Swiss Medical Forum 03/2015 · 12/02/2014 · pancréas bionique qui peut manifestement commander...
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SwissMedical Forum
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Organe officiel de la FMH pour la formation continue www.medicalforum.ch
Bollettino ufficiale per la formazione della FMH www.medicalforum.ch
With extended abstracts from “Swiss Medical Weekly”
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39–72 Highlights 2014 troisième partie
FMS – SMF Forum Médical Suisse – Schweizerisches Medizin-Forum
Highlights 2014
D. Spoerl, Y. D. Muller, T. Harr, J. D. Seebach
39 Allergologie et immunologie: Le rôle de l’épigénétique dans l’asthme
P. A. Gerber, G. A. Spinas
41 Endocrinologie et diabétologie: Aux portes du pancréas artificiel Qu’est donc ce pancréas bionique qui peut manifestement commander avec une telle excellence la régulation glycémique?
S. Reisch, Petra Scherbarth-Roschmann, Marianne Strobel
44 Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent: Parent–Child Interaction Therapy
H. U. Bucher, R. E. Pfister
46 Néonatologie: Recherche: un chemin de plus en plus escarpé et cahoteux
T. Winder, B. C. Pestalozzi
49 Oncologie: Evolution fulgurante dans le traitement du cancer colorectal L’évolution fulgurante (RASant en allemand) en vue d’un traitement individualisé du cancer colorectal (CCR) est basée sur l’identification de mutations génétiques qui entraînent une stimulation effrénée de la croissance: on parle de mutations oncogéniques.
A. Franceschetti
52 Ophtalmologie: Mise au point sur les lentilles de contact en 2014 Les infections oculaires sont la hantise de nos confrères ophtalmologues. Il faut cependant relativiser. Les complications suite au port de lentilles sont très rares.
G. Cunningham, A. Lädermann, S. Haller, P. Hoffmeyer
55 Orthopédie: L’appréhension dans l’instabilité gléno-humérale L’appréhension, signe clinique défini par une peur de luxation imminente lorsque le bras est porté en abduction et rotation externe, est la plainte la plus fréquemment rapportée par les patients victimes de luxation antéro-inférieure.
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SOMMAIRE 37
Rédaction
Pr Nicolas Rodondi, Berne (Rédacteur en chef); Dr Nadja Pecinska, Bâle (Managing editor); Pr Martin Krause, Münsterlingen; Pr Klaus Neftel, Berne; Pr Rolf A. Streuli, Langenthal; Pr Antoine de Torrenté, La Chaux-de-Fonds
Rédacteurs conseil
Pr Reto Krapf, Lucerne; Pr Ludwig T. Heuss, Zollikerberg; Dr Pierre Périat, Bâle
Membres-adjoints à la rédaction
Dr Sebastian Carballo, Genève; Dr Daniel Franzen, Zurich; Dr Francine Glassey Perrenoud, La Chaux-de-Fonds; Dr Markus Gnädinger, Steinach; Dr Matteo Monti, Lausanne
R. Tabin, D. l’Allemand-Jander, N. J. Farpour Lambert
58 Pédiatrie: Prise en charge en réseau des enfants en surpoids et obèses Depuis le 1.1.2014, de nouveaux traitements individuels multidisciplinaires sont possibles pour les pédiatres et pour les médecins internistes-généralistes, permettant une prise en charge d’un nombre beaucoup plus important d’enfants et d’adolescents en surpoids avec complications et obèses.
C. F. Samer
60 Pharmacologie: En route vers la médecine personnalisée
S. Garlepp
63 Médecine physique et réadaptation: Les nouveaux défis de la réadaptation Outre la médecine aiguë, les soins de longue durée et les soins de médecine de premier recours, la réadaptation est l’un des principaux facteurs qui, dans leur collaboration, participent de manière décisive à une qualité élevée de la prise en charge médicale.
R. Wettstein, Y. Harder, I. Fulco, B. Ling, D. Erni, D. J. Schaefer, M. Haug
65 Chirurgie plastique, reconstructive et esthétique: Cancer du sein: le rôle de la chirurgie onco-plastique Particulièrement dans le cas du cancer du sein, qui représente le symbole de l’intégrité physique de la femme et de sa féminité, la chirurgie plastique reconstructive joue un rôle essentiel, notamment en raison des attentes grandissantes en matière esthétique.
T. Geiser, M. Funke
68 Pneumologie: Fibrose pulmonaire idiopathique – une lumière à l’horizon! La fibrose pulmonaire idiopathique est une maladie pulmonaire chronique associée à un pronostic mauvais. Les approches thérapeutiques médicamenteuses ont jusqu’ici fait défaut. Deux nouvelles substances antifibrotiques permettent désormais d’in fluencer positivement l’évolution de la maladie.
L. Henning
70 Médecine tropicale et des voyages: Ebola en Afrique de l’Ouest: rétro spective 2014 et perspective 2015
Extended abstracts from SMW
New articles from the online journal “Swiss Medical Weekly” are presented after page 72.
SOMMAIRE 38
ImpressumSwiss Medical Forum – Forum Médical SuisseOrgane officiel de formation continue de la Fédération des médecins suisses FMH et de la Société Suisse de Méde-cine Interne
Adresse de la rédaction: Ruth Schindler, Assistante de la rédaction FMS, EMH Editions Médicales Suisses SA, Farnsburgerstrasse 8, 4132 Muttenz, tél. +41 (0)61 467 85 55, fax +41 (0)61 467 85 56, [email protected], www.medicalforum.ch
Soumission en ligne des manuscrits: http://www.edmgr.com/smf
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ISSN: version imprimée: 1424-3784 / version en ligne: 1424-4020Paraît le mercredi
© EMH Editions Médicales Suisses SA (EMH), 2015. Le Forum Médical Suisse est une publication «open-acess» de EMH. Sur la base de la licence Creative Commons «Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International», EMH accorde à tous les utilisateurs le droit, illimité dans le temps, de reproduire, distribuer et communiquer cette créa-tion au public, selon les conditions suivantes: (1) Citer le nom de l’auteur; (2) ne pas utiliser cette création à des fins commerciales; (3) ne pas modifier, transformer ou adapter cette création. L’utilisation à des fins commerciales peut être possible uniquement après
obtention explicite de l’autorisation de EMH et sur la base d’un accord écrit.
Note: Toutes les données publiées dans ce journal ont été vérifiées avec le plus grand soin. Les publications signées du nom des auteurs reflètent tout l’opinion de ces derniers, pas forcé-ment celle de la rédaction du FMS. Les doses, indications et formes d’application mentionnées doivent en tous les cas être comparées aux notices des médicaments utilisés, en particulier pour les médicaments récemment autorisés.
Production: Schwabe AG, Muttenz, www.schwabe.ch
Photo de couverture: © Suljo | Dreamstime.com
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(3):39–40
HIGHLIGHTS 2014 39
Allergologie et immunologie
Le rôle de l’épigénétique dans l’asthmeDavid Spoerl, Yannick D. Muller, Thomas Harr, Jörg D. Seebach
Depuis ces dernières années, il existe un intérêt croissant au sein de la communauté scientifique concernant les phénomènes de l’épigénétique. L’épigénétique se définit par l’ensemble des mécanismes moléculaires qui régulent l’expression des gènes sans altération de la séquence des nucléotides au niveau de l’ADN. Ces processus moléculaires peuvent être directement influencés par l’environnement et notre histoire individuelle et sont potentiellement transmissibles d’une génération à l’autre. Actuellement, les principaux mécanismes décrits responsables de phénomènes épigénétiques sont 1. la méthylation de l’ADN, 2. la modification des histones ainsi que 3. la régulation de la transcription des gènes par
des microARN [1].
La méthylation de l’ADN consiste en l’adjonction d’un groupement méthyle sur le promoteur des paires de base CG de l’ADN, ce qui régule la transcription du gène. Les histones sont des protéines qui permettent de compacter l’ADN. Certains facteurs épigénétiques modifient la structure des histones et permettent ainsi de libérer des gènes d’ADN qui peuvent être alors transcrites en ARN messager. Finalement, les microARN (contrairement au ARN messager ou ribosomique) sont des ARN très courts (en moyenne 22 nucléotides) qui s’apparient à une séquence complé mentaire de l’ARN messager. Ils peuvent ainsi réguler la traduction de l’ARN messager ou alternativement mener à la dégradation de ce dernier [2].L’épigénétique joue probablement un rôle très important dans de nombreux domaines. La pathogenèse de certaines maladies métaboliques comme le diabète ou l’obésité est associée à des phénomènes épigénétiques qui sont en lien avec notre alimentation. L’oncologie est un large domaine où les mécanismes décrits précédemment sont impliqués dans la genèse de cellules tumorale. Les maladies autoimmunes ne font pas d’exceptions. En effet, notre système immunitaire doit constamment s’adapter aux différents stimuli environnementaux et est donc sujet à des phénomènes épigénétiques. Le nombre croissant de
publications dans ce domaine démontre l’intérêt de la communauté scientifique à mieux comprendre la relation entre le système immun et les effets de l’environnement au travers de phénomènes épigénétiques (fig. 1). En effet, l’étude des phénomènes épigénétiques semble expliquer une partie des différentes présentations phénotypiques d’une même maladie (fig. 2). Concernant l’asthme, nous avons un nombre croissant d’éléments qui soutiennent une causalité entre l’exposition à des facteurs de stress au niveau individuel ou communautaire et la morbidité liée à l’asthme. Une étude récente a pu montrer que l’exposition à la violence parmi certains groupes ethniques défavorisés est associée avec une méthylation au sein d’un promoteur (ADCYAP1R1), qui est corrélée à la présence d’un asthme chez cette même population [3]. Les données en littérature nous indiquent que la relation entre le stress et l’asthme est complexe (facteurs génétiques, hormonales, immunitaires ou du système nerveux) et partiellement modifiée par l’exposition à différentes substances [4]. Il a par exemple été montré récemment que l’exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (présents dans l’air pollué par le trafic routier) influence le degré de méthylation du gène ACLS3, ce qui est corrélé au dé
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veloppement de l’asthme [5]. D’autres études récentes semblent montrer que la méthylation est influencée par des facteurs environnementaux tel que l’exposition prénatale à la fumée ou l’hygiène, reconnus comme des facteurs de risque pour le déve loppement d’une atopie [6]. Egalement, il a été montré que des altérations au niveau des microARN sont associées à l’hyperréactivité bronchique chez les asthmatiques. Le profil d’expression de certains microARN retrouvé
dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire est corrélé au volume expiratoire maximal par seconde (VEMS, FEV1), et est significativement différent (p = 0,000014) comparé à des patients non asthmatiques [7]. Ces microARN régulent les voies de signalisation responsables de l’inflammation (via MAPK et JAKSTAT), et l’expression de cytokines (IL6, IL8, IL10, IL13) directement impliqué dans la pathogenèse de l’asthme [7]. Dans la même étude, l’exposition à l’air d’une «subway station» semblait aussi modifier l’expression de certains microARN impliqué dans la pathogenèse de l’asthme. Ces résultats suggèrent donc qu’il existe un lien entre l’environnement et la dérégulation de l’inflammation chez les patients asthmatiques [7].Il est néanmoins important de relever que la plupart des études montrent pour le moment des associations entre les phénomènes épigénétiques et la ma ladie sans pouvoir en prouver la causalité [8]. La recherche des mécanismes épigénétiques est un premier pas vers la compréhension moléculaire des influences de l’environnement sur le développement des maladies du système immunitaire. Finalement, des approches thérapeutiques au niveau épigénétique sont en cours de développement. En particulier, la génération de microARN impliqués dans la régulation de l’inflammation pourrait permettre d’offrir de nouveaux traitements dans un avenir proche [9].
Conflits d’intérêtsLes auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Références1 Martino D, Kesper DA, Amarasekera M, et al. Epigenetics in
immune development and in allergic and autoimmune diseases. J Reprod Immunol 2014; 104–105: 43–8.
2 Ambros V. microRNAs: tiny regulators with great potential. Cell 2001; 107: 823–6.
3 Chen W, Boutaoui N, Brehm JM, et al. ADCYAP1R1 and asthma in Puerto Rican children. Am J Respir Crit Care Med 2013; 187: 584–8.
4 Rosenberg SL, Miller GE, Brehm JM, et al. Stress and asthma: Novel insights on genetic, epigenetic and immunologic mechanisms. J Allergy Clin Immunol 2014.
5 Perera F, Tang WY, Herbstman J, et al. Relation of DNA methylation of 5’CpG island of ACSL3 to transplacental exposure to airborne polycyclic aromatic hydrocarbons and childhood asthma. PLoS One 2009; 4: e4488.
6 Kabesch M. Epigenetics in asthma and allergy. Curr Opin Allergy Clin Immunol 2014; 14: 62–8.
7 Levanen B, Bhakta NR, Torregrosa Paredes P, et al. Altered microRNA profiles in bronchoalveolar lavage fluid exosomes in asthmatic patients. J Allergy Clin Immunol 2013; 131: 894–903.
8 Begin P, Nadeau KC. Epigenetic regulation of asthma and allergic disease. Allergy Asthma Clin Immunol 2014; 10: 27.
9 Rebane A, Akdis CA. MicroRNAs: Essential players in the regulation of inflammation. J Allergy Clin Immunol 2013; 132: 15–26.
Correspondance: Dr David Spoerl HUG Immunologie Rue GabriellePerretGentil 4 CH1211 Genève David.Spoerl[at]hcuge.ch
Figure 1: Augmentation du nombre de publications dans les domaines de l’épigénétique
en général, de l’épigénétique en cas de maladies allergiques et d’asthme depuis 2005.
Génotype Modificationépigénétique
Phénotype
• Méthylation du ADN• Modification au niveaudes histones
• Effets des miRNA
Figure 2: L’épigénétique module l’expression du génotype et influence le phénotype.
HIGHLIGHTS 2014 41
Endocrinologie et diabétologie
Aux portes du pancréas artificielPhilipp A. Gerber, Giatgen A. Spinas
UniversitätsSpital Zürich, Klinik für Endokrinologie, Diabetologie und klinische Ernährung
En endocrinologie, afin de décrire les cycles de régula-tion physiologique, des modèles rudimentaires sont traditionnellement employés, tels que les utilisent par exemple les ingénieurs pour construire des ma-chines simples qui doivent maintenir constamment une certaine «grandeur». Dans le cas de la glycémie, les îlots de Langerhans du pancréas agissent comme un régulateur qui combat en permanence les éventuels écarts par rapport à la glycémie de consigne en sécré-tant de l’insuline et du glucagon. L’idée de pouvoir compenser le diabète sucré de type 1 au moyen d’un cycle de régulation automatisé a été concrétisée il y a 40 ans avec le développement du «Biostator» [1]. Toute-fois, durant les dernières décennies, il s’est avéré que de tels systèmes automatiques étaient certes faciles à construire en théorie, mais que la mise en application technique au quotidien clinique s’accompagnait de difficultés considérables.Jusqu’à présent, les réactions décisives du cycle de régulation doivent encore être déclenchées par le patient lui-même. C’est par exemple le cas de la mesure de la «grandeur réglée» de la glycémie, ainsi que de l’administration correcte d’insuline ou la prise de glucides lorsque la glycémie ne correspond plus à la valeur de consigne. De même, lorsqu’un écart est anti-cipé, notamment avant un repas ou une activité phy-sique prévue, le patient doit agir en conséquence. Déjà largement utilisée, la pompe à insuline n’a ap-porté aucun changement considérable à cette situation: certes, elle administre de l’insuline, mais elle reste contrôlée par le patient. Des mesures répétées, ainsi que la prise de bolus d’insuline ou l’adaptation du débit basal, sont nécessaires. Même les détecteurs de glu-cose, de plus en plus souvent utilisés, principalement en association avec la pompe, ne déchargent le patient que partiellement de cette tâche. En affichant à chaque fois les valeurs glycémiques mesurées à in-tervalles brefs, les détecteurs fournissent certes une indication utile concernant leur évolution, toutefois les réactions nécessaires continuent d’être mises en œuvre par le patient.
Le pancréas bionique
Le quotidien des patients ayant participé à l’étude rela-tive au «pancréas bionique» publiée cette année est
tout autre [2]. Outre les informations concernant les variations de taille de leurs repas par rapport à d’habi-tude et les mesures deux fois par jour de la glycémie en vue d’une calibration automatique, les patients étaient dispensés des contrôles de leur diabète. Ils pouvaient librement prendre leurs repas et pratiquer des activités sportives. La totalité du traitement était prise en charge par le pancréas bionique. En plus du faible effort thérapeutique, les patients présentaient de meilleures valeurs glycémiques et moins d’hypo-glycémies que les patients effectuant leur traitement au moyen d’une pompe à insuline traditionnelle.Qu’est donc ce pancréas bionique qui peut manifeste-ment commander avec une telle excellence la régula-tion glycémique? Il est constitué de trois composants qui forment, avec le tissu sous-cutané abdominal où la glycémie est mesurée et les hormones administrées, le cycle de régulation:– Deux pompes: L’une administre de l’insuline à un
débit basal continu, sous forme de bolus pendant les repas, ainsi que pour corriger une hausse de la glycémie. L’autre administre des bolus de glucagon, au cas où la glycémie descend en-dessous d’une certaine limite (généralement 3,6 mM);
– un détecteur de glucose mesurant en continu, tel qu’il est déjà disponible dans le commerce;Philipp A. Gerber
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– un iPhone qui prend en charge la «commande» ef-fective, c’est-à-dire l’évaluation des valeurs glycé-miques mesurées ainsi que le calcul et le contrôle de l’administration d’hormones qui en résultent (fig.1).
Qu’est-ce qui a permis cette avancée? Ces dernières années, le développement de pompes à insuline et de systèmes de mesure en continu a certainement constitué une étape décisive permettant la conception de ce système en boucle fermée. Par ailleurs, la tech-nique informatique actuellement réalisable en minia-ture a également permis d’intégrer le système de commande dans un appareil quotidien portatif. En outre, il ne faut pas sous-estimer l’esprit du temps soutenu par les technologies de smartphones, qui laisse paraître simplement logique le fait d’intégrer, en plus de téléphone, agenda, lecteur de musique, horloge, et autres, un système d’administration d’insu-
line dans l’arsenal des outils électroniques connectés, que tout un chacun porte aujourd’hui sur soi.
L’aspect de sécurité retient encore le pancréas bionique à l’état d’étude
Pourquoi «l’iPancréas» n’est-il toujours pas sur le mar-ché malgré un développement technologique pra-tiquement achevé? L’un des principaux obstacles du passage désormais imminent de l’environnement d’études vers le quotidien clinique est l’aspect de sécu-rité. L’hypoglycémie, l’hyperglycémie et l’acidocétose sont des états dangereux et potentiellement mortels qui peuvent survenir en cas de dysfonctionnement de l’appareil. Dans l’étude décrite, l’espace de mouve-ment des patients était réduit à une surface de 8 km2 à Boston et les patients étaient constamment accom-pagnés par un personnel d’étude. La nuit, les patients séjournaient dans un hôtel, des mesures régulières de la glycémie étaient réalisées en plus de la présence du détecteur. Pour que le pancréas bionique puisse être également utilisé en dehors de telles mesures de sécurité, il convient de réduire à un minimum absolu les éventuels dysfonctionnements du système et d’in-tégrer un dispositif d’avertissement suffisant pour prévenir à temps les patients en cas de problème. Lorsqu’un système automatique est chargé de la posi-tion clé décisive dans le cycle de régulation, c’est-à-dire l’interprétation des valeurs glycémiques et l’adminis-tration correspondante d’insuline (ou de glucagon), le patient s’éloigne subitement du traitement, avec tous les avantages et les inconvénients que cela entraîne. L’avantage considérable que constitue le fait de ne pas avoir à se soucier, au moins toutes les deux heures, de sa glycémie, de la quantité de glucides in-gérée ou des corrections glycémiques nécessaires, peut vite se transformer en inconvénient en cas de dysfonctionnement ou de défaillance du système, nécessitant alors l’intervention rapide et expérimen-tée du patient.Malgré cela, l’automatisation de l’insulinothérapie en cas de diabète de type 1 deviendra bel et bien réalité dans quelques années. Nous rencontrons aujourd’hui déjà certains éléments de l’automatisation avec l’asso-ciation de la mesure glycémique continue (Continuous Glucose Monitoring System, CGMS) et de l’insulino-thérapie par pompe. Ainsi, il existe par exemple l’inter-ruption automatique du débit basal d’insuline en cas de forte chute de la glycémie, afin de pouvoir éviter les hypoglycémies. Cette association entre CGMS et insulinothérapie par pompe a déjà pu apporter la preuve de sa supériorité par rapport au traitement conventionnel (essai STAR [3]).
Figure 1: Le pancréas bionique.
Un iPhone communique avec le système continu de mesure glycémique ainsi qu’avec
les deux pompes à hormones (insuline, glucagon). Figure reproduite avec l’aimable
autorisation de la Boston University Bionic Pancreas Team.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(3):41–43
HIGHLIGHTS 2014 43
Correspondance: Dr Philipp A. Gerber Klinik für Endokrinologie, Diabetologie und klinische Ernährung UniversitätsSpital Zürich Rämistrasse 100 CH-8091 Zürich philipp.gerber[at]usz.ch
«We want to go bionic in 2017» est la devise de la Bionic Pancreas Team de Boston [4], qui a mené l’étude en question sur le pancréas bionique. Il s’agit peut-être d’une estimation très optimiste, mais l’introduction du pancréas artificiel ne se fera plus attendre très longtemps.
Conflits d’intérêtsG. A Spinas a reçu des honoraires de consultation dans le cadre des Conseils consultatifs de la société Medtronic AG.
Références1 Clemens AH, Chang PH, Myers RW. The development of Biostator, a
Glucose Controlled Insulin Infusion System (GCIIS). Hormone and metabolic research. 1977;Suppl 7:23–33. PubMed PMID: 873440.
2 Russell SJ, El-Khatib FH, Sinha M, Magyar KL, McKeon K, Goergen LG, et al. Outpatient glycemic control with a bionic pancreas in type 1 diabetes. The New England journal of medicine. 2014 Jul 24;371(4): 313–25. PubMed PMID: 24931572. Pubmed Central PMCID: 4183762.
3 Bergenstal RM, Tamborlane WV, Ahmann A, Buse JB, Dailey G, Davis SN, et al. Effectiveness of sensor-augmented insulin-pump therapy in type 1 diabetes. The New England journal of medicine. 2010 Jul 22;363(4):311–20. PubMed PMID: 20587585.
4 Bionic-Pancreas-Team. Website «Bionic Pancreas» [2.11.2014]. Available from: http://sites.bu.edu/bionicpancreas/.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(3):41–43
HIGHLIGHTS 2014 44
Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
Parent–Child Interaction TherapySilvia Reisch, Petra Scherbarth-Roschmann, Marianne Strobel
Kinder- und Jugendpsychiatrischer Dienst Thurgau, Bereich «Frühe Kindheit»
Introduction
La «Parent–Child Interaction Therapy» (PCIT) est une offre thérapeutique du canton de Thurgovie, destinée aux enfants entre trois et six ans, présentant des troubles du comportement social avec attitude oppositionnelle et rebelle.
A l’âge de la petite enfance et à l’âge préscolaire, les comportements oppositionnels constituent des problèmes typiques pour les familles. Dans le cadre du développement de leur autonomie, les enfants de cet âge tentent de défier les parents et autres éducateurs en dépassant les limites fixées. Cela est d’une importance cruciale pour la future gestion de la vie quotidienne et l’acquisition de l’indépendance individuelle. Pendant cette période, les enfants doivent cependant aussi apprendre à reconnaître les parents et éducateurs comme personnes d’autorité. Dans le contexte de cette phase de développement, certaines anomalies comportementales peuvent nécessiter une thérapie. Selon la classification CIM, il est possible d’établir un diagnostic de trouble du com-portement social avec attitude oppositionnelle et rebelle chez 2,5 à 3% des enfants. Les enfants présentant un tel diagnostic bénéficient d’une thérapie précoce. Plus celleci est initiée tôt, meilleur est le pronostic à long terme.
Parent–Child Interaction Therapy (PCIT)
La PCIT est un programme de thérapie comportementale ambulant, évalué au niveau international, destiné aux enfants à l’âge préscolaire présentant des troubles du comportement social, et qui s’appuie sur l’interaction parentsenfant. Ce programme se base sur des théories didactiques déjà évaluées et sur la théorie de l’attachement, et a été développé aux EtatsUnis par le professeur Sheila Eyberg durant les 30 dernières années. Son efficacité pour cette tranche d’âge et ce trouble a été scientifiquement prouvée dans plusieurs études [2, 3]. En Allemagne, le docteur Wolfgang Briegel a établi le programme à partir de 2010. En Suisse, nous proposons la PCIT pour les enfants entre trois et six ans dans le domaine «Petite enfance» du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SPEA) de Münsterlingen depuis l’automne 2013, et au SPEA de Frauenfeld depuis l’hiver 2014. Le programme sert au traitement d’enfants présentant les anomalies comportementales persistantes suivantes:– Obstination prononcée– Agressivité (mord, frappe, donne des coups de
pieds, détruit des objets)– Provocation, désobéissance
Vignette clinique
Agé de quatre ans, Léon n’avait pas un comportement de jeu
adéquat et ne pouvait guère s’occuper seul. Il disposait d’un
pouvoir de concentration limitée, d’une faible tolérance à la
frustration, ainsi que d’une distractibilité facile. Léon pleurni-
chait et réagissait de manière fortement agressive lorsqu’il
n’obtenait pas quelque chose, détruisait les objets ou se tapait
la tête contre le sol. Il attaquait et mordait les parents. Il ne res-
pectait pas les règles et n’obéissait pas. Ses parents étaient
épuisés et impuissants.
A la garderie, son comportement social était très frappant. Il
n’était pas intégré dans le groupe, jouait seul et présentait un
grand besoin de contrôle. Il retirait les jouets des mains des
autres enfants. Il lui arrivait de blesser les autres enfants, à tel
point que la directrice du groupe de jeu expliqua que Léon ne
pourrait pas rester plus longtemps à la garderie si les symp-
tômes persistaient.
Diagnostic: Trouble du comportement social avec attitude op-
positionnelle et rebelle.
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Silvia Reisch
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(3):44–45
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– Nonacceptation des limites– Conflits avec les autres (par ex. frères et sœurs,
pare nts, enfants du même âge)– Fortes crises de colère– Agitation physique– Comportement impulsif– Difficultés de concentration– Mise en danger de sa propre personne.Les parents vivent souvent le quotidien avec l’enfant comme très épuisant et accablant, puisque de nombreux conflits surviennent autour de l’enfant. Secondairement, cette situation familiale entrave aussi la relation avec l’enfant. Souvent, un net retournement de la hiérarchie du système familial se développe. La PCIT s’adresse précisément aux parents qui souhaitent acquérir de nouvelles stratégies d’approche de ces comportements de leur enfant et améliorer ainsi leur relation avec ce dernier.
Deux phases thérapeutiques
La PCIT est un entraînement actif de compétences, mené à partir du diagnostic.Elle s’organise en deux phases thérapeutiques:Durant la première phase thérapeutique (entraînement par le jeu), les parents apprennent à utiliser des techniques et stratégies de thérapie par le jeu lorsqu’ils jouent avec leur enfant. L’objectif de cette phase est d’établir une relation parentsenfant positive et de permettre ainsi à l’atmosphère familiale de se détendre considérablement. Ensuite seulement peut débuter la deuxième phase thérapeutique (entraînement à l’éducation), durant laquelle les parents acquièrent la faculté de donner de manière efficace des consignes claires à leurs enfants. Ainsi, les enfants apprennent à mieux suivre les consignes des parents.
Particularités de l’organisation de la PCIT
LocauxSalle de thérapie par le jeu avec vitre sans tain, équipement de livecoaching, ainsi que salle de temps mort spécialement aménagée, sélection de matériel de jeu.
Live-coachingCoaching des parents par les thérapeutes via un écouteur placé dans l’oreille pendant qu’ils jouent avec l’enfant en utilisant des stratégies éducationnelles.
FréquenceTrès régulière, rendezvous hebdomadaires, devoirs à la maison quotidiens.
EvaluationL’évolution de la thérapie est contrôlée à chaque session au moyen d’un système spécial de codification et d’un questionnaire rempli par les parents, portant sur le comportement de l’enfant (Eyberg Child Behavior Inventory, ECBI). Les expériences faites jusqu’à présent montrent que les parents apprécient beaucoup ce livecoaching et qu’ils apprennent très rapidement à appliquer au quotidien les compétences spéciales acquises pendant la thérapie.
Conflits d’intérêtsLes auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article.
Références1 Schimek M., Walter, T., Bussing R., Briegel W. ParentChild
Interaction Therapy und multiple familiare Belastungen: Ein Fallbericht. Verhaltenstherapie 2014 Vol: 24(1): 40–46
2 Herschell A., Calzada E., Eyberg S., McNeil C. ParentChild Interaction Therapy: New Directions in Reserach. Cognitive and Behavioral Practice 2002 Vol: 9, 9–16
3 PhDa Eyberg S. , Funderburkb B., HembreeKiginc T., Mc Neil C., Queridoe J. & Korey K. ParentChild Interaction Therapy with Behavior Problem Children: One and Two Year Maintenance of Treatment Effects in the Family. Child & Familiy Behavior Therapy 2001, Vol: 23, 1–20
4 Eyberg S.M., Boggs S., & Algina J. Parentchild interaction therapy: A psychosocial model for the treatment of young children with conduct problem behavior and their families. Psychopharmacology Bulletin 1995, 31, 83–91.
5 Eyberg S., Robinson E. ParentChild Interaction Training: Effects on Familiy Functioning. Journal of Clinical Psychology. 1982, Vol: 11, No. 2, 130–177
Vignette clinique
Les parents et Léon ont pu achever avec succès le programme
thérapeutique. Très impressionnante au début, la symptoma-
tique de Léon avait presque disparu. Les crises de colère de
Léon avaient considérablement diminué. De même, son agres-
sion envers les autres n’était plus aussi importante qu’avant.
Aucun incident au cours duquel Léon a mordu ou frappé ses
parents ou encore détruit des objets n’avait plus été observé.
La relation entre Léon et ses parents s’était nettement déten-
due, de telle manière qu’ils pouvaient à nouveau volontiers
faire des choses ensemble. Léon a réussi à entrer au jardin
d’enfants sans difficultés. Il était intégré, jouait avec plus de
persévérance, était capable de respecter les consignes
et règles et faisait preuve de respect à l’égard des adultes. De
même, selon le retour d’autres professionnels en charge, le
comportement social de Léon s’était nettement amélioré.
Correspondance: Dr Silvia Reisch Kinder und Jugendpsychiatrischer Dienst Postfach 154 CH8596 Münsterlingen silvia.reischfritz[at]stgag.ch
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Néonatologie
Recherche: un chemin de plus en plus escarpé et cahoteux Hans Ulrich Buchera, Riccardo E. Pfisterb
a Klinik für Neonatologie, UniversitätsSpital Zürich; b Unité de Néonatologie, Hôpitaux Universitaires de Genève
Une activité de recherche compliquée devant un besoin élevé
De manière générale, la recherche médicale a amé-lioré les chances de survie et augmenté la qualité de vie. Etant donné que les nouveau-nés nécessitent une protection particulière du fait de leur vulnérabilité, un débat est en cours pour savoir si la recherche sur ces derniers devrait être autorisée. Dans l’article constitutionnel 118b relatif à la recherche sur l’être humain, plébiscité le 7 mars 2010 à 77% par le peuple et entré en vigueur le 8 mars 2010, l’alinéa 2c stipule que: «lorsque le projet de recherche ne permet pas d’escompter un bénéfice direct pour les per - sonnes in capables de discernement, les risques et les contrain tes doivent être minimaux.» Cela signifie qu’en Suisse, la recherche sur le nouveau-né est certes autorisée, mais fortement limitée. Prenons l’exemple de la recherche pharmaceutique. Sur le plan pharmacologique, les nouveau-nés se comportent différemment des enfants et adultes. Néanmoins, de nombreux médicaments qui ont été développés pour les adultes et n’ont pas obtenu d’au-torisation pour le nouveau-né sont actuellement utilisés. Pour des sujets de cet âge, la pharmacociné-tique de ces médicaments n’est pas connue et leur ef-ficacité reste non prouvée. Des études pharmacolo-giques cliniques sont donc grandement nécessaires. Toutefois, leur nombre est insuffisant, car elles ne sont pas rentables, du moins financièrement. Les nouveau-nés ont besoin de faibles quantités de subs-tances et offrent, par rapport aux adultes, un marché réduit. En outre, pour démontrer l’efficacité et ex-clure les effets indésirables, une période d’observa-tion beaucoup plus longue est nécessaire, allant idéa-lement jusqu’à l’âge scolaire.Le passé compte de nombreux exemples illustrant comment l’introduction non contrôlée d’un nouveau traitement a causé des dommages irréversibles chez d’innombrables nouveau-nés. Ainsi, une oxygéno-thérapie libérale pratiquée auprès de centaines de prématurés a entraîné la cécité en raison d’une réti-
nopathie [1]. De nombreux médicaments (éprouvés chez les adultes) ont été, avec de bonnes intentions, utilisés chez des nouveau-nés sans avoir été testés et ont fait de nombreuses victimes avant qu’un rapport avec des effets secondaires mortels n’ait été établi. Les plus connues de ces complications iatrogènes sont le «grey baby syndrome» dû au chloramphéni-col, l’ictère nucléaire dû aux sulfamidés, une acidose métabolique et une toxicité hépatique dues à l’alcool benzylique et la myélinopathie spongiforme du tronc cérébral due à l’hexachlorophène [2]. Nous avons donc dans le monde entier, mais spéciale-ment en Suisse, des obstacles de taille à la recherche sur le nouveau-né d’un côté et de l’autre un besoin élevé. Cet écart s’est accru durant les dernières an-nées, malgré les mesures de promotion telles que la Orphan Drug Regulation. Depuis le 1er janvier 2014, la nouvelle Loi relative à la recherche sur l’être hu-main devait en fait encourager la recherche sur l’être humain en créant pour cela des conditions-cadres favo rables. En raison de la multitude des documents, règlements, contrôles et dispositions pénales, l’effet est toutefois inverse. Riccardo E. Pfister
Hans Ulrich Bucher
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La recherche sur les nouveau-nés est de moins en moins populaire
De manière générale, la réputation de la recherche sur l’être humain, et davantage encore sur le nou-veau-né, s’est détériorée de plus en plus ces dernières années. Les abus, qui surviennent très rarement, sont perçus de manière amplifiée par le public. Dans
une société qui se fixe pour objectif absolu le «risque zéro», l’opinion selon laquelle la recherche sur l’être humain, en particulier sur le nouveau-né, est risquée et devrait donc être interdite s’impose de plus en plus. Chaque individu souhaite lui-même bénéficier du meilleur diagnostic et du meilleur traitement, mais comment cela est-il possible sans que ceux-ci ne soient testés? Il devient de plus en plus difficile de convaincre les parents de donner leur consentement pour l’inclusion de leur enfant dans une étude ran-domisée et contrôlée en double-aveugle. Bien que celles-ci comparent généralement des traitements ou médicaments déjà utilisés, les parents sont effrayés par les nombreuses pages d’informations sur l’étude qu’ils doivent signer.Les parents ne sont pas les seuls à être de plus en plus sceptiques face aux projets de recherche. Les méde-cins sont eux aussi de moins en moins motivés pour mener des recherches, car l’effort administratif et financier ne cesse de croître et la preuve d’un éventuel bénéfice semble en comparaison démesurée. Enfin, il manque à l’industrie pharmaceutique l’attrait finan-cier pour évaluer et faire enregistrer un médicament en vue de son utilisation chez le nouveau-né. Au bout du compte, seuls des produits prometteurs sur le plan financier font encore l’objet de recherches. En d’autres termes: les traitements «à bas prix» présen-tant un important bénéfice potentiel ne sont plus étudiés.
Figure 1: Documentation pour une étude en double-aveugle randomisée et contrôlée.
1998: Erythropoïétine (EPO) pour le traitement de l’anémie chez les prématurés.
2014: EPO pour la protection neurologique chez les prématurés. Pour le même médi ca-
ment destiné au même groupe de patients, le volume de la documentation a consi-
dérablement augmenté.
Figure 2: Chez un nouveau-né placé en soins intensifs sont actuellement employés
de nombreux médicaments qui sont vitaux mais dont la pharmacocinétique et l’efficacité
ne sont pas prouvées et qui ne sont pas autorisées. Les parents refusent de plus en plus
souvent d’accorder leur consentement aux études tentant de combler le manque
de connaissances.
Scénario 1997
Une étude en double-aveugle examine si la caféine réduit la
fréquence des apnées chez les prématurés. Le directeur d’étude
rédige un protocole de 12 pages et le présente devant la com-
mission d’éthique, qui, après de brèves délibérations, autorise
le protocole.
Les parents sont informés de l’étude par le médecin traitant et
reçoivent une fiche comprenant les informations essentielles
sur une page. Le lendemain, les parents acceptent oralement
la participation, ce qui est consigné.
Scénario 2014
Une étude en double-aveugle examine si l’érythropoïétine pré-
vient des dommages à long terme chez les prématurés atteints
d’hémorragie cérébrale. Le directeur d’étude rédige un proto-
cole de 54 pages, un résumé, un formulaire de base et d’autres
documents, qu’il envoie d’abord à la commission cantonale
d’éthique, puis à swissmedic. En raison de plusieurs demandes
de précisions, l’ensemble du procédé dure au moins trois mois.
Les parents reçoivent à ce sujet une documentation de plu-
sieurs pages et doivent, après un temps de réflexion, signer un
formulaire indiquant qu’ils ont compris cette documentation
et que leur enfant peut être inclus dans l’étude.
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HIGHLIGHTS 2014 48
Registre des nouveau-nés: contrôle de qualité ou recherche versus contrôle de qualité et recherche
Depuis 1996, sur la propre initiative de tous les centres périnataux suisses, des données concernant les prématurés nés avant la 32e semaine de grossesse sont recueillies pour autocontrôler et améliorer l’accom pagnement médical (www.neonet.ch). Depuis, d’autres groupes à risque s’y sont ajoutés. Toute une série de publications scientifiques, qui mettent en évidence des approches concrètes d’amélioration à l’aide de comparaisons nationales et internationales, est issue de ces données collectées dans l’ensemble du pays. Ce registre a été autorisé pour une durée illimi tée et dans toute la Suisse par une commission fédérale d’experts. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi relative à la recherche sur l’être humain au 1er janvier 2014, cette autorisation est désormais levée. Au lieu de cette au-torisation générale, deux nouvelles autorisations sont nécessaires, une pour poursuivre l’utilisation des données recueillies et une deuxième pour collec-ter de futures données. Les demandes sont d’abord examinées par une commission d’éthique directrice, mais doivent ensuite être approuvées par chaque commission d’éthique locale. Cela signifie un effort de travail beaucoup plus important pour les deman-deurs et les examinateurs par rapport à la procédure précédente. Il reste à espérer que les commissions d’éthique mettent à profit leur liberté d’appréciation et maintiennent les procédures aussi légères que possible.La question encore en suspens de savoir si le registre peut être poursuivi sous la même forme est bien plus inquiétante, puisqu’il repose sur le fait que tous les enfants de tout le pays soient intégrés. En tant que re-gistre pour une catégorie de la population, le registre des prématurés dépend, contrairement à un registre de maladie, d’une collecte de données transversale à travers le pays. Une difficulté supplémentaire réside dans l’établissement d’un lien entre le traitement à l’âge de nouveau-né et les informations recueillies plus tard concernant la croissance et le développe-
ment. Ainsi, des études standardisées à l’âge de deux ans, quatre à six ans et, selon les possibilités, dix ans et jusqu’à l’âge adulte sont incontournables. Chez le nouveau-né, les résultats à court terme sont en effet peu parlants.Jusqu’à présent, le registre a été mené avec des don-nées dépersonnalisées, ce qui signifie que les données ne sont pas attribuables à des individus, mais peuvent toutefois être connectées avec les données de suivi au moyen d’une clé locale. Conformément à la nou-velle Loi relative à la recherche sur l’être humain, il n’existe que des données entièrement anonymes ou cryptées, dont l’utilisation requiert le consentement des personnes concernées, soit de leurs parents ou tuteurs. Pour les parents dont l’enfant a survécu avec un lourd handicap ou est même décédé, la demande d’un tel consentement écrit et l’information associée ne sont guère acceptables [3]. D’un autre côté, les don-nées concernant ces enfants sont justement essen-tielles pour les analyses basées sur la population.Un moyen possible d’échapper à ce dilemme pourrait émaner du contrôle de qualité exigé dans la Loi sur l’as surance-maladie. Etant donné que celui-ci ne néces site aucun consentement des personnes concer-nées, le registre des nouveau-nés pourrait être pour-suivi sous cette directive. Puisque ni le contrôle de qualité, ni la limite entre contrôle de qualité et re-cherche ne sont définis précisément, il existe un domai ne intermédiaire pouvant être utilisé. Toute-fois, des difficultés pourraient survenir si les résul-tats des contrôles de qualité devaient être publiés dans des revues scientifiques.
Conflits d’intérêtsLes auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article.
Références1 Silverman WA. A Cautionary Tale about Supplemental Oxygen:
The Albatross of Neonatal Medicine, Pediatrics 2004;113(2):394–396.2 Robertson AF. Reflections on Errors in Neonatology: III.
The ‘Experienced’ Years, 1970–2000. J Perinatology 2003; 23:240–249.
3 John D. Lantos JD. (2013) The Weird Divergence of Ethics and Regulation With Regard to Informed Consent. The American Journal of Bioethics 2013;13(12):31–33.
Correspondance: Prof. H. U. Bucher ärztliche Direktion UniversitätsSpital CH-8091 Zürich buh[at]usz.ch
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Oncologie
Evolution fulgurante dans le traitement du cancer colorectalThomas Winder, Bernhard C. Pestalozzi
Klinik für Onkologie, UniversitätsSpital Zürich
Introduction
L’évolution fulgurante (RASante en allemand) en vue d’un traitement individualisé du cancer colorectal (CCR) est basée sur l’identification de mutations génétiques qui entraînent une stimulation effrénée de la croissance: on parle de mutations oncogéniques. La compréhension croissante des interactions moléculaires complexes entraîne désormais également une évolution dans le traitement des patients oncologiques. Dans le cotexte du CCR, de rapides progrès ont pu être réalisés dans le domaine ces dernières années. La caractérisation moléculaire permet d’augmenter l’efficacité des médicaments antinéoplasiques, sans élévation de la toxicité. Pour le clinicien, il est essentiel de différencier les marqueurs moléculaires pronostiques et prédictifs. Les marqueurs pronostiques décrivent l’évolution naturelle de la ma ladie, indépendamment d’un traitement spécifique. A l’inverse, les marqueurs prédictifs permettent l’identification des individus chez qui un certain traitement sera bénéfique ou non.
La biologie des gènes RAS dans le cancer colorectal
La famille des RAS (rat sarcoma), composée des KRAS, NRAS et HRAS, adopte une fonction régulatrice pour un grand nombre de stimuli extracellulaires en tant que protéines se liant au GTP (guanosine triphosphate). La liaison des facteurs de croissance (epidermal growth factor, EGF), amphiréguline ou épiréguline) à l’EGFR (epidermal growth factor receptor) au niveau de la surface cellulaire permet l’activation d’un mécanisme intracellulaire (fig. 1). Sur le plan physiologique, le gène RAS passe d’un état de liaison à la guanosine diphosphate (GDP) (forme inactive) à un état de liaison à la guanosine triphosphate (GTP) (forme active). Cela permet d’activer ou de désactiver de manière ciblée certains processus cellulaires. Un RAS activé, lié à la GTP, interagit avec un réseau complexe de la voie de signalisation EGFR (en particulier BRAF et PK3CA) et régule ainsi les mécanismes cellulaires tels que la prolifération et la différenciation [1].
Les mutations RAS entraînent, indépendamment de la stimulation de l’EGFR par les facteurs de croissance, une activation durable de cette voie de signalisation. Etant donné que les anticorps antiEGFR se lient uniquement à la partie extracellulaire de l’EGFR, ils sont inefficaces en cas de mutations RAS.En plus du CCR, les mutations RAS jouent un rôle essentiel dans de nombreuses autres maladies cancéreuses (tab. 1). Dans le CCR, la survenue de mutations au sein de l’oncogène KRAS est une des premières étapes sur la voie du développement du cancer. Ces mutations activatrices sur le bras court du chromosome 12 se manifestent chez env. 40% des adénomes et adénocarcinomes du gros intestin. En raison de l’importance des KRAS dans la voie de signalisation EGFR, et en tant qu’événement précoce dans le développement du CCR, les mutations KRAS ont été étudiées comme marqueur prédictif potentiel pour un traitement antiEGFR.
L’importance des gènes RAS dans le cancer colorectal
Les déterminations des mutations KRAS ont d’abord servi à une extension du savoir académique. L’introduction des anticorps antiEGFR monoclonaux (ceThomas Winder
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Bernhard C. Pestalozzi
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tuximab et panitumumab) donne à ces analyses du sens en termes de traitement oncologique. Comme il en ressort de façon consistante de plusieurs études rétrospectives et prospectives, une mutation du codon 12 ou 13 des KRAS exclut le traitement par anticorps antiEGFR monoclonaux [2–4]. Il convient tout particulièrement de mentionner qu’en cas de mutation KRAS, les anticorps antiEGFR sont non seulement inefficaces, mais peuvent même causer des dommages chez les patients. Cela a pu être démontré dans le cadre d’une étude de phase III (PRIME) avec FOLFOX4 ± panitumumab chez des patients présentant un CCR métastasé [5].Initialement, le centre d’attention était axé sur la mutation KRAS la plus fréquente (40%). Une mutation de la protéine NRAS est observée chez environ
5% des patients atteints d’un CCR. NRAS et KRAS possèdent une homologie de 90%. La présence d’une mutation NRAS exclut à la fois une mutation KRAS et une mutation BRAF. C’est en 2011 qu’une analyse rétrospective incluant environ 1000 patients présentant un CCR réfractaire à la chimiothérapie et ayant reçu un traitement à base de cetuximab a suscité un grand intérêt. Grâce à un test plus étendu des mutations (KRAS, NRAS, BRAF, PIC3CA) et ainsi à une sélection moléculaire des patients, une augmentation du taux de réponse a pu être observée, passant de 24,4 à 41,2% [6]. Au cours d’une étape suivante, une analyse étendue de tous les RAS (exons KRAS 2, 3, 4 et exons NRAS 2, 3, 4) a été réalisée au cours d’études cliniques. Cette analyse étendue de RAS a de nouveau montré que seuls les patients ne présentant aucune mutation RAS répondaient à un traitement par anticorps antiEGFR (cetuximab ou panitumumab). Une analyse des seuls KRAS n’est plus suffisante. L’analyse étendue de RAS a une fois de plus permis d’identifier les patients pour qui les anticorps antiEGFR ne sont pas profitables voire peuvent entraîner des dommages. Par le biais de cette analyse étendue, une survie globale significativement améliorée (jusqu’à 10 mois) a été observée chez les patients avec un statut RAS non muté (type sauvage) [5, 7, 8]. Cette stratégie thérapeutique permet de mieux caractériser le collectif de patients, de réduire la toxicité et d’augmenter l’efficacité thérapeutique. Sur la base de ces résultats, l’autorisation des anticorps antiEGFR a été limitée aux patients avec un statut RAS non muté, et le test RAS étendu (exons KRAS 2, 3, 4 et exons NRAS 2, 3, 4) a été introduit dans le quotidien clinique. Il faut espérer que cette évolution se poursuivra grâce à d’autres études cliniques basées sur les biomarqueurs.La mutation BRAF, qui dans toutes les analyses récentes s’est révélée être un marqueur pronostique défavorable mais non décisif pour le choix d’un traitement antiEGFR, est très prometteuse. La détermination de ce marqueur dans le quotidien clinique sera cependant très intéressante à l’avenir, car l’association d’inhibiteurs BRAF/MEK/EGFR s’est révélée effi
Tableau 1: Fréquences des mutations KRAS, NRAS et BRAF dans différentes entités tumorales, modifié d’après Schubbert et al. [1].
Entités tumorales KRAS (%) NRAS (%) BRAF (%)
Cancer colorectal 40 3 14
Cancer du poumon 19 1 2
Mélanome 2 18 43
Leucémie 5 14 1
Cancer de l’ovaire 17 4 15
Cancer du pancréas 60 2 3
Cancer de la thyroïde 4 7 27
Cancer des voies biliaires 33 1 14
Figure 1: Voie de signalisation de l’EGFR (epidermal growth factor receptor), modifiée d’après Schubbert et al. [1].
Ce diagramme fait office de représentation schématique de la voie de signalisation
de l’EGFR. La présence d’une mutation RAS induit un signal de prolifération durable,
indépendamment de la stimulation ou du blocage du récepteur. Etant donné que les
anticorps anti-EGFR ne bloquent cependant que la partie extracellulaire du récepteur
EGFR, ils sont inefficaces dans le cas de mutations RAS, qui sont intracellulaires.
Reproduction avec l’aimable autorisation de Macmillan Publishers Ltd:
Nat Rev Cancer. 2007.
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cace dans de précédentes études cliniques conduites chez des patients présentant des mutations BRAF. Il est toutefois nécessaire d’attendre encore les résultats d’études prospectives. Une étude publiée dernièrement a cependant montré, dans une analyse de sousgroupe, qu’un traitement intensifié par FOLFOXIRI + bévacizumab était bénéfique pour les patients présentant des mutations BRAF [9].
Développements futurs
Des données récentes indiquent que l’analyse des gènes KRAS, NRAS et BRAF ne nous permet d’entrevoir des mutations moléculaires cliniquement pertinentes que sur la partie émergée de l’iceberg. Une étude du Cancer Genome Atlas Network, publiée récemment, a livré une caractérisation moléculaire complète du CCR. Dans le cadre de cette étude, au cours de laquelle 276 échantillons tumoraux ont été caractérisés sur le plan moléculaire, plus de 94% des CCR présentaient une mutation dans un ou plusieurs des membres de la voie de signalisation WNT [10]. La voie de signalisation WNT joue, au même titre que les RAS, un rôle essentiel très précoce dans la transformation maligne du CCR. Il convient donc d’admettre que, dans les prochaines années, ce marqueur jusqu’ici négligé se verra accorder une grande importance.
Résumé
– Les mutations RAS induisent un signal de prolifération du-
rable, indépendamment de la stimulation des récepteurs
EGFR.
– Le recours aux anticorps anti-EGFR est uniquement réservé
aux patients présentant un statut RAS non muté (type sau-
vage).
– Le RAS est également un oncogène essentiel pour d’autres
entités tumorales.
– Une analyse des seuls KRAS n’est pas suffisante; l’analyse
de tous les RAS (exons KRAS 2, 3, 4 et exons NRAS 2, 3, 4)
se présente comme le nouveau standard clinique.
– Le test des mutations BRAF est lui aussi judicieux car une
chimiothérapie intensifiée est bénéfique pour les patients
présentant une mutation BRAF.
Conflits d’intérêtsLes auteurs ne declarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article.
Références 1 Schubbert S, Shannon K, Bollag G. Hyperactive Ras in develop
mental disorders and cancer. Nat Rev Cancer. 2007;7:295–308. 2 Van Cutsem E, Kohne CH, Hitre E, et al. Cetuximab and
chemotherapy as initial treatment for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med. 2009;360:1408–1417.
3 Bokemeyer C, Bondarenko I, Makhson A, et al. Fluorouracil, leucovorin, and oxaliplatin with and without cetuximab in the firstline treatment of metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol. 2009;27:663–671.
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8 Schwartzberg LS, Rivera F, Karthaus M, et al. PEAK: a randomized, multicenter phase II study of panitumumab plus modified fluorouracil, leucovorin, and oxaliplatin (mFOLFOX6) or bevacizumab plus mFOLFOX6 in patients with previously untreated, unresectable, wildtype KRAS exon 2 metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol. 2014;32:2240–2247.
9 Loupakis F, Cremolini C, Masi G, et al. Initial therapy with FOLFOXIRI and bevacizumab for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med. 2014;371:1609–1618.
10 Cancer Genome Atlas N. Comprehensive molecular characterization of human colon and rectal cancer. Nature. 2012;487:330–337.
Correspondance: Dr Thomas Winder, PhD Klinik für Onkologie UniversitätsSpital Zürich CH8091 Zürich Thomas.winder[at]usz.ch
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Ophtalmologie
Mise au point sur les lentilles de contact en 2014Albert Franceschetti
Président de la Commission lentilles de contact de la Société suisse d’Ophtalmologie
Introduction
En 2011, j’ai présenté dans ce journal un article au sujet des lentilles de contact. Aujourd’hui, trois ans plus tard, il convient de faire le point.La Contactologie, bien que mondialement reconnue, n’a toujours pas la faveur des ophtalmologues. Et pour tant, un jeune sur cinq porte des lentilles de contact, dans un monde ou l’aspect esthétique est de plus en plus important et la pratique du sport se répand. Pour beaucoup, il devient indispensable de projeter une image de jeunesse et de puissance.Vous est-il déjà arrivé de voir un président américain portant lunettes? Je pense bien que non. Il faut remon-ter à Harry S. Truman (président américain 1945 - 1953) pour qu’un chef d’Etat américain ait eu si peu à cœur son image publique pour se montrer en lu-nettes.
Les infections
Les infections oculaires sont la hantise de nos confrères ophtalmologues. Il faut cependant relativi-ser. Les complications suite au port de lentilles sont très rares, 4 pour 10 000 porteurs, et ceci malgré la possibilité d’acquérir des lentilles en dehors des ca-naux professionnels.Il y a une semaine, j’ai eu à traiter une patiente, qui avait été équipée en lentilles ailleurs et présentait une atteinte grave de la cornée. Au service d’urgence, où elle s’était rendue en premier, elle s’était vu donner un traitement aux antibiotiques. Une atteinte grave de ce type aurait dû entraîner une hospitalisation ainsi qu’une culture de la conjonctive et du liquide des lentilles. Lorsque cette dernière fut faite, celle-ci révéla une atteinte à Candida. Heureusement, le trai-tement intensif (Vigamox® et Tobradex® alterné cha-que heure) amena la guérison totale. Ma recomman-dation est d’utiliser ce schéma de traitement dans tout infiltrat et de revoir sans faute le patient le len-demain. Si la lésion et la douleur persistent, le traite-ment hospitalier s’impose.D’une façon générale, on peut dire que pratiquement
toutes les lésions infectieuses sont provoquées par une erreur de manipulation ou d’hygiène de la part du patient. D’où l’importance des explications que le médecin est tenu de donner au début du port ainsi qu’à chaque contrôle annuel. Il ne faut surtout pas se laisser aller à banaliser le port des lentilles, comme le souhaiterait l’Industrie.
Quelles sont les erreurs les plus fréquentes?
Parmi les erreurs les plus fréquentes, citons:1. L’utilisation de l’eau du robinet pour rincer les len-
tilles. Le coupable n’est certes pas l’H2O, mais bien les hôtes indésirables qui s’y trouvent, tels les amibes.
Il y a quelque temps, il a été observé à Chicago une recrudescence des infections à Acanthamoeba, la cause en étant les économies budgétaires sur le chlore dans l’eau. Bien sûr, ces patients rinçaient leurs lentilles à l’eau du robinet. Il faut donc se rendre à l’évidence que beaucoup de gens n’ont toujours pas compris les dangers des hôtes de l’eau
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du robinet. Autre exemple, celui de l’Angleterre, où les maisons anciennes ont encore souvent des réservoirs à eau sur le toit. Les amibes y proli-fèrent.
2. L’oubli de se laver les mains avant de toucher ses lentilles.
3. Faire confiance à la légende «No rub, no rinse» (ni frotter, ni rincer). Pendant longtemps, les fabri-cants de produits pour l’entretien des lentilles ont claironné «No rub, no rinse». Récemment, la Food and Drug Administration américaine leur a imposé de supprimer cette mention et, pour les produits «tout en un», de recommander claire-ment sur l’emballage de frotter et de rincer les lentilles avant de les remettre dans leur boîte pour la nuit.
La situation est différente pour les produits à base de peroxyde, qui ne requièrent pas ces manipula-tions. Pourquoi alors les peroxydes ne sont-ils pas utilisés plus largement? La raison va recherchée dans les risques de mauvaise utilisation. Je citerai pour preuve un cas, que j’ai eu récemment à exa-miner. Une grande myope se rend à la pharmacie pour se réapprovisionner de son produit habituel «tout en un». En rupture de stock, le pharmacien lui donne, au lieu de cela, un produit à base de pe-roxyde, précisant seulement à la patiente qu’il lui faudra laisser les lentilles y tremper durant 6 heures. La nuit suivante, la patiente, habituée à son ancien produit, se levant du lit, prend le flacon et rince ses lentilles avant de les mettre. Une vio-lente inflammation, heureusement sans suite grave, l’amène à me consulter en toute urgence. Cela montre l’importance d’éduquer les patients, de leur répéter les consignes à chaque visite et d’interdire la vente de tels produits par du person-nel non formé.
Suite aux récentes infections, les produits à base de peroxyde sont de plus en plus prescrits. Il faut veiller toutefois à ce que le patient comprenne bien le principe:
2 H2O2 + catalyseur (platine ou enzyme) = 2 H2O + O2. La formule montre qu’elle produit de l’oxygène (en
bulles), ce qui améliore le nettoyage des lentilles. 4. D’ailleurs, une visite annuelle chez un contacto-
logue s’impose. En effet, il y a 3 fois plus de proba-bilités de faire une complication si on omet ce contrôle. Il sera l’occasion de rappeler au patient les règles d’hygiène et de vérifier qu’il n’y ait pas de signes d’hypoxie, ce qui se fait en regardant la partie supérieure du limbe où les néo-vaisseaux peuvent apparaître.
5. Le port permanent: En 1999 sont apparues les pre-
mières lentilles à haute perméabilité à l’oxygène, destinées au port permanent. L’unité de mesure de perméabilité est le Dk; le port permanent requiert une valeur supérieure à 100 Dk.
Malheureusement, le fait que certains porteurs achètent des lentilles par voie électronique (Inter-net), sans examen préalable ni contrôle ni suivi, a entraîné une augmentation importante du taux de complications avec cette modalité (environ cinq fois plus que le port journalier).
Au début des années 2000, j’avais équipé plus d’une centaine de patients en port permanent. Un certain nombre d’entre eux ont développé de pe-tits infiltrats cornéens. Tous ont guéri très rapide-ment sous traitement intensif. Mais il est bien sûr quasi impossible de leur faire abandonner une modalité aussi pratique pour revenir au port jour-nalier, qui présente pourtant moins de risques. Toutefois, si on choisit cette modalité, l’ophtalmo-logue doit être atteignable en tout temps, car un infiltrat doit être traité au plus vite. Mes collègues internationaux m’assurent que nous, les ophtal-mologues suisses, sommes des privilégiés puisque nos patients, en règle générale, comprennent et suivent nos conseils. Ce qui est confirmé par le fait que parmi les sujets que j’ai adaptés, je n’ai pas constaté de complications graves dans les derniers cinq ans.
6. Equiper des bébés en lentilles souples. Avant que les enfants ne sachent s’en occuper tout
seuls, il ne faut utiliser que des lentilles semi- rigides, comme dans le cas d’une cataracte congé-nitale unilatérale opérée. La perméabilité de cer-taines de ces lentilles est d’ailleurs supérieure aux lentilles souples.
Un poster à la réunion de la Société suisse d’Oph-talmologie présentait récemment le cas d’un bébé équipé en lentilles souples par un optométriste, ce qui avait provoqué une kératite grave, suivie d’une cicatrice de la cornée.
A partir de 6 ans, si l’enfant s’avère capable de ma-nier ses lentilles, l’adaptateur a alors le choix. Nos collègues français, eux, tendent à préférer les len-tilles semi-rigides, mais celles-ci risquent de causer des problèmes, telle que la perte de lentille, lors de la pratique de certains sports. De toute façon, l’en-fant doit savoir au moins retirer ses lentilles, chose rarement possible avant 6 ans. Il se pourrait en effet alors qu’il est seul, qu’il reçoive une pous-sière ou un corps étranger dans l’œil.
D’après mon expérience, les enfants sont des por-teurs de lentilles de contact responsables et ils ne veulent surtout pas y renoncer.
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Conclusion
En conclusion, les lentilles de contact apportent un plus dans la correction des amétropies. Mais pour que le port soit couronné de succès, il faut qu’à la base il y ait une forte motivation, qu’elle soit visuelle, esthétique ou sportive, de la part du patient.Les lentilles s’imposent néanmoins dans le cas des grands myopes, puisqu’elles agrandissent l’image
bien plus que ne le font les lunettes, offrant ainsi une meilleure acuité visuelle.Pour finir, on ne répétera jamais assez qu’il faut passer par le contactologue pour s’équiper en lentilles afin d’éviter les erreurs et les risques.
Conflits d’intérêtsL’auteur ne declare aucun conflit d’intérêt financier ou personnel en rapport avec cet article.
Correspondance: Dr Albert Franceschetti 1bis, av. J.-D. Maillard CH-1217 Meyrin albert[at]franceschetti.net
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Orthopédie
L’appréhension dans l’instabilité gléno-huméraleGregory Cunninghama, Alexandre Lädermanna,b,c, Sven Hallerd, Pierre Hoffmeyera,b
a Service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, Hôpitaux Universitaires de Genève b Faculté de médecine, Université de Genève c Service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, Hôpital de La Tour, Meyrin d Service de neuro-diagnostique et neuro-interventionnel, Hôpitaux Universitaires de Genève
L’origine cérébrale de l’appréhension dans l’instabilité gléno-humérale
L’articulation gléno-humérale est la plus mobile du corps humain et les phénomènes d’instabilité touchent près de 2% [1] de la population générale. L’appréhen-sion, signe clinique défini par une peur de luxation imminente lorsque le bras est porté en abduction et rotation externe, est la plainte la plus fréquemment rapportée par les patients victimes de luxation an-téro-inférieure. Il a déjà été démontré que la sévérité de cette appréhension semble être en partie liée à la perte osseuse consécutive aux luxations itératives [2].Le taux d’échec après stabilisation chirurgicale de l’épaule se situe dans la littérature autour des 10%,
mais peut varier entre 2 et 70% selon les auteurs [3, 4]. Or, nous savons également que certains de ces pa-tients opérés vont garder une appréhension, et ce malgré une épaule cliniquement stable. La cause de cette appréhension persistante reste à ce jour indéterminé. En théorie, elle peut être liée à une mauvaise indication opératoire, à une instabilité per-sistante, à un problème proprioceptif dû à des lésions du système nerveux périphérique, voire une séquelle du système nerveux central par mémorisation corti-cale d’un stimulus négatif.
L’interrogation du cerveau
Ne pas reconnaître et ne pas prendre en charge cette appréhension résiduelle peut mener à une morbidité accrue pour le patient et entraver la reprise de ses ac-tivités quotidiennes et sportives. Ce phénomène peut même être source de multiples imageries complémen-taires inutiles, voire parfois de chirurgie de révision. Or, cette appréhension résiduelle n’est pas forcément liée à un échec mécanique de l’acte chirurgical.Bien que ces patients souffrant d’instabilité bénéfi-cient d’un bilan approfondi par le biais de techniques d’imagerie moderne, personne n’avait encore inter-rogé leur cerveau. C’est ce que nous avons entrepris,
avec comme hypothèse que l’appréhension était consécutive à un remodelage cérébral.Nous avons donc procédé à une étude prospective in-cluant tout patient se présentant à notre consultation spécialisée d’orthopédie avec une instabilité gléno-humérale antéro-inférieure post-traumatique, ainsi qu’une appréhension positive. Ces patients ont été couplés avec de sujets sains, sans antécédents d’hy-perlaxité, de traumatisme ou de chirurgie de l’épaule. Tous les patients et contrôles ont passé un IRM fonc-tionnel du cerveau, dont les résultats furent compa-rés. Pour rappel, l’IRM fonctionnel est une technique d’imagerie permettant indirectement de mesurer la désoxygénation cérébrale («BOLD effect»), permet-tant ainsi de détecter une activité accrue de certaines zones cérébrales impliquées dans des tâches ou émo-tions spécifiques.Vu que l’IRM ne permettait pas de mouvoir le bras directement pour induire l’appréhension, nous l’avons suggérée via un stimulus visuel. Ainsi, lors de l’acqui-sition d’images, deux types de séquences d’anima-tions vidéo de 10 secondes représentant des activités Gregory Cunningham
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de la vie quotidienne furent projetées sur un miroir dans l’IRM: des séquences dites «actives», montrant une situation où la position de l’épaule évoquait un risque de luxation, et des séquences «contrôles», montrant une situation similaire, mais sans le stimu-lus induisant l’appréhension (fig. 1).
Nos résultats préliminaires, publiés en 2013 à propos de 15 patients consécutifs, ont déjà démontrés une ré-organisation structurelle majeure et complexe du cerveau des patients victimes d’appréhension (fig. 2), notamment dans le cortex sensitivo-moteur primaire bilatéral et les circuits de l’anxiété, qui s’activaient en
Figure 2: Exemple de superposition de cartographies cérébrales entre un patient souffrant d’instabilité et un contrôle sain, montrant les zones cérébrales
anormalement activées chez les patients victimes d’appréhension.
Figure 1: Exemple de séquences d’animations diffusées pendant l’IRMf.
A Séquence «active» (avec stimulus d’appréhension).
B Séquence «contrôle» (sans stimulus d’appréhension).
A B
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moyenne plus que chez les sujets sains (+145%). En revanche, certaines aires du cortex pariétal et visuel bilatéral présentaient une diminution d’activité de –185% [5].
Remodelage cortical
L’hypothèse est donc confirmée: l’instabilité de l’épaule conduit à un remodelage cortical conséquent. La peur est un élément indéniable de l’appréhension et ne peut en être dissociée. Néanmoins, au vu des différents circuits neuronaux impliqués sus-cités, ces résultats prouvent que l’appréhension résulte de l’intrication complexe d’anxiété et de résistance motrice.A travers cette approche non conventionnelle de l’in-stabilité gléno-humérale, nous avons donc pu dé-mon trer un véritable lien entre une pathologie ortho pédique alors considérée comme périphérique, et un problème neurologique central.Ces séquelles cérébrales d’instabilité peuvent donc expliquer pourquoi certains patients présentent une appréhension persistant des années après leur stabi-lisation chirurgicale, malgré une épaule clinique-ment stable. Dans ces cas, pourquoi ne pas initier pour ces patients un axe d’approche thérapeutique différent de la physiothérapie pure, qui pourrait alors être couplée à une neuro-rééducation, comprenant le neuro-feedback, voire une approche cognitivo-com-portementale?Nous avons donc maintenant mis en évidence une image statique de l’appréhension chez des patients instables en attente d’une intervention chirurgicale et il serait évidemment très intéressant de détermi-ner la composante dynamique de cette probléma-tique car le cerveau est doté de plasticité synaptique.
Correspondance: Gregory Cunningham Service de chirurgie ortho pédique et trauma-tologie de l’appareil moteur HUG, CH-1211 Genève 14 gregory.cunningham [at]hcuge.ch
Ainsi, notre prochaine étape sera d’apprécier l’évolu-tion de cette appréhension en la remesurant à distance de la stabilisation chirurgicale. Une question fonda-mentale sera de savoir quel patient développera une appréhension résiduelle et surtout pourquoi. En effet, ces derniers points peuvent être liés à une technique chirurgicale particulière, à une translation gléno- humérale excessive persistante ou, par exemple, au temps écoulé entre la première luxation et la stabili-sation.La manière innovante présentée dans cet article per-mettant d’appréhender un problème orthopédique ouvre de nouvelles frontières dans la compréhension et la prise en charge des phénomènes pré- et post-opératoires. Elle pourrait être étendue à d’autres arti-culations sujettes à l’instabilité, telles que le genou ou la cheville, et à toutes autres pathologies ortho-pédiques. Toutes ces questions sont loin d’être ano-dines et l’IRM fonctionnel permet désormais d’y ré-pondre, en interrogeant le corps humain.
Conflits d’intérêtsLes auteurs n’ont pas de conflit d’intérêt avec cet article et n’ont reçu aucune source de financement pour les études réalisées et celles en cours.
Références1 Romeo AA, Cohen BS, Carreira DS. Traumatic anterior shoulder
instability. Orthop Clin North Am. 2001 Jul;32(3):399–409.2 Bushnell BD, Creighton RA, Herring MM. The bony apprehension
test for instability of the shoulder: a prospective pilot analysis. Arthroscopy. 2008 Sep;24(9):974–82.
3 Brophy RH, Marx RG. The treatment of traumatic anterior instability of the shoulder: nonoperative and surgical treatment. Arthroscopy. 2009 Mar;25(3):298–304.
4 Lädermann A, Lubbeke A, Stern R, et Al. Risk factors for dislocation arthropathy after Latarjet procedure: a long-term study. Int Orthop. 2013 Jun;37(6):1093–8.
5 Haller S, Cunningham G, Lädermann A, et Al. Shoulder apprehension impacts large-scale functional brain networks. AJNR Am J Neuroradiol. 2014 Apr;35(4):691–7.
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Pédiatrie
Prise en charge en réseau des enfants en surpoids et obèses René Tabina, Dagmar l’Allemand-Janderb, Nathalie J. Farpour Lambertc
a Service de pédiatrie, Centre hospitalier du Valais romand, Hôpital du Valais, Sion; b Hôpital des Enfants de la Suisse orientale, Saint-Gall; c Service d’enseignement thérapeutique pour maladies chroniques, Département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences, Hôpitaux Universitaires de Genève
D’après V. Boggio [1], «l’enfant obèse est un enfant victime d’obésité infantile, maladie qu’il n’a pas choisie et dont il n’est pas responsable. Il a le droit selon la loi de recevoir des soins pour guérir et non le devoir de se soigner. Ce surpoids évolue souvent en l’absence de traitement vers l’obésité de l’adulte laquelle rend la vie compliquée physiquement, psychologiquement, médicalement et socialement. Le surpoids de l’enfant mérite donc un traitement dès son dépistage. Il s’agit par ailleurs de la seule maladie infantile pour laquelle les parents et/ou le médecin attendent parfois pour proposer un traitement que l’enfant soit motivé et lui demandent alors de se donner des soins à lui-même…»
Introduction
En Suisse, 19% des garçons et 17% des filles âgés de 5 à 17 ans présentaient en 2014 un surpoids, souvent déjà constaté dès l’âge de 2 à 6 ans [2]. Jusqu’à la fin 2013, pédiatres et médecins de famille n’avaient à leur dispo-sition que peu de traitements à l’efficacité reconnue. Selon l’étude KIDSSTEP, les thérapies multidiscipli-naires de groupe se sont montrées efficaces avec une réduction du degré d’obésité dans 70% des cas après 2 ans [3]. 8% des patients reviennent dans la zone de corpulence normale et le taux d’obésité morbide dimi nue de 19% (de 79 à 59%) avec en conséquence une augmentation similaire du taux d’enfants en sur-poids. Cependant, en raison de la distance par rap-port aux centres, du manque de disponibilité ou de motivation des familles, de la complexité d’une telle thérapie et du manque de financement [4], seule une petite minorité (<1%) des patients ont pu en bénéficier.
Une nouvelle responsabilité pour le pédiatre et pour le médecin de famille
Depuis le 1.1.2014, de nouveaux traitements individuels multidisciplinaires sont possibles pour les pédiatres et pour les médecins internistes-généralistes, permet-tant une prise en charge d’un nombre beaucoup plus important d’enfants et d’adolescents en surpoids
avec complications et obèses [5]. Des études nationales et internationales ont mis en évidence que le traite-ment de l’obésité infantile est efficace et économique s’il respecte les principes suivants: – Les critères pour le traitement d’obésité sont définis:
tour de taille ou indice de masse corporelle (IMC) >97e percentile ou >p. 90 et avec la présence d’une co-morbidité, ou rapport tour de taille/taille >0,5).
– Les parents participent à la thérapie de l’enfant; au besoin ils bénéficient d’une prise en charge person-nelle afin d’aborder leur surpoids.
– Les patients sont motivés et les freins de la théra-pie ont été identifiés et surmontés (entretien mo-tivationnel).
– Le médecin collabore avec une équipe de théra-peutes des domaines de la psychologie, la diété-tique, et la physiothérapie ou de l’éducation phy-sique adaptée.
– Ces professionnels ont suivi une formation conti-nue spécifique pour le traitement d’enfants ou d’adolescents en surpoids.
– Les maladies psychiques et somatiques sous-ja-centes et les co-morbidités ont été diagnostiquées et sont traitées de manière adéquate. René Tabin
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Ainsi selon la nouvelle ordonnance fédérale sur les prestations [6], chaque pédiatre et généraliste-inter-niste, ainsi que médecin scolaire, peut organiser une prise en charge, y compris avec des consultations dié-tétiques, des enfants obèses au-dessous d’un IMC de 30 kg/m2.
Remboursement
Les frais de thérapie multidisciplinaire structurée sont maintenant remboursés par les caisses maladie en Suisse, tant pour les traitements structurés en individuel qu’en groupe, pour les enfants et adoles-cents obèses sans co-morbidité, ou ceux en surpoids en présence d’une co-morbidité. La figure 1 détaille les modalités thérapeutiques pos-sibles:– Dans une 1re phase, en plus du suivi médical, des
consultations diététiques (max. 6) et de physiothé-rapie (max. 2) peuvent être prescrites.
– Si l’IMC est supérieur au P. 99,5 ou en présence de co-morbidité, le médecin peut immédiatement
débuter la phase II (thérapie multidisciplinaire in-dividuelle ou en groupe pour 1 an sous la conduite d’un médecin spécialisé dans le domaine de l’obé-sité infantile).
– Si après 6 mois en phase I, il persiste une augmenta-tion de l’IMC, du tour de taille/taille, l’apparition de co-morbidités ou de problèmes psychosociaux, l’enfant peut passer en phase II ou répèter la phase II (phase III).
– Le suivi médical se poursuit pendant 2 à 5 ans.
Pour pouvoir mettre en place une thérapie individuelle multidisciplinaire, une accréditation du médecin prescripteur est nécessaire. Elle peut être obtenue par une journée de formation continue (8 crédits) re-connue par la Société Suisse de Pédiatrie et l’akj (Association Suisse Obésité de l’Enfant et de l’Ado-lescent). Médecins de la famille et de l’enfance, pédiatres et in-ternistes-généralistes devraient désormais s’engager au sein de réseaux multiprofessionels pour l’organi-sation d’une prise en charge précoce et efficace du surpoids et de l’obésité de l’enfant, maladie de société, qui constitue l’une des affections chroniques les plus répandues et un défi thérapeutique pour l’avenir.
Conflits d’intérêtsLes auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Références1 Boggio V. Médecine et Enfance. 2014;34(7):252–255.2 http://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/46044602.pdf3 L’Allemand D, et al. Evaluation of therapy for overweight
children and adolescents in Switzerland: Therapy in multipro-fessional group programs – Part 2 of KIDSSTEP, collection and analysis of data, Final report February 12th, 2014.
4 Tabin R, et al. Eviter l’obésité à l’âge adulte. Forum Med Suisse. 2012;12(23):449–454.
5 L’Allemand D, Farpour-Lambert N, Isenschmid B, Laimbacher J. La prise en charge globale des enfants en surpoids d’après le nouveau modèle suisse. Bull Méd Suisse. 2014;95(44):1640–41.
6 Ordonnance du DFI sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie (Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins, OPAS), modification du 6 décembre 2013. http://www.bag.admin.ch/themen/krankenver-sicherung/02874/04308/index.html?lang=fr
Correspondance: Prof. R. Tabin Service de pédiatrie CHVR Hôpital de Sion Av. Grand-Champsec 80 CH-1950 Sion rene.tabin[at]hopitalvs.ch
PHASE I.
6 mois thérapie individuelle (méd. 1er recours ) Au plus: 6 diététique 2 physio
PHASE II.
*3-6 mois thérapie individuelle multidisciplinaire
≅6 psychothérapie ≅6 diététique ≅9 physiothérapie
OU
*1(-2) ans thérapie multidisciplinaire
de groupe, patients de 8 à 18 ans
(Groupe 4-7 ans, facturation Tarmed)
PHASE III. *Répétition de II. si pas d’amélioration
PHASE IV. (1-)5 ans suivi individuel ≈ trimestriel
Dans certains cas, chirurgie bariatrique si croissance terminée ou thérapie hospitalière ?
Thérapies remboursées en cas de surpoids avec co-morbidité(s) ou obésité
Si IMC normal mais augmentation de l’IMC <6 ans ou en peu de temps → Prévention primaire ciblée
* Si IMC >P99.5 ou présence de co-morbidité, passe tout de suite en phase II. •Si après phase I, il persiste une: −IMC − tour de taille / taille, −co-morbidités ou problèmes psychosociaux, l’enfant passe en phase II ou répète la phase II (phase III)
Figure 1: Thérapies remboursées en cas de surpoids avec co-morbidité(s) ou obésité.
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Pharmacologie
En route vers la médecine personnaliséeCaroline Flora Samer
Service de Pharmacologie et Toxicologie cliniques, Centre Suisse de Toxicologie Humaine Appliquée, Hôpitaux Universitaires de Genève
La variabilité interindividuelle dans la réponse théra-peutique constitue un défi majeur pour le clinicien notamment pour les médicaments à marge théra-peutique étroite. La même dose d’un médicament peut ainsi se révéler inefficace ou au contraire toxique chez un patient donné. Les facteurs modulant l’activité des enzymes du métabolisme tels que les co-médications ou des causes génétiques peuvent ex-pliquer une partie de cette variabilité en modifiant les concentrations plasmatiques du médicament et la réponse médicamenteuse. Les données pharmacogénétiques (à la fois au niveau des cibles pharmacocinétiques et pharmacodyna-miques) s’étant accumulées ces dernières années, la personnalisation des traitements au bagage géné-tique du patient devient une réalité proche. Des re-commandations basées sur le génotype sont main-tenant disponibles pour certains médicaments afin de guider l’adaptation posologique, recommander un monitoring médicamenteux ou sélectionner une al-ternative thérapeutique. Des biomarqueurs pharma-cogénétiques figurent également dans les informa-tions professionnelles de certains médicaments. L’utilisation des données pharmacogénétiques en pratique clinique reste toutefois limitée et méconnue des cliniciens peu formés et outillés à les interpréter.
Polymorphismes génétiques des cytochromes P450
60 à 80% des médicaments commercialisés sont méta bolisés par des enzymes polymorphiques, les plus importants étant les cytochromes P450 (CYP). Ils catalysent principalement des réactions d’oxydo -réduction visant à éliminer les médicaments de l’or-ga nisme, mais peuvent aussi être responsables de la bio-activation de médicaments dont seul le métabo-lite est actif ou également de la formation de méta-bolites toxiques.Des associations cliniquement significatives ont été mises en évidence entre les polymorphismes géné-tiques des CYP2D6, CYP2C9 et CYP2C19 et la réponse à certains traitements médicamenteux [1]. Le polymor-
phisme du CYP2D6 est le mieux décrit avec plus de 130 variantes génétiques et il métabolise près d’un quart des médicaments couramment prescrits, beau-coup ayant une marge thérapeutique étroite. Les individus sont classifiés en différents groupes phénotypiques: – Les métaboliseurs lents (PM) porteurs de deux allè-
les inactifs ont une activité enzymatique absente (5–10% des Caucasiens, rare en Asie);
– les métaboliseurs intermédiaires (IM) sont porteurs d’un allèle inactif ou de deux allèles défectueux (10–15% des Caucasiens, 30–50% en Afrique et Asie);
– les métaboliseurs ultrarapides (UM) sont porteurs de duplications géniques et plus prévalents dans les pays du sud de l’Europe (10%) et la corne de l’Afrique (20–30%);
– les métaboliseurs normaux (EM) représentent 60–85% des Caucasiens.
Le polymorphisme du CYP2D6 a un impact sur la répon se clinique de certains opioïdes, psychotropes, anti-arythmiques et du tamoxifène. Sous codéine, tramadol ou oxycodone, il est maintenant établi que les PM du CYP2D6 ont une réduction de la production de métabolite actif et donc une diminution marquée Caroline Flora Samer
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de l’efficacité analgésique de ces pro-médicaments. A l’inverse, les UM sont à risque de toxicité opiacée mar-quée. Les patients porteurs de polymorphismes géné-tiques sont aussi plus sensibles aux interactions médi-camenteuses, notamment avec les inhibiteurs du CYP3A (par ex. antifongiques, macrolides). Le phéno-type UM est aussi reconnu comme cause d’inefficacité thérapeutique des antidépresseurs alors que les PM sont à risque augmenté de toxicité notamment sous désipramine, venlafaxine, amitriptyline et halopéri-dol. Les PM sont également à risque de toxicité sous certains anti-arythmiques (métoprolol, timolol, car-védilol et propafénone). L’efficacité du tamoxifène (pro-médicament) dépend également de l’activité du CYP2D6 et le phénotypage pourrait être utile à sélec-tionner le meilleur traitement adjuvant chez les fem-mes post-ménopausiques dans le cancer du sein.
Concernant le CYP2C19, la réduction de son activité a conduit à une diminution de la production du méta-bolite actif du clopidogrel, qui a été associée à une augmentation du risque d’évènements cardiovascu-laires. Pour les inhibiteurs de la pompe à protons, les valeurs de pH intragastrique et les taux d’éradication d’Helicobacter pylori ont été plus élevés chez les PM. Pour les antidépresseurs, les effets indésirables pour-raient être plus marqués et des réductions de dose sont recommandées pour l’imipramine et la sertraline. Le polymorphisme du CYP2C9 a été associé à une réduc tion des doses d’antivitamine K, à une augmen-tation du temps pour stabiliser le traitement et à un risque augmenté d’INR suprathérapeutiques. Certaines données suggèrent également un risque augmenté de saignements gastro-intestinaux sous AINS et une toxicité augmentée sous phénytoïne. Des groupes d’experts en pharmacogénétique ont établi des recommandations de doses en fonction des génotypes, publiées et mises à jour périodiquement [2]. La figure 1 résume les médicaments pour lesquels des données pharmacogénétiques cliniquement rele-vantes au niveau des CYP sont disponibles et l’attitude à adopter en présence de variation de l’activité en-zymatique: éviter le médicament et/ou choisir une alternative (rouge), adapter la dose et/ou faire un mo-nitoring (jaune), être vigilant à une possible réduc-tion de l’efficacité ou augmentation de la toxicité (turquoise). Les situations où un test génétique est recommandé/requis par certaines agences de régula-tions sont indiquées par un symbole. Le détail des attitudes thérapeutiques à adopter est disponible en ligne sur le site Pharmacogenomics Knowledgebase (PharmGKB), qui analyse et regroupe toutes les in-formations pharmacogénétiques disponibles et leur pertinence clinique [2]. Des recommandations existent également pour d’au-tres enzymes du métabolisme de phase II (notamment thiopurine S-méthyltransférase, N-acétyl-transférase), certains transporteurs médicamenteux et de nom-breuses cibles pharmacodynamiques.
Tests diagnostiques mesurant l’activité des cytochromes P450
De nouvelles techniques ont été développées afin de rechercher des variantes alléliques spécifiques (géno-typage) ou les variations dans la fonctionnalité/acti-vité métabolique des CYP (phénotypage) [1]. Ils appa-raissent ainsi comme des apports supplémentaires à la personnalisation médicamenteuse, à côté de la tradi-tionnelle quantification des concentrations plasma-tiques du médicament (TDM).
Figure 1: Recommandations cliniques en présence de variations génétiques
dans l'activité des cytochromes P450.
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Le génotypage permet de prédire l’activité enzyma-tique en fonction des allèles identifiés par différentes techniques (real-time PCR, multiplexage, puces géné-tiques) pour autant que le lien génotype/phénotype soit établi. Des kits sont aussi disponibles permettant des détections en quelques heures et sur un simple échantillon jugal pour certains. A la différence du génotypage, le phénotypage apporte des informations sur l’activité réelle des enzymes et pourrait ainsi apporter des informations cliniques plus pertinentes en étant le reflet d’une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux [3]. Un substrat test spécifiquement métabolisé par un CYP est administré au patient. Certains paramètres phar-macocinétiques du substrat et de son métabolite, ou leur ratio vont permettre de définir le profil métabo-lique de l’individu. Le phénotypage peut aussi tester de manière simultanée l’activité enzymatique de plusi eurs CYP (cocktail de phénotypage) dans un test unique. L’utilisation de microdoses (5–100× infé-rieures à la dose thérapeutique) permet notamment d’éviter la survenue d’effets indésirables (micro-cock-tails). La récolte d’échantillon est aussi rendue moins fastidieuse et invasive par simple prélèvement capil-laire au bout du doigt sur papier buvard. Le cocktail de phénotypage (papier buvard) développé et utilisé à Genève permet ainsi de phénotyper de manière simul tanée six CYP et un transporteur [4].
Conclusion
Les données pharmacogénétiques se sont accumu-lées ces dernières années et la personnalisation des traitements de manière préemptive au bagage géné-tique du patient devient une réalité même si leur uti-lisation reste encore limitée ou discutée [5]. Nous avons décrit ici les polymorphismes les mieux étu-diés au niveau pharmacocinétique modulant l’activité des CYP. Des polymorphismes relevant cliniquement sont également décrits pour d’autres cibles pharma-cocinétiques et pharmacodynamiques. L’association entre les issues thérapeutiques et le choix du traitement et de la dose en fonction du gé-
notype du patient ont déjà des applications en onco-logie, psychiatrie, antalgie et dans le domaine cardio-vasculaire. Des recommandations de doses sont disponibles en fonction des génotypes pour certains médicaments afin d’aider les cliniciens à interpréter la valeur clinique des données pharmacogénétiques. Les agences de régulations ont également reconnu leur valeur clinique ainsi que dans le développement médicamenteux. Certains tests pharmacogénétiques sont déjà requis pour les médicaments indiqués chez des patients porteurs d’anomalies génétiques spéci-fiques (test dit «compagnon diagnostique»). Ils res-tent toutefois encore op tionnels pour la plupart des cibles pharmacocinétiques tels que les CYP. Les nouveaux outils diagnostiques dans l’arsenal du clinicien, tel le phénotypage rendu plus sûr et plus simple d’utilisation, vont permettre de diagnostiquer rapidement les variations d’activité métabolique. Si leur ratio coût-utilité reste à être validé dans des ap-proches préemptives, ils gagnent à être mieux connus du clinicien pour diagnostiquer rétrospectivement une cause pharmacocinétique à une réponse théra-peutique anormale chez un patient donné. L’utilisa-tion de ces outils devrait progressivement se généra-liser en pratique clinique afin de maximiser l’effi cacité des thérapies tout en réduisant les risques de toxicité.
Conflits d’intérêtsL’auteure n’a pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Références1 Samer C.F., et al., Applications of CYP450 testing in the clinical
setting. Mol Diagn Ther, 2013. 17(3): p. 165–84.2 http://www.pharmgkb.org/, accessed on November 19, 2012.3 Fuhr U., Jetter A. and Kirchheiner J., Appropriate pheno typing
procedures for drug metabolizing enzymes and transporters in humans and their simultaneous use in the “cocktail” approach. Clin Pharmacol Ther, 2007. 81(2):p. 270–83.
4 Bosilkovska M., et al., Geneva cocktail for cytochrome p450 and P-glycoprotein activity assessment using dried blood spots. Clin Pharmacol Ther, 2014. 96(3): p. 349–59.
5 Wang B., Canestaro W.J. and Choudhry N.K., Clinical Evidence Supporting Pharmacogenomic Biomarker Testing Provided in US Food and Drug Administration Drug Labels. JAMA Intern Med, 2014. 174(12): p. 1938–44.
Correspondance: Caroline Flora Samer Service de Pharmacologie et Toxicologie cliniques Centre Suisse de Toxicologie Humaine Appliquée Hôpitaux Universitaires de Genève Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4 CH-1211 Genève Caroline.Samer[at]hcuge.ch
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Médecine physique et réadaptation
Les nouveaux défis de la réadaptationStephanie Garlepp
Rehaklinik Bellikon, Switzerland
La situation et les tendances actuelles sur l’exemple de la réadaptation suite à un accident
Outre la médecine aiguë, les soins de longue durée et les soins de médecine de premier recours, la réadaptation est l’un des principaux facteurs qui, dans leur collaboration, participent de manière décisive à une qualité élevée de la prise en charge médicale et à la prospérité économique de la Suisse.Un accident modifie d’un coup non seulement l’intégrité physique, mais également l’environnement social, familial et professionnel de la victime. La réadaptation consiste à traiter les patients de manière holistique; en particulier le travail basé sur la CIF (classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé) crée les fondements nécessaires à l’évaluation de la situation globale d’une personne, ainsi qu’à une approche structurée de la réadaptation. Les diverses mesures doivent être rendues efficaces de manière coordonnée, adaptées et accordées aux besoins particuliers de chaque individu concerné. C’est pourquoi, en plus d’infrastructures spéciales, la réadaptation requiert un concept thérapeutique global. Ces mesures ne constituent pas une deuxième étape qui suit les soins aigus, mais représentent un élément de la prise en charge accompagnant l’ensemble du parcours du patient. Des études internationales montrent que plus la réadaptation ciblée et globale est initiée tôt, meilleurs sont les résultats [1]. Ainsi seulement, les séquelles peuvent être évitées ou atténuées, ce qui a des conséquences positives aussi bien sur la qualité de vie des personnes concernées que sur les coûts d’assurance.De même, des mesures de réadaptation professionnelle déployées le plus tôt possible sous une forme hautement spécialisée sont pertinentes, comme le montre une nouvelle étude [2]. Outre l’avantage économique important, la perspective d’un retour rapide à la vie professionnelle favorise le processus de guérison.L’ensemble du secteur de la santé et ainsi le paysage hospitalier sont depuis des années en mutation. La concurrence augmente entre les hôpitaux et les cli
niques. En raison des progrès de la médecine, des modi fications sociales et de la pression croissante exercée sur les coûts, cela restera par ailleurs le cas.
Facteurs actuels d’influence sur la réadaptation (post-accident)
Un nombre croissant d’accidentés gravesLe nombre de blessés graves au cours d’accidents ne cesse d’augmenter. Cela est d’une part dû au nombre croissant d’accidents, d’autre part, de plus en plus de victimes de traumatismes graves ou de polytraumatismes survivent à l’accident [3].
Davantage d’accidents de loisirsDes enquêtes menées par la Suva, qui représente, en tant qu’organisation de droit public à but non lucratif, le principal organisme responsable de l’assurance acci dents obligatoire en Suisse, indiquent une augmentation des accidents liés au sport et aux loisirs [4]. Tandis que la fréquence des accidents de travail a diminué durant les dernières années, celle des accidents de loisirs ne cesse de croître. Les répercussions financières des accidents non professionnels sont généralement plus importantes qu’en cas d’accident sur le lieu de travail.
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Stephanie Garlepp
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Des séjours plus brefs en hôpital de soins aigus – un passage précoce en réadaptationAvec de nouveaux systèmes de mesure et d’indem nisation tels que SwissDRG, le modèle de financement hospitalier 2012 augmente la pression exercée sur les hôpitaux de soins aigus et les cliniques de réadaptation. Le document Def-Rehapapier Version 1.0 indique: «Pour les patients à l’interface entre les soins aigus et la réadaptation, le plus grand avantage pour le patient consiste à optimiser le moment du transfert vers le bon fournisseur de prestations.»Des critères d’inclusion et d’exclusion sont fixés pour le début et la fin de la réadaptation stationnaire.La tendance à un passage précoce des patients en réadaptation va continuer [5]. De plus en plus de patients instables seront donc pris en charge de manière stationnaire dans des cliniques de «réadaptation aiguë». Ainsi, les exigences envers les médecins, les thérapeutes et le personnel de soins au sein d’établissements de réadaptation augmentent, avec une multiplication des complications médicales ainsi que des mesures d’hygiène et d’isolation (telles que SARM = Staphylococcus aureus résistant à la méticilline et BLSE = bêtalactamase à spectre étendu). Les coûts qui en résultent et les ressources mobilisées augmentent.
Nouveau système tarifaire stationnaire ST-Reha Concernant le règlement de prestations stationnaires de réadaptation, la loi prévoit à l’avenir l’utilisation d’un système tarifaire uniforme au niveau national avec un droit à des prestations [6]. Du point de vue actuel, ce nouveau système tarifaire s’accompagnera d’une redistribution des indemnisations des patients légèrement touchés à des patients fortement touchés. De manière globale, le défi auquel les cliniques de réadaptation seront confrontées consistera à continuer de garantir une réadaptation de haute qualité avec des ressources financières limitées.
Importance croissante de la gestion des interfaces La mission légale de prestations du porteur des coûts dans le domaine LLA comprend la prise en charge des coûts des soins aigus de l’accidenté jusqu’à la pension d’invalidité. L’optimisation de la problématique que posent les interfaces hôpital de soins aigus – clinique de réadaptation et clinique de réadaptation – réadaptation ambulatoire jusqu’à la réinsertion professionnelle gagnera en importance. La même chose vaut pour les interfaces au sein des cliniques de réadaptation.
Innovation continuelle des méthodes de réadaptation et manque de spécialistes en réadaptationAvec l’académisation des professions de traitement et de soins, la tendance à des offres thérapeutiques innovantes et basées sur des preuves va se poursuivre. Pour cela, des collaborateurs correctement formés et en continuel perfectionnement sont nécessaires. Parallèlement, la pénurie déjà existante d’infirmiers et de médecins aura des répercussions encore plus fortes sur le recrutement de personnel dans le domaine de la réadaptation.
Conclusions pour la réadaptation (post-accident)
La concurrence s’annonce de plus en plus rude, la pression exercée sur les coûts de plus en plus forte. A l’avenir, le patient ayant le droit de recourir à une réadaptation stationnaire sera plus âgé, plus dépendant sur le plan social, plus multimorbide et plus complexe du point de vue médical. L’optimisation de la gestion des interfaces dans le parcours du patient constitue, en termes de collaboration interdisciplinaire, une condition préalable décisive pour atteindre les objectifs avec le patient. Dans ce contexte, la CIF fournit une base éprouvée, en particulier concernant la participation et la prise en compte du point de vue du patient dans le processus de réadaptation.«Les entretiens narratifs portant sur la convention des objectifs contribuent à intégrer le point de vue du patient dans le processus de réadaptation et, ainsi, à mettre en application la volonté de participation de la CIF au quotidien clinique» [7]. La constitution d’alliances et de coopérations offre des opportunités et des défis et, en particulier, de nombreux nouveaux carrefours et interfaces [8]. Ici aussi, il convient de rendre ceuxci surmontables et même d’en transformer certains en intersections. Il est postulé que «le succès de l’hôpital sera à l’avenir réalisable uniquement lorsqu’il sera possible de concilier les objectifs médicaux, économiques et orientés vers les clients et les collaborateurs…» [9].
Conflits d’intérêtsL’auteure ne déclare aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article.
RéférencesLa liste complète des références numérotées se trouve sous www.medicalforum.ch.
Correspondance: Stephanie Garlepp, med. pract. Rehaklinik Bellikon Mutschellenstr. 2 CH5454 Bellikon stephanie.garlepp[at] rehabellikon.ch
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Chirurgie plastique, reconstructive et esthétique
Cancer du sein: le rôle de la chirurgie plastiqueReto Wettsteina, Dominique Ernib, Yves Harderc,d, Ilario Fulcoa,e,f, Barbara Linga,f, Dirk J. Schaefera, Walter Weberf, Martin Hauga,f
a Departement für Plastische, Rekonstruktive, Ästhetische und Handchirurgie, Universitätsspital Basel; b Brustzentrum Klinik St. Anna, Luzern; c Dipartimento di Chirurgia, Servizio di Chirurgia Plastica, Ricostruttiva ed Estetica, Ospedale Regionale di Lugano, EOC, Lugano; d Centro di Senologia della Svizzera Italiana;e BelCare Praxis, Bahnhofstrasse, Aarau; f Brustzentrum, Universitätsspital Basel
La prise en charge des tumeurs malignes implique souvent une collaboration interdisciplinaire. Parti-culièrement dans le cas du cancer du sein, qui repré-sente le symbole de l’intégrité physique de la femme et de sa féminité, la chirurgie plastique reconstruc-trice joue un rôle essentiel, notamment en raison des attentes grandissantes en matière esthétique.Lors des dernières décennies, la chirurgie oncologique tout comme les possibilités de reconstruction onco-plastique dans la chirurgie mammaire ont considéra-blement évolué et se sont améliorées de manière notoire, sans pour autant compromettre le degré de sécurité de la résection tumorale et le contrôle local de la maladie.Dans les cas de chirurgie ablative, on a montré depuis les années 1990 que les procédés moins agressifs comme: premièrement la méthode épargnant le revête ment cutané du sein («skin-sparing mastec-tomy») [1], ou encore épargnant le sillon sous-mam-maire et le com plexe aréolo-mamelonnaire («nip ple- sparing mastectomy»), prodiguaient des résultats oncologiques sa tisfaisants et comparables aux mé-thodes dites radicales, à la condition d’une bonne sélection des patientes. Ces méthodes impliquent une reconstruction immédiate, sans laquelle le béné-fice lié aux tissus épargnés serait perdu en raison de la rétrac tilité de la peau.Le résultat esthétique de la reconstruction et ainsi le bien-être de la patiente pouvaient être néanmoins nettement améliorés au travers de ces évolutions techniques chirurgicales conservant l’enveloppe cu-ta née du sein, et ainsi permettre des résultats remar-quables même après mastectomie.La chirurgie conservatrice du sein, dans laquelle la tumeur est extirpée avec une marge de sécurité et le reste de la glande mammaire préservé pour être irra-dié par la suite, est utilisée depuis les années 1970 et fut reconnue il y a de ça au moins dix ans comme thérapie onco-chirurgicale valable – au même titre que la mastectomie – en matière de risque de récidive locale et de taux de survie globale [2].
Grâce au dépistage systématique du cancer du sein, et le diagnostic précoce des tumeurs du sein qui en dé-coule, la thérapie conservatrice du cancer du sein, soit 80% des cas, représente la méthode la plus em-ployée en Europe.Ainsi, selon le cas, la thérapie chirurgicale du cancer du sein peut être radicale ou, si possible, conservatrice en préservant autant de tissus que possible, dans les limites de l’acceptabilité et sécurité oncologique, afin d’améliorer la qualité de vie de la patiente. La dé-cision entre thérapie conservatrice et mastectomie dépend, au-delà des possibilités de chimio- et radio-thérapie et du désir de la patiente, entre autres aussi du type de tumeur, de la localisation de la tumeur dans le sein et de sa distance et relation à la peau, au complexe aréolo-mamelonnaire et au sillon sous-mammaire, ainsi que du rapport entre a taille de la tumeur et celle du sein.Bien que la chirurgie conservatrice du cancer du sein soit moins agressive que les mastectomies radicales réalisées encore il y a peu de temps, elle peut mener à des pertes de substances relativement importantes, Reto Wettstein
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ce qui, en l’absence de prise en charge, peut mener à des déformations mutilantes du sein ainsi que des asymétries de volume et de forme.La chirurgie onco-plastique se définit comme l’asso-ciation de la chirurgie oncologique et de la chirurgie plastique et reconstructive et devrait être proposée à
toute patiente pour laquelle cette possibilité existe. La technique comprend la résection tumorale et le re-modelage esthétique des tissus restants: la glande mammaire et l’enveloppe cutanée, ceci de manière immédiate et avec le moins de rançon cicatricielle pos sible. Pour cela, il existe de multiples techniques opératoires ayant été mises au point et développées ces dernières années en chirurgie reconstructrice et esthétique (fig. 2).Idealement, le chirurgien plasticien est impliqué dès le départ lors la conférence interdisciplinaire, afin d’informer la patiente et de lui présenter les diffé-rentes options de reconstruction qui lui sont offertes ainsi que leurs limites, et ce avant l’étape de chirurgie oncologique. Les techniques opératoires choisies dé-pendront d’un côté de la situation de départ, c’est- à-dire la taille du sein, la ptose, le poids, le degré de subs titution du tissus adipeux ainsi que des risques et complications péri- et postopératoires; d’un autre côté, elles dépendront des besoins et souhaits de la patiente et devront y être adaptés de manière opti-male. Ici, il est essentiel que le chirurgien plasticien reconstructeur présente à la patiente l’ensemble des options disponibles afin de lui garantir un choix libre et éclairé, quant à la méthode qui lui convient le mieux. Les opérations esthétiques et reconstructives peuvent aller du simple lambeau local limité en pas-sant par les plasties de réduction plus importantes, jusqu’au lambeau libre autologue ou encore la mise en place d’implants mammaires.La part de la chirurgie plastique dans la chirurgie onco-plastique du sein implique l’utilisation de tech-
Figure 2: Exemple après intervention chirurgicale onco-plastique, incluant la résection du complexe aréolo-mamelonnaire (à gauche) sans symétrisation
du sein controlatéral, ceci n’ayant pas été souhaité par la patiente dans un premier temps. Résultat deux semai nes après reconstruction du complexe
aréolo-mamelonnaire et réduction mammaire de symétrisation du sein controlatéral chez la même patiente (à droite).
Figure 1: Exemple de résultat après tumorectomie du quadrant latéral supérieur du sein
gauche sans mesure chirurgicale onco-plastique et sans symétrisation du sein contro-
latéral sain.
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niques chirurgicales de remodelage de la glande mammaire restante et du revêtement cutané après tumorectomie plus ou moins étendue, afin de re-construire de manière immédiate un sein aux contours naturels et avec le moins de rançon cicatri-cielle possible. Ici, la chirurgie reconstructrice et es-thétique a décrit ces dernières années de nombreuses techniques opératoires. Une technique relativement récente est la transplantation autologue de cellules graisseuses. Dans cette méthode, le tissu graisseux sera aspiré de manière mini-invasive et, après pré-paration, il sera injecté à l’endroit de la perte de subs-tance. Grâce à cette méthode, de petites irrégularités de contour après chirurgie conservatrice pourront être corrigées de manière optimale. Ceci en ayant connaissance de la présence de cellules souches, cytokines et facteurs de croissance dans le greffon de tissus adipeux et de leur potentielle action sur le taux de récidive locorégionale [3].Bien entendu, il convient, lors de cet entretien, de conseiller et informer la patiente également sur les possibilités de symétrisation de volume et de la forme du sein controlatéral non atteint. Ici, on consi-dérera les deux seins comme un seul et unique organe, présentant une symétrie et une harmonie de forme et de position. Selon la situation anatomique et les besoins individuels, on pourra réaliser une réduction mammaire, une mastopexie ou encore une augmentation mammaire, afin d’améliorer le ré-sultat esthétique et ainsi le bien-être psychologique et la satisfaction de la patiente. Ces développements
Correspondance: PD Dr Reto Wettstein Universitätsspital Basel Spitalstrasse 21 CH-4031 Basel reto.wettstein[at]usb.ch
reflètent la récente décision du Département fédéral de l’intérieur [4] soulignant que l’assurance maladie de base se doit à présent de prendre en charge les coûts de reconstructions partielles du sein ainsi que les coûts de symétrisation du sein controlatéral sain.Le degré de sécurité oncologique et le résultat esthé-tique vont de pair dans le concept moderne de chi-rurgie du cancer du sein. Une prise en charge inter-disciplinaire des patientes atteintes de cancer du sein permet de mettre en évidence et de prendre en compte les facteurs oncologiques et cliniques déter-minant le choix de la technique de reconstruction mammaire à favoriser afin d’obtenir un résultat esthétique optimal. Celle-ci nous amène à recon-naître les attentes esthétiques comme élément pri-mordial notamment pour l’aspect psychologique de la patiente étant confrontée à cette situation très dif-ficile.
Conflits d’intérêtsLes auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Références1 Toth BA, Lappert P. Modified skin incisions for mastectomy: the
need for plastic surgical input in preoperative planning. Plast Reconstr. Surg 1991;87:1048.
2 Veronesi U, Cascinelli N, Mariani L, Greco M, Saccozzi R, et al. Twenty-year follow-up of a randomized study comparing breast-conserving surgery with radical mastectomy for early breast cancer. N Engl J Med 2002;347:1227.
3 Wettstein R, Ling B, Harder Y, Schaefer DJ. Eigenfettgewebetrans-plantation in die Brust – ja aber! Forum Med Suisse 2014;14:954.
4 https://www.news.admin.ch/message/index.html?lang= de&msg-id=55591.
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Pneumologie
Fibrose pulmonaire idiopathique – une lumière à l’horizon!Thomas Geiser, Manuela Funke
Universitätsklinik für Pneumologie, Inselspital, Bern
La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est une maladie pulmonaire chronique associée à un pronostic mauvais. Les approches thérapeutiques médicamenteuses ont jusqu’ici fait défaut. Deux nouvelles substances antifibrotiques permettent désormais d’influencer positivement l’évolution de la maladie et de ralentir la perte de la fonction pulmonaire.
Les approches thérapeutiques convaincantes ont pour l’heure toujours fait défaut
Lors du diagnostic d’une FPI, le patient est souvent pris de désespoir et le médecin de frustration, car les approches thérapeutiques ont jusqu’à maintenant toujours fait défaut. La survie moyenne est de 2 à 4 ans et peut ainsi être comparée à celle d’un cas de tumeur maligne. Bien souvent, le patient ne peut se voir proposer qu’une oxygénothérapie à long terme, qui atténue les symptômes, et dans certains cas une transplantation pulmonaire.La FPI survient principalement chez les patients âgés et se caractérise par une dyspnée d’effort lentement progressive accompagnée de toux sèche. Au niveau de la fonction pulmonaire, on constate un trouble ventilatoire restrictif avec limitation de la diffusion et hypoxémie d’effort au premier plan. A l’aus cul tation, on entend fréquemment des râles crépitants au niveau basal, qui doivent faire suspecter la présence d’une FPI. La tomodensitométrie révèle des changements réticulaires accentués au niveau subpleural et recrudescents au niveau basal ainsi que la formation de motifs alvéolés avec bronchectasie par traction, généralement accompagnée de modifications vitreuses légères ou absentes. Une bronchoscopie avec lavage bronchoalvéolaire est habituellement réalisée pour l’éclaircissement du diagnostic. En cas de signes cliniques et radiologiques typiques et en cas d’exclusion d’autres causes d’une pneumopathie interstitielle, le diagnostic d’une FPI peut être établi, même sans recours à la biopsie pulmonaire. Des concertations multidisciplinaires de pneumologues, radiologues et pathologues, telles qu’elles sont régulièrement menées
dans les centres spécialisés, représentent la référence standard en matière de diagnostic des pneumopathies interstitielles. On a longtemps supposé que les modifications inflam matoires chroniques étaient responsables du développement d’une FPI. En conséquence, des thérapies antiinflammatoires ont été mises en œuvre. De récentes études de bio logie cellulaire et moléculaire ont cependant montré que ce sont bien davantage les microlésions répétées de l’épithélium pulmonaire avec activation des fibroblastes et troubles de la guérison des plaies intraalvéolaires qui conduisent à la fibrose du parenchyme pulmonaire. Elles ont aussi montré que l’inflam mation aiguë en cas de FPI ne semble jouer tout au plus qu’un rôle secondaire. Ainsi, les corticoïdes fréquemment utilisés se sont révélés inefficaces, aussi bien dans le cadre d’une monothérapie qu’en association avec des immunosuppresseurs tels que l’aza thi o prine. Des antiinflammatoires plus spécifiques tels que les inhibiteurs de l’interféron gamma ou du TNFalpha (facteur de nécrose tumorale) n’ont montré aucun effet. De la même manière, aucun avantage n’a pu être mis en évidence dans l’utilisation d’antagonistes des récepteurs de l’endothéline (bosentan, ambrisentan), d’anticoagulants ou de Nacétylcystéine.
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Thomas Geiser
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Concept thérapeutique: inhibition du processus fibrotique
Ces observations frustrantes ont mené à la conviction selon laquelle il faut rechercher de nouveaux concepts thérapeutiques qui inhibent directement le processus fibrotique. En cas de FPI, il ne convient pas d’administrer des substances antiinflammatoires, mais plutôt des substances antifibrotiques qui soit in hibent les facteurs de croissance profibrotiques soit stimulent les médiateurs antifibrotiques. Au cours des dernières années, quelques substances de ce type ont été développées, dont deux sont sorties du lot en 2014 suite à des études cliniques positives: la pirfénidone et le nintedanib.L’étude ASCEND a démontré que la progression de la FPI peut être ralentie avec la pirfénidone, ce qui a pu être documenté par une chute retardée de la capacité vitale forcée (CVF) [1]. Au fil du temps, la diminution de la CVF en cas de FPI s’est imposée comme critère d’évaluation primaire et comme paramètre de l’évolution de la maladie, représentant un marqueur pronostique et étant à hauteur moyenne d’env. 200 ml/an en cas de FPI non traitée. Des résultats antérieurs, tirés du programme d’étude CAPACITY et publiés en 2011 [2], ont donné lieu à des discussions, car une étude avec la pirfénidone avait montré des résultats positifs visàvis du critère d’évaluation primaire (diminution de la CVF) alors qu’une autre étude avec un design identique avait montré des résultats négatifs. Grâce à l’étude ASCEND contrôlée contre placebo, dans laquelle 555 patients ont été inclus et traités pendant 52 semaines par pirfénidone, les résultats positifs ont pu être confirmés [1]. La tolérance de la pirfénidone est généralement bonne; les effets indésirables sont principalement de nature gastro in testinale ou dermatologique (phototoxicité) mais n’entrainent que rarement un arrêt du traitement en cas de bonne prise en charge du patient. La pirfénidone (Esbriet®) est déjà autorisée dans plus de 30 pays, dont certains de l’Union européenne, et peut être prescrite en Suisse par des centres spécialisés.La seconde substance ayant montré un effet positif chez les patients présentant une FPI est l’inhibiteur de la tyrosine kinase nintedanib (Vargatef®), administré par voie orale. Le nintedanib inhibe la production des facteurs profibrotiques VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), FGF (Fibroblast Growth Factor) et PDGF (Platelet Derived Growth Factor) [3]. En 2014 ont été publiées les études INPULSIS1 et INPULSIS2, qui ont montré – comme pour la pirfénidone – un ralentissement de la perte de la fonction pulmonaire (diminution de la CVF) et donc un ralentis
sement de la progression de la maladie [4]. L’effet du nintedanib sur la fréquence d’exacerbation variait dans les études INPULSIS1 et INPULSIS2. Même si l’étude n’était pas suffisamment puissante pour atteindre des différences statistiquement significatives en termes de mortalité, il y avait une tendance à la baisse de la mortalité sous nintedanib. Quant aux effets indésirables, c’est principalement des diarrhées qui sont rapportées, mais elles ont généralement été bien maitrisées grâce à une adaptation de la dose et à la prise d’antidiarrhéiques. Le nintedanib est actuellement disponible en Suisse dans des centres spécialisés dans le cadre d’un programme «Compassionate Use».Après des années d’attente et de nombreuses études décevantes, deux substances sont enfin à notre disposition pour le traitement de la FPI et, espéronsle, seront bientôt autorisées en Suisse. Beaucoup de questions restent néanmoins ouvertes et doivent être éclaircies minutieusement par d’autres études: Quels patients profitent en première ligne de ces formes thérapeutiques (onéreuses)? Quand doit être initié le traitement médicamenteux? Quels sont les para mètres d’évolution adaptés pour l’évaluation du succès thérapeutique? Estil possible d’identifier des répondeurs spécifiques au traitement par pirfénidone ou par nintedanib? Une thérapie combinée avec les deux substances estelle judicieuse dans certains cas? Et combien de temps persistent les effets du traitement? Afin de pouvoir apporter une réponse à ces questions, l’inclusion des patients atteints de FPI traités dans les études et registres est d’une importance capitale.Nous sommes encore loin d’une guérison de la FPI. Cependant, ces deux nouveaux médicaments permettent de parler sans rougir d’une bonne avancée dans le traitement de la FPI. Il reste à espérer que de nouvelles substances antifibrotiques avec un bon profil efficacité/effets indésirables suivront. Et, last but not least, ces nouvelles options thérapeutiques ne peuvent être utilisées à profit que lorsque le médecin de famille, lors de la consultation, pense à cette maladie et qu’il initie des examens spécialisés pour mise au point diagnostique. Le médecin de premier recours joue ainsi un rôle central dans le diagnostic: une dyspnée d’effort accompagnée de râles crépitants au niveau basal n’est pas toujours le signe d’un problème cardiaque, mais peut parfois indiquer une maladie pulmonaire fibrotique!
Conflits d’intérêtsLes auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt financier ou personnel en rapport avec cet article.
RéférencesLa liste complète des références numérotées se trouve sous www.medicalforum.ch.
Correspondance: Prof. Thomas Geiser Direktor und Chefarzt, Universitätsklinik für Pneumologie, Inselspital CH3010 Bern thomas.geiser[at]insel.ch
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Médecine tropicale et des voyages
Ebola en Afrique de l’Ouest: rétrospective 2014 et perspective 2015Lars Henning
Schweizerisches Tropen und Public HealthInstitut (Swiss TPH), Basel
En décembre 2013, une petite fille de deux ans est décédée dans le petit village Meliandou dans la région frontalière de la Guinée avec le Liberia et la Sierra Leone [1]. Ce sera le point de départ de l’épidémie d’Ebola la plus ravageuse, qui emportera des milliers de personnes en peu de temps au Liberia, en Guinée et en Sierra Leone. Cet article se base sur des expériences et impressions au cours de mon séjour de cinq semaines au Liberia en octobre et novembre 2014. Il ne prétend pas essayer d’expliquer le déclenchement d’un point de vue épidémiologique [2], mais met en lumière les conséquences pour les personnes vivant actuellement en Afrique de l’Ouest.
Un système de santé effondré
La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 signifie que, dans de nombreuses régions, pratiquement tous les hôpitaux et tous les postes de soins sont fermés. Les infections nosocomiales représentent une grande part des nouvelles infections, en particulier auprès du personnel soignant, à tel point que même le personnel sain ne travaille plus et que les patients craignent le système de santé car ils redoutent de se faire contaminer. Cela conduit à ce que plus aucune immunisation contre la rougeole et plus aucun dépistage du VIH ne soient menés, ni de diagnostic de paludisme en cas d’infection fiévreuse. Les femmes enceintes doivent désormais accoucher à la maison, même en cas de complications. L’épidémie d’Ebola est terrible, mais à l’heure actuelle, plus de personnes meurent en raison de l’effondrement du système de santé!La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 implique que nous mettions en place plus d’«Ebola Treatmen Units» (ETUs). Nous devons planifier, conjointement avec les autorités locales, où placer ces ETUs le plus pertinemment possible. Nous avons besoin de plus de personnel médical, qui respecte les mesures de protection adéquates afin de prévenir une infection. A cette fin, des dizaines, si ce n’est des centaines de milliers de combinaisons de protection doivent être distribuées. Et pas uniquement aux ETUs,
car les patients se rendent d’abord chez un guérisseur, dans un poste de soin, un hôpital, une pharmacie ou auprès d’une sagefemme lorsqu’ils sont malades. Tous ces groupes doivent se protéger! La majorité du personnel des ETUs ne s’infecte pas pendant son temps de travail, mais pendant son temps libre lorsqu’il aide le voisinage. Certains experts proposent des «Community Care Centers» (CCCs) dans lesquels les membres de la famille des malades d’Ebola prennent en charge les soins. De nombreux experts les appellent les «communities contamination centers». Qui indiquera aux membres de la famille comment bien mettre et enlever la combinaison de protection? Comment traiter les combinaisons contaminées? Personnellement, je suis sceptique.
La réclamation de primes de risque
La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 signifie également que nous ne disposons pas de capacités diagnostiques suffisantes. C’est la raison pour laquelle dans les ETUs, des malades atteints d’Ebola partagent la même tente que des malades n’étant pas atteints d’Ebola, ce qui entraîne un nomLars Henning
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bre considérable de nouvelles infections. L’expérience actuelle sur place montre que la remise sur pied du système de santé ne peut fonctionner que lorsqu’il sera possible d’exclure une infection par Ebola rapidement, avec certitude et avec fiabilité. Beaucoup de gens m’ont rapporté qu’en cas de fièvre, ils ne se rendent surtout pas chez le médecin car celui ci les renverrait immédiatement. Que ça nous nous plaise ou non, sans «prime de risque», le personnel de santé ne retournera pas au travail. Ces primes de risque fondées sur le mérite devraient être associées à la durée de l’épidémie d’Ebola. Elles pourraient alors être assurées par les bailleurs de fonds nationaux et internationaux, l’Etat ayant la responsabilité de verser les salaires. Le Nigeria, où des gens sont prêts à vacciner des enfants contre la poliomyélite dans des conditions difficiles, a prouvé que cela fonctionne et est durable.La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 se traduit aussi par le fait qu’à Monrovia et ses alentours, la capitale du Liberia, un décret présidentiel impose de brûler tous les corps. Grâce à des «dead body management teams» spécialement entraînées, les corps hautement infectieux sont rassemblés et le cycle infectieux est ainsi enrayé. Cela se produit souvent contre la volonté des familles, et de nombreux malades préfèrent ainsi rester chez eux. En cas de décès, cela permet un enterrement secret par la famille. Il est indéniable que les enterrements de personnes décédées d’Ebola comportent un grand risque d’infection. En revanche, la pertinence de cet arrêté et de son application est discutable, car de nombreux décès ne sont pas imputables à Ebola. J’en ai souvent discuté sur place avec des collègues. Le recul de l’épidémie à Lofa, une province au nord du Liberia, montre que la collaboration des guides spirituels, des familles et des groupes sociaux permet des enterrements sécurisés. Il y a beaucoup à apprendre de ces approches locales, et cellesci doivent être reproduites.La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 a cependant également permis d’observer que le
Sénégal et le Nigeria ont su faire face à l’épidémie. Nous savons d’épidémies antérieures qu’une isolation conséquente des cas et la surveillance sans faille des personnes en contact permettent de bien endiguer la propagation du virus.
Les agents pathogènes ne s’arrêtent pas aux frontières
L’évolution de la situation au Mali est pour le moment difficile à prévoir. Je ne connais aucun agent pathogène qui s’arrête aux frontières. Mais le Mali dispose désormais de meilleures conditions que les trois pays les plus touchés: premièrement, il dispose d’un meilleur système de santé, qui n’a pas été détruit par la guerre civile. Deuxièmement, le Mali n’est pas aussi densément peuplé que le Liberia, la Guinée et la Sierra Leone, et enfin troisièmement, nous sommes désormais avertis. Il faut maintenant un diagnostic fonctionnel, une isolation conséquente des cas et une surveillance intensive des personnes en contact dans la région afin d’éviter l’effondrement d’autres systèmes de santé.Les annonces justes sont tout à fait essentielles. La prévention est plus importante que les interdictions. Au Liberia, certaines personnes continuent à nier l’épidémie d’Ebola et mangent de la viande de singe. Selon toute vraisemblance, il n’y a eu qu’un seul cas index, et la consommation de viande de singe ou de chauvessouris ne contribue pas à une propagation rapide. Bien expliquer que les malades atteints d’Ebola doivent être isolés et que les personnes en contact doivent être surveillées est plus important que l’interdiction de manger de la viande de singe.
Perspectives 2015
La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2015 implique que nous réagissions encore plus vite et apportions une aide non bureaucratique. Actuellement, les quelques combinaisons de protection sont stockées dans des entrepôts centraux dans les capitales et ne sont toujours pas arrivées en périphérie. Et ce, alors que l’épidémie fait rage depuis déjà un an! Le temps des estimations, des évaluations, des mesures et des expertises est terminé, il faut agir. En cas d’urgence, la distribution doit être assurée par des structures militaires.La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2015 impliquera la nécessité de nouvelles interventions afin de mettre un terme à l’épidémie au cours de l’année. Actuellement, plusieurs vaccins et médicaments sont à l’étude. Même si un vaccin avait une
Tableau 1: Lumière sur l’épidémie d’Ebola en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia (Statut OMS au 3.12.2014).
Nombre de cas (suspectés) d’Ebola 17145
Nombre de cas confirmés d’Ebola 10708
Pourcentage des lits disponibles par rapport aux lits nécessaires dans les ETU 55%
Pourcentage des lits disponibles par rapport aux lits nécessaires dans les CCC 8%
Létalité des personnes infectées dans le système de santé 56%
Nombre de laboratoires (prévus) pour le diagnostic d’Ebola 21
Nombre de nouvelles infections au sein du personnel de santé au cours de la dernière semaine de novembre 2014
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Source: http://www.who.int/csr/disease/ebola/situation-reports/en/ (en anglais)
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grande efficacité («efficacy»), comment assurer une utilité suffisante («effectiveness») sur place? Une vaccination en anneau suffitelle ou bien fautil vacciner plusieurs millions de personnes? Le cas échéant, un rappel, estil nécessaire? Un nombre suffisant de doses d’un médicament efficace peutil être mis à disposition suffisamment rapidement? Il nous faut agir maintenant et ne pas penser à l’avenir!La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2015 offre également des chances. La percée d’Ebola qui a eu lieu à l’été et à l’automne 2014 en République démocratique du Congo [3] nous montre que des interventions réussies contre l’épidémie actuelle pourraient s’avérer utiles pour de futures épidémies. A la place de structures parallèles (voir CCC), l’argent devrait être investi dans des structures existantes. Nous pouvons introduire des directives d’hygiène (hospitalière) et former le personnel pour la période postépidémique. Une fois les obstacles logistiques franchis, nous poserons la base future d’un système de santé fonctionnel. Le traitement des déchets médicaux était déjà un problème avant l’épidémie d’Ebola et le restera une fois l’épidémie passée, comme beaucoup d’autres problèmes.La présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2015 doit avant tout signifier que nous devons le plus vite possible remettre sur pied le système de santé effon dré, qui est relativement sûr. Conformément au principe «sans fièvre, pas d’Ebola», les enfants afébriles
peuvent et doivent être vaccinés contre la rougeole, et les adultes afébriles peuvent et doivent se voir proposer des tests VIH. La question de savoir si un diagnostic de paludisme chez un patient fébrile sans exclusion d’Ebola peut être mené dans des conditions de sécurité adéquates sera certainement une décision locale. Une femme enceinte devrait, en l’absence de fièvre, pouvoir accoucher par césarienne si cela est indiqué.Dans de nombreux cas, l’aide ne sera pas possible. Mais dans de nombreux cas si! Nous devons y travailler: aidez, là où vous pouvez! Merci beaucoup. Nous ne devrions pas avoir à penser à ce que pourrait signifier la présence du virus Ebola en Afrique en 2016.
Lars Henning est médecinchef au sein de l’Institut Tropical et de Santé Publique Suisse et a passé 5 semaines au Liberia à l’automne 2014 au service du Comité international de la Croix Rouge.
Conflits d’intérêtsL’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt financier ou personnel en rapport avec cet article.
Références1 Baize S, Pannetier D, Oestereich L, Rieger T, Koivogui L,
Magassouba N, et al. Emergence of Zaire Ebola virus disease in Guinea. N Engl J Med. 2014 Oct 9;371(15):1418–25.
2 WHO Ebola Response Team. Ebola virus disease in West Africa—the first 9 months of the epidemic and forward projections. N Engl J Med. 2014 Oct 16;371(16):1481–95.
3 Maganga GD, Kapetshi J, Berthet N, Ilunga BK, Kabange F, Mbala Kingebeni P, et al. Ebola Virus Disease in the Democratic Republic of Congo. N Engl J Med. 2014 Oct 15. [Epub ahead of print]
Correspondance: Dr Lars Henning Schweizerisches Tropen und Public HealthInstitut (Swiss TPH) Socinstrasse 57 CH4002 Basel la.henning[at]unibas.ch
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