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8/13/2019 Alastu Franc
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Ne suis-Je pas votre Seigneur ? Le symbolisme mtaphysique de la Prire rituelle
selon la doctrine akbarienne*
Sache que lexistence est divise entreadorateur (bid) et ador (mabd).Ladorateur est tout ce qui est autre queDieu, cest--dire le cosmos1 qui on adonn le nom de serviteur. Lador estce que lon nomme Dieu .
(Ibn Arab,Futht, III, 78)
1. Le Trsor cach
Le Principe est en Soi absolument inconditionn, au-del de toute dtermination
(taayyun) et relation (nisba), puisque Son Essence est indiffrencie, prive de
multiplicit et de dualit (ahadiyyat al-dht), toute dtermination tant en fait
logiquement prcde par un tat de non-dtermination (al-l taayyun)2. En
vrit, Allh est indpendant des mondes (Cor., 3: 97) et selon un hadth, Allh
tait et rien ntait avec Lui 3. Cette Essence ne comprend pas moins, un certain
niveau de ralit, une multiplicit de relations qui sont le rsultat immdiat de la
*Texte revu et corrig de l'article paru en italien et sign G. de Luca, avec le titre: Non sono Io il vostroSignore ?, Quaderni di Avallon 32, 1994, p. 60-100. Traduction franaise de Hassan Boutaleb.
Abrviations utilises dans le texte: Cor. : Le Coran; Fut. : Ibn Arab, Al-Futht al-Makkiyya, Le Caire
1911, 4 volumes, rimpression, s.d. (l ou il nous sera possible nous ferons rfrence ldition critique de
Osman Yahya, Le Caire 14 volumes en utilisant labrviation O.Y); Fus. : Ibn Arab,Fuss al-Hikam, d. A.A. Aff, Le Caire 1946;ET :Etudes Traditionnelles, Paris;RST :Rivista di Studi Tradizionali, Torino.
1 Par serviteur jentends le cosmos dans sa totalit et lhomme (Fut., II, p. 243; O.Y., XIV, p. 480).
Tout ce qui se trouve dans les cieux et sur terre nest quun serviteur du Misricordieux (cf. Cor., 19: 93).
2Lexpression al-l-taayyun (litt., ce qui est sans dtermination) pour dsigner ltre inconditionn de
lEssence fait partie du langage technique de Sadr al-Dn al-Qnaw (m. 672/1274), le principal disciple dIbn
Arab (m. 638/1240). Sur ltat inconditionn (itlq) de lEssence, voir Abd al-Razzq al-Qshn (m.
730/1330), Istilht, Le Caire 1981, p. 48-49 et traduction anglaise: A Glossary of sufi technical Terms,
Londres 1991, p. 20, n. 85.
3Voir Bukhr,Bad al-khalq1, Tawhd22; Ibn Hanbal, II, 431; Hkim, 341; Ibn Hibbn, XIV, 11; Ibn Ab
Shayba, XII, 203; Daylam, III, 268; Bayhaq, II, 9; al-Muttaq, X, 370; Ibn Arab cite souvent ce hadth et le
commente dansFut., II, p. 56; O.Y., XII, p. 168-174.
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distinction qui se produit suite la premire dtermination, celle par laquelle
lEssence Sauto-dtermine en tant quEntit unique (al-ayn al-wahda). Cette
auto-dtermination rsulte de la connaissance que le Principe a de Soi, en Soi et
par Soi, et cest cette connaissance mme qui permet toutes les qualifications duPrincipe telles, entre autres, Son unit (wahdati-Hi), Sa ncessit dtre (wujb
wujdi-Hi), Sa principialit (mabdaiyati-Hi), de manire ce quelle devienne
aussi la cause efficiente de toutes choses, puisque celles-ci ne sont que la
dtermination de tout ce qui est compris dans Sa Science de manire synthtique
et distinctive4.
Toutefois, la premire dtermination (al-taayyun al-awwal)5 se distingue de
lEssence seulement de manire logique et conceptuelle et non pas dans la ralit,
puisque lEssence qui Se connat est lEssence mme (huwa ayn al-dht) et rien
dautre6. Par rapport au Premier degr et la Premire dtermination, la Science(divine) est la manifestation de lEssence Elle-mme affirme Farghn au
moyen de linclusion en elle des aspects de lUnicit (whidiyya) et leur
ralisation de manire ce que la Science ait un objet de connaissance unique ,
qui est Son Essence. Cest uniquement en rapport avec le second degr [que la
Science] devient la manifestation de lEssence Elle-mme au moyen de Ses
Oprations (shun) 7.
4Voir Qnaw, Al-nuss al-ilhiyya,en marge du Sharh manzil al-sirn de Qshn, Thran 1315 H, p.
275; ms. Zhiriyya 5914, f. 2a.
5Les dterminations (taayyunt) sont considres comme les degrs hirarchiques de lAuto-manifestation
de lEssence. Pour une plus ample lucidation sur les diverses perspectives de ce thme au sein de lcole
akbarienne (les disciples et les spcialistes dIbn Arab), consulter W.C. Chittick: The Five Divine
Presences from al-Qnaw to al-Qaysar ,Muslim World, LXII, 1982, p. 107-128; cf. aussi M. Chodkiewicz,
LOffrande au Prophte de Muhammad al-Burhnpr , Connaissance des Religions, vol. IV, n 1/2
(1988), p. 34-36.
6 Selon Qnaw, elle ne se distingue de ltat de non-manifestation absolue (al-ghayb al-mutlaq), qui est
lEssence du Principe et Son Ipsit (huwiyya), que par la dtermination du degr (martaba).
7Sad al-Dn al-Farghn (m. 700/1300),Muntah al-madrik, Istanbul, 1293 H, p. 15. Lexpression uvre
divine drive du verset coranique suivant: Chaque jour Il est une uvre ( Cor., 55: 29), o Son jour
nous dit Ibn Arab quivaut au moment indivisible (n). Les Oprations (shun) divines sont les ralits
essentielles de lexistence, cest--dire les possibilits dexistence en tant que support pour la manifestation
(mazhar) des Actes divins. Voir W.C. Chittick: The Sufi Path of Knowledge, New York 1989, p. 98-99, et Ibn
Arab,Les Illuminations de la Mecque, Paris 1989, p. 566 note 139; cf. aussi S. Hakim, Al-Mujam al-sf,
Beyrouth 1981, p. 639-643. Sur la notion fondamentale de mazharchez Ibn Arab, voir W.C. Chittick, op.
cit., p. 89-91, et labondance de rfrences aux Futhtquil donne dans Les Illuminations, op. cit., p. 560
note 74.
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Le premier degr (martaba) rsulte donc de lauto-manifestation (tajall) de
lEssence Elle-mme et la Premire dtermination est donc lentification8et le
rceptacle de la premire Thophanie (al-tajall al-awwal) faisant ainsi fonction
dune certaine manire de miroir lEssence qui Sy rflchit9
. Il est considrcomme tant l Isthme suprme totalisant (al-barzakh al-akbar al-jmi)
puisquil joue le rle dintermdiaire entre lUnit exclusive (ahadiyya) et
lUnicit (whidiyya), cest dailleurs pour cette raison quil est appel: le degr
de lUnit absolue (al-wahda al-mutlaqa)10. Les connaissants sy sont rfrs en
lui donnant diffrents noms indiquant toutefois une seule et mme ralit
envisage selon des perspectives diffrentes ; parmi eux, Farghn mentionne en
particulier le nom de Ralit des ralits (haqqat al-haqiq) en raison du fait
que le tout y apparat comme une essence unique (ayn whida), tout comme il
utilise les expressions Ralit ahmadienne (al-haqqa al-ahmadiyya) et stationdu : Ou encore moins (maqm aw-adn) qui reprsente laspect intrieur de la
station de la distance de deux arcs (btin maqm qb qawsayn)11. En revanche,
lorsque lEssence Se contemple en tant quUnicit12, inclusive de toutes les
possibilits dexpressions, doprations, dtats, de formes et de rceptacles de
manifestation, nous obtenons alors ce qui prend le nom de second degr, celui de
8Pour lutilisation de cette expression en relation avec le terme taayyun voir W.C. Chittick, The Suf Path,
op. cit., p. 83.
9Cf.Muntah, p. 10.
10Muntah, p. 9, 13
11Muntahp. 13. Les deux Stations spirituelles se rfrent lAscension cleste (mirj) du Prophte et
constituent, selon les termes coraniques (cf. Cor., 53: 9), dabord lextrme limite de sa ralisation ascendente
(tadall) et ensuite celle descendente (tadan), modle de la ralisation spirituelle de tout saint
muhammadien. En effet, selon Farghn, la Station de la distance de deux arcs serait une allusion aux deux
aspects de la ahadiyyaet de la whidiyya incluses et synthtises dans Ou encore moins de la wahda al-
mutlaqa (voir Muntah, p. 9, 13; cf. infra notes 145, 147). Farghn ne le dit pas expressment mais il
apparat vident dans le texte que la Haqqa ahmadiyya est laspect intrieur de laHaqqa muhammadiyya,
quivalent islamique du Logos, pour laquelle nous renvoyons M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints,
Prophtie et saintet dans la doctrine dIbn Arab, Paris 1986, chap. IV, et S. Hakim, Mujam, op. cit., p.347-352(ibid., pour laHaqqat al-haqiq , p. 345-347). Voir galement M. Chodkiewicz en ce qui concerne
le thme du mirj (op. cit., p. 101-102 et 181 sq.) et pour la signification de la distance de deux arcs ( ibid.,
p. 110 note 1, p. 219) . Voir aussi Fut., II, p. 558; III, p. 543; IV, p. 39,51; Ibn Arab, Kitb al-isr il al-
maqm al-asr, Beyrouth 1988, p. 133-142; Abd al-Karm al-Jl (m. 832/1428), Kitb al-asfr an rislat
al-anwr, Damas 1929, p. 311-314.
12 Qshn dfinit lUnicit (whidiyya) comme l Essence conue comme lorigine des Noms divins, et
cest aussi lunicit de tous les noms de lEssence malgr leur multiplicit dans les Attributs (Istilht, p.
47; Glossary, op. cit., p. 19 n. 81).
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la Fonction de divinit (ulhiyya) en laquelle se manifestent de manire
distinctive les Oprations essentielles (al-shun al-dhtiyya) comprises
synthtiquement dans le premier degr13.
Les Oprations ne sont rien dautre que les Attributs divins (sift) et les ralitsessentielles des choses (haqiq al-ashy), leurs essences immuables (al-ayn
al-thbita)14 lesquelles, ce niveau, sont expliques et diffrencies dans la
prsence de la Science (al-hadra al-ilmiyya) par un acte deffusion divine quIbn
Arab nomme Effusion Sanctissime (al-fayd al-aqdas)15.
Dans une clbre tradition prophtique, Allh sexprimant par lintermdiaire de
Son Prophte dclare: Jtais un Trsor cach et Jai aim tre connu, alors je
crai le monde pour tre connu 16.
Par Trsor cach, la tradition dsigne le degr de lUnit absolue, et indiqueune plnitude de possibilit (mumkint)17 comprimes en une essence unique
13Cf. Muntah, p. 11,13,15. Nous ne trouvons pas cette distinction entre le premier et le second degr chez
Ibn Arab ; tous les aspects qui sont considrs en mode systmatique chez les auteurs postrieurs se
retrouvent fusionns, dans son uvre, en une exposition qui tend les unifier selon une logique plus
respectueuse du caractre non systmatique de la mtaphysique. Le premier et le second degr sont
indiffremment appels aussi la Nue obscure (am) et lExpir du Misricordieux (nafas al-Rahmn),
ou encore lImagination absolue (al-khayl al-mutlaq), termes qui se rfrent plus spcifiquement au
second degr, celui de la whidiyya. la rigueur, le terme Nue obscure a aussi t appliqu au premier
degr, celui de la wahda,ainsi, nous verrons que tenant compte de leur distinction le Shaykh Ahmad al-Tijn (m. 1230/1815) a pu parler de deux Nues, une pour le premier degr et une pour le second (voir Al
Harzim,Jawhir al-man, Le Caire 1977, II, p. 221-222; pour Ibn Arab, cf. W.C. Chittick, The Sufi Path,
op. cit., p. 125-143; T. Izutsu, Sufism and Taoism, Berkley 1983, chap. II).
14Le concept dessences immuables (ayn thbita), qui constitue une des notions majeures dIbn Arab,
dsigne la possibilit de manifestation ltat principiel. Voir. W.C. Chittick,The Sufi Path, op. cit., p. 83-88;
T. Izutsu, Sufism, op. cit., chap. XII; C. Chodkiewicz, Les premires polmiques autour dIbn Arab : Ibn
Taymiyya, Thse de Doctorat de troisime cycle, Paris IV, 1984, p. 34-48 ; S. Hakim, Mujam, p. 831-839.
15Fus., I, p. 49; voir aussi la traduction partielle de T. Burckhardt : Ibn Arab : La Sagesse des Prophtes,
Paris 1956, et celle complte de Ch.-A. Gilis : Ibn Arab, Le Livre des Chatons des Sagesses, Beyrouth
1418/1997. Sur le concept deffusion, qui pour Ibn Arab est synonyme de thophanie (tajall), voir T.
Izutsu, Sufism, op. cit., chap. XI.
16Cette tradition est considre comme apocryphe par les docteurs de la tradition car prive dune chane de
transmission valable (voir S. Hakim, Mujam, p. 1266, hadth n 34); toutefois, Ibn Arab, bien quayant
conscience de ce fait, en authentifie la validit conformment au dvoilement initiatique (Fut., III, p. 429).
Pour le commentaire quIbn Arab fait de cette sainte tradition (hadth qudus), voir en particulierFut., II, p.
232, 399 et III, p. 267. Voir en outreMuntha, p. 5-6 etJawhir al-man, op. cit., II, p. 31-33.
17Chez Ibn Arab, le possible est ce dont lexistence est ncessaire pour un autre ( al-wjib al-wujd li-
ghayrihi). Ce sont les Noms divins mmes qui constituent les possibles inclus dans la Science divine,
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(ayn whida) avant18 que cette dernire ne manifeste la pluralit indfinie des
essences19 dans la Science divine. La tradition du Trsor cach est donc
lannonce, dans linpuisable plrme des Noms divins, de leur effusion sur le
nant des essences de tout ce qui rclame lexistenciation. Une effusionsuccessive, qui prend le nom dmanation sanctissime (al-fayd al-muqaddass),
permettra le passage relatif de ltat de thubt celui de wujd20, revtant ces
possibles de lexistence et les faisant ainsi apparatre ad extra(fi-l-khrij), cest-
-dire semblable quelque chose dextrieur au Principe21. Ils constituent donc
tout ce qui est autre quAllh (kullu m siw Llh), cest dire le cosmos,
faisant fonction de lieux piphaniques (mazhir) pour la manifestation de Ses
Noms. En effet, selon Ibn Arab, lorsque Allh est considr en rapport
lexistence, Il est alors lEssence des choses existantes (ayn al-mawjdt)
lesquelles ne sont, en fait, autres que Lui du moment que les essences, qui en
lesquels ont des essences immuables, dpourvues dtre propre, qui accompagnent ltre ncessaire ( wjib
al-wujd) dans lternit sans dbut .
18Il sagit dune antriorit purement logique et ontologique.
19La multiplicit dessences, ou les possibilits de manifestation ltat principiel, est indfinie car cet ordre
de possibilit ninclut pas la possibilit de non-manifestation. Linfinit appartient dans ce cas la wahda al-
mutlaqa qui sidentifie la Possibilit universelle de R. Gunon, la premiere rflexion (cest--dire al-
tajall al-awwal) de lInfini (qui est al-l taayyun), celle que la tradition de lExtrme-Orient appelerait : la
perfection active (khien), en opposition la perfection passive (khuen) qui dsigne le premier degr de
dtermination de lEssence (R. Gunon, Les tats multiples de ltre, Paris 1957, p. 18. Sur le Fayd al-muqaddas, voir Ch.-A. Gilis,Le livre des Chatons, op. cit., note 14, p. 44-45; S. Hakim,Mujam, op. cit., p.
888-892.
20 Cest--dire le passage de ltat permanent (thbit) et non manifest des possibilits de manifestation
celui de ces possibilits mmes considres sous le rapport de lexistence, et par consquent appeles choses
existencies (mawjdt). Nous ne disons pas de ltat de puissance celui dacte, car ltat de potentialit ne
sapplique qu ce qui appartient lordre contingent de la manifestation. Toutefois, selon la doctrine dIbn
Arab, lexistence (wujd) en mode absolu nappartient qu Allh, alors quaux choses existencies
nappartient quune existence relative (wujd idf) et, en tout tat de cause, seulement apparente. Mme le
nant des essences est galement relatif (al-adam al-idf) (Fut., II, p. 587) car le nant absolu (al-adam
al-mutlaq), qui soppose ltre Ncessaire, est par sa nature mme impossible (muhl) (Fut., II, p. 248;
O.Y., XIV, p. 519-520). Le possible dclare: Nous nous trouvons dans un tat de non-existence. Nouslavons connu et gout. Maintenant, ltre Ncessaire nous a ordonn dexister, mais nous ne connaissons pas
lexistence et nous ny avons aucune autorit. Venez donc ! Aidons-Le contre cette non-existence impossible
afin que nous puissions connatre par exprience directe ce quest cette existence (Fut., II, p. 248; O.Y.,
XIV, p. 519-520). Sur limpossibilit du nant, voir R. Gunon,Les tats multiples de ltre, op. cit., p. 31.
21 Le passage de lun lautre ne comporte aucune modification relle: Ce que tu tais dans ton tat
dimmutabilit, tu le manifestes dans ton existence, pour autant quon puisse affirmer ton existence . Il ny
a pas de forme existencie qui ne soit identique son prototype immuable ; ltre est sur elle comme un
vtement (Fut., I, p. 302, cit par C. Chodkiewicz, Les premires polmiques, op. cit., p. 37-38).
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Lui sont immuablement caractrises dun tat de non-manifestation, nont jamais
respir le parfum de lexistence et demeurent en cet tat malgr la multiplicit des
formes manifestes. LEssence est unique (al-ayn whida) du tout dans le tout.
La multiplicit nexiste que par rapport aux Noms divins lesquels, eux-mmes, nesont que des relations et des ralits non manifestes (nisab wa umr
adamiyya) 22.
Je suis le nant manifest de Ta Lumire affirme lmir Abd al-Qdir dans un
colloque extatique avec Dieu23. Lessence de la crature nabandonne pas son tat
de non-manifestation, mais sa relation avec le nom divin auquel elle sert de
support fait merger la seigneurie (rubbiyya) qui tait implicite dans la fonction
de divinit (ulha ou ulhiyya) du fait que celle-ci comporte ncessairement
quelque chose sur laquelle elle peut sappliquer. La ulhiyya sexplique au
niveau de la Science divine, dans le degr de la Nue, lorsquil ny pas encorede traces de manifestation.; elle comporte la permanence dun objet de la
Fonction divine (malh) et sa dtermination affirme Qashn alors que la
rubbiyya comporte la ncessit quil y ait un objet de la seigneurie (marbb)
et son actualisation . Elle dsigne alors le degr qui comprend uniquement les
Noms qui rclament les choses existencies (mawjdt)24. La relation de
lEssence avec les essences immuables est donc lorigine de tous les Noms divins,
alors que sa relation avec lordre cosmique est lorigine des Noms de la seigneurie
divine.
22Fus., I, 76. Le fait que les Noms divins soient des ralits dmunies dexistence doit tre compris dans le
sens que les ralits ne sont ni des entits ni des choses. Par rapport aux ralits des relations, les Noms sont
des qualits prives dexistence (Fut., II, p. 516). Sur les Noms divins, voir W.C. Chittick, The Sufi Path,
op. cit., p. 33-58 et T. Izutsu, Sufism, op. cit., chap. VII.
23Lmir Abd al-Qdir al-Jazir, Kitb al-mawqif, Damas 1966, mawqif30, (I, p. 75); trad. partielle en
langue franaise,crits spirituels, Paris 1982. Il sagit dun cho dun dialogue entre Dieu et Ibn Arab qui
se situe dans la vision contemplative de lexistence et de lmergence des essences : Qui es-tu ? lui
demanda Dieu. Il rpondit: Je suis le nant manifest (al-adam al-zhir). Comment le nant devient-il
existence ? Et sil nexiste pas, ton existence mme nest pas valable ! Il lui rpondit: Cest pour cette
raison que jai dit tre le nant manifest, puisquon ne peut attribuer au non-manifest une existencecontingente (Mashhid al-asrr al-qudsiyya, ms. Paris 6104, f. 13b.). Sur loscurit des essences, Ibn
Arab affirme encore: Les essences des possibles (autrement dit les essences immuables) ne sont pas
lumineuses car elles sont non manifestes (madma). Elles possdent certainement la permanence mais ne
sont pas qualifies par lexistence car celle-ci est lumire (al-wujd nr) (Fus., I, p. 102; cf. T. Izutsu,
Sufism, op. cit., 83-86 et 151-153).
24Istilht, p. 147-148; Glossary, op. cit., p. 99 n. 449; voir aussi Tahanw, Kashf istilht al-funn, Le
Caire 1972, III, p. 3-4. Sur le rapport entre la ulhiyya, exprime par le NomAllh, et la rubbiyya, exprime
par le nom al-Rabb, voir T. Izutsu, Sufism, op. cit., chap. VIII.
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Dans sesFuss al-Hikam, Ibn Arab rapporte ces propos de Sahl al-Tustr: La
seigneurie a un secret et ce secret cest toi, autrement dit ton tre ; sil venait tre
rvl, la seigneurie serait alors abolie 25. Serviteur et Seigneur sont deux termes
irrductibles26
, lun ne saurait subsister sans lautre ; le Seigneur donnantlexistence, le serviteur se rendant vassal pour la manifestation dun des Noms
divins qui sirradie partir de la Seigneurie. Cette interdpendance des deux
termes est la ralit essentielle de lexpression et Jai cr le monde pour tre
connu , puisqu lapparition de la Seigneurie apparat aussi la rciprocit de
Dieu et cosmos, de Seigneur et serviteur; lun ne peut tre connu quen
relation lautre. LEssence tant au-del de toutes ces relations affirme Ibn
Arab Elle nest pas divinit. Du moment que toutes ces relations puisent leur
origine dans nos essences ternellement non manifestes, cest nous qui faisons de
Lui une Divinit, puisque nous sommes le moyen travers lequel Il se connaitcomme Divin 27. Inversement, selon les propres termes du Prophte : Qui se
connat soi-mme connat son Seigneur 28, nous ne pouvons connatre Dieu
quen prenant pour rfrence ce quIl a cr29.
25Fus., I, 90-91; Qashn, (Istilht, p. 102; Glossary, op. cit., p. 61) , outre la dfinition quil donne du
secret de la seigneurie, parle aussi du secret de ce secret (sirr sirr al-rubbiyya). Le premier nous dit
Qashn est le fait (pour la Seigneurie) de dpendre de celui qui Lui est sujet (marbb), puisque la
seigneurie est une relation qui exige ncessairement deux termes corrlatifs. Un de ces deux termes est
constitu par ce qui est sujet la Seigneurie, et il ne sagit de rien dautre que dessences immuables dans
ltat de non-manifestation. Or, ce qui dpend de ce qui nest pas manifest est lui-mme non manifest .
Quant au second, autrement dit le secret du secret de la seigneurie, il consiste en la manifestation du
Seigneur selon la forme des essences, lesquelles, du moment quelles se manifestent, subsistent grce Lui et
existent au moyen de Son existence, alors que le Seigneur subsiste par Lui-mme et Se manifeste au moyen
de Ses dterminations (taayyunt) ... La Seigneurie ne drive en fait que du Principe alors que les essences
sont ternellement en un tat de non-manifestation, si tant est que le secret de la Seigneurie possde un
secret au moyen duquel il se manifeste et nest pas aboli . Les propos de Tustar sur le sirr al-rubbiyya
sont rapports par diffrents auteurs avec de lgres variantes; ils sont cits dans leur forme la plus ancienne
de manire anonyme dans le Qt al-qulb dAb Tlib al-Makk, Le Caire 1961, II, p. 179. Les diverses
variantes sont rapportes par G. Bwering dans The Mystical Vision of Existence in Classical Islam, Berlin,
1980, p. 196-197, cf. aussi ibid., p. 39 note 152.
26 Il ny a aucune possibilit que la condition de serviteur (ubdiyya) et celle de Seigneur (rubbiyya)
puissent se rencontrer. De toutes les choses, ces deux conditions sont celles qui manifestent entre elles le plus
grand contraste ... Chaque couple dopposs dans le cosmos possde en soi quelque chose qui les unit, malgr
leur opposition, except le couple serviteur/Seigneur (Fut., III, p. 371; cf. W.C. Chittick, The Sufi Path, op.
cit., p. 324. Voir aussi S. Hakim,Mujam, op. cit., p. 506-512).
27Fus., I, p. 81; cf. la trad. anglaise de R.W.J. Austin, The Bezels of Wisdom, Londres 1980, p. 92.
28Clbre tradition prophtique gnralement accepte par les Maitres du soufisme, bien que les docteurs de
la tradition la considrent comme apocryphe et la font plutt remonter Yahy b. Mudh al-Rzi (m.
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Toute chose dans le cosmos est soumise un aspect de la Seigneurie, toute ralit
existencielle est un miroir de Ses Noms travers lequel Il connat Sa Divinit. Il
ny a aucune proprit dans le cosmos qui ne soit sans support divin et sans
attribut dominical 30
. Le cosmos, dans sa totalit, nest quun serviteur31
uniquede Son auto-manifestation Lui-mme, un adorateur de la Ralit divine grce
laquelle il subsiste et reoit sa nourriture divine tout comme Lui, en tant que
Divinit, est nourri de ladoration de Ses serviteurs, autrement dit de lensemble
de Ses cratures32.
Lensemble de la cration a donc pour finalit la connaissance du Principe divin et
laffirmation de Sa Seigneurie. Cest la raison pour laquelle lexpression pour
quils Madorent (li-yabud-N )33du verset coranique Je nai cr les jinn-s
et les hommes que pour quils Madorent (Cor., 51: 56) a t interprte par Ibn
Abbs dans le sens de pour quils Me connaissent ( li-yarifn)34 o paribda il faut comprendre adoration essentielle (al-ibda al-dhtiyya), celle
qui sexplique par lacte mme de lexistenciation35. Envisag sous cet angle, tout
ce qui se trouve dans lexistence adore donc Dieu, cest--dire le tout lui offre
son propre culte ou service (ibda) selon les modalits de sa pauvret
871/258 H). Cf. la prsentation de M. Chodkiewicz lEptre sur lUnicit absoluede Awhad al-dn Balyn,
Paris 1982, p. 27 sq.; pour linterprtation quIbn Arab donne de ce hadth, voir Fut., I, p. 112, 328, 331,
347, 353; II, p. 40, 298, 472, 508; III, p. 44, 73, 101, 289, 301, 356; IV, 245, etc.
29Fus.,ibid., Fut., II, p. 255-256; O.Y., XIV, p. 570.30
Fut., IV, 231.
31Cf. note 1.
32Cf.Fus., I, p. 187: Si la Divinit voulait de la subsistance pour Elle-mme, alors lexistence entire serait
nourriture pour Lui. Si la Divinit dsirait pour nous de la subsistance, alors Il serait notre nourriture, selon
Son dsir . Voir R.W.J. Austin, op.cit., p. 237;Les Illuminations, op. cit., p. 561 note 88.
33Troisime forme de la racine BD, adorer, servir dont drive abd, serviteur. Cf. W.C. Chittick, The
Sufi Path, op. cit., p. 311.
34Fut., II, 214; O.Y., XIV, p. 274 (trad. dans Les Illuminations, op. cit., p. 245). Als, qui met cette
interprtation directement en relation avec le hadth du Trsor cach, la fait remonter Mujhid ; cf. Rhal-man fi-tafsr al-Qurn, Beyrouth 1978, XXVII, p. 21.
35 Allh a dit: Pour quils Madorent (Cor.52:56), mais ils ne Ladorent pas tant quils ne Le connaissent
pas, et lorsquils Le connaissent, ils Ladorent alors dune adoration essentielle ; puis, lorsquil leur est
ordonn dadorer, ils Ladorent alors dune adoration particulire, conjointement la subsistance de
ladoration essentielle dordre commun (Fut., II, p. 410; cf. aussi ibid., II, p. 256, 308-309, 328). Qnaw,
citant le mme verset coranique, nous dit que la disposition divine lexistenciation ( ijd), dont la
manifestation nest autre que lexistence mme, est dfinie quelquefois comme tant adoration (ibda) et
dautres fois comme tant connaissance (marifa) (voirIjz al-bayn, Le Caire 1969, p. 240)
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ontologique essentielle et Le connat selon la connaissance qui lui provient de son
essence immuable : Tout ce qui se trouve dans les cieux et sur terre chante les
louanges de Dieu (Cor., 57:1).
2. La Forme de Dieu
Toutefois, de ce qui prcde, on comprend que bien que le tout offre son culte
et sa glorification au Principe et Le connat, il ne le fait quen des termes et des
limites que lui impose la manifestation dun Nom spcifique, puisque comme
indiqu plus haut il ny a aucune chose dans lexistence qui, par le fait de
possder un rang dfini dans lordre cosmique, ne soit soumise au statut du Nom
qui est son Seigneur, cest--dire la Face particulire (al-wajh al-khss) delEssence oriente vers telle crature. Mais Le Principe divin affirme Ibn
Arab voulut, en Ses Noms excellents dont la multitude est innombrable, voir
leurs essences si tu veux, tu peux dire voir Son Essence mme36 dans un tre
qui renferme la ralit totale (kawn jmi)37 car il est qualifi par lexistence
(wujd), afin de rendre manifeste par lui Son propre secret Lui-mme 38. Cet
tre omnicomprhensif est appel Homme (insn) et Vicaire (khalfa) de Dieu
ajoute Ibn Arab entendant ainsi lHomme Parfait dsign par le nom
dAdam39. Dans ses Futht, Ibn Arab prcise que le monde est le lieu de
manifestation du Principe (mazhar al-Haqq) de manire complte ... Puis Allh a
extrait de ce monde un compendium synthtique (mukhtasar majm) qui contient
en soi toutes ses significations de la manire la plus parfaite et lui a donn le nom
36Selon Abd al-Rahmn Jm (m. 898/1492), dans le premier cas, les Noms sont diffrencis les uns des
autres selon le point de vue de lUnicit (martabat al-whidiyya) , dans le second cas, seule lEssence est
prise en considration sans aucune diffrenciation, selon le point de vue de lUnit exclusive (martabat al-
ahadiyya) (Jm, Sharh alFuss, p. 16, en marge du Sharh jawhir al-nuss fi hall kalimt al- fuss de
Nbulus, Le Caire non dat.
37 Cest--dire un tre unitaire (wahdn) dont le nom, la constitution et lattribut sont limage de la
Synthse, et qui a pour caractristiques et particuliarits celles de rflchir la constitution universelle (al-
shan al-kull), qui est la Premire dtermination (al-taayyun al-awwal) (Jm, ibid.).
38Fus., I, p. 48-49, voir Ch.-A. Gilis,Le Livre des Chatons, op. cit., p. 43.
39On trouve dans lesFutht (II, p. 642) un paragraphe trs ressemblant celui du dbut du chapitre dAdam
dans les Fuss. Toutefois, ici Celui qui veut voir Soi-mme est le Soi (al-Huwa), lequel regarde les
essences immuables mais nen trouve aucune qui puisse servir de support cette vision sauf lessence de
lHomme Parfait (ayn al-insn al-kmil).
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dAdam, et Il a dit lavoir cr Son Image 40. Tout ce que contient le monde est
limage du Principe (al surat al-Haqq)41puisque le monde est lui-mme un
compendium du Principe (mukhtasar al-Haqq)42 et lhomme, son tour, est un
conpendium du monde appel pour cette raison aussi le petit monde (al-lamal-saghr), mais ds lors que cette expression sapplique lhomme en tant
qutre vivant ou anim (insn haywan)43, il est bien entendu quil sagit
seulement dun reprsentant de lHomme Parfait (khalfat al-insn al-kmil)
puisque seul ce dernier est en troite relation avec toutes les ralits du monde
(haqiq al-lam) et celles du Principe (haqiq al-Haqq), raison pour laquelle le
vicariat lui a t attribu en propre 44.
Lhomme na pas t cr par jeu, mais pour quil soit lunique tre cr Son
image. Chaque chose de lunivers ignore le tout et ne connat de lui quune partie
sauf lHomme Parfait, car Allh lui a enseign tous les Noms et lui a donn lasynthse des paroles, Il a fait sa forme parfaite et a assembl en lui la forme du
Principe et celle du monde; cest ainsi quil devint un Isthme (barzakh) entre le
Principe et la manifestation, un miroir prdispos grce auquel le Principe voit Sa
40Fut., III, p. 11. Le hadth : Dieu a cr Adam selon Sa (sa) forme (ou son image) (Bukhr, Istidhn,
I; Muslim,Birr, 115,Janna,28; Ibn Hanbal, II, p. 244, 251, 315 etc.; voir aussi W.C. Chittick, The Sufi Path,
op. cit., p. 399 note 4 et M. Chodkiewicz, Le Sceau, op. cit., p. 91 note 1; la version complte est rapporte
par D. Gril dans Ibn Arab,Les Illuminations, op. cit., p. 618, note 176). Ibn Arab cite souvent ce hadth eten fait un argument dcisif pour la khilfa de lHomme (voir par exemple Fut., I, p. 263; O.Y., IV, p. 179);
sur la prminence de lHomme sur lensemble des tres crs car cr limage divine, cf. la rponse dIbn
Arab au questionnaire de Tirmidh, Question 45, ibid., II, p. 71-72; O.Y., XII, p. 283-287). Sur la distinction
entre limage divine exprime par la manifestation universelle et lHomme Parfait cf.Fut., IV, p. 231.
41Fut., IV, p.8.
42Fut., III, p. 315.
43Ibid.
44Fut., III, p. 437; cf. ibid., II, p. 391; IV, p. 21; Uqla al-mustawfiz, d. Nyberg, Leyde 1919, p. 43. Sur la
participation de lHomme aux ralits du Principe et de la manifestation, voir en particulier Fut., chap. 361
(III, p. 294 sq.). La nature synthtique de lHomme Parfait vient du fait davoir t cr des Deux Mains
divines (cf. ibid., I, p. 263; II, p. 4, 26, 67, 468, 641; III, p. 294-295); Le thme a t abondamment dvelopp
par Ibn Arab dans un trait intitul Nuskhat al-Haqq, la Copie de Dieu (dans la Uqla, p. 42-45, Ibn
Arab dfinit lHomme Parfait comme tant la Copie parfaite totalisante (al-nuskha al-kmila al-jmia).
Voir aussi Ibn Arab, al-Tajalliyt al-Ilhiyya,d. O. Yahya, Thran 1988, p. 231 note 368; S. Murata, The
Tao of Islam. A sourcebook on Gender Relationship in Islamic Thought, New York 1992, chap. 3; S. Hakim,
Mujam, op. cit., p. 1057-1059; et aussi ibid., al-insn al-kmil(p. 158-168); khilfa (p. 412-422); mukhtasar
(p. 395-397);sra (p. 702-708); sur la notion de khilfa selon la perspective akbarienne, voir en outre ltude
importante de Ch.-A. Gilis,Les Sept tendards du Califat, Paris 1993.
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propre Forme dans le miroir de lHomme ... ce que cette vision signifie, ici, est le
fait que son tre soit dsign avec tous les Noms divins 45.
LHomme Parfait est donc une Copie totalisante de tout ce qui se trouve dans le
monde et de tous les noms de la Prsence divine (asm al-hadra al-ilhiyya)46
,cest pour cette raison quil est lultime crature apparue dans lexistence47 du
moment que le compendium ne peut que rsumer ce qui prcedemment a t
dtaill48. LHomme Parfait est donc lunique tre qui joue le rle de lieu de
manifestation du Nom Totalisant (mazhar al-ism al-jmi) Allh49, et il apparat
aussi pour cette mme raison comme tant le serviteur parfait totalisant (al-abd
45Fut., III, p. 398. La fonction de Vicaire (khalfa) de Dieu confie lhomme et sa complte connaissance
de toute chose se fonde sur le verset suivant du Coran : Et lorsque Dieu dit aux anges : Je vais instituer un
vicaire sur la terre, ils dirent: Y placeras-Tu quelquun qui y smera le dsordre et y versera le sang alors
que par la louange nous clbrons Ta gloire et magnifions Ta saintet? Il dit: Je sais ce que vous ne savez
pas. Il apprit Adam tous les noms puis les prsenta aux anges et leur dit: Faites-moi connatre leurs noms
si vous tes vridiques ! Ils dirent : Gloire Toi, nous ne savons que ce que Tu nous a enseign, en vrit
cest Toi, le Tout-Savant, le Tout-Sage ! (2: 30-31). Sur la connaissance de tous les noms, cf. Fut., I, p.
216; II, p. 68, 71, 88, 487, 489; III, p. 74). Quand la Synthse des paroles (jawmi al-kalim), il se rfre
la connaissance qui a t donne au Prophte Muhammad selon un fameux hadth (Bukhr, Jihd, 122,
Tabr, 22, Itism, 1, Muslim,Masjid, 5, 8; Nas, Jihd, 1, Tatbq, 100; Tirmidh, Siyar, 5) souvent cit
par Ibn Arab, et cet autre: Jai pris connaissance de la science des premiers et des derniers (sur ce
hadth voir W.C. Chittick, The Sufi Path, op. cit., p. 395, note 17). Selon Ibn Arab, la science dAdam est
incluse en celle de Muhammad par le fait que la Synthse des paroles comprend tous les noms (Fut., II, p.
88; O.Y. XII, p. 404-406; voir aussi II, p, 72; III, p. 142) et que la science des premiers comprend celledAdam (Fut.,II, p. 171; O.Y. XIII, p. 507).
46Cf. Uqla, p.45.
47 Cf. Fut., II, p. 603; IV, p. 299. Tout comme les autres traditions abrahamiques, lIslam considre aussi
lhomme, dans lordre ontologique, comme tant lultime tre existenci de toute la manifestation. Dans la
Tuhfat al-mursala, Muhammad Burhnpur, en raison de la nature synthtique de ltre humain, en fait un
degr en soi, celui de totalisant ultime des sept degrs en lequel est organis ltre universel entier, partir
du Principe inconditionn, auquel font suite cinq degrs de dtermination successive ( taayyunt)
communment appels les cinq Prsences divines (al-hadrt al-khamst al-ilhiyya). Cf. M. Chodkiewicz,
LOffrande au Prophte , op. cit., p. 35. Sur les cinq Prsences divines, voir larticle cit plus haut de
W.C. Chittick: The Five Divine Presences .
48Fut., III, p. 315.
49 La sagesse de la Fonction divine affirme Dwud Qaysar (m. 751/1350) ayant t attribue Adam
(cest--dire lHomme), par le fait quayant t cr pour la khilfa et que son degr comprend tous les degrs
du cosmos, il devient ainsi le miroir qui rflchit le degr de la Fonction divine et il joue alors le rle de
rceptacle pour la manifestation de tous les Noms divins. Aucune autre chose ne possde une semblable
receptivit. Adam est en fait le lieu de la manifestation du Nom Allh (Khuss al-kalim fi man fuss al-
hikam, Bombay 1300 H., p. 13; cf. W.C. Chittick, The Chapter Headings of the Fuss , Journal of the
Muhyddin Ibn Arab Society , 2, 1984, p. 49).
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al-jmi al-kmil), ou encore le serviteur universel (al-abd al-kull) du moment
que tous les autres serviteurs ne sont que les serviteurs dun Nom divin donn
lexclusion des autres Noms, alors que lHomme Parfait est le serviteur de tous
les Noms et le serviteur dAllh (abd Allh)50
par excellence. La pure servitude (al-ubdiyya al-mahda), qui ne prsente aucune forme de
seigneurie (rubbiyya), ne sapplique proprement qu lHomme Parfait, alors que
la Seigneurie, qui ne prsente aucune forme de servitude sous quelque forme que
ce soit, ne sapplique correctement qu Allh. Lhomme est limage du Principe
divin selon le rapport de la transcendance et de ltre pur de toute contamination
dans sa ralit essentielle ; il est donc le lieu absolu de la Fonction divine (al-
malh al-mutlaq), alors que le Principe divin est la Divinit absolue, et jentends
par l lHomme Parfait 51.
Cette participation aux deux termes extrmes de la ncessit (wujb) et de lapossibilit (imkn), qui choit du fait davoir t cr des Deux Mains divines,
fait de lHomme lIsthme totalisant (al-barzakh al-jmi)52, lintermdiaire
suprme de tous les tats de ltre (al-barzakh al-ala ou barzakh al-barzikh)53,
mais lhomme ordinaire, ultime tre de lordre ontologique avoir t cr du fiat
existenciateur (al-amr al-wujd), ne possde que potentiellement les degrs
prcdents dont lHomme Parfait est la synthse. LHomme Universel
50Et donc le Serviteur parfait (al-abd al-kmil). Cf. Fut., II, p. 571; III, p. 409; voir W.C. Chittick, The
Sufi Path, op. cit., p. 30, 371.
51Fut., II, p. 603. LHomme Parfait est encore plus parfait que le monde pris dans sa totalit, puisquil est
la Copie du monde, lettre par lettre, auquel il faut ajouter le fait quil nadmet aucune diminution ... La
diminution na lieu quen relation une levation prcdente, mais le serviteur universel (al-abd al-kull)
na aucune levation dans sa servitude puisquil est dpouill des attributs (Fut., II, p. 615-616).
52 Cf. Fut., II, p. 391; Uqla, p. 42; Insh al-dawir, d. Nyberg, Leyde, 1919, p. 22 (voir en outre la
traduction anglaise de P. Fenton et M. Gloton: The Book of the Description of the Encompassing Circles ,
in:Muhyddin Ibn Arab, a Commemorative Volume, Londres 1993, p. 28-29.
53 Selon Qnaw, la perfection de la prsence de la ulhiyya exprime par le Nom Allh comporte les
caractristiques de tous les Noms ... Entre la prsence de la ulhiyya et les Noms de lEssence il ny a aucun
intermdiaire, contrairement ce qui advient entre les autres Noms par rapport elle. Il en est de mme pour
lHomme lequel, sous le rapport de sa ralit essentielle et de son rang, na aucun intermdiaire entre lui et le
Principe divin, car sa ralit essentielle est une expression de sa fonction dIntermdiaire totalisant (al-
barzakhiyya al-jmia) entre les statuts de la ncessit et ceux des possibilits ... . De ce point de vue, la
principialit et lantriorit sur toutes les choses existantes reviennent lHomme. Quant au secret de sa
manifestation finale, il consiste en revanche dans le fait que tous les principes et les formes cres culminent
et se runissent en lui en mode extrieur et intrieur ainsi quils emanaient de lui lorigine (Fukk, en
marge du Sharh manzil al-sirn, de Qshn, Thran 1315 H., p. 188; ms. Zhiriyya, 5563, f. 3a; cf. W.C.
Chittick, The Chapter Headings of theFuss, op. cit., p. 49-50).
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comme la crit Gunon54 nexiste que virtuellement et dune certaine manire
que ngativement, comme un archtype idal, jusqu ce que la ralisation
effective de ltre total ne lui confre une existence actuelle et positive 55. La
ralit essentielle et principielle de lHomme correspond ltat dcrit par laParole divine: Nous avons cr lhomme dans la meilleure des formes ( Cor.,
95: 4); il sest donc retrouv dans lultime degr de lexistence, correspondant la
Parole divine: Puis Nous lavons renvoy au plus bas des tres bas (Cor., 95:
5)56, o il ne possde que virtuellement la possibilit de raliser la plnitude de
son rang originel et la dignit califale qui lui revient par la Forme divine, selon
la condition pose par la suite des versets cits : except ceux qui croient et
accomplissent de belles uvres, lesquels auront une rcompense ininterrompue
(Cor., 95: 6).
Il convient de rpter que, bien quayant t cr selon la Forme divine, ltrehumain ne doit en aucune manire sarroger la proprit de ce qui ne lui appartient
pas ; son statut originel consiste tre un serviteur : Tout ce qui se trouve dans
les cieux et sur terre vient auprs du Tout-Misricordieux en serviteur (Cor., 19:
93) et le serviteur comme laffirme Ibn Arab na t cr lorigine que pour
appartenir Allh et tre ternellement un serviteur et non pas un seigneur. Si
toutefois Allh le revt de la Robe dhonneur de la seigneurie (khilatu-s-siyda)
lui ordonnant dapparatre en elle, il y apparatra en restant en soi un serviteur,
mais seigneur par rapport qui le voit car celle-l est la parure de son Seigneur et
Sa Robe dont Il la [seulement] revtu 57.
La Robe dhonneur de la Forme divine autrement dit, celle de la fonction
califale (khilfa) constitue donc pour lhomme un motif dpreuve, puisque cette
investiture lui donne droit, mais en mme temps loblige, tre le destinataire
ternellement dsign du Dpot de confiance (amna)58 constitu, auprs du
54Sur lemploi de lexpression l Homme Universel pour traduire al-insn al-kmil(litt. lHomme Parfait),
voir M. Chodkiewicz. L Offrande au Prophte, op. cit., p. 35 note 29.
55R. Gunon,Le Symbolisme de la Croix, Paris 1970, chap. II; cf. M. Chodkiewicz, ibid.; S. Hakm,Mujam,
op. cit., p. 167 note 36.
56Nous suivons ici la traduction de D. Gril, La science des lettres, in :Les Illuminations de la Mecque, op.
cit., p. 461, 625 note 252.
57Fut., III, p. 136.
58Selon ce qui est rappel dans le Coran : Nous avons prsent le Dpt de Confiance aux cieux, la terre
et aux montagnes mais ils ont refus de sen charger et ont t saisi de crainte. Lhomme sen est charg
alors, mais il est, en vrit, parfaitement injuste et ignorant (Cor., 33: 72). Ibn Arab commente ce verset
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serviteur, des attributs du principe par lesquels il est appel tre caractris59.
Lamna est en effet complmentaire de laKhilfa : Allh cra Adam selon Sa
Forme prcise Ibn Arab Il lhonora alors de Ses plus Beaux Noms. Grce
la puissance de la Forme [divine], il fut en mesure de porter le Dpt qui lui taitpropos. La ralit de la Forme lempchait de repousser le Dpt comme
lavaient fait en revanche les cieux et la terre 60; mais le Dpt doit tre
restitu61et seul celui qui nen aura point abus obtiendra la prosprit. Cest pour
cette raison que la Station spirituelle la plus leve auprs dAllh est celle
qui consiste en Son maintien du serviteur dans une vision constante de son tat de
servitude et cela, quIl lui ait confr ou non linvestiture par les robes de la
seigneurie 62. Ainsi, aprs avoir tabli la ralit de lHomme Parfait, insufflant
de Son Esprit63 en lAdam primordial et, sachant quune fois lhomme uni la
forme corporelle, il aura oubli sa dpendance originelle64, Dieu tablit un pacte
dansFut., II, p. 630-631; voir en outre Jawhir al-man, op. cit., I, p. 206-207. Sur lpreuve du Califat
voir Ch.-A. Gilis,Les Sept tendards, op. cit., chap. XXXI et le chap. XX sur le Dpt de Confiance.
59Cf.Fut., II, p. 631.
60Fut., II, p. 170; O. Y., XIII, p. 501.
61Cf. Cor., 4: 58. Lamna fait de lhomme un seigneur vis--vis de la manifestation, celui qui dtient un
royaume (mulk ; cf. Fut., II, p. 603) mais il ne le possde quen vertu de la prsence, en lui, de lEsprit
suprme (al-rh al-azam) puisque cest cette prsence qui fait que lhomme peut tre juste titre un khalfa
(cf., Sharh al-Tyyt al-kbra, attribu Qshn, en marge au commentaire de Nbulus, Le Caire non dat,
p. 24). Cest lEsprit suprme qui reconnat en premier la fonction dominicale aprs que le Principe Se rvle
lui par le tajall al-aqdas, et aprs cette reconnaissance le Principe lui confie le royaume de la
manifestation. LEsprit Lui dit : Seigneur, je Tai entendu, Tu as dit que je possde un royaume (Fut.,
I, p. 113; O.Y., II, p. 195; cf. avec la fonction dal-mut dans le Mishkt al-anwr de Ghazl ; trad.
franaise de R. Deladrire,Le Tabernacle des lumires, Paris 1981, p. 30-31, 93-94, 111 note 118). Lhomme
ne le possde qu titre de substitut, par niyba,non par une possession royale, et le prt doit tre restitu
(Ahmad Sirhind (m. 1034/1624) revient souvent sur ce thme, voir Maktbt-i-Imm-i-rabbn, Karachi,
1392H., II, 62, p. 409; 75, p. 437; 97, p. 499; 109, p. 530). Le terme dn dsigne aussi un tribut payer (jizya)
(voir Qurtub, Al-Jmi li-ahkm al-Qurn, Le Caire 1966, I, p. 144). Lhomme ne demeure quun pur
serviteur malgr sa participation la seigneurie, et le rgne nappartient en dfinitive qu Allh et cest Lui
quil retourne. Au Jour de la Rsurrection, il sera dit: qui appartient aujourdhui le rgne ? Allh,
lUnique, le Dominateur ! (Cor., 40: 16). En dernier lieu, ceci ne constitue quune particularisation du faitque ltre tout entier nappartient qu Allh. Il ny a rien dans lexistence except Dieu (cf. Fut., I, p.
279; II, p. 54, 148, 160, 516; III, p. 68, 80, 373).
62Fut., III, p. 32.
63Voir Cor., 15: 29; 32: 9; cf.Fus., I, p. 49.
64 Ibn Arab fait souvent driver le terme insn (lhomme) de la racine NSY, oublier. Cest la naturethomorphique mme de lhomme, lie sa condition corporelle, qui lui fait oublier sa servitude ontologique,
en raison de livresse de se considrer comme un seigneur outre le Seigneur (cf. Fut., II, p. 244; O. Y. XIV, p.
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avec les germes de lespce humaine, les faisant tmoigner en esprit le droit Sa
Seigneurie : Et lorsque Dieu puisa des lombes des fils dAdam leurs
descendances, Il les fit tmoigner contre eux-mmes : Ne suis-Je pas votre
Seigneur? ils rpondirent : Oui, nous le tmoignons! (Cor., 7: 172)65
CePacte intemporel se situe dans la condition primordiale (fitra) de lhumanit,
lorsquil ny avait alors aucune trace de cette condition corporelle que lhomme
devait inluctablement revtir. Dans cet tat, envelopp des Attributs de la
Seigneurie, lhomme est prsent au Principe et absent soi ; il savoure
lextinction en laquelle il a t cr dans lternit sans commencement66 , sans
sortir de ltat de pure servitude67qui est sa condition originelle, puisquil a t
cr pour tre un serviteur. Dieu dit : Je nai cr les jinn-s et les hommes que
pour quils Madorent (Cor., 51: 56), et la nature propre du culte est la
condition dhumilit (dhilla) prcise Ibn Arab mme si au dpart ils ne furentpas crs humbles, ils taient toutefois destins lhumilit 68.
491-493; Ch.-A. Gilis, Les Sept tendards, op. cit., chap XXXI). Dautre part, ce nest que sur terre,
autrement dit que dans la condition corporelle, que la khilfa peut tre ralise (cf. Cor., 2: 30; voir supra
note 41). Ibn Arab, commentant un verset coranique o il est question de la terre (Cor., 14: 8), prcise:
SIl a dit sur la terre, cest en raison de lhumilit parfaite de celle-ci, qui prserve la Station initiatique de
la servitude ... voil pourquoi Allh a fait de la terre le support et la demeure du Califat (Fut., III, p. 410; cit.
dans Ch.-A. Gilis,Les Sept tendards, op. cit., chap XVII, sur lhumilit de la terre).
65Voir linterprtation dansFut., II, p. 247; III, p. 465; IV, p. 349, etc.;Fut., IV, p. 57-58, Ibn Arab prcise
que le Pacte avec les fils dAdam concernant la seigneurie (rubbiyya) est le Second Pacte (al-mithq al-
thn), prcd du Premier Pacte conclu avec les Prophtes, concernant le tawhd et leur assistance au
Prophte Muhammad sa venue (cf. Cor., 3: 81; 33: 7; Qshn, Tawlt, publi sous le titre de Tafsr al-
Qurn al-Karm et attribu Ibn Arab, Beyrouth non dat, I, p. 197). Le soufisme a developp, ds le
dbut, son exgse spirituelle autour du thme du mithq, en particulier Sahl b. Abd Allh al-Tustar (voir
Tafsr al-Qurn al-azm, Le Caire 1329 H, p. 40-41; cf. G. Bwering, The Mistical Vision, op. cit., p. 153-
157; voir en outre : Ab al-Qsim Junayd, Kitb al-mithq, d par Abdel-Kader, The Life, Personality and
Writing of Al-Junayd, Londres, 1976, p. 40-43 en arabe; trad. franaise de R. Deladrire: Junayd,
Enseignement spirituel, Paris 1983, p. 155-160; Ab Tlib al-Makk, Ilm al-qulb, Le Caire 1964, p. 91-96,
Ab al-Hasan Daylam, Kit. Atf al-alif al-malf al al-lm al-matf, Le Caire 1962, p. 33-34; Ruzbahn
Baql, Aris al-bayn fi-haqiq al-Qurn, Cawnpore 1884, I, p. 290-293.66
Junayd,Mithq, p. 41; trad. franaise,Enseignement spirituel,op. cit., p. 156-157.
67 Cf. Fut., I, p. 381; O.Y., V, p. 474. En principe, Ibn Arab fait la distinction entre la servitude
proprement dite (ubda) et la condition de serviteur (ubdiyya). La ubda est lattribution du serviteur
Allh et non soi, en revanche lorsquil sattribue la servitude lui-mme, celle-ci est alors la ubdiyya et
non la ubda (Fut., II, p. 128; O.Y., XIII, p. 163; cf.Les Illuminations, op. cit., p. 555 note 16, et infranote
152).
68Fut., I, p. 268; O.Y., IV, p. 202.
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Comme la khilfa ne pouvait saccomplir que sur terre, cest encore sur la
terre que se ralise aussi la servitude parfaite (al-ubdiyya al-mahda), laquelle,
son tour, se ralise travers la ibda69. La ibda est le nom vritable du
serviteur (abd), elle en constitue la personnalit, la demeure, ltat, le soi, laralit essentielle et la face (propre) 70affirme Ibn Arab. Pour lui, lorsque le
serviteur sait ce que le Seigneur lui commande et lui interdit, il remplit alors le
rle qui lui revient et sacquitte du droit de son Seigneur et de celui de sa
servitude puisquil sest connu, et qui se connat soi-mme connat son
Seigneur. Et celui qui connat son Seigneur Lui voue le culte qui Lui est d,
conformment Son Commandement ... Or lhomme, portant en soi lensemble
des ralits de lunivers, ds lors quil se connat par rapport cette ralit, il lui
incombe alors daccomplir pour soi seul en tant quhomme le culte de
lunivers entier. Sil nagit pas de la sorte, il ne sest alors pas connu par rapport ses ralits, car ce culte est essentiel 71.
3. Le culte universel
Ce culte auquel fait allusion Ibn Arab nest autre que le rite de la salt, terme
que lon traduit gnralement par prire, laquelle on ajoute souvent les adjectifs
rituelle ou canonique. Il serait en fait plus correct de parler de service
69 Dieu nous demande de Lui offrir un culte sincre (cf. Cor., 98: 5) du moment que nous sommes des
serviteurs par le culte et que nous sommes des serviteurs uniquement grce lIpsit divine , puisquElle
est la ralit intrieure (btin) de lhomme (Fut., IV, p. 141). La ubdiyyaest dfinie comme nous lavons
dj dit par le terme de ibda dhtiyya, le culte essentiel ou principiel (asliyya) demand par les
essences des choses possibles dans la mesure o elles sont des possibles , alors que tous les actes pour
lesquels le serviteur a besoin dune information divine, qui revient de droit son Seigneur, et revient sa
condition de serviteur seront considres alors comme des actes cultuels subsidiaires (ibdt fariyya) (cf.
Fut., II, p. 308; W.C. Chittick, The Sufi Path, op. cit., p. 311-312). Ces actes cultuels sont aussi dsigns par
lexpression ibdat amriyya, culte enjoint ou ordonn, qui se manifeste par la promulgation des Lois
traditionnelles par les Messagers divins (sur laibda et la distinction qui est faite entre la ibda dhtiyya et
la ibdat amriyya, voir S. Hakm,Mujam, op. cit., p. 774-777).
70Fut., II, p. 153; O.Y., XIII, p. 379.
71Fut., II, p. 308-309.
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divin72, ou mieux encore de sacrifice divin si cette ultime expression ne
ncessitait pas une ample exposition qui en justifie lemploi dans le domaine de la
tradition islamique73; quoi quil en soit, il sagit bien dun rite ayant une
dimension universelle, comme le dmontre entre autre sa relation avec la doctrinedu califat. Jand (m. 700/1300), disciple de Qnw, dans son commentaire des
Fuss, crit que lasalt est lunion du principe divin avec Son Serviteur parfait
au moyen de la thophanie, la descente et labaissement... et dans sa salt le
serviteur parfait parvient Lui, et Il en fait Son khalfa dans la cration, celui qui
suit le Principe et est nomm Son Vicaire dans la manifestation, grce la Forme
divine et sa condition de lieu piphanique parfait de lEssence, des Attributs et
des Noms ... En effet la saltdu serviteur pour Allh, elle est le fait de le faire
parvenir la ralit de son origine en tant quHomme Parfait, qui est une totalit
universelle, et une fixation dans la Prsence partir de laquelle il s'est manifestet qui en porte limage (archtypale) 74.
Il convient en outre de souligner la nature spcifiquement muhammadienne de ce
rite puisque, lexception du Prophte75, nul tre na ralis aussi compltement
et universellement la perfection de la servitude; la forme mme de la salt est
troitement lie au nom Ahmad qui est le nom cleste du Prophte76, et
72Ou l Office divin, comme le propose Hamidullah dans sa traduction du Coran. Par la salt, selon un
hadth, sactualise le Service divin (khidmat Allh) sur terre (Kanz al-umml, VII, p. 288); elle est
considre comme le pilier de la religion (imd al-dn) (ibid., VII; p. 284) ou, selon une variante, le pilierde la foi (ibid., I, p. 278).
73Ajoutons brivement que, selon un autre hadth, lasaltest lOffrande sacrificelle, ou plus simplement le
sacrifice (qurbn) de tout vertueux qui craint Dieu (Kanz al-umml, VII, p. 288; voir aussi, Ibn Hanbal, III,
p. 321, 399).
74 Muayyid al-Dn Jand, Sharh Fuss al-hikam, Mashhad 1982, p. 93; voir aussi Ch.-A. Gilis, Les Sept
tendards, op. cit., chap. XVI.
75 Cf. Ch.-A. Gilis, ibid., chap. XXXIIXXXIII. Lintime connexion qui unit la salt la Ralit
muhammadienne acquiert une importance particulire par le fait quIbn Arab achve ses Fussen parlant
justement de la salt. Rappelons que le Shaykh al-Akbar affirme avoir reu cet ouvrage au cours dune
vision. Le chapitre final, ddi au Sceau des Prophtes, commente un hadth dans lequel le Prophte a ditentre autres : La fracheur des yeux (qurrat al-ayn) ma t donne dans la salt. Sur limportance des
Fuss et leur place dans limmense uvre dIbn Arab, voir C. Addas, Ibn Arab ou la qute du soufre
rouge, Paris 1989, p. 324 ss.
76Parmi les noms du Prophte, Ahmad, Mahmd et Muhammad - drivs tous de la racine HMD, qui signifie
louer - sont considrs respectivement comme ses noms cleste, paradisiaque et terrestre (Cf. M. Vlsan,
La Prire pour le Ple , ET. 449 (1975), p. 97 note 3; Ch.-A. Gilis, Remarques complmentaires sur Om
et le symbolisme polaire , ibid., p. 101-103; Ch.-A. Gilis, Ren Gunon et lavnement du troisime sceau,
Paris 1991, p. 55.
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ltablissement cinq du nombre des prires eut lieu au cours de son ascension
travers les cieux (mirj)77, ascension qui constitue mystrieusement le secret
mme de lasalt, dfinie dans la tradition comme tant le mirj du croyant 78.
Pour quun rite ait une porte universelle, il doit de quelque faon symboliser leprocessus de la manifestation cosmique car celle-ci nest autre, en dfinitive,
que la correspondance qui relie entre eux tous les degrs de lExistence
universelle 79. Ce processus est reprsent dans la plupart des cas par une
irradiation lumineuse existencielle (tajall ijd) qui dtermine le passage des
tnbres de la possibilit indiffrencie la lumire du cosmos diffrenci80. La
lumire divine constitue le support mme de lexistence ou, plus prcisment,
lexistence mme, le lieu o la manifestation des essences immuables trouve
son actualisation. Le Prophte a dfini lasaltcomme tant une lumire81et du
moment que toute ibda est troitement lie un Nom ou une Ralit divinequi procde de ce mme Nom et confre au croyant des dons spirituels qui
drivent uniquement de ce Nom, il en est de mme pour la salt au cours de
laquelle Allh se manifeste au croyant travers Son Nom la Lumire (al-Nr)82.
77 la suite du passage cit dans la note 74, Jand a rapproch de manire symbolique les cinq saltaux cinq
prsences auxquelles lHomme Parfait sunit, et qui sont en correspondance avec les cinq Prsences divines,
savoir : 1) sa ralit essentielle; 2) son esprit; 3) son corps ou sa forme extrieure; 4) la ralit suprieure du
cur; 5) lintellect individuel. Quant lHomme Parfait, une autre prsence lui appartient, il sagit dune
sixime ralit cache qui correspond lasalt al-witr, qui ntait obligatoire que pour le Prophte (Sharh al-
Fuss, p. 94). Cf. M. Chodkiewicz, Un Ocan sans rivage, Ibn Arab, le Livre et la Loi, Paris 1992, p. 146
(dans le chapitre ddi la salt dans la doctrine dIbn Arab). Voir en outre Ch.-A. Gilis, Les Sept
tendards, op. cit., p. 39-41) lequel, en relation avec linstitution de la salt durant lemirj du Prophte,
mentionne lpisode de la saltdAllh qui eut lieu en cette occasion (cette saltdivine est considre par
Sirhind comme tant la ralit essentielle de la salt; cf.Maktbt, cit., III, p. 447-448).
78Ce hadth est absent des recueils canoniques mais il est souvent cit par les autorits du soufisme, par ex.
Maktbt, op. cit., I, p. 445 et 453 (cf. M. Chodkiewicz, Un Ocan, op. cit., p. 141; W.C. Chittick, The
Bodily Positions of the Ritual Prayer , Sufi, The Magazine of Khaniqahi Nimatullahi12 (1991-92), p. 17).
79R. Gunon,Aperus sur linitiation, Paris 1985, p. 119.
80Cf. R. Gunon,ibid., chap. XLVI, et Le Rgne de la Quantit et les Signes des Temps, Paris 1970, p. 42-
44.
81Cf. le hadth : Lasaltest la lumire du croyant (Kanz al-umml, VII, p. 288). Cette lumire comporte
une pluralit daspects, comme celui particulier mentionn dans la note suivante, ou celui essentiel dont il
sera question dans la note 165; il convient de noter en outre que la racine mme du terme salt, qui voque
lide de bruler par le feu ou dexposer aux flammes, comporte indirectement un aspect de lumire qui est li
au feu.
82Fut., I, p. 256; O.Y., IV, p. 135. Ibn Arab souligne le rapport entre lasaltet ce Nom divin rappelant que
lorant converse secrtement avec son Seigneur (rfrence un hadth rapport par Bukhr, Mawqt, 8;
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Le rite de lasalt est constitu dune srie de mouvements et de positions rituels
au cours desquels sont rcites des sourates du Coran (ou une partie de celles-ci)
et dautres invocations prescrites dans la Tradition prophtique. Dans ses Fuss,
Ibn Arab ne prend en considration que les trois mouvements principaux de laprire accomplis durant le rite : la position verticale (qiym), linclination (ruk)
et la prosternation (sujd). Il met ces trois mouvements en relation avec les trois
tendances cosmiques fondamentales de la manifestation : lexistence procde
dun mouvement intelligible, celui-l mme qui produit le monde et le fait passer
de ltat de non- manifestation celui de manifestation. La salt synthtise
lensemble des mouvements qui sont (essentiellement) au nombre de trois : un
mouvement vertical ascendant (haraka mustaqma) correspondant la position
droite ou debout de ladorateur; un mouvement horizontal (haraka ufqiyya)
analogue la position incline et un mouvement descendant (haraka manksa)correspondant la prosternation rituelle. Le mouvement ascendant correspond
entre autres au comportement par excellence de lhomme alors que la tendance de
lanimal est horizontale et que celle des plantes est descendante83. Quand aux
minraux, ils ne possdent pas de mouvement propre ; lorsquune pierre se meut,
elle ne fait quobir en fait une impulsion externe 84. Ces trois tendances,
analogues aux troisgunade la tradition hindoue, sont lorigine de la production
du cosmos qui se dveloppe selon les directions de lespace et forment un systme
tridimensionnel en lequel la manifestation entire est mesure85.
Mlik,Muwatta,Nid, 29 ; Ibn Hanbal, II, p. 67) et que ce colloque intime est lumire ; en elle [la prire]
Allh Sadresse lui par Son Nom al-Nr, la Lumire, et non par un autre Nom. Cest pour cette raison que
lasaltelle-mme a t appele lumire ; par cela Allh fait savoir lhomme que lorsquil sadresse Lui
par Son Nom la Lumire, Il le possde uniquement pour Soi et quau moment du colloque intime (munja),
Sa Vision fait disparaitre tout tre cr (ibid.). Sur lemploi du terme munjapour dsigner lasalt chez Ibn
Arab, voir M. Chodkiewicz, Un Ocan, op. cit., p. 135-136, 147 et 149.
83Par le fait que les racines se dirigent vers le bas.
84Fus., I, p. 224, et Ch.-A. Gilis,Le Livre des Chatons, op. cit., II, p. 708-709.
85Cf. R. Gunon,Le Symbolisme de la Croix, op. cit., chap. IV et V. Tout comme lesguna, les haraktdont
parle Ibn Arab reprsentent en fait p lutt des tendances que des mouvements, et cest pour cette raison
que dans lesFuss, elles ne se distinguent pas clairement des postures rituelles. Bien quil ny ait en fait que
trois tendances fondamentales de la manifestation, le dveloppement de cette dernire donne lieu ces
dterminations substantielles tradionnellement connues sous le nom des cinq lments (al-ansir al-khams),
lesquels ne constituent pas uniquement les conditions spciales de lexistence corporelle, mais aussi,
transposs dans une conception dordre plus universel, les conditions mmes de toute manifestation. Les
postures et les mouvements de lasaltsuivent un un le dveloppement de ces lments partir de lther
primordial (al-unsur al-azam) reprsent par la position verticale (qiym) initiale. Dans lther est gnr
un mouvement lementaire vibratoire qui manifeste la qualit sonore, et cest pour cette raison qu la
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Ibn Arab affirme que lorsque Allh existencia la Substance universelle
(hab)86 , celle-ci assuma comme premire forme celle dun Corps dot de
hauteur, de largeur et de profondeur, et cest en ce Corps que se manifesta la
Nature universelle (taba). Sa hauteur procdait de lintellect (aql), sa largeur delme (nafs) et sa profondeur de la force centripte (al-khal il-l-markaz)87, de
sorte que la prsence de ces trois ralits cosmiques la firent apparatre en mode
triple (muthallath).88 Il sagit ici du corps universel (al-jism al-kull), dont la
forme primordiale est celle de la sphre89. Cette forme sphrique devint le corps
cleste (falak) appel Trne (arsh), sur lequel le Principe Stablit par Son
Nom le Tout-Misricordieux (al-Rahmn) 90.
La ralisation de lHomme Universel crit Gunon est symbolise, dans la
plupart des doctrines traditionnelles, comme un signe qui est partout le mme ... :
il sagit du signe de la croix, qui reprsente parfaitement le mode dont est rejointecette ralisation, au moyen de la comunion parfaite de la totalit des tats de
ltre, ordonns hirarchiquement en harmonie et conformit, dans lexpansion
intgrale selon les deux sens de lamplitude et de l exaltation 91. Cette croix
position du qiymest associe la rcitation des sourates coraniques. De llment ther procde llment Air
(haw), qui est constitu par un mouvement diffrenci de mode horizontal. Nous avons ainsi le premier
mouvement de lasalt, celui qui du qiymporte la position horizontale du ruk. De lAir procde le Feu
(nr), constitu par un mouvement ascendant, qui dans la salt est reprsent par le redressement qui fait
suite au ruk. Vient ensuite llment Eau (m), de nature descendante, auquel correspond en mode
analogue le troisime mouvement de la salt, celui du redressement vertical qui porte ausujd. La limite dece dveloppement des lments est constitu par la Terre (ard), en laquelle la tendance descendante est
reprsente au degr maximum de la mme manire que le sujd, au cours de la salt, cest la limite de la
descente corporelle du serviteur (cf. R. Gunon, La thorie hindoue des cinq lments , dans tudes sur
lHindouisme, Paris 1970, p. 45-68).
86Sur celle-ci et les notions successives de la cosmologie akbarienne cf. Fut., II, p. 430-434; voir aussi T.
Burckhardt,La Cl spirituelle de lAstrologie musulmane daprs Mohyiddn Ibn Arab, Milan 1974, p. 22.
87 Litt., le vide en direction du centre. Sur la notion du vide (khal) chez Ibn Arab, cf. Les
Illuminations,op.cit., p. 568 note 154.
88 En grammaire, lorsque ce terme se rapporte une consonne, cela signifie quelle peut recevoir les trois
motions vocales, cest--dire les trois mouvements dont il est question dans ce passage desFuss.89
Il nous est impossible de ne pas relever la concordance parfaite entre cet enseignement akbarien et celui de
R. Gunon relatif la doctrine hindoue des trois guna et la forme sphrique primordiale (outre le chap. V
dj cit, cf. les chap. VI et XVI du Symbolisme de la Croix).
90Uqla,p. 56-57.
91Le Symbolisme de la Croix, op. cit., p. 73. En note, lauteur prcise que les termes amplitude et
exaltation sont issus de lsotrisme islamique, et ils sont en effet la traduction de ce que dans notre texte
nous avons respectivement appel al-ardou largeur ( ne pas confondre avec al-ard, la terre) et al-tl, ou
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est donc constitue dun axe vertical divis en deux parties gales qui reprsentent
respectivement les tats infrieurs et suprieurs de ltre, et dun axe horizontal92
qui reprsente ltat individuel humain dexistence. Commentant les trois
mouvements intelligibles mentionns plus haut, Jand rapporte le mouvementdescendant lexistenciation du monde infrieur (al-alam al-sufl), lascendant
lexistenciation du domaine des Noms divins et des relations dominicales
conjointement celui des tres spirituels et aux mes individuelles; le troisime
enfin, synthtique et intermdiaire entre les deux, lexistenciation de ltat
central humain (al-lam al-insn al-jmi). Les trois mouvements de
lirradiation lumineuse existenciatrice (al-tajall al-ijd) qui constituent, dans
lordre divin, la Prire du Principe conformment la Parole coranique : Cest
Lui qui accomplit lasaltsur vous, de mme que Ses anges, pour vous sortir des
tnbres la lumire. Il est Misricordieux avec les croyants (Cor., 33: 43), serflchissent dans la saltdu serviteur o nous retrouvons par analogie les trois
mouvements du qiym, du ruk et du sujd par lesquels le serviteur est uni
Dieu et est en communion avec Lui93.
Comme nous avons dj eu loccasion de lindiquer94, les termes employs
suggrent un rapport troit entre la mtaphysique du langage et celle de la
manifestation, qui est toujours considre comme tant un produit du Verbe
crateur. En arabe, les trois voyelles a, u, i sont appeles harakt(mouvements) et
leur relation avec les trois tendances cosmiques a dj t mise en vidence dans
hauteur, qui reprsente le bras vertical de la croix et, en ce sens, rsume en soi aussi, la profondeur (umq).
Sur ces termes, cf. larticle de M. Vlsan, Rfrences islamiques du Symbolisme de la Croix, dansLIslam
et la fonction de Ren Gunon, Paris 1984, chap. IV.
92Ou bien dune autre croix horizontale lorsque les trois dimensions de lespace sont reprsentes, formant
ainsi une croix six branches qui mesure lespace entier et symbolise les six jours de la cration (cf. Le
Symbolisme de la Croix, op. cit., chap. IV).
93 Voir Muayyad Jand, Sharh al-fuss, p. 690-691; ms. Berlin, f. 331a; cf. aussi Ismail Hakki Bursevis
Translation of and commentary on Fusus al-Hikam by Muhyiddin Ibn Arabi, by B. Rauf, Oxford 1991, IV, p.
1102-1103, qui reprend et amplifie le commentaire de Jand. En ralit, il ne sagit pas du tout ducommentaire de Ismal Haqq Bursevi (m. 1725/1137H) mais de celui de Abd Allh Busnaw (m.
1644/1054H) publi plusieurs fois au Caire et Istanbul, auquel on doit aussi une version arabe partiellement
modifie, intitule Tajalliyt aris al-fuss(cf. O. Yahia,Histoire et Classification de luvre dIbn Arab,
Damas 1964, I, p. 250 nn. 44, 45). Il suffirait, pour tablir la non authenticit de lattribution, de mentionner
la vison du Prophte survenue lauteur en lan 1300 H (cf. la trad. anglaise, op. cit, I, p. 79). Les passages
emprunts Jand sont vidents dans la version arabe du texte (Tajalliyt, ms. Shahit Ali, 1247, f. 529 a-b).
Cf. en outre J. Canteins,La voie des lettres, Tradition cache en Isral et en Islam, Paris 1981, p. 23.
94Cf.supranote 88.
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certaines tudes, de mme que leur relation avec les trois mouvements
fondamentaux de la prire95. Rappelons que dans la langue arabe, les lettres
(hurf) sont toutes formes de consonnes lesquelles, envisages
mtaphysiquement, symbolisent les essences immuables prives dexistence ; eneffet, les voyelles ne sont pas des lettres mais plutt ce qui anime les lettres, et
elles sont aussi une expression immdiate de ce qui dans la doctrine dIbn
Arab prend le nom de Souffle du Tout-Misricordieux (nafas al-Rahmn)96.
95 Voir en particulier J. Canteins, ibid., p. 21-24, o lauteur souligne entre autres, la relation entre les
voyelles et les trois lettres faibles (ou causales, hurf al-illa) de la langue arabe, qui sont lalif, le wwet
la y, elles-mmes en rapport troit avec les trois positions de base de la salt, bien quen mode plus
principiel (la position assise est ici dans un certain sens incluse dans la prosternation, les deux positions se
rfrant un mme niveau). En outre, si lon considre les valeurs numriques des trois lettres faibles(1+6+10), celles-ci nous donnent 17, nombre qui correspond celui des rakatou cycles rituels compris dans
lensemble des cinq saltquotidiennes obligatoires. Selon lejazm al-saghr, ou calcul bas sur la rduction
des valeurs de chaque lettre lunit, le nombre 17 est aussi le rsultat de la somme des valeurs numriques
des lettres qui composent le nom Ahmad, cest--dire alif-h-mm-dl dont la graphie correspond
parfaitement la forme des positions corporelles assumes durant les trois mouvements principaux de la
salt, plus la position assise finale appele al-tashahhud: !"#$ (Ahmad) = $ qiym, # ruk, "sujd, !
tashahhud(cf. Abd al-Rahm al-Qd,Daqiq al-akhbr fi dhikr al-janna wa-n-nr, Le Caire sd., p. 3); voir
aussi J. Canteins, Phonmes et Archtypes, contextes autour dune structure trinitaire: AIU, Paris 1972, p.
11-18; D. Gril,La Science des Lettres dansLes Illuminations, op. cit., chap. VIII; M. Vlsan, op. cit., p. 62.
Lenseignement du Shaykh al-Akbar sur ce sujet a t mieux interprt par Ch.-A. Gilis; cf. Les Sept
tendards, op. cit., chap. XIII, qui reprend et complte ce qui avait dj t expos dans ses travaux
prcdants, particulirement dans Remarques complmentaires sur Om , op. cit., auquel non renvoyons le
lecteur pour approfondir le symbolisme des lettres faibles alif, ww, y, lesquelles, entre autres, se rfrent
en mode direct la fonction polaire (qutbiyya) dans sa relation avec les trois mondes. Quand ce qui en
revanche doit tre relev dans la relation que ces trois lettres ont avec les phases principielles de la salt, nous
dirons seulement quelles sont des modifications contingentes du Souffle principiel considr dans ses
rapports respectifs avec les trois mondes spirituel, intermdiaire et corporel, et quelles consituent ... une
thophanie axiale, polaire et imprative , toutefois, come la justement soulign Gilis, le rapport de ces trois
lettres avec les trois mondes doit tre soigneusement distingu de celui que lon peut tablir entre ces derniers
et les voyelles a (fatha), u (dhamma), i (kasra) qui sont en relation avec ces trois lettres. Le symbolisme des
lettres faibles est envisag ici un point de vue purement mtaphysique et se rapporte laspect immuable et
silencieux du Verbe, qui demeure au repos tout en tant le principe mme du mouvement. En revanche,
le symbolisme des sons-voyelles est cosmologique (... expression arabe de la doctrine des trois gunas) et serapporte aux directions fondamentales du souffle de la voix ... Le signe correspondant lensemble des trois
lettres faibles, considres en tant que manifestatin primordiale du Verbe, est le sukn, dont le nom signifie
silence, repos, et qui est, grammaticalement, la caractrist ique du mode impratif qui exprime le
Commandement divin (cf. ibid, p. 105-106 note 15). Il faut toujours bien avoir lesprit ces diffrences de
perspective si nous ne voulons pas confondre les multiples ordres de ralit qui interviennent simultanment
dans le symbolisme la fois complexe et synthtique de la salt.
96 Dans son commentaire arabe des Fuss, Busnaw, parlant du mouvement intelligible (al-haraka al-
maqla) principiel duquel dcoulent les trois tendances cosmiques de la manifestation, lidentifie
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Lunivers est gnr par ce Souffle qui est considr symboliquement comme
tant le Livre du monde ou gnrateur (al-kitb al-takwn) dont lhomologue
en ce monde est reprsent par le Livre rvl (al-kitb al-tadwn). Dans ce
dernier cas, il appartient lhomme de vivifier au moyen du souffle expressionmicrocosmique du Souffle du Tout-Misricordieux les lettres de la Parole
incre en actualisant pour soi, au moyen de la rcitation, le contenu immuable de
la Sagesse divine : Nous leur ferons voir Nos Signes 97aux horizons et dans leurs
mes, jusqu ce quil leur soit rendu clair quil est la vrit (Cor., 41: 53).
4. Le qiym et Celle qui ouvre le Livre
Tout comme les trois tendances cosmiques de la manifestation constituent ladescente du Principe travers les Actes, de mme la Rvlation (tanzl) en
constitue la descente (nuzl)98au moyen de la Parole, et de manire analogue, tout
comme dans les mouvements de la Prire se ralise lascension du serviteur
travers les actes99 ; de mme lhomme effectue symboliquement, et en mode
opratif, son ascension travers les demeures initiatiques (manzil) au moyen de
la rcitation ; pour le Shaykh al-Akbar, les sourates sont les manzil100.
Envisag sous cet angle, le point culminant de la ralisation spirituelle correspond
la demeure de la sourate al-Ftiha, laquelle Ibn Arab fait allusion lorsquil la
dfinit ainsi : la demeure de lImmensit qui comprend toutes les grandeurs
lexpansion du Souffle misricordieux (al-nafas al-rahmn) sur les essences prdisposes lexistence.
Voir tajalliyt, ms. Shahit Ali, 1247, f. 529 a-b). Sur le al-nafas al-Rahmn, voir le chap. 198 des Futht
ddi particulirement cet argument ; cf. Ibn Arab, Les Illuminations, op. cit., p. 100-107; W.C. Chittick,
The Sufi Path, op. cit., p. 127-130 etIndex, s.v. breath of the All-merciful; T. Izutsu, Sufism, op. cit., chap. IX;
S. Hakim,Mujam, op. cit., p. 1063-1067.
97Le terme ytsignifie la fois signes (au sens de prodiges de la nature) et versets.
98Les deux termes drivent de la racineNZLqui exprime lide de descente.
99Qui demeurent toutefois uniquement ceux du Principe. Ltre manifest ( kawn) na aucun rle dans les
Actes, puisque lActe (pur) appartient entirement lUnique, au Dominateur , crit Ibn Arab (Uqla, p.
57).
100Fut., I, p. 192; O.Y., XII, p. 212. Lordre mme des sourates qui apparat dans le corpusde la Rvlation
selon son aspect descendant sera considr alors en sens inverse, selon la perspective initiatique de la
ralisation spirituelle. Cest ce que nous retrouvons nettement reprsent dans la quatrime section des
Futht, celle ddie aux manzil, qui se dveloppe sur 114 chapitres, chacun desquels correspondant une
sourate du Coran. Sur cet argument, voir M. Chodkiewicz, Un Ocan, op. cit., p. 87 sq.
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muhammadiennes (manzil al-usma al-jmia li-l-azamt al-muhammadiyya)101.
Elle est donc la demeure finale de lHomme Parfait puisquelle correspond celle
de la synthse totalisante qui runit les deux extrmits (tarfayn): les aspects
principiaux (haqqiyya) et les aspects craturels (khalqiyya), larc de la ncessit(wujb) et celui du possible (imkn); de toutes le demeures divines aucune ne
remplit autant et aussi parfaitement ce qui doit revenir de droit la seigneurie et
la condition de serviteur que cette demeure, et nous navons au fond [dans
lexistence] rien dautre que Seigneur et serviteur 102.
Cest pour cette raison que la rcitation de cette sourate a t rendue obligatoire
durant la prire103: laFtiha est lessence de la prire et celle-ci nest pas valable
sans la Ftiha104 . Ibn Arab nous dit dans ses Fussque la salhest un acte
dadoration divis quitablement entre Allh et Son serviteur : une moiti revient
Allh et une autre au serviteur conformment ce qui nous a t transmis dansune tradition divine. Le Trs-Haut a dit: Jai divis la prire entre Moi et Mon
serviteur ; une moiti Me revient et lautre moiti revient Mon serviteur, et
Mon serviteur revient ce quil demande105. Ainsi, lorsque le serviteur dit [au
cours de la rcitation de la Ftiha]: Au Nom de Dieu le Tout-Misricordieux, le
Trs-Misricordieux, Dieu dit : Mon serviteur Me mentionne. lorsque le
serviteur dit : Louange Dieu, le Seigneur des mondes, Dieu dit : Mon
serviteur Me rend grce. Lorsque le serviteur dit : le Tout-Misricordieux, le
Trs-Misricordieux, Dieu dit : Mon serviteur Me loue. Lorsque le serviteur
dit: Le Roi du Jour du Jugement, Dieu dit : Mon serviteur Me glorifie et sen
remet Moi. La premire partie de la Ftiha appartient donc Dieu. Lorsque le
serviteur dit: Cest Toi que nous adorons et cest en Toi que nous cherchons le
101Fut., chap. 383 (III, p. 519-523).
102Ibid., p. 523.
103Selon le hadth : Pas de salt sans laFtihat a l-Kitb (lOuvrante le Livre) (Tirmidh, Mawqt, 69,
116; Ibn Mj,Iqma,11).
104 LaFtihaest lessence de la saltet le but de cette dernire nest autre que la Ftihaet sa rcitation
crit Abd Allh Busnaw dans son commentaire la Taiyya dIbn Arab (voir Qurrat ayn al-shuhd wa
mirt aris man al-ghayb wa-l-shuhd, ms. Zhiriyya, Tas. 409, f. 143b; le texte contient un long
expos sur le sens sotrique de lasalt, cf. f. 143a-156a).
105Il sagit dun fameux hadth quds(Muslim, Salt, 38, 40; Ab Dwud, Salt, 132; Ibn Hanbal, II, p. 241,
285, 460, etc.) quIbn Arab cite souvent aussi dans les Futht. Cf. aussi le Mirt alrifn attribu
Qnaw, dit et trad. par S.H. Askari, Reflection of the Awakened, Londres 1983, p. 28 et pt. Arabe p. 31-33
qui interprte laFtihaselon la perspective indique dans notre contexte.
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secours, Dieu dit : Ceci est rparti entre Moi et mon serviteur, et ce quil
demande lui appartient, il y a dans ce verset un lment de participation. Le
serviteur continue alors : Guide-nous sur la voie de la rectitude, la voie de ceux
que tu as combls de bienfaits, non celle de ceux qui encourent Ta colre ni celledes gars, Dieu dit alors : Ces [versets] reviennent Mon serviteur et il aura ce
quil demande. Les derniers versets sont donc uniquement pour le serviteur, tout
comme les premiers appartenaient uniquement Dieu. De tout cela, on comprend
donc (limportance et) la ncessit de rciter Louange Dieu, le Seigneur des
mondes [cest--dire la Ftiha]: celui qui omet sa rcitation na pas accompli la
Prire rpartie entre Allh et Son serviteur 106.
La triplicit que nous avons vue dans les gestes rituels de la saltse retrouve de
manire minente dans la Ftiha, puisquil ne peut tre question dune
barzakhiyya totalisante que l o sont exprims deux termes complmentairesplus un troisime dun ternaire qui est la fois la somme et la synthse des deux
prcdents. Les termes complmentaires de la Ftiha sont les plus universels,
ceux auquels tous les autres, de quelque faon, sont reconduits, cest--dire le
Seigneur (al-Rabb) et le serviteur (al-abd) car en fait, dans lexistence
comme la dj expliqu Ibn Arab il ny a rien dautre que Seigneur et
serviteur. Le terme intermdiaire, le lieu de la synthse et de la lunion des
complmentaires, de la ncessit et de la possibilit, reprsents respectivement
par la premire et par la troisime partie de laFtiha, est lHomme Parfait en tant
que Khalfa dAllh.107Cette union (nikh) a lieu au niveau de la Nue obscure
106Fus., I, p. 222-223; Ch.-A. Gilis, Le Livre des Chatons, op. cit., II, p. 705-706. Voir aussi la section des
Futhtqui traite de la rcitation de la Ftihadurant lasalt(I, p. 420-426; O.Y., VI, p. 268-301). Cest donc
travers laFtihaqua lieu le coloque intime (munja) entre Allh et Son serviteur. Dans la suite des Fuss,
Ibn Arab ajoute : Du moment que la saltest un colloque intime, elle est donc remmoration (dhikr), et
qui se remmore Dieu est avec Dieu et Dieu avec lui, ainsi quil est transmis dans la sentence divine : Je suis
avec celui qui se souvient de Moi. Si celui qui se trouve avec Celui quil se remmore est dot de vue
(intellectuelle), alors il Le voit. Voil donc ce que sont la contemplation et la vision, mais qui est dpourvu de
la vue (intellectuelle) ne Le voit pas (cf. Abd Allh Busnaw, Risla raf al-hijb fi-ittisl al-basmala bi-
ftihat al-kitb , ms. Carullah, majma 2129, f. 47b-48a; de Busnaw, outre le commentaire des Fusset laTiyyadj cits, voir aussi le Kitb tajall al-nr a l-mubn fi-mirt iyy-Ka nabud wa iyy-Ka nastan,
o ces mmes arguments sont amplement dvelopps; ibid., f. 48b-52a).
107Dfini comme tant la Ralit universelle de lHomme, ce degr qui correspond au verset : Cest Toi
que nous adorons, et en Toi nous cherchons refuge est selon le mirt al-rifn le barzakhen lequel a
lieu la descente seigneuriale (martabat al-tanazzul al-rabbn) et o le Seigneur revt les attributs du
serviteur, alors quen mme temps a lieu lascension du serviteur qui revt les attributs seigneuriaux (op. cit.,
p. 30-31; en arabe p. 36-39), cest--dire les sept attributs de ltre divin : la vie, la science, la volont, la
puissance, loue, la vue et la parole ; attributs rpartis entre le Principe et lHomme. Lexpression al-sab al-
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(am)108, o le Principe divin manifeste Son Autosubsistance immuable
(qayymiyya)109, et mme la rcitation de la Ftiha au cours de la salt est
excute dans la position verticale (qiym) qui symbolise la qayymiyya. La
Ralit universelle de lHomme et sa barzakhiyya totalisante est un degr divinprincipiel antrieur lirradiation lumineuse existenciatrice qui dtermine la
production du cosmos. Cest en effet sous ce rapport comme la affirm Qnw
que la principialit et lantriorit sur toutes les choses existencies110revient
lhomme, cest pourquoi elle peut tre appele la Ftiha du Livre de
lexistence111. Cest en assumant cette position axiale que lorant se trouve dans
la meilleure des constitutions (fi-ahsani taqwm) (Cor., 95: 4) et que le Principe
Se rvle lui par tous Ses Noms et Attributs et le pare de la Robe de la Grandeur
(kibriy) ; plus encore, il est lui-mme le Manteau de lImmensit (rid al-
azma)112, celui qui peut assumer juste titre la fonction du califat113.
mathn, les sept successifs, qui correspond un des noms de la sourate al-Ftiha, est une allusion ces
sept attributs cits precdemment. Cf. Jl, Al-Insn al-kmil, Le Caire 1970, I, p. 129-130; voir aussi le
Jawhir al-man, op. cit., I, p. 230-231.
108Puisque la Nue obscure (am) est le barzakh suprme, le Mirt al-rifn la met en relation directe
avec le verset intermdiaire de la Ftiha(op. cit, p. 31 et en arabe p. 39). Lide est bien de Qnaw puisque
lexpression maqm al-tanazzul al-rabbn se retrouve dans son Mifth al-ghayb (voir S. Ruspoli,La Clef
du Monde suprasensible de Sadroddn Qonyaw, Thse du Doctorat de III cycle, Paris IV, s.d., pt. I, tome I, p.
130; p. 31-32 de la pt. arabe). Il est ncessaire de spcifier que cette barzakhiyya, qui est celle de lHomme
Parfait, se situe dans lordre du Premier et du Second taayyun, considrs alors respectivement comme la
Ralit ahmadienne et la Ralit muhammadienne; cf. supranote 13. Sur le barzakhsuprme et la Nue cf.
W.C. Chittick, The Sufi Path, op. cit., p. 125-127.
109 Le colloque intime travers la Parole divine est prescrit durant la position verticale (qiym) de la salt
plus quen tout autre de ses tats en raison de la prsence de lattribut de lAutosubsistance (alqayymiyya),
puisque le serviteur est debout (qim) durant la salt ...Il y a une science immense derrire laxialit du
serviteur travers la Parole divine (Fut., I, p. 414; O.Y. VI, p. 226; cf. Qurrat ayn al-shuhd, f. 143a).
110Fukk, p. 188; ms.Zhiriyya, 5563, f.3a.
111 La rcitation de la Ftiha crit Jl symbolise la prsence de la Perfection divine (kamli-Hi) en
lHomme, puisque lHomme est laFtiha de lExistence, ce travers quoi Allh a ouvert les serrures de tout
ce qui existe; alors que le fait quil la rcite indique que la manifestation des secrets dominicaux ( al-asrr al-
rabbniyya) dpend (de celle) des secrets de ltre humain (al-asrr al-insniyya) . Cf. Jl, Al-Insn al-
Kmil, op. cit., II, p. 135).
112 Selon la sentence divine: La Magnificence est Mon Manteau et la Puissance est Mon pagne (Cf.
Muslim,Birr, 136; Ibn Mja,Zuhd, 16).
113 Le Manteau affirme Ibn Arab est le Serviteur Parfait, cr selon la Forme [divine], celui qui runit
en soi les ralits du pos