Tentations intenses (La saison des désirs t. 3) (French...
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Tentationsintenses
LaSaisondesDésirs,t.3
SadieMatthewsTraduitdel’anglaisparCamilledesAubes
©CityEditions 2016pourlatraductionfrançaise©SadieMatthews2015PubliéenGrande-BretagnesousletitreSeasonoflongingparHodder&Stoughton,uneentreprisedeHachetteUKCouverture:Shutterstock/StudioCityISBN:9782824644622CodeHachette:3515891Rayon:NewRomanceCollectiondirigéeparChristianEnglishetFrédéricThibaudCataloguesetmanuscrits:city-editions.comConformémentauCodedelaPropriétéIntellectuelle,ilestinterditdereproduireintégralementoupartiellementleprésentouvrage,etce,parquelquemoyenquecesoit, sansl’autorisationpréalabledel’éditeur.Dépôtlégal:Septembre2016ImpriméenFrance
Sommaire
ProloguePremièrepartie123456789
Deuxièmepartie1011121314151617181920
Troisièmepartie21222324252627282930
313233
Épilogue
Prologue
Ilest là, toutprès,dans l’autrepièce.Je l’imagine,deboutfaceauxfenêtresouvertes,contemplant lamer.Ilaposéunbrassurl’encadrement,unebriseagitesescheveux.Jem’imaginesortird’icietlevoir:dedos,largeetmusclésoussontee-shirtblanc.Jevoissescheveuxbrunsébouriffésparlabriseetleduvetsursanuquedanslequeljemeursd’envied’enfoncermesdoigts.À quoi pense-t-il en regardant la vaste étendue de l’océan qui s’étire jusqu’à l’horizon ? Le soleil
plonge dans les profondeurs de ses eaux sombres, laissant des coulées de lumière mordorée sur lesnuagesd’ungrisbleuté.C’estbeau,paisible,unescènequipeutvousfairepenser,l’espaced’uninstant,quetoutvabien.Pense-t-ilàmoi?Peut-êtreest-ilentraindem’imaginer,toutcommemoi,jel’imagine.Ilsaitqueje
suislà,allongéesurcelit,toutentièreoccupéeàpenseràlui.Mais,dansmonimagination,jeleregarde,jeboisdesyeuxlespectacledesoncorps,desapeauhâlée,
tellementdouceetchaude,desonjeanquimoulesesmusclesfermes.Soussontee-shirt,sesabdominauxqui ondulent, son torse large et puissant, ses épaules athlétiques. Je sens jusqu’à son parfum sucré etmusqué, je laissesonodeurenvahirmesnarineset inondermessensdeplaisir.Laseulepenséedececorpssuperbememetl’eauàlabouche.Monimaginationmeditquejemarcheverslui,ensilence,etquejeposelesmainssursondoschaudetdur.Ilsursauteetseretourne:‒Hé!s’exclame-t-il.Qu’est-cequetufais?‒Jenepeuxpasrésister,dis-jedansunmurmure.L’envieesttropforte,jenepeuxpasyrésister.Ettoi,
tupeux?Ses yeux sombres s’adoucissent, alors qu’ils me contemplent. Son regard m’enveloppe et ma peau
frémit:lafaçonqu’iladeregardermoncorps,messeinsquisegonflent,meslèvresentrouvertes,avidesdelui,toutmetmoncorpsenfeu.‒Tusaisquenousnepouvonspas,chuchote-t-il,maisilsetournepourêtrefaceàmoi.Ilpenche la têted’uncôté, sabarbenaissantedessineunemarquenoire sur ses joues, soncorpsest
puissantetélégantenmêmetemps.Toutmoncorpsvibrededésir.C’estinterdit.‒Qu’est-cequinousenempêche?dis-jeàvoixtrèsbasse,etjefaisunpasdeplusverslui.Labrisedusoir saisitmescheveuxet fait flotterquelquesmèchesdans l’air. Il tendunemainet les
remetenplace.‒Noussommesseuls.Riennenousenempêche.Ses yeux d’un brun velouté s’emplissent de désir tandis que nous nous faisons face, si près l’un de
l’autre.Monregardsuitlescourtspoilsbrunsquihérissentlapeaudesesjoues,ledessindeseslèvresetlescilsnoirsquiourlentsesyeuxsoussessourcilsnoirs.C’estleplusbelhommequej’aiejamaisvu.Nousnous rapprochons imperceptiblement.Sonsoufflecaressema joue, samainme touchepresque.
Meslèvres,palpitantesd’envie,sontprêtesàrecevoirlessiennes.Monventreestconvulsédedésir,uneboufféebrûlanted’enviem’envahit.OhmonDieu!Jeleveux,follement.
Sonvisageetsarespirationquis’accélèremedisentlamêmechose.Latensionquimonteentrenousdevient presque intolérable.Entre nous, cela a toujours été ainsi, depuis l’instant où nos yeux se sontcroisés:saprésencemefaisaitressentircommeuncoupdansleventre,commeunchocdansunmur.Jepromènelentementmonregardsursontorse,satailleétroiteetlaceinturedecuirnoirqu’ilporte.Mesdoigtsmedémangentde ladéfaire,deglissermesmainsà l’intérieurdesonpantalonetd’ydécouvrirtoussessecrets.Monproprecorpsréclamelacaressedesesdoigts,lefrottementdesespoilsdebarbecontremapeau,lamorsuredesesdentssurmeszoneslesplustendres,l’humiditédesabouchecontrelamienne.Jerespirefort,moiaussi;monpoulscogne.Jenesaispascommentjevaisrésister.Uneforcequime
dépassemepoussevers lui. Je resteraià jamais incomplètesi jenemepressepascontre lui, si jeneprendspassabouche,sijenelelaissepasm’entourerdesesbrasetsaisirmoncorpsaveclesien.Nos regards sont rivés l’un à l’autre, nos lèvres se touchentpresque, leboutdenosdoigtsvibrede
l’enviedesetoucher,desecaresser.‒Nerésistepas,dis-jedansunmurmure.Celadoitarriver.Jenepeuxcontenirunhalètement,etsesyeuxnoirssevoilent.‒Bonsang,l’effetquetumefais…,murmure-t-ild’unevoixquisemblepresquedésespérée.Tusais
pourquoicen’estpaspermis.Tusaispourquoiçanepeutarriver.‒Maisnousneledironspas.Majouetouchepresquelasienne.Jesenssonhaleinechaudesurmapeau.Combiendetempsencore
avantquejenepuissel’avoir?Quellesublimetorture!‒Non,nousneledironspas.Nousneledironsjamais.‒Nousneledironsjamais,jamais,jamais.Jerépètecesmotsd’unevoixgrave,commepourlespsalmodier.Peut-êtrequesijelesprononceassez
souvent,nousréussironstousdeuxàcroirequecequenousvoulonsestpossible.Nosbouches s’apprêtentà se toucher.Ma langueest auborddemes lèvres, elle leshumidifie.Mon
enviedeluiestdévoranteetjesaisqu’ilressentlamêmechose.‒Assez!dis-jed’untonmi-suppliant,mi-autoritaire.Jet’enprie,c’estinsupportable.Assez!Sesyeuxseferment,sesbrass’enroulentautourdemoi,etilm’attirecontreluidetoutelaforceàpeine
contenuedesondésir.‒OhmonDieu!gémit-il.Tuessidélicieuse,j’aitellementbesoindetoi…Mesyeuxsefermentaussi.Jeveuxjustemeperdredansleveloursnoirdesonbaiser,danslecontact
chaudetmouillédesalangue,dansletoucherdesesmainssurmapeau…Mesyeuxserouvrentd’uncoup.Jesuisfaceaumur.Moncœurcogne,monsangbouillonnedansmes
veines.Iln’estpaslà.Ilestlà-bas.Jenepeuxpasl’atteindreetjenesaispassijelepourraiunjour.Maisilaraison:cen’estpaspermis.C’estinterdit.Jenepourraijamaisêtreàlui.
Premièrepartie
1
« Je vous coupe les vivres, à toutes les trois. Plus un sou ! Et je veux que vous partiez d’ici.Débrouillez-vous par vous-mêmes. Vous avez été gâtées et choyées pendant trop longtemps. Ça vachanger.Àpartirdemaintenant.»Hébétées, incapables de prononcer unmot pendant unmoment, nous regardons notre père. Florame
jetteunregard.Sesyeuxsonthagardsetapeurés.Jesaiscequ’ellepense;jelesaistoujours.Peut-êtreparcequenoussommesjumellesoupeut-êtreparcequesonvisagetrahittellementsesémotions,mêmelorsqu’ellen’enapasconscience.Cen’estpasl’argent.Jesaiscequisepassedanssatête.Ilsepasselamêmechosedanslamienne.Jedirigemesyeuxvers
Freya,masœuraînée.Jenel’aipasvuedepuistrèslongtemps,maislajoiedenousvoirréuniesaétégâchéeparcetteterribleconfrontation.Freyaestpâle.Ellesemordlalèvreinférieureetessaiedegarderunecontenance.C’estsansdouteplusdurencorepourelle.Pendantnotreenfance,c’était toujoursellequi semblait souffrir le plus. Je suis sûre qu’elle nonplus, commeFlora oumoi, ne se soucie pas del’argent.Lorsqu’elleestpartied’iciilyatroismois,elleaprislerisquequenotrepèrecoupelespontsavecelle.Maisaucunedenoustroisnes’attendaitàcequecelaailleaussiloin.Jeregardemonpère:ilsetientprèsdelacloisondeverrequioffreunevueàcouperlesoufflesurles
Alpes. À cette époque de l’année, où le printemps ôte auxmontagnes leur éclatant dépouillement, lamaison s’épanouit, littéralement. Derrière la silhouette trapue de mon père, je vois le tapis vert quirecouvrelespentesrocheusesetlestachesdecouleurquedessinentlesfleurs.Là,dehors,laviereprendetserenouvelle.Àl’intérieur,quelquechoseestentraindemourir.Jejetteunnouveaucoupd’œilàFlora:jevoisqu’elleestprêteàbondirpourprésenterunedéfense
enflammée,maisqu’elleseretient.Personneneveutrendreleschosesencorepires.Freya,jecrois,neveutques’échapper.Jenesaispascommentmonpèrearéussiàlaconvaincrederevenir,maislapreuveestlà.Sonsouhaitdepartirpourretrouverl’hommequ’elleaimeselitsursonvisage.Floraaussial’airde
quelqu’unquialaissélamoitiédesonâmeauprèsd’uneautrepersonne.Jesaisqu’elleestprofondémentéprise,cequim’effraieetm’emplitd’unsentimentdevide.Iln’yaplusquemoi,désormais,àêtreseule.Monpères’éclaircitlagorgeetreprendlaparole,brisantlesilenceglacialquis’étaitinstalléaprèssa
déclaration:‒ Cela ne change rien à ce que j’éprouve pour vous. Vous savez que je vous aime. Je fais cela
uniquementparcequejepensequec’estpourvotrebien.Jenepeuxm’empêcherdejeterunregardàEstelle.L’ombred’unsourirepassesursonvisage.Jeparie
qu’elleboitdupetitlait.C’estceversquoiseseffortstendentdepuislongtempsetelleaenfinréussiàéloigner notre père de ses filles. Elle triomphe, car désormaismon père va avoir plus d’argent à luidonner,qu’ellepourradépenseràsaguise.Maisellenecomprendpasque,cequinousbrise lecœur,c’estlafaçondontelleacréécettedistanceentreluietnous.
‒Tuasunecurieusemanièredelemontrer,papa,ditFreya,quiselèveducanapé.J’aitoujoursadmirémagrandesœuret,là,danssesvêtementsnoirs,ellem’impressionne,plusbelleet
plusmûrequ’ellenel’ajamaisété.‒Jenesaispascommentleschosesensontarrivéeslà,dit-ellesimplement.Monpèrenevacertainementpaschangerd’avisnireconnaîtrequ’ilestdansl’erreur.‒Si,Freya,jepensequetulesais,réplique-t-ilsèchement.Taconduiteaétéproprementscandaleuse.‒Jesuistombéeamoureuse,répond-elled’untonferme,sesyeuxnoirsfixantlevisagedemonpère.Où
estlescandale?Papaseraclelagorgeavantderépondre:‒Tuasfaitlaunedesjournaux!Tut’esdonnéeenpâtureauxtabloïds,toutcequej’aitoujourscherché
àéviteràcoupsdemillions.Ettrèsvraisemblablement,tuaschoisiunhommequinevisequ’àmettrelamainsurtonargent!Le regard deFreya glisse versEstelle, assise sur une chaise près demonpère, l’air sage, posée là
commeunepoupéeBarbie.‒Ahoui?dit-elled’unevoixdouce.Tuensaisquelquechose?Monpère,heureusement,n’apasentendusaremarqueacerbe.Ilpoursuit:‒Tum’asdésobéi,Freya!Jet’aiditdecessertoutcontactavecMurrayletempsquenousenquêtions
sur luiet tun’enas tenuaucuncompte.Ceciprouvequ’il te fautunebonne immersiondans la réalité.Nousverronsbiencombiende tempsdureravotrebellehistoired’amourunefoisque lerobinetà fricserafermé!‒ Oui ! En effet, ce serait intéressant…, dit Freya, en levant légèrement les sourcils en direction
d’Estelle.Jenesaispascommentellefaitpoursecontenir.LaFreyad’avantauraitcrié,hurléavantdesortiren
trombe.MilesMurraysembleavoirréussiquelquechosed’extraordinaireenlachangeantenunefemmeposéeetmaîtressed’elle-même.Est-celàl’effetqueproduitl’amour?Jem’interroge,puisjeregardeFlora,dontlesyeuxétincellent,
etquisembletrèsagitée.Peut-êtrequenon.Jesaiscequ’elleva faire.Ellenepeutplusse taireet,avantque jepuisse tendreunemainpour la
retenir,elleabondisursespieds.Floralapassionnée!Quinepeuts’empêcherdedirecequ’elleressentetnepeutcachersesémotions…‒ Ce n’est pas juste ! explose-t-elle. Tu veux savoir pourquoi Freya s’est retrouvée à la une de la
presse?Est-ceque tu t’es jamaisdemandécomment lesphotographesont suoùelle se trouvait, alorsqu’ellenel’avaitditàpersonne,pasmêmeànous?EtlesdétailsdesaruptureavecJacob?D’oùvientlafuite?Commenttoutesceschosessesont-ellesproduites?J’admiresoncourage,maisj’aienviedeluidirequ’elleperdsontemps.Papaneveutpassavoiret,de
toutefaçon,ilnelacroirapas.‒Flora,dis-jepourm’interposeralorsqu’ellereprendsonsouffle,arrête.Çanefaitqu’aggraver les
choses.Ellemejetteunregardbrûlant.‒Commentcelapourrait-ilaggraverleschoses?Ilfautqu’ilsachelavérité!PapafixeFlora,etjeneluiaijamaisvuuneexpressionaussifroide.Jesensunenauséemonterenmoi.
Commentcelaest-ilarrivé?Pourquoi?Est-cequetoutcelaestlefaitd’Estelle?Commentuneseule
femmepeut-elleainsi creuserun tel fosséentreunpèreet ses filles?Pourquoine fait-il rienpourl’arrêter?‒Commentoses-tu?ditpapad’unevoixdemarbre.Aprèscequetuasfait.JecroyaisqueFreyaqui
s’offraitungigolo,c’étaitdéjàpasmal.Maistoi…Les joues de Flora sont cramoisies. Avec sa cascade de boucles auburn et son teint rosé, elle est
magnifique.Jevoiscombienelleestmortifiéeparlafaçondontpapaluiparleetcequ’il insinue.Ellem’aracontéqu’Estellel’avaitsurpriseunaprès-midiàParis, luiavaitfaitcomprendrequ’elledétenaitdes photos compromettantes et qu’elle n’hésiterait pas à s’en servir si elle y était contrainte. Pour lapremièrefois,selonFlora,Estelleavaitabattusescartes:elleutiliseraittouslesmoyensensonpouvoirpourprotégersapositionauprèsdenotrepère,etcelasignifiaitqu’elleallaitlemontercontrenous.Floraessaiedesecontrôler,maissavoixtremble:‒Jenevoispasaunomdequoitut’estimesendroitdenousdirequinouspouvonsvoiroupas.Maispapal’interromptdansungrognement:‒ Flora, tu frayes avec un gangster ! J’ai arrêté de faire du business avec Dubrowski quand j’ai
découvertunepartiedesesmagouilles.Jenedoutepasqu’ilespèreregagnermesfaveursenusantdetoninfluence.Ehbien,çanemarcherapas.Nousverronsbiencombiendetempsdurerasonintérêtpourtoiunefoisqu’ilauradécouvertquetun’exercesaucuneinfluencesurmoi.Ilnousbalayetoutestroisduregard,avecuneexpressionsévèresurlevisage.‒Mesfilles,vouspouvezmetrouvercruel,maisunjour,vouscomprendrezquejeprotègevosintérêts.
Etalors,vousm’enremercierez.‒Andrein’estpasungangster,protesteFlora,lesjouesenfeu.C’estquelqu’undebienetdegentilet…Papafaitunegrimacetoutensecouantlatête:‒Tuesaveugléeparlapassion,quellequ’ellesoit,qu’ilaréussiàt’inspirer.Tunevoispasleschoses
commeellessont.Flora s’étouffe presque d’indignation, et Freya secoue la tête lentement. Que papa ne voie pas la
ressemblance avec sa propre situationme donne envie de rire. Là, face à nous, il soupçonne tous leshommesdelaplanèted’enavoiraprèsnotreargentalorsque,surunechaiseàunmètredelui,estassiseunefemmequiaconfiéàFlora,entermesàpeinevoilés,qu’elledonnaitdubontempsànotrepèreenéchangedelasécuritéfinancière.C’estlàoùlebâtblesse:nousl’aimeronsquoiqu’ilarrive.Maiss’ilperdaittoutsonargent,Estellelelaisseraittombertellementvitequ’ilneverraitrienarriver.Soudain,jeressensledésirdeparler.‒Etmoi,papa?fais-jecalmement.Ya-t-ilquelquechosequetuveuillesmedire?Il me regarde un peu comme s’il avait oublié que j’étais là, puis son expression s’adoucit. Pour
l’instant,jenel’aipasoffensé,et,enplus,ilatoujourseuunpetitfaiblepourmoi,peut-êtreparceque,denoustrois,c’estmoiquiressembleleplusànotremère.‒Summer,dit-il.L’espace d’un instant, j’entends dans sa voix tout ce que je recherche : de la tendresse et de la
bienveillance. À ce moment-là, Estelle bouge légèrement sur son siège, et les yeux de mon père sedurcissentunpeu,commesilaleçonqu’elleluiadonnéeluirevenaitenmémoire.‒Jesuisdésolée,maiscelateconcerneaussi.Tuasprisl’habitudededisposerd’argentàvolonté.Ta
vieserésumeàparcourirlemonde,defêteenfête.Ehbien,ilvafalloirqueçachange,etpasplustardquemaintenant!Vousallezdevoirapprendreàsubveniràvosbesoins,unpoint,c’esttout.Ilnousjetteunnouveauregardcirculaire.
‒Unjour,vousmeremercierez,dit-ild’untonquimontrequ’ilestconvaincud’agirpournotrebien.Àprésent,mesfilles,vousferiezmieuxd’allerréfléchiràcequej’aidit.Nousnous retrouvonsdansnotresalon,unepiècedouilletteoùnousavons toujours trouvéunpeude
chaleur et d’intimité dans la froideur de cette grande demeure des cimes, tout en verre et acier. Aumomentoùnousnousasseyons,laportes’ouvreetJane-Elizabethentre,l’airtendueetmalheureuse.‒ Oh ! mes chéries, dit-elle en allant de l’une à l’autre pour nous embrasser. Je rêve, c’est un
cauchemar.Elles’assoitsurlecanapé,àcôtédeFlora,etluiprendlamain.‒Sivousm’aviezditilyaunanqu’unetellechosearriverait,jenel’auraisjamaiscru.‒C’estparceque,ilyaunandecela,Estellen’avaitpaslepouvoirqu’elleamaintenant!s’exclame
Flora,dontlesjouesrosissentànouveau.‒Etellenevoulaitpasnousdétruire,àl’époque,ajouteFreya,solennelle.Maisàprésent,aucundoute,
c’estlaguerre.‒Neditespasça,mespetites!ditJane-Elizabethengémissant,leteintplusblêmequejamais.Çane
devraitpasêtrecommeça.Elleparaîtravagée;jenel’aijamaisvuedanscetétat:elleaperdudupoidsetsonvisages’estcreusé.
Lamèchegrisequicourtlelongdesescheveuxbrunsestplusépaissequeladernièrefois,j’ensuissûre.Pendanttoutescesannées,depuisledécèsdemaman,elleaétécommeunemèrepournous,etelles’estfaitlebrasdroitdemonpèred’aussiloinquejemerappelle.Nousl’aimonstoutestroistendrement,etc’estaffreuxdelavoirsibouleversée.‒Maisc’estcommeça,quenouslevoulionsoupas.Freyaselèveetvaverslacheminée,fixantlefoyervide.Jevoisàlablancheurdesesarticulationsetà
sespoingsserrésqu’elleestaussiagitéequeFlora.Elleledissimulemieux,c’esttout.‒Estelleréussitànousséparerdepapa.‒Vousvousrappelezlapremièrefoisqu’elleestvenue?dis-je.Floralaisseéchapperunpetitriresansjoie.‒Ohqueoui!Nousétionsloind’imaginerqueleschosestourneraientainsi.Jelavoistellequ’elleestmaintenant:Estelle,sasilhouetteenformedesablier,sescheveuxbrillants,
blondcaramel, sesgrandsyeuxdebichequ’elle souligneavecdumascaraetde l’eye-liner.Elle étaitdifférentelorsqu’elleestarrivée.Plutôtinsignifiante,jolieencherchantbien,maispasd’unemanièrequiattiraitlesregards.Elleportaitdestailleurssobres,attachaitsescheveuxplutôtternesenqueuedechevaletsedéplaçaitenchaussuresplates.Efficace,elleréglaittousnosproblèmesettrouvaittoujoursletempsdenousaider.Estelleétaitànotreservice;elleavaitétérecrutéelorsquenosviesmouvementéesétaientdevenuesunecharge trop lourdepourJane-Elizabeth.Estelle,discrète,efficace, intelligente, soucieusedebienfaire,nousaidaitàgérernosemploisdutempssurchargés,ettoutavaitbienmarchépendantunmoment. Nous l’aimions bien. Après tout, elle n’était pas tellement plus âgée que nous et elle étaitmerveilleusementdouéepourorganisernosvies.Ellesavaittellementbienfairedisparaître,commeparmagie, lesproblèmes,queFloraetmoi la taquinionsendisantqu’elleavaitdespouvoirsde sorcière.Plusdeplacessurunvol?Estelleentrouvaituneouplussinécessaire.Unerobeenrupturedestock?Elle en dénichait une de la bonne taille, livrée le jour même. Elle solutionnait les incompatibilitésd’emploidutemps,réglaitlesdisputes,prenaitlesrendez-vouspiledanslesdélais.Elleréussissaitbiendanssontravail,maispeut-êtres’était-ellelasséedeprendresoindetroisfillesderichearchi-gâtéesets’était-elledit,qu’elleaussi,elleavaitledroitdegoûterunpeuàlabellevie.
Commetoutlemonde,Estellesavaitparfaitementquepapaétaitunhommed’affairesquiavaittrèsbienréussi, unmilliardaire à la tête d’une fortune qu’il avait construite sur le labeur d’une vie et sur unesommedebonschoix.C’estainsiquepeuàpeu,trèsgraduellement,elleavaitcommencéàavancersespions.Cequenousremarquâmesenpremier,cefutsamanièredeflirter.Soncomportementavecnotrepèrechangeasubtilement,passantd’unepolitessetouteprofessionnelleàunstyleplusespiègleetunbrinintime.Ellesemitàletaquiner,àplaisanter,às’animerdèsqu’ilentraitdanslapièceetàmontrerunvifintérêtpourtouteslesfacettesdesavie.Puis,ellesemitàmanifestercombienellesefaisaitdusouci:«Vous êtes fatigué,monsieurHammond ?Unpeu de repos ne vous ferait pas demal, vous travailleztellementdur!Venezvousasseoirunmoment,jevousapportequelquechoseàboire»ou«Ilvousfautprendresoindevous,monsieurHammond,sivousnevoulezpasvousépuiser.Jevousaiapportécethéquifaitdesmerveillesetvavousremettresurpied.Vousallezvoir, ilvavousaideràvousrelaxer,etvouspasserezlameilleurenuitdumonde…»Notrepèreétaitseuldepuislamortdemaman.Entoutcas,sicen’étaitpaslecas,nousn’ensavions
rien.Nous avions toujours secrètement espéré que lui et Jane-Elizabeth semettraient ensemble.Nousvoyions bien qu’elle l’adorait littéralement, malgré sa bedaine, sa calvitie naissante et sa manie devouloirtoutcontrôler.Riennes’étaitproduitentreeux,etvoilàqu’àprésent,Estelleoccupaitleterrainenpapillonnantautourdeluid’unemanièrequiparaissaitfranchementforcée.Maispapanelevoyaitpasainsi.Ils’épanouissaitsouslesattentionsqu’elledéployaitet,alorsqu’ilcommençaitàregarderEstelled’unautreœil(nonplusseulementcommelajeunepersonnequisavaittoujoursserendreutile,lecarnetàlamainetl’attitudeadéquate),elleaussi,indubitablement,semitàchanger.Elledétachasescheveux,quiflottaientàprésentsursesépaules,pluslongsetavecdesrefletsdorésquiattrapaientlesoleil.Sesvêtementssefirentplusprèsducorps,sestalons,plushauts,sonvisagearborachaquejourunmaquillageélaboré.Jedoisreconnaîtrequ’audébut,nousfûmesbluffées.Jen’avaispasvucombienelleétaitjoliejusqu’à ce qu’elle ne commence àmettre ses atouts en valeur.Mais rapidement, ce fut trop.En robesmoulantesethauts talons,ellesedéplaçaitdans lamaisonense tortillant : ildevintévidentpournousqu’elleavaitunplan.Maislorsquenouscomprîmesquel’opérationséductionvisantnotrepèreavaitunbutprécisetconcret,ilétaitdéjàtroptard.Ilétaitmorduetnevoulaitpasentendreunseulmotdenosmisesengarde.Toutcequenouscomprîmes,c’estquenotrerelationavecluiallaitchangeretquenousnesavionspascomment.Papademeuraaussiautoritaireetparanoïaquesurlaquestiondenotresécurité,maisl’affectionquenousnousmanifestionsfacilementetlacommunicationquicirculaitlibremententrenousdisparut.Estellesemblaitleposséder,cœuretâme.‒Mes chéries, vous pensez vraiment qu’Estelle est derrière ça ? demande Jane-Elizabeth, le regard
chargéd’anxiété.‒Biensûr,grogneFreya.Noussavonsqu’elleaaccèsàtese-mails,Jane-Elizabeth.Lorsqu’ellenousa
envoyélespaparazzis,àMilesetmoi,etqu’ilsnousonttrouvésàl’hôteldontjen’avaisparléqu’àtoi,c’est devenu évident.Mais elle a aussi accès aux fichiers de papa : c’est comme ça qu’elle était aucourantdel’histoiredemaruptureavecJacobetqu’elleapufairefuiterdanslapresse.Ellefaisaittoutcequ’ellepouvaitpoursemerlazizanieentrepapaetmoi.Floraintervient:‒Ellem’asuivieàParis.C’estcommeçaqu’elleaeulesphotosaveclesquellesellem’amenacée.Freyasetourneverselle:‒Ellelesamontréesàpapa?Florasecouelatête:
‒Andreis’estarrangépourlesrécupérer.Ilyaunétrangemomententrelesdeuxsœurs,alorsqu’ellesseregardent.DanslesyeuxdeFreyaselit
commeunesorted’accusationalorsqu’elledemande:‒Ahbon?Commentils’yestpris?Floraréplique,d’untonagressif:‒Iln’afaitdemalàpersonne,sic’estcequetuinsinues.Ellessedévisagent.Jesaisqu’entreelles,toutn’estpasaumieux,etjesaisaussiquecelaaàvoiravec
l’amantdeFlora,AndreiDubrowski.Moncœurse serre.Dèsque j’ai suqueFloraavaitune relationavecunhommecommelui,j’aieupeurpourelle.Maisilsembleraitquecesoitencorepluscompliqué.IlauncertainpouvoirsurFreyaaussi,maisjenesaispasdequoiilretourne.Jemelève,soudainprisedepanique.‒Jevousenprie…Mavoixtremble.‒Ilnefautpasquenousnousdisputions;ilnousfautresterensembleetsoudées.Jenelesupporterai
passinousnelesommespas…Ellesmeregardent,etlatensions’apaiseunpeu.Jane-Elizabethselèveets’approchepourmeprendre
danssesbras.Jemesensréconfortéeparleparfumàl’irisqu’elleutilisetoujoursetlachaleurfamilièredesoncorps.‒Summer,murmure-t-elle,net’inquiètepas,toutvabiensepasser,jetelepromets.Ensetournantverslesdeuxautres,elleajoute:‒Summeraraison:vousnedevezrienlaisservousdiviser.Sivousavezraisonausujetd’Estelle–et
jepensequec’est lecas–,onnepeutpassavoircombiende tempscettesituationavecvotrepèrevadurer.Florapâlitd’uncoup:‒Ets’il…l’épouse?‒Bingo!s’exclameFreya.Ellehausselesépaules.‒Oh!aprèstout,qu’illefasse!Jeneveuxpasdelui,nidesonargent,sic’estpourqu’ilnoustraitede
cettefaçon.Jem’enfichedenejamaisremettrelespiedsici.Toutcequejeveux,c’estretrouverMilesdèsquepossible.Sesyeuxs’embuentàcettepensée.JesaiscombienelleaimesavieavecluienÉcosse,loindetoutet
detoutlemonde.‒ Je suis d’accord, ditFlora en levant lementon. Je compte repartir àParis. Jedoispoursuivrema
formation.Ilmeresteunanàl’Académie.Je l’observeet jesaisqu’elleestsincère.Elleadore l’Académie,oùelleapprendàdeveniractrice.
MaiselleaaussiAndreiversquirevenir,etlaviequ’illuioffrelà-bas.Jenemesuisjamaissentieaussiseule. Mes sœurs ont trouvé l’amour, ce qui donne un tout autre sens à leur existence. Moi, je n’aipersonne.Florasecouelatête:‒Jenecomprendspas:hier,nousétionstellementprotégées,prisesdansuncoconsiserréquenousne
pouvionsbougerunorteilsansquepapaensoitinformé,etaujourd’huiilsefichecomplètementdecequipeutnousarriver.‒Çamontrebienl’étenduedupouvoird’Estellesurlui,ditFreyad’untonlugubre.Remarquez,çane
m’étonneraitpasdepapaqu’ilcontinueànousfairesurveiller.Floraréfléchitàcelaetdit:‒Jen’ensuispassûre.Ilsepeutqu’ilsedisequeMilesetAndreiprendrontsoindenous.Unecourtepausesuitlemalaiseressentiparnousquatreàl’idéequejen’aipersonnepourprendresoin
demoietquepourtantjesuistraitéecommemesdeuxsœurs.‒ Ilyaunechosedontnousn’avonspasparlé,dis-jeenessayantdenepasmontrermon inquiétude
alorsquejevaismerasseoir.Jane-Elizabethmeconsidèreenfronçantlessourcilsd’unairsoucieuxpendantqu’elles’installedansle
fauteuil.J’ail’impressionqu’ellesaitqu’intérieurement,jesuistrèsperturbée,mêmesijefaistoutpourlecacher.Jeclignedespaupièresetj’évitesonregard.‒C’estquoi?demandeFreya.‒L’argent.Papanouscoupe lesvivres.Ça signifieplusd’argentqui tombe.Plus rienpourvivre.À
moinsquevousautresn’ayezétéplusprévoyantesquemoietquevousn’ayezconstituéunpetitbasdelaine.Jesuisdéjàentraindemedemandersipapavanousretirerlescartesdecréditquej’utilisesansmême
yprêterattention.Jevisauquotidien,sansréfléchiràl’avenirniàlafaçondontl’argentvientréglermesachats.J’envoielesfacturesàJane-Elizabeth,jeréservedeschambresd’hôtel,jecommandeàmanger,jepaiedesnotesaurestaurant,maisjenepensejamaisàlafaçondontmesdépensessontpayées.Unmondesanscettesécuritémeparaîtsoudainimmense,sombreetterrifiant.Unsilences’installealorsquemessœursmefixent,etjesaisàquoiellespensent.Ellesonttoutesdeux
uncompagnondansleurvie,quelqu’unavecquipartagerleurssoucisetquelqu’unversquisetournerletempsqu’ellestrouventunmoyendesortirdecettecrise.Unsentimentglacédesolitudemeparcourttoutl’épiderme.Jen’aipersonne.Jane-Elizabethditbrusquement:‒Jenesuispassûrequ’ilpuissefaireça.Vouscoupertotalementlesvivres,jeveuxdire.Nousnoustournonstoutestroisverselle:‒Vraiment?demandeFlora.Jevoisqu’ellepenseauxfraisd’inscriptionàl’AcadémieetaucoûtdelavieàParis.Ellehabiteunbel
appartementdansleMaraiset,toutcommemoi,elleal’habitudedevivresansfairesescomptes.Jane-Elizabethhochelatête:‒Vousaveztouteslestroisdesfondsdeplacementauxquelsvotrepèrenepeuttoucherpourdesraisons
fiscales. J’imagine qu’il pourrait vous empêcher de toucher l’argent pendant un moment, mais il luifaudraitobtenirl’accorddesgestionnaires.‒Jesuissûrequ’ilpeutfaireça,remarqueFreyasèchement.Touscesgenssontsesamis.Jane-Elizabethréfléchitunmoment.‒ Il y a autre chose, dit-elle. Vous êtes toutes les trois membres du conseil d’administration de la
fondationHammond.Nous la fixons, aucune de nous ne comprenant où elle veut en venir. Nous savons qu’il existe une
fondationHammondquenotrepèreacréée,maisjamaisjusqu’àprésentnousn’avonseuaffaireàelle.‒Qu’est-cequecelasignifie?demandeFreya,quifroncelessourcils.‒Lafondationvousverseunsalaire.Petit,certes,maismieuxquerien.Suffisantpourvoirvenir.Elleal’airgrave.‒Maisrienàvoiravecletraindevieauquelvousêteshabituées.
‒ On va s’en sortir…, déclare Freya avec un sourire narquois. Jusqu’à ce qu’on trouve un vraiboulot…,ajoute-t-elleenriant.Peut-êtrequepapaaraisonetquenousleremercieronstoutesunjour.‒On se fiche de l’argent, déclareFlora d’un ton fervent.Mais ce n’était pas son idée, c’était celle
d’Estelle.Pourqu’ellepuisseavoirtoutpourelle.C’estàçaquejesuisopposée.‒Jecroisquenoussommestoutesd’accord,répondFreyadoucement.Jane-Elizabethnousregarde,lesmainscrispéessursesgenoux.‒Sijepeuxfairequoiquecesoitpourvousaider,mesgrandes,voussavezquejeleferai.Maisjene
saispascombiendetempsencorejevaisresterici.SiEstelleagaindecause,jecroisquevotrepèrevasuggérerquej’aillevoirailleurs.J’enailesoufflecoupéetjevoisquemessœurssontaussichoquéesquemoi.PerdreJane-Elizabeth!
Non!Pasquestion…Ceseraitcommeperdrenotremèreànouveau!‒Elleferaitça?Enquoies-tuunemenacepourelle?dis-je,lesoufflecourt.‒Ellesaitquejevousaimetouteslestrois,répondsimplementJane-Elizabeth.Aucunedenousnepeutrienajouter.Garderlesilence,voilàtoutcequejepeuxfairepouréviterdenepasm’effondrer.‒Onnevapasselaisserfaire!déclareFreyaentapantdupoingsurlatablettedelacheminée.Jelèvelesyeux,redresselesépaules,rassemblemesforcesetdisd’unevoixforte:‒Vousnecomprenezpas.Ellesme regardent. D’habitude, je suis la petite sœur calme, celle qui réconcilie, celle qui écoute.
Personne ne me voit comme quelqu’un qui occupe le centre de la scène. Je prends une profondeinspiration:‒Nousn’avonsaucunpouvoir,vousnelevoyezpas?Ilnousfautlâcherprise,laisserfairepapa.Tout
cequ’onpeutfaire,c’ests’assurerqu’ilsaitqu’onl’aimeetqu’onseratoujourslàpourluis’ilabesoindenous.Àpartirdemaintenant,noussommesseules.J’observemessœursetJane-Elizabeth.‒Jenesaispaspourvous,maismoi,jequittecetendroitvitefait.
2
‒Duchampagnevousferait-ilplaisir,madame?J’ouvreunœilet jevoislesdentsd’unblancéblouissantet leglossrougevifdel’hôtessedel’airà
côtédelabouteillequ’elletendversmoi.‒Oh!merci,maisnon,toujourspas.Je lui rendspoliment son sourireen tâchantdecachermon irritation.C’est laquatrième foisqu’elle
passe,etlefaitquej’essaiededormirnesemblepasladécourager.Ilvamefalloirmettremonmasquedenuit,tirerunecouverturesurmoietespérerquecelaladissuadera.Jeveuxmereposer.J’étaisépuiséeavantmêmed’arriverànotremaisonpourl’horribleréunionavec
papa, et là,maintenant, je suis exténuée. J’ai trop fait la fête récemment ; j’en paie le prix. J’ai beauespérer trouverdansmaviesocialedésordonnéeceque jecherche, riennesemblepouvoirchasser latristessenichéeaufonddemoi.Etc’estmillefoispiremaintenant.Le froid que je ressens depuis le passage à « notre » maison ne me quitte pas. Je frissonne en
permanenceetjeneréussispasàmeréchauffer.C’estlefroidquej’airessentilorsqu’aéclatésurmoilavaguedesolitude.Messœursontchacuneleuramoureux,etjen’aipersonnepourmeprotégeralorsquema famille sedésintègre et s’efface autourdemoi.À lamort demamère, j’ai eupeurque les autresmembresde la famille ne soient aussi emportés, et jeme suis accrochée à eux.Peu àpeu, jeme suisconvaincuequepapaetmessœursn’allaientpasm’abandonner.Maismaintenant…,c’estcommesimescauchemars d’enfant devenaient réalité. Papa nous amises à la porte et nous a coupé les vivres. Il apréféréEstelle.Quelquepartaufonddemoi,ilyauncrietdeslarmesquinepeuventpassortir.Àlaplace,j’aicesentimentglacéd’abandonetcettesensationdefroid.Pourtant,j’aitoujourseuFlora.Etellem’atoujourseue.Jusqu’àmaintenant.Àlamortdemaman,Freya,l’aînée,étaitcellequienapparenceétaitlaplusaffectée.Elleestdevenue
colériqueetlointaine,elleaessayédenousteniràdistance.Floraavaittoujoursétéplusautonomequemoi,elleavaitsonmondeimaginairedanslequelelleseréfugiait,unlieuquinourritencoreaujourd’huisacréativitéetfaitd’ellelamerveilleuseactricequ’elleest.Jesuisdevenueunpotdecolle,toujoursàlatraîne de l’une de mes deux sœurs, comme si je craignais que l’on me laisse à nouveau seule. Engrandissant,jemesuismiseàparcourirlemonde.C’étaitfacileenpuisantdansl’argentdemonpèreetavec mon cercle international d’amis jet-setteurs. J’ai toujours cherché un endroit qui me donneraitl’impressiond’êtrechezmoi.Maisj’aimaintenantvingt-deuxansetjenel’aijamaistrouvé.CommenousapprochonsdeLosAngeles, jemepréparepourl’atterrissage.Jerendslacouvertureet
j’enfilemongilet. J’espère que le soleil d’ici pourra chasser le froid qui court toujours surmapeau.Quitter lamaison a été horrible, chacune de nous trois partant dans des voies différentes. Freya étaitmanifestementimpatientederejoindrel’ÉcosseetMiles,Floras’envolaitverssavieàPariset,sansnuldoute,AndreiDubrowski,mêmesiellen’ajamaismentionnésonnom.Ellesaitcombiennoussommespréoccupées par sa relation avec un tel homme : un être dur, qui s’est fait lui-même, et peut-être pas
toujoursenrestantduboncôtédelaloi.Maissonhistoireestsirécente,sijeunequ’ellenevoitenluiquecequ’ilveutluilaisservoir.J’espèredetoutcœurqu’ilneluiréservepasdemauvaisessurprises.‒S’ilteplaît,Summer,viensavecmoiàParis,aimploréFloraenmeprenantlamainalorsquenous
nous apprêtions àpartir chacunedenotre côté.Tupeux rester aussi longtempsque tuveux, tu le sais.J’adoreraisça,etpuis,tuapprendraisàconnaîtreAndreiettuverraisquiilestvraiment.S’ilteplaît.Jelaregardais.Jel’adore,majumelle,tellementbelle,folleettalentueuse,lapersonnequimeconnaît
le mieux au monde. C’est une déchirure pour moi de savoir qu’elle a à présent quelqu’un avec quipartagersonâme.Maiscelamerendaussiheureusepourelle.‒Non,ai-jeditdoucement.Jeviendraibientôt.Maispaslà,maintenant.Commentluidirequec’esttropdouloureuxdevoirsonbonheuralorsquejemesenssiseule?Je
n’aipersonnepourmerassurer,medirequejesuisaimée,etcelamecauseunedouleurcommeuneblessure.Enplus,jeneveuxpasgâchersonplaisird’êtreavecAndrei.J’aipeurpourelleaussi.Peurd’Andrei,decequ’ilestvraimentetdecequ’ilpourraitluifaire.Sesdoigtssesontserréssurlesmiens.‒Maisoùvas-tu,Summer?Quevas-tufaire?Je lui ai souri. Je voulais la rassurer, la convaincre que tout irait bien. Je ne voulais pas qu’elle
s’inquiètepourmoi.‒Toutvabienaller.JevaisallervoirJimmy,biensûr.LosAngeles.Chaleur,lumières,cielbleu,palmiers.Sijeneréussispasàchasserlefroidici,oùle
pourrai-je?‒Summer,Summer!Darling!Parlà!JemeretourneetjevoisJimmyquisauteetagitevigoureusementsesbras.Jerisdesessingeries,et,
quelquessecondesplustard,ilestàcôtédemoi,medonneunénormecâlinetm’embrassesurlesdeuxjoues. Je remarque deux femmes qui me regardent avec envie et je les comprends : Jimmy est beaucommeunmannequin,avecunepeaubronzéecaffèlatte,desdentstrèsblanchesetdescheveuxnoirs.Ilestbâticommelechampiondepoloqu’ilétaitiln’yapassilongtemps.Mais,mesdames,nesoyezpasjalouses.Iln’estpassurlemarchéféminin.Je l’embrasse àmon tour, son étreinte familièreme procurant un plaisir apaisant. Je savais que, si
quelqu’unpouvaitm’apporterduréconfort,ceseraitbienJimmy.Ilsereculed’unpasetm’observe.‒Tuestoujoursaussisexy,SummerHammond!Jen’arrivepasàcroirequetun’aiespasencoreété
kidnappée!‒Fautcroirequeleshétérosn’ontpasdegoût.‒Ouais,dit-ilen levant lesyeuxauciel.Bon,onyva,mavoitureest là-bas.C’estpasunebagnole
aussiglamourquecellesdonttuasl’habitude,maisellenousconduiraàbonport.Jeluijetteunregardlourddesensalorsqu’ilsemetàpoussermonchariotàbagages,etilpigetoutde
suite.‒Oh,oh!...Tuasdesnouvellesàm’apprendre,majeunedame.Attendsqu’onsoitdanslavoiture.Le
tempsd’arriverenvilleettum’aurastoutdit.Ilestdifficiledenepassesentirjeuneetinsouciantdanscettevoiturequifonceverslavillesousle
soleilmatinal.Lacapoteestbaisséeet leventsoulèvemes longuesmèchesblondesquivolettentdanstouslessens.Jeportedeslunettesdesoleiletjem’émerveilledubleucobaltduciel,alorsquejesenssedissoudrequelques-unesdemesangoisses.Danslerétroviseur,jenousaperçois,Jimmyetmoi,etjemedisquenousdonnonstellementl’imagedujeunecouplehollywoodienfilantsurl’autoroute.Pourtant,ce
n’est pas vraiment ça. Jimmy veut devenir acteur ; il passe autant d’auditions que possible, décrochequelquespetitscontratsetcomplèteavecdesséancesdeposecommemodèlepourdesphotos,commelefont tellement d’autres jeunes hommes à L. A. attendant le film qui les révélera. Quand j’ai fait saconnaissance,ilétaitnotreprofesseurdepoloetd’équitation.Iljouaitd’ailleursdansl’équipedepolod’unmagnat argentin et remportait des trophées pour le compte de son patron un peu partout dans lemonde.NousnoussommestoutestroismisesàadorerJimmyetilestdevenuunamitrèscher.LeschosesontprisunmauvaistourlorsqueFloraesttombéeprofondémentamoureusedelui,aupointqueJimmyajugé qu’il lui fallait partir en quête du rêve qu’il avait toujours eu de devenir acteur. Il venait derencontrersonpetitami,ungarçonaussiséduisantetglamourque lui,etqui luiaussivoulait tentersachanceàL.A.Lorsqu’ilnousannonçalanouvelle,nousfûmesconsternées,maisFlorafutravagée:elles’évanouitsouslechoc,réalisantd’uncoupquenonseulementJimmynousquittait,maisqu’ilétaitgay.Seule son histoire avec Andrei lui a permis de surmonter le terrible chagrin de savoir que l’hommequ’elleaimaitnepourraitjamaisl’aimerenretourdelamêmemanière.‒Alors?mecrieJimmypourcouvrirlebruitdumoteuretduventquinousfouette.Ques’est-ilpassé
chezlesHammond?Raconte-moitout.‒Toutlemondevabien.‒Bon,O.K.Maisquelquechosesetrame.Commentvalaméchante«belle-mère»?Est-cequ’elle
continuesesmanigances?Jimmyatoujoursuneperceptionjuste.Ilpourratoujoursêtreespions’ilneréussitpascommeacteur.‒Commentas-tudeviné?Ellecrâne,carellevientenfind’obtenircequ’ellevoulait.‒Ahbon?Jimmymejetteunregard,etjesensl’appréhensionderrièreseslunettesnoires.‒Qu’est-cequis’estpassé?‒Elleaconvaincupapadenousmettretouteslestroisdehors.Etaussidenouscouperlesvivres.Tout
cequ’elleafaitaucoursdecesderniersmoisafiniparportersesfruits.Ilpensequenoussommesdesenfantsgâtéesetquen’importequelgigoloquipassepeutnousattirerdansson lit.Aussia-t-ildécidéqu’ilnousfautapprendreàvivreparnous-mêmesetdansladifficulté.Jimmyémetunsifflement.‒Quelleconnerie!J’ycroispas.Çaneluiressemblepas.Ilvoueunculteàsesfilles.‒Plusmaintenant.‒Jemesouvienscomment ilétaitavecvous…L’idéequ’ontoucheàundevoscheveuxle terrifiait.
Dessystèmesdesécurité,j’enaivu,maisrienquiressembleàcequevousaviezàlamaison.J’aibiencruqu’onallaitmeposerunemicropuce!‒Oh!s’ill’avaitpu,ill’auraitfait!dis-je,amusée.S’ilavaitpunousenfermeràdoubletouràl‘écart
dumonde,çaaussi,ill’auraitfait.‒Ilnevoulaitpasquevousgrandissiez,ditJimmy,l’airsombre.‒Ehbien,c’estfait,onestgrandes,et ilnegèrepas.Ilnegèrepassonincapacitéànous tenirsous
contrôlecommeavant.‒Visiblement,iln’appréciepasquedeshommesprennentlapremièreplacedansvosvies.Jimmysecouelatête.‒C’estclassiquecommeréaction,classique.‒Tuasraison,dis-jeensoupirant.Jeposemonmentonsurmonpoingetjecontemplelavillequiapproche.
‒Maisjepensequecequiafaitqu’ilestdevenuainsin’estpasvraimentclassique.Jimmyhochelatête.‒Ouais.C’estvrai.Cen’estpastoutlemondequidoitaffrontercequevotrefamilleavécu.Nous restons silencieuxpendant unmoment. Jimmy sait ce qui s’est passé aumoment de lamort de
notremère.Ilestl’undesraresàlesavoir.Celal’aaidéàcomprendrelaparanoïademonpèrepourtoutcequitoucheànotresécuritéetsonbesoindenousavoirsouscontrôle.Soudain,Jimmyexplose:‒Maisbonsang,c’estdelafoliedevouscouperlesvivres!Jenepigepas,paslui,pasunhommequi
aétécequ’ilaétéavecvouspendanttoutescesannées.Jeleregardeetjesouristristement:‒TuneconnaispasEstelle,Jimmy.Peut-êtreque,situl’avaisrencontrée,tucomprendrais.‒C’estunebombe,forcément.UnconcentrédeMataHari,deCléopâtreetdeMarilynMonroe?‒Tuluidonnesplusdeclassequ’ellen’ena,mais,oui,engros,tuasviséjuste.Elleestsansscrupules,
intelligente,elleveilleàsesintérêtsdemanièremaladive,paranoïaque,commesionvivaitencoredanslaRomeantiqueetque leseulmoyende traiteravecsesennemis,c’estdes’endébarrasser.Elleveutnoussortirdelaviedepapaparcequenousconstituonsunemenacepourlapositionqu’elleoccupe.Onvoitbiensonjeu,etiln’estpasbeau.‒C’esttoutdemêmepasMaryPoppins!Jimmym’envoieuncoupd’œilcompatissant.‒C’estbienladernièrechosequ’ilvousfaut,àtouteslestrois.Siseulementvotrepèreavaitputrouver
quelqu’uncapablederéparerlesfractures,desoulagerlessouffrancesetderessouderlafamille.Quelmanquedepotqu’ilsesoitmisavecquelqu’unquinefaitquerendreleschosesbienpires!Jesoupireetfermelesyeux,toutauplaisirdesentirleventquimefouettealorsquenousroulons.L’appartementdeJimmysetrouvesurSunsetBoulevard.Çaparaîttrèsglamour,d’autantquec’esten
pleincœurd’Hollywood,maisenfait, leboulevards’étiresurdeskilomètres,etJimmyhabitesurunesectionpassablementdélabrée,unappartementcoincéderrièreetau-dessusd’unmagasindefleursquis’appelleGails’s Petals&Blooms. En général, quand je viens à L. A., nous louons un bungalow auChâteauMarmont,nousydormons,noussortonsenvilleetnousnenousrefusonsrien.J’aimeoffrirdubon tempsà Jimmyet il apprécie lagrandevie,qu’il connaîtbien,maisnepeutpas s’offrir avec sesrevenusd’acteuràtempspartiel.Deplus,nousnousdisonstoujoursquec’estbonpoursacarrièredesemontrerdans lesmeilleurs restaurants.En raisondecequ’il appellemacélébrité (que jepréfèrevoircommemanotoriété),étantl’unedeshéritièresdel’empireHammond,ilnousarrived’êtrerepéréspourdessitesoudesmagazinespeople,etJimmypensequeçapeutluiêtreutiledevoirsonnomyfigurer.Jenesuispassûredel’impactquecelaavraiment,maisJimmyadoreçaetj’adoreluifaireplaisir.‒ Je regrette que, cette fois, ce ne soit pas le Marmont ou le Beverly Wilshire, lui dis-je pour
m’excuser, alors qu’il portemes bagages dans le couloir quimène, une fois passé lemagasin, à sonappartement.J’imaginequeçavafairebizarredes’habitueraufaitquemescartesdecréditnevontpaschauffercommed’hab.‒T’esdingueouquoi?Jem’enfiche,dit-ilavecunlargesourire.Jesuisravidet’avoiricietçame
permetdeterendreunpeudetonhospitalité.Charlievaêtretrèscontent;ilesttellementjalouxlesfoisoùnoussortonstouslesdeux.‒Ilpeuttoujourssejoindreànous,avecgrandplaisir.Tuleluiasbiendit,hein?‒Ohoui,maisjel’aidécouragé,répondJimmyenriant.Jeneveuxpasqu’ils’habituetropàunevie
quenousnepouvonsnousoffrir.Etpuis,j’aimet’avoirpourmoitoutseul.‒Entoutcas,j’aitrèsenvied’apprendreàleconnaîtreunpeumieux.Jemerendscompteaveceffroiquejen’ai jamaisprislapeinedem’enquérirdelamanièredontvit
JimmyàL.A.J’aitoujoursdébarquépourl’entraînerjusqu’àunhôtelsupercooletj’aitoujourstoutfaitselonmescritères.Peut-êtrequelepétrindanslequeljesuisaunboncôté:jevaisenapprendreplussurlavraieviequemènentJimmyetCharlie.Jimmydéposemesbagagesdanslaminusculechambred’amisetsemetàmepréparerunthépendantquej’explorel’appartement.Ladécorationestsoignée,élégante.Tout a étémanifestement fait avec amour, patience et un budget limité. Chaque objet a une histoire àraconter et une raison de se trouver là. Nos maisons ont toujours été décorées par des architectesd’intérieur,desgensmerveilleusementdouéspourcréeruneambianceetuncadrequisuggèrentquelespropriétairessontcultivésetdotésd’ungoûtsansfaille.Maisriendetoutcelanenousinterpellait.Lestableaux venaient de ventes aux enchères, la décoration, de grands magasins, le mobilier avait étésoigneusementchoisipournous.Noushabitionsunlieuquiétaituneimage:cellequequelqu’und’autresefaisaitdelamanièredontnousdevionsvivre.‒Donc, dit Jimmyqui, revenant avecnotre théde la cuisine lumineusequi donne sur le petit jardin
occupantlacour,decombiend’argentexactementdisposez-vous?Nemedispasquetuessanslesou.Tonpèreneferaitpasça,pasvrai?Ilsecouelatêteens’asseyant.‒Surtoutsionpenseàlamanièredontvousaveztoujoursvécu,touteslestrois…,commedespetites
princesses.Jeris,légèrementgênée.‒Oh!c’estunpeuexagéré.Etpuis,çanousparaissaitnormal;nousn’avionspasconsciencedevivre
commedesgensàpart.Aprèstout,laplupartdenosamisvivaientdelamêmemanière.‒Lacliquedesriches…,ditJimmyenhochantlatête.Attention,c’estpasunecritique.Lesenfantsne
choisissent pas leurs parents ni les lieux où ils vivent.On se retrouve là où on peut sans trop savoirpourquoi,etilappartientàchacund’entrenousdetirerprofitdecequ’ona.Lavien’estpasjuste.‒ Non, dis-je, me sentant devenue sombre tout d’un coup. Je fais ce que je peux pour compter les
privilègesquelaviem’adonnés.Est-ce vrai ?Est-ce que je tiens un compte demes privilèges ?Est-ce que je n’ai pas péché par
indifférence,pourfinalementtouttenirpouracquis?‒Bon,alors,quelleestlasituation?Dequoipeux-tudisposer?Jimmyn’estpasdécidéàlaissertomber.Jeprendsmatassedethéetj’enboisunegorgée.Ilestchaud,
réconfortant,commeseulunthéfaitchezsoipeutl’être.Lesthésservisdansleshôtelsn’ontjamaiscegoût-là,jemedemandepourquoi.Puis,jemecaledanssoncanapémouetjedis:‒ Je ne le sais pas vraiment. Jane-Elizabeth va nous écrire pour clarifier la situation.Les cartes de
créditserontbloquées,ça,jelesais.J’airéussiàachetermonbilletd’avionsurmacartejusteàtemps.Maisilsembleraitquenoussoyonstouteslestroismembresduconseild’administrationdelafondationHammondetquenousenpercevionsunerémunération.‒Vousêtespayéesànerienfaire?demande-t-il,l’airamusé.‒Ondirait.Pourdesraisonsdefiscalitéouquelquechosecommeça.J’ensaisrien.Maisaumoins,on
nemourrapasdefaim.‒Etvousn’êtespasexactementdémunies,avectoutcequevouspossédez.‒Non…,maistoutoupresqueestdanslamaisondepapa,et,pourl’instant,nousysommespersona
nongrata.Ilvadoncfalloirquejemetrouveunlieupourvivre.Jimmyfaitunegrimaceets’avancesursachaisecommes’ilvoulaitmieuxentendre.‒Bon, il fautquej’yvoieclair.Votrepère,quinevouslaissepratiquementpasvouséloignerdelui
sans un garde du corps et un itinéraire dûment établi, vous a mises dehors. Juste comme ça. Il vousinterditl’accèsàsesmaisons?‒Jenesaispassionpeutdécrireleschosesainsi.Jenecroispasquenoussoyonsinterditesd’accès,
maisilattenddenousquenouspartionsetquenousnousprenionsencharge.Ilenaassezdenousvoirvivreàsescrochetsetdenerienfairepourgagnerl’argentqu’ilnousdonne.J’émetsunpetitrireamer.‒Ensoi,c’estuneidéestimulante.C’estjustequej’auraisaiméqu’ilnousinformeplusàl’avancede
sesintentions.‒Etdonc,quevas-tufaire?Jimmymedonnel’impressionderéaliserquemonexistencedoréeaatteintsonterme.‒Tuasunelicence,non?Tupeuxtrouverunemploi.J’opine. Je suis allée àBrownUniversity, auxÉtats-Unis, cequi expliqueque jeme sente tellement
chezmoienAmériqueetque j’aieunaccentaméricaindès l’instantoù j’atterris.Messœurssontplusbritanniques,maismoi,jemesuistoujourssentieaméricaine.NousavonspasséunebonnepartiedenotreenfancedansleConnecticut,lorsquemonpèreymontaitsesaffaires.Floranerêvaitqued’Europe,maismoi,j’adoraisl’Amériqueetj’ysuisrevenuedèsquejel’aipuaprèsnotreinstallationenSuisse.Jenesaispasàquelgenred’emploijepeuxprétendreavecunelicencedelettresmodernes,maisjevaisfairedemonmieuxpourendécrocherun.Jen’aipaslechoix.‒Maistuasunemploi,pourlafondationHammond!ditJimmyenriant.‒Oui!Jerisaussi.‒J’aimeraisbienavoirunepetiteidéesurcequefaitlafondation.ElleestàParis,detoutefaçon.Du
moins,lesiège.‒Tuasintérêtàterenseigner.Çapeutêtreintéressant.‒Peut-être.‒Mais jeveuxque tu trouvesun travail ici, dit Jimmy, l’air tout excité.Çavaêtre super fund’être
ensemble.Ceseralepied.‒Ici?Jen’yavaispasvraimentpensé.LosAngelesestunevilleoùjevienspourmedétendreetfairelafête.
Jen’aijamaisimaginéquejepourraisyresteretyvivre.‒Pourquoipas?Oùpensais-tualler?‒Euh...,je…,j’ensaistroprien.QuelquepartenEurope,peut-être.FloraestàParis.Etc’estloin…Jimmym’observeetdit:‒Jesaisquevousêtesjumellesetquevousavezbesoinl’unedel’autre,maisjusque-là,çan’apasété
unproblèmepourtoidecourirlemondesanselle.‒C’estdifférent.Jenemesuisjamaisinstalléequelquepartquisoitsiloin.Jemesenssubmergéeparunevaguedetristesse.‒Oh!Summer!Qu’est-cequinevapas?Ilavumonexpressionetréagitauquartdetour.‒ Tu as eu un air tellement désespéré, il n’y a pas une seconde, que celam’a fendu le cœur. Il y a
quelquechosequiclocheavecFlora?Ellevabien?‒Oui,elleseportebien,mais…Jedétournelesyeux,honteusedenepasmesentirheureusedubonheurdemasœur.‒…maissavieamoureuses’immisceentreelleettoi.Jimmycomprend.Ilcomprendtoujours.C’estpourcela,entreautres,quejel’aime.‒Jesuiscontentepourelle,maisjenepeuxm’empêcherdepenserqu’ilmel’aprise.Jesaisquec’est
égoïste.Jemesensmoche.Maisavant,onétaittoujourslàl’unepourl’autre,onseparlaitchaquejour.Maintenant,jen’aipasdenouvellespendantdesjoursd’affiléeetjesaisquec’estparcequ’elleestavecluietqu’ellem’acomplètementoubliée.‒ C’est dur pour toi ; ce n’est pas de l’égoïsme. C’est normal de ressentir cela lorsqu’on a été si
proches.Jeréussisàluiadresserunpauvrepetitsourire.‒J’ail’impressiond’êtreuneratée.Sincèrement.Àcetinstantprécis,laportedonnantsurlarueclaque,etonentenddespasdanslecouloir.Jimmyjette
uncoupd’œilverslaporteetditavecunsourire:‒Ah !voilàCharlie !Qui rentredumarché. J’espèrequ’il apenséaucafé :onest complètement à
court.Une seconde plus tard, un hommebien bâti, vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un jean, franchit d’un pas
nonchalantleseuildelaporte,unsacenpapierpleindeprovisionsdanslesbras.Ilalescheveuxcourts,d’unblondroux,ilestbronzé,etsesyeuxsontdissimuléspardeslunettesd’aviateurauxverresfoncés.‒Ah,ah!dit-ilenmevoyant.Notrevisiteuseestarrivée!Bonjour,Summer!Commentçava?‒Bonjour,Charlie.Jevaisbien,merci.Jeme lèvepour le saluer ; ilpose le sacdeprovisionsetme tend lesbras. J’ai toujoursbienaimé
Charlie,mêmesijeleconnaispeu.CelanefaitpassilongtempsqueluietJimmysontensemble.Ilal’airengrandeformephysique.Ondiraitquesesbicepsontétégonflésavecunepompeàvélo.Ildoitpasserdesheuresàlasalledemusculation.‒Jeparlaisjustementdetoi,ditCharlieenm’embrassantsurlesdeuxjoues.Iljettealorsunregardpar-dessussonépauleendirectionducouloir.Allez,Jack,faispastontimide!
Entre!Jesuissonregardet,danslasecondequisuit,unautrehommepénètredanslapièce.Jeleregarde,le
soufflecoupé.C’estleplusbelhommequej’aievudetoutemavie.
3
‒Salut,Jack,ditJimmy.Je perçois un petit quelque chose dans sa voix, comme de la réserve, mais je suis trop occupée à
dévorerJackdesyeuxpouryprêtervraimentattention.CethommeestplusjeunequeJimmyetCharlie(ildoitavoirmonâge,danslesvingtanspassés)etily
achez luiquelquechosede renversant.Sesyeuxsontd’unbrunchocolat ; son regardestvelouté.Sessourcils épais et droits sont assortis à ses cheveux bruns. Il a un teint hâlé, et de courts poils brunspiquettentsapeaulelongdesmâchoires.Sonvisageestpresquetropbeau.Mêmedansunevillecommeici, où les hommes séduisants se comptent par dizaines, sa beauté exceptionnelle sort du lot. Je mesurprends à le contempler fixement. J’ai beau savoir que celane se fait pas, je nepeuxdétachermonregard.Qu’est-cequilerendtellementséduisant?Larégularitédesestraits?Ilaunnezetunmentondignesd’unestatuedelaRenaissance,etunvisagedontlesformesallientforceetdélicatesse.Sont-celescheveuxpresquenoirsetlesyeuxd’unbrunincroyable,commeunetassedecafédanslaquelleonamisunegouttedelait?Lecontourunpeuboudeurdeseslèvres,quinesourientpas?Samanièredesetenir,avecdanslesépaulesunepetitetournureprovocante?Iln’estpasgrandnibâticommeuncostaud,maisilauneprésenceincroyable.Quoiquecesoitqu’ilaitdespécial,jenepeuxlequitterdesyeux.Jemerendscompted’uncoupquejesuisentraindeplongermonregarddanssesyeuxensorcelants,avecsurmonvisageuneexpressionidiote.Jedétourneimmédiatementleregard,mesentanttrèsembarrassée.Reprends-toi,Summer,tutecouvresderidicule.Charlien’arienremarqué;ilestentrainderangerlesprovisionstoutencontinuantàparler:‒Jack,voicinotreamieSummer.Jackestunamiàmoi.Ons’estrencontrésàlasalledesportilyaun
petitmomentetons’estmisàdiscuter,commelefontlesgensparici.‒O.K.,c’estintéressant,dis-jeenprenantlerisquedeleregarderànouveau.Luiesttoujoursentraindemefixer,etjesensdansmonventrecommeunroulé-boulé.OhmonDieu!
Jamaisjen’airéagiainsiàpersonne.Etnousn’avonsmêmepaséchangéuneparole.Jenesupportepasdeleregarderetjenesupportepasnonplusdenepasleregarder.Jesuisdansuneétrangeposition.Jedoisavoirl’airstupide.Jemeforceàrecevoirsonregardetàluirenvoyerlemien.‒Raviedefairevotreconnaissance,Jack,dis-jeenessayantdem’exprimernormalement.Ilsemetenfinàparler,maispasàsourire.Ilcontinueàm’observerfixementdecettemanièrequime
metleventreenfeu.‒Bonjour,dit-il,c’estunplaisirpourmoiaussi.Ilaunaccent,américainmêléavecquelquechosed’autrequejeneréussispasàidentifier.Jebaisse
lesyeux,jefixelesoletjemerassoissurlecanapé.Quandjerelèvelatête,jedécouvreJimmyquimescrute intensément, un sourcil légèrement levé. Jeme sens aussitôt piquerun fard. Jimmysait toujoursexactementcequisepasseenmoi,etdoncilauraparfaitementperçuquelaprésencedecethommequiafranchilaportevientdemepercuteraveclapuissanced’uncamion.‒Vousêtesacteur?dis-jesoudain,prised’uneimpulsionincontrôlée.Ilnepeutqu’êtreacteur.Touten
luidit«idole»,aveccevisageunbrinboudeurquedesmilliersdelycéennesaccrochentsurlemurdeleurchambre.‒Non,jenesuispasacteur,répond-il.Jesuispriseaudépourvuetnesaisquoidire.Avecsonphysique,jel’aiprispourunacteur.Ilfautdire
que presque tout lemondedans cette ville joue les acteurs. J’aimerais lui demander s’il pose commemodèle,maisceseraitluidiretropexplicitementquejeletrouvebeauetjepréfèremetaire.‒Ahbon,dis-jegauchement.‒Jackestdesigner,expliqueCharlie.Jimmycontinueàobserverl’échangesansunmot.J’aimeraisqu’ilvienneàmonsecours.‒Jevois,dis-je.Biensûr, toutdevientclair : ilestdesigner, il fréquenteCharlieet Jimmy, ils sevoientà lasallede
sport,sansdoutepourfairedubodybuilding.Pauvreidiote.Ilestgay.Aucunhommeaussibeaunepeutêtrehétéro.Àl’instantoùcettepenséemevient,jesensquelquechosequiressembleàdusoulagementm’envahir.Jen’aiplusàmesoucierde l’attirancefollequis’estemparéedemoi.Ellevadiminueretdisparaître,etjepourraiappréciersonphysiquesansmesentirconsuméededésir.Ildoitdessinerdesrobespourdes fillesmaigreset filiformes, sansseinsni fesses.Lecontrairedemoi. Jem’apprête àdemanders’ilacréédesmodèlespourquelqu’undontj’aientenduparler,maisJimmyprendlaparole:‒Jack,çafaitplaisirdetevoir,maisonnevapastarderàsortir.OnemmèneSummerdéjeunerquelque
part.Onatellementdechosesàsedire.Turepasseras?Le regard de Jack, tellement sombre et séduisant, est toujours posé sur moi, comme s’il buvait le
spectacle qu’offrema personne.Là où vont ses yeux, je sensma peau qui picote et brûle.C’est sansdouteparcequemoncorpsadumalàaccepterlefaitquejenel’intéressepas.Maispourquoimefixe-t-ilainsi?‒Jack?répèteJimmyd’unevoixplusforte.Jacksemblesursauterlégèrement.IlclignedesyeuxetdirigesonregardversJimmy.Noussortons,là,
maintenant.Onsevoitplustard?‒Oui,oui,biensûr.Jackmeregardeànouveau.‒Contentd’avoirfaitvotreconnaissance.Savoixest intéressante,pasgrave,maisunpeurauque,et jenesaisis toujourspasdequelaccent il
s’agit.Iln’empêchequ’elleestvraimentsexy.Summer!Ilesthomo!Oublie.Certes,maisjenepeuxignorerlesondesd’attirancequim’ontparcourue.Celafaitunmomentqueje
suissanspetitami.Peut-êtremoncorpsest-ilentraindemedirequ’ilmefautmedépêcherd’entrouverun.Moncercledeconnaissancesn’estpassigrand,etunebonnepartiedesgarçonsquejerencontredansdessoiréessonttropgâtésoutropimmaturesàmongoût.Lorsquej’enregardecertains,jecomprendscequeveutdiremonpère,àproposdesjeunesquireçoiventtrop.Cesontdesgamins,etjenesaispass’ilsgrandiront un jour si on continue à ne pas leur confier de responsabilités et à tout leur servir sur unplateaud’argent.‒Contented’avoirfaitvotreconnaissance,dis-jeensouriantgauchement.Jackseretourneetpartendirectionducouloir,Charlielesuivantpourluiouvrir.J’essaied’éviterleregardperçantdeJimmy,maisiln’apasl’intentiondetenirsalangue.‒Alors…,dit-ild’untonprudent,ondiraitqueJackafaitsonpetiteffet.
Jeluifaisunegrimace,puisjedis:‒Voyons,Jimmy,reconnaisqu’ilaunsuperphysique.Oui,j’aiétébluffée.‒D’accord,répond-ilenm’observant,lessourcilsunpeufroncés.Maissoisprudente,c’esttout.‒Tun’asvraimentpasderaisonsdet’inquiéter,luidis-jeensouriant.Tuasunproblèmeaveclui?LefroncementdesourcilsdeJimmys’accuse.‒Jenesaispas,enfait.Jenedevraispas,jeneconnaispascetype.Maisilyaquelquechosechez
lui…,quelquechosequinem’inspirepasconfiance.Déjà,jenecomprendspaspourquoiluietCharliesontamis.Jeveuxdire,jevoispourquoiCharlieapprécieJack–tuasraison,ilestcanon–,maisdansl’autresens,çam’échappe.‒Sympa!JenerépéteraipasàCharliecequetuviensdedire.Àcetinstantprécis,Charlierevientdanslapièce,uneexpressiondecontrariétépeintesursonvisage.‒Jimmy,tuasététellementincorrect!Tuluiaspratiquementdemandédequitterleslieux!‒Non,jen’aipasfaitça,répliqueJimmycalmement.‒Si!Tuauraispuluiproposerdevenirdéjeuneravecnous.‒C’estbiença,leproblème.Jeneveuxpasqu’ildéjeuneavecnous.Summeresttoutjustearrivée;je
nevaispasdéjàlapartager.Charliebougonneunpeu,maisilsembleserallieràl’argumentdeJimmy.‒J’imaginequ’onpeutvoirJackàunautremoment,concède-t-il.Bon,oùva-t-onmanger?Tuasfaim,
Summer?Je luisouris, jemesensmoinsvulnérablemaintenantqueJackestparti.Et jemesensplusheureuse
aussi, ici, dans cet appartement ensoleillé, avec mes deux amis, avec du temps devant moi à leurconsacrer.‒Jemeursdefaim,dis-jed’untoncatégorique.Allonsmanger.Sanssurprise,JimmyetCharlieconnaissentlesmeilleurestablesdeL.A.,cellesquiviennentd’ouvrir,
les traditionnelles et celles qui méritent qu’on les essaie parce qu’elles sont différentes ou mêmedéjantées.Aujourd’hui,nousallonsàl’unedeleursadressespréférées,oùlasaladeduchefaunstatutquasimythique.Notre table, en fer forgé, est dansune jolie terrasse, à l’arrièredu restaurant, et nouscommandonstouslestroislalégendairesalade,quiarrivedansdesgrandescoupesetcontientdupouletfumé,desmorceauxd’anchoisetdesœufsdecaillemollets.C’estdélicieux,commeilsmel’avaientdit.Ilsm’amusentavecleurspotinsetleursensdelarépartie;ilsfontassautd’humourenmonhonneuretserenvoientdesrépliquesgentimentvachardes.Jesensquelatristessequejetrimballaispartoutavecmoiestentraindes’allégerunpeu.‒Summer,Jimmymeditquetutraversesdesmomentsdifficiles,ditCharlieenchassantunefeuillede
laitueperduetoutautourdesacoupe.J’ensuisdésolé.Jehausselesépaules.CelanemegênepasdemeconfieràJimmy,maisilm’estdifficiledem’épancher
auprès de quelque personne que ce soit et que je ne connais pas bien. Peut-être que les années deparanoïademonpèreàproposdesétrangersetdelanécessitédetenirleméchantmondeàdistanceontlaissédes tracesenmoi.Peut-êtrequec’est inscritdansmonA.D.N.etque je suis incapablede faireconfianceàquiconque.‒Tusais,beaucoupdegensenconnaissentdesbienpires.‒C’estvrai.Charliepiquesafeuilledesaladeetlasoulèveavecsafourchettepourl’examinerd’unairpensif.‒Laviepourraitêtrebeaucoupplusdure.
‒Portonsuntoastàcettepensée,déclareJimmyenlevantsonverred’eaudecoco.Ilmesourit.‒Tupeuxêtreheureuseici,Summer.J’espèrequenousallonstepersuaderderester.Soudain,jepenseàFloraàParisetjemedemandecequ’ellefaitetsiellepenseàmoi.Jel’appellerai
plus tard. Jeme la représentemarchantmain dans lamain avecAndreiDubrowski, l’homme qui l’aconquisedemanièrespectaculaire.Jenel’aivuquedeuxoutroisfoisdansmavieet,biensûr,j’aiétéfrappéeparsonmagnétisme,maissonregardbleuetfroidm’alaisséesurmesgardes.Demêmequecettefaçonqu’iladecontenirsonpotentield’agressionenlelaissantcouverquelquepartaufonddelui.Est-cevraimentl’hommedontFloraestamoureuse?Maissurtout,est-ilcapabledeluirendresonamour?Ildonnel’impressiond’ignorertotalementcequeveulentdiredesconceptscommetendresseetdouceur.Orma sœur en a besoin ; plus même : elle en est avide.Mais Flora n’est pas sotte. Jamais elle ne sedonneraitàunhommequipourraitluifairedumal.Est-cesûr?‒Allô?Jimmymefaitdessignesdel’autrecôtédelatable.‒J’appelleSummerHammond.Est-elleauboutdufil?‒Pardon,pardon…,j’étaistrèsloin,dis-jeenluisouriant.‒Tunepensaispasànotrevisiteurdecematin?Jimmyposelaquestionavecunairuntantinetnarquois.‒LafaçondonttuasregardéJack…J’aivuceregardchezdeslapinsquandilsaperçoiventunserpent.Charlieluidonneuncoupdecoudedanslescôtes.‒Holà!C’estpastrèsgentil.Jackn’estpasunserpent.Jimmycontinueàmâchersasaladeetdit:‒Peut-êtrepas.‒Jenesaispascequetuascontrelui,ditCharlied’untonchargéd’exaspération.Iln’arienfaitqui
puisset’offenser,quejesache.Je cesse de penser à Flora et me concentre sur leur conversation, qui aiguise mon intérêt. Je me
demandebienquelleplaceoccupeJackdansleurmondeetpourquoiJimmyestsiréservéàsonégard.‒ Je n’ai rien de précis contre lui. C’est juste que je le trouve un peu bizarre, c’est tout. Pourquoi
s’accroche-t-ilànous?Ilnesemblepasparticulièrements’amuser,etpourtant ilest toujoursdansnospattes.Dumoins,récemment.‒Ilesttimide.Charlieaunairtêtu.‒Tun’aspaspasséavec lui le tempsque j’aipassé. Ilestvraimentgentil.Unefoisqu’ilsortdesa
coquilleetqu’ilsourit…Oh!etpuis,tuverrasbien.‒Tucraquespourlui?demandeJimmy,quireposesafourchetteetfixesoncompagnon.Jeparieque
c’estça!‒Jimmy,moncœur…Charliesourit,d’unairpatient.‒C’estunbeauspécimen,nousdevonstousenconvenir,etlorsquedesbeauxspécimensvousregardent
deleursyeuxbrunsàtomberparterreetqu’ilsvoussourientl’airdedire«Vousilluminezmajournée»,alors,jedéfiequiconquedenepassentirunpetitcoupaucœur.Mais…j’aimonhommeauxyeuxbruns,là,devantmoi,etilesttoutcequejeveuxaumonde.Tuestoutaussibeauetenplustuescentfoisplusmontyped’homme.
Lecalmesemblerevenusurcebasmonde.Jimmysouritetluienvoieunbaiser.‒Merci.Idempourmoi.JesuissatisfaitequelaconversationaitétédétournéedemaréactionfaceàJack,maismacuriositéà
sonendroitresteintacte.Jenesaispasdutoutpourquoijeveuxensavoirplussurlui,maisc’estcequejeveux.‒ J’espère juste que tu seras correct avec Jack demain à la soirée, c’est tout, poursuit Charlie, qui
s’adosseàsachaiseetfaitsigneàlaserveusepourqu’elleapporteplusd’eauavecdesglaçons.‒IlvientchezSasha?demandeJimmy.‒Biensûr.J’aidemandéàSashas’ilpouvaitveniretelleaditoui.Donc,jepensequ’ilysera.Jimmyfaitunegrimace.‒Trèsbien,parfait.Jemecomporteraibien,évidemment.Maiscequejenepigepas,c’estpourquoiil
veutveniràcessoirées.Ilnedécrochepasunmot.Nosamissontplutôtdugenrebavard.Ilsaimentavoirunespacedeparole.Qu’est-cequ’ilenretire?‒ T’en fais pas. Il y a des gens qui aiment écouter. Peut-être qu’il apprécie les mots d’esprit et
l’hilarité.‒Mouais,j’airemarqué.Jimmysecouelatêteetrit.‒TuvienschezSasha,Summer?C’estunesoiréepiscineducôtédeLaurelCanyon.‒Oui,biensûr.Jenevoudraisraterçapourrienaumonde.Celamefait toutdrôled’être l’invitéedansunsipetitappartement.Lachambred’amissertausside
bureauetjevaisdormirsurunlitpliant,prèsd’unbureauetentouréed’étagères.Jesuishabituéeàdeplusgrandsvolumes,àdesmaisonsoùlesinvitésontleurailepoureuxoudespavillonsindépendants,ouàdessuitesd’hôtelimmensesoùl’onpeuts’étaleràsonaise,avecdupersonnelquinettoie,sert,cuisineettientlesportesouvertes.Bon,medis-jealorsquej’aperçoismonrefletdanslemiroiraccrochéaumur,ondiraitquetuestombéebrutalementdetonniddoré.Est-cequej’aichangéphysiquement?Est-cequ’on lit surmonvisagequemon statutd’héritière,brusquement, n’estplusqu’un souvenir? Pourl’instant, je suis la même, j’ai toujours un visage en forme de cœur avec un menton que mon pèredécrivaitcommeobstiné,desyeuxbleus,lesplusclairsdelafamille,mêmesijetrouvequ’onydécèleunetrèslégèrepointedevert,commedansceuxdeFlora,delongscheveuxblonds,dontlesrefletsdorésdoiventbeaucoupàl’interventiond’uncoiffeur.OhmonDieu!Est-cequejevaisdevoirmepasserd’uncoiffeur?Combiencoûteuneteinture?J’ignore toutdeceschoses-là.Jusque-là, jemecontentaisdetendreunecartedepaiementetd’attendrequelapetiteboîtemesorteunticketdisantquej’avaispayé.Lemontant nem’a jamais préoccupée.Deux fois par semaine, jeme fais faire un brushing pour quemescheveuxgonflentenbouclesvaporeusesquicascadentsurmesépauleset,touteslessixsemaines,jemefais faire un balayage. Je vais envoyer un e-mail à Jane-Elizabeth, me dis-je en voyant un éclaird’inquiétude dansmes yeux.Elle saura quoi faire. Ou bien, me dit une petite voix dansma tête, tupourrais apprendre à te débrouiller seule et trouver comment t’offrir les choses auxquelles tu eshabituée.Etcombiend’entreellescomptentvraimentàtesyeux.Jemesenstoutdesuitemieux.JenevaispasmerendreàRodeoDrivecettefois-cipouryfairedes
emplettes. Et alors ? À la maison, j’ai de pleins placards de vêtements, de chaussures et de sacs ;pourtant, je me rends compte que je voyage toujours avec les mêmes effets dansmes bagages.Nousverronsbiens’ilsmemanquent.J’enfilemonpyjamaet jem’allongesur le litpliantunpeubranlant. Jemerendscompteque jesuis
épuisée.Jevoyagetellementsouventquejen’aipasletempsderécupérerdudécalagehoraire.Encoreheureuxquejepuissetrouverlesommeiloùquejesois.Maiscesoir,j’ail’impressiond’êtreplombéepardesblocsdebéton.Ils’estpassétantdechosesaucoursdesderniersjours;lesémotionspèsentdetoutleurpoids.J’aibeaujouerlesbravesetêtredéterminéeàm’ensortirseule,jesenstoujoursaufonddemoiunocéandetristesse.Seuleunepetitelueurtremblotequelquepartenmoi,commeunebougieàlafenêtred’undonjon.JevaisrevoirJackàlasoiréepiscine.Quoi?...L’homo?Summer,tunevaspastemettredanslamêmesituationqueFlora!Elleagâché
desannéesdesavieàaimerenvainunhomme.Tusaiscommentçasetermine.Jesuisallongée,latêtesurl’oreiller, jeregardeleslivressurl’étagèreenfacedemoi.Jimmyades
goûtséclectiques:desbiographiesdecélébritéshollywoodiennesvoisinentdesouvragessurl’artdelaRenaissance et des pavés d’histoire et de philosophie. C’est absurde, je le sais, mais je ne peuxm’empêcher d’évoquer le visage de Jack et d’en éprouver une intense excitation. Sa présence m’atellementaffectéequej’enperçoisencorelesondes.J’aitoujoursbienaimélesgens,maisengardantmesdistances,sanspermettreàquiconquedefranchir
la limite. La paranoïa de mon père m’a rendue méfiante à l’égard des motivations des gens. Si jesoupçonnaisqu’ungarçonme trompaitoumême flirtait avecd’autres filles, j’arrêtais tout. J’aivudesfillesquis’abandonnaienttropviteetcommentleshommestiraientavantaged’elles.Peut-êtreprenaient-ellesdubontempsetétaient-ellesinsensiblesàlafaçondontcelasepassait,maislefaitestquej’aieupeud’aventures.Beaucoupdegarçonslaissaienttomberparcequejenecouchaispastoutdesuiteaveceux.Ilyenavaiteudeux,deuxhommesquej’avaisadorés,deloin,maisunefoisquej’eusapprisàlesconnaître,mesidolesserévélèrentavoirdespiedsd’argile.J’avaisenvisagédecoucheraveceuxpoursavoirpourquoionfaisaittantdecasdela«chose»,maisfinalement,celanes’étaitpasfait.Jen’avaispasvouluquemapremièrefoissepasseàunesoiréealcooliséesurunyachtoudansunquelconquelitdansunechambreinconnue.MaiscelanevapasnonplusarriveravecJack.Sois-ensûre.
4
Lelendemain,jetrouveunmessagedeJane-Elizabeth:MaSummeradorée,J’espèrequetuvasbien.Jemefaisdusoucipourtoi.Tuavaisl’airtellementmisérablequandtuespartied’ici.Sicelapeutteconsoler,lamaisonestdéserteetdésoléesansvoustrois,etjepensequevotrepèrenevapastarderàregrettercequ’ilafait.Quoiqu’ilensoit,ilnousfautavancercomme on peut en attendant. Vos cartes de crédit ont été bloquées, mais dis-moi si tu essérieusementendifficulté.Vousallezpercevoirunpetitsalairedelafondation;tonpèreconsidèrequecelasuffiraletempsquetutrouvesunemploi.Jevaist’envoyerlesdétailsenpiècejointe.Tiens-moiaucourant, je t’enprie.Jepeux toujours t’organiserunvoyagesi tuenasbesoin.Tusaisquejeferain’importequoipourt’aider.Situasbesoindetesaffaires,dis-le-moietjetelesenverrai.J’aiécritlamêmechoseàFloraetFreya.Avectoutemonaffection,Jane-ElizabethMesyeuxs’emplissentdelarmesenlisantlemail.Jesenssonaffectionàchaquemot.Celamedépasse
quepapanevoiepascombienJane-Elizabethestunefemmeenor.C’estellequiaétélesocledenotrefamille depuis la mort de maman. Il ne se rendmême pas compte à quel point il a besoin d’elle nicombienilestdépendantd’elle.Unjour,elleneserapluslàet,cejour-là,ilouvriralesyeux.LapenséedeJane-Elizabethnefaisantpluspartiedenotreviemeprovoqueunedouleurlittéralementphysique.Jeluirépondspourlaremercieretluipromettredelateniraucourant.Jemedemandeàcombiens’élèvemonsalaire.Mêmesij’apprécied’avoircetterentréed’argent,je
mesenscoupabledenerienfairepourlagagner.Monpèreveutquenoussubvenionsànosbesoinset,pourtant,laréalitéestlà:noustouchonsdel’argentsansrienfaire.Jerenonceraiàmonsalairedèsquejecommenceraiàêtrepayéepouruntravail.Maisquevais-je
fairecommetravail?Jen’enaiaucuneidée…‒Summer!Lecaféestprêt!LavoixdeJimmyrésonnedansl’escalierquiconduitàlachambred’amisetjesautedulit.‒J’arrive!Uneminute!Cinqminutesplustard,jesuisdanslacuisine,àsiroterducaféfraisetàregarderdanserdespoussières
danslesrayonsdesoleilquipénètrentparlafenêtre.Lesoleilmeredonnemoraletespoir.‒Biendormi?Jimmyal’airderevenird’uneséancedephoto.Ilesttellementséduisantdanssontee-
shirtd’unblancéclatantetsonbaggydecoton,lescheveuxébouriffés.‒Oui,commeunbébé,dis-jegaiement.D’ailleurs,c’estvrai,j’aidormicommeunesouchedixheuresd’affilée.J’enavaisbesoin.Jeregarde
autourdemoi.‒OùestCharlie?
‒Ilestpartitôt.C’estsamatinéedetravailauCentre.‒AuCentre?‒Oui,c’estunprogrammesolidairedanslecentre-ville.LeCentres’occupedejeunesquionttouchéà
la drogue, à la violence et aux gangs. Le truc habituel. C’est un projet de proximité pour les aider àchangerdevie.Charlieyvaunefoisparsemainepourservirlepetit-déjeuneretserendreutilecommeilpeut.‒Waouh!Chapeau!dis-jeenregardantJimmypar-dessusmonmugdecafé.‒Ilasesraisons,ditJimmyenhochantlatête.Ilaconnulagalèrelui-même,quandilétaitplusjeune,
etils’enestsorti.Alors,maintenant,ilrendunpeudecequ’ilareçupouraiderdesjeunescommelui.Je cligne des yeux en me disant combien il est difficile de connaître les gens simplement en les
regardant.Charlienem’a jamaisparuêtre legenredepersonneàavoireuaffaireà ladrogueouà laviolencedanssajeunesse.‒C’estquelqu’undebien,dis-je.‒Detrèsbien.Jesuisheureuxdel’avoir.Puis,ilmejetteunregardsérieux.‒Maisqu’est-cequenousallonsfairedetoi?‒Queveux-tudire?Jesuisaussitôtsurmesgardes.Jen’aimepasparlerdemavieprivée,mêmeàJimmy.‒Freyaestdanslesbrasdesongardeducorps,Flora,emportéeparsapassionrusse,maistoi?‒Jevaisbien,dis-jed’untonunpeubrusque.Pasderaisonsdes’inquiéterpourmoi.‒Vraiment?Jimmym’observed’unairdubitatif.‒Tun’aspasl’airbien.‒Çatesurprend?Tusaiscequisepassedansmafamille.Jen’aipasbesoinqu’unehistoired’amour
vienneajouterdescomplications.‒Peut-êtrequecelasimplifieraitleschoses.‒Ben,voyons!Biensûr!C’estcequ’onditdeshistoiresd’amour,qu’ellessontfaciles.‒Summer…Toutd’uncoup,Jimmyestdevenutrèsdoux.‒Nesoispassurladéfensive,toutvabien.Dequoias-tupeur?‒De rien, dis-je d’un ton agressif, alorsmême que je ne souhaite pasme conduire comme ça avec
Jimmy.‒J’ail’impressionquesi.Iltendsamainetlaposesurmonbrasdansungestederéconfort.‒Jemefaisdusouci.Ondiraitque,pourtoi,tomberamoureuseestquelquechosequ’ilfautredouter.‒C’estsansdoutequejen’aipaseudechanceenamourjusque-là.Iln’yariend’autreàchercher.Jehausselesépaulestoutenmedemandantpourquoiilm’estsidifficiled’abordercesujet.‒Lesmecsquim’ontplusesonttousavérésêtredespauvrestypes.Tunepeuxpasm’envouloird’être
unpeucynique.‒C’estparcequetun’aspasrencontrélabonnepersonne,dit-ilenmesouriant.Cesontdeschosesqui
arrivent.Maisilyaquelqu’unquiestfaitpourtoi.Tuletrouverassituleveux.‒Peut-être.Jebaisselesyeuxetboisunegorgéedecafé.Jeneveuxpasqu’ilvoiequej’aipeur.J’aiapprisàne
faireconfianceàpersonneendehorsdenotrecercleetjenesaissijeréussiraiàsurmonterça.‒IlyalafêtechezSashacesoir,poursuitJimmy.Peut-êtrequetuyrencontrerasquelqu’un,dit-ilen
riant.Etalors,celatedonneraitpleinderaisonsderesterparici!‒Danstesrêves,Jimmy!Maisonnesaitjamais.Lapetitevoixdansmatêtemeditquecelaneseproduirapas.Àmagrande surprisearriveunnouveaumessagede Jane-Elizabethdans l’après-midi,que je lis sur
montéléphoneportablealorsquejesuisconfortablementassisedanslefauteuildusalondeJimmy.TrèschèreSummer,Je n’arrive pas à joindre Flora. Sais-tu où elle peut être ? Elle ne répond pas à mes e-mails.Préviens-moisituasdesnouvelles.xxxJ.E.Jesuisaussitôtsaisied’unecrisedepanique.Mesmainssemettentàtrembler,marespirationdevient
saccadée,jehalète.Jimmy,assissurlecanapéàliresoniPad,mejetteunregard:‒Çavapas?‒C’estFlora,dis-je,lavoixhautperchéeetterrifiée.Jane-Elizabethn’arrivepasàlajoindre.Plusieursscénariossebousculentdéjàdansmatêteetj’imaginelepire.‒Oh!jesuissûrqu’iln’yaaucuneraisondes’inquiéter.LavoixdeJimmyestcalmeetapaisante.‒Tuasétéencontactavecellerécemment?‒Non!Jeconsultemesanciensmessagespourvoirladernièrefoisqu’elles’estmanifestée.Ilyenaunquidit
qu’elleestderetouràParisetunautreavecunephotod’elleencostumepourunepièceàl’Académie,prisealorsqu’elleposaitdevantlemiroirdesaloge.C’étaithier.Jeneluiaipasparlédepuisquenousnoussommesséparéeschezpapa.Soudain,uneimagemerevient:unregardqu’elleetFreyaavaientéchangéetlesentimentquej’avais
éprouvéquequelquechosesepassaitentreellesdontjenesavaisrien.‒ Alors, appelle-la, suggère Jimmy. Avant de te faire dumouron. Il n’est que vingt-deux heures en
Europe.‒Oui…,dis-je,lesoufflecourt,bonneidée.J’entresonnuméroabrégé.Celaprenddessièclesavantdeseconnecter,puisçasonne.Jesuissûreque
sonrépondeurvas’enclencherlorsque,finalement,elledécroche.‒Summer?Savoixestassourdiecommesielleessayaitdeparleràvoixbasse.Quelsoulagement!Jepousseungrossoupiretjepassemamaindansmescheveux.‒Flora!Tuvasbien?‒Oui.Pourquoiçan’iraitpas?‒Jane-Elizabethm’aditqu’ellen’arrivaitpasàtejoindre.Jem’inquiétais.‒Ohoui!J’auraisdûluirépondre.C’estque…jenesuispasàParisencemoment.‒Ahbon?Jeclignedesyeuxdesurprise.Jimmym’observeet,manifestementcurieuxdesavoircequeFloraest
entraindemedire,illèvelessourcils.‒Maistuyétaishier?‒Oui…,répond-elled’untonévasif.
‒Alors,oùes-tu?‒NousnousrendonsenAngleterre.Avecl’aviond’Andrei.‒EnAngleterre!Maispourquoi?‒Je…,jenepeuxpasvraimentt’expliquer,là,toutdesuite.Est-cequ’onpeutseparlerplustard?‒Maistoutvabien?dis-je,prised’inquiétudeànouveau.Pourquoinepeut-ellepasparlerlibrement?Est-elleendanger?‒Siçanevapasetquetuasbesoind’aide,dis«J’adorelavilledeLondres».Enguisederéponse,ellesemetàriredoucement.Jemesensunpeublesséequandellemedit:‒Oh!Summer,jevaisbien.MaisAndreiestendormisurlesiègeenfacedemoietjeneveuxpasle
réveiller.Tuesaussiparanoquepapa!‒Possible.J’ajouteavecunpeuplusdeforce:‒Maisj’airaisondel’être,non?Ellenerépondrienetjepoursuis:‒Donc,ilsepassequelquechoseentreFreyaettoi?Vousvousdisputezàproposdequelquechose?Nouveausilence.Unsentimentdecolèreinhabituelmegagne.Floraetmoin’avonsjamaiseudesecrets
l’unepourl’autre,maisdepuisqu’AndreiDubrowskiestentrédansnosvies,jelasensquis’éloignedemoietjesaisqu’ellemecachedeschoses.Jehaislesentimentquecelameprocure.‒Summer,jenepeuxvraimentpasteparlermaintenant.Jedécèleunbrind’impatiencedanssavoixquimetoucheàvif.‒Jet’appelleplustard.Quandjepeux.Demain,probablement.Elles’arrêteavantd’ajouter:‒Jet’enprie,net’inquiètepaspourcequisepasseavecFreya.Jegèreetjet’expliqueraiquandjete
verrai.Salut,magrande.Sur ce, elle raccroche. Comme figée, je tiens le portable contremon oreille. Jimmy remarquemon
expressionatterrée,s’approcheetm’entouredesonbras.‒Summer,çava?‒Elle…,ellearaccroché.Elleestenvol.‒Ah!Ehbien,ellerappellera,non?Neprendspascetairtragique.Riendegraven’estarrivé.Jesecouelatête.‒J’aiunmauvaisfeeling.Jesuissûrequequelquechosesetrameetçanemeplaîtpas.‒Mapuce, il sepassedéjà assezde chosesdans tavraievie sansque tu ailles te créerdes soucis
imaginaires.Jimmym’adresseungrandsourirequiseveutrassurant.‒Etmaintenant,quedirais-tuderegarderunfilmavantlasoirée?LasoiréeestdouceàHollywood,avecuncielbleumarinequivireauveloursanthracite.Leslumières
commencentàscintillerunpeupartoutdanslaville.Ilestdix-neufheurestoutjustepasséeset,danslavoituredeJimmy,noussommesdéjàenroutepourLaurelCanyon.‒C’esttellementtôt,dis-je.Charliem’acédélesiègeavantpourquemescheveuxnesoientpastropébouriffésparlevent.‒D’habitude,jen’envisagepasd’arriveràunesoiréeavantvingtetuneheures.‒C’estHollywood,mabelle,répondJimmyavecunlargesourire.Oncommencetôtparcequetousles
gensprétendentqu’il leur faut se leverauxaurores.Tu reconnaîtrasceuxquibossentvraiment : ilsneboiventpasetilspartentàdixheurespourallerdormir.Lesautresracontentdesbobards.NousroulonsverslecentredeL.A.etverslescollinesdunord-est.C’estunevillefabuleuse,onne
peutlenier,palpitantedejeunesse,d’ambition,d’argentetdebusiness,etdugrandcycledesrêvesquel’onfaitetquel’onréalise.N’importequelquidamcroisésurletrottoirvapeut-êtredevenirlaprochainelégendeducinémaoulegagnant-surprisedesAcademyAwards.Ouunécrivainquitirelediableparlaqueuequimetladernièremainàsonscénario,oubienunagentàquiunecompagnievadonnersachance.Etpuis,ilyalesautres,touslesautres,quinetrouventpaslagloire,maisquisontindispensablesdanslagrande industrie du spectacle : les maquilleurs, les costumiers, les électriciens, les cameramen, lesperchmen, les coursiers, les accessoiristes, les techniciens du son, les monteurs, les cadreurs, lesmachinistes,leséclairagistes…Celamefaittournerlatêterienqued’ypenser.Pasétonnantquelavillesoitsivaste,siactive,siéveillée.Surlescollines,lespectaclechange:au-dessousdenous,L.A.s’étire,immenseetscintillante,avec
des lumières entre les arbres, révélant des espaces occupés par d’énormes demeures protégées par lavégétation.Laroutemonteenserpentantetàchaqueviragenouspassonsdevantdesgrillesgigantesques.‒Commentças’estpasséauCentre,dis-jeàCharlieenmetournantpourleregarder.‒Trèsbien.Ilyadeuxoutroisjeunesquej’aiàl’œil.Ilsn’ontpaseulaviefacile,tusais.Jackson,
parexemple.Ilssonthuitdanslafamille,etlepèreajouélafilledel’air.Samèrevivotesurlesallocs,etilsviventdansuntoutpetitappartement.Jacksonaeudemauvaisrésultatsàl’écoleetils’estbranchésurunebandedepetitsvoyous,cequi luiavaludessoucisavec la loi.Unecondamnationdeplus,etc’estlaprison,cequiseraitundésastrepourlui.Jenepensepasqu’ilenreviendrait.C’estpourçaquejeletravailleaucorps,pourqu’ilresteconcentrésurcequelaviepeutluidonnerdebon...s’ilsetientàl’écartdetoutecettemerde.Maiscen’estpasfacilequandlavoiedel’illégalitésemblevousoffrirdesraccourcisverslefric,alorsqueletravailvavousprendredesannées.L’autre côtéde la vie, loinde l’usineà rêves.Desgosses, dansunemégapole, sansperspectives,
entouréspartoutcequ’ilsnepeuventpasavoir.‒Jet’admirepourcequetufais,Charlie,luidis-jed’unevoixfervente.‒Fautpas,répond-ilenhaussantlesépaules.N’importequipeutfairecequejefais.Etjeconnaisma
chance.Jemesenscoupable, toutd’uncoup. Jesuisnéedansunconfortmatérielque laplupartdesgensne
peuventquerêver.Jesuislafillelapluschanceusedumonde.Çanemarchepascommeça…et,detoutefaçon,jenesuisplusriche.Maisenmonforintérieur,jesaisquejesuistoujoursàdesannées-lumièredugenredepauvretéqueconnaissentlesjeunesduCentre.Jimmymetuntermeausilenceunpeugênéquis’estinstallé.‒Çayest,onestarrivés!Toutenfranchissantlagrilleendirectiondelamaison,ildit:‒ Sasha dessine des sous-vêtements et elle réussit plutôt bien. C’est un ancien mannequin. Tu vas
l’adorer.Tuverrasaussiquetuconnaisdesgensici.Jimmy s’arrête sur le cercle pavé devant la maison, et nous descendons. Je défroisse ma robe et
m’assure quemes cheveux ne sont pas trop ébouriffés. Il y a une semaine de cela à peine, je seraisarrivéeiciimpatientederevoirmesamisetdem’amuser.Àprésent,jemesensdifférente,commesijevenaisdéguiséeen laSummerHammondd’avant,alorsqu’enfait toutachangé.Maintenantque jenesuisplusunehéritière,est-cequejemérited’êtrelà?
Cettepenséenemequittepasalorsquenouspénétronsdanslavastedemeuredestyleespagnol.Ilyadéjà foule, et Jimmy est en mode étincelle : il salue les gens avec effusion, avec force bises etexclamations. Il me présente à des tas de personnes qui, pour la plupart, reconnaissent mon nom ets’illuminentenmevoyantoumeconsidèrentavecunevivecuriosité.Jeme sens en position d’imposture. S’ils savaient ce qui vient dem’arriver, seraient-ils toujours
intéressés?Maintenantque jenesuisplusqu’une jeune filleordinairequidoitgagnersavie,quelintérêtest-cequejeprésente?Sansl’argentdepapa,lespaparazzisvont-ilscontinueràmemitrailleretlesmagazinesfémininsvont-ilsm’incluredansleurspagespeople?Est-cequejevaiscontinueràrecevoirtoutescesinvitations?Jen’aipasàchercherbienloinlaréponse:c’estnon,biensûr.C’estalorsquequelquechosed’autremevientàl’esprit.Sanscetargent,personnenevapluschercherànousmenacer,niànousnuire.Pendantquej’évolueentrelesinvités,habituésdessoiréesglamour,jecommenceàressentirquelque
chosed’étrange:unsentimentdeliberté.Est-ilpossiblequelapertedemonhéritagem’aitlibéréedelapeurquim’habitedepuismonenfance?Est-cequeceseraitvraimentgénial?Imagine,mafille:tupourraisapprendreàfaireconfianceaux
gensetpeut-êtrequecetteangoissequitetaraudedepuissilongtempstequitteraitenfin…Jesourissansenêtrevraimentconsciente.JemesuiséloignéedeCharlieetJimmy,occupésàbavarder
joyeusement avec leurs nombreux copains, et je suis sortie vers la piscine, jusqu’à une des terrassespavéesdeterrecuite,mesfinstalonsquelquepeuinstablessurlesolirrégulier.Ilyadesgensautourdubarouallongéssurdeschaiseslonguesrecouvertesdeplaids.Deslanternesbrûlentautourdelapiscine,etl’eauscintilled’unbleuturquoisequiondoie.‒Vousavezl’airheureuse.Jesursauteetmeretournepourvoirquim’aparlé,maislefrissonquimeparcourtmeditquejeconnais
cettevoix :elleestgrave, rauque,aveccommeune fêluredans lesaigus.Maréactionàcettevoixestimmédiate:bienqu’ellesoitnouvellepourmoi,j’ail’impressiondel’avoirtoujoursconnue.Jeclignedes yeux.La lumière translucide quediffuse la piscine rend la pénombre encore plus sombre et je nedistinguequ’uneformequienémerge.Mavues’ajusteetjelevois.Jack.Mesentrailleseffectuentunsautpérilleux,commeceluiqu’ellesavaientfaitquandunedenosnurses
nousavaitamenéesàlafêteforaineetnousavaientfaitfaireuntourdemontagnesrusses.Ellen’étaitpascenséenouslaisserfaireçaet,lorsquecelas’estsu,nousnelarevîmesplus.Encoreunedisparuedemavie.Là,àcetinstant,jeressenslemêmemélangedepeuretd’excitation,cesentimentdeneriencontrôleralorsquelesommetapprocheet,aveclui,l’inexorableplongéedansl’inconnu.Mesgenouxtremblentetj’essaiederetrouverunpeudemaîtrisedemoi.‒Oh!bonjour!dis-jed’untonquiseveutnaturel.Commentallez-vous?Ilprendforme;àprésent,jepeuxlevoir.Ilestencoreplusbeauquedansmonsouvenir.Sesyeuxd’un
brunveloutéluisentdansl’obscurité,etlalueurdeslanternesdessinedescreuxnoirssoussespommettesetsoussalèvreinférieure.‒Bien.Etvous?Jehochelatêtesottement.Matêtetourne,mespenséessontenvrac.‒Çava,merci.Nousrestonslà,faceàface,danslapénombretiède.Desrefletsd’eauglissentsursonvisage,éclairant
sesyeuxdemanièreintermittente.Ilneditrien,ilmefixe,decettecurieusemanièrequiestlasienne.En
général,lesgensmeregardentavecintérêt–quiest-elle,cettehéritièreHammond?–etjesaisqu’ilsmejaugent.Maiscethommeestàlafoisplusdétachéetplusintense.Ilmedéconcerte.‒Vousvousamusezbien?dis-jepourcomblerlesilence.‒Oui,oui,etvous?‒Oui.Maisenmonforintérieur,jepense:noussommeslesdeuxpersonneslesplusseulesdecettesoirée.
Luicommemoi.Toutd’uncoup,jecomprendsquejesuiscommelui,commecetétranger,beaucoupplusque comme n’importe lequel des invités. Je sens monter en moi un sentiment de communion et, sansréfléchir,jeluisouris,unvraisourire,chaleureuxetbienveillant.Floradittoujoursquemonsourireestmonmeilleuratout.Commeunsoleilquiselève,dit-elle.Peut-êtrea-t-elleraison,carjevoisquelquechosechangersursonvisagealorsquejesouris.Ilal’airsurpris,presqueperplexe,puisilmesouritenretour, comme s’il ne pouvait pas s’empêcher de réagir. J’observe avec délice le mouvement de sabouche.Quelquechosefondenmoiquandjevoissonvisages’adoucir.Puis,jeremarquequ’iltientdeuxbouteillesdebièreetqu’ilm’entendune.‒Vousn’avezrienàboire,dit-il.Vousvoulezcelle-là?‒Merci.Jeprendslabouteille,quiestfroideethumidesousmesdoigts.‒Voulez-vousqu’ons’assoiequelquepart?‒Oui…d’accord.J’ai retrouvé suffisamment d’équilibre pourmarcher à peu près normalement.Nous allons jusqu’aux
chaises longuesetnousnousasseyons.Lamienneestrecouverted’unplaiddefourrureblancheet j’enapprécie ladouceurcontremes jambesnues.Jeporteunedemesrobescourtesdesoirée,blanche,dugenrequise fourreaisémentdansunevaliseetenressort impeccable.Deséclatsderireprovenantdugroupedel’autrecôtédelapiscinenousinterpellent.‒Vousconnaissezbeaucoupdegensici?fais-je.Jackhausselesépaulesetboitunegorgéedesabière.‒Quelques-uns.CharlieetJimmy,biensûr,etunoudeuxautres.Etvous?‒Pareil.Jeconnaisquelquesvisages.JevienssouventàLosAngelespourvoirJimmyetilm’emmène
toujoursàunedesessoirées.Sesamissonttrèsaccueillants.Jackmescrute,puisdit:‒Oui.Onpeutdireça.Ohlàlà!Pasdugenreloquace.Jesuisunpeusurpriseparsaretenue.J’ailanetteimpressionqu’il
est sorti pour m’aborder. Je me suis un peu habituée à sa proximité et je réussis à lui parler plusnaturellement.‒Donc,vousneconnaissezpasJimmyetCharliedepuislongtemps?‒Non,cesontdestypesbien.Unpetitsourireflottesurseslèvres.‒Qu’est-cequ’ilyadedrôle?‒Oh!rien.Le sourire s’efface et il retrouve son air renfrogné.Cela doit venir de sa bouche lorsqu’elle est au
repos.Quoiqu’ilensoit,souriantoupas,ilesttoujoursaussibeau.Jepréfèrequandilsourit,maisilyaquelquechosed’énigmatiquedanslatristessequejeressenschezlui.‒Votreaccentvientd’où?
‒Vouspercevezunaccent?demande-t-il,surpris.‒Trèsléger.Quelquechosedansvotrevoix…Jemesensmalàl’aiseetjebougesurleplaiddefourrure.‒Désolée…Est-cequejemetrompe?Jenevoulaispasêtreblessante.‒Vousnel’êtespas,merassure-t-il,maisilcontinueàfroncerlessourcils.C’estjustequ’engénéral,
lesgensnel’entendentpas.‒Etdonc,d’oùêtes-vous?Ilprendunmomentpourrépondre:‒JesuisnéenItalie.Mafamilleestvenues’installericiilyaneufansàpeuprès.J’avaistreizeans.Je
croyaisquej’avaisperdumonaccent.‒Ohnon!Ilesttoujourslà.Trèslégermaisprésent.Jeluisourisetjeboisunegorgéeàmabouteille.Est-cequ’ilestentraindesedérider?Oubienc’est
moiquim’imaginedeschoses?‒Voussentezbienleschoses,dit-ilenmeregardant.‒Euh…jenesaispas.‒J’aimeraisensavoirunpeuplussurvous,dit-ild’unevoixbasse,avecsurlevisageuneexpression
prochedelavulnérabilité.Jeleregardeetsoudainjesensquej’ailabouchesèche.Jeserreplusfortmabouteilledebière,dureet
froide.C’estdurdecroirequecemecestgay.Je jureraisqu’ilmeregardecomme…commeunmecregardeunefille.‒Avecplaisir,dis-je.Unequestionflottedansmatête:pourquoi?Avantquejepuisseyréfléchir,unevoixnousinterrompt:‒ Summer ! Te voilà ! C’est Jimmy, qui traverse les abords de la piscine en notre direction. En
reconnaissantJack,ils’immobiliseunefractiondeseconde,puisilfaitungrandsourire.‒Oh!salut,Jack!Jemedemandaisoùtuétais.Est-cequeSashasaitquetueslà?‒Euh…non.Jeneluiaipasparlé.Jackareprissonairmaussade.Sonexpressionestferméeetsessourcilssontsévères.‒Tudevrais,àmonavis.Jecroisqu’elleseraittrèscontentedesavoirquetueslà.Jimmys’assoitàcôtédemoi.‒Vas-y.Ceseraitimpolidenepasyaller.‒D’accord,ditJackenselevantlentement.Ilmeregardeetdit:‒Àplustard,peut-être.‒Oui.J’essaie de prendre une voix gaie,mais je suis étrangement déçue d’avoir été interrompue ainsi. Je
regardeJackquis’éloigneverslamaisonetjemetourneversJimmy:‒Pourquoias-tufaitça?JecomprendslaréflexiondeCharlie.‒Tul’aspourainsidireenvoyébalader.Jimmyprendunairinnocent:‒Jenevoispasdequoituparles.Ilfautqu’ilsalueSasha,étantdonnéqu’ilestchezelleetqu’ilboit
sabière.‒Ehbien,situveuxsavoir,jeneluiaipasencoreparlé.
‒C’estdifférent,tuesmoninvitéeetjeviensdepasservingtminutesàluiparler.Jimmyboitunegorgéedesonverre,unesortedecocktailtransparent,etdit:‒Nemedispasquetuesànouveausoussoncharme!Charliefaitpareil.Ilneselassepasdenotre
amiJack.Jackpar-ci,Jackpar-là.Jesuiscommequidiraitleseulàyêtreinsensible.‒Displutôtquetunel’aimespas.‒Non…,cen’estpasça.C’estjustequejen’aipasenviedel’avoirtoujoursdanslespattes.Jenesais
paspourquoi.Etjecroisquetudevraistetenirloindelui,dit-ilenmegratifiantd’unregardsévère.‒Jenevoispasleproblème…,sachantque…‒Sachantquoi?‒Sachantqu’ilestgay.Jimmyéclatederire:‒Ilvafalloirfairerévisertongay-radar,magrande!Iln’estpasgaydutout!‒Ahbon?dis-jeenclignantdesyeuxsousl’effetdelasurprise.‒Pasquejesache.C’estd’ailleurscequim’intriguechezlui.Ilesttoujoursfourréavecnous,ilvientà
nossoirées,iltientàêtrenotrepote…,maisilnefaitpasvraimentpartiedenotremonde.Pasdutout.Etilnedonnepasl’impressiond’yêtreàl’aise.‒Jecroyaisquetuavaisditqu’ilétaitdesigner.‒Etalors?Jimmymedécocheunregarddésapprobateur.‒Parcequ’ilestdesigner,ilesthomo?Ilyadeshétérosquitravaillentdanslamode,tusais!Detoute
façon,ilnedessinepasdesfringues,ildessinedesvoitures.‒Oh!J’absorbel’information.Iln’estpasgay…Unebouled’excitationseformedansmonventre,commeuncoupdecouteau.Biensûrqu’ilnel’est
pas.Jelesavais.Peut-êtrequejenevoulaispasqu’ilsoithétéro.Peut-êtreai-jepeurdecequipeutarrivers’ill’est.‒Summerchérie,fais-moiplaisir:tiens-toiloindelui.‒D’accord,dis-jed’untondésinvolte.JeneveuxpasqueJimmydevineletourbillonquisouffledansmatête.‒Tuenfaistoutunplatpourrien.Jen’aipaséchangéplusdedeuxmotsaveclui.‒Bon…,trèsbien.Jimmyselève.‒Rentrons,situveux.Jeveuxteprésenterdesgensétonnants.EtSashaaprévuunespacepourdanser
quetuvasadorer.Ilm’offresonbras.‒Onyva?Jemelèveetpassemonbrassurlesien.‒Oui,allons-y.Nousnousdirigeonsverslamaison.J’aibeauouvrirl’œil,jenerevoispasJackdetoutelasoirée.
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Jesuisallongéesurlelitdelachambred’amis.Jeregardefixementleplafondenmedemandantcequeje vais faire de ma vie. Jusque-là, j’ai toujours vaguement le sentiment qu’elle n’avait pas vraimentcommencé.J’aiadorélafacetlaspiraledefêtesdanslaquellejemesuisengouffréedèsquej’aieul’âgedeprendrel’avionseule,maistoujoursaveclesentimentquej’occupaisletempsavantquelavraievienecommence.Assurément,cenepouvaitêtrequ’unesuccessiondesoirées,unerondedefringuesdansunbain d’argent… Jeme souviens d’un garçon ivre, à bord d’un yacht enMéditerranée, torse bronzé etpantalondelinblanc,quim’avaitditd’unevoixéméchée:‒Ma belle, nous avons tout ce que le reste des gens passent leur vie à essayer d’obtenir. Pourquoi
crois-tuquelesgenstravaillent?Pouressayerdevivrecommenous,biensûr!Ils’étaitpenchéversmoietavaitditàvoixbasse:‒Toutescespetitesfourmisindustrieusesquitrimentcommedesforçats,etnous,onestlà,totalement
libresdefairecequ’onveutetd’avoirtoutcequ’ondésire.J’avaissourietjem’étaisdétournéepourregarderl’azurducielquiresplendissaitau-dessusdemoien
mesentantmalàl’aise.C’estvraimentça?Lemieuxquel’onpeuttirerdelavie?J’étaisentouréedeluxe,maisjemesentaisvideàl’intérieur,jelesavaisetenmêmetempsjenevoulaispaslesavoir.Bon,àprésent,laviecommence…Iltefautallerlachercher.Oui,mais…quevas-tufaire?Lapenséede la fondationHammond flottedansma tête.Uneorganisation caritativequemonpère a
créée,évidemmentenmémoiredenotremère,maisapparemment,ilentireaussidesavantagesfiscauxnonnégligeables,mêmesijen’aijamaiscomprisenquoiilsconsistent.Soudain,uneidéemevientetjemeredressesurmonlit,raviedel’avoireue.‒C’estunesuperidée,medis-jeàvoixhauteavantderire.Uneidéesupergéniale!Soudainpleined’énergie,jesautedulitetmepréparepourlajournée.Quandj’arrivedanslacuisine,
Charlieestdéjàlà,assisàlatable.Ilaseslunettesnoiresettientd’unemainunmugdecafénoir.‒Lagueuledebois?dis-jepourletaquinertoutenallantmeremplirunmug.‒Ouais,dit-ildansungrognement. Jimmyest toujoursen traindecomater.Ma têtevaexploser. J’ai
biendûboireunedizainedecocktails.C’estlacata!‒Oui,maisn’empêchequetuasfaitquelquesbeauxnumérosdedanse,dis-jeenriant.‒Nem’enparlepas!Jemesuisvraimentlâchéàcettesoirée.Ilmeregardepar-dessusseslunettesnoires.‒Toi,Summer,tuasététrèssage.Jenet’aipasvuetedéchaînersurlapistededanse.‒Jenemelaissejamaiscomplètementaller,dis-jeensouriant.Jesuis tropsérieusepourça.Jesuis
ennuyeuse,jem’enexcuse.‒En tout cas, je suis contentque tuaies été làpourcommanderun taxipournous ramener. Ilvalait
mieuxéviterqueJimmyperdesixpointsetsevoieconfisquersonpermisdeconduire,dit-ilavecungrossoupir.‒Ilfautquequelqu’unresteraisonnabledanscettemaison.
Jeboisunegorgéedemoncafé.Ilestdouxetamerenmêmetemps,etjesenslacaféinequienvahitmonsang.‒Charlie,ilfautquejetedemandequelquechose:leCentre,commentest-ilfinancé?Charliesembleunpeusurprisduchangementdesujet.‒ Euh…, c’est une asso caritative qui le gère. J’imagine qu’elle lève des fonds. Cela ne fait pas
longtemps que j’y suis impliqué, mais je sais que ce n’est pas le genre d’association qui donne dessoiréesetdesbalsavecdespaillettespartout.Lesgensnes’intéressentpasvraimentàdesjeunesquiontdesproblèmes.Ilyenaquipensentqu’ilslesontbiencherchés.‒Donc,vousmanquezdefonds?‒Toujours!C’estvachementdur.Est-ceque tuas jamaisentenduparlerd’uneassociationcaritative
quiditqu’elleasuffisammentd’argentetque,non,merci,ellen’aplusbesoindefonds?‒Non,jenecroispas.Jemepencheverslui:‒Charlie,est-cequetum’amèneraisauCentre?J’aimeraislevoir.‒O.K.,pasdeproblème,dit-ilenhaussantlégèrementlesépaules.Quandtuveux.N’importequipeut
yaller.C’estjustequ’iln’yapasbeaucoupdegensquilefont,jecrois.‒Merci.Jeme renverse surmachaise, satisfaite. J’ai réalisé lapremièrephasedemonplan. Jeneveuxpas
laissers’échappercetteopportunité.Charliepart travaillerdans laboutiquedeprêt-à-porterdecréateursdont il est legérant ; Jimmyne
refaitpassurface.Ilétait totalementsoûlhiersoir.Ilafallulesortirdelapistededansepourlefairerentrerchezlui,etmêmelà,ilvoulaitconduireetilnousencoreafallulefaireentrerdeforcedansuntaxi.Jen’avaisjamaisvuJimmydanscetétat.Ilestengénéralpluscalmequandilestavecmoi.Pourmapart,jenemelaissepasalleràtropboire,parcequej’aipeurdedevenirvulnérable.Àquoi,jenesaispastrop.Toutcequejesais,c’estquejedoisrestersurmesgardesenpermanence.Boireaupointdeperdrelecontrôleestquelquechosequejen’aijamaispufaire.Ayantdécidéd’allerfaireunepromenade,jeprendsmonsacetjesors.Auboutdequelquesminutes,je
merendscomptequec’estdelafoliedepartirmarcherdanscetteville.Toutn’estquevoitureici.Alorsque j’envisage de demander à Jimmy si je peux prendre un taxi pour aller récupérer sa voiture chezSasha,jevoisquej’aireçuunSMS,dontl’expéditeurm’estinconnu.Jel’ouvre:Bonjour,Summer,Celam’a faitplaisirde teparlerhiersoir.J’aimeraispasserplusde tempsavec toi.Es-tu librepourdéjeuneraujourd’hui?JackUnfrissond’excitationcourtsurmapeau.Commenta-t-ileumonnuméro?Depuishiersoir,iln’apas
quittémonesprit,plusoumoinsconsciemment, avec toujoursces frissonsmaintenantque je saisqu’iln’estpasgay.J’essaiedelechasserdemonespritenmeremémorantquej’aipromisàJimmydel’éviter.Mais… Je pense à Jimmy hier soir, les cheveux fous et dansant comme un dément sur la piste avecCharlie.Toutvabienpourlui.Ilestinstallé,heureux.Jacknesaitpasquijesuis.Ilveutsimplementquenousdéjeunionsensemble.Queldangercelaprésente-t-il?Peut-êtrequec’estmon tourdemelâcherunpeu.Je repousse l’imagedeJimmyet je répondsque j’enserais ravie.Sa réponsearrivepresque toutde
suite:
Super.RVchezLazlodansunedemi-heure.Je hèle un taxi et me voilà partie, avec dans le ventre une petite boule causée par mon acte de
désobéissanceetungrossentimentd’excitation.SummerHammond,est-cepossible?Çaneteressemblepas!MaisilyachezJackquelquechosequim’inciteàoubliertouteprudence.Le restaurantestdecesendroitscalmesetchers,où lepersonnel secomportecommesi tousétaient
diplômés d’une grande école de restauration européenne et qu’ils sont trop bien pour ce lieu et saclientèle.Jackestarrivéavantmoi,bienquejesoisenavance.Alorsqueleserveurauxallureshautainesmeconduitànotretable,jel’aperçois,assis,quiconsultel’écrandesonportabled’unairmaussadeenfaisantdéfilerdiverseschoses.Àsavue,monventresecrispe,prisd’une tellebrûlurequ’unpetitcris’échappedemes lèvres. Iln’estpaspossibleque lesgensassisautourde lui soient insensiblesàcethommesublime,installéàlatablesousunelithographiedePicasso.Mais,commejem’approche,jesuissûrederemarquerdesfemmesqui,depuislestablesproches,jettentdescoupsd’œilfurtifs,cilsbaissés,àcetincroyablespécimendebeautémasculine.Illèvelesyeuxànotreapproche,etsonexpressionchange:cen’estpasdelajoiequejelis,plutôtde
lastupeur,uneexpressionquej’aidéjàvuedanssesyeuxquandilmeregarde,commes’ilvoyaitquelquechosequ’ilnepouvaitpastoutàfaitcroire.Maiselledisparaîttrèsvite,etunsourires’éveillesursonvisage.‒Summer!Ilselèveetsepenchepourm’embrassersurlajoue.‒Jesuissiheureuxquetusoislà.Là où ses lèvres se posent, ma peau s’embrase, et je rougis un peu, mais je parle très vite pour
dissimulermaréaction.‒Merci de ton invitation. Je crains quema tenue ne soit pas à la hauteur de cet établissement. En
quittantlamaison,j’ignoraisquejevenaisdansunlieuaussiélégant.‒Tuestrèsbelle.Vraiment.Net’inquiètepas.Ilattendquejemesoisassisepours’installer.‒Jesuistrèscontentquetuaiespumerejoindre.Ilregardeautourdelui,lestablesdresséesavecdesnappesblanches,del’argenterieetdesverresqui
étincellent.Lesclientssontdeshommes,quiontl’aird’êtredericheshommesd’affaires,etdesdamesdeLosAngelesentailleurChanel.Soudain,Jackal’airpréoccupé:‒J’espèrequetutesensàl’aise.Onpeutallerailleurs,situveux…Jen’avaispaspensé…Jesensuneboufféedetendressem’envahir.Ilpensequejen’aipasl’habituded’endroitscommecelui-
ci.‒C’estparfait,vraiment.Aucunproblème.Jackal’airdequelqu’unquiveuts’excuser.‒C’estprèsdemontravailetjecherchaisquelquechosedespécial.‒Franchement,çameplaît,dis-jeenluisouriant.Ilsepencheversmoietmedécocheunlargesourire.‒Tusaiscequec’est…Jenesuispassûrd’aimercetendroitmoi-même.C’estunpeuguindé.Ony
amènedesclientsetçaleurplaît.Tudevineslegenredepersonnes:plusd’argentquedecervelle.Etsionpartaitetqu’onallaitmangerunhamburgerquelquepart?Jeconnaisunendroitoùilsenfontdetrèsbons,aveclesmeilleuresfritesquetuaiesjamaismangées.
Jemepencheenavantàmontour:‒Tusaisquoi?Tonidéeestextra!Allons-y.Leserveuràl’airarrogantrevientavecunplateaucontenantdel’eauglacéeetlescartes,maisJackest
déjàdebout.‒Désolé,dit-ildesavoixrauque,maisfinalement,nousn’avonspasfaim.‒Oh?ditleserveurenhaussantunsourcil.Ilparleavecunaccentcomique,commequelqu’unquiseprendpourunmaîtred’hôtel.J’espèrequ’il
n’yapasdeproblème,monsieur.‒Non,non,aucun.Mettezmaboissonsurlecomptedelacompagnie.‒Trèsbien,monsieur.Ilal’airdéconfit,commes’iln’étaitpascoutumierdevoirdesgensquittersonrestaurantsansmanger.‒Pouvez-vousmerappelerlenomdelacompagnie,monsieur?‒Mondriano,ditJackpatiemment.‒Biensûr.Jepensequenousvousreverrons.‒Certainement.‒Merci,dis-jeàJackensaisissantmonsac.J’aitrouvéçatrèsbienpendantlestroisminutesoùnousy
sommesrestés!Noustraversonslerestaurantenpouffantetenignorantlesregardscurieuxdesclients.Dehors,unsoleil
radieuxnousaccueille.‒Jesuisraviequ’onaitfaitça,dis-je,unefoisquenoussommesarrivéssurletrottoir.‒Moiaussi,dit-ilenmeregardant,toutsourire.Jenesaispascequim’apris.J’imaginequejevoulais
t’impressionner.‒Cen’estpasutile.Maisjemeursdefaim.Tun’aspasparléd’unhamburger?Lesnackestassezprèspours’yrendreàpied.Lorsquenousyarrivonsunquartd’heureplustard,je
suisessouffléeetheureusecommejenel’aipasétédepuisdeslustres.Jackaenlevésonvestonetl’ajetésursonépaule.Nousrionsenvoyantungars,dehorssurletrottoir,quifaitdestoursdemagiequiratent.‒Tucroisqu’ill’afaitexprès?dis-jeencontinuantderire.‒Jecroisqueçafaitpartiedesonnuméro,répondJack.Sonvisageestfranchementdifférentquandilrit:ilperdsonairrenfrogné,etsabeautééclateavecune
telleforcequej’aidumalàleregarder.‒C’estunexcellentacteur.Ilfaudraqu’ilfasseattention:lesgensvontcroirequ’ilestnul.Jeregardeautourdemoi:destablesenboisetdesbancs,etdesdrapeauxaméricainsaccrochésaux
murs.‒C’estcool,dis-je.‒C’estnouveau.J’aimebeaucoup.Viens,allonsnousasseoir.Nous prenons une table, et Jack commande un vrai gueuleton : un steak haché avec du cheddar à la
bière,des rondellesd’oignonfuméetunmagnifiquecornichonen tranches,duchutneyde tomates, toutceciservisurunpetitpainauglaçageparfaitquifondsouslesteack.Ensuitearriveuneassiettecontenantunpetitpaindouble,fourréd’unedoublecouchedebaconetdebleu,etd’unecôtelettedeporclaquée.‒J’espèrequec’estpourtoi,dis-jeenécarquillantlesyeux.Commentpeux-tuavaleruntrucpareil?‒Tuvasêtresurprise,dit-il,lesyeuxbrillants.Etregardeça!C’estcequejepréfère:lesfritessont
serviesdansunesauceaufromagetruffé.Je les regarde : des bâtonnets dorés qui baignent dans une sauce épaisse, avec, sur le côté, des
coupellesdeketchupetdemayonnaise.‒Ilmefaudraunesaladeaprèsça.‒Oh!tunepourrasplusrienavaleraprèsça,fais-moiconfiance.Nous commençons à piocher dans nos assiettes, et le fait de manger brise la glace : Jack me fait
remarquerquej’aidelasaucesurlementonetjeleregarderongersacôteletteenfaisantcoulerdugrassursesdoigtsetsurseslèvres.Ilaraison:c’estdélicieux,maisjenesuispasextrêmementconcentréesur la nourriture. Je ne fais que penser à cet homme en face demoi et à son caractère renfrogné quidisparaîtquandilparleetritsanseffort.Jel’interrogesursontravailetilmeparledelafaçondontildessinelesvoiturespourlatoutepetitecompagniequil’emploieetquiconçoitdesmodèlesuniquesenrespectantàlalettrelesdésirsdesclientspourdessommesastronomiques.‒Cesgenssontbourrésdethune,tun’imaginesmêmepas,medit-ilfranchement,etilscherchentuntruc
pourladépenserquivaépaterleurspotestoutaussifriqués.Ilssontplutôtcons,maisilsnousfournissentdutravailetunrevenu.Etonpeutfairebreveter lesmodèlespourlesvendreauxgrandescompagnies,pour qu’elles les copient, au bout d’un anoudeux, une fois que lesmecs pleins aux as sont passés àquelquechosed’autre.‒Incroyable!J’essaie de ne pas penser à certains de mes amis qui ont dépensé ainsi des sommes folles sur un
caprice.Puis,laconversationseportesurmoi:‒Ainsi,Summer,tuesanglaise,c’estça?IlmesemblequeCharlieaditquetamèreétaitoriginaire
d’Angleterre.‒Euh…Mon naturel évasif reprend le dessus. Je n’aime pas donner d’informations sur moi. Et, surtout, je
rechigne à révéler à cet homme qui je suis. Je ne veux pas que le poids dema famille et toutes sescomplicationss’interposententrenous.Maisjeneveuxpasluimentirnonplus.‒C’estexact,jesuisàmoitiéanglaiseparmamère.J’aifaitmesétudesici,auxÉtats-Unis,maisjevis
aussienEuropeavecmonpère.Jechangealorsdesujetpourramenerlaconversationàlui:‒Ettoi,tuesoriginaired’Italie,tum’asdit.Tuyastoujoursdelafamille?‒Oui,mesgrands-parents.Jenelesaipasvusdepuisdesannées.ÇacoûtecherdeserendreenItalie
etilesthorsdequestionqu’ilsviennentici,carilssonttropâgés.Enplus…Sonvisageseferme,pendantuninstant.‒Enplus?fais-je,carjeredoutequesonattitudeenversmoinechangeetqu’ilredeviennerenfrognéet
impénétrable.‒Enfait…,dit-ilenfixantlesrestesdesonhamburger,mamèren’ajamaisvouluquej’yretourne.‒Ahbon,etpourquoi?Ilréfléchitpendantunmomentetilfermelégèrementlespaupières.Puis,ilsoupire:‒Monpèreyestmort,etmesgrands-parentsnes’ensontjamaisremis.Mamèrenelesupportepas.
Biensûr,çaaétédurpourelledeperdremonpère,maisilluifallaitavanceretnousélever.Mesgrands-parents,eux,nefaisaientqu’entretenirleurdeuil.C’estpourçaqu’onestpartis.‒Jesuisdésoléed’apprendreça,dis-jedoucement.L’ambianceentrenouss’estobscurcied’uncoup.‒Celaadûêtredifficiledeperdretonpèrecommeça.Quelâgeavais-tu?
‒Neufans,répond-ilauboutd’unmoment.Jemesensdetoutcœuraveclui.‒Jesaiscequeturessens.Sincèrement.Ilmejetteunrapidecoupd’œil;sesyeuxnoirssontvoilés.‒Jenepensepas.‒Ohsi!Mamèreestmortequandj’avaisneufans.Lemêmeâgequetoi.Jesaiscombienc’estterrible.‒Ahbon.Jevois,dit-ilenhochantlatête.Jeme sens proche de lui, alors qu’un long silence s’installe entre nous, interrompupar l’arrivée du
serveur:‒Désirez-vousquelquechosed’autre?‒Non,merci,l’addition,répondJackd’untonbrusqueenrepoussantsonassiette.‒Pasdeproblème,ditleserveur,quichargenosassiettessursonplateauets’éloigne.Jackfixelatableendessinantunmotifduboutdudoigtsurlebois,l’airtotalementabsorbéparcequ’il
fait.Jemerisqueàdemander:‒Çava?J’aienviedeposermamainsurlasiennepourleréconforter,maisjen’osepas.Nousnousconnaissons
unpeumieux,maisnousrestonsquasimentdesétrangersl’unàl’autre.Illèvelesyeuxetmefaitundemi-sourire,pleindetristesse,quimedonneenviedeleprendredansmes
bras.‒Oui,çava.Vraiment.Leserveurapportel’addition,etJackposeplusieursbillets.Jetendslamainversmonsac,maisJack
secouelatête.‒Jet’invite.Sonvisages’éclaire:‒C’estvachementmoinschericiquechezLazlo.Jedevraistedédommager!‒Trèsdrôle!dis-jeenriant.J’aibeaucoupappréciélerepas.Il fronce les sourcils. Ce n’est pas la réaction que j’attendais. Il a à nouveau cette expression de
perplexitéquim’intrigue.Puis, ilmeregardeenappuyantsesdoigts lesunscontre lesautres tellementfortqueleboutdesesonglesblanchit:‒Summer,j’aivraimentpasséunbonmoment,ettoi?Jehochelatêteetjesenslesangmemonterauxjoues.‒Oui,moiaussi.‒Est-ceque…jepeux…?Jemedemandaissituvoudraissortirunsoir.‒Oh…oui.Çameplairaitbeaucoup,dis-je,prised’uneboufféed’émotion.‒Demainsoir, je testeunprototypedel’unedenosvoitures.Je l’aipour lasoirée.Quedirais-tude
l’emmenerroulersurlacôteetdes’arrêterquelquepartpourdîner?‒Çameparaîtgénial!dis-jeavecunsourirerayonnant.‒Super.JeviendraitechercherdemainchezJimmyàseptheures,d’accord?‒D’accord.Leserveurvientprendrel’argentetnoussortons.Nousnousretrouvonsfaceàfacesurletrottoir,unpeu
gênés. Jemerendscomptequ’il regardemabouche,et jemeursd’enviequ’ilm’embrasse.Savoirsesyeuxposéssurmeslèvresmeprovoqueunpicotementpresquedouloureuxdanstoutlecorps.‒Àdemain,Summer.
Savoixdouceestrendueencoreplusrauquedufaitqu’ilparlebas.‒Bye,àdemain.Pendantuninstant,jecroisqu’ilvasepencheretposerseslèvressurlesmiennes.Lapossibilitéd’un
baiserflotteentrenous,palpite,renforcéeparlaproximitédenoscorps.Maiss’illefaisait,jecrainsfortquenousneperdionstoutcontrôle,ici,devantcerestaurant.Peut-êtrepense-t-illamêmechose,carilmeditaurevoir,jettesavestesursonépauleets’éloigneàgrandesenjambéessurletrottoir.Uneétrangesensations’emparedemoi:enleregardantpartir,jesensqu’unepartiedemoisedéchire.
6
C’estlelendemaindemondéjeuneravecJack.Jimmy,Charlieetmoisommesdanslacuisine,lesoleildemi-journéeinondantlapièce.Endépitdutempsmagnifique,l’atmosphèreestfroide.‒Jimmy,soisraisonnable.Iln’yapasdeuxjours,tuvoulaisquejetrouvequelqu’unàL.A.etqueje
resteicipourtoujours.JeregardeJimmyqui,contrairementàsonhabitude,faitlatête.‒Et puis, ce n’est qu’un rendez-vous.Cen’est pas comme si j’allaismemarier avec lui !Cen’est
mêmepasmonpetitami.Nousnenoussommesmêmepasembrassés,situveuxsavoir!Pourautantquejesache,ilveutqu’onsoitamis.‒Maisbiensûr!éructe-t-il.Charlieajoutesongraindesel,depuisl’évieroùilfaitlavaisselle:‒Jimmy,moncœur,tuessûrquetun’espasjaloux?‒Pfff,biensûrquenon,rétorqueJimmy.Jevoisbienqu’ilestpartagéetquelefaitqueCharlieetmoifassionsbloccontreluin’aidepas.‒Pourquoileserais-je?‒ Pas de manière sentimentale, dit Charlie qui tente visiblement de parler posément, mais je veux
dire… Summer est ta meilleure amie. Ça se comprend que tu ne veuilles pas la perdre au profit dequelqu’und’autre.‒Conneries!aboieJimmyavantdemordrefurieusementdanssonsandwich.‒ Je t’en prie, n’en fais pas une histoire, dis-je d’une voix tremblante. Je ne veux pas causer de
problèmes.Écoute,jevaisappelerJacketluidirequejenepeuxpassortiravecluicesoir.Jimmypousseunsoupiretterminesabouchée;puis,ilditd’unevoixpluscalmeetplusgentille:‒Non,Summer,nefaispasça.Charliearaison.Jemecomportecommeunimbécile.Honnêtement,je
necroisquec’estdelajalousie.Jeveuxtonbonheur,merde!C’estjustequej’ail’impressionqu’iln’estpasl’hommequ’iltefaut.‒Tuneleconnaispas!ditCharliedepuisl’évier.Donne-luiunechance.Jetel’aidit:c’estuntype
bien.JemepencheversJimmyentendantunemainverslui.‒Ilasesraisonsd’êtredistant.Ilaperdusonpèrequandilétaittoutjeune.Ilaimmigréicialorsqu’il
étaitado.Ilnesesentpasintégré.‒Peut-être.C’estjustequejesuissurpris,Summer:cen’estpastoi,ça,detejeterdanslesbrasde
quelqu’un,surtoutunétranger,jeveuxdire,quelqu’uncommeJackdontonnesaitpasgrand-chose.‒Jesais.Jehausselesépaulesavecunsourireimpuissant.‒ Jeme surprendsmoi-même, crois-moi.Mais il y a quelque chose chez lui.Quelque chosequime
plaît.Jimmymefixeunmomentavecuneexpressionindéchiffrable,puisilditd’untonbourru:
‒Jem’excuse.Jenedevraispasmemêlerdetesaffairescommeça.Jeveuxquetusoisheureuse,tulesais.Tu lemérites après toute lamerdeque tu viensde connaître. Je nevais plusmemettre dans tespattes.‒Cen’estqu’unrendez-vous!dis-jeenriant.Onvasurlacôteetonrentre.Peut-êtrequejemerendrai
comptequec’estunpauvretypeetqu’iln’estpasfaitpourmoi.‒Mouais,ditJimmyenfaisantunegrimace.Çamesurprendraitbeaucoup.Maisd’accord,unrendez-
vousnepeutpasfairedemal.Jimmyaraison,medis-jealorsquejemeprépare.D’habitude,jenesorspasavecdesmecsqueje
connaisàpeine.Moninstinctmedictelaplusgrandeprudence.Maiscematin,jesuisalléeauCentreavecCharlieetjeluiaidemandédemediretoutcequ’ilsavaitsurJack.Cequejevoulaissurtoutsavoir,c’estcequeCharlieluiavaitditàmonsujet.Nousavonspassélamatinéedanslepetitcoincuisine,àservirdesboissonsetdessandwichsauxjeunesquipassaientlajournéeauCentre.‒Tun’espashabituéeàcegenredechoses,hein,Summer?m’ademandéCharlie,quimeregardait
d’unairamuséalorsquej’essayaisdefaireunsandwich.‒Euh…,non,pasvraiment.Maisjepeuxapprendreetm’améliorer!Nousavonsrialorsquej’essayaisdecouperlesandwichdetellesortequ’iln’aitpasl’aird’avoirété
tailléàlamachette.‒Bon,Charlie,ilfautquejetedemandequelquechose…‒Hum…,j’écoute.Charliem’observeducoindel’œil.Ilaunvisagesibon,avecsesyeuxbleuschaleureuxetsonteint
bronzé.‒Est-ceque,parhasard,tuauraisdonnémonnumérodetéléphoneàJack?Ils’estarrêtéunmomentdebeurrerunetranchedepainetm’ajetéunregardcoupable:‒Oui.Ilm’aditqu’ilvoulaittecontacter.JesavaisqueJimmyneleferaitjamaisetjemesuisditque
ceseraitchouettequetureçoivesunmessagedeJack.‒O.K.,jenesuispasfâchée,nirien.Jemedemandaissic’étaittoi.Maisqu’est-cequetuluiasditsur
moi?‒Surtoi?Pasgrand-chose.JustequetuétaisuneamiedeJimmyetquetuséjournaischeznouspendant
unmoment.‒Ilsavaitquemamèreétaitanglaise.‒Ahbon?Ilafroncélessourcils.‒Jenemesouvienspasdeluiavoirditça,maispeut-êtrequejel’aifait.Ilademandédeuxoutrois
chosesàtonsujet,maisrienquisortaitdel’ordinaire.Ilnem’apasparuintéresséplusqueça.S’ilestvenutesaluerl’autrejour,c’estparcequejeleluiavaisdemandé,sinonilseraitrentréchezlui.‒Donc…Jemeconcentraispourgarnircorrectementmonprochainsandwich,maismonespritchauffait.‒Ilnesaitpasquejesuis…Àproposdemafamille…Charlieasecouélatête:‒Jen’enaipasditunmot,Summer.Jesaisquetun’aimespasquelesgenslesachent.Detoutefaçon,
ilt’arrivedestrucstellementdinguesencemomentquejesuisbienincapablededécriretafamille!‒Tun’aspastort,ai-jeditavecunpetitriretriste.Donc,tuessûrqueJacknesaitriensurmonmilieu?‒S’ilsaitquelquechose,cen’estpasdemoiqu’illetient.Jecroisqu’ilnesedoutederien.
Ils’esttournéversmoietm’aregardéedanslesyeux.‒Arrêtedet’inquiéter,prendsdubontemps,amuse-toi.Jesaisquetuasconnudesgalèresetqueçaa
été dur de les surmonter.Mais rappelle-toi que tu es une très jolie jeune fille qui n’a aucune raisond’avoirpeur.Sors,faisdesrencontres,faisconfianceauxgens,toutirabien.J’aisenticommeunpoidsquiquittaitmesépaulesetjemesuismiseàbeurrerlepaindeuxfoisplus
vite,avecunesensationd’excitationdanstoutmoncorps.‒Peut-être,Charlie…Peut-êtrequej’yarriverai…Face au miroir, alors que je me maquille très légèrement, à peine quelques touches de-ci de-là,
j’éprouve encore ce sentiment de liberté. Savoir que Charlie n’a rien dit à Jack de mes originesfamilialesacalmébeaucoupdemescraintes.Jemedisquejepeuxprofiterdelasoiréesanscettepeurobsessionnelle:puis-jefaireconfianceàl’hommeavecquijesuis?Ilme reste à découvrir si c’est unmec bien ou le genre qui attend que tout lui soit servi sur un
plateau,avecunefilleencadeauparcequ’ilabienvouludaigners’intéresseràelle.Jeneparvienspasàétoufferl’espoirquimonteenmoi.C’estuntypebien.J’ensuissûre.UnSMSarrivesurmonportable:Prendsunmaillotdebain etdes vêtementsde rechange,aucasoùon irait à laplage.À toutàl’heure.JackJeprendsunsacetj’ymetsquelqueseffets:dessous-vêtementsderechange,unshort,untee-shirtet
dessandales,monmaillot,unpeigne,uncardiganaucasoùj’auraisfroidaprèslabaignade.Puis,jemeregardedans laglace : jeporteune robe rétroà jupeample,desespadrilles à talonscompensés,mescheveuxdétachés tombent surmesépaules,couvertesd’une fineécharpedesoie. J’espèrequeceseraadaptéàl’endroit,quelqu’ilsoit,oùJackm’emmène.Jevoisuneétincelledansmesyeuxquejen’aipasvuedepuislongtemps.Jemesensheureuseetexcitée.Maisc’estparcequejelesuis!Voilà,jesuisprête.Ilneluiresteplusqu’àarriver.Jacktientparole.Ilsepointeàseptheurespile,et,aprèsunebrèverencontreunpeugênéeavecJimmy
etCharlie(Jimmy,froid,etCharlie,tropexpansif),nousquittonsl’appartementdansladoucetiédeurdelasoirée.Lavoiturenousattend,garée,magnifiquespécimend’ingénieriemécanique,d’unsublimegrismétalliséparfaitementsatiné,basse,racée,avecunecapoteentoilenoire,quiestrabattueetlaissevoirl’intérieurencuirblanc.‒Prenezplace,madame,dit-ilenriant.Elleteplaît?‒J’adore.C’esttoiquil’asdessinée?‒Ouais.Maislacarrosserie,cen’estquelapartievisible.Cequicompte,c’estcequ’ilyasousle
capot.Ilm’observe de ses yeux sombres plus veloutés que jamais. Son regard glisse surmoi, il fixemes
lèvres,puismesyeux.‒Tuestrèsbelle,cesoir,Summer.‒Merci.Je luisouriset jemesenscommesi j’avaisdescenducinquanteétagesdansunascenseuren laissant
mesentraillesquelquepartenhaut.
‒Tun’espasmalnonplus.C’estuneuphémisme.Ilestmagnifiqueavecsonjeanindigo,unechemisevertoliveetunevestenoire.
Ses cheveux bruns sont coiffés en un savant désordre (je vois qu’il a fait un effort, et cela me plaîténormément)etjesensl’eaudevétiverqu’ilporte,richeetboisée.‒Merci,dit-ilenouvrantlaportièredelavoiture(quim’évoqueuneballederevolverenargent)avant
des’inclinerthéâtralementenmedésignantmonsiège.Sivousvoulezbienprendreplace.Lesiègeestsurbaissé.Jedoismepencherpourm’yinstaller,maisilesttrèsconfortable.Jeremarque
unpanierd’osiersurlabanquettearrière.‒Qu’est-cequec’est?Nousallonspique-niquer?‒Non,mais…tusais,justedestrucsdontonpourraitavoirbesoin.Unecouverturesijamaisonveut
s’asseoirsurlaplage,delalumièrepourquandilferanuit.Jackfaitletourducapotets’installeauvolant.Ilmesouritetdit:‒Ilvautmieuxêtrepréparés.Unfrissondeplaisirmeparcourtl’échine.Desimagestoutesplusdélicieuseslesunesquelesautresse
formentdansmatête:lanuitétoilée,lebruitdesvaguessebrisantsurlagrève.Cettefois,çayest,peut-être.Monheureestvenue.Celaparaîttellementdinguequel’amourarrivedansunmomentpareil.Jerepoussecespensées.Jeneveuxriengâcherenypensanttropàl’avance.Aprèstout,celaatoujoursétémon problème. Je réfléchis trop, j’analyse trop, et je termine en ne faisant rien. Si je dois jeter laprudencepar-dessuslesmoulinsetsuivrelesélansdemoncœur,c’estcesoiroujamais.Jackappuiesurleboutondecontact,etlavoituresemetàronronner.‒Onyva.D’abord,nousneparlonspas.Jemerégaledemesentirsilibreensacompagnie.Ilseconcentresurla
route,lesvéhiculesquisefaufilentlesunsentrelesautres,leschangementsconstantsdesfeuxtricoloreshorizontauxhautperchésau-dessusdesgrandesvoies.Jemesenssoudainjeune,mescheveuxgonflésparleventetmonvisagecaresséparlesoleilvespéral.MêmedansunevilleblaséecommeL.A.,lesgensregardentnotrevoiture,lesyeuxécarquillésetadmiratifs.Peut-êtremêmequ’ilsaimentlespectaclequenousleuroffrons,Jacketmoi,luisibrunetmoiblonde,tousdeuxjeunesetpleinsdevie,enroutepourlanuit…Nulnesaitnotrehistoire,biensûr.Etnousnonplus.‒Oùva-t-on?dis-jeàJack.‒Unpeuplushautsurlacôte.IlyaunendroitfabuleuxàMalibu.Jeveuxvraimenttelemontrer.Tu
aimeslesfruitsdemer?‒J’adore.‒Alors,tuvasadorerl’endroit.NouslaissonsderrièrenouslesboulevardsetleurshautspalmiersetnousprenonslaroutedeMalibu.
Jack accélère un peu etmet la radio, du rock vintage plein pot que je ne reconnais pas,mais quimeboosteencorepluslemoral.Lavoitureestincroyable:elleronronnedoucementtoutenpalpitantd’unepuissanceimmenseprêteàsortir.Jemerégaleduspectacledel’océanquenouslongeons,toutenazuretrouleauxblancsquis’échouentsurlerivage.Demagnifiquesmaisonssenichentprèsdelaplage,avecleurspontonsquis’étirentjusquedansl’eau.‒Nousysommespresque,ditJackenparlantfortpourcouvrirlebruitdumoteuretduventquinous
fouettelesoreilles.J’espèrequetuasfaim.‒Ohoui!J’aifaimdetout.Faimdevie.Faimde…detoi…J’oseàpeineleformuler,mêmeàmoi-même.
‒Parfait.Plusquedixminutes.Jacknes’estpastrompé.Exactementdixminutesplustard,nousnousarrêtonsdevantunrestaurantàla
façade de bardeaux de bois peints en bleu clair, façon Nouvelle-Angleterre, avec des guirlandeslumineusescourantsurtoutelavérandaquientourelebâtiment.Ducôtéquidonnesurlamer,destablessontdressées.Ellesontchacuneunebougieallumée.‒LeCabanondepêchedeRandy,meditJack,mêmesicen’estpasvraimentuncabanon.Entrons.Onnousconduitàlameilleuretable,aumilieudelavéranda,avecunemerveilleusevuesurl’océan.
Jacknouscommandeuneboisson,etjeconsultelacarte,quiproposetousmesfruitsdemerpréférés.‒Jerecommandeleplateau,ditJack.C’estpourdeux.Jerefermelacarteetluienvoieungrandsourire.‒Alors,c’estcequenousprenons.‒ Bon, Summer, me dit-il une fois que avons passé commande et que nos boissons nous ont été
apportées.Etsitumeparlaisunpeudetoi?‒Qu’est-cequetuveuxsavoir?dis-jeenayantl’impressiondeminauder.Onnesedébarrassepascommeçadeshabitudesde touteunevie.Jenemevoispas, là,commeça,
m’ouvriretm’épancher.Déjàquemetrouverencompagniedequelqu’unquinesaitpasquijesuisestunenouveauté.‒Commentconnais-tuCharlieetJimmy?‒ Je connais Jimmy depuis des années. C’est un vieil ami de la famille. EtCharlie est dans sa vie
depuisunmomentdéjà.Ilssontadorables,touslesdeux.‒Oui,Charliemeparaîtêtreuntypebien.Maisj’ail’impressionqueJimmynem’aimepasbeaucoup.‒Ilnefautpasleprendreausérieux.Ilestprotecteur.Etpeut-êtrequetuluirappellesunpeutropce
qu’ilétait.Jeveuxdire,quandilétaitplusjeune,Jimmyétaitsupersexy.Jeréaliseaussitôtceque jeviensdedireet jerougisviolemment.Pourfairediversionetainsi faire
oublierquej’aifaitremarqueràJackcombienilestsexy,jememetsàjacasser:‒Est-cequeJimmyt’aditquej’aiunejumelle?Nousnesommespasdevraiesjumelles,maisc’est
quandmêmemonâmesœur.Ellevitàl’étranger;ellefaitdesétudesd’artdramatiqueàParis.TuconnaisParis?‒Euh…Jackal’airsurpris,maisaussiamusé.‒Non.Ettoi?‒Oui.JerecommandechaudementParis.‒Trèsbien.Alors,commeça,tuasunejumelle.Intéressant.Parle-moid’elle.Jememetsàparleret,àmagrandesurprise,lesmotscoulenttoutseuls.Mesinhibitionssonttoujours
là : je nementionne pas son nom, ni que nous nous appelonsHammond. Je reste vague sur certaineschoses,jen’entrepasdanslesdétails.Pourtant,ilyabeaucoupàdire.Jackécouteintensément.Ilposedesquestions.Jevoisqu’ilboitmesparoles.‒Ettuasd’autresfrèresetsœurs?demande-t-ilauboutd’unmoment.‒Unesœuraînée.Elleestenvoyage.‒Commentest-elle?Jehausselesépaules.Onnousaserviunedeuxièmeboisson,ainsiqu’unénormeplateaudefruitsde
mer : homard, crabe, huîtres, langoustines, coquilles Saint-Jacques, moules, qui tous rivalisent defraîcheur sur le lit de glace et semblent déborder du plateau. Nous y plongeons aussitôt nos doigts,
ouvronslescoquilles,extrayonslachairjuteusequenousplongeonsdansdelamayonnaiseetduvinaigreauchili.‒Tusais,c’étaitmagrandesœur.Jelatrouvaistrèsimpressionnantependantqu’ongrandissait.Ellese
mettaitsouventencolèreaprèsnous,oubienelleenavaitaprèsquelquechoseouquelqu’un.Pendantunmoment,majumelleetmoi,nousavonscrééuneliguecontreellepourlarendrefolleenl’asticotantouenlui faisant de mauvaises farces. Mais en grandissant, on se rend compte que tout le monde a sesproblèmes et que tout le monde a eu sa dose de souffrances. Elle continue à m’impressionner, maismaintenantjesaisquepourelleaussileschosesn’ontpasétéfaciles.‒C’estvrai?Quoienparticulier?Jedétournelesyeuxetbalayeduregardlavasteétenduedel’océan.Jenedoispasallerplusloin.‒ Bof…, les problèmes de l’adolescence. Lamort demaman l’a beaucoup affectée.C’était l’aînée,
cellequiportaitbeaucoupdechosessursesépaules.Tuvoiscequejeveuxdire.Jackopine,l’airsérieux.‒Etest-cequ’ellesontdesnoms,cessœurs?Jeleregarde,puisjebaisselesyeuxverslanappe.Jeneveuxpasluimentir,maisjeneveuxpasnon
plusluidireleursnoms.Combiendesœurss’appellentFreya,FloraetSummer?Ilfaudraitavoirvécusur la planèteMars pour ne pas avoir entendu parler de nous. Ce n’est pas que je ne lui fasse pasconfiance;c’estquejeneveuxpasquelecourantquipasseentrenouschange.Nousnesommesquedeuxpersonnesordinairesquiavonsrendez-vous.S’ildécouvrequ’ilaaccidentellementinvitéunecélébrité,mêmemineurecommemoi,ilvavouloirpartirencourantoubienilvachanger,demanièresubtilepeut-être,maisquandmême,ilvachanger.Ilsfonttousça.‒Euh…‒Pardon,est-cequejesuistropcurieux?Jacksereculesursachaise;sonvisagesereferme.‒Jem’excuse,j’aidépasséleslimites.‒Non,non!Jesuisdésolée.Jeme penche pour rétablir le lien qui s’était instauré entre nous jusque-là.Ma jumelle s’appelle…
Florence.Etl’aînée,Frances.Ilmefixeenhochantlatête,puisilsourit.‒Jolisnoms.Cen’étaitpassiduràdire,n’est-cepas?‒Non.Jeluisouris,mêmesijesensunpetitpincementaucœur.Culpabilité?Tristessedemesentirobligée
dementirsurlapersonnequejesuisvraiment?Jen’ensaistroprien.‒Bon,ettoi?Tuasdesfrèresetsœurs?Jackmeparled’unfrèreplusâgéquivittoujoursenItalieetd’unesœurplusjeunequilesasuivisen
Amérique,quisuitactuellementuneformationd’infirmière.‒Celaluiprendtellementdetemps,cetteformation,jesuisinquietpourelle.Elletravailletrop.Ilsecouelatêteettapedesdoigtssurlatable.‒Elleestencoretrèsjeune.Parfois,jedescendsàl’hôpitalpourlaramenerquandjenesupportepas
l’idéequ’elleprennelebuspourrentreràlamaison,quandilestvraimenttardetqu’elleestépuisée.‒Vousviveztousensemble?dis-jedoucement.‒ Oui, je suis l’homme de la famille, bien sûr. Je ne vais pas les laisser tant que je ne saurai pas
qu’ellessontsortiesd’affaire.
LesmotsdeJackprennentviedevantmesyeux.Jelesimagine:unepetitefamillequivitàl’étroitdansunappartementen locationouachetéàcrédit.Samèrecuisinedesplats italiensetveillesursesdeuxgrandsenfants,faisantdesonmieuxpourlesguidersurlabonnevoie,alorsqu’ilss’apprêtentàfaireleurchemindanslavie,etessayantd’êtrepoureuxdeuxunemèreetunpère.‒Pourquoitonfrèreest-ilrestéenItalie?Jacknerépondpastoutdesuite.Ilboitunegorgée,puisilhausselesépaulesendisant:‒Ilnevoulaitpasquittersesgrands-parents.Ilafaittouteunehistoirequandmamanluiademandéde
noussuivre.Ilrit,d’unseulcoup.Sonrire,àcausedesavoixrauque,aunesonoritédure.‒Qu’est-cequ’ilya?dis-je,carjenevoispascequ’ilyadedrôle.‒ Rien, juste que ce n’est pas facile, de parler de sa famille à une personne étrangère. Essayer de
décrirelesgenscommeilssontsanstroplestrahir.‒Oui,jecomprendscequetuveuxdire.Jeluisouris.Lelienestrétabli.Ilesttardlorsquenousnouslevons.Lestablesautourdenoussesontremplies,vidées,puisrempliesà
nouveau. On les débarrasse, et quelques serveurs attendent pour faire de même avec la nôtre. Leslumièressurlavérandasontéteintes,etnoussommespresquedansl’obscurité.‒Bon,ditJackenselevantetenprenantmamain,onyva.‒Oui.Jeleregarde,fascinée.Sonvisagem’estfamilier,maintenantquej’aipuleregardersilongtemps:les
pommettes, le nez droit (tellement parfait que c’en est presque absurde) et la bouche qui passe de labouderieaurireenuneseconde.Jeneveuxpasquecelacesse.Commenousmarchonsverslavoiture,mamaindanslasienne,chaudeetdouce,savoixmeparvient
danslenoir:‒Onvaquelquepart?Monestomacfaituntour.‒Tuveuxdiresurlaplage?Jeregardepar-dessusmonépauleendirectiondel’endroitoùlesvaguess’échouentenmurmurantsur
lerivage.‒Ouailleurs.Unamiàmoiaquelquechosepastroploind’ici.Qu’endis-tu?Onyva?Danslalueurjetéeparladernièrelumièredurestaurant,sonvisageestmarquéd’étrangescreux.Jene
voispassesyeux,justedeuxorbites.Ainsiquedeuxombresnoiresetcaverneusessouschacunedesespommettes.Jen’hésiteguère:‒Oui,avecplaisir,dis-jeàvoixtrèsbasse.Samainseresserresurlamienne.
7
Noussommesrevenussurlaroutecôtière;nouslongeonslePacifique.Ilesttard,celamefaitbizarredem’éloignerainsidelavilleetdetoutcequim’estfamilier.Jamaisencorejenesuisalléeaussiloindelaville.Engénéral,jenedépassepaslesmaisonsdeplagedeMalibu.Jackamisdelamusique,unrockdesseventiesquicognefortalorsqueleventfouettemescheveux.Ilconduitplusvite.‒C’estàquelledistance?fais-jeencriantpresque.Ilfixelaroutesombrequiserpentedevantluietcramponnelevolantavecunesortededétermination
farouche.‒Pastrèsloin.Ilestdifficiledeparleravec lebruitdumoteurmaintenantqueJackaccélère.Lapuissancecontenue
dansl’élégantepetitevoiturecommenceàsemanifester,alorsqu’elleprendfacilementdelavitesseetnouspropulsesur laroute.C’estexcitant,mais,étantd’unnaturelprudent, j’agrippemonsiègecommepourm’ymaintenir.‒Houlàlà!Tuvasvite!dis-jeàJackencriantetenrepoussantdesmèchesdecheveuxquivontsur
monvisage.Etlalimitedevitesse?Jacknerépondpas,maiscontinueàregarderlaroutedevantlui.Devantnous,pastrèsloin,jevoisdes
phares de voitures et je suis rassurée : il va devoir ralentir.Mais comme nous approchons des feuxarrièredesvoituresquisontdevantnous,ilneralentitpas,maisaucontraireilaccélèreetnousdéportesurlavoiedegauche.Jepousseuncrietmecramponneencoreplusfortàmonsiège.‒Qu’est-cequetufais?dis-jeenmetournantverslui.Ilm’inquiètevraiment.Dans les ombresmouvantes, son visage est étrangement dénué d’expression, comme s’il n’était pas
vraimentlà.Ilnerépondpasetcontinued’accélérer.Nousdépassonslesvoiturescommesiellesétaientàl’arrêt,enroulanttoujourssurlamauvaisevoie.Toutd’uncoup,jelesvois:lespharesd’unénormecamionquiapproche.Ilfoncesurnousetnoussommeslancéssurlui.Jenecroispascequejevois:iln’yapaslaplacepourquenousnousrangionssurlavoiededroite,etJackneralentitpas.‒Jack,Jack!Merde!Lecamionseruesurnous.Jenepeuxpasimaginercequepenselechauffeurennousvoyantarriversur
lui sans pouvoir ralentir pour éviter la collision. L’énorme engin klaxonne comme une bête fauve. JeregardeJack : ila toujours lamêmeexpression ; ilestcommeabsent, totalementailleurs.Pourquoineréagit-ilpas?Etvoilà.Nousallonsmourir ici, surcette route. Jemepréparepour lechoc, je ferme lesyeux,ne
pouvantquemesoumettreàcequivaarriver.Unmotexplosedansmatête:Pourquoi?Puis,jemesensviolemmentprojetéesur lecôté, j’ouvrelesyeuxet jevoisJackquinousécartedenotre trajectoireetrevient sur le bon côté de la route. Des klaxons explosent de partout, les conducteurs exprimant leurcolèrecontrelaconduiteidiotedeJack.Ilafalluqueceuxquiétaientànotrehauteurfreinentviolemmentpourlaisserassezdeplaceetquenousnousinsérions.Ouf,ilsontréussi.
Jehalète, jetremble, l’adrénalinecourtdansmesveines.JemeretournesurmonsiègepourregarderJack.‒Mais,bonsang,qu’est-cequetufoutais?Tuasfaillinoustuer!Merde,tun’aspasvucombienc’était
dangereux?Jackestpâle,ilserretellementlevolantquesesarticulationssontblanches.‒Merde!dit-il.J’entendslapeurdanssavoix.‒Maisàquoitupensais?Tun’aspasvucecamion?Toutmoncorpsestagitédetremblements.‒Jedoublais,dit-il,commehébété.Je…,jen’aipasremarquélecamion.‒Quoi?Commentc’estpossible?‒Jesaispas.Maisentoutcas,jenel’aipasvu.Ilpousseunlongsoupiretsecouelatête,commepourreveniràl’instantprésent.‒Çava,onestvivants.Ilmejetteunregarddebiais.‒Jesuisdésolédet’avoirfaitpeur.Jenel’aipasfaitexprès.‒C’étaitunesacréconnerie.‒Jesais.J’aiditquej’étaisdésolé.Souslalumièredelalune,jevoisquesonexpressionestglacée.Ilfixelaroute.Jemeradosseàmonsiègeenserrantmaceinturedesécuritédemesmainstremblantes.Lanuitétoilée
quiparaissaitsidoucemesemblemaintenantpleinededangers.Toutromantismeadisparu.‒Ramène-moichezmoi,jeteprie.Mavoixestaiguëettremblante.‒Jenecroispasquejeveuillecontinuer,finalement.Jackneréagitpas.Lavoiturecontinueàavancerlelongdelacôte,prenantaisémentlesvirages.‒Jack,tum’asentendue?Lapeurfaitplaceàlacolère.Jesuisfurieusedecequ’ilvientdemefairevivre.‒Ramène-moi!C’estalorsqu’ilmeregarde,avecuneexpressionindéchiffrable,sesyeuxbrillantdansl’obscurité.‒Jenepeuxpas,Summer,dit-ild’unevoixquisemblepresques’excuser.Nousnerentronspas.‒Quoi?Jeviensdetedirequejenevoulaisplusalleroùtuvoulaism’emmener.Jesuishorsdemoi.Est-cequ’ils’imaginequenousallonspasserunenuitromantiqueaprèsça?Ilest
dingue.‒Faisdemi-tour,Jack,jeveuxrentrerchezmoi.Ilneditrienpendantunmoment;puis,ilpousseunsoupir,chargéd’unetristessetellequ’ellemefait
peur.‒Tuasbienentendu.Nousnerentronspas.Nitoinimoi.Jesensquemabouchedevientsècheetquemoncœursemetàcogner.‒Qu’est-cequeturacontes?Jedéglutis,maisiln’yapasdesalive.Magorgeestrâpeuseetj’aidumalàparler.‒Jack,explique-moi.‒Jesuisdésolé.Laterreurquej’airessentiefaceàcecamionquifonçaitsurnousn’estrienàcôtédeladéflagration
quejesensenmoi.C’estquelquechosequej’aiconnudansmespirescauchemars,ceuxdanslesquelslesméchantsviennentm’enlever.Matêtetourneetunenauséemesoulèvelecœur.Jen’ycroispas.Oùm’emmène-t-il?Est-cequ’ilmeveutdumal?Je ferme lesyeux. Jeveuxme
réveiller,meretrouverbienàl’abrichezmoi,avecJimmyetCharlie.Ilsnesaventpasoùjesuis.Personnenelesait.Nouscontinuonsàroulerdanslanuit.Laluneestcachéepardesnuageset,quandnousquittonslaroute
côtièrependantunmoment,jen’aiaucuneidéedel’endroitoùnousnoustrouvons.Jesuisglacéedepeur,mon esprit bouillonne alors que j’essaie de comprendre pourquoi Jack fait ça et comment je peuxl’arrêter. J’imagine ce qui pourra arriver lorsque nous aurons atteint notre destination : des visionshorribles,terrifiantes,sortiesdefilmsd’horreur.Jelesrepousseautantquejepeux.Restecalme,Summer.Netelaissepasdominerparlapeur.J’aibesoind’appelerà l’aide,maismon téléphoneestdansmonsacsur le siègearrière. Jenepeux
joindre personne. Je visualise ma sœur et je me concentre pour la faire apparaître ici, à mes côtés.Lorsquenousétionsplusjeunes,nousavonsessayédetravaillersurlatélépathieentrejumeaux.Celan’ajamaismarché,maiscetteexpériencenousavaitcausédessurprises,commecettefoisoùjejouaisavecmespoupéesetquej’aieulesentimenttrèsfortquejedevaistrouverFlora.Elleétaitdanslasalledebain et avait accidentellement cassé un flacon de verre. Elle s’était coupé le poignet, elle saignaitbeaucoupetellefixait,fascinée,lesangquicoulaitsurlaporcelaineblanchedulavabo.Flora!Jel’appelledansmatête.Tueslà?J’aibesoindetoi.Summer.C’estsavoix!Elleauntimbredouxetmélodieux,parfaitpouruneactrice,carilrenfermeune
beautéincroyablementricheetvariée.Del’entendre,justedansmatête,meréconforteprofondément.Tuasdesennuis.Jelesais.Quepuis-jefaire?Tufaiscequ’ilfaut,restecalme,nepaniquepas.Tiens-toiprêtepourlamoindreoccasiondet’échapper.Commentmesuis-jemisedansunetellesituation?Cen’estpastafaute.Jesuisavectoi.N’aiepaspeur.Je suis plus calme. Je jette un coup d’œil à Jack. Il continue à regarder devant lui, de manière
implacable.Soncrânen’estqu’uneformenoiredanslanuit.C’estunétrangerpourmoietj’aiétéstupidedepenserqu’ilétaitplusquecela.MaissentirlaprésencedeFloram’aredonnédelaforce.Jenesaispascequivaarriver,maisjesuisprête.Jenevaispasbaisserlesbras.Je ne sais pas depuis combien de temps nous roulons lorsque Jack bifurque et, après trois virages,
s’enfoncedansunpassagenoirbordéd’arbresquinousconduitàuneclairièreoùsetientunemaison.Ilfaittrèssombre,maisilmesembledistinguerunefaçadeenplanchesdeboisblancs.Lavoitures’immobilise,etJackcoupelemoteur.Lesilenceestsaisissant.Nousrestonsassispendant
unmoment,letempsd’absorberlaréalitédelasituation.Jemetourneverslui,mêmesijeneledistinguepresquepasdanslenoir.‒Jack,quefaisons-nousici?dis-jedoucement.Jeneveuxpaslebraquer,j’essaiederestercalmeetraisonnable.‒Jevoudraisquetumeramèneschezmoi.Ilneditrien,mais,desesdoigts,ildessinecommedepetitsarpègessurlevolant.‒M’amenericicontremongréestuneerreur,fais-jed’unevoixquirestedouce.Tulesais.Pourquoine
pasredémarreretmeramenerenville?Etonoublieratout.Ilestencoretempsderattrapertoutça.Mesmotsflottentdansl’air.Jeretiensmonsouffleenespérantenavoirditassezpourlesortirdela
démencequi s’estemparéede lui. Jenesaispaspourquoi il s’estmisdans la têtedem’emmener ici,maisjepeuxpeut-êtreledissuader.Ilfautqu’ilcomprennequeriendebonnepeutensortir.Saufs’ilestfou.Jechassecetteidée.J’entendslavoixdeFlora.MonsieurLatrouillenenouslafaitpas,ànous!Je
suisprised’unesoudaineenviederire.Floramedit:Non,magrande,nefaispasça.Tuneconnaispassesréactions.Finalement,Jacksetourneversmoi.Il tendlamainetjeréprimeunpetitcridepeur.Jemecolleau
dossierenl’imaginantquisaisitunpistolet,mais ilnefaitqu’allumerleplafonnierau-dessusdupare-brise.Sapeauaunenuanceverdâtresouslalumièrejaune.Pendantuninstant,toutparaîtincroyablementnormaletjem’attendspresqueàcequ’ildise:«Holà!Cen’estqu’uneblague!Onboituncaféetjeteramène.Je t’aivraimentfichu lafrousse?J’ensuisdésolé…»Mais je remarquequ’ila l’aird’avoirpeur.Etcelam’effraieencoreplus.Enfin, il sedécideàparler.Savoixestplus rauqueetcasséequejamais:‒Descends,Summer.‒Etsijerefuse?dis-jebravement,sansmêmeavoireuletempsderéfléchir.‒Descends,jetedis,répète-t-ilunpeuplusfort.Ilaunairencoreplusmalheureux.‒Allez,faiscequejetedis.Jedéfaismaceintureetm’apprêteàouvrirmaportièreenmedisantquej’auraiunemeilleurechance
demesauversijesorsrapidement,maisilestalerte.Ilsortetfaitletourenuneseconde.Ilmeprendfermementlebrasalorsquejedescendsdelavoiture.‒Ne te faispasd’idées folles. Iln’yapersonneàdeskilomètresà la ronde.Tu teperdraisencinq
minutes.Maisaumoins, je serai loin et débarrasséede toi. J’évalue la force de sa poigne surmonbras et
comprendsquejen’aiaucunechancedeluiéchapper.D’accord.Cen’estpaspourcettefois.‒Tuveuxquej’entre?Ilfaitouidelatête,etnousnousmettonsenmarcheverslamaison.Lapeurmevrilleànouveau.Que
va-t-il se passer à l’intérieur ?Va-t-ilm’agresser ? Je n’arrive pas à imaginer Jack faisant une chosepareille.Maiscelaestentraind’arriver.Tuferaismieuxdecommenceràycroire.Jenemesuisjamaissentieaussitotalementdémuniedetoutemavie.Jackdéverrouillelaportedelamaisonetmefaitentrer.Lorsqu’ilfaitdelalumière,jedécouvreune
maisondevacancesàl’ancienne,commecelledontj’aitoujoursrêvé.Ledécorestrustiquemaischic,avecduplancherausoletdesvieuxmeublesenboispeint.Ilyaunpoêleàboisenfonteet,devant,desfauteuilsgarnisdecoussins.Prèsdenous,une tableenboisciréavec,dechaquecôté,devieuxbancsd’église.Jackmeconduitjusqu’àunbancets’assoitfaceàmoi.Je leregardefixement. Ilestpâle,etun légervoilede transpirationperlesursonfront.Uneidéeme
frappe.Ilaencorepluspeurquemoi.Cettepenséem’emplitd’unetellesurprisequej’enoubliemaproprepeur.Jel’observeetjeremarque
unlégertremblementauboutdesesdoigts:qu’est-cequiabienpunousamenericiaubeaumilieudelanuit?‒Jack,quesepasse-t-il?dis-jed’unevoixtrèsbasse.Pourquoifais-tuça?
Sonpoingseserre.‒Neposepasdequestions,jenepeuxpast’expliquer,gronde-t-il.‒Aumoins,dis-moicequisepasse.Jemepenchesurlatable,verslui,enessayantdecontrôlermavoix.‒Allez,c’estgrave.Ilfautquetulecomprennes.Les yeux sombres de Jack semblent s’embraser, comme si j’avais mis le feu à quelque chose à
l’intérieur.Ilselèveetsemetàfairelescentpas.Jel’observe.Ilesttrèstendu.Çanevapas.Iln’estpassûrdecequ’ilfait.Jecraignaisqu’ilnemeforceàentrerdanscettemaison,qu’ilm’agresseetmeprennephysiquement.
Maisjemerendscomptequecen’estpascequ’ilaentête.Iln’yapasd’agressionsexuelledansl’air.Pasdutout.C’estautrechose.Maisquoi?Lorsqu’ilsemetàparler,lesmotssortentrapidement,etsavoixestbasseetintense:‒Summer,nemeposepasdequestions.Jenepeuxpast’expliquer.Jeneleferaipas.Tuvasessayerde
mefairechangerd’avisetcen’estpaspossible.C’esttroptard.C’estdéjàtroptard.Etd’ailleurs…,j’aipromis…Savoixs’éteint,etilsembleseperdredanssespenséespendantunmoment.Puis,ilseretournevers
moi.Sesyeuxbrûlenttoujoursdecemêmeéclatintense.‒ Il va falloir que tu acceptes, c’est tout, dit-il. Je t’en prie, ne rends pas les choses encore plus
difficiles.Jesens instantanément flamber lacolèreenmoiet je tapedupoingsur la table.J’étaisdéterminéeà
restercalme,jenelesuisplus:‒Merde enfin, Jack !Comment oses-tu ?Tu as failli nous tuer sur la route, tum’emmènes dans cet
endroitbizarreenpleinenuitalorsquejet’aiexpressémentdemandédemeramenerchezmoiettumefouslesjetonsavectoncomportementdedingue!Etmaintenant,tumedemandesdenepastecompliquerleschoses.Tecompliquerleschoses?C’estn’importequoi!Toutemonangoissebouillonneenmoi.Jesautesurmespieds:‒Jack,qu’est-cequisepasse?T’asintérêtàmeledire,etpasplustardquemaintenant!Lesmâchoiresserréesetlesépaulesrigides,ilmeregardependantquejecrie.Ilfroncelessourcilset
pinceleslèvres.Mêmeencolère,jenepeuxm’empêcherderemarquersabeauté.‒Alors?fais-jed’untonpressant.Ilplisselesyeux,puisbaisseleregardverslesolavantdelereleverpourmeregarderdroitdansles
yeux:‒C’estsansdoutepréférablequetucomprennes.Jet’aipriseenotage.Tuesmaprisonnièrependant
toutletempsquimeseranécessairepourobtenircequejeveux.
8
Je regarde Jack, sidérée.Cequ’il vient demedire ne se fraie pas vraiment un chemin jusqu’àmoncerveau.Auboutd’unmoment,jeretrouvemavoix:‒Quoi?dis-je.Pourunpeu,j’enriraisd’incrédulité.‒Tuveuxdire…quetum’askidnappée?Jackhochevivementlatête,lèvresserrées.‒Mais…,nomdeDieu,commentpenses-tutesortird’untrucpareil?Monespritfaituneffortpourappréhenderl’énormitédelachose.‒JimmyetCharliesaventquejesuisavectoi.Ilssaventquitues.‒C’estcequ’ilscroient.Lesmots sortentde saboucheen claquant etme frappent avecune telle forcequemespaupières se
ferment.C’estcequ’ilscroient.Jemesenscommesij’avaissautéduhautd’unefalaise.Ilsnesaventpasoù
noussommes.Jenesaispasoùjesuis.OhmonDieu!Personnen’alemoindreindice.‒MaistuesamiavecCharlie,dis-jesansconviction.‒Charlienesaitabsolumentrien,ditJack.Ilvadansunepetitecuisineenlong,surlaquelledonnel’espacerepas,etremplitdeuxverresd’eauau
robinet.Moncerveaus’emballealorsquejeleregarde.‒Ilssaventtonnometoùtutravailles!dis-jeàtraverslaporte.‒Non.Ilrevientetposeunverred’eaudevantmoi,s’assoitetboitlesiend’untrait.Jeregardelasurfacede
l’eauquitrembledansmonverreetjesensunevagued’horreurmesubmerger.Jelèvelesyeuxverslui.‒Tun’espas…quituasditquetuétais,dis-je.Ilsecouelatête:‒Non.‒Tunedessinespasdesvoitures.Ilsecouelatêteànouveau.‒Etcellequiestdehors?‒Cenesontpastesaffaires.Disonsqu’unamimel’aprêtée.‒Maisalors…Jesuisentraindereconstituerlepuzzle,unechosequej’aifaitetoutemavie,enredoutanttoujoursde
voirlerésultatfinal.Àprésent,lesmorceauxsontrassemblés,etl’imagequej’yvoisestcelledemonpirecauchemar.‒Alors,tusaisquijesuis.Jacksaisitsonverreetaunpetitriresansjoietoutenreposantviolemmentsonverre.‒C’étaitcharmant,lafaçondonttuasessayédemelancersurunemauvaisepiste.
Ilimitemavoix:‒«Mesdeuxsœurss’appellentFlorenceetFrances.»Je grimace. Je me sens pesante, nauséeuse, assommée, comme si on m’avait mis des pierres dans
l’estomac.‒Maistulesavaisdéjà?‒Biensûrqueoui.Ilévitedemeregarder,pousseunegoutteletted’eausurleplateaudelatable.‒Comment?Charliem’aassuréqu’ilnet’avaitriendit.‒Iln’ariendit.Celafaitlongtempsquejesais.Illèvelesyeuxversmoi,etl’expressiondesonregardestindéchiffrable.‒J’aitoujourssu.Unfrissonglacémeparcourtl’échine.Jemesensgeléetoutd’uncoupdansmarobelégère.Jesuisface
àquelquechosequidépassedebeaucoupmonentendement.Jeréussisàbalbutierquelquesmots:‒Tuveuxdel’argent?Ilcrispelespoings,etsonvisages’empreintdefureur:‒Jeneveuxpasdetonfric,crache-t-il.‒Alors…,pourquoi?Pourlapremièrefois,jemesensgagnéeparlatristesseetleslarmes.‒Pourquoi,Jack?Unelarmedébordeetcoulesurmajoue.‒Pourquoitufaisça?Illevoitetdétournelesyeux.‒Jetel’aidit:jenevaispast’expliquer.Neposeplusdequestions.Savoixestdure,commes’ilnesupportaitpasdevoirmondésarroi.Jerenifleetilsedirigeversla
porte.‒Jevaischercherdestrucsdanslavoiture.Ilseretourne;ilrespirefort.‒Maisavantça…,jesuisdésolé,Summer,maistunepeuxpasresterlà.Jeregardeautourdemoil’impeccablecoinrepastoutenm’essuyantleslarmesetenreniflant.‒Pourquoi?Ilvientversmoi,meprendànouveaulebrasetmetiresansrudesse.‒Suis-moi.Ilmeconduit jusqu’àuneportequifermelecoinrepas.Derrièrese trouveunepetitepièceavecune
fenêtre,toutepetiteetplacéehautsurlemur,unpeucommeunvelux.Elleestimpossibleàatteindresansmontersurquelquechose.Lemobilierestspartiate.Unlitunepersonneestrecouvertd’unecouvertureenpatchwork.‒Attendsici,m’ordonne-t-il.Jeparcourslachambredesyeux.‒Ah!jevois:c’estmacellule?C’estlàquetuvasmegarder?Jemetourneverslui.Mesyeuxlancentdeséclairs.Jenepleureplus.Etilnemereverrapluspleurer.‒ Tu es un de ces dingues qui enlèvent des jeunes filles et les retiennent prisonnières pendant des
décennies?Tuasconstruitundonjonpourmoi,commeceslosersmaléfiquesqu’onvoitauxinfos?Peut-
êtrequetuasvumaphotodanslesmagazinesetquetuasdécidédem’adoptercommetonpetitanimaldecompagniepréféré,c’estça?Tuespathétique.Sesyeuxs’assombrissentàcesmots.‒Tais-toi!Nedispasça.‒Queveux-tu,c’estpathétique.‒Bonsang,Summer,tais-toi.Tunesaisrien,tum’entends?Rien!Etsijetemetslà,c’estpourquetu
ne fasses pas une connerie comme t’enfuir et te perdre là où personne ne pourra te retrouver. Alors,ferme-laetattendsiciquejerevienne.Ilsortdelapièceetclaquelaporte.Laclétournedanslaserrure,etjemeretrouvefaceauboisblanc
delaporte,àmedemandercommentjemeretrouvelàetcommentjevaisensortir.Jevaisjusqu’aulitetjem’yassois.Jecontemplelesjoliscarrésdepatchwork.Flora,tueslà?T’asentenducepetitcon?Summer…Tuasprisdesrisquesenluiparlantcommeça.Ilfauttemontrerplusprudente.Jenevaispaslelaissermetraitercommeçasansrésister!Etpuis,sij’airaison?S’ilestdécidéà
megarderautantqueçaluichante,commecespauvresfillesdontonaparlé?Lapriorité,c’esttasécurité.Nefaisriend’imprudentavantd’avoirmieuxcompriscequisetrame.Jefermelesyeuxetmerendscomptequejeserrelespoingsdetoutesmesforces.C’estuncauchemar.Qu’est-cequejevaisfaire?Ets’ilveutmefairedumal?Oumetuer?Etsije
neterevoisjamais?Tudoisresterforte.Jesuisavectoi.Jetetrouveraioùquetusois.Je tremble de tousmesmembres.Le choc fait son effet,maintenant. Jeme recroqueville pour avoir
chaud.Moncorpsestprisdeviolentsfrissons.J’espèredetoutesmesforcesquelecontacttélépathiqueavecmajumellefonctionne.JepriepourqueFlora,oùqu’ellesetrouve,m’entendeoudumoinsperçoiveque j’essaie d’entrer en contact avec elle. Toute ma vie, j’ai redouté exactement ça, et ça y est, çam’arrive.J’ail’horriblesentimentqueçaatoujoursétémondestinetquejenepouvaisrienfairepourl’éviter.J’aimarchéversJacksans lesavoir.Jedevais lerencontrer.Etàprésent, jesuis là,seule,ettotalementàsamerci.J’aipeur.Jackrevientauboutdejenesaiscombiendetemps.Quandilouvrelaporte,jegardelesyeuxfermés,
jeresteoùjesuis,recroquevilléeettremblantesurlelit.‒Summer?dit-ilenjetantunsacparterre.Çava?Jenerépondspas.J’ensuisincapable.Mesdentss’entrechoquent.Jetrembleviolemment,commesije
recevaisdesdéchargesélectriques.Endeuxpas,ils’approchedemoi:‒Qu’est-cequinevapas?Tuasfroid?Jet’attrapeunecouverture.Jel’entendsalleràunplacardetl’ouvrir.Ilfouilleet,peudetempsaprès,ilrevientetjesensqu’une
couvertureestenrouléeautourdemesépaules.‒Ilnefaitpassifroidqueça,ici,maistarobeesttrèslégère.Voyons,qu’est-cequetuaspris?Ils’éloigneetjel’entendsdéfaireunefermetureéclair.J’ouvrelesyeuxetjelevoisaccroupiprèsde
monsac,observantsoncontenuenfronçantlessourcils.Celasuffitàmedonnerlaforcedeparlertoutenclaquantdesdents:‒ Pas grand-chose. J’aurais certainement prévu plus de choses si tu m’avais dit que tu allais me
kidnapper!Jackneditrien,maisilsortlecardiganquej’avaisprisaucasoùnousaurionsprisunbaindeminuit.Il
melelance.‒Mets-lesituastoujoursfroid.Jeleprendsetleglissesouslacouverture.Aulieudel’enfiler,jeleserrecontremoi,commesic’était
mondoudou.Jackm’observeet,lorsquejelèvelesyeux,jevoiscombienilsembledéconcerté.Ilnesaitpaspourquoiilfaitça.Cettepenséesurgitdansmonesprit,commeunpetitéclairderévélation.Maisquand je le regardeà
nouveau, il a retrouvé cette expression fermée que je commence à bien connaître. Cette étincelled’humanitém’aideàretrouvermoncalmeetlamaîtrisedemoi.Jemeforceàrespirerrégulièrementetj’essaie de dominermes tremblements.Comme Jack se lève etme regarde, sur le lit, je réussis àmecontrôlersuffisammentpourréduirelestremblementsauminimum.‒Etmaintenant,qu’est-cequivasepasser?dis-je.Jack,reprisd’agitation,seremetàarpenterlapetitepièce.‒Onvarester iciunmoment.Jenesaispascombiende temps.Je t’enprie,nepensepasàappeler
quiconque. J’ai tonportable et il n’y a pas de ligne fixe ici.Et si jamais tu avais la lubie devouloirt’échapper,oublie.Touteslesportesetlesfenêtressontverrouillées,etquandbienmêmeturéussiraisàsortir,onestàdeskilomètresdelapremièrehabitation.Tuneferaisqueteperdre.Ilyatoujoursunmoyen,medis-je,maisjemetais.Ilmefautécoutercequ’ildit.‒Tafamillesauraentendreraisonsanstarder.Ilarrêtedefairelescentpasetsetourneversmoi.‒Ilsnevontpasprendrelerisquequ’ilt’arrivequelquechose.Pasaprèsladernièrefois.‒Alors,tusaisçaaussi?Jesensladépressionm’envahir.‒Tusaiscequenousavonsvécuetpourtanttuescapabledenousinfligerlamêmesouffrance?‒Unriresansjoies’échappedemeslèvres.‒Ah!chapeau!Tuasgagnélegroslot,tonpoidsenmerde,àlaloteriedel’année!Sonexpressionchangedevantmesyeux,sonvisagesecrispantsousl’effetdelafureur.‒Tunesaispasdequoituparles!rugit-il.Tun’enaspaslamoindreidée!Ilsemblesurlepointdedireautrechose,maisils’arrête,tournelestalonsetsortentrombeenclaquant
laporte.Laserruresereferme.Ilm’alaisséeseule.Il s’est passé du temps,même si je ne sais pas combien, lorsque la porte se rouvre. Je suis restée
allongée,lesyeuxperdusdanslenoir,mespenséestournantenbouclejusqu’àarriver,sansm’enrendrecompte, auxportesdu sommeil.Cen’estqu’en sursautant lorsque j’entends lebruitde laporteque jeréalisequej’étaisprèsdebasculerdanslapertedeconscience.Jen’auraispascruquejepouvaismedétendreaupointdem’endormir.‒Summer?Çava?LavoixdeJackmeparvient,douce,depuislaporte.‒Qu’est-cequetuenasàfaire?dis-jeenremontantlacouverturesurmoi.Jen’aiplusfroid,maintenant,maisj’aitoujoursbesoinduréconfortqu’ellem’apporte.‒J’aivuquelalumièreétaittoujoursallumée.Jemedisaisquepeut-êtretuneréussissaispasàdormir.‒ Parce que tu crois que je vais dormir ? dis-je en refusant d’admettre que j’étais sur le point de
m’assoupirendépitdelalumièrecrue.Aprèscequetuasfait?Ilse tientdebout,silencieux,pendantunmoment.Jerefusede le regarderetdonc jenevoispasson
expression.Auboutd’unmoment,ildit:
‒Jenet’airienfait,àtoi.Jenepeuxpaslaisserpasserça.Jemeforceàmeretourneretàleregarderbienenface:‒Alors,ramène-moichezmoi.Toutdesuite.Ilal’airfatiguéet,sursonmenton,jevoisunsoupçondebarbenaissante.Sescheveuxsontébouriffés,
comme s’il y avait passé les mains. Il soupire, ses épaules se soulevant légèrement, puis il ditcalmement:‒Jenepeuxpas.Pasmaintenant.‒Etpourquoi?‒C’est…,c’esttroptard.Jesensquelquechosequihésiteenluietjepoursuis:‒Pourquoi?Iln’estpastroptard!S’ilteplaît,Jack…Jemetsdansmavoixtoutel’implorationdontjesuiscapable.S’ilteplaît,ramène-moichezmoi.On
oubliera,jetelepromets.Ilbaisse lesyeux,metsesmainsdanssespoches.Ondiraitunpetitgarçonquis’est faitprendre les
doigtsdanslaconfiture,quisouhaiteàprésentlereconnaîtreetdemanderpardon,maisquiesttropfierpourcela.Jeprendsunevoixtoutedouce:‒Jet’enprie,ramène-moichezmoi,Jack.Tusaisquec’estcequetuaslemieuxàfaire.Sonvisagesecrispeetilditens’emportant:‒Jenepeuxpas!Jetel’aidit:c’esttroptard.Jet’aiemmenéeici,tudoisyrester.‒Pourquoi?Pourcombiendetemps?‒Letempsquetafamillefassecequ’ilfaut.‒Ah!mafamille!Donc,c’estpourdufric!Jesensquemonméprisselitsurmonvisage.Toutaulong,tuasplanifiémonenlèvementpourquetu
puissesdemanderunerançon…Etjet’aifaitconfiance.Jimmymemettaitengarde,maisjenel’aipasécouté.Jepensaisquec’étaitmaldenepastelaisserunechance.J’auraisdûl’écouter;lui,aumoins,jesaisquec’estunami,unvrai.Pasquelqu’unquiveutm’utiliserpoursoutirerdel’argent.‒Cen’estpasaussisimple,intervientJack.Tunecomprendspas.‒Alors,dis-moi.Jelefixed’unairfurieux.‒Aide-moiàcomprendre.Ilsoutientmonregard,sansunmot,enplissantlesyeux.‒Alors,voilàquelquechosequetuvascomprendre.Situt’imaginesquemafamillevacracherdufric,
tutegoures.Pourtoninformation,sachequemonpèrevientdedéciderdemecouperlesvivres.Jenesuispluslarichehéritièrequetucrois.J’aiprobablementmoinsd’argentquetoi!LevisagedeJackperdvisiblementsescouleurs.‒Quoi?bafouille-t-il.Uneboufféededéceptionm’envahit.Alors,finalement,cen’étaitquepourdel’argent.Ilafaitçapour
l’argent. Ilnevautpasmieuxque tous les autres, les chercheursd’or et lesgigolos. Il estmêmepire.Aprèstout,aucundesautresn’acherchéàmekidnapper.‒Tonpèret’acoupélesvivres?Ilsefichedetoi?Jackafficheunairextrêmementpeiné.‒Oh!jevoisquetucompatisàmonsort,dis-je,sarcastique.Oui,c’estbiença,monpapan’enaplus
rienàcirerdemoi.Situenasaprèssonfric,tut’esplanté.Tuferaisaussibiendemeramenerchezmoi.Jacknesemblemêmepasm’entendre. Ilmefixe,sidéré. Jem’attendsàcequ’ildisequelquechose,
mais il tourne les talons et sort.Avant de quitter la pièce, il éteint la lumière, puis il claque la portederrièrelui.Jemeretrouvedansunetotaleobscurité,àfixerlesmursinvisiblesdecetteétrangepièce.JecroisentendrelavoixdeFloraquichuchoteàmesoreilles:C’étaitdangereuxdefaireça,Summer.
Ilvapeut-êtrepenserquetun’asplusdevaleurs’ilnepeutplusmettrelamainsurdel’argent.Je m’en fiche ! J’affiche un ton de défi, mais en réalité, j’ai très peur. Autant qu’il sache dès
maintenantquemonpèrenepaierapasderançon.Surcettepensée,jem’allonge,latêtesurlesoreillers,etjememetsenboulesouslacouverture.Deux
larmesroulentsurmesjoues.Jelesessuied’ungesterageur.‒Merde!Jenevaispaschialer,dis-jeenserrantlesdents.Mais lapeurque je ressensà l’idéequemonpère reste indifférentenapprenantcequi sepasseme
broielecœur.
9
Toutelanuit,Jackoccupemesrêves:ilsetrouvepartoutoùilsm’entraînent.Parmoments,ilm’effraie,à d’autres, curieusement, je suis heureuse de le voir. Une fois, nous sommes sur le point de nousembrasser lorsque je découvre que son visage est devenu celui d’un serpent et qu’il a des crocsvenimeux,dégoulinantsdepoisonalorsqu’ils’apprêteàmemordre.Jemeretire,prisedepanique,etsoudain je me retrouve chez moi, pas dans le nid d’aigle des Alpes, mais dans une maison de monenfance. Ma mère est présente. Elle me sourit et me tend les bras : « Summer, dit-elle, nous étionsinquietspourtoi!Maistuesrevenue.»Jecoursverselleetellem’enlacedefaçontellementtendrequej’ai envie deme fondre dans ce câlin et de n’en jamais partir. «Oh !maman, où étais-tu ? Tum’asmanqué.»Ellefredonneunairtoutenmecajolant,puiselledit:«Mais,mapuce,j’étaislà,avectoitoutle temps, tu ne le savais pas ? » Je fonds en larmes, tellement je me sens soulagée et heureuse deretrouvermamèreetjemedemandecommentj’aipupenserqu’elleétaitjamaispartie.Unchaudsoleilfiltre par les fines persiennes, et je cligne des yeux tellement la lumière est éclatante.Mes yeux sontmouillésdelarmes.Jepleuraisdansmonsommeil.C’estalorsquelaréalitémefrappe.NomdeDieu,j’aiétékidnappée!Je saute du lit et j’essaie toutes les poignées de porte que je trouve : une qui donne sur un petit
rangement,uneautresuruneminusculesalledebain,équipéeelleaussid’unveluxquiestverrouilléetdetoutefaçontrophautàatteindre,etenfincellequiouvresurlapièceprincipale.Elleestverrouillée.Lapetitefenêtreesttrophauteet,detoutefaçon,jen’aipasl’impressionqu’elleouvre.C’estinutile.Jenepeuxpassortir.Jesuisprisonnière.Jesecoue la têted’incrédulité.JemesouviensqueJackestsortien trombeet jemedemandebienà
quoiilvapenserenseréveillantdanslapeaud’unravisseur.Jemerassoissurlelit.Sacouverturemeparaîtaccueillante,mêmesielleestchiffonnéemaintenantque
j’y ai dormi, et je me demande bien combien de temps il a l’intention de me garder ici. Je suisconvaincue, ou presque, qu’il me retient pour l’argent, et donc je me dis qu’il ne va pas me garderpendantdeslustres.D’unautrecôté,s’ilnepeutpasavoirlarançon,queva-t-ilfaire?Medire:«Oups,désolédem’êtretrompé,jenesavaispasquetun’étaisplusunehéritière.Tupeuxpartiret,s’ilteplaît,neraconterienàpersonne»?Celameparaîtpeuprobable.Iladûmanigancertoutçaavecunplan.Quecompte-t-ilfairesimafamilleluiversel’argent?Ila
forcémentélaboréunestratégiequiluipermettrades’ensortir.Jerepenseàladernièrefoisoùunetellechoseestarrivéeànotrefamille.Aucunerançonn’aétépayée.
Enconséquencedequoi…,jefrémisetjechassecettepensée.Jeneveuxpasypenser.Maislaréalitédelachose,dans toutesonhorreur,nesedissoutpas.Aucontraire,ellesifflecommeunserpentdansmatête.Papan’apaspayépourelle.Ilnepaierapaspourmoinonplus…Jemebouchelesoreilles,jegrimace.‒Tais-toi!dis-je.Flora,tueslà?S’ilteplaît,parle-moi…
Jemeconcentreautantquejepeuxpouressayerd’entendrelavoixquim’estparvenuehiersoir.Maisriennevient.Jevaisdanslasalledebain.Elleestpetite,maisbienéquipée:dansleverreàdents,ilyaunebrosseàdentsneuveencoreemballéeetuntubededentifrice,ainsiquedusavon,ungelnettoyantpour le visage et une serviette.Oh là là ! Etmême une lime à ongles et une éponge végétale !Quoid’autre?Unehuiledebain relaxanteetunebougie?! Je ricane intérieurement,mêmesi lavuedecesobjetssoigneusementpréparésmedonneplutôtlanausée.Depuiscombiendetempsplanifie-t-iltoutça?BonDieu,quelle imbécile j’aiété !Jen’aurais jamaisdû lui faireconfiance.Jimmym’avaitprévenuedepuisledébut…Jimmy!Biensûr,ilvasedemanderoùjesuispassée.Jenesuispasrentréeetjenel’aipasappelé.Çaneme
ressemblepas.Ilvaessayerdemejoindre.Quandjenerépondraipas,ilsauraqu’ilyaunproblème,etalorslesrecherchescommenceront.Jackabeauêtremalin,ilnel’estpasaupointquel’onnepuissepasremonterà lui.Beaucoupdegensnousontvushier soir ;nousavons laissédes tracescommenous lefaisonstous:lesradars,lescamérasdevidéosurveillancesurleparking,lepaiementparcartedecréditvontparler…Onvanousretrouver.Mais j’ai soudain une image quime revient, aumoment où nous avons quitté le restaurant : Jack a
demandél’addition,l’apayée.Enliquide.Pasdetracedepaiementparcarte.Marespirations’accélère,moncœursemetàcognertandisquelapaniquecommenceàirradierenmoi.
Jefaisuneffortpourmecalmer.Çaneveutpasdirequ’onnepeutpasretrouvernotretrace.Uneidéesurgit.Montéléphoneportable!
Onpeutplusoumoinsmesuivreà la trace…Unsystèmedegéolocalisationouquelquechosedans legenre.Mais l’espoir s’éteint : Jackm’a dit qu’il amon portable. Il a dû faire quelque chose pour ledésactiver. Il serait vain d’espérer qu’il n’y a pas pensé, il n’est pas si bête. Je vais auxW.-C. et jeprendsunedouchedanslaminusculecabine.L’eauestchaude,ilyadelapression,etcelamelavedel’impression de saleté que je ressens après avoir dormi tout habillée.Alors que jeme frotte avec lasavonnetteprévuepourmoi,jemesouviensquej’aidesvêtementsderechange.J’aiapportédessous-vêtements,unshortetuntee-shirt.Àl’instigationdeJack.Toutsemetenplace;c’enestécœurant.Jemerevoismepréparantpourunesoiréeromantiquesurla
plagealorsque,depuisledébut,jenefaisaisqu’aiderunkidnappeur...Quellegourde!Maisjenepouvaispassavoir.Unefoishabillée,jefaisdesallers-retoursdansmapetitechambretoutenmedemandantcequivase
passer.Ilyacinqjours,jemesentaistoutedémunieparcequejen’avaisplusuncompteenbanquepleinàcraqueràmadispositionetquelemonden’étaitplusmonterraindejeux.Bonsang!Jen’avaispaslamoindreidéedecequec’estqu’êtreimpuissant.Jepouvaisencoreallerlàoùjevoulais,fairecequimechantait…Boireuncaféquandl’enviemeprenait.Àcetinstant,laportes’ouvre,etJacksetientdansl’encadrement.Monventresecrispeviolemmentàsavue,unesensationtellementintensequejenesauraisdiresic’est
de plaisir ou de douleur. Si l’on considère qu’ilm’a enlevée, ce doit être de la douleur. Il porte un
pantalon en lin souple et un tee-shirt blanc ; il est pieds nus. Ses cheveux sont mouillés. Il a l’airfraîchementdouché.L’ombredebarbed’hiersoiradisparu.‒Bonjour,dit-ild’untonquin’estpasvraimentguilleret,maisavecunecertainegentillesse.Tuveux
déjeuner?Soudain,l’enviemeprenddesaisirn’importequelobjetquisetrouveàmaportéeetdeleluijeteràla
tête de toutesmes forces en hurlant : «Tonpetit-déj, tu peux te le foutre où je pense ! »Mais jemerappelleque j’aibesoindeboireducaféetque,peut-être,ceseraitmieuxque j’endormeunpeuJackpourqu’ilsesenteunpeuenconfianceetqu’ainsij’arriveàluisoutirerquelquesinformationssurcequisepasse.Etpuis…aumoins,ilvientm’offrirducafé.Iln’estpaslàpourenfiniravecmoi…Jerenifleetjelasens…Latentation!Mmm.Ducaféfrais.‒Oui,avecplaisir,dis-jeenmeforçantàsourire.Jelesuisdanslapièceprincipaledelamaisondeplage.Maintenantqu’ilfaitjour,jevoisquetoutela
façadede lamaisonestuneparoideverre,donnant surunbalcondebois,etquedevantnouss’étendl’océanPacifique,d’unbleuétincelant,jusqu’àl’horizon,danslequelilsefonddoucement.Surl’eausedessinentdesvoilesblancheset,plusloin,lesformessombresdenavires.Quelquesnuagescourentsurlebleuprofondduciel.Lavueestenivrantedebeauté,maisjenepeuxpasmepermettredepassertropdetempsàl’admirer.Jenedoispasrelâchermavigilance.J’observelapièceetj’enregistrelesdétailsaussivitequejepeux.Elleestpetite,aussiconfortableet
joliequedansmonsouvenirdelaveille.Uneporte,del’autrecôté,doitêtrecelledelachambreoùJackadormi.Àpartça,ilsembleyavoircettepièce,diviséeenunecuisineetuncoinrepas,etlesalon,côtéparoi deverre. Je remarquemon sac sur le canapé, rabat ouvert.Manifestement, Jack en a exploré lecontenu. Une bouffée de colère m’envahit en découvrant qu’il a ainsi violé mon intimité, mais jem’efforcedelacontenir.Ilneserviraitàriendes’échauffersurçaquandilyatellementplusdechosesenjeu.Jackestdéjàdanslacuisine,entrainderemplirdeuxtassesavecunemachineàexpresso.Jemesens
prêteàbeaucouppardonnercontreunboncafé.‒Dulait?demande-t-il,d’untonsidécontractéquecepourraitêtreunmatinordinairedansunemaison
deplageordinaire.‒Oui,s’ilteplaît,dis-jed’untonquejeveuxdésinvolte.Ilversedulaitchaudetmousseuxdansmatasseetmelatend.‒Veux-tuquelquechoseàmanger?Laseulepenséed’unemoindrenourrituremedonnelanausée.‒Non,merci,çavacommeça.Jeprendsmatasseetjevaisjusqu’aucanapé,oùjem’assoispourregarderàlafoisl’océanetceque
faitJack.Cettenormalitéfeintememetàcran.‒Alors,monsieurKidnappeur,dis-jed’untonléger,qu’allons-nousfaireaujourd’hui?Ilneditrien,maismejetteunregardnoirtoutenprenantsatasseetentraversantlentementlesalon.Le
plancherestenchêneblond,patinéettièdesouslesoleilmatinal.‒Jet’enprie,nem’appellepascommeça,marmonne-t-il.‒Etjesuiscenséet’appelercomment?Aprèstout,jenesaispasvraimentquitues,àl’heurequ’ilest.Il s’assoit dans un fauteuil en face demoi. Il fixe son café pendant unmoment, puis lève ses yeux
sombresversmoi.
‒Jesuisdésolé,Summer.Ilestdésolé.Unelueurd’espoirvacilleenmoi.‒Alors,tuvasmeramenerchezmoi?‒Jenepeuxpas.Je sens tourbillonner en moi un mélange d’émotions qui me sont désormais familières : colère,
confusion,peur.Toutceciesttellementdéroutant,et,plusquetout,j’aidumalàappréhenderlefaitquejenecontrôlepluscequim’entoure.J’aiperdumalibertéetjenem’yfaispas.Jem’efforcederestercalmemalgrélafureurquimonteenmoi.‒J’espéraisquelanuitt’auraitrendutonbonsens,dis-jeenessayantdegarderunevoixposée.Sije
rentremaintenant,jepeuxencoredirequej’aipassélanuitavectoi.Jeleferaisic’estçaquetuveux.Je laissemapropositionen suspenspendantunmoment,mais il ne réagitpas. Il refusedemordreà
l’hameçon.J’essaieànouveau:‒Personne,pourl’instant,nesefaitdusoucipourmoi.Maisdansquelquesheures,ceseratroptard.Jackselèveetvaseposterdevantlaparoideverre.Ilfixel’océan,unbrasenappui,etilsiroteson
café.Jevoissapeauhâléeetlesmusclesquigonflentlamanchedutee-shirt.Avecsonpantalondelinetsonprofilparfaitéclairéparlesrayonsdesoleilquidonnentdesrefletsacajouàsescheveuxbruns,ilressembleàs’yméprendreàunepubpourunemarquedecafé.Maisilneditrien.Jetenteautrechose:‒Tuterappellescequejet’aidithiersoir?Àproposdemonpèrequim’acoupélesvivres?C’est
vrai. Iladécidéquesesfillesallaientdésormaissedébrouiller toutesseules. Ilnenousverseplusunsou.Tun’asrienàgagnerenmeretenantici.Ilseretourneetmeregarde,l’airagacé.‒Tun’imaginestoutdemêmepasquejevaisgoberça?dit-ild’untonbrusque.Trèssurprise,jeluirendssonregard.Hiersoir,ilavaitparulecroire.Jerevoissonvisagequandjele
luiaidit,uneexpressionhagarde,presquehorrifiée,cequim’avaitconfirméqu’ilfaisaitçapourl’argentqu’ilpensaitsoutireràmonpère.‒Mais c’est vrai ! dis-je avec véhémence. C’est pour cela que je dormais chez Jimmy plutôt qu’à
l’hôtel.Jen’aiplusd’argent.Ilplisselesyeux.‒ Mais bien sûr : ton milliardaire de père te laisse sans un sou après t’avoir traitée comme une
princessependanttoutescesannées.Désolé,çaneprendpasavecmoi.J’aivutoutescesphotosdetoietdetessœursquiparcouriezlemondeenjet-setteusesànerienfaired’autrequevousamuser.Vousn’avezjamaistravailléunseuljourdevotrevie,hein?Parcequepapaestlàpourmettrelamainauportefeuilleàlamoindredevosenvies.Ondiraitqu’ilvacracherparterrededégoût.‒ Je suis désolée que tu désapprouves. Franchement, je respecte ton point de vue,mais je n’ai pas
demandéànaîtredansunefamilleriche.‒Biensûr.Maisaprès,tuaseulechoixdefairecequetuvoulaisdetavie.Toutlemondeacechoix.
Ettuesadulte.‒D’accord,tuasraison.Peut-êtrequej’auraispupassermontempsdemanièreplusutile.Ilvafalloir
quejelefasse,maintenantquejenepeuxplusmereposersurl’argentdepapa.Mais…Jeposematassedecaféetmepencheenavantpourmieuxleconvaincre.‒Maisçanefaitaucunedifférence,parceque,detoutefaçon,iln’auraitpaspayélarançon.Ilnel’a
pasfaitladernièrefoisetilneleferapasnonpluscettefois.‒Oh!jepensequesi.Jackseretournefaceàlamer.D’untondétaché,ildit:‒Detoutefaçon,çan’apasd’importance.Cen’estpasunequestiond’argent.‒Alors,c’estunequestiondequoi?fais-je,déconcertée.Ilsetourneversmoi.Sesyeuxbrunfoncéétincellenttoutd’uncoup,etilneprononcequedeuxmots,de
savoixrocailleuse,deuxmotsquimeglacent:‒Devengeance.
Deuxièmepartie
10
Floraseréveilleensursautdanslanuit.Quelquechosel’atiréedesonsommeil.Ellealesyeuxgrandsouverts, elle respire vite, sa poitrine se soulève comme si elle sortait d’un cauchemar.Mais elle estcertainequecequil’aréveilléeprovientdequelquepart,endehorsdesaconscience.Ya-t-ilquelqu’undansl’appartement?Ellesetourneunpeupours’assurerqu’Andreiestbienàses
côtés,maisellesentlachaleurquiirradiedesoncorps.Ilnesemblejamaiscraindrelefroid,peut-êtreparcequ’aucoursdesgénérations,lesRussescommeluisesontaccoutumésauxgrandsfroidsdeshiversslaves. Le sentir proche la réconforte aussitôt. Depuis qu’ils sont arrivés à Londres, elle s’est sentiecommeunepersonnedéplacée:elleal’habitudedeParis,oùelleaunappartementdansleMarais.Ici,elleestsurleterritoired’Andrei.Lasensationquil’aréveilléerevient:unpicotementdésagréablesurlapeau,unmauvaisgoûtdansla
bouche.Qu’est-cequec’est?J’aipeur,maisjenesaispaspourquoi.Ellesait,demanièrerationnelle,qu’ellen’arienàcraindre.Ilssontdansunimmeubleferméaupublic,
auquelnulnepeutaccédersansuneclésécurisée.L’entréeestgardéejouretnuit.Enplus,legardeducorpspersonneld’Andreidortdanslapetitechambreàl’arrièredel’appartement.Ilestentraînépourseleveraumoindrecouinementdesouris;or,elleabeautendrel’oreille,toutestsilencieux.Ilestdifficiled’imaginerqu’ilssetrouventenpleincœurdeLondres,entourésparl’agitationetletraficdelacapitale,mêmeenpleinenuit.Puis,ellecomprendetc’estcommeuneondefroide.Summer.C’estSummer.Quiadesproblèmes.Ellepasseen revuecequ’ellesaitdesdéplacementsdeSummer.Sa jumelleestàLosAngelesavec
Jimmy. À part les retombées de la rupture voulue par leur père, tout va bien. Mais une bouffée deculpabilité l’envahit : elle sait qu’elle n’a pas été présente pour Summer ces derniers temps, tropabsorbéequ’elleétaitparsafollehistoireavecAndrei.Lespremiersjoursontétélesplusmystérieux,lesplusexcitantset lesplusérotiquesqu’elleait jamaisconnus.Etencoremaintenant, leurrelationestencore jeune, à peine vieille de quelques mois. Ils ont toujours faim l’un de l’autre et détestent êtreséparésplusdedeuxheures.Maiscelal’arendueégoïste,incapabledepenseràautrechosequ’àlajoied’êtreavecAndrei,auplaisirinfinidesapeaucontrelasienne,àlajouissancedelesentirbougerenellequilaconduitàdessommetsdeplaisir.J’ailaisséSummerseuletroplongtemps.Uneimageluivientàl’esprit:Summeràl’aéroport,pâle,fragile,l’airtroppetiteettropfrêle.Non,pastroppetite.Tropseule.Flora aurait voulu être à ses côtés,mais elle était aussi presséede retrouverAndrei, le goût de ses
baisersetlebonheurd’êtrecontrelui.Etpuis,ilyavaiteulaquestionmineure,maisquandmême,decequisepassaitdanslavieprofessionnelled’Andrei,etaussicertaineschosesconcernantFreya.Summeravaitfaitlesfraisdetoutcela:elleavaitété,enquelquesorte,rejetéeàlapériphérie.Flora regarde samontre, dont les aiguilles lumineuses brillent dans le noir.Un calcul rapide : c’est
l’après-midiàL.A.Summerdoitêtreentraindefairelesboutiquesoudeprendreunthéquelquepart.
C’estunebonneheurepourl’appeler.Floraseglissehorsdulitetsortdelachambreàpasdeloup.ElleentredanslegrandsalonlambrisséquedomineunimmenseportraitdeNapoléon.L’appartementesttrèsbeau, vieux de quelque deux cents ans, mais elle adorerait le redécorer. Il est si masculin, avec sesfresquesnéoclassiquesetses tableauxà lagloiredesgrandsfaitsdeguerre. Il luimanquedes touchesféminines qui adouciraient sa tonalitémachiste.Elle a entréSummer sur sonportable ennumérotationrapide,etlaconnexionsefaitvite.Elleattend,espérantentendreunbrefsilence,puislavoixbien-aimée.Maisellen’obtientpasderéponse.Auboutd’unebonnedizainedesonneries,letéléphonebasculesurlaboîte vocale, et Flora entend lemessage qu’elle ne connaît que trop,mais qui lui fait un effet un peuglaçant : « Bonjour, c’est Summer. Je ne peux vous répondre pour le moment, mais laissez-moi unmessageetjevousrappellerai.Aurevoir.»‒Summer?C’estmoi.Rappelle-moi,petitesœur.Jenedorspas.Elleraccrocheetresteassisedanslademi-pénombredusalon,unsentimentdepaniqueluiserrantle
cœur.Surlacôteouestdel’Écosse,Freyadortdanslesbrasdesonamant.Ilsdormenttoujoursainsi,enlacés
commelesdeuxpartiesd’untout.Aucoursdelanuit,ilschangentdeposition,chacunprenantàsontourlatêtedel’autresursapoitrine,oupoursecollerdosàdosouseserrerl’uncontrel’autre,enrestanttoujoursentrelacés,réconfortésparlaproximitédel’autre.Sontéléphone,enluinotifiantl’arrivéed’unSMS,laréveille.EllenereçoitplustellementdeSMS,plusdepuisqu’elles’estenfuieenlaissantsonancienneviederrièreelle.Quandelleyrepense,ellesedemandecommentelleavaitpul’accepteraussilongtemps:cetteinterminableviemondaine,vide,sansbut,sanschaleur.Toutlemondeluidisaitqu’elleavaitdelachance,quesaviedevaitêtreagréableavectoutl’argentdontelledisposait.Etsansnuldoute,dans sondos,on ladénigrait, on insistait sur sonégoïsmeet sonmauvais caractèred’enfantgâtéequiconsidèrequetoutluiestdû.Personnen’avaitjamaisprislapeinedes’asseoir,delaregarderdanslesyeuxetdeluidemanderpourquoielleétaitsipeuheureuse.Cen’estquelorsqueMilesétaitentrédanssaviequ’elles’étaitvuecommeelleétait:unejeunefilletoujoursencolère,toujourstendue,d’unaborddifficile,quisentaitqu’ellen’avaitpasledroitd’êtretriste,nimêmedeparlerdecequ’elleéprouvait.MaisMilesétaitarrivé.Ilétaitsongardeducorps,et,audébut,ellel’avaittrouvéinsupportablesans
trop savoir pourquoi.Unbeau jour, la voiture qu’il conduisait avait fait undérapage sur une route demontagneverglacéeetl’avaitainsifaitbasculerd’uneviedansuneautre.Lorsqu’elleyrepense,elleseditquec’estunpeucommesielleavaitététuéedansl’accidentetramenéeàlavieparMiles,sousuneautrepersonnalité.Celan’avaitpasétéimmédiat.IlluiavaitfalludutempspoursedéfairedelaFreyad’avant, qui donnait des ordres et exigeait qu’on lui obéisse. Il lui avait fallu recevoir les leçons deMiles,qui luiavaitmontréqu’enéchangedeceàquoiellerenonçait,ellegagneraitunbonheurauquelellen’avaitmêmejamaisrêvé.Ilavaitprissontempspourfairesonéducationenluienseignantàvoirlajoiedanslaseulebeautéd’êtreenvie.Il luiavaitfaitcomprendrequ’elleétaitunêtrehumaindotédesentiments, capable de ressentir des sommets de plaisir qu’elle n’avait jusque-là fait qu’imaginer,capabled’accueilliruncorpsdanslesienetdepartageravecluiunefaimdévoranteetréciproque.SadépendanceauplaisirqueMilesluidonnaitetàl’amourqu’elleluivouaitl’avaitéloignéedetoutce
qu’elleavaitconnuet l’avaitconduite jusqu’àcetendroit :uncottage,avecd’épaismursdepierre,aumilieud’unecampagnesauvagepriseentrelacs,forêtsetmontagnes.C’étaiticiqueMilesvoulaitcréerl’entreprisedesesrêves:uncentredeformationpourapprendreauxgensàcomprendrelanatureetàsurvivredansunenvironnementnaturel.Lui-mêmeancienmembred’uncommandoSAS,ilavaitapprisàmaîtrisersonenvironnementetàrepousserleslimitesdesoncorps.C’estgrâceàsescompétencesqu’ils
avaientsurvécu,Freyaetlui,lorsqu’ilsavaientchutélelongd’uneparoirocheuseenpleinetempêtedeneige.Freyaclignedespaupièresetattrapesontéléphone.LemessagevientdeFlora:As-tudesnouvellesdeSummer?Jem’inquiètepourelle.Ellenerépondpasàmesappels.Freyafixelemessagependantunmoment,puispousseunpetitsoupir.Floraestunetragédienne;cela
saute auxyeux.Lorsqu’elle avait annoncé sa décisionde suivre une formation en art dramatique, celaavaitparuuneévidence.Savien’estquethéâtre,seditFreya,quioubliequ’elleaconnuelle-mêmesapartd’aventures.Maisjustement,Floradramatise,iln’yanulleraisondesefairedusouci.SummerestàL. A. et en sécurité avec Jimmy. Freya est d’avis que Flora et Summer en font trop à propos de latélépathiequeleurgémellitéestcenséeleurdonner.Biensûr,ellessontproches,maisjamaisellen’aeude preuves de leur capacité à communiquer ainsi. Elle envisage de ne pas répondre auSMS avant lelendemainmatin,mais,sachantqueFloraestcertainemententraindesefaireunsangd’encre,elletaperapidementuneréponse:Jesuissûrequ’ellevabien.Pourquoin’appelles-tupasJimmypourenavoirlecœurnet?Ellereposesonportablesurlatabledenuitetserallongedanslelit,maisellen’aplussommeil.Elle
penseà ladistancequi s’est établieentreelleet sa sœurdepuisqu’elleadécouvertqueFreyavoyaitAndreiDubrowski.Bien sûr, elle avait entendu parler deDubrowski,mais elle savait, sans plus, quec’étaitunmagnatfantastiquementrichetrèsactifdanslemilieucaritatif.Cependant,lorsqu’elleenavaitparléàMiles,ill’avaitrenseignéesurl’hommed’affairesrusseettoussestrafics:‒C’estuntruand,avaitditMiles,l’airgrave,etunvraisalaud.Ilnesupportepasqu’onsemettesur
soncheminetilnepardonnejamaislemoindreaffront.Mêmedesannéesplustard,ilferatoutcequiestensonpouvoirpourdétruirequiconqueluiacausédutort.‒C’estvrai?Freyalefixait,stupéfaite.‒Jecroyaisqu’ilseconsacraitàl’aideauxorphelinsrusses.‒Oh!iladûfaireçaquelquesfois,unpeud’actioncaritativedetempsentemps,maisc’estunêtre
sansscrupulesmûparledésirdevengeance.‒OhmonDieu!s’étaitexclaméeFreya,prisedefrayeur.IlfautquejelediseàFlora.Elledoittout
ignorerdelui.‒Tupeuxessayer,avaitréponduMilessansconviction,maisjedoutequ’ellet’écoute.Elledoitêtre
follementéprisedelui.‒Tantpis,jedoistenterlecoup.Jenepeuxpaslaissermasœurdanslesbrasd’untelhommesansrien
dire!Ellem’atoujoursécoutéedanslepassé.Jesuissûrequ’ellem’écouteraànouveau.‒Bonnechance!avaitréponduMilesavecunhaussementd’épaules.Maisprépare-toiàl’idéequ’elle
puissecomplètementt’ignorer.Tusaiscommentsontlesgensquandilssontfousamoureux.Illuiavaitdéposéunbaisersurlefront.‒Jenecroispasquetuaiesprêtébeaucoupd’attentionàceuxquitedisaientdet’éloignerdemoi.‒C’estvrai.Etelleavaitsourimalgréelleens’appuyantcontrelepullenlainemoelleusedeMiles.Ilssetrouvaient
alorsdanssonendroitpréféré:lovésl’uncontrel’autredevantl’énormecheminée,àregarderbrûlerlesbûches.Commentsais-tutoutçadeDubrowski?‒Dominicm’enaparlé.Freyaavaitlevélatête:
‒Dominic?LeDominicdeBeth?‒Oui.IlatravaillépourDubrowskietilconnaîtsesméthodes.Àunmoment,ilacruqueDubrowski
étaitfiniquandiladécouvertqu’ilutilisaitsesachatsd’œuvresd’artpourblanchirl’argentqu’ilfaisaitentrafiquantavecdesorganisationscriminelles.MaisAndreiaréussiàsetirerd’affaireetilestrevenupluspuissantquejamais.‒OhmonDieu!Freyas’étaitredressée,prisedepanique.‒IlfautvraimentquejeparleàFlora!JevaisluienvoyeruntextoàParis.‒Ilfauts’attendreàcequeDubrowskienaitentenduparler,situfaisça.‒Bon,alors,jevaisyallerenpersonne.EtjedemanderaiàBethdelamettreengarde.ElleestàParis
encemoment.Jesuissûrequ’elleleferasijeleluidemande.‒BethestcertainementaucourantdetoutcequiconcerneDubrowski.‒Tucrois?‒Oui.C’estàcausedeBethqu’Andreis’enestprisàDominic.Il lavoulaitpour lui toutseul,mais
BethestrestéefidèleàDominic,etAndrein’ajamaispardonnéçaàDominic.‒C’est horrible, avait ditFreya en saisissant le bras deMiles.Qu’est-cequema sœur fait avecun
hommepareil?Unhommequineréussitpasàdépasserlefaitqu’unefemmenesoitpastombéeàsespiedsetaitdécidéd’épouserquelqu’und’autre.Ilfautquejemetteuntermeàtoutça.Milesavaitfroncélessourcils,puisavaitattiréFreyacontrelui.‒Jeneveuxpasque tu temêlesdeça.C’estdéjàassezgravecommeçaqueFloraaitcettehistoire
avecDubrowski,tunepeuxrienyfaire.‒Jepeuxlamettreengarde,avaitrépliquéFreyaavecobstination.Jepeuxluidirequelgenred’homme
ilest.EtdemanderàBethdefairedemême.‒Tupeuxessayer,maisjesuisconvaincuqu’ellen’écouterapas.Etpeut-êtrequeceseraitpirepour
ellesiellevousécoutait.Aumoins,Andreiestamoureuxd’ellepourl’instantetilnel’entraînerapassurlamauvaisepente.Extrêmementinquiète,Freyas’étaitmordulalèvre,puisavaitdit:‒Jenepeuxpasresterlesbrascroisés.JevaisdemanderàBethd’allerlavoirsansplusattendre.Je
vaisprétexterquej’aibesoind’aide,commeça,Dubrowskin’yverrariens’illitlemessage.Nousallonstrouverunmoyendelasortirdelà.‒Jenesuispassûrqu’impliquerBethsoitunebonneidée.‒Jenepeuxpasignorerlasituation.Jevaisenvoyerune-mailàBeth.Ellesauracomments’yprendre;
ellesauramediresiFloraabesoindemoi.Elle s’était levée, résolue à envoyer immédiatement le message. Mais les choses ne s’étaient pas
passéescommeellel’avaitespéré.LesprévisionsdeMiless’étaientavérées:Floraavaittrèsmalréagiauxmisesengarde.BethavaitappeléFreyajusteaprèsleurrencontre:‒Celanes’estpasbienpassé,avait-elleditdesavoixdouce,suruntonnavré.Cequej’avaisàlui
direneluiapasplu.Freyasetenaitprèsdelafenêtreducottagequisurplombaitlemajestueuxpaysageécossais:lesforêts
depinsetlesmontagnesparmeetblanches.Lasaisonétaitentraindechanger,etlescouleursprenaientdestonsplussombres;levertdesarbress’obscurcissaitetlabruyèrequicouvraitlescollinesviraitaumauvesombre.Elleserraitletéléphonecontresonoreille:‒Maisest-cequetuluiasracontétoutel’histoire?LafaçondontAndreiétaitprêtàtoutpourt’avoir?
Etcommentilt’avaitmenacéesiturefusaisdecoopérer?‒Biensûrquejeleluiaidit.Maisjevoyaisquecelan’avaitaucuneffet.Aucontraire,çalarendait
méfianteàmonégard.Bethavaitsoupiré.‒Etcequin’étaitpasfacile,c’estquej’avaismoiaussibesoindeluidemanderdel’aide.‒Ahbon?Commentça?‒Andrei a découvert qu’un des principaux investisseurs deDominic est aussi un de ses partenaires
financiers dans une entreprise chinoise de matières premières. Il est prêt à faire pression sur sonpartenairepourqu’ilretiretoussesinvestissementsdel’affairedeDominic,quiducoups’effondrerait.J’aidemandéàFlorasiellepouvaitfairequelquechosepourl’endissuader.‒Et?Ilyavaiteuunsilence,puisBethavaitditposément:‒ Elle m’a demandé pourquoi diable elle irait m’aider après toutes les accusations que j’avais
proférées contre Andrei. Elle m’a dit que, peut-être, j’étais jalouse et que je voulais, par ce biais,continueràsusciterlapassiond’Andrei.Freyaavaitpousséuneexclamation:‒ÇaneressembletellementpasàFlora!‒Jesais.Elleesttroublée:elleestamoureused’Andrei,maisellesaitcequenouspensonstousdelui.
Elleledéfend,mais,d’aprèsmoi,des’êtremisedanscettesituationluifaitunpeupeur.‒JevaisalleràParis,avaitdéclaréFreya.Ilfautquejelavoie.Ellem’écoutera.‒Tupeuxessayer,maisn’enattendspastropderésultats.Freya avait réservé un vol pour Paris et avait quitté l’Écosse l’après-midi même.Mais les choses
n’avaient pas tourné différemment qu’avec Beth, à ceci près que Flora était encore plus en colère etpleinederessentiment.‒Alors,sijecomprendsbien,tuasledroitdechoisirl’hommequetuaimes,maispasmoi!avait-elle
ditd’untontrèséchauffé,deboutprèsdelacheminée,danssonappartementduMarais.Elleétaitmagnifique,lesyeuxenfeu,levisageencadrédesesbouclesauburn.‒VousvousimagineztoutsavoirsurAndrei,maisvousvoustrompez.‒JecroisqueBethensaitbeaucoup,avaitrépliquéFreya.Elleavaitl’habitudedevoirsasœurrespectersesopinionsetécoutercequ’elleavaitàdire.C’était
curieuxdelavoirl’affronter,prêteàsebattre.‒Siquelqu’unconnaîtAndrei,c’estbienBeth.‒Tudoisreconnaîtrequelasituationestcompliquéeetquepersonnen’estvraimentobjectif.Andreia
eudessentimentspourBeth,jelesais.S’iln’enavaitpaseu,nousnenousserionsprobablementjamaisrencontrés.Maiscessentimentsontdisparu.Peut-êtrequeBethadumalàl’accepter.Freyaavaitplissélesyeuxenregardantsasœur:‒Noussavonstoietmoiquecen’estpaslecas.‒Peut-être.MaisjelatrouvegonfléedemedemanderenmêmetempsdelaissertomberAndreietde
medemanderd’userdemoninfluenceauprèsdelui!‒Bethnousamontrésonamitié,àtouteslesdeux,avaitditFreya.Pourquoirefuserais-tudelesaider,
Dominicetelle,sic’estentonpouvoir?DestachesrosesétaientapparuessurlesjouesdeFlora.‒Jeveuxjustequ’onnouslaissetranquilles.Nousvoulonsêtreheureux,unpoint,c’esttout!Pourquoi
est-cequejemeretrouveembarquéedanscegenredesituationsdifficiles?‒ C’est la vie, avait répliqué Freya.Rien n’est simple. Tu fais partie dumonde. Tu ne peux pas te
couperdetoutetdetoutlemonde.Floras’étaittournéeetavaitregardésasœurenfaceenposantlesmainssurseshanches:‒Maisalors,ettoi?Quefais-tu?TudisparaisavecMilesettunouslaissessansnouvelles!C’està
cause de toi que papa est tellement en colère après nous trois et qu’Estelle gagne de plus en plusd’emprisesurlui.Tuasconsciencedeça?TafuiteenÉcosseouDieusaitdansqueltroupaumé,c’estçaquinousacausétousnosproblèmes!Alors,excuse-moisijenefaispasexactementcequevousvoulezetquejeterminedanslesbrasduseulhommequim’aitjamaisvraimentaimée.Excuse-moisijenemetspasenpérilcequej’aipourBethetDominic.Excuse-moisijen’obéisplusaudoigtetàl’œilauxordresd’autrui.Parcequecestemps-làsontrévolus.‒Jevois.Freyal’avaittoiséeensecouantsafrangebrunepourdégagersesyeux.‒Trèsbien,j’essaiejustedet’aider,Flora.Jelefaispourtoi,paspourmoi.Maissitupensesvraiment
quetupeuxapprivoiserDubrowski,bonnechance.Elle avait quitté l’appartement d’un pas vif et avait attrapé le premier vol pour l’Écosse. Elles ne
s’étaientpasreparléjusqu’àcequ’ellessoienttoutestroisconvoquéesdanslamaisondesAlpes,oùleurpèreleuravaitannoncélanouvellequiavaitfaitl’effetd’unebombe:ils’apprêtaitàlesdéshériteretilleslaissaitsansunsou.L’hostilitésous-jacenteentreellesdeuxavaitétédifficileàdissimuler,maisellesavaientfaitdeleurmieux.EtFreyas’étaitpriseàespérerqueleursdifficultéspartagéespourraientlesrapprocher.CeSMSàproposdeSummerétait lepremier signequ’elle recevaitde sa sœurdepuis laréunionfamilialeenSuisse.Freyasetournedanslelitetessaiedeserendormir.Summervabien.Elleestbientropraisonnablepoursefourrerdansdesennuis.Jimmyconsultesontéléphonepourlatroisièmefoisenmoinsdecinqminutes:toujoursrien.‒Jesuisinquiet,dit-ilàCharlie.Pourquoin’a-t-ellepasappelépourdireoùelleest?Charlielèvelesyeuxdumagazinequ’ilestentraindelireetsourit:‒Elledoitavoirmieuxàfairequedepenserànous!Ilafficheunetotaleinsouciance,malgrél’airmanifestementperturbédeJimmy.‒ÇaneressemblepasàSummer.Etenplus,jenepensepasqu’ellepasseraittoutelanuitdehors,pas
sansmeledire,entoutcas.Charlietourneunepageetdit,sansleverlesyeux:‒Moncœur,elleestgrande.Ellen’estpastenuedepointer!Etpuis,jepensequ’elleestencemoment
mêmeentraindeseroulerdansunlitavecJack,laveinarde!‒Çaneluiressemblepas!Jimmyfixesontéléphoneetdit,d’untonsoudainrésolu:‒Jevaisluienvoyeruntexto.Parcequ’ilfautquejesacheetquej’arrêtedemefairedumouron.‒Super!Maisçam’étonneraitqu’elleaitl’oreillecolléeàsontéléphone!ajouteCharlie,hilare.On
devraitseréjouirpourelle:c’estexactementcedontelleabesoin.‒Mouais…MaisJimmyn’écoutepas,iltapeunmessage.Salut!Tuaspasséunebonnesoirée?Tun’espasrentréedelanuit,alors,j’imaginequeoui!Turentres
quand?Soulagé d’avoir fait quelque chose, il s’appuie sur le dossier pour attendre une réponse. Presque
immédiatement,sontéléphonesonne.Illesaisittrèsvite.Cen’estpasSummer,c’estFlora.
11
Cela fait des heures que je suis seule dans cette chambre, soit assise sur le lit, soit couchée àcontemplerleplafondetàmedemandercommentmavieabienpuserétrécirainsi,jusqu’àcetespaceexigucontenuentrecesquatremurs.Jackadûlirel’expressiond’horreurquis’estpeintesurmonvisagequandilm’aditqu’ilfaisaitçapar
vengeance : ilm’a aussitôt ramenéedansmaminuscule chambre, comme s’il ne supportait pas demevoir.Depuis,ilafrappéàmaporteetm’aproposéàmanger,maisj’airefuséderépondre,et,finalement,ilarenoncéets’estéloigné.J’aipassétoutelajournéeici,etjem’ysuisendormieenpleurant.Jesuismaintenant réveillée, mais j’ai ouvert les yeux pour découvrir que j’étais toujours dans ce mêmecauchemar.Monestomacesttellementvideetproduitdetelsgargouillisquejecomprendsquej’aifaim,maisjen’ainulappétit.J’aipeuretcelasuffit,semble-t-il,àétouffermacapacitéàressentirlafaim.Pourquoisuis-jelà?J’aitoujourspenséquec’étaitl’argentdemonpèrequiétaitlefacteurderisquedansmavie.C’étaitla
motivationquipoussaitlesgensàvouloirnousfairedutort.Laraisonpourlaquellenousvivionsdansdesforteressesgardées,surveilléespardescamérasetdesécransdesécuritéconstammentenéveil,dansdesmaisonséquipéesdepiècesdesécuritéetdeclôturesélectrifiées.Tantquel’argentétaitlemobile,ily avait unmoyende sepayer la sécurité : une rançonpouvait toujours êtrepayée.Même simonpèrerefusaitdepayer,ilenavaitlesmoyens.MaisJacknecherchepasl’argent…Samotivationesttoutautre.Dequoiveut-ilsevenger?Qu’est-
cequejeluiaifait?Je resteallongée, à regarder sans levoir leplafondpeint enblanc. Je suispresquepétrifiéepar les
émotionsquis’agitentfollementenmoi,enmedemandantcequejepeuxbienfairemaintenantetcequeJackcomptefairedemoi.Jenesaisriendeluiet,pourtant,jen’arrivepasàcroirequ’ilaitl’intentiondemefairedumal.Jerepenseàlafaçondontilm’aparlédesafamille,desasœur,desamère.Jerevoislesexpressionsdesonvisage : laconfusion, lasollicitude, lebonheur, lerire.Soitc’est leplusgrandacteurque lemondeait jamaisconnu,soit ilaparmomentsétésincèreavecmoi,et ilaalorsété lui-même.Jesuissûrequej’aivulevraiJack,etc’estpourcelaquejenecomprendspasqu’ilpuisseêtrecapabled’unacteaussiviolentqu’unenlèvement.Maiss’ilestcapabledefaireça,qu’est-cequipeutl’arrêterdecommettrepire?Lejourcommenceàbaisserlorsqu’unnouveaucoupestfrappéàlaporte.‒Summer?Allez,tudoisavoirfaim.Tuveuxmangerquelquechose?Savoixmeparvientunpeuétoufféeàtraverslaporte,maisj’ydécèleuntonunpeuimplorant.Jesens
qu’ils’inquiètepourmoi.Excellent!Ilfautqu’ilsoitinquiet.Jenerépondspasetcontinueàfixerleplafond.JemedemandecequefaitJimmy:sansnouvellesde
moidepuisdeuxjoursetunenuit,ildoitsefairedusouci.Ilvatenterdefairequelquechose,j’ensuissûre.
Jackfrappeànouveau:‒Summer?Çavalà-dedans?Jet’enprie,disquelquechose.Non!Tuasbeaupouvoircontrôleroùjesuis, tunepeuxpascontrôlercequejepenseoudis. Je
gardelesilence.Ilattendencoreunpeu,puisdit:‒Jevaisouvrirlaporte,O.K.?Ilfautquejem’assurequetuvasbien.Faiscequetuveux.Tuverrasquejem’enmoque.Quelquesinstantsplustard,j’entendslaclétournerdanslaserrure,etlaportes’ouvre.Ilestlà,jene
regardepas,maisjesenssaprésencedansl’embrasure.Iln’entrepas,commes’ilhésitaitàenvahirmonterritoire.C’estétonnantcommeunlieupeutchangerdepropriétaire:quandj’ysuisentrée,cettepièceétaitlasienne,maismaintenantquejel’habitedepuispresquedeuxjours,elleestdevenuemonespace.MêmeJackperçoitcela,etc’estpourcetteraisonqu’ils’abstientd’yfaireirruption.‒Toutvabien?Ilfranchitleseuild’unpasetjesensqu’ilmeregarde.‒Tuessicalme.Jerefusede leregarder.Àquois’attend-il?Quejesoisentraindechantonner?Demeraconterde
jolieshistoires?Necomprend-ilpasque,lorsqu’onfaitdumalàunepersonne,celalatransformeainsiquelarelationqu’elleentretientavecvous?Onnepeutpasêtrecequ’onaété.‒Tuveuxmangerquelquechose?Monsilenceesttellementintensequ’ilestpresqueaudible.Monobstinationànepasleregarderetàne
pasluirépondresemblevibrerdansl’air.‒Jet’enprie,Summer…Ilfaitunnouveaupasversmoietmeditsurletondel’imploration:‒Jeneveuxpastefairedemal.Ilfautquetucomprennesça.Nefaispasça.Nedemandepasmapitié.Jesuiscellequisouffreici,pastoi.Il se laisse tomber dans le petit fauteuil en rotin près de la penderie. Je l’entends craquer sous son
poids.Ilestdécoratifplusqu’autrechose.Iln’estpasfaitpourqu’ons’yassoie.Ilrestesilencieuxluiaussi et, au bout d’unmoment, je glisse un regard dans sa direction pour voir ce qu’il fait : il nemeregardeplus.Ilestpenchéenavantetsetientlatêtedanslesmains.Jeleregarde,étonnéedelevoirsiabattu.Puis,enfin,ilsemetàparlerd’unevoixrauqueetcassée:‒Ehmerde!Jenesuispasfaitpourça,marmonne-t-il,commes’ilparlaitausol.Jecroyaisquece
seraitfacile,maiscen’estpasaussisimple.Illèvelesyeuxversmoi,uneexpressiontorturée,presquesuppliantedansleregard.‒Tumeprendspourunsaletype,hein?Ehbien,cen’estpaslecas.Maisjemecroyaiscapablede
faire ça jusqu’au bout ; je me croyais assez costaud pour ne pas être affecté. Je me disais qu’il mesuffiraitdepenserauxraisonsquimepoussaientàlefaireetqueçamedonneraitassezdeforces.Etpuis,pourêtrehonnête, jepensaisque tuseraisunevraiegarce.Çam’aurait facilité la tâche,pasvrai?Legenredepetitepersonnemesquineetarrogante,quisecroitsortiedelacuissedeJupiter,quelqu’unquiabesoind’unebonneleçon.Maistun’espasdutoutcommeça.Jeleregardeintensémentenespérantquemonregardsoitéloquent.‒Jesuisentraindepenserqu’unegossederiche,aussigâtée-pourriesoit-elle,neméritepasqu’onlui
ficheunetellefrousse,quandbienmêmeelleseraitexcessivementirritante.Jackse remetà fixer le sol,commes’ilne supportaitpasdevoir l’expressiondansmesyeux. Jene
peuxm’empêcher d’admirer sa plastique : lesmuscles fermes sous le tee-shirt, les épaules larges, letorse puissant. Ses cheveux bruns luisent sous la lumière de fin d’après-midi qui tombe par la petitefenêtre,etsapeaual’airdouceetchaude.Ilseremetàparler:‒Maisjel’aifait.C’esttroptard,ilfallaitquejelefasse.Etjedoisallerjusqu’aubout.Jenepeuxmeretenir:‒Maispourquoi?dis-jed’unevoixchargéededésespoir.Pourquoi?Jecroyaisquenousétionsamis.
Jepensaisquenousdevenionsplusquedesamis.Ilfaitunegrimace,puisdit:‒Je…Çan’étaitpascenséseproduire.Jeveuxdire,c’estcommeçaquejedevaismerapprocherde
toi:fairesemblantdeterencarderettoutlereste.Maisjem’étaisimaginéquej’allaisdevoirmefoutredes coups de pied au cul pour supporter ta présence. Jeme disais que j’y arriverais,même si çamecoûtait. Je n’étais pas censé y prendre du plaisir,mais voilà, çam’a plu d’être avec toi. Je n’auraisjamaiscrupossiblequejepuisset’apprécier.Àcesmots,jesensmabouchedevenirsèche.‒Maispourquoimedétestes-tutant?Qu’est-cequejet’aifait?dis-jedansunmurmure.‒Cen’estpastoi.Ilseredresseetmeregardebienenface.‒C’esttatribu,lesgensdetonentourage.‒Mafamille?Pourquoi?Jesensmonvisagesecontractersousl’effortquejefaispourcomprendre:enquoimonpèrea-t-ilpu
blesserJack?‒C’estàcausedesaffaires?‒Non,non,rienàvoir.‒Alors,quoi?Jenecomprendspas.‒Tafamilleafaitdumalàlamienne.Onétaitpetitsàl’époque,toicommemoi.Aucundenousdeux
n’est à blâmer. En plus, ce n’est pas uniquement la faute de ta famille.Mais, depuis, on n’a fait quesouffrir,chaque jour.Nousavons tellementperdu.Jenepeuxpas l’oublier.Mesgrands-parents…,euxaussi,ilsontsouffert.Monfrèreégalement,etcombien!Unjour,ilm’aditqueceseraitmondestinderedresserlabalanceetdefaireensortequetafamillepaiesondû.C’estcequejeveux.Jesuisàmi-cheminetjedoiscontinuer.Sesyeuxretrouventcetteexpressiontorturée.‒Jenepeuxpasleslaissertomber.‒Maiscommenttafamillepeut-elleattendreçadetoi?Jemepoussesuruncoudepourpouvoirvraimentleregarder,puisjem’assoisenglissantmesjambes
sousmoi.‒C’est un acte criminel, Jack !Tu peux aller en prison pour ça ; ta vie peut être gâchée.Comment
peuvent-ilsvouloirça?‒ Ils veulent la justice ! dit-il d’une voix soudain plus dure. Et moi aussi. Nous voulons être
dédommagéspourcequenousavonssubi.Tafamilleadufricànesavoirqu’enfaireetnousn’avonsrien.Cen’estpasjuste,Summer.Ilfautquejecorrigecetteinjustice,etsileprixàpayerestdesacrifiermonavenir,j’ysuisprêt.Nousvoilàderetouràl’argent.‒ Il faut que tu m’expliques, dis-je. Je veux bien tenter de t’aider si je le peux. Si ma famille est
vraiment responsablede la souffranceetde ladétresse infligéesà la tienne, je souhaite réparer.Maispourcela,ilfautquetumedisescequenoussommescensésavoirfait.Veux-tubienmeledire?‒Oui.Il fermelesyeuxetsembleréfléchirpendantunmoment.Lorsqu’il lesrouvre, levelourssombredes
irissembledebraise.‒Vousaveztuémonpère.Vousavezcondamnémafamilleàvivresanslui,etdanslapauvreté.Vous
avezcondamnémesgrands-parentsàunevieillesseatroce,faitedechagrinsansfin.C’estvotrefautesimonfrèreapourritoutesavieenprison.Voilàcequetafamilleafaitàlamienne.Ilselève,sonvisageesttorduparl’émotionqui,visiblement,lesubmerge.‒C’estpourçaquetueslà.IlmefautunechoseàlaquellelesHammondtiennentvraimentpourqu’ils
m’écoutentetpourqu’ilscomprennentcequ’onressentlorsqu’onvousprendunepersonneàlaquelleonestattaché.Ilmeregarde:‒Cettepersonne,c’esttoi.Jesuisatterrée.‒Commentavons-nousfaitceschosesterribles?‒Onnet’ajamaisriendit?‒Non,riendutout.Ilémetunpetitrireamer.‒J’imaginequepersonnen’aplusjamaisrepenséànous.Seslèvressedurcissent.‒Maisilsvontyrepenser,jetelepromets.Ilserassoitetmeregarde.‒Jenepensaispasagiraussivite,maisjenecroispasquejepuisserepousser.Ilsdevaientenbaver
pendanttrèslongtemps,maiscen’estpaspossible.Ilsortquelquechosedesapoche,etjem’aperçoisquec’estmontéléphoneportable.Ildit:‒Bientôt,jevaisenvoyerunmessage.‒Àqui?‒Àtafamille.‒Quediralemessage?Alorsquejefixeletéléphone,jesensunsouffled’énergiemebalayer:c’estmachance!Sijebouge
assez vite, je peux certainementm’en emparer. Et alors, je courrai jusqu’à la petite salle de bain, jeverrouillerai la porte et, de là, je pourrai appeler la police,me géolocaliser à partir d’une appli, lesavertirdecequisepasse…Jackselèveetvients’asseoirsurlelitàcôtédemoi.‒Donne-moitoncode.‒Dis-moicequ’ilyauradanslemessage,dis-jeentournantlatêtepourleregarder.Saproximitémeperturbe:jesensdedélicieuxeffluvesd’eaudeColognequiémanentdesapeautiède,
jevoislescourtspoilsbrunsquidessinentuneombresursajoueetleduvetsursanuque.‒Jedoisd’abordtedemanderquelquechose,dit-ilenmejetantunregardperçant.Est-cequetucrois
cequejet’airaconté,surtafamillequiafaitdumalàlamienne?Jeleregardeàmontour.Jenepeuxpasmettresasincéritéendoute:ilpenseentoutebonnefoiqu’ila
uneraisonvalablededétesterlesHammond.Maisjen’aijamaisentenduparlerdeschosesdontilm’a
parlé et je ne peuxm’imaginermonpère faisant activement ce que Jackm’a décrit.Cela ne peut êtrequ’unesortedemalentendu,forcément.Puisjepenseàmonpère,impitoyableetcruelenaffaires,animépar la ragede réussir. Je saisqu’il adore écraser la concurrenceet fouler les autresdupiedquand ilavance vers la victoire. Mais de là à tuer quelqu’un ? À faire emprisonner des innocents ? Est-cepossible?S’iln’enestpascapable,desgensquitravaillentpourluilesont.Pierre,parexemple,cethomme
horriblequiestsonchefdelasécurité…Jelevoisbiensedébarrasserdesgêneurssansaucunétatd’âme.Jelevoisbiendonnercegenred’ordre.Prêtàtoutpourresterdanslespetitspapiersdepapa.‒Oui,jepensequejetecrois,dis-jelentement.‒Alors,vas-tum’aider?S’ilteplaît,ditJack,commes’ilretenaitsonsouffle.Jebaisselesyeuxversleportabledansmamain.Curieuxquecepetitrectanglesoitcapabledetantde
choses,sijedécidedel’utiliser.Ilpourraitmelibérer,ilpourraitaiderJack,ilpourraitchangerdesviesenun instant. Ilestaussidépendantdufaitqu’ilsoitchargéoupas.Jen’aipasmonchargeur, j’ignorequellechargeilresteetsiJackaunchargeurcompatible.Jeleregarde.‒Jeveuxnousaidertouslesdeuxàsortirdelàaussivitequepossible,luidis-jefranchement.Maisil
fautquej’ensacheplus,Jack,quejesacheexactementcommentmafamilleenestvenueàfairedumalàlatienne.Depuisledébut.Jackmefixe,puisdit:‒D’accord.Jevaistoutteraconter.
12
L’aviondeFloraapprochedel’aéroportdeLosAngeles.Laduréeduvolaétéhabituelle,maiscelaluiaparuuneéternité.Laconversationd’hieravecJimmyappartientàunlointainpassé.Elleétaitpresquehystériqueenraccrochant.‒Flora,iltefautrestercalme,luiaditAndreienl’observantdesonregardbleuperçant,faceàelleà
latabledupetit-déjeuner.Ilvenaitd’avalerunboldeporridgeetilbuvaitàpetitesgorgéesunmugdecafénoirfumant.Ilétait
habillépouruneréunionprévuedansunedemi-heure.‒Tun’aspasentenducequej’aidit?Floraétaitàcran,extrêmementagitée.Ellearepoussésonproprebol,puisl’arapproché.‒Jimmyditqu’iln’aaucunenouvelledeSummer!ElleavaitreçuleSMSdeFreyadanslanuitet,s’étantallongéepourréfléchir,dansunétatd’esprittrès
tourmenté, à ce qu’il convenait de faire, elle avait plongé dans un sommeil enfiévré, où les rêves etréalitésseconfondaient.ElleétaitavecSummerdansunepetitepièceetellescherchaienttoutesdeuxàen sortir.Mais, alors que Flora avait facilement trouvé et ouvert la porte, et bien qu’elle fît tout sonpossible pour montrer le chemin à Summer, sa sœur ne voyait pas la porte et ne parvenait pas à lafranchir.Floras’étaitréveilléelanauséeauventre;elles’étaitimmédiatementlevéepourallerappelerJimmydepuisletéléphonedelacuisine.Ilavaitréponduàlapremièresonnerie.‒Flora?LavoixdeJimmyétaithésitanteetchargéed’espoir.‒Ellet’aappelée?Elleavaitsuàcetinstantqu’ilyavaitunproblème,etelleavaitsentilapaniques’emparerd’elle.‒TuveuxdireSummer,c’estça?Jen’arrivepasàlajoindre.Ellenerépondpas.Jemedisaisqu’elle
étaitavectoi.‒OhmonDieu!s’étaitécriéJimmy.Jelesavais.Jesavaisquequelquechosen’allaitpas.‒Dis-moicequisepasse,Jimmy,dis-le-moimaintenant!Flora essayait de ne pas laisser transparaître la peur dans sa voix, mais elle était là, aiguë et
tremblotante.‒Summeravaitunrendez-voushiersoir–enfin ilyaplusdevingt-quatreheures–etellen’estpas
rentrée.‒Avecqui?‒UnamideCharlie.Ils’appelleJack.Crois-moi,ilm’aparuO.K.Jenel’auraisjamaislaisséesortir
aveclui,autrement.Jenepeuxpasdirequej’apprécievraimentcetype,mais…‒TuasappeléceJackenquestion?‒Charliel’afait.Pasderéponse.Ontombedirectementsursaboîtevocale.Desimagesdéfilaientdanssatête:unaccident,levéhiculedansunfosséquelquepart,Summercoincée
quiréclamaitdel’aide.
‒Ilfautqu’onlatrouve.‒Oui,jesais,maisjenesaispascommentm’yprendre.LedésarroidanslavoixdeJimmyl’effrayaitencoreplus.Floraétaitsubmergéeparuntorrentd’idéesetnesavaitguèrelaquelleprivilégier.Elleavaitdit:‒DemandeàCharliedeserenseigner:est-cequequelqu’un–safamille,sesamis–aeudesnouvelles
deJack?Etpuis,Jimmy,tuferaismieuxdecommenceràappelerlapoliceetleshôpitauxpourvoirs’ilsontvupasserquelqu’unrépondantausignalementdeSummer.‒Oh!Flora,tunecroispasquenousdramatisons,dis-moi?Charliepensequejeperdslaboule.Ildit
qu’il y a entre Summer et Jack une telle alchimie qu’ils ont perdu la notion du temps. Tu sais, cetteattiranceirrépressibledudébutettoutcequ’elleentraîne,commelefaitqu’onnesesouviennepasquelesautrespeuvents’inquiéterpourvous.Floraavaitfermélesyeux,avaitinspiréprofondément,tâchantdecontrôlersonaffolement.‒Qu’enpenses-tu?Çateparaîtplausible?Lorsqu’ilavaitrépondu,savoixétaitgrave:‒J’aivucommentellearéagienlevoyant.Elleaétévisiblementbluffée:ilestbrun,genreténébreux,
façonJamesDeanitalien,etSummernepouvaitpasdécollersesyeuxdelui.Maisnoussavonstouslesdeuxquelgenredefillec’est:elleestprudente.‒Elleestplusqueça,avaitditFlorad’untonpiteux.Elleestterrifiée.‒Ouais.Elle n’a jamais fait confiance à aucun homme.C’est d’ailleurs pour ça que çam’a surpris
qu’elleenvoiebaladersaprudenceetqu’elleaillecommeçaaurendez-vousdeJack.Malgrétout,jenecroispasqu’elleauraitpassélanuitavecluilepremiersoir.Etelleauraitappelé,j’ensuissûr.Ilsefaittardici.‒Alors,tupensesquec’estlui,avaitmurmuréFlora,l’estomacnoué.Tupensesqu’illuiafaitquelque
chose?‒Jen’arrivepasàlecroire.Jenel’appréciepasoutremesure,maisilnemesemblepasmauvais.Je
tourneenrond:sitoutvabien,pourquoin’appelle-t-ellepas?Elledoitbiensavoirqu’ons’inquiète,àl’heurequ’ilest.‒Jimmy,jetelerépète:ilfautquetuappellesleshôpitaux,luiavaitordonnéFlora,quis’accrochaitau
besoindefairequelquechosesusceptibledeluiapporterdesréponses.‒Ettoi,qu’est-cequetuvasfaire?‒J’arrivedèsquepossible.QuandelleaditàAndreiqu’elleavaitréservéunvoletqu’ellepartaitpourl’aéroportdansuneheure,
ilaeul’airinterloqué:‒Quoi?a-t-ilditenfronçantlessourcils.Pourquoidiablefais-tuça?‒Jenepeuxpasrestericilesbrascroisés.‒Etqueferas-tulà-bas?Tuferaismieuxdetrouverundétectiveouquelqu’undanslegenreetlemettre
surl’affaire.Franchement,Flora,a-t-ilajoutéenluidécochantunregardperplexe,celafaitàpeineplusdevingt-quatreheuresqu’onestsansnouvellesdetasœur.Jenecomprendspasunetellepanique.Ellel’aregardé,impatiente.Commentpouvait-ilcomprendre?Andreiestunsolitaire;ilesttellement
indépendant. Il n’a pas de famille et il n’a jamais compté que sur lui-même pour tout. Franchir labarrièrequientouraitAndreiet l’assuraitqu’ilnedépendaitdepersonneavaitétéundesdéfisqu’elleavaitdûreleverenapprenantàaimerunhommecommelui,maisellesavaitqu’Andreil’aimaitetqu’ilétaitaniméd’autantdepassionetdebesoind’amourquequiconque.
‒Noussommesjumelles,a-t-elleditsimplement.Jesaisqu’elleabesoindemoi.Ill’aregardée,l’airpensif,puisahochélatêtelentement.Ilcomprenaitqu’ilyavaitunlienentreelles
deuxquiéchapperaittoujoursàsonentendement.Ilabuunegorgéedecafé,puisadit:‒Trèsbien.Maiscommentcelapeut-ilêtreutileàSummerquetusoisàL.A.?Suismonconseil:mets
un enquêteur privé sur l’affaire, si tu es à ce point inquiète. Mais, pour être honnête, je pense quen’importe quel enquêteur te dira d’attendre encore vingt-quatre heures. Elle est adulte ; elle n’est pastenued’appeleràheuresfixespourdonnerdesesnouvelles.‒C’estsansdouteunebonneidée,aditFloraenselevant.Elleavaitdéjàprissontéléphonepourrechercheruneagencedevoyages.‒Maisçanechangerien:j’yvais.‒ Tu vasmemanquer, a-t-il dit en la fixant avec, dans ses yeux bleus, cette expression qui lui était
familière.Undélicieuxfrissonacourusursapeau,entrelesomoplatesetlelongdesacolonnevertébrale.L’idée
de se trouver loin de lui lui était très pénible ; seule une raison comme celle-ci avait le pouvoir del’éloignerdesplaisirstorridesdeleurlit.‒Tuvasmemanqueraussi,a-t-elleditd’unevoixdouce.Illuiaprislamain,l’aappuyéecontreseslèvresetl’aattiréecontrelui,toutengardantlesyeuxsur
elle.‒Reste,a-t-ilmarmonné.Jevaispasserdescoupsdefil,jevaismettrelesmeilleursdemeshommes
surlecoup.Là,toutdesuite,sansplusattendre.Commeça,tupourrasresteravecmoi.Jenesupportepasqu’onsoitséparés.‒Moinonplus.Unevaguededésirbrûlantestmontéeenelle,enparticulierentresescuisses,luiindiquantlàoùson
corpsledésiraitleplus.Elleaserrésonautremain.‒Maistuappellerasteshommesquoiqu’ilensoit,Andrei?Jet’enprie.Ils’estrenfrogné:‒Alors,tuyvas?‒Illefaut.Elleluiajetéunregardsuppliant.‒ Je t’enprie,comprends-moi.Tantque jenesauraipascequiestarrivéàSummer, jeneseraipas
moi-même.Andreiluialâchélamainetareprissonmugdecafé.‒TuserasenpleinAtlantiquequandJimmyappellerapourdirequecen’étaitpaslapeine,qu’elleest
deretour,saineetsauve.Iltefaudrajustefairedemi-tour.Maisilluiasouri.‒Vas-y.Jecontactemeshommes.Nelésinepassurlesdépenses.Etdépêche-toiderevenir.Elleluiajetélesbrasautourducouetacouvertsonvisagedebaisers.‒Merci,Andreichéri,merci!‒Avecplaisir,monpetitvolcan!a-t-ilditenriant.N’oubliepasquej’existe!‒Ohnon!Elleacaresséseslèvresaveclessiennes,puiselles’yestattardée,incapablederésisteràunbaiser,
puisunautre.Ilssesontpressésl’uncontrel’autre,leursbouchess’ouvrant,etelleasentisonbrasqui
l’attiraitcontrelui.Ilareposésonmug,etsonautremainaprissatête,l’appuyantcontreluipourqu’ilpuisseprendresabouche.‒Jecroisquenousavonsletemps,a-t-ilgémi,unemaincontresacuisse,glissantsoussajupe,denous
direaurevoircommeilfaut.Tunecroispas?Milesentredanslacuisined’unpasdécidé.Portantencoreseschaussuresdemarche,ilestenquêtede
caféaprèssonexcursionmatinale.Freya,assiseàlatableentraindeconsulterdessitesd’informationsursoniPad,lèvelesyeux:‒Salut,dit-elled’untondistrait.Lecaféestsurlacuisinière.Milesvaaufourneauetprendlacafetièrequiestrestéeauchaudsurlaplaque.‒Ilestunpeuvieux.Jevaisenfairedufrais.‒Mmm,mmm.Elleouvreunenouvellepage.‒Çava?demandeMilesenvidantlemarcdansl’évierencuivre.‒Oui,oui.Ellelèvelesyeux:concentrépournepasenrenverser,ilestentraindeverserducafémouludansle
cylindre.Levoirsibeau,danssonshortkaki,sontee-shirtbleuetseschaussuresderandonnée,entraindefairequelquechosedesiordinairelaremplitdebonheur.Leursviessontliées,désormais,depuislabanalitédestâchesquotidiennesjusqu’àlafièvredeleurlit,oùelleaencoretantàapprendredeluietoùlesleçonsqu’illuidonnenemanquentjamaisdelacombler.‒Est-cequejet’airéveillépendantlanuit?‒Non,j’aidormicommeunbébé.C’estcrevantdepréparerlaforêtpourlaformation.Maisj’aibien
regardécematinlafaçondonttoutestdisposé.Çadevraitêtreaupoil.Illuisourit.‒Jesuisprêtàlesmettreaupas!‒ Je lesplains,dit-elleen lui rendantsonsourire.Jesaisdequoi tuescapablequand tudécidesde
pousserquelqu’unjusqu’àsesdernièreslimites.Illuijetteunregardentenduetrit:‒Toutlemondeestcapabledeplusquel’onnecroit.Tulesais.‒Oui,jelesais,maintenant.Un éclair passe de l’un à l’autre, quelque chose d’intense et de primal. Miles se retourne vers la
cafetièreetdit:‒Jeveuxvraimentqueçasepassebien.Cesclientspourraientbiendevenirlespiliersdemonaffaire,
s’ilssontsatisfaitsdesrésultats.‒Construire l’espritd’équipeet lacultured’entreprise,dit-ellepour le taquiner.Etcomment?Avec
despistoletsàpeintureetunJengagéant!‒Holà ! s’exclame-t-il en reposant la cafetière sur la plaque, l’air blessé. Il s’agit de gagner de la
confianceensoi.Parladécouvertedesoi.Enserendantcomptequechacunestcapabledetout,mêmedel’impossible,s’ilseconsacrevraimentaubutqu’ils’estfixé.‒Jesais.Tuvasêtregénial,unesourced’inspirationpoureux.J’espèrequ’ilssontaumoinsconscients
deleurchance.Freya fait glisser son doigt sur la tablette et ouvre une nouvelle page : ce sont des images de son
anciennevie,unesoiréequelquepartàL.A.avecdes jeunesfillesenrobeshautecouture, toutesplusimpeccables les unes que les autres, arborant d’élégants sacs faits main aussi parfaits que l’image
qu’ellesveulentdonnerd’elles-mêmes,cachantleurspeursetleursdoutessousdessourireséclatantsdeblancheur.Cettevie-làneluimanquepas.MaisSummerestquelquepartlà-bas.Freyasereprésenteleshommesetfemmesd’affairesquivontveniriciceweek-endpourvivredanslescabanesenrondinsqueMilesafaitconstruireetsuivrel’éprouvantcoursdesurviequeMilesleuraconcoctéetquinedevraitpas manquer de les éreinter. Il va leur falloir apprendre l’endurance dans des conditions moins quesommaires,puiserdansdesréservesdeforcequ’ilsignoraientavoir,trouverouinventerdessavoir-faire,delaténacité,delaprésenced’espritpourtraverserlesépreuvesqueMilesleurréserve.ElleseditqueSummer,d’unecertainemanière,estdanslemêmegenredesituation.MêmesiL.A.n’ajamaisreceléautantdebouequecelledanslaquelleMilesvalesfairepatauger.Milessesertdelaitdansleréfrigérateur.Lacuisineducottageestunepièceàl’ancienne,auconfort
rudimentaire. Ildoitdonneruncoupdepieddans laportepourqu’elle se ferme.Maiselle adore sonambiance chaleureuse et surannée, les tapis tissésposés sur le sol d’ardoise, la chaleurqui émaneduvieuxfourneau.‒Alors,tunedormaispascettenuit,pourquoi?demande-t-il.‒Oh!…Pourrien.TutesouviensdeceSMSquej’aireçudeFlora?Ellem’enaenvoyéundeuxième.‒ElleesttoujoursinquiètepourSummer?Milesapportelelaitjusqu’àlatableetleposebruyamment.‒Pourquoi?‒ C’est-à-dire…Comme Summer ne donne pas de nouvelles, elle pense qu’elle a en quelque sorte
disparu.Freyapousseunbrefsoupir.‒Tusaisàquelpointelleestcapabledefaireundramedetout.Milesfroncelessourcils.‒Et,àl’heurequ’ilest,a-t-elleeudesesnouvelles?Elleluijetteunregard:‒Gardeducorpsunjour,gardeducorpstoujours…‒JesaisqueFlorapeutêtreunpeuexcessive,maisengénéral,ellenefaitpasdeshistoirespourrien,
tuesd’accord?‒Heu…Freya détourne les yeux. Elle est toujours en colère après sa cadette à cause de leur affrontement à
Paris. Flora a tout bonnement refusé d’aider Beth etDominic, et ce, en dépit des intentions amicalesqu’ilsonttoujoursaffichéespourlessœursHammond.Aprèstout,Floran’auraitpasrencontréAndreisiBethnel’avaitpasinvitéeàleurmariage.‒LefaitestqueJimmyn’aaucunenouvelled’elle.Ilnesaitmêmepasoùelleest.Jemedemande…En
fait,jecommenceàm’inquiétermoi-même.Floraditqu’elleestenroutepourL.A.Milesauneexpressionpréoccupée.‒Lesouvenirque j’aideSummerestceluid’une jeunefille trèsprudente.Pasdugenreàattirer les
problèmes.Flora,elle,aimaitéchapperàsesgardesducorps.C’estd’ailleurspourçaqu’elledemandaittoujoursàavoirlesplusfeignants…‒Etmoi?demandeFreyaenpenchantlatêted’uncôté,d’unairinterrogateur.‒Toi…LesyeuxdeMilessevoilentdetendresse.‒Toutlemondesavaitquetuétaisdifficile;personnenevoulaitavoiraffaireàtoi,moilepremier.
‒Jusqu’àceque…Elleadoreseremémorerlafaçondontl’alchimieavaitprisvieentreeuxdeux,alorsqu’ilsseterraient
dans l’abri à flanc de montagne, l’attirance qui grandissait, violente, irrésistible, jusqu’à ce qu’elleressenteuntelbesoind’êtretouchéeparluiqu’elleluienavaitenquelquesortedonnél’ordre.Mêmesi,ellenetardapasàl’apprendre,Milesréagissaitmalauxordres.Milessepencheverselleetposesamainsurlasienne.‒Jusqu’àcequejedécouvreque,soussesapparencesdehérissongâté,secachaitunebellejeunefille,
tendreetaimantequivoulaitêtreaiméeenretour.Ellesentsoncœurfondredeplaisiretelleluienvoieunsourireradieux.Elleperçoitsonamourpour
Miles comme une victoire précieuse qu’elle a remportée au prix des multiples souffrances qui l’ontprécédée. Jamais elle ne souhaiterait revenir aux temps froids et tristes qu’elle a connus avant qu’iln’entredanssavie.Lacafetièresemetàglougloutersurlefourneau.Milesselèveetditd’untondésinvolte:‒PourquoinepasappelerFlora?Laisse-luiunmessage,demande-luideterappelerunefoisqu’elle
auraatterri.Commeça,tuconnaîtraslestoutesdernièresnouvelles.‒Tuasraison.Freyaestsecrètementsoulagéequ’il luiconseilledecontacterFlora.Elleprendsonportable touten
disant:‒Jesuissûrequ’iln’yaaucuneraisondes’inquiéter.EllecomposelenumérodesasœurpendantqueMilesseverseducaféodorantetfumantdansunmug.
Leportableessaiedeseconnecter,maisiln’yapasderéseau.‒Envoie-luiune-mail,luiditMiles.‒C’estsansdoutelaseulechosequejepuissefairepourl’instant.EtjevaisenenvoyerunàJimmy
aussipourluidemanderdemetenirinforméedesderniersrebondissements,s’ilyena.‒Bonneidée.Milesrevientàlatable,l’airsoucieux.‒J’imaginequenousnoussentironstousmieuxunefoisquenoussauronsquelescraintesdeFlorane
sontqu’unetempêtedansunverred’eau,tunecroispas?
13
Noussommesassissurlebalcondelamaison.Elleestconstruitejusteauborddelaplageet,lorsquela marée monte, l’eau s’avance jusque sous le balcon.Cette petite maison doit être battue par lestempêtes,medis-je.Lebalconesttrophautpourqu’onpuissesauterpar-dessus,etJackbloquel’accèsàlapetitegrille,surlecôté,quidonnesurunescaliermenantàlaplage.Assissurunechaiselongue,ilscrute l’horizon sur lequel passent des silhouettes de paquebots, de pétroliers ou autres formesmouvantes.Ilaalluméunecigaretteetentiredelonguesbouffées,libérantdansl’airdusoirdelonguesvolutes de fumée. Je n’aimegénéralement pas le tabac,mais l’odeur a quelque chose de réconfortant.Celamerappellelessoiréesd’étésurdesyachts,danslesuddelaFranceouaulargedel’Italie,avecdesjeunesAnglaisbruyantsquifumentetboiventcommes’ilsdevaientmourirdemain.Jacksetourneetvoitquejeleregarde.‒Tuenveuxune?‒Non,merci.Alors,commeça,tufumes?‒J’aiarrêtéilyaunmoment.Maislà,j’enaibesoin.Iltireunenouvellebouffée,gardelafuméedanssabouchependantqu’iltapotelacigaretteau-dessus
dusable,puisexhalelenuageblanc.‒Merde,s’exclame-t-ilviolemment,merde...etre-merde!‒Qu’est-cequisepasse?Ilmeregarde,l’airàlafoisironiqueetamusé.‒Oh!rien,troisfoisrien!Laroutine…J’enlèveunerichissimehéritièrepourmevengerdesafamille,
toutçapourmerendrecomptequejenesuisqu’unravisseurmerdique.‒Qu’est-cequetuveuxdire?Tumeparaisrudementefficace,pour lemoment.Lapreuve,dis-jeen
écartantlesmainsetenluisouriant,jesuislà.Ilmeregardeetsemetàrire:‒Ouais.Onpeutdireça.Mercipourcesparolesd’encouragement!Peut-êtrequ’aufond,jenesuispas
sinulqueça.Voyantleridiculedel’échange,jecontinue:‒Tuesungrandravisseur,Jack.Avecpeut-êtreunpeuplusdepratique,tudeviendrasunas!Je pouffe et soudain la situation nous paraît hilarante : nous explosons de rire, incapables de nous
contenir.Deslarmesseformentsousmespaupièresetcoulentenruisseauxsurmesjoues.Jemetiensleventretellementj’aimal,àcausedufourireetdelafaim.Jackarejetélatêteenarrièreetnepeutpass’arrêter de rire, lui non plus.Le rire jaillit de nous, commed’une valve de sécurité après l’horribletensiondesdeuxderniersjours.Maisquandilfinitparsecalmer,nousnousretrouvonsvidesetcreux.Auboutducompte,riennenousparaîtplusdrôle.‒Jenepeuxrienchanger,Summer,dit-ildoucement.Auloin,lesvaguessebrisentrégulièrementsurlerivage.‒C’esttroptard,jenepeuxpasrevenirenarrière.
‒Mafamillevas’inquiéter,dis-jed’unevoix très faible.Messœurs, JimmyetCharlievontdevenirfous.Peut-êtremêmemonpère.‒C’estunpeulebutrecherché,ditJacksèchement.‒Tut’apprêtaisàm’expliquerpourquoituenesvenuàfaireça,dis-je.Lapeurquim’oppressaitaudébuts’est transforméeenquelquechosed’autre : jen’aiplusvraiment
peurdeJack,mais j’aipeurd’apprendre lesraisonsqui lepoussentàfaireça,peurde laforcequi lemeutjusqu’àcommettreunacteextrême.Aufonddemoi,jesaisqu’iln’estpasmauvais.Quelquechoseexerce sur lui une terrible influence qui le pousse à faire une telle chose. Qu’est-ce que c’est ? Cequelquechosepeut-illepousseràallerplusloinencore?Jackfixe l’océan.Lecielvireàunedélicate teintedebleu fumé, l’ouestsenapped’unéclat roseet
lilasdoréalorsque lesoleil s’apprêteàsecoucher.LavoixdeJackestgrave.Lessons rauquessontadoucisparceregistre:‒TusaiscequiestarrivéàtafamilleenItalieilyadesannéesdecela?Jehochelatête,lentement.‒Jesais…,maisd’unefaçonàdemieffacée,commeunehistoirequequelqu’unm’auraitracontéeilya
longtemps,dont j’auraiscomprisqu’elleétait importante,mais sur laquelleonnem’auraitplus jamaispermisdeposerdesquestions.À cause de cela, je me suis raconté l’histoire tellement souvent qu’elle est devenue quelque chose
d’inventé,dont jenepercevaispluscequiétaitvraideceque j’avais imaginé.Toutceque jesavais,c’estquedesméchantspouvaientveniretvousemporter,etqu’alorsvouspouvieznepasrevenir.Commemaman.‒Mamère…etmasœur…,dis-je.Lesmots sortentdemabouche, étranglés.Nous enavionsbeaucoupparlé,Flora etmoi, quandnous
étionscouchéescôteàcôtedansnoslitslesoir,jusqu’ànousmettredansdetelsétatsdeterreurquenoushurlions au moindre son, le craquement d’une lame de plancher ou le vent contre la fenêtre. Nousterminionsensembledansundenospetitslits,serréesl’unecontrel’autrepourtirerunpeuderéconfortmutuel.Notreproblèmeétaitquenousnepouvionsprétendrequ’iln’yavaitpasdeméchants,puisquenoussavionsqu’ilsexistaientetquenotrepèrefaisait toutpournousbarricaderdansdesmaisonssoushautesécurité,protégéespardesgardesarmésetdesvoituresblindées.Unefois,noussommesalléesvoirFreyapourluidemandercequis’étaitpassé.Elleétaitdevenuepâle
commelebaldaquindedentelledesonlitetavaitmurmuré:‒Çaaététerrible.‒Ilst’ontfaitdumal?‒Non…Ellesemblaitsouffrir.‒Etpourtant,ilsnousontfaitdumaltoutletemps.Pasphysiquement,justeennousfaisantpeur.Nousvoulionsensavoirplus,maiselleavaitrefuséderépondre.Nousavionsentendunosbonneset
nosnurseschuchoterentreelles,etainsinousavionsapprisqueFreyaetmamanavaientétéenlevéespardesméchantsetque,quandellesétaientrevenues,mamanavaitététrèsmalade,aupointd’enmourir.Jackmeregarde.Je lisquelquechosedanssesyeux,de lacompassion, jecrois,alorsqu’ilobserve
monvisage.‒ Jeneprétendspasque c’était le bonmomentde faire cequi a été fait, dit-il.Mais çadevait être
simple.Personneneleurafaitdemal,personnenelevoulait.Ilsvoulaientjustelarançon,ettonpèrea
refusédepayer.Ilfautquetucomprennesqueleshommesquiontorganisélerapt,ceuxquivoulaientlebutin,cenesontpasceuxquil’ontexécuté.LavieenItalieétaitdure,lamafiaquicontrôlaitlaville,lesfamilles, les gangs. Il s’agissait de survivre, ni plus ni moins, et quand mon père a reçu l’ordre departiciperàl’opération,iln’apaseulechoix.Mamanatoujoursditqu’ilnevoulaitpaslefaire,maisc’était le genre de truc qui se produisait à l’époque. Si tu savais à quel point ils étaient pauvres, tucomprendraisqu’ilsnepouvaientpasrésister,alorsqu’unepossibilités’ouvraitàeuxdemettrelamainsurunpeudel’argentdetafamille.Jel’écoute,atterrée.‒Enenlevantuneenfantetsamèremalade?‒Ilsnesavaientpasàquelpointelleétaitmalade.Leshommesquilesgardaient,ilsneparlaientpas
anglais,ilsnecomprenaientpas.‒Ah!jevois.Ilsnevoyaientpascequ’ilsavaientsouslesyeux.Jusqu’àcequ’ilsoittroptard,dis-je
d’untonlourddesarcasme.‒Jenesaispas,ditJack,lavoixlasse.Jen’yétaispas.Maisc’estcequeFredom’adit.‒Fredo?‒Monfrère.EnItalie.‒Enprison,dis-jepourcompléter.‒Oui.Sesyeuxsombresbrûlentsoudaind’unintenseéclat.‒Àsouffrirpourtoutcequiamerdé.‒Stop,dis-jeenlevantunemain.Dis-moicequis’estpassé.Ilsoupire.‒Jetiensl’histoiredeFredoetdemamère.Lapressen’enajamaisparlé,ettusaispourquoi.‒Non,jenesaispas!Tunecomprendspas?Jenesaisriendetoutecettehistoire!‒Mais tusaisque tamèreet tasœurontétékidnappéesalorsqu’ellesétaientenvacancesdansune
villaprèsdeNaples?Jehochelatête.‒Etdonc,quetonpèreétaitimpliqué?‒Oui,maispasdans l’enlèvement.Cen’estpas luiqui lesaenlevéeset ilenétaitheureux. Ilne le
voulaitpas,maisiladûassurerlagardedanslesgrottesoùellesétaientretenues.C’étaitsonboulot,lesgarder.Çaneluiplaisaitpas.Ilaétéaussigentilquepossible…,maisilnefaisaitpaslepoidsfaceauxchefs.Savienevalait rien.Alors, ila faitcequ’on luiaditdefaire. Ila faitensortequ’ellessoientcorrectementnourriesettraitées…,maisildevaitlesgarderprisonnières.Or,tonpèrearefusédepayer.Ilsavaienttablésurunerançonpayéeauboutdequelquesjours,maisrien.Iln’estpasalléàlapolice,iln’apascontactélapresse,pourautantqu’onenpûtjuger.Ils’estcontentéde…nerienfaire.Monpère…quiasibienréussi,etquiestunetelletêtedemuleàdiverségards.Jel’imagine,torturé
par la disparition de sa femme et de sa fille, mais trop fier pour céder devant une bande de voyousitaliensetleurdonnerl’argent,mêmesilasommen’étaitqu’unegoutted’eaudansl’océanpourlui.‒Ques’est-ilpasséalors?dis-jed’unevoixrauqueetsèche.Jeredoutelaréponse.Jackserreleslèvreset,l’airsombre,setournepourcontemplerl’océan.Ilest
grisfoncé,ponctuépardescrêtesd’écume.‒ Papa voyait que ta mère n’allait pas bien. Il comprenait assez pour savoir qu’elle demandait un
médecinetilvoyaitcombientasœuravaitpeur.Alors,ilestallévoirlechefetil luiaditqu’ilallait
falloirlibérerlafemmeetlapetite,quecen’étaitpasbiendeleslaissermourir.Maislechefn’arienvouluentendre.Lui,ilvoulaitqu’onsectionnedesboutsdeleurscorpsetqu’onlesenvoieaupèrepourluimontrerqu’ilnerigolaitpas.Çan’apasplusdutoutàpapa;alors,quandquelqu’untravaillantpourtonpèrel’aapproché,quelqu’unquiavaitinfiltrélabande,iladécidédecoopérer.Iladonnélesinfosnécessairesà la libérationde tamèreetde ta sœur.Mais il l’a fait àunecondition :qu’on luidonnesuffisamment d’argent pour partir d’ici pour de bon et s’installer enAmérique avec sa famille, où ilsseraientensécurité.Moncœurcognedansmapoitrine.Jemereprésentetoutcequ’ilmedécrit:lagrotteàflancdecolline,
mamèrequis’affaiblitsanssesmédicaments,maisquiessaiedeledissimuleràFreya,masœur,toutejeune,paralyséedepeur,nesachantpassielleretrouveraunjoursamaison.Cen’estguèreétonnantquelepèredeJackaitrefusédecontinuer.Celaadûluidemanderducouragedefairecequ’ilafaitetdeprendreuntelrisquepourdesétrangères.Maisjeredouteatrocementcequivasuivre.‒Et?Jack sort une nouvelle cigarette du paquet posé entre nous deux sur la table et l’allume. Le bout
rougeoielorsqu’ilinhale;visiblementtrèsagité,iltapedupiedsurleslattesenboisdubalcon.Ilexhaleunecolonnedefuméetoutensoupirant.‒Jecroisquetupeuxdevinerlasuite.Tamèreettasœurontétésecourues,maislapolicearéussià
abattredeuxdesravisseurs.Monpères’enesttiré,maisquandilaréclamél’argentpourquitterlaville,rien n’est venu. Ta famille est partie immédiatement et n’est jamais revenue, bien évidemment. On alaissétomberpapa,alorsquec’estgrâceàluiquetamèreettasœuravaientétélibérées.Maisalors,unerumeurs’estrépandueselonlaquellec’étaitluiquiétaitderrièrelalibération.Jacktireunenouvellebouffée.Ilal’airterriblementtendu,presquedésespéré.Jesensunecrampeenmoietjedis:‒OhmonDieu!Ilsetournepourmeregarder;sesyeuxsontdevenusnoirs.‒Oui.OhmonDieu!Pasbesoindedétails.Disonssimplementquetamèreaconnuunemortpaisible
parrapportàcequemonpèreatraversé.Sonchefétaitaufaitdestechniqueslesplusraffinéespourfairemourirunhommeàpetitfeu.Jefrissonne.‒Jesuistellementdésolée.‒Moiaussi,mabelle.Un long silence s’ensuit. Une brise circule autour de nous, ébouriffant mes cheveux et les courtes
mèchesdeJack.Unpetitfrissonmeparcourtalorsqu’elleeffleuremapeaunue.L’histoirem’aglacée.Àquilafautedanscetristeratage?Àl’hommequisetrouveprisdansunenlèvementetfaitcequ’ilpeutpour trouverunesolution?Àl’hommequirefusedeverser l’argentauxbandits?Ou…L’idéemefaithorreur:Àl’hommequitrahitsaparoleetabandonnequelqu’unensachantqu’ilseratorturéettuéparcequ’ilaaidésafamille.JecomprendsmaintenantpourquoiJacknoushait.Pourquoiilluiafallusevengerdelafaçondontson
pèreaététraité.Jeredis:‒Jesuistellementdésolée,maiscelanesemblepasassez.Dis-moicequejepeuxfaire,cequenous
pouvonsfairepourréparer.‒C’estbeaucouptroptard.Ilaspireunenouvellebouffée,lâchesacigarettesurlesoldubalconetl’écrasedupied.
‒Monpèreestmortdepuis longtemps.Monfrèredevrait sortirdeprison l’annéeprochaine. Il s’esttrouvéembarquédansuncycleidiotdevengeanceetilétaitbêtementprésentsurlelieud’uncrime:unmembred’unebanderivalequiaétépoignardé.Ilenaprispourhuitans.Jackmeregardeavecunsouriredésabusé.‒Crois-moi,iln’yapasgrand-chosequetupuissesfaire.‒Maisalors…,qu’est-cequetucherchesenmekidnappant?Jackcontemplesombrementl’océan.‒Jeveuxquetonpèreconnaisseladouleuretlaperte,commecequ’aconnumamère.Jeveuxqu’il
sentequ’ilaperdulecontrôleetquetoutsonfricnepeutpasleracheter.Jetel’aidit:cequejeveux,c’estmevenger.‒Tuneveuxpasd’argent,dis-jed’unevoixfaible.Ilsecouelatête.‒ Iln’a jamaisétéquestiondeça.Oh !biensûr, j’adoreraisoffrirunevie facileàmamèreetàma
sœur. Juste une fine tranche de ce que tu as ferait toute la différence.Mais ce n’était pas ce quimemotivait.‒Maisalors…,qu’est-cequetucomptaisfairedemoi?Je me sens brutalement ramenée au présent. Rien de tout cela ne change ce qui m’arrive : je suis
toujoursprisonnière.C’estunesituationterrible,mêmesijelacomprendsunpeumieux.Jackselèveettourne son visage vers le ciel, comme s’il cherchait l’inspiration dans les petits points lumineux quiapparaissentlàoùémergentlesétoiles.Leventagitesontee-shirt.Ilesttrèsbeau.Quelquechoseenmoisetordd’émotionenvoyantsonorgueil:c’estmal,maisilafaitcequ’ilpeutpourredresserlabalanceetpourobtenir justice,àsamanière, laseuleà laquelleilaitpensé.Ai-jedesraisonsd’avoirpeurdelui?Ilrespireprofondémentetmeregardeenclignantdesyeuxsouslabrise.‒Jetedislavérité: jen’enaiaucuneidée.Toutcequejesavais,c’estquejedevaist’amenerici ;
alors,toutdeviendraitclair.Ilm’adresseundemi-sourire,uncoindesabouches’affaissant.‒Jecroyaissansdoutequej’allaistehaïr.Jecroyaisqueçafaciliteraitleschoses.‒Quelleschoses?dis-je,alorsqu’unfrissonmeparcourtquin’arienàvoiraveclevent.‒Leschosesquejedevaisfaire,dit-ilenhaussantlesépaules.Bon,rentrons,àprésent.Jemelève.Jemesenssoudainplombéeparlapeur.Pourlapremièrefois,jemedemandesiJackavait
l’intentiondemetuer.Etsi,peut-être,ilypensetoujours…
14
Flora descend de l’avion àLAX, l’aéroport international deLosAngeles, sous le soleil éclatant del’après-midi,maispourelle,cen’estquelepetitmatin.Ellen’apratiquementpasdormipendantlesonzeheuresdevoldepuisHeathrowetelleestenpiètreforme:sonnée,épuisée,déshydratéeàcausedel’airdans la cabine de première classe. Jimmy l’attend, l’air tendu alors qu’il scrute la foule pourl’apercevoir.Unefoisqu’ill’arepérée,ilréussitàluisourire,maisilatoujoursl’airaussiinquiet.‒Flora!Illuifaitsigneet,lorsqu’ellearrivedevantlui,illaserretrèsfortdanssesbras.‒Tevoilà.C’estrudementbondetevoir.‒Desnouvelles?demande-t-ellesansreprendresonsouffle,alorsmêmequ’ellevientdeconsulterson
téléphonequineluiapprenaitrien.‒Non,riendutout.‒Çafaitdeuxjours,ditFlorapiteusement.Jimmyprendsonbagage,etilssedirigentverslasortie.‒Ilfautquetumedisestout,Jimmy,depuisledébut.Tudoismeparlerdutypeavecquielleestsortie.Àcemoment,unhommeencostumenoiretlunettesdesoleilleurbloquelepassage:‒MademoiselleHammond?‒Oui.Flora,quelquepeueffrayée,lèvelesyeuxsurlui.‒Votrelimousinevousattend.‒Limousine?répond-elleenéchoavantderegarderJimmy.Ilhausselesépaules,etelleseretourneversl’homme.‒Quellelimousine?‒OrdredemonsieurDubrowski.‒Oh!Jevois…Ellesecouelatête,commesiellevoulaitenchasserunetoiled’araignée.‒Biensûr.Hum…‒J’aimavoiture,ditJimmy.Elleleregarderapidement,sachantqu’elleabesoindeluiparler,etsetourneverslechauffeur:‒Jen’auraipasbesoindevous.Merciquandmême.‒ J’ai des consignes, dit l’hommed’un ton bourru.MonsieurDubrowskim’a dit que je devais vous
conduire.‒Ils’inquiètepourtoi,j’imagine,ditJimmydoucement.Écoute,c’estpasunproblème.Jeteretrouveà
tonhôtel.Tudescendsoù?‒Jepensaisdormircheztoi,ditFlora,maiselleestànouveauinterrompueparlechauffeur.‒J’aipourordredevousconduireauRitz-Carlton,madame.Florahausselessourcils.
‒Ahbon?Ondiraitquetoutaétédécidépourmoi.Elleestàmoitiétentéededireàcegorilled’allersefairevoiretdelalaisserorganisersaproprevie,
merci!MaisJimmyposesamainsursonbrasavantqu’ellen’aitpuparler.‒Flora,toutvabien.Teprendspaslatête.JeteretrouveauRitz-Carlton,cen’estpassiloin.Ettuy
serasbeaucoupmieuxquesurnotrelitpliant!‒D’accord,situlecrois…‒Biensûr.Quelquesinstantsplustard,onlaconduitàunelimousineenattente.Savaliseestrangéedanslecoffre
parlechauffeur.Bieninstalléesurlabanquettearrière,elleselaisseconduirejusqu’àl’autoroute.Ellebatdespaupièresàcausedusoleilet, enun riende temps,elle s’endort sur lecuir tiède,unair fraissoufflant légèrement sur ses cheveux. Moins d’une demi-heure plus tard, elle se réveille en sursaut,confuse, alorsque lavoiture s’arrêtedevantunhôtel etque laportière estouverteparunemployéenuniforme.‒Madame?dit-ilenplongeantsonregarddanslavoiture.Floraretrouvesesesprits,attrapesonsacàmainquiaglisséparterre.‒Oh…oui,oui.Merci.Lestalonsdesesbottesclaquentsurlesolenmarbreduhalld’entrée.Enmodepiloteautomatiqueou
presque,elleseprésenteàlaréception,puisellesuitungarçond’ascenseurquilaconduitàl’étagedesachambre.C’estunevastesuite,décoréedansdestonspêcheetgrispâle,etunénormebouquetoccupelatablebassedusalon.‒Merci,dit-elleaugarçonquiposesesbagages.Inutiledememontrerlachambre,toutvabien,merci.Elleluidonnedixdollarsetleregardeavecsoulagementseretirer,lalaissantseule.Ellevaàlatable
etregardelefastueuxbouquetdefleursblanches:deslys,deshortensiasetdesroses,soulignéspardufeuillagegrisargentéetdesbranchesdefougèresvertsombre.Ilyaunecarte,qu’elleouvre:Machérie,Tu me manques déjà. Reviens-moi aussi vite que tu peux. Tout ce dont tu as besoin est à tadisposition.AndreiElle sourit.Elleauraitdû savoirqu’Andreiallaitpenseràelleet à sonconfort. Il luimanqueaussi.
L’immenselit,impeccablementfait,luiparaîtfroidetvideet,pendantuninstant,elleaenviedesentirlachaleurdesesbrasetdesoncorpscontrelesien.Puisellesesouvientpourquoielleestici.Rienn’estplusimportantquedetrouverSummer.Rien.L’airclimatisédelachambreetunverred’eauréfrigéréelarevigorent.Lorsqu’uncoupestfrappéàla
porte,elles’yprécipite,l’ouvrantavecdesmotspleinsd’effusion:‒Jimmy!Tuastrouvé!Maisl’hommeàlaporten’estpasJimmy.C’estunehautesilhouettedégingandéeauxépaulesvoûtées,
quidonnel’impressiond’avoirpassétropdetempsdevantunordinateur.Ilaleteintabîmé,ildoitavoirlacinquantaine,maissescheveuxsontd’unbrunacajoubrillant,tropuniforme,sanslamoindretouchedegris.Ilporteunevesteencuir,unjeanetdesbottesdecow-boyavecdesmotifsélaborés.‒Bonjour,dit-ilavecunaccenttraînant.Ai-jeleplaisirdeparleràmademoiselleFloraHammond?‒Oui,répond-elleenbattantdespaupières.Elleestbrusquementprisedenervositéetsentlerougeluimonterauxjoues.‒Quiêtes-vous?
L’hommetouchesonfrontdesesdoigtsenungestedesalutpoli.‒C’estunplaisirdefairevotreconnaissance.Jem’appelleCalvinMcManus.Vouspouvezm’appeler
Mac. Je suis détective privé et j’ai cru comprendre que vous aviez une affaire sur laquelle voussouhaiteriezqu’onenquête.Il sourit, révélant une rangée de dents blanches, un brin trop parfaites pour être naturelles. Elle
remarquequeseslèvresneserefermentpastoutàfaitsurellesetellesedemandesicenepourraitpasêtredesfacettesdentairesquelquepeumalposées.Puisellesereconcentreettendlamain:‒Commentallez-vous,monsieurMcManus?J’imaginequ’AndreiDubrowskivousarecruté?‒ Je crois bien que c’est le nom qu’a mentionné la personne à qui j’ai parlé. Mais ce n’était pas
monsieurDubrowskilui-même.CalvinMcManuscontinueàsourire,seslargesdentssemouvantdehautenbas,commes’ilmâchaitdu
chewing-gum.‒Maisj’aiétémisaufaitdevotrepetitproblèmeetmevoilà,prêtàcommencerletravailsansplus
attendre.‒C’estparfait.Entrez,jevousenprie,monsieurMcManus,dit-elleens’effaçantpourlelaisserpasser.‒Jevousleredis:«Mac»meconvienttoutàfait.Illadépassed’unpassautillantetjetteunregardcirculaireàlasuperbesuite.‒C’esttrèsbeau.J’aimelestonspêchemoi-mêmeendécoration.‒Voulez-vousboirequelquechose,m…Mac?Ellevaversleminifrigobienrempli.‒J’aiàpeuprèstoutàvousoffrir.‒Del’eausuffira,merci.Macestentraind’inspecterlavueensoulevantlerideaudegazequiprotègeduchaudsoleil.‒Jeneboisplusquedel’eaumaintenant,depuisquej’aiarrêtédevivredevodka.Ilseretournepourluidécocherunnouveausourire.‒Bon,nousdevrionsnousmettreautravail.Etsions’asseyaitpourquevousmeracontieztoutdepuis
ledébut?Elleapresquefinid’exposersaversiondel’histoirelorsqueJimmyarriveens’excusantdesonretard:‒ Je suispasséprendreCharlie, explique-t-il endésignantde lamain soncompagnon,qui se tient à
côté,danslecouloir.Pourqu’ilpuissedonneraussisaversion…IlaperçoitMacquil’observeavecintérêtdepuissonfauteuil.‒Quiest-ce?Floraluifaitsigned’entrer.‒Jimmy,jeteprésenteMac.Ilestdétectiveprivé,etc’estAndreiquil’amissurl’affaire.‒Bon…Jimmyentre,l’airquelquepeususpicieux.‒Est-cequ’ilfautcomprendrequenousn’allonspasvoirlapolice?‒Celaneveutriendiredetel,monami,ditMacdesavoixtraînante.Bienque,pourêtrehonnête,je
vousledéconseille.Ilacroiséles jambes,etunedesesgrossesbottesdecow-boysebalancedehautenbasalorsqu’il
remueunpied.‒Maisçanefaitpasdemald’avoirquelqu’uncommemoi,encoulisse,pourfouinerunpeu.Surtoutsi
lapoliceestd’avisqu’une jeune femmemajeurea toute libertéd’allerà saguiseetdenepasdonnersignedeviependantplusieursjourssicelaluichante.Mais…IljetteunregardàFlora.‒ Si je comprends bien ce que me dit mademoiselle Hammond, il s’agit là d’un comportement
extrêmementinhabituel.Etjen’aipasbesoindevousdirequ’unejeunefemmeavecunnometunefortunecommeceuxdesHammondpeutêtreuneproiefacileauxyeuxd’uncertaingenre…d’aventuriers.Flora est revenue au canapé et, en écoutant les propos de Mac, prise d’une grande faiblesse, elle
s’affaisse.‒ Les garçons…, je vous en prie…, dites àMac tout ce que vous savez. Est-ce que des éléments
nouveauxsontapparusdepuisquej’aiquittéLondres?JimmyetCharlieseregardenttoutens’asseyant.Jimmyremplitdesverresavecl’eaudelacarafequi
estsurlatablebasse.IlentendunàCharlie.‒Dis-leur,Charlie.Charlieenlèveseslunettesnoiresréfléchissantes,révélantsesyeuxinjectésdesang,signequ’ilesten
étatdegrandstress.Ilapriscinqans,ilestpâlesoussonhâleettrèstendu.‒OhmonDieu!C’estterrible,dit-ild’unevoixtremblante.Jemesenstellementcoupable.Jimmytendunemainpourleréconforteretluifrottedoucementl’avant-bras.‒Arrête,tunepouvaispassavoir.‒Maistoi,tusavaisqu’ilyavaitquelquechosequiclochait,ditCharlieensefrottantlefront.Tunelui
faisaispasconfiance.‒AssezpourlelaissersortiravecSummer,entoutcas.‒ Ilest iciquestiondecet individudontm’aparlémademoiselleHammond?intervientMac,qui les
observetousdeuxavecintérêt.‒Oui,ditJimmyentournantlatêteverslui.Jack.JackFuoco.‒JackFuoco,hum?Machochelatête,sescheveuxauburnluisantsouslesrayonsdusoleil.‒Jack«Feu».Intéressant.Charlieal’airpitoyable.‒Mouais.Ehbien,ilsembleraitqu’iln’yaitpasdeJackFuoco,entoutcaspasceluiqu’ilm’aditêtre.
Apparemment, il n’habitepas à l’adressequ’ilm’adonnée.Et l’entreprisede conceptiondebagnolespourlaquelleildisaittravaillern’ajamaisentenduparlerdelui.Ilnerépondpasaunumérodeportablequ’ilm’adonné,bienqueçaaittoujoursmarchéjusque-là.Jel’aiappeléettextotédesdizainesdefois,maisontombesuruneboîtevocalestandard.‒Ceportableadeforteschancesdesetrouveraufonddel’océan,ditMacensouriant.Vousobtiendrez
peut-êtreuneréponsed’uncrabe,maisjedoutequevousayezdesnouvellesdemonsieurFeu.Flora,lesyeuxpleinsdefrayeur,setournepourleregarder.‒Vouspensezdoncqueçaaclairementquelquechoseàvoiraveclui?Machochelatête,sabottesemouvantenmêmetempsqu’elle.‒Jelepense,oui.Vousauriezétéprévenussivotresœuravaiteuunaccident,enexcluantlapossibilité
qu’ilsn’aientpasétéretrouvés,cequiesttrèsimprobable.Lefaitquecethommen’alaisséaucunetracepermettantdel’identifierenfaitcequej’appelleraisunindividususpect.Celamechatouillelesantennes,sijepuisdire,etj’aiappris,aveclesannées,àleurfaireconfiance.‒OhmonDieu!ditJimmyenserrantlespoings.Jenevoulaispaslecroire.Vraiment,jerefusais.
Ilfermelesyeux.‒Je l’ai laisséepartiraveccemec.Jen’ycroispas.J’aivraimentpenséquecelaluiferaitdubien,
sachantqu’elleavaitdesdifficultésàaccordersaconfiance.Illanceunrireamer.‒Bonsang,vouslecroyez?‒Bonsang,Jimmy!s’écrieCharlie,visiblementdéchiré.C’estmoiquiaidonnéàcetypelenumérode
portabledeSummer!C’estmoileresponsable!Ilm’abienroulédanslafarine,l’enfoiré!Jen’avaisaucune idée, pas la moindre, qu’il savait qui elle était. Je ne lui ai jamais dit que c’était SummerHammond.‒J’aitendanceàpenserqu’illesavaitavantdedevenirvotrepote,ditMac.S’ill’avaitdansleviseur,
ilsavaitquevousetelleétiezcopains.J’aivulessœursHammondsurpleindesitesetdemagazines.Ilya des tonnes d’infos partout et il n’est pas difficile de reconstituer le puzzle de la vie de SummerHammond.Illasurveillaitcommeunearaignéesursatoile,j’ensuisconvaincu.Flora ne peut pas dire unmot, tellement elle est nouée d’horreur et d’angoisse. Elle ne peut que se
centrersurunechose:resterlepluscalmepossibleafindecomprendretoutcequisepasse.Safatigueadisparu,remplacéepardesaccèsdepaniqueetdespousséesd’adrénaline.Elleréussitàsortirquelquesmots:‒Etmaintenant?Est-cequ’onvaàlapolice?Macselèveetrevientàlafenêtre,soulevantànouveaulerideaudegazepourregarderdehorscomme
s’ilespéraitytrouverquelquechosed’intéressant.‒ Jevousconseilledenepasyaller.Parceque lapolicenepourrapas faireplusquenouspour le
moment.Etçafiltreraàtoutevitessedanslapresse.Non.Nousperdronslecontrôlesinousfaisonsça.‒Maisalors,onfaitquoi?Qu’est-cequiestarrivéàFlora,selonvous?Floran’estpassûredevouloirentendrelaréponse.Macseretourneverslestroisvisagesangoissésdanscettesuiteluxueuse.‒ À mon avis, il y a deux possibilités. Croisez les doigts pour que ce monsieur Feu se manifeste
rapidement,parceque,sinon,l’autrepossibilitéestplusimprobable.Etjenepensepasqu’aucund’entrenousnelasouhaite.Sonvisagemarquéestdevenugrave.Freya est au lit ; elle dort d’un sommeil léger, l’éveil affleurant par moments, suivi de phases de
sommeilplusprofond.Miless’estrouléenboulecontreelle,émettantdetempsentempsdesronflementscommedesrâles.C’estpourçaquejenedorspasbien.Iln’arrêtepasderonfleretdemeréveiller.Miles ne ronfle que quand il est très fatigué, et les préparatifs pour le cours du week-end ont été
épuisants. Il lui a fallu faire plusieurs fois ce qu’il va demander à ses clients de faire pour tester leséquipementsetledispositifdesécurité.LorsqueFreyaseréveilleunenouvellefois,regagnantlentementunétatd’éveil,ellesaisit,enungeste
réflexe,sonportablesur la tabledenuitet leconsulte.L’e-mailenvoyéàFloraest restésans réponsepourl’instantetellenepeuts’empêcherd’éprouvercommeunmalaise.Maisunnouveaumessagearrive,qu’elleouvrerapidement:Salut,J’aidemauvaisesnouvelles. IlsembleraitqueSummeraitétékidnappée.Nousn’avonspasplus
d’infospourl’instant,maisons’enoccupe.Lapolicen’estpasencoreprévenue,pourdesraisonsquejet’expliqueraiquandonseparlera.JesuisàL.A.avecJimmy.Appelle-moiquandtupeux.Bises,FFreyasedressedanslelit,relitlemessageetellefaitdelalumière.Milesremueetdemanded’unevoixensommeillée:‒Qu’est-cequ’ilya?Çava?Elle le regarde et, l’espace d’une seconde, elle envie le fait qu’il soit encore dans une ignorance
bienheureuse.‒Non.JeparstoutdesuiteàL.A.Summeraétékidnappée.
15
Je suis de retour dans ma petite chambre, seule dans le noir. Jack m’y a ramenée après notreconversation. Il était d’humeur sombre et semblait glisser dans une sorte de profond abattement.Mespeursontfaibli:dèsquejepensaisaupireetmedemandaisdequoiilétaitcapable,jesentaismonterenmoi la certitude qu’il n’était pas l’homme qu’il s’efforçait d’être. Il se forçait à être un vengeurimpitoyable,maisc’étaitcontresavraienature.Ilm’atoutefoisreconduitejusqu’àmachambre,dontilaouvertlaporte.‒Jepensaispouvoirenvoyerunmessageàmafamille,mesuis-jehasardéeàdire,carjen’avaispas
enviedemeretrouverseuledanscettepièceexiguë.J’avaisenvied’êtreavecJack.‒ Pas ce soir, a-t-il répondu dans un soupir. De toute façon, tu utiliseras probablement un autre
téléphone.Est-cequetuconnaislenumérodetonpèreparcœur?J’airéfléchietfaitnondelatête.‒Jel’aidansmescontacts.MaisjeconnaisceluideJane-Elizabeth.Ilaopinéduchef.Unfrissontrèsdéplaisantm’aparcourueenréalisantqu’ilsavaitexactementquiétait
Jane-Elizabeth.Jenepeuxmevoilerlaface:ilnousavaitàl’œil,moietmafamille,depuisunboutdetemps.‒D’accord,a-t-ildit,d’unevoixrocailleusequiaprovoquécommeunfrémissementdansmonventre.Ilse tenaitprèsdemoi,etsaproximitééveillaitdespicotementssurmapeau.Jeressentais l’intense
besoinqu’ilresteprèsdemoietqu’ilmeprennedanssesbraspourmeserrertrèsfort.C’estridicule.C’estmonravisseur.Commentpuis-jeressentirçapourlui?Maisjerevoyaislemomentàlasoiréepiscineoùilétaitsortidel’ombrepourmeparler.Nousétions
lesdeuxpersonneslesplusseulesdelafête.Etàprésent,noussommeslà,etnousn’avonsquenous.Siseulement ce n’était pas de cette manière affreuse. Nous sommes ensemble, mais il y a un gouffreinfranchissableentrenous.Latristessem’asubmergéedevantcegâchis.Ilmeregardaitdesesyeuxbrunsetveloutés.Pouvait-illireenmoi?Ilamurmuré:‒Jevaismecoucher.As-tubesoindequelquechose?J’ai fait nonde la tête.Nous avions fait undîner tout simpleunpeuplus tôt et, de toute façon,mon
appétitestminuscule.‒O.K.,alors,àdemainmatin.‒Bonnenuit,Jack.‒Bonnenuit,Summer.Ilm’atenulaportepourquejepénètredansmachambre,puisill’arefermée.N’ayantriend’autreà
faire,jemesuispelotonnéesurledessus-de-litpourréfléchir.J’aidûm’endormir,maisjesuisréveilléemaintenant.Jevoisdeslumièresquibougentsurlesmursde
machambre.Et,enlesobservant,jeréalisequej’entendsaussidesbruits,commedescraquements.Lesrefletssurlesmurssontjaunesetorange.Puis,jelasens:l’odeurâcredelafuméequimontedubois.
Jebondisdulit.Uneseuleexplication:lefeu.Est-cequequelqu’unestentraindefaireunfeusurlaplage?Jemesouviensdesoiréesseterminant
tard,surlesableencorechaud,sousuncielétoilé,desflammesvacillantesauxrelentssaléss’élevantdefeuxalimentésavecduboisflotté.Peut-êtrequejepeuxappelercesgens,leurdemanderdel’aide!Jevaisàlafenêtre,cetteminusculeouvertureplacéehautsurlemuretquines’ouvrequedansunseul
sens, ce qui rend impossible de sortir par là. Je tiremon lit jusqu’à la fenêtre,mais ilme faut aussiajouter la petite chaise en rotin, sur laquelle je grimpe pour voir dehors.La chaise s’enfonce dans lematelasetvacille.Jemepoussevers lehautenposantmonpoidssur lerebord,pourquelachaisenecèdepas.Jeréussisàvoirdehors.Jepousseuncri.Ohmerde!OhmonDieu!Lebalcondeboissurlequelnousétionsassisiln’yapaslongtempsestenflammes.Delongueslangues
rougesmontentdanslanuitendégageantunépaisnuagedefuméenoire.Jesenslachaleurquienémane,intensemalgréladistance.Ilnemefautqu’unesecondepourcomprendrel’ampleurdudanger.Lamaisonnevapastarderàprendrefeusinousn’éteignonspasles flammes.Après,plusrienne
l’arrêtera.Jesuissaisiedesueursfroidesenréalisantcequecelasignifie:jevaisbrûlerviveici.Jenepeuxpas
m’échapper.Ilfautquejesorte.Jemelaisseglisserdelachaisejusqu’ausol.Enuneseconde,jesuisàlaporte,jesecouelapoignée,
jehurle:‒Jack,Jack!Réveille-toi,bonDieu!Ilyalefeu!Réveille-toi!J’agitelaporte,jehalète,prochedel’hystérie.Ilestdel’autrecôtédelamaison,maisilnepeutpasne
pasm’entendre.Àmoinsque…sachambrenesoitdéjàenfeu.Jen’aipaspuvoirtoutlebalcon.Peut-êtreque l’incendies’estdéjà répandude l’autrecôtédubâtiment.Lapaniquemontedansmapoitrine,prêteàm’étouffer.Jesensl’oxygènequisebatdansmespoumons,tandisquej’essaiededesserrerl’étauquiétreintmagorge.Est-cequecelasepasseraainsilorsquelapièceserempliradefuméeetquejenepourraiplustrouverl’airdontj’aibesoin?Summer,calme-toi.Iltefautréfléchir.SiJacknepeutpastefairesortir,ilfautquetusortespartoi-
même.J’essaiedemerappelercequejesaissurlesconsignesdesécuritéincendie.Lafuméemonte;donc,si
elleentredanslapièce,ilmefautresterprèsdusol.Ilmefautmeméfierdesfenêtresquichauffentetexplosent.Allez!Tudoisfairequelquechoserapidement.Lefeupeutgagnertrèsvite.Siseulementcetteporte
n’étaitpasverrouillée!Uneidéemevient.Lorsquej’aisecouélapoignéedelaporte,ilyaeuunbruit,commeuncliquetis,
quejen’avaispasentenduavant.Jem’yprécipiteet,àgenoux,jeregardeletroudelaserrure.Elleyest.Lacléestdanslaserrure.Jacknel’apasenlevéecommelesautresfois.C’estmonseulespoir.Ilyadesannéesdecela,quandnousétionsenfants,unenursenousavaitmises,Floraetmoi,dansdes
chambresséparées,disantquenousétionsgrandesetqu’ilétaittempsdequitternotrechambrecommune.Nousavionsdétestéçaetnousnousglissionsdansl’uneoul’autrechambrepournousendormirensembleen nous chuchotant des secrets. Aussi s’était-elle mise à fermer nos portes à clé, mais elle laissaittoujours la clé sur la porte. Une fois que nous avions compris comment nous y prendre, nous étions
pavenuesaisémentànouséchapper.Pendantdessemaines,elleavaitétédéroutéedenoustrouverdansunechambrenonverrouillée,alorsque l’autre l’était,avec lacléencoresur laporte.Finalement,elleavait baissé les bras et nous avait laissées revenir dans notre chambre unique. De cette manière, aumoins,nousrestionschacunedansnotrelit.Jeregardeautourdemoi,àlarecherchedecequ’ilmefaut,maisjenevoisrien.Puis,jemesouviens
demonsac,celuioùj’aimismesvêtementsdeplage.Aufond,ilyaunmagazinepeuépaisqu’ilmerested’un voyage quelque part, le genre qui n’a presque que des publicités et qui est fait de papier fin etglissant.Cen’estpasl’idéal,maisçaferal’affaire.Ilyaunintersticecorrectentrelesolet lebasdelaporteet,parbonheur, lesplanchesenboissont
bienlisses.Jepousselemagazinesouslaporte,maisilesttropépais.Jeleretire,jel’ouvreetjedétacheunepartiedespagescentrales.Mesmains tremblentetmesdoigtssontmaladroits,mais j’essaiedenepasmelaissergagnerparlapanique.Allez,Summer.Tudoislefaire.Allez…Lemagazineglissesouslaporte.Jenelaissequ’unebandedemoncôté.Ilmefautmaintenantquelque
chosed’assezpetitquipuisseentrerdanslaserrure.Jen’aipasd’épingleàcheveux,quiétaientsiutilesquand j’avais huit ans. Je cours dans la pièce en arrachant tout ce qui me tombe sous la main, à larecherchedel’objetadéquat.Jefoncedanslasalledebain,maiselleestplusvidequejamais.Jenevoisrienquipuissem’êtreutile.Dans lachambre, je regarde frénétiquementautourdemoi,et je sensmonrythmecardiaquequis’accélère.Jesuisàuncheveudel’hyperventilation.J’entendslescraquementsdufeu et je sens la chaleur qui se rapproche. J’imagine les flammes qui lèchent la porte du balcon, quienflamment les rideaux et quimontent jusqu’au plafond. Je ne dispose probablement que de quelquesminutes.Enbaissantlesyeux,jevoismessandalesparterre.Ellesontdeslanièresdecuirquisenouentàla
cheville. J’en prends une et je l’examine. Le cuir est fin et souple,mais solide. Je vais à la porte etj’enfoncelalanièredansletroudelaserrure.Ellerencontreunerésistance,maisjelafaisglisserenlatortillant, certaine qu’elle est assez fine pour passer. Le premier obstacle évité, elle en rencontre undeuxième.Ducalme.Restecalme…Encoreunpeu…Malangueestcoincéecontremesdentsalorsquej’essaiedefaireentrerlepetitboutdecuirdansle
trou.Jeretiensmonsouffle;tousmesmusclessonttendus.Maismamainglisseetlalanièreressort.Jedoisrecommencer.‒Merde!dis-jed’unevoixaiguëettremblante.Ilfautqueçamarche,illefaut!Je recommence, j’enfonce doucement la lanière dans le trou. Elle passe le premier et le deuxième
obstacle,puiselleheurteunesurfacedure.J’espèrequec’estlaclé.Jememetsàpousserentortillantlecuirautantquejepeux,maisilseplie.Ilnepourrapaspousserlaclé.J’essaiedetenirlasandaledetellemanièrequ’elledonneplusderigiditéaucuiret jetortilleànouveau.Ilnemefautpaspaniqueretmedirequejeperdsmontemps.‒Allez!Jesupplieetjepousse.‒Allez,jet’enprie,jet’enprie…D’un seul coup, la surface dure cède, la lanière s’enfonce et j’entends le choc de la clé qui tombe
derrièrelaporte.
Unevaguedejoiemebalaie,alorsquejelaissetomberlasandale.J’airéussi!Maintenant,priepourqu’ellesoittombéesurlepapier…Je tiredoucement labandedepapierquidépassede sous laporte.Elleglissedocilementversmoi,
portantavecellesonpetittrésor:lepoidsdelaclédemachambre.Elleestlà,dansmamain.Jen’encroispasmesyeux.Lesdoigtstremblants,jelaglissedanslaserrure
et je la tourne.Laporteestdéverrouillée. Jepeux sortir.Une secondeplus tard, je suisdans lapièceprincipaledelamaison.Jeregarde,consternée,lebalcon.C’estunvraibrasier,d’oùmontentdehautesflammesquiéclairentlecielnocturne.Parbonheur,iln’apasencoreatteintlamaison,maisildévorelavérandadebois,etunefuméeépaisseemplitlapièce,quiflotteencouchesdenses.Jeréalised’uncoupquejesuislibre.Jepeuxm’enaller.Laclédelavoitureestsurlabanquetteducoincuisine.Laporteestfacileàdéverrouiller.Enunclind’œil,jepeuxm’échapperetlaisserJackàsonsort.Vas-y,meditunepetitevoixdansmatête.Personnen’estaucourant.Vas-yetlaissetoutçaderrière
toi.Sonrêvedevengeancenefrapperapastafamille.Nitoi.Lefeuledétruiras’ilneseréveillepas.Etmêmes’ilseréveille,ceserapeut-êtretroptard…Jesaisquejepeuxpartir,maisderrièrecetteporteferméeenfacedelamienne,ilyaJack,endormi.Il
nesaitpascequisepasse.Jenepeuxpasl’abandonneràunsortsiterrible.Maisilétaitprêtàtefairedumal.Ilt’aarrachéeàtavie.Ilneméritepastacompassion.Lescraquementsdufeus’amplifientalorsquemespenséestourbillonnentdansmatête.Lachaleurdu
balconcognesurmapeaunue.JesaisquejepourraispartiretlaissermourirJack.Maisjenesuispascommeça.Jenelesuispasetjenelaisseraipersonnemechanger,quoiqu’onpuissemefaire.Jecoursàsa chambre et j’ouvre la porte à toute volée.Aussitôt, j’étouffe etmes yeuxme brûlent.La fumée estentréeparlafenêtreouverteetflotte,épaisseetdense,dansl’airdelapièce,quieststriéedegrosrubansgris.Encorehabillé,unbrasjetésurl’oreiller,Jackestendormisurlelit.Commentpeut-ildormirdansuntelétouffoir?Àmoinsque…Unepenséeatrocemefrappe:Àmoinsqu’ilnesoitdéjàmort…d’avoirinhalélafumée…Je me précipite vers lui et je le touche : il respire, mais faiblement, et il est plus proche de
l’inconsciencequedusommeil.Jelesecoue:‒Jack,Jack!Réveille-toi!Iln’estqu’unpoidsmort.Jemesersdemesdeuxmainspour lesecouer, jecriesonnom,mais ilne
réagitpas.‒Jack,réveille-toi!Jemetourneetjevoislaportedelasalledebainouverte.J’ycourset,voyantunseauenferblancpar
terreavecunbalaietuneserpillièrequidépassent, je lesenvoiedans labaignoireet je remplisà rasbordleseaud’eaufroidequirésonnecontrelefer.Jeletirejusqu’aulitet,dansuneffortcolossal,jelevidesurlecorpsdeJack.Ladoucheglacéeproduitl’effetrecherché:ilgémitetseretourneenouvrantlesyeux.‒C’estquoi,cebordel?‒Réveille-toi,Jack!Ilfautqu’onsorted’ici!Lebalconestenfeu!Je saisis son bras et lemets autour demon cou pour l’aider à sortir du lit. Il avance dans un état
d’hébétude, comme s’il n’avait pas entendu ce que je lui ai dit, mais au moins il se déplace, mesoulageantd’unpeudesonpoids.‒Summer?Ilclignedespaupières;sesyeuxruissellenttantlafuméeestâcre.Moi-même,jenevoispresquerienà
causedeslarmesquiseformentsousmespaupières.Puis,ilsemetàtousser.‒Ilfautqu’onsorted’ici,dis-jeenlesoutenantautantquejepeux.Ilestlourdetjechancellesoussonpoidsavantderetrouverquelqueforceetdemeredresserunpeu.‒Allez!Laporten’estqu’àquelquespas,maislespectacledanslapièceprincipaleestterrifiant:lefeuaforci
ets’estrapproché;lesflammesronflentetlafuméesedéversedanslamaison.Jacketmoiatteignonstantbienquemallaported’entrée.Nousétouffons,noustoussons,nosyeuxruissellent.Laportes’ouvreetnousnousretrouvonsdehors,dansl’airfraisdelanuit.‒Merde,qu’est-cequisepasse?demandeJackensesecouantvigoureusementlatête.‒Lamaisonaprisfeu.Ilfautappelerlespompierstoutdesuite.Oùestmonportable?Jetoussetoujours,maisjepeuxparler.‒Oùest-il?Ildésignelamaisondudoigt:‒Là-dedans.Maisilsn’arriverontjamaisàtemps.Jeleregardeunmoment,puisjedéclare,d’untonpresquesolennel:‒NomdeDieu!Jenevaispasresterlesbrascroisés.Jetournelestalonsetjepénètredanslamaisontoutenfuméeenmetenantlepluspossibleaurasdusol,
alorsqueJackmehurled’arrêtermesconneries.Àl’intérieur,j’évaluerapidementlasituation:lefeuesttoujourssurlebalcon.Parchance,leventa
tourné,repoussantlesflammesàl’extérieurdelamaison.Àcausedelafumée,leschosesontl’airplusgravequ’ellesnelesont.Nousavonsencoreunechance.Mesyeuxmebrûlentànouveau.Toutmoncorpsme crie de ressortir à l’air libre, mais je me force à aller dans la chambre de Jack, où gît le seauabandonnéprèsdulit.Jeleramasse,jecoursàlacuisine,jeleremplisaurobinetaussivitequejepeuxet,pendantquel’eaucoule, jerassembletouteslescasserolesetautresgamellesquejevois.Jackm’arejointe.‒Tucroisqu’onpeutcombattrecemonstre?dit-ilentoussantetens’essuyantlesyeux.‒Onpeutessayer.‒O.K.Ilouvreunplacardetsortunautreseauetuntuyaud’arrosage.‒Onyva.Monseauestpresqueplein.Jelesoulèvedel’évierpendantqueJackfixeletuyauaurobinet.Pendant
un instant, nous nous regardons à travers la fumée ; puis, nous nous tournons vers les flammes àl’extérieur. Jack y va en premier. L’encadrement de la porte est chaud, la poignée, brûlante. Ils’enveloppelamaindansunplaidducanapépourouvrirlaporte.Aussitôt,lachaleurmonted’uncranetjedoisdétournerlatêtedecetteexplosiond’airchaud.Jackhurle:‒Ouvrelerobinet!Jetournelapoignée,etletuyausouplesedurcitaupassagedel’eau.Unjetd’eausurgitàl’autrebout,
queJackdirigevers lecœurdesflammes.Çagrésille fort,unnuagedefumées’élève,maisàpartça,celanechangepasgrand-chose.Jesaisismonseauetjecourslerejoindremalgrélachaleurquimanquemerepousser.Je jette l’eauaussi fortque jepeux,unepetitefontainequis’écrasedans lefeu,fumeetdisparaît. Je repars remplir mon seau. Depuis l’évier, je ne vois aucun changement. J’entends uncraquementmenaçantdubois,commesilebalconallaits’effondrer.Labalustraden’estqu’uneboulede
flammes.D’unseulcoup,elledisparaîtets’écrasesurlaplageendessousdansunecascaded’étincellesrougeoyantesetdebraisesquivolettent.Jehurle:‒Çalefaitpas!Lefeuesttropfort!‒Non!crieJack.Ilfautcontinuer!Iltranspireetsefrottelesyeuxtoutendirigeantlejetd’eauverslebrasier.Celaal’airbiendérisoire
faceauxflammesgrondantes. Ilnous faudrait le jetd’unevraie lanceà incendie.Onpeutyarriver. Jereviens avec un seau d’eau, laissant l’autre se remplir au robinet, et je le jette à toute vitesse, car lachaleurestintenable.PasétonnantqueJacksoittrempédesueur.Jereparschercherl’autreseau.Etnouscontinuonsainsi,encoreetencore,ànoyerlecœurdesflammesetdetoutescellesquipourraientpartirvers l’intérieur de lamaison.Alors que je commence àme demander combien de temps encore nouspouvonscontinuerainsi,jemerendscomptequecelaportesesfruits.Lachaleurbaisse,lecœurdufeuaperduentailleetlesflammesnedévorentpluslerestedubalcon,quin’enestplusun,maisunsquelettecalciné.Enfin,dansunevapeursifflanteetl’odeurâcreduboisbrûlé,lefeusembleêtremaîtriséetnetardepasàs’éteindre.‒Arrêteletuyau,meditJack,levisagebarbouillédetraînéesnoires.Épuisée,j’acquiesceetjereparsàl’évier,oùjelaissetombermonseau.Letuyauretombelorsqueje
coupel’arrivéed’eau.Ilfaitétrangementfroidsanslachaleurdévastatricedubrasier.Jacklâcheletuyauetrevientàl’intérieur.Iltouchesatêteetlasecoue:‒Jen’arrivepasàycroire.‒Onaréussi!dis-je,prised’unsentimentsoudaindejubilation.Onl’aéteint!Noussommesprochesl’undel’autre.Nousnousregardonsetnousnoussourionscommedeuxniais.‒Non,tul’aséteint,dit-ildoucement.C’estàtoiqu’onledoit.Tunousassauvélavie.Sesyeuxsontempreintsdetendresseetd’unesorted’incrédulité.Jenesaispascommenttuasfaitpoursortird’unepièceferméeàclé,maistul’asfait!Etensuite,tu
m’assauvéalorsquetuauraisput’enfuir.‒Jen’allaisquandmêmepastelaissermourir!dis-jealorsqu’unétrangesentimentmonteenmoi.Probablementlecontrecoupduchoc,medis-je.Ouais,c’estça.‒Tuesincroyable,dit-il,l’airdésarmé.Jenesaispascommentteremercier.‒J’aiuneidée,luidis-jeensouriant.‒Laquelle?‒Pourcommencer,tupourraisarrêterdefumer.Ilmedévisage,puissemetàrire,etjerisàmontour,bienquenoustoussionsenmêmetemps.Soudain,
sans savoir comment, je me retrouve dans ses bras et nous nous embrassons follement, éperdument,commesinotrevieendépendait.
16
Danslecalmedel’avion,FreyatientlamaindeMilesdanslasienne,souslacouverturedanslaquelleelles’estenveloppée.Ellen’arrivepasàchasserlefroidquis’estemparéd’elledèsl’instantoùelleaappris ce qui était arrivé à Summer.Miles ne l’a pas laissée seule une seconde depuis l’arrivée dumessagedeFlora.‒Jeviensavectoi,a-t-ildéclarépeuaprèsqu’elleluiaannoncésadécision.‒Mais…tunepeuxpas!Lecours…Lesclientsarriventdansdeuxjours.C’esttagrandepremièreet
tu y as mis tellement de temps et d’énergie. Tu ne peux pas partir, Miles, c’est comme ça. Je ne telaisseraipasfaireça.Milesarépondu,l’airobstiné:‒Tuneparspasseule,Freya.Chrisatravailléavecmoipendanttouslespréparatifs.Ilsaitexactement
cequ’ilfautfaire.Jeluifaisconfiancepourassurer.‒Maislesclientss’attendentàcequecesoittoiquilesprennesencharge.‒ S’ils ne comprennent pas que des urgences familiales peuvent arriver, aussi gênantes soient-elles,
qu’ilsaillentsefairefoutre.Ill’aprisedanssesbras.‒Jenepeuxpastelaisser.Pasencemoment.Submergéedesoulagement,elles’estunpeudétenduedanslachaleurdesonétreinte.Ilavaitraison:
ellenepensaitpaspouvoiraffronterçaseule.Àprésent qu’ils s’éloignent de l’Europe et poursuivent le soleil dans sa course autour dumonde en
directiondelalumineuseCalifornie,elleserrefortsamain.‒Çavaaller?demande-t-ildoucement.Leursvoixsontétoufféesparlevrombissementdesmoteurs,maiscelan’aguèred’importance.Leurs
plusprochesvoisinsportentdesécouteursetregardentlesprogrammesprojetéspendantlevol.‒J’imaginequeçafaittoutressurgir.Ellehochelatête.Elleal’estomacnouéparunepeurqu’ellen’aplusressentiedepuisl’enfanceetce
terribleétéaucoursduquelsamèreetelleavaientétéenlevéesdansleurvillaetemmenéesenpleinenuitjusqu’àdesgrotteshumidesdans lesmontagnes.Elle se rappelle le choc et la confusionqu’elle avaitressentisdesevoirainsiarrachéeàlasécuritédesonlit.Elleserevoitcramponnéeàsamèrequi,enapparence, restait calme et forte, mais dont les mains tremblantes révélaient à quel point elle étaitterrifiée.Combiendejoursavait-ellepasséslà-haut,enpyjamaetpeignoir,jusqu’àcequ’onviennelessecourir?Celaavaitparuuneéternité,piégéequ’elleétaitdanscetespacefroidethumide,autoriséeàsortir uniquement pour faire ses besoins dans un trou creusé à proximité, toujours accompagnée d’ungardienetdel’éclatmétalliqued’uncanondefusilquiluidisaitdenepaschercheràs’enfuir.Commesielleavaitpupartirenlaissantsamèrequis’affaiblissaitdejourenjour!…‒Jen’arrêtepasde lesvoir, les images…Ellesexplosentdansmatête.Mais jevoisaussiSummer,
touteseuleetprisonnière.
SamainsecrispeautourdecelledeMiles.‒Qu’est-cequ’ilpeutluifaire?Elleestjolie,elleestjeuneetinnocente.L’horreurluicomprimelapoitrine.‒Ilfautqu’onlaretrouve,Miles.‒Onvalaretrouver,dit-ild’untonferme.Net’inquiètepas.Ilneluiferapasdemal.Ilyaunmotif
derrièreunenlèvementet,engénéral,c’estl’argent.Ellenerisquerientantqu’ilsveulentcetargentetqu’ilspensentpouvoirl’obtenir.Freyatournesonvisageversluienouvrantgrandlesyeux.Elleestpâleetal’aireffrayée.‒Maisquevont-ilsfaires’ilssaventquepapanepaiepasderançon?Iln’enapaspayépourmamanet
moi!Alors,maintenant,c’estencoreplusimprobable.‒Ça,ilsnelesaventpas,sinonilsnel’auraientpaskidnappée.Milescaressedupoucesapaumepourlacalmer.‒Jesaiscombiençafaitpeur,maisnousallonstoutfairepourlaretrouver,tupeuxenêtresûre.Etça
nesepasserapascommepourtoi.Personnenevamourir.Freyaessaiedesourire,maisseslèvresrefusentd’obéir.‒Tulepromets?demande-t-elle,savoixn’étantqu’unmurmuretremblant.‒Jetelepromets,ditMilesfermement.Essaiedetereposer,moncœur.Ilvatefalloirtoutestesforces
unefoissurplace.Elle hoche la tête, un peu rassurée.Mais elle se demande bien comment elle va pouvoir trouver le
sommeiltantqueSummerneserapasderetour.Jane-Elizabethcourtverslebureau,frappeetentresansattendrele«Entrez!»habituelqueluiaboie
sonpatron.M.Hammondestassisdanslevastefauteuilencuirdevantsonbureau,avecEstellesursesgenoux,ettousdeuxregardentl’écrandel’ordinateur.‒Est-cequecelui-ciestassezgros?demande-t-il.Il lève un regard courroucé vers Jane-Elizabeth qui entre, hors d’haleine, repoussant d’unemain la
mèchedecheveuxquis’estéchappéedelapince.Cettemècheblanchequilarendtellementsingulièreetqu’elleremetenplacedanssachevelurebrune.Estelleaussilèvelesyeux.Sonexpressionestindéchiffrable,sesgrandsyeuxbrunsdeBambibattant
lentementdespaupières.Elle a toujourspris soindenepasoffenser Jane-Elizabethet jamais ellen’aessayédes’interposerentreelleetM.Hammond.Elleesttropmalignepourça,seditJane-Elizabeth,quipourtantestrongéed’inquiétudedepuisqu’elle
areçulemessagedeFlora.Elles’esttoujoursefforcéededissimulerlemieuxpossiblesessentimentsàl’endroitd’Estelle.‒Qu’est-cequ’ilya,Jane-Elizabeth?demandesonpatronsèchement.Noussommesoccupés,comme
vouslevoyez.‒ Je crois que ça va vous intéresser, répond-elle, agitée, incapable de rester en place. Je viens de
recevoirunmessagedeFlora.ElleetFreyapensentqueSummeraétéenlevéeàLosAngeles.‒Quoi?Ilfroncelessourcils,l’airdécontenancé.Estelleselèvedesesgenouxsansqu’onleluidemandeetvas’asseoirsurunechaisepourécouteravec
beaucoupd’intérêt.M.Hammondprendlecombinétéléphoniqueetappuiesurunposte:‒ Pierre, venez immédiatement ! aboie-t-il avant de raccrocher brutalement. Je ne comprends pas.
PourquoiFlorapense-t-elleça?Pourquoipersonned’officieln’a-t-ilpriscontact?
Jane-Elizabeth s’apprête à bafouiller ce qu’elle sait, mais M. Hammond l’interrompt de la main,sourcilsfroncés:‒AttendonsPierre.Ilarriveauboutdequelquesminutesàpeine,unpeuessoufflédes’êtredépêchéderejoindrelamaison
depuis lesquartiersdupersonnel.Ilobéit toujoursaudoigtetà l’œilà lamoindresollicitationdesonpatron.Jane-Elizabethnel’ajamaisaimé,passeulementàcausedesonphysiquepeuengageantavecsonairrevêcheetsonnezcassé,maisaussiparcequ’ilyacommeuneauraautourdeluiquilarepousse.Uneduretétoutentestostéronequisembles’épanouirdanslaviolenceetl’agressionetquin’estpastempéréeparunquelconquesensdel’honneuroudelaretenue.Jane-Elizabethnepeuts’empêcherdelecomparerà Miles Murray, qui, lui, combine force et courage avec un solide code d’éthique, ce qui le rendéminemmentdignedeconfiance.Pierre,selonelle,n’estpascommeça.Ilferaittoutetn’importequoi,siM.Hammond le lui ordonnait, sans une seconde d’hésitation et sans se soucier des conséquences. LaprioritédePierreseratoujoursderesterproched’unesourced’argentetdepouvoir.‒Monsieur?dit-ilavecsonfortaccent.‒IlsembleraitquemafilleSummeraitétékidnappéeàLosAngeles.IlregardeJane-Elizabeth.‒Racontez-noustout.Ensuite,nousdécideronsdenotreaction.Estelle,sursachaise,croiseseslonguesjambesbronzéesetécouteattentivement.FlorasefélicitequeJimmyaitdécidéderesteravecelle.Charlieestrepartichezeux,etMacestalléà
son bureau pour commencer ses investigations sur Jack Fuoco. Jimmy et elle ont passé le reste de lajournéeensemble,jusqu’àcequeFloranes’effondredesommeil.Elleadormiparbribesunepartiedelanuitet,alorsqu’ilfaitencorenuit,elleesttoutàfaitréveillée.Elleestallongéesurl’immenselitetregrettel’absenced’Andrei.Ilsn’ontpratiquementjamaisétéséparésdepuisqueleurhistoired’amouracommencé–pasd’unemanièrenormaleavecdesrendez-vousetlalentemontéedusentimentamoureux,maissurlabased’unaccordmutuelparlequelilss’engageaientàsefournirunréconfortcharneltoutencontinuant,chacundeleurcôté,àchérirsansespoirleurvéritableamour:FloraéprisedeJimmy(celaparaît tellement stupide quand elle y repense), et Andrei épris de Beth. Jusqu’à ce qu’ils se rendentcompte, au bout d’un certain temps et de quelques rencontres délicieusement excitantes, qu’ils avaienttrouvél’amoursansmêmelechercher.Pendantquelquetemps,Floraavaitredoutéqu’AndreinesoitpaslibérédesapassionpourBeth,maismaintenantellesaitqu’iln’éprouveplusdesentimentspourelle.Lesnouvelles venant de Freya l’ont quelque peu perturbée : on dirait qu’Andrei est toujours décidé à sevengerdeDominicpourluiavoirprisBethetseréjouitàl’idéedecoulersonaffaire.Mêmesiellenepensequ’àSummeretàlamanièredelaretrouver,ellenepeuts’empêcherdedéplorerqu’Andreisoitloind’elle.Ilestimportantqu’ilssoientensemblepourcimenterlesliensquilesunissentetétayerleurrelationencoretoutejeune.Florafixel’obscuritédelachambreenévoquantAndrei,soncorpsrobusteetmusclé,sesbrasetses
mainspuissants,sesfessesfermesetsonqueuedurecommeduboisquandilsfontl’amour.Cequ’ilsfontsouvent.Ellesoupiredanslenoirenseretournantsouslesdrapsfraisquiglissentsursapeau.Lesimplefaitde
penseraupénisraidid’Andreilafaitfrissonnerdedésir.Entresescuisses,ellesesentprête.Elleglisseunemainsoussonhautdepyjamaensoieetsecaresselesseins.Sesmamelonssontdurs,prêtsàêtreembrassésetsucés.Andreiadorepasserdelonguesminutessursesseins,usantdesaboucheetdesesdentsjusqu’àcequ’ellesoitpresqueprêteàjouirsousleplaisirqu’illuidonne.Pendantqu’illasuceet
la mordille, ses longs doigts jouent plus bas, pénétrant en elle, ressortant parfois pour caresser lebourgeon dur au-dessus de son vagin, la faisant tressaillir violemment, comme sous des impulsionsélectriques,sousl’effetduplaisirqu’ilcréeenelle.MonDieu,c’estinsupportable.Ilnefautpasquej’ypense.Maisellenepeutcontrôlerledésirquimonteenelle.Samains’aventureplusbas;ellesedemandesi
secaresser jusqu’à jouirva l’aideràapaiserunpeu lebrûlantdésirqui l’habite.Peut-être,mais justepourunmoment.J’aibesoindelui.Elleattrapesontéléphonesurlatabledenuitetaffichelenumérod’Andrei.Elledécidedeleskyper.Il
répondauboutd’unmoment.‒Flora?Savoixestunpeuamusée.Ilal’airheureuxd’avoirdesesnouvelles.‒J’aidûquitteruneréunionpourrépondre.Elleregardesonvisageanguleuxetsouriant,sesyeuxd’unbleuaigue-marine.‒Oùes-tu?Jenetevoispas.‒Ahoui,j’oubliais:ilfaitencorenuitici.Ellesepencheetallumelalampedechevet.‒Ah!dit-ilensouriant.C’estmieux.Tuesaulit?‒Oui,jen’arrivepasàdormir.Elleluijetteuneœilladesurl’écran.‒Jeteveux.‒Moiaussi,monamour,tunesaispasàquelpoint,dit-ild’unevoixrauque.‒Tun’aimeraispasêtreiciavecmoi?‒Biensûrquesi.‒Regardecombienjeteveux.Elledescendletéléphone,tirelégèrementsursonpyjamaensoiepourdévoilersesseins.Desamain
libre,ellesecaresselesmamelons,lespinçantpourlesdurcirencoreplus.Elleentendsonsoufflequis’épaissit.Puis,elleremetletéléphonecontresonvisage.‒Tuvois?‒Oui…,jevois.Savoixestbasseetintense.‒Tuveuxvoirplus?Suismesdoigts.Ellepositionnel’écrandetellesortequesesdoigtssoientvisibles,poséssurlacourbedesesseins.
Puisellelestiretrèslentementverslebasenlesfaisantjouersurladouceurdesapeau,sursonventreetjusqu’àlatailledesonpyjama.‒Tuveuxlessuivre…plusbas?Elleglissedeuxdoigtssouslaceintureetelleentendalorsunrâlequimontedutéléphone.Elleremonte
letéléphoneàsonvisageetsouritàAndrei.Sonregardacetéclatvoiléqu’elleconnaîtbien.Ilestenproieaudésir,ilpenseàcequ’elleressent,àsonodeur,augoûtdecesdélicescachées.‒ Mes doigts sont toujours là, murmure-t-elle. Je pense à toi pendant que je touche…, caresse…,
frotte…Ilal’airfigé,maisellesentsonsouffles’accélérer.Ilestavecelle.‒Oh!Andrei…,dit-elletoutenjouantdesdoigtsaveclebourgeonchaudetgonflédesonclitoris.Oh
monDieu,commej’aimeraisquetusoislà!…‒Monamour,tunesaispascequetumefais,tumerendsfou,dit-ild’untonpresqueviolent.‒Viensmerejoindre.Jeteveuxtellement,j’aibesoindetoi,ici.Elle sort la langue pour s’humidifier les lèvres et elle ferme les yeux. Elle pense aux sensations
délicieusesquesesdoigtsluiprocurentetellepenseàAndrei,augonflementdesabite.Andreiquidoitêtretellementaffaméd’ellemalgrélesmilliersdekilomètresquilesséparent.‒ Flora…, dit-il d’une voix lourde de désir. J’ai une réunion à laquelle je dois assister. Tu sais
laquelle,cellequej’attendsdepuissilongtemps,avecl’hommequivamepermettred’écraserDominicStoneunefoispourtoutes.‒C’estimportant?demande-t-elle.Plusimportantquemoi?‒Biensûrquenon.‒Alors,annule.Oublie-le.Prouve-moiquetutiensplusànousqu’àtonenviedeluiréglersoncompte.Ellepasseànouveaulalanguesurseslèvresetpousseunpetitcrideplaisir.‒J’aibesoindetoiici.S’ilteplaît,Andrei…,s’ilteplaît…Ellevoit qu’il est auxprises avecundilemme.Elle est en trainde lui demanderdeprouverqu’il a
enterré tous ses sentiments pour Beth, y compris les dernières affres de jalousie qu’il peut encoreressentirà l’encontrede l’hommequeBeth luiapréféré.Plusquecela,elle luidemandedequitter lechampdebataillealorsquelavictoireestàsaportée.A-t-elleraisondeluidemandercela?A-t-elleledroitdeleforceràfaireuntelchoix?Mais j’ai besoin de lui. Et j’ai besoin de savoir que je suis plus importante qu’une victoire qui
anéantiraitDominic.Andreinedittoujoursrien;illaregardeintensémentsurl’écran.‒Alors…,dit-elledoucement,tuvasvenir?
17
C’estpeut-êtrebienlachoselaplusdinguequimesoitjamaisarrivée.Parmi les derniers panaches de fumée âcre, dans la soudaine fraîcheur de la nuit qui nous saisit
maintenantquelefeuestéteint,tousdeuxtrempés,ensueuretbarbouillésdecendreetdesuie,nousnousembrassons. J’embrasse quelqu’un plus éperdument que je ne l’ai jamais fait.Ces baisers contiennenttoute l’intensité des dernières heures. L’adrénaline du danger, le poids de l’effort physique, lesoulagementetlajoied’avoiréteintlefeuetd’avoiréchappéàunsortterriblenousontrapprochésaupointdenousemporterdansunepassionsurvoltée.Maisilyaplus.Dèsl’instantoùilm’aprisedanssesbrasetapresséseslèvrescontrelesmiennes,sa
langueprenant possessiondemoi avecune sorte de voracité désespérée, j’ai su que c’était ce que jevoulais depuis notre rencontre. Je savais que cela devait arriver et que ce qui nous pousse l’un versl’autreestplusfortetplusgrandquenous.Mesbrasjetésautourdesoncou,mesdoigtsenfoncésdanssacheveluresombre,nousnousembrassons
follement,sanspouvoirnousarrêter.Ilaungoûtdefumée,maisaussiungoûtsucréetcelui,délicieux,desa propre essence. Sa peau est divine sousmes lèvres qui l’effleurent, son odeur chaude titillantmessens.Salanguefouillemabouche,seslèvresdévorentlesmiennesetsesmainscourentlelongdemondosetdemesfesses.Nil’unnil’autrenetentedeparler.Inutile.Nouscommuniquonsparnosbaisers:pareux,nousdisonsledésircroissantquenousavonsl’undel’autre.Cesbaiserssontplusintensesquecequej’aijamaisimaginé.Toutcequejesais,c’estquecelanepeutpasseterminer.Pasavant…Avantquoi?C’esttonravisseur,meditlapetitevoixdansmatête.Cen’estpascenséarriver.Maisjem’enmoque.Jenepeuxqu’obéiràmoncorps,àcequ’ilveut,etilveuttellementJackqueje
n’ypeuxrien.Jackrespirefort,aveccommeungrognementdanslagorgequandilmetouche.Soudain,ilbouge,et,enl’espaced’uneseconde,jeréalisequ’ilmesoulève,meportedanssesbras.Jel’embrasse,mesmainscaressentsoncouetlazoneoùsescheveuxdeviennentduvetsursanuque.Ilavanceversmapetitechambreetouvrelaporte.L’airyestrelativementfrais,carlesfuméeslesplusépaissesn’yontpaspénétré.Jemedemandependantunbrefinstants’ilvam’ydéposeretm’enfermerànouveau.Ai-je été une parfaite idiote ? Suis-je revenue de moi-même me piéger alors que je pouvais
m’échapper?Maismaintenant,jesuissurlelitetJackestavecmoi.Ilnevapasmelaissericietmeséquestrer.Nous
sommesensemble,pressésl’uncontrel’autresurcelitàuneplace,noscorpspalpitant.Nousrecevonscommedescoupslesincroyablessensationsquecréenotreproximité.Nousgeignons,noushaletons,nosmainsserencontrentetsefrôlentalorsquenousexplorons lapeaude l’autre, trouvantunsentimentdetriomphedanscecontact.Mesmainspassent sous son tee-shirt et touchent leveloutéde sapeau ; sesmusclessontdursendessousetfrémissentaugrédesesmouvements.Jepromènemapaumesursondos,quiestagréablementlarge.Samainseposesurmajambenue,sousledenimeffilochédemonshort;illacaressesurtoutesalongueur,puisillalèvepourl’enroulerautourdesahanche.OhmonDieu!…Noscorpssonttrèsproches.
Jesenslachaleurquiémanedesonentrejambe,àtraverslejean,etjemedemandes’ilperçoitcellequej’envoieenréponse.Jemesensconsuméed’excitation.Jeleveux,jeveuxsonmembreenmoi.Cettepenséemesurprend.J’aisouventété trèsprèsdeperdremavirginité,mais toujours jemesuis
retenueparcequejesentaisquecen’étaitpasvraimentbien:paslegarçonquej’aimaisvraiment,paslabonnefaçondelaperdre,commeçaenpassant,pasdansunesituationassezromantique.Oui,sansdoutequejemegardaispourcemomentoùjemeretrouveraisdansunemaisonàmoitié
brûlée,avecunmecquim’auraitkidnappée.Pourunpeu,j’enrirais,maismondésirgagneenintensité.J’embrasseJackencorepluspassionnément,
jetiresatêteàmoi.Peut-êtreest-ceparceque,cesoir,j’aicomprisqu’ilnemefallaitplusperdredetemps.Qu’est-ce
quej’attends?Unjourfrappédemagieoùjemedonnerailapermissiondevivremavie?Maismavie,c’estmaintenant.Jesuisdéjàpasséeàcôtédetropdechoses.JetendslamainverslejeandeJacketjecommenceàdesserrerlaboucledesaceinture.‒Attends,Summer,dit-ilenreculantetenprenantdoucementmamaindanslasienne.Sesyeuxsombres,d’unebeautéàcouperlesouffle,ontl’airinquiets,mêmes’ilsbrûlentdedésir.‒Tuessûredelevouloir?‒Biensûr,plusquetout,dis-je,pantelante.‒Jeveuxdire:tuleveuxvraiment?Jeneveuxpasquetulefassesparcequetucroisque,moi,jele
veuxetquetuaspeurdedirenon.Parcequec’estlemoyendetesortirdelà.Jeveuxquetulefassesuniquementparcequeturessenslamêmechosequemoi…‒C’estlecas.Tunelevoispas?‒Ohbonsang,quetuesbelle!dit-ild’unevoixquisecasseenparlant.Jenesaisplusoùj’ensuis.‒Neréfléchispas,arrêtedepenseretlaisse-toialler.J’appuiemes lèvres sur les siennes et je glissema langue dans sa bouche. Il répond fiévreusement,
prendmatêtedansunemainetposel’autresurmacuisseenm’attirantàlui.J’aienviedeledévorer;jemesensfolled’envie,vorace.Plusrienn’importequeça.Mesdoigtssereportentsursaceintureet jefinis rapidementdedesserrer laboucle. Jedéfais lebouton, et le jean s’entrouvre. Il respire fort, sesdoigtspétrissentmapeau,salanguedevientfébriledansmabouche.Jedescendslafermetureéclair,mesdoigtssententdéjàlachaleurquimontedesonpantalon.Jepasseledosdemamaincontrelesformessolides que j’y sens, et mon ventre se contracte d’excitation. Jack pousse un cri aumoment où je letouche,mêmeàtraverslecotondesoncaleçon.‒OhmonDieu!gémit-ilcontremabouche.Pendantquenousnousembrassons,jepasseànouveaumamainsurlabossedure,puisjeglissemes
doigtsdanslafentededevantetjetouchesonérection,douceetbosselée.Savergeestchaudeetdureet,enlasaisissant,jemerendscomptequemesdoigtsenfontàpeineletour.Illâchemabouchepourmeregarder alors quemamain caresse sonmanche. Ses yeux sont tel un liquide sombre, bouillant d’uneintensité que je ne leur ai jamais vue. Je palpite moi-même de désir, je suis folle du besoin de leposséder. Jamais jen’ai connuça.Dans lepassé,quand je suis allée jusque-là avecdesgarçons, j’aitoujours eu de l’appréhension, voire de la peur. Je n’ai jamais pu croire que ce serait bien, que jepourrais aimer ce qui allait suivre.Maismaintenant, je sens que jemaîtrise, comme si je prenais lecontrôleetJackétaitimpuissantfaceàlaforcedecequenousressentonstousdeux.Jesais,absolument,
quesonsexevamerendreheureuse. Ilvamedonnerduplaisir,mesatisfaire,comblerunvideque jen’avaispasconsciencederessentiravantcetinstant.Jackvamerendrecomplète.‒Jeveuxtetoucher,murmure-t-il.Jepeuxtetoucher?Satimiditém’émeut.‒Biensûr,jeleveuxaussi.Nous nous regardons dans les yeux alors que nosmains parcourent nos corps. Samain effleurema
hanche,laissantunebrûlurelàoùsesdoigtssesontposés.Jegémisquandillapromènesurmonventre,làoùmonshort se ferme,sousmonnombril. Ildéboutonnerapidementmonshortet,nosyeux toujoursrivés l’un à l’autre, glisse ses doigts sous le tissu de mon slip et sur mon mont de Vénus. C’estvertigineux,j’ailesoufflecoupé,jesuisprêteàm’évanouir.Jecaressesonsexedurenfaisantglisserlapeausousmesdoigts, jusqu’auglandvelouté.Tandisqu’ilpoussesesdoigtsverslebas,versmazonehumide,jelecramponneplusfort.‒Tuessibelle,simagnifique,dit-ildansunrâlegrave.‒Toiaussi.Unevaguededésirfébriles’emparedenous.J’arrachemontee-shirtetjelejette.Ilgémitàlavuede
messeinsquiémergentdemonsoutien-gorgeendentelleblanche;ilenembrasselesrondeursetposesabouchesurladentellepourléchermesmamelons.Salangueestdouceethumidecontreletissu.Jefrémis,jegémis;desdéchargesélectriquesvontdirectementdemesmamelonsàmonsexe,quisecontracteetgonfle.Ildéfaitmonsoutien-gorgeetcaressed’unemainundemesseinspendantqu’ilembrassel’autre.C’estinsoutenableetdélicieux.Puis,l’urgencenoussaisit.Illèvesatêtebrune,saboucheseposesurlamienneetjem’ouvreàlui.Jeveuxqu’ils’abîmeenmoi,qu’ildevienneunepartiedemoi.Plusrienn’ad’importancequecela:l’avoir,là,toutdesuite.Jemetirecontremoietmepressecontrelacolonnedurecommedu bois de son pénis.Nous sommes possédés, pantelants, incapables de nous contrôler. Il faitdescendremonshortetmonslip,etjel’aideàm’endébarrassertoutentirantsonjean.Ilmontesurmoi,etj’ouvrelescuissespourqu’ils’yallonge.Jehalète,jeneveuxpasm’arrêter,justesuivrel’instinctquimepousse.Jamaisjenemesuissentieplusvivante.Riennem’ajamaissembléaussiparfait.Ilmeditàl’oreille:‒Jevaismettrequelquechose,d’accord?Pendantun instant, jenesaispascequ’ilveutdire,puis il s’écartedemoipourattraperson jeanet
sortird’unepocheunpetitsachet.Jecomprendsimmédiatement:‒Ilnousfautêtreprudents,dis-jedansunsouffle.‒Toujours.Il esquisseun joli sourire unpeu en coinqui fait se contractermonventredebonheur. Il déchire le
sachetetrevientversmoi,soncorpschaudcontrelemien.‒Tuveuxm’aider?‒Avecplaisir.Ilguidemamainsursonbâtonetmetmesdoigtssurlepetitdômedecaoutchoucposésurlegland.‒J’adorelafaçondonttumetouches.Nosdoigtsbougentensemble,faisantglisserlafinepelliculesursonmembrejusqu’àlabase.Sabite
estdifférenteautoucher:plusfraîche,pluslubrifiée.Peut-êtrequeceseraplusfacilepourmoicommeça,sielleglissemieux.Jackest revenulàoù je leveux,entremescuisses. Ilm’embrasseet jesenssonérectioncontremon
sexe.Jesaisquelemomentquej’attendsdepuissilongtempsestarrivé.Uneondedebonheurm’inonde
enmême temps qu’une bouffée de désir brutme pousse à continuer.Mes bras l’entourent,mesmainscourentsursondos,soncou,sesfesses.Jesenssonglandcontremoi,etpuis,soudain,ilestenmoi,pasprofondément,justeuncentimètreoudeux.Unpetitcrim’échappe.Ilestsigros.Jemesensm’étirerplusquejenelepeux.Puisjem’yhabitueau
boutdequelques instants, justeaumomentoù ilpousseànouveau,medilatantencoreplus,me faisantcrier.‒Çava?demande-t-ild’unevoixhaletante.‒Oui,oui,net’arrêtepas,dis-je,suppliante.Jen’aijamaisressentiunetellechose;ilmeremplitàunpointquasiinsoutenable.‒Jet’enprie.‒OhmonDieu,gémit-ilalorsqu’ils’enfoncedequelquescentimètressupplémentaires.Tuessiferme,
sisuperbe…Ilpousseavecleshanchesetavanceencoreunpeu.C’estunedélicieusetorture.Jem’ouvrepeuàpeuà
lui,jelereçoisdeplusenplusprofondément.J’attendsquelavraiedouleurcommenceetqu’ilrencontreunebarrière,maiscelanesemblepasarriver.Ils’enfonce,deplusenplusprofondément,jusqu’àcequeje sente qu’ilme remplit le ventre de son énorme pénis dur. Lorsque je sens qu’il ne peut pas entrerdavantage,ils’arrêteetresteenmoi.Jecroiselesjambessurlessiennespourlegarderaufonddemoi,jerespirefort,j’arqueledosetjechercheseslèvresdemabouche.‒Summer,dit-ild’untonpresqueétonné.‒Jack,dis-jeenl’embrassantprofondément.Jenemesuisjamaissentieaussiconnectéeavecpersonne.
Nousnesommesqu’unseulcorps,maintenant,etcelameprocureunevoluptueuseextase,dontjemedisquejepourraisenmourir.Commenousnousembrassons,ilsemetàbougerenmoi,avançantetreculantsonbassin.Ils’appuiesursescoudespourpouvoirpousserfort.Jelèvemeshanchespourêtrecontreluiquand il avance. Je ne peux m’empêcher de crier alors que son membre pénètre toujours plusprofondémentenmoi.Lafrictionquejesensàl’intérieurestlachoselaplusétonnantequej’aiejamaisressentie, bien au-delà de ce que j’avais imaginé. Sa bite est d’une telle taille, et pourtant jem’étireautourdeluietjeréussisàl’enfoncerencoreplusfortenmoipendantqu’ilaccélèresesva-et-vient.Soncorps frottemonclitorisquand ilentre jusqu’à labasedesonmanche.Leplaisirquim’inonde touchetoutesmesterminaisonsnerveuses.Jenesaiscombiendetempsjevaispouvoirtenir,maisjesaisaussiquejeneveuxpasquecelas’arrête.Jemesensapparteniràlalonguehistoirehumainedeshommesetdesfemmesquifontl’amour,comme
si j’obéissais au plus vieil instinct qui soit. Mais je sens aussi que jamais cela n’a été ainsi : noussommesuniques.C’estunique.Notrealchimieestsiparfaitequenousseulspouvonsressentirceplaisirmagiqueetintensémentbeau.Jecrieàchaquenouvellepoussée.Nousgémissons,noushurlonspresqueenaccordantnosmouvementsencadence.Jackaccélère,jelesuis,jem’adapteàsonrythme,avecenmoiunémoiprofondquiest,jelesais,laréponseàmondésirdésespérédelui.Moncorpssaisitcedésiretleportejusqu’àsarésolution.Jelecomprends,maintenant.Leplaisirgonfleenmoi,accrupar lesmouvements incessants,presqueimplacables,decetteépaisse
vergeenmoi.Leplaisirmonteenspiraledepuisl’intérieurdemoncorps,faisantpalpitermesmamelons,affolantlesbattementsdemoncœuretgonflantmonsexedetoutl’affluxdesangqu’ilreçoit.Jevaisjouir– unorgasme enfin.Ce sera la première fois.Le corps de Jack cogne contremon clitoris palpitant etm’envoie des ondes de plaisir qui grondent enmoi alors que je sens son pénis grossir encore. C’estsublime.
Jesaisqu’ilestsurlepointd’exploseretcelamecomble:unevaguedeplaisirdéferlesurmoietmetransportejusqu’àunecrêtedejouissance.Jetrembledetoutmoncorps,mesmembresseraidissentsousl’effet des spasmes qui me saisissent telles des ondes électriques. Alors que je découvre la grandemerveilledel’orgasme,jelesensquientreplusprofondémentetpluslentementenmoi.Ilfermelesyeux,sesmuscles sont tenduset,commemonorgasmeperdunpeudeson intensité, il se raiditet je le sensgonflerenmoiquandluiatteintsonorgasme.Jesenssonéjaculationquiserépanddanslepréservatif.Quandilafini,ilselaissetombersurlelit,àcôtédemoi,haletant,épuisé.Je le tiens dansmes bras. Il me paraît un peu intimidémaintenant que c’est fini. Dois-je l’aider à
enleverlepréservatif?Jeneconnaispaslesusages…Pourlemettre,oui,maispourl’enlever,celanesefaitpeut-êtrepas.Etcen’estpasforcémenttrèsélégant.Jecroisquejevaislelaisserfaire.Jackestcalme.Ilmeregardedesesyeuxbrunfoncé.Sonregardesttendremaisinquiet.‒Summer,c’étaittapremièrefois?‒Oui,dis-jeavecunsourireheureux.Etc’étaittrèsbeau,merci.‒Merciàtoi,dit-ild’untonpleindesincérité.C’estunhonneur.Ils’allongeetregardeleplafond.D’ungestehabile, il roulelepréservatif, l’enlève,faitunnœudau
boutetlejettedanslacorbeilleavecprécision.‒Unhonneurdingue,maisunhonneurquandmême.‒Maintenant,jesaispourquoilesgensfonttouteunehistoiredusexe,dis-jeensoupirantd’aise.Jene
comprenaispaspourquoiavant,maisjesaismaintenant.Ilémetunpetitrire.‒Cen’estpastoujoursaussibien.Ilsetournepourmeregarderànouveau,l’airpresquesurpris.‒Çaneressembleàriendecequej’aiconnujusque-là.‒Trèsbien,dis-jeenluisouriant.Pourtoiaussi,c’étaittapremièrefois,d’unecertainemanière.Ilmesouritenretour.‒D’unecertainemanière.Nous restons allongés un moment, sous la lumière tamisée de la lampe. Puis, rapidement, nous
plongeonsdansunprofondsommeil.
18
FloraetJimmysefontlivrerleurpetit-déjeunerdanslasuite.Ilssontentraindemangerunesaladedefruitsfraisavecduyaourt,bienqueFloraaitdumalàavaleràcausedel’angoissequilataraude.Charliearrive,s’assoitetboitducaféfortaveceux.Illesmetaussitôtaucourantdesderniersdéveloppements:‒ Je suis allé à l’entrepriseoù travaille Jimmy– enfin, là où ilm’adit qu’il travaillait –pourbien
m’assurerqu’ilsn’avaientjamaisentenduparlerdelui.Aucundoute:personneneconnaîtunJackFuoco.J’ai demandé à voir une liste du personnel, ajoute-t-il en sortant une feuille de papier de son sac.Laréceptionniste était réticente à fournir la liste à un parfait étranger, mais j’ai inventé une histoired’anniversaire-surpriseetd’amiperdudevue.Ducoup,elleafonduetm’afaitunephotocopie.‒Bravo,Charlie,ditJimmyentrinquantavecsatassesurcelledesoncopain.‒Oui,maisàquoiçasertsipersonnen’aentenduparlerdelui?‒Euh…,ditCharlie,quiboitunegorgéedecafé.JackhabiteàLosAngeles,dumoinspourlemoment.
Ilm’aditquesasœurtravailledansunhôpitalducentre.Çasembleindiquerqu’ilestbaséparici.‒Saufsiçaaussi,c’estunmensonge,intervientJimmy.‒Mouais,mais ilm’adit ça enpassant, dansuneconversation, et il nedonnaitpas l’impressionde
réfléchiràcequ’ilracontait.Jenecroispasqu’ilaitditçapourm’induireenerreur,c’esttout.Charliepousseunsoupir.‒Donc,j’aitendanceàpenserque,s’ilachoisicetteentreprisededesignautomobile,c’estqu’ilaun
lienavecelle.Unami,quelquechose.C’estpourçaqu’ill’utilisecommecouverture.‒C’estrisqué,non?demandeJimmy.‒Moinsrisquéquedeprendren’importequelleboîteaveclaquelleiln’aaucunrapport.Commeça,du
moins,ilpeutpénétrerdansl’immeubles’ilyestobligé.‒Ça,c’estbienvu,concèdeJimmy.Floraprendlalistedupersonnel.‒Etdonc,onprendlalisteetonlesappelletous?Onleurdemandes’ilsconnaissentunJackFuoco?
Maiscommecen’estpassonvrainom,pourautantqu’onsache,jenevoispasenquoiçanousserautile.Charlieboituneautregorgéedecaféetdit:‒Vousavezdéjàentenduparlerdelarègledescinquantecentimètres?Florafaitnondelatête,etJimmyditd’untonamusé:‒Non,maisçasonnebien!Charlieluijetteunregardunpeuagacéetdit:‒ On dit que, si vous avez égaré un objet, il est probable qu’il soit dans un rayon de cinquante
centimètresde l’endroitoùvouspensez l’avoir laissé. Je l’ai testéeet çamarcheneuf fois surdix. Jecroisque,danscetteaffaire,onpeutappliqueruntrucsemblable.LorsqueJackainventésonhistoire,ils’est probablement créé une vie qui n’est pas tellement différente de celle qu’il vit dans la réalité.Commeça,c’estplusfacileàserappeler.Donc,quesavons-nousdeJack?Floraprendunefeuilledepapieretdit:
‒Onn’aqu’ànotertoutcequinousvientàl’esprit.Lesdeuxgarçonssecreusentlacervelle,et,auboutd’unmoment,ilsontrassembléuncertainnombre
defaitsportésàleurconnaissanceaucoursdeleuramitiéavecJack.‒ Mais comment cela va-t-il nous aider ? dit Flora en étudiant la liste qu’ils viennent de dresser.
D’abord,ilestitalien.Ellelesregarde.‒Vouspensezquec’estvrai?‒ Oui, dit Jimmy. À en juger par son physique : peau mate, yeux bruns, cheveux foncés, très
méditerranéen.‒Jesuisd’accord,ditCharliequiconsulteànouveaulaliste.Ilnes’appellepeut-êtrepasJackFuoco,
maisilestitalien,c’estsûr.Alors,voyonsvoir…Est-cequ’ilyadesItaliensquitravaillentpourcettecompagnie?Çapeutnousfournirunlien.‒Peut-être,maisténu,ditFlora,l’airinquiète.‒Ah!ditJimmyenpointantunnomsurlaliste.AlvarodaSilva:c’estitalien?‒Jecroispas,ditCharlie.Plutôtespagnolouportugais.‒Jesuisd’accord,ditFloraentendantlecoupourvoirlaliste,maiscelui-ci,MarkBelluccio,c’est
italien,j’ensuissûre.‒Etcelui-làaussi:AntonyD’Angeli.Ilsentrouventquatreentoutavecdespatronymesàconsonanceitalienne.‒Çanemèneàrien,ditFloraquiseradosseaucanapé,l’airdécouragé.Nousn’avonsaucuneidéede
ce qui peut rattacher ces noms à Jack. Il se peut qu’un d’entre eux soit son vrai nom,mais commentsavoir?‒Onvatrouverunmoyen,ditJimmypourlaréconforter.Detoutefaçon,c’esttoutcequ’onapourle
moment.Ilssonttoujoursentraindecogiterlorsqueletéléphonesonne.C’estlaréception,quil’informequ’un
visiteurestentraindemonterjusqu’àsasuite.‒UnmonsieurMcManus,mademoiselleHammond.‒Merci, dit Flora qui raccroche et se tourne vers les deux autres.Mac arrive. Peut-être a-t-il des
élémentsànouscommuniquer.JevoudraistellementavoirdesinfosàdonneràFreyaquandellearrivera.LorsqueMacapparaît,toujoursaussipimpantavecsesbottesdecow-boy,sonjeanetsachemiseenlin,
Floraluiexpliquecequ’ilsontfait.‒C’estunbondébut,dit-il.Pourmapart,j’aifaitdesrecherchespousséesetjen’aitrouvépersonne
répondantaunomdeJackFuoco,nimêmeàunnomquiyressemblevaguement.Jevoulaisjustementvousdemanderquelquechosecommeça:uncondensédecequenoussavonsdelui.Puis-jevoir?Ilétudielalisteenserrant les lèvresetenémettantdespetitssifflements.Sasœurest infirmière.Voussavezdansquelhôpital?‒ Jenemesouvienspass’il l’adit, répondCharlie.Mais je saisquec’estdansun lieucentral,pas
assezconnupourquej’enaieentenduparler.‒Oui,cen’estpasfacile,ditMacensecouantlatête.Etpeut-êtrequesasœurestuneinvention?‒Charlienelecroitpas,ditJimmy.Macrepousselalisteetserenversesurlecanapé.‒ Ce qui m’intrigue, c’est qu’il ne se soit toujours pas manifesté. Je m’attendais à ce qu’il prenne
contact hier soir.Ça aurait bien correspondu avec la façon de procéder de ces gens-là : ils attendent
suffisamment longtempspourquelapeuret lapaniques’installent,mais ilsveulentaussisemanifesteravantquelapolicenes’enmêle.Engénéral,ilsneveulentpasgarderleurvictimepluslongtempsquenécessaire,et,donc,illeurestdifficiledenepasfaireconnaîtreleursexigencesdanslesvingt-quatreouquarante-huitheuressuivantl’enlèvement.Ilfroncelessourcils.Sesmâchoiresmontentetdescendentalorsqu’ilmastiquesonchewing-gum.‒Oui,c’estvraimenttrèsétrange.J’étaisprêtàpariergrosqu’ilallaitappelerhiersoir.‒Peut-êtrea-t-ilappeléquelqu’und’autre.Monpère,parexemple,suggèreFlora.‒Est-cequeSummerconnaîtsonnuméroparcœur?demandeMac.‒Non,jenecroispas.Ilchangetoutletempsdetéléphoneetdenuméro.Nousn’avonsjamaispules
mémoriser.Maisellealenumérodanssescontactssursonportable.‒Jenepensepasqu’ilprendralerisqued’allumerceportables’ilpeutl’éviter.Ilsaitqu’onpeutle
localiser facilement. À mon avis, il appellera d’un autre téléphone et il composera un numéro sansutiliserlalistedecontactsdeSummer.‒Elleconnaîtmonnuméroparcœur,ditFlora,trèsvite.‒Jem’endoutais.C’estpourçaquejecroyaisquevousalliezpeut-êtrem’appelerpendantlanuitou
tôtcematinpourmedirequ’ilavaitpriscontact.Macréfléchitunmomentenfixantlesrestesdupetit-déjeuner.‒ Est-ce que vous voyez une autre raison que l’argent qui pourrait expliquer l’enlèvement de votre
sœur?A-t-elledesennemis?Florasecouelatête,l’airtotalementdéconcertée.‒Non !C’est ça qui est dingue.Çane peut être quepour l’argent. Il n’y a strictement aucune autre
raison.Summern’apasd’ex-petitcopainquiveuillesevengerouquoiquecesoit.Jimmyluiexpliquealorsl’idéequ’ilsonteuedechercherunlienaveclacompagniequidessinedes
voitures.‒Cen’estpasbêtedutout,c’estmêmeuneexcellentepisted’investigation,ditMac,encourageant.Vous
devriezcontinuerlà-dessus:quelquechosepeutensortir,onnesaitjamais.Ilprendunstylo.‒Jevaisrecopiercetteliste,etvouspouvezmedresseraussiunelistedeschosesquejedevraissavoir
surSummer.‒D’accord,ditFlora,etjevaisaussidemanderàFreyaquandelleseraarrivée.‒Freya?‒Masœuraînée,ditFlora.Ellearrived’ÉcossepournousaideràretrouverSummer.Sonportableluinotifiel’arrivéed’unSMS.Ellelelitetfaitunegrimace.‒BonDieu !Monpèrearriveaussi. Jane-Elizabethditqu’ils sonten routepour l’aéroport etqu’ils
serontlàcesoir.‒Unvrairassemblementduclan,ditMacensouriant.Jetrouvequec’estbien.J’aiunfaiblepourles
réunionsdefamille.‒Pourtant,ditFloraenrelisantlemessage,jenecroispasquec’estexactementcequivasepasserici.EllejetteunregardàJimmy.‒Voilàquidevraitêtreintéressant.Freyaréussitfinalementàs’endormirpeuavantqu’ilsn’atterrissentàL.A.Milesnelaréveillequ’au
toutderniermomentetelleneretrouvevraimentsesespritsquelorsquel’appareiltouchelesoldansunlégerchocetcommenceàfreiner.
‒Nousysommes,ditMilesavecunsourire.Tutesenscomment?‒Groggy,dit-elleenbâillant.Combiendetempsj’aidormi?‒Deuxheures,environ.Il lui caresse lamain. Les jours qui suivent vont être difficiles. Je veux que tu saches que tu peux
comptersurmoi.‒ Jesais,merci,dit-elleen l’embrassant. Jen’arrivepasàcroireque tuaies renoncéà toutçapour
moi.‒ Tu as renoncé à bien davantage pour moi, dit-il en la fixant intensément dans les yeux. Tu sais
pourquoi.‒Oui,répond-elled’unevoixfaible.Sonventreluisembleprisd’unesombreexcitation.Ilatoujourslepouvoirdelafaireseliquéfierd’un
seulregard.‒Bon,préparons-nousàdescendre.Jereconnaisqu’ilfaitunpeuplussoleiliciqu’enÉcosse.Un quart d’heure plus tard, ils passent au contrôle des passeports. Miles va chercher les bagages
pendantqueFreyavaauxtoilettes.Quandellerevient,elleestrafraîchieetsouriante.‒Jesuisprêtepourl’action.Allons-y.‒Super,ditMiles.Leursbagagessontchargéssurunchariotetilsattendent.‒Allonsretrouvertasœur.Danslehalld’arrivée,ilsaperçoiventimmédiatementFloraetJimmy,mêmesiFloraestpartiellement
dissimuléeparunchapeauàlargesbordsetdeslunettesdesoleil.Floraagitevigoureusementlesbrasetse précipite vers sa sœur. Elles tombent dans les bras l’une de l’autre ; leur étreinte est intense.Lorsqu’ellesseséparent,deslarmescoulentsurlesjouesdeFlora.‒Ohlàlà!Qu’est-cequisepasse?Desnouvelles?‒Non,riendutout,ditFloraenreniflant.C’estjustequejesuistropcontentedetevoir.Etquebiensûr
jesuismorted’inquiétudepourSummer.Jen’enpeuxplus.EllesetourneversMilesenluisouriant.‒Bonjour,Miles.Mercid’êtrevenuavecFreya.Jet’ensuisprofondémentreconnaissante.‒C’estunplaisir,vraiment.J’aimebeaucoupSummer.Jeveuxqu’ellereviennesaineetsauvecomme
noustousici.MilesjetteàFreyaunregardpleindetendresse.‒Etpuis,jen’allaispaslaisserFreyatouteseulefaceàça.Floraleurfaitunsourire,maisilestunpeuhésitant.Freyasedemandesiquelquechosenevapas,mais
avantqu’elleaitletempsdeposerlaquestion,Floraannoncevivement:‒Etilvayavoirdanspaslongtempsuneréunionausommet!Papaestenroute.‒OhmonDieu!ditFreyaqui,prised’unefaiblessependantun instant, ferme lesyeux.Çadoitêtre
grave.Tumecachesquelquechose?‒Non,non!Maisj’aidûdemanderàJane-Elizabethdeleprévenir,tucomprends.‒Oui,j’imagine.‒ Jane-Elizabethm’aenvoyéune-mailpourmedirequ’ilsont réservé toutunétageauRitz-Carlton.
Ellevoulaitsavoirsijesouhaitaischangerdesuiteetmejoindreàeux.‒Etbiensûr,Floraveut rester làoùelleest !ditJimmyquienprofitepourmettresongraindesel.
Salut,Freya.Tropbiendeterevoir!Dommagequecesoitdansdetellescirconstances.
‒Salut,Jimmy,ditFreyaenl’embrassant.C’estbondetevoir.Bon,j’adorelesaéroports,maisest-cequ’onpourraityaller,maintenant?Jemeursd’enviedeboireunboncafé.‒J’airéservépourvousànotreétage,ditFlorapendantqu’ilssedirigentverslasortie.‒Alors,onvavraimentêtretousensemble?ditFreyaensecouantlatête.Jecroyaisqu’onneserait
peut-êtreplusjamaisréunisaprèsladernièrefois.‒IlmanqueSummer,luirappelleFlora.‒Pourl’instant,ditMiles,maisçanevapasdurer.Floraluisourit,pleinedegratitude.‒Oui,onvayarriver.Jevaistoutvousdiresurnotreenquêteurdanslavoiture.Ilestsurl’affaire.‒Unprivé?demandeMilesenhaussantlessourcils.Ilestàlahauteur?Soudain,unepenséedésagréablevientàl’espritdeFreya.‒Papaneserapasseul,j’imagine.NousallonsdevoirnoustaperEstelle.‒Jelecrains.Jenecroispasqu’elletoléreraitqu’illalaisse.Ilsémergentdanslachaleurdusoleil,quicontrasteaveclafraîcheurdel’aéroportetsaclimatisation.‒J’espèrequ’ellenevapasrendreleschosespluscompliquéesqu’ellesnelesontdéjà.Ilfautespérer
que même Estelle saura montrer assez de compassion pour rester dans l’ombre dans de tellescirconstances.Floradésignelemonospacequel’hôtelaenvoyépourlesconduire.‒ Pour Estelle, je ne miserais pas sur sa compassion, quelles que soient les circonstances. La
connaissant,ellevaenprofiterpourpoussersesintérêts,etriend’autre.‒Ellem’al’aird’unecharmantepersonne,ditJimmypourrire.Freyaluidécocheunregardlourddesens.‒Neplaisantepas.Elleestcommeça.‒Jesuisimpatientdelarencontrer,ajoute-t-il,presquehilare.‒Tuvasl’adorer,ditFlora.Vousallezfinirpardevenirlesmeilleursamisdumonde.‒Sansblague?Jimmyouvrelaporteduminivanpendantquelechauffeurchargelesbagagesàl’arrière.‒C’estvousdeux,messtarsabsolues,etvouslesereztoujours.Bon,c’estpartipourleRitz.
19
Lorsque jemeréveille, Jacketmoisommesenlacés, sous lecouvre-lit faitmainqui,àmonarrivée,donnaitàmapetitecellulesaseuletouchedeconfort.J’ignoraisqu’ilallaitbientôtrecouvrirmoncorpsnu,lovécontrelapeauchaudedeJack.J’entends sa respiration douce et régulière, et le souvenir des événements de la veille me revient
commeuncoupdepoingdansleventre:lefeuaéclaté…,jemesuiséchappéedemachambre…,nousavons éteint l’incendie…, nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre…, puis… Je prends unegranderespirationenrepensantàcequeJackm’afaitlanuitdernièreetàlaviolenceduplaisirquenousavonsconnu.Desimagesflottentdansmonsouvenir:satêtebrunecontremapoitrinealorsquesaboucheserefermesurmesseins,sonexpressionquandilmepénètre,soncriquandilajoui.Leflotdebaiserssur mon cou, sur mes joues pendant qu’il me faisait l’amour et pendant mon orgasme. J’ai eu unorgasme!C’étaitfabuleux!Jemesensbêtementfièredemoi,commesij’avaisfranchiuncapimportantdemavie.Ainsi, je suis normale…Secrètement, j’avais toujours redouté de ne jamais savoir ce quec’était. Je me rappelle sa voix caressante alors qu’il me murmurait qu’il avait vécu avec moi uneexpériencemerveilleuse.Etcomment,épuisés,nousnoussommesendormisd’unsommeilprofond.Ildoitêtredéjàtard,àenjugerparlalumièrevivequitombedelafenêtre.OhmonDieu!Etmaintenant?Jescrutesonvisage,seslongscilsnoirsquis’incurventsursesjoues,
lescourtspoilsdebarbequihérissentsesmâchoiresetsonmenton, la lignedesabellebouche.C’estmonravisseur.Etpourtant,ilestlà,nu,endormi,etlaporteestouverte.Jepeuxpartirsijeleveux.Maisqu’est-cequejeveux?J’auraispupartirhiersoir.Ilseraitmortsijenel’avaispassecouru.Jen’avaispaslechoix.Jepourraismelever,m’habilleretpartirenmoinsdedeuxminutes.Jepourraistrouvermontéléphone,
appelerquelqu’un,prendrelavoitureetdisparaître.Jeseraishorsdedanger.MaisjenereverraisjamaisJack.J’imagine sa réaction en découvrantma fuite, et la police qui viendrait l’arrêter. Tout d’un coup, je
comprendsque,sijeparsmaintenant,celasignifiequerienn’achangé.Ilseraittoujourspleindecolèreetderessentimentàl’égarddemafamilleetdemoi.Ilcontinueraitàvouloirsevenger.Jepasseraislerestedemavieàredouterqu’ilnem’attrapeànouveau.OuFlora.OuFreya.Nousne
serionsjamaisensécurité.Mêmes’ilallaitenprison,ilfiniraitbienparensortirunjour.Oubien,ilpourraitmonterquelquechoseàdistance.Non.Fuiretledénoncerestuneoptionàproscrire.Etmêmesijemelevaisetpartais,sijenedisaisrienàpersonnedecequiestarrivé,celanechangerait
rien. Je continuerais àme demander où il se trouve, tapi dans l’ombre, àmijoter un nouveau plan, àéchafauderdesmoyensdevengerlamortdesonpère.Jenepeuxpaspartirtantcequececin’estpasrégléentrenous.Jefaistairelavoixquimeditqueje
suisfolleetquejeprendslecheminleplusdangereux.JechoisisderesteravecJack,ensonpouvoir,aprèstoutcequ’ilm’afait.Suis-jeidiote?Réfléchisauxraisonsquitepoussentàcettedécision.C’estàcausedecequis’estpassé?Es-tuà
samerci?Soussoncharme?Est-ceparcequetuveuxprofiterdavantagedesoncorpssuperbe,desonpénisadmirable,desabouchedivineetdetouslesplaisirsqu’ilpeuttedonner?Jesoupireàcettepensée.Peut-êtrequejesuisvictimed’uneobsessionérotiqueetquec’estpourcette
raisonquejenepeuxpasfranchirlaportedecettemaison.Jacks’agiteàcôtédemoi.Ilouvrelesyeuxlentementenclignantdespaupièressouslesoleildumatin.‒Bonjour,dit-ilenbâillant,commentvas-tu?‒Bien,ettoi?dis-jeensouriantdevantsonvisageendormi.‒Pastropmal,relativement.Ilbougepourm’embrassersurleslèvres.‒Waouh!Tuesunvrairayondesoleil,Summer.Tuessibelle.Mmm.Ilm’embrasse à nouveau, sa langue chaude se glissant entremes lèvres. J’ouvre la bouche sous la
sienne,jemepressecontrelui.Quelrégaldesentirmesseinscontresontorseduretlefrottementdesespoilscontremapeaudouce!Nousnousembrassonslonguement,doucement,nosmainsglissantsurnoscorps.Jesensleboutdurde
ses mamelons au milieu du cercle de poils noirs qui les entourent et la fermeté incroyable de sesabdominaux.Quoiqu’ilaitpufaireàlasalledegym,çaapayé.Mesmainscaressentsesfessesfermesetlecreuxsurlecôtéquiensoulignelamusculature.Jepenseàlafaçondontilautilisécesmuscleshiersoir,alorsqu’ilpoussaitpourmepénétrer.Jesoupire;monsexes’éveilleetgonfle.J’enveuxencore.Encoreetencore.Jackdoitressentirlamêmechose:ilm’embrassedanslecouenmepicorant,puisbaisselatêtepour
atteindremesseins,qu’il touchedeseslèvresetmordille,puis lècheendessous.Jemesens,souslui,belleetdésirable;j’adorelamanièredontilm’aexcitée.Soudain,sesbaisersdescendent;seslèvressontcommeunecouléebrûlanteversmonventreetversmonmontdeVénus.Jehalète,etmesyeuxs’ouvrenttoutgrands.Est-cequ’ilva…,est-cequ’ilva…lefaire?Prised’une
gênesoudaine,jetendslesmainspourprendresatête.Illèvelesyeux.Ilssontbrûlantsdedésir.‒Qu’est-cequ’ilya?demande-t-ild’unevoixbasseetcassée.Çava?‒Qu’est-cequetufais?dis-jecommesijenelesavaispas.‒Jeveuxt’embrasserettegoûter.Tuestellementbelle,Summer,c’estinsupportable.Tuveuxquejele
fasse?Oui,jeleveux,maisjemesensmalàl’aise.Jenesaispassijesuisbelle,là,enbas.Jesaisqueje
vibred’excitationàl’idéedesabouchecontremoi,mais…‒N’ypensepas,allonge-toi,laisse-toifaire,murmure-t-il.J’adorefaireça.Jesuisauparadis,iciavec
toi.‒D’accord.Jem’allongeenregardantleplafondquejenevoispas,mesmainstoujoursenfouiesdanssescheveux.
Ilestcouchéentremesjambes,écartedoucementmescuisses,unemainposéesurchacuned’ellesalorsqu’ilapprochesabouchedemoi.Ilestsidouxd’abord,siexcitant,sonsoufflejouantsurmapeau,quecelaenestpresqueinsupportable.Jemetends,chacundemesmusclesraidid’anticipation.‒Relâche-toi,murmure-t-il,relâche-toi.J’essaie,maismonsexevibreetfonddedésir.Mon corps palpite contre le sien et soudain je la sens : sa langue contre mon bourgeon gonflé. Je
répondsparunesecousse,commesionm’avaitbranchéeàunepriseélectrique,etjepousseuncri.Ilmelècheunenouvellefois,puisencoreunefois.Jemetordssoussesstimulations.Mesmainslâchentsatête
etagrippentledrap.Ilsemetàmelaperdoucement,depuislespetiteslèvresjusqu’aubourgeondurdemonclitoriset,malgrémoncœurquicogneetmesmembresquitremblent,jecommenceàmedétendrepourgoûtercequ’ilmefait.Leplaisirestextrême,délicieux,incroyable.Salangueglisseversl’entréedemonvagin,etjecomprendsqu’ilestentraindelapousseràl’intérieur.Lapenséeestsitroublantequemon excitationmonte d’un cran.Un tourbillonde plaisirmonte enmoi, quimenacedemenoyer dansl’extase.Ilrevientàmonclitoris,lècheplusfortmaintenantenlemordillantetenaccroissantlapression.Sesdoigtssontsurmafente.Ilspoussentcommel’afaitsonpénishiersoir.Mesdoigtsserrentlesdraps;ils tirent, ils se tordent sous l’impactdeceque je ressens. Je sensque jemouille sur luialorsquesaboucherendhommageàmonsexe,salangueléchantmonbourgeonplusfort,plusencadence,sesdoigtsentrantetsortant.C’estplusquejen’enpeuxsupporter,etpourtantilfautqu’ilcontinueencoreetencore.Jecrie,meshanchessesoulevantpourêtreencontactaveclui:‒OhmonDieu!OhmonDieu!Cetorgasmeestcommeunfeud’artificequiexplosedansmatêteetdansmoncorps,qu’ilsecouede
toutesparts.Jenepeuxm’empêcherdehurler.Mesyeuxseferment,mespaupièressecontractentalorsque laviolenceduplaisirmefrappe,m’irradiantcommeunesériedesecousses telluriques.Celadureune éternité, puis, soudain, c’est fini, sa langue continue à léchermon clitoris sans plus provoquer destimulationenmoi.Jem’assois,haletante,etjerelèvesatêtedemonsexe.Ilmesourit.‒Jecroisquetuasaimé,murmure-t-il.Jenepeuxpasparler.J’acquiesce.Larespirationmemanque.Jeleregardesemettresursesgenouxet
jevoissonénormepénisdirigéversmoi.Jeletireversmoietversmapoitrinependantqued’unemainjeguidesonmembreenérectionversmonsexedégoulinant.‒Attends,dit-il.Ilmefautunpréservatif.Onnepeutpasprendrelerisque,Summer…‒Maisjen’aijamaiseupersonned’autrequetoi.Ettoi?Ilsemordlalèvreetmefixeintensément.‒J’aipassédestestsquandj’airenouvelémonassuranceilyadeuxmois.Jen’aieupersonnedepuis.
Maisiln’yapasqueça;ilyalerisquequetutombesenceinte.‒J’aiunimplant,àcausedetrucsquiontunrapportavecmesrègles.Floraestcommemoi;onsel’est
faitposerensemble.Jenepeuxpastomberenceinte.Jack,jet’enprie,jeteveux…Jesuisprêtepourlui,bienlubrifiéepourquesonsexeénormeglisseenmoi.‒Ohbonsang!dit-il.Savoixestfaibleettendue.‒Bonsang…Il regardemoncorps sous lui,mes seins rondsdont lesmamelons roses sont durs commedespetits
galets.Ilsemordlalèvreetgrimace.‒Tuasjouisurmafigure.C’étaitmagnifique.Tum’excitestellement,tellement…Il commenceà entrer enmoi. Jevois croître sondésir alorsqu’ilmepénètreplusprofondément. Je
cherchesaboucheentirantsatêteverslamienne,etnousnousembrassonsalorsqu’ilatteintletréfondsdemonventre.‒Jeveuxquetujouisses,dis-jecontreseslèvres.Jeveuxtedonnercequetum’asdonné.‒Çanevapastarder,dit-ilenfermantlesyeuxsouslaforcedecequ’ilressent.Mêmesijelevoulais,
jenepourraispasleretenir.Ilbougefortenmoi,chaquecoupdesonpénismetirantuncri.Ilvaplusvite,plusfort;sonplaisirme
comble autant que lemien. Puis, il se raidit, pousse un cri et retire sonmembre pour que je le voieéjaculer.Jetressailleenregardantetenmedisantquej’ensuislacause.Ilretombeàmescôtés.‒C’était beau, dis-je avecun immense sourire, plus beauque tout ce que j’ai jamais connu.Merci,
vraiment.Merci.Ilmerendmonsourire.‒Leplaisirétaitpartagé.Littéralement.Jerisetsoupirevoluptueusement.‒Waouh!Jepourraisfaireçatoutelajournée!‒Tuesincroyable,dit-il.Jenemelassepasdetoi.Il m’observe pendant un moment, puis, soudain, son expression change. Le sourire s’efface, et une
expressionagitéesepeintsursonvisage.‒Merde,merde!Ils’allongeàmescôtésetfixeleplafond.‒Quelpétrin!‒Pourquoi?dis-je,monbonheurdéjàévanoui.Qu’est-cequ’ilya?Ilfautqu’onparledetoutça.Ilnerépondpastoutdesuite;puis,ilsetourneversmoi.Àmagrandesurprise,sesyeuxsontpleinsde
colère.‒Bonsang,pourquoitun’espaspartiehiersoir?demande-t-ild’untondur.Mesyeuxsefermentsousl’effetdelasurprise.Jemesensblesséedanstoutmonêtreetjem’écartede
lui.‒Tuseraismortsij’étaispartie.‒Ouais,peut-être.Onnelesaurajamais.‒Jet’aisauvélavie!dis-jed’unevoixtrèséchauffée.Çanecomptepourrien?Çaneveutpasdire
qu’onestquittes?Tuconsidèresquemonpèreestresponsabledelamortdutien.Ehbien,est-cequ’entesauvantdel’incendie,jen’aipasfaitquelquechosequieffaceça?Jackserreleslèvresetfixeleplafondd’unairfurieux.Jenelecomprendspas.Jecroyaisqu’ilserait
contentd’êtretiréd’unesituationqu’ilnesouhaitepas.Maisilfaitcommesi j’avaistoutfaitfoirerenfaisantcequ’ilfallait!‒Explique-moi,dis-jed’untonplusdouxenpassantmesdoigtssursonépaule.Pourquoicelaempire-t-
illeschoses?‒C’estquecelanechangerienàlapromessequej’aifaite.Riennepeutlachanger,àpartfaireceque
j’aiditquejeferais.Unfrissonglacémeparcourt.‒Quellepromesse,Jack?Dequoiparles-tu?‒ J’ai promis à mon frère. Il m’a demandé de le faire. Nous avons tout planifié ensemble. Il m’a
expliquéquec’étaitcequ’ilfallaitfaire,pournotrepère,poursamémoire,pournosgrands-parents,pournotremère.Ilm’aditqu’ilétaitenmonpouvoirdedonnerunebellevieàmasœuretquetoutcequej’avaisàfaire,c’étaitdemesacrifierpournotrecause.‒Tesacrifier?dis-jeenécho,unepeursourdemontantenmoi.Queveux-tudire?‒Ilfallaitquejesoisprêtàsacrifiermonavenirpourlafamille.Ilsepourraitquej’ailleenprison.‒Tonfrèrenedevraitpastedemanderunetellechose,dis-jefermement.Celan’arrangeraitrienàla
viedetafamilledebousillertaviepourunequestiond’honneurquinechangerarien.Celaneferaitqueleur rendre la vie plus difficile, je te l’assure. Tu as déjà perdu ton père, et ton frère est en prison.
Pourquoitamèrevoudrait-elleteperdre,toiaussi?Elleneveutquevotrebien,àtoietàtasœur,tulesais.C’estpourçaqu’ellevousaemmenésauxÉtats-Unis.Jen’aipasraison?L’expressionquejelissursonvisagemeditquej’aitouchéunpointsensible.Aussi,jepoursuis:‒Tamèrevoulaitt’éloignerdetonfrère,n’est-cepas?Tuasditqu’elleavaitbesoindemettredela
distanceavectesgrands-parentsparcequ’ilssecomplaisaientdanslepasséetledeuil.Maisest-cequecelan’étaitpasaussiparcequetonfrèresecomportaitdelamêmemanièreetqu’ellesavaitqu’ilallaitt’utiliserpourmeneràbiensesprojetsdevengeance?Jack se tourne pour que je ne voie plus sonvisage,mais je sais que j’avance sur la bonnevoie. Je
m’efforcedeparlerd’untondoux,persuasif,comme,j’imagine,unnégociateurchevronnés’adressantàquelqu’unquis’apprêteàsauterd’untoit.‒Tamèreneveutpasquetufassesça.Ettasœur,queva-t-ellefairedel’argentdelarançon,sic’està
çaquetupensesendisantquetuveuxluidonnerunebellevie?Sileprixàpayerestdeneplustevoir?Jecroisqu’ellepréféreraitgardersongrandfrère.Etavoirunefamille,desneveuxetdesniècesàgâter,descousinspoursespropresenfants.Neluienlèvepastoutcebonheur,Jack.Ellen’ariendemandé.Jem’interromps, car je sais qu’il faut laisser le temps àmes paroles d’être assimilées, sinon elles
n’aurontaucuneffet.Unlongsilences’installe.Àquoipense-t-il?Est-cequej’aitouchéunecordesensible?L’attenteest insoutenable,maisjemeforceàêtrepatienteetàmetaire.Puis,soudain,ilseretourne.
Sesyeuxjettentdeséclairs.‒Etsitut’enallais?Pars!Laporteestouverte.Prendstesaffairesetretourneverstafamille.Jene
vaispast’enempêcher.Merde,c’estfini,foutu!Ilsedétourneànouveauetserrel’oreillercontresapoitrine,commes’ilcherchaitunréconfort.Ils’y
enfouitlatête.Moncœurs’emplitdecompassionpourluisansquejesachetroppourquoi.‒Jeneparspas,Jack.Passanstoi.Jem’entendsdireçaetjen’ycroispas.Maisjesuissincère.Jem’étonnemoi-même,maisjesaisque
chacunedemesparolesestsincère.‒Pourquoi,bonsang?dit-il,savoixétoufféeparl’oreiller.‒Parcequetun’espaslibérédetapromesse.Sijeparsmaintenant,peut-êtrequ’unjour,tuviendras
nous enlever, moi ou mes sœurs, lorsque ton frère t’aura convaincu. Ou bien tu vas peut-être teconvaincrequetun’espasdignedevivreaprèsavoirbrisétonengagementettuferasunegrossebêtise.Jen’aipastraversécequenousavonstraverséhiersoirpourtelaisserfaireça.Enplus,ilfautqueturentrescheztoi.Nousavonstouslesdeuxdesfamillesetnousleurmanquons.Rentronsensemble.‒Pasquestion,dit-il.‒Alors,jeresteiciavectoi,dis-jeavecdétermination.Désoléesicelaneteplaîtpas,Jack,maisc’est
ainsi.
20
Floran’apasunmomentpourparleràsasœurenprivéavantd’êtrederetourenville.Etlà,ilyalepassageàlaréceptiondel’hôtel,puisl’ascenseurjusqu’àlasuitedeFreya,quiesttouteprochedecelledeFlora.‒Nousnepensonspasdescendredansunendroitaussicher,ditFloradansl’ascenseur.Maintenantque
papanousacoupélesvivres,dit-elleenlançantuncoupd’œilàMilesquiluisourit,noussubvenonsànosbesoins.‒Net’inquiètepas,ditFlorasansréfléchir,Andreiprendtoutàsacharge.LevisagedeFreyachangeimmédiatement.‒Quoi!Arrêtecetascenseurtoutdesuite.Nousallonsailleurs,n’est-cepas,Miles?Mileslaregarded’unairpréoccupé,maisavantqu’ilnepuissedireunmot,Florasehâtedecorriger
sonerreur,mécontentedesamaladresse:‒Attends,Freya,jesuisdésolée,jen’auraispasdûledirecommeça.Elleposesamainsurlebrasdesasœur.‒J’auraisdûcommencerparexpliquer…‒Iln’yarienàexpliquer,ditFreya,glaciale.Tusaiscequejepensedelui.Aprèscequ’ilafaitàBeth
etDominic,jenevaispasacceptersonhospitalité.‒C’estcequej’essaiedetedire.Andreiestenroute.Ilvaarrivericisanstarder.Freyaal’airencorepluscontrariée.‒Jenevoispasenquoicelaarrangeleschoses.Jeneveuxnidesonhospitaliténidesonamitié!J’ai
choisimoncamp!Ellelanceunregardduràsasœur.‒Et,donc,jevaischercherunautrehôtel.L’ascenseur annonce d’un petit tintement l’arrivée à l’étage. Comme les portes s’ouvrent, Freya
s’apprêteàappuyersurleboutonrez-de-chaussée,maisMileslaretient:‒Uninstant,écoutonscequeFloraveutnousdireavantdeprendreunedécisionprécipitée.‒Merci,Miles,ditFlora,alorsqu’ilssortentdel’ascenseuretemboîtentlepasaugarçonimpassible
qui enfile le couloir moquetté. Il leur ouvre la porte, les précède dans leur suite en désignant lechampagneetlacorbeilledefruitsoffertsparlamaison,accepted’unairreconnaissantsonpourboiredevingtdollarsetseretire.Lesvoilàseuls.‒Waouh,j’adorecechampagne!ditJimmy,quivaleregarderdeplusprès.Onl’ouvremaintenant?On
peutleboirependantquevousdécidezsivousrestezoupas.‒Non,Jimmy,ditFreyasurletondelamiseengarde.Etneprendspastroptesaises,parcequenous
nerestonspas,pointfinal.Florajetteunregardexaspéréàsasœur.‒ Tu n’es pas disposée à donner sa chance à Andrei, je le vois bien. Si seulement tu voulais bien
m’écouteravantdedécider.
‒Tuconnaismaposition,ditFreyad’untonferme.Jet’aidemandéd’intervenirauprèsd’Andreiettum’asclairementfaitcomprendrequeturefusais.Bethm’aappeléedeuxjoursplustard,enlarmes,parcequ’ellesavaitqu’AndreidevaitrencontrerleprincipalinvestisseurdeDominicaveclafermeintentiondetoutfairefoirer.Andreinerêvequed’unechose:voirl’entreprisedeDominicsecasserlafigure,etilneva pas se priver d’y contribuer. Alors, excuse-moi si je ne l’accueille pas les bras ouverts et si jen’acceptepassonargent.‒Mais,Freya,c’estbiendeçaquejeteparle.Larencontreavecl’investisseurdeDominicestfixée
aujourd’hui;c’estlaseuledatepossibleavecleursemploisdutempsrespectifsetlesdélais.Aprèsça,l’investisseurseraengagéauprèsdeDominic.‒Etdonc?demandeFreya,quirestedemarbre.Mileslaregarde,préoccupé,mais,visiblement,ilnevapasintervenirentrelesdeuxsœurs.Ondirait
qu’iladéjàcompriscequevadireFlora.‒Etdonc,ditFlorapatiemment,Andreineserendrapasàlarencontre.Iladécidédemettreuntermeà
savendettacontreDominic.Ellecroisetranquillementlesdoigtsderrièresondos.‒Nousenavonsbeaucoupparléetilaconvenuquecen’étaitpasunemanièreintelligentedeprocéder,
nipourluinipourDominic.Ilestdisposéàenterrerlepassé.‒Vraiment?demandeFreya,l’airsceptique.‒Oui,vraiment.Commejevousl’aidit,ilestenrouteetseralàbientôt.Larencontrenepeutpasse
faire.Visiblementdéstabilisée,sasœurfroncelessourcils.‒Jevois.Florasentunehésitationetenprofite:‒IlestprofondémentdésoléetinquietpourSummer.C’estpourcelaqu’ilatenuànousréserverces
suites:ilpensequec’estimportantquenoussoyonstousensemblepourtravailleràunesolution.Ilestprêtàtoutpouraideretilal’argent…Elleécartelesbras.‒Jet’enprie,donne-luiunechance.Ilveutnousaider.Freya ne dit rien pendant un moment, mais échange un regard avec Miles, dans lequel passe une
communicationsansparoles.Puis,elleditlentement:‒Jesupposequ’ilaraison:c’estmieuxpournousd’êtredansunmêmelieu.‒Alors,turestes?‒Oui,jecrois…Jen’ensuispasravie,maissicequetudisestvraietqu’iladécidédeficherlapaix
àDometBeth,alors…,toutvabien.‒Super!s’exclameJimmy.Ehbien,papaHammond,AndreietEstelle,tousréunis…Voilàquidevient
fascinant.Bon,alors,onl’ouvre,cechampagne?Freyaluilanceunregarddésapprobateur.‒Nousnesommespasvraimentd’humeuràtrinquer,Jimmy.Jimmyprendunairconfus.‒O.K.,messagereçu.Désolé,j’essayaisjustededétendrel’atmosphère.C’étaitsansdoutedéplacé.‒OnouvriraunebouteillequandSummerseraderetourparminous.‒Une?Tudéconnes,onenouvriraunedouzaine!‒Bon,alors,ditMilesquijettesonmanteausurunechaise,mettons-nousautravail.Dites-noustoutce
quevousavezputrouver.PendantqueJimmyexpliqueàFreyaetMilescequ’ils savent,Floras’excuseetvadans la sallede
bain.C’estunevastepièce,toutenmarbre,avecuneimmensebaignoireetunedoucheàl’italienneavecdeuxpommesdedouchecôteàcôte.Ellevas’asseoirsur lacuvettedesW.-C., la têtedanslesmains.L’angoisse de ne pas savoir où se trouve sa jumelle commence à peser sur elle. Elle éprouve enpermanenceunsentimentdeperteetdedouleur.Plustôt,Macaprissoindeluidirequ’ilcroyaitSummeren vie et qu’elle courait peu de risques. Néanmoins, Flora est terriblement secouée par les émotionsqu’elletraverse.Elle sort son portable et regarde la photo de l’écran de veille : elle et Summer se tiennent par les
épaulesàParis.C’étaitilyaàpeinequelquesmois.EllessontdevantleLouvre,leurstêtessontproches,et onperçoit leurs ressemblancesmalgré la blondeurdeSummer la sportive et la cascadedebouclesroussesdeFloralapâle.Leursyeuxontlamêmeforme,ainsiqueleurnez.Ellessontexactementdelamêmetailleetellesontlemêmesourire.LesyeuxdeFloras’emplissentdelarmes.C’estJimmyquiavaitprislaphoto.Cettenuit-là,Andreiet
elle avaient fait l’amour de façon torride dans une chambre d’hôtel. Cela paraît si loin. Elle entre lenuméroabrégédeSummer,commeellel’afaitmaintesfoisaucoursdesderniersjours,espérantchaquefois qu’il y aura une réponse, son cœur se serrant chaque fois qu’elle tombe sur la boîte vocale. Lemessageenregistrésedéclenche,luifaisantchaquefoiscroire,pendantunefractiondeseconde,quec’estSummerquirépondavecson«Salut!»jovial,puislavoixcontinue,etFlorasaitquec’estlemessageenregistré.Lorsque le téléphone répond, Flora parle dans son portable.C’est inutile, elle le sait,mais cela lui
donne l’impression d’être connectée avec sa sœur. Jamais auparavant elle ne s’est sentie aussi loind’elle,etelletrouvelàunebribederéconfort.‒ Salut, ma grande. Tu restes introuvable. On est terriblement inquiets. Freya vient d’arriver avec
Miles. Papa est en route. On est tous décidés à te retrouver. Alors, accroche-toi. Tumemanques, jet’aime,j’aibesoindetoi.Reviens-moi,d’accord?Jen’enpeuxplusd’attendre!Salut.Savoixsebrisesurlederniermotetellecoupel’appelavantderelaissertombersatêtedanssesmains
etdesemettreàsangloter.Summer,oùes-tu?J’aitellementpeur!Prendssoindetoi.Reviens,jet’enprie.Sanstoi,jenepeux
pascontinuer.Lespleursqu’elleverselasoulagentunpeuet,auboutd’unmoment,elles’essuielesyeux,renifle,va
au lavabodemarbre et sebaigne levisage.Sesyeux sontunpeu rouges,mais elle estimequ’elle estprésentable.Elleredresselesépaulesetprenduneprofondeinspiration.Ilesttempsdereveniretd’êtreaussifortequepossible.Andreivaarriver.Jevaistenirjusque-là.Macappellepourdirequ’ilestencheminetqu’ilvalesrejoindrepourl’après-midi.Ilscommandent
duthéetdessandwichesenl’attendant.Milesconsultelalisted’informationsqu’ilsontrassembléessurJack.‒ Donc, vous êtes à peu près sûrs qu’il est italien, qu’il vit à L. A., que sa sœur est infirmière et
travailledansunhôpital.IljetteunregardàJimmy.‒C’estledébutd’unepiste,vousnetrouvezpas?Est-cequ’onnepourraitpascommenceràchercher
uneinfirmièreitalienne?Combiend’hôpitauxya-t-ilàL.A.?
‒Ouh…,danslescenttrente-neuf,ditJimmyqui,assissurlecanapé,sirotesonthé.J’aieulamêmeidée;alors,j’aivérifié.Çanevapasêtrefaciledetrouveruneinfirmièredontnousnesavonsrien,pasmêmesonnom,saufqu’elleestitalienne.Çapourraitprendredesmois.‒ Ouais, je vois. Ça ne va pas le faire, dit Miles en soupirant et en se mordant la lèvre d’un air
préoccupéalorsqu’ilétudieànouveaulaliste.Etjevoisiciquesonpèreestmortquandilétaitjeune.Jimmyhochelatête.‒C’estcequeSummernousadit.LepèredeJackestmortquandiln’étaitqu’unenfantetilestvenuen
Amériquealorsqu’ilétaitadolescent.EtiladitàCharliequesamèreavaitbossédurpourlesélever,etqu’àprésent,sasœurestinfirmière.‒C’esttoutcequevousavez?demandeFreya,incrédule.Elleestpâle ;ellea les traits tirés ;sacoupeaucarréestenpagaille ;ellene tientpasassise.Elle
arpentelasuite,prenantdesobjetsqu’ellerepose.Floral’observe,maisellerestelovéedansunfauteuil,commesi,enserepliantsurelle-même,ellecherchaitàtrouverunpeudechaleuretderéconfort.‒ On a un peu plus, dit Jimmy qui prend la liste desmains deMiles et la consulte. Charlie ne se
rappellepasmotpourmotcequeluiaditJack,maisilauneimpressiongénéraledesavie.Ilsaitqu’iln’avaitpasdepetitecopine,pasgrand-chosedeplus.CharlieaimaitbienJack.Moi,pasvraiment.‒Bonsang,Jimmy!explosesoudainFreyaenfaisantsursautertoutlemonde.Elles’avanceetseplantedevantlui,lesmainssurleshanchesetlesyeuxjetantdeséclairs.‒Pourquoi tuas laisséSummersortiraveccetype?Tunesavaisriendelui!Riendutout!Quelle
connerie!Tuétaisresponsabled’elle!FloraobserveJimmy,engénéralimperturbable,quirougitsoussonbronzage.Ilselève.‒Attendsunpeu,Freya.Tusaisquoi?Summervoulaityaller!Elleestadulteetelleavaitrencontré
Jack aumoins à trois reprises. Charlie le lui a présenté comme un ami. Elle lui faisait confiance, etCharlie aussi. Ils avaient sans doute tort,mais j’étais content de la voir s’ouvrir à quelqu’un.Tu saiscombienelleenabavé.C’étaitincroyabledelavoirpourunefoisrencontrerquelqu’unquiluifaisaitdubien.‒Ouais,bravo!Tuvoisoùça l’amenée, ironiseFreya.Pourunbeaucoup,c’estunbeaucoup!La
prochainefois,tulaissestomberlapsychologieettutecontentesd’êtreunamifiable.Jimmya l’air scandaliséetne semblepas savoirparoùcommencerpour réfuter cequ’ellevientde
dire.Iltentederépondreenbafouillant,maisFreyacontinue:‒ J’imagine que toi et Charlie, vous vous la pétiez à raconter que vous étiez amis avec les sœurs
Hammond.JepariequeJacklesavaitetque,s’ilnevouslâchaitpas,ilavaitdeschancesdecroiserunedespoulesauxœufsd’or.C’estcommeçaqueças’estpassé,Jimmy?Jepariequeoui!‒Freya,tutetrompesàunpoint,tun’aspasidée!tonneJimmy,lesyeuxbrûlantsdecolère.C’estfaux,
totalementfaux!‒Bonjour,toutlemonde…La voix, traînante et désinvolte, vient de la porte. Flora se tourne et découvreMac qui se tient là,
adossé contre l’encadrement, une botte de cow-boy croisée sur l’autre, les pouces passés sous saceinture.Ilsourit,révélanttoutessesgrossesdentsblanches.‒C’estintéressant,Jimmy,j’allaisvousposercettequestion.FreyaetMiles,totalementdécontenancés,regardentMac.‒Quiêtes-vous?demandeFreya.Florasedéplieetsortdufauteuil.
‒Toutvabien. JevousprésenteMac, ledétectiveprivéqui travaille surnotreaffaire.Entrez,Mac,servez-vousduthé.‒C’esttrèsgentildevotrepart.Mac entre d’un pas nonchalant tout en regardant ce qui est sur la table. Il salue Freya en soulevant
légèrementsonchapeau.‒‘Soir,madame.Inutiledemedirequivousêtes,jevousreconnaisd’aprèslesphotos.IlsalueMilesd’unsignedetête.‒ Et vous aussi, monsieur Murray. Je regrette seulement de faire votre connaissance dans ces
circonstancesaussifâcheuses.Maiscelaresteunhonneur.Jeconnaisvotretravail.‒Vraiment?Milessourit,maisal’airsurpris.‒C’estexact.J’aitravaillédansl’environnementmoi-même,maisc’étaitilyalongtemps.J’yaiencore
des contacts et j’ai euventdevotre renommée…Jevaisprendreune tassede thé, si celanedérangepersonne.Ilprendunetassevideetyverseduthé.‒Jevaisdemanderqu’onnousmonteuneautrethéière,ditFloraenallantautéléphone.Visiblementsurladéfensive,Jimmypoursuitladiscussion:‒J’aidéjàditqueJacknesavaitpasqueSummerétaitunedessœursHammond.Nousneleluiavons
jamaisdit.‒D’accord,d’accord,ditMacendélayantdulaitdanssonthé,l’airpensif.IllèvelesyeuxversJimmyenluisouriantd’unairamical.‒Etsivousappeliezvotrecompagnonpourluidemanderdenousrejoindre?Jecroisqueceseraitbien
qu’ilsoitlàaussi.‒ Il travaille auCentre cet après-midi,mais je vais lui demander s’il peut se libérer, dit Jimmy en
sortantsonportabledesapoche.Iln’estpasloin.FreyasembleunpeupluscalmemaintenantqueMacestlà.Elleselaissetombersurlecanapéenface
delui,àcôtédeMiles.‒Vousavezdespistes,Mac?Quelquechose?‒Jefaisquelquesprogrès,mademoiselleHammond,mais jediraisquej’aiplusdequestionsquede
réponsespourl’instant.Jementiraissijeprétendaislecontraire.Ilboitbruyammentunegorgéedethéetfaitunegrimace.‒Vousavezbienfaitdedemanderduthéfrais.Celui-ciestunpeutropinfusé.Ilreposesatassesurlatable.‒Maintenant,cequejevoudraisfaire,c’estpasserenrevuelesmouvementsdemademoiselleSummer
depuis son arrivée en Amérique et toutes les rencontres qu’elle a eues avec monsieur Fuoco, maisj’aimeraisbeaucoupqueCharliesoitlàpourcettequestion.‒Ilestenroute,ditJimmy,quitientsontéléphone.Ilvientdem’envoyeruntexto.Ildevraitêtrelàdans
dixminutesenviron.‒Fortbien,fortbien.Macal’airsatisfait.‒Justeàtempspourboireunbonthéfrais.Pendantqu’ilsattendentCharlieet le thé,MacdemandeàFreyaetFlorade le renseigner surcequi
s’est passé avant le voyage de Summer pour les États-Unis. Freya explique que leur père les a
convoquéesdans lechaletdesAlpespour leurannoncerqu’ellesdevraientdésormaissubvenirà leursbesoins.‒Etcefutunchoc?demandeMac.Vousnevousyattendiezpas?‒C’est-à-dire…,ditFreya.Lasituationdevenaitcritique.Iln’avaitpasdutoutappréciéquejedécide
devivreavecMiles.‒Jecroismesouvenird’avoirluçadanslapresse.L’héritièreetlegardeducorps.Lesmagazinesen
ontfaitleurschouxgras,non?Freyahochelatête.ElleregardeMilesetditprudemment:‒Disonsquecelaaentraînéquelquesproblèmes,pourêtretoutàfaithonnête.‒Ahoui?Quellesortedeproblèmes?Macaprisunairintéressé.Milesintervient:‒Jedoutefortquecelaaitunrapportavecnotreaffairededisparition.‒Celan’exclutrien,entoutcas,répondMaccalmement.Alors,pourquoinepasenparler?Freya explique la façonmystérieuse dont sa liaison avecMiles fuitait régulièrement dans la presse,
alorsqu’elleétaittenuetotalementsecrète,etcommentsaruptureavecJacob,sonancienpetitami,avaitaussifaitlaune.‒ C’était terrible, dit-elle. Je soupçonnais tout lemonde,même Jane-Elizabeth, l’assistante de notre
père.Maiscen’étaitpaselle.C’étaitlapetitecopinedemonpère,Estelle.Depuisqu’ilssontensemble,elleessaiedenousbrouilleravecnotrepère.‒ Elle a essayé le même truc avec moi, ajoute Flora. Elle a réussi à se procurer des photos
compromettantes de moi et d’Andrei et a menacé de les montrer à mon père. Par bonheur, Andrei ademandéàseshommesderéglerlaquestionetderécupérerlesphotos.‒ Il s’agit d’Andrei Dubrowski, je présume ? Oui, j’ai lu, hier soir, pendant que je faisais mes
recherches,quevousêtesensemble.Intéressant.EtmademoiselleEstelleestderrièreçaaussi…Est-cequ’elle avait quelque chose sur votre sœur, Summer ? Est-il possible que cela ait un rapport ? Ellesembledécidéeàvouscauserdutort.FloraéchangeunregardavecFreya,puisditd’untondubitatif:‒ Je suppose que c’est possible, mais jusque-là, elle a essayé de nous éloigner de notre père en
empoisonnant notre relation avec lui. C’est différent, non ? La disparition de Summer a eu l’effetcontraire.Papaestenroutepournousrejoindreicietjesuissûrequ’Estellepréféreraitqu’ilnousvoielemoinspossible.‒D’accord,ditMacquisembleaccepterlesexplications.Vousn’avezaucuneraisondelaprotégersi
vous pensez qu’il y a peu de chances qu’elle soit impliquée. J’ai tendance à faire confiance à votreinstinct.EtcettemadameJanequevousavezmentionnée?‒Jane-Elizabeth?Freyaal’airhorrifiéeetsecouelatête.‒Ohnon!Absolumentpas!‒Non,pasJane-Elizabeth!s’exclameFloraàsontour.Elleestcommeunemèrepournoustrois.‒Entendu.Bon…Tout ceci est très intéressant,mesdemoiselles.Ainsi, aprèsquevotrepèrevous a
signifiéqu’ilnesubvenaitplusàvosbesoins,vousêtespartieschacunedevotrecôté.J’imaginequecelavousabeaucouptouchées.‒ Bien sûr.Mais pas à cause de l’argent, à cause des problèmes avec notre père, dit Flora, qui se
souvientdeSummeraumomentoùelless’étaientquittéesàl’aéroport.Maisc’estSummerquil’aleplusmalpris.Freyaetmoiavionschacuneunnouveaucompagnon,etelles’estsentietrèsisolée.‒Etmûreàpoint,sansdoute,pourunhommedécidéàjoueravecsoncœur.MaclanceunregardàJimmy.‒Àquoiilressemble,ceJack?‒Oh!ilesttrèsbeau.Trèsséduisant.Avecenpluscettepetitenotedespleenquinegâterien.‒Mmm…Séductionetspleen…,ditMacensouriant.Toutàfaitmoiquandj’étaisjeune.Àcemoment-là,uncoupestfrappéàlaporte.‒Room-service.Floravaouvriret,commel’employéposeleplateaucontenantlethéetdessandwiches,Charliearrive
derrièrelui,toutessoufflé.‒Bonjour,dit-ilàlacantonade.Mevoilà.IlaperçoitFlora:‒Contentdeterevoir.Ilval’embrassersurlesdeuxjouesetserrelamaindeMiles.‒Vousarrivezjusteàtempspourlethé,ditMacdesavoixtraînante.Ilobservelegarçonquidisposelethéavantdes’enaller.‒Jesuisasseztatillonpourcequiestduthé.CelatientaufaitquelapremièremadameMacétaitune
ladyanglaiseetqu’elleaformémongoût.‒OhmonDieu!s’exclameCharlie,quis’assoittoutd’uncoup.‒C’estchoquant,vraiment?demandeMacenhaussantlessourcils.‒Non,non,biensûrquenon,rienàvoiravecmadameMac.C’estjusteque,quandvousavezditça,je
mesuissouvenudequelquechosequeSummerm’aditàproposdeJack.Touslesregardsconvergentverslui.‒Jevousenprie,poursuivez,ditMac.Charliealefrontplisséetessaiedesesouvenir.‒NousétionsentraindetravaillerauCentre.Onfaisaitdessandwichesensemble,etSummervoulait
savoircequej’avaisditàJackàsonsujet.Elleredoutaitquejeluiaieparlédesonmilieufamilialet,biensûr,jeluiaiassuréquejen’enavaispassoufflémot.Nousnedisonsjamaiscegenredechosessurelleànosamis.Àcemoment-là,ellem’aditqueJacksavaitquesamèreétaitanglaise.J’aiétéformel:ilnetenaitpasçademoi.Etpuis,j’aioublié.Macémetunpetitsifflement.‒Ah,ah!…Voilàquiest intéressant.Jecroisqu’onpeutconsidérerquec’est lapreuvequ’ils’était
renseignésurelleenamont.‒Çam’enatoutl’air,ditMiles,l’airsombre,maisest-cequecelanousaideàretrouversatrace?‒Ehbien,disonsqueceseraleprochainpointàaborder.Mac se tourneversFlora. J’ai crucomprendrequevotremèreestdécédéealorsquevousétiez très
jeunes?‒Eneffet.Summeretmoiavionsneufans.ElleregardeFreyaquiestdevenuelivideetsemblefigée.‒Freyaétaitunpeuplusâgée.‒ J’ensuisnavré,dit-ild’un tonpénétré. Je saisque le tempsneguérit jamaisvraimentcegenrede
blessure.
Freya laisseéchapperunsanglotetsecache levisagedans lesmains.Milesseprécipiteet laprenddanssesbras.‒C’est trèsdurpourelle,expliqueMilesàMacquiobserveFreyaenpleurssur l’épauledeMiles.
Celafaittoutremonter.‒Remonterquoi?demandeMac,quifroncelessourcils.‒Ehbien…,l’enlèvement.Lepremier.MilesregardeFlora.‒Tuenasparlé?‒Non…,ditFlora,balbutiante.Non,je…n’enaipasparlé.‒Dequelenlèvementparlez-vous?demandeMac,soudaintrèsraide.Freyasanglotedoucement,levisagecaché.Mileshésite,puisdit:‒C’étaitilyadesannées.Freyaetsamèreontétéenlevées,enItalie,pardesvoyousducoin.Ellesont
étéretenuesprisonnièrespendantunequinzainedejoursdansunegrotte,quelquepartdanslamontagne,avant d’être secourues. Hélas, madame Hammond est décédée peu après, d’avoir été privée de sontraitementmédical.Jecroisqu’ellesouffraitdediabète.Floraestabasourdied’entendreracontercelademanièreaussisimpleetclaire.C’estlesecretfamilial
leplusenfouietleplussombre,laculpabilitécachée.Jamaisellen’auraitcruquel’onpourraitenparlerainsi.Elle-mêmes’estfaitviolencepourneplusjamaisypenseroupresque.Macabondisursespieds,l’airindigné:‒Quoi?Vousvousmoquezdemoi?Ilarpentelapièced’unpasfurieux.‒Vousvoulezbienrépéter?Freyaetsamèreontétékidnappéesilyadesannéesdecela…enItalie?
Commentsefait-ilquejel’ignore?‒L’affaireaétéétouffée,répondMiles.Lapressen’enariensu.Freyaaarrêtédepleurer.Ellerenifleetlèvesesyeuxrougis.‒C’estsivieux.Etc’étaitenItalie.NoussommesenAmérique.C’esttotalementdifférent.‒ Mais l’une de vous a été enlevée par le passé et personne n’a songé à m’en parler ? dit Mac,
incrédule.‒C’étaitilyadesannées,ditFlora,desannéesetdesannées.Çanepeutpasavoirunlienaveccequi
sepassemaintenant.UneexpressiondepeurselitsurlevisagedeFreya:‒Est-cequec’estlié?Est-cequec’estlié?Dites-moi.Elleal’airravagée.Maclesregardetousetdéclared’unevoixforte:‒Mesdamesetmessieurs,celachangetout.Totalement.Vousenavezbienconscience?
Troisièmepartie
21
Jackal’airplusrenfrognéquejamais,maisjetâchedel’ignorer.Jemesenscommeunelycéennequinevoit pas qu’elle est impopulaire et qui se comporte comme si elle était la meilleure amie de tout lemonde.End’autrestermes,j’essaiedecomprndrel’humeurdeJack.Iln’estplusquestiondem’enfermerdanslapetitechambre.Laporteestouverteetjepeuxmedéplacer
librement.J’ailanetteimpressionqu’ilsouhaitequejefassecequ’ilm’aditetquejedisparaisse.Quelrevirement!Je ricane enmon for intérieur.Hé, hé ! mon petit Jack. Je ne vais pas te laisser t’en tirer aussi
facilement.Jenevaispastelaisserseulavectaculpabilité,tonhonneurettouteslesâneriesdonttonfrèret’afarcilatête.C’eststupéfiantdevoircombiennotrerelationachangédepuislepeudetempsquenoussommesici.
Quandjesuisarrivée,j’étaisterrorisée,j’ignoraistoutdesintentionsdeJack.Maintenant,jesaisqu’ilnemeferapasdemal. Ilne lepeutpas. Jenecroispasqu’ilenait jamaisétécapable,mêmesi riennes’étaitpasséentrenous.Etça,c’estincroyable.Jeleregardequipréparelecafédanslepetitcoincuisine.Iladesgestesélégantsenversantlecafé
mouludanslacafetière;monestomacesttoutretourné,commed’habitude,quandjeleregardeouquandjepenseàlui.Desimagesmereviennent:sonvisagebrûlantdedésir,sabouchesurmesseins,sonsexedresséentremescuisses,etjepalpitededésirpourlui.J’étouffeunpetitsoupirenpensantquecelaauraitpuêtresifacilesinousavionsétédeuxpersonnes
quiserencontrent,s’apprécient,serevoientettombentamoureuses.Àlaplace,noussommestorturésparleconflitquifaitrageennous:noussommestousdeuxattirésparlapersonnequenousdevrionshaïr.PasétonnantqueJackserefermesurlui.Aprèstout,ilagambergépendantdesannéessurmafamilleetcequ’elleafaitàlasienne,etpasséDieusaitcombiend’heuresàécoutersonfrèrelepersuaderquec’étaitsondevoirdesevengeravecceplandébilequinepeutquemalseterminer.Oh!commej’aimeraisavoirneserait-cequecinqminutespourparleràcefrère…Unebrisemarinesoufflesurlebalcon,dontlesportessontouvertes,etj’offremonvisageauvent.Il
chasselesrelentsâcresdel’incendiedelaveille,maisàl’extérieurc’estladésolation:lebalconn’estqu’un squelettedeplanches calcinées, dont le centre adisparu, emportépar les flammesqui l’ont faits’écrasersurlesableencontrebas.Jemedemandesilapertedubalconrisquedemenacerl’équilibregénéraldelamaison,maiselleparaîtsolide,et lespilierssonttoujourslà,mêmes’ilssontnoircis.Jerepenseàlachaleurintensedubrasieretjesuisfollementcontentequenoussoyonssaufs,touslesdeux.Ladestructiondubalconn’estpassigrave.Ilpourraêtrereconstruit.‒Cettemaisonestàtoi?dis-jeàJackalorsqu’ilapportedeuxtassesdecafélàoùjemetrouve,àla
petitetableenpin.Ilfaitnondelatêteets’assoit.Leregardrivésursoncafé,ilmarmonne:‒Elleestàunami.
‒Ohlàlà!Tuvasdevoirluifournirquelquesexplications.Illèvelesyeuxetmefixeintensément.‒Jenecomprendspas,Jack.Tuallaisremerciercetamiquit’aprêtésamaisondeplageenl’utilisant
pourmeséquestrer?Qu’est-cequetuespéraistirerdetoutça?‒Tun’es pas obligéed’enfoncer le clou, dit-il sèchement. J’avais parfaitement conscienceque cela
auraitdesconséquencessurtouslesgensimpliqués.Maisc’étaitleprixàpayerpour…laverl’honneurdenotrefamille.Jememordslalanguepourm’empêcherdeluidirecequej’enpense.Àquoicelaservirait-ilquej’en
rajoute?Jevoisbienqu’ilesttotalementperdu.Sonfrèreluiafaitunvrailavagedecerveauetilserendcomptemaintenantquelemondeestbeaucouppluscompliquéqu’ilnesel’étaitimaginé.Toutn’estpasblancounoir.Lapetitegarcepleinedethuneàquiilrêvaitdefairepayerlescrimesdesonpères’avèreêtremoi…,unejeunefilleordinairequin’estpasresponsabledupasséetquel’onpeutblesser.Quel’onpeutaimer…‒Jack,quecomptes-tufaire?luidis-jed’unevoixquidevientpressante.Ilestencoretempsdemonter
unbobardpourmafamille:onestpartissuruncoupdetête,onapasséquelquesjoursdélirants,onaperdunos téléphonesouonn’avait pas de réseau…Onpeut encore revenir et tout arranger.Peut-êtremêmequ’onpourraitréussiràseconnaîtremieux,d’unemanièreunpeuplus…normale…Ilmeregardeavecuneexpressiondesouffrancesursonvisage.‒Summer,tunecomprendspas?C’estfoutupourmoi.Tucroisvraimentqu’onpourraitrentreretsortir
ensembleaprèscequis’estpassé?Ilfautquej’affrontelefaitquej’aitrahimafamille.Jevoulaisoffrirlasécuritéàmasœuretmontreràmonfrèrequejenemedégonflepas.‒Ettamère?dis-jedoucement.Tunecroispasquetuluidoisquelquechose?Commed’essayerde
vivreuneviecorrecte,cetteviepourlaquelleelleabossédurpourtoi?Jacksecouelatête,levisagegrimaçant.Ilselève:‒Tais-toi !N’essaiepasdemedonnerdesremords.Tunevoispasque jemesensdéjàcommeune
merde?Toutafoiré,unvraidésastre.Monfrèreavaitraison:jenesuispasàlahauteur.Jeledéçoistoutletemps.‒Quoi?Jemelèveaussietnousnousfaisonsface,lesyeuxflamboyants.‒Jen’aijamaisentendudetellesconneries!Tunevoispasqu’ilfautplusdeforceetdecouragepour
fairecequetufaisetarrêtercequetonfrèrearéussiàteconvaincredefaire?BonDieu,laréponseàvosproblèmes,ellen’estpaslà.Ilfautquetuouvreslesyeux,quetuvoiesqu’ilsetrompe.Un long silence s’installe. Jack ne bouge pas, mâchoires et lèvres serrées. Puis, il dit d’une voix
tendue:‒J’aipromis.C’estça,leproblème.J’aipromisetçamebouffedenepaspouvoirtenirmaparole.Ilrepousseviolemmentsachaiseettraverselapièceàgrandspaspourallerseplanterdevantlesrestes
carbonisésdubalcon.Jel’observeunmoment,nesachantquefaire.Jenefaisquecompliquerleschoses.Ilesttorturéparsapromesseetsondevoirenverssafamille;ilfautqu’ilfasselapaixavecça.Toutematendresse tend vers lui, un bras posé sur l’encadrement de la porte, tête baissée. Il est en proie à uncombatintérieurtrèsviolent.Jevoudraisl’aider,luifaciliterleschoses,maiscomment?Jemelèveetvaisverslui.Jeposemamaindoucementsursondos.Sapeauestfermeetchaude.‒Jack?Ilneréagitpas.
‒Jet’enprie,laisse-moit’aider.Jeveuxcontribueràarrangerleschoses.Ilsemordleslèvresetfermelesyeux.‒Jelesais,dit-ilenfin.Quepeux-tufaire?‒Jepeuxteréconforter.‒Comment?‒Commeça.Jepassedevantluietpenchesonvisageverslemien,effleurantseslèvresaveclesmiennes.Ilbouge
unpeuversmoi,puisseretire.Jepersiste,jefrottemaboucheplusfortcontrelasienneenaccroissantlapression pour qu’il ne puisse plus résister. Il se met à m’embrasser vraiment, ouvrant la bouche etintroduisant sa langue. Nos langues jouent l’une avec l’autre, se lèchent, s’enroulent, se touchent,explorent.Mamainglisseverslabosseduredanssonpantalon,l’autremonteetdescendsursondosetsesfesses.Jerespireplusvite,alorsqueledésirmonteenmoicommeunfleuveencrue.Jeveuxqu’ilmepossède,maisd’abord,jeveuxl’honorer,luimontrercombienj’adorecequ’ilmefaitetluirendreleplaisirqu’ilm’adonné.Jedescendsetluisoulèvelachemisepourembrassersonventre.Lapeauenestdouceetbronzée,chaudesousmeslèvres.J’entendssarespirationquis’accélèrecommejelaissemonsouffle jouer sur sa peau et que je lèche vers la ceinture de son jean. Je suis à genoux, je défais saceinture et je descends lentement la fermeture éclair de son jean. Je sensmonventre se contracter deplaisirenvoyantlacolonnedurequibombesonslip.Ilgémitlorsquej’approchemonvisagedesonpénisquitendlecoton.J’yappuiemaboucheetjesenslachaleuràtraversletissu.J’exhaleunlongsoufflechaudcontresonmembre.Ilfrémitsouslasensation.Lentement,jemonteetdescendsmabouchelelongdesaverge,toujourscontreletissuenlachauffantavecmonsouffle.‒Summer,dit-ild’unevoixrauque.‒Chut!Jepasseundoigtlelongdesaqueueetilbougeleshanches.‒Neparlepas.Jeglissemamaindanslafenteduslipetjelatrouve,lasourceduplaisirintensequ’ilm’adonné.Son
membremagnifique,dressé,duretgros,frémissantsousmesdoigts.Jenesaispascequejefais,jesuismoninstinct,jeledégage,jel’embrasse,jesorsleboutdemalanguepourletitiller.Mamainl’entoureetleserredoucement.Je lèchevers lehaut,plus lisseetdoux.Sonérectionmonte jusqu’àsonventre,sarespirationdevientfortealorsqu’ilmeregardepromenermabouchesursonsexe.J’atteinslegland,jefais roulerma langue autour de lui enme délectant de sa beauté. Je le prends dansma bouche, aussiprofondémentquejepeuxpourl’avalerenentier,jetète,jelesorsdemaboucheetlereprendspendantquemamainmasse endessous, presse et serre jusqu’à cequ’il semble encoregrossir.C’est nouveaupourmoi,maisjesaisfaire.Mondésirmedictemesgestes.‒C’estsibon,gémit-il.Tumerendsfou.Jevoisquej’obtiensl’effetvoulu.Ilmetardedeluidonnerlajouissancequ’ilm’adonnéeetj’adore
découvrir le plaisir délicieusement érotique d’avoir dansma bouche son pénismouillé dema salive,léchéparmalangue.Il bouge, répond au rythme de mes coups de langue, pousse en avant. Je veux continuer, encore et
encore, pour prendre tout ce que je peux. Il bouge plus vite, il sort et entre dans ma bouche en sedurcissant.Ilafermélesyeux,abandonnéauxsensationsquejeluidonne,etjebougemainsetbouchedeplusenplusvitepourrépondreàsondésir.Leplaisir que je lui donnem’inondeaussi devolupté.Son sexepalpite, leglandest luisant et doux
alorsqu’illepoussedansmabouche.Jemefrottecontreseshanches.‒C’esttropbon,grogne-t-il.Net’arrêtepas,jevaisjouir.Ilouvrelesyeuxpourmeregarderetc’esttroppourlui:sestraitssecontractent,ilgémit,sabitese
durcitencoreetunjetdeliquidechaudemplitmabouchedegiclementspuissants.J’avaleautantquejepeux;lachaleursaléecouledansmagorge.Jesucejusqu’àcequesonsexearrêtedepalpiteretquesarespirationsecalme.Ils’agenouilleàcôtédemoietm’embrasseavecunesortederavissement.‒C’étaitsibeau,Summer.Tum’asexpédiéauciel!Ilsereculeetmeconsidère,commeémerveillé.‒Jeveuxtefairelamêmechose.‒Oh!maistul’asdéjàfait,dis-jeenluisouriant.Tuterappelles?‒Jenetelaissepassanstedonnerl’extasequetum’asdonnée.Ilm’embrassedoucement.Jejetteuncoupd’œilàsonsexequiestdéjàentraindedevenirmou.‒Mais…‒Ilyapleind’autresfaçons,situveuxjouir,murmure-t-il.Ilmepoussedoucementpourquejem’allongeausol.Jesuisheureusequ’ilveuillemesatisfaireaprès
cequejeluiaidonné.Jevibredansl’attente.Ilm’embrasseendéboutonnantmonshortetenglissantsamaindansmaculotte.Jesuisbienlubrifiéeetprête,monbourgeonestgonfléetréactifautoucher.Illetitille avec ses doigts, qu’il glisse pour jouer avecma fente. Je pousse des petits cris, etmes cuissess’écartentpour luifaciliter l’accès.Monshortetmaculottesontmoulants,etsamainestcolléecontremoi, dans l’étroit espace où il se glisse, mais cela accuse encore mon plaisir. Il pousse un doigt àl’intérieur,puisdeux,puistrois.Ilestprofondémentenfoncéenmoi,ilentreetilsort,meprovoquantunplaisir qui se diffuse de haut en bas dans toutmon corps et jusque dansmesmembres. Je gémis et ilm’embrasse,étouffantmespetitesplaintessousladélicieuseinvasiondesalangue.Jesensleplaisirquimonte dans mon ventre et dans les profondeurs que ses doigts explorent. Je frissonne d’un plaisirinsupportablealorsqu’ils’activeplusfortenmoi,lemenantàunsommetenfiévré,meliquéfiantd’extaseàl’intérieur.Jesensarriverl’orgasme,lesvaguesgrossissentetserépandentenmoi.‒Oh!çavient,dis-jeenhoquetant.Net’arrêtepas.Ilcontinueàmepénétrerdeplusenplusfortavecsesdoigts.Monclitorisbrûlesoussontoucher.Je
suisprêteàbasculerdansunprécipicedejouissance.‒Oui,oui,dit-il,jouis,mabelle.Jetombe…,etmonorgasmeexplose…,plusintensequetoutcequej’aijamaisconnu.Jemeraidis,je
mecambreetjehurleaurythmedesvaguesdeplaisirquesesdoigtsdéclenchentenmoi.Ellesdéferlentsurmoi,melaissanthaletante,horsd’haleine.Jeleregarded’unairheureuxetilmesourit.‒C’étaitprodigieux,dis-jeavantdepousserunvoluptueuxsoupirdesatiété.‒Ohoui!Ilm’embrassedoucement.‒Tuétaissibellequandtuasjoui.‒Jemesensmieux,pastoi?Ilrit.‒C’estsûrquetum’asfaitpenseràautrechose,sic’estcequetuveuxdire.Soudain,jemesenscoupable,allongéecommejesuissurlesol,àmeremettredelaviolencedemon
orgasme.Mafamilledoitêtrerongéed’inquiétude,etmoi,jebaignedanslalubricité.Ilfautquejetrouveunmoyendelescontacter.QuejediseàFloraquejevaisbien.Mais le soir commence à tomber, et je ne crois pas que Jackme permettra d’envoyer unmessage.
Commentyparvenirsansqu’illesache?
22
LasuitedeFreyaestdevenueunevéritablesalled’opération,avecMacetMilesinstallésdevantdesordinateurs.Freyaestinterrogéesurtoutcedontellesesouvientàproposdupremierenlèvement.Elleestassiseenboulesurlecanapé,enveloppéedansunecouverture.Ilsefaittard,maispersonneneparlededîner.IlyauneréelleurgenceàfairedesprogrèsconcretspermettantderetrouverSummer.Macestconvaincuquel’enlèvementquiaeu lieudesannéesauparavantest lacléet ilveutqueFreya luidisetout.Illuiestpénibledesesouvenir.Elleapassétantdetempsàenfouircesévénements,neretournantdans
cesgrotteshumidesquedanssescauchemarset,aujourd’hui,illuiestdifficiledediscernerlaréalitédeséclairsdeterreurquilasaisissentdanssonsommeil,mêmes’ilssontmoinsnombreuxdepuisqu’elleestavecMiles.Ilestàsescôtés,illuitientlamainpendantqu’ellefouillesamémoireetremontedesannéesenarrière.Floraécoute,trèspâle,Freyaquiracontel’épreuve,depuislemomentoùsamèreetelleontétékidnappéesdansleurmaisonprèsdeNaples.Elleracontequec’estundesgardescenséslesprotégerquiapermisauxravisseursd’entrer.‒C’estpourça,ditMiles,quetun’arrivaispasàmefaireconfiance.Jenecomprenaispaspourquoitu
étaissiméfianteenverslepersonneldesécurité.‒Jecroisquejen’aijamaisoubliécetypequiétaitcenséassurernotreprotectionprendresaliassede
billetspendantqu’onnousjetait,enpyjama,àl’arrièred’unecamionnette.Avecmamanquiessayaitderestercalmealorsqu’elleétaitterrifiée.Flora elle-mêmea l’air effrayée, comme si ellevivait la scène.Macécoute attentivement, depuis le
canapéoùilestaccoudé.‒Etest-cequevousavezpuapprendreàconnaîtreunpeumieuxcertainsdesravisseurs?Freyaréfléchitauxhommesquiétaientchargésdelessurveiller.‒Ilsétaientsix,jecrois,maisilsallaientetvenaient.Iln’yenavaitjamaismoinsdetrois.Laplupart
dutemps, ilsnousignoraient.Jenepensepasqu’ilsparlaientanglais,etquandnousnousadressionsàeux,ilssebornaientàdireyesouno,sansqu’onsaches’ilscomprenaientoupas.Ilsnousdonnaientàmanger,nousmontraientoùdormir,nousconduisaientdehorspournosbesoins.Mais,pourl’essentiel,ilsse comportaient comme si nous n’étions pas là. Parfois, c’est bizarre, je me demandais s’ils avaientconscience de notre présence, mais je savais pourtant que, forcément, c’était à cause de nous qu’ilsétaientdanslesgrottes.Jetrouvaisçatrèsdéroutant.‒Dissociation.C’est classique,ditMiles.Pourdépasser cequ’ils étaient en trainde faire, il fallait
qu’ilsvousignorent,qu’ilsnevousvoientpascommeunefemmesansdéfenseetsafillette,sinonvousauriezétécommeleursépousesetleursenfants,etalorsilsn’auraientpasétécapablesdelefaire.‒Logique,ditMac.Maisjesuissurprisqu’ilsvousaientgardéesplusquequelquesjours.Combiende
tempsentoutyêtes-vousrestées?‒Presquedeuxsemaines.L’esprit de Freya est retourné là-bas, dans la pénombre de cette grotte, avec ces hommes assis à
l’entrée,tenantdesarmesquelalunefaisaitbriller.‒J’aiperdulanotiondutemps.Elle trembleense rappelant l’humidité froidede lagrotte, l’absencede lumièrede jour, lesmaigres
rationsquinelarassasiaientpasetlafaisaientrêverdegâteauauchocolatetdecrèmeglacée.Maiscequilasecoueleplus,c’estderevoirsamèreetleréconfortqu’elleluiapportait,jusqu’àcequeFreyacomprenne que samère s’affaiblissait et que samaladie s’aggravait d’heure en heure. Elle entend saproprevoix,juvénileettremblante,quiimploraitdel’aideetellesesouvientdeshaussementsd’épaulesde leurs gardiens, leurs concertations àmi-voix en italien et leur absence de réaction. Et puis…Sonvisagesetort.‒Quoi?demandeMacimmédiatement.Ill’observedeprès,litsesexpressions.Ilestprêtàbondirdèsquequelquechoseluirevient.Ellevientdeserappelerunmomentoùlagrotteétaitpleinedevoixencolère.Lesravisseurssedisputentetellesaitquec’estàleursujet.L’und’euxestfurieux.Ilessaiedefaire
comprendrequelquechoseauxautres.Ilmontrelesprisonnièresdudoigt,puisseretourneverslesautres,etellesaitqu’illeurditdefairequelquechosepourlafemme.Soncœurs’emplitd’espoir,quelquechosevaseproduire,quivaleurvenirenaideetlesdélivrer…,maisladisputecontinue,etilestévidentquel’hommeestentraindeperdrelapartie.Lesautressecouentlatêteensignemanifestederefus.Freyaneparlepasleurlangue,maisellecomprendqu’ilsdisentnon.Paniqueetdésespoirs’emparentd’elle.‒Freya?Floraestdevantelle,àgenoux,etlaregarde.‒Çava?LamaindeMilesseresserresurlasienne.‒C’estbien,monamour.‒Ilyenavaitunquivoulaitnousaider,dit-elled’unevoixfaible.Jem’ensouviens,àprésent.Maisles
autresl’enontempêché.Ilétaitgentilavecnous.Ilavaitdespetitsgestesquelesautresneremarquaientpas.Unjour…,ilyaeuungarçon…,sonfils,jecrois.Ilavaitdegrandsyeuxsombresetlescheveuxfoncés,et ilm’afixée, longtemps, longtemps, jusqu’àceque lesautres levoientet luicrientdepartir.L’hommequiétaitgentilaeuuneconversationtrèsaniméeaveclesautres.Pourlesconvaincredenouslaisserpartir,jecrois.Etpuis…,ilmesemblequec’estlanuitsuivantequ’onestvenunouslibérer.Macécouteintensément.Milesluilanceunregard,etMacditàFreya:‒Est-cequevousvousrappelezcertainsnoms?Ellefermelesyeux.‒Lorsqu’ilsontcriéaprès lepetit, ilsontdit :«Vai,Fredo,vai ! », jem’en souviens trèsbien.Et
l’homme qui était gentil s’appelait… Paolo. Oui, c’est ça, Paolo. Ils lui ont dit : «Non è possibile,Paolo»etj’aicompriscequeçavoulaitdire:paspossible.C’étaitaffreuxd’entendreça.Macs’estlevéetvatrèsviteversl’ordinateur.‒PaoloetFredo.C’estundébut.‒Monpèrearriveaujourd’hui,ditFlora.Ilpourravousdonnerplusdedétailsquenous.Ilnenousa
jamaisparlédecequis’estpassé,dit-elleenjetantunregardàFreya.Milesditd’untonacerbe:‒Ehbien,maintenant,illefaudrabien.Etpourlesauvetage,dequoitesouviens-tu?demande-t-ilen
embrassantFreyasurlatempe.‒Pasgrand-chose,répond-elled’unepetitevoix.Justequec’étaitterrifiant.Jemesuiscachéesousune
couvertureetjen’airienvu.Puis,onm’aportéedansunevoiture,maisj’aicriéautantquej’aipuparcequec’estlemomentoùilsontemmenémaman.Jenesupportaispasd’êtreséparéed’elle.Elleclignedespaupièrespourchasserleslarmesquiembrumentsesyeux.‒Aprèsça,ellen’aplusjamaisétébien.Milesluicaresselamain.‒Tuasététrèscourageuse.Illuisouritettouchesonvisagedelamain.‒Tuesmerveilleuse.Elleluisourit,heureusedesonsoutienetdelesentirsiprocheetsiconcerné.Illuitarded’êtreseule
aveclui,maisl’heuren’estpasencorearrivée.Jimmyestassisaveceux,bienqueCharliesoitrentréchezeux.IlaététrèscalmependantqueFreya
racontaitsonépreuve.Ildit:‒JenecomprendstoujourspaspourquoiJacketSummernesesontpasmanifestés.Pourquoin’a-t-il
pasfaitunedemandederançon?‒Parceque,ditMac,depuisl’ordinateurdevantlequelilestassis,ilsepeutqu’iln’enaitpasaprès
l’argent.Passilesdeuxenlèvementssontliés,etjecommenceàpenserquec’estlecas.LeportabledeMilesannoncel’arrivéed’unSMS.Illelitrapidementetselèveaussitôt.‒C’estunmessaged’unamiquitravaillepourlesservicesdesécurité.Iladestuyauxquipourraient
nousaideràlocaliserSummer.Maispourcela,Flora,ilvafalloirquetumedonnesdesinfos.‒Biensûr,dit-elle.Àcemoment,letéléphonedeFreya,posésurlecanapé,annonceaussiqu’unmessagevientd’arriver.
Elleleprendrapidementetlit:‒C’estJane-Elizabeth.Elleestàl’aéroportavecpapaetEstelle.‒Super,ditFlorafaiblement.Lesdeuxsœurséchangentunregard,etchacuneperçoitl’appréhensiondansleregarddel’autre.‒Votrepèrenousestindispensable,ditMacquiperçoitleurinquiétude.Ilarrivetrèsopportunément.Freyaacquiesce.Elleestépuisée,n’ayantpratiquementpasdormidepuislaveille.Miles,quitravaille
sursonordinateur,appelleFlora:‒IlmefautlenumérodeportabledeSummer.‒Biensûr.Floras’approcheetleregardetaperlenuméroqu’elleluidonne:‒Qu’est-cequetufais?‒J’envoieuneapplisurleportabledeSummer.Jeprésumequ’elleaunsmartphoneavecla4G?‒Ohoui!Ellealeplusrécentdecequisefaitdemieux,net’enfaispaspourça.‒Parfait,ditMiles,quitravailletrèsvitemaintenant.‒C’estquoi,cetteappli?demandeFreyadepuislecanapé.‒C’estuntrucquiaétémisaupointparlesservicesdesécurité,mêmesiontrouveaussidesversions
commercialessurlemarché.J’aidemandéàunvieilamidemerendreunserviceetilaacceptédem’enfournirunecopie.Dèsque leportabledeSummerseraallumé,àconditionqu’elleaitdu réseau,cetteappli se téléchargera automatiquement sur son portable. Elle est faite pour les agents secrets et elleapparaîtcommeunjeusurl’écrand’accueil.Lesagentspeuventyaccéder,maiselleal’airparfaitementinnocenteaucasoù le téléphone tomberaitendemauvaisesmains.Unefois installée,ellepourranousenvoyerdesinfossurlesmouvementsdeSummer.
‒Vraiment?demandeFlora,toutexcitée.C’estgénial!Tuveuxdireque,dèsquel’appliseraactivée,ilserapossibledesavoiroùellesetrouve?‒Euh…,ça,c’estlescénarioidéal.Milescontinueàtapersurleclavier.‒Maisencore faut-ilqu’ellepuisse seconnecterau réseau.Etbien sûr, il fautque le téléphonesoit
allumé.Macintervient:‒JesuisconvaincuqueJacknevapasutiliseretdoncbrancherceportable.Désolédegâchervotre
joie.Freyaestsombreettourmentée.Ellen’estpasaussipersuadéequeFloraqu’ilsonttrouvélasolutionà
leursproblèmes.‒CelafaitplusieursjoursqueSummeradisparu.Sontéléphoneestpeut-êtrebiendéchargé.J’imagine
qu’ellen’apasprisdechargeur.Milesopineduchef,lentement.‒O.K.,maissisontéléphoneestmortparcequ’ellenel’arechargé,ilsepeutaussiqu’ilaitétééteint
laplupartdutemps;ducoup,ilestpossiblequ’ilaitassezd’autonomiedebatterie.IlsetourneversFreyaethausselesépaules:‒Jenepeuxpasfairemieux,moncœur.‒Jesais,dit-elle.Ellebaisselatêteetfermelesyeux.Elleestmortedefatigue.‒C’estjustequejemesenstellementimpuissanteetdécouragée.Soudain, le téléphonede la suite sonne, faisant sursauter tout lemonde.Florava à la petite table et
prendlecombiné.‒Oui?Elleécoute,puisditmerci.Elleraccroche,setourneetannonceàtoutlemonde:‒Papaestdansl’ascenseur.Ilseralàdansuneseconde.
23
Jack etmoi sommes allongés par terre, sur le tapis blanc, à regarder le soleil se coucher. Il plongelentementdans l’océanen illuminant le ciel de rose etd’or.Nous sommes silencieuxetpartageonsunmomentdebien-être.Jackjoueavecunemèchedemescheveux,qu’ilentoureautourd’undesesdoigts,dérouleetenrouleànouveau.Jemedemandeàquoiilpense,puismespenséespartentdansleurpropredirection.Celieu,cettemaisondeplage,mesontdevenustellementfamiliers.‒Celafaitcombiendetempsquenoussommesici?Danscettemaison,ensemble?‒Euh…,jediraisquec’estlequatrièmejour.‒Quatrejours…Jemedemandecequisepasseàl’extérieur.Jesuissûrequetoutlemondeacomprisqu’ilm’estarrivé
quelquechose.MêmesiJimmyetCharlieétaientprêtsàaccepter l’idéeque j’étaispeut-êtrepartieenescapadeamoureuse,àl’heurequ’ilest,ilsdoivents’inquiéter.Jesuisalléeàunrendez-vousilyacinqjourset,depuis,rien.Peut-êtrequemessœurssaventquejen’aipasréapparu.Peut-êtresefont-ellesdusouci. Je pense à Flora, tout à son histoire avecAndrei.M’a-t-elle seulement accordé une pensée aucoursdecesderniersjours?Ladernièrefoisquenousnoussommesparlé,elledevaitmerappeleràunmomentoùcelanedérangeraitpasAndreietellenel’apasfait.Moncœurseserreàl’idéeque,pourl’instant,peut-être,jeneluimanquepas.MaisJimmy,assurément,l’amiseaucourant.Ildoits’inquiéter.Ilsaitquejenedisparaîtraispas
sansl’enavertir.Je connais assezFlora pour savoir que, une fois l’alarmedéclenchée, elle semet enmodepanique.
C’estinsupportabledepenseràl’étatdanslequelelledoitêtresiellepensequ’ilm’estarrivéquelquechosedegrave.Jelavois,pâle,angoissée,incapablederienfairefaire,hormiss’inquiéter.Ilfautquejeréussisseàlaprévenirquejevaisbien.Maisqu’est-cequejevaisluidire?Quej’ai
étéenlevéeparJack,«maisnet’inquiètepas,jesuistrèsheureusedebaiseraveclui.Àbientôt»?Jevois,alorsquecettepenséemevientàl’esprit,combienleschosessontunvraisacdenœuds.Dès
l’instantoù j’aiposé lesyeuxsurJack, jemesuissentie irrésistiblementattiréepar lui,physiquement.Qu’importecequ’ilavaitl’intentiondemefaire,jenepeuxfairetairecequejeressenspourlui.Etjesuissûrequec’est réciproque,mêmes’il sedétestepourça.Lapassionentrenous,cen’estpasde ladétresseoududésespoiroucetterelationétrangequisecréeentreleravisseuretsavictime.Elleétaitlàdès notre rencontre.Elle est toujours là.C’est pour cela que Jack n’est pas capable de faire ce qu’ils’étaitengagéàfaire.Jepassemesdoigtssurlapeaudesaclavicule.‒Combiendetempstupensaistenir?Jeveuxdire…Tuasassezdeprovisions?Sesbeauxyeuxsombresseposentsurmoi.Jevoisbienqu’ildétesteparlerdesplansqu’ilaéchafaudés
etquiontraté.Maisilditlentement:‒J’aiprévupourdeuxsemaines.J’aidesprovisionsdanslecongélo.Toutcedontnouspourrionsavoir
besoin.
‒Etsicen’étaitpasrésoluàl’issuedecesdeuxsemaines?Parexemple,simonpèrerefusaitdepayerlarançon?Ilhausselesépaules.‒Jemedisaisquelesdésseraientjetés,d’unemanièreoud’uneautre.Silarançonnevenaitpas,jeme
disaisquejeprendraislavoitureetqu’oniraittouslesdeuxsejeterduhautd’unefalaisequelquepart.C’estenpartiepourçaquej’aifaitcetrucdingue,envenantici,tusais,enconduisant.Jepensaisàcequeçaferaitdedevoirsejeterduhautd’unefalaise,etjemesuislaisséemporterparmonimagination.Honnêtement,jen’aipasvucecamion.Jemedemandaissij’auraislestripesdefinirleboulot.Unfrissonglacémeparcourt.L’espaced’uninstant,jem’imaginedécollantd’unefalaiseetm’écrasant
danslevide.Unesensationd’horreurmesaisit,puisunenouvellepenséemevient:Peut-êtrequeceneserait pas la piremanière de partir. Aumoins, ce serait rapide. Puis, jeme dis que je ne veux pasmourir,nimoiniJack.‒Tun’envisagesplusdefaireça,hein?Ildétournelesyeuxetfixemamèchedecheveuxqu’iltordetdétord.‒Jack?Jenecroispasquetuvasmefairedumal,jenecroispasquetul’aiesjamaisvoulu.Peut-être
qu’aufondtuessoulagéqu’ilyaiteucefeuquiatoutchangéentrenous.Maisjem’inquiètepourtoi,vulafaçondonttuculpabilises.Tupensestoujoursàtebalancerd’unefalaise,maistoutseul?Jackfermelesyeux,etuneexpressiondedouleursepeintsursonvisage.‒Bonsang!murmure-t-il.Tuasunefaçondinguede…‒Qu’est-cequetuveuxdire?Jemelèvesuruncoude.‒Commentsefait-ilquetumecomprennessibien?Ilouvrelesyeuxetmeregardeavecuneexpressionstupéfaite.‒Ondiraitquetulisdansmatête.Etcequetudis,c’estcommesituétaismaconscience,unepetite
voixquimeparleetmeditdeschosesquejeneveuxpasentendre.‒Jen’aipasdedondemédium.Jesuisjusteunepersonnenormale,quiteditdeschosesquedisentles
gensnormaux,genrecen’estpasunebonneidéedekidnapperquelqu’un.Etquelesquerellesdesang,lesvendettasfamilialessontdesâneriesinutiles,quin’occasionnentquedespertesdetempsetdevies.Etquetuastropderaisonsdevivrepourbousillertonexistenceaunomd’unengagementqu’onn’auraitpasdûtefaireprendre.Aufonddetoi,tupensesàtoutça;c’estcequetuappellestaconscience.Tusaisquej’airaison.Ilévitedemeregarderetfixel’horizond’unairsombre.Auboutd’unmoment,ildit:‒Peut-être.Peut-êtrequetuasraison.‒Tulesaisbien.Soudain,submergéed’émotion,jepassemesbrasautourdelui,jel’embrassepartoutsurlevisageetle
couenmedélectantdesapeaudoucesousmeslèvres.‒Jack,tunedoispasfairedebêtises.Jeneveuxpasquetumeures!J’aibientropbesoindetoi.Jack se tourneversmoi avecune telle expressiond’envie et de regret que j’ai l’impressionquema
respirations’arrête.‒Besoindemoi?dit-il,incrédule.Aprèstoutça?Tuasvraimentbesoindemoi?Jehochelatête.Mesyeuxmepiquenttoutd’uncoupetjemerendscomptequ’ilssontpleinsdelarmes.‒Jenesaispaspourquoi,maisoui,j’aibesoindetoi.Jeleserrefortcontremoietjedisavecfougue:
‒Ettuferaismieuxdenepasmelaissertomberaprèsça,monsieurJackKidnappeur!Pendanttoutemavie,j’aiattenduquequelqu’unmefassel’effetquetumefais.J’aiessayéderésister,maisjenepeuxpas.Alors,tuasintérêtàteressaisiretànepasfaired’erreurs.Onpeuts’ensortirtouslesdeux,situleveux.Parcequemoi,jeleveux.J’aibesoindetoi,tum’entends?Jememetsàsangloteretjesourisenmêmetemps.Jelâchemonétreinteetjecognedemespoingssur
sapoitrine.Jesuistellementpleinedefrustrationdevoirqueleschosesonttournéainsi.Mêmeàprésent,jenesuispassûredepouvoirl’empêcherdefaireunebêtise.Ilattrapemonpoignetpourarrêterlescoupssursontorse.‒Summer,arrête!Calme-toi,moncœur.Toutvabien.Ilm’embrasse.Seslèvressontsurlesmiennes,salangueestdansmabouche,etjem’emplisdedésir
pourlui.Jesensqu’iléprouvelamêmechoseàlafaçonavidequ’ilademetoucher.Jeleveuxenmoipoursatisfairecedésirqu’ilm’inspire. Jemesensgonfleretmouillerd’envie.Monshortest toujoursdéboutonnédepuis ladernière fois. Je l’enlève, ainsiquemon tee-shirt, entredeuxbaisers fervents. Ilinclinelatêteetbaiselesrondeursdemesseinsengémissantdeplaisir.Monsoutien-gorgesaute.Jacktètemesmamelons, l’un après l’autre. Je le veux tellement que je l’attire entremes jambes écartées,tendantlamainverssonpénisdurcommeduboisdanssonjean.‒Tuestellementgrosetdur,dis-je.Sonvisagesechargedudésirdesepousserenmoi,exactementcommejel’espérais.Ilportesonmanchecontremafente,quiestouverteetprêtepourlui.Ilfrottedoucementleglandcontre
meslèvresmouillées,contremonbourgeon.Jebrûled’enviequ’ilentreenmoiet,l’instantd’après,ilyest,ilpousseetilm’étire.Nousnousregardonsdanslesyeux,chacunabsorbantledésirdel’autrepourplus de jouissance. Je pousse mes hanches pour qu’il me pénètre plus profondément, je suffoque deplaisir.Ilestfoud’envielui-même,ilmemartèle,sapoitrinepèsesurlamienne.Jegriffesesfessespourqu’il s’enfonce encore plus profondément, jusqu’à la base de sa verge. Le plaisir monte en nous envaguesrapides.Jecrieàchacundesesmouvementsjusqu’àcequedesspasmesmesaisissentetquejejouisseenunvoluptueuxfeud’artifice.Jackmesuitpeuaprès.Ilexploseenmoietm’inonde.Nous ralentissons nosmouvements alors que nos orgasmes nous laissent pantelants. Dehors, la nuit
tombe.Nousrestonsallongéssurlesolencorequelquesminutes,jusqu’àcequeJackdise:‒Onferaitmieuxdeselever,sinononvapasserlanuitlà.Ilm’embrassedoucement.‒Tuasfaim?Jevaispréparerledîner.‒J’aiunefaimdeloup,dis-jeavecunsoupirheureux.‒J’airemarqué,dit-ilensouriant.Plustard,noussommesdanslelit.Jackdort.Jemelèveet jereviensdanslesalon.Jechercheet je
finispartrouver:glissésousunlivresuruneétagère,monportable.Ilestéteint,l’écranestnoir.Jeletiensdansmesmainsetjeletourneetretourne.Vais-jel’allumer?Jesuistaraudéeparl’enviedefairesavoiràFloraquejesuissaineetsauve,maisjeneveuxpasquequelqu’un–lapolice?–viennemecherchericiavecJack,pastantquejenesuispasprête.Jeneveuxpasqu’ilsapprennentcequis’estpassé.Personnenedoitsavoir.JeveuxsauverJackavantquelemondenedécouvrecequ’ilafaitetqu’onnemeleprennepourle
traînerdevantlajusticedevantcesgensquinecomprendrontpasqu’iln’ajamaisvraimentvoulumefairedemaletque,danscettehistoire,iln’avaitpasd’autreschoixquedefairecequ’ilafait.MaisilfautquejediseàFloraquejevaisbien.
Jefixemontéléphonependantunlongmoment.Etpuis,jemedécide.J’appuiesurlebouton.
24
Malgrésapetitestature,M.Hammondsembleremplirl’embrasuredelaportedelasuite.‒Oùestmonbébé?crie-t-ilàl’intentiondetouscommes’ilsavaientlaréponse.Flora le regarde fixement. Elle est soudain prise de peur devant ce père qui est physiquement là.
Pourquoiai-jepeur?Puis,ellecomprend.C’estparcequejenesaisplussijesuisprochedelui.Jenesuisplussûrequ’ilm’aimecommeavant.Ellen’estpasémueparle«bébé»desoncri.Aprèstout,ilyaunesemainedecela,ilamisàlaportetoussesbébésetilleuraditdesedébrouillersanslui.Ellelance un regard à Freya, qui a l’air plus vidée qu’elle ne l’a jamais vue, et tout aussi incapable derépondreàsonpère.Miless’avance.‒MonsieurHammond,noussommesheureuxquevoussoyezlà.Etvouspouvezêtreassuréquenous
faisonstoutpourretrouverSummer.Hammondavancedanslapièce,suiviparsapetitecour:Pierreetunautregardeducorps,massif,vêtu
d’uncostumenoir,Jane-Elizabeth,puisEstelle,enjeanslim,bottesàhautstalonsetunimposantmanteauenfourrurequilafaitressembleràunours.Elleporteaussideslunettesdesoleilquicachentsesyeux.‒ Où est la police ? demande-t-il en regardant autour de lui comme s’il pouvait y avoir des flics
planquéspartoutdanslapièce.‒Nousn’avonspas encoreprévenu lapolice,monsieur. Je suis sûrquevouscomprendrezpourquoi
nousavonsattendu.Milesaunevoixcalmeetassurée.‒NosrecherchespourretrouverFloraavancenténormément.HammondpousseungrognementetsetourneversPierre:‒Vousferiezmieuxdeprendreleschosesenmain.SetournantversMiles,ildit:‒Vousavezsansdoute faitcequ’il fallait faire,Murray.J’espéraisneplus jamaisavoiràposer les
yeuxsurvous,mais,comptetenudescirconstances,jesuisheureuxdevousvoir.Vousétiezunbongardeducorps…,jusqu’àcequevousvousenfuyiezavecmafille.IlsetourneversFloraetFreya:‒Vousnemeditespasbonjour,mesfilles?Floras’approchedocilementetembrassesonpèresurlajoue.‒Bonjour,p’pa,contentedetevoir.Àsagrandesurprise,elleserendcomptequec’estvrai.Saprésencelarassure.MêmecelledePierre
lui donne un peu de réconfort.Mais plus que tout, elle est heureuse de revoir Jane-Elizabeth, dont levisagen’exprimequ’angoisse,maisquimalgrétout irradiedecettechaleuretdecette tendressequi lacaractérisent.Elleouvrelesbras,etFloras’yengouffre.‒Monpoussin!Jane-Elizabeth la tient serrée, et Flora inhale les effluves familiers de son parfum avec un profond
sentimentderéconfort.‒Tudoistellementsouffrir.Noussommestoustotalementaffolés.Maisjesaisqu’ellevas’ensortir.Floraacquiescesanspouvoirdireunmot.Freyaembrasserapidementsonpèreetlegratified’unbonjourprononcéd’unevoixtendue.‒Tuasunedecestêtes,dit-ilenfronçantlessourcils.‒Jesuistellementinquiète,dit-ellefaiblement.Miless’avanceet,d’ungesteprotecteur,passeunbrasautourdesesépaules.‒Lajournéeaétédifficilepourelle,monsieur.Illuiafallurevivresonpropreenlèvement,cesoir,et
celan’apasétéunepartiedeplaisirpourelle.Freyasembles’enfoncerdanssesbraspouréchapperauregarddesonpère.Floraréaliseàcetinstant
précisquesasœuraunvraiproblèmeavecleurpère,pastantàcausedesévénementsrécentsquedesséquellesdel’expériencetraumatisantequ’elleavécueilyadesannées.‒Quoi?Leurpèreal’airsurpris,puiscontrarié.‒Qu’est-cequeçapeutbienavoiràfaireavecl’affaired’aujourd’hui?Cet…événement…remonteà
desannées.Mac,quisetienttranquillementdeboutaufonddelapièceprèsdesonordinateur,s’avanceetditd’un
tontrèspoli:‒Nouspensonsquecelaaunlienavecladisparitiondevotrefille,monsieur.Ilestimportantd’établir
précisémentcequis’estpasséalorspourtrouvercelien,s’ilyenaun.‒Quiêtes-vous?demandeHammondquilescrutedehautenbas.Mactendlamain.‒CalvinMcManus.Ravidefairevotreconnaissance.Jesuisdétectiveprivéetjepuisvousassurerque
jeneménagepasmeseffortssurcetteaffaire.Hammondserrelamaintendueaveccirconspectionetlarelâchedesuite.‒Quivousaembauché?‒Unedespartiesintéressées,monsieur.Floraintervient:‒C’estAndrei, papa. Il rémunèreMac pour ses services. Il sait que nous voulons tenir la police à
l’écartaussilongtempsquepossible.‒Dubrowski?demandeHammond,quin’encroitpassesoreilles.Sonexpressionchangejusqu’àmanifesterpresquedudégoût.Jenecroispas,monsieurMcManus.Mercipourvosefforts,maismonhommedeconfiance,Pierreici
présent, prend la direction de l’enquête à partir de maintenant. Veuillez lui communiquer toutes lesinformationsquevousavezpu rassembler.Mais, laissez-moivousdire,vousperdezvotre tempsaveccettehistoireitalienne.‒Papa,non!TunepeuxpasrenvoyerMac!ditFloraquiagrippelebrasdesonpère.Ils’esttellement
impliquédanscetteaffaire!Nousavonsbesoindelui!‒JenevaispaslaisserunhommedeDubrowskiretrouvermafille!rétorqueHammond.Floraleregarde,démunie.Est-cequecelacomptequilaretrouve,tantqu’onlaretrouve?Macdit:‒ Je ne suis l’homme de personne, monsieur.Monsieur Dubrowski paie pour mes services – enfin
jusque-là –,mais si vous voulez vous en charger, je serai heureux de continuer à travailler sur cetteaffaire.‒Mmm,faitHammondtoutenletoisant.Trèsgénéreuxdevotrepartdemedonnerl’occasiondevous
rémunérer.‒Papa, je t’enprie, l’imploreFlora.Macestunbondétective, je lui faisconfiance.Et ilprogresse.
Quelmalya-t-ilàlelaissercontinuer?‒Ilmefautquelqu’unquis’intéresseauxfaitsd’icietmaintenant,quis’attelleàretrouverSummerle
plusvitepossible,pasquelqu’unquivafouillerdanscequis’estpasséilyadixans.Pierrevaprendrelarelève,déclareHammondenfaisantunsignedelatêteàsonchefdelasécurité.Macprendsaveste.‒Trèsbien,monsieur,jecomprends.Ilfermesonordinateuretleglissedanssahousse.‒C’estvouslepatron.IlsetourneetfaitunecourbetteàFlora.‒Bonnechancepourvotrerecherche.JesuissûrquePierreferadubontravail.IlsetourneetjetteunregardlourdetsoutenuàPierre.‒N’est-cepas,Pierre?Pierre le fixe aussi et ne dit rien, mais Flora est sûre de percevoir quelque chose entre les deux
hommes.Est-cequ’ilsseconnaissent?Jane-ElizabethareconduitFreyaaucanapé,elles’yassoit,lesbrasautourdesépaulesdeFreya.Elle
prendlaparolepourlapremièrefois:‒Siquelquechosedoitsepasser,celadevrasepasserailleurs.Cettepauvrepetiteestenmauvaisétat,
elleestépuisée.Jevaisluifairemonteràmangeretlacouchertoutdesuiteaprès.Alors,ouste,toutlemonde.‒J’aimeraisbienquelquechoseàmangeraussi,ditunevoixclaire.C’estEstelle,quiestrestéedebout,àobservertranquillementledéroulementdesévénements.‒Jen’aipastouchéàlanourrituredansl’avion.Hammondsetourneaussitôtverselle,levisageempreintdesollicitude.‒Monange, jesuisdésolé,biensûr, ilnousfautdîner.Veux-tudînerdanslerestaurantdel’hôtelou
sortir?Flora sentmonterunehaine froideenelle :pourquoi lesdésirsd’Estelledevraient-ilsêtre satisfaits
avanttouteautrechose?Est-cequeleurpèren’apasentenducequeJane-ElizabethaditdeFreya?Ets’illaréconfortaitunpeuetluimontraitqu’ellecompteàsesyeux?‒ Çam’est égal, répondEstelle en soupirant. Pour être honnête, j’aimerais aller dans notre suite et
défairemesbagages.EllesetourneversJane-Elizabeth.‒Noussommesdanslasuitedudernierétage,n’est-cepas?Jane-Elizabethacquiescedelatête.‒Bien.EllevaversHammondetglissesonbrassouslesien.‒Alors,jecroisquetudevraism’yescorter.Sic’estagréable,nousnousferonsmonterledîner.Après
cevol,jen’aiguèreenviedemechanger.Unbainetunebonnenuitferontdesmerveilles.Florasedemandesisonpèreestconscientdelatensionextrêmequis’estinstalléeaprèslapetitesortie
d’Estelle.Miles la regardebouchebée, et Jimmyaussi,qui s’est tenu tranquille, assisdansuncoin, àobserver.Ils’estlevéquandsonancienemployeurestentré,maisdepuisils’estfondudansledécor.Sesyeuxétincellentunpeu,toutefois,devantlespectacledel’égoïsmed’Estelle.‒Entendu,montonsnousinstaller,monange.Etpeut-êtrequePierrepeutcommenceràtravaillerdans
sachambre.S’adressantàMac,ildit:‒Faites-luisuivretoutcequevousaveztrouvéd’intéressant.‒Avecplaisir,luirépondMacensouriant,révélantsesgrandesdentsblanches.HammondetEstelle sortent, flanquésdugardeducorpsbodybuildé, jusqu’auxascenseurset la suite
penthouse.PierretendsacarteàMacenl’enjoignantdetoutluienvoyerpare-mail,puissortàsontour.Aprèsleurdépart,unmomentdesilences’ensuit.Jimmyémetunsifflement.‒NomdeDieu,c’estquelqu’un,cettebonnefemme!‒Qu’est-cequejet’avaisdit?ajouteFlora.‒Ouais…Jepensaisquetuexagérais,maisnon!Ilsecouelatête.‒ Je lui souhaite d’apprécier son bain, son dîner et sa longue nuit de sommeil. Je parie qu’elle va
dormircommeunbébé.Visiblementpréoccupée,etpeut-êtreaussicontentedepouvoirlamaterner,Jane-Elizabethestauxpetits
soinsavecFreya.‒Allez,vousautres,dehors.Freyaabesoinderepos.FlorasetourneversMac.‒Vousnelaissezpasvraimenttomberl’affaire,dites-moi,Mac?‒PastantquemonsieurDubrowskinesedispensepasdemesservices.Votrepèrenepeutpas,enfait,
me renvoyer sans m’embaucher. C’est une de ces petites règles de la vie. Je continue, et demain jereviendraiici,sicelavousconvient.‒Ohoui,dit-elle,soulagée.Masuiteestàvotredisposition.Ilyapleindeplaceicipourtravailler.
Mais…vousdeveztoutremettreàPierre.‒Oui,undoubledetoutcequej’ai,maisjenecroispasqu’ilentireragrand-chose.‒VousconnaissezPierre?demandeFlora,l’airinterrogateur.J’aieucetteimpression.‒ Disons que nos routes se sont croisées à une ou deux reprises, et que ni l’un ni l’autre n’a trop
apprécié.Ilglissesonordinateursoussonbras.‒Bon,jedoispartir.Jevaiscontinueràtravaillercesoiretjevouspréviendraisijedécouvrequelque
chose.AprèsledépartdeMac,Floradit:‒Jetefichelapaixaussi.ElledécocheunregardbiensentiàJimmy,quiselèvepourpartir.‒ Oui, je ferais mieux de rentrer. Charlie doit se demander ce que je fabrique. Bonne nuit, Freya.
J’espèrequetuvaspouvoirdormir.Toutseprésenteramieuxdemainmatin.Unefoisdanslecouloir,ilfaitlabiseàFlora.‒Àdemain.Ilsereculeunpeupourlaregarder.‒Ettoi?Çava?
‒Oui,çava.Latensions’estrelâchéeenelle,aujourd’hui,sansqu’ellesachetroppourquoi.Ellecontinueàpenserà
Summerchaqueminuteetàsedirequ’il luimanqueunepartied’elle-même,mais lapressionliéeà lapaniques’estallégée.‒Jevaisbien.Jetrouvequeleschosesavancent.Jenesaispaspourquoi,maisjefaisconfianceàMac.‒Ilal’aird’untypebien.Etfutéaussi.C’estcequicompte.‒Oui.Elleleserrerapidementcontreelle.‒Bonnenuit,Jimmy,dorsbien.Danssasuite,ellepousseungrandsoupir.Elleaussiestépuiséeaprèscettejournéelongueetintense.
Elle se sent lessivéepar lesémotionsqu’ellea ressentiesenécoutantFreya raconter l’enlèvement.Sasœur,toujourstellementplusâgée,plussage,plusforte,luiparaîtsoudainfragileetblessée.J’espère que toute cette histoire n’est pas en train de réveiller enFreya des choses qui auraient
gagnéàresterensommeil.MaiselleaMiles,maintenant.C’estsonroc.Ilvaveillersurelle.Florasoupireànouveauetregardesamontre.Aucundoute…C’est…presquel’heure.Ellevadansla
salledebain,sefaitcoulerungrandbainpleindemousse.Unefoisdansl’eau,ellefermelesyeuxetellesemetàrêveràAndrei.Oùest-il?Est-ilprocheoupas.Elleglissedansundemi-sommeil.Descoupsàlaportedelasuitelaramènentbrusquementàlaréalité.‒Quiest-ce?crie-t-elle,lesépaulesruisselantesd’eau.‒Serviceenchambre.Elleselève,quitteàregretl’eauchaude,s’enrouledansundrapdebaintoutdoux.Elletrottinejusqu’à
laported’entrée,l’ouvreetditd’untoncontrarié:‒Jen’aipascommandédeserviceenchambre.Est-cequeladamedelasuite770ademandéqu’onme
montequelquechose?Avanttouteréponse,elleestprisedansunénormecâlin,soulevée,etdeslèvresavidesseposentsurles
siennes.‒Andrei!s’exclame-t-elledèsqu’ellepeutparler.Illaportejusqu’àlachambre,refermantlaportederrièreeuxd’uncoupdetalon.‒Tueslà!‒ Je suis là,dit-ild’un ton triomphant.Et tuesdélicieuse,monamour, spectaculairementdélicieuse.
Voyonsvoirquelstrésorssecachentsouscedrapdebain…Il la porte, pouffant de rire, jusqu’au lit.Elle seperd immédiatement dans la voluptéde sesbaisers
pendantquelesmainsd’Andreiprennentpossessiondesachairdouceethumideetqu’elles’abandonneàsontoucher.
25
L’écran du téléphone ne réagit pas tout de suite. Il reste noir, puis l’icône apparaît, surgissant durectanglenoircommeunpétalequiremonteàlasurfaced’unemare.Soudain,l’écranestlà,aveclaphotofamilièredeFloraetmoienfondd’écran,ettouteslesicôneslumineuses.J’aidesdizainesdeSMSetdemessagesvocaux.Maislachargedelabatterieestdanslazonerouge,critique.J’ouvrelafonctionMESSAGEetj’entaperapidementunàFlora:Jevaisbien.Net’inquiètepaspourmoi.Jereviensdèsquepossible.J’aimeraisendireplus,mais jenesaiscommentcommenceràexpliquercequisepasseet,de toute
façon,ilfautquej’envoielemessageavantquelafaibleréservedebatterienemeurecomplètement.Jen’hésitequ’uninstantetj’appuiesurENVOYER.Jeréfléchisviteetj’éteinsleservicedelocalisation,puisje coupe le téléphone, quelques secondes, j’en suis sûre, avant qu’il ne cesse de fonctionner dansmamain.J’auraisaimélirecertainsdesSMS,maisj’aifaitcequejedevaisfaire.Savoir que le message est parti m’apaise. Je n’ai plus à me soucier de Flora au quarante-sixième
dessous.Ellevarecevoirmonmessage,ellesauraquetoutvabienetelleattendraquejememanifesteànouveau.Jereposeleportablelàoùilétaitetjerevienssurlapointedespiedsmecoucher.Jackdorttoujours
profondément et jeme glisse à ses côtés sous le drap. Je ferme les yeux enme demandant si je vaistrouverlesommeil,mais,auboutdequelquesminutes,j’aidéjàplongé.Lorsque jeme réveille lematin, Jack est déjà debout. Je sors de la chambre et je le trouvedans la
cuisine,entraindepréparerlepetit-déjeuner.‒Salut,dit-ilensouriant.Jevoulaistefaireunesurpriseetteleserviraulit.‒C’estadorable.Onpeutrevenirsecoucher,peut-être?‒Ouais.Etsionmangeaitd’abord,puisquetueslà?‒Oui,d’accord.Jevaist’aideràmettrelatable.Quelquesminutesplustard,dansundélicieuxmélanged’odeursdumatin,nousmangeonsdumueslien
buvantducafé,pendantquelepaingrille.Jen’arrêtepasdepenseràmonSMSetàlaréactiondeFloraquandellel’alu.Jenesaispassij’aurailapossibilitéd’enenvoyerunautre.Jecrainsqueletéléphonenesoitcomplètementdéchargé.Ilneserallumerapluss’iln’estpasrechargé.Ilmefautdonctrouverunchargeur.Jackdoitbienenavoirun.‒Est-cequequelqu’unsedemandeoùtuespassé,Jack?dis-jetoutd’uncoup.Tamère?Tasœur?
Elless’inquiètent?‒Jeleuraiditquejem’absentaispourquelquetemps.Ellesnevontpass’inquiéter.Etpuis,ellesme
connaissent.‒Qu’est-cequ’ellesconnaissent,dis-jepourletaquiner.Dis-moi.Ilhausselesépaules,l’airunpeupenaud.Jel’adorelematin,quandiln’estpasraséetquesabarbe
couvresonvisaged’unvoilenoir.Savirilitéesttrèsexcitante.‒Oh!jeparsenrandonnéetoutseul.J’aimemarcherdanslescollines,camper,ettoutça.J’aitoujours
fait ça, peut-être parce que mon père m’emmenait dans les collines autour de Naples et que nous ycampions.J’adoraisça.Parcequ’iln’yavaitqueluietmoi,tuvois?Fredonevenaitjamaisavecnous.Papa l’emmenait dans des balades à part. C’était l’occasion d’être seul avec lui, d’apprendre à leconnaître. Ilmemontraitcommentfaireunfeudecamp,monterunetente,dépouillerun lapin, touscestrucsquelespèresapprennentàleursfils.‒Peut-êtrequ’unjourtuapprendrasquelquechosecommeçaàtonfils.Sonsouriredisparaîtetiljoueavecsonmuesli.‒Peut-être,dit-ild’untonbrusque.Quisait?‒Jack…Jeposemacuillère.‒Ilfautregarderleschosesenface:bientôt,celaferaunesemainequenoussommesici.Queva-t-on
faire?‒Jetel’aidit:tueslibredepartir.Jackreposeaussisacuillèreetmeregarde.‒Enfait,jecroisquejedevraisteramenercheztoi.‒Vraiment?Monvisages’éclairedejoie.‒Nousallonsrentrer?Touslesdeux?‒Oui,pourquoipas?Ilditçasiaisémentquejesuisaussitôtméfiante.‒Ettoi,queferas-tu?‒J’iraimerendre.J’yaibienréfléchi.C’estlaseulesolution.‒Mais…Jeleregardeenécarquillantlesyeux.SiJackserend,ilseraarrêté.Ilyauraunprocès…Ilseracondamné,àdelaprisonpeut-être.‒Trèsbien,dis-je,déterminée.Situfaisça,jeleurdiraiquecen’estpasvrai.‒Qu’est-cequin’estpasvrai?‒L’enlèvement. Jediraique jesuisvenue icidemonpleingréetquenousavonsvécuuneaventure
romantiqueauborddelamer.‒Quoi!Tuferaisça?‒Oui.Alors,tuvois,tunepeuxpasterendre.Ilfixelatableensemordantànouveauleslèvres.‒ Je sais que tu essaies dem’aider,mais tu nem’aides pas, au contraire. Tu rends les choses plus
difficiles.‒Comment?‒Sijesuisarrêtépourça,dit-ilensoupirant,aumoinsFredosauraquej’aifaitcequej’aipromis.Si
tuprétendslecontraire,soupire-t-ilànouveau,jenepourraijamaisleconvaincrequej’aiessayédetenirparole.‒D’accord.Jesuistrèsencolèrecontresonfrèreetl’engagementstupidequ’illuiaarraché,maisjenedoispasle
montrer.‒Donc,terendren’estpasunebonneidée.Alors…Jepenseàtoutevitesse.
‒…voici cequ’il faut faire.Nousdemandonsune rançon.Monpère lapaie.Tugardes l’argent, jerentrechezmoisaineetsauve,etonn’entendplusjamaisparlerdetoi.TudémontresàFredoquetuaslefric,et,donc,quelekidnappingamarché.Ethop,toutestO.K.!Jesouriset je lève lepouce,commepourdire«Toutbaigne».Mais jecomprendsqu’unepartiedu
planreposesurlefaitquejenelereverraijamais,etmonvisagesedécompose.Jackdétournelesyeux.‒Fredoneserasatisfaitquelorsqu’ilobtiendracequ’ilveut.Cequ’ilpenseêtrenotredû.‒De l’argent ? dis-je en réfléchissant vite.L’argent ne devrait pas être le problèmeprincipal, si je
parviensàamadouermonpère.Tuasraison:vousdevezêtredédommagéspourlapertedevotrepère.Unefoischezmoi,jeferaitoutmonpossible.‒Non,ilveutplusqueça.Jesensunfroiddésagréablecourirsurmapeau.‒Qu’est-cequ’ilveut?dis-jedansunmurmure.‒Ilveutque…jerétablissel’équilibre.Œilpourœil,dentpourdent.‒Unemortpourunemort,dis-jed’unevoixtremblante.Fredoveutquetumetues.Ilestparfaitementimmobile.Auboutd’unmoment,ilhochelatête,puismefixed’unregardd’acier.‒Jenevaispaslefaire.‒ Je suis contente de l’apprendre ! dis-je, soulagée et triste à la fois. Je ne peux pas disparaître,
m’effacerdelasurfacedumonde,carFredosauraquejenesuispasmorte.Cequinousramèneànotrepointdedépart,oupresque.Maisqu’est-cequenousallonsfaire?‒ Je suisdésolé. Jenousaimisdansun telpétrin. Jecroyaisque jepouvais le faire,mais j’ensuis
incapable.‒Etj’ensuisheureuse!Passeulementparcequejeneveuxpasmourir,maisaussiparcequejeneveux
pasquetusoiscegenred’homme.Jeluiprendslamain.‒Tuesuntypebien,Jack,jelesais.Onvatrouverunesolution;ilfautqu’oncontinueàréfléchir.Ilneditrien,maisilmeserrelamainplusfort,etnousrestonslà,assis,sansparler,pendantunlong
moment.L’humeurachangé,iln’estplusquestiondereveniraulit.Plus tard, contente de trouver àm’occuper, je range lamaison.Celame fournit aussi l’occasion de
chercherunchargeur.Jacksortpourexaminerlebalcon:ilarrachelesplanchescalcinéesetlesjettesurlesableendessous,oùellesévoquentuntasdeboisflottéoulesrestesd’unfeudecamp.Jemedemandebiencequ’ilvadireaupropriétairedelamaison,maispeut-êtrea-t-ill’intentiondetoutréparer.Maintenant que je suis libre, je me sens responsable de notre bien-être. Je vérifie le contenu du
réfrigérateuretducongélateur.Jackaraison: ilyadesprovisionsenabondance ;nouspouvons tenirplusieurssemainesavantdedevoirsortir.Maisplusieurssemaines?Pouvons-nousresterlàaussilongtemps?Je regarde mon short et mon tee-shirt. Je commence à avoir sérieusement envie de changer de
vêtements. J’ai lavémes sous-vêtements afind’avoir quelque chosedepropre àmettre tous les jours,maiscen’estpasfaciledefaireavecdeuxslipsetàpeuprèsriend’autre.Jevaisdans lachambredeJacket j’examinelecontenudes tiroirs. Ilyadesvêtements,mais ilsne
semblentpasapparteniràJack.Cesontlegenredefringuesquel’onlaissedansunemaisondevacances.Ses affaires sont rangées dans un sac de voyage, à côté de la commode, et cela se résume au strictnécessaire:unjeanderechange,quelquestee-shirtsetunsweat-shirt.Lecostumequ’ilportaitpournotre
premierrendez-vous–BonDieu!Celasemblesi loin–estsuspenduderrièrelaporte.Ilyaunautresac,souslelit.Jeletireetl’ouvre:ilyadesaffairesdefemme,dessous-vêtements,unjean,deshautsetunpull,etunepairedebaskets.Detouteévidence,ils’étaitpréparéàunlongséjour.Maisilnem’ariendonnédecesfringuespour
l’instant.Je sors le jean pour le regarder : il a l’air àma taille et jemeurs d’envie demettre des vêtements
propres. Hop ! En quelques minutes, me voilà changée, appréciant de sentir contre ma peau le tissupropredujeanetd’undébardeurrayé,lespiedsàl’aisedansdesbaskets.Une idéeme vient et je reviens au sac de Jack. J’examine rapidement le fouillis de vêtements qu’il
contient, puis je regarde dans la poche latérale. Bingo ! Le chargeur s’y trouve.Maisma joie est decourtedurée:iln’estpasadaptéàmonsmartphone.Maintenantque lapossibilitéde rechargermonportableestmorte, je sens lapeur revenir :qu’est-il
arrivéauSMSquej’aienvoyéetqueleffeta-t-ilproduitsurmafamille?Ilssontpeut-êtreentraindem’imaginerentrelesmainsd’unebandedemalfratsbrutaux,attachéeetbâillonnéedansquelquesous-sol.Ilsseraientsurprisdemevoirentraindefaireleménagependantquemonravisseur(etamant)faitdubricolage.Cen’estpaslegenred’imagequivientàl’espritlorsquelemot«enlèvement»estprononcé.Jem’assoissurlelitetjepousseungrossoupir.Jenevoispascommenttoutcecipourraitconnaître
une fin heureuse. Je veux être avec Jack et je veux protéger ces quelques heures volées avant que lemondenes’enmêle.Siseulementnouspouvionsavoirdutemps,assezpourapprendreànousconnaîtrevraiment,etsiêtreensemblenevoulaitpasdirequemafamilles’inquiètepourmoi…Jevoisclairement,toutd’uncoup,queplusnousrestonsici,plusceseradifficiledereveniràlanormale.LavoixdeJackmeparvientdepuislebalconencontrebas.Jeréalisequ’ilparleàquelqu’un.Ohmon
Dieu!Est-cequ’ilyaquelqu’un?Jem’immobiliseetjetendsl’oreille.Ilvientdequitterlebalconetilvavers l’anglede lamaison, sansdoutepournepasêtreentendu.Mais il est justeà l’extérieurde lafenêtredesachambre,mêmesielleesttrophautepourqu’ilmevoie.Laconversationmontejusqu’àmoietjeréalisequejen’entendsqu’uneseulevoix.Ilestautéléphone!Ildoitavoirsonportablesurlui.Biensûr,iladûlecacher.Maisjenecomprendspasuntraîtremot.Ilparleitalienàtoutevitesse.Jereconnaiscertainsmotsau
passage,maispasassezpoursaisirlateneurdudialogue.Ilsembles’expliqueraveclapersonnequiestàl’autreboutdufil.Parmoments,savoixestexaspérée,àd’autres,persuasive.Finalement,ildit:‒Si,si,ciao.Ciao,Adriana.Je déglutis ; mes mains se crispent sur le couvre-lit Qui est Adriana ?Mon ventre se contracte
douloureusement : ilaunepetiteamiedont ilnem’apasparlé!Toutcecin’estpeut-êtrequ’un leurrepour me forcer à rester. Quelle idée géniale ce serait de renverser l’enlèvement et de convaincre lavictimederesterdesonpleingré!Jeregardelachambrequejeviensderanger.Etlaconvaincre,cetteconne,defaireleménage!Maismoncerveaucontinuedetravailler.Toutcecin’apasdesens.Jackestplutôtdugenreflegmatique,
maisilnefaitpassemblantquandnousfaisonsl’amour,j’ensuissûre.Alors,quiestAdriana?Deuxoptions,d’aprèscequejesaisdeJack:samèreousasœur.Or,unbonItalienn’appellepassa
mère par son prénom. Donc, c’est peut-être bien sa sœur. Je range cette idée dans un coin de moncerveau. Pour l’instant, il n’y a rien à faire, hormis attendre et voir ce qui se passe, et réfléchir à un
moyend’utilisercetélémentlorsquel’occasionseprésentera.Peut-êtrequejepeuxmettrelamainsursonportable.Detoutefaçon,unproblèmeautrementplusgravem’attend,quimeparaîtinsoluble.Commentvais-jebienm’yprendrepourlibérerJackdelapromessequ’ilafaiteàFredo?
26
Flora se réveille dans son lit d’hôtel. Elle se sent plus calme et heureuse qu’elle ne l’a été depuisplusieurs jours.Puis,ellesesouvientpourquoi.Àcôtéd’elle,Andreidort.Songrandcorpsirradiedechaleur,etelleal’impressionquequelquechosedevitalenelleaétérétabli.Ellepousseunsoupirdebonheur,passesamainsursapoitrine,déposedesbaiserssursonépauletoutenreniflantl’odeurdesapeau.Ellelaissecourirsamainlégèrementjusqu’àsonventreetsonpénis,dressécontresonabdomen.Splendeurdumatin,sedit-elle,amusée.Ilnedevraitpasmettreunetelletentationsurmonchemin.
Elle passe la main sur le membre dur en faisant glisser la peau sous ses doigts. Andrei l’a prisevigoureusement lanuitdernièreetc’était cedontelleavaitbesoinpourévacuer toute la tensionet lesémotionsdecesderniersjours.Ill’apénétréeprofondément,làoùellelevoulaitetplusencore,sic’étaitpossible.Ellesesouvientcommentill’aretournéepourqu’ellesecramponneàlatêtedelit,lesgenouxécartéspourqu’illavoie,lesglobesdesesfessesetseslèvresluisantesdedésirtournéesverslui.Sonsexeenellel’afaitgémiretcrier.Ellecambraitlesreinslorsqu’ilatteignaitletréfonds,lafaisantplanerdanscettezoneintenseoùplaisiretdouleursemélangent.Ilfrappaitsesfessespourqu’ellesvibrentsoussespoussées;ilmordaitsoncoud’unemanièrefollementexcitante.Ellevoulaittoutressentir,etAndreiavaitsucomments’yprendre.Ilsavaitqu’elleaimaitladouceurdesbaisers,latorsiondesesdoigtssurses mamelons qui lui provoquait plus que du plaisir, le frottement de ses dents sur sa peau qui lamordillaientauxendroitslesplussensiblesetletoucherdesespaumescontresesfessesetsescuisses.Aveclui,iln’étaitrienqu’elleauraitrefusédefaire.Ellevoulaitcontinuerlevoyageaveclui,oùqu’ill’emmène. Elle soupire voluptueusement en y repensant. Elle se penche pour regarder l’heure sur sonportable,posésurlatabledenuit.C’estalorsqu’ellevoitlapetitelumièresurl’écran.Ellepousseuncrietseredresseimmédiatement.‒OhmonDieu!‒Qu’est-cequisepasse?demandeAndrei,tirédesonsommeil.‒C’estSummer!Elletendletéléphone,lesyeuxexorbités.‒Ellem’aenvoyéunSMS!Laréuniond’urgencesetientdanssasuite,vingtminutesplustard.ElleaaussitôtalertéMilesetFreya,
ainsiqueMac,maisquelquechosel’aretenuelorsqu’ils’estagideprévenirsonpèreetPierre.Illuiasembléimportantd’enparlerd’abordauxautres.Macestarrivétellementvitequ’ellen’apus’empêcherdesoupçonnerqu’ildormaitdansl’hôtel.Iltientleportableetregarde,sourcilsfroncés,lemessage.Jevaisbien.Net’inquiètepaspourmoi.Jereviensdèsquepossible.‒Etceciestarrivéhiersoirtard?‒Oui,maisjenel’aitrouvéquecematin,ditFloraenrougissant.PersonneneregardeAndrei,maischacunalesentimentquesonarrivéeexpliqueceretard.‒Jemesenstellementcoupable.Jenel’aipasentenduarriver.Maisc’estunebonnenouvelle,non?Depuis qu’elle a lu lemessage, elle se sent transportée de joie, comme si ses peurs les plus noires
pouvaientêtreécartéesetoubliées.Summerseportebien.Elles’estmanifestée.Lepiredececauchemarestcertainementderrièreeux.‒Summerestenvie,ça,nouslesavons.Freyaabienmeilleurefigureaprèssanuitdesommeil,mêmesielleestencoreunpeupâle.‒Jesuissiheureuse,dit-elled’unevoixcalme.Peut-êtrequ’ellen’apasétéenlevée,aprèstout.Macsegrattelagorgeplusieursfoisetdit:‒Cen’estpaspourvouscasserlemoral,maisn’importequiauraitpuenvoyercemessage.‒Oui,maisSummerconnaîtmonnuméro,répliqueaussitôtFlora.‒Certes,maiscelaneveutpasdirequec’estellequiaécritceSMS.Ilestpartidesonportable,n’est-
cepas?Floraacquiesce.Ellelanceunregardpleind’espoiràMiles:‒Çasignifiedoncquetonappliapusetéléchargersursontéléphoneetque,maintenant,nouspouvons
savoiroùellesetrouve,exact?Miles,quiaapportésonordinateur,estdéjàsurleclavier,lefrontfroncé.Ilsecouelatête.‒Non,jelecrains.Ondiraitquelesystèmeaessayédesetélécharger,maisn’atoutsimplementpaseu
assez de temps. Le temps que le portable trouve du réseau et s’y connecte, puis qu’il commence letéléchargement,leportableaétééteint.Etilnesemblepasavoirétérallumédepuis.Ilpousseunsoupirdefrustration.‒ Il fautque leportable restealluméquelquesminutes. Ilauraitenvoyéunsignalàunsatellite,mais
alors il faudrait que l’opérateur de téléphonie nous communique l’info, ce qu’ils ne font pas sansautorisationofficielle.‒Etdonc,nousnesavonstoujourspasoùelleest,ditFlora.MacarpentelasuitetoutenfixantletéléphonedeFlora.‒Quiddelademandederançon?Çam’intrigue.Pasdedemande,pasderaisonpourcettedisparition.
Un textoquiapuêtreenvoyéparn’importequiayantaccèsau téléphonedeSummeretquiconnaît lenumérodeFlora,queSummerapuluidonneraucoursdesderniersjours.Ils’immobiliseetsetourneversMiles:‒Avez-vousjamaisvuuntelenlèvement?Milessecouelatête,lentement.‒Celaéchappeàtoutcequej’aiconnuouquel’onapumerapporter.Maisjecommenceàm’inquiéter.
Plusleravisseurmetdutempsàsemanifester,plusc’estmauvaissigne.Toutesajoieseretirantd’elle,Floras’effondresursonsiège.‒Alors,cemessageneveutriendire,finalement!‒Ohsi!Ilveutdirequelquechose;seulement,nousnesavonspasquoi,ditMac,l’airsombre.Ils’assoitetouvresonpropreordinateur.‒Mais,demoncôté,j’aifaitquelquespetitsprogrès.J’aifaitquelquesrecherchesapprofondies,j’ai
tirédesficellesde-cide-làet jesuisheureuxdevousannoncer,peut-être,unepercée: j’ai trouvéunefamille italienne dont le père a Paolo pour prénom et un fils, Alfredo. Le patronyme est Guidotti.Pourquoilesai-jetrouvés?Parcequ’ilsfiguraientdanslejournallocalpeuaprèslalibérationdeFreyaetdesamère,deuxsemainesplustard,toutauplus.Etqu’ilssontdelarégionprèsdeNaplesquinousintéresse.Danslapièce,latensiondevientaussitôtélectrique.‒Çanepeutêtrequ’eux!s’exclameMilesensetournantversFreya,quiécarquillelesyeux.Fredo,ça
doitêtrelediminutifd’Alfredo,non?Ilyavaitdesphotosdanscetarticle?Mac acquiesce de la tête, frappe sur son clavier, puis tourne l’écran pour qu’ils puissent voir
l’agrandissementdelaphotopubliéeàl’époque.UnbelItalien,quisouritàlacaméra,lesyeuxsombresunpeuplissésauxcoins,lesommetducrânelégèrementdégarni.Àcôtédelui,unenfant,copieconformedesonpèreenpluspetit,etauvisageplusdoux.ToutlemondesetourneversFreya,quial’airsidéréeetserrelespoings.‒C’estlui!lâche-t-elled’unevoixtendue.C’estPaolo,legardien!Maclitalorsl’articleenitalienàhautevoixsanschercheràprendrel’accent,justephonétiquement:‒PaoloGuidotticonsufiglioGiacomo. Jepensequenouscomprenons touscequecelaveutdire :
«PaoloavecsonfilsGiacomo.»‒PasFredo?ditMiles.Jecroyaisquevousaviezditqu’ilyavaitunFredo?‒Ilyenaun.Voiciunetraductiondel’article.Alfredoestmentionné,maisn’apparaîtpassurlaphoto.Flora se lève.Sesmains tremblent.Ellen’apasvu lenomécrit ; elle auniquement entenduMac le
prononcer.‒Quelestleprénomdupetitgarçon?‒Unnomassezbizarre,répondMac.Jem’excusepourmonitalien.Jeneparlepascettelangue:Gi-a-
como.Flora seprécipite sur l’écran,qu’elle scrute intensément.Lorsqu’elle lève lesyeux, elle a le regard
brillantetlesjouescolorées.‒Enitalien,le«i»aprèsle«g»faitqu’onprononcecommele«dj»anglais.Çasedit«Jackomo».Ellelestoise,trèsexcitée:‒Vousnevoyezpas?C’estJack!Toutlemonderetientsonsouffle,puisparleenmêmetemps,chacunvoulantvoirlaphotoaveclepetit
garçon.FloraenvoieunSMSàJimmypourluidiredevenirtoutdesuiteregarderlaphotoetconfirmerl’identitédeJack.Macfroncelessourcils,hochela tête,avecl’airdevouloirfairecroirequ’ilsavaitdepuisledébutqu’ilavaittrouvéJack,maisilfinitpardire:‒ J’ai pensé que nous tenions notre Jack, que Fredo avait changé son nom en Jack. Ça nem’a pas
traversél’espritquecepuisseêtrelepetitfrère.Freyademandetoutd’uncoup:‒Maispourquoilejournalparlait-ild’eux?Macprendunairgrave.‒Onnepeutpasvouscacherça,Freya.Jesuisdésolédevousimposerçaenplus.‒Quoi?Dequoiparlez-vous?dit-elleenseraidissant.‒ PaoloGuidotti était dans la presse parce que son corps avait été retrouvé dans les bois, près de
Naples. Assassiné, avec des traces de torture selon les méthodes qu’affectionne la mafia locale, laCamorra.Ilsembleraitqu’ilaitététuépardescriminelsorganisés,mêmesil’articlenes’étendpaslà-dessus.Toutlemondesavaitquicommettaitdescrimespareils,maispersonnenevoulaitposertropdequestions.‒Ilaétéassassiné?demandeFreya.Maispourquoi?Machausselesépaules.‒ Je n’ai aucune preuve pour l’instant, mais on peut avancer des suppositions. Pourquoi se
retourneraient-ils contre l’un des leurs ? Uniquement s’ils pensaient que c’est un traître, à mon avis.
Quelqu’unadûsoupçonnerquePaoloétait impliquédans lesauvetagedevotremèreetvous.Et il l’apayétrèscher.MilestendunemainversFreya,quial’airanéantie.Florasentunfrissond’horreurluicourirsurtoutle
corps.‒Etmaintenant,sonfilstientSummer.JacktientSummer.Freyaetelleseregardent,laterreurmontantenelles.‒Cen’estpasdel’argentqu’ilveut,ditFlora.Ilnoustientpourresponsablesdecequiestarrivéàson
père.Ellemetsonvisagedanssesmains.‒OhmonDieu!Cequ’ilveut,c’estsevenger!Macrefermesonordinateur.‒Mesdames,jecroisqu’ilesttempsdeparleràvotrepère.
27
LorsqueJackrevient,aprèsquelquesheurespasséesànettoyerlesdégâtsdufeu,j’afficheunairnormalet de bonne humeur. Je nous ai préparé un déjeuner. Maintenant que j’ai pu observer les provisionsalimentaires, je sais que nous allons pouvoirmanger à notre faim. Je ne pense pas que je verrai unesaladede sitôt,mais ilyades légumescongelés, et j’ai réussi à improviserquelquechosede sainetd’appétissant,malgrémesdonsculinaireslimités.‒Qu’est-cequec’est?demandeJackd’untonméfiantenmeregardantapporterleplatàtable.‒Pasta!dis-jefièrement.‒Quellesorte?‒Euh…,justeuntrucàlabonnefranquette,oùj’aimisunpeudeci,unpeudeça.J’aitrouvédumaïs.Ilal’airasseznavré,puisdéclared’untonferme:‒Désormais,c’estmoiquiferailacuisine,d’accord?Jedois bien reconnaître quemespâtes nepeuvent rivaliser avec ceque Jack a servi jusque-là (des
plats italiens savoureux, maintenant que j’y pense), mais ce n’est pas si mal, compte tenu que monexpérienceauxfourneauxestquasinulle.Jebavardejoyeusement,jel’interrogesurl’étatdubalconetsurcequ’ilcompteyfaire.Jeneluidispasquejesaisqu’ilaparléautéléphoneavecuneAdriana,niquej’ai essayé d’allumer mon portable pour la deuxième fois avant de me rendre compte qu’il estcomplètementdéchargé.Sanschargeur,ilnem’estd’aucuneutilité,cequim’adépriméeplusquejenel’escomptais.Jemecramponnaisàl’idéedenousdeux,Jacketmoi,unisfaceaurestedumonde,etjen’avaispasprisconsciencedel’envieviscéralequej’avaisd’entrerencontactavecFlora.NepassavoirsielleareçumonSMSmecauseunedouleurphysiqueetnepaspouvoirsavoirsiellem’aréponduestune torture.Mais, pour l’instant, ilme faut réprimer cette envie.L’important, c’est que je vais bientôtrentreretlaretrouver,mêmesijenesaispasquand.Lerepasfini,nousdébarrassonsensemble.Ilmeregardefairelavaisselleetfroncelessourcils:‒Hé!Tuneportespaslesmêmesvêtements.Jeregardemanouvelletenue:j’avaisoubliéquejem’étaischangée.‒Ohoui!J’aitrouvéunsacdanstachambreetilmefallaitvraimentdesfringuespropres.Ilseraiditetjevoispasseruneombredesoupçondanssesyeux.Puis,ilsedétend.J’ail’impression
qu’il amentalement fait lepoint sur ceque j’aipu trouverdans la chambreetqu’il enest arrivéà laconclusionqu’iln’yavaitriendedangereux.‒Çatevabien,dit-ilensouriant.C’estàtataille,donc?‒Ondirait,dis-jelentement.Cette situationseprésentera toujoursentrenous, tantquenousne l’auronspas réglée. Jusque-là, ily
auratoujoursdessecrets:moiquiluicacheleSMS,etc.,et lui,Adrianaet lesautreschosesqu’ilmedissimule.Jesaisquenousdevonsnousenextirper.IlmefautparleràFlora,d’unefaçonoud’uneautre,pourluidemanderdel’aide.Maiscommentvais-jefaireça,sanstéléphone?
Maisbiensûr,medis-je,ilyaleportabledeJack.L’après-midisepasseassezbien,ensurface,maisendessous,nousnousméfionsl’undel’autre.Mes
nouveauxhabitssemblentnousrappelerconstammentnonseulementlaraisondemaprésenceencelieu,maisaussilefaitquej’aitrouvélesaccachédanslachambredeJack.End’autrestermes,jecherchaismanifestementquelquechose,outoutaumoinsjefouinais.Jacknemequittepasdesyeuxpendantlerestedelajournée.Jesuisfurieuse:justeaumomentoùjeveuxtrouversonportableetl’utiliser,ilestsursesgardes.Jemesensfourmillerd’irritation,car,considérantquejesuisdésormaisicidemonpropregré,jen’ai plus besoind’être surveillée commeuneprisonnière. Jackm’aplus oumoins signifié qu’il ne sesouciepasdecequivaluiarriver.Alors,pourquoicetteméfiance?J’envisagede sortir, demonter dans la voiture et departir, tout simplement, en le laissant ici.Mais
c’estalorsqu’ilserasusceptibledefaireunebêtise.Tantquejesuisaveclui,nouspouvonséviterunactedésespéré.Ilfautsimplementquejetrouveunmoyendeluifaireoublierlapromessefaiteàsonfrère.Plustarddansl’après-midi,nousmarchonssurlaplage,sansnouséloigner,carjevoisbienqueJackne
veutpascroiserlechemindequelquevisiteur,puisdansl’autresensenpassantdevantlamaison.Nousfaisons ainsi quelques allers-retours, en silence, en goûtant l’air frais et la relative liberté dont nousjouissons. Je lui lance de temps en temps un regard : ilmarche,mains fourrées dans les poches, têtebaissée,observant le sabledisparaîtresoussespas, sescheveuxbrunsébourifféspar levent. Ilest sibeau!Jecroisquejenepourraijamaismerassasierdesonvisage.Sabeautém’émerveille.Lescourbesdeses lèvresmebouleversent,monestomacenest tout retourné.Jerepenseàceque jeressensquandnousfaisonsl’amour,etmoncœursemetàcogner.Cequim’attirechezlui,c’estsonintensiténaturelle.Pour lui, tout compte énormément, et c’est pour celaqu’il est prisonnier de sapromesse.Pendantquenousmarchons,ilmeprendlamain.Aumomentoùjem’yattendslemoins,ilsetourneversmoietdit,desavoixrocailleuse:‒Summer,j’airéfléchi.‒Oui?dis-je,enproieàunmélanged’excitationetd’appréhension.Cequivasuivrepeutêtrebonoumauvais…JenesaisjamaisavecJack.‒Ilfautquejetedisequelquechose.Jesaisqueçapeutparaîtrebizarrevuqu’onneseconnaîtpas
depuislongtemps,maisjecroisqu’onatraversépasmaldechosesdepuisnotrerencontre.L’airunpeuconfus,ilmedécocheundesesdemi-souriresdontilalesecret.‒Onpeutdireça,eneffet,dis-je,laconique.‒Tafaçond’être…,çamebluffe,tun’aspasidée.Jenepensaispasquequelqu’unpouvaitêtreaussi
généreux,aussiindulgent,aussibonquetul’esaprèscequej’aifait.Ils’arrête,prendmonautremainetsetournepourquenoussoyonsfaceàface.Derrièrelui, l’océan
s’étendàpertedevue.Ilfixemabouche,puismesyeuxetditdoucement:‒Jeveuxtedirequelquechose,maisjenesaispascomment.Jedoutequetumecroies.‒C’estquoi,dis-je,alorsquemoncœurs’emballe.‒Je t’aime,Summer.C’est lachoselaplusfolle, laplusdinguedumonde.Jenepensais jamaisque
celapourraitarriver,maisc’estarrivé.Jet’aimeetj’aimelavie.Il a l’airplongédansune folleconfusion,et je saispourtantqu’il est sincère.Sesyeuxs’emplissent
alorsdetristesse.‒Maisjenevoispascommentjepourraisavoirl’uneetl’autre.Plusmaintenant.Sesparolesm’effraientaumomentmêmeoùcequ’ilm’aditm’emplitdebonheur.Ilm’aime…,maisil
nesaitpascommentilvacontinueràvivre…Bonsang!Commentjegèreça?‒Jack,dis-jedansuneffortdésespéré.‒Neparlepas,jet’enprie,iln’yapasdemots.Ilmetireà luietm’embrasseavecfougue.Jemesensglisserdanslachaleurdesonétreinte ; jeme
cramponneàluicommesiquelqu’unessayaitdel’arracheràmoi.J’aitellementbesoindelui.Jen’arrivepasàcroirequelaviesoitsiinjuste.J’aienviederireetdepleurerenmêmetemps,maisjemedélecteaussidugoûtdouxetsalédesesbaisers.Après le dîner, nous allons nous coucher et nous faisons l’amour tendrement, doucement, nos bras
enlacés,enmurmurantdudébutàlafin.Ilmeditqu’ilm’aimeetqu’ilabesoindemoi,etjeluidisquejeveuxqu’ilsoitheureuxetquenousallonsarrangerleschoses.Aprèsl’amour,ilenfouitsatêtedansmoncou,et,lorsqu’illarelève,jesensl’humiditédeseslarmes.Jesensmoncœurprêtàsebriser.Jeresteéveilléealorsqu’ildortpaisiblement,jemeglissehorsdulitetj’enfileunpeignoir.Ilfaitnoirdanslachambre,maisilyaunpetitclairdelune.JeramasselesvêtementsqueJackajetésparterre,jefouillelespochesdesonjean,maisletéléphonenes’ytrouvepas.Jevaisausalon,j’allumeunelampepouryvoirclair.Bon,alors,oùest-cequejecacheraisuntéléphone?Je regarde aux endroits les plus évidents, tiroirs, étagères, derrière les livres : il n’est pas là ; ça
s’annonceunpeupluscompliqué.Bon,commeilnesaitpasque jesuisaucourant, iln’apasdû leplanquerdansunendroithyper
futé.Ilveutseulementledissimuler,pasm’empêcherdelechercher.Donc…Jeregardeautourdemoi.Un coin facile pour le cacher et facile à mémoriser. Mes yeux se posent sur le canapé. J’y vaisdirectement,jesoulèvetouslescoussinsposéssurlabanquette:rien.J’enlèvelescoussinsd’assiseetjeremarqueunespaceentrel’accoudoiretl’assise.C’estuncanapé-lit,quisedéplie.Jeglissemesdoigtsdansleplidumatelasenmousse.Jerencontreaussitôtquelquechosedelisseetdedur.Jelesaisistantbien quemal et l’extirpe. C’est bien le portable de Jack.Une bouffée de triomphem’envahit. Je l’aicherché, je l’ai trouvé!Je le retourne :commejem’yattendais,c’estunmobile rechargeable (pasunsmartphone)quin’estpasenregistréetqu’onnepeutlocaliser.Leportableparfaitpourunenlèvement.Néanmoins,ilaquelquesfonctionsquipeuventm’êtreutiles.Jetripotelesboutons.Celafaitsilongtempsquejenemesuispasservid’unenginpareilquejenesaispluscommentilsfonctionnent.J’appuiesurMARCHEetils’allume.Jeréussisàatteindrelemenuetàtrouverlederniernuméroappelé:c’estceluid’unportable,etlenomestAdriana.Riendesurprenant.Jeglisseletéléphonedansmapocheetjeremetstouslescoussinsenplace.Aussisilencieusementque
possible, je sorsde lamaison et jedescendsvers laplage.Une fois que je suis sûrequemavoixneporterapasjusqu’àlachambre,jesorslemobileetjecomposelenumérodeFlora.J’appuiesurAPPELetj’attends,lesmainstremblantesetlecœurbattant.Florarépondd’unevoixhésitante:‒Allô,c’estqui?Ausondesavoix,toutmoncorpsvibreetdeslarmesmemontentauxyeux.Ellem’atellementmanqué.
Jesuissibouleverséequejenepeuxpasparler.‒Allô?Allô?Savoixexprimemaintenantlapeur.‒Quiestlà?
Jeretrouveenfinmavoix.‒Flora,c’estmoi,dis-jeencroassant.Ellemereconnaîtsansaucunproblèmeetmehurleuneréponse:‒Summer?OhmonDieu,jen’ycroispas!Tuvasbien?Oùes-tu,oùes-tu?Onarrive,oùquetusois!‒Flora,écoute-moi,jet’enprie…Maiselleparleplusviteetplusfort.Jesensqu’ellen’estpasseule.‒Onsaitquic’est,ceJack.Onestentraindelelocaliseretonvavenirtechercher,net’inquiètepas.
Jackestlefilsd’unhommequiaétéassassinéaprèsavoiraidéàlibérerFreyaetmaman.Ilt’aprisepoursevenger.‒Jesaistoutça!‒Quoi?Tusais?‒Oui,Jackmel’adit.Ellenetrouveplussesmots.Jel’entendsrespireralorsqu’elleabsorbecequejeviensdedire.Jedis
patiemment:‒J’aibesoindetonaide,Flora.Ilfautquejetrouveunmoyendesortird’ici.‒Jesais.Elles’estrepriseetparleànouveauàtoutevitesse.‒Nousaussi,onveuttesortirdelà.Oùes-tu?Tuutilisesqueltéléphone?‒CeluideJack.Ilnesaitpasquejeleluiaipris.Lemienestdéchargé.‒O.K.Maisonpeutarriverjusqu’àtoi,situaslamoindreidéedel’endroitoùtutetrouves.‒Maisjenevaispasteledire,fais-jed’unevoixplusforte,commesij’avaisreçuuncoupdepoing.Ellenem’écoutepas.Ellen’aquesaversionetnepeutenentendreuneautre.‒Quoi?Etpourquoipas?dit-elle,surprise.‒Parcequejenerentrepas.Pastantquejen’aipasréglélasituation.‒T’asperdulabouleouquoi?Dequoituparles?‒ Je ne peux pas tout expliquermaintenant, mais il faut que tume fasses confiance. Jack n’est pas
mauvais;ilestsousl’influencedequelqu’un.Jeveuxquetum’écoutestrès,trèsattentivement.Ilfautquetu trouves sa sœur. Je crois qu’elle s’appelle Adriana. Elle travaille en ville, quelque part, commeinfirmière.Demande-luid’obtenirdeFredoqu’ildélivreJackdesapromesse.Tucomprends?‒Adriana,c’estbiença?‒Oui.Tucroisquetupeuxlatrouver?‒Onpeutessayer,mais…‒Trouve-laetfaiscequejetedemande,c’esttrèsimportant.FredodoitdélivrerJackdesapromesse.
Jerappelleraidemainsijepeux,d’accord?‒Mais,Summer,c’estdelafolie!NouspensonsqueJackveuttetuer!Savoixmontedanslesaigussousl’effetdelapeur.‒Ilfautqu’ontesortedelà!Jet’enprie,dis-nousaumoinsoùtues.Lasouffranceestperceptibledanssavoix.Peut-êtredevrais-je leurdonner l’informationpourqu’ils
resserrent leur périmètre de recherches. Je lève les yeux vers la maison et je vois une lumière quis’allumedanslachambredeJack.‒Jedoisyaller.Jerappellerai,dis-jerapidement.Jeraccroche.LorsqueJacksort, ilmetrouveassisesurlesable,entrainderegarderl’océansousla
lune.
‒Jeneréussissaispasàdormir,dis-jeenluisouriant,moncœurbattantàtoutrompre.Jeprendsl’air.C’esttellementcalme.‒Oui,dit-ilenregardantlavasteétenduemarine.Turevienstecoucher?‒Oui,oui.Jeme lève et je sens le téléphonedansmapoche. Il vame falloir le remettredans sa cachette àun
momentoùJacknemeverrapasetespérerqu’iln’enaurapasbesoind’icilà.Je le suis dans la chambre enme demandant quelle sorte de bombe j’ai dégoupillée au sein dema
famille.
28
Florareposesonportable.Sonvisageexprimetoutàlafoislajoie,lastupéfactionetlapeur.‒Bonsang!Vousavezentendu?Ils sont tous réunis dans la suite de Freya, autour d’un dîner qui leur a étémonté, pendant que les
recherches sur la familleGuidotti continuent.MacetMiles sont sur leNet,passentdesappelspartoutdans le monde et tirent les moindres fils qu’ils peuvent trouver permettant de percer les secrets desGuidottietdecequileurestarrivéaprèslamortviolentedupère.Ilsespèrentdémélercetteaffairequi,au bout du compte, les conduira à Jack. Prêt à offrir son aide si nécessaire,mettant son avion à leurdisposition,Andreiestaussiprésent.Ilmangedessandwichestoutenécoutantintensémentcequisedit.Flora se trouve face à six visages anxieux, qui n’ont entendu que les échanges de son côté.Mac a
gribouillé le nom d’Adriana en grosses lettres sur une serviette en papier. Partagée entre horreur etexcitation,Freyaregardesasœur:‒Ellearefusédetedireoùelleest?Florahochelatête,sidérée,etcontemplesontéléphonecommes’ilrecelaitlaclédumystère.‒Oui,elleaditqu’elleavaitbesoind’aidepourdébloquerlasituation.EllelanceunregardimpuissantàMac.‒Jesuisdésolée,j’aiessayédelafaireparler,maisellen’apasvoulu.Mac,visiblement,réfléchit.Ilditd’untonbrusque:‒MaisellesavaittoutàproposdeJack,c’estexact?Ellesavaitqu’ilestlefilsdePaolo?‒Oui.Çan’apaseul’airdel’intéresservraiment,nilefaitqu’ilpuissevouloirlatuer.‒C’estunbonsigne,non?demandeFreya.ElleregardeMilespourqu’illarassure.Illuisouritetopinedelatête.‒Celamontre,ditMac,queleursrapportsnesontpasceuxquenousredoutions.Ils’estconfiéàelle.
C’estunebonnechose.Lefrontplissé,ilregardelaservietteoùilaécritlenom.‒Mais ce quim’inquiète, c’est qu’elle donne la priorité à sa sécurité à lui.Cela révèle qu’elle est
fortementsoussoninfluence.IlregardeFlora,puistapedudoigtsurlaserviette.‒Etcenom?Milesestdéjàentraindepianotersursonclavierpourcommencerunerecherche.Floraselaissetombersurlecanapé,àcôtédeJane-Elizabeth,quiposeunemainsurlessiennesetles
serrefort.‒Elleaditqu’ilnousfauttrouverAdriana,lasœurdeJack,etluitransmettreunmessage.Elleadit:
«Demande-luid’obtenirdeFredoqu’ildélivreJackdesapromesse.»EtelleaditqueJackn’estpasquelqu’undemauvais.Machochelatête:‒Donc,nouscherchonsuneAdrianaGuidotti,infirmière,semble-t-il,quines’estpasmariéeetn’apas
changédenom.Enfin,nousl’espérons.Miles,qu’avez-voustrouvé?Puis,Macditensouriant:‒Ehbien,mesdamesetmessieurs,ondiraitquel’affaireestenpassed’êtrebouclée.Freyaledévisage,trèsétonnée:‒Commentpouvez-vousdireça?NousnesavonstoujourspasoùestSummer!Etpourautantqu’on
sache,ilpeutlatueràtoutmoment!‒Jenelecroispas.Macs’appuiecontreledosdesachaiseetétiresesjambesencroisant lentementsesbottesdecow-
boy.‒Sijedevaispariersurladécouverted’uncorps,ceseraitsurceluideJack.Cetypeestprobablement
suicidaire.IlnevapasfairedemalàSummeretjesuispersuadéqu’iln’enajamaiseul’intention.Maisilesttenuparunepromessefaiteàsonfrère,etSummerveutl’endélivrer.Iljetteunregardcirculaireetsourit.‒Donc,bonnenouvelle.Summervarentrerparminousdèsqu’ellelevoudra.Freyabonditsursespieds,prised’unecolèreviolente.‒Jen’aijamaisrienentendud’aussistupide!Qu’est-cequivouspermetdepenserça?Àl’heurequ’il
est, Summer est toujours entre les mains d’un homme qui est susceptible de lui faire du mal enreprésailles,unhommequiaprêtésermentdelefaire!Jenevoispaspourquoijememettraisàsauterdejoie!‒Tuasraison,Freya,ditFlora,quiacquiescevigoureusementdelatête.Nousallonspoursuivrenos
efforts,tousnosefforts,jusqu’àcequeSummerreviennesaineetsauveetqueceJacksoitarrêtéetjetéenprison.Àcemoment,Miless’écrie:‒ Bingo ! J’ai trouvéAdrianaGuidotti. Ça aide d’avoir un nom ! Je sais où elle travaille et, dans
quelquesminutes,jesauraioùellevit.‒Jevaislavoiràl’instantmêmeoùtuasl’info,ditFreyaavecdétermination.Macpousseunsoupiretdit:‒Mesdames,excusez-moid’avoirdonnél’impressiondevouloirmerelâchersurcetteaffaire.Cen’est
paslecas.C’estsimplementquejesuisheureuxdevoirquemonintuitionétaitjusteetquevotresœurnecourtpaslegenrededangerquejecraignais.C’estuneexcellentechose,maisilnousresteàlatrouver.Et vous avez raison : nous ne pouvons exclure la possibilité que Jack perde la tête et décide de s’enprendreàelle,s’ils’obstineà tenirsapromesse.Àprésent,dit-ilens’adressantdirectementauxdeuxsœurs,puis-jesuggérerquevousmelaissiezavoircetentretienavecmademoiselleGuidotti?Jecrainsqueleschosesnes’échauffent.‒Non!répliqueFreya.Ilfautquejelavoie.Ettoiaussi,Flora.Floraacquiescelentement.‒Pourquoi?demandeAndrei,quisepencheenavantsursonsiège.Pourquoiest-cesiimportant?Freyaleregardeetdit:‒Parcequenousdevonsluiprésenterdesexcuses,touteslesdeux.Lavoituretraverselaville,commesuruntapis,sonmoteurpuissantréduitàunbourdonnementàpeine
audible.Aux feux rouges, lemoteur se coupe et se remet doucement enmarche lorsque le conducteurappuie sur l’accélérateur. Miles est assis à l’avant, à côté du chauffeur, qu’il guide pour atteindre
l’immeubleoùviventAdrianaetsamère.Àl’arrière,Andreiécoutelesdeuxsœursquidiscutentdecequ’ellesvontdireàAdriana.‒Jeveuxquetumelaissesparler,ditFreyad’untonferme.J’yétais,j’aiconnusonpère.Ilmerevient
defairedesexcuses.Maisnousdevonsêtreprésentestouteslesdeux.Espéronsqu’elleveuillebiennousaider,c’esttout.‒Jen’arrivepasàcroirequepapaafaitça,ditFloraenobservantlavillequidéfileparlafenêtre.Elles se sentent comme en cage derrière les épaisses vitres teintées et la carrosserie blindée de la
voiture.‒ Ce n’est pas votre père, dit Andrei d’une voix neutre. Ce sont ceux qui sont responsables de sa
sécurité.Seshommesauraientdûs’assurerquelespromessesdonnéesétaientbientenues.Freyasetourneverslui.Elleneréussitpasàdissimulersonhostilitéàsonégard,mêmesielletrouve
saprésencemoinspéniblequ’ellenes’yattendait.Elleluisaitgrédesadiscrétion.Ilsetientenretraitetneprétendpas,commeelle l’imaginait,prendre leschosesenmains.Ellevoitaussiqu’il traiteMilesd’égalàégal,etcelaluifaitplaisir.‒Monpère est enpartie responsable. Il était au courant dumarchéqui avait été conclu avecPaolo
Guidotti.Ilauraitdûenfaireunequestiond’honneurets’assurerqu’ilétaittenu.Ilauraitdûveilleràceque les enfants aillent à l’école, puis à la fac. Ils auraient pu avoir unbel avenir.Alorsqu’àprésent,qu’est-cequenousavons?Unfilsenprisonetunautrequiestdevenuravisseur.‒Oui,deuxmauvaischoix,ditAndrei.‒Facileàdire,répliqueFreya.Passifacilepourquelqu’undontlepèreaétésauvagementassassiné
parcequ’ilaaidéàlibérerlafamilled’untypepleinauxas.Siseulementonpouvaitrevenirenarrière…‒«Siseulement»,ditFloraenécho.Lesmotslesplustristesquejeconnaisse.Freyarepenseàl’entretienqueMacaeuavecsonpèreplustôtdanslajournée.Ilsétaienttousprésents,
saufEstelle,quiétaitauspade l’hôtel, etPierrequi travaillait sur l’affairedepuis la suitedudernierétage.Audébut,M.Hammonds’estemportéetaditàMacqu’ilnerépondraitàaucunequestionetqueseshommesallaientretrouverSummerenunriendetemps.C’estalorsqueJane-Elizabethestintervenue,àlagrandesurprisedetous.Elles’estlevée,leregardbrûlantetadéclaré:‒Jemesuissouventretenuedeparler,mais,là,Seigneur,jenevaisplusmetaire.Laviedevotrefille
estenjeu!SummerestendangeretvousallezcrachertoutcequeMacveutsavoir,sinon,je…,je…,jemebarre!Sonvisageétaitcramoisietelleserraitlespoings.‒Vousm’entendez?J’aiencaisséautantqu’ilestpossiblesurcettehistoireetsur lereste.Pourêtre
franche, je voulais vous donnerma démission à cause de lamanière dont vous avez traité vos filles.DepuislejouroùFreyaetMilessesontmisensemble,vousn’avezpluspenséqu’àvotrepetitepersonne.Leurbonheur?Çanecomptepas?C’étaitpeut-êtreunebonnechosedeleurdemanderdeseprendreenchargependantunmoment,mais lamanièredontvousvousyêtespris laissebeaucoupàdésirer.Vousdevezmontrerdel’amour,delatendresse,pasladuretéetlerejetdontvousavezfaitpreuve!Sijesuisrestée,c’estuniquementpourm’occuperd’elles,pourqu’ilyaitquelqu’unsurplacequipuisses’assurerquevousnesoyezpaschangéenparfaitimbécileparcette…bimbo!Essoufflée,elles’estinterrompue,plusrougequejamais.Hammondlaregardait,bouchebée.‒Jane-Elizabeth!a-t-ilditd’unevoixpluspeinéequefurieuse.‒Jesuisdésolée,maisilfallaitquevousentendiezça,a-t-elleindiqué,pluscalmement.Etmaintenant,
ilfautquevousaidiezMac,là,toutdesuite.Et leurpèreaobéi…Ils’estassisetaréponduà toutes lesquestionsdeMacavecl’airdociled’un
enfantquimérite sapunition.Freyaaécouté,ébahieetconsternée, sonpère racontercomment il avaitréagienapprenantl’enlèvementdesafemmeetdesafille.Oui,ilavaiteupeurpourelles;oui,ilavaitsouhaitéleurlibération.Maismerdeàquiconquetentaitdeluifairecracherunerançonpourrécupérersafamille!Etdetoutefaçon,sonchefdelasécuritél’avaitmisengarde:payerétaitpotentiellementaussirisquéquenepaspayer.‒C’estalorsquevousavezeuuncoupdepot,luiasouffléMac.‒Oui,aréponduHammondquirepensaitauxévénementsengrimaçant.Onm’aditqu’onavaitréussià
infiltrer la bandedes kidnappeurs et qu’on avait pu établir un contact avec quelqu’unqui côtoyaitmafemmeetma fille.Cethommeétaitdisposéànous fournir les renseignementsdontnousavionsbesoincontredel’argent.‒Etcemarché,vousétiezprêtàl’accepter?ademandéMacengriffonnantsursoncarnet.‒Biensûr.Ellesfurentd’ailleurslibéréespeuaprès.‒Maisvoussavez,aditMac,enparlantlentement,quel’argentpromisn’ajamaisétéremis.Hammondahaussélesépaules.‒Ça,cen’étaitpasdemonressort.J’aidéléguéçaàmonchefdelasécurité.‒ Est-ce que vous saviez que l’homme qui vous a aidé, qui était un desmembres de la bande des
ravisseurs,avaitbesoindecetargentpourpartirvivreailleursetainsiéchapperauxcriminelsquiavaientenlevévotrefemmeetvotrefille?Etauxreprésaillesdontilnemanqueraitpasd’êtrevictime?Hammondn’arienditpendantunmoment,puisarépondu:‒Non,jenelesavaispas.‒ Et qu’il a été torturé et assassiné peu de temps après, très certainement parce qu’il vous avait
communiquélesrenseignements?Hammondaclignétroisfoisdespaupières,trèsvite:‒Jevois.Freya,nepouvantplustenirsalangue,aalorsdemandé:‒Papa,est-cequetusavaisàquelpointmamanétaitmalade?Tun’aspaspenséquelacaptivitéallait
lafairesouffrir?C’estparcequ’ilavusonétatdesantéquePaoloGuidottiadécidédenousaider,jelesais,jerevoislafaçondontillaregardait,avecdelapitiépleinlesyeux.Sonpèreétaitincapabledelaregarder.Pendantunlongmoment,iln’aditmot,puisadéclaréàvoix
basse:‒J’avaisoublié,oubliéqu’elleavaitbesoindeprendresontraitement.Lorsqu’ilarelevélesyeux,ilsétaientpleinsderemords,cequ’ellen’yavaitjamaisvuavant.‒Jesuisdésolé,Freya,désolépourtoutça.Désoléquecelatesoitarrivé,àtoi,désolépourtoutceque
nousyavonsperdu.IlaregardéFlora.‒Etdésolépourtoi,machérie.EtpourSummer.Vousn’aviezpasméritécequiestarrivé.Sijepeux
réparer,jeleferai.Mais que peut-il faire ? se demande Freya alors que Miles guide le chauffeur pour parcourir les
dernierskilomètresquilesséparentdel’appartementd’Adriana.C’esttroptardpourramenermaman.Apprendrequesonpèreavaitoubliélamaladiedesamèreluiaglacélesang.ElleregardeMiles,quisuit le GPS de son portable et parle au chauffeur à voix basse.Miles ne ferait jamais ça. Il ne
m’abandonneraitpascommeça.Elleéprouvecommeunsentimentdesécuritéquimonteetl’enveloppe,une bouffée de bonheur qui se répand en elle de savoir qu’il l’aime. Flora, elle aussi, repense à laconversationavecleurpère,alorsqu’ellesepencheetdit:‒Jane-Elizabethaétémagnifiquecetaprès-midi,vousnetrouvezpas?‒Oui!Incroyable!Papan’encroyaitpassesoreilles.‒Etilafaitcequ’elleluiadit!ditFloraenriant.Vousnepensezpasqueç’auraitétégénials’ill’avait
épousée au lieu de craquer pourEstelle ? Il n’a jamais su voir ce qu’il a sous sonnez, combien ellel’adore,combienilluifaitconfianceetcombienilabesoind’elle.Freyasoupire.‒Ceseraittop.Maisnerêvepas,Flora.Estellen’aaucuneintentiondelaisserpapaluiéchapper,en
toutcaspaspendantunboutdetemps.Lavoiture ralentit etpénètre sur leparkingd’un immeublehaut,oùplusieurs fenêtres sont éclairées.
Freyasedemandecombiend’existencescontiennentcesmursetsi lesrésidentsde l’appartement6019ontlamoindreidéedecequiseprépare.‒Macnoussuittoujours?demande-t-elleàMiles,quiacquiesce.‒Ouais.Ilsuit,avecjusteunpeudedécalage.Iladitqu’ilavaitquelquechoseàfaireavantdequitter
l’hôtel,maisiln’estplusqu’àquelquesminutes,maintenant.IlseretournepourregarderFreyaetdemandedoucement:‒Prête,chérie?‒Plusprêtequejamais.SeulesFreyaetFlora frappentà laportede l’appartement6019.Unedameauxcheveuxgrisonnants,
portantuntablier,leurouvre.Enlesvoyant,ellelaisseéchapperunpetitcrietfaitunpasenarrière.Ilestévidentqu’ellesaitquiellessont,mêmesielleestsidéréedelesvoirsurlepasdesaporte.‒ Bonjour, madame Guidotti, dit Freya poliment. Je sais qu’il est tard. J’espère que nous ne vous
dérangeonspas.‒Quiest-ce,maman?demandeunevoixclaireetdoucedepuisl’intérieurdel’appartement.Uninstant
plustard,unejoliejeunefilleapparaîtsurleseuil,àcôtédesamère.Ellefixelesdeuxfemmesd’unœilintrigué.‒Quiêtes-vous?‒Hammond!ditlamèreavecunfortaccentitalien.Elleal’airterrifiée.‒Quoi?Lajeunefillelesregarde,incrédule,sourcilsfroncés.Freyasedit,enlavoyant,qu’iln’estpasdifficile
decomprendrepourquoiJackestsibeau.Lajeunefilleestravissante,avecunteintlégèrementmat,desyeuxd’unbrunveloutéetunecascadedecheveuxpresquenoirs.Adrianacomprendenuninstantetréagitaussitôt:‒Ohnon!Allez-vous-en.Onneveutpasvousvoir.Elletentedefermerlaporte,maisFreyaestplusrapideetlatientouverteenparlantvite:‒Jevousenprie,mademoiselleGuidotti,acceptezdenousparler.C’estd’uneimportancevitalepour
nous,croyez-nous.Lajeunefillerépète«Non,non!»etpousselaporte.Freyal’arrêteavecsonpied.‒S’ilvousplaît,Adriana,s’ilvousplaît!C’estausujetdeJack!EtdeFredo!Ilfautquevousnous
écoutiez.
Lajeunefillesecalmeetarrêtedepoussersurlaporte.‒Quoi,Jack?Illuiestarrivéquelquechose?‒Ilafaitunegrossebêtise.Etdangereuseavecça.Maisilestencoretempsdesauverlasituationetde
le sauver, lui. Mais pour ça, nous avons besoin de votre aide. Écoutez-nous, c’est tout ce que nousdemandons.Floralaregarde,lesyeuxgrandsouverts,ensemordantleslèvres.Freyaespèreenavoirassezditpour
convaincrelesGuidottideleslaisserentrer.Lesdeuxfemmesdiscutentàvoixbasseenitalienderrièrelaporte.Aubout d’unmoment, la porte s’ouvre lentement surAdriana qui se tient dans l’embrasure. Samèreestderrièreelle.‒Entendu,vouspouvezentrer,dit-elle,leregardencorechargéd’hostilité.Maisvotrefamillenousa
faitvivrel’enfer;alors,jevouspréviens,nousn’enencaisseronspasdavantage.Àcet instant, leportabledeFloraannonce l’arrivéed’unSMS.Elle le lit rapidement, sursauteet le
montreàFreyaendisant:‒ÇavientdeSummer.Freyaregardeetlit:DisàAdrianaquenousleurdonneronsl’argentquenousleurdevons.Toutesdeuxéchangentunregard,etFreyadit:‒Ellearaison.Etc’estlemoinsquenouspuissionsfaire.Puisellessuiventlamèreetlafilledansl’appartement.
29
Jeremetsleportabledansleplidumatelasmousseetjereparsmecouchersurlapointedespieds.Jackdort. J’ai attenduqu’ilglissedans le sommeilpourme leveret replacer le téléphonedans sacachetteavantqu’ilnes’enresserve.Jesuisrestéeallongée,àréfléchir,et,unefoissûrequeJackdormait,jesuisalléeausalon.Avantdecacherletéléphone,j’airédigéunbreftextoquej’aienvoyéàFlora.Jenesaispassil’argentpeutaideràsortirdecetteterriblecrise,mais,quoiqu’ilensoit,jeveuxquelafamillesoitdédommagée.Nousleurdevonsbiença,aprèscequelepèredeJackafaitpournous.Alorsquejereviensverslachambre,uneidéemefrappe:Jackvaserendrecompte,surlejournalde
sonportable,quej’aipasséunappeletenvoyéunSMS.Ilfautquejelesupprime.‒Merde,dis-jeentremesdents.Jeme dépêche de récupérer le portable et de le rallumer. Cettemarque nem’est pas familière, les
boutonsme perturbent, j’essaie de faire glissermon doigt comme je le fais sur lemien,mais cela nedonneriendutout.J’arriveenfinauxSMS,j’appuiesurSUPPRIMER,montextos’efface.Gagné.J’éteinsleportable,jeleremetssouslescoussinsducanapé,àlamêmeplacequecelleoùjel’aitrouvé.C’estalorsquelalumières’allumeetquej’entendslavoixdeJack:‒Summer,qu’est-cequetufiches?Jesensmoncœurglisserdansmes talonsetmesmainsmepicoteralorsque jemeretournepour lui
faire face. Il a l’air furieux et triste, comme si me voir en train de lui dissimuler mon acte lui étaitintolérable.‒Qu’est-cequetufais?répète-t-il,tellementbeau,torsenudanssonpantalondepyjama.‒Je…,je…J’ailesjouesenfeuetlecœurbattant.‒J’aitrouvétonportable.‒C’estceque jevois,dit-ild’unevoixquiparaît fatiguée,commesic’étaitplusqu’iln’enpouvait
supporter.Qu’est-cequetuasfaitavec?Jeréfléchisàmaréponse.Luimentir?Luidirequ’ilaunsacrétoupetdesemettreencolèrealorsque
c’estluiquiplanquesontéléphoneetpassedescoupsdefilencachette,sansparlerdureste?Maismoiaussi,jesuisfatiguéedesmensongesetdessecrets.‒J’aienvoyéuntextoàmasœur.Etjel’aiappeléeaussi.Pourluidirequejevaisbien.‒Hum…Donc,jedoism’attendreàvoirdébarquerlesflicsàtoutmoment?Tuauraisdûmeledire.Je
vaism’habiller.Etpeut-êtrefaireducafé.Ilsenaurontbesoinaprèsleurtrajet.Ilal’airécœuré,etmoi,jemesensnulle.Comments’yprend-ilpourinverserainsilesrôles?‒J’airefusédeluidireoùjemetrouve.Maisilfallaitqu’ellesachequejesuissaineetsauve,Jack.
Ellesouffre.Toutemafamillesouffre.‒Oh!excuse-moi.Jevaischercherunmouchoirpouressuyermeslarmes.LesHammondsouffrent?Savoixsuintedesarcasme.‒Etsionlançaitunecollecte?
‒Masœurneméritepascetteépreuve.Ellen’estpaspluscoupablequemoidecequis’estpassé,niFreya,d’ailleurs.Etoui,nousaussi,nousavonssouffert.Tuasperdutonpère,etnous,notremère.Onestquittessurleplandelasouffrance.‒Possible.Maisvous,vousn’avezpasperduvotreavenir,contrairementànous.Situsavaisparquoi
estpasséemamère…Savoixsebrise,sonvisagesedéformeetilsemordlalèvre.‒Jesais.C’estpourçaquejefaistoutcequejepeuxpourréparer.Jevaisversluientendantlesmains.‒Jet’enprie,laisse-moit’aider.‒Personnenepeutréparerlemalquiaétéfait,dit-iltristementendétournantlesyeux.‒Personnenepeutfairerevenirnosparents,c’estsûr,maisnousnesommespasobligésderendreles
chosesmillefoispires.Etnouspouvonsessayerdenousmettreenpaixavecça,etl’unenversl’autre,tunecroispas?‒Pourquoitunem’aspasditquetuavaistrouvémontéléphone?dit-ilenévitantdemeregarder.‒ Il fallait que je réfléchisse à tout ça. Je veux que toute cette histoire cesse.Nous ne pouvons pas
continuerainsi.Ilvafalloir,tôtoutard,quenousretournionsdanslemonderéeletjeveuxquecelasepasselemieuxpossible.‒Oui,jesaisquetuasraison.Onnepeutpasseterrericiéternellement,mêmesicelanemedéplairait
pas.Enfin,ilmeregarde,etunsouriresedessinelentementsurseslèvres.‒ Tu sais que tu es quelqu’un de totalement imprévisible. Je pensais que tu deviendrais dingue ici.
J’étaisloindem’imaginerquetumesauveraislavieetque,finalement,tudécideraisderesteralorsquejet’aipratiquementdonnél’ordredepartir.‒Jedoisêtretêtue,dis-jeensouriant.‒Onpeutdireça.Son regard s’adoucit, ses yeux se posent surmes lèvres. J’adore cette façon qu’il a de regarderma
boucheetdeladésirer.J’aicommel’impressionquenotreséjouricitireàsafin.‒Illefaut.Maiscelaneveutpasdirequecesoitlafindetoutcequenousavonsconnuici.Iléclated’unrireironique.‒J’aidumalàycroire.Jepensequenousnenousreverronsprobablementjamais.‒ Ne dis pas ça ! dis-je alors que le chagrinme transperce telle unemorsure. Ni toi nimoi ne le
voulons,alors,pourquoienserait-ilainsi?‒Parcequec’estimpossible,dit-ildoucement.Tulesaisetjelesais.‒Jen’abandonneraipas,dis-jedansunmurmure.Jeregardesabouche,ledessindeseslèvres.‒Jenelepeuxpas.‒C’estcequej’aimecheztoi.Nousnous rapprochons,nousnous tenons faceà facesansnous toucher.Sonsoufflem’effleure,et je
senslachaleurquiirradiedelui.J’aiunefolleenviedeletoucher,desentirsesdoigtssurmoi.‒Etsinouspouvionsêtreensemble?dis-je,lecœurpalpitant.Celaaunetelleimportancepourmoi.
Tulevoudrais?Ilmeprendlamainetlabalancedoucement.‒Ceseraitcommesimonrêvelepluscherétaitdevenuréalité.Maisc’estimpossible.
‒Jeveuxseulementsavoirquetuledésires,çamesuffit.‒Tu…Ilcherchesesmotspendantunmoment.‒Tudonneraisdelaplénitudeàmavie.Maisjeneteméritepas.Nosbouchessefrôlent,nouscommençonsànousembrasser,desbaiserslégersquifontvibrernossens
alorsquenoslèvress’effleurentetsevolentmutuellementdestouchestendres.‒Si,dis-jeenmurmurant.Etj’aibesoindetoi,Jack.Jeneveuxpasteperdre.‒Profitonsdutempsqu’ilnousreste.Jeneveuxpaspenseràaprès…Pascesoir.Ilmeprenddanssesbrasetm’embrassepassionnément,longuement,avecundésirquigranditàchaque
mouvementdenoslangues.Jeleveux,viscéralement,detoutmonêtre.Jeveuxquenousnefassionsplusqu’un.Ilbaisselatêteversmapoitrine,écartemonpeignoirpourvoirmesseins,colleseslèvresàmesmamelonsrosesetlestètegoulûment.Jememetsaussitôtàhaleter;monsexeestchaudetmouillé;jedétachesonpantalondepyjama.Ilestdéjàdur,etsonpénisdurcitencoresousmamain.Jem’agenouille,jeleprendsdansmabouche.Ilestchaudetdurentremeslèvres.Jeglisseunemainpouratteindresestesticules que je caresse doucement. Il réagit en poussant sa verge dansma bouche. Puis, il se laisseglisserausol,écartemonpeignoirpourmedénudercomplètement.‒Tuessibelle.‒Etjesuisàtoi,dis-jeenécartantlescuissespourqu’ilpuissevoirmafenteluisante.Jeguidesonpénisversmonvagin;ilgrogne,puis,saisidefrénésie,ilmepénètrefortetprofondément
enunseulcoup.Avecunedélicieuselenteur,ildonnedespetitscoups.‒Plusfort,dis-je,suppliante.Neteretienspas,j’aibesoindetoi,jeteveuxenmoi.Ilobéitavecvigueurenpoussantsesfessesetsonmancheaussiprofondémentqu’illepeut.‒Tuessiétroite,murmure-t-il.BonDieu,tuesincroyable.Jedurcismesmusclespourlemaintenir,etilgémitenconséquence.J’enroulemesjambesautourdelui
pourqu’ilentreaumaximumenmoi.Mondésirestexacerbéparl’émotiondenotresituation:combiende fois encore serons-nous ensemble ? Je m’abandonne totalement, poussée par l’envie de vivre cetinstantaussifortementquepossible.Jesensque,pourluiaussi,c’esttrèsintense.Nouslisonslafoliedecequinousarrivedansnosregards,nousvoulonsl’éleveràunniveaudepassioninconnu.Jenesaispascombiendetempsnousrestonsainsiunis,bougeantàl’unisson,nouspoussantversdessommetsd’extase.J’ai la boucheouverte, je halète, jeme cambre, alors quenous nous enfiévrons, plus rapides tous lesdeux, plus pressés d’atteindre l’orgasme que nous désirons tellement. Jack gémit en me pénétrant, levisagedéforméparlaviolencedecequ’ilressent.Jemesoulèvepourlerejoindre,mesjambesserréescontreseshanches,etlajouissancemeprendetmesecouetelleuneéruptionvolcanique.Jackjouitaussi,aumêmemoment;nousnouscramponnonsl’unàl’autredansungrandfrissonalorsqueJackserépandenmoi.‒Summer,gémit-il,tandisqu’iléjaculeenjetspuissants.Lesconvulsionsdeplaisirdiminuent,etjedistoutdoucement:‒Jet’aime,Jack.Tulesais,n’est-cepas?‒Oui,etjet’aimeaussi.Nous restons blottis pendant unmoment, ne sachant que dire.Cemoment pourrait bien être l’un des
derniersquenouspassonsensemble.Nous sommes épuisés et allons jusqu’à la chambre. Après nous être douchés, je me mets au lit et
j’attendsqu’ilmerejoigne,maisilcommenceparallerdanslesalon.Puis,ilrevient.Ils’assoitsurlelitetposequelquechosesurledrapdevantmoi:‒Tonportable.Reprends-le.J’avaisoubliéquejel’avais.Jeleprendsetj’essaiedel’allumer,maisriennesepasse.‒Jecroisqu’ilestdéchargé,etjen’aipasdechargeur.Bof,ilssaventquejevaisbien,dis-jeavecun
petithaussementd’épaules.‒Onnesaitjamais,tupourraisenavoirbesoin,dit-ilenprenantleportableetenregardantl’entréedu
chargeur.Jecroisquej’enaiunquiconvientdanslavoiture.Jevaisvoir.J’ouvrelabouchepourl’arrêter,maisjenetrouvepasdebonnesraisonset,detoutefaçon,ilestdéjà
sorti.Quandilrevientquelquesminutesplustard,jeluidis:‒Pfff,jen’aipasenviedefaireçamaintenant.Jeleferaidemainmatin.‒Pasdeproblème,jem’enoccupe,dit-il.Ilprendletéléphoneavantmêmequej’aieletempsdeleréaliser.Ilbranchelechargeuretleconnecte
auportable.Jel’observe.Çanerisquerien.Leservicedegéolocalisationn’estpasactivé.Jackposeleportablesurlatabledechevetetmerejointdanslelit.Soncorpsesttoutrefroidid’être
sorti.‒Mmm,vienslà,dis-jealorsqu’ilm’entouredesesbrasetfourresonnezdansmoncou.Réchauffons-
nous.‒Riennepourraitmefaireplusplaisir,murmure-t-il.Commenouséteignonslalampe,letéléphoneémetunpetitrayondelumièrequis’éteintrapidement.
30
FreyaetFlorasontassisesfaceauxdeuxfemmesdanslapetitecuisine.‒Alors,quevoulez-vousnousdireausujetdeJack?demandeAdrianafroidement.‒Iladesproblèmes,degrosproblèmes.Est-cequevoussavezoùilest?‒Biensûr,répondAdriana.Etiln’aaucunproblème.Jeluiaiparlécematin.Ilseportaitcommeun
charme.Ilestentraindepêcheravecdesamis,àl’endroithabituel.Ildevraitrentrerdansunesemaineàpeuprès.‒Hum...FreyaregardeFloraquilafixe,lesyeuxécarquillés,puisellesetourneversAdriana.‒Jenecroispas.Sic’estcequ’ilvousadit,ilamenti.‒Vousaccusezmonfrèredemementir?dit-elle,sesyeuxlançantdeséclairs.‒Jelecrains,eneffet.Jenesaispasoùilsetrouve,peut-êtreentraindepêcher.Peut-êtremêmea-t-il
unoudeuxamisaveclui,mais,alors,cesontd’excellentsamis.Freyaprenduneprofondeinspiration.‒JackakidnappénotresœurSummer.Illadétientquelquepart.Nousnesavonspasoù.Adriana les fixe, incrédule.Samère la tirepar lamancheet luiditquelquechoseen italien, auquel
Adrianarépondbrièvementavantdedire:‒C’estabsurde!Jackneferaitjamaisunechosepareille.‒Vouscroyez?ditFreyaenlaregardantfixement.Adrianabaisselesyeuxpendantuneseconde,puislaregardeànouveaud’unairdedéfi:‒Ilneferaitpasça.PasJack.‒Est-cequec’estquelquechosequeFredoferait?Adrianapousseunpetitcri,etsamèredit:‒Quesavez-vousdeFredo?Malgrésonfortaccent,l’inquiétudequ’elleressentenentendantprononcerlenomdesonautrefilsest
trèsperceptible.Floranepeutplus secontenir.Ellesontconvenuquece seraitFreyaquiprendrait laparole,maisilluifautsavoircequ’ellessontvenueschercher.‒Ilfautquevousnouscroyiez!IltientSummer.Ellenousaenvoyéunmessagepournousdired’aller
vousvoirparcequevousêteslaseulequisauraquoifaire.AdrianalesbalayetouteslesdeuxdesonregardnoiretrevientversFreya:‒Jackestàlapêche,déclare-t-elle,obstinée.Iln’apasenlevévotresœur.Freyasepencheverselle,par-dessuslapetitetable.‒Adriana, ladernièrefoisqu’onl’avue,elleallait leretrouver.Ellenousademandédevenirvous
trouverparcequevousseulesaurezcommentconvaincreFredodedélivrerJackdelapromessequ’illuiafaite.Voussavezquenousdisonslavérité.VoussavezqueJackafaitcequejevousdis.NousdevonsretrouverSummeravantqu’ilnefasseunebêtise.Adrianalafixe,visiblementabasourdieparcequ’ellevientd’entendre.
‒ Quelle promesse ? demande sa mère aux deux sœurs qu’elle regarde à tour de rôle. De quellepromesseparle-t-on?Adriana,réponds-moi!Qu’est-cequeFredoaencorefait?Lapeurselitsursonvisage.‒PasmonJack!Pasmongentilgarçon!Non,non!‒Chut,mama.Elleaussial’aireffrayée.‒OhmonDieu!‒Qu’est-cequ’ilya,Adriana,demandeFlora.Voussavezenquoiconsistecettepromesse?Jevousen
prie,dites-le-nousetdites-nouscommentamenerFredoàl’annuler.Adrianafixelatableensetordantlesdoigtsetensemordantlalèvre.Samèremarmonneenitalienet
ellel’écarted’ungesteimpatient.‒Voussavezquec’estgrave,ditFlora.Jecomprendsquec’estcontrevosprincipesdecoopéreravec
nous, quevousnous tenezpour responsablesdumalheurdevotre famille.Mais nousvoulons réparer.Nousvoulonsvousverserledédommagementquevousméritezaprèscequiestarrivéàvotrepère.Cequis’estpasséétaitmalets’estterminétragiquement.Nousvoulonsréparer.Adrianabonditsursespieds,furieuse.‒Vousvouleznousacheter?Nousacheteravecvotreargentsale?Jenecroispasquecesoitpossible!Floraselèveaussi.‒Nousnecherchonspasàvousacheter!crie-t-elle.Maissachezquenoussommestrèssérieuses.Ne
lefaitespaspourSummer,faites-lepourJack.C’est leseulmoyendelesauver.SinousneretrouvonspasSummerrapidement,nousdevronsalleràlapolice,etalors,leschosesvouséchapperont.Jackiraenprison,sansdoute.Ouilferaunegrossebêtise,commesetuer,ajoute-t-elleenrepensantauxconclusionsdeMac.Lamèreposeunemainsurlebrasdesafille.‒Adriana,tudoisaiderJack.Jenepeuxpasperdremonfils,pasunautrefils!Qu’est-cequeFredoa
fait?Dis-nous!‒D’accord,ditAdrianaenjetantunregardmauvaisauxdeuxsœurs.Maisc’estpourJack!Etpaspour
unsoudevotreargent,quecesoitbienclair.‒Trèsbien,jen’auraispasdûenparler,ditFreyacalmement.Biensûrquevousfaitesçapouraider
votre frère. Comment allez-vous le libérer de cette promesse et quelle est cette promesse, pourcommencer?‒Jenelesaispasprécisément.Çaaquelquechoseàvoiraveccequiestarrivéànotrepère.Fredoa
toujoursétéassoiffédevengeance.C’estpourçaqu’ilestenprison.Ils’estbattuaveclefilsd’undeshommesqui,nouspensons,atuénotrepère.Unefoisenprison,commeilnepouvaitplussebattrepourobtenirjustice,ilatravailléJackaucorps,luiaécrit,téléphoné,breftouslesmoyensqu’ilaputrouverpourlejoindre.Jecroismêmequ’illuiaparléparSkype.IlvoulaitqueJackcontinuelecombat,maisJackn’étaitpastropchaud.Pasassezpourfaireunechosepareille.‒Ehbien,ilsembleraitquesi.Est-cequevouspouvezdemanderàFredod’envoyerunmessageàJack
luidisantd’arrêterçatoutdesuite?‒Jepeuxessayer,ditAdriana,dubitative.Maisçarisquedeprendreunmoment.‒Nousn’avonspasdetemps,ditFreyasuruntond’urgence.Ilfautqueçasoitrapide.‒Leproblème,ditAdriana,c’estquejenepensepasqueFredolefera.Elleregardelessœursdanslesyeux.
‒IlpréféreraitvoirJackmort.C’estlavérité,jesuisdésolée.‒Jack?Émorto?Lavieilledameal’airravagéedechagrin.‒Non,pasmonbeautrésor!Freyalaregardeaveccompassion.‒Iln’estpasmort,madameGuidotti.Jevouslejure.Envoyantleslarmescoulerdesyeuxdelajeunefille,elleditlentement:‒Aprèstout,peut-êtrequ’ilyaunautremoyen…Àl’hôtel,pluscalmemaintenantque lesclientscommencentàrentrerpour lanuit,Pierreestdans la
suitedeFreyaetMiles,en trainde regarderdeprès l’ordinateurdeMiles. Il luiaétéassez faciledesoudoyerunemployépourqu’illuidonnelacartedelasuite;ensuite,ilaconnectésonpropreordinateurportablepours’introduiredansceluideMac.Milesainstalléquelquesbonspare-feuetautressystèmesdeprotection,maisPierreestcompétent,etilréussitsanstropdemalàyentrer.Ilestentraindedéroulerlecontenudelaboîtemaillorsqu’unefenêtres’ouvresurl’écran:Téléchargementsurtéléphonemobileterminé.Illitensuite:Localisationdisponible.Pierreécarquillelesyeuxdesurprise,puissesouvientqu’iladéjàvuquelquechosedesemblable.Il
neluifautqu’uninstantpourcomprendre.Ilcliquesurlafenêtre,quiluiouvreunécran:unecarte,surlaquelleclignoteunpointrouge.IlchoisitsurlemenuNomdulieu,puisImagesatellite.Aprèslesavoirexaminésaussilongtempsquenécessaire,ilpenseàuneautreoption:Nomdudispositifàdistance. Ilcliquedessus.Lenomapparaît:LeportabledeSummer.Ilglousseintérieurement.Toutsedérouleàlaperfection. Il sait désormais où se trouve la jeune fille et il va pouvoir s’en prévaloir auprès de sonpatron.Excellent.Ilfermelapageetéteintl’ordinateur,puisilquittepromptementleslieuxetmonteàlasuitedudernierétage.Lorsquelaportes’ouvre,Estelleapparaît,vêtued’unpyjamadesatinblanc.EnvoyantPierre,ellebat
despaupièresetluiditd’unevoixaguichante:‒Pierre!Quelplaisirdetevoir!Pierrel’éviteets’avancedanslapièce,àlarecherchedesonpatron.‒Ilestlà?‒Non,dit-elleenlesuivantdanslapièce.Ilestdescendusefairefaireunmassage.Ilditqu’ilabesoin
de se détendre. À cette heure-là, ça lui coûte trois fois le prix. Il a fallu qu’ils fassent spécialementrevenirlemasseur.Elleserapprochedeluietluifrotteledos.‒Tuasletempsdemesauter,chéri,situenasenvie.Pierre se retourne et la regarde.Ses lèvres se retroussent unpeu, exprimant un certainmépris,mais
danssesyeuxbrilleledésir.‒Tuveuxquejetesaute?Ici?‒Tusaisquejeleveux.Ellepassesamainsursontorse.‒Bienfort,commej’aime.Ilpartd’unriredegorge.‒Jesaisexactementcequetuaimes.Jenesaispaspourquoiturestesaveccevieuxquinetedonnepas
cequetuveux.‒Maisjet’ai,toi,pourça,dit-elled’untonmielleux.Tumedonnescequejeveux.
‒Oui.Les yeux dePierre se posent sur ses seins volumineux qui tendent le satin blanc.Elle se tortille de
manièresuggestive.‒Jetesauteplutôtbien.Estelleselècheleslèvres.‒Machatteteveut,dit-elleenfaisantlamoue.Elleteveutvraiment.Ilcaressesoncorpsdesyeux,sonregards’alourdit,sechargededésir,etEstelleglissesamaindanssa
braguette.‒Mmm…,dit-elle.‒Tuaimesjoueràdesjeuxdangereux,murmure-t-il.Nousnepouvonspasfaireçaici.Pasmaintenant.
Ceseraitdelafolie.Maisquandonserarentrés,jetedonneraiexactementcequetuveux,jusqu’àcequetugueules.Ellefermelesyeuxetsoupirelangoureusementàcetteidée.‒Jenepeuxpasattendrejusque-là.‒ Où est la vieille ? demande Pierre, changeant brutalement de sujet et cherchant des yeux Jane-
Elizabeth.‒Ellen’estpaslà,évidemment.Tucroisquejetetoucheraislaqueuesielleétaitlà?Estelleaprisunairboudeur.‒Elleestdanssachambre.Elleaditquelquechoseauvieux,jenesaispasquoi.Maisçal’asecoué.Il
aditqu’elleavaitfaitunsacréspeech.Apparemment,c’estpourçaqu’ilabesoind’unmassage.EllejetteunregardperçantàPierre:‒Qu’est-cequ’ilya?Toi,tusaisquelquechose.‒J’aitrouvéoùestlafille.Murrayaenvoyéuntraceursursontéléphoneetilvientdesetélécharger.Je
peuxlatrouverdèsquejeveux.Estelleal’airintéressée.‒C’estvrai?C’estsuper!Vas-ytoutdesuite.‒Jeferaismieuxdedemanderd’abordlapermissiondemonsieurHammond.‒Nesoispasbête,dit-elleenluidécochantunregardpersuasif.Sitularamènes,imagine,tuserasle
héros!Ceseraitbonpour toi,etpourmoiaussipar lamêmeoccasion,parceque jediraisque je t’aidonné l’ordre d’aller la délivrer tout de suite. Ça mettrait Murray hors circuit. Personne ne sesouviendrait que c’est son traceur qui l’a localisée.Tu ne veux pas queMurray revienne bosser dansl’équipe,onestd’accord?Pierresecouelatête.‒Tuaspeut-êtreraison.JevaischercherGeorgetonyva.Ilpalpesavesteetsentsoussesdoigtslemétaldursoussonbras.‒Jesuisprêt.‒Unpeuquetul’es!Estelleserresonpénisenérectionentresesdoigts.‒Tuessûrqu’onn’apasletempsdesedétendreunpeuavant?‒Auretour,promet-il.Situpeuxt’éloignerunmomentd’ici.‒ J’y arriverai, dit-elle en souriant. Je peux toujours lui donner un demes breuvages qui lemettent
K.O.pendantdesheures.C’estcommodequandsapetitebitenemebranchepas.Ellesepressecontreluietluimurmure:
‒Pascommelatienne.‒Leboulotd’abord,dit-ilenlarepoussantdoucement.Leplaisiraprès.IlfautquejetrouveGeorget
qu’onsemetteenroute.Uneheureplustard,FreyaetFlorareviennentàleurhôtelavecMilesetAndrei.Maclessuitdanssa
vieille voiture cabossée.Freya tient précieusement son téléphone, comme s’il était aussi fragile qu’unnouveau-né. Il recèle, espère-t-elle, la clé qui va permettre de délivrer Summer. Flora alterne entreoptimismeetabattement.‒Nousnesavonstoujourspasoùelleest!gémit-ellealorsqu’ilsmontentverslasuitedeFreya.‒Çanevapas tarder,maintenant,ditMiles, catégorique.Adriananousadonné tous lesendroitsoù
Jackestsusceptibled’êtreallé.Onvalesrepérertrèsvite.Etnousavonssonnumérodeportable.Nouspouvonsl’appeleretluidirecequenoussavons.‒Jenesuispassûrequecesoitunebonneidée,ditFreya.Ilsepeutqu’ilnesachepasqueSummera
utilisé son téléphoneetqueça lemetteencolère.Et s’il refusedenousécouteretque,ducoup,nousperdionscettechance?Ils arrivent à la suite. Freya glisse la carte dans la serrure et ouvre la porte. Ils entrent et, aussitôt,
Milesseraidit.‒Quelqu’unestentré,dit-ilenfaisantunegrimace.Ilvaverssonordinateuretl’ouvre.L’écrans’éclaire.‒Quelqu’unyatouché.Ilvasurledidacticieletouvrel’applidutraceur.‒Ilaétéouvert!Merde!Quelcon!Jesuisvraimenttropcon!‒Quoi?demandeFreya.Quil’aouvert?‒ Je parierais que c’est Pierre. Et regardez ! Le téléphone de Summer a téléchargé l’appli. Nous
pouvonsvoirexactementoùellesetrouve!Lesdeuxjeunesfemmessepressentdevantl’écran;Andreiarrivederrièreelles.‒OhmonDieu!s’écrieFloraenluisaisissantlebras.Nousl’avonstrouvée!Andreiluisourit,sesyeuxbleusrayonnantdebonheur.‒C’estunenouvelleformidable.Bravo,Miles!Tontraceuramarché.‒Oui,maisPierreaussil’atrouvée.Etilnedisposepasdesmêmesélémentsquenous,ditMiles,l’air
grave.Çalerenddangereux.Uncoupest frappéà laporte,Floravaviteouvrir.Macentreensifflotantgaiement jusqu’àcequ’il
voielevisagedeMiles.‒Ohlàlà,qu’est-cequisepasse?Milesleluiexpliquerapidement.‒Ilfautquenousyallions.Trèsvite.Macal’airaussigravequeMiles.‒IlfautéviterquePierrenes’enmêleetnefichetoutparterre.‒ À votre avis, depuis combien de temps est-il parti ? demande Andrei. Je peux faire venir un
hélicoptère.‒Combiendetempsçaprendra?demandeMiles.‒Paslongtemps.Ilyaunhéliporttoutproche.Lacompagniequej’utiliseiciestefficace,maisilleur
faudraunpetitboutdetempspourmettreunhélicoànotredisposition.‒Etparlaroute?
‒D’aprèslacarte,c’estàdeuxheuresetdemiedeLosAngeles.‒SionditquePierreestpartiilyauneheure,ditMacenregardantsamontre,sionaunhélicod’ici
uneheure…Quelestletempsdevol?‒Jediraisdanslestrenteminutes.Maisnousnesavonspasoùnouspourronsnousposerunefoissur
place,ditMiles.‒Çanousdonneraitquandmêmedel’avancesurPierre,faitremarquerMac.‒S’ilestpartiilyauneheure.C’étaitpeut-êtreavant.‒Bon sang, il faut voir le bon côté !Écoutez : onva faire lesdeux. Jepars envoiture, et vous, en
hélico.Commeça,ondoublenoschances.‒Jevaisdansl’hélicoptère,ditFreya.Ceseraplusrapide.‒Moiaussi,ditFlora.Andreisortsontéléphoneetsemetàdonnersesordres.‒Onaintérêtàs’ymettretoutdesuite,ditMac.Jepars.Miles,jeteretrouvelà-bas.‒Ilnefaudraitpasprévenirpapa?demandeFlora.Ilfautqu’ilsache.‒JecroisquePierrel’aprévenu,ditMilesquirevientversl’écrandesonordinateur.Ilaprobablement
reçul’ordred’allerlibérerSummer.‒Iln’empêchequ’ondevraitluidirequ’onyvaaussi.‒Situveux,ditMiles,maisilfautpartirsur-le-champ.NousdevonsramenerSummeraussiviteque
possible.
31
Jedorsd’unsommeilprofond,etjerêvedeJack.Lamaisonestenfeu,ànouveau,etjesaisquenouspouvonsrefairecequenousavonsfaitetéteindrel’incendie.Jeneletrouvenullepart.Jesaisqu’ilestlà,maisjenelevoispas,etlamaisonseremplitd’uneépaissefuméenoire.Jemeréveilleenétouffant.Jelecherchedelamain,maislelitestvide.Ilestparti.Unventdepaniquesoufflesurmoi.Est-cequ’ilm’alaisséeseuleici?Est-ceque,finalement,jevaisleperdre?‒Jack?dis-jeenmeredressantd’uncoupetenessayantd’accoutumermesyeuxàlapénombre.Oùes-
tu?Montéléphoneestsurlatabledechevet,làoùill’alaissépourlerechargerhiersoir.Lalueurblanche
du téléphone, bien que faible, me permet néanmoins de voir que Jack n’est pas dans la pièce.Maispourquoiletéléphoneest-iléclairé?Jemepenchepourl’attraper.L’écranestlumineux,indiquel’heureet,au-dessus,l’icônemontrequelabatterieestchargéeàcentpourcent.Quatrepetitescasesattendentque j’entremon code. Comme Jack ne le connaît pas, il n’a pas pu le consulter. Il n’y a là rien quipourraitexpliquersondépart.Soudain, je la vois. La petite flèche à côté de l’icône de la batterie qui indique que le service de
géolocalisationestactivé.Commentest-cepossible?Jel’aiéteintmoi-même!Aussi vite que je peux avecmes doigts tremblants, j’entremon code confidentiel, j’arrive à l’écran
d’accueil,oùjevoisquemamessagerieestpleined’e-mailsetmaboîtevocalesaturéedemessages.J’aireçu plus d’une centaine de SMS. Je les ignore et je vais sur PARAMÈTRES pour vérifier que l’optionLOCALISATIONestdésactivée,commeellel’étaitladernièrefois.Elleestactivée.Paspossible!Jesaisqueje l’aidésactivée.Jefaisglisser tous lesécranspourconsulter toutes les
applis, et, là, sur le dernier écran, je vois quelque chose que je n’y ai jamais vu : un dessin anodin,commeunjolipetitoiseaudedessinanimé,maisjesaisquejenel’aijamaisvu.J’appuiedessusetils’ouvre:ondiraitunjeu,avecdescarrésquibougentetquidessinentuneimage,celledel’oiseau.C’estbizarre. Je n’ai jamais téléchargé ce jeu. Je me mets à bouger les carrés pour terminer l’image del’oiseau.Bravo,Summer!Petitepausepour faire joujouavantdese lancersérieusementà larecherchede
Jack!Maisquelquechosemeforceàcontinuer.Lejeun’estpasvraimentardu:ilsuffitdeprendresontemps
pourdéplacerlescarréscommeilfaut,detellesortequ’ilsserencontrentdanslebonordre.Unefoisquej’ai fini une aile, je dois la défaire pour insérer le bec depuis le bas, et cela casse toute la zone dupoitrailquej’avaispresquefinie.Puis,toutd’uncoup,touteslespiècessemettentenplace,etl’oiseauestcomplet.Dèsquelederniercarrés’insère,lalignedecarréss’estompeetl’oiseaus’anime.Ilagitesesailesetpiailleensilenceavantdes’éleveretdes’envolerhorsducadre,commes’ildisparaissaitdanslecœurdutéléphone.L’animationchange,etjelesuispartoutoùilva:unenouvellepages’ouvre.C’estunecarte,etl’oiseau,quin’estplusàprésentqu’unminusculepointrouge,sepose,unebarredemenuapparaissantsurlecôté.Jecomprendsmaintenant:cetteapplicationestunlogicieldelocalisation
quis’estinstalléincognitosurmonportable,souslaformed’unjeu.Jem’ysuislaisséprendreet,quandj’essaied’utiliserlemenu,unmotdepassem’estdemandé,quejeneconnaispas.Jenepeuxdoncplusrienfaire.Celasignifiequejenepeuxpasledésactiver.Etàcetinstant,jepige…Ilsarrivent.Ilssontenroute.Celadéclencheenmoiuneondede terreuretd’excitationmêlées. J’ai tellementhâtede lesvoir. Je
meursd’envied’êtreànouveauavecFlora,mais j’aiaussi trèspeur,car jenesaispascequecelavasignifier pour Jack.Ont-ils trouvéAdriana et lui ont-ils fait passer lemessage ?Oubien viennent-ilsparcequ’ilspensentqueJackestrésoluàmetuer?Jenelesauraiqu’unefoisqu’ilsserontlà.Jenesaispasquand,maisjeprésumequecelanesauraittarder.Merde.IlfautquejetrouveJack.Uneidéemevient.JevaisdansMESSAGESetj’écrisunSMSàFloraaussivitequejepeux.Jel’envoie
etilpartimmédiatement.Puis,j’allumelalampe,jesorsdulitetj’enfilemesvêtementsàtoutevitesse.Jackn’estpasdanslamaison.Enl’appelant,jedescendsl’escalierbranlantquimèneàlaplage.‒Oùes-tu?Tueslà?Ilestassislàoùj’étaislanuitdernièreaprèsavoirtrouvésontéléphone.Ilcontemplelavasteétendue
noiredel’océan.Laseulesourcedelumièreestlalampequej’aialluméedanslamaison,unrayondoréquifendl’obscuritéettombesursescheveuxnoirs.‒Ah!tevoilà!Tuneréussispasàdormir?Jevaism’asseoiràcôtédeluietjel’entouredemonbras.Ilsecouelatête.Ilvautsansdoutemieuxquejesoisréveilléquandcelaarrivera.‒Quandquoiarrivera?‒Quandilsvontsepointerici.Jetournemesyeuxverslui.Ilregardeauloin.‒Commenttulesais?‒Jesavaisque,situallumaistonportable,ilspourraientnouslocaliser.‒Alors,pourquoil’as-tuallumé?Ilsetourneversmoi.Sesyeuxluisentsouslerayondelumière,commes’ilsétaientpleinsdelarmes.‒ Parce qu’il fallaitmettre fin à tout ça. Je ne peuxpas te ramener, j’ai promis…, tu sais.La seule
solution,c’étaitqu’ilsviennenttechercher.‒Mais…ettoi?dis-je,éperdue.‒Onverra,dit-ilendétournantlesyeuxànouveau.Quoiqu’ilarrive,çadevaitêtreainsi.‒Jack…Moncœursegonfledetoutcequejeressenspourlui.Unevaguedecompassionenfledouloureusement
enmoi.Jesaiscommentils’estmisdanscebourbieretqu’ilnevoitpasd’issuequineledétruiseàsespropresyeux.Jesaisaussiquec’estquelqu’undebienetqu’ilm’aime.Jesaisqu’ilnemeferaitjamaisdemal.‒Jet’aime,Jack.Jeneveuxpasteperdre.Pasmaintenant.Deslarmesmemontentauxyeux.‒ Ces journées que j’ai passées avec toi ont été la période la plus intense de toute ma vie. J’ai
beaucoupapprissurmoi-même,surcequejesuis.Avant, jen’étaisqu’unecréaturequivoyageaitsanscesse,defêteenfête,quiremplissaitsesjournéesd’agitation.Jecroyaisvivremavieàfond,alorsqu’enréalité,jenefaisaisqueglisseràlasurface,neressentantquepeuretméfiance.Etpuis,tuesarrivéet,avec toi,monpirecauchemarestdevenuréalité.Toutemavie, j’ai redoutéquequelqu’unm’enlève,à
causedecequiestarrivéàmasœuretàcausedelaparanoïademonpère,quinousentouraitdegardesducorps.Jenefaisaisconfianceàpersonne,etlaseulefoisoùjel’aiaccordée…,dis-jeenlâchantunrire triste.Tu connais la suite.Maismaintenant, je suis née à la vie, tum’as fait ressentir des chosesinconnues.Tuesdevenumonamietmonamant,monbeau,monincroyableamant.‒Summer,jet’enprie,çamefaittropmal.Tucroisquejeneressenspaslamêmechose?‒Tuespiégépardestrucsquin’existentpas!Tonbonheurettavienedépendentdepersonne.Qu’est-
cequetonpèrevoudraitpourtoi?Ça?Ilvoudraitquetusoisheureuxetquetuvivessanspeur.Ilaétéobligédefairecequ’ilafait;iln’avaitpaslechoix.Quandill’apu,ilaessayédevousemmenerloinde tout ce qui gangrenait votre vie. Alors, n’y retourne pas. Ne laisse pas les hommes qui l’ont tuédétruiretavieàtoi.Ilrestesilencieux.Jesaisquecelal’aaffectéainsiquejel’espérais.J’attends,jeretienspratiquement
monsouffle,j’espèreentendreenfindesabouchelesmotsquejeveuxsifort,quec’estfini,qu’ilvatirerunecroixsurlepassé.Ilsemetenfinàparler:‒J’aidonnémaparole,jenepeuxpaslareprendre.Jesuisdésolé,Summer.C’estcommeça.Lechagrinquejeressensestinsoutenable.C’esttropinjuste.Jemelève.‒Oùvas-tu?demande-t-il.‒Jenepeuxteregardertedétruire,dis-jed’unevoixbrisée.Jesuisnavrée,jenepeuxpas.‒Alors,ilvautmieuxquetupartes.Parcequec’estcequivaseproduire.Unsanglots’échappedemagorgeetjecommenceàmarcher,nonpasverslamaison,maislelongdela
plage.Enmarchant,jesensvibrermontéléphonedansmapoche.UnSMSvientd’arriver–pasdeFlora,maisdeFreya.Summer,jenesaispassi tulirasça,maisjel’espèrepuisquetonportableestallumé.Ilyaunevidéoenpiècejointe.IlfautquetulamontresàJack.Ensuite,mettez-vousàl’abriquelquepartloindel’endroitoùvousêtesencemoment.Pierrearrive.Moncœurfaitunbond,mesmainsdeviennentmoites.JedétestePierre,commenous toutes.C’estun
voyou,maismonpèreluifaitunetotaleconfiance.Pierreestbrutal,irréfléchi;ilferaitn’importequoipourresterdanslespetitspapiersdemonpère.JecomprendspourquoiFreyameditcela:JackcourtungravedangersiPierrearrive.Jerenvoieaussitôtunmessage.D’accord.Quandest-cequ’ilarrive?Jefaisdemi-touretreviensversJack.‒ Jack, il faut qu’on s’en aille d’ici.Un hommeva arriver qui va te faire dumal dès qu’il en aura
l’occasion.‒C’estbienlebut,dit-ild’unevoixblanche.Jem’assoisàcôtédelui.‒Ilfautqueturegardesquelquechose.C’estFreyaquil’aenvoyé.Jeluitendsleportable.‒Ouvrelapiècejointe.Ilfixel’appareilunmoment,puisleprend,hausselesépaulesetappuiesurlapiècejointe.Surl’écran,
onvoitune femmeâgéeetgrisonnante,dansunecuisine,qui fixe la caméra, lesyeux implorants.Elleparle.Lesonn’estpasbonmaisaudible.Jenecomprendspascequ’elledit;elleparlerapidementenitalien,maisjesaisquesespremiersmotssont:«Giacomo,écoutetamère…»Dèsqu’illavoit,Jackpousseunpetitcrietjemeraidis.Letéléphonetrembledanssamain.Illeprend
àdeuxmainsetregardeintensémentlafemmesurl’écran.Mesoreillescommencentàs’habituer.J’aifait
un peu d’italien, assez pour comprendre en gros ce qu’elle dit. Elle l’appelle son fils adoré et ellel’implore…d’oublierlepassé,delibérerlajeunefille.«Reviensàlamaison,Giacomo.Nemebrisepaslecœur.J’aidéjàtellementsouffertettellementperdu.Noust’aimonsetnousavonsbesoindetoi…»La vieille dame pleure et se tord les mains. J’ai moi-même les larmes aux yeux. Elle ne peut pluspoursuivre.Lacamérasedéplacesurladroite,verslajeunefilleassiseàcôté,quiressembletellementàJackquecenepeutêtrequesasœur.Elleregardel’œildelacaméraetdit:«Jack,tunepeuxpasfaireça.JesaiscequeFredot’aditetcequ’ilt’afaitpromettre.MaisFredoest
malade,vraimentmalade.Lesmédecinsdelaprisonl’ontdéclarémalademental.Selonleurdiagnostic,ilestpsychotique,àtendancespsychopathes.Ilnesortiraprobablementjamais.Tunepeuxpastenirtonengagementenverslui,Jack,parcequ’ilestfouetquecequ’ilt’ademandél’estaussi.»Elle se penche vers la caméra, son visage emplissant l’écran. « Ne sois pas comme lui, Jack. Ne
commetspascettefolie.Nousavonsbesoindetoi,mamaetmoi.Reviens.Regarde,lessœursHammondsontlà.Noussommesunies,nousvoulonstouteslamêmechose:quetoietSummervousreveniezsainsetsaufs.Nousvoulonsvivreenpaixdésormais,d’accord?»Elle fixe la caméra encore quelques secondes, puis j’entends la voix de Freya : «Merci, Adriana,
merci.»J’entends«Summer»sortirde labouchedeFlora,bienque jene lavoiepas,puis lavidéos’arrête.L’écranredevientnoir,nosêtreschersontdisparu,noussommesseuls.Jackestcourbé,sesbrasautourdesesjambes,etilsebalance.Jepassemonbrasautourdesesépaules.Illèvelatête;ilestenlarmes.‒Çava?‒Jenesaispas,dit-ilens’essuyantrapidementlesyeux.Bonsang…Ilgrimace,commes’ilavaitmal.‒Çachangeleschoses.Jepensaisqueriennepourraitleschanger.Maissi.Unsoulagementimmensemesubmerge,etjepousseunénormesoupir.‒Vraiment?dis-jealorsquel’espoircommenceàvacillerdansmoncœur.Vraiment?Ilhochelatête,l’ombred’unsouriresedessinantsoussapeine.‒Oui,vraiment.
32
LeSMSdeSummer arrive alors qu’Andrei est en train d’organiser la venue de l’hélicoptère privé.Floral’ouvreetlelitàhautevoix:Jesaisquevousarrivez.Jevousenprie,nefaitespasdemalàJack.Jel’aime.C’estunhommebien.Ellelèvelesyeux,sembleeffrayée.‒IlfautquenousarrivionsavantPierre.‒Jenepeuxpaslegarantir.Ilapeut-êtredel’avancesurnous,ditMiles,l’airsombre.‒ Il doit bieny avoir unmoyende le joindre. Il a forcément son téléphone sur lui.Miles, tu as son
numéro?‒Jenel’aiplus.Etdetoutefaçon, iladûleremplacer.C’était lapolitiquedupersonneldelefaire
souvent.‒Alors,papadoitl’avoir.FloraregardeFreyaetdit:‒Allonsletrouver.Ilfautdetoutefaçonquenousleprévenionsdecequenousfaisons.Alors qu’elles montent vers la suite penthouse, laissant les hommes préparer l’expédition, Flora
trembledepeur,d’excitationetdechargesd’adrénaline.Summerpourraitêtrederetourdansquelquesheures, et elle le souhaite de tout son cœur.Si seulement les dangers et les inconnues étaient derrièreeux!Freyaestpâleetsoucieuse,toujourssecouéeparlarencontreaveclesGuidotti.Floraavucommentelleaétéaffectéedesetrouverfaceàl’époused’unhommequiasacrifiésaviepoursauverlasienne.Enpartant,elleaserrélavieillefemmecontreelle,longuement,etellel’aremerciéeavantdedire:‒Jesuistellementnavrée.Nousferonstoutcequenouspourronspourréparer,jelepromets.Etnous
allonsprotégerJack.Maintenant, ilyauneautrepromesseenjeu, seditFloraalorsque l’ascenseurmonte.Nousavons
donnénotreparolequenousramèneronsJackàsafamille.RaisondepluspourarrêterPierre.C’estEstellequiouvrelaportedelasuite,unevéritablevampdanssonpyjamadesatin.‒‘Soir,lesfilles.Qu’est-cequivousamène?‒Notrepèreest-illà?demandeFreyafroidement.Estelle se recule pour qu’elles voient leur père, assis sur le canapé en peignoir blanc, en train de
regarderlatélévision.Ilsetourneenlesentendantarriver.‒Papa,ilfautqu’oncontactePierredetouteurgence,ditFreyaenavançantdanslapièce,leportableà
lamain.Quelestsonnuméro?Aucundenousnel’a.‒Pourquoivous levoulez?demande-t-ilenfronçant lessourcils.Pourquoin’allez-vouspasdanssa
chambreluiparler?‒Parcequ’ilestparti!exploseFlora.IlestpartichercherSummer!IlatrouvéletraceurdeMiles,et
dessusilyavaitlelieuoùsetrouveSummer!Ilestdéjàenroute.Leurpèreal’airtrèssurpris.Iléteintlatélévisionaveclatélécommandeetsetourneverssesfilles.
‒C’estpourçaquejelepaie.Parcequec’estquelqu’unsurquijepeuxcompter.SiMurrayconnaissaitl’endroitoùsetrouveSummer,pourquoin’yest-ilpasallé?Pierreestunhommed’action,dit-ild’unairsatisfait.Jesuiscontentd’avoirréussiàréglercetteaffaire.‒Tunecomprendspas!s’écrieFlorad’untonenflammé.IlpeutfairedumalàJack!‒Leravisseur?Salèvresupérieureseretroussedansuneexpressiondemépris.‒Etalors?J’espèrebienqu’ilvaluifairedumal.Qu’est-cequetuenasàfaire?FreyaetFloraleregardenttouteslesdeux,bouchebée.Ellesveulentdiretropdechosessanssavoir
paroùcommencer.Leurpèrenesesenttoujourspasresponsable,personnellement,alorsquecesontsesactes,ilyadesannéesdecela,quionttoutdéclenché.Freyaretrouveenfinlaparole:‒TuasuneénormedetteenverslafamilleGuidotti,papa,tunelevoispas?IlsontperduPaoloàcause
detoi.CesgensnepeuventpasperdreaussiJack.EtSummerl’aime.‒Conneriessentimentales!dit-ild’untonimpatient.Jen’airienfaitdemal.Etcethommeaprisma
fille.Ilnevapass’ensortircommeça.‒ Il apayé toute saviepour ceque tu as fait ! crieFreya.Le tempsde lavengeanceetdu sangest
révolu.Elles’avanceverssonpèred’unpasrésolu.‒Tutecachesderrièrecevoyouquetuasrecruté.Tufaistoujoursfairelesaleboulotauxautres!Tune
voispasquetudonnestaconfianceauxmauvaisespersonnes?EllelanceunrapideregardàEstelle.‒Tun’écoutespaslesgensquit’aimentvraiment.Tesfilles,Jane-Elizabeth.Nousn’attendonsriende
toi,contrairementàcesgens-là.C’estpourçaqu’onteditdeschosesquetuneveuxpasentendre.Sonpèresefige.Quelquechosedanscequ’elleaditl’aatteint.‒Jet’enprie,papa.Floravaversluietluiprendunemain.‒Donne-nouslenumérodePierre.Dis-luidenepass’enprendreàJack.Onnetedemanderaitpasça
sicen’étaitpassiterriblementimportant.‒Est-cequeJane-Elizabethveutçaaussi?demande-t-il.‒Elleestcentpourcentavecnous,répondFreya,fermementconvaincuedusoutiendeJane-Elizabeth.Enmargede ladiscussion,Estelleobserveetnedit rien.Lentement, lepèrese lève. Ila subitement
l’airtrèsvieux,tristeetfatigué.Ilvaàlaconsoleprèsdelaported’entrée,prendsonportableetdit:‒Trèsbien.Jeluienvoieunmessage.Dites-moicequejedoisluidire.Lorsquelemomentestvenudeserendreàl’héliport,lavoitured’Andreivientleschercher.Ilspartent
tous lesquatreensemble.Macestdéjàpartiavecsavoituredepuisenvironuneheure.L’heure tardivelaisseespérerquelacirculationseraplusfluide,etletrajet,plusrapide.Florapeutàpeineparler.Elleestheureusequ’Andreisoitlà,quiserresapetitemaindanslasienne,
grandeetsolide.Ilneparleguère,maisellesaitqu’ilestlàpourelleetque,quoiqu’iladviennecesoir,il sera à ses côtés. L’hélicoptère les attend au sommet d’une tour, un gros engin vert foncé avec deslumières qui clignotent sur la coque. Ils montent, prennent leurs places, bouclent leurs ceintures enquatremorceauxsurleurstorsesetmettentleurscasques.Floraremarquealorsquec’estunhélicoptèreàsixplaces.Seuleuneplacerestevide.Espéronsquecen’estpasmauvaissigne,pense-t-elle.Lepilotemet immédiatement les pales du rotor enmarche.Elles semettent à tourner et à vrombir bruyamment.L’enginprendvie.Leslumièresintérieuress’éteignent,lepiloteenvoieunmessageradiopourprévenirle
postedecontrôlequ’il décolle etquelle sera sa trajectoire.Puis,puissanceà fond, l’appareildécolleverticalementavecunlégerbalancement.Endessous,lavilles’étale,massederoutesetd’immeubles,oùscintillentpartoutdeslumières,puis,aprèsunpiqué,ilss’éloignentdelavilleendirectiondelacôte.Iln’yaplusrienàfairequ’àattendre,chaqueminutelesrapprochantunpeuplusdeSummer.Florasedemandecequefaitsasœurencemoment.LeSMSflottedanssonesprit:ainsi,sasœurest
tombée amoureuse de Jack. D’après Jimmy, Summer a été renversée par le charme de Jack dès leurpremière rencontre.C’estd’ailleurspourcette raisonqu’elleest alléeàun rendez-vousavec lui.Ques’est-ilpasséentreeux?Commentont-ilstransforméleurrelation?Depuisunmoment,FloraalanetteimpressionqueSummeresthorsdedangeretquec’estdesonplein
gré qu’elle fait ce qu’elle est en train de faire. La terreur et l’impuissance qui l’avaient accablée aumomentdesadisparitionontdisparu.Cen’estpasunecoïncidence,elleenestsûre.Alorsquelavilles’effacederrièreeux,ellepenseàsasœur,cellequiasouventété laisséeenarrière,cellequiétait laplusmalconsidérée.OndiraitqueSummeraréussicequebeaucoupontvainementtenté:rapprocherlesHammond et les Guidotti. Pendant toutes ces années, le chagrin et le ressentiment n’ont fait ques’envenimer et empoisonner leurs existences, jusqu’à exploser dans l’acte désespéré de Jack. Maisquelquechoses’estproduitquiabrisélecycle.L’amour.Cesentimentdingue.Pourvu qu’ils trouvent Summer avant Pierre. Pourvu que Pierre ait le message de leur père et lui
obéisse.Beaucoupdechosespeuventencoremaltourner.MonDieu,faitesquenousarrivionsàtemps,sedit-
elleenfermantlesyeux.Pierreaccélèreà fond,et lavoiture,uneMercedeshautdegammequeM.Hammondachètepar lots
poursonpersonnel,filesurlaroutecôtière.Georgestsurlesiègepassager.IlserégaleetpoussedescrisdeplaisirquandilsprennentunviragesurleschapeauxderoueouquandildoubleàtoutevitesseunevoitureausondescoupsdeklaxondePierre.‒Cool,mec!Tropbien!dit-ilavecsonaccentestonien.‒J’enavaismaclaquedecethôteletdecesbonnesfemmeshystériques.Ilmefallaitdel’airfraisetun
peud’action,ditPierredesavoixrâpeuse.‒Del’action,mec,t’enasplein,ditGeorg,hilare.‒Qu’est-cequetuveuxdire?‒Aveclameufdupatron,supercanon!Tutelatapessanstepriver!LevisagedePierresefige.‒Mais,merde,dequoituparles?demande-t-ild’unevoixglaciale.‒Allez!Jevaispaslerépéter!T’esunveinard.Elleestbonne?Elleaundecesculs!Ellemefait
bander,jeteledis.‒Tagueule!Ilyacombiendegensquiracontentcesconneriesde…cul?‒Ben…,yamoi,ditGeorgenhaussantlesépaules.J’enaiparléàpersonne.C’esttonaffaire,mec.Et
puis,elleestpasdugenreàsecontenterdupatron,hein?Elleesttellement,tellementsexy!‒Qu’est-cequitefaitpenserça?‒Jevousaivus,àlamaison,unefois.J’étaisdanslasalledesurveillanceett’asoubliéd’éteindrela
caméraoubientupensaispasqu’elle tefilmait.Tul’asbaiséecommeunebête,danslegarage,sur lecapotdecettebagnole,tutesouviens?Georgricaneenrepensantàlascène.
‒C’étaittropbien.J’yaibeaucouprepenséparlasuite.‒Alors,commeça,çaaétéfilmé?ditPierrecalmement,lesyeuxsurlaroute.‒Peut-êtrebien,jesaispas.J’aipasregardélavidéo,sic’estàçaquetupenses!Maistebilepas,je
dirairien,jesuisunetombe.‒Contentdel’apprendre.Pierregardesesyeuxsurlaroute,lesmainsécrasantlevolantetleslèvresserrées.‒Onyestpresque,encoreunevingtainedeminutes.‒Qu’est-cequenousallonsfaire,Jack?Noussommessurlaplageetjel’entouredemesbras.Ilmeregarde.Ilestenpaix,vraimentenpaix,
pourlapremièrefoisdepuisquejeleconnais.Latensionl’aquitté,etilal’airheureux.‒Nousallonsattendrequ’ilsarrivent.Alors,j’iraiàleurrencontre.‒Non,non!C’estmoiquiirai.Àmoi,ilsneferontrien.Jesortiraienpremierpourteprotéger.‒Summer,dit-ilenriant,lavoixpleined’amour.Tun’espasmaJeanned’Arc,quejesache!Quifonce
danslabataillepourmoi,pourmeprotéger.Pasbesoin.Jepeuxmeprotégermoi-même,ainsiquetoi.Onpeutsortirensemblesituveux,maisjenevaispasmeplanquerderrièrelecanapéjusqu’àcequetumedisesquejepeuxsortirsansdanger.Ildéposeunbaisersurmesjouesetsurleboutdemonnez.‒D’accord?‒Oui,dis-je,envahiedebonheur.Toutvabiensepasser.Jen’aipluspeur.Ilmetardequ’ilsarrivent.Dans l’hélicoptère, le bruit des moteurs est si fort que le seul moyen de communiquer est par les
casquesetleurspetitsmicros.Ilssontbranchésentreeux,detellesortequetoutlemondeentendtoutlemonde.Aucunepossibilitédeconversationprivée.FloraentenddoncclairementcequeditAndreiensepenchantversMiles:‒Vousêtesarmé,Miles?Justeaucasoùilyauraitdugrabuge.Milesopineduchefetrépondd’unevoixtoutefaibledanslesystème:‒Oui.J’espèrequeceneserapasnécessaire.Maissiçal’est,jesuisprêt.Lesdeuxsœurséchangentdes regards inquiets.Freya tendsamain,etFlora laprendet la serre.En
quêtederéconfortmutuel,ellessesourientdansl’obscurité.‒Ilrestecombiendetempsencore?demandeFreya.‒Unpeuplusdevingtminutes,répondMilesdanslemicro.Florafermelesyeux.Encorevingtminutesetceserafini.Pierre arrête la voiture à l’entrée du chemin pour qu’ils puissent continuer à pied.Georg n’est pas
franchement agile et il fait beaucoupdebruit en sortantde lavoiture, dont il claque laportière, et ensuivantPierrelelongduchemin.‒Merde,sifflePierre,faismoinsdebruit!‒J’yvoisriendanslenoir.C’estpasfacile,geintGeorg.‒Voilà,ditPierreenactivantlalampedesontéléphone,dontildirigelefaisceauverslesolaccidenté.
Sers-toideçapourregarderoùtumetslespieds.Onavance.Ils n’ont pas couvert une grande distance quand ils aperçoivent une lumière entre les arbres. Pierre
discerneunemaisonenbois,unemodesteconstructionàlalisièredelaforêtetquidonnedirectementsurlaplageendessous.C’estunebonneplanque,isolée,sansvoisinsàdeskilomètresàlaronde.Pierresort
sonpistolet,contentdesentircontresapaumelemétallourdetfroid.Ilsesenttoujoursmieuxquandill’adanslamain,lebarilletplein.‒Qu’est-cequ’onvafaire?demandeGeorg.Lessurprendre?‒ Les faire sortir de la baraque pour qu’ils soient à portée de tir. Voilà ce qu’on va faire : tu vas
contournerlamaisonparlà,jusqu’àlaplage,puisrevenirpar-derrièrelamaisonetrepéreroùilssont.Unefoisquetulesaurasdansleviseur,tuvasattaquerparl’arrière.Ilvasortirsurledevant,aveclafille.Jelesattendrai,etalorsonleschopetouslesdeux.‒Bonplan,ditGeorg,enthousiaste.Jesaisexactementcequejedoisfaire.‒Allez,vas-y.Moi,j’attendsici.Georg,toutexcité,partdansladirectionqueluiaindiquéePierre.Soncorpslourdfaitunpeudebruit
ensedéplaçantentrelesarbres.Pierresoupire.Troptardpours’inquiéterdeça.Iln’yaqu’uneissue,detoutefaçon.Nous sommesdans le salonquandnous l’entendons.Nous sommes tellement habitués au silence qui
nousentoure, rythmépar le ressacdesvaguesqui sertde léger fond sonore,qu’unbruitnouveaunousalerteimmédiatement.‒Ilssontlà?dis-jeentournantmatêteversl’originedubruit.Oùestlavoiture?Jackfroncelessourcils,immobile,àl’écoute.‒Jenesaispas.Jen’aipasentendudevoiture.Ilsviennentbienenvoiture?‒Oui.JemesouviensalorsdumessagedeFreya.Avecl’effetproduitparlavidéo,j’enaioubliéletexte.Je
prendsmonportableetlerelis.JeregardeJackaveceffroi.‒Pierrearrive.Freyadisaitdenoustrouverunendroitsûr.‒QuiestPierre?‒Lechefdelasécuritédemonpère.C’estunvraimalfratetjeparieraisqu’ilserad’humeuràchercher
labagarres’ilarrive icienpremier.C’estunmachopas finaudpourdeuxsous,maisça impressionnemonpère,malheureusement.Jemelèveprécipitamment.‒Allez,partonsd’ici.Jackselèveaussi.‒O.K.Laisse-moiréfléchir.‒Tucroisqu’ondevraitsecacherdanslaforêt?Jeregardepar lafenêtredelacuisine lamassenoire,dehors.Çanemeplaîtpas.Lesboisnem’ont
jamaisfaitpeur,mais,là,toutdesuite,ilsmefichentlafrousse.Jackmeregarde,l’airgrave.‒Jecrainsquecenesoittroptard.‒Quoi?Moncœurs’accélèreetmesgenouxcommencentàflageoler.‒Qu’est-cequetuveuxdire?‒Écoute.Jesuissûrquej’aientenduquelqu’unquisedéplaçaitdanslesarbressurladroite.Nousnousimmobilisonsettendonsl’oreille.Là,eneffet,lebruitdebrindillesetdebranchesquel’on
fouleetlefrottementdesfeuilles.‒Merde!ÇadoitêtrePierre.Messœursarriveraientparledevantetellesnousdiraientqu’ellessont
là.
‒O.K.,ditJack,étonnammentcalme,maisauxaguets.Descendonsàlaplage.Delà,onpeutremonterendirectiondesfalaises.Ilvaàlaportedubalconenquelquesenjambées,l’ouvre,sortenévitantadroitementlazonebrûléeet
ils’assurequ’iln’yapersonnesurlesableendessous.Ilmefaitsignedelesuivre.Ilsedéplaceviteetcommence à descendre lesmarches quimènent à la plage. Je le suis en restant tout près de lui et enfaisant lemoinsdebruitpossible.Nousatteignons lesableetnousarrêtons. Ilyaquelquechose, toutprès,danslesarbresau-dessusdeladuneherbeusequinousséparedelaforêt.Monestomacseretournedefrayeur.Qu’est-cequisepasse?Qu’est-cequePierremanigance?Jackm’attirecontreluietmetsabouchecontremonoreillepourmemurmurersansqu’aucunsonnes’échappe.‒Ildescendàlaplage.Sionlaremonte,onseradesciblesfaciles.Onrevientdanslamaisonetonva
àlavoiture.Commenousarrivonsaupieddesmarches,unfracasrésonne,suivid’unhurlement,etunhommesortdu
boisetdescendladuneencourant,sortedegrandeformenoiredansl’obscurité.Ilhurledansunelangueque jenecomprendspas,maisc’est trèsmenaçant. Jecrieetme jettesur l’escalier, suivideprèsparJack.‒Sorssurl’avant!crie-t-il.Vaàlavoiture!‒Ettoi?Jetrébuche,moncœurcognetellementquejepeuxàpeineparler.‒Jetesuis!Notre poursuivant a traversé la bande de sable etmonte lesmarches derrière nous en continuant de
hurler.J’essaiedemonterplusvite,maismesjambessontplombées.J’atteinsenfinlebalcon.Laporteesttoujoursouverte.Jem’yengouffre,jem’arrêtepourattraperlaclédelavoitureetjecoursjusqu’àlaported’entrée.JemeretournepourvoircequefaitJack:ilesttoujoursdehors.‒Vas-y!crie-t-il.Etviensmechercher!Jehurle,terrifiée:‒Jack!J’entendslespaslourdsquiserapprochentderrièreluietlescrisdéments.‒Jack!Mais c’est trop tard. La grande forme noire est sur le balcon, à côté de Jack, à beugler comme un
taureau.Jacksejetteenavantetlebousculeviolemment.Laformechancelleetpartenarrière,versletrou laissé béant par l’incendie.Dans un grand cri, il tombe sur le sable en contrebas, où il semet àgémir.JerejoinsJackauborddutrou.‒Ilestmort?‒Sonné.Ils’estpeut-êtrecasséquelquechose,àmoinsquelesablen’aitamortisachute.Maisilneva
passereleverdesitôt.Ilsetourneversmoietattrapemamain.‒Onvaàlavoiture.Ilfautqu’onparted’ici.Nouscouronsjusqu’àlaportededevant,l’ouvronsàtoutevolée,maisnousn’avonspasfaittroispas
endirectiondelavoiturequ’unedeuxièmeformeémergedel’ombreencriant:‒Arrêtez-voustoutdesuite!NousnousfigeonsetjevoissortirdelanuitlevisageburinédePierre.IlpointeunpistoletsurJack.
‒Restezoùvousêtes!dit-ilenavançant.Jacketmoirestonstotalementimmobilespendantuneseconde,puisjememetsdevantluid’unbond.‒ Ne lui faites pas demal, Pierre, dis-je d’une voix qui se veut autoritaire et convaincue qu’il va
obtempérer.Enfait,jesuisterrifiée.‒Jacknem’afaitaucunmal.Iln’yaaucuneraisonpourcetteviolence.Pierrem’ignoreetcontinueàpointersonarmesurmoi,maintenantquejecacheJack.Ilserapprocheet
ditd’unevoixquiclaque:‒Rentrezdanslamaison.‒Onferaitmieuxd’obéir,memurmureJack.Nousreculonstousdeuxpourrepasserleseuildelaported’entrée.Pierreavance.Jemesenstendueàcraquer,incapablederespirer,maisjem’efforcedelecacher.‒Rangezvotrearme,Pierre,vousvoulezbien?Iln’yaquenousici.Jacknevariententeretiln’est
pas armé. Vous m’avez retrouvée ! Félicitations ! Je suis sûre que mon père vous en sera trèsreconnaissant,etencoreplussitoutsepassesansaucundésagrémentinutile,d’accord?‒Fermez-la!dit-ilenagitantlecanondesonarmedansnotredirection.Unefoisdanslacuisine,ilregardeautourdelui.‒OùestGeorg?Jel’aientenduvenirparlà.‒Oh!jevois,ditJack.Ilnousrepoussaitversvous.Ehbien,ilestparlà.Ilsereposedanslesable,
dit-ilendésignantlebalcon.Jeluiaiditquecen’étaitpasvraimentlebonmomentpourprendreunbaindesoleil,maisiln’apasvoulum’écouter.Pierreécouteetnousfaitsignedecontinueràreculer,jusqu’aubalcon.Lorsquenoussommesàlaporte,
Pierrenouscontourneetvoit,grâceàlalumièredusalon,quelebalconaperdusoncentre.Ils’approcheprudemment du trou et scrute la pénombre. Les gémissements de Georg nous parviennent. Il semblevouloirsereleveretavoirmal.‒Ilfaudraitappelerdel’aide,dis-jed’unevoixclaire.Jecroisqu’ilabesoind’unmédecin.Jesorsmontéléphone.‒J’appellequelqu’un.Aussitôt,Pierresepencheetmefrappeviolemmentlamainavecsonpistolet.Jecriededouleur,letéléphonem’échappe,passeparletrouetvas’écrasersurlesableencontrebas.‒Maisbonsang,qu’est-cequevousfaites?crieJack,furieux.Il se jette surPierre,qui l’agrippe, et ils semettent à sebattre. Jackessaied’envoyerdescoupsde
poingsurPierre,plusgrand,maisilnefaitpaslepoids,Pierreétantplusâgémaisplusforméaucombat.Enquelquesinstants,Jackestmaîtrisé.Iltentedesedéfendre,envoieuncrochetdroitàPierrequisemblelesonner,suivid’uncoupdegenoudansl’estomac.Pendantuncourtmoment,ilsembleavoirl’avantage,maisPierresereprendetfrappeJackàlatêteaveclacrossedesonarme.JackserapprochedePierrepourdiminuer l’impactdescoups,et ilssebattentauborddutrou.JackessaiedepousserPierrepourqu’il bascule et rejoigneGeorg,mais Pierre a trop de force. Ils tanguent et je suis incapable de direlequelvatomber.Àcemoment,PierrepuisedanssesréservesunregaindeforceetentraîneJackdansletrouenlepoussant.Jackbatdesbras,puisdisparaît.J’entendslechocdesoncorpssurlesable.‒Jack!Je hurle etme rue en avant,mais Pierre tend unemain etme repousse. Il se tient au bord du trou,
regardeenbaslesdeuxhommesallongéssurlesable.Puis,jelevois,horrifiée,pointersonarmeettirer
deuxcoups.LesgémissementsdeGeorgs’interrompenttoutdesuite.Plusaucunsonnemontedusableendessous.‒Non,non!Qu’est-cequevousavezfait?Jack!Jack!OhmonDieu,vouslesaveztués!Pierreseretourneversmoi.Sesyeuxneressemblentàriendecequej’aidéjàvu:deuxtrousnoirset
inexpressifs,quinecontiennentque lemal.Unevraie terreurmegagne,unepaniquenoiremontedansmonépinedorsaleetengourditmoncerveauenmêmetempsquetousmesnerfssemblents’éveiller.Jevoudraism’enfuir,maisjesuisparalysée.‒Jeregrettequevousayezvuça,Summer,dit-il.Maisvousavezvu.Votrepèreveutvousrécupérer
saineetsauve,maisilestpréférablequ’ilnesachejamaisriendecequis’estpasséici.‒Qu’est-cequevousvoulezdire?Mes lèvres sont sèches et ont dumal à bouger.Unvertige horrible envahitma tête. Je sais ce qu’il
veutdire.‒Jenedirairien.‒Ohquesi!Jesaisquevousparlerez.Etjenepeuxpasprendrelerisque.Jesuisnavré.Vousavez
toujoursétémapréféréedestrois.L’aînéefaittoujoursdeshistoires.Ceseraitplusfaciledelatuer.Jeregrettequ’ilsnel’aientpaszigouilléeenItalie.Maisvous,vousétiezgentille.‒Nefaitespasça.Jesecouelatête.Iln’estpaspossiblequej’aietraversétoutçapourfinirainsi.‒Nelefaitespas,Pierre.Vouscommettezunegraveerreur.‒Vousneserezpluslàpourvoir,dit-ilavecdanslavoixcommeunetouchederegret.Illèvelepistoletpourquelagueuleducanonsoitpointéesurmoi.‒Commejel’aidit,j’aimeraisnepasavoiràfaireça.Jesaisquec’estlafin.JepenseàFlora,àFreyaetàmonpère.Jemedisqu’ilaétébienbêtedefaire
confianceàcethommeetjemedemandes’ilsaurajamaislavérité.Jedisaurevoiràmavieetàceuxque jeconnais.Et jemedisque,dansunesecondeoudeux, je seraiavecJack.Cettepenséeme rendpresqueheureuse;dumoins,ellemeréconforte.Jefermelesyeux.Jeneveuxpasqueladernièrechosequejevoissoitl’horriblevisagedePierreetcetimmondepistolet.JerevoisJack;ilsourit.Puis,Flora.Jevois des étoiles dansun immense ciel velouté, des étoiles parmilliers, qui brillent et scintillent etemplissentl’Universdebeauté.Jesuisenroutepourlesrejoindresurlechemindel’éternité.Etpuisj’entends.Ladétonationdupistolet,leclaquementdelaballe,sonvolquis’achèvebrutalement
làoùelleheurtesacible,l’odeurdelapoudre.Çayest,c’estfait.Montempsestfini.
33
Floraentreencourantdanslamaison,justeàtempspourvoirlaballeatteindrelefrontdePierre.Ilseraidit, lâche son pistolet et tombe comme unemasse sur le balcon, son corps s’affaissant en haut desmarches.Milesbaissesonarmeetdétendsesmuscles,satisfaitdesoncoupdefeuquiaévitéSummeretatteintPierre.FloraseprécipiteversSummer,debout, lesyeuxfermés, lecorpsraide,enattentede laballequivalatuer.‒Summer,Summer!Florasanglotealorsqu’elleprendsasœurdanssesbras.‒C’estfini,toutvabien.Onestlà!Floraestjustederrièreelle,avecAndreidanssondos.Ils’arrêtepourdemanderàMiles,pendantque
lestroissœurss’embrassentsurlebalcon:‒Qu’est-cequis’estpassé,bonsang?‒Pierres’apprêtaitàtuerSummer,répondMilesenrangeantsonarme.‒Quoi?Pourquoiaurait-ilfaitça?‒Quisait?ditMilesenhaussantlesépaules.Maisj’aidûl’enempêcher.‒Biensûr,ditAndreienpoussantunpetitsifflement.Quellenuitdedingues!Surlebalcon,Summerretrouvesesesprits.Ellesecramponneàsessœurs,puisdit:‒Jack!Ilestlà,enbas!Pierreluiatirédessus.Elle se précipite pour regarder dans le trou, passe par-dessus le corps de Pierre pour atteindre les
marches.Mileslarejointenunefractiondeseconde,dévalel’escalierpouratteindrelesdeuxcorpssurlesable.Ilretourneleplusgrand,puisregardelesvisagesanxieuxpenchéssurletrou.‒C’estGeorg.Laballel’aeuàlatête.Summerdescendlesmarchesentrébuchant.‒Jack!appelle-t-elle.Lorsqu’elle l’atteint, Miles est déjà en train de vérifier les fonctions vitales. Il lève les yeux vers
Summer.‒Ilaperduconnaissance.Jecroisqu’ils’estcognélatêteentombant.‒Maisest-cequ’ilareçuuneballe?Summersanglote,touchesescheveux,luiprendlamain.‒Jack!Oh!Jack…‒Ilparaîtstable.Jenesaispas.Jenevoispasd’impactdeballe.Onvalemettresurunecivièreet
l’hélitreuillerdirectementversunhôpital.Oùestl’arme?‒Quellearme?demandeSummer.‒L’armequeJackautiliséepourtuerGeorg.‒Maiscen’estpasluiquiatuéGeorg,c’estPierre.‒Pierre?ditMiles,stupéfait.‒Oui,commeça,sanssommation.Jecroisquec’estpourçaqu’ilvoulaitmetuer,parcequej’avaisété
témoin.Jack se met à gémir et à bouger. Toute l’attention se porte sur lui. Andrei appelle le pilote pour
l’informer qu’il va repartir avec le blessé en plus, et les deux sœurs rejoignentSummer sur la plage.Elles lapressentdequestions,mais, tropchoquéeetpréoccupéeparJack, leursœurest incapabled’yrépondre.LorsqueMacarrive,franchissant leseuildesonpashabituel,maisappréhendant lasituationd’unseulregard,elleretrouvequelquepeusatête,maiselleesttropconcentréesurJackpourpenseràautrechose.Macvaaubalconetregardeautourdelui.‒Ondiraitquequelqu’unafaitunsuperbarbecueici!Ilaperçoitlesdeuxcorps,celuidePierresurlebalconetceluideGeorg,enbassurlesable.‒GrandDieu!Quellepagaille!Qu’est-cequiaprisàPierredefaireça?Ilsecouelatêteetfaitclaquersalangue,puisilsoupire.‒Bon,aumoins,nousavonsrécupéréSummer,etJacknedevraitpastarderàêtredanslesmainsdela
médecine.Çaseprésentebien.Personneneleregardeninefaitattentionàlui.Ilrépète:‒Oui,monsieur,çaseprésentetrèsbien.LepiloteramèneSummer,Flora,AndreietJackàLosAngeles.GrâceàAndreiquiatoutarrangé,ils
vont seposer sur le toitdumeilleurhôpitalprivéqu’ilaitpu trouver.Macappelle lapoliceetattendqu’ils arrivent pour leur exposer ce qui s’est passé. Miles aussi devra être présent pour expliquercommentilenestvenuàabattrePierre.‒MonsieurHammonddétestequ’onparledeluidanslesmédias,dit-ilàMac.Freyaestrecroquevilléesurlecanapépendantquelesdeuxhommes,deboutsurlebalcon,observent
lesdeuxcorpsd’unairgrave.‒Certes,répondMac,maisilfautqu’ilapprennequesonargentnelemetpasau-dessusdeslois.S’il
avaitcomprisçaplustôt,cecineseraitpeut-êtrepasarrivé.Milesluijetteunregardcurieux.‒Voussavezcequis’estpassé,Mac?PierrequiatirésurGeorg?‒ J’aimapetite idée, ditMacd’un air entendu. Je pense queGeorg a découvert un petit secret que
Pierrepréféraittaire.‒Quelsecret?ditMilesenhaussantlessourcils.‒Mmm…,mon intuitionmesoufflaitquelquechose,maisdisonsque j’aidécouvertquec’étaitvrai.
Pierre faisait des galipettes avec la petite amie de monsieur Hammond, Georg l’a découvert et a dûcommettre l’erreurdedire àPierrequ’il était aucourant. Je croisqu’iln’avaitpasconscienceàquelpointPierreétaitdéterminé,jusqu’àlafolie,àconserverlesfaveursdeHammond.‒Commentavez-vousdécouvertquec’étaitvrai?‒Quelquesmicroscachésdanslasuitedudernierétagepeuventrévélerbeaucoupdechoses,ditMac
ensouriant.Onatoujoursintérêtàbiensepréparer.‒Ah…,ceciexpliquecertaineschoses.Parexemple,commentEstellefaisaitpourinfiltrerlese-mails
privésdanslamaison,accéderauxdossierssecretsdelafamilleetensuitedivulguercequ’ellevoulaitàlapresse.Etcommentelledemandaitaupersonneldesécuritédefairelesbassesbesognes,commequandFloraaétéphotographiéeavecAndrei.Ilpartd’unpetitrire,puiss’arrête.‒ Ce n’est pas drôle. Pauvre Georg. Mais je me demandais comment Hammond s’y prenait pour
satisfaireunefemmecommeEstelle.Detouteévidence,iln’yparvientpas.Machochelentementlatêteetdit:‒Jevaispasserunpetitcoupdefildansunmoment.JenecroispasquemademoiselleEstellevafaire
devieuxosàl’hôtel.Milesluienvoieuneclaquedansledos.‒Çavavousrendretrèspopulairedanslecoin!‒Oh!jenecherchepaslesremerciements,répliquerapidementMac.Jesuisquelqu’undemodeste.Je
neveuxmêmepasqueçasesache;alors,j’apprécieraisquevousteniezvotrelangue.Jen’aimepaslavulgarité,etcettedameétaitlavulgaritéincarnée.Ons’enpassetrèsbien.Mileséclated’unrirefranc,cettefois.‒Voilàuneleçondebonnesmanièresqu’ellen’estpasprèsd’oublier.
Épilogue
Freyaal’impressionqu’ellepeutrespirerànouveau.L’airfraisetvifdel’Écosseluipiquelesnarinesetluiinsuffleuneénergienouvelle.‒ Contente d’être de retour ? lui demandeMiles, qui arrive derrière elle alors qu’elle se tient à la
fenêtredeleurcottageetquifourresonnezdanssoncou.‒Très!Ellesetourneverslui.‒J’ail’impressiond’avoirtraversélesflammes.‒Ettuenesressortie.Etn’oubliepaslaleçonsurleséléments:lefeuestpurificateur.Elleluisourit.‒Commentpourrais-jeoublier?J’ail’impressiond’avoirtoutrevécu:l’enlèvement,laperte,lechoc,
lapeur.‒Oui,maiscettefois,çasesoldeparunhappy-end:tasœurestenvie,lesGuidottiontleurfilsetles
dédommagementsquetonpèreleuraccorde.Etilvousamêmereprisestouteslestroisdanssongiron.FreyafroncelessourcilsetcouvrelesmainsdeJackaveclessiennes.‒Jesais.C’étaittellementbizarre.Jen’auraisjamaisimaginéqu’Estellesecontenteraitdeseleveret
des’enaller,commeça.Sanslamoindreexplication.Aprèstoutcequ’elleafait.‒C’estétrange,eneffet.Maistantmieux,non?‒Ohoui!Tantmieux…Jesuisheureusedevivreici.Peut-êtrequepapaviendranousrendrevisite,au
lieudenousdemanderd’allerlevoir.Çameplairaitbeaucoup.‒Jesuissûrqu’illefera,dit-ilenl’embrassant.Tuasl’airpluscalme,plusheureuse.‒Jelesuis.Ellesoupiredesatisfaction.‒Lavieestbellemaintenant.Ons’estdébarrassésdesfantômes.Jeveuxregarderversl’avant.Ellesetourne,etill’enlacedesesbraspuissants.‒Monavenirestavectoi.Illuicaresselevisageetdit:‒Jesais,iln’estpasquestionqu’ilensoitautrement.Depuisl’avionprivédesHammond,M.Hammondcontemplelacouverturedenuagesquis’étireàperte
devue.‒Commentvoussentez-vous?demandeJane-Elizabethd’unevoixtimide.Elle est assise dans le fauteuil en cuir, en face de lui, à lire un livre tout en gardant unœil sur son
patron.‒Bien,merci.Nousavonstraversédesmomentsbienétranges.‒Ohoui!Ilvanousfalloirunpeudetempspournousyaccoutumer.‒Mesfillessontdespersonnesbien,vousnetrouvezpas?dit-iltoutd’uncoup.‒Lesmeilleuresquisoient.Ellessontmerveilleuses,ditJean-Elizabethavecchaleur.Elleajoute:
‒Commeleurmère.Vouspouvezenêtrefier.Hammondacquiescedelatêteetregardeànouveauparlehublot.Puis,ildit:‒ J’ai été un imbécile, hein, Jane-Elizabeth ? Je les ai tous laissésme rouler.D’abord Pierre, puis
Estelle.Jeleuraifaitplusconfiancequ’àmesfilles,etvoilàoùçam’amené.Sijenel’avaispaslaisséemeconvaincredemeséparerdemesfilles,Summern’auraitjamaisétéendanger.Jenesaispascequim’apris.Ilfixelatable.Leremordsselitsursonvisage,etilsembleavoirprisplusieursannéesd’uncoup.‒J’auraisméritéqu’ellesneveuillentplusjamaismeparler.‒Ellesvousaiment.Vousêtesleurpère,etcelanechangerajamais.Ellesseronttoujourslàpourvous,
contreventsetmarées.‒Vousavezraison,dit-il,lesyeuxpleinsdelarmes.Commentai-jepunerienvoir?Ilajouted’untonvéhément:‒Jevaisleurreverserleurargentdepocheettoutcequejeleurdonnaisavant.Jane-Elizabethlèveimperceptiblementlessourcils.‒Vouspouvez…,maisjepensequ’ellesrefuseront.Touteslestrois.Sijecomprendsbien,ellesveulent
sedonner lachancede travailler.Summerm’aditqu’ellevoulait s’impliquerdans la fondation.Floraveutdeveniractriceprofessionnelle.FreyavaaiderMilesàimplantersonaffairedanslesHighlands.Jeneseraispassurprisequ’ilsdécidentd’yfonderunefamille.C’estsibeauetsipaisible.Hammondlafixe,toutsurpris,puisilditd’unevoixpresqueeffrayée:‒Est-cequejelesaiperdues?‒Non!Pasdutout.Vousleslaissezpartiretainsivousêtesassuréqu’ellesreviendront.Àconditionde
lesaimer.‒Vousavezraison:ilfautquejesoisunvraipère.Jenel’aipasétédepuisquelquetemps,mêmesije
croyaisfairedemonmieux.Ilréfléchitunmoment,sourcilsfroncés.‒Summerestvraimenttombéeamoureusedecetindividu?Desonravisseur?‒C’estcequ’ellem’adit,etjelacrois.Elleétaitdanstoussesétatsquandilaétéemmenéàl’hôpital.
D’aprèscequ’ellem’adit,ilsonttraversédeschosestrèsfortes,touslesdeux.‒Maiscen’estpaspossible!s’exclame-t-il.Ellenepeutpasvouloirêtreaveclui,après…,après…Elleluijetteunregardsévère.‒Écoutez:jecroyaisquevousaviezdécidédeneplusvousmêlerdelavieamoureusedevosfilles.
Laissez-lesfaireleurschoix.Enplus,noussavonstousquel’histoireestpluscompliquéequeça.Hammond prend un air contrit, se souvenant du rôle qu’il a lui-même joué dans les motifs de
l’enlèvement.‒Vousêtesquelqu’undesage,Jane-Elizabeth.Jecroisque j’apprendsmaleçon.N’hésitezpasàme
tirer l’oreillesi jamaisjel’oublie.Euh…,cette…Estelle,ellen’ajamaiseul’intentionderesteravecmoi?Paspourdebon?‒Jenesaispas.Peut-être.Jane-Elizabethrépondprudemment,maisilestclairqu’ellenel’auraitpasparié.‒ Bof, dit-il en haussant les épaules.Assez parlé d’elle. Elle est partie, bon vent. Ellem’a soutiré
suffisammentpourvivreconfortablement.Illuiadresseunfaiblesourire.‒Àprésent,iln’yaplusquevousetmoi.
‒Oui,répond-elle,sereine.Justenous.Etsionbuvaitunthé?Florasedétached’Andrei,lecorpsensueuretrepu.‒Oh!dit-elledansunsoupir.C’étaittellementbeau.‒Mmm…Andreiroulesurledosets’étire.‒C’estincroyable,j’aibeautefairel’amourtantetplus,cen’estjamaisassez.‒Quedemanderdeplus?Elleroulesurleventreetdéposedepetitsbaiserssursapoitrine.‒Jetiensàtediremerci.‒C’étaitunplaisir,dit-ilensouriantd’unaircanaille,l’œilbrillant.‒Non…,paspourça.MercideresteràL.A.tantqueSummerabesoindenous.‒Oh!çameva.Jepeuxtravaillerici.Jecherchemêmeàyfairequelquesinvestissements.Etj’adore
acquérirdenouveauxbiens.Ellerit.‒Iln’yaquetoiquisoiscapabledetrouverenàpeinequelquesjoursunappartementhautdegamme,
entièrementmeublé,danslemeilleurquartierdelaville.‒Moiettouslesgensquiontl’argent,répond-ilenpouffant.Çarendleschosesplusfaciles.‒Oui,maistucomprendsqu’ilmefautêtreavecSummerencemoment.Etc’esttrèsimportantquetule
comprennes.‒Jeseraitoujourslàoùtuseras,dit-ilsimplement.Nousavonstestélaséparationetnousavonstous
deuxdétesté.Alors,nousrestonsensemble,pointfinal.‒LavieselonAndrei,ditFloraenriant.Uneconceptiontoutesimple.Ellel’embrasseànouveau.‒Jet’adore.‒Etmoi,jetevénère.Saboucheseposesurlasienne,etilss’embrassent,prêtsàenflammerleurpassionunefoisdeplus.Je ne suis pas seule au chevet de Jack.Monica, samère, etAdriana sont souvent là.Nous veillons
toutestroisl’hommequenousaimons.Jackvaseremettre,disentlesmédecins.Ilaprisuneballedansl’épaule.Ellealaisséunpetittroulàoùelleestentréeet,làoùelleestressortie,uneénormeplaied’oùcoulaitbeaucoupdesangquis’infiltraitdanslesablequandnousl’avonsdéplacé.Parbonheur,ellen’atouchénilamoelleépinièreniaucunorganevital,maisilaperdubeaucoupdesang.Nousluiavonsfaitunbandageserrédansdesdrapsquenousavonsdéchirésavantdelechargeràborddel’hélicoptèrequil’aemmenédanscethôpitaloùilestsoigné.Enplusdelablessure,ilaunmauvaischocàlatête,làoùelleacognélesol.‒Paslesol,corrige-t-illorsquejediscela.J’aiheurtél’homme.‒Georg.‒Oui,Georg.Ildevaitêtrefaitdebriques.Jemesuisassomméentombantsurlui.‒Oulerocheràcôté?‒Peut-être.Çan’apasvraimentd’importance.Ilmesourit.MonicaetAdrianasontentraindedéjeuner.Jesuisseuleaveclui,mamaindanslasienne.‒Jeveuxsortird’ici,dit-ild’untonirrité.Jedeviensdinguedanscettepiaule.‒Ilfautd’abordquetuaillesmieux.Tuterendscomptedelachancequetuasd’êtrevivant?
C’estunJackdifférent.Ilestlemêmedanssesaspectsimportants,maisiln’apluscedésespoirlatentquej’avaisremarquélorsdenotrepremièrerencontre.Ilestplusbeauquejamais,mêmelatêtebandée.Ilvibred’énergie,malgrésablessure;ildéborded’enviedevivre.‒Jesavaisquejefaisaisuneconnerieenm’attaquantàPierre,dit-ilavecundemi-sourire.‒Ilafaillitetuer.‒Ilaessayédetetuer,toi!J’aivucethommesousdiversjours:briséetdésespéré,aussibienquecombatifetprotecteur.Jel’ai
vu en colère, froid, j’ai vu ses yeux brûlant de désir et son visage plein de tendresse et d’amour. Àprésent,ilestheureux,mêmeàl’hôpital,ettropfaiblepourmarcher.Jemeursd’enviequ’ilmeprennedanssesbrasetmemontrecombienilm’aime.Parfois,ilfaitsemblantderâleretilmetaquine:‒Jenekidnapperaiplusjamaispersonne,dit-ilalorsqu’ilouvreunœil,aprèsunpetitsomme,etqu’il
mevoitàsonchevet.Franchement,unseulpetitenlèvementetjen’arriveplusàmedébarrasserdetoi!‒Exactement,dis-jeenl’embrassant.Vousavezenlevélamauvaisepersonne,monsieur.Onnepeutpas
meprendreetmereposerselonsonhumeur.‒Ah!bonDieu,dit-il.Ilvafalloirquejetesupporte.Peu de temps après cette étrange nuit, une fois qu’Andrei eut fini de tout régler, y compris avec les
autorités,j’aipuvoirJimmyetCharlie.‒ Alors, c’était comment, ce rendez-vous ? m’a demandé Jimmy, hilare, en se précipitant pour
m’embrasser.Tut’esbienamusée?‒Super!Jenevoulaispasrentrer!Sousle tondelaplaisanterie, jepercevais l’émotiondanslafaçonqu’ilavaitdemeserreretdeme
regarderlesyeuxhumides.Charlieacarrément fonduen larmesquand ilm’avueets’estconfonduen interminablesexcuses,au
pointquej’aidûluiintimerl’ordred’arrêter.‒Maisjemesenstellementresponsable,geignait-il,jusqu’àcequejeluidisequec’étaitdupasséet
quejen’avaisaucunregret.‒Laseulechosequimefaitpeur,c’estdemedirequej’auraispunepasrencontrerJack,dis-je.Ilafiniparmecroire,s’estcalméetnousavonsparlédel’aventuresoustoussesanglesendégustant
desspritzersetdesfrites.Ilsétaientbonpublic,ilspoussaientdescrisauxmomentslesplustendusetilsfondaientpourlesplustendres.‒Tuasvraimentfaillimourirdansunincendie?acriéJimmyensecramponnantàsonfauteuil.Enplus
detoutlereste!MonDieu,tuattireslesdrames.‒Etdonc…,toietJack…Charlies’estpenché,lesyeuxembués.‒Ilétait…bon?Jesuisdevenuerougecommeunepivoine,puisj’airépondufranchement:‒Trèsbon.‒Çanem’étonnepas,a-t-ilmurmuréensoupirant.Jimmym’aalorsfixéeavecunregarddegrandfrèreprotecteur.‒J’espèrequetunedéveloppespasunesortedesyndromedeStockholm,a-t-ildit,presquesérieux.Il
aintérêtànetevouloirquedubien.‒C’estlecas,jelecroisvraiment.J’espèrequevousluidonnerezunechance.
‒Jecroisqueoui,adéclaréJimmyaprèsavoirréfléchiunmoment.Mêmesiçam’aredonnéconfianceenmonflair.Jesavaisqu’ilyavaitchezluiuntrucbizarre.‒Qu’est-cequetuvasfaire,maintenant,Summer?m’aalorsdemandéCharlie.‒ Je vais rester dans le coin, ai-je dit lentement. Flora aussi, pendant unmoment. Je vais louer une
maison,quelquechosedesimple,peut-êtreprèsdechezvous,lesmecs.Floravalepartageravecmoipendantunmoment.‒EtAndrei?ademandéCharlie,ouvrantgrandlesyeux.Çavapasêtrecoton!Tut’imaginespartager
lasalledebainavecunmilliardaire russeduràcuire?Tupourraspas teplaindres’ilmonopolise ladouche!‒Ouais,maisaumoinstuserasjamaisàcourtdevodka!arajoutéJimmy.‒Non, pas avecAndrei, ai-je dit en riant.Lui, il aura son propre appartement, et Flora ira y vivre
quandJacksortiradel’hôpital.Après,jememettraiàtravailler.‒Vraiment?Jimmyavaitl’airsatisfait.‒Alors,tuvaspeut-êtreresterquelquetemps?Quelboulottucomptesfaire?‒JevaisdéfiniretaccroîtremonrôledanslafondationHammond.Aiderlesjeunesdéfavorisés.Voir
peut-êtreducôtéduCentrecequejepeuxapporter.J’aisouriàCharlie.‒Histoiredechangerunpeuleschoses,sijelepeux.‒C’estsuper,aditJimmypendantqueCharlieapplaudissaitetpoussaitdescrisdejoie.Est-cequeça
veutdirequevotrepèrerétablitvosdroits,maintenantquelareinedesgarcesaquittélascène?‒J’imaginequec’estsonintention.Maisjenesuispassûrequecesoitcequenousvoulons.Pastoutde
suite,entoutcas.Ilnousfautfairenospreuves.Jimmyalevésonverre.‒Waouh!AuxsœursHammond!C’estgonflé,jereconnais.Etàtoi!EtaubeauJack.Peut-êtreque
quelquechosedebiensortiradecettehistoire.J’aisentilebonheurenflerenmoi,aupointdem’étouffer.‒Jel’espère,Jimmy,plusquetout.J’adorepasseravecJacklamoindreminutequejepeux.Audébut,c’étaitdélicatavecsamèreetsa
sœur. J’avais dumal à oublier lemal que nous avions causé à sa famille.Mais nous nous y sommesfaites,uniesquenousétionsdansnotreamourpourJack.Unjour,Monicam’ainterceptéedanslecouloiretm’adit,avecdeslarmesdanslesyeux:‒ Je voulais vous dire…C’est une bonne chose.Ça nous aide à panser nos blessures. Cela unit la
familledanslebonheur.Plusdetristesse.Jesaiscequ’elleveutdire:Jacketmoi,noussommesletriomphedel’amoursurlahaine.Lestrois
sœurssonttombéesamoureusesd’hommesquenotrepèreaeudesproblèmesàaccepter,cequimefaitm’interroger:quelsauraientétélescandidatsidéaux,sitantestqu’ilsexistent?MaisJackestceluiquiposeleplusdedéfis.Saprésencevarappeleràmonpèrecequis’estpasséilyalongtemps.J’espèrequ’ilpourraaussiyvoirlesbonscôtés.Lorsquenoussommesseulslesoir,danssachambred’hôpitalquidonnesurlavilleilluminée,Jackme
ditcombienjecomptepourluietcombienj’aichangésavie.‒Jet’attendais,maisjenelesavaispas.Jecroyaistehaïretc’estcequim’aattiréverstoi.Ilmeregardeintensément,etmonestomacenesttoutchavirédeplaisir.
‒Jet’attendaisaussi,dis-jeenserrantsamaintrèsfort.‒Jesuisàtoipourtoujours.Tuasmaparole.Etjet’aime.Je l’embrassedoucement, lentement,délicatement.C’estunhommedeparole, je lesais,monJacksi
beau,sibrave,sifidèle.
SadieMatthews
DésirsintensesUnefilleriche,capricieuse,quiprofited’uneexistencetropfacile:c’estainsiquetout lemondevoitFreyaHammond,l’héritièred’unepuissante familled’industriels.EtMiles,sonnouveaugardeducorps,n’obéitàsesordresqu’avecunméprisàpeinedissimulé.
PassionsintensesFloratentederéalisersonrêvededeveniractricetoutensuivantdesétudesàParis.Maisellenepeutpaséchapperàsonmilieusocialprivilégiéniàlaparanoïadesonpère,unhommetrèsfortunéobsédéparlasécuritédesesfilles.
Passion,désiret émot ion.
ISBN:978-2-8246-0734-4/978-2-8246-0785-6
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