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  • TUDES8UR

    LEONAIIII DE VINCIl'A H

    Pierre DUHEMCORRESPONDANT DE L'iNSTITUT DE FRANCE

    PROFESSEUR A LA FACULT DES SCIENCES DE BORDEAUX

    TROISIME SRIE

    LES PRCURSEURS PARISIENSDE GALILE

    PARIS

    LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE A. HERMANN ET FILSLibraires de S. M. le Roi de Sude.

    G, RUE DE LA SORBONNE, 6

    I 9 l3

  • Si 03

  • *::

  • TUDESSUR

    LEONARD IIE VINCIPAR

    Pierre DUHEMCORRESPONDANT DE L'iNSTITUT DE FRANCE

    PROFESSEUR A LA FACULT DES SCIENCES DE BORDEAUX

    TROISIME SRIE

    LES PRCURSEURS PARISIENSDE GALILE

    PARISLIBRAIRIE SCIENTIFIQUE A. HERMANN ET FILS

    Libraires de S. M. le Roi de Sude.

    6, RUE DE LA SORBONNE, 6

    I9l3

  • & touQU

    JUN 1 1 labS

    g/ O 3

  • A. M. G.

    MECHANICAE NOSTRAE SCIENTIAE

    VERE GENITRICIS,

    FACULTATIS ARTIUM

    QUAE IN

    UNIVERSITATE PARISIENSI

    XIY SAECULO FLOREBAT

  • PREFACE

    A la troisime srie de nos tudes sur Lonard de Vinci, nousdonnons un sous-titre: Les prcurseurs parisiens de Galile. Cesous-titre annonce l'ide dont nos prcdentes tudes avaient

    dj dcouvert quelques aspects et que nos recherches nou-velles mettent en pleine lumire. La Science mcaniqueinaugure par Galile, par ses mules, par ses disciples, lesBaliani, les Torricelli, les Descartes, les Beeckman, lesGassendi, n'est pas une cration; l'intelligence moderne nel'a pas produite de prime saut et de toutes pices ds quela lecture d'Archimde lui eut rvl l'art d'appliquer laGomtrie aux effets naturels. L'habilet mathmatique acquisedans le commerce des gomtres de l'Antiquit, Galile et sescontemporains en ont us pour prciser et dvelopper uneScience mcanique dont le Moyen-Age chrtien avait pos lesprincipes et formul les propositions les plus essentielles.Cette Mcanique, les physiciens qui enseignaient, au xiv e

    sicle, l'Universit de Paris l'avaient conue en pre-

    nant l'observation pour guide ; ils l'avaient substitue la

    Dynamique d'Aristote, convaincue d'impuissance sauverles phnomnes . Au temps de la Renaissance, l'archasmesuperstitieux, o se complaisaient galement le bel esprit desHumanistes et la routine averroste d'une Scolastique rtro-grade, repoussa cette doctrine des Modernes . La ractionfut puissante, particulirement en Italie, contre la Dynamique

    . U 5

  • VI PRFACE

    des Parisiens , en faveur de l'inadmissible Dynamique duStagirite. Mais, en dpit de cette rsistance ttue, la tradi-

    tion parisienne trouva, hors des coles aussi bien que dans

    les Universits, des matres et des savants pour la maintenir

    et la dvelopper. C'est de cette tradition parisienne que

    Galile et ses mules furent les hritiers. Lorsque nous voyonsla science d'un Galile triompher du Pripattisme but d'unGremonini, nous croyons, mal informs de l'histoire de lapense humaine, que nous assistons la victoire de la jeuneScience moderne sur la Philosophie mdivale, obstine dansson psittacisme ; en vrit, nous contemplons le triomphe,longuement prpar, de la science qui est ne Paris auxive sicle sur les doctrines d'Aristote et d'Averros, remises en

    honneur par la Renaissance italienne.Nul mouvement ne peut durer s'il n'est entretenu par

    l'action continuelle d'une puissance motrice, directement etimmdiatement applique au mobile. Tel est l'axiome surlequel repose toute la Dynamique d'Aristote.

    Conformment ce principe, le Stagirite veut, la flchequi continue de voler aprs avoir quitt l'arc, appliquer unepuissance motrice qui la transporte ; cette puissance, il la croittrouver en l'air branl; c'est l'air, frapp par la main oupar la machine balistique, qui soutient et entrane le pro-jectile.

    Cette hypothse, qui nous semble pousser l'invraisemblancejusqu'au ridicule, parait avoir t admise presque l'unanimitpar les physiciens de l'Antiquit ; un seul d'entre eux s'estclairement prononc contre elle, et celui-l, que le temps placeaux dernires annes de la Philosophie grecque, se trouve, parsa foi chrtienne, presque spar de cette Philosophie; nousavons nomm Jean d'Alexandrie, surnomm Philopon. Aprsavoir montr ce qu'a d'inadmissible la thorie pripatticiennedu mouvement des projectiles, Jean Philopon dclare que laflche continue de se mouvoir sans qu'aucun moteur lui soitappliqu, parce que la corde de Parc y a engendr une nergiequi joue le rle de vertu motrice.

    Les derniers penseurs de la Grce, les philosophes arabes

  • PRFACE Vil

    n'ont mme pas accord une mention ; la doctrine de ce Jeanle Chrtien pour qui an Simplicius ou an \verroes n'ont euque des sarcasmes. Le Moyen Age chrtien, pris par L'admiration nave (pic lui inspira la Science pripatticienne lorsqu'elle

    lui fut rvle, partagea d'abord, L'gard de L'hypothse de

    Philopon, le ddain des commentateurs grecs et arabes; saint

    Thomas d'Aquin ne la mentionne que pour mettre en gardecontre elle ceux qu'elle pourrait sduire.

    Mais la suite des condamnations portes, en 1277, parl'vque de Paris, Etienne empier, contre une foule de thsesque soutenaient Aristote et ceux de sa suite, voici qu'un

    grand mouvement se dessine, qui va librer la pense chr-tienne du joug du Pripattisme et du Noplatonisme, et pro-duire ce que l'archasme de la Renaissance appellera la Sciencedes Modernes.

    Guillaume d'Ockam attaque, avec sa vivacit coutumire,la thorie du mouvement des projectiles propose par Aristote

    ;

    il se contente, d'ailleurs, de dtruire sans rien difier; maisses critiques remettent en honneur, auprs de certains disciplesde Duns Scot, la doctrine de Jean Philopon ; Ynergie, la vertumotrice dont celui-ci avait parl, reparait sous le nom d'impetus.

    Cette hypothse de Yimpetus, imprim dans le projectile par lamain ou par la machine qui l'a lanc, un matre sculier dela Facult des Arts de Paris, un physicien de gnie, s'en

    empare; Jean Buridan la prend, vers le milieu du xiv e sicle,pour fondement d'une Dynamique avec laquelle s'accordenttous les phnomnes

    .

    Le rle que Yimpetus joue, en cette Dynamique de Buridan,c'est trs exactement celui que Galile attribuera Yimpeto ou

    momento. Descartes la quantit de mouvement, Leibniz enfin

    la force vive; si exacte est cette correspondance que pourexposer, en ses Leons Acadmiques, la Dynamique de Galile,Torricelli reprendra souvent les raisonnements et presque lesparoles de Buridan.

    Cet impetus, qui demeurerait sans changement, au sein duprojectile, s'il n'tait incessamment dtruit par la rsistancedu milieu et par l'action de la pesanteur, contraire au mouve-

  • VIII PREFACE

    ment, cet impetus, disons-nous, Buridan le prend, vitessegale, comme proportionnel la quantit de matire premire

    que le corps renferme; cette quantit, il la conoit et la dcrit

    en des termes presque identiques ceux dont usera NeAvton

    pour dfinir la masse, A masse gale, Yimpetus est d'autant

    plus grand que la vitesse est plus grande; prudemment,Buridan s'abstient de prciser davantage la relation qui existeentre la grandeur de Yimpetus et celle de la vitesse; plus oss,Galile et Descartes admettront que cette relation se rduit

    la proportionnalit; ils obtiendront ainsi de Yimpeto, de la

    quantit de mouvement, une valuation errone que Leibnizdevra rectifier.

    Gomme la rsistance du milieu, la gravit attnue sans cesseet finit par anantir Yimpetus d'un mobile que l'on a lanc versle haut, parce qu'un tel mouvement est contraire la ten-dance naturelle de cette gravit; mais dans un mobile quitombe, le mouvement est conforme la tendance de la gra-vit; aussi Yimpetus doit-il aller sans cesse en augmentant et

    la vitesse, au cours du mouvement, doit crotre constamment.Telle est, au gr de Buridan, l'explication de l'acclration quel'on observe en la chute d'un grave, acclration que la

    science d'Aristote connaissait dj, mais dont les commenta-teurs hellnes, arabes ou chrtiens du Stagirite avaient donnd'inacceptables raisons.

    Cette Dynamique expose par Jean Buridan prsente d'unemanire purement qualitative, mais toujours exacte, les vritsque les notions de force vive et de travail nous permettent de

    formuler en langage quantitatif.

    Le philosophe de Bthune n'est pas seul professer cetteDynamique; ses disciples les plus brillants, les Albert de Saxe,et les Nicole Oresme, l'adoptent et l'enseignent; les crits

    franais d'Oresme la font connatre mme ceux qui ne sontpas clercs.

    Lorsque aucun milieu rsistant, lorsque aucune tendancenaturelle analogue la gravit ne s'oppose au mouvement,Yimpetus garde une intensit invariable ; le mobile auquel ona communiqu un mouvement de translation ou de rotation

  • PRFACE II

    continue indfiniment se mouvoir avec une vitesse invariable. C'csi sous cette forme que la Loi d'inertie se prsente l'esprit de Buridan ; c'est sous cette mme forme qu'elle seraencore reue de (ialile.

    De cette loi d'inertie, Buridan tire un corollaire dont il nous

    faut maintenant admirer la nouveaut.Si les orbes clestes se meuvent ternellement avec une

    vitesse constante, c'est, selon l'axiome de la Dynamique d'Aris-tote, que chacun d'eux est soumis un moteur ternel et depuissance immuable; la philosophie du Stagirite requiertqu'un tel moteur soit une intelligence spare de la matire.

    L'tude des intelligences motrices des orbes clestes n'est pas

    seulement le couronnement de la Mtaphysique pripatti-cienne; elle est la doctrine centrale autour de laquelle tour-

    nent toutes les Mtaphysiques noplatoniciennes des Hellneset des Arabes, et les Scolastiques du xiii sicle n'hsitent pas recevoir, en leurs systmes chrtiens, cet hritage des tho-logies paennes.

    Or, voici que Buridan a l'audace d'crire ces lignes : Ds la cration du monde, Dieu a m les cieux de mouve-

    ments identiques ceux dont ils se meuvent actuellement;il leur a imprim alors des impetus par lesquels ils continuent tre mus uniformment; ces impetus, en effet, ne rencon-trant aucune rsistance qui leur soit contraire, ne sont jamaisni dtruits ni affaiblis... Selon cette imagination, il n'est pas

    ncessaire de poser l'existence d'intelligences qui meuvent les

    corps clestes d'une manire approprie. Cette pense, Buridan l'nonce en diverses circonstances

    ;

    Albert de Saxe l'expose son tour; et Nicole Oresme, pour la

    formuler, trouve cette comparaison : Except la violence,c'est aucunement semblable quand un homme a fait unehorloge, et le lesse aller et estre meu par soy.

    Si l'on voulait, par une ligne prcise, sparer le rgne de laScience antique du rgne de la Science moderne, il la faudraittracer, croyons-nous, l'instant o Jean Buridan a conu cettethorie, l'instant o l'on a cess de regarderies astres commemus par des tres divins, o l'on a admis que les mouvements

  • PREFACE

    clestes et les mouvements sublunaires dpendaient d'unemme Mcanique.

    Cette Mcanique, la fois cleste et terrestre, laquelleNewton devait donner la forme que nous admirons aujourd'hui,la voici, d'ailleurs, qui, ds le xrv e sicle, tente de se constituer.

    Durant tout ce sicle, les tmoignages de Franois de Meyronneset d'Albert de Saxe nous l'apprennent, il se trouva des physi-

    ciens pour soutenir qu'en supposant la terre mobile et le cieldes toiles fixes immobile, on construisait un systme astro-nomique plus satisfaisant que celui o la terre est prive demouvement. De ces physiciens, Nicole Oresme dveloppe lesraisons avec une plnitude, une clart, une prcision que

    Copernic sera loin d'atteindre ; la terre, il attribue un impetusnaturel semblable celui que Buridan attribue aux orbesclestes; pour rendre compte de la chute verticale des graves,

    il admet que l'on doit composer cet impetus par lequel lemobile tourne autour de la terre avec Yimpetus engendr parla pesanteur. Le principe qu'il formule nettement, Copernicse bornera l'indiquer d'une manire obscure et GiordanoBruno le rpter; Galile usera de la Gomtrie pour en tirerles consquences, mais sans corriger la forme errone de la loid'inertie qui s'y trouve implique.Pendant que l'on fonde la Dynamique, on dcouvre peu

    peu les lois qui rgissent la chute des poids.

    En i368, Albert de Saxe propose ces deux hypothses:La vitesse de la chute est proportionnelle au temps coul

    depuis le dpart; la vitesse de la chute est propor-

    tionnelle au chemin parcouru. Entre ces deux lois, il nefait pas de choix. Le thologien Pierre ataret, qui enseigne Paris vers la fin du xv 6 sicle, reproduit textuellementce qu'avait dit Albert de Saxe. Grand lecteur d'Albert deSaxe, Lonard de Vinci, aprs avoir admis la seconde deces deux hypothses, se rallie la premire; mais il neparvient pas dcouvrir la loi des espaces parcourus par ungrave qui tombe; d'un raisonnement que Baliani reprendra,il conclut que les espaces parcourus en des laps de tempsgaux et successifs sont comme la srie des nombres entiers,

  • PRFAC1 XI

    tandis qu'ils sont, on vrit, comme la srie les nombiimpairs.

    On connaissait depuis Longtemps, cependant, la rgle qnipermet d'valuer l'espace parcouru, en un certain temps, par

    un mobile mu d'un mouvement uniformment varie; que cettergle ait t dcouverte Paris, au temps de Jean Buridan,ou Oxford, au temps de Swincshcad, elle se trouve clairementformule dans l'ouvrage o Nicole Oresmc pose les principesessentiels de la Gomtrie analytique; de plus, la dmonstrationqui sert l'y justifier est identique celle que donnera Galile.Du temps de Nicole Oresme celui de Lonard de Vinci,

    cette rgle ne fut nullement oublie; formule dans la plupartdes traits produits par la Dialectique pineuse d'Oxford, elle setrouve discute dans les nombreux commentaires dont ces traitsont t l'objet, au cours du xv e sicle, en Italie, puis dans lesdivers ouvrages de Physique composs, au dbut du xvie sicle,par la Scolastique parisienne.

    Aucun des traits dont nous venons dparier n'a, cependant,l'ide d'appliquer cette rgle la chute des corps. Cette ide,nous la rencontrons pour la premire fois dans les Questionssur la Physique d'Aristote, publies en i545 par DominiqueSoto. lve des Scolastiques parisiens, dont il a t l'hteet dont il adopte la plupart des thories physiques, le dominicainespagnol Soto admet que la chute d'un grave est uniformmentacclre, que l'ascension verticale d'un projectile est unifor-mment retarde, et pour calculer le chemin parcouru enchacun de ces deux mouvements, il use correctement de largle formule par Oresme. C'est dire qu'il connat les loisde la chute des corps dont on attribue la dcouverte Galile.Ces lois, d'ailleurs, il n'en revendique pas l'invention; bienplutt, il semble les donner comme vrits communmentreues; sans doute, elles taient couramment admises par lesmatres dont, Paris, Soto a suivi les leons. Ainsi, deGuillaume d'Ockam Dominique Soto, voyons-nous les phy-siciens de l'cole parisienne poser tous les fondements de laMcanique que dvelopperont Galile, ses contemporainset ses disciples.

  • XII PREFACE

    Parmi ceux qui, avant Galile, ont reu la tradition de laScolastique parisienne, il n'en est aucun qui mrite plus

    d'attention que Lonard de Vinci. Au temps o il vcut, l'Italieopposait une ferme rsistance la pntration de la Mcaniquedes Modrai, des J uniores ; l, parmi les matres desUniversits, ceux-l mmes qui penchaient vers les doctrinesterminalistes de Paris se bornaient reproduire, sous une

    forme abrge et parfois hsitante, les affirmations essentielles

    de cette Mcanique; ils taient bien loigns de lui faireproduire aucun des fruits dont elle tait la fleur.

    Lonard de Vinci, au contraire, ne s'est pas contentd'admettre les principes gnraux de la Dynamique del'impetus;ces principes, il les a mdits sans cesse et retourns en toutsens, les pressant, en quelque sorte, de donner les cons-quences qu'ils renfermaient. L'hypothse essentielle de cetteDynamique tait comme une premire forme de la loi de laforce vive; Lonard y aperoit l'ide de la conservationde l'nergie, et cette ide, il trouve, pour l'exprimer, des

    termes d'une prophtique clart. Entre deux lois de la chutedes corps, l'une exacte et l'autre inadmissible, Albert de Saxe

    avait laiss son lecteur en suspens; aprs quelques ttonne-

    ments que Galile connatra, lui aussi, Lonard sait fixer sonchoix sur la loi exaete; il l'tend avec bonheur la chuted'un poids le long d'un plan inclin. Par l'tude de Yimpeto

    compos, il tente, le premier, l'explication de la trajectoirecurviligne des projectiles, explication qui recevra son ach-vement de Galile et de Torricelli. Il entrevoit la correction

    qu'il conviendrait d'apporter la loi d'inertie nonce parBuridan et prpare l'uvre qu'accompliront Benedetti etDescartes.

    Sans doute, Lonard ne reconnat pas toujours toutes lesrichesses du trsor accumul par la Scolastique parisienne

    ;

    il en dlaisse quelques-unes dont l'emprunt et donn sadoctrine mcanique le plus heureux complment; il mconnatle rle que Yimpetus doit jouer dans l'explication de la chuteacclre des graves ; il ignore la rgle qui permet de calculerle chemin parcouru par un corps m de mouvement uniforme-

  • PR1 A M Mil

    ment acclr. Il n'en est pas moins vrai que ^ou* l'ensemble

    de sa Physique le mot au nombre de ceux que les Italiens d

  • XIV PREFACE

    veVfeble gardienne, en ce temps-l, de l'orthodoxie catholique,

    mena contre le paganisme pripatticien et noplatonicien.Gomment un chrtien n'en rendrait-il pas grce Dieu? i

    Les tudes qui vont suivre ont paru soit dans le BulletinItalien, soit dans le Bulletin Hispanique ; M. G. Radet, Doyende la Facult des Lettres de Bordeaux, nos collgues, M. E.Bouvy et M. G. Cirot, nous sommes redevable de. cette largehospitalit accorde nos recherches

    ;qu'ils daignent accueillir

    l'hommage de notre gratitude.

    Pierre DUHEM.

    Bordeaux, 2k Mai igi3.

  • XIII

    JEAN I BURIDAN (DE BTHUNE)ET

    LONARD DE VINCI

    P. IX HEM.

  • JKAN I MiltlDAN (DE BTHUNE)i.i

    LEONARD Di: VINCI

    Une date relative a Matre Albert de Swe.

    L'importance des crits scientifiques d'Albert de Saxe avait

    pass compltement inaperue, au cours des temps modernes,jusqu'au jour o Thurot, retraant l'histoire du principe d'Ar-chimde, fut amen la signaler 1 . A ce propos, le savantauteur mentionnait que la Bibliothque Nationale possde, sous

    le n 1/17 23 du fonds latin, une copie des Subtilissim quses-liones in llbros de Clo et Mundo composes par Albert; cettecopie, disait-il, est de l'an 1378. Sur la foi de Thurot, nous avions

    reproduit cette indication en l'lude que nous avons intitule :

    Albert de Saxe et Lonard de Vinci 2 . Or, nous Talions voir, cetteindication tait errone.

    L'Administration de la Bibliothque Nationale a bien vouluconfier pendant trois mois la Bibliothque Universitaire deBordeaux le manuscrit cit par Thurot; cette obligeance nousa permis d'examiner avec grand soin les pices contenues ence recueil ; c'est de cet examen que sont nes la prsente tudeet l'une de celles qui lui feront suite.

    Le manuscrit latin 1/4723 de la Bibliothque Nationale est unvolume pais; il contient prs de trois cents feuillets de fort

    1. Ch. Thurot, Recherches historiques sur le principe d'Archimde. 3 article {Revuearchologique, nouvelle srie, t. XIX; pp. 1 19-123).

    2. P. Duhem, Albert de Saxe et Lonard de Vinci, I (tudes sur Lonard de Vinci,ceux qu'il a lus et ceux qui l'ont lu, I

    ;premire srie, p. /).

  • 4 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    papier verg que couvre, sur deux colonnes, une criture semi-

    cursive du xve sicle, souvent trs fine, et o les ligaturesabondent; il est reli en parchemin vert, et sur le premier platsont frappes les armes de l'abbaye de Saint-Victor; il provient,

    en effet, du fonds Saint-Victor, o il figurait sous le n 712.Au recto du second feuillet, en bas, on retrouve les armes

    de l'abbaye de Saint-Victor avec cette devise : Ihs Maria

    S. Victor S. Auguslinus. Au-dessous, se lit cette indication :

    Tabulam hic contentorum reperies folio 270.

    En effet, le recto du folio 270 et dernier porte une sorte detable des matires dont voici la teneur :

    Que secuntur hic habentur, scilicet : Questioncs totius libri phisi-corum dite a Magistro Johanne Buridam. 2. Questiones super

    totum librum de celo et mundo composite a Magistro Alberto deSaxonia. 113. Questiones super trs primos libros melheororum

    et super majorem partem quarli a Magistro Jo. Buridam. 64. X scilicet tercii nec continuit B quiafrixata C. 269 et usque 272.

    Le manuscrit a, d'ailleurs, t mutil, de nouveau, depuis la

    rdaction de cette table, car les folios 260 269 ont disparu.

    Au folio 1 13, col. a, de ce manuscrit, commence, sans aucun

    titre, le texte mentionn par Thurot; au folio 162, col. b, cemme texte prend fin, et voici la formule qui le termine :

    Et sic cum Dei adjutorio finile suut questiones super totalemlibrum de celo et mundo per Magistrum Alberlum de Saxoniajuxta Ma que didicil a Magistris suis. Parisius in facultate arciumanno Domini MC eG eGLXVIIJ.

    C'est donc de l'anne i368 que ce texte est dat, et non pasde l'anne 1378, comme une faute de copie ou d'impression l'a

    fait dire Gh. Thurot.

    Mais quoi cette date se rapporte-t-elle? Est-ce, comme le

    pense Thurot, l'uvre du copiste? S'il en tait ainsi, lecopiste qui a achev, en i368, de transcrire les questionsd'Albert de Saxe, ne saurait tre celui auquel nous devons lemanuscrit conserv la Bibliothque Nationale. L'criture dece texte accuse nettement le xv e sicle, et une preuve encore

    plus convaincante nous contraint de faire descendre jusqu'cette poque la composition du recueil autrefois possd par

  • JEAN i muiDVN (DE iu'tiii m i il LONARD DE VINCI 5

    L'abbaye de Saint Victor; les trois pices

  • 6 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    De cette signature, il rsulte qu'Albert a rdig en i368 ses

    Qustiones in libros de Clo et Mundo et qu' cette poque, ilappartenait la Facult des Arts de l'Universit de Paris. Uneopinion trs rpandue identifie Albert de Helmstedt, surnommAlbert de Saxe, avec Albert de Ricmerstorp qui quitta Paris

    en i365, pour devenir le premier recteur de l'Universit de

    Vienne. En une autre tude 1 , nous avions montr tout ce quecette opinion renfermait d'invraisemblable ; les documentscontenus au Chartularium Universitatis Parisiensis et au Liber

    procuratorum nationis Anglicanx nous avaient permis d'tablir,

    croyons-nous, qu'Albert de Helmstedt et Albert de Ricmerstorp

    taient deux personnages distincts. Le texte que nous venonsd'tudier ne laisse plus aucun doute cet gard; en i368,

    Albert de Helmstedt appartenait encore la Facult des Arts

    de l'Universit de Paris, tandis qu' cette poque, Albert deRicmerstorp tait, depuis deux ans, vque d'Halberstadt.

    II

    Jean I Buridan (de Bthuse).

    Au dbut comme la fin de ses Qustiones in libros deClo et Mundo, Albert de Saxe prend soin de proclamer qu'ildoit beaucoup ses matres; cette modestie fort louable n'estpas, sans doute, dnue de raisons; nous devons croire qu'eneffet, renseignement d'Albert reflte frquemment celui qu'ilavait reu en la noble Facult des Arts de l'Universit deParis . Est-il, d'ailleurs, un seul matre dont les leons nesoient, en grande partie, l'cho de celles qu'il a entenduesalors qu'il n'tait que disciple?

    L'aveu d'Albert nous pose un problme : Parmi les thoriesqu'il expose en ses divers crits, quelles sont celles qu'il tient

    de ses prdcesseurs, quelles sont, au contraire, celles qui luisont personnelles? En particulier, lorsque Lonard de Vinci

    i. P. Duhem, Albert de Saxe, II (tudes sur Lonard de Vinci, ceux qu'il a lus et ceuxqui l'ont lu; VIII. Premire srie, pp. 3a7-33i).

  • JEAN i BURIDAN (ii: m'iiii m.) i: i LONARD DE \i\m 7

    puisait, pour alimenter le coins

  • 8 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    9 fvrier 1828, un statut dont le texte nous a t conserv 1 ;les tudiants aussi bien que les matres, pour les motifs les

    plus futiles, citaient devant la Caria Conservationis de l'Univer-

    sit ceux avec qui ils taient en litige; pour mettre fin cet

    abus, il fut dcid qu'une lettre de citation ne serait accordeau plaignant qu'aprs comparution devant le recteur et desdlgus de l'Universit ; le statut se termine par ces mots :u Data faerant hc in nostra congregatione generali apadS. Matharinum facla per venerabilem et discretam virum M. Joan-nem Baridan rectorem Universitatis sapradict anno 1327? dieMartis in octava Parificationis B. Mari Virginis.

    Le 3o aot 1829, Jean Buridan, clerc du diocse d'Arras, n'est encore pourvu d'aucun bnfice ecclsiastique 3 . Maisle 2 novembre i33o, nous voyons^ que, tout en continuant rsider Paris, il est titulaire de la cure d'Illies, en son

    diocse d'origine.

    Faut-il, sous le pontificat de Jean XXII, placer un voyage de

    notre philosophe Avignon? Cette conclusion semble dcoulerd'un passage 5 des Qustiones in libram Aristotelis de sensa etsensato que l'cossais Georges Lokert publia Paris, en i5i6et en i5i8, comme tant l'uvre de Jean Buridan. Voici ce

    passage :

    J'ai vu un certain colier breton qui tait aveugle de nais-

    sance; cependant, il discutait fort bien et fort clairement sur

    la Logique et la Physique; je sais qu'il se rendit la CurieRomaine, car je m'y trouvais alors moi-mme, au temps du

    1. Bulrcus, Historia Universitatis Parisiensis, tomus IV, al) anno i3oo ad annum1/400, p. 212. Deniile et Chtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, tomus 11,sectio I, abanno MGCLXXXVI ad annum MGCCL, pice n 870, pp. 3oG-3o7.

    2. L'anne, cette poque, ne commenait qu' Pques; cette date corresponddonc au 9 fvrier 1828, octave de la Purification.

    3. Iieg. Vatican. Comm. Joh. XXII, an. XIII, p. h, ep. 3iGg. Cit par Deniileet Chtelain, Chartularium Universitatis Pariensis, tomus II, sectio I, p. 307, ennote.

    h. Reg. Vatican. Comm. Joh. XXII, an. XIV, p. 1, ep. 950. Cit par Deniile etChtelain, lbid.

    5. Joannis Buridani In librum Aristotelis de sensu et sensato qust. III. (Qus-tiones et decisiones insignium virorum Alherti de Saxonia, Thimonis, Buridani... Pari-sius, per Jodocum Badium Ascensium et Conrardum Resch, MDXVI et MDXVIII,pars III, fol. XXX, col. a. On trouvera la description de cette dition dansnos tudes sur Lonard de Vinci, ceux qu'il a lus et ceux qui Vont lu, premire srie, p. 5,en note.)

  • JEAN i iiihiiiW (DB HTHUNE) ET LONARD ii VINCI
  • IO ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

    o l'Universit de Paris entretenait auprs de lui des nonceschargs d'incessantes ngociations 1 .Pour retrouver un document authentique qui concerne le

    Philosophe de Bthune, il nous faut arriver jusqu' l'an i34o;en cette anne-l, selon le Livre des procureurs de la Nation

    Anglaise *, Matre Jean Brudan (sic), de la Nation Picarde, fut, de nouveau, nomm recteur de l'Universit de Paris. Le19 juin i3^2, alors qu'il enseignait Paris les livres de laPhysique, de la Mtaphysique et de la Morale, il fut nommchanoine d'Arras 3 .

    Plusieurs fois recteur, chanoine d'Arras, matre JeanBuridantait assurment un trs notable personnage de l'Universitde Paris; un exemple, que nous empruntons Du Boulay^,nous montrera dans quelle estime il y tait tenu.

    En i344, pour faire face aux dpenses de la guerre contreles Anglais, Philippe VI de Valois cra l'impt sur le sel et les

    marais salants. La gabelle fut, ds l'origine, d'une impopularitextrme; nul n'en tait exempt, pas mme l'Universit. Contrecette charge nouvelle, l'Universit protesta. A cette occasion,Matre Jean Buridan, philosophe de grand nom et de granderputation, plusieurs fois nomm procureur de la NationPicarde, laquelle il appartenait, et deux fois lu recteur del'Acadmie, fut charg de haranguer le roi. Mais, ajoute DuBoulay, nous ignorons quelle fut l'issue de cette harangue.

    De cette grande estime en laquelle tait tenu Matre JeanBuridan, il allait bientt recevoir un nouveau tmoignage.En i3o8, Matre Jehan de hlu, docteur en droit, avait

    lgu une certaine somme pour qu'une charge de chapelainft fonde l'glise Saint-Andr-des-Arcs.

    C'est seulement le 22 novembre i347 que les excuteurstestamentaires de Symon Vayret mirent l'Universit en posses-

    1. Dcnifle et Chtelain, Chartularium Universitalis Parisiensis, ann. i'ho scqq. ;tomus IV, ab anno MCCCLWXXJV ad annum MCCCCLII, pp. 1 83 seqq.

    2. Deniile et Chtelain, Auctarium Chartularii Universilatis Parisiensis ; Liber procu-ratorum Nationis Anglicanse, tomus I, ab anno MCCCXXXI1I ad annum MCCCCVI,col. t\\.

    3. P.eg. Comm. Clment. VI, n 1/49, fol. 37G. Cit par Deniflc et Chtelain, Char-tularium Universitatis Parisiensis, tomus II, sectio I, p. 307, en note.

    4. Bulaeus, Historia Universitatis Parisiensis, tomus IV, ab anno i3oo ad annumi4oo, p. 282,

  • h \\ i BURIDAN (DE BTHUNE) El LONARD DI VINCI il

    sion ' de La somme Lgue par Jehan de Thlu; N niversiblit aussitt m devoir de satisfaire la volont du docteur en

    droit; le 5 aot r348, elle prsenta u discretum uirum Johannem

    Buridan, magistrum in artibus, ;'i Faucon, vque de Paris, afinque celui ci lui confrai Le Mire de chapelain de Saint \ndrrdes Arcs; le 10 octobre de la mme anne, Faucon ratifia lechoix de l'Universit ".

    Jean Buridan nous apparat, d'ailleurs, comme un matre zl

    en ses fondions, toujours dvou aux intrts de l'Universitet, spcialement, de la Nation Picarde. Le 22 dcembre 1V17,il figure :i parmi les matres qui rglent, en un statut, une sriede mesures, d'ordre pratique et financier, relatives la Nation.

    Les rles remis au pape, Avignon, le 22 mai i34q, mention-nent le nom'1 de ce matre, non point parmi les nichil actuhabentes ni parmi les modicum habenies , mais parmi les secundum statum eorum et sufficientiam modicum habentes

    ;

    c'taient les matres les plus fortuns.

    Le temps, en prolongeant le sjour de Matre Jean Buridan l'Universit, ne fit qu'accrotre sa rputation et l'ascendant

    qu'il exerait sur ses collgues; il tait, en toute ngociationdlicate, le reprsentant de la Nation Picarde.

    Le 19 fvrier 1807, la Nation Anglaise, dont Jean de Myndatait alors procureur, eut juger un cas embarrassant 5 ; unnomm Jean Mast, du diocse de Lige, aprs avoir subi chezles Picards l'examen de dterminance, souhaitait de subirauprs des Anglais l'preuve de la licence. Matre Thmon, lefils du Juif, voulait que cette requte ft rejete; l'colierdevait rester invariablement li la nation dont dpendait le

    1. Dcniile et Chtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, tomus II, sectio I,ab anno MCCLWWI adannum MGCGL, pice n ii55, pp. 619-620.

    2. Toutes les pices relatives cette prsentation, extraites des Livres des procu-reurs des Nations de Gaule et de Picardie, sont reproduites dans : Bulus, Historia( niversitatis Parisiensis, tomus IV, ab anno i3oo ad annum 1A00, pp. 3o3-3o8. Dcniile et Chtelain (Chartularium Universitatis Parisiensis, tomus II, sectio I, abanno MCCLXXXVI ad annum MCCCL) reproduisent la prsentation de Jean Buridanfaite par l'Universit Faucon, voque de Paris (pice n n5G, pp. G2 1-622).

    3. Denille et Chtelain, Chartularium. Universitatis Parisiensis, tomus II, sectio 1,p. 608, pice n n46.

    \. Denifle et Chtelain, Ibid., p. 645, pice n n65..). Denifle et Chtelain, Auctarium Chartularii Universitatis Parisiensis; Liber pro-

    euratorum Nationis Arujlicanse, t. I, ab anno MCCCXWIII ad annum MCCCCVI,COl, 2O0,

  • 12 ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

    lieu de sa naissance; quoi Jean Mast rpliquait que Lige

    n'tait pas plus picard que flamand. Au cours de ce dbat,deux matres picards se prsentrent, non comme dlgus deleur nation, mais titre priv et comme amis du Ligeois

    ;

    leur confrence amiable avec les matres de la Nation Anglaiseeut bientt apais la querelle; Jean Mast fut admis, selon sa

    requte, prter serment auprs des deux nations et partagerentre elles les redevances qu'il devait solder. Les deux mis-saires conciliants qui avaient obtenu cette transaction avaientnom Johannes Juvenis et Jean Buridan.

    Le litige qu'ils avaient heureusement contribu aplanirtait de ceux qui se peuvent reproduire; pour en viter le

    retour, il importait que l'on fixt avec rigueur la commune

    frontire des deux nations. Approuv par le procureur de laNation Picarde, Buridan rdigea une pice o une telle dlimi-tation se trouvait propose; le 29 juin i357, il prsenta 1 cettepice la Nation Anglaise assemble sous la prsidence de sonprocureur, l'cossais William de Spyny. La proposition deBuridan donna lieu, entre les deux Nations, d'activs ngo-ciations; celles-ci aboutirent un concordat o la ligne desparation entre Anglais et Picards tait marque avec prci-sion; ce concordat, dont le texte nous est conserv en doublepar les livres des procureurs des deux Nations^, fut arrt enprsence de matres picards et anglais appartenant aux diversesFacults ; les matres es arts qui figuraient au nombre destmoins taient : Jean Buridan, Nicolas de Soissons, Kobertfils de Godefroi et Albert de Saxe. Selon le Livre des procu-

    reurs de la Nation Anglaise, ce document fut lu devant laNation assemble, et scell de son sceau, le 12 juillet i358.Ce document, o le nom du vieux matre es arts Jean

    Buridan figure cot de celui d'Albert de Saxe, son jeunecollgue, est en mme temps le dernier qui mentionne la pr-sence, l'Universit de Paris, du Philosophe de Bthune.

    1. Dcnifle et Chtelain, Op. cit., col. 212.2. Bulus, Historia Universitatis Parisiensis, tomus IV, p. 346. Denifle et Ch-

    telain, Chartularium Universitatis Parisiensis, tomus 111, ah anno MCCCL usque adannum MCCCLXXXXIIII, pp. 56-5g, pice n" a'io. Denifle et Chtelain, AuctariumChartularii Universitatis Parisiensis ; Liber procuratorum Nalionis Anglican.e, tomus I,ab anno MCCCXXXUI aJ annum MCGGCVI, coll. a33-a35.

  • .ir.AN i iiiimiiw du; BTHINE) i.i LONARD DE VI!I< I I

    Selon la tradition, il aurait Lgu II niversit, o il avaitsi Longtemps enseign, une maison ju'il avajt achete de sesdeniers el que L'on montrait encore an temps

  • l4 ETLDES SLR LEONARD DE VINCI

    Buridan Marsile d'Inghen; cette faveur leur a paru contre-dire trangement aux prohibitions rptes dont l'Occamismeavait t l'objet. Peut-tre auraient-ils pu en conclure a priori

    que les doctrines enseignes par les matres parisiens diffraient

    notablement des thories soutenues par le Venerabilis Inceptor.

    Nous avons montr dj 1 qu'en la question des Universaux,Buridan professait une opinion plus voisine de celle de Saint

    Thomas d'Aquin que de celle de Guillaume d'Ockam. En cettetude mme, nous aurons occasion de noter d'autres diver-gences entre le Philosophe de Bthune et le chef de l'colenominaliste; on conoit donc fort bien que le premier ait putre trait avec honneur par ceux-l mmes qui condamnaientles excs du second.

    D'ailleurs, aucun document ne vient corroborer le rcitd'Aventin; on n'en trouve point qui mentionne le nom duPhilosophe de Bthune parmi ceux des fondateurs de l'Uni-versit de Vienne.

    Lorsqu'en i365, Rodolphe IV, duc d'Autriche, cra cetteUniversit, le rectorat en fut confi un jeune matre del'Universit de Paris, Albert de Ricmerstorp a

    ,celui-l mme

    que l'on a souvent confondu avec Albert de Helmstedt oude Saxe.

    A l'poque mme o crit Aventin, en i5i4, GeorgesTannstatter, professeur ordinaire d'Astronomie l'Universitde Vienne, publie les Tables des clipses de Georges de Peur

    bach et les Tables du premier mobile de Regiomontanus 3 .Il fait prcder ces tables d'une prcieuse introduction, o ilrappelle les titres glorieux de ceux qui ont enseign avant luien la chaire qu'il occupe. Or celui qu'il clbre comme l'ini-

    tiateur astronomique de l'Universit Autrichienne, ce n'est pasJean Buridan, dont il ne fait aucune mention; c'est Henri

    i. tudes sur Lonard de Vinci, ceux qu'il a lus et ceux qui Vont lu; seconde srie,p. 438.

    2. Heinrich Dcnille, Die Entsehung dcr Univcrsitten des Mittelalters bis iUOQ,Berlin, i885; p. 608.

    3. Tabul eclypsium Magistri Georgii Purbachii. Tabula primi mobilis Joannis deMonteregio. Indices prterea monumenlorum quae clarissimi viri Studii Viennensis alurnniin Astronomia et aliis Mathematicia disciplinis scripta reliquerunl... Vienna: Austria:,i5i4.

  • .II;.VIN l BURIDAIS (DE BTHUNe) ii LONARD DE \i\
  • l6 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    de Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel; Jeanne deNavarre tant morte en i3o5, cette allgation est de toute

    invraisemblance.

    Villon fait, de notre philosophe, le complice des dporte-ments auxquels Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe leLong, se livrait la tour de Nesles, et la victime de la cruaut

    de cette reine dbauche :

    L'histoire dit que BuridanFut jet en un sac en Seine.

    De nos jours, Gaillardet et Alexandre Dumas ont accueillicette fable et lui ont fait un sort, en un mlodrame longtempspopulaire. Ds le xve sicle, cependant, l'historien RobertGaguin rvoquait en doute ! ces relations de Buridan avec uneprincesse qui, en i3i/i, tait enferme pour adultre.

    Si le drame de la Tour de Nesle a autrefois popularis le nomde Buridan auprs du public qui demande au thtre de vio-lentes motions, ce nom est demeur clbre, parmi lestudiants en Philosophie, grce un curieux argument pour

    ou contre (on ne Ta jamais bien su) la libert d'indiffrence;mais les hsitations de l'ne affam entre deux bottes de fointoutes pareilles semblent tout aussi lgendaires que les amours

    du philosophe et de Jeanne de Bourgogne.Nous avons vainement cherch l'argument de l'ne dans

    les divers crits attribus Buridan; l o il aurait pu trouverplace, ce sont des exemples tout diffrents que nous avons

    rencontrs.

    Lorsqu'il examine, par exemple, s'il existe plusieurs mesdistinctes en un mme homme, Buridan crit ceci 2 :

    La volont combat parfois contre elle-mme et sembleentrane par des affections contraires, parce que les actes

    volontaires se trouvent mls d'actes involontaires. Parexemple, un marin qui voit la tempte de la mer dsire vive-ment, et d'une manire volontaire, le salut de son corps

    ;

    i. Cite par BuIrus, Historia Universitatis Parisiensis, t. IV, p. 99G.2. Joarnis Buridani Qustioncs in librus de anima; in lib. Il qua3st. V; dit. cit.,

    fol. vu, col. b.

  • JEAN i iti uihVN (DB ni iiii mi ii i i ' \ \ tt i> DE VINCI 17

    miiis, (mi mme temps, il est fort contriste de la perte desobjets qu'il lui faut jeter ta mer pour tre sauv; il veut doncles jeter la mer et, de fait, il finit par les v jeter; mais il s \

    rsout avec grande douleur et tristesse, et il met fort Longtemps s'y rsoudre; la cause en est aux divers actes volontaires cj 11 i

    se combattent l'un l'autre; il veut chapper la tempte et ilveut aussi sauver son bien.

    En la question suivante, Buridan rple 1 que la volontcombat parfois contre elle-mme, comme il arrive en unmariage volontaire , puis il reprend l'exemple que nousvenons de lui entendre dvelopper; de l'ne sollicit parl'attrait de deux bottes de foin, il n'est nullement question.

    Voici encore une circonstance ' o cet exemple clbre etpu tre invoqu et o il ne l'a point t. Il s'agit de prouverque l'me sensitive des animaux joue, en la sensation, un rleactif, et non pas seulement un rle passif : Nous voyons, en

    effet, que le cheval ou le chien, l'aide du sens, compose,divise et fait des raisonnements discursifs comme s'il usait dusyllogisme. S'il voit son matre de l'autre ct d'une mare ou

    d'un foss, il juge qu'il ne peut l'atteindre en suivant la lignedroite, mais seulement par un chemin courbe, et il contournel'obstacle. Il n'est pas croyable que l'objet suffise produireune telle opration discursive; l'objet n'a point d'autre vertuque d'imprimer sa species au sein du milieu; or ces actesoutrepassent ce dont une telle impression est capable. Neserait-ce pas bien le cas de faire remarquer qu'un sens pure-ment passif laisserait l'ne mourir de faim entre les impres-sions quivalentes de deux picotins parfaitement gaux?Aux Questions sur l'thique Nicomaque, notre philosophe

    examine tout spcialement le problme du libre arbitre, qu'ilformule en ces termes 3 :

    La volont tant place entre deux partis opposs, et

    1. Joannis Buridani Qustiones in libros de anima; in lib. I quaest. VI ; dit. cit.,fol. vnr, col. c.

    2. Joannis Buridani Qustiones in libros de anima, in lib. II qust. XIII ; dit.cit., fol. xii, col. a.

    3. Proemium Ioannis Buridani in questiones super X libros Aris. ad Nicomachum.Colophon : Hue usque producte sunt questiones Buridani morales : robustiori etatiprecipue perlegende quas Egidius delfus socius Sorbonicus : atque in sacris litteris

    P. DUHEM. 2

  • l8 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    toutes choses tant d'ailleurs parfaitement gales, peut-elle se

    dterminer tantt vers l'un des partis et tantt vers l'autre?L'auteur des Questions sur l'thique ne trouve pas, en la

    Philosophie, de raison premptoire pour ou contre le librearbitre; s'il adhre l'opinion qui rpond affirmativement la question pose, c'est surtout, dit-il, pour se soumettre

    l'autorit de l'enseignement chrtien, autorit confirme toutparticulirement par l'une des condamnations prononces Paris en 1277.

    Au cours de sa longue et intressante discussion, il n'invoqueaucunement l'argument de l'ne. Je puis aller de Paris

    Avignon soit par Lyon, soit par Dun-le-Roi ; telle est l'alter-native qui lui sert d'exemple concret.

    Ailleurs, il examine ce problme 1 : Les actes qui se fontpar crainte, en ce sens qu'ils ne se feraient pas sans cette

    crainte, tel l'acte de jeter des marchandises la mer pendantune tempte, sont-ils des actes involontaires?

    Prenons, dit-il, exemple de cette action qui consiste jeterdes marchandises la mer. On peut, en premier lieu, deman-der d'une manire gnrale si l'action de jeter des marchan-dises la mer est un acte volontaire; dans ce cas, on doitpurement et simplement rpondre non... On peut demander,en second lieu, si l'on fait un acte volontaire en jetant desmarchandises la mer, pendant une tempte, pour son propresalut et pour celui des autres; on doit alors rpondre oui. Cet exemple, nous l'avions dj rencontr, deux reprises, enparcourant les Qustiones in libros de anima.A vrai dire, cette discussion ne prouve pas que Buridan n'ait

    pas, au xive sicle, invoqu le cas demeur clbre de cet nedans l'embarras. Nous ne relevons aucune allusion cetargument dans les Qustiones in libros de anima; mais ces

    baccalarius formatus emendatius imprimi curavit. Impressore vuolfgango hopyl.Anno incarnationis domini MCCCCLXXXIX dcima quarta die Iulii. In lib. IIIquaest. I : Utrum sit possibile quod voluntas, cateris omnibus eodemmodo se haben-tibus, determinetur aliquando ad unum oppositorum, aliquando ad aliud. d. cit.,fol. XLvi, col, c.

    1. Joannis Buridani Qustiones in X libros Aristotelis ad Nichomachum ; lib. III,quaest. VIII : Utrum operationes qua? propter metum fiunt, scilicet quod alias nonfirent, sunt involuntari, ut in tempestatibus maris si mercedes ejiciantur. dit.cit., fol. lviii, coll. a et b.

  • m vn i m iui>\n (DE m iiii \i i i i LONARD DE \ im i l

    Qustiones sont elles du Philosophe de BthuneP Elles Bemblent intimement lies aux Qustiones in parva naturalia queGeorges Lokert a publies en mme temps; un seul et mmeauteur parat bien avoir rdig ces questions ci et celle- L. Or,

    en une prochaine lude, nous reporterons ;m dbut du xv* siclela composition des Qustiones in parva naturalia. Ne devons-

    nous pas agir de mme au sujet des questions sur le De anima?C'est, en effet, la conclusion laquelle nous serons amen.Nous serons amen, galement, penser que les Questions surl'thique Nicomaque sont de l'auteur qui a rdig les Quxslionrsin libros de a/iitna et les Qustiones in parva naturalia. Ce (picnous venons de dire semble bien prouver que cet auteur n'apas imagin l'argument de l'ne ; mais nous n'en saurionsconclure que le Philosophe de Bthune n'ait pas propos cettecomparaison clbre. Venons donc l'examen d'un ouvragequi soit indubitablement de ce philosophe ; nous voulonsparler des Questions sur la Mtaphysique d'Arislote.En cet ouvrage Buridan examine la question que voici l :

    Assigne-ton bien la diffrence entre les puissances ration-nelles et les puissances irrationnelles, lorsque l'on dit : La

    puissance rationnelle est galement capable de deux actesopposs ; il n'en est pas de mme de la puissance irrationnelle;elle ne peut produire qu'un seul acte.

    Quelle alternative Buridan propose -t- il cette puissancerationnelle qu'est notre volont?

    Pour que la volont, dit-il, produise l'acte de volition, il

    faut que la raison ait auparavant jug du bien et du mal.Imaginons donc que l'intellect voie une somme d'argent; iljuge que cet argent serait utile, profitable, ncessaire, et qu'ilserait bon de prendre cette somme ; d'autre part, il juge quecet argent ne lui appartient pas, qu'il serait malhonnte et

    1. In Metaphysicen Aristotelis Qustiones argutissim Magistri oannis Buridani inultima prlectione ab ipso recognit et emiss : ac ad archetypon diligenter repositse :cum duplici indicio : materiarum videlicet in fronte : et qustionum in operis calce.Vnundantur Badio. Colophon : Hic terminantur Metaphysicales quaestiones brveset utiles super libros Metaphysice Aristotelis quae ab excellentissimo magistroIoanne Buridano diligentissima cura et correctione ac emendatione in formamredact fuerunt in ultima prlectione ipsius Recognit rursus accuratione etimpensis lodoci Badii Ascensii ad quartum idus Octobris MDXVI1I. Deo gratias.

  • 20 TUDES SUR LEONARD DE VINCI

    injuste de s'en emparer. Ces jugements tant poss, et toutesles autres choses du monde se comportant d'une maniresemblable l'gard de l'un et de l'autre parti, en l'absence de

    toute autre cause dterminante, la volont peut se dcider

    prendre ce qu'elle juge utile; elle peut aussi se dcider nepas le prendre, parce qu'elle a jug qu'il serait injuste etmalhonnte de le faire; elle peut encore demeurer en suspens,sans produire ni l'acte de vouloir ni l'acte de ne pas vouloir;

    elle peut diffrer sa dcision jusqu'au moment o l'intellectaura plus longuement considr les deux partis et en auraplus compltement dlibr. L'intellect ne sufft donc pas dterminer la volont; la volont tient sa dtermination de sapropre libert.

    Considrons, au contraire, l'apptit sensitif ou toute autrepuissance non libre; si cette puissance est indiffrente deuxactes opposs l'un l'autre, par exemple l'acceptation ou aurefus, jamais elle ne se rsoudra ni l'un ni l'autre de cesdeux effets, moins que quelque autre cause ne l'y dtermine.L'apptit sensitif du cheval ou du chien est donc dtermin l'acte par le seul jugement du sens. Aussitt que le cheval oule chien juge, par le sens dont il est dou, qu'une chose estbonne, qu'elle lui convient, l'apptit l'incline vers cette chose.A la vrit, on voit parfois concourir ici comme des jugementscontradictoires du sens. Un chien, par exemple, est jeun ; ilest affam; il voit de la nourriture et dsire ardemment s'enemparer ; mais aussi il voit son matre qui tient un bton ; iljuge donc qu'il serait mauvais de s'emparer de cette viande, etil craint de le faire. Mais celui de ces deux jugements : il fautprendre cette nourriture, il ne faut pas la prendre, qui sera leplus fort, dterminera l'acte le plus puissant de l'apptit, quesuivra son tour l'acte extrieur.

    Cette opposition entre les puissances rationnelles et les

    puissances irrationnelles est-elle appuye d'arguments irrfu-tables? Il me semble, dclare Buridan, que pour admettreune telle diffrence entre la libert de notre volont et laprivation de libert dont est frapp l'apptit sensitif du chien,il vaut mieux se fier la foi qu' la raison naturelle. Il ne

  • il \N i BURIDANI DE BTHINB) m LEONARD i>i WHC1 SI

    soi ii i i \)n< bien ais de dmontrer que notre volont esl entiremeni indiffrente deux actes oppo [u'elle peut, ce quene peul L'apptit du chien, Be dcider ; l'un

  • 2 2 TUDES SUR LEONARD DE VINCI

    ont t srement rdiges au xivc sicle ; un savant libraire deMunich, M. Jacques Rosenthal, nous a signal la prsence

    entre ses mains d'une copie sur vlin des Questiones supralibros phisicorum Aristotelis novissime Parisiis disputate, et cette

    copie est date de l'an 1371

    .

    Les Questions sur la Physique de Jean Buridan dbutent par

    un promium 1 ; en ce promium, le Matre nous apprend qu'ila rdig son ouvrage la prire d'un grand nombre de sescollgues et de ses disciples; moins modeste qu'Albert deSaxe, il a conscience que certaines inventions s'y trouvent

    contenues, et il rclame la gratitude de ceux qui ces inven-tions auront plu : Bonum, ut habetur primo Ethicorum, quantoest multis communius, tanto est melius et divinius ; propter quod

    multorum de discipulis seu sodalibus meis precibus inclinatus,

    aliquot scribere prsumpsi de difficultatibus libri Physicorum ethanc illis scripturaux communicare, quia non possent, ut dbet,

    multa in scholis audita sine aliquo scriptur admonilorio memoricommandare ; super quibus peto et supplico de obmisso et minusbene dicto obtinere veniam; de inventis autem, si qu faciuntconvenientiam, multas habere grates.

    Quelles sont ces inventions, au sujet desquelles le Philo-sophe de Bthune rclamait la reconnaissance de ses lecteurs?Notre objet n'est point ici de les rechercher. Plus restreint debeaucoup, il consiste examiner si quelques-unes des idesdont nous avons attribu la dcouverte Albert de Saxe, nelui ont pas t suggres par Buridan. Afin que cette tuden'excde pas de justes limites, nous bornerons notre rechercheaux deux thories d'Albertutius qui ont le plus vivement attirl'attention du Vinci : la thorie du centre de gravit, et lathorie de Yimpetus.

    1. Ms. cit., fol. 2, col. b.

  • JEAN i BURIDAN (DE m'rniM) 11 LONARD ii VINCI

    III

    Que la thorie du centre de gravit, enseigne parALBERT DE SAXE, N'EST AUCUNEMENT EMPR1 vil i; \ JEAN

    BURIDAN.

    Albert de Saxe a soutenu, au sujet du centre de gravit,une doctrine qui prend, dans ses crits, la plus grande impor-tance 1 . Cette doctrine, nous l'avons vue natre du besoin dersoudre certains problmes. Si nous voulons apprcier lerle exact que Jean Buridan et Albert de Saxe ont pu joueren la cration de cette thorie, il nous faut marquer d'unemanire prcise o en tait la solution de ces problmes aumoment mme o ces deux matres ont commenc de s'eninquiter.

    Le premier de ces problmes peut tre formul en cestermes : Le lieu naturel de l'lment terrestre est- il la surface

    concave de l'eau ou bien le centre du Monde? Sans rapporterici tout ce qui a t rpondu cette question depuis le tempso Aristote l'a pose 2

    ,voyons ce qu'on en disait, l'Universit

    de Paris, immdiatement avant Buridan et Albert de Helm-stedt; Walter Burley va nous renseigner cet gard.

    Selon Burley 3,

    le lieu naturel de l'lment terrestre n'est

    pas la surface interne de l'lment de l'eau; la terre n'est en

    son lieu naturel que si sa sphre a pour centre le centre duMonde. De mme, l'eau n'est en son lieu naturel que sisa sphre a pour centre le centre du Monde, qui est le mme

    i. Albert de Saxe et Lonard de Vinci; II. Quelques points de la Physique d'Albertde Saxe (tudes sur Lonard de Vinci, ceux qu'il a lus et ceux qui l'ont lu, 1; premiresrie, pp. 8-i5).

    2. On trouvera un rsum de ces rponses en notre ouvrage : Les origines de laStatique, t. II, pp. io-i3.

    3. Burleus Super octo libros physicorum, Colophon : Et in hoc finitur expositioexcellentissimi philosophi Gualterii de Burley Anglici in libros octo de physicoauditu Aristotelis Stagerite (sic) emendata diligentissime. Impressa arte et diligentialioneti Locatelli Bergomensis, sumptibus vero et expensis nobilis viri OctavianiScoti Modoetiensis... Venetiis, anno salutis 1^91, quarto nonas decembris. 93* fol.(non numrot).

  • 24 TUDES SUR LEONARD DE VINCI

    que celui de la terre. On peut en dire autant des autreslments : Aucun lment n'est en son lieu naturel si soncentre n'est au centre du Monde. a Une portion de la terre,libre de tout obstacle, se meut vers le centre du Monde et nonvers la surface interne de l'eau. Une difficult, il est vrai,se prsente : Lorsque la terre a pour centre le centre

    du Monde, chacune de ses parties se trouve violente, car,libre de toute entrave, elle se mouvrait naturellement versle centre. De mme si la terre tait perce, de part en part,d'un trou passant par le centre, une motte de terre, jete dansce trou, se mouvrait jusqu' ce que son milieu vienne aumilieu du Monde; une moiti de cette masse serait alors d'unct du centre du Monde et l'autre moiti de l'autre ct

    ;

    mais cela ne peut se faire moins qu'une partie de cette mottede terre ne s'loigne du centre de l'Univers pour se rapprocherdu Ciel; or, ce dernier mouvement est un mouvement vers lehaut, donc un mouvement violent, ce qui est impossible. A cela Burley rpond qu'une partie de la terre, dtache deson tout, est violente lorsque son milieu n'est pas le centre

    du Monde, car, dlivre de tout obstacle, elle se mouvrait versle centre du Monde; mais lorsqu'elle est unie au reste de laterre, elle peut, sans tre violente, reposer hors du centredu Monde, car elle est en repos, non par elle-mme, mais envertu du repos de l'ensemble.

    L'origine du second problme doit tre cherche dans lescrits de Roger Bacon.

    Aristote n'avait rien conu, en sa Physique, qui ft analogue

    notre notion de masse; pour qu'un corps, soumis unecertaine puissance, pt se mouvoir avec une vitesse finie, ilfallait qu'une certaine rsistance le retnt ; en l'absence de

    toute rsistance, il parviendrait instantanment au terme deson mouvement. Un grave, par exemple, soumis sa seulepesanteur, atteindrait le sol au moment mme qu'il seraitlibre de tomber; si sa chute dure un certain temps, c'estqu'une certaine rsistance lutte contre la gravit dont il estdou. Cette rsistance, Aristote l'attribue entirement l'airambiant; cette doctrine lui fournit un de ses principaux

  • U-

    JBN i m iud\n (DE DTHUNE) ii LONARD DE HHCl

    arguments contre la possibilit lu vide; dans le \i

  • 20* TUDES SUR LEONARD DE VINCI

    Roger Bacon, d'autre part, nous ont donn les noncs, nousavons vu 1 sortir la thorie de la gravit qu'enseigne Albert

    de Saxe. Prcisant ce qu'avaient peine indiqu Aristote et

    Simplicius, cette thorie pose les principes suivants, qui rsol-

    vent les difficults souleves :

    La terre est en son lieu naturel lorsque son centre de gravit

    concide avec le centre de l'Univers.

    Lorsqu'un fragment terrestre est violemment spar de l'en-semble de la terre, ce fragment et le reste de l'lment terrestre

    se meuvent naturellement de telle sorte que leur commun

    centre de gravit revienne se placer au centre du Monde.Lorsqu'il professait cette doctrine, Albert de Saxe tait-il

    simplement le disciple de Jean Buridan?Jean Buridan a, lui aussi, examin les deux problmes en

    vue desquels cette doctrine a t cre. La solution qu'il a pro-

    pos d'en donner n'a aucun rapport avec celle qu'Alberta adopte. Celle-ci, par l'intermdiaire de Burley et de Saint

    Thomas d'Aquin, se rattache la tradition d'Aristote et deSimplicius; celle-l dcoule directement des principes nomi-nalistes poss par Guillaume d'Ockam.

    Guillaume d'Ockam affirmait avec persistance 2 que dans lesnotions purement gomtriques de point, de ligne, de surface,il n'y a rien de rel, rien de positif; seul, le volume, la

    grandeur trois dimensions tendue en longueur, largeur etprofondeur, peut tre ralis. La surface est une pure nga-tion, la ngation que le volume dun corps s'tende au deld'un certain terme; de mme, la ligne est la ngation quel'tendue d'une surface franchisse une certaine frontire, le

    point, la ngation qu'une ligne se prolonge au del d'une

    certaine borne.

    coutons le clbre Nominaliste gourmander 3 avec sa fouguehabituelle les physiciens qui parlent des ples immobilesdu Ciel, du centre immobile du Monde, ralisant ainsi des

    i. Albert de Saxe et Lonard de Vinci, II (tudes sur Lonard de Vinci, ceux qu'il alus et ceux qui Vont lu, I

    ;premire srie, pp. 8-19).

    2. Gulielmi de Occam Tractatus de Sacramento Altaris, capp. I, II et IV. Quod-libeta, Quodlib. I, qust. IX. Logica, cap. de Quantitate, etc.

    3. Gulielmi de Occam Summulx in libros Physicorum, lib. IV, cap. XXII.

  • JEAN i BURIDAN ( DE mViniM) 1.1 LONARD DE VIHCI '7

    |)oiiils, des indivisibles, qui sont de pures abstractions de

    gomtre : Ce qu'on dit de L'immobilit des ples el du centre pro-

    cde d'une fausse imagination, savoir qu'il existe, dans le

    Ciel, des ples immobiles et, dans la terre, un centre; immobile. Gela est impossible. Lorsque le sujet est anim de mou-vement local, si l'attribut demeure numriquement un, il semeut de mouvement local. Mais le sujet de cet accident que sontles ples, c'est--dire la substance du Ciel, se meut de mouve-ment local; ou bien donc les ples seront incessammentremplacs par d'autres ples numriquement distincts despremiers, ou bien ils seront en mouvement.

    Peut-tre dira-t-on que le ple, qui est un point indivisible,

    n'est pas une partie du Ciel, car le Ciel est un continu et lescontinus ne se composent pas d'indivisibles.

    Mais si le ple existe, et s'il n'est pas une partie du Ciel,c'est donc quelque substance corporelle et incorporelle. Si elleest corporelle, elle est divisible et non pas indivisible. Si

    elle est incorporelle, elle est de nature intellectuelle, et l'on

    arrive cette conclusion ridicule que le ple du Ciel est uneintelligence.

    L'esprit qui a guid Ockam lorsqu'il a crit ce passage estaussi celui qui a inspir Buridan en la discussion des deuxproblmes dont nous avons parl; l'opinion du Philosophede Bthune semble pouvoir se rsumer en ces termes : Lesdeux questions dont il s'agit sont dnues de tout sens, carelles attribuent la ralit et des proprits physiques aucentre du Monde, tout en traitant ce centre comme un pointindivisible.

    Voyons d'abord ce que le Philosophe de Bthune dit de laquestion pose au sujet du lieu naturel de la terre 1 .

    Selon Buridan 2,

    le lieu naturel de l'lment terrestre est, enpartie, la surface interne de l'eau, en partie la surface internede l'air.

    1. Magistri Johannis Buridam Questiones quarti libri Phisicorum. Queritur quintoutrum terra sit in aqua sive in superficie aque tanquam in loco proprio et naturali(Bibl. nat., fonds lat., ms. 1A723, fol. C3, col. d).

    2. Jean Buridan, loc. cit., fol. O'i, col. c.

  • 28 TUDES SUR LEONARD DE VINCI

    A l'opinion qui prtend que le lieu propre et naturel de laterre n'est point l'eau, mais le centre du Monde, nous rpon-drons 1

    ,en premier lieu, que le centre du Monde, c'est la

    terre tout entire, et la terre ne saurait tre elle-mme sonpropre lieu. Si par centre nous entendons un point indi-visible que l'imagination mathmatique place au centre duMonde, ce centre-l ne saurait tre lieu, car il ne contient rien.Si l'on supposait que la terre ft place ailleurs, sous d'autres

    lments, elle ne se mouvrait pas vers ce point. On dit, il estvrai, l'appui de cette opinion, que si la terre tait perce depart en part, un fragment terrestre, jet dans ce trou, descen-drait au centre du Monde; mais cette remarque est sansvaleur; il faut bien que, selon la nature, le trou se remplisse

    de quelque manire. L'esprit d'Ockam est bien reconnaissable dans le passage

    que nous venons de citer; il l'est plus encore dans celui-ci, oBuridan examine 2 si la dure successive qui affecte le mou-vement des corps graves ou lgers vers leurs lieux naturels

    provient entirement de la rsistance du milieu . Remarquez ce sujet, dit le Philosophe de Bthune 3

    ,

    que

    certains physiciens admettent bien aisment l'existence d'unersistance intrinsque au cours de la chute naturelle d'un

    grave.

    Supposons qu'un gros homme descende; toutes les partiesde cet homme tendent en ligne droite au centre. Mais lesparties latrales extrmes ne peuvent se diriger en ligne droitevers le centre, car les parties mdianes les en empchent. Ilsemble donc que les parties de ce grave prouvent un certainempchement, une certaine rsistance l'encontre de l'incli-nation qui les porte au centre. Gela parat contraire la con-

    clusion prcdemment pose qui attribue, en la chute desgraves, toute rsistance au milieu ambiant.

    Voici, ce me semble, ce qu'il faut rpondre : Le centre ou

    i. Jean Buridan, loc. cit., fol. G5, col. a.2. Magistri Johannis Buridam Questiones qnarti libri Phisicorum. Queritur nono

    utrum in motibus graviurn et levium ad sua loca naturalia Iota successio proveniata resistentia medii (Bibl. nat., fonds lat., ms. 1^7 >3, fol. GO, col. c).

    3. Jean Buridan, loc. cit., fol. G7, col. a.

  • 1 1 , v n I BURIDAN ihi. BTHUNE) ii LONARD DI \imi 'J\)

    milieu du Monde n'est aucunement une chose Indivisible,semblable au point que L'on peul imaginer sur une ligne, Lecentre ou milieu du Monde esl une chose qui a une certainegrandeur, qui est longue, Large et profonde; c'est, par exemple,toute la lerre ou une partie possdant un certain volume (parsquaniitativa) de celle mme terre. Le lieu infrieur, le lieu leplus bas, ce n'es! pas le centre [indivisible] du Monde; bienplutt, ce lieu contient ce centre [indivisible] du Monde. Unhomme qui tombe n'a pas inclination, ne se dirige pas vers lecentre indivisible du Monde. Bien plus! S'il n'y avait aucuncorps grave l'endroit vers lequel tombe cet homme, s'il yavait seulement de l'air l o se trouvent actuellement la terreet l'eau, cet homme aurait inclination et tendance devenir[en son entier] milieu du Monde; c'est cela, et cela seule-ment, que ses diverses parties auraient toutes ensemble incli-nation et tendance, savoir que [le corps entier de] cet hommedevnt le milieu du Monde ; en cela, les parties ne se gneraientaucunement l'une l'autre.

    D'ailleurs, cet homme, pris en son ensemble, se mouvraitbeaucoup plus rapidement que ne se mouvrait une de sesparties prises isolment; bien loin donc que ses diverses partiess'empchent et se retardent l'une l'autre, elles se rendentmutuellement plus vives et plus vites.

    De mme, en une grande masse d'eau continue, une partien'aspire pas descendre au-dessous d'une autre partie, si ellesont toutes deux mme degr de pesanteur ou de lgret. Voilpourquoi un marin qui descend au fond de la mer ne sent pasla pesanteur de l'eau, bien qu'il en ait sur les paules centtonnes ou mille tonnes; cette eau, en effet, qui se trouve au-

    dessus de lui, ne tend pas descendre davantage. Elle aurait,

    au contraire, une semblable inclination par rapport l'air, sicet air se trouvait au-dessous d'elle.

    Lors mme que cette masse d'eau ne se trouverait pas enson lieu naturel, qu'elle serait fort leve en un vase plac en

    un sommet terrestre, une partie de cette eau ne tendrait pasdavantage se placer au-dessous d'une autre partie. Suppo-sons, en effet, qu'en un tel lieu, un homme se trouve dans un

  • 3o TUDES SUR LEONARD DE VINCI

    bain et que sa jambe soit au fond de ce bain, surmonte d'unequantit d'eau que, dans l'air, cet homme ne pourrait porter;l'homme, cependant, ne sentirait pas le poids de cette eau, carcette eau n'aurait aucune inclination se placer au-dessous de

    l'eau qui l'entoure ou qui lui est sous-jacente. J'en dis autant de la terre tout entire, qui est le centre du

    Monde. Non seulement la partie centrale de cette terre setrouve naturellement en repos, mais il en est de mme de sesparties extrmes; celles-ci n'prouvent aucune inclination versce point milieu que l'on imagine tre le centre de la terre.La terre entire, et ses diverses parties toutes ensemble,

    tendent, par une inclination continuelle, occuper autant

    d'espace qu'elles en occupent actuellement; c'est pourquoi ellesse meuvent en ligne droite sans que ni les parties centrales, niles parties extrmes, s'empchent mutuellement ou rsistentles unes aux autres.

    Les principes que le Philosophe de Bthune expose en cesdivers passages se trouvent encore formuls par lui en unautre lieu 1 . Lorsqu'au premier livre des Physiques, il examinesi tout tre admet par nature une limite suprieure, il estamen formuler et discuter cet argument :

    Si l'opinion soutenue tait exacte, une fourmi, tombant terre, mettrait en mouvement la terre entire. Cette cons-quence est absurde, et cependant elle est logiquement dduite.Nous supposons, en effet, que la terre se trouve exactement

    quilibre en son centre. Si nous imaginions, en effet, que l'on

    partaget la terre au moyen d'un plan passant par son centre(j'entends son centre tel que le conoivent les mathmaticiens),chacune des deux parties de la terre aurait mme poids; cha-cune d'elles tendrait placer son milieu au centre du Mondesi l'autre ne l'en empchait; mais aucune de ces deux partiesne peut mouvoir l'autre, car elles concourent toutes deux aumme but et sont exactement gales en puissance et en rsi-stance. Si l'on ajoutait l'une d'elles le poids d'une seule

    i. Magistri Johannis Buridam Questiones primi libri Physicorum. Duodecimo que-ritur utrum omnia entia naturalia sint determinata ad maximum (Bibl. Nat., fondalatin, ms. 1A723, foll. 16, col. d, et 17, col. a).

  • JEAN I BURIDAN | i>i BTHUNB) m LONARD DE \iv.l Il

    fourmi, il n > aurait plus cuire l

  • 32 TUDES SUR LEONARD DE VINCI

    Le principe occamiste selon lequel un point mathmatiquene peut avoir aucune ralit, selon lequel le centre physique

    du Monde doit tre non pas un point, mais un corps, guideBuridan en toute discussion analogue celles que nous venons

    de rapporter.

    Par exemple, en ses Questions sur la Mtaphysique d Aristote 1,

    il est amen dfinir ce que les astronomes dsignent par lesnoms de sphres homocentriques et de sphres excentriques

    ;

    voici la prcaution qui prcde cette dfinition : Il faut savoir que, dans le Monde, le centre naturel est la

    terre elle-mme. On ne saurait y supposer un centre indi-visible, si ce n'est par imagination. Imaginons toutefois unpoint au milieu de la terre et regardons-le comme centre duMonde. Alors, toutes les sphres qui auront pour centre cecentre de la terre seront dites homocentriques...

    Buridan n'admet pas la thorie du centre de gravit qu'Albertde Saxe devait enseigner aprs lui ; il ne la rfute pas non plus

    d'une manire formelle; il semble qu'au temps o il com-posait ses Questions sur la Physique et sur la Mtaphysique,cette thorie n'tait pas encore constitue, qu'elle ne formait

    pas un corps de doctrine. En tout cas, Buridan et-il connu

    cette doctrine en la plnitude de son dveloppement, que sesprincipes occamistes l'eussent oblig la rejeter commednue de sens.La thorie de la pesanteur soutenue par Albert de Saxe a

    exerc la plus grande influence, non seulement sur les recher-ches mcaniques de Lonard, mais encore sur tout le dvelop-pement de la Statique jusqu'au milieu du xvne sicle 2 . Enoutre, c'est cette thorie qui a engendr le systme gologique

    i. In Metaphysicen Aristotelis. Qustiones argutissim Magistri Joannis Buridani inultima prlectione ab ipso recognit et emiss: ac ad archetypon diligenter reposit: cumduplice indicio : materiarum videlicet in fronte; et qustionum in operis calce. Vnun-dantur Badio. Colophon : Hic terminantur Metaphysicales qua^stiones brves et utilessuper libros Metaphysice Aristotelis quae ab excellentissimo magistro Ioanne Buridanodiligentissima cura et correctione ac emendatione in formam rcdacta3 fuerunt inultima prlectione ipsius Becognitae rursus accuratione et impensis Iodoci BadiiAscensii ad quartum idus Octobris MDXVII1. Deo gratias. Lib. XII, quacst. X: Utrumin corporibus clestibus ponendi sunt epicycli. fol. lxxiii, col. b.

    2. P. Duhem, Les origines de la Statique, Ch. XV : Les proprits du centre degravit, d'Albert de Saxe Evangelista Torricelli. Ch. XVI : La doctrine d'Albertde Saxe et les Gostaticiens. T. II, pp. i-i85.

  • il \n i BUB1DAN (DE h.iimm.) 1.1 LONARD DE VIMCI

    adopt pa* le Vinci 1,

    !

  • 34 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    influences diverses des enseignements que l'Universit de

    Paris donnait au xive sicle.

    IV

    La Dynamique de Jean Buridan.

    Jean Buridan n'a rien crit qui ait directement influ sur le

    dveloppement de la Statique; la thorie du centre de gravitqu'Albert de Saxe a enseigne ne lui tait emprunte d'aucunemanire. En revanche, le systme de Dynamique qu'il aadopt, en ses Questions sur la Physique, tait appel orien-

    ter, pendant deux sicles, la pense de l'cole nominalisteparisienne. Accueilli, non sans grande rsistance, par les

    Gomtres italiens qui, la Renaissance, luttaient contrel'Aristotlisme et l'Averrosme routiniers des Universits, il

    devait se dvelopper grce leur science mathmatique, etengendrer la doctrine mcanique de Galile et de ses mules.C'est assez dire l'importance qu'a, pour l'histoire de la Mca-nique, l'tude de la Dynamique du Philosophe de Bthune.Non pas, sans doute, que la thorie de Yimpetus, qui est le

    fondement de cette Dynamique, soit due en entier Buridan.Nous avons vu ailleurs 1 comment elle avait t nettementformule par Jean Philopon; comment certains penseursarabes, tel l'astronome Al Bitrogi, semblaient l'avoir adopte;

    comment Saint Thomas d'Aquin et Walter Burley y avaientfait allusion pour la rejeter; comment, enfin, Guillaumed'Ockam lui avait accord une adhsion formelle et fermementtablie par une vigoureuse discussion. Nulle part, cependant,

    cette thorie n'a t expose avec autant d'ampleur, de suiteet de dtails qu'en la douzime question 2 pose par le Philo-

    i. Nicolas de Cues et Lonard de Vinci; IX. La Dynamique de Nicolas de Gus etles sources dont elle dcoule. (tudes sur Lonard de Vinci, XI, deuxime srie,pp. 189-193.)

    2. Magistri Johannis Buridam Questiones octavi libri physicorum. Queritur 12utrum projectum post exitum a manu projicientis moveatur ab are, vel a quomoveatur. Bibl. nat., fonds lat., ms. 1A723, foll. 106, col. a, et 107, col. b.

  • .1 i:\\ I iti lu i \ \ ( ii m' i ni \ OB IRD ii \ IN( i

    sophe de Bthune au sujet du huitime livre Celle question est ainsi formule : t< Le projectile, aprsqu'il a quille la main de celui qui le lance, esl-il mfi par L'air?Sinon, par quoi est-il m? >En la table qui se trouve au dbut du huitime livre, les

    matires Iraitcs en celle question sont numres dans Lestermes suivants :

    Duodecima questio. Utrutn projectum post exitutn a manuprojicientis tnoveatur ab are, vel a quo movealur? Quare longiusprojicio lapidera quam plumarn vel lanlumdem de ligno? Quodmovetur ab impela ei impresso a molore. Quare molus naluralesgravium suai velociores in fine quam in principio. An oporlelponere inlelligentias ad movendum corpora celestia? Que res estille motus? Quare pila de chordaQ) longius reflectitur quam lapisveloeius motus?

    Ce sommaire donne, ds l'abord, une ide de la gravit desproblmes qu'aborde Buridan en cette partie de son uvre.Les solutions qu'il propose de donner ces problmes font decette douzime question l'un des monuments les plus impo-sants de la Science mdivale. Aussi croyons-nous devoir endonner la traduction textuelle et complte.

    Il parat, dit Buridan, que le projectile, aprs avoir quittla main qui le lance, une peut tre m par l'air; l'air, en effet,qui doit tre divis par ce projectile, semble plutt rsister son mouvement.

    En outre, vous direz peut-tre que celui qui lance le pro-jectile meut, au dbut du mouvement, non seulement ceprojectile, mais aussi l'air voisin, et que cet air branl meutensuite le projectile jusqu' une certaine distance. Mais, cela,on fera cette rponse : Qu'est-ce qui meut cet air aprs qu'iln'est plus m par celui qui lance le projectile? La difficult estla mme pour cet air que pour la pierre projete.

    ristote, au VIII e livre du prsent ouvrage, soutientl'opinion contraire, et cela en ces termes : Si les projectiles

    i. x\Is. cit., fol. g5, col. b.

  • 36 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    continuent de se mouvoir aprs qu'ils ont subi le contact dece qui les lance, c'est ou bien par viMcepCcrraffi.* comme certains

    le prtendent, ou bien parce que l'air press par le projectilepousse, son tour, d'un mouvement plus rapide, l'air qui setrouve devant lui. Aristote rpte la mme chose au VIP livredu prsent ouvrage, en ce VIIIe livre et au III e livre duDe Clo.

    Cette question est, mon avis, fort difficile, car, ce qu'il

    me semble, Aristote ne l'a pas bien rsolue.

    Aristote examine deux opinions. La premire invoque ce qu'il nomme l'vRiueptatao. Le

    projectile quitte rapidement le lieu o il se trouvait. La Nature,qui ne permet pas l'existence d'un espace vide, envoie avec la

    mme vitesse de l'air derrire le projectile. Cet air, anim d'unvif mouvement, rencontrant le projectile, le pousse en avant;le mme effet se reproduit jusqu' ce que le corps m par-vienne une certaine distance.

    Cette thorie n'a pas l'approbation d'Aristote ; il la rfute

    au VIII e livre de cet ouvrage, disant : L'vTn:ep(

  • JEAN i BURIDAH (DE BBTHUNE) m LONARD DE nin'.i V

    qu'il n'est pas ncessaire que ions les corps situs derrire l

  • 38 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    projectile, mais que l'air conjoint au projectile est m parcelui qui lance le mobile, que cet air en meut un autre, et ainsi

    de suite jusqu' une certaine distance ; la premire masse d'airmeut donc le projectile jusqu' ce qu'il parvienne uneseconde masse d'air, cette seconde masse jusqu' une troisimeet ainsi de suite ; aussi Aristote dit-il qu'il n'y a pas l un seul

    mobile, mais des mobiles successifs ; Aristote dit galementque le mouvement n'est pas un mouvement continu, mais unesrie de mouvements conscutifs ou contigus.

    Mais, sans aucun doute, cette opinion et cette hypothseme semblent galement impossibles admettre, tout commel'opinion et l'hypothse prcdentes. Cette explication ne

    permet pas de dire ce qui fait tourner la meule du forgeron oula toupie lorsque s'est retire la main qui les a mises en mou-vement; en effet, si Ton recouvrait entirement la meule laide d'un linge qui la spart de l'air ambiant, la meule necesserait cependant pas de tourner; elle continuerait trs long-

    temps se mouvoir ; ce n'est donc pas cet air qui la meut. Item, un bateau m rapidement demeure en mouvement

    aprs que les haleurs ont cess de tirer; ce n'est pas l'air

    ambiant qui meut ce bateau; s'il tait couvert d'une bche,que l'on enlevt cette bche et, en mme temps, l'air qui luiest contigu, le bateau ne s'arrterait pas pour cela ; en outre,

    si le bateau tait charg de foin ou de paille et qu'il fut m parl'air ambiant, cet air inflchirait vers l'avant les ftus qui setrouvent la surface du chargement; bien au contraire, cesftus s'inflchissent vers l'arrire par suite de la rsistance de

    l'air qui les entoure.

    Item, si vivement que l'air soit m, il reste facile diviser;

    on ne voit donc pas comment il pourrait porter une pierre dupoids de mille livres lance par une fronde ou par une

    machine. Item, avec votre main, sans rien tenir en cette main, vous

    pouvez mouvoir l'air voisin aussi vite et mme plus vite quesi vous aviez en cette mme main une pierre que vous voulezlancer; supposons donc que cet air, grce la vitesse de sonmouvement, ait assez d'imptuosit pour mouvoir rapidement

  • Ji:v\ i BURIDAH (DE BBTHUNB) BT LONARD DE VINCI 3g

    cette pierre; il s** 1 1

    1

    1 >I

  • ^O TUDES SUR LEONARD DE VINC

    mentateur de nommer lgret. Si cette lgret est celle-l

    mme que l'air possdait auparavant et qu'il gardera ensuite,l'air avait donc, avant le moment o le mobile a t lanc, lamme force motrice qu' ce moment; il devait donc, avant cemoment, mouvoir le projectile comme il le meut aprs, car,en la nature, toute puissance active, ds l qu'elle est appli-

    que au patient, doit agir et agit en effet. Si, au contraire, cettelgret est autre chose, si c'est une disposition nouvelle,

    propre mouvoir l'air, qui lui est imprime par celui quilance le projectile, nous pouvons et nous devons dire demme qu'une telle chose est imprime la pierre ou au mobileprojet, et que cette chose est la vertu qui meut ce corps; ilest clair qu'il vaut mieux faire cette supposition que de recou-rir l'air qui mouvrait le projectile ; bien plutt, en effet, l'airsemble rsister.

    Voici donc, ce me semble, ce que l'on doit dire : Tandisque le moteur meut le mobile, il lui imprime un certain impe-tus, une certaine puissance capable de mouvoir ce mobile dansla direction mme o le moteur meut le mobile, que ce soitvers le haut, ou vers le bas, ou de ct, ou circulairement.

    Plus grande est la vitesse avec laquelle le moteur meut lemobile, plus puissant est Yi/npetus qu'il imprime en lui. C'estcet impetus qui meut la pierre aprs que celui qui la lance acess de la mouvoir; mais, par la rsistance de l'air, et aussipar la pesanteur qui incline la pierre se mouvoir en un senscontraire celui vers lequel Yimpetus a puissance de mouvoir,cet impetus s'affaiblit continuellement; ds lors, le mouve-

    ment de la pierre se ralentit sans cesse; cet impetus finit partre vaincu et dtruit tel point que la gravit l'emporte surlui et, dsormais, meut la pierre vers son lieu naturel.

    On doit, ce me semble, tenir pour cette explication, d'unepart, parce que les autres explications se montrent fausses et,

    d'autre part, parce que tous les phnomnes s'accordent aveccette explication -ci.

    Dira-ton, par exemple : Je puis lancer une pierre plusloin qu'une plume, et un morceau de fer ou de plomb adapt ma main plus loin qu'un morceau de bois de mme gran-

  • JEAH I BURIDAN (DE BETHl'NE) RT LONARD DE VTHCA l\ I

    deur. Je rponds que la cause en est la suivante : Toutes lesformes et dispositions naturelles sont reues < i n la matire eten proportion de la [quantit de] matire; partant, plus un

    corps contient de matire, plus il peut recevoir de cet impetus,

    et plus grande est L'intensit avec laquelle il peut le recevoir;or, dans un corps dense et grave, il y a, toutes choses galesd'ailleurs, plus de matire premire qu'en un corps rare etlger; un corps dense et grave reoit donc davantage de cetimpetus, et il le reoit avec plus d'intensit [qu'un corps rareet lger]; de mme, un certain volume de fer peut recevoirplus de chaleur qu'un gal volume de bois ou d'eau. Une plumereoit un impetus si faible, que cet impetus se trouve dtruit

    aussitt par la rsistance de l'air. De mme, si celui qui lancedes projectiles meut avec une gale vitesse un lger morceaude bois et un lourd morceau de fer, ces deux morceaux ayantd'ailleurs mme volume et mme figure, le morceau de fer iraplus loin parce que Yimpetus qui se trouve imprim en lui estplus intense. C'est pour la mme cause qu'il est plus difficiled'arrter une grande meule de forgeron, mue rapidement,qu'une meule plus petite; en la grande meule, en effet, il y. a,toutes choses gales d'ailleurs, plus d'impetus qu'en la petite.

    Toujours en vertu de la mme cause, vous pourrez lancer plusloin une pierre d'une livre ou d'une demi-livre que la millimepartie de cette pierre; en cette millime partie, en effet, Yimpe-tus est si petit qu'il est tout aussitt vaincu par la rsistance

    de l'air.

    Cela semble aussi tre la cause pour laquelle la chutenaturelle des graves va en s'acclrant sans cesse. Au dbut decette chute, en effet, la gravit mouvait seule le corps ; il tom-bait donc plus lentement; mais, bientt, cette gravit imprimeun certain impetus au corps pesant, impetus qui meut le corps

    en mme temps que la gravit; le mouvement devient alorsplus rapide; mais plus il devient rapide, plus Yimpetus devientintense; on voit donc que le mouvement ira continuellementen s'acclrant.

    Celui qui veut sauter loin recule et court avec vivacit,

    afin d'acqurir par cette course un impetus qui, durant le saut,

  • l\1 ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

    le porte une grande distance. D'ailleurs, durant qu'il courtet saute, il ne sent nullement que l'air le meuve, mais il sent,au-devant de lui, l'air qui lui rsiste avec force.

    On ne voit pas dans la Bible qu'il existe des intelligencescharges de communiquer aux orbes clestes le mouvementqui leur est propre; il est donc permis de montrer qu'il n'y aaucune ncessit supposer l'existence de telles intelligences.

    On pourrait dire, en effet, que Dieu, lorsqu'il a cr le Monde,a m comme il lui a plu chacun des orbes clestes ; il aimprim chacun d'eux un impetus qui le meut depuis lors;en sorte que Dieu n'a plus mouvoir ces orbes, si ce n'est enexerant une influence gnrale, semblable celle par laquelleil donne son concours toutes les actions qui se produisent;c'est ainsi qu'il put se reposer, le septime jour, de l'uvrequ'il avait acheve, en confiant aux choses cres des actions etdes passions mutuelles. Ces impetus que Dieu a imprims auxcorps clestes, ne se sont pas affaiblis ni dtruits par la suite

    du temps, parce qu'il n'y avait, en ces corps clestes, aucuneinclination vers d'autres mouvements, et qu'il n'y avait nonplus aucune rsistance qui pt corrompre et rprimer cesimpetus. Tout cela, je ne le donne pas comme assur; jedemanderai seulement Messieurs les Thologiens de m'en-seigner comment peuvent se produire toutes ces choses.

    Mais l'occasion de cette opinion se prsentent des diffi-cults qui ne sont pas petites.

    Premire difficult. La pierre jete en l'air est mue par unprincipe intrinsque, savoir par Yimpetus qui lui a t

    imprim; il ne parat pas que cela soit vrai, car tout le mondes'accorde regarder ce mouvement comme un mouvementviolent; or, selon le III e livre de Ythique, ce qui est violentprovient non d'un principe actif intrinsque, mais d'un prin-cipe extrinsque.

    Deuxime difficult. Cet impetus, qu'est- il? Est-ce lemouvement lui-mme, est-ce autre chose? Si c'est autrechose que le mouvement, est-ce une ralit purement succes-sive, comme le mouvement lui-mme, ou bien une chose denature permanente? Quelle que soit, en effet, l'affirmation que

  • JEAN i BURTDN (DB m::im ni:) ET LONARD DE \i\
  • ^4 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    encore tre rendue vidente par ceci, que nous avons dit

    ailleurs : tre m consiste uniquement dans le fait mmed'tre produit ou d'tre dtruit ; le mouvement n'existe donc

    pas quand il est fait, mais bien quand il se fait (Motum essenihil aliud est quam ipsum fiert et ipsum corrumpi; unde motus

    non est qundofactus est, sed quando fit). Voici la seconde conclusion : Cet impetus n'est pas une chose

    purement successive ; le mouvement, en effet, est une ralit

    purement successive, comme nous l'avons dit ailleurs, et nous

    venons de dclarer que cet impetus n'tait pas identique au

    mouvement local. Item, toute ralit purement successive se dtruit conti-

    nuellement, il lui faut donc tre sans cesse produite; or, on nepeut assigner cet impetus quelque chose qui l'engendre sans

    cesse, car ce quelque chose lui serait semblable.

    La troisime conclusion est donc que cet impetus est uneralit permanente distincte du mouvement local selon lequelse meut le projectile. Cette conclusion rsulte des deux prc-dentes et de ce qui a t dit auparavant. Il est vraisemblable

    que cet impetus est une qualit dont la nature est de mouvoirle corps auquel elle a t imprime; de mme dit-on qu'unequalit imprime dans le fer par l'aimant meut ce fer vers cetaimant. Ceci est galement vraisemblable : De mme que cettequalit a t imprime dans le mobile par le moteur en mmetemps que le mouvement, de mme est-elle affaiblie, dtruiteet empche par toute rsistance et toute inclination contrairequi affaiblit, empche et dtruit le mouvement.

    De mme qu'un corps lucide qui engendre de la lumiredonne de la lumire rflchie si un obstacle lui est oppos, de

    i. Le raisonnement du Philosophe de Bthune suppose essentiellement qu'iln'existe que deux sortes de ralits, les ralits permanentes et les ralits succes-sives. C'est, du reste, ce que Buridan semble toujours admettre lorsqu'il discute, parexemple, de la nature du mouvement (Phys. lib. III, qu.-rst. VII). On peut, de cetteremarque, tirer argument pour prouver que les Qustiones in libros de Anima ne sontpas du Philsophe de Bthune. L'auteur de ces questions, en effet, admet qu'il existenon seulement des ralits purement permanentes et des ralits purement succes-sives, mais encore des ralits qui sont permanentes d'une certaine manireet succes-sives d'une autre manire; c'est dans cette dernire catgorie qu'il range la lumire.(Johannis Buridani Qustiones in Aristolelis libros de anima ; in lib. II quaest. XIX;d. Parisiis i5i6, fol. xvi, col. c.)

  • JEAN i BURIDAH (DE iiiiiiimi m LONARD DE \i\m i

    mme, la rencontre d'un obstacle, cet impetus produit unmouvement rflchi. Il est vrai que d'autres causes concourentavec cet impetus produire un mouvement rflchi de longparcours. Par exemple, une de ces causes est celle grce

    Laquelle une de ces halles dont nous nous servons pour jouer la paume rebondit plus haut qu'une pierre, aprs avoir frappla terre, cl cela alors mme (pie la pierre est tombe terreavec plus de vitesse et d'imptuosit. Beaucoup de corps, en

    effet, peuvent tre courbs ou comprims sur eux-mmes parviolence ; ces corps ont la proprit de revenir trs rapidement leur rectitude premire ou la disposition qui leur convient

    ;

    en ce retour, ils peuvent tirer ou pousser avec imptuosit uncorps qui leur est joint; c'est ce qui apparat en l'arc. Ainsi,lorsque la balle frappe la terre dure, elle est comprime surelle-mme cause de Yimpetus de son mouvement; immdia-tement aprs, elle revient sa sphricit; en se relevant ainsi,

    elle acquiert un impetus qui la meut en l'air une grandehauteur.

    De mme une corde de cithare que l'on a fortement tendueet que l'on a frappe demeure longtemps agite d'un tremble-ment grce auquel elle met un son d'une certaine dure, etvoici comment cela se fait : Aprs que le coup dont elle a tfrappe l'a incurve violemment d'un certain ct, elle revientsi rapidement sa rectitude premire qu'elle dpasse cetterectitude, cause de Yimpetus, et s'en carte en sens contraire;elle revient alors en arrire et recommence un grand nombrede fois. C'est par une cause semblable qu'une cloche continue se mouvoir tantt d'un ct, tantt de l'autre, fort longtempsaprs qu'on a cess d'en tirer la corde; on ne peut l'arrterfacilement ni rapidement.

    Voil ce que j'avais dire sur cette question; je merjouirais que d'autres trouvassent lui faire une rponseplus probable.

    On ne saurait trop admirer la prcision avec laquelleBuridan a dfini cette qualit laquelle il donne le nom&'impetus.

    Pour un mobile donn, cet impetus est d'autant plus grand

  • 46 TUDES SUR LONARD DE VINCI

    que la vitesse communique ce corps est plus grande. Plusgrande est la vitesse avec laquelle le corps meut le mobile,

    plus est puissant impetus qu'il imprime en lui. D'autre part, vitesse gale, Arolume gal, Yimpetus est

    plus grand en un corps lourd qu'en un corps lger : Si celuiqui lance des projectiles meut avec une vitesse gale un lgermorceau de bois et un lourd morceau de fer, ces deux mor-ceaux ayant, d'ailleurs, mme volume et mme figure, lemorceau de fer ira plus loin parce que Yimpetus qui se trouve

    imprim en lui est plus intense. En effet toutes les formes et dispositions naturelles sont

    reues en la matire et en proportion de la [quantit de]matire; partant, plus un corps contient de matire, plus il

    peut recevoir de cet impetus et plus grande est l'intensit avec

    laquelle il peut le recevoir.

    Le sens de cette phrase est bien net : En des mobiles diff-

    rents, lancs avec une mme vitesse, les intensits de Yimpetussont entre elles comme les quantits de matire que renferment

    ces divers mobiles.

    Cette matire, qu'est- elle? Buridan la nomme matire pre-mire, materia prima. Ce n'est pas, cependant, ce ne saurait

    tre la matire premire d'Aristote. Absolument indtermine,celle-ci n'est pas quantifiable. La matire premire dont parleBuridan, c'est donc cette matire premire dj pourvue dedimensions et quantifi