Trouver le bon mix : l’avenir de l’industrie en Europe

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    EN COUVERTURELindustrie en Europe

    Lavenir de lindustrie a fait lobjet dun dbat houleuxle 11 mai dernier, lorsque Bert De Graeve a exprimdes critiques dans Knack sur la faon dont on traitelindustrie en Belgique et a laiss entendre quil nexcluait pas

    que Bekaert quitte un jour notre pays. De tels propos ontsuscit des ractions alarmes,notamment de la part du mi-

    nistre-prsident a-mand, Kris Peeters,et des syndicats.Rien dtonnant

    cela : le bon fonctionnementde lindustrie est essentiel lensemble

    de lconomie. Daprs, entre autres, un rapportdEconopolis (septembre 2010), les secteurs industriels fournis-sent une forte valeur ajoute, ce qui se traduit par des salaires

    plus levs que la moyenne, tirant vers le haut les rmunra-tions des autres secteurs notamment de lconomie des ser-vices , et assurant ainsi une hausse du pouvoir dachat.

    Une tude du Bureau du plan de 2007 soulignait dj que lesemplois industriels ont un effet de levier vident sur les autressecteurs. Autrement dit, les activits de fabrication constituentla base de nombreuses autres activits conomiques. Lindus-trie reprsente les trois quarts des exportations belges et pasmoins de 80% du budget de la recherche et du dveloppe-ment. Ces chiffres montrent combien lindustrie est essentielle la cration de savoir-faire. lheure o les termes dinnovation

    et de crativit sont sur toutes les lvres, ce constat nest pasdnu dintrt.

    Cependant, les secteurs industriels, en Belgique comme enEurope, sont plus que jamais soumis rude preuve. Les activi-ts sont dlocalises vers lEst et/ou de nouveaux investisseursinternationaux rachtent des entreprises, contribuant ainsi lexode des centres de dcision hors de lEurope, avec, pourconsquence, une plus grande dpendance et donc une cer-taine vulnrabilit.

    La tendance la dsindustrialisation est une ralit depuis uncertain temps. Elle est perceptible surtout au niveau de lem-ploi. La Belgique enregistre mme le plus grand recul de tousles pays de lOCDE : depuis 1970, elle a perdu plus de la moitide ses emplois industriels. Ajoutons cela une baisse de lem-ploi de 3% lors de la crise de 2008 et 2009. Daprs les chiffresdu rapport Econopolis susmentionn, peine 13% des Belges

    travaillent encore dans lindustrie. Une enqute de McKinseyporte cette part 17%, soit 450.000 personnes. Ce quoi les es-timations de la Banque nationale de Belgique ajoutent 250.000emplois indirects.

    En Europe, il reste encore prs de 22 millions demplois dansles secteurs industriels. Lindustrie europenne est donc loindtre morte. LEurope est mme pionnire dans certaines nou-velles niches, telles que les cotechnologies. Il nempche quelavance dont elle jouit encore dans certains sous-secteurs peutvite tre rattrape par les nouvelles conomies forte croissancedAsie et dAmrique. LEurope a donc tout intrt laborerune politique stratgique en vue de stimuler la croissance indus-trielle. Environ 400 cadres suprieurs ayant particip une en-qute dAccenture et de la FEB (avril 2011) ont rvl commentils imaginaient cette politique. Pour 47% des sonds, la mesure

    la plus efcace serait la rduction des taxes et de la rglemen-tation. 36% dentre eux plaident en faveur dune plus grandecoopration entre lEurope et les pays en dveloppement. Ilssont presque aussi nombreux (34%) sexprimer en faveur dunestratgie industrielle paneuropenne axe sur des secteurs sp-ciques, et 33% considrent que lessentiel est dinvestir davan-tage dans les comptences scientiques et techniques.

    Ces lments, associs au besoin dinnovation et de plans dac-tion nationaux et/ou rgionaux pour venir en soutien lindus-trie, constituent le l rouge de ce dossier. Nous y avons tentde rpondre la question de savoir ce qui est dterminant pour

    lavenir de lindustrie en Europe. Certes, nous navons pas derponse simple porte de main, mais les analyses rvlentmalgr tout des lments concordants. l

    PBR

    Trouver le bon mix Lavenir de lindustrie en Europe

    DANS CE DOSSIER30 Linnovation au sens largeLanalyse de Leo Sleuwaegen (Vlerick Management School) et MoniqueRamioul (HIVA)

    32 chacun son plan MarshallLes caractristiques communes de projets de soutien lindustrie

    33 Quest-ce qui peut favoriser ou nuire lavenir delindustrie en Europe ?Enqute auprs de six Captains of Industry

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    Bien que lindustrie reprsente 75% des exportations et 80%des activits de R&D (chiffres concernant la Belgique), lesemplois dans les secteurs industriels ne slvent, daprsune tude de McKinsey, qu 17% du total des emplois. Cestdonc avant tout au niveau de lemploi que se situe la rgressionde lindustrie.

    Un constat quil convient de nuancer, selonLeo Sleuwaegen :Ces chiffres sont fausss par la tendance lexternalisationqui sest dessine au cours des quinze dernires annes : bonnombre dentreprises industrielles se sont concentres de plusen plus sur leur cur de mtier, en sous-traitant des activits

    comme le transport, lentretien et linformatique.Cest une volution essentiellement statistique

    qui ne change en rien limportance intrinsquede lindustrie. De mme, grce lautomatisation et aux inno-vations qui minimisent la main-duvre, la crois-

    sance de la productivit a beaucoup plus augment dans les sec-teurs industriels que dans le secteur des services notamment, cequi explique en partie le recul de lemploi. Mais Leo Sleuwaegenmet en garde :Tout cela ne change rien au fait que la pressionest beaucoup plus importante aujourdhui, notamment en raisondes nouvelles conomies mergentes.

    La spcialisation dans des produits haut de gamme, que prco-nise le professeur Sleuwaegen, exige daccorder en permanencede lattention linnovation. Ce sur quoi les dcideurs politiquesde lUnion europenne, comme le monde conomique, misent

    Analyse des universitaires

    La logique visant accrotre le nombre de machines et rduire le personnel pour rester comptitif a longtemps fonctionn, mais elle montre aujourdhui ses limites.

    Lindustrie europenne est dsormais confronte au d de se spcialiser davantagedans des produits haut de gamme innovants. Il savre galement indispensable

    dattirer des investisseurs trangers, tout en permettant aux entreprises desinternationaliser davantage. Cest, en rsum, la vision de Leo Sleuwaegen, professeur

    dconomie la Vlerick Management School et la K.U. Leuven. Sa collgue MoniqueRamioul (HIVA) prconise denvisager linnovation au sens large.

    fortement. Mais a-t-on raison de croire que lEurope est le centrede linnovation ? Si lon se base sur le pourcentage de brevets etle pourcentage de laurats des prix Nobel, lEurope semble biendisposer desprits innovants depuis plusieurs dcennies. Maiscela ne se traduit pas toujours par une commercialisation rus-sie des produits et, surtout, les pays orientaux sont en train de

    combler leur retard.Nous maintenons toutefois notre avance, assure le professeur Sleuwaegen.

    Stop & goLe choix que font les pouvoirs publics de miser sur linnovation(le plan Marshall en Wallonie, la Nieuw Industrieel Beleid enFlandre, ainsi que des initiatives comparables en France, en Alle-magne et aux Pays-Bas) est donc plus que lgitime.Il est impor-

    tant que les pouvoirs publics crent les condi-tions permettant aux entreprises de prendre desinitiatives et de se moderniser. Cest ce quilsfont, mais, personnellement, jestime quil vaut

    mieux ne pas distribuer des subventions car il nappartient pas aux pouvoirs publics de juger qui est sufsamment innovant et qui ne lest pas. Cela exige, enrevanche, de mettre disposition des infrastructures de base,de soutenir les secteurs prometteurs et de stimuler les liresdenseignement concernes, rsume le professeur Sleuwae-gen. Il ajoute galement quune telle politique doit tre menesur la dure :Cela na pas de sens de soutenir la R&D, puis dequasiment fermer les robinets lors de la lgislature suivante. Unepolitique du stop and go ne fait gure avancer les choses, maiscest, hlas, souvent la ralit.

    Soutenir linnovation implique, par ailleurs, un soutien particu-lier aux starters et aux entreprises en expansion. Or, il sagit pardnition de PME. Cela ne signie pas pour autant quil faillerenoncer aux grandes entreprises industrielles, avertit notre in-terlocuteur.Ce nest pas tout lun ou tout lautre. Je comprends

    30 JUIN 2011

    Cela na pas de sens de soutenir la R&D,puis de fermer les robinets lors de la lgislaturesuivante Leo Sleuwaegen (Vlerick, K.U. Leuven)

    Linnovation au sens large

    EN COUVERTURE Lindustrie en Europe

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    les efforts dploys par le gouvernement amand pour maintenir GM Anvers. Il ne convient pas, en effet, de renoncer rapide-ment cette industrie, mme si nous savons quelle est soumise rude preuve dans nos rgions. En mme temps, lindus-trie automobile est encore fortement ancre en Belgiqueet ces units de production constituent la base dun vaste

    tissu conomique, qui comprend galement de nom-breuses PME.

    Innover au niveau du processusorganisationnelMonique Ramioul, responsable de recherche au sein de lInstitutde recherche sur le travail et la socit (Onderzoeksinstituut voorArbeid en Samenleving HIVA), formule, elle aussi, une mise engarde : mieux vaut ne pas se concentrer trop exclusivement surlconomie de la connaissance de trs haute technologie. Labasse technologie devra, selon elle, toujours conserver sa placeici, mme si cela savre beaucoup plus difcile. La dlocalisation

    des activits industrielles est une problmatique plus nuanceque ce que lon entend gnralement, estime-elle. Mme si ellesont lieu un rythme plus soutenu depuis quelques annes, lesdlocalisations sont inhrentes aux activits industrielles. Maistout nest pas dlocalisable, loin sen faut, et surtout, on sous-es-time souvent les cots levs et les difcults que cela implique.Je connais certaines entreprises qui ont su consolider ces acti-vits, notamment en adoptant une mthode de travail fortement axe sur la clientle.Linnovation doit tre envisage au sens large, et pas seulementau niveau du produit.Il nest pas rare que lon puisse gagner encomptitivit en agissant au niveau de lefcacit du processusorganisationnel ou de la manire dont on aborde le client. cet gard, je constate que les travailleurs constituent souvent unesource inexploite pour le diagnostic dun problme ou pour la-borer un processus de changement. Il est galement judicieux de mettre les travailleurs qui fabriquent les produits en contact

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    avec les clients an quils aient une meilleure ide des souhaits sp-ciques de ces derniers, et que les clients eux-mmes aient unemeilleure ide de la faisabilit de leurs demandes. cet gard,Monique Ramioul cite le cas du fabricant de lingerie Van de Velde :des piqueuses ont t impliques ds le dbut dans la cration delingerie an de vrier si la production de ces crations tait rali-sable. Certains tissus peuvent, en effet, ne pas tre compatibles lorsde lassemblage et les crateurs nen sont pas toujours conscients.En impliquant des travailleurs oprationnels ds le dpart, lentre-prise conomise beaucoup de temps et dargent.

    Syndicat allemandCette attention porte aux comptences du personnel constitue,selon Monique Ramioul, un facteur important pour lavenir de lin-dustrie en Europe. Un argument quelle taie par un autre exemple :Il y a environ dix ans, les entreprises dlocalisaient toujours plusdactivits de servi ces commerciaux vers lEuropecentrale et orientale, notamment des services in-formatiques primaires. Jai fait des recherches

    ce sujet dans le cadre dun vaste projet dtudeeuropen, auprs dentreprises en Hongrie et enBulgarie qui, de leur propre chef, sont alles plusloin : elles ont investi dans les comptences de leur personnel, cequi leur a permis doffrir au client plus que ce quil nattendait. Unetelle approche a suscit la conance du client et a permis lentre-prise de se hisser dans la chane de valeur. Cest au bout du comptece qui a sauv les entreprises : en raison de la mondialisation crois-sante et de la relance de lconomie en Europe centrale, lavantage

    salarial a disparu et les services faible valeur ajoute ont migrencore plus lEst. Les entreprises qui ny taient pas prpares ont manqu le coche.

    Monique Ramioul estime, par consquent, quil est ncessaire degnrer des innovations qui anticipent les volutions futures. EnAllemagne, le grand syndicat mtallurgique IG Metal a fait siennecette manire de penser : avec lquipe Arbeid und Innovation, lesyndicat entend participer la rexion et llaboration dune or-ganisation plus comptitive en ralisant des conomies de cotsqui nont pas dimpact ngatif sur lemploi et les conditions de tra-vail.Cest un signal fort quenvoie IG Metal en souscrivant uneapproche qui anticipe les changements conomiques, alors que lessyndicats, jusqu prsent, se montraient plutt ractifs en dfen-dant un plan social aussi correct que possible en cas de dgrais-sages annoncs ou de modications des conditions de travail,conclut Monique Ramioul. l

    Pol Bracke

    Mme si elles ont lieu un rythme plussoutenu depuis quelques annes, les

    dlocalisations sont inhrentes aux activitsindustrielles

    Les travailleurs constituent une sourcerarement exploite pour le diagnostic

    dun problme Monique Ramioul (HIVA)

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    Tous les projets reposent avant tout sur un pacte : lespouvoirs publics, les entreprises, les universits et lespartenaires sociaux travaillent en association pour

    identier des regroupements sur lesquels se concentrer et ausein desquels des ples dinnovation sont crs. Le but est demieux concentrer les efforts fournis sur un nombre limit dedomaines technologiques au lieu de vouloirbien faire dans tous les domaines dinnovationpossibles. Le plan Marshall 1 en Wallonie ci-blait cinq ples : lagroalimentaire, laronau-tique, le gnie mcanique, la sant et la bio-technologie, les transports et la logistique. Sonsuccesseur, le plan Marshall2.vert, y ajoute lestechnologies de lenvironnement.

    Monique Ramioulcite galement lexempled'Eindhoven Brainport :Ce projet consiste dnir la rgion environnant la ville ner-landaise de Eindhoven comme un centreconsacr aux entreprises haute intensit deconnaissances. Un choix discutable, mais qui a lavantage dtre clair.Monique Ramioulremarque, par ailleurs, que tous les plans accordent de lim-portance aux activits dinnovation concernant lconomiedurable, comme les connaissances et la pratique relatives laconstruction et la rnovation conergtique.

    Le plan Marshall wallon est souvent cit comme exemple russide politique de soutien rgional lindustrie (le gouvernementamand prsentera la semaine prochaine sa nouvelle politiqueindustrielle ou Nieuw Industrieel Beleid).Qui aurait pu ima-giner, il y a 10 ans, que Microsoft et Google sinstalleraient enWallonie ?se demande le ministre-prsident wallon Rudy De-motte. Selon lui, cest grce au plan Marshall. Le plan est sou-mis un suivi permanent et une valuation externe ralisepar lIWEPS, un institut scientique indpendant.

    Le plan Marshall 1 a dj engrang des rsultats encoura-geants : 29.852 emplois crs, plus de 200.000 formationssuivies, 46.279 personnes ayant bnci dun plan langues,1.284 chercheurs nancs. En 2010, le plan a fait lobjet dequelques modications, ce qui a donn lieu au plan Marshall2.vert. Les premiers rsultats ont t annoncs en fvrier 2011,un an aprs son lancement : en 2010, 17.870 demandeurs dem-

    Politique industrielle

    Monique Ramioul a pass la loupe plusieurs projets labors par divers tats membres en soutien lindustrie de leur pays ou de leur rgion (comme le plan Marshall en Wallonie et la Nieuw IndustrieBeleid en Flandre). Ces projets prsentent des caractristiques communes, constate-t-elle.

    ploi ont suivi une formation pour les mtiers en demande, dont2.541 formations lies aux professions de lalliance travail-envi-ronnement. En outre, dans le cadre du plan langues, 327.980heures de formation intensive en langues ont t organisespour les demandeurs demploi.

    Sur la priode 2004-2008, lemploi wallon a aug-ment de 2,1%, un chiffre comparable celui de laFlandre : 2,2% (de 64,3% 66,5%). Pour la priode2005-2010, le nombre de nouvelles entreprises enWallonie a progress de pas moins de 14,6%.

    PMEUne des corrections apportes au plan Marshallconcernait les PME qui ont fait lobjet dune plus

    grande attention. Le premier plan Marshall se

    concentrait en effet surtout sur les grandes entreprises. Leplan Marshall 2.vert sest accompagn du lancement dunSmall Business Act, dont l'objectif est de simplier les d-marches administratives lors de la cration dune entrepriseet du dveloppement conomique, de soutenir davantage

    la croissance et de faciliter la transmission dentreprises. Lesrsultats du plan Marshall prouvent que des initiatives de cegenre ont un sens, estime Rudy Demotte :Nous avons tousun rle jouer. Les chefs dentreprise, les responsables poli-tiques rgionaux et europens.

    Le ministre-prsident wallon assure que les choses voluentaussi au niveau europen.La Commission europenne sou-haite crer des conditions plus favorables pour le dveloppe-ment de lindustrie. Cette politique complte celles des tatsmembres. Avec les rsultats que la Wallonie peut prsenter aujourdhui, la complmentarit entre la politique industriellergionale et europenne semble tre indispensable et porter ses fruits. l

    PBR

    chacun son plan Marshall

    La complmentarit entre la politique industriellergionale et europenne est indispensable et porteses fruits Rudy Demotte (ministre-prsident wallon)

    EN COUVERTURE Lindustrie en Europe

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    Julien De Wilde, prsident dAgfa-Gevaert et de Nyrstar, ne mche pas ses mots :Cest un euphmisme dedire que nous devons tre trs innovants pour assu-rer un avenir solide notre industrie : sans innovation, nousmourrons.Si lEurope sen sort relativement bien dans le

    domaine de linnovation, cest un non-sens pur et simple que dafrmer trebeaucoup plus innovants en Europe.

    Certains indices laissent toutefoispenser que lEurope gure encoredans le peloton de tte en ce domaine.Ainsi, le prsident de la FEB, Pierre AlainDe Smedt, indique que 45% des brevets relatifs lconomieverte et lcotechnologie sont europens. En comparaison,les tats-Unis nen dposent que 14%.

    Wim Philippa, secrtaire gnral de lEuropean Round Tableof Industrialists (Table ronde des industriels europens, ungroupe dintrt et dopinion compos dune cinquantaine

    de chefs de grandes entreprises industrielles europennes),estime, lui aussi, que lEurope a encore une certaine avan-ce : Actuellement, les Chinois demeurent essentiellement des copieurs et ont encore du retard rattraper en matiredinnovation. Depuis la n de la Seconde Guerre mondiale,

    lEurope est une rgion trs innovante, notamment dans lessecteurs de lautomobile et de la biotechnologie. Beaucoupdentreprises ont cependant t rachetes par des socitsamricaines. La mme menace pse aujourdhui sur la tech-nologie gntique et la nanotechnologie. Cela sexplique enpartie par des facteurs motionnels : en Europe, on se medes choses nouvelles et inconnues.

    Avons-nous des raisons de supposer que nous sommes plus innovants que les nouvelles industries dOrient ou les pays BRIC?Nest-ce pas illusoire de croire que nous croyons pouvoir rellement faire la diffrence dans ce domaine ? Et surtout : y a-t-ilsufsamment de marge et donc de pouvoir de dcision et de budget pour tre innovants ?

    Enqute

    Qui dtient entre ses mains lavenir de lindustrie en Europe ? Quels facteurs peuvent nous guider ? FORWARD a consult quelques Captains of Industry. Pierre Alain De Smedt (prsident de la FEB),Wim Philippa (secrtaire gnral de lEuropean Round Table of Industrialists), Julien De Wilde (prsident dAgfa-Gevaert et de Nyrstar), Bernard Delvaux (administrateur dlgu de Sonaca), Luc Vansteenkiste (vicprsident de Recticel, prsident de Sioen) et Filip Van Hool (directeur de Van Hool) ont rendu leur analyse.Ces entretiens ont permis de distinguer cinq facteurs pouvant contribuer favoriser ou nuire lavenir delindustrie en Europe. Nous revenons en dtail sur chacun de ces facteurs dans les pages suivantes :1. Le facteur innovation 2. Le facteur politique europenne comptitive et cohrente 3. Le facteur plans daction rgionaux et nationaux 4. Le facteur march du travail 5. Le facteur Chine

    Quest-ce qui peut favoriser ou nuire lavenir de lindustrie en Europe ?

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    LE FACTEUR INNOVATION

    Actuellement, les Chinois demeurentessentiellement des copieurs et ont encoredu retard rattraper en matire dinnovation

    Wim Philippa (European Round Table of Industrialists)

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    Luc Vansteenkiste, vice-prsident de Recticel et prsi-dent du jury du plan Marshall wallon, insiste, lui aussi, sur

    limportance de la volont :LEurope peut rester un l-ment fort en matire dinnovation, tant que la volont est l. Mais l o nous pouvons mieux faire, cest penser davantage de manire europenne. Nous pourrions ainsi supprimer les doubles emplois, ce qui rapporterait suf-samment dargent pour soutenir des projets innovants.

    Filip Van Hool, directeur de lentreprise de constructiondautobus du mme nom, Lierre, parle de linnovationen Europe en sappuyant sur sa propre exprience pra-tique : Les constructeurs europens sont toujours despartenaires recherchs aux tats-Unis. Ils sont sollicitspar les constructeurs/carrossiers chinois et indiens aussi bien pour conclure des licences pour des connaissancestechnologiques que pour mettre sur pied des installa-tions de production. La technologie occidentale y est trs apprcie et des constructeurs comme Volvo et Mer-

    LEuropean Round Table of Industrialists (ERT) accor-de beaucoup dimportance la comptitivit, car cestdelle dont dpend lavenir social, conomique, socitalet culturel de lEurope, estime Wim Philippa, son secrtaire gn-ral.Le monde volue une cadence effrne et, dans le contexteactuel, il serait dj heureux que nous puissions maintenir la

    position conomique actuelle de lEurope dici 2025. Cela

    ncessite notamment que lEurope devienne un vrita-ble march unique et quelle parle dune seule voix.

    Or, il rgne aujourdhui certaines incertitudes quant qui reprsente lEurope et aux points de vue quelle dfend. Et puis,il faut tre raliste : quel responsable politique ose se projeter sur dix ans ? La politique se fait dune lection lautre.Julien De Wilde partage entirement cette analyse :En cemoment, on ne peut pas dire que lEurope soit un vritablepartenaire de ngociation pour les autres puissances mondia-

    cedes voient dans ces pays un avenir pour leurs divisionspoids lourds.

    Luc Vansteenkiste plaide nanmoins en faveur dune po-litique plus soigneusement rchie en la matire. Il sou-haite ainsi mieux impliquer les plus petites entreprisesdans la tendance innovatrice actuelle :Elles constituent,en nombre, le gros des entreprises, mais elles sont vuln-rables en raison de leur taille rduite. Il est trs important de les impliquer dans les programmes de recherche fon-damentale des plus grandes entreprises et des universi-ts, comme nous le faisons dans le cadre du plan Marshall wallon, an quelles puissent plus vite suivre cette ten-dance et assurer ainsi leur survie.

    Julien De Wilde rsume :En tout tat de cause, il y adeux domaines dans lesquels les entreprises ne doivent jamais lsiner, mme en temps de crise : la R&D et lesprocessus directement lis au client. l

    les : cest parfois Karel De Gucht, parfois Nicolas Sarkozy ou Angela Merkel qui srigent en reprsentants de lUnioneuropenne. On ne peut pas tre pris au srieux de cettemanire. Si nous voulons encore avoir une industrie forteen 2025, lEurope doit avant tout mener une politique co-hrente, de faon viter que les diffrents tats membresne rivalisent entre eux. LUnion europenne doit simultan-

    ment autoriser linnovation dans les pays les tatsmembres et les rgions doivent, en effet, tre en me-sure de prendre des initiatives et de faire des choix.LEurope doit tre ouverte au monde et au multi-culturalisme que cela implique.

    Pierre Alain De Smedt, prsident de la FEB, insiste, lui aussi,sur la ncessit dune politique europenne cohrente etcoordonne, en interaction rchie avec le soutien rgio-nal et national :Le dveloppement de lindustrie reposesur cinq piliers : lenseignement, le march du travail, la po-litique nergtique, la rglementation et linfrastructure. Or,tous ces lments sont xs par les pouvoirs publics. Cest pourquoi il ne faut pas avoir choisir entre les stimulants r-gionaux ou nationaux dun ct et le soutien europen glo-

    La faon dont lUnion europenne russira au moins maintenir sa comptitivit et crer une politique cohrente constitue,selon bon nombre dentrepreneurs et de chefs dentreprise, un facteur crucial pour lavenir de lindustrie en Europe. Mais surces deux aspects, lEurope a encore un long chemin parcourir.

    LE FACTEUR POLITIQUE EUROPENNE COMPTITIVE ET COHRENTE

    Hormis lAllemagne et les pays scandi-naves, lEurope ne se sent pas, pour linstant,presse par lurgence Julien De Wilde (Agfa- Gevaert)

    n

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    La situation du march du travail en Europe pourrait bien entraver le dveloppementde lindustrie : il nous manque 1,3 million dingnieurs et les emplois exigeant moinsde qualications sont, eux aussi, difciles pourvoir, malgr la grande rserve de main-duvre dans ce segment. Lindustrie en Europe est-elle mise mal par un problme deressources humaines ?

    de mme une rserve :Il vaudrait mieux, bien sr, une plus grandecoordination de la part de lEurope.Le monde conomique est deman-deur dun plus grand alignement auniveau europen, car aujourdhui,il arrive que les tats membres seconcurrencent. Ce manque dunionet de solidarit joue en notre dfa-veur. Dans la construction aronau-tique, nous devons surtout rivaliser avec les tats-Unis, et je constateque lAmrique du Nord adopteune attitude plus uniforme. l

    B ernard Delvaux, administrateur d-lgu de Sonaca, afche un moinsgrand optimisme lorsque lon abor-de la question du march du travail belgeet europen, en particulier en ce qui con-cerne les emplois peu qualis :Notremain-duvre, autrefois tant vante, noffreplus gure davantage comptitif : la pro-ductivit ne progresse plus sufsamment rapidement et lattitude au travail nest pastoujours exemplaire. Cela pose dimpor-tants problmes dans certaines entreprisesde lindustrie lourde, l o il existe encoredes emplois pour les travailleurs faiblement qualis. La pression est forte sur les entre-prises belges pour quelles dloca-lisent leurs activits de production

    l o la main-duvre cote moinscher, avec des performances deproductivit et de qualit compa-rables la Belgique.

    Autre problme : les marchs et les clientssont de plus en plus situs dans les paysmergents (BRIC), et de moins en moins en

    Europe. Il faut faire face cettesituation en sinstallant l o lesclients se trouvent. Mais celaexige toute une batterie dactions

    en Belgique, dont des formations,des plans damlioration partici-patifs et la mise en uvre duneculture du Lean. Par ailleurs, ilserait souhaitable de tenter derendre le march de lemploi plusexible et de favoriser le dvelop-pement demplois peu qualispar une scalit (ou contributionsociale) plus favorable, estimeBernard Delvaux.

    EnseignementTout comme Bernard Delvaux,Filip Van Hool constate que lthi-que du travail pose problme et

    que les travailleurs moins qualis peuventne pas tre assez motivs pour exercerleurs comptences et se btir une carriredans lindustrie. Il note cependant que lesentreprises portent une part de respon-sabilit :Je sais dexprience quil existeencore des opportunits pour le groupedes travailleurs faiblement qualis, pour autant que lentreprise prenne en chargeleur formation.Le constructeur dautobus esti-me quune part des difcultsse situe ds lenseignement :Une enqute montre que notreenseignement cre non seule-

    ment trop peu de personnes hautement qualies dans les lires techniques, maisquun nombre croissant de personnes fai-blement qualies quitte prmaturment les bancs de lcole. Cela constitue un gra-ve problme, qui exige une solution detoute urgence. Il existe encore en Europe

    des activits conomiques qui peuvent offrir des perspectives demploi pour cespersonnes faiblement qualies, laisse en-tendre Filip Van Hool.

    Wim Philippa reconnat la gravit du pro-blme : De toute faon, le vieillissement de la population aura des consquencessur le dveloppement de lindustrie euro-penne. Au train o vont les choses, lIta-lien moyen devra donner la moiti de sonsalaire en 2045 pour payer les pensions.Cela me parat improbable.Nous devons,par consquent, rendre plus attractive laprolongation de la vie active, de faon ceque les travailleurs expriments et com-

    LE FACTEUR MARCH DU TRAVAIL

    Il existe encore des possibilits pour

    les travailleurs faiblement qualis, pourautant que lentreprise prenne en chargeleur formation Filip Van Hool (VanHool)

    En tout tat de cause, lindustrie europennedevra se transformer, note Ann Vermorgen.Tout comme les employeurs et les pouvoirspublics, elle pense que linnovation constitueun lment-cl. Mais elle souhaiterait quecelle-ci se traduise par une innovation sociale,un processus impliquant les travailleurs etpouvant contribuer renforcer la comptiti-vit de lorganisation.Une telle transforma-tion est en cours au sein du syndicat : alorsquautrefois nos dlgus recevaient surtout une formation sur la faon de bien ngocier un plan social, nous insistons aujourdhui for-tement sur les moyens dont nous disposonspour participer une rexion pragmatique

    et anticipative dans lorganisation. Cela exigeune autre mentalit, mais cest une volutionindispensable.

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    EN COUVERTURE Lindustrie en Europe

    ptents quittent moins vite le march de lemploi, comme cestle cas actuellement, estime notre interlocuteur.

    Cela permettrait de compenser en partie la pnurie dingnieurs.Car cest surtout pour les prols techniques et scientiques que leproblme est criant :Il nous manque, en Europe, 1,3 million din-gnieurs et cette pnurie ne cesse daugmenter. Nous devonsfournir davantage defforts avec le soutien de la Commissioneuropenne pour attirer les jeunes vers les lires scientiqueset techniques. Lenseignement joue l un rle crucial.Wim Philippa plaide en faveur de projets de coopration plusludiques et plus attrayants avec les entreprises ; il souhaite que

    Il est bon de nuancer le tableau, estime le prsident de laFEB, Pierre Alain De Smedt :Nous avons tendance cari-caturer : voil les Chinois et les Indiens qui dbarquent pour tout racheter, mais on disait dj la mme chose il y a 20 ans

    au sujet des Japonais et il y a 30 ans, nous tions soi-disant envahis par les Amricains.Le fait que les centres de dcision quittent lEurope est, selonle prsident de la FEB, surtout ngatif pour les trs grandes

    entreprises qui se sont installes en Europe, mais voient

    leur sige principal partir vers lEst. Nous ne devons toutefoispas nous montrer trop ngatifs, juge-t-il. Il signale quil existeun nombre encore respectable de grandes entreprises ayantconserv leur sige principal en Europe et voit, par ailleurs, unenouvelle dynamique se dessiner : la rindustrialisation toucheles grandes PME et des rseaux constitus la fois de PMEdotes dune vision internationale et de grandes entreprises.Ajoutons quun rachat par un consortium chinois ne constituepas forcment une menace : regardez Volvo Cars, qui a t re-prise par le groupe chinois Geely et ne souffre pas dune moinsgrande autonomie que lorsque lentreprise tait dtenue par Ford. Volvo Cars est galement cite par Julien De Wilde comme unexemple de rachat chinois aux consquences positives. Len-treprise dassemblage automobile de Gand a, en effet, le venten poupe. Ce nest pas parce que les Chinois rachtent une

    danciens ingnieurs puissent raconter leurs expriences dansles coles et que les professeurs suivent des stages en entre-

    prises, etc. Mais ce ne sera pas sufsant, redoute-t-il. Noussommes nouveau confronts la ncessit de la migration.La migration doit se fonder sur des motifs conomiques pour pouvoir combler les carences du march du travail. Nous de-vons donc nous tourner vers lAfrique et lAsie. Dans ces r-gions du monde, de nombreuses personnes sont disposes venir chez nous. Et si elles le font pour contribuer au marchdu travail, nous devons les y autoriser. l

    entreprise ici quils souhaitent la fermer et partir avec son sa-voir-faire.Il y a donc tout lieu de relativiser les choses.Il est,bien sr, prfrable de conserver les centres de dcision dansnotre pays, mais on ne doit pas dramatiser les consquences

    dune ventuelle disparition de ceux-ci. En n de compte, cesont surtout les performances conomiques qui comptent. Et on peut aussi inverser les choses : prenons soin des centres dedcision qui sont encore ici.

    Luc Vansteenkiste va mme un peu plus loin :Lescentres de dcision changent en permanence, il ny a donc rien de nouveau sous le soleil. On pourrait mme presque afrmer le contraire : les dcisionssont plus que jamais prises en fonction de critreslocaux, des dcisions protectionnistes et nationa-listes tant, terme, inutiles car lenvironnement

    comptitif volue trop vite et un niveau trop international.Le problme porte aujourdhui uniquement sur les cots et laexibilit de la main-duvre, le niveau de formation, les in-citants scaux, lexcs de rglementation de lendroit o loninvestit, etc.

    Wim Philippa met cependant une rserve. Il recommandela vigilance pour que la libre-concurrence puisse se faire demanire loyale. Il est, en effet, particulirement difcile pourles entreprises europennes (mais aussi amricaines) de riva-liser avec un pays comme la Chine o les entreprises peuventencore compter sur laide de ltat.Nous devons de touteurgence clarier ce point au sein de lOrganisation mondialedu commerce. Sinon, le dveloppement conomique chinoisconstituera rellement une grande menace pour lindustrie enEurope, prvient ce dernier. l

    Des pays comme la Chine et lInde simposent de plus en plus sur la scne conomique mondiale et leur prsence dans noscontres est de plus en plus marque. Certains y voient une menace. Mais cette peur est-elle justie ? Les Chinois reprsentent-ils un danger pour lindustrie europenne ou, au contraire, sont-ils plutt une chance ?

    LE FACTEUR CHINE (ET AUTRES CONOMIES FORTE CROISSANCE)

    Nous avons tendance caricaturer : voil lesChinois et les Indiens qui dbarquent pour toutracheter, mais on disait dj la mme chose il y a20 ans au sujet des Japonais Pierre Alain De Smedt (FEB)