Voyage en France
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VOYAGE 3N FRANCE
DE MONS I 3UR J AXES OLDMAN
sujet d e Sa Majesté Br itannioue
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Publi~ à v orbeil-~ssonnes , • - snéc ;o..list e s "!Ja r u.-:e reun1on ae •
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Au lecteur
Le texte que nous livrons au public aujourd 1 hui1
a du à un
hasard particulier d'arriver jusque à nous.
C'est , il y a bien des décennies déjà, en procédant à des travaux
de terrassement au lieu-dit " le Coquibus", commune de Corbeil-Essonnes,
dans le but d 1 y construire un établissement scolaire du second degré,
que ce document avait été mis à jour, protégé par une boîte de fer.
La boîte et son contenu avaient été oubliés ensuite dans un réduit de
la cave dudit édifice . L'humidité, la rouille, puis la vermine et les
cryptogames firent hélas leur oeuvre, comme c'est souvent l e c as dans
ces sortes de lieux.
Cela nous vaut aujourd 'hui un document bien appauvri : quelques pages
seulement sont restées lisibles , que nous avons voulu accompagner d 'il
lustrations complémentaires, au fil du .texte . Il se trouve que ce qui
nous reste du manuscrit porte sur les deux dernières journées d'un
voyage de Nevers à Paris, que notre témoin, James OLD~UUT, sujet de ~a
~lajesté Britannique, acheva le 22 juillet I789.
Sans l ' occasion de la commémoration du bicentenaire de la prise
de la Bastille, nous aurions laissé dormir encore le manuscrit vermoulu.
Quel beau pays que la France , mais aussi quelle chaleur l ' après
midi! Au moins en Angleterre, on n ' est pas obligé de se rafraîchir toutes
les deux heures! Mes parents ont à tout prix voulu que je fasse un voyage
en France pour couronner mes études, mais que d'agitations depuis le début
juillet ! J ' étais si tranquille à Cambridge •••
Depuis hier, je suis sur la route de Fontainebleau, en direction de Paris .
Cette route est trè s belle, large et solidement pavée, rectiligne et bordée
d ' arbres .
Cela doit bien faire cinq heures que j e marche et je n'ai vu presq~e personne .
Quand j e dis personne, c'est que j e n ' ai vu qu ' une voiture de poste, des
soldats, des mendiants! et quelques voyageurs isolés. Je commence à en
avoir Yraiement assez de marc her. J ' aurais mieux fait de prenère la
diligence de Corbeil!
Au milieu d'une côte, je découvre avec surprise deux superbes fontaines
de part et d'autre de la route, sur un pont dominant une petite rivière.
Une fois désaltéré, un petit banc m' accueille et me pe~met d ' admirer la
vue magnifique: un coteau joliment boisé avec de belles habitations et,
non loin en contrebas, dans la plaine verdoyante, la Seine où glisse l e
coche d'eau de Corbeil .
La fontaine d'aval, l'Orge et le village de Juvisy en 1790.
L' inscription qui surmonte les fontaines m' apprend que les Français
doivent, depuis I728, ce pont et ses ornements à la magni ficence du
roi Louis XV • Nos rois seraient-ils aussi généreux?
Cela doit faire dix minutes que je suis assis, et voilà qu ' un vieux
paysan ap~arait au bout du pont . Il se promène avec sa vache et n 1 a pas
l ' air t~ès rassuré . Que cherche-t- il? Enfin , il s ' approche de moi en regar
dant de tous côtés. Il est vieux; sa tête et ses mains portent les marques
d ' une vie qui dut être rude. De pr ès, il a l ' air encore plus inquiet. Je
ne peux m' empêcher de lui demander ce oui le préoccupe autant : il se met
alors à parler sans retenue, découvrant à mon accent et à ma bonne mine
que je ne suis qu 1 un étranger inoffensif . Il parait qu 'i l est interdit d e
f aire paître les animaux sur les talus et les accotements du pont, et
c'est exacteœent ce que sa vache est en train de faire, paisiblement,
sans se soucier des préoccupations de son maître.
Celui-ci commence à me raconter l'histoire de ce
pont qu ' il a vu construire : auparavant , la route
royale passait dans le v illage de Juvisy et gr a
vissait ensuite tout droit la raide pente menant
sur le plateau, ce qui avait occasionné de nom
bre~~ acc idents . Un hiver même, le carrosse du
duc d ' Antin s'y était fracassé. Si je~comprends
bien, la nouvelle route avec l e pont du roy
for me un détournement, bienfaisant peut-être
pour les habitants du village, mais surtout
favorable à la sécurité des voyageurs et d ' abord
de la cour royale quand c haque année e lle se
déplace à Fontainebleau, pour l es chasses .
Je voulai s en savoir plus sur ce pont remar
quable, mais mon interlocuteur, mis en c onfiance,
était devenu intarissable sur un aut re sujet .
Il se plaint du manque de pain et de sa cherté
qui grandit ~e jour en jour . Pour lui , la faute
en revient aux accapareurs et a ux mill iers de
soldats étr angers que les c ampagnes doivent
nourr i r en plus . Mais le plus grave et l e plus
dan€ereux d ' après l ui , c'est que l e n ombre des
brigands , des gens sans feu ni . lieu, s 'est mul
tiplié . Je ne pui s démêler s i son inouiétude
est due à tous ces voleurs, ou bien à la disette ;-----1~~------~~~
qui s ' installe petit~à- petit, mais i l me brosse
un tableau sinistre: tout le monde a peur de la--------~====~~
faim et est persuadé que la situation i r a de plus
en plus mal , car tous les grains sont prélevés
dans l es campagnes pour nourrir Paris. J'en viens à me demander si la date
de mon voyage ici a é té bien choisie! Et je comprend s mieux les expressions
de co lère et de fureur entendues hier au marché de Fontainebleau.
A peine le paysan s'est-i l tu , qu 1 il se làve d ' un bond, l ' ai r eff r ayé ,
comme s ' il avait vu un f antôme. Puis il disparait comme il est venu,
accompagn é de sa vac he . Quelques minutes plus tard me vient l'explication
de s on départ s ubit. Un convoi monte lentement vers le pont: pe sont
des chariots remplis de sacs de farine qui se dirigent vers Pari s . Tous
les dir es du paysan s e confi r ment , car ce convoi est gard é par dix soldats
à cheval qui me toisent avec suspicion • . · -- ·-----------------
Note de l ' éditeur : A ce point d~ récit, le texte devient indéchiffrable.
Que l e lecteur ne s ' inquiète pas, voici la suite.
---------------------Tout-à-coup, je vois déboucher de l ' horizon un groupe bruyant qui monte
vers Paris : au moins une centaine d ' hommes et femmes, certains armés,
derrière un porte-drapeau et un tambour . Enfin la tête du groupe arrive
à mon niveau; tous se désaltèrent. On m' interpel l e assez grossi èrement
sur l ' absence de cocarde à mon chaoeau. Ce n ' est que lorsoue ils réalisent - - -
qui je suis et mes bons sentiments à l ' égard du Tiers-Etat, qu ' ils se
désint éressent de moi pour s ' agglutiner autour d ' un vieillard : pieds nus,
immobilisé, celui-ci est copieusement injurié et n ' a pas droit à boire .
La curiosité me pousse à interroger un jeune homme assis à côté de moi,
sur l e banc de pierre, qui m' envoie assez sèchement poser mes questions
ail l eurs . Enfin une femme daigne me répondre . Il parait que le chef de
ce groupe est un certai n Gléron RAPPE, ancien pr ocureur-syndic de la
paroisse de Viry, tout proche, et organisateur de la milice de Viry ,
~i:orsan.g et Savigny ; quant à l 'homme escorté, c ' est un "fumier" me dit
elle, qui a nom FOULLON . Pendant ce tem~s, Rappe parle au milieu d ' un
groupe attentif . Je m' en ap~roche et suis aussitôt questionné avec auto
rité : "C ' est vous l ' Anglais sans cocarde?" --"Gui, mais je me présente, James Oldman. En vérité, cela ne fait que
quelques semaines que j ' ai débarqué en France, alors je n ' ai
eu le temps de bien m' habituer ." -
uas encore -
-"Et vous ne savez pas qui est l ' homme que nous amenons à Paris?"
-Si! C 1 est un certain Fou llon. f.1ais pourquoi l ' emmenez-vous? On rn 1 a - -
juste dit que c 1 était un "fumier ".
- "En voilà une très bonne description ! C' en est un, mais ce n 'est pas
seulement pour cette raison que nous le conduisons à Paris . La vraie
raison ~st que c ' est un ministre accapareur; il était nommé pour faire
parvenir l a farine à Paris, mais tous ici pr ésents, nous savons qu ' il
en a gardé la moitié chez lui, à Morangis, en prévision de l a hausse du
pain à 24 sols la livre" .
-"Qu 'est-ce qui vous permet d ' affirmer cela? En avez- vous trouvé chez lui,
ou bien vous l ' a-t-il avoué lui-même? "
-"Ni l 'un, ni l ' autre! Mais quand nous l ' avons arrêté à Viry , il se cachait
chez I~ . de S.ARTINES, son ami l ' ancien chef de la police de Paris • . On ne
se cache. nas quand on n ' a rien à se reprocher ! C' est un spéculateur qui - -s'enrichit sur le dos du peuple , et nous le savons tous.· Rien qu.!.à voir
avec qui il complote, Bertier, Breteuil, de Broglie, la cour -et je ne les
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cite pas tous-, on ne s'étonne pas!"
-"Eux aussi ont-ils été arrêtés?"
-"Il parait que son gendre, Bertier de Sauvigny, intendant de Paris et
foutu seigneur de Morsang et SteGeneviève des Bois , a été pris à Compiègne
il y a trois jours. Le tour des autres sangsues viendra aussi. De toutes
facons, ils y passeront tous, un jour ou l'autre. Les gens de leur espèce
n'ont pas le droit de s'enrichir à nos dépens".
-"Eh bien merci Monsieur, pour vos explications, et bon voyage, si je
puis dire!"
-"Je vous remercie, et si vous voulez vous joindre à nous pour le trajet,
ce que vous apprendrez des turpitudes de Foullon vous rangera aussitôt
par mi les vrais patriotes".
-":!;erci! J9 vais rester un -;Jeu ici. Et puis, je ne suis "Das Franc::ais •••
J'entendis encore des propos tr3s aggressifs dans ce groupe : on
se félic it ait de tenir enfin cette vermine, et l'on voulait se venger de
sa férocité. Faute de pain, il avait condamné le peuple à manger du foin
qu'il se contente maintenant de sa botte de foin, il verr~~comme c'est bon!
Le sort de Foullon allait servir d'exemple, il paierait pour tous les
autres et cela leur servirait de leçon. Pour se ~éfendre, on punirait!
Foullon m' apparaissait désormais comme un vieillard victime du destin .
Ils lui avaient suspendu au dos une botte de foin avec une pancarte portant
la f uneste phrase qu 'on lui attribuait; autour du cou, il portait un
collier d 'ort ies et de chardons . Je l'entendis parler tout seul, marmonnant
"rila vie est pure, je veux qu'elle soit examinée. Je ne suis pas inq_uiet.
Le crir.1e seul peut se déconcerter".
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Tandis que le cortège et son prisonnier reprennent la route, je
descends sur les bords de la rivière Orge. Toute la route est ici en
rem.blai sur plus de six fois la hauteur d 1 un homme, pour permettre
d'adoucir la pente descendant du plateau. La conséquence en a été la
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construction d 'un pont dont la f orme et les dimensions s ont exceptioP~elles,
surtout vues d ' en dessous . L' arche principale a du être doublée par sept
arcs légèrement elliptiques , en r enfort conère les poussées latérales.
L'effet en est surprenant et ne manque pas de beauté quand se reflè t ent
les huit courbes sur l 1 eau calme de la rivière. Je songeais au coût
exorbitant d 'un pareil édifice (mon vieil informateur avait affirmé 700000
livres d ' il y a 60 ans ), tout en admirant la science de l ' ingénieur
alliée à u g oût de l ' architecte qui avait conçu cet ouvrage . Ce "Corps des
Pont s et Chaussées" mér iter ait d ' être imi t é c~ez nous.
... ,. -~· .: . tt ,; .. ,1\ ,;lll'to'l'\lU.·Q~
Je traverse Juvisy par l_a vieille route, "la vieille montagne",
escarpée et fatigante, qui me ramène tout essoufflé sur le "Pavé royal".
Là se trouve l 'auberge de la Cour de France, contiguë au relai s de poste
de Fromenteau tenu par le même homme, Charles PETIT, également syndic
de Juvisy. Il accepte de me fournir un cheval pour aller jusque au relais
de Villejuif, car je suis fatigué et voudra is arriver plus vite.
C'est en même temps un riche fermier, avenant et loquace. Il exploite
des centaines d'arpents sur le plateau fertile d e Lon.gboyau. Hais ltri
aussi se plaint de la misère des t emps. Tout irait à peu près, et malgré
des catastrophes naturelles comme la grêle de l'an passé qui a tout haché
dans la r égion , sans les destructions du g ibier : "Les seigneurs ont la
manie de multiplier les remises à gibier (vous en verrez sur votre route)
où la perdrix et l e l ièvre, s ans parler du sanglier et du chevreuil, sont
en parfaite quiétude. Sur 200 arpents, j 'engraisse bien 4000 lièvres,
!•1onsieur~ qu'il r:l 1 est défendu de chasser sous aucun prétexte! Tant que
la perdrix n 'a pas éclos sa couvée, tant que le lièvre n'a pas fait ses
petits, il m'est interdit d'aller dans mes champs arracher les mauvaises
herbes ou faucher les sainfoins! Et si l es seigneurs de la région soignent
bien l eur g ibier, ils ne sont pas toujours tendres avec leurs sujets.
Par ici , l e s habitants se plai gnent surtout de Bertier qui est bien l 'un
des plus puissants des environs". A Viry, me dit-il encore, l es doléances
de la paroisse portent qu '· "un s.eigneur doit être respect é de ses vassatL'C
toutes l es fois que celui-ci leur donnera des mar~ues
de bont é et d e protection" .
J ' admets avec lui que la formule est bien restrictive et qu'elle en dit
long sur l 'ét at des espri t s dans la paroisse. N' est-ce pas,d' ai lleurs,
de Viry que venait le groupe dirigé par Rappe ?
P8 tit . parfaitement au courant de tout, me dit approuver l ' arrestation
de Foullon pour qu 'il soit int errogé et jugé à Paris. Il cannait bien
cet homme, richissime consei ller d'Etat qui a acheté il y a vingt ans
l a s eigneurerie de Mor angis, et y a f a it construire depuis un magnifique
chateau qui s ' ajoute aux deux autres qu'il possédai t déjà dans l e Saumurois.
Sa richesse et son influence seraient le fruit de bien des friponneries
dont nul ne c onriai t les détails. Q,uant à ses idées poli t iques, ::!.. e br ui t
court qu 'il aurait conseillé au Roi de faire ar r êt er l e duc d ' Or léans
et de nombreux déput é s de l ' Assemblée Nationale , a insi que d 'utiliser
l es troupes contre Paris et l ' Assemblée. Son plan a é t é démasqué par des
patriot es qui ont fait imprimer et afficher la liste des comploteurs.
7t1ai s il ;ne parait bien r éticent à l 'égard de Rappe : c 1 est un intri
gant brutal qui mêle des ambitions per sonnelles à son patriotisme. Hier
déjà , il est venu à Juvisy, soit-disant mandaté par les électeurs de
Paris pour rassembler les hommes armés de toutes les paroisses environ
nantes . Il a violemment menacé ceux qui, comme le syndic et le seigneur
de Juvisy, ne veulent pas se soumettre à son pouvoir et à ses plans.
Que de diviàions déjà m' apparaissent entre ces Français si remuants!
J'avais obtenu un bon petit
cheva l qui me paraissai t c apable de
trotter des heures, mais, à peine lancé,
ma c Ûriosité m'arrête à nouveau devant
un édifice bizarre, une sort e d 'obélis
que , ou p lutôt une pyramide de pierre,
dres sée à la limit e du parc du chateau
de Juvi s~r , l à où l a gr and-rout e devient
plate et rectiligne à perte de vue.
Sur Q~e pl aque de marbre on peut
l ire :
"L' axe de la pyramide indique le
t e r me austral d 'une base qui doit
serv i r à vérifi er la mesure du degré
du mérid i en. Le ter me boré~l d e cette
?remièr e ba s e commence à l ' axe de la
pyr ami de construite à Vi l lejui f .
Longueur de l a base suivant la toise
qui a servi en Laponi e : 57I6 t oi s es
et 5 pieds".
Pour moi, rien n'e•~ plus obscur, e t
j e voi s .ma l ce que v i ent faire i ci l a
toise d e Laponie ! Une dat e d' édi f ica
tion , I 4 mai I7 56, avec les noms de
membres i llustres de l' Académi e des Sc i enc es , LeMonni er, Trudaine de
Monti.g-ny et d ' Alembert. Et personne pour m' éclairer !
P lon~~ dan s un abî me de perplexit é , je r emets mon cheval au trot s ur
cette r oute monotone.
.:
·."".
--
_...,. _ " ·
. ...
-l. .ur~HA.YG 1 S (S.-&·0. ) - Grrllc tJ•hnnncur
X V Ill• siècle du. C/ull~IIU de MorsDgi•
l'extrëmité J'une avenue d'une lieue qui aboutit au g rand chemin de Paria a Foac.incbluu .
. - . -. . -4--: • • ~- • .. . .
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1\touangfs : 5 . -et-0 .1 - Le C hoi!eau
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n,-~~~ .~~·~f,·:.
Le cortège extraordinaire et bruyant qui me précède a semé
l'effervescence, et,bien que la route ne traverse aucun village, de
nombreux paysans arrêtés au bord discutent avec animation. A l ' endroit
où une petite route rectiligne part à angle droit •rers la gauche, un
groupe parait même sur le point d'en venir aux mains . Ce sont des paysans
du village de Morangis, tout proche, et le sort cruel de leur seigneur
ne les laisse pas indifférent.
L1 un semble réjoui de cette sorte de justice qui fait aller nu-pieds
celui qui roulait carrosse en tenant le haut du pavé. A l 'entendre, le
seigneur était dur, attaché à son argent, insensible aux misères de
ses paysans auxquels il ne s'intéressait guère,puisque il résidait presque
toujours dans son hôtel particulier, rue des Fossés du Temple, à Paris.
D' autres ne sont pas de son avis . Un do~estique de Foullon, qui
prend la route de Paris avec des effets de rec hange pour son maître,
affirme que c ' est un honnête homme, et plusieurs paysans reconnaissent
qu ' après avoir fait construire son chateau, il a généreusement recons
truit la fontaine, le lavoir et l ' abreuvoir du village . C' est lui aussi
qui a fait tracer il y a trois ans, cette route toute droite qui joint
la grille de son parc à la grand-route où nous sommes, et que l ' on
appelle ici "le pavé Foullon".
Mais quant au complot contre les Parisiens et l ' Assemblée, tous
semblent bien convaincus que lui - comme son gendre Bertier- en porte
une lourde part de responsabilité: s ' il est venu brusquement 9rendre
le frais à l a campagne, c ' est qu 'i l avait ùe bonnes raisons de craindre
l 1 ~i tation parisienne . Depuis longtemps il convoitait la place de
Necker.
laissant là cette discussion, il me faut ava!-cer pl ~s vit e si je
veux être à Villejuif avant l a nuit . Mais le sort s'en mê l e, e t peu
après l e rond-point de la Belle-Epine, je suis encore obligé d e
·~_/
m'arrêter pour laisser passer un convoi de plusieurs voitures qui me
croisent à toute allure. Ces " turgotines" sont chargées à bloc, la
corbeille arrière pleine de malles et de sacs, et huit à dix personnes
qui se battent en d uel pour avoir un peu de place à l ' intérieur de la
caisse et dans le cabriolet ouver t à l ' avant . Je sui s bien aise de ne
pas voyager d ans ces c onditions!
Cependant, le ti!!tamarre de grincement s et de sabots laiss e entendre
des bouffées d e musique et d e chansons gaies qui s ' échappent des fenêtres
ouvertes. Les postillons, chamarrés dans leur habit bleu et rouge ont
tou j ours ces bottes extraordinaires dont je ne m' explique pas l ' utilité
et qu ' on ne voit qu'ici : énormes, montant presque au ventre, lourdes
et i nuti l isables pour marcher, elles me font penser a ux bottes de se pt
lieues de ce conte qui fait peur aux petits Français •••
Et t andis que ces équipages foncent en occupant toute la lar€eur
de la chaussée, je suis sur le bas-côté, à me demander commen~ l es quatre
chevaux peuvent tirer ~e char ge aussi lourde. Un charretier ,immobilisé
du même côté que moi , affirme avoir reconnu parmi l es passagers l e bailli
de Crussol. Il me raconte que, vil lag eois de Viry, il y a souvent vu
sé journer ce riche seigneur, ami du comte d ' Ar tois f r ère du Roi, et
heureux ?ropriétaire de 365 paires d ' escar pins à boucles ! Ce curieux
détail, donné par un homme déguenillé et chaussé de souliers percés,
me laisse r êveur.
Arrivé enfin à Villejuif, et ayant trouvé une auberge dans le
village, non loin du relais de poste, j 'eus la chance d ' y renc ontrer
un maître d ' école qui savait ce que signi fiait la plaque apposée sur
la pyramide de Juvisy . I l accepta très obligeamment de m' emmener voir
la deuxiè me pyramide, cell e de Vill ejuif, et entreprit de m' expliquer
l e ca l c ul de la Méridienne .
"Depuis plus d 'un siècle , ces messieurs de l ' Académie des Sciences
essaient de mesurer la forme de la terre, et ils ont t el l e ment amassé
de calculs qu ' ils ne la voient plus ronde : e l le est renfl8e à l ' équateur, confi rmer
et votre compatriote Ne1fton en a tenu compte pour . sa théorie
de la gravita tion universelle. C' est ici, à partir de I670, que l ' abbé
PI CARD a commencé à mesurer la longueur d ' un arc terrestre dont les
latitudes extrêmes diffèrent d ' un degré~ en prenant pour base de départ
la route r oyale , de Villejuif à Juvisy, exactement parallèle à l ' axe
du méridien de Paris .
Mais la mesure n ' était uas encore satisfa isante et elle fut r épétée
vers I740 par CASSINI DE THURY, tandis que deux expéditions allaient
elles- aussi mesurer un degré du méridien, l'une près de l ' équateur,
avec LA CO.N"DAfHNE a u Pé rou, l ' autre dans le grand nord , avec lfiAUPERTUIS
en Laponie~·
"Ah ! la Laponie! "
"Oui, et le r ésultat per me"ttait enfin de démontrer l ' applatissement
de la sphère aux pôles . Mais à partir de là , à partir des mesures faites
i ci, si vous me s uivez t ou jour s , Cassini a pu mettr e en chantier la
carte topographique de la France, F;:râce au système de triar"-€ulation géo
désie ue".
J' ét a i s à nouveau perdu, mais l ' expli cation vint aussitôt .
"A ~artir des extrémit és A et B d ' une base parfaitement mesur8e (de 57I6
toise s 5 pieds, par exemple), il e st possible, par A une visée préci se stœ un point C, de connaitre
l es de~~ angles et, g r âce à la t rigonométrie,
de calculer les longueurs AC et BC .
Par ce système de triaP~les, on peut mesurer
avec une grande certitude une inf i ni té de
distances, et c ' est pourquoi depuis quarante
ans la carte de Cassini, au I/86400~ est s i
c
D
bonne. Mais nous a.vons encore mieux auj our d 1 hui, car le roi voulait plus
de précision et de détails pour ses domaines et son loisir préféré autour
de la capitale : c ' est la Carte des Chasses ciu Roy, réalisse de I764 à
I773, au I/28800°, par un autre Cassini .
u,. ..,,, .. ,1. 1, " . 'l .. . . .
•, •. 1"
~,ll, .. .!#.,,.la J • ll ..,.r
•,
~(~ "'"· '~~·c·;:~-..... ··~ .lill,.., ........ :;\:
"Enfin, jugez, Monsieur, de nos espoirs immenses: l'Académie des Sciences
se propose,pour l'avenir, de définir à partir de la mesure du méridien
entre Dunkerque et Perpignan, une unité de mesure enfin universelle qui
rendra périmée la diversité insensée des mesures en usage dans le monde
et même dans le royaume~
Cela me parut bien optimiste, mais c'était l'heure de souper et
je pris congé de ce savant homme, mis en appétit par ses explications
lumineuses.
Dans la cour de l'auberge,
un musicien ambulant jouait
du violon pour faire danser
quelques enfants de marchands
Je les regardais un instant
avec plaisir, et dans un élan
de magnificence, je laissai
quelques pièces aux enfants
pour acheter du gateau, ce
qui les fit danser avec une
ardeur redoublée.
:r;~;-....-
Mais une fois attablé dans l a salle aux murs couverts d'images dévotes
et papistes, ma déception fut grande. Mon hôte, qui, àdéfaut de cuîsinier
est sûrement un pick-pocket, avait pensé que si j'étais riche il devait
aussi en bénéficier. Et il me fit payer 9 livres et IO sous pour un
misérable poulet coriace, une cotelette décharnée que j'avais choisie
de préférence à un plat de grenouilles, une salade et une bouteille de
vin détestable
-- ----· .--
J'ai quitté de bon matin cette détestable auberge et après
un dernier regard vers la pyramide de l'Académie des Sciences
qui n'a plus de secret pour moi je descends vers Paris, contem
plant le superbe paysage de cette capitale dominée par les
tours de la cathédrale Notre-Dame • Sur ma gauche s'élève bien
tôt un grand château, sur une hauteur, entouré de quelques
boutiques et tavernes; c'est le célèbre Hôpital ~énéral de Bi
cêtre, ainsi nommé du nom de mon compatriote évêque de Winches
ter il y a bien des siècles • C'est là que le lieutenant géné
ral de police fait enfermer les miséreux, les infirmes, les men
diants et les criminels • 0 France barbare qui associes dans le
même châtiment des victimes et des coupables! Latude, que les
Parisiens viennent de libérer de la Bastille y fut détenu de
1777 à 1784, et nous en donne ce tableau que je veux joindre à
mon journal •
c Sans compter les puces, les poux, les rats, j'avais bien d'autres ennemis à combattre; les plus cruels étatent l'bumidi~ et le froid. Dès que le temps devenait plu,ieux, ou en biver. dans les moments de dégel, l'eau découlait de toutes parts dans mon cachot; j'étais aœablé de rhumatismes. Les douleurs qu'ils me causaient étaient si vives que j'~tais quelquefois des semain~s enti~res sans me lever. Les veilleurs ne me donnaient pas de bouillun alors parce que je n'approchais pas mon écuelle du guicl1et; ils jetaient mon pain sur ma couverture, et je restais en proie à mes tourments .
c Quand le froid vint, ce fut bien pis! La fenêtre de mon cabanon. armée d'une grille de fer, donnait sur le corridor, dont la muraille était percée précisément en face, à la hauteur de dix pieds. C'est umquement par ce trou, qui ~tait pareillement garni de barres de fer, que je recevais un peu d'air et de jour dans mon cachot, mais j'y recevais aussi la neige et la pluie. Je n'avais ni feu ni lumière et je n'étais vêtu que du costume misérable de la prison. J'étais obligé de casser avec mon sabot la glace de mon seau et d'en mettre les morceaux dans ma bouche pour me désaltérer. Alors, je bouchais ma fenêtre et ce fut bien autre chose! L'odeur des égouts. des tuyaux dont j'étais entouré, m'étouffa bientôt. Cet air fixé se condensait et me causait, dans les yeux. dans la bouche et les poumons, d'horribles cuissons. Depuis trente-huit mois que j'étais dans cet horrible cachot, je souffrais la faim, le froid, l'humidité ... , .
Note des éditeurs:
Quelques années plus tard, Oldman a joint à son manuscrit le
texte d'une lettre dont nous ignorons comment elle était arri
vée en sa possession , et dont l'auteur venait d'~tre massacré
avec cent soixante-douze autres détenus dans la prison de Bi
cêtre le 3 septembre 1792. En voici le texte:
Monsieur, Dans un temps où la confiance semble bannie de citoien à citoien, acu~
neust plus besoin que moi d'en trouver et d'en inspirer, pour vous le prouve je suis obligé de remonter. a un recit toujours present à mon ressouvenir dont mon cœur saigne et s:ugner:i lon temps. sans doutte "ù'lonsieur qùe vous navez pas oublié ces jours dorage qui ont accompagné le commencement terrible d'une Constitution soit disant sage et heureuse; vous savez comme moi que le soupçon presque toujours le plus vain et par consequent le plus cruel designa, proscrivit, massacra tout à la fois des gens dont Je crime netait Je plus souvent que le long servisce rendu sous un Regime hier ensensé, aujourdhuit en abomination. des richesse acquise par des veilles continuelles fu1·ent pour tous [l'] av [eu]. l'indice ct l'unique preuve d'un crime prétend11. ;\"fais helas celui à qui je devois tous mon bonheur se trouve malheureusement de ce nombre. ,\lonsieur Foulon en un mol fut une des premières victimes. placé dans un de ces buraut je ne songeois qua ·meritte son estime, j'y étois p~rvenu et je me croiois dans le chemin de la fortune lorsquil mavertit de son inconstance prevoyant sa chutle et ses malheurs. :.\1• Foulon me tira à par et me parla en ces termes ou a peu pt·ès :je vois ma Ruine si je ne fuit au plutot. cest pourquois je suis absolument decide~ il ne me manque plus qun homme de confiance et je crois lavoir trouve en vous. Quant la calamenie me poursuit quand la voix du peuple macusse Dieu mest témoin il es t [v]rai de mon innocense et jen suis fort, mais un peuple forcene doit clre juste ce seroit folie que de )esperer, fuions mon amis fuions et neseyons à enlever avec nous que ce qui peut pendant cette e:til ne( ce J ssaire nous mettre a labris des premier et indispensable besoin voysi un petit coffre que je vous confie, vous alle prendre le meilleur de mes chevaux et vous rendre à Bessançon ou vous m'atlenderes le temps qu'il mest indispensable de rester a Paris pour reglet· mes affaires. je compte sur vous comme vous pouvé compter sur moi pour !avenir, il mouuit en meme temps ce petit coffre dans lequel il a voit deposer 300 billets de la Caisse descompte de 1 ooon chaque avec 4 500 louis en or. il me fit par aussi de plusieur papier relatifs à sa place et sa correspondance indispensable avec la Cour sur lesq uel il mest je crois prudent de nentre dans aucun détail quoique sans défiance en ;otre egard, il a voit joint à ces différent effets un ecrin dont je ne serois apprecier la valleur. layant ferm é il me remit me conjurant et me baiyant de ces pleurs. de partir au plutot, ce que je fit , mais helas a peine etois je arrivé à poilis 1 que jappris la fin malheureuse de mon bi enfaiteur. Je passera i celle article sous silence. on noublie jamais les atrocités d ' un peuple forcené. frappe alors comme d'un coup de foudre et effraies des suites que pouroient sa confiance en moi quoique innocente et très legitime surtout si je venois à etre arrette munit de pareilles ordres et pareilles effets , le!! perqui sitions quon aurait journellement s urtous les voyageurs firent que je crus quïl étoit de la prudence de desposer le trésor dont j e tais porteur dans un endroit sure et qui ne fus connus que de moi. j'en trouvai un proche de votre endroit ct qui me parut propre à exécuter mon dessein e t etant sure de ny etre observ~ de personne je creusai un trou en terre de la profondeur d'environ deux pieds et demi avec la lame de mon couteau de chasse qui cassa en deux. ma besoigne i1 la verritté étoit presque finie. j'y cachai ma boite e t pris s ur le lieu meme a la faveur du clair [de J lune tu us les renseignement propre i1 man facilite le recouvrement. Appret cette auperation qui me soulageai beaucoup je minformai dans !endroit de quelque personne de confi:incc a qui je put mouvrir en cas de besoin Yotre nom l\·Ionsieur, mayant paru le plus designe, cest à vous que je mat-raitai et le hazard voulut que je pris votre adresse par écrit, hélas il semblait que je prévoiois le besoin que j'en ai aujourdhuit, le lendemain je résolut de "men revenir a Sauvig ni ec Bourgogne proche tonnerre ou Monsieur Berthier de Sauvigni intendant de paris jendre de mon bienfaiteur et aussi infortuné que lui avoit une terre, jeu pris la roulle e l deja près · dy arriYe j e fus arrette par quatre ca vallier qui me reconure et qui a laid e du peuple me conduisirent en prison e t jeus le malheur de bleser un homme très danjeureusement dun coup de pistolet a la vainc resistance que jopposois a leur force et sans cette malheureuse blessure je us profite de la grace a corde i1 tous les des tenus pour alfa ire du temps deux jours appres lon me conduisit au chalaux Royal Bicestre, ou lon mc mit au secret nayant pas meme la liberté de parle et decrire a qui que cc soit qua celui qui mapportoit nîon pain tous les jours e t a un d es infirmier
de cette maison sans qui je ne crain pas de le dire Mr je serois espirer mille fois de chagrin de misere et de mnl:~die, ou le ciel pl:~ce il la comp:~sion! qa:~vec pl:~isir jentrevois la posibililé de 1 ui en témoigner toute m:~ reconnoiss [:~ne) e! enfin il y a trois jours que lon a cru devoir socuper de moi après mille et mille question les plus insidieu!le les une que les autre mes juge ne purent sempècher dapres mes Reponse de me trouve plus malheureu:oc que coupable me promettans daccelere le termes de mes maux et pour premier bornage a mon innocence mont laisse la liberté de cette prison et cell e de parle et decrire a qui je veux. desirant et ne pouvant me passer de recouvrer mes objets ou du moins de les mettre en main sure jai crus ne pouvoir mieu:t faire que de vous que Yous (sic) ouvrire mon cœur et vous faires par de mon secret vous croyant trop honnete homme pour en abuser, je naltend que votre consentement pour vous faire passer par le premier courrier toul le renseignement en question nver. lequel il est impossible de se tromper !endroit étant trop bien désigné par écrit et trop bien remarquable pour se tromper. je crois inutile de vous recom:~nder le plus grand silence sagissant comme vous le sentez de mon sort de mn fortune et jose dire Mr dune partie de la votre car bien que je vous crois lame trop delicate pour nagir que par appas du gain je ne mettrai à ce servisse que les .bornes qu'il vous plcra prescrire vous meme , vous pryant silot la présente recuc de me repondre par oui ou par non pour que je sache sur quoi je dois compter. ja ttend votre prompte reponse et suis avec les sentiments les plus distingues,
Monsieur, Votre t1·es humble et obeissant ser"l"iteur
Abraham ZAQUARJAs
au chatau:t Royal de Bieestre ce 27 juin 1792 Sa.lle de la force, pres paris. je vous pris pour que >otre lettre me parviene surement de la frachir. je Yous prie da voir aussi la bonte de sig ne votn lettre par le n° 46 ( 48 ?) cel le seul secret qui doit elre entre nous deu:t craindre que vos letre ne tombe entre les mains dun étrange ou de ces i\1• des Buraux.
quant au contenu d'un "petit coffre" enterré à Poilly-sur-Serein,
les autorités locales nous ont dit tout en ignorer, de même
qu'elles n'ont pu nous affirmer si oui ou non James Oldman
avait fait un séjour intéressé en ce lieu ••• En tout état de
cause il peut être utile aussi de se reporter à la circulaire
~ubliée le 9 février 1793 par Garat, ministre de l'Intérieur
(cf.annexe)
Peu après Bic~tre, j'arrive à l'extrémité de la route de
Fontainebleau, sur une vaste place où converge aussi la route
de Choisy, et que ferme une grande grille encadrée par deux
bâtiments semblables et qui se font face • L'allure de ces
deux édifices me fit songer aux constructions des anciens Grecs,
des Romains aussi, ou encore à celles de l'Italien Palladio:
des portiques élégants, mais bien froids et sévères, que l'ar
chitecte Ledoux a dessinés non pour un temple ou pour. un pa
lais, mais pour les bureaux de l'octroi • Au surplus l'ensemble,
quoique neuf, vient de souffrir cruellement; un des bâtiments
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a perdu toutes ses vitres, et le reste de son mobilier git à demi
calciné sur le pavé; quant à l'autre, des traces noires en souil
lent les murs, triste témoignage de l'incendie qui a du y faire
rage • J'apprends que la semaine précédente une foule de miséreux
a incendié les soixante bureaux àes barrières àe Paris afin de
faire baisser le prix àes denrées en supprimant les droits • De
puis trois ans, le mur murant Paris rend Paris murmurant, à ce
qu'on dit • on me contrôle néa&moins, aussi bien mon passeport,
que ce que je peux transporter dans mon bagage comme vins, fruits,
viandes ou volailles ••• Rien n'ayant été trouvé par le commis,
je suis libre d'entrer dans Paris •
Il est dix heures du matin • Le quartier que l'on découvre tout
d'abord, depuis la barrière de Fontainebleau, est d'aspect fort
médiocre: c'est le faubourg Saint-Marcel, celui où habite la
population de Paris la plus pauvre, la plus remuante, en un mot
la plus indisciplinable • On y voit des familles entières de
tanneurs, de tapissiers ou de teinturiers, occuper une seule
chambre, ou encore en cuanger tous les jrois mois faute de paie
ment du loyer. n y t rouve aussi des cabarets et des guinguettes
où ce peuple s'étourdit de ses maux en buvant et en dansant • La
police craint de pousser à bout cette populace : on la ménage
car elle est capable de se porter aux plus grands excès •
Sn avançant dans la rue Mouffetard, je vois des queues formées
devant deux boulangeries; on s'y bouscule en s 'injuriant , et ceux
qui sortent des boutiques tiennent soigneus ement des morceaux
d 'un pain de mauvais aspect, ~oirâtre et terreux, dont on
me dit qu ' il donne des brûlures à la gorge et cause d'intolé
rables douleurs d 'entrailles •
Là j 'entends à nouveau le nom de Foullon, crié par une femme
qui se plaint du prix et de la qualité du pain; elle jure que
l ui et ses pareil s, au nombre desquels je crois entendre qu'elle
inclut le bo ulanger, méritent cent fois la mort •
Dans l' après-midi, comme je traverse l'île de la Cité en direc
tion du quartier du Louvre où je souhaite trouver un hôtel, il
s e trouve que l a foule , très nombreuse en ces rues étroites , me
; Pc'.Pr.Y.rERE 1 '
fait diriger mes pas vers l'hôtel de ville. 1a place de Grève
est pleine de monde, une cohue mêlant l'ouvrier des faubourgs,
le compagnon de rivière, l'artisan et le bourgeois en culotte
et bas • Je n'ai su qu'après coup ce qui se passait: on attendait
la sortie de Foullon, qui était jugé à l'hôtel de ville, et je
dois dire que la foule l'avait déjà condamné, hurlant à pleins
poumons: flA mort, Foullonf' • Un bourgeais disait f'Aquoi bon
juger un homme qui est déjà jugé depuis trente ans!" • Je n'ai
pu en savoir davantage quant aux crimes de cet homme, que ne
m'en avait appris hier·Rappe au pont du Roy: plus que des faits,
c'est son nom, sa fortune et le soupçon d'être compromis dans
un complotdes aristocrates et des accapareurs contre Paris,
contre le peuple et contre l'Assemblée •
A un moment donné, une bousculade se produit à la porte de l'hô
tel de ville. Il est près de c i nq heures. Je ne vois rien,
mais la foule se porte brusquement en avant dans un effray-
ant vacarme, et, quelques minutes plus tard, je vois distinctement
un jeune homme grimper sur le premier réverbère de la rue de la
Vannerie voisine et y dénouer la corde qui sert à descendFe la
lampe pour l' allumer • Un instant après un corps se balance à la
lanterne, c'est Foullon, e t l'on m'affirme que la corde a cassé
à deux reprises avant qu'il soit pendu • J'ai vu par la suite
combien ces réverbères à huile sont de remarquable s innovations
pour l'éclairage de la ville • Ils sont très lumineux et rem
placent très avantageusement ces médiocres chandelles de s uif
comme nous en a vons à Londres • On m'a assuré qu'ils avaient
été installés dans la ville il y a vingt ans, à la demande de
Honsieur de Sartiner, lieutenant général de police; si c 1 est
vrai, c'est bien là le plus mauvais service qu'il aura rendu
à son ami Foul lon •
Note de l'éditeur: passag~ illisible
En avançant vers le Louvre, je passais non loin du Palais Royal.
Les clameurs dans les rues n'avaient pas cessé, ni la foule dimi
nué • Devant moi , dans la rue Saint-Honoré, un attroupement
s 'était formé autour de trois hommes; ils traînai ent un cadavre
sans tête dont je reconnus trop bien l'habit , et réclamaient
. .....
""':.·...__. ~ . ~- .
. ! •
quelques sous aux badauds. On m'assurait qu'ils en avaient déjà
beaucoup gagné quand l'un d'eux, un nommé Pierre Rava, porte
sacs à la Halle, se sauva avec le produit de la quête. 0 Fran
çais, quel monstre vous animait alors de son noir esprit! Je
ne plains pas las tyrans, maisje plains l'homme!
Au reste, le peuple de Paris n'est pas aussi sauvage en ses moeurs
qu 1 il le __ pourrait donner à croire • Il est à la fois barbare et
policé. Malgré les actes de férocit~ auxquels il se livrait,
il avait cependant conservé un certain respect pour la justice,
joint à de l'aversion pour les choses basses : tandis qu'il met
tait en pièces le cadavre de Foullon, l'argent et les bijoux
trouvés sur lui, ainsi que ses deux montres en or, étaient dé
posés à l'hôtel de ville, sans que personne daign!t s'en em
parer • Si le peuple avait eu confiance dans un tribunal, si
celui-ci avait existé, si des lois comme notre précieux "habeas
corpus" avaient été édictées, peut-~tre que Foullon aurait été
traité d'une façon plus digne d 'lil.ne grande nation • Nais la
colè r e et la peur étaient trop fortes dans Paris • Quatre
heures plus tard, un sort a ussi terrible fut réservé au même
endroit au gendre de Foullon, Bertier de Sauvigny, seigneur de
Sainte-Geneviève des Bois et de dix-huit autres paroisses, et
intendant général de Paris • La simultanéité des deux massacres
me fit songer à quelque organisation préméditée, d'autant que
cirvulaient déjà des libelles imprimés exigeant avec force détail s
la mort pour ces deux hommes, et pour d'autres . • A chaque heure
il s'en imprimait de nouveaux, et j'en ai gardé quelques exem
plaires, achetés dans une librairie du Palais Rœyal, en même
temps qu 1 était exposée au café de Foy la tête de ~ •·homme que
j'avais cotoyé hier sur la route • Mais il n'était point néces
saire de chercher un chef responsable: le peuple seul avait signé
l'arrêt de mort de Foullon et de Bertier.
Le soir même je m'installai dans un hôtel garni rue de Richelieu,
où je fis la connaissance d'un jeune homme de bonne famille qui
était arrivé de &retagne avec ses deux soeurs et me raconta
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·, .Oui, q~;;M~~fieu~, .. , c~!a ·é·a -p9llible! ~Y,qus ne :vo,~'.ltrO.IIJJH:z:, p.as; ~ recOOfloitfcz;
1 ' ' • • • 1 1\
.en moi vot{C .~'\lp~urcu~ ~:~~;ll,é~ue.: . . . .
1 .. . .. .. DE LÂUNAV'. : :~1 .. ,, ·.(.. . . ·_., )'arbleu.lJ~. c!10fc' ell ·unique! Er .:par quel
· ' • •• • . ' 'J ... , . . .
.rn.~!heu~ i_~<:f6Y.~b~~:'ay~:~voùs' p~ ?ekendrc ii vlt'c au . Combre manou l
F L E s s E L L E s. .. . . , · ·~ , .·Ah! Monlicur, trop de zéle pour le parei
âé î'oppolition·m'a pcrd'u! -' Je voulais ame 1
A .
.lt~-• 7\~, • • 1
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CON\lOI,
SERVICE ET ENTERREMENT •
De rrh . lzaucs , rres • prujfanrs Seicmenrs Fou LON , Prlfident,
.D .
& RERTI!!ER DE SAUVIGNY'
]mendant de Paris, morts jubi
tcmcnc en place de Grew , & enterrés à ....• leur parotfJe.
,. , . ... · ~
LES TYRANS ANÉANTIS . ·'
0 V FOULON , Ex- Connôlcur g~néral
des Finances , & l'Intendant dt: Paris
/.:::~,u~is par la Na1ion. .
~--,~~i~,::.:~-:. l'tt! 1 .. , P1111,/a ,J,flts ~ M J~ (2 h.,t ·- -1 -::-~ ·.:;Lr.ts.E. . s , Pm·ôc Ju Mar~ntlllr!J , par ,;
\(_: · r'fùt~7·'Cito)•tn 'I~Î ltti fit fout v /1 crir11 ,fu,.
.'·'irmfJ, Pij1tJftt, lt '-+Juil/tt 1789, r .
La PEUPLI 'rAJICQU!UI\,
&w , mea amis , de la frr~cré, de Î'~ntrgi" da nrsUete ; fur - ruur point de fuibletlr
1
DtOfblett ! , , , , .'
Sac~_es que l'un n'a rien fair pour 1~ libmc! , ·lorfq11rl relie 4ncore 'ludque ~hofe à f.cire, :
L'tfclne odieux dt h rynnnie de nos minif-tru , Deuhier, ryrm lui - m~mt 1 etl donc
, tnfin arr~~-~! . • , Oui 1 ce mou lire uJcrable , ceue fer~t co,lo~Rt du defporifmale p:us affieux dl entré vos mmu., .. Du cuurage, Fnnçoi1 1 fous renel l'Hydre'' de lCTne, tmplorn le fer .SC Ù feu pout le'dfüulre·, qu YOIII fuccombern.,, • J . . .,... . .
avoir été aux fen3tres de son logement lorsque la foule
était arrivée dans la rue, portant sur des piques les t3tes
de Bertier et de Foullon Tout le monde se retjra des fenêtres:
j'y restai. Les assassins s'arrêtèrëïitdevant moi, me tendirent 1ëS piques en chantant, en faisant .des gam~ades,, e? s~utant pour approcher de mon visage les pales .effigtes. L ~11 d une de ces têtes, sorti de son orbite, descendait sur le vtsage obscur du mort; la pique traversait la bouche ouverte .don~ les ~e~ts ~.ordaient Je fer : c Brigands! > m'écriai-je, plem d une mdtgnauon que je ne pus contenir, « est-e~ co.r;tme ~el~ que vous en~e~dez la liberté?> Si j'avais eu un fust!, J aurats tue sur ces mtserables comme sur des loups. Ils poussèrent des hurlements, fra~p~rent à coups redoublés à la porte cochère pour l'enfoncer, et JOindre ma tête à celle de leurs victimes. Mes sœurs se trouvèrent mal; les poltrons de l'hôtel m'accablèrent de reproches. Les massacreurs, qu'on poursuivait, n'eurent pas le temps .d'envahir l~ maison et s'éloignèrent. Ces têtes, 7t d'~u.tres que. J.e renco~.trat bientôt après, changèrent mes dtspos!l10ns polütques; J eus horreur des festins de cannibales, et l'idée de quitter la France pour quelque pays lointain germa dans mon esprit.
Note de l'éditeur: Chateaubriand a repris cette description,
Mémoires d'outre-tombe, Première partie, Livre V, 9 •
Quant à moi, venu en France pour connaitre les FRançais, je ne
les trouvais pas pires que les Londoniens, et je dus admettre,
avec un député deProvence que j'avais rencontré au Palais
Royal, que si la colère du peuple est terrible et soudaine,
c'est parce que le sang-froid du despotisme est atroce et que
ses cruautés systématiques font plus de malheureux en un jour
que les insurrections populaires n'immolent de victimes ·en une
année • le peuple avait puni un petit nombre de ceux que le cri
public lui désignait comme les auteurs de ses maux • Que de
sang aurait coulé si ses ennemis ·avaient triomphé!
En l'écoutant parler, je repensais cependant à l'allégresse
des Parisiens de toutes conditions, et cette joie me faisait
mal: j'étais tout à la fois satisfait et mécontent, je disais
tant mieux et tant pis • Je comprends que le peuple se fasse
justice, j'approuve cette justice lorsqu'elle est satisfaite
par l'anéantissement des coupables; mais pourrait-elle aujour-
. "
d'hui n'~tre pas injuste ni cruelle ?
Et il reprit: " Les maîtres d'hier, au lieu de policer le peuple,
l'ont rendu barbare, parce qu'ils le sont aux-m@mes. Ils récoltent
et récolteront ce qu 'ils ont semé, car tout cela aura des
suites terribles: nous ne sommes qu'au début!" • Son nom était
Mirabeuf •
Note de l' éditeur
Ici s 'achève le texte conserv~ du manuscrit de J~es Oldman •
Seules les mé thodes les plus avancées de la science moderne
permettraient de tirer davantage des débris poussiéreux dont
nous disposons encore •
• Supplice de Bertier de Sauvigny '• gravure anonyme,
• le W:ulaleur palriole •. gravure anonyme, l3lbl Nat Paris.
POSTFACE
Il n'aura pas échappé à nos lecteurs que le texte qui précède
a toutes les apparences d ' un faux . Le pseudo OLDMAN est très proche d 1 un
Arthur YOUNG dont il s ' est certainement inspiré de certaines des pages
du "Journal de 1!oyages en France " . I l aurait eu la connaissance des
cahiers de doléances rédigés en avril I7 89 par les habitants des paroisses
de France, et en particulier de celles de Morsang sur Orge, Viry, Saint e
Geneviève des Bois, :Morangis, etc. I l aurait lu "Les Nuits Révolutionnaires"
de Restif de La Bretonne, les "Mémoires d ' Outre-Tombe" de Chateaubriand,
les lettres de Babeuf, les mémoires de Bailly, de La Fayette, du marquis
de Ferrières, du libraire Hardy, ou encore l es lettres de Nicolas Ruault
bour.geois de Paris. De même, aurait-i l pu parcourir le "Journal Politiaue"
de Rivarol, le "Journal des Etats-Généraux" de Creuzé-Latouche, le "Tableau
de Paris" de L.S.Mercier, et des périodiques tels que "les Révolutions
de Paris", lé "Gazette de France", la "Gazette de Leyde", ainsi que toutes
les brochures publiées à Paris en jui llet- aout I7 89 et consacrées à la
mort de Foullon . Plus fort encore, il aurait pu connaitre les analyses
de Jules Miche l et, 'd ' Hippolyte Taine, de Georges Lefèbvre, Godechot,
ifovel l e, ifinock ••• Il aurait parcouru 1 1 ouvrage introuvable de Gustave
Bord (pseudonyme du vicomte B. d 'A.gours) consacré en I909 aux deux victimes
du 22 juillet I7 89 . Il aurait lu les travaux de Henri Dinet sur la grande
peur dans le Hurepoix, le Beauvaisis et le Valois, et ceux de Louis
Brunel s ur la région de Juvisy.
Pour éclairer nos lecteurs , nous donnons ci-après la c opie de
que l ques-uns des textes authentiques qui nous ont permis de mieux
connaitre la vérité, et de déma~quer l ' imposture.
28 Juillet I79 3
Commune de Paris : Circulaire des administrateurs de police à leurs
concitoyens, pour qu ' ils se méfient des "lettres de J érusalem" ou "arcat"
(argot des prisons) c'est-à-dire un type d'escroquerie ainsi défini par
la circulaire imprimée de Garat, ministre de l'intérieur par intérim;
9 février I793
"La maison de Bicêtre est un arsenal d'où partent depuis deux ans
au moins des lettres adressées à devers citoyens de tous les départements;
contenant les fables les plus grossières qui ont cependant abusé quelques
uns de ceux à qui elles ont été écrites. Tantôt l ' auteur de la lettre
se dit l'ami de Foullon, de Eertier, tantôt le confident de Madame de
Lamballe. Il assure avoir reçu d 'e~~ une grande quantité d 'or, de diamants
et de papiers pour les porter en pays étranger où il devait aller attendre
Bert i er, Foullon ou la damG Lamballe. Le fourbe annonce qu'il a été
contraint de cacher son trésor dans la terre, promet d ' indiquer le lieu,
de partager le dépôt, et joignant dans la première ou seconde lettre
la demande d'un secours, il trouve des hommes assez peu en garde pour
tomber dans l e piège."
Paris le 22 juill~t 1789.
Voici, mon cher ami, un détail très vrai de la conspiration de la cour contre Paris et l'Assemblée; elle aurait probablement été exécutée si le peuple ne l'eût prével"lue. Les conspirateurs sont Antoinette, le comte d'Artois, le prince de Condé, Lambesc, Broglie, Breteuil, les Polignac, Foulon, Bertier, son gendre 1" , intendant de Paris etc ... Ces deux derniers sont pris, les autres, excepté Antoinette, sont en fuite ou si bien cachés qu'on ne peut les découvrir m.
Après avoir chassé Mr Necker qui reçut en partant un coup de poing dans la poitrine par le prince d'Henin, après lui avoir tracé la route qu'il devait suivre pour sortir du royaume, ils prévirent bien qu'il y aurait quelque tumulte dans Paris. Pour le dissiper ils envoyèrent Lambesc avec son régiment étranger (royal allemand) dans les Champs-Elysées, dimanche après-midi, 12. Lambesc fondit sur le peuple assemblé place Louis XV; il reçut des coups de pierres de ce peuple, ·puis il courut le sabre à la main avec quelques Allemands dans les Tuileries où on lui jeta des chaises aux jambes ; il y fendit la tête d'un vieux médecin qu'il foula aux pieds de son cheval et s'enfuit au plus vite de la place, dans la crainte d'être pris dans le jardin. Cette crânerie de Lambesc donna l'effroi par toute la ville et fut la cause du salut public.
Ils avaient ajourné au 15 la consommation de leur projet : c'était d 'abord de faire partir le roi à Metz, sous prétexte du peu de sûreté où il était à Versailles et des mouvements de Paris ; mais dans la vérité pour l'éloigner des scènes sanglantes qu'ils méditaient à son insu. Ensuite, ils se seraient empan!s de l'Assemblée nationale. A deux cents pas de la salle il y avait 16 canons qu i auraient retenu prisonniers tous les membres jusqu'à ce qu'on eût disposé de leur vie ou de leur liberté. Dans la nuit, 60 mille hommes dont 30 mille à Versailles et aux environs et 30 autres mille distribués à trois ou quatre lieues de Paris, seraient entrés brusquement dans cette ville, se seraient saisis des postes importants; du Palais Royal, de l'Hôtel de Ville, du Palais de Justice, des ponts, des places, des marchés, avec ordre de tirer sur les bourgeois, s 'ils fussent sortis de leurs maisons pour s'attrouper. On assure qu'il y avait des arrêts de parlements tout prêts pour condamner à la potence tous ceux qu'on auraient trouvés armés dans les rues u•.
Si l'invasion des troupes n'avait pu avoir lieu, les conjurés avaient une autre ressource : c'était de battre la ville par le dehors : ils l'auraient foudroyée principalement par la butte Montmartre où depuis 'plusieurs semaines on a employé quelques milliers de pauvres manœuvres, sous prétexte de charité, à faire un retranchement, une esplanade capable de recevoir 50 canons, tant de SaintDenis que de Versailles ; esplanade que nous avons tous vue et sur laquelle la moitié de Paris s'est promenée badaudement ne sachant à quoi on la destinait .
Ils avaient fait faire un grand nombre. d'habits de gardes françaises pour les faire endosser aux troupes étrangères afin de jeter de la défaveur dans l'esprit des Parisiens sur ces braves soldats et faire croire qu 'ils étaient rentrés dans l'obéissance aux ordres du roi. D'un autre côté la Bastille aurait tiré sur l'intérieur de la ville; le gouverneur en avait reçu l'ordre très précis. Le faubourg St-Gennain aurait été épargné autant qu'il aurait été possible, pour ménager les demeures des nobles qui y sont en grand nombre.
On parle aujourd'hui de faire le procès à tous les con rés et de confisquer leurs biens au profit de la nat qu'ils voulaient rendre esclave. On attend d'heure heure l'intendant Bertier de Sauvigny, arrêté à ComJ gne comme il fuyait à travers les champs ; une escc de 1200 personnes est allée le chercher avec un élect· nommé Larivière. Il sera mnené à l'Hôtel de Ville son beau-frère Foulon est retenu. Des paysans l'• amené à pied de Viry où il était caché dans une glaci de ce château appartenant à Mr de Sartine. Ils lui avai mis dans la route un cordon de foin autour du corps lieu de son ruban rouge, par allusion à l'herbe qu 'il vantait de faire manger au peuple. Foulon s'était fait 1 ser pour mort le 13, et ses gens étaient déjà habi en deuil. Les deux hommes détestés du peuple sont grand danger de la vie. On a saisi les papiers de Berl on y a trouvé des plans, des lettres, des ordres p Paris, pour distribuer des munitions, des cartouche la troupe étrangère.
Le roi ne savait pas un mot de cette multiplicité d'' reurs. Ils lui cachaient tout parce qu'ils se défiaiem sa faiblesse ou de son bon cœur. Il a fallu l'explo: terrible de mardi pour lui faire ouvrir les yeux sur courtisans. Le peuple l'aime encore et il pourrait en t un bon parti. s'il est bien conseillé. Il a chassé pre~ tout son monde jusqu'à Thierry le valet de chambn l'abbé de Vermont, intimes confidents des conspirate
On court après Mr de Necker qui est rappelé. On \' chercher jusqu'à Francfort, car on ne sait pas bien il est allé quand il a quitté la Franc~ . On a fait : ville une espèce de liste de proscription de 150 per nes qu'on doit arrêter. On la fait remonter jusqu'à officiers de la maison de Louis XV. Cela n'est pas j (quant aux ministres, aux hommes de Louis XV). i est-on juste quand on se venge dans la colère et la reur?
A mi:
Nous avons eu encore des scènes horribles à la fi1 ce jour.
Foulon et Bertier ont été pendus par le peupk réverbère en face même de l'Hôtel de Ville. II n 'a été possible aux 100 électeurs assemblés, présidés Mr Bailly, maire aimé et respecté, de les envoye1 prison. Leur mort a été demandée à grands cris ou tôt par des hurlements effroyables et même avec menaces insolentes. Le peuple s'est emparé de sa l avec une fureur qui surpasse celle des Iroquois. déchiré, mis en pièces le corps de l'intendant ; on tait des lambeaux de sa chair, au bout des épées, piques, des baïonnettes.
Foulon a été mis à mort à 4 heures et demie. J '< été le témoin malgré moi. Après une séance de 8 h< dans l'Hôtel de Ville, prolongée exprès pour cherch moyen de le sauver de la rage populaire, il fut d· qu'on l'enverrait prisonnier à l'abbaye St Germain, lution qu'on pouvait prendre dans la première rn de son arrestation à l'Hôtel de Ville, avant que le p< fût accouru sur la place. Cette décision fut procl. sur le perron, mais il était trop tard. Le peuple inc s'écriait: Point d'Abbaye, pendu, pendu! qu'il desce Cependant on l'envoyait prisonnier, sous l'escorte , milice bourgeoise. Mais à peine fut-il arrivé au de degré de l'escalier que, l'escorte rompue, Foulon fut et conduit au pied du réverbère. Un garçon menuisi< tablier de peau violette, 'monté par la croisée de !'ép
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jeta une corde pour le hisser. La corde cassa sous le poids du patient qui était très gros et fort grand; quel· ques moments se passèrent à raccommoder ce funeste cordeau ; il fut enfin étranglé à la vue de tout le monde. Un quart d 'heure après on lui coupa la tète qui fut promenée au bout d'une pique au Palais Royal ; on traîna son cadavre dans les ruisseaux de la rue Saint· Honoré et dans le Palais Royal lui-même. La tête mar· chait devant.
Tandis qu'on traitait le beau-père avec cette ignomi· nie, le gendre arrivait à Paris par la porte St Martin au milieu d'une multitude innombrable d'hommes et de femmes, gardé par une troupe de soldat et de bourgeois à pied et à cheval. Il était dans un cabriolet coupé à moitié, afin que tout le monde pût le voir ; un électeur seul l'accompagnait dans cette petite voiture; il avait la contenance d'un condamné que l'on mène au supplice. On promenait devant lui la tête pâle et sanglante de son beau·père avec un bouchon de foin dans la bouche ; on eut même la barbarie de la lui faire baiser plusieurs fois.
Berthier arriva sur la place de Grève à 8 heures et demie, et monta à l'Hôtel de Ville. Il n'y resta pas 20 mi· nutes. Le peuple demandait sa mort avec une rage qu'il est impossible de peindre. On fut obligé de lui livrer sans différer pour éviter la destruction peut·être de l'Hôtel de Ville et des officiers municipaux qui le remplissaient. On essaya de le suspendre deux fois au fatal réverbère, mais l'impatience de le faire mourir était telle qu'il fut massacré à terre. En un instant son corps fut mis en lambeaux ; sa tête et son cœur furent portés tous san· glants sur le bureau des électeurs. Un tel spectacle fit frémir d'horreur le marquis de La Faye tte ; il donria sa démission de colonel de la milice bourgeoise ; mais les municipaux le supplièrent de ne pas les abandonner dans ces terribles moments ; il reprit son poste.
Ma plume se refuse, mon cher ami , à prolonger plus longtemps le tableau de ces horreurs. Que vous êtes heureux de vivre loin de la capitale, de ce théâtre d 'atrocités dégoûtantes ! L'anarchie nous effraie, les lois sont mortes; jusqu'à ce qu'elles soient ressuscitées nous cou· rons les plus grands dangers. L'Assemblée nationale a reçu proposition d'établir un tribunal composé de 60 per· sonnes qui j ugeront les accusés auxquels on donnera des avocats pour se défendre. Il serait à souhaiter que ce tribunal fût en exercice dès demain, ne dût-il juger personne ; il empêcherait au moins le peuple de se fai re jus· tice lui·mème de ceux dont il croit avoir à se p laindre ; il ne s'accoutumerait pas à tremper ses mains dans le sang humain.
Au reste toutes ces horribles actions se sont faites avec ordre. Le peuple de Paris est bien extraordinaire, il est à la fois barbare et policé. Ils se parlaient tous avec politesse et intérêt, dans c:e tumulte effrayant. Dans le pillage de la maison S t Lazare il n 'y a pas eu une femme, un enfant de blessé; on l'estime à plus de trois mill ions de perte. Tout a été détruit dans cette immense maison, ou prison, jusqu'à la chapelle. Les pillards se prome· naient dans les rues avec les chapes et les chasubles sur le dos. Le tabernacle a été brisé ; le Dieu ou le Saint· Sacrement et son ciboire ont été foulés aux pieds. Mais dans le désordre ext rême où nous sommes depuis quel· ques jours, à peine a-t-on parlé de cet te espèce de profanation. D'ailleurs ce qu'on appelle le service d ivin est inter rompu depuis le 13 dans toutes les églises.
N.B. Je reçois de tous côtés des lettres affligeantes de Grenoble, de Lille etc ... Que Dieu préserve "Evreux de la révolte et du pillage. La fièvre chaude agite toute la France 1:1• Cela ne doit point é tonner, mais doit effrayer; quand une nation se retourne de gauche à droite pour être mieux, ce grand mouvement ne peut se faire sans douleur et sans les cris 'les p lus aigus.
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· h r piAs nods derrière un~ V:Jirure ·chlf'Tée de Fn1n, ]'l~qn1l Pa•1s. Nous .epargnons- l~ réctt: ~e epluû.eurs 11crocités, qu';n lui fic d~ns Je ~traj ~r. On· le çonànilir M;rd.i zr. Juillet~ _l'~T~teol..~d~-. Ville au milieu d'une · foqle imme11i~. Le Curominé · p·ernnncnc d~urott; que f?n Procè'3·!r.r fû_~ fait en règle: Le P~uple dem1ndoit f:t mort:- r.~s · E'eéteurs .st. l~s 3orres ::l'femh~es du C~mm.Jtt! reprefentèrent , qu'ils n'a voient 2u.cune qua lire!· pour-prononcer . \un Juge meru.; :r~s ·.von.loseno. lry lf'.'~der ~pour l'envoyer en P'rifon à l' Abb1ye·St. Germain, le lendemw\, M ... rcr.ed•• aprèsv 1!1~1 ~~I::a . mulritude ·e:dgr:t, qu'il lu! fùt livré; ~lie fe précipita _d~ns la. Szlle rlll. C~rumm.é · .P~rm3o:w.:· .. Ml-- . Bai/fy, ·M .. 1~ 1\hrquis . d·c la. Faïett~ . arrivé _à:t.1s ce_t l!lfcant, font d'e v:u_os ;e!ltJ~n pour _u..1~ ~~.:- -
. ( f J· C';ft l:~p~ni~n~ (~-,~If~· à- PlTis, 1'(1pr~t flere~;.· 'C4 n'éloit c:rtni~t:m,:?:t pa~ .'fi-j~~~~!,~: pltu 'd'un ·Avis ; qué:no·us. avons< t t;.u :. ·Mazs ~.s~tJ · ·'fe fo.rr:e; :f!.:/P.r pou.z tll.cl.cé'., ., Q:Jo~~~l- 01 :r~ . e{t. ·,rai-' que; Mr: Foullon: ·ai~ pou/14- [4 ;_donner: ; pu rrfte, dlf·· ti~sa,71~1! ~ ~qa~.J!e ·'C~nt~tuJzr.~.6'.;.'.:>f117_t · prmr.- mor't:,-.;11. - ~fo. 4J4. fll,IJ.Î1JS: tr.ès..·fi.n$t'l,ier.. ,, qu_e:·:; . n~J:II~_~>'UA~~ p.nnM_~e._f'!·r. (~ ·r:-!fJ!J.ifi.!!~ r/.lf11~1i.~Z?rr:_·
ualf&' ·our.r .a:uaiw.f.s. .tra&jtf!Zf::.·fi!J . iL f1(fttJ., au- , ; tf.enrttr Su.p.pl..émc.n! ~ 9,'~-~us.fot~- pe7:1?"~ l"·.o~ ~cZit.~ t.iJ.ù:e.; Jaf/.{if!i_tg_ •. '.'f.tl.iJ./f.t, ~ J!gfJ!-<-~~e.f:. ;_9!.te /.~~M iJt.l .~tH!SJ., ITO{I~/.u._Çt:rJt1s_ t'i',I.JI;. ·. 't fon N~-ln en: touÏ~~ r'..a~es~ {llTJJ tiNI!~df;F/": . !1. tf/.. ~.~flJ~~~ t! c.ruJ.t~~"$!1~J.n ~llPP~'~'.!.u~~:·:
. . . . - .. ~ - .. ···---. . . -· . . . .. - . - -'tïr·, ~qn'1!1 :{s1!cilt qtle 'jttfticc !1\t reria11ë, -mais :qu'il ~a!Îoit' ~util , _qu"elle le Ntt -'1~g2'tèment. : :Inurt·Ies tent3tiVes·! Le· Peuple n'entend rien: .li ;_thoilit dans.la fo;~Jc fe pt ·.Juges, qui fass:.formuité ~'f;tns inftruél:ioo, fans ~ entendre I'Accufé ; :le. cou damnent -fur le çhamp à la, more: ._On .le des ce~~.
·-de l'Hôtel· de· Vi~e; on luf fait d~~ jnfultes ·à.l 'cnvi ; ,O!J:l'attachc;·I??l!r. t!~e pen.~ a: ,La corde ,qa,s· . . -fe; on l'attache dé no11veau: Le mème ~cciJen c arrive encor-1. · .. Enfin, apr_ès, que. tout cet spP.areil .· de.morc eut duréuois quans-d'LJeurc,' fu'~J.è1. 5. hcures·de.l'aprèl-miili.onle prive.de Il v.ie: ~·: C:e>
n'écoit pa·s a !fez pour •atfouvir une furcur.iiihumaine: On ~ lui 'coupe ·J;néce ; · on ·12' irtet toute· fan~ . ~l1nte au bont d'une pique; on Il promène· par. la 'Zille ét dan~ lia.' Goor de Cori ·propre ·Hôtel;: ·Le
uonc eft ualné dlns les Ruës, de -Il à la Morgue • . Dans- c.e méme moment · ~lTive Mr.' Berthier, . -:Intendant de Paris~ de l'Armée, Gendre ·:de Mr. -FoullOn': Il 3VOit èré reconnu & anèté. 1 Com·
}i:g11e :· On l'accufoir d'accaparemens de G.t::U;~s: . D.~ai!)e~rs fa .double.Piace l'avoit ·rendu .da-ns r:;es 'dcrniers .joun l'un des principaux iofirurncns, fOUr exécuter les mefures des C'onfeillers violents.;
, gui environnaient le Trône. Le Comniitlé :Permanent . de la Capit3!e., .informé :de fa .détention ; ·envoye un .Détache~ent de la l\Iilice Parifi.enn~ à cheval pour Je. cço_nù~ire Af!a.ris: Le llégiment -Royat-·Bourgogne fe réunit à eux :· Une fo\)le- immenfe fe . ponc· à 'fa' r_enconue ;, 6;1 an 'BourgUï ·~ . une licuë de Peris ; elle abat le de!l'us 'dil Cabriolet , cù il étoit' pbcé·; pour qu'il fùt en fpeél:acle à cette. multitude innombrable, qni rempli!Toit les- Ruës ·& - les fenètres. Cependsnc accablé d'imprécations, d'inCultes, de mauvais traitemens ·, Mr. Bert bi er a voit confervé fa férénité
:Pesdant toute la route. A la Porte St. lrfarlin le premier objet, qu'on-olfre · à fes rega rds, c' eft J..a ·Têt: défigurée de fon Beau -.Père: Nous ne pouvons croire, ·qne pu mi une NHion Cb rttien.?e l'on
'fo ie cap~ble d~u necdle blrbaric; mais l'on dit', que les forcenés, qui i:nlginèrcm c~tte ve:1gc3nce ~ u-oce, )a lui ·firent baifer. Du moins la ' porra- t-on -près de lui depuis la BHrière St. 5Jarrin' jusqu'il la Grl·w. ·Plus d'un mill kr de Troapes, Bonrgeoifes ou régulièrrs, dont la .mr:> i:ié C:vaJtd~:, formoient I'Efcorre, au foa des Trompettes & des Tamboms. "Il monte ( ~ ce que dit ·, une Rehtion imprimée) les dégrés de l'Hôtel-de- Ville avec fermeté, fans pm;he faire oeau· ·, coup c.l'amncion à la multitude, qui l'entoure, fans érre éponvamé ·des cris d'inàign·ltion, qui , Je pourfuivenr. Dépofé dans une Salle voifine du Commitcé·, il attend pJiûblement qn 'on l'ap·· ·, pelle.: n fe voit devant un Tribunal nouveau ponr'lui; il répond avec netteté. aux Qutftiol!s_,_ ;, .que !ni fait Mr.':Bail/;. · Cene imperturbable préfence d 'efprit dans un moment auffi terrible jwe , l'A!l'emblée dans ûne perp'exité, qu'il efi impoffible de peindre. On lie le Procé; • Verbll d~ fi
:;, détention, & on y rrouve ces mots~ , Lfl Municipalité tle Cempièg'!e, n'ayant r~cor.Tiu aucunes. , preuv u des Dllits, qu'on impute l J.fr. Berthier, t'a pris fo us fa prord1ion & faut•e~arde: Elfe· , efp~re, que 'le Committé -Permsnent. dt Paris tlura po11r lui les mlmes lgflrds. On !i(•Jit encore , ct: Procès· Verbal;,. lorsque·den:ril fnrie'ci:t ou plntôt des rugiffemens fe font enrendre au-de" hors. L'épouvante, l 'effroi ont glacé tous les coeurs: On fe regude d'un air fiupéf~ir. Un ..., û!ence terrible règne danl l'A.ifemblée: Un feul Homme elt tunquiile; c'en !l!r . .B~rtbier. " Enfin l'on décide, qn'il feroit envoyé d'abord à la Pr.ifon de l'Abbaye. Au ffi· tôt qu'LI fort, 'le .Peuple fe jette fur lui, force I'Ef~ort:·; &: s'empare de fa P~rfonne: Il fe défend conne ceux qui le faiû!Tent: Ils parviennent en' fin à lui pa !fer le lacet fatal: Il fe débat encore ; & le même accident lui arrive qu'a fon Be an· Père: Ah fin il tombe percé de mille con pl •. · Sa more n 'arré ~: pas encore 'un acharnement au ill fanguinaire: On lui coupe la tête; on lt porte en triomph~: Ca lui arrache le coeur; on mutile îes 1\lembres; on le& déchire, on les hache , de même que Ces vète:nens, en mille' morceaux. L:t fcène fe pa !Ta après 9. heures du foir ; & des torches éclairèrent ce fpeétlcle d'horreur. " : : , On a publit! l' .Etat des Papiers trouvés dans Je Portefeuille de Mr. B erthier. C'étoic une
'Correspondance, contraire., il en vrai, aux iocéréts de fa Cl;ufe Nationale, telle pourt'llnt qu'on ' ... pOUV0it la fuppofer dans les Panes' . qui le 'mettaient en relation avec la Cour. Mnis que f~s
·malvcr!b.lions ür celles de fon Beau. Père foien·t conûdérées fous un point de vuë auffi criminel~ ·qu_'on l'e veuille, le Crime ne doit pas être puni par le Crime; & on P~ople, qui côntinnëroit ·-cJc s'y livrer, fe rendroit odieux à toute la Terre. M. le M arquis dl/a Fayette a eu tellement
. ~erreur d'adions, fi indi~nes & de la Nation & ·du Siècle , qui les ont vu commettre, qu'il ~ you!u prendre dès le jour- méme fa démiillon de la Charge de Colonel~ Général de la Milice Parijietme ~ & ce n'eft qu'avec ptine qu'on en p:rrveno hier à le perru~der de la. ~rder; en lui promettant ·de p'roté~er avec plus d'~nergie la fù reté de tout IndiviJu & l'ordre public. · Jl :efl: fâcheox, que ~ans ces trines circonnances la Maginrarure el!~· méme foie fufpc'éte de pu'tialité; -ce qui, pour conferver du .• moins les fo rmes de la J11fiicè amnnt que poffible , a [3it 'recourir à l'idée d'éta-blir on Tribuna l de ·6o. Citoyens· Jurés, élus ·chacnn ·p:zr leur DinriG't; '& cous ,les · Difuiéè~ font inviré's ~en voy!!! de~ Députés lég:alement choiûs à ,l'Hôtel• de- Ville,
".:~o~;r :~vüer aox·moyens les plus efficaces de ·maincegir les Loix & la tranquillité. :. Malheureu-. . 'femelle·, :t:rndis ~ne le People eft altéré de f:zng·, & q ue l'on ne voit pas où poum s'arréter fa r:Jgé.) . ; ,~•Ecries déceftables ·Ja fomentent, J'~cie(!Iit' cous les· jours avec une barbl!re complaifance ;-.& _::.l'de"tl~s ~èendiaire·~ ~erinent'l'infeina l pliilir~_'àtcifertl~e f1~mme; ~ui. men:~ ce de ton~_conn~;mer: " ,
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Tous les esprits commençaient à se rasseoir dep~s ~ venue du monarque à Paris. Ce monarque adore, sa digne de l'être. était venu dire à son peuple, q~e rie.n de ce qu'on avah fait, ne l'avait été contre lw, malS
contre les· abus : et Louis ne faisait pas cause commune avec eux.
Cependant un bruit sourd se répandait : l'_l~tendant de Paris est arrêté à Compiègne: on a satSt son portefeuille : on y a trouvé des pièces .... Quelles pièces? on ne les a jamais vues. Deux cent cmquante hommes de la garde de Paris étaient partis, pour l'al· 1er chercher. Il venait, l'infortuné.
Ce bruit répandu fut fatal à son beau-père, déjà en butte à la haine, par sa fortune, un bonheur constant . et peut~tre quelque dureté ... Foulon (nom malheureux, et dont on devrait changer, quand on entre dans la hau te finance). Foulon avait pris la p récaution de se fa ire passer pour mort. Il était caché dans une terre à quelques lieues de Paris. De sourdes rumeurs le firent trembler. Le 21 au soir, é tant à une fenêtre basse, il entendit trois paysans dire entre eux : c Il es t là ... Il a dit, que si nous avions faim . nous n'avions qu'à manger de l'herbe ... Il faut le conduire à Paris , un bridon de fqin dans la bouche ... • Ces paroles effrayèrent l'infortuné ... Au milieu de la nuit , il sort seul, sans bruit, sans sui te, à soi:tantequa to rze ans , et va chercher un asile à Viri, chez M. de Sartine1•
Mais il était guetté: on le suit. A moitié chemin, des paysans l'arrêtent. On veut le pendre, mais la réflexion retient. On le Ue : on le met sur La queue d'une charrette (son ancien bonheur fermait les àmes à la pitié!); on lui mit un bâillon de foin, on lui fourre des chardons dans sa chemise, e t on l'amène à Paris! ... 0 malheureux vieillard! que tu expies cruellement ton bonheur! ... Mais il avait eu l'ambition de succéder à Necker adoré; il se nommait Foulon, et son nom augmentait son malheur!..~ Il arrive. On · le montre à l'Hôtel-de-Ville. .. l..e5 électeurs frémissent... Dans ces temps de trouble, un âa:usé était toujours coupable. Foulon reste six heures à la ville : il n'a d'autre crime qu'un bonheur constant, wn ambition d'être -ministre, et d'iDUmnses· richesses .. : qui ne le sauveront pas. Il parle; Ôlt récoute; et celui qui faisait encore envie la veille est en ce moment au. dessous du dernier des misérables! la terreur causée par les rugissemeJSts que des furieux font entendre contre lui, étouffe La pitié ...
Cependant on le retenait, attendant un moment de calme, pt>ur le faire conduire en prison. Tout à coup la fureur redouble : les tigres qui ont amené Foulon, demandent à voir leur victime : on la leur montre. Ils vont eux-mêmes le reconnaître. L'infortuné vieillard. pour se faire voir, monte sur un des coffres amenés avec lui ... On le croi rait à peine, mais je le tiens d' un témoin ocuJaire! un petit homine trapu s'élance,
• •
éc~:te les gardes .. s~ isit Foulon, et le précipite a mdteu de ceux qut 1 a trendaienr : on le traîne; on 1 frappe; on parvient au fa tal réverbère ; on r y at!: che : un homme l'enlève, tandis que d'autres tirent 1 poulie. Le vieillard demi-mort est su ffoqué ... La cord casse ... On sépare sa tê te du tronc, qu'on traîne dan les r~isseaux. t~_nd is que la tête enfourchée, portée a Palais-Royal, seJour de volupté et d 'horreur est dest née au plus hc:>rr ible des usages. '
0 Français! ô mes conci toyens de Paris , quel mon! tre nous animait donc alors de son noir esprit! ... Ah de vous-mèmes, vous n'auriez pas commis ces atroc tés , dignes de cannibales! un monstre vo45 poussai1 et les paysans eu:t·mèmes, malgré leur a igreur , son hu~ains compatissants! un monstre avait jeté so venm dans leurs cœurs ulcérés! ... ;· Ce n 'é taient que les pré lude3 de cette horribl jluit : tu arrivais, infortuné Bertier ... Qu'on n 'aill ~ s 'imaginer id, que je plains les tyrans, le t&PpresseuFs! Ah! loin de Q"IOi cette funes te pensée ;Mais ·e lains l'ho e,_et rien d' humain ne m'es
ranger! _, Je vous resrace ces horribles tableaux, , ,. es chers concitoyens, pour vous mettre en gard F=:ontre l'avenir, et d'infernals moteun!... Soyon r-<>mmes, avant tout; nous serons après ce voudra ... l! ~enter etait à Versailles, lorsqu'on prit son portf f euille (dont on n'a plus reparlé) : un de ses familier ~urt l'avertir du danger. L'intendant de Paris S•
retire à Soissons. Là, il apprend que ses ordres son nécessaires à Compiègne, pour faire partir un convo _de blé. Il pouvait envoyer sa signature : il va la por ter. Il descend de chaise : son subdélégué avai changé de demeure, et occupait une belle maiso1 :qu' il venai t de fa ire bâtir : l'in tendant est obligé d· demander sa demeure. Son air le trahit, quoiqu' il fù en perruque ronde, en frac gris , et qu'il eû t des bou cles de fer. On lui montre la demeure du subdélégué Il entre : on déjeune.
Cependant le Compiégnais, auquel il s'étai adressé, dit à un autre : c Je viens de parle r à ur homme, que je crois l'intendant. Le connais-tu · - Oui. - Entrons sous un prétexte. • Ils deman. dent le subd~légué. On l'avertit Comme il fallait par 1er. vu les circonstances, le subdélégué sort, et dam le moment qu'il ouvre la porte, l'intendant es1 reconnu. Les hommes disent quelque chose, e t sor tent. c C'est lui! dit le second. - Si c'est lui fau t l'arrêter. • Ce fut a insi que commença le malhe,ur de Bertier. . Il y av.ait tout près un menuisier, propriétaire
d une ma1son. Ce fut à lui que les ~eux hommes ouvrirent : ils le trouvèrent plein d'ardeur pOW ent~er dans leur projet; vingt autres ~·y associent. On
. envn'?nne la ~aison. Un domestique du subqélégué avertit son mattre, qu'il y a du tumulte. c C'est à vous qn'?n en veut! dit à Bertier le subdélégué plein d'effroa. Voyons. à v?us f~ sortir, par la porte qui est au bout du Jardin. • L mten~t s'y rendit : on l'ouvre avec précaution, l'on ne voit pef'S<)nne. Mais les ~~mpiégnais, se doutant du parti qu'on prendrait, s e tatent embusqués : ils abordent l'intendant e t de
• • cet aar goguenard, que les paysans prennent plus visi-blement que personne, quand· ils croient n'avoir rien à c raindre : c C'es t l'intendant! Ah! ah! comme vous v'là! ~ù allez-vous donc? -Je m'en retourne. - Oh. que non, vous allez rester avec nous .• Et ils le sais irent : on le mit sous une garde de vingt hommes, sans compter ceux qui étaient au-dehors et l'on écrivi t à Paris. '
La municipalité d'alors, composée des électeurs. ~~voya deux cent cinquante hommes, pour amener 1 mtendant à Paris.
.... 1 •..
• •
Ce~endant le bruit du danger imminent qu ' il court se repand : son fils ainé court à Versailles; il demande ~ux d~putes la vie de son père ... Mais que pou_va tent-tls a lo rs? Dispersés. parce qu 'o n arrangeait la sa lle. ils n'avaien t point de lieu d 'asse mb lée! ...
Ce fut .le jour même de la mort de son beau-père, que Bertter a r riva. li é tait huit heures et demie. Les agents du cannibal is me brisèrent les ais de sa chaise· ils en ôtèren t l'impérial... Qui faisait cela? éta ient-c~ d 'excellents ci toyens? Non, non! les excdlents citoyens g~missaient. timides. ~pouvantés; les ar is tocr~ tes .fre.mebo~ds .(furibo nds] c! taien t plus réjouis, qu a ttnstes de 1 exces du mal; ils espéraient encore le faire retomber sur le peuple ...
Le long de la rue Sain t-Martin, de jeunes et jolies femmes c r ia ient des fenêtres ... • Pecdez! pendez!. .. Au réverbère ! •. Insensées!. .. car dans ce moment horrible . un malheureux en guenilles pr~sente à Bertier
. la tête enfo urchée de so n beau-père! ... et une de ces ;mêmes femmes , qui venait de crier • Au réverbère! • · ~'évanoui t ; une autre avorta; une troisième mouru~ [çle sais issement... Je le dis, à l' honneur de l'humanité }a tête de Foulon s'immola plus de dix in fe ries. d~ , moment qu 'o n l'eut présentée à son gendre ... · E t ce~ndant . il ne la vit pas, l'infortuné! Accablé quoiqu ' il ne se dou tà t pas du sort qui l'a ttendait. il avançai t la tète penchée. et les veux fe rmés ...
Il arrive à l'Hôtel-de-V ille.· .. A présent, je s ui s témo in oculaire ... On l'interroge. Il répond qu'i l n'est coupable de rien ; qu'il a e ~écute les ordres ... On l'interrompt.. . li observe qu'il y a quatre nu its q u'i l n'a reposé : il prie qu'on remette au lendemain. On lui di~ q u'il ~:a ~ tre conduit à I'Abb::~ye . Au bout de sep t m tnutes, d de-;cend de la ~· ille . Au mil ieu des degres , entendant des c ris de rage, il dit : • Que ce peuple est s ingulier. avec ses cris! • Au mème ins tant , il ajouta. en s'adressant à un grenadier au."t gardes : • Ils m 'effraient ! mon ami. ne m'abandonne7. pas! • Le grenadier le lui promit.. . Fu t-ce ironiquement?
Arrivé sur le perron, un groupe. composé au plus de trente personnes , se jette sur la g:~rde qui conduisa it le prisonnier, l'écarte ; o n le saisi t, l'entraîne, le frappe. Un poli.sson de quinze ans, à califourchon sur la barre du réverbère, l'attendait. Je vovais secouer la corde ... Je puis protester ici, que les- cris de mort n 'étaient poussés, avec affectat ion, que par cinq ou six personnes; q u 'envi ron trente polissons en guenilles les répétaient, avec le rire de l'atropolissonnerie, mais non de la fureur. On m'a dit, mais je ne l'ai pas
· vu, que ce fut une croi:< de Saint-Louis. qui mit le premier la main sur l'intendant. Peut-être le ruban pour cocarde à la boutonnière ~-t-il trompé ...
Parvenu au fatal réverbère, Bertier, qui vo it enfin la mort , s 'écrie: • Les traîtres ! • U se défend: il se bat avec ses bourreau."t. .. On lui passe le nœud coulant : on l'enlève. De sa main, il veut soutenir le poids de son corps. Un so ldat va pour lui c:Ouper la main, et coupe la corde .. . La victime tombe, e t se jette à la joue d'un bourreau, qu'elle déchire ... On le hisse c:nco re. Mais la corde ayant cassé une seconde fois, on le massacre au pied du réverbère, on l'éventre, et on lui coupe la tête ...
Je m 'arrête sur tous ces détails, que je ne vis pas, quoique présent. On pendait Bertier, on lui coupait la tête, o n agitai t la corde, que je le croyais encore à l'Hôtel-de-V ille ... Tout à coup. je vois sa tête défigurée ... Je fuis épouvan té ...
r 0 Grands! 0 vous tous. qui n'étant que des hom
mes, vous crûtes des dieu.~! considérez le sort affreu., de Bertier, de Foulon, de Flesselles, de de l..aunav, et des autres infortunés qui périrent à la Bastill~. et
., .... trem blez! Erudimini, qui judicatis terram•!... Et vous , ô mes concitoyens , cons idérez avec horreur ces acte~ bar.b~res . que leur utilité même ne justifie-pas! la ,necessite seule les pou rrait excuse r. Mais furent-il s néce<sain:s ? C'es t ce que je n'ose décider ... ~e courus a u Palais- Ro~·al. <!ntra iné par un autre,
qu1 m 'acco mpagnait. Un devin nous y avai t précédés ; car on '! savait déjà tous les détails de la mort de Bert ie r . et l'on y a nnonçai t sa tête. Nous nous éloignâmes, pour ne pas la revoir encore, et nous primes la rue Da uphine. redou tant les quais, chemin de ~rèv~. A~ carrefour Bussi, mo n homme me quitta . et J: p ns securement la rue Saint-André. J'avançais. la
: te te basse, profondément enseveli dans mes pensées, ; lo r sque vis-à-vis la rue de I' Ëperon, je me trouvai au
milieu de ces vingt-quatre polissons, que j'avais vus à ~la Grève : ils formaient une fourche, et tira ient une ~corde, at tachée a ux deux pieds d'un tronc. .. privé de
i tète. li~ cr!aient : c Voilà l'intendant de Paris ! • Je broussa1 fnssonnant, pour ne pas fouler a u:< pieds cadavre ensanglanté. Je ne vis que le dos. On
sure que la poitrine était ouverte, et que le cœur en
lait~ tiré. Trois femmes moururent de saisissement d'horreur, dans la rue Saint-André. Pour moi, je ne u vais m 'ô ter de devant les yeux le cadavre, que vais é té fo rcé de regarder. pour ne le fouler pas .. . voyais ses mains traînan tes ... sa livide pâleur .. .
Arrivé chez moi, je me trou vai mal... et mes enfants A urent obligés de me veiller ... ~ Ah! que je suis lo in d'approuver le ton de ces scélé-1\'rats qui. le lendemain, firent des récits plaisants de Na mor! de Bert ier! Je cherche, moi. à creuser l'imt Press ion d'horreur. Je suis excellent patriote : mais r1e me dis : c Si ce furent des victimes néœssair.es au 'bonheur public. consacrons-les, et ne les avilissons ~as!.
( .... ) ·-D'autres racontent d ifféremment la fin de M. Ber
lier , que j'ai rapportée plus haut, conformément au.'t récits publics. Je vais parler d 'après un témoin sûr.
L'intendant de P. avait p ri s des blés au compte du gouvernem en t, et les avai t distribués dans les provinces, sur les bons des subdélégués, et des autres sousadm inis trateurs. Pressé de rendre ses comptes. il ramassai t tous ces différents bons. li se ressou vint . à Soi ssons. où il était chez Mme de Bla ssac. sa fille , qu'il avai! un bon de quarante~inq mille livres à prendre à Compiègne. Il ~·ou l ut s'y rendre. malgré les représentations e t les priàes de so n gendre et de sa fille : cette dernière emb rassa ses genou.~. li partit a.:compagné d 'un domestique affidé. Arrivé à Corn· piègne. il déjeuna chez le subdélégué. et ~oulut a llet au châ tea u . voir un sieur Thie r rv . valet de chambn d u ro i : l'épouse du s ubdélégué IÙ i prit le bras. Il s s• rendirent a u chàteau. Thierry était parti du matir même. L'intendant s'en revenai t avec la dame, quan< il fut r econnu par un garde-barrière. Cet homme lu demanda s 'il n 'était pas l' in tendant? • Oui ! Eh bier qu '<!n est-i l ? - Je ~·ous a r rête. - De quel dro it - Je vous a r rête. • La d iscussion fa it amasser d1 monde : l'intendant, arrêté, es t conduit dans la ma· son la plus prochaine, chez un menuisier. On l' garda. pendant qu 'on envoyait à Paris . li passa cleu jours e t deux nuits dans les souffrances, les avanie: l'insomnie complète. On alla jusqu'à lui refuser d panser son cautère : o n manda un chirurgien. Ceper dant il avait laissé so n portefeuille dans sa chaise. 0
· y songea au bout de trois heures. On y courut. Ma: le d o mestique intell igent étai t disparu avec le port
~ feuille. et s'en retournait à Soissons à travet • çhamps. li y arriva sans être arrêté. Là, on ouvrit ! portefeuille. Un témoin ocu laire assure qu'il ne s · trouva qu'une somme en or, et pour quarante-cir
mille de ces bons, que !'intendant recueillait, lonqu fut a rrêté.
Le reste es t confo rme à la première ve_rsion.
•
. Cinq jours après le voyage du roi à Paris, le départ des trou-
pes et l'éloignement des princes et des grands, dont l'influencesemblait inquiéter le peuple, un attentat horrible, commis par des assassins soudoyés, prouv.a que le roi avait descendu les degrés de son trône, sans avoir obtenu de récOnciliation avecson peuple.
M. Foulon, adjoint au ministère pendant que M. de Broglie. commandait l'armée réunie à Versailles, s'était caché à Viry. Il y fut reconnu; les paysans l'arrêtèrent, et le trainèrentjusqu'à l'hôtel de ville. Le cri de mort s'y fit_ entendre; les électeurs, les membres du comité, i\I. de la Fayette, alors l'idole
• de Paris, voulurent inutilement sauver cet infortuné. Après un. supplice dont les détails font frémir, son corps fut traîné dans les rues et jusqu'au Palais-Royal, et son cœur porté, le dirai-je? par des femmes ...... au milieu d'un bouquet d'œillets blancs'·
Le gendre de l\1: Foulon, ill. Berthier , intendant de Paris , fut arrêté à Compiègne en même temps que son beau-père le fut à Viry, et traité avec une cruauté encore plus persévérante.
La ·reine-a toujours été convaincue que quelque indiscrétion avait occasionné cet horrible attentat; elle me-confia alors que 1\l. Foulon avait fait deux mémoires pour diriger la conduite· du roi , à l'instant où il avait été appelé à la cour, lors du départ de M. Neeker; que ces mémoires contenaient deux plans tout ·à fait opposés pour tirer le roi de la crise affreuse où il se trou.' Yait. Dans le premier ue ces plans' i\1. Foulon s'exprimait hautement sur les vues criminelles du duc d'Orléans; disait qu'il fallait .le .faire arrêter, et .se hâter de profiter du temps où les tribm~aux existaient encore pour lui faire son procès; il indi· quait aussi les députés qu'on devait arr~ter en même temps, et -œnseiilait au roi de ne se point séparer de son armée tant quel'ordre ne serait pas rétabli.
·Son antre plan tendait à ce que le roi s'emparât de la révolu.tion avant son explosion totale; il lui conseillait de se rendre à l'Assemblée, d'y demander lui-même les cahiers, de faire les
. plus grands sacrifices pour satisfaire les véritables vœux du peu· ple , et ne pas donner aux factieux le temps de les faire tourner à l'avantage de leurs criminels desseins. i\fadame Adélaïde se fit lire ces deux mémoires par i'r!. t'oulon, en présence de quatre -on cinq personnes. Une d'elles était très·liée avec madame de -Staël •, et c'était cette liaison qui donnait lieu de croire à la reine -qu~ Je . parti contraire avait eu connaissance des mémoires de
' . M.-Foulon. ; On sait que le jeune Barnave, dans un cruel égarement · d'esprit, expié quelque temps après par un sincère repentir et même par sa mort, prononça_ ces mots atroces : Le sang
' qui coule est-il donc si pur 1 lorsque le fils de M. Berthier vint à l'Assemblée implorer l'éloquence et la piété filiale de M. de Lally pour lui demander de sauver la vie de son père. J'ai sn, depuis, qu'un fils de l\1. Fo.ulon, rentré en France, après ces premières crises de la révolution, voulut \'Oir Barnave , et lui remit celui des deux mémoires dans lequel 1\1. Foulon avait
· conseillé à Louis XVI de prévenir l'explosion révolutionnaire, ·~ en accordant, de sa propre volonté, tout ce que l'Assemblée de·,~ mandait avant l'époque du 14 juillet. c Lisez ce mémoire, je t,· 'i'Otls l'ai apporté pour ajouter à vos remords; c'est la seule ven· ... .'· geance que je venille tirer de vous. • Barnave fondit en larmes, ~ ~t ~ui dit tout ce qae la plus profonde douleur pat lui inspirer.
:t .. •
1 Cette horrible dreol1rtaDee ae· ae il faut le croire da moloe poa..r l'boooea..r tl'o11'fe rapporûe qa'lel. Aacaa lûetorieo, de l 'bollli Dit~. aueaoe relation da tempe o' eo tait meu- (Sole de l'idittur. ) t1oa. 11 cu probahleque r~ fait ut faax:
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LETTRE A SA FEMME
Paris, le fwdi 25 juillet r789.
Je ne sais par où commencer en t'écrivant, ma pauvre femme ; il n'est pas possible d'être ici, et d'y avoir des idées nettes, tant l'âme y est agitée. Tout autour de moi tst au renverse~ent et dalls une telle fermentation, que, même quand on est témoin de ce qui se passe, c'est à n'en pas croire ses yeu:t. Bref, je ne puis que te rendre en gros t~ut ce que j'ai vn et entendu. A ~on arri~. on ne s'entretenait que d'une conspiration dont M. le comte
... . d~Artois· et d'autres princes étaient les chefs •. n ne s'agissait -·. rien moins pour eu:t que de faire e:rterminer une grande partie .. de la population parisienne, et de réd~re ensuite à la condition ·. d'esclaves, tout ce qui dalls la Frallce entière n'aurait échappé
au massacre qu'en se mettant humblemeut à la disposition des nobles, en tendant, sans murmurer, les mains aux fers préparés
if_@èS~~s:' ·si· Paris n'eut "pas ·.~écon~· a: temps · cet}ufreiu: .
~§T.,W~fè'en· était fait ; jamais. ~e .pl~;IS. épouvan~~~~.n~.a~~~~ ~1éttFci:insommé. Aussi n'a-t-on pu songer· qu~à tüer une éclatante : ~~{-i~~~·. de cette per!idie do~t· il ·n•y à pa~ d'éxemple. :.?~ri~~ .(~:l'histoire ; on s'y est résolu et l'on n'épargnera ni les ·auteuriÏ. ;,1'.prlncipàux de la conjm·ation, ni leurs adhérents: Les e;éci.itioris:' Wfoot ·c;;~en'c( sâns épuiser un trop juste ressentiment. La fureur : ~0' du peuple est loin d'être apaisée par la mort du gouverneur de la
Bastille et la démolition de cette infernale prison, par la mort du prévôt des marchands, par le pardon que Louis XVI est venu
'c implorer de ses sujets, par le rappel de M. Necker et des autres 3Jlciens ministres, par Je renvoi des nouveaux régiments et des troupes; il lui faut bien d'autres expiations. On veut encore, ..
. dit-on, voir tomber une trentaine de têtes coupables. M. Foulon · · qui devait remplacer M. Necker, et qui, s'étant fait passer pour . mort il y a quatre jours, avait fait enterrer une bûche à sa place, ··. ce 1L Foulon a été arrêté hier, conduit à l 'Hôtel de ville et pendu ... au moment où il en descendait. Son corps a été traîné dans les rues
de Paris, puis déchiré en morceaux, et sa t ète promenée ~u bout . d'une pique, a · été portée au faubourg Saint-Martin, pour y
attendre et précéder le gendre de M. Foulon, M. Bertier de Sauvigny, intendant de Paris, qu'on amenait de Compiègne, où il avait été arrêté, et qui doit subir aujourd'hui Je même sort que son beau-père. J'ai vu passer cette t ête du beau-père, et le gendre arrivant derrière sous la conduite de plus de mille homm~s armés ; il a fait ainsi, exposé aux regards du public, t out .le long trajet du faubourg et de la rue Saint -Martin , au milieu de deux cent mille s~ctateurs qui l'apostrophaie;It et se réjouissai&t avec les tmupes de l'escorte, qu'animait le bruit du tambour .. Oh 1 que cette joie me faisait mal 1 J'étais tout à la fois sa tis- .
\ fait et mécontent; je disais tant mieux et tant pis 1. Je com;'::·prends que le peuple se fasse justice, j'approuve cette justice.. ·_. lorsqu'elle est satisfaite par l'anéantissement des coupables, mais ; :~ poùrrait-clle aujourd'hui n'êt.-e pas cruelle ? Les supplices de ._.,., . . !!t' tons genres, l'écarlellement, la torture, la roue, les bûchers, le ~> fouet, les gibets, les bourreaux multipliés partout, nous ont fait ~· de si mauvaises mœurs 1 Les maîtres , au lieu de nous policer, ,.,. nous ont rendus barbares, parce qu'ils Je sont eux-mêmes. Ils : · récoltent et récolteront ce qu'ils ont semé, car tout cela, ma · ·pauvre femme, aura à ce qu 'il parait, àes suites terribles : nous
ne sommes qu 'au début. Tu peux faire lire ce détail; à présent la Nation est libre et
chacun dit par écrit ce qu'il veut. ( , . . ·)
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&
mêm
e plus cr;core,
no
us faire m
ang
er de l'herbe. Il d
l n
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heu
reux
qu~un autli beau p
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inif·tralio
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reçtre, di~-on, avec ho
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eu
r, &
l'a mêm
e
baifée en
riant.
Pen
dan
t qu
e la tête VO
}':agcoit, &
qu
e
r -· ! '
( 6 ) l'intendant arrivoit ~ la v
ille, le corps dé F
oulon, a été ou
ven
; ·on
lui a coupé les
parties, arraché le cœu
r &
les entrailles; ·puis o
n l'a ainft traîné dans· le
ruilf~au , dan~ la place de G
reve &
dans-diff6rens
quartiers de la ville.
. E
(l enfuite arrivé M. B
erthier de Sauvi .. '
. .
' gny, accom
pagné d'un ·de nos életleurs 1 ~.ls étoicnt en cabriolet.,
&
fui vis d'u
ne
garde nombreufe de lél garde bourgeoife &
au
tres, qui étoiem partis·po\lr l'aller cher
~~ler à Com
piegne.
. O
n a rem
arqué que ce vénérablé inten
d
ant avoit un air riant ; com
me il ne d
evoit pas être étonné du fort que fon bea~p
ere)& lui avoient m
érité, & à quoi il fe
réfignoit; mais~ plutôt à qu~i. ne s"auen.:.
(]oit pas un intèndant de Pari~. L'hi~oi~o
n_e nous offre! que peu d'exemples de fem
-~lables jufiiciés.
: M
onté à l'hÔtel-de-ville, fon procès fut
·.bientôt lnllru
it; il étoit fait d."ayance~ Là,
•• J
, •
. •
. il fe uo
uy
a mal , offrit quelques
mill~ons · 'pot:r ~voir fa grace, .à li effet. de
· r~fiiiuor
llll
.--.-----
·--·--·
·· -
-1
. ( 1
/ (
7 )
une petite partie de ce qu'il a volé pendant fil
vie. Cen
e offre fut vainc. Il demanda
~nfuitc une limonade, qu"on lui d
on
qa;&
qu'il. p
rit; .le tout a été très.ponauel ,
&
jamais jufiice
n'a cté
miet_JX rendue, &
fur-tout 1 fi peu de frais.
Conduit à la potence de la lan
terne,
:0près avoir reçu dans l.a brcve courfe une quantité de bourrades &
de vex3tions,. on
l'accroçha, m
aniere de parler·; .on le pendir • . A
fpn beau~ ~ere la corde a voit caffé; au
.çh~r g~ndre c~ fut la poulie • M
ais, pou~ ne pas perdre de tem
ps, o
n· rétt:an&
hl ; ptÛs ' com
me .à.l'cx-adm
inifua .. teu
r, on
lui trancha la .tête .d'une maniere
fort refpeaueufe ; on lui arracha le cœur
& les·entrailles, la tête alla prom
ener d'un côté &
le corps d
'un
autre; c'ell la
prem
iere fois
que ces deux intim
es parties
s' étoient féparées l'une de l'autre. L
e corps a été, comm
e le premier, traîné
ave~ acdamation dans les rui(feaux &
dan5 les tas de boue. des rues &
des marchés •
En voyaot è~s dégoûtans refies, je m
c
, r i ., .! '1 =tl
~il ;
Il .1
( 8
) difois: Q
ui cro
irait qu
e ces corp
s, main..;
tenan
t ht)rnblt!s , o
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t de fois bai-
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on
nêres g
ens,
&
fait fouffrir un ft grand n
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e malheureux. Q
uelle leço
n pour les
gens en p
lace! combien
le~
fourbes doivent frémir! c'cfi en vain qu'ils
cherch
eron
t à pren
dre la
fuile; la ju
flice
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ermet pas <lu'ils pulffent éch
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e le devenir. Ainfi foit-il.
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orres, fe font fai(i do fa
perfonnc , l..?x.
l'on~ amen
é à ·re .Ville ;· p
ar dérilion , . ils lui a voient atta.ché .derriere
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L~tte de foir. , & fur le devarit uuc
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de ~hard on. Münr.é à ·ra ''111e, 'I'Airéffil>f~e:.
p~rbfalléi\fe a iii!;é qu'Il tlevoic_ ~~ C_?!l~Jiit/ à l'A
bbaye Sainr-G
rrmain, pour fon procès
lui -êne,tàit. & . P''\fair· par des Jug~~ ~0f(\~
·pétens .. ~trte ù~cifio.n ··~·a.;_pa_s f~ti~faü le peuple, qui dl: m
onté è~ foule' à l:tiÂrel
{lé-ViO
c ,'a oënia•l'<fé t.: ~Ôrt.là) gr~tld~~~ris, &
qu'on le jugear fur l'heure.
· · · . .' · L
e Pe.uple
lui-mêm
e ~. nom !fié
fept ).u.g~s qu~ lui o.nt fa1t fory·' pro·c~s 'fommà{..: ~ement 1 ~
-l'~nt con.~<1m!~.~: à .. ê~re î?en~·tl ~ on' l'a defcendu
de l'H
.otçl-de-Vil~e 2 ori l'a ~~tad1é ·par
le col '·à l-Ia torde <fun
;é~e;he~c, on l'a t'iré ~n· \~a'ir '!& l'a. c~n.l'è
· ~ -~~~ë.; o.n a _r~-~c~·~-~?.~é! l.a r.~f~~.t·~~
l'on a recoriunrncé à le pen~ re; )a· corc'e ~ -~;[é' uue fcconde
1 foi~;_· ·~n •'ç{\' all~'~ilcr~ €:her u~e, ç~;de
i1euve ; ' ~n ·~~~~~-~ft mQnté fur·. Îa. 'p~tÇ~l~e ·'dl:l :..~~ve.~fie_~é-; a
· p~iti ia ·,ep;dc 'dâ~,~~~~~:.p~~He'. ~l~-~_ïit~ ..
, .
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... ~.
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pynd\1 p~Hlf. la tr9i~~J1le .f~is. .· .. . ..
. · .
-:ro~J,t~è~j"~~riP.~re~.l'ae'_q}~f-C 3 \Id~~~ ttoi~
. 9~~r~~~~,~l!e~~~: ~~~p~~;1§fï~[·~n .~~~~!~~f~~ le cadavre , on TUl a coupé la t~te , ou a
(( •.1 )) a~~o\JUt~ te: éorps qtii ·a ·ëtt! ~lrih1~ :aélrrs -~res Hfèr~ &
~delà à ·la Morgue. &
a, rhrè ·k~~ prciihél'iée. dà'ns là V
ille; rtfu·: b'O\tt · d"unt
p~qrle. ~11 :avoir dit';[tmver\!·r~o~ ., .,.lliüM
qu'il fût ContrA
lenr G~t1é/til;Je~JFirHthÇét penda"' vingt·quatre heures, il lui étoit indifférent de mouri~ après : fes fouhait~ ont été accom
plis. ' M
. D
enier , Intendant de
Paris , eft: arrivé , à neuf heures du foir, à la G
rève, j)récédé de
8op homm
es à cheval , dont
l'un port oit la tête de Foulon. Il était dan5 un
cJbriolet découvert, accompagné d'un
Elctleur. U
ne demi-he\lre après fon entrée
à la Ville, il a lté livré
au peuple qui l'a fufpendu -~ la m
ême potence oit fon
beau .. j)~re :venoit d'être exécuré. Il fem
bloit que la conform
ité du crime dem
andât celle du fuppli~:; car la farale
corde s'cll égale-nlcnt
caffée deux
fois ; m
ais le
peupl-e
impatk.nt n'a_p~ fC?.~-f!"~.rt ~
~~
-~~. p~ndit tff\~ltttJifteme.
1U:f~ll èA\prt1fé ·à lui ~
péè
1a têrë {îes~i1·~nlbr~Mi~d1itfi'~ié\! na!-
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'illiiiii';;;··~·;;:--:o"--------.----.,-------,.------ - ·----- ..
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