup, ouais ça fait edgy quand même de porter un t-shirt metal pour toi ?

CM : Bah... Pas spécialement pour moi mais c'est... l'idée qu'à un certain moment y avait un

certain nombre de célébrités qui portaient des t-shirts de metal sans trop savoir pourquoi et

elle s'est dit « ah tiens, si je faisais la même chose, ça fera parler de moi ».

RP : D'accord, ouais donc c'est...

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CM : C'est un système... Pas système de communication mais euh... Coup de communication

quoi.

RP : Ouais. Coup de com'.

CM : Coup de com' !

RP : D'accord.

CM : Donc savoir si elle l'a fait pour le coup de com', ou si elle écoute vraiment Slayer... Je

serais curieux de savoir quand même si on l'a reprise en photo avec un deuxième t-shirt de

Slayer plus tard... Ce serait bon à savoir...

RP : Alors, euh...

CM : Et euh... ça m'étonnerait quand même.

RP : Alors en vrai, je crois pas que y ai eu une occasion, mais alors y a une anecdote très

drôle qui est que le guitariste de Slayer, enfin l'un des deux guitaristes de Slayer a, a mis un t-

shirt en fait...

CM : De Kardashian portant un t-shirt de Slayer ? (rires)

RP : Qui disait « Kill the Kardashians ».

CM : (rires) Ah ouais !

RP : (rires) Et du coup belle transition, parce que du coup « Kill the Kardashians », est-ce que

les metalleux sont vraiment violents comme ça ? Est-ce que le metal c'est vraiment une

musique de bourrin ? Holt a quand même parler de « tuer les Kardashians ».

CM : Bah d'accord, mais c'est pas parce qu'une partie du metal est violente que tout le metal

est violent.

RP : Ok.

CM : Et c'est pareil pour le satanisme, c'est pas parce qu'une partie du metal est sataniste que

tout le metal est sataniste, faut pas faire d'amalgame non plus. Si on fait cet amalgame pour le

metal on peut aussi le faire pour la pop pour d'autres raisons. De la même manière il existe

des groupes de metal chrétien. Est-ce que tout le metal n'est pas chrétien à ce moment là. Et

pour revenir au sujet du début à savoir est-ce que le metal est violent. Non, moi comme je le

dis j'écoute un type de metal qui est très calme en fait, qui n'est absolument pas porté sur la

violence. Même très peu, très très peu. Ah peut-être un peu plus Alestorm mais...

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RP : Oui un petit peu ça va.

CM : Mais bon, Faune beaucoup moins quoi.

RP : Et, euh... dernière question, tu penses que y a vraiment un... Enfin vraiment un profil , y

a un profil de metalleux, des trucs qui reviennent tout le temps, je sais pas...

CM : Alors de mon expérience, les metalleux peuvent avoir pas de cheveux comme les

cheveux longs, de la barbe ou non, des yeux verts marrons ou bleus, ils peuvent être très

grands ou très petits, avec un t-shirt de metal ou non (rires), enfin des bottes ou pas, des

pantalons, ils peuvent même être gays. Ils peuvent porter des casquettes ou pas euh... Enfin

voilà, y a beaucoup de... Je pense absolument pas qu'il y ai de carcan...

RP : De moule en fait.

CM : C'est ça y a pas de moule, enfin... c'est comme je disais, pour moi la définition du

metalleux entre guillemets c'est écouter du metal, ça t'as pas besoin de le porter sur toi, et

après t'as une curiosité pour...

RP : Aller plus loin ?

CM : Oui voilà mais t'as pas besoin de le porter sur toi .

RP : Entendu. Et bien je crois que l'on arrive à la fin de cet entretien.

CM : D'accord.

RP : Merci beaucoup pour ton temps.

CM : Pas de problème.

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Annexe 4.5 – Entretien avec J.C

Contexte

J.C est ingénieur du son lyonnais depuis deux ans. Âge de 27 ans et issu d’une CSP moyenne,

ce dernier a assisté dans le cadre de sa profession à plus de 300 concert, et produit de même

de nombreux projets musicaux. J’ai souhaité m’entretenir avec ce dernier afin de recueillir

son ressenti quant à la culture metal, puisque lui même est entre autre musicien de metal, et a

été amené à de nombreuses reprises à côtoyer la communauté locale associée au metal. Fort

de cette expérience, ses représentations ont pu représenter pour moi une perspective

intéressante quant à mes travaux, ainsi qu’un regard particulier sur la question de la

l’illégitimité du metal en France. Je connaissais par ailleurs J.C en amont de cet entretien,

pour avoir travaillé avec lui à plusieurs occasions.

Nous nous sommes entretenu par Skype le 6 août 2018, selon une grille d’entretien divergente

de celle utilisée lors de mes autres entretiens, de par la nature particulière de l’enquêté. J’ai

une fois de plus opté pour un format souple, laissant l’enquêté opter pour la direction de son

choix quant à la tenue de l’entretien. Ce dernier a duré une heure et quatre minutes, s’est

déroulé de manière très correcte. Tout d’abord sur la réserve, J.C a rapidement joué le jeu, en

me faisant part de ses représentations de façon imagée et détaillée. Écoutant du metal, jouant

du metal, mais ne se considérant pas comme metalleux, sa façon de remettre en question la

dimension « illégitime » du metal m’a de plus permis d’en comprendre d’avantage sur les

modes d’associations identitaires à la culture metal.

Retranscription

R.P : Ma première question elle est très simple c’est tout simplement : le metal, qu’est-ce que

c’est pour toi ?

J.C : Euh… Un genre de musique.

R.P : Ouais ?

J.C : Tout simplement enfin…

R.P : Ouais ok.

J.C : ça va pas beaucoup plus loin en fait hein…

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R.P : ça marche. D’accord donc pour toi ça se cantonne à un genre de musique.

J.C : Bah… Oui, oui, oui oui ça se cantonne à un genre de musique ouais.

R.P : ça marche, et comment est-ce que tu pourrais… Comment tu pourrais distinguer le

metal d’autre musique par exemple ? Est-ce que t’aurais… Un signe distinctif particulier, tu te

dis « tiens ça c’est du metal » ou « tiens ça c’est pas du metal » ?

J.C : … Euh, bah c’est quelque chose qui reste relativement acéré, c’est souvent des

rythmiques soutenues, c’est souvent, enfin c’est… C’est comment dire, enfin c’est utiliser à la

base de la base, c’est utiliser des sons qui ne sont pas justement agréables aux oreilles pour les

rendre en gros harmonieux, euh.. Le but même, enfin si tu veux si on part vraiment de la base

de la base, genre Black Sabbath ou des conneries dans le genre, la base de la base c’était

vraiment avoir quelque chose d’agressif, quelque chose qui te… Enfin au même titre que, en

gros… Son rôle c’est le même rôle qu’a eu le rock’n’roll quand il est apparu tu vois? Quand

on a commencé à faire ça, les premiers amplis tu vois ?

R.P : Ouais.

J.C : Faire bouger en gros faire bouger les corps, faire bouger les âmes, enfin tu vois le

principe quoi.

R.P : D’accord.

J.C : Et du coup, pour moi bah c’est ça le rôle du metal, enfin c’est…

R.P : Donc du coup en fait prendre des sons qui à priori enfin pris à part sont pas forcément à

l’oreille, et puis du coup les rendre euh… Dynamiques etc.. Et attrayants justement… Ayant

vraiment un sens artistique quoi c’est ça ?

J.C : Oui oui c’est ça ouais, c’est complètement l’idée.

R.P : Ok. Alors est-ce que toi t’écoutes du metal souvent ?

J.C : Euh… bah pas tant que ça.

R.P : Pas tant que ça ? D’accord.

J.C : Nan pas tant que ça, j’en ai… Oui j’en écoute pas mal, après j’ai un gros problème avec

le fait d’être… D’écouter beaucoup ce que je fais pour travailler dessus donc du coup ça me

prend… Je sais pas j’écoute… 35 % 40 % de ce que j’écoute c’est ce que moi je fais en fait.

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R.P : D’accord. Ok.

J.C : Donc du coup… Mais c’est toujours dans un esprit euh… Tu vois, dans un premier

temps c’est dans un esprit euh… de travail puis après dans un truc c’est si je les ai créé c’est

pour me faire kiffer et j’ai envie d’entendre des trucs dans tel style donc du coup je le fais

dans ce style là. Mais après j’écoute euh… Je sais pas on va dire euh… 35 % du… Enfin on

enlève ma musique, 35 % du temps j’écoute du metal, mais j’écoute majoritairement autre

chose.

R.P : Ouais d’accord ok. Donc le metal c’est pas forcément ta musique, de pré… Enfin ton

genre de prédilection entre guillemets quoi…

J.C : … Pff bah, quand j’étais pas assez ouvert, quand j’étais pas assez ouvert à la culture et

que du coup j’étais fervent défenseur du metal, j’écoutais beaucoup de metal et puis… Plus je

me suis ouvert et plus j’ai laissé passer les à priori, plus je me suis… Enfin plus j’écoute de

tout en fait !

R.P : Ouais !

J.C : Plus j’écoute de tout en fait… C’est surtout ça…

R.P : D’accord. Et du coup euh… Tu dirais que c’est à partir de quel âge que… Que tu t’es

ouvert un petit peu, et que t’as fait basculer ces à priori ?

J.C : … Euh, je dirais euh… Je dirais quoi, je dirais… Pff, bah y a pas si longtemps que ça, je

dirais y a… 7-8 ans.

R.P : Ok, d’accord !

J.C : Quand j’ai eu la vingtaine sûrement.

R.P : D’accord et euh…

J.C : Voire euh peut-être un peu… Nan peut-être un peu avant, 18 19 ans mais… En âge de

comprendre ce que j’écoutais un peu mieux quoi.

R.P : Hm. Et du coup est-ce que y a eu comment dire… Une sorte de tournant, un truc qui t’a

fait prendre conscience ou euh… Je sais pas, des choses du genre ?

J.C : Ouais, ouais ouais ouais. Demander à quelqu’un d’autre de me faire une playlist pour la

première fois.

R.P : Ok. D’accord.

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J.C : C’est, j’ai euh… La première fois que j’ai vraiment écouté autre chose je suis passé

de… J’étais dans une période où j’écoutais pff… Deftones, enfin des trucs dans le genre,

j’écoutais Avenged, j’écoutais Lamb of God etc...Et en fait j’ai demandé à un mec de me faire

une compil’ de musique qu’il produisait lui, de la pop française des choses dans le genre, et en

gros il m’a fait découvrir Hocus Pocus, il m’a fait découvrir euh… Bah genre Metronomy,

genre Archive, genre vraiment des trucs complètement aux antipodes en fait…

R.P : Ouais ouais complètement.

J.C : Et après bah du coup j’ai fait… bah après du coup c’est tout con mais en rencontrant des

gens, et en allant dans des soirées où t’es pas forcément à ta place…

R.P : Ouais.

J.C : C’est en bougeant et… En découvrant de nouvelles choses, enfin une partie de ma

culture musicale s’est faite aussi avec des proches, enfin par exemple avec M. j’ai découvert

pas mal de trucs, elle elle était en mode genre, par exemple musiques… Musiques anarchistes,

en mode genre punk français CGTiste et des conneries dans le genre, et y a toute les sous-

cultures qui pouvaient s’y raccrocher de près ou de loin… Enfin je me suis mis à écouter de la

musique brésilienne, à écouter pas mal de trucs différents, enfin voilà. Tout, tout part vraiment

de… Moi je pars de partage en fait. Naturellement, ces dernier temps… Enfin ces derniers

temps, ces dernières années on va dire, avec les suggestions Youtube les conneries dans ce

genre tu découvres des trucs, mais euh… La plupart des découvertes que je fais c’est vraiment

en ayant des gens en face de moi qui ont des goûts prononcés pour d’autres styles et qui ont

du plaisir à le faire partager en fait.

J.C : Ouais d’accord.

R.P : Et alors, bah du coup la question que je me pose, c’est euh… Comment est-ce que t’a

écouté du metal, comment t’as commencé à écouter du metal ? Est-ce que c’était sur le même

principe ? Genre, sur le principe du partage ?

J.C : … Euh non, non non non, c’était plutôt quelque chose de relativement… Quelque chose

qui m’attirait euh… Qui m’attirait naturellement. Moi j’ai commencé par euh… Le premier

album, enfin mes deux premiers albums y en a un c’était Fatboy Slim, je sais pas si tu

connais ?

R.P : Ouais ok. Ouais je vois.

J.C : C’était Fatboy Slim, et le deuxième c’était The Offspring, Americana.

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R.P : D’accord.

J.C : Donc du coup, bah, j’aimais beaucoup Fatboy Slim et je préférais Americana parce que

du coup ça envoyait du steak pour l’époque, j’avais quoi j’avais… 11 ans, 12 ans, c’était mes

deux premiers albums avant j’avais des singles des conneries dans le genre, relativement de la

merde…

R.P : Hm ?

J.C : Et donc voilà, donc après je suis parti du pop punk, j’ai découvert Blink machin etc dans

la foulée tout ça etc, et en gros j’ai découvert ce qu’est devenu ce mouvement, donc plus ou

moins metal, donc à la base, au début c’était happy hardcore, après c’était easycore, après je

me suis un peu… Genre c’est la période où j’ai découvert genre le tout premier album de

Bullet, les premiers albums de Trivium les conneries dans le genre, enfin voià quoi.

R.P : Genre milieu des années 2000, un truc comme ça quoi.

J.C : … Ouais ou même… Ouais c’est ça en fait…

R.P : Enfin début milieu plutôt ?

J.C : En seconde j’étais en quoi, c’était en 2005… 2006 je sais plus… J’ai découvert Trivium

en arrivant en seconde parce que ouais du coup je montais mon premier vrai groupe, et que

mon batteur était fan de Trivium.

R.P : Ah ok. D’accord.

J.C : Et du coup il m’a fait découvrir ça.

R.P : Ok. Mais alors tu m’as dit que maintenant t ‘écoutais pas principalement du metal, enfin

que c’était genre 35 % de ton écoute si mes souvenirs sont bons…

J.C : Ouais.

R.P : Et, est-ce que tu peux te considérer comme metalleux ou pas du coup ?

J.C : Bah le truc c’est que euh… Plus ça va, et plus le metalleux moi je le vois un peu comme

un gros mot en fait.

R.P : Ouais, ok.

J.C : Parce que du coup enfin après c’est un peu… Le problème dans la manière dont est

consommée et diffusée l’image du metalleux, c’est que… Plus ça va et plus ça devient cliché

en fait.

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R.P : Ok.

J.C : à la base, à la base, à la base… ça en était plus ou moins un mais ça restait quelque

chose où y avait des valeurs etc. Mais plus j’avance dans ce truc là, plus je me rends compte

que c’est un endroit blindé de… Enfin un endroit, un statut entre guillemet blindé de

personnes de mauvaise foi qui sont souvent plus fermés que la plupart des gens, et du coup

j’aime pas le metalleux de base en fait.

R.P : D’accord, mais du coup est-ce que y a une évolution ? Ça a toujours été comme ça selon

toi ou c’est un truc un peu nouveau ?

J.C : …

R.P : Ce metalleux de base qui es un petit peu bah… fermé comme tu dis.

J.C : … Non je pense enfin je pense… (rires) je suis en train de faire le sketch des inconnus y

a le bon et le mauvais chasseur tu sais.

R.P : (rires)

J.C : Le truc c’est que du coup c’est … y a… Je pense que y a le metalleux qui est ouvert à

tout donc du coup il est pas metalleux, il est aficionado de la culture metal, et je pense que t’as

le metalleux pure souche qui lui est un…

R.P : Sectaire un peu ?

J.C : Un fermé d’esprit.

R.P : Ouais d’accord.

J.C : De base en fait.

R.P : Ce qui veut dire que euh… Genre si tu prends le terme metlleux, bah ça prend déjà la

dimension sectaire en fait, quasiment.

J.C : Ouais.

R.P : Ok.

J.C : Bah oui oui oui.

R.P : D’accord.

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J.C : Parce du coup ça te cantonne à un truc tu vois, parce que du coup quand tu donnes…

Quand tu donnes un titre tu vois, enfin pour moi hein, mais je pense que niveau sociologique

c’est pas trop déconnant, je pense que quand tu te… Quand tu te revendiques d’une culture du

coup c’est que derrière tu… Comment dire, tu… Tu la prône et du coup tu la représente.

R.P : Hm, ouais.

J.C : Donc du coup pour moi euh… Ouais nan, c’est pas… Enfin moi je me considère, je me

considère pas comme metalleux quoi.

R.P: Ouais ? D’accord, du coup juste, justement pour éviter ce… Ce côté sectaire en fait et…

Bah du fait que t ‘écoutes plein d’autre choses donc enfin… Ok.

J.C : Voilà, c’est exactement ça.

R.P : Tu mets des t-shirts de metal ?

J.C : Ouais ouais j’en ai plusieurs ouais.

R.P : Et euh… Est-ce que genre par exemple dans la rue ou euh…. Dans tes cercles d’amis,

est-ce que tu t’es déjà senti euh… On va dire stigmatisé ? Oppressé ?

J.C : (rires) Non, non non non.

R.P : Ok.

J.C : Peut-être éventuellement y a très longtemps au collège dans des groupes euh… Dans

des groupes relativement fermés et dans des environnements… Comment dire… Dans des

environnements sociaux assez clôt. Mais autrement non.

R.P : D’accord, ce qui fait que en fait y a aucune condition où bah tu te sens forcé de

dissimuler soit ton écoute euh… Aussi partielle soit-elle…

J.C : Non, non non non.

R.P : Ok.

J.C : Non non, non non bah c’est, c’est relativement débile bah c’est… C’est l’assumation de

soi quoi.

R.P : Hm. Et est-ce que plus généralement, en règle générale en France, est-ce que tu trouves

que enfin, le metal ce serait un genre qui serait un peu mis à part ou pas du tout…

J.C : … Bah ça dépend, ça dépend de quel point de vue tu te places, si tu te places du point de

vue euh… mercantile oui, oui nan c’est… En fait c’est là où c’est intéressant et pas intéressant

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parce que du coup ta problématique elle se pose… Elle se pose, mais je trouve qu’elle est un

tout petit peu datée en fait (Je précisais avant l’interview mon sujet global d’étude, à savoir

la construction de la culture metal comme socialement illégitime).

R.P : Ouais ?

J.C : Comme problématique. Parce que du coup on se rend compte qu’aujourd’hui, surtout

quand tu vis dans des… (tousse) dans des grandes villes pardon, bah tu te rends compte que

non le metal bah c’est quelque chose d’à part entière machin etc.… Et que les gens oui sont

relativement fermés à ça, bah c’est les gens qui de base ne sont pas… Pas très très très ouverts

à la musique en fait.

R.P : Ouais, donc c’est plutôt un degré d’ouverture plus général à la musique plutôt que une

fermeture au metal en fait.

J.C : … Bah c’est ça, et puis en France, dans le commerce ça a pas énormément sa place, ça

se fait sa place au niveau de la diffusion en live, parce que du coup on a quand même le

Hellfest et les choses dans le genre, le Sylak, le Motocultor, enfin je pense que niveau

festoches metal c’est de loin les plus gros… Enfin en festival c’est les plus grosses

représentations qu’on a en France je trouve.

R.P : Ouais.

J.C : Même dans certains festivals mainstream comme le Rock-en-Seine on a parfois des têtes

d’affiches metal.

R.P : Ouais exact ouais.

J.C : Gojira ou des choses dans le genre…

R.P : Absolument.

J.C : Donc sur ce point de vue là je pense que le metal a sa place en France sans problème

comme les autres tu vois ? Et le metal et tout assimilé, mais y a toujours une espèce de bride à

la con pour euh… Pour les gens par exemple, je prends l’exemple du Musilac tu vois ?

R.P : Hm ?

J.C : Le, le… Je crois que le groupe le plus vénère qu’il y avait c’était Airbourne quoi (un

groupe de hard rock), et Airbourne pour la plupart c’est assimilé à du hard rock voire du

metal.

R.P : Ouais ouais bien sûr.

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J.C : Alors que concrètement euh… Concrètement voilà. Et du coup ouais c’est… Ouais c’est

ça. Après du coup euh… Si on enlève tout le côté mercantile et tout le côté… Tout le côté

« vendre du metal » bah ouais nan je trouve que ça a sa place en France partout, que c’est

même quelque chose qui est… quand même relativement présent.

R.P : D’accord.

J.C : Après tu as le conservatisme bas de gamme, enfin c’est.. Si, si, si… Enfin… C’est pour

ça que je trouve qu’illégitime c’est un peu impropre comme terme parce que en soi… C’est

illégitime au point de vue commercial. C’est illégitime au point de vue commercial mais au

point de vue sociologique, et au point de vue, bah social en général, bah non, je trouve que

c’est quelque chose qui est quand même relativement ancré quoi.

R.P : En fait on observe que dans les études c’est de plus en plus ancré en fait (voir

statistiques d’Olivier Donnat sur l’augmentation de l’écoute générale de metal chez les

Français entre 1997 et 2008), et que y a une sorte de shift pendant les années 90 2000, et que

maintenant bah c’est d’avantage dans les mœurs entre guillemets, c’est intéressant. Voilà, petit

aparté.

J.C : Après y a la manière dont évolue le metal aussi, enfin…

R.P : Oui, aussi. T’en penses quoi d’ailleurs de cette évolution du metal ?

J.C : Quoi ?

R.P : T’en penses quoi d’ailleurs de cette évolution du metal ?

J.C : Bah pff… Je suis mitigé. Je suis mitigé parce que y a des choses bien, y a des évolutions

qui sont relativement cools tu vois. Du coup j’ai jamais eu… Enfin je vais prendre des

exemples un peu clichés, mais qui sont quand même relativement parlants, je vais prendre

euh… Je vais prendre Periphery. (groupe de metal progressif moderne américain né au début

des années 2010, appartenant au sous-genre qualifié de Djent,), parce que c’est connu etc.

Bon sur les premiers albums etc.. Enfin, je pense notamment à… Clear.

R.P : Ouais ?

J.C : La voix du chanteur, les envolées lyriques, le chant clair, plus l’ultra violence derrière

etc, et juste la manière de le jouer qui est complètement différente et la façon de jouer qui est

complètement différente, mais en soi… Tu compares ça à Deftones par exemple (groupe de

néo metal américain du début des années 2000), y a des envolées lyriques au niveau euh…

Comment dire, au niveau de la voix, y a des voix claires, saturées, y a des grilles rythmiques

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lourdes, y en a des beaucoup plus… Beaucoup plus gentil etc. C’est vraiment particulier mais

en soi… C’est pas le même propos mais c’est la même structure, tu vois ?

R.P : Ouais ? Ok. C’est le même moule en fait ?

J.C : De quoi ?

R.P : C’est le même moule un peu entre guillemets quoi.

J.C : … Je dirais pas… Non je dirais pas que c’est le même moule, je dirais que c’est la

même… C’est le même… Enfin…

R.P : La même intention ?

J.C : Non c’est pas le terme que je cherche.

R.P : Ouais ?

J.C : Je dirais que en soi le procédé est relativement identique mais n’est pas… Comment

dire, pas dans le même contexte euh… Contexte social.

R.P : D’accord.

J.C : C’est-à-dire que Deftones quand c’est sorti etc on avait euh… On avait un contexte

historique. Et ce qui fait que les périodes de création sont toujours intimement liées aux

périodes dans lesquelles on est au niveau euh… Merde. Au niveau créativité tu vois ? Là je

vais faire le bon vieux historien de l’Art…

R.P : Je t’en prie !

J.C : Je sais plus quel mec avait dit ça mais que en gros les créatifs et les artistes sont

relativement le miroir de la société.

R.P : Hm ?

J.C : Et... peu importe le vecteur utilisé, peu importe le média utilisé, pour moi le metal c’en

est un comme un autre, enfin moi le premier dans ce que je fais, et euh… Et voilà. Et du coup,

sur ce point là ça me dérange pas. Du coup ça a totalement ça place et ça évolue bien. Après le

problème c’est que le… Les dérives entre guillemets… Les dérives entre guillemets

commerciales sont un peu trop oppressantes en fait. Et notamment ça a très vite gangrené un

peu la créativité tu vois ?

R.P : Ouais.

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J.C : Typiquement, bah des groupes euh… Comme euh… Des groupes comme Asking

Alexandria par exemple (metalcore américain de la fin des années 2000), bah tu vois ce qu’ils

ont devenu c’est dégueulasse. C’est absolument dégueulasse, alors que le point de départ

était… pas dégueulasse tu vois ? Mais on en est arrivé à un stade où, bah par exemple… Bah

je sais pas moi ça m’en touche une sans faire bouger l’autre parce que y a plus de propos

artistique, y a plus quoi que ce soit quoi. Enfin c’est pas… Du coup vu que le metal s’est

démocratisé entre guillemets un minimum sur le côté mainstream, bah du coup on a une

nouvelle mouvance commerciale, on crée des aficionados, et euh… entre guillemets je vais

pas dire une contre culture mais presque en fait. Si, c’est une contre… Ouais c’est une contre-

culture euh… On lui donne un versant accessible et… accessible et dénué de… On lui donne

un moule en fait, alors que c’est pas sensé en avoir.

R.P : Et ça c’est un truc, qui est… Euh comment dire, vraiment récent historiquement ou,

comment dire, un… Peut-être un peu plus vieux…

J.C : Non, non non, non non, bah sur la pratique c’est pas récent, ça… ça a toujours été. Le

fait que ça vienne dans le metal ça l’est un peu plus ouais. Mais bon on avait déjà les prémices

avec ce qu’est devenu Metallica... à la fin des années 90 2000 ça commençait déjà à déconner

sévère hein ?

R.P : D’accord. Et, enfin… Comment ça se fait à ton avis ? Que y ai eu tout d’un coup ce

penchant… Que le metal est passé de bah… Enfin du truc que c’était à un truc bah enfin…

Un peu plus hybride commercial sous certaines de ses formes ?

J.C : … Tout simplement parce que ça se vend. Enfin, c’est… C’est horrible à dire mais des

fois faut pas chercher très loin je pense. Après c’est… C’est comme tout phénomène de

société, enfin… T’as toujours divers facteurs, mais, mais en soi c’est, enfin pour moi, ça reste

l’aspect commercial qui a gangrené le truc quoi.

R.P : Ouais d’accord.

J.C : C’est juste le fait que on a pu le vendre, on a pu trouver un moyen de se rentabiliser, de

financer des choses, et voilà tu vois, c’est comme l’émergence des musiciens Youtube tu

vois ?

R.P : Ouais bien sûr je vois.

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J.C : Je veux dire, c’est pas… C’est pas une critique parce que même moi… Même moi j’en

suis et y en que je trouve très bien tu vois ? Mais… Mais il est difficile… Il est difficile de ne

pas voir derrière, comment dire, le poteau rose quoi.

R.P : Ouais le marché derrière quoi. Le marché qu’il y a derrière en fait.

J.C : Bah c’est ça. Je vais te dire, tu vois tu vas prendre n’importe qui je veux dire un truc qui

me fait toujours… Bizarre tu vois ? Mais tu… Même Ola Englund… Enfin le mec de Feared

etc. (Death metal progressif suédois) Lui fait du… Du… Comment dire du… Putaclic sur

certains trucs. Pour pouvoir ramener pour pouvoir… Et à la base, il a un truc qui est pas mal

sauf que du coup il décide de vendre selon un schéma qu’il pense vendeur , alors qu’au final

ça ne fait que participer à une espèce de décrédibilisation du truc quoi, enfin c’est…

R.P : Ouais je vois bien, et du coup la question que je me pose c’est à ton avis est-ce que la

musique metal peut survivre sans ce penchant commercial ?

J.C : Bah ça c’est un… C’est une question intéressante parce que du coup t’as beaucoup…

Enfin t’as beaucoup de metalleux qui… Des mecs qui ont la trentaine quarantaine voire la

cinquantaine… Des mecs qui sont relativement quand même éveillés sur le sujet, y en a

beaucoup qui, qui … Moi je me souviens de pas mal de discussions comme ça qui parlent…

Enfin qui défendent l’argument euh… Si le metal avait été moins commercial ça aurait été

mieux. Ça aurait été plus… Plus pur, plus… Plus comment dire, plus raffiné, on aurait peut-

être moins de choix, mais au moins aurait du contenu de qualité, des choses dans le genre tu

vois ?

R.P : Ouais ? Ouais ouais ?

J.C : ça peut s’entendre, après le problème, le problème de ce truc là c’est que si on est

honnête envers nous-mêmes, enfin, c’est un peu comme de l’eugénisme mais pour la musique

quoi. Et ça en soi je trouve pas que ce soit une bonne chose quoi parce que c’est brider les

esprits créatifs parce du coup, y en a qui sont plus prolifiques que d’autres, et y en a qui sont

plus facilement à même d’être vendus que d’autres. Enfin, là, là je prends un exemple… Je

vais prendre Parkway Drive (metalcore des années 2000).

R.P : Ouais.

J.C : Euh… Enfin… à la base ces mecs là font un truc super cool tu vois ? Et puis d’un coup

ils se sont rendus compte que si ils voulaient être les prochains Avenged Sevenfold ou des

conneries dans le genre, bah du coup fallait faire des choses qui se vend et qui plaisent et

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naturellement c’est eux qui apportent leurs propre auto-censure tu vois, dans la créativité, et

du coup bah ça en a fait quelque chose qui est maintenant dégueulasse. Enfin pour moi.

R.P : Ouais ouais, je comprends. Mais du coup est-ce que tu penses pas que cette auto-

censure elle a aussi participé au fait que maintenant le metal soit plus reconnu dans les mœurs

etc.

J.C : Bah si, mais du coup, c’est pour ça que du coup t’as une énorme véhémence des anciens

metalleux envers … Envers comment dire, le metal moderne en général tu vois ? Enfin la

génération… La génération, je vais prendre Parkway Drive, While She Sleeps, Ocean Ate

Alaska (metalcore actifs durant les années 2000 et notamment 2010) euh… En fait tous les

groupes, c’est très con mais tous les groupes de metal qui ont… Pas un vrai nom, mais qui ont

une phrase à la place d’un nom… Tu vois…

R.P : Ouais. Ouais ouais ouais y a eu ce phénomène ouais.

J.C : Et ce phénomène là, il est entièrement parlant, il est entièrement parlant parce que, enfin

c’est… Voilà, c’est pas… C’est pas anodin c’est… Tout ce truc là ça a participé à la

popularisation du metal, ça a séduit diverses oreilles qui étaient pas séduites avant, c’est que

ça a pas séduit dans son plus bel appareil et du coup c’est… C’est donner de la confiture aux

cochons pour moi. Tu vois ? Sauf que du coup, y a bien… Dans un soucis d’équité faut bien

pouvoir le partager cette chose là, il faut bien le rendre accessible, je suis d’accord, mais le

problème c’est que si ça dénature l’œuvre de base ou le principe de base… Moi ça me pose un

problème.

R.P : C’est pas forcément une bonne chose. Et euh… Est-ce que tu penses que ça a attiré

comment dire.. . Un public au metal qui a participé à… Bah comme t’as dit, au fait que bah la

scène metal et la communauté metal maintenant t’aimes pas forcément. Tu penses que ça a

participé à ce phénomène ou…

J.C : Non. Non non, parce que cette population est relativement jeune quand même. On va

pas se mentir, elle est de plus en plus présente hein y a pas de problème, mais euh… ça me

fait penser que j’ai regardé le… Le report du Sylak qui disait que le metalleux avait changé

etc. Que y avait beaucoup trop de casquettes etc, que le metal moderne avait commencé à

envahir un petit peu les choses etc. Sauf que tu regardes, si, si on est aussi complètement

honnête, tu regardes… merde comment ça s’appelle. Tu regardes les festoches metal… C’est

très, très rare de voir en tête d’affiche des groupes de moderne.

R.P : Oui c’est vrai.

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J.C : C’est… ça reste quand même quelque chose qui est relativement peu représentatif

encore. Tu sens que ça grappille un petit peu mais d’un côté t’as une génération qui

commence à se faire vieille au niveau des groupes, et une nouvelle qui arrive qui va apporter

un souffle frais. Mais euh…. Mais ouais enfin non c’est… Moi cette génération, enfin cette

nouvelle génération me dérange pas quoi. Cette nouvelle génération me dérange pas, après

euh… C’est comme euh… Je sais que je vais pas avoir de discussion très intéressante avec

eux tu vois.

R.P : Ouais, d’accord.

J.C : C’est des gens qui somme toute sont cultivés mais cultivés à partir du moment où ça a

changé, donc ils ont pas les éléments de base en main tu vois ?

R.P : Ils ont pas les mêmes euh… Bah les mêmes références entre guillemets en fait.

J.C : Bah c’est ça, mais après c’est le principe de toute culture vieillissante hein ? C’est… ça

avance, c’est générationnel enfin… C’est là où je me rends compte que je passe dans une

génération qui… Je vais pas dire qui commence à dater, parce que je suis relativement jeune

encore, c’est une culture relativement jeune. Mais euh… Mais c’est une culture qui évolue et

qui du coup bah subit le choc générationnel de plein fouet.

R.P : Ouais bien sûr. D’accord. Mais c’est euh… C’est marrant que tu parles du euh… Du

Sylak, parce que personnellement j’ai trouvé que des festivaliers à casquette y en avait pas

tant que ça…

J.C : Parce que c’est du hardcore, la plupart c’est… ça reste un festival metal et que les mecs

qui y viennent sont issus de pas mal de sous-cultures différentes, honnêtement des vrais

metalleux au Sylak y en avait pas tant que ça. C’est… C’était plus un type de rencontre

familial… C’était plus les fans de musiques alternatives du coin qui sont venus voir parce

qu’ils sont venus voir de la nouveauté, parce qu’ils avaient envie d’être dans un festoche mais

en soi non. Et tu vas au Hellfest, pas la même.

R.P : Ouais ouais d’accord.

J.C : Hellfest tu vas avoir du coreux, tu vas en avoir de partout (fan de metalcore moderne)

euh… Et si tu regardes bien au final, y en avaient des mecs à casquette mais ils sont tous

devant le hardcore hein.

R.P : Ouais.

J.C : C’est la base.

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R.P : On parlait de festival, quelle est pour toi la raison principal de… Bah participer à un

festival de metal ? C’est genre plus la progra ? Plus l’ambiance ? Les amis ? …

J.C : Ces dernières années c’est particuliers, enfin… Ces deux dernières années c’est

particulier parce que vu que je bosse activement dans le live du coup c’est plus une continuité

logique, limite un devoir j’ai envie de dire, et c’est… Y a moins, moins… Euh, honnêtement

j’ai un peu moins apprécié le Sylak.

R.P : D’accord.

J.C : Avant j’y allais c’était pour… Pour couper un petit peu du… Du monde étudiant. C’était

pour couper euh…. Comment dire, de la ville en générale, et pour écouter trois jours de

musique… Violente, me mettre une race etc avec les copains et dans une ambiance

complètement euh… Désinhibée.

R.P : Ouais ok.

J.C : Tu vois ? Et accessoirement voir des performances, mais pour moi c’était pas… C’était

pas l’objectif principal en fait.

R.P : Ouais, d’accord je comprends bien.

J.C : Là cette année j’y ai été, j’ai eu l’impression d’être un petit peu plus vieux dans ma tête

tu vois ? Et j’étais en vrai… Ok je regarde la qualité des spectacles, machin etc, un peu la

qualité des performances, et… Et du coup c’est ouais, cette année ça a un peu changé de… De

philosophie.

R.P : De perspectives, d’accord. Et euh… Comment ça se fait à ton avis ?

J.C : … Bah relativement parce que du coup je bosse dedans.

R.P : Ouais du coup ouais tu m’a dis.

J.C : Parce que du coup, bah je veux dire, en deux ans je sais plus ce que j’ai eu je crois que

j’en suis à 340 350 concerts ? J’ai regardé ouais c’est ça, enfin en gros, tous les trucs compris

plus les à côtés ouais c’est ça, et du coup bah je deviens plus exigeant en fait. Naturellement.

Et c’est même pas une question de vouloir… De vouloir être chiant hein, c’est vraiment

naturellement t’as vu des choses t’as des comparatifs, et du coup bah… T’es moins facile à

impressionner quoi. Et du coup je pense que ça vient… Relativement de ça et puis que du

coup bah pareil enfin les… Avec le temps les envies évoluent et je me sens… Je me sens

passer un autre cap, tu vois ? Enfin… ça peut faire rire parce que je suis pas si vieux que ça

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mais bon j’ai quand même 27, je vais aller sur mes 28, et là je me dis que… Bah je commence

à avoir des envies un peu différentes tu vois ?

R.P : Ouais bah ouais ça se comprend totalement ouais.

J.C : Tu vois j’adore toujours autant me mettre la race, enfin… Là après le Sylak c’était

particulier parce que je suis tombé malade… Mais… Mais ouais je pense que c’est ça ouais.

Je pense que c’est juste une question de « les goûts évoluent avec le temps », puis …

T’aspires à un peu plus de… Un peu plus de qualité je pense.

R.P : Mais ce qui fait que maintenant quand tu vas en festival c’est un peu moins pour

l’ambiance et les potes quoi.

J.C : … Tu y vas quand même avec les potes ! Disons que y a plus… J’ai plus d’intérêt à… à

être euh… à être alerte sur la qualité du spectacle.

R.P : Ok. D’accord ça marche.

J.C : C’est plus ça.

R.P : Ouais c’est plus cette proportion là qui a augmenté plutôt que les autres qui ont diminué

en fait.

J.C : C’est ça.

R.P : Ok, d’accord.

J.C : Et du coup fatalement ça prend un peu plus de temps.

R.P : Oui bah oui bien sûr. Euh d’ailleurs, qu’est-ce que t’en as pensé du Sylak toi ?

J.C : …

R.P : Alors sur tous les aspects hein… Que ce soit ambiance, que ce soit la musique etc.

J.C : Alors euh… Au début j’étais un peu critique. Parce que, là on a débriefé avec P. et après

du coup, bah j’étais un peu critique et je me suis rappelé du coup que c’était un festival

organisé que par des bénévoles. Y a pas une seule personne qui est rémunérée sur tout le

festival hors techniciens. Et que du coup oui, effectivement, c’est quand même un sacré

travail de titan tu vois ? Mais, mais euh… J’ai été un peu critique dans le sens où euh… Dans

le sens où pour moi c’était un petit peu… C’était un petit peu trop euh… à la bonne

franquette.

R.P : Ouais, d’accord, mais sous quels…

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J.C : Je suis un peu déçu par la qualité euh… Des concerts du vendredi par exemple, je trouve

que le vendredi du coup… Bah ça vaut pas le coup quoi.

R.P : Par rapport à l’année dernière tu dirais pire ou… (J.C m’avait expliqué être allé au

Sylak édition 2017) Enfin ça t’a vraiment marqué cette année quoi.

J.C : Bah l’année dernière les… Les deux derniers groupes c’était Black Bomb A et l’Esprit

du Clan tu vois ? Et c’était… Et c’était la branlée. C’était la branlée et du coup cette année…

Du coup j’étais un peu déçu euh… Des trucs qui sont apparus et qui pour moi n’ont rien à

foutre dans la culture metal et je le redis encore mais cet espèce de stand d’American Socks

là, en plein milieu avec le mec qui met du pop punk… Alors j’ai rien contre le pop punk, j’en

écoute des fois, mais ça avait rien à foutre là.

R.P : Curieux…

J.C : Nan mais c’est, c’est… Et franchement ça m’énervait parce que du coup je le voyais

comme un gros doigt d’honneur en fait à… Au propos du festival quoi, et que le festival

accepte ça du coup ça m’a encore plus énervé tu vois ?

R.P : Ouais d’accord. Oui c’est vrai que c’est bizarre.

J.C : Et pareil, l’année dernière, ça fait parti du folklore un peu beauf metalleux mais… Mais

y avait des nanas qui étaient genre en sous-vêtements cuirs dans le merch etc. T’sais y avait

toutes cette communauté d’une culture entre guillemets underground, qui était bien fait, même

si c’était un peu… Un peu vulgaire, tu sais que t’es dans un endroit vraiment alternatif, un

endroit vrai, un truc complètement assumé. Et j’ai l’impression que ça s’est un petit peu plus

rangé dans les cases tu vois ? Cette année.

R.P : Ah ouais d’accord, ok.

J.C : Et du coup…

R.P : Tu penses que c’est le début du…

J.C : Ouais vas-y ?

R.P : Que c’est le début du phénomène Hellfest un petit peu genre vu qu’on devient plus

gros, on brasse plus large entre guillemets.

J.C : … C’est possible. C’est possible, honnêtement enfin je… Enfin on a pas assez

d’élément pour… Et c’est qu’une année faudra voir l’année prochaine comment ça se passe.

R.P : Ouais bien sûr, d’accord.

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J.C : Après je pense que comme toute nouvelle nouveauté et comme toute augmentation de

taille de festival, bah il faut, il faut… Il faut tester de nouveaux trucs quoi. Alors ça je suis pas

du tout contre même au contraire, je trouve que c’est une preuve même de remise en question,

de voilà, est-ce qu’on peut pas faire quelque chose de nouveau. Mais euh voilà et du coup moi

j’étais un peu en colère contre ça, et après, P. me disait bah il m’a rappelé à la réalité et c’est

pas faux, c’est que c‘est quand même quelque chose à la base qui est organisé par des gens

qui essayent de se démener pour faire quelque chose de propre., enfin je veux dire à la base

c’est quand même pas mal de choses mises en place pour les festivaliers. Donc ça reste quand

même quelque chose de très bien. Là c’était vraiment mon côté…

R.P : Tatillon ?

J.C : Qui a besoin d’être satisfait… Ouais ouais ! C’est ça.

R.P : Je vois.

J.C : C’est exactement ça. Donc voilà.

R.P : Et du coup… Question qui a pas grand-chose à voir, mais je te la pose tant qu’on parle

de festivals. Est-ce que tu vas genre, que ce soit en concert de metal, en festival de metal etc.

Habillé différemment de la façon dont tu t’habilles genre euh… D’habitude, habituellement?

Est-ce que t’as une tenue de fest ? Une tenue de concert euh… J’en sais rien…

J.C : Euh… Pfff… Avant oui, maintenant non. Pareil, vu que je bosse dans le milieu.. Non j’y

vais relativement normalement.

R.P : Et avant euh… Avant y avait plus cette tendance quand même ?

J.C : Bah… Avant, avant, qund j’étais en mode gogole enfin… Bah c’était pas une tenue fest

en mode euh… Représentatif des groupes, c’est plus une tenue en mode euh…. Je vais trois

jours dans la merde.

R.P : Ouais une tenue en mode déconne quoi…

J.C : Bah… Moi c’est surtout que… Il faut des bonnes pompes, il te faut un truc qui te

protège du soleil, enfin… Des vêtements que tu sais que tu vas revenir défoncé en fait. C’est

plus dans cet esprit là que je pense…

R.P : Que cette année bah au final c’était un peu plus à l’arrache du coup ?

J.C : … Bah, cette année là ?

R.P : Ouais.

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J.C : Euh… Non cette année j’étais un peu plus préparé, comme un vieux.

RP : (rires)

J.C : J’avais des cachetons de rechange…

R.P : Ah oui d’accord.

J.C : Chose que je faisais jamais avant…

R.P : Et ça à ton avis c’est parce que tu vieillis …

J.C : Oui oui y a ça, et puis du coup mon corps me dit d’aller me faire foutre, et que je peux

pas être autant celui que j’étais avant.

R.P : Je peux comprendre… Et du coup…

J.C : Et voilà quoi…

R.P : Et du coup, est-ce que tu participes encore à des pogos, des mosh-pits en concert ?

J.C : Ah oui oui oui, non mais oui bien sûr, à part le Sylak là où j’étais dans un état pas

terrible mais bien sûr, c’est même ma récrée pour moi, c’est enfin je veux dire la… Après

honnêtement, j’avais pas de groupe qui me donnait envie tu vois ?

R.P : Ouais d’accord ! Donc c’est quand même vraiment en fonction du groupe quoi.

J.C : Moi je me souviens, je me souviens très bien du… Enfin y en a deux, deux pogos qui

sont mémorables pour moi par exemple, et deux fois au même groupe mais pas du tut au

même endroit, le premier c’était au Hellfest 2014, le wall of death légendaire de Gojira.

R.P : Ah oui ok.

J.C : Et euh… Je crois que c’était un an ou deux ans après j’ai revu Gojira à Pau sur un

parking, donc sur du béton, et dans un festival Emmaus. Et ben là, j’y étais avec un pote, on

s’est fait un pogo de la mort, enfin mais j’ai finit avec les genoux en sang parce que forcément

je suis tombé les deux genoux en premier sur le béton, enfin voilà… Mais c’était génial.

Génial. C’était genre le pogo de l’enfer.

R.P : (rires) D’accord, et genre tu faisais pas plus de pogo avant ? T’en fais toujours autant

entre guillemets.. Ou t’es peut-être plus exigeant alors ? Je sais pas.

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J.C : Non non non, c’est que… Après c’est comme tout, c’est… En fait le pogo c’est, c’est…

C’est ta barre de mana quoi, c’est quand t’as de l’énergie t’y vas, quand t’en as pas tu sais que

tu vas crever quoi.

R.P : Ouais bien sûr.

J.C : Sauf si vraiment c’est un morceau qui te rend ouf quoi. Moi je me souviens en 2013

j’avais été au Hellfest pour la première fois, le tout dernier groupe du troisième jour c’était

Stone Sour (groupe de metal moderne américain) …

R.P : Ok.

J.C : Enfin, je me souviens pertinemment de ce truc là parce que ça m’avait mais marqué

quoi… J’étais arraché mais vide de toute énergie, je puais, enfin j’avais plus rien, et…

Comment dire, et la dernière musique qu’ils foutent, c’est 30/30-150… (rires) Je me souviens

très bien avoir donné mon sac à mon pote, je lui ai dis « je reviens, je vous rejoins à la tente »

quoi, et je suis allé dans le bordel, et pendant tout le morceau j’ai fait n’importe quoi tu vois

quoi.

R.P : Ouais ouais.

J.C : Mais voilà, enfin c’est… Après je le fais pas pour le faire tu vois ?

R.P : Ouais je comprends.

J.C : Je le fais quand il y a un morceau qui le mérite et que quand je l’écoute dans la rue tu

vois, j’ai envie de violence tu vois enfin…

R.P : Ouais bien sûr…Quand ça provoque quelque chose chez toi.

J.C : Mais je suis pas dans le surpogotage.

R.P : Ouais d’accord, parce que pour toi y a un surpogotage.

J.C : … Ouais je pense.

R.P : Genre trop de pogos ?

J.C : …

R.P : Y a des personnes qui font ça genre ?

J.C : Bah tu les vois en général ils partent pas dans le temps.

R.P : (rires)

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J.C : Mais c’est vrai hein…

R.P : Mais du coup… Partons je te coupe t’allais dire un truc ?

J.C : Non non non.

R.P : Non? Euh… Est-ce que tu trouves pas le pogo violent ?

J.C : … Non, non non, bien sûr que non.

R.P : Non ? Mais dans toutes ses formes même sur le surpogotage, les gros mosh-pits euh…

J.C : Bah tu vois, regarde, un truc tout con, tu regardes les… Les… Les statistiques, je crois

que c’est l’INSEE, je sais plus qui avait fait des stats sur le nombre d’accidents et de morts…

R.P : Ouais.

J.C : Dans les festivals… C’est, c’est… C’est débile hein, mais c’est… Le metal enfin le

pogo pour moi c’est (toux) désolé ! C’est le truc le plus safe. Je veux dire tu peux être une

nenette de 47kg 1m50, tu peux aller dans un pogo, on te remontera.

R.P : Oui oui, bien sûr.

J.C : Y a une espèce de culture du « c’est safe », et ça c’est un truc qui est… Comment dire,

qui est de base, t’as toujours un ou deux connards qui comprennent que dalle parce que c’est

la première fois qu’ils viennent, ou t’as les connards qui font du boxing, ou les coreux, mais

en général enfin… Ces mecs là se font vit défoncer en général si ils font ça dans le mauvais

pit. Mais, mais euh… Mais nan, enfin pour moi c’est pas dangereux non. C’est pas dangereux.

Il faut pas y aller si t’as une condition physique fragile parce que c’est quelque chose qui

demande, bah euh… De la condition. Et je parle pas forcément de constitution mais je parle

au moins d’énergie, mais euh… T’as plus de chance de crever dans un concert hystérique de

Justin Bieber, que dans un concert de metal.

R.P : Oui d’accord.

J.C : Enfin pour moi, c’est c’est… Une vérité établie quoi.

R.P : Et selon ton expérience est-ce que tu penses que bah… Est-ce que t’as vu genre tout

profil pogoter ? Ou genre est-ce que y a un profil du pogoteur genre…

J.C : Bah t’en as qui sont plus enclins que d’autres forcément mais… Mais non y a pas de

profil particulier hein. Y a franchement pas de profil particulier, regarde a Sylak, y a un mec

qui est connu pour ça il est en chaise roulante. Et il slam.

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R.P : Oui oui bien sûr j’ai vu ouais.

J.C : Bah ce mec là il est connu et enfin c’est génial. La première année où j’y ai été c’était

Suicidal Tendancies je crois… Qui l’avaient pris sur scène…

R.P : Oh ?

J.C : Et du coup il est connu tu vois ?

R.P : Ouais d’accord c’est une personnalité.

J.C : Ouais ouais ouais…

R.P : D’accord.

J.C : Mais voilà, enfin, ce que je veux dire par là c’est que ouais nan y a pas de… Y a pas de

problème, y a pas de pogoteur quoi. Tout le monde, tout le monde peut le faire quoi, enfin tout

le monde le fait en général. Bah tout le monde… Sauf les réticents tu vois, mais…

R.P : Ouais bien sûr.

J.C : Mais ça se fait.

R.P : Et du coup, bah, pour revenir un petit peu sur ta position particulière en tant qu’ingé son

qui euh… Bah forcément fait quelques concerts de metal. Est-ce que tu trouves des profils

récurrents ? Genre dans tes publics metal, par exemple des gens euh…

J.C : Ouais, oui bien sûr.

R.P : Des individus types.

J.C : Ouais.

R.P : Tu peux me le décrire ou pas trop ?

J.C : Pfff… Euh… ça dépend, ça dépend à quel niveau en fait. Si tu prends au niveau local,

local ou on va dire régional au pire, bah c’est… C’est le mec qui se revendique de la culture

metal, c’est celui que j’aime pas trop du coup, …

R.P : Hm…

J.C : Et… Ouais voilà, et donc du coup oui tu les reconnais beaucoup, mais t’as quand même

une minorité d’aficionados juste du metal mais qui viennent quand même, et après après à

plus large échelle bah t’as un peu tout le monde qui vient voir, t’as forcément du metalleux,

enfin des mecs qui sont à l’aise avec leur style de vie et leur style de musique, du coup voilà,

ça transparaît dans leurs codes vestimentaires, leur façon d’être. Mais euh… Mais en soi, en

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soi, ouais pour moi y a un peu de tout, un peu de tout quand même. T’as toujours du

metalleux de base mais t’as de tout quand même.

R.P : Ouais ? Et est-ce que t’as le sentiment que ça s’est un peu plus diversifié ces dernières

années ou pas trop ?

J.C : … Si bah oui oui forcément ouais.

R.P : D’accord. Euh...

J.C: Y a un truc me met un peu d’espoir quand même c’est que même dans les truc de metal

vraiment extrêmes et à l’ancienne t’as quand même des mecs dont tu vois qu’ils viennent

d’une nouvelle scène… Des coreux ou des modernes , des mecs de moderne, qui arrivent, et

qui bah qui sont quand même séduits par ça quoi… Par le metal à l’ancienne donc du coup,

c’est pareil ça en fait parti, ils sont… Ils sont là aussi, et ça c’est agréable.

R.P : Bah d’ailleurs, euh, à ce titre, en parlant toujours de la communauté du metal, même si

communauté c’est un bien grand mot, euh… Bah y a une étude que j’ai consulté récemment

qui montre que en gros le public metal, c’est genre le public… un public extrêmement fidèle

ces dernières années (voir O. Donnat).

J.C : Oui, oui oui.

R.P : C’est à dire que quelqu’un qui écoute beaucoup du metal à un instant t, bah aura

énormément de chance d’en écouter encore, alors dans des proportions disons potentiellement

différentes, dans 10 ans par exemple. Et euh.. Qu’est-ce que t’en penses toi ? Tu penses que

bah c’est vrai ? Tu le vois ? Comment tu l’expliques ?

J.C : …

R.P : Si tu le vois…

J.C : Alors, je pense que c’est vrai parce que tu te mets pas à écouter un groupe de metal par

hasard.

R.P : Ouais ?

J.C : Enfin je pense que, voilà, pour en arriver à écouter ça, ou alors de base t’es déjà très

ouvert, mais je pense que tu te mets pas à écouter du metal par hasard. Après, euh…Après

après… Bah je vais encore prendre un exemple à la con mais tu mets… Comment il s’appelle

là, Vald ? (rappeur français des années 2010)

R.P : …

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J.C : Oui c’est ça c’est Vald.

R.P : Ah oui Vald absolument oui.

J.C : C’est euh… T’sais ce mec là remplit des salles y a pas de problème, du coup des gens

vont aller le voir en concert, machin etc. Ou même je sais pas, Macklemore ou je sais pas il va

remplir des salles tu vois y a pas de problème. Et ils vont écouter ça, mais ils vont écouter ça

le temps que ça va être à la mode. Tu vois ?

R.P : Hm.

J.C : Et après ils vont changer. Et le metal, c’est des choses qui sont un peu moins

consommables dans le temps. Tu vois ?

R.P : Ok.

J.C : C’est plus quelque chose d’ancré après puis que tu reviens écouter naturellement parce

que ça déboîte. Donc t’as quelques morceaux issus de la culture mainstream en général qui

comme ça restent, tu vois y a pas de problème. Mais c’est quelque chose qui est inhérent

quand même au metal.

R.P : Et comment ça se fait à ton avis, que ce soit inhérent à ce genre en particulier ?

J.C : … Alors là… Je sais pas, mais, pff… C’est un tout. La culture que c’est, ce que ça

représente, dont c’est créé, le fait que y ai une vraie performance artistique derrière… L’effet,

enfin je dis pas que y en a pas dans les autres musiques mais le fait que ça soit… Bah un

groupe qui joue sur scène tu vois ?

R.P : Ouais d’accord.

J.C : Tout simplement.

R.P : Le côté peut-être plus authentique aussi ?

J.C : Ouais ! Oui oui voilà ouais.

R.P : Ouais je vois, d’accord.

J.C : Ouais c’est ça ouais.

R.P : Donc pour toi c’est vraiment le côté presque brute authentique qui fait que si t’en

écoutes à un instant t y a pas de raisons pour que t’en écoutes pas plus tard, parce que ça veut

dire que t’es à la recherche d’authenticité entre guillemets. Si j’interprète correctement…

J.C : C’est ça.

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R.P : Et du coup pour revenir un petit peu sur toi, sur ton expérience personnelle, est-ce que

t’as dans ton entourage des individus qui sont complètement fermés à la musique metal ?

J.C : … Toute ma famille à part mon frère.

R.P : Ok, d’accord.

J.C : Et euh… Et après euh… Beaucoup pendant que j’étais à l’université ouais j’étais un des

rares à écouter ça. Et c’est… Ouais c’est ça.

R.P : Et est-ce que t’as… Et est-ce que ces gens t’ont parlé de raisons en particulier, enfin,

est-ce que tu connais les raisons pour lesquelles ils aiment pas du tout ?

J.C : Bah c’est… Pour la majorité c’est de la fermeture d’esprit.

R.P : D’accord.

J.C : C’est de la fermeture d’esprit ou de la… Ou de la… Ou de la non volonté à s’enrichir de

quelque chose de nouveau. Ou parce que c’est trop agressif, ou parce que… Voilà.

R.P : Ouais au final on en revient à ce côté fermeture d’esprit euh… Mais c’est marrant ça

parce que…

J.C : C’est ça !

R.P : Du coup ça veut dire que le metal ça demande une sorte de plus grade ouverture d’esprit

quand même, que d’autres genres.

J.C : … Je dirais pas que ça demande une plus grande ouverture d’esprit, je dirais que ça

demande de ne pas être conditionné.

R.P : Ok.

J.C : Parce que bon, bah du coup, t’es conditionné dès ton plus jeune âge avec la radio et tout

hein…

R.P : Ouais bien sûr.

J.C : Donc du coup c’est difficile quand t’as entendu quelque chose qui est sensé définir les

codes d’un média, enfin c’est difficile d’écouter quelque chose qui n’est pas en relation

directe avec les codes qu’on t’a inséminé dans le crâne tout le long… Tout le long de ta

jeunesse tu vois ?

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R.P : Ouais ouais. Bah du coup, y a une question que je t’ai pas posé, c’est justement en

parlant de cette musique qui est bah très largement diffusée dans les grands médias de masse,

t’en penses quoi toi ?

J.C : … La musique qui est diffusée tu veux dire sur les grosses antennes, les conneries dans

le genre ?

R.P : Ouais les musiques que tu peux entendre à la radio, quand t’allumes ton poste ou sur la

télé de manière complètement lambda quoi.

J.C : …

R.P : Alors après c’est très général hein, je me doute bien que il y a un milliard de genres

différents mais…

J.C : Je pourrais te sortir l’argument… L’argument classique qui est que c’est que de la merde

commerciale mais… Mais pff… Enfin, en fait je trouve, je trouve que c’est… C’est

dommage… Mais encore une fois c’est le commerce qui prend le pas hein ? C’est dommage

d’avoir la main mise sur un outil de diffusion de masse…

R.P : Hm Hm ?

J.C : Et de ne diffuser que un très très très petit échantillon du large spectre que peut être la

musique en général. Enfin c’est ni plus ni moins que de la propagande… Et du coup bah,

partant de ce principe là, et étant quelqu'un de relativement contre ce principe de base, bah du

coup moi ça me les broie, ça me les broie d’avoir toujours les mêmes choses, après t’as plein

de radios, plein de petites radios qui font des trucs bien et qui passent de tout avec des artistes

locaux etc. mais tu vois, t’écoutes la radio, enfin c’est toujours la même chose quoi. Tu vois y

a un Youtubeur à la con qui explique bien ça et qui, à mon goût, arrive à naviguer pas trop mal

dans ce réseau là, c’est PV Nova tu vois ? Ce mec là tu vois pour moi c’est… C’est pas un

génie parce que bah c’est… Voilà c’est un bon musicien…. Je trouve que… J’ai bien effeuillé

sa chaîne tu vois ? J’ai bien regardé un peu tout. Et ce qu’il fait actuellement maintenant. Bon

bah il pète pas trois pattes à un canard mais en attendant enfin, il soulève quelque chose de

très très très intéressant, avec ses expériences musicales, c’est que… En fait il met au goût du

jour… En gros… Enfin au goût du jour non pas du tout, c’est pas du tout la bonne phrase. Il

met en avant le fait que ce qui est au goût du jour c’est la même chose parce que les radios

l’ont décidé ainsi tu vois ?

R.P : Ouais, ok.

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J.C : Et tout tout, toute la caricature qu’il… Comment dire ? Qu’il construit autour de ça, bah

c’est une vérité en fait.

R.P : Ouais, ouais ouais ok.

J.C : C’est une vérité, tu, tu regardes les schémas de construction de la pop en général, on en

fait même des memes maintenant. C’est… C’est voilà, c’est ce qu’on diffuse et c’est comme

ça et pas autrement tu vois ? Moi je vois le mec, le mec que je produis en ce moment là pour

la pop… Il m’a demandé quelque chose qui ressemble comme deux gouttes d’eau à ce qui se

fait aujourd’hui quoi., y a pas, y a pas… Le seul truc qui change c’est… C’est la façon dont

les instruments sont exécutés mais euh… Mais en soi les structures sont les mêmes et ça fait

pas preuve d’originalité tu vois…

R.P : Hm… En fait on perd le côté créatif dans le sens vraiment « création » en fait.

J.C : Bah on rend la musique… C’est le fast food de la musique en fait, on le met dans un

format facile à consommer, prêt à emporter enfin tu vois c’est… C’est… Alors je dis pas, des

fois on aime tous se faire un bon fast food tu vois ? Enfin, y a pas de problème, mais en soi,

c’est problématique sur l’impact artistique et sur… Sur l’impact de diffusion quoi, enfin

c’est… C’est pas joli tu vois.

R.P : Ouais, ouais bien sûr. Et du coup, petite question pour rebondir un petit peu sur le côté

grand modèle pop mainstream facile à faire, facile à produire, qui commence à pénétrer un

petit peu dans le metal, comment est-ce que tu vois le metal dans 10 ans toi ?

J.C : …

R.P : Est-ce que tu le vois pire ? Enfin pire selon ta propre vision…

J.C : … Non je pense qu’il va y avoir une scission moi.

R.P : Ouais ?

J.C : Ouais… Je pense que du coup tout ce qui est metal mainstream machin etc. vont avoir

leurs propres festoches.

R.P : Ok.

J.C : Je pense qu’il y aura… Bah pour moi y a une place pour chaque culture de toute

manière à la base. Enfin, et je pense que du coup si les choses sont faites pas trop… De

manière pas trop idiotes, ils auront leur place et y a aucun… Aucune raison qu’ils l’aient pas

je trouve.

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R.P : Ouais ?

J.C : Ils auront leur place et leur identité à part entière.

R.P : Ok, donc distincte du metal en tant que metal en fait.

J.C : Bah c’est ça, et on dira du metal… Du metal pop ou du… Du metal mainstream comme

on veut et puis les… Comment dire, les autres, les anciens les vieux de la vieille tout ça etc.

Et toute cette nouvelle génération ils auront leur… Ils auront enfin… Enfin pour moi, pour

moi y aura… C’est pas fait pour se mélanger. Par nature c’est pas fait pour se mélanger. Ça se

ressemble parce que ça utilise des distorsions et des conneries dans le genre, mais regarde,

c’est… Le metal mainstream est au metal ce que la dubstep est à l’électro tu vois ?

R.P : Ouais ok.

J.C : C’est pas la même chose. Oui bah oui on utilise les mêmes outils, ça y a pas de

problème, mais euh… Mais c’est pas pour autant qu’on fait la même chose en fait. Je pense

qu’il y a aussi un côté de… Un côté de mauvaise foi de la part des metalleux vieux de la

vieille enfin…

R.P : Ouais…

J.C : C’est pour ça moi par exemple, moi mon… Enfin J. mon pote, lui il est fan de sale, de

black, de death, de connerie dans le genre, et du coup quand il m’entend écouter des trucs

comme Periphery ou des trucs dans le genre, ou… Ou quoi, enfin il me traite de tarlouze tu

vois ? Mais c’est parce que lui il aime pas du tout ça et parce que c’est un puriste et ça je peux

comprendre tu vois ? Moi c’est dans mes goûts ce qu’il écoute y a pas de problème, mais

j’aime aussi autre chose. Donc je suis pas non plus fermé d’esprit, je suis pas en mode

communautariste de la musique, je suis pas en mode genre « vérité absolue », genre cette

connerie là c’est comme ça tu vois ? Je veux dire, mon jeu tu vois, je le considère comme

quelque chose d’hybride par rapport au moderne par exemple, et à l’ancien, tu vois ? Et du

coup, enfin moi je trouve que je suis issu justement de ce mélange un peu abâtardi et

j’aimerais bien justement en faire quelque chose d’encore nouveau tu vois ? C’est pour ça que

ça me pose pas de problème.

R.P : Et est-ce que tu penses que va pas y avoir… Tu parlais de ton jeu… Une hybridation

des deux cultures ?

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J.C : Si ! C’est le cas, et je pense que moi je me situe là dedans. Je pense que je me situe là

dedans. Le truc c’est que je dirais que c’est pas encore euh… C’est pas encore très développé

tu vois ?

R.P : Oui je vois. Et du coup dernière question… Est-ce que toi dans ans tu te vois encore

écouter du metal ?

J.C : Bah je vois pas pourquoi ce serait pas le cas. Enfin non, je vois pas pourquoi j’arrêterais

de jouer à la console, je vois pas pourquoi j’arrêterais d’écouter du metal tu vois ?

R.P : Oui.

J.C : Le seul truc qui pourrait me dégoûter ce serait… De bosser avec trop de metalleux.

R.P : Ouais ?

J.C : … Après c’est pas tant les metalleux mais, c’est beaucoup inhérent au metalleux local,

au musicien je parle, c’est des divas. Tu vois enfin…

R.P : Et c’est une grosse tendance dans les musiciens de metal ça ? Plutôt que les autres ?

J.C : Bah, plus les musiciens metal que les autres parce que par définition le metal c’est des

mecs qui sont obligés de triturer leur son pour le rendre le plus propre possible tu vois ? Donc

ils ont tous cette, cette… Comment dire ? Cette fâcheuse tendance à penser savoir tout sur

tous les sujets. Et que aussi dans leurs performances ils ont de plus en plus besoin de sentir

qu’ils sont… Accompagnés par le matériel, tu vois ce que je veux dire ?

R.P : Ouais.

J.C : Du coup, qui demande un accompagnement matériel demande aussi quelqu’un qui le

gère, ce matériel, et quand ils demandent quelqu’un qui le gère ils ont pas forcément la

pédagogie pour expliquer exactement ce qu’ils veulent, ou alors ils savent pas bien

s’exprimer. C’est… C’est toujours un espèce de gloubiboulga assez chiant, et je me retrouve

toujours avec en gros des mecs qui… Qui ont besoin de milliards de trucs comparé à des

mecs qui font du simple et qui y arrivent très bien. Et ils ont souvent aussi le comportement

de « vu que nous on joue du metal, qu’on joue des trucs compliqués, du coup on est meilleurs

que les autres » tu vois ? C’est pas comme ça que ça marche. Du coup voilà, moi ça… Enfin

après voilà c’est… Voilà je te dis ça mais si ça se trouve dans deux ans je te dirai pas la même

chose hein…

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R.P : Ouais nan mais bien sûr, c’est ta vision à un instant t quoi.

J.C : C’est ça. Mais voilà pour l’instant j’ai ce truc là de « beaucoup de metalleux » sont des

divas et surtout le truc c’est la plupart des metalleux que je connaisse, c’est soit je me tape des

clichés, des mecs qui sont restés québlo dans la fin des années 80 début 90 et qui sont une

pâle copie de Metallica avec un vieux mélange abâtardissant de Black Label Society donc ils

pensent qu’ils font un truc… Genre ultra classe machin etc. sauf que ça manque de couilles et

ça manque de créativité, soit tu tombes sur des groupes de moderne mais en mode… On veut

faire comme les autres et donc du coup bah c’est dégueulasse, ça manque de lourdeur etc. ça

sent le mec qui a joué beaucoup trop toute sa vie avec son Guitar Pro (logiciel de tablature

guitare) ou avec son séquenceur et qui a joué genre cinq fois avec un batteur et qui pense qu’il

peut tout défoncer tu vois ? C’est des mecs qui en oublient l’alchimie avec leurs musiciens.

Bref, y a tout un truc… Tout un pan à explorer là aussi.

R.P : C’est pas faux, bah ce sera pour une prochaine étude hein ? (rires) On en a finit en tous

cas, merci de ta participation !

J.C : Ouais ouais ouais non pas de problème t’inquiète.

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Annexe 5 - Rapports d’Olivier Donnat sur les pratiques culturelles des Français en 2008

Source : DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à lère numérique: enquête

2008, Paris, La Découverte, 2009 .

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Annexe 6 - Rapport d’Olivier Donnat sur les pratiques culturelles des Français en 1997

Source : DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Francais: enquete 1997, Paris, La Documentation

Francaise, 1998, 14p.

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Annexe 7 – Résultats généraux du questionnaire en ligne

Effectif général

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Effectif déclarant écouter du metal au moins

occasionnellement

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Effectif déclarant ne jamais écouter de metal

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Table des matières

Remerciements..........................................................................................................................4

Introduction...............................................................................................................................6

PREMIÈRE PARTIE Metal et marginalisation : entre transgression et distinction sociale.......................................................................................................................................20

A/ De la « Sympathie pour le diable» au « Chiffre de la bête » : présentation socio-historique de la culture metal.....................................................................................................................20

B/ La violence figurative comme medium de transgression.....................................................28

C/ Culture de marge, culture de la marge.................................................................................34

SECONDE PARTIE Les modes d’appropriations pluriels de la culture metal................42

A/ Les mises en scènes de la culture metal...............................................................................42

B/ Une réappropriation à taille humaine : des enjeux des arbitrages individuels de légitimité47

C/ Public et non-public : une approche générationnelle de la culture metal............................58

TROISIÈME PARTIE Culture metal et hybridation : une illégitimité remise en question...................................................................................................................................................69

A/ Vers la fin de l’antagonisme entre metal et mainstream ?....................................................69

B/ Une stigmatisation résiduelle à l’épreuve de la segmentation de la culture metal...............75

C/ Mythologie du metal : du structurellement illégitime au conjoncturellement acceptable.. .83

Conclusion................................................................................................................................88

Annexes..................................................................................................................................100

Annexe 1 – Lexique indicatif des genres associés au metal...............................................100

Annexe 2 – Grille d’entretien 1 : C.C, F.G, C.M................................................................104

Annexe 3 – Grille d’entretien 2 : J.C...................................................................................106

Annexe 4.1 – Entretien avec C.C.........................................................................................108

Annexe 4.2 – Entretien avec F.G..........................................................................................124

Annexe 4.3 – Entretien avec C.M........................................................................................136

Annexe 4.5 – Entretien avec J.C..........................................................................................145

Annexe 5 - Rapports d’Olivier Donnat sur les pratiques culturelles des Français en 2008.................................................................................................................................................175

Annexe 6 - Rapport d’Olivier Donnat sur les pratiques culturelles des Français en 1997.................................................................................................................................................177

Annexe 7 – Résultats généraux du questionnaire en ligne................................................178

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Résumé

Cette recherche entend lever le voile sur les modes de marginalisation sociale de la culture

metal en France. Cette culture associée à la musique metal descendante du rock, puis du hard

rock, fait l’objet d’une mise à l’écart médiatique, politique mais aussi sociale. En effet s’est

développé au fil des années un réseau de codes et de pratiques sociales associées à l’écoute du

metal. Ces dernières font encore aujourd’hui l’objet de stigmatisations en France.

« Violents », « bruyants », « satanistes » sont autant de qualificatifs associés à une

communauté dont les capitaux sociaux et économiques ne cessent pourtant de croître.

Comment l’interpréter ? Nous étudierons et discuterons au sein de cette étude la construction

sociale de la culture metal en tant que culture socialement illégitime, au sens Bourdieusien du

terme. Culture de la marge ou culture de marge ? Nous verrons que la réalité, parfois

complexe voire paradoxale, rend compte des modes pluriels de réappropriation culturels des

individus, et questionne le concept de légitimité.

Abstract

This study intents to unveil the various modes of social marginalisation that are associated

with metal culture in France. This culture, tied to metal music, legacy of rock and hard rock

music, tends to be evicted by the medias and on the political and social fields. Through the

years, a complex network of practices and codes developed themselves around metal music.

Those social practices are nowadays still stgmatized as « satanistic », « violent », even though

the metal comunity seems to belong more and more to the upper social classes. How can we

interpret such a phenomenon ? We will study and discuss in the context of this research the

social construction of the metal culture as illegitimate in the Bourdieusian sense. Culture at

the margin, or rather culture of the margin ? We will see that the complex and paradoxical

reality of the situation is a fitting illustration of the ambiguity with which individuals reclaim

cultural practices, and puts into perspectives the concept of social legitimity.

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