roman
MONIQUE PARISEAU
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Autres romans parus chez d'autres éditeurs :Les Figues de Barbarie, Les Quinze Éditeur, Montréal, 1990.
Le Secret, Éditions de la Pleine Lune, Lachine, 1993.
L’Ami, le geai bleu, Collection Tête-bêche, Montréal, HMH, 1993.
Objets de mémoire, Éditions de la Pleine Lune, Lachine, 1997.
La Fiancée du vent, Éditions Libre-Expression, Montréal, 2003.
La Fiancée du vent, Éditions Stanké International, 2003.
La Fiancée du vent, Éditions Libre-Expression, collection « Zénith », 2005.
Monique Pariseau
Première femme ayant accompli, au xviiie siècle,
LE TOUR DU MONDE déguisée en homme
roman
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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives CanadaPariseau, Monique
Jeanne Barret : Première femme ayant accompli, au xviiie siècle, le tour du monde déguisée en homme.
(Collection La Mandragore)
ISBN 978-2-923715-24-7
1. Barret, Jeanne, 1740-1807 - Romans, nouvelles, etc. I. Titre. II. Collection : Collection La Mandragore.
PS8581.A753J42 2010 C843'.54 C2009-942766-4PS9581.A753J42 2010
Pour l’aide à la réalisation de son programme éditorial, l’éditeur remercie la Société de Développement des Entreprises Culturelles (SODEC).
Marcel Broquet Éditeur55A, rue de l’Église, Saint-Sauveur (Québec) Canada J0R 1R0Téléphone : 450 [email protected] • www.marcelbroquet.com
Révision : Andrée LapriseConception de la couverture : Rosemary Arroyave Mise en pages : Christian Campana
Distribution :
1650, boulevard Lionel-BertrandBoisbriand (Québec) Canada J7H 1N7 Tél. : 450 434-0306Sans frais : 1 800 363-2864Service à la clientèle : [email protected]
Distribution pour l’Europe francophone :DNM Distribution du Nouveau Monde 30, rue Gay-Lussac, 75005, ParisTél. : 01.42.54.50.24Fax : 01.43.54.39.15
Librairie du Québec :Tél. : 01.43.54.49.0230, rue Gay-Lussac, 75005, Pariswww.librairieduquebec.fr
Diffusion – Promotion :
Dépôt légal : 1er trimestre 2010Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives Canada Bibliothèque nationale de France
© Marcel Broquet Éditeur, 2010
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction interdits sans l’accord de l’auteure et de l’éditeur.
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« Le bout du chemin ne se voit qu’à la fin. »
Hérodote (v-484-v-425)
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Ordonnance de Louis XIV pour les Armées Navales et Arcenaux de Marine
Paris : Etienne Michallet, 1689
Livre Quatrième : De la justice de guerre,
des peines & de la police sur les vaisseaux
Titre Troisième : De la police sur les vaisseaux
(...)
XXXV (page 88)
Sa Majesté défend aux Officiers
de ses vaisseaux & aux gens de l’Équipage,
de mener des femmes à bord pour y passer la nuit,
& pour plus long-temps que pour une visite ordinaire,
à peine d’un mois de suspension
contre les Officiers, & contre les gens de l’Équipage,
d’estre mis quinze jours aux fers.
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�
En l’an 1766�
e 26 octobre, Louis XV accepte le voyage de Bougainville
autour du monde. Il lui donne par écrit les instructions sui-
vantes : après avoir pris le commandement de la frégate La Boudeuse et
de la flûte L’Étoile, Bougainville devra se rendre aux îles Malouines afin
de les remettre aux officiers espagnols. Ensuite, il devra voguer vers la
Chine en passant par les mers du Sud. Il sera libre, pour atteindre l’océan
Pacifique, de traverser le détroit de Magellan ou de doubler le cap Horn
selon l’état des conditions météorologiques. »
Pierre Mounier
« En traversant pour se rendre en Chine, il reconnaîtra dans l’océan
Pacifique autant et du mieux qui lui sera possible les terres gisantes entre
les Indes et la côte occidentale de l’Amérique dont différentes parties
ont été aperçues par des navigateurs. […] C’est dans ces climats que
l’on trouve les métaux riches et les épiceries. Le sieur de Bougainville
en examinera les terres, les arbres et les principales productions ; il rap-
portera des échantillons et des dessins de tout ce qu’il jugera pouvoir
mériter attention. Il remarquera autant qu’il lui sera possible tous les
endroits qui pourraient servir de relâche aux vaisseaux et tout ce qui
peut intéresser la navigation. »
Louis XV
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�
Au roi�
« Sire,
Le voyage dont je vais rendre compte est le premier de cette espèce
entrepris par les Français et exécuté par les vaisseaux de VOTRE
MAJESTÉ. Le monde entier lui devait déjà la connaissance de la
figure de la terre. Ceux de vos sujets à qui cette importe découverte
était confiée, choisis entre les plus illustres savants français, avaient
déterminé les dimensions du globe.
[…] L’intrépide Magellan, sous les auspices d’un Roi qui se connais-
sait en hommes, […] ouvrit la barrière, franchit les pas difficiles
et, malgré le sort qui le priva du plaisir de ramener son vaisseau à
Séville d’où il était parti, rien ne put lui dérober la gloire d’avoir le
premier fait le tour du globe. Encouragés par son exemple, les navi-
gateurs anglais et hollandais trouvèrent de nouvelles terres et enri-
chirent l’Europe en l’éclairant.
Mais cette espèce de primauté et d’aînesse en mâtière de décou-
vertes n’empêche pas les navigateurs français de revendiquer avec
justice une partie de la gloire attachée à ces brillantes mais pénibles
entreprises. […]
Extrait de la publication
JEANNE BARRET
VOTRE MAJESTÉ a voulu profiter du loisir de la paix pour pro-
curer à la géographie des connaissances utiles à l’humanité. Sous vos
auspices, SIRE, nous sommes entrés dans la carrière ; des épreuves de
tout genre nous attendaient à chaque pas, la patience et le zèle ne nous
ont pas manqué. C’est l’histoire de nos efforts que j’ose présenter à
VOTRE MAJESTÉ, votre approbation en fera le succès.
Je suis avec le plus profond respect,
DE VOTRE MAJESTÉ,
Sire,
Le très humble et très soumis serviteur et sujet,
DE BOUGAINVILLE. »
Lettre adressée à Louis XV, en 1771, deux ans après son retour en France,
et qui servit de préface au livre Voyage autour du monde.
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�
Prologue�
aris, automne 1766
Une simple cuisine, un peu sombre. Une table encombrée de manuels,
de livres, de cahiers. Certains ouverts et couverts d’écritures et de des-
sins ; d’autres éparpillés sur des bancs ou à même le sol. Une grande
quantité de pots où flottent pour une éternité alcoolisée des poissons
de la Méditerranée. Plusieurs empilages de cartons renfermant feuilles
et fleurs séchées.
Un désordre de chercheur, de chercheur un peu rêveur et désor ganisé.
Et puis, dominant tout ce désordre, un homme et une femme, tous les
deux se faisant face, tous les deux embarrassés d’une grande colère.
Cet homme, Philibert Commerson, botaniste reconnu, frôlant la qua-
rantaine, essaie par tous les moyens qu’il connaît de calmer l’irritation
de cette jeune femme, Jeanne Barret, qui s’acharne depuis des heures à
lui hurler sa déception. Sa rancœur aussi.
Commerson, parce qu’il ne comprend pas la colère de Jeanne, est à bout
de patience. Il tente d’amadouer cette femme qu’il avait d’abord engagée
pour s’occuper de son fils, Anne-François, dont la mère était morte en
couches. Il n’avait pas été insensible à cette petite Bourguignonne, un
peu forte, au corps solide et au visage rond dans lequel brillaient des yeux
aussi vifs que lumineux. Étonnement, c’est surtout la curiosité et l’intel-
ligence de sa nouvelle servante qui avaient séduit le botaniste. Lorsque
Jeanne Barret fut enceinte, ils avaient quitté Toulon-sur-Arroux pour
Extrait de la publication
JEANNE BARRET
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s’installer à Paris et vivre tranquillement leur vie sans les commérages
trop souvent dévastateurs des voisins. Jeanne Barret donna naissance à
un fils qu’ils nommèrent Jean-Pierre et qui mourut peu de temps après
sa naissance, laissant à la jeune femme comme un vide immense qu’elle
ne réussit à combler que par le désir irrésistible d’assister le naturaliste
dans ses travaux. Elle aussi voulait comprendre un peu mieux le monde
qu’elle habitait. Elle s’attacha aux recherches de son amant, et devint,
peu à peu, une collaboratrice indispensable. Le plaisir de découvrir avec
son maître, celui aussi de participer à ses recherches avaient remplacé
son enfant mort.
En cette matinée d’automne, ce n’est pourtant pas le désir d’apprendre
et de connaître qui habite Jeanne Barret, mais une colère qui est si intense
qu’elle colore d’un gris vibrant toute l’atmosphère de la pièce. Il n’y a
plus de place pour aucun autre sentiment, aucun autre entendement.
Elle venait d’apprendre que Philibert Commerson, choisi comme
naturaliste et chirurgien pour accompagner Bougainville dans la pre-
mière expédition accomplie par le royaume de France autour du monde,
ne l’amènerait pas avec lui. Il avait le droit d’être accompagné d’un valet.
Et ce valet, ce ne serait pas elle. Elle en est estomaquée et refuse d’en-
tendre les explications de son maître. Il est pourtant certain d’être dans
son droit. Ce que lui demande Jeanne est impossible. Aucune femme
n’a le droit d’embarquer sur un vaisseau d’exploration. C’est la loi, et
Commerson, à lui seul, ne peut pas l’amender. Jeanne ne veut pas le
comprendre. De plus, il s’est assuré qu’il ne la laisserait pas démunie.
Ne vient-il pas de lui dire qu’il lui paierait les gages qu’il lui devait, en
plus d’une rente de 100 livres par an et du logement qu’ils habitent à
Paris. De quoi donc, se dit-il, peut-elle se plaindre?
— Tu crois que cela peut me satisfaire? Cela comblera quoi? Mon
enfant mort? Mon goût pour la botanique, la zoologie? Qu’est-ce qui
remplira ma vie? Ton argent? Ce logement où je tournerai autour de
moi sans rien découvrir du monde? Ton argent, je n’en veux pas. C’est
partir que je veux. Ce n’est pourtant pas difficile à comprendre. Tu
n’as pas le droit de me laisser derrière. Et tu ne trouveras pas meilleur
assistant que moi. Et cela, tu le sais. Ne mens pas.
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— Tu es ridicule. Aucune femme n’a le droit de naviguer à bord d’un
bâtiment du roi. L’ordonnance royale de 1689 est claire. Comment
peux-tu avoir eu, même quelques secondes, cette idée?
— Répète-moi ton ordre de mission. Que veut Louis XV? N’est-ce
pas relié à tout ce que nous avons travaillé ensemble? Ne t’ai-je pas aidé
à analyser toutes ces plantes que Linné te demandait d’inventorier?
Si tu as été reconnu pour la qualité de tes recherches, s’il t’a recom-
mandé au duc de Choiseul pour ce voyage autour du monde, si le duc a
conseillé au comte Louis-Antoine de Bougainville de t’engager en tant
que médecin du roi et naturaliste, j’y suis pour quelque chose. Je suis
ton assistante, et une bonne assistante, tu me l’as souvent dit. Et tu par-
tirais avec quelqu’un d’autre?
Commerson ne sait que répondre. Jeanne a raison. Sa mission res-
semblerait à ce qu’ils font ensemble, mais une femme n’a pas sa place sur
un navire du roi. Pourtant, il sait qu’il ne trouvera pas meilleur assistant
qu’elle. Il regarde Jeanne marcher autour de la pièce comme une bête
encagée et enragée et lui demande de se calmer, de l’écouter.
— Tout ce que tu me dis est vrai. Si j’en avais le droit, c’est avec toi
que je partirais. La demande du roi est claire. Je dois accompagner le
comte de Bougainville qui doit se rendre en Chine en naviguant vers
l’ouest et prendre possession au nom du roi des nouvelles terres qu’il ren-
contrera. Pendant ce temps, je devrai procéder à l’inventaire de la flore
et de la faune, en rapporter des échantillons et des dessins. Je sais bien
que c’est notre tâche, que tu es intelligente et que tu as été, n’en doute
pas un instant, la meilleure assistante que j’ai eue. Pourtant, il n’est pas
question que tu embarques sur L’Étoile. C’est défendu par la loi.
— La loi, on peut la contourner. Comment veux-tu que je ne songe pas
à m’embarquer? Cela fait des années que tu m’enseignes les grandes lois
de la botanique, que tu me vantes le génie de Linné et celui des illustra-
teurs comme Fuchs ou Marshall. Tu m’as appris à identifier, répertorier,
classer les plantes. Et tu m’as fait rêver de terres lointaines, de décou-
vertes, de fleurs, d’arbres que je n’ai jamais vus. Tu m’as tout appris des
grands découvreurs. Tu m’as expliqué pendant des soirées les idées des
philosophes. Avant de te rencontrer, je n’étais qu’une ignorante, une
ignorante qui savait un peu lire et écrire, mais qui ne comprenait rien
Extrait de la publication
JEANNE BARRET
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au monde dans lequel elle vivait. Et tu me laisserais avec toutes ces pro-
visions de savoir qui ne serviraient à rien. Tu n’en as pas le droit.
Au centre de sa colère, résident, en effet, tous ces explorateurs dont
Commerson lui a raconté l’histoire. Jeanne a l’impression, qu’eux aussi,
sont indignés, qu’ils l’encouragent à suivre son instinct, à tout faire pour
pouvoir embarquer sur L’Étoile. Il y a là Hannon qui, plusieurs siècles
avant Jésus-Christ, a remonté la Méditerranée et franchi les Colonnes
d’Hercule. Et Pythéas aussi qui, quatre siècles avant Jésus-Christ, a
expliqué le rôle du Gulf Stream dans les écarts de température. Qu’il
ait été le premier à décrire une banquise en train de se former fascine
encore Commerson. Il a transmis à Jeanne l’admiration qu’il portait
aux grands explorateurs. Son désir de voyager aussi.
Jeanne Barret est indignée. Il lui a donné le goût de la découverte.
C’est comme si, ne cesse-t-elle de se dire, il l’avait engrossée encore une
fois. Pas d’un enfant, mais d’un besoin qu’il refuse maintenant de voir
grandir. Son impression est que le départ que le départ de Commerson
la laisserait avec un enfant mort. Un enfant mort-né qu’elle ne cesserait
de porter. Jeanne sait qu’elle est engrossée pour l’éternité. Cet enfant
germé des lumières de la raison est encore bien vivant. Le départ de
Commerson le tuerait. Autour du fœtus vivent tous ces grands explora-
teurs dont Commerson lui a parlé. Ils vivent tous dans ce qui alimente
l’avenir et qui crée les nouvelles voies où l’humain s’engage souvent sans
en connaître l’horizon.
— Je veux faire partie du voyage, lui dit-elle en s’assoyant. Tu n’as
pas le droit de me laisser avec tous ces désirs en moi. Qu’est-ce que j’en
ferais? Ils me rongeraient toute. Tu voudrais que j’oublie tout ce que tu
m’as appris, que j’efface l’admiration que tu as fait germer en moi pour
des explorateurs comme Hannon, Pythéas, Erik le Rouge ou Cartier. Tu
m’as tant parlé de ces hommes. Tu m’as tant vanté leurs exploits, leur
courage. Et tu voudrais me laisser derrière. Si tu me laisses sur le quai,
c’est eux aussi que tu abandonnes.
— Tu es ridicule. Ces explorateurs étaient tous des hommes. Sur la
mer, les femmes portent malheur. Tous les marins le disent.
— Tu ne me feras pas croire que tu crois à toutes ces balivernes.
Alors, je me suis trompée sur toi. Ne dis pas de bêtises ! Un homme qui
Le 1er février 1767, Jeanne Barret, sous le nom de Jean Barré,
embarqua sur la flûte L’Étoile avec près de 120 hommes pour
accomplir le premier tour du monde sous pavillon français. Elle le
fit déguisée en homme puisqu’une ordonnance royale du 15 avril
1689 défendait aux femmes de naviguer sur un navire d’expédition
du roi sous peine de sévères sanctions.
Cette expédition était commandée par le comte Louis-Antoine
de Bougainville accompagné par des astronomes, cartographes,
ingénieurs, naturalistes, dessinateurs et écrivains qui représentaient
bien cet esprit des Lumières qui a tant marqué le xviiie siècle.
Jeanne Barret accompagnait, en tant que valet, le naturaliste de
l’expédition Philibert Commerson. L’histoire de cette femme
et de ses compagnons est fabuleuse et nous entraîne en pleine
aventure. Elle illustre la force et le courage de ces hommes « et de
cette femme » qui osaient aller au-delà de ce qui était déjà connu.
Elle rend hommage à cette femme qui eut la volonté de vivre et
de travailler comme un homme en masquant sa véritable identité.
Audacieuse, curieuse et téméraire, Jeanne Barret a dépassé ses peurs
et transgressé la loi pour satisfaire son esprit d’aventure et sa soif
de découvertes. La captivante histoire de cette femme méconnue
mérite d’être saluée par ce roman qui veut rendre la réalité historique
le plus fidèlement possible.
Extrait de la publication
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