Sortir du Cadre - Fr - par Gerald Holubowicz - Bulb

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The death of journalism is bad for society, but we’ll be better off with less photojournalism. I won’t miss the self-important, self-congratulatory, hypocritical part of photojournalism at all. The industry has been a fraud for some time. We created an industry where photography is like big-game hunting. We created an industry of contests that reinforce a hyper-dramatic view of the world. Hyperbole is what makes the double spread (sells) and is also the picture that wins the contest. We end up with car-toons and concerned photographer myths (disclaimer: yes, there are photographers doing meaningful work)

Of course I am worried about how I will make my living now, and I wor-ry for my friends and colleagues too, but I don’t really care about the fu-ture of photojournalism. The soul of it has been rotten for a while.

Chris Anderson - Magnum

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sommairep .4 Introduction

PARTIE Ip .7 La Crise du Support

p .14 Photojournalisme

p .17 Articulation du Modele

PARTIE IIp .20 Introduction

p .21 Product & Process

p .23 Cross & Trans Media

p .25 Tous Editeurs

p .27 Monetisation

ANNEXES

p .32-54 Sortir du Cadre 2009-2010

p .55 Schema

p .56 Bio

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2010 Sera probablement l’année durant laquelle la presse papier aura définitivement basculé, celle où le besoin d’innovation aura été le plus grand et ou les débats auront été les plus forts autour des questions liées au modèle économique et la menace de son obsolescence.

Jamais la presse n’aura autant souffert, jamais les photojournalistes n’auront eu autant de difficultés à financer leurs projets et à témoigner. Jamais les gens d’image ne se seront bat-tus sur autant de fronts, perdu autant d’énergie et de moyens à tenter de sauver leur peau. Présent, au cœur des innovations technologiques, tiraille entre traditionalisme, corporatisme et modernisme. Le photojournalisme, à peine adolescent, rêve de se réinventer et cherche encore son chemin.

Être photographe, s’est écrire avec la lumière. Être photojournaliste c’est capter la lumière de la vérité.

Depuis Enrich Salomon, le sens de notre profession n’a guère changé. Les héritiers du photo-journalisme que nous sommes, influences par la force des témoignages d’époques désormais lointaines, continuent de perpétuer cette art de vivre et d’être humain. Témoigner de l’état de notre monde.

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Ce témoignage visuel avait encore, il y a peu, sa place dans les pages des magazines ou des quotidiens, sur les cimaises des galeries. Il appartient désormais au monde numérique.

Cette formidable opportunité de développer nos histoires au-delà du simple médium en deux dimensions doit nous inciter à maitriser les nouveaux outils du net, à en chercher les débouchés et les opportunités, à changer le paradigme de la presse et tenter de nouvelles approches.

Ce mouvement de recherche et d’innovation, initié par certains des plus en vue dans notre industrie, doit se transformer en un élan général ou chacun d’entre nous doit pouvoir jouer son rôle et contribuer activement. Le modèle traditionnel est sur le point de mourir et avec lui disparaitront ceux d’entre nous qui n’auront pas eu le courage de réfléchir et d’agir pour changer le status quo dans lequel le photojournalisme se complet depuis trop longtemps. Cet effort de renouvellement ne doit pas être considéré comme un rejet du passé, de ses valeurs ni de son héritage. Au contraire, ce doit être un acte militant de préservation d’un métier qui a produit parmi les plus grandes et plus belles images de notre histoire et continue d’éclairer le monde, à sa manière, sur ses dérives et ses plus beaux moments.

G.H juillet 2010

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partie i

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Les journaux poussent leurs derniers souffles. Un mouvement d’extinction inexorable en France, en Angleterre, en Espagne, aux Etats-Unis qui s’accélère et prend de plus en plus d’ampleur. Partout.

Globalement, la création et la distribution de l’information ont été largement affectées par la TV et la radio, phénomène amplifié par un changement des habitudes du lec-torat et ce bien avant l’apparition d’internet. Depuis près de 5 ans et la multiplication croissante des sources valides et gratuites d’information sur la toile (qu’elles émanent des journaux eux même, ou de nouvelles sources spécifiques à internet) le déclin du lectorat et le découplage entre publicitaires et journaux ont eu un retentissement sans précédent sur la sante économique de la majorité des journaux de l’OCDE. Apres des années marquées par une rentabilité excellente et des revenus en hausse, la plupart des publications se sont retrouvées soudainement face à une compétition démultipliée et une baisse de revenus publicitaires – longuement analyse par Clay Shirky et Jeff Jar-vis – jusque-là sans précédent.

Si l’on observe les chiffres, ce sont les deux tiers des pays de l’OCDE qui voient fondre leur audience significativement. Spécialement chez les jeunes dont on constate qu’ils accordent moins d’intérêt à la presse écrite que les 35ans et plus. En France se sont près de 42% des lecteurs qui ont plus de 50ans (chiffres de 2008).La croissance de l’ensemble du marché de la presse quotidienne a d’ailleurs ralenti à partir de 2004 pour stagner en 2007 et partir à la baisse en 2008 et 2009 sur tous les segments de la P.Q à la P.Q.R, touchant avec virulence les Quotidiens Nationaux Généralistes et les Locaux. Que ce soit aux Etats Unis, en France, en Italie en Grèce ou en Espagne.

A - la crise du Support

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8• En Francedesfacteursstructurels–manquedecapitaux,coutsexorbitantsde l’impression et de la distribution (du fait du quasi-monopole des NMPP et de la faiblesse du portage prive), revenus publicitaire faibles – ont plombes le secteur de la presse quotidienne dont les ventes ont commencé à décliner dès les années 60. Une baisse de consommation confirmée lorsqu’on considère la part de la presse dans le budget annuel des foyers français qui est passe loin derrière la téléphonie mobile et internet ces dernières années. De récentes études montrent en outre que le déclin des ventes au numéro s’accélère entre 2006 et 2007, pour reculer de -2.3% en 2008 par rapport à l’année précédente et -16% depuis 2000. Les plus durement touchés sont les titres nationaux avec une baisse de 4% des ventes, et des revenus tirés des petites an-nonces composes seulement à hauteur de 6% (contre 26% en 1990). Le Monde récem-ment repris par le trio Bergé-Pigasse-Niel a particulièrement souffert de cette baisse de revenus constants et devient le premier quotidien National de référence à friser le dépôt de bilan. Ces chiffres sont à mettre en balance avec les relatives bonnes perfor-mances des quotidiens régionaux et locaux – qui résistent mieux que leur homologues Européens – et ne reculent que de 1.2% en 2008.

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9• AuxEtatsUnis:Lelectoratestendéclinconstantdanstouslessecteursdelapopulation. Les chiffres sont éloquents, en 1960, près de 81% des Américains lisaient quotidiennement la presse. En 2008, ceux qui avouaient encore lire les news (papier et internet confondu) ne représentaient que 30% de la population après une chute de 8% entre 2006 et 2008. Perte de lectorat, mais également désintérêt des lecteurs puisqu’un Américain passe moins de 165 heures/an (-20heures /an) à lire la presse, ce qui en comparaison des heures passées à regarder la TV (1022 heures/an – environ 2.8 par jour) ne représente quasiment rien. Cote revenus, la pub qui constitue 80% des revenus des journaux à recule de près de 28% et de près de 12% sur le web ces deux dernières années. Ce sont plus de 10 milliards de manque à gagner pour les éditeurs qui se sont retrouvés confrontes à l’une des plus graves crises de leur histoire et a conduit des quotidiens –pourtant primés et particulièrement dynamiques comme le Rocky Mountain News – à fermer leurs portes.

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10Les raisons de cette crise, Clay Shirky, professeur à la New York University, en fait l’analyse. Selon lui, la principale raison tient de l’émergence d’internet, non pas en tant que concurrent direct de la presse, mais comme plateforme d’échange mondial. La révolution qu’a apporté le réseau tient dans sa capacité à connecter les individus et à faciliter la transmission d’information.

Ce qui était jadis la chasse gardée d’un groupe de privilégiés ne l’est désormais plus. L’information appartient à tout le monde et la presse écrite n’a plus le monopole de la diffusion de cette information. Les conditions qui avaient créé, soutenu et fi-nancé l’essort de la presse au 19eme et 20eme siècle sont en train de se déliter, de la même façon que l’ère industrielle cède sa place à l’ère post industrielle, les modèles économiques précédent ne s’appliquent plus à l’environnement présent.

“…it was an accident. There was a set of forces that made that possible. And they weren’t deep truths — the commercial success of newspapers and their linking of that to accountability journalism wasn’t a deep truth about reality. “

La facilitation des communications, la possibilité de cibler des publics plus restreints mais également plus réceptifs aux messages publicitaires des annonceurs ont égale-ment contribue à la dilution des revenus lies à la pub. Les annonces payantes se sont également échappé d’un système illogique qui reposait sur le présupposé qu’un individu cherchant une voiture d’occasion était également intéressé par la crise des missiles à Cuba, la dernière expo à la mode et les pages de mots croisés.

Best Buy was not willing to support the Baghdad bureau because Best Buy cared about news from Baghdad. They just didn’t have any other good choices. »

““

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11La combinaison de ces deux principaux facteurs – perte massive des revenus tradition-nels et apparition de nouveaux outils de propagation de l’information – ont contribué à la périclitation des modèles économiques contemporains. Pour autant, de nouveaux modèles ne sont pas apparus pour remplacer ceux que l’on sait désormais obsolètes. Bien au contraire.

Comme un lapin pris dans les phares d’une voiture, fige par la peur, les éditeurs n’ont pas su anticiper la mutation. En dépit des analyses réalisées depuis près d’une dizaine d’années, condamnant la presse écrite à la mutation ou à la mort, aucune réaction n’a été planifiée. Aujourd’hui ceux d’entre eux qui se décident enfin à prendre le tournant le font avec retard et lenteur, incrédules face à l’ampleur du bouleversement auquel ils sont confrontés. Preuve en est l’initiative de Ruppert Murdoch de créer un mur payant pour l’ensemble de ses publications sur le net - prise seulement en 2009, pas encore mise en place à ce jour - et les annonces du NYT et d’autres quotidiens d’importance de suivre le mouve-ment, plusieurs mois après Murdoch.

Face à un monde digital régit par les conjectures de Moore, le monde du papier traine à prendre les décisions indispensables à la transition numérique et perd chaque jour l’opportunité de sauver une fraction de ce qu’il est aujourd’hui. Shirky declare claire-ment :

I think a bad thing is going to happen, right? And it’s amazing to me how much, in a conversation conducted by adults, the possibil-ity that maybe things are just going to get a lot worse for a while does not seem to be something people are taking seriously. (…) I don’t think there’s any way we can get out of that kind of thing. So I think we are headed into a long trough of decline in account-ability journalism, because the old models are breaking faster than the new models can be put into place.

“ “There is so much media now with the Internet and people, and so easy and so cheap to start a newspaper or start a magazine, there’s just millions of voices and people want to be heard.” Ruppert Murdoch

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L’apparition des tablettes avec le premier modèle du genre créé par Apple préfig-ure de la prochaine génération de supports, alternative crédible au papier d’ici a une dizaine d’années et nécessite de la part des éditeurs une remise en question complète de leurs objectifs éditoriaux et économiques.

Car si le modèle parait séduisant – application contrôlée et tarifée, environnement classique de lecture – il innove peu, ne fait guère cas des tendances actuelles du net – gratuite et interactivité croissante – et maintient l’ensemble du secteur dans l’illusion d’un retour progressif à la normale prévenant du même coup la mise en place des mécanismes de défense essentiels, la mise en place des structures de recherche et de prospective indispensables pour créer un environnement économiquement viable et durable.

Hors, même s’il est peu probable qu’Internet demeure complètement gratuit et pour-suive son évolution selon le même schéma qu’aujourd’hui, il est tout à fait crédible d’imaginer une situation hybride ou le gratuit et le payant se côtoieront dans un éco-système radicalement plus dynamique et compétitif ou l’information ne sera guère plus la propriété de qui que ce soit mais un produit brut que chacun raffinera plus ou moins bien, plus ou moins gratuitement.

Des lors, il convient d’ores et déjà aux différents acteurs de trouver les canaux de monétisation qui lui permettront de subsister. Car les internautes continueront de pré-férer le contenu gratuit au payant surtout si ce dernier n’apporte rien de fondamen-talement diffèrent en regard du contenu gratuit. Sans le contenu adéquat permettant d’attirer un lectorat peut plus restreint mais prêt à payer pour une information inédite, une analyse exclusive, un contenu réserve.

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Cette période de recherche et d’expérimentation risque de se prolonger d’autant plus que les moyens intellectuels et financiers dédiés à la recherche de ces nouvelles stratégies de financement sont faibles ou retardes par conservatisme, idéologie ou aveuglement.

A ce titre, si le réveil de la presse papier se fait tardivement – mais après tout, mieux vaut tard que jamais - on peut constater que le réveil du monde de la photographie et en particulier du photojournalisme est loin d’être entame, si ce n’est par quelques expérimentations encore bien timides ici et là par des acteurs dont l’énergie sera bien insuffisante pour entrainer le reste de la troupe.

L’agence VII a lancé en avril dernier un magazine consacre au travail de ses photographe et espère développer un nouveau business model autour de cette nouvelle création.

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Le photojournalisme fait face à une crise dont plusieurs facteurs sont la cause. L’apparition du digital et d’internet qui facilitent à la fois la prise de vue, le stockage, l’archivage & la distribution des images pour un cout de plus en plus réduit – entrainant, du coup, une augmentation des volumes produits et mécaniquement une baisse des prix à l’unité – la photographie étant considérée aujourd’hui comme une commodité, un produit de consommation courante.

Comment en est-on arrivé à cette situation ?Il est intéressant de constater que le marché n’a pas toujours fonctionne de la manière dont nous le connaissons, et que pour une grande part la situation actuelle découle de l’exportation d’une vision essentiellement Américaine du marché de l’image et de ses méthodes de commercialisation. Historiquement deux pratiques ont coexisté du-rant les quelques décennies d’embellie que le secteur a connu au sortir de la seconde guerre mondiale.

D’une part le marché Américain ne comptait que très peu d’agences – la principale étant AP – et une légion de photographe staffer travaillant pour le compte de presti-gieux magazines (Life & Look) ou quotidiens (New York Daily News) qui fournissaient leur publication en matériel. D’autre part le marché Européen, qui, stimulé par la création de Magnum en 45, re-posait sur un écosystème plus complexe d’agences (Magnum, Sipa, Sygma, Gamma etc…) et bien sûr un lot de photographes staffer – mais en moins grand nombre –tra-vaillant pour diverses publications (Paris Match, Stern, le Berliner Illustrierte Zeitung ou le Daily Mirror).

A partir des années 70 et jusqu’à la fin des années 80, les agences Européennes idéale-ment placées, dynamiques et puissantes, ont réussi à exporter leur modèle économique outre atlantique et imposer une méthode de vente largement fonde sur la négociation au cas par cas, l’exclusivité, l’exceptionnalité de l’image (Rights Managed).

B - Photojournalisme

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Mais avec l’arrivée d’internet et du digital, le monde de la photo, jusque là très arti-sanal, s’est ouvert de façon spectaculaire et la position dominante des agences tradi-tionnelles françaises fut remise en question. Cet artisanat nécessitait un travail large-ment manuel, base sur le relationnel. Peu évolutive, difficilement automatisable, la vente d’image s’affranchissait avec internet d’un mur contre lequel les commerciaux butaient depuis des années. Tout d’un coup la vente devenait automatique, supprimait l’intervention de tiers, permettait l’instantanéité des échanges, une image produite le jour même pouvait être téléchargée a l’autre bout du monde sans aucun problème.

Les outils de statistiques de mesure de trafic permettaient de comparer puis de pré-dire la croissance du marché. L’ensemble de ce qui devenait une industrie avait désor-mais un potentiel jusque la inatteignable et c’est à ce moment que la photographie a commencé à intéresser des acteurs extérieurs – financiers & investisseurs – qui y ont vu une opportunité d’investir dans un nouveau secteur apparemment porteur. Car à l’époque, les agences historiques étaient encore largement rentables et l’âge d’or finis-sant masquait encore pour un temps les réalités structurelles du business photo.

Des lors, avec l’apparition de Corbis, puis de Getty, de la myriade d’agence de Micros-tock et de la globalisation du marché, les deux modèles commerciaux ont commencé à s’affronter dans une bataille tarifaire qui – aujourd’hui nous le savons – fut remporté par les Goliaths de l’industrie au détriment des plus petits.

Apres presque deux décennies d’existence ce modèle base sur un gigantisme incon-trôlable et la recherche de profits maximisée, touche à ses propres limites. La presse dans son ensemble subit la plus grave crise organique qu’elle ait connue depuis plus d’un siècle et demi et les agences photos – quelle que soient leur taille – subissent de plein fouet cette crise.

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Les études de Jarvis et Shirky montrent que la disparition des principales sources de revenu de la presse papier (petites annonces et publicité) va forcer ces entités quasi séculaires, devenues au fil du temps de véritables colosses à de véritables prouesses économiques pour espérer survivre au cataclysme structurel qui les secoue. Pour autant, malgré ces efforts, les deux professeurs de la NYU prédisent des fins dif-ficiles mais inévitables pour bon nombre d’éditeurs qui ne pourront rétrécir la taille de leurs entreprises pour les adapter au contexte digital.

Cette tendance de désagrégation – qui par ailleurs va s’accélérer dans la prochaine décennie – ne risque pas d’épargner le monde de la photo et ses géants qui seront confrontés aux mêmes problèmes que leurs clients : disparition des revenus et augmentation des couts fixes. Une équation impossible à résoudre sans couper dans les organigrammes, revenir à des structures aux échelles plus mesurées, plus flexible et plus compétitive. Etonnamment la réaction de ces colosses semble bien mesurée au regard de la rapidité avec laquelle leurs revenus fondent et aux enjeux qui sont les leurs. L’une des stratégies consiste notamment pour Getty à phagocyter

ses concurrents, augmenter la pression sur les tarifs et étouffer les plus petits acteurs afin de récupérer des parts de marche et engranger de nouveaux revenus. C’est la politique de la terre brulée.

Une fuite en avant qui semble vaine tant la désagrégation de l’écosystème est sévère. L’autre solution – que les petites structures plus agiles tentent de mettre en place – repose sur l’innovation et le changement du status quo. La remise en question des valeurs et des concepts qui sous-tendent le marché de la photo, la redéfinition des objectifs et des pratiques. La réinvention d’un système. Personne ne peut exactement prédire qui des deux va remporter la bataille qui nous occupe aujourd’hui, mais fort à parier que les petits qui auront survécu, au final, s’en sortiront mieux que les gros.

A gauche: Clay Shirky, professor in NYU’s graduate Interactive Telecommunications Program

A droite: Jeff Jarvis, associate professor and director of the in-teractive journalism program and the new business models for news project at the City University of New York’s Graduate School of Journalism.

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Avant d’aborder les opportunités nouvelle de monétisation qui s’ouvrent aux différents acteurs de l’industrie photo, il convient de regarder concrètement comment s’articule le marché actuel. Les photographe et les agences ont aujourd’hui essentiellement un rôle de fournisseur de contenu en gros, cédant pour un prix déterminé a l’avance ou négocié une licence d’exploitation a un éditeur ou un client qui publiera sur un sup-port donne la photo dont les droits ont été cédés. Dans le cas des droits gérés (RM) trois critères régissent la détermination d’un prix : la nature du media de destination, l’espace occupe dans le media et l’audience de ce media.

Si ces critères ont longtemps eu un sens, ils ne répondent désormais plus à la réalité de la production. A l’ère analogique (pre 90), les publications étaient contraintes par l’espace qu’offrait la pagination des magazines et des journaux – fini, limité par le nombre de page - et l’audience restreinte – géographique et sociologique - qu’ils at-teignaient. Ces limitations se sont évaporées avec l’arrivée du numérique et Internet, dont les contraintes techniques infiniment plus souple ont créé une sorte de puits sans fond, dans lequel les limites d’espace et d’audience n’ont de plus de sens.

Par ailleurs, la représentation de la photographie qui se limitait à un format 2D carac-téristique de l’outil utilisé pour capturer l’image, s’ouvre aujourd’hui massivement au format video (incluant le temps) et demain tres certainement a la 3D et la contextu-alisation voire la virtualisation.

Or paradoxalement, nous appliquons encore à ce nouvel environnement digital des méthodes de tarifications traditionnelles, inadaptées pour un support qui – bien que partageant encore pour un temps, un certain nombre de caractéristiques organiques – ne se limitent plus seulement à celle-ci. Plus stupéfiant encore, la presse et les agents continuent de négliger ce qui au fond, constitue la valeur fondamentale d’une photog-raphie, notion subjective –mais bien réelle – de qualité.

C – Articulation du Modèle

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La valeur ajoutée a une image induite par des travaux de longue haleine, documentes ou bénéficiant d’une démarche intellectuelle originale, ne débouche pas sur une valori-sation monétaire des travaux. Tout le monde est égal et vois ces images publiées aux même tarifs, lesquels diminuent d’année en année sous la pression d’une inflation de contenus.

Autre critère ignoré par le système contemporain, l’émergence de nouveaux formats de diffusion – multimédia, vidéo - et de nouvelles stratégies de commercialisation - Cross Média, Trans Média etc. – qui échappe à toute convention tarifaire, et donc, est constamment dévalué par effet d’opportunité.

Quand l’outil qui sert à mesurer n’est plus adapté à la chose que l’on mesure, toutes les dérives sont alors possibles et c’est la crédibilité de l’ensemble qui est remis en question.

Il faut donc changer l’outil, et par là, la façon que nous avons de definir le terme de « photojournalisme ».

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partie ii

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La redéfinition du photojournalisme apporte un nombre signifiant d’avancées en termes de pratique et ouvre la voie à de nouvelles opportunités de monétisation.

Le format – généré par un outil qui a, de façon perverse, définit une pratique – devient un accessoire, et son rejet en périphérie recentre la valeur du photojournalisme sur la maitrise des proces-sus narratifs et informatifs, recrée une échelle de valeur nouvelle dans laquelle la production de chacun est évaluée non en fonc-tion d’un débouché, mais en fonction de ses valeurs intrinsèques et dans son expression finale (intégrité, honnête, responsabilité, éthique, exactitude, qualité visuelle etc.).

On passe d’une appréciation du tangible à une apprécia-tionde l’intangible qui suppose la mise en place d’une nouvelle méthodologie d’évaluation et de nouvelles stratégies de diffusion.

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Ce que l’on qualifie de photojournalisme est en fait une expression détournée de son sens étymologique premier. On assimile ainsi le photojournalisme avec la photogra-phie, l’objet en deux dimensions couleur ou noir et blanc sur lequel une image a été fixée, et pas avec le processus d’écriture (photos graphos) qui consiste à utiliser la lu-mière pour former un message visuel et en l’occurrence créer une information.

En élargissant la perception de ce qu’englobe le photojournalisme, on étend son aire naturelle d’exercice à la vidéo et aux futurs outils de capture visuelle. De la sorte, on évite alors de s’enfermer dans un conservatisme suranné qui forge l’ensemble de l’écosystème créé autour du medium. En ouvrant la definition du terme « photojournalisme », plus de raison donc de se priver d’intégrer tous les secteurs de la création visuel sous une même activité, d’intégrer leurs outils dans le flux de produc-tion et de commercialisation en appliquant une stratégie cohérente de monétisation et d’ailleurs, plus aucune raison non plus de les laisser déconnectés les uns des autres.

Au fond, ce qui reste la démarche fondamentale, la valeur centrale de notre profession, c’est le journalisme. En se débarrassant de la dictature du format pour les embrasser tous et en recentrant notre attention sur la valeur intellectuelle de l’information on abandonne une économie de produit pour aller vers une économie de process.

Cette économie du process implique que nous inventions les outils d’évaluation de la valeur intellectuelle fournie à travers l’objet « reportage » et que nous les articulions autour de nouveaux critères pour en déterminer une valeur monétaire. A savoir : Crédibilité et autorité, Ethique et responsabilité, Engagement et Qualité.

A - Product & Process

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• Crédibilité et autorité : La capacité du photojournaliste à forger une identité professionnelle reposant sur la véracité et l’exactitude de l’information relayée. Son aptitude dans le temps à fournir du matériel pertinent & original. L’autorité – la spé-cialisation – de ce photographe dans le domaine couvert, l’expérience engrangée au fil des années passées à couvrir tel ou tel sujet. • Ethique et responsabilité : La capacité du photojournaliste à exercer son métier dans un cadre éthique régit par les diverses conventions professionnelles en vigueur aujourd’hui et à respecter ces règles sans se compromettre.

• Engagement et qualité : La capacité du photojournaliste à s’investir dans des histoires, à faire avancer le débat démocratique par le biais de son travail. Sa maitrise technique lui permettant d’offrir un contenu riche et original pourvu d’un point de vue et clairement identifiable.

Cette migration du product vers le process, essentielle, déclenche à elle seule une série de réajustements importants notamment lorsqu’on considère la façon de commer-cialiser nos productions.

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Henry Jenkins professeur de Journalisme et de Communication a la University of South-ern California, un des plus en pointe en termes de TransMedia story telling explique :

Nous vivons aujourd’hui à un moment ou chaque histoire, image, marque relation se décline sur un maximum de plateformes media différentes, et résulte d’une narration combinée entre les institu-tions (privées ou publiques) d’une part (message du haut vers le bas) et l’audience (message du bas vers le haut). La concentration des medias accentue le besoin de voir émerger des solutions nar-ratives qui exploitent la synergie entre ces deux mondes et aug-mente les points de contact entre différentes niches de consomma-teurs. Le résultat se traduit par le Trans Media.

Le futur du photojournalisme ne peut être envisage sans un contenu enrichit intégré dans cette stratégie de diffusion multi plateforme, calquée sur les habitudes de con-sommation media de la Génération Y. C’est la thèse défendue par Stephen Mayes, directeur de l’agence VII, et par de nombreux acteurs issus de l’univers télévisuel et des nouvelles technologies. Nicoletta Lacobacci directeur de l’Interactive TV/Eurovision a l’European Broadcasting Union explique que le web aujourd’hui permet l’émergence de ces contenus augmentes, « multi », interactifs et mobiles. La convergence des Me-dias et la baisse des couts de production rends aujourd’hui inévitable que le flux de contenu soit disponible à travers une multitude de medias différents.

Alors en quoi Cross Media et Trans Media sont-ils différents ? Les deux stratégies repo-sent sur des distributions multi plateformes. Les deux utilisent Internet comme espace d’engagement central.

B - Cross & Trans Media“

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Dans un environnement Cross Media, on assigne pour un même contenu des destinations différentes reparties à travers différentes formes de distribution (livres, internet, tv, radio, presse) pour attirer le maximum de lecteurs/spectateur possible. C’est le contenu 360. Le contenu qui se décline en autant de plateformes disponibles à travers une simple mise en forme.

Dans un environnement Trans Media, le contenu est fragmente et adapte spécifique-ment en fonction des supports pour s’adapter au lecteur/spectateur. C’est en somme l’adaptation moderne du concept de gesamtkunstwerk que Richard Wagner inventa dans son essai « Art and Revolution » en 1827, et qui s’exprime à travers la synthèse d’œuvres d’art dans un ensemble compréhensible et cohérent embrassant toutes les expressions artistiques.

C’est le Total artwork. Un projet Transmedia développe donc le contenu à travers multitudes de plateformes pour générer autant de points d’entrée différents dans un schéma narratif global.

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David Campbell, prof de cultural and political geography Durham Universi-ty in the United Kingdom dans « photojournalism in the New Media Economy » (Nieman Reports spring 2010) introduit son exposé par cette phrase:

Success will depend on ‘seeing oneself as a publisher of content and a participant in a distributed story, the form of which helps reshape the content of the story

Le concept n’est pas récent puisqu’il voit le jour il y a près de 5 ans, avec l’apparition d’un nouveau genre d’agences Paparazzi sur la côte Ouest des Etats Unis - X17 et Splash News entre autres - qui ont compris très tôt dans leur développement l’intérêt de créer des blogs « magazines ». Bien que le format soit encore très proche du blog classique, on s’aperçoit que chacun d’entre eux fait une utilisation extensive de son contenu exclusif et développe tout autour une stratégie TransMedia (photo, vidéo, mobile, print).

Il est facile de percevoir les avantages qui en découlent de l’auto-publication. Outre qu’elle permet un plus grand contrôle des images et de leur utilisation, elle induit égale-ment un renforcement de la marque de l’agence, la captation d’un lectorat nouveau, l’émergence de revenus supplémentaires et n’interdit absolument pas l’exploitation parallèle du modèle traditionnel de vente.

Dans le secteur de l’Entertainment cependant, la photo se déploie rarement autour d’une histoire et illustre plus fréquemment des moments de vie, des évènements ce qui limite l’expression de ce type de publication.

C – Tous Editeurs “Dès 2006, l’agence X17 s’est doté d’un blog “magazine” dont la vocation affichée est de supprimer le “Middle Man”

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L’agence Magnum avec son “Magnum in Motion” est une des pionnière en matière de Multimédia / Magazine concept, mais le modèle économique reste encore flou

L’extension du modèle au photojournalisme, en revanche, extrait la photographie de son rôle de simple illustration et lui permet de réintégrer un flux narratif plus com-plexe à travers les différents medias en contrôlant la destination et la présentation de l’histoire. Elle abolit les barrières du papier et autorise une utilisation extensive des images, mais aussi de la vidéo du son et du texte pour apporter contexte et analyse. La multiplication des points d’entrée – qui suppose une plus grande segmentation du récit – permet l’interactivité et reconnecte le genre documentaire avec une audience plus jeune.

D’essai photographique, l’histoire visuelle dont le web magazine reste le point nodal ou convergent liens, commentaires et références, se transforme en un nouvel objet que Fred Ritchin qualifie alors de « new Visual Journalism ». C’est en somme l’expérience que tente actuellement l’agence VII, et dans une moindre mesure Vu’ et Magnum avec son « Magnum in Motion » ou les travaux photo et vidéos sont mis en valeur et places dans un contexte Magazine.

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La question en suspens demeure évidemment celle des débouchés qui restent liées à une revitalisation de la presse online et offline, au dynamisme des annonceurs et donc à la reprise d’activité de l’économie en général. Mais là encore les voies de monéti-sation pour la photo, si elles ne sont guère évidentes, existent et méritent d’être ex-plorées plus avant.

La publicité constitue encore pour un certain temps le moyen de financement prédomi-nant sur le net. C’est donc sur les modelés publicitaires que nous devons nous pencher et les opportunités nouvelles d’implémentation facilitent par la technologie que nous devons exploiter.

La récente apparition d’outils viraux tels que Embedarticle.com permet notamment de reconsidérer la relation que l’internaute entretient avec l’image, en évitant le piège du Creative Common, tout en préservant la liberté de reproduction et en assurant la viabilité de la création. Le système, en l’occurrence un code JavaScript permettant la transmission d’un objet « embed », autorise le financement par Google Adsense ou toute autre solution via l’affichage d’un pop-up sur l’image embarquée. Outre que ce code permet la propagation virale d’une image sur n’importe quelle plateforme net, sans qu’en réalité aucune image ne soit physiquement copiée, elle attenue égale-ment les risques de vol et de reproduction illicite, en proposant une forme de licence à l’internaute. Rien n’interdit d’imaginer l’apparition d’outils plus évolues, continuant d’exploiter un mécanisme similaire, mais aux options étendues notamment sur le plan du social networking et de la recommandation.

Le financement des magazines web d’agence, lui se rapproche des méthodes clas-siques de monétisation à travers notamment le placement de publicité ciblée proche du contenu et du lectorat. Mais pas seulement.

D - Monétisation

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D’autres outils comme Kickstarter.com ou Ulule.com permettant la levée de fonds privés (Crowdfunding) ouvrent de nouvelles voies d’expérimentation pour un media réellement participatif ou l’internaute deviendrait coproducteur de contenus et acteur de l’information.

La souscription à des contenus premium, la coproduction inter-agence, le mécénat, l’adossement à des structures à but non lucratif, le développement de services tiers (formation, sous-traitance, expertise et consultation), les travaux corporate ou les ventes de produits participent aux faisceaux de revenus que des structures légères et réactives doivent mettre en place pour stabiliser leurs ressources et se développer.

Par ailleurs, sur le plan de la syndication pure du contenu, et pour reprendre les notions évoquées plus haut consistant à polariser l’ensemble de l’effort commercial autour du Process pour abandonner le Product, il s’agit de considérer l’application d’un tel sys-tème à l’économie réelle.

Pour commencer, il est important de regarder si d’ores et déjà les mécanismes d’évaluation de valeur existent dans d’autres secteurs que celui de la presse. Com-ment evalue t on la valeur intangible d’un bien. Plusieurs structures similaires dans leur philosophie cohabitent dans des secteurs bien souvent opposes.

• Le marché de l’Art fait appel un système de « cote » qui s’est progressivement imposé pour évaluer la valeur des artistes présents sur le marché. Ces « cotes », évaluées par un réseau d’experts et d’observateurs permettent d’évaluer la valeur des créations en fonction de la qualité du travail, de la disponibilité sur le marché et de la demande.

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• L’autre grand système d’évaluation de la valeur prend forme dans le secteur finan-cier ou les agences de cotation définissent la valeur des entreprises en fonction de critères économiques purs mais pas seulement puisqu’interviennent également des analyses prospectives de développement qui permettent à la fois de déterminer la valeur immédiate et le potentiel d’une entreprise.

Imaginer un système hybride d’agence de cotation photo qui intègrerait en son sein, les différents secteurs occupés par le marché de la photo, reposant sur un ensemble d’expert mondial repartis par bureau disséminés partout dans le monde, aurait un effet extrêmement positif sur l’ensemble du secteur.

Tout d’abord pour les photographes et les agences elles-mêmes. La pression quali-tative exercée pousserait à abandonner la course au volume pour se réorienter sur l’originalité et la pertinence des sujets.

Hormis pour un certain nombre d’exclusivités – toujours directement négociées par les agences ou les photographes - les sujets seraient évalués en dépit du support auquel ils seraient adressés et échapperaient définitivement aux contraintes mentionnées plus haut. La revalorisation du contenu remettrait en avant ce qui fait – toujours – la dif-férence sur le terrain à savoir l’habileté du photographe à combiner maitrise technique et sagacité intellectuelle.

La mise en place de ces agences de notation spécifique au monde la photographie ouvrirait la porte à une économie nouvelle, un réservoir d’emplois induits qui seraient également bénéfiques.

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On peut d’ailleurs sans mal imaginer que certaines structures liées au monde de l’art puisse diversifier leurs opérations en intégrant ce système, ou dans un sens contraire, élargir le marché de l’art (ce qui est moins probable puisque ce marche repose sur l’exception le luxe et la très haute valeur ajoutée) a ce nouveau marche de « cotation » photo.

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Sortir du Cadre 2009 - 2010ANNEXES

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Sortir du Cadre: N’ayez pas peur d’InternetSi vous pensez qu’Internet et l’endroit qui ressemble le plus a l’antre du diable. Si vous estimez que le Web est un endroit dérégulé, où vos im-ages une fois déposées vont être victime d’un pillage sans fois ni loi. Si vous imaginez pouvoir vous passer d’Internet et ses outils pour dével-opper votre carrière photographique, alors répondez à ceci: Refuseriez vous de passer gratuitement à la TV, tous les jours, pour parler de votre boulot à la terre entière. A moins d’être inconscient, non!Internet n’est pas la nouvelle contrainte avec laquelle “on doit faire avec”. Ni instrument de torture, ni mine d’or, Internet est un outil dont il faut savoir profiter pleinement.

Un site web, pourquoi?Je suis frappé de voir qu’une majorité de collègues français ne dispo-sent pas de site internet, alors qu’au contraire, la majorité de mes col-lègues américains disposent au moins d’un site type “portfolio”. Qu’ils soient staffers ou freelance, nos amis d’outre-atlantique sont infini-ment plus actifs sur la toile que les photographes de l’hexagone. Ré-seaux sociaux, sites, plates-formes photos, multimédia, tous les outils sont bons pour développer et promouvoir leur vision, leur nom, leurs projets, échanger leurs points de vue, apprendre et enseigner, créer et diffuser leurs idées.Internet n’est pas vécu comme une menace mais comme une oppor-tunité, que chacun peut saisir et tourner à sa sauce.Alors un site Web pourquoi faire?

- Présenter son travail dans un endroit valorisé. Nombre photographe regrettent souvent de voir leur travail diminué ou déprécié par une mauvaise publication. Votre site portfolio est un lieu sanctuaire, où vous pouvez déployer vos sujets photo sans contrainte.- Développer votre présence. La photographie c’est avant tout le partage d’un point de vue. En multipliant votre présence sur internet, vous toucherez une audience plus grande. Quel que soit votre regard, vous apporterez votre point de vue unique à un public plus large.

- Générer des revenus. Avec la bonne stratégie et un peu de travail il est aujourd’hui possible de générer des revenus via internet. J’entends d’ici les critiques: on ne peut pas vivre en vendant des photos sur in-ternet. Je répondrai: il n’y a pas de petits revenus, de revenus complé-mentaires ou de sous revenus… il y a des revenus. Point.Les usages.

La solution la plus progressive vient de Photoshelter. Depuis la “mort” virtuelle de Digital Railroad, PS est la seule plate-forme à offrir une solution “agency-like, portfolio-business ready” pour photographes. L’offre starter est gratuite pour 150Mo d’hébergement non configu-rable (je l’ai utilisée pendant plus d’un an pour présenter mon travail via lightbox et slideshow flash). Viennent ensuite les offres au mois le mois ou avec engagement sur un an, entièrement configurable.A voir aussi Livebooks.com, Smugsmug.com, Foliolink.com ou IFP3 pour les solutions tout intégrées. Neonsky, un des leader dans le segment portfolio et Netfolio sont aussi des solutions a envisager. Pour ma part (on est jamais mieux servi que par soit même;-) j’ai également développé mes outils via O2creation.

En tous cas, n’ayez pas peur de diffuser votre travail sur le net. Affi-chez vos images en grand, clairement dans un écrin signé à votre nom.Investissez les réseaux.

Prochaine étape: faites parler de vous! Vous avez créé le début d’une dynamique, vous devez aller jusqu’au bout. Investissez les réseaux sociaux. Facebook, LinkedIn, Viadeo, Twitter, Lightstalker et autres Votre profil servira de connexion avec les pros déjà présents sur ces réseaux. Mettez y les liens vers votre portfolio, votre blog (un autre outil très utile pour créer du trafic sur votre site), votre agence ou votre plate-forme de distribution, vers vos galeries. N’hésitez pas a renouveler votre statut régulièrement, plusieurs fois par semaine. Par-ticipez aux discussions et partagez vos idées. Pour ceux que l’anglais

effraie, tentez Twitter en premier. Vous n’avez qu’une phrase ou deux a écrire (140 caractères), c’est facile et très addictif.

Le but de la manœuvre est de générer du buzz autour de vous et de votre travail. Le meilleur moyen pour ne pas être dépassé par l’outil est d’en rester strictement au professionnel “détendu”, ou “casual”.

Tentez de nouvelles approches.

Les apparitions de nouveaux outils online sont autant d’aubaines de développement pour un photographe. Multimedia, auto édition, galer-ies d’art virtuelles (ou pas), concours s’offrent a tout ceux qui pren-nent la peine de se pencher sur leur promotion.Le Multimédia est LA stratégie de développement pour le photog-raphe et pour les agences . Pour les premiers pas je vous conseille multimediashooter.com, un blog très bien fait qui propose d’ailleurs un starter kit pour photographe multimédia. Cote inspiration, vous pouvez toujours visiter Mediastorm.org, the37thframe.com, the rawfile.org ou le dernier dossier de the digitaljournalist.org. Outre l’interactivité et l’aspect dynamique, le multimédia enrichit l’expérience photographique par l’apport du son, créant l’intimité entre sujet et spectateur. J’aime d’ailleurs beaucoup ce concept diffusé sur France 5 (je visionne les épisodes sur le net) “En Campagne” ou deux jeunes reporters, Aurélie Sfez et Julien Cernobori sillonnent les routes de France à la rencontre de ceux que l’on nomme “les ruraux”. Cette série a beau être de la TV, les deux reporters prennent le son façon radio… et donnent une dimension vraiment différente aux images. L’inspiration est donc partout, suffit de la trouver et se donner la peine.

L’auto édition se développe également, même si le prix des livres reste assez important – comptez 50$ le livre- c’est une bonne opportunité pour créer des maquettes de présentation a destination des véritables éditeurs.

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Deux leaders se disputent le marché: blurb.com et (un peu plus cher) asukabook.com et récemment sous une forme plus magazine Magcloud.com.J’ai moi même tenté le coup avec blurb et j’avoue être plutôt satisfait du résultat (à voir ici).Enfin en ce qui concerne la vente de tirage d’art, la formule encore frémissante se décline via les formules online “grand public” comme wantedparis.com ou imagekind.com.Photoshelter offre également une formule de vente de tirage via EZ Print qui présente l’avantage d’obtenir le tirage sous cadre.

Sortez du Cadre, explorez les nouvelles voies!

Le but de ce post n’est pas d’être exhaustif mais bien de vous montrer qu’il est possible de s’approprier in-ternet et ses outils pour le plus grand bien de son activité. Bien entendu, le “risque” de voir ses images être copiées sur la toile n’est évidement pas nul – bien que marginal – mais soyez prudent dans votre réaction. Que vous vaudra une crispation exagérée sur la question desdroits d’auteurs? A vous de juger le rapport bénéfice/perte de la démarche, mais fort à parier que le copieur aura agit de la sorte pour promouvoir votre travail, signaler une actualité vous concernant ou tout simplement indiquer son coup de cœur. Décevoir un fan ou risquer une mauvaise critique sur internet, c’est s’exposer à une contre publicité néfaste à sa renommée et au final à son travail. Ce qui plaît au pub-lic a toutes les chances de plaire à un éditeur, un service photo ou un galeriste et comme tous, ils utilisent désormais internet pour repérer les nouvelles valeurs montantes de la photo. Aujourd’hui et encore plus demain, les David du monde analogique peuvent être les Goliath de l’univers numérique, à vous de rejoin-dre le groupe des Goliath.

April 17, 2009

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Sortir du cadre: stratégie multimédiaJe crois n'avoir jamais été tout à fait à la place où je devais être. Et aujourd'hui je peux vous le dire, tant mieux. Quand, au lycée, mes amis partaient en science économiques, j'allais suivre des cours de cinéma, quand ils préparaient ardamment leur Bac S, je terminai mon premier court métrage. A la fac de Droit, je préparai mes passages sur l'antenne locale de RTL, et à l'ecole de journalisme, je prennais des photos quand les autres planchaient sur leur articles. Jamais à la bonne place. A tel point qu'au dernier jour de ma formation de jour-naliste, un de mes professeur - Claude Ardid - m'avait lancé un franc et definitif: "tu ne peux pas tout faire, il faut choisir".Heureusement je n'ai pas écouté.Si je vous raconte cette partie de mon parcours c'est qu'à un certain point, il m'ait arrivé de douter de la pertinence de ces choix. Grace à internet, les choses ont changé.Elles ont d'ailleurs tellement changé qu'il est non seulement possible aujourd'hui de produire du contenu multimédia de qualité; il est desor-mais essentiel pour nous - photographes et agences - d'embrasser ce qui va être la prochaine étape évolutive de notre profession, et de définir dès aujourd'hui une véritable stratégie multimédia.

Aujourd'hui le monde du photojournalisme a entamé une profonde mutation et lié son destin aux évolutions constantes des nouvelles technologies et d'internet. Il est désormais clair que les nouvelles gé-nérations de photographes se doivent de maitriser de nouveaux outils - le reportage audio, la programmation, l'editing vidéo par exemple - afin d'enrichir leurs productions et créer une nouvelle sorte de produ-its déstinés, non plus à la presse écrite traditionelle, mais aux nouvelles plateformes qui deviendront demain, les standards de l'information.

Bande son du Photojournalisme

Ce qui a longtemps manqué au photojournalisme et que la vidéo pos-sédait dès son origine, c'est le son. Le son, la B.O, l'ambiance, cette

trace sonore qui dépasse le regard pour aller toucher le sens. En ajout-ant le son à l'image, on ajoute la profondeur, l'émotion, la rugosité d'une voix, l'atmosphère d'une scène, le témoignage, le contexte.Je vous invite à regarder ces documents avant d'aller plus loin afin de vous immerger dans l'univers multimédia:

Driftless, Danny Wilcox Frazier & Mediastorm: http://mediastorm.org/0025.htm

The Upstate Girls, the Rawfile: http://www.therawfile.org/?p=77

The Interview Project, David Lynch: http://interviewproject.davidlynch.com/www/#/all-episodes

The Girl in the Window: http://www.tampabay.com/specials/2008/reports/danielle/

Ajouter la dimension sonore à un projet photographique n'est pas chose facile. Cela requiert organisation, travail, compréhension et concentration afin de faire cohabiter les deux deux supports et utiliser la spécificité de chacun d'eux pour d'améliorer la lisibilité du sujet, l'immersion dans l'histoire, l'émergence de la trame narrative.

Mais cet effort, à mon sens, est récompensé par une plus large audi-ence et des retombées financières elles aussi multipliées. Le document, encapsulé dans sa forme vidéo, trouve tout un réseau de diffusion semi-gratuit et payant très étendu drainant audience et générant des revenus publicitaires ou de syndication. Je pense aux sites d'hébergement de contenu vidéo comme Vimeo.com, blip.tv, Youtube.com ou Dailymotion.fr pour le semi-gratuit financé par la pub valo-risée, et à l'ensemble des sites d'information où une syndication est possible, pour le payant. La téléphonie portable est elle aussi visée à

travers Youtube notamment, mais d'autres tuyaux sont à envisager et une distribution via les fournisseurs de contenu pour téléphonie mobile peuvent être des débouchés solides.

Le mariage du son et du regard.

Photojournalistes, vous êtes destinés à raconter des histoires qui ap-porterons l'éclairage et l'information nécessaire au public pour qu'il se forge une opinion sur les évènements qui l'entoure, décrypte les situa-tions, approfondisse un sujet.

Dans la production multimédia:

La photographie donne l'élément visuel de l'histoire. Elle incarne les personnages, les places dans un contexte géographique, focalise l'attention du lecteur par sa composition sur les détails importants du sujet. Elle apporte un sens relatif à la culture et l'éducation du lecteur, elle possède différents degrés de lecture.

La légende renseigne factuellement, grâce aux 5 questions fon-damentales (qui, quoi, ou, quand, comment), et donne au lecteur l'information "invisible" à l'image, comme par exemple le nom d'une personne, son age, son rôle dans l'histoire, son pays d'origine. Elle donne quelque chose de nouveau à l'image et pousse le lecteur à s'interroger de nouveau sur ce qu'il a vu dans l'image.Le son, vient en complément naturel de ces informations et enrichit l'expérience.Le son fait parler les protagonistes, il donne une voix aux gens, donne du sentiment, de l'émotion, du témoignage ou de l'ambiance.L'interview permet au photographe de mieux comprendre son sujet et peux mener à de nouvelles images, de nouvelles situations et enrichir son sujet.

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L'information contenue dans cette interview, complète l'enquête ou le reportage, même si le son n'est pas utilisé dans le produit final, le texte pourra être utilisé comme base rédactionnelle.Enfin, dans le récit linéaire - sur lequel sont basés les productions multimédias - le son fournit le fil rouge de l'histoire et permet de relier les séquences entre elles. Le son crée le sens de lecture, introduit le témoignage dans l'image (fondu sonore à l'entrée).De l'invisible à l'interlocuteur.La capture du son impose au photographe d'apprendre un au-tre rythme de travail, un autre tempo et passer de l'invisible à l'interlocuteur.

Le temps photographique s'apparente à un jeu de caméléon, le pho-tographe cherchant à disparaitre dans les rideaux ou sous le tapis pour capturer - sans le modifier ni l'influencer - le moment décisif cher à Cartier-Bresson. C'est un temps de recherche et de composition ou le dialogue est faible voire absent et ou l'individu s'efface, ou la rela-tion se réduit au minimum.La prise de son au contraire suggère une tout autre attitude. Pour enrichir votre histoire, vous allez devoir vous asseoir, prendre le temps de discuter avec la personne que vous venez de photographier, passer de l'invisible à l'interlocuteur. C'est la personne que vous avez pho-tographiée qui va raconter avec sa voix, sa propre histoire, et à vous de poser les questions, d'être engageant, réactif, de créer le lien, cette alchimie qui construit la confiance et mène à la confidence.

Enregistrer ces interviews, capturer ces sons amène à une meilleure compréhension du sujet, c'est la part de journaliste qui reprend le des-sus sur la part du "plasticien-créateur". Réaliser une bonne interview c'est obtenir plus d'informations qui serviront à rédiger des légendes plus complètes, des synopsis plus riches, et fournir un produit plus com-pétitif.En réalisant de bonnes interviews, vous apportez également de la vie

dans vos images, une profondeur jamais atteinte dans vos histoires, une atmosphère qui ne peux se traduire par le texte.

Apprenez à interviewer.

Voici quelques petits trucs que j'ai tiré de mes expériences radiopho-niques.Imaginez que vous faites un portrait, un portrait sonore.Pour qu'un portrait soit bon il faut que le trait du dessinateur soit sur. En radio, il faut que la voix soit bonne, bien enregistrée, et donc que l'interview soit réalisée dans un endroit calme, le plus calme possible.

A l'intérieur, pensez à regarder votre environnement avant de cher-cher ou poser votre micro. Cherchez les matières chaudes,tirez les rideaux,placez vous sur un tapis,profitez des canapés, collez vous contre les boiseries,es bibliothèques... ces éléments offrent une absorp-tion sonore importante, étouffent les bruits parasites et assurent une meilleure qualité d'enregistrement. A l'extérieur, éloignez vous des routes, des groupes de personnes, préférez vous réfugier dans une voi-ture (vitre fermées) pour y conduire votre entretient au calme. Fuyez les halls et toutes les architectures voutées, trop minérales, qui véhicu-lent les sons facilement. Ecoutez votre environnement, attention aux postes TV, aux frigos bruyants, aux voisins en plein travaux. La qualité du son doit être irréprochable car c'est sur la bande son de votre pro-duction que le second sens le plus sollicité par vos lecteur (l'ouie) sera complètement focalisé.Ne placez pas votre micro trop loin de la bouche de votre interlocu-teur pour éviter les bruits d'ambiance parasites, pas trop près non plus pour ne pas enregistrer les "pchi" ou les "pfff".Apprenez à différencier le son d'ambiance et l'interview proprement dite. Si vous désirez rajouter de l'atmosphère, enregistrez séparément les deux pour les monter ensemble à la fin, vous aurez plus de con-trôle sur les deux environnements et moins de pollution sonore.

Lors de votre interview, ne répondez pas à votre interlocuteur, hochez la tête, souriez, la personne comprendra que vous êtes à l'écoute mais votre bande son restera vierge des "uhmuhm" génants au montage.Préparez vos questions, mais ne soyez pas collé à elles, sachez écouter l'interview, anticipez les réponses. Attention aux questions fermées, vous éviterez:" depuis combien de temps êtes vous conducteur routier (réponse: deux ans)" mais préférerez: "dites moi depuis combien de temps et pourquoi êtes vous devenus routier (réponse: je suis routier depuis deux ans parce que je me sentais libre au volant de mon ca-mion)".Prenez le temps de cette interview, laissez vous guider par les répons-es que vous obtenez, utilisez pleinement le temps dont vous dispo-sez. Laissez les blancs s'installer, la plupart des gens sont mal à l'aise dans ces espaces de vide et ont tendance à remplir naturellement les blancs en complétant leurs propos, en argumentant ou en reprenant leur réponse sous un angle différent. C'est une phase importante de l'interview puisque que c'est là que vous pouvez obtenir le petit plus qui fait la différence. Passez trop vite à la question suivante, et cet espace de liberté s'évanouira, emportant avec lui des informations précieuses pour la suite de votre projet.

Enfin, terminez toujours en demandant "s'il y a quelque chose à ra-jouter". La plupart des gens se tiennent aux questions posées et se freinent dans leur envie de développer des points ou de répondre à des questions que vous n'auriez pas posé. En offrant cette opportu-nité, vous permettez à votre interlocuteur de compléter librement son interview, de donner son point de vue, de rebondir sur une question ou donner un anecdote pas encore dévoilée.

Finaliser sa production pour atteindre une au-dience plus large.

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Une production multimédia comporte plusieurs éléments imbriqués les uns avec les autres exploitables ensemble, ou séparément et s'alimentant les uns les autres. Après la recherche du sujet, le photo-journaliste doit regrouper l'ensemble des informations qui étayeront son sujet. Une fois la phase préparatoire réalisée, le photojournaliste va récolter cette information sous 3 ou 4 formes différentes: des infor-mations écrites (pour les légendes), de l'audio (pour interview, légen-des et texte), des photos et/ou des vidéos. Le tout est édité et monté encapsulé dans un format vidéo standard prêt à diffuser.

Le modèle économique de la production multimédia profites de cette diversité des sources d'informations et du format de diffusion pour multiplier les chances de placement auprès des nouveaux et anciens médias. Ainsi, s'il est indispensable pour un photographe de conserver le modèle "classique" de placement de ses images auprès des médias print, il pourra diversifier vers le web et les autres médias sa produc-tion en choisissant de déstructurer son produit fini et d'adapter son offre en fonction du media prêt à l'acheter ( au choix text/photo, text/video, audio/photo/text, ou text/audio par ex).

On pourra décliner les supports medias comme suit:• les Blogs, et autres sites spécialisé ou généraliste qui fleurissent et

son ouvert à ce genre de production.• le podcast video ou audio, relayé par les portables type iphone,

blackberry, Kindle ou la future probable nouvelle tablette Apple.• le DVD, auto-édité ou édité par un tiers• la téléphonie mobile et le streaming video via les providers de con-

tenu type Orange ou Vodafone• le film ou les expositions

Cherchez l'inspiration, éduquez votre regard.

Comme tout nouveau débouché, la production multimédia demande formation et analyse. Recherchez, écoutez et lisez ce qu'il se fait par-tout. Malheureusement, le concept ne fait que de timides apparitions en France sous des appellations parfois assez énigmatiques (Pom). Préférez les sites anglo-saxons, largement mieux documentés et infini-ment plus dynamiques.

Je vous conseille les sites suivant parmi tant d'autres, ainsi que bulb.

En GrandE BrEtaGnE:

Duckrabbit, production, http://duckrabbit.infoBombay Flying Club, production, http://www.bombayfc.com/

aux Etats unis:

Mediastorm, production, http://mediastorm.orgthe Multimedia Shooter, ressources, http://www.multimediashooter.com/wp/Innovative Interactivity, ressources, http://www.innovativeinteractivity.com/

FrancE:Digital Story telling, ressources, http://www.digital-storytelling.org

updatE: A étudier, les productions multimedia réalisé par les photo-journalistes du Eddie Adams Workshop edition 2009. Soyez curieux, visitez les archives. It's Not Over Yet, Man (Tie Dye Team, 2009) from Eddie Adams Workshop on Vimeo.

October 14, 2009

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Sortir du cadre: Photojournalisme Open (re)sourcesFinancer le photojournalisme. Un défit, une question majeure au cen-tre des préoccupations de tous les professionnels. Produire en spécula-tion, partir à ses frais, tenter le coup de poker en espérant accrocher un magazine, voilà la stratégie de nombre d'entre nous. Une relation systématique, un lien pathologique, la presse, grande malade, con-tamine ses pairs et assèche l'offre et l'originalité. Car au fond, le pho-tojournaliste est un sous traitant. Ses relations professionnelles, il les construits avec les rédactions, les NGO ou les clients corporate. Une relation B2B comme on dit, business to business.

Et ce ne sont pas les dernières évolutions que connaissent notre mé-tier qui apportent une solution à ce modèle. L'apparition du webdoc et son développement - que je supporte avec force - ne résout pas le problème du financement. En réalité, il l'accentue tant l'investissement pour un webdoc solide semble important (Samuel Bolendorf évoque un coût de 50.000 à 80.000 euros - à 8'08 sur vidéo France 24).

Viennent s'implémenter deux facteurs aggravants. La dévalorisation de l'information et sa désaffection - dans sa forme actuelle - de la part du public. La culture web a détrôné la culture pub, ce qui ce ven-dait avant est aujourd'hui exigé gratuitement . La photographie - et le journalisme - prend de plein fouet cette culture du "free" et dégringole dans l'échelle des valeurs. Plus personne n'imagine le coût d'un report-age en Guinée pour suivre Moussa Dadis Camara, ou à Dong-Feng, la ville des moines Shaolin. D'ailleurs, on imagine pas non plus qu'il puisse y avoir un coût de production pour un sujet à Calais sur le démantèle-ment de la "Jungle". Un mal qui atteint même la profession où il n'est pas rare de voir pratiqué des tarifs de piges couvrant parfois à peine le 5ème de l'investissement nécessaire pour effectuer un reportage!

Le photojournalisme respire avec une moitiée de poumon et s'asphyxie lentement.

Du B2B au B2C, la solution du crowdfunding.

Ouh là! Sacré titre, à y regarder de près, l'intitulé est presque incom-préhensible, désolé, je n'ai pourtant pas trouvé mieux pour exprimer clairement l'idée que je vous soumets. B2B, business to business, le pho-tographe dépend d'une relation exclusive avec un commanditaire qui a le pouvoir de dire oui (mais plutôt non, en ce moment).B2C, business to consumer, le photographe retourne vers le lecteur, sur le web, et fait de lui son principal actionnaire.

En reprenant à notre compte la devise du site Propublica.org "Journal-ism in public interest" et en y ajoutant une touche d'interactivité sociale on débouche sur un nouveau modèle . J'ai fait la découverte de cette idée en lisant le NiemanJournalismLab et son papier sur le site Spot.us.

Le modèle: faire appel aux lecteurs pour financer les sujets. David Cohn à l'initiative du projet, s'est inspiré des médias sociaux genre twitter et facebook, saupoudré d'un ou deux concepts à la Seth Godin pour créer un site participatif où le public finance les propositions de reportages de journalistes à San Francisco. Le modèle semble rencon-trer un certain succès puisque cet ex de Wired étend le concept à Los Angeles.

Mettre le lecteur au coeur du système, c'est rétablir un équilibre dans la perception du public. En finançant, il prend conscience du coût de l'information, apprend à évaluer le prix d'un sujet, valorise à nouveau le travail du photojournaliste. En supportant une histoire, il recrée le lien - perdu depuis longtemps - avec le photographe (et le journaliste, pour peu qu'il adhère au modèle). C'est la confiance qui gagne, la ré appropriation de l'outil dans l'intérêt de tous - industrie et lecteurs. Coté photojournaliste, c'est aussi l'assurance de réaliser un sujet qui a déjà trouvé un public (puisqu'il finance, c'est qu'il adhère), de se détacher de la dictature éditoriale de rédactions trop frileuses, ou

tout du moins de retrouver un poids face aux publications, justifié par un soutien public, et de détourner l'éternel poncif du "ça n'intéresse personne". Enfin, c'est assurer une seconde vie aux photos à travers tirages et produits dérivés. A terme, il n'est pas interdit d'imaginer l'évolution de la plate-forme, où le lecteur pourra, en plus d'une con-tribution financière, apporter une contribution éditoriale, des idées, des ressources pour aider le photographe à réaliser un sujet "sur mesure" pour un public "sur mesure".

Photojournalisme Open (re)Source.

Le photojournalisme a déjà connu ses révolutions. La création de l'agence Magnum en 1947 par Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David Seymour vise à redonner le contrôle des images et de la structure aux photographes (qui auparavant étaient des salariés anonymes de journaux). Les fondateurs de Gamma re-prennent à leur compte l'idée Magnum. Leur but : ne plus être salarié, tout partager à égalité, les frais et les recettes des reportages qu'eux-mêmes décideraient de réaliser (Cf LaVie.fr).

Comment aujourd'hui reprendre le rêve où il s'est arrêté?En intégrant le public et les nouvelles technologies dans l'équation, pour qu'ils soutiennent un photojournalisme vif et indépendant.C'est ici qu'intervient deux nouveaux acteurs:

Interfaces bien vivantes entre photojournalisme et public avide d'infos, les festivals à travers le monde ont un rôle majeur à jouer dans ce nouveau modèle. Le prix Bayeux, Visa pour l'image ou les Rencontres d'Arles, entre autres, drainent à eux un public sensible et passionné par la photographie, curieux de découvrir les reportages ou les réflex-ions des photographes et photojournalistes français et étrangers. Près de 200.000 spectateurs pour Visa, et 150 expositions. Près de 72.000 visiteurs pour les Rencontres d'Arles, +20% d'augmentation par rap-

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port à 2008 qui avait déjà reçu près de 60.000 visiteurs, et 66 expo-sitions. Sans oublier Bayeux et le succès de ses expositions et de ses rencontres, comme le raconte Alain Mingam. Le public est au rendez vous, il cherche l'info et demande à voir. A cela s'ajoute l'audience gagnée chaque année grâce à une couverture médiatique de plus en plus abondante par la presse française et étrangère.Véritable fourmilière d'innovations en tous genres, Internet est égale-ment le repère (au bon sens du terme) de développeurs de génie entièrement dédiés à leur art. Wikipédia Mozilla ou Wordpress par exemple, projets collaboratifs, sont tous nés de ce foisonnement de créativité numérique et sont tous supportés par une communauté bénévole extrêmement active et imaginative.Si les premiers promeuvent par le biais de leurs manifestations le site développé par les seconds, on aboutit à une plate-forme novatrice en-tièrement dédiée au photojournalisme, à sa promotion et son finance-ment vers laquelle le grand public peut se tourner pour prolonger son expérience des festivals.Pas de "puissance publique" salvatrice, pas d'entreprise mécène, c'est bien le public, le lectorat, les gens réellement concerné qui s'investissent et deviennent actionnaires. On dépasse le journalisme citoyen pour entrer dans l'ère du journalisme pour les citoyens.

Reste la question de la gestion de ce type de plate-forme. Une associ-ation réunissant les principaux acteurs du projets (festivals et groupe-ments de photographes) ainsi qu' un ou des représentants de la com-munauté internautes/lecteurs/contributeurs, pourrait gérer à moindre frais et aisément ce type d'initiative.

Dans une interview donné à Evene.fr en septembre dernier, Jean Fran-çois Leroy - directeur du Festival Visa - nous avoue: "jamais quelqu'un n'est venu me voir pour me proposer de financer un journal. Parce que le vrai problème, c'est tout simplement l'argent." Peut être que le photojournalisme n'a pas besoin d'un énième magazine mais d'une

solution plus durable fondée sur un modèle radicalement différent. Peut être que la proposition d'avenir ne passe pas par un seul homme mais par une communauté, et peut être est-il temps de demander aux gens de venir participer avec nous à la construction de quelque chose de différent, de plus grand, pour cette fois, apporter une réponse concrète au questionnements du public et aux attentes des photojour-nalistes.

Évidement, je n'ai pas la prétention de présenter LA solution qui ré-glera définitivement le problème du financement du photojournalisme, mais je suis fermement convaincu que ce modèle est une réelle oppor-tunité pour nous tous.

Il règle nombre de problèmes récurrents dont la profession souffre, il ne crée pas de problématique majeure, et est facilement réalisable, pour peu que chacun y montre volonté et détermination. Aussi je lance un appel à vous tous, peut être pourrions commencer à échang-er des idées ici. Peut être connaissez-vous des développeurs, des web designers prêts à se lancer dans ce projet. Peut être avec vous en-vie de compléter, critiquer ou amender cette proposition. Peut être même, que vous - à la tête des festivals - trouvez cette idée intéres-sante et désirez la mettre en œuvre. Cessons de subir, reprenons les rennes et sauvons, vraiment, le photojournalisme.

updatE: Une petite mise à jour de ce post (remarqué par Medi-apart entre autre, j'en suis ravi) pour vous donner quelques liens en référence à mon propos. Des sites qui pourraient inspirer cette plate-forme de financement du photojournalisme. A voir donc:

The Point, make something happen, http://www.thepoint.comSlice the Pie, Help yourself to a piece of music industry, http://www.slicethepie.com/Zopa, the market place, http://uk.zopa.com/ZopaWeb/Le système de "The point" est de loin le plus semblable et le plus aboutit pour s'adapter dans l'esprit au monde du photojournalisme, mais bien d'autres idées de Slice the Pie, ou de Zopa peuvent être ap-pliquée.Et vous, avez-vous de bons tuyaux à donner?

October 16, 2009

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Sortir du cadre: Photojournalisme, la nouvelle musiqueAprés avoir présenté une nouvelle voie pour financer le photojour-nalisme dans "Sortir du cadre: Photojournalisme Open(re)sourc-es", je vous propose de continuer à chercher quel sera le futur du photojournalisme.

Au cours de mes discussions avec quelques collègues photojournalistes je me suis aperçu qu'un trait commun nous unissait tous. Nous som-mes tous des passagers du Titanic atteints du syndrome de Stock-holm.

Nous connaissons tous l'histoire selon laquelle - sur le pont du Titanic - un orchestre continua de jouer jusqu'aux ultimes moments du nau-frage, réfugié dans une sorte de déni de réalité, espérant secrètement un redressement de la situation pourtant scellée.Les premières classes refusèrent dans les premiers temps de consi-dérer le naufrage, abusées par la taille et la réputation du navire, alors même que les classes des ponts inférieurs se noyaient sans pouvoir ac-céder aux issues de secours. Cela vous rappelle quelque chose? Cer-tainement. A ceci près que - dans notre cas - les classes des ponts in-férieurs, au lieu de chercher les issues de secours, se réjouissent d'être embarqués dans ce beau navire et regardent, en grommelant, l'eau monter doucement. Le syndrome de Stockholm décrit pour la pre-mière fois en 1978 par le psychiatre américain F. Ochberg, désigne "la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle avec ces derniers." On appreciera.

Derrière la symbolique, c'est le schéma complet de notre organisation économique qui est à revoir si l'on souhaite sauver le photojournal-isme. Je ne parle pas de l'initiative des photojournalistes, de cette force personnelle qui nous pousse à partir photographier les évènements de ce monde, cette énergie bien vivante qui nous projette dans l'actualité. Non. Je parle bien de la capacité du photojournalisme à trouver les

modèles économiques qui permettront de concrétiser et soutenir fi-nancièrement cette mission d'information qui est la nôtre.

Cette révolution de mentalité, nécessaire pour créer les conditions d'un photojournalisme "durable" passe certainement par la recherche qualitative - comme le souligne Jack Zibluk de l'Université de Journal-isme de l'Arkansas- l'adoption des nouvelles technologies comme part intégrante du journalisme, et l'émancipation de l'industrie et de ses Titanics.

Fuyons le navire, construisons nos radeaux de sauvetage.

Il est assez étonnant de constater que lorsqu'on demande aux étudi-ants journalistes, quel est selon eux le média dans lequel ils souhait-ent voir leur travail publié, la majorité évoque le New York Times, Paris Match, Stern, Le Monde etc... Tous désignent ces médias parfois séculaires, dont la crise actuelle mets en lumière à la fois la précarité et l'obsolescence du modèle. Professeur à la NYU, Clay Shirky anal-yse pour le Shorenstein Center on the Press, Politics and Public Policy ce qui peut être considéré comme la fin des médias traditionnels, ces grands vaisseaux aux cohortes de salariés toutes dévolues à la cause du journalisme (à lire et voir sur le site Niemanlab.org). Selon Shirky, une bascule s'est opérée ces dernières années dans la façon qu'ont les populations de consommer l'information. Ce changement survient en partie grâce à l'émergence des réseaux sociaux (twitter et facebook notamment) et au découplage de la dynamique presse/publicité. Une bascule qui remet en question le mode de fonctionnement vertical et le quasi monopole des groupes de presse et replace au centre du système le consommateur, qui devient par ailleurs auteur et diffuseur d'information. C'est l'avènement des micro structures et la décompo-sition des conglomérats. Signe des temps, les géants d'hier lourds et

rigides ne semblent plus avoir de place dans notre futur, et pourtant, rassuré par leur présence et leur force nous nous attachons à vouloir les garder en vie.Photojournalistes, nous nous indignons de la mort (relative) de Gam-ma, de la disparition de Grazia Neri, des licenciements successifs chez Corbis et Getty. La vérité, c'est que prostré dans la nostalgie d'une époque disparue avec l'arrivée d'Internet, nous cultivons avec joie notre syndrome de Stockholm. Alors même que les agences faillissent à vendre nos images à un prix correct, que les journaux et magazines diminuent leurs achats comme nos parutions et augmentent la pres-sion pour avoir toujours plus à des tarifs de plus en plus faibles, nous restons attachés à ces noms mythiques, hypnotisés par leur grandeur passée, victimes consentantes de leur dérives managériales. Il est temps aujourd'hui de sortir de la paralysie et de nous construire un avenir.

L'avenir du photojournalisme ne passera pas par un patch maladroit posé sur une entreprise créée pour des besoins du XXème siècle, mais par la création de structures adaptées au marché du XXIème siècle.

Une solution du coté des violons.

La crise que nous traversons aujourd'hui n'est pas la crise du photo-journalisme, c'est la crise des journaux. Dans cette recherche de vent frais, ce n'est pas la sauvegarde des parutions qui est importante, mais celle des rédactions. Pas celle des agences, mais des photogra-phes. Si David Carr dans son article "A Newsroom Subsidized? Minds Reel" (New York Times October 18, 2009) donne quelques voies à explorer et notamment, prône une intervention des pouvoirs publics dans le financement de l'information ou si Umair Haque dans "the New(new) Media economy" (Harvard Business Publishing, October 14, 2009) défend que c'est la qualité qui financera le journalisme de demain, il est clair qu'un nouveau modèle passe par une ouverture

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des structures aux lecteurs et à une mise en avant d'un contenu d'exception. Mieux, en observant les industries voisines - également en crise - nous pourrions d'ores et déjà adapter des solutions innovantes à des problèmes similaires.

Ainsi, nous serions bien inspirés de nous pencher sur les tentatives de l'industrie du disque pour dégager nos propres solutions. Déjà l'agence VII annonce en septembre dernier avoir engagé un nouveau directeur en charge des projets et des partenariats, Ian Ginsberg, issu de l'industrie du disque (BJP, September 30, 2009) et fort d'une expérience de près de 10 ans dans ce secteur profondément en crise. L'idée pour les membres de l'agence est d'user de l'expérience de Ginsberg - témoin de l'effondrement de l'industrie musicale - pour adapter les solutions imaginées dans un autre secteur à celui du photojournalisme. J'évoquais dans mon avant dernier post la néces-sité pour les photojournalistes de s'ouvrir au lecteurs et de créer une structure de financement par contribution individuelle.L'exemple de "My Major Company", constitue une nouveauté dans le paysage de la production musicale. Le label permet à tout à chacun de contribuer à la production d'un artiste, et à tout artiste de se faire produire. La distribution physique et digitale revenant quant à elle à Warner Mu-sic. Le même concept se décline outre manche avec "Slicethepie.com" qui permet aux artistes de lever des fonds auprès d'investisseurs et de fans. On saisi vite l'intérêt d'un tel concept, échapper aux majors étouffantes tout en élargissant une base de fidèles supporters.

Évoluer ou mourir.

C'est autour d'une plateforme hybride que se dessine le futur du financement et de la distribution du photojournalisme ou de la pho-tographie documentaire. La problématique à laquelle nous faisons face aujourd'hui s'articule à la fois autour du découplage photographe/publication et du défaut de prise directe avec notre audience. Les uns

ne financent plus que marginalement la production de photo report-ages - le relais de ce financement jadis endossé par la presse étant repris par les ONG - les autres n'accèdent plus aux reportages mal-gré tout produits, faute de parutions. La concurrence du flux con-tinu d'images (via Associated Press, Reuters l'Agence France Presse) produit par un staff suréquipé et hyper concurrentiel, et la déflation des prix de ventes des images fournies par les agences "magazine" achèvent de creuser l'écart entre nous.Alors quel modèle? Les agences photo "people" montrent la voie. Ce que Splashnews.com et X17 ont compris avant bien d'autres c'est la façon dont Internet fonctionne et en particulier le bénéfice de créer un contenu riche adossé à une plateforme de distribution. Ces agences financent, entre autre, leur activité par les revenus publicitaires gé-nérés par le trafic de visiteurs qui viennent sur ces sites pour obtenir de l'information spécialisée "people".

Les sites spot.us et thepoint.com amènent l'aspect contributif des lecteurs dans un modèle qui peine à rejoindre son lectorat. Un modèle qui - étonnement - se plait à travailler pour la gloire ou pour le lector-at mais refuse depuis longtemps à intégrer le lecteur dans le processus d'élaboration de l'information.

La maison du photographe, demain, sera une coopérative à la sig-nature forte, ancrée sur le net, ouverte aux lecteurs et financée en partie par eux, donc connectée aux réseau sociaux, profondément multimédia, libérée des contraintes des agences historiques.La maison du photographe sera une ruche technologique ou les his-toires du monde analogique convergeront pour exister dans le monde numérique.

La maison du photographe, l'agence, le collectif, la coopérative, n'existe pas encore. Quelles sont vos idées pour créer cette maison?

October 30, 2009

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Sortir du cadre: What would Google do?Après avoir présenté de nouveaux modèles sur lequel construire le photojournalisme de demain dans “Sortir du cadre: Photojournal-isme, la nouvelle musique", je vous propose de continuer à chercher quel sera le futur du photojournalisme.

De passage en France j'ai eu l'occasion de discuter avec quelques amis photographes de ce que l'avenir nous réservait. Sans surprise, tous m'ont décrit un futur sombre dans lequel nombre d'entre eux sem-blaient ne pas trouver leur place. Evidement, lorsqu'on considère l'état de la presse écrite en cette fin d'année 2009, il est évident qu'on ne peut que se poser la question de la pérénité de notre belle profession.

Une question qui en sous entends une autre: que faisons nous pour éviter le pire? Quelle innovation structurelle apportons nous à notre "industrie" pour la renouveler, quelle expérimentation géniale, quel concept, quelle idée pourrait renverser la situation - ou tout du moins - l'améliorer.

Professeur à la New York University, Jeff Jarvis - qui étudie les nou-veaux modèles économiques liés à la presse de demain - pose la question que nous devrions tous désormais nous poser: What would Google do?

Que ferai Sergueï Brin et Larry Page s'ils devaient inventer le business model du photojournalisme d'aujourd'hui?

Je ne vous donnerai pas ma réponse aujourd'hui, dans ce post, il fau-dra attendre un peu pour cela, tant la tache est compliqué dès lors qu'il s'agit de repenser un modèle, sinon de s'en éloigner pour dével-opper une structure radicalement différente de ce que nous connais-sons.Mais la question mérite de vous être posée. Vous autres amis photog-raphes/photojournalistes, vous avez surement un avis ou une intuition

sur ce qui pourrait être fait. Vous devez certainement, entre vous, au-tour d'un café refaire le monde du photojournalisme et vous dire que ceci ou cela ne fonctionne pas et qu'il faudrait changer cette façon de faire.

Vous devez certainement porter en vous ce que Brin et Page avaient en eux lorsqu'ils ont envisagé de se lancer sur le marché des moteurs de recherche.Si vous ne vous vous posez pas la question, qu'attendez vous pour le faire?

Que ferai Google à notre place?

Le modèle Google n'est pas LE modèle à reproduire. C'est l'energie Google qu'il faut s'attacher à reproduire. Cette recherche d'innovation, ce modèle de pensée qui - qu'on aime on qu'on aime pas - a fait de Google la référence mondiale qu'elle est aujourd'hui.La révolution d'une profession, le bouleversement d'une industrie ne se limite pas à la simple évolution technologique. Ce ne sont pas les webdocs qui nous sauverons seuls du marasme économique dans lequel nous nous trouvons - d'autant moins si l'on continue de croire qu'il faut débourser 50.000 euros pour réaliser une bonne production multimédia. La solution - mais c'est probablement là que réside égale-ment la principale difficulté - passe par un changement de mentalité, une vision nouvelle, la recherche créatrice et la catalyse des idées.

Rendons nous ce service, demain au réveil, demandons nous ce que Google ferai à notre place.

November 16, 2009

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Sortir du Cadre: What would Google do? (part 2)Après avoir repris la question de Jeff Jarvis "What would Google do?", je vous propose de continuer à chercher quel sera le futur du photojournalisme.

L'idée de mon dernier post "Sortir du Cadre" était de soulever l'épineuse question de l'innovation dont faisait preuve les acteurs de notre industrie, et en premier lieu, nous, les photojournalistes. Cette question de l'innovation - centrale à mes yeux pour espérer s'émanciper du couple presse/photographie et des aléas économiques qui le secoue - masquait en réalité une question peut être encore plus importante: sommes nous prêts à changer?

L'adoption de telle ou telle technologie n'est pas en cause ici, et le fait d'utiliser Twitter ou Facebook ou tout autre plateforme sociale ne présage pas d'une bascule des mentalités, en revanche, ce change-ment que j'évoque, tutoie d'avantage le modèle mythique sur lequel nous avons construit notre imaginaire professionnel et se confronte directement à l'ampleur du bouleversement.J'ai pu mesurer d'ailleurs à quel point il est difficile de faire comprendre que derrière la question "WWGD" ce n'est pas Google en tant que tel qui est cité comme modèle absolu, mais l'esprit dans lequel les fonda-teurs Serguey Brin et Larry Page se sont inscrit à l'origine et duquel ils ne sont jamais vraiment départi. Un esprit d'innovation, à contre cou-rant des modèles et des pensées établies. Certes, Google aujourd'hui est la multinationale que l'on connait avec ses volontés hégémoniques de contrôle absolu sur l'univers du web, mais contrairement à Micro-soft ou Coca Cola, Google s'est développée de façon quasi exponen-tielle et à achevé son enfance avec une taille de géant en un temps record. Ce que les autres ont mis 30 ans ou plus à construire, Google n'en a mis que 11. On pourrait croire que le colosse soit aux pieds d'argile, mais contrairement à Facebook ou Twitter, la santé du moteur de recherche est incomparablement supérieure et pour le coup, tout à fait tangible. Un tel succès, si arrogant soit il pour certain, ne peut

traduire qu'une seule chose: aucun compétiteur n'a été en mesure de fournir une solution aussi innovante que celle de Google.

C'est cette constante mise en avant de l'innovation qui a permis aux jumelles du web de conserver cette avance.Bon. A nous maintenant.Durant la dernière quinzaine d'année... quelle a été la véritable révolu-tion dans notre profession: le passage de l'argentique au numérique? Le numérique a presque tout changé, mais n'a presque jamais été un atout au développement de notre industrie, quand elle ne l'a pas complètement plombée. Sinon... quoi d'autre ? On a continué d'opérer comme on opérait en 1950 sans ce soucier de l'environnement dans lequel nous nous trouvions.

Alors oui, lorsqu'une industrie secouée par la crise depuis plus de 20 ans, subit - sans même parvenir à la comprendre tout à fait - la seule et unique révolution de son histoire (trés) récente, ce n'est pas une crise d'identité mais bien une crise de créativité à laquelle nous faisons face.

Une question de choix

C'est bien une question de choix. Que faire alors? Blâmer Google, le numérique et les pierres pour ce qu'on a pas su anticiper tout en s'endormant doucement, vidés par une hémorragie fatale ? La belle époque est finie, et notre imaginaire s'y accroche. Mieux, notre imagi-naire collectif de photographe continue d'entretenir le mythe en célé-brant les derniers reporters globe trotters, cassés, fauchés, mais telle-ment libres.Quoi penser dans cet univers de transformation? Faut-il tout détruire ? Tout casser, revenir à l'ancien temps ? Faut il revenir à l'époque du Be-lin ou du télégraphe pour contenter notre appétit de stabilité et notre soif de pérennité? Eric Scherer nous pose la question:

Confrontés à la fin des incroyables années des baby-boomers, la ten-tation est grande pour les patrons de presse, qui se croyaient immor-tels, de jurer que le « balancier finira bien par revenir », d’ériger des murs, de « faire rentrer le génie dans la bouteille », de reprendre la main.

La volonté de « Restauration » d’un ordre ancien, alimenté par un mouvement classique de « Contre-Réforme », fait son apparition. « Ca tiendra bien jusqu’à ma retraite », « courbons le dos et attendons le web3 », « informer, c’est un boulot de journalistes », « il n’y a pas de révolution numérique », « qui se souvient des radios libres ? », « a-t-on bien fait d’aller sur le web ? », entend-on aujourd’hui du haut en bas de la hiérarchie d’un média traditionnel.

Nous ne pouvons plus glisser sous le tapis ce qui devient de plus en plus évident aux yeux de tous. Le photojournalisme est condamné à se réformer ou à mourir.Alors que faire? Probablement embrasser la convergence des médias et faire des technologies émergentes nos meilleures armes. Cher-cher l'hybridation des moyens de diffusions et des revenus, favoriser l'entrepreneuriat, le rapprochement entre techniciens informatiques et techniciens de l'information pour créer l'info-technique. Intégrer à tous les niveaux (photographes et agences) la part de net activité sociale - croissante dans l'économie des liens - s'ouvrir aux autres, sortir de la bulle B2B pour retourner vers le public, le lectorat, cette fraction de la population drainée chaque été par les festivals de photojournalisme, créer un lien entre eux et nous.

C'est un choix qui s'ouvre à nous et dont les implications ne sont pas immédiatement évidentes, mais qui offriront à ce secteur une véritable opportunité de se régénérer et de continuer à faire ce qu'il sait faire de mieux, raconter le monde en image.

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Les pistes

2009 aura certainement été la pire des années pour la presse et pour le monde du photojournalisme, une année de crise qui a vu une chute de 25% des revenus publicitaires aux Etats Unis, et qui contrairement à 1929 ou au premier choc pétrolier de 70, amorce un tournant décisif dans l'équilibre économique des médias qui ne retrouvera jamais son état initial. Dans ce contexte l'émergence de nouvelles tendances n'est pas un phénomène à ignorer d'autant plus qu'elles se confirmeront très certainement dans le temps (sauf si 2012 s'avère être réellement la fin du monde).

Il ne fallait pas résister à la transformation de notre monde analogique en un monde numérique ni réfuter son impact sur nos économies et en particulier dans notre secteur d'activité - c'est pourtant ce que nous avons fait - il ne faudra pas ignorer les questions de l'innovation et de la révolution si nous voulons nous en sortir. Plusieurs évolutions sont soulignées par un certain nombre d'observateurs, ici aux Etats Unis, et si toutes provoquent les même réaction de panique dans les rangs de la presse Américaine, quelques unes d'entre elles sont ob-servées, disséquées et analysées dans l'espoir d'y trouver la solution miracle. Las, pas de solution seulement une révolution.

Clay Shirky dans son Here Comes Everybody: The Power of Organiz-ing Without Organizations nous explique qu'aujourd'hui le pouvoir revient aux masses, qu'Internet leur a donné les outils pour se passer des structures d'encadrement tout en leur permettant d'agir plus ef-ficacement. C'est la défiance du public à l'égard des institutions histo-riques. Où nous plaçons nous en tant que photojournalistes, en tant qu'agences? N'y a t'il pas là, matière à travailler, à chercher, à décou-vrir de nouvelles façon d'opérer en incluant d'avantage cette commu-nauté d'internautes citoyens dans nos structures ou notre workflow?

Jeff Howe dans Crowdsourcing: Why the Power of the Crowd Is Driv-ing the Future of Business suggère que les taches qui était jadis dévol-ues à une certaine catégorie de professionnels désormais trouvent une communauté plus large pour être accomplies, c'est l'ère de la collabo-ration de masse, de flickr, demotix et citizenside. Notre rôle de pho-tojournaliste ne se réduit pas à faire de belles images d'actualité - les amateurs passionnés le feront trés bien - mais peut être devons ren-forcer notre capacité de tri, de vérification, de certification, de hiérar-chisation, de mise en perspective, et de présentation de l’information à travers la photographie. Une tache qui d'après Eric Scherer dans "Que reste t-il aux journalistes" demeure l'apanage des journalistes et "Un atout encore « incopiable »."

Chris Anderson dans The Long Tail: Why the Future of Business Is Sell-ing Less of More pense que les produits qui n’ont qu’un faible volume de vente, peuvent collectivement représenter une part de marché égale ou supérieure à celle des best-sellers, si les canaux de distribu-tion peuvent proposer assez de choix, et créer la liaison permettant de les découvrir (src wikipedia). Sur quels réseaux pouvont nous nous appuyer collectivement pour faire découvrir le travail de tout à cha-cun. PixPalace en est une forme, mais dans sa forme actuelle, elle ne représente aucun avenir puisque radicalement coupée du reste du monde numérique par un mur.

Enfin, comment comprendre qu'une industrie qui a si étroitement lié sa viabilité économique à un type de support (le papier) ne soit pas en mesure d'embrasser pleinement l'idée qu'il est désormais temps de lier son avenir et son développement au support digital et à ses nouvelles opportunités? Le développement massif des ebooks genre "Kindle" d'Amazon ou "Mac tablet" d'Apple nous pousse à réagir et à chercher la meilleure façon d'exploiter ces supports pour nous adresser - enfin - directement à une audience qui ne nous rejette pas, mais qui simple-ment ne nous connais pas.

Comment ignorer l'invention de Pranav Mistry - the SixthSense - qui préfigure ce que sera le papier de demain, comment passer à coté d'une reflexion qui nous mènera - nous photojournalistes - à déployer notre offre, notre talent et nos images sur ces plateformes. Comment ignorer itunes et ne pas tenter de s'en inspirer et en réalité pourquoi chercher à blâmer ce qui peut d'ores et déjà devenir une fantastique porte de sortie à la crise que nous vivons. La peur peut être.

Je reste réaliste face aux challenges qui sont les nôtres, et rejette en bloc tout angélisme naïf qui consisterai à croire qu'aucun d'entre nous ne souffrira durant cette période. Beaucoup d'entre nous n'aurons pas la possibilité d'être sauvé des eaux, mais je continue de croire qu'une démarche positive, tournée vers l'innovation et le changement vaut mieux que de rester là à écouter l'orchestre jouer tandis que notre navire coule inexorablement.

November 18, 2009

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Sortir du Cadre: 2010 et la nouvelle décennieAprès avoir repris la question de Jeff Jarvis "What would Google do? (part 2)", je vous propose de continuer à chercher quel sera le futur du photojournalisme, mais cette fois, en 2010!

Fin d'année et heure des bilans. On s'embrasse en se promettant de corriger nos erreurs, de reprendre a zéro ce que l''on pense avoir rate. Les meilleurs intentions sont au rendez vous de minuit et dispara-issent au petit matin dans une tasse de café noir.La saison est donc a l'heure du bilan, Adam Westbrook reprend les 10 tendances principales selon lui de 2010, Ross Dawson explique en sub-stance quelles sont les stratégies a adopter pour créer le futur écosys-tème médiatique, David Carr enfin explique dans son "After a Year of Ruin, Some Hope" pour le New York Times que l'espoir se trouve dans le marche de niche, l'hyperlocal et surtout l'innovation en soulignant notamment le dynamisme des étudiants de l'Ecole de Journalisme de CUNY et leur travaux innovants, d'ailleurs récompensés dans le cadre des cours de Journalisme Entreprenarial dispenses par Jeff Jarvis.

Et le photojournalisme?

Notre univers déjà bien tourmente se prépare a deux chocs successifs pour l'année a venir, un bien et un mal, le Ying et le yang de la photo.

Le premier - en termes de gravité - et probablement le plus dév-astateur tient dans la stratégie de Getty Images qui proposera désormais des tarifs imbattables aux éditeurs en échange d'un ap-provisionnement exclusif chez le géant de la photo. L'analyse de Paul Melcher, dans "The year of the Predator" vaut le détour mais pour faire simple Getty a décidé de rentrer dans un magasin de porcelaine avec un char d'assaut: objectif anéantir toute concurrence et agréger la plus grande part de marché. Aidé par une conjoncture défavor-able et un besoin féroce pour les magazines et journaux de faire des économies sur tous les postes, cette stratégie va heurter à la fois les

petites agences comme les acteurs majeurs de l'industrie tels AP, AFP & Reuters - et plus directement Corbis. Même si ces derniers sau-ront mieux résister a l'agression- contrairement a leurs homologues plus modestes - il n'en demeure pas moins que Getty cherche dans l'ensemble a tenir sa position de leader par tous les moyens, même les plus irresponsables. Pourtant force est de constater que Getty reste de loin le seul acteur du marche capable de dicter sa volonté a l'ensemble de la troupe et en cela, la firme de Seattle nous donne une véritable leçon. Elle profite de l'absence de loi anti-dumping et se pro-tège derrière la loi antitrust pour éviter de faire face à un front com-mun infranchissable. Les autres n'ont qu’à souffrir en silence et se résig-nent à passer l'année la plus terrible de leur existence. Apres Gamma, Grazia Neri, L'Oeil Public se déclare en cessation de paiement. Les autres suivront bientôt, mortellement frappés par cette conjonction de facteurs dévastateurs.

Pourtant l'espoir est la. Le second choc de l'année va être dans la prolifération des "tablettes" numériques type Kindle d'Amazon, "iS-late" d'Apple ou "Manhattan Project" de Time.inc . Une explosion des terminaux qui se traduira par une migration massive des titres vers ces nouvelles plateformes. Un transfert qui restera sans doute assez classique dans la forme - le design des nouveaux "sites/magazines/journaux" devant dans un premier temps accompagner le lecteur vers la transition sans le heurter - mais qui implique que nous soyons en mesure de nous positionner sur ce marché qui va certainement bénéfi-cier d'un appel d'air du a la multiplication des supports et des sites.Reste à savoir ce que nous pourrons offrir, comment et a quel prix et si nous pourrons nous organiser?

Il nous faut désormais envisager le net comme une révolution d'hier, un produit d'aujourd'hui et un mode de vie pour demain.Multimédia ou photographie "traditionnelle", nous sommes déjà en mesure de toucher ce public, mais nous devons en restaurer les bases.

Rectifier le tir en termes de pratiques tarifaires et cesser de considérer internet comme un sous-univers ou la règlementation en matière de droits intellectuels et les tarifs de rémunération sont a géométrie vari-able , élaborer de nouveaux outils de mesure d'audience, utiliser des outils innovants comme les QR code pour "protéger" et renseigner nos images, unifier nos pratiques en matière de formatage d'information et d'utilisation des champs IPTC, prendre notre autonomie, cesser de supporter des structures vouées a disparaitre, créer de nouvelles en-tités, éduquer massivement le grand public et les professionnels, sortir de l'isolement, innover enfin!

Keyword for 2010: Innovation

Sans perdre de vue que le marché Européen n'est pas de la même nature que le marché US, il n'en reste pas moins que l'innovation en matière d'information et de news organisation va devenir le maitre mot pour tous ceux qui voudront survivre à l'extinction de masse qui se prépare. Les futurs entrepreneurs devront s'affranchir des modèles et des tendances d'aujourd'hui, sortir de la spirale distributeur/ache-teur, appréhender la photographie de presse non comme un produit a vendre pour une destination unique, mais comme un vecteur, un ca-talyseur, un révélateur de l'information et appliquer de nouvelles règles de tarifications sur ces bases.

Mais attention aux pièges tentants. Si je reste un hardant défenseur du multimédia, je suis de plus en plus farouchement opposé a cet état d'esprit qui consiste à penser que nous y avons trouve la voie du salut. Contrairement à Samuel Bollendorf, ce n'est pas le rap-port cout de production/prix d'achat que je remets en cause. Je dirai même que je trouve irresponsable de clamer - comme il le fait - a qui veut l'entendre qu'une production multimédia coute 50.000 eu-ros a produire et ne se vend quasiment pas, ce faisant, il décourage a mon avis ceux tentes par l'aventure - et c'est bien plus grave de mon

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point de vue et sous tend l' idée bourgeoise d'une élite capable d'atteindre un nirvana interdit au commun des mortel (merci la SCAM et le CNC de jouer les St Pierre) . Ce que je conteste c'est la nouveauté du modèle économique. La réalité, c'est que nous venons chasser sur les terres de la TV sur un terrain de très grande convergence médiatique, pour tirer notre épingle du jeu et survivre au cataclysme. Vincent Laforet, Robert Caplin et d'autres réalisent d'honorables productions, mais qui peinent a atteindre les standards de qualité TV et qui pour l'instant (au moins pour les productions publiques) n'apportent rien en terme de narration. Chasser sur d'autres terres, même si c'est satisfaisant pour un temps, n'est pas une innovation.

Je ne prétends pas être détenteur de la solution, et ce ne sont pas ces commentaires qui changeront des pratiques antédiluviennes destinées à disparaitre. En revanche, je vous invite à réfléchir a ce que pourrait être la/les solutions. Je vous invite à reconquérir cette position trop souvent laissée vacante de novateur, de pionnier, d'avant-gardiste et en particulier, je m'adresse a cette génération 80's qui ne se rappelle pas ou peu des TriX et du baryté mais connait très bien internet et son univers de repenser le photojournalisme en partant d'une page blanche.

Si je devais avoir un vœu à exprimer sur ce blog pour cette année, ce serait bien celui ci. De voir fleurir - comme le dit Clay Shirky - un millier de fleurs et voir remplacé les fruits gâtés et trop vieux.

Bonne Année a tous et meilleurs voeux!

December 26, 2009

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Sortir du Cadre: Parenthèse pour cas pratique, EyedeaCas Pratique: Proposez un ensemble d'innovations ou d'évolutions en argumentant chaque fois qu'il est possible pour créer l'agence du XXIème siècle. Plus sérieusement, voici reproduit ci dessous ma contribution au débat qui a lieu sur le forum de FFF - Fight For Foto.

Je suis particulièrement étonné par la réflexion menée autour du cas Eyedea sur ce forum, que ce soit venant des responsables, des candi-dats repreneurs ou de vous, mes collègues photographes. Pour com-mencer, je pense que d’avoir aiguillé le débat a travers une série de questions a mis sur les rails un certain nombre d’entre nous et empê-ché d’analyser la situation de façon originale et de voir les scenarios a la marge porteurs d’avenir. Ensuite, il semble évident, lorsqu’on parcourt le forum que le diagnostic est posé - le patient est grave-ment malade voire mourant - et que tout le monde s’accorde a dire qu’il faut le soigner très vite. C’est très bien, mais soyons honnête, un peu court. Renforcer l’identité des marques en restaurant leur auto-rité sur le marché grâce à un positionnement recentré sur le qualitatif, très bien. Organiser une meilleure rotation des archives et renforcer la diversification vers l’édition et le marché de l’art, évidement. Cibler la clientèle, valoriser le patrimoine, éditer plus serré, reconstruire une plateforme internet, communiquer plus… je m’étonne que tout ca ne soit pas en place depuis longtemps. Je m’étonne encore plus de voir que cette seule stratégie puisse constituer le cœur des projets de re-prise, sensés inscrire les agences et le groupe dans l’avenir. S’il y a des points sur lesquels il ne faut pas perdre de temps ce sont bien ceux la. Il semble pour le moment que les propositions soient assez similaires et peinent à se différencier les unes des autres. C’est donc soit qu’il se dé-gage un certain consensus sur ce que doit être une gestion équilibrée et sur les méthodes à employer pour retrouver un bilan positif, soit que l’imagination de chacun peine a même évoquer des hypothèses de développement.

La presse meurt. Rapidement. Ceux qui survivent encore migrent une partie de leur activité sur le net, parmi eux, certains reproduisent bêtement le modèle papier ou tardent à prendre les decisions radi-cales et ne font que repousser leur fin à quelques mois ou années. Les autres – ceux qui innovent - prennent la tête de la course. En janvier 2009, personne ne parlait de tablette de la façon dont on en parle aujourd’hui. Le mois prochain, c’est la première version de l’ipad qui fait son irruption auprès des consommateurs, et dans la trace d’Apple, Sony et Microsoft, Samsung et Panasonic travaillent aussi sur leur tablette. Les quotidiens Anglo-Saxon préparent déjà l’après papier (http://bit.ly/b09Tc1). L’image circule différemment sur le net, les échanges sont différents, le web doc prend sa place et s’impose de plus en plus, si le marché n’est encore que limité il va prendre de l’ampleur dans les deux ou trois années à venir, supporte par les tech-nologies mobiles.

Nathalie Sonnac, professeur à l’Institut français de presse nous le dis « Autour de la presse, tout a changé depuis un demi-siècle, tout sauf elle » (http://bit.ly/b86atq). Alors Comment s’inscrire dans l’économie numérique de demain ?

Le diagnostic étant établit, il est temps de commencer à s’interroger sur le futur. Une agence doit-elle rester un simple grossiste de l’image ou évoluer vers une structure plus hybride? Quelle est la grille tarifaire de demain sur internet ? Doit-on calculer la cession de droit au for-fait ou en fonction de la taille des images sur le site ? Ne peut on pas plutôt chercher à exploiter des techniques plus complexes d’analyse de trafic, d’affichage ou de clics a l’instar des bannières pub ? Quels types de contrats entre le photographe et l’agence ? Doit-on conserver le même % de répartition de ventes si la charge de travail se reparti différemment ? Doit-on s’engager dans une relation directe avec le lecteur ? Doit-on profiter des outils d’aujourd’hui pour nous remettre à parler aux gens, pour travailler à nouveau pour eux ? Pour créer du

lien, voire pour que le public commandite directement des sujets ? Si notre mission de professionnels de l’image est de raconter le monde, pourquoi ne pas le raconter directement à un lectorat que nous aurions construit? Doit-on continuer de garder à distance les pho-tographes, ne peut-on pas les intégrer à nouveau dans les processus décisionnels et si oui, comment? Quelles relations sont à développer avec eux ? Quelles relations doivent-ils chercher à développer avec le lectorat, leur public ? Structurellement qu’elles sont les améliorations à apporter ? etc, etc…

“The three things newspapers (ndlr: or photo agencies) should do is experiment, experiment, experiment!” Google’s economist-in-chief, Hal Varian

Tout d’abord je pense que l’agence doit s’ouvrir radicalement pour devenir une interface de découverte et de discussion ou on échange informations et connaissances par l’image.Elle doit investir internet pour développer cette nouvelle relation avec le public et améliorer ses relations avec les partenaires historiques de la presse, l’édition et de l’institutionnel sans considération de frontières. Elle doit savoir anticiper et prévoir les évolutions technologiques et comportementales qui affecteront son fonctionnement et développer les stratégies adaptées pour évoluer avec le monde et a son rythme.

1- L’interface : vers l’ouverture.

La plateforme internet est placée au centre du dispositif et se découpe en trois parties :

Un accès pro pour la vente traditionnelle (B2B), un espace de pub-lication (top/down) et un espace ouvert (social). La plateforme est structurée en network de sites (agences et photographes) reliés en-tre eux. Les agences disposent d’un site dédié à leur marque, avec

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un espace de publication et un espace social correspondant aux dif-férentes personnalités. Nouveauté, on intègre les photographes dans le network et l’agence leur fournit gratuitement un site internet « portfolio » complet relié à leurs archives sur le serveur de l’agence sur lequel il a total contrôle et via lequel il peut envoyer et éditer ses images. Chaque photographe affilié devient donc une porte d’entrée pour un client potentiel vers l’univers visuel du groupe, mais contraire-ment à l’accès pro des agences, l’accès pro des photographes mets d’abord en avant le travail du photographe. Sur tous les sites un module promo permet de mettre en avant différents photographes du network de façon aléatoire pour inciter les clients et les lecteurs à découvrir l’ensemble des talents – et mettre en avant ainsi, la diversité et la richesse du fond. L’espace publication pour les agences peut être un espace type freemium (une partie du contenu gratuit pour inciter à découvrir un contenu place derrière un pay wall) ou complètement gratuit. L’essentiel étant de publier des travaux qui ne sont pas pub-liées par la presse traditionnelle. Si un sujet ne trouve pas de débou-ché, autant qu’il soit vu quelque part, autant que ce soit sur le site de l’agence et dans une section magazine appropriée ou/et via un maga-zine .pdf . L’agence devient éditeur et publie désormais elle-même le travail de ses photographes, dont elle a par ailleurs déjà cautionné le travail en acceptant les images.

Elle finance ce magazine online de façon traditionnelle par la vente d’espace et de liens sponsorisés, le téléchargement d’application (iphone ou android) ou de numéros .pdf ou encore le paiement d’abonnement et rémunère en conséquence les photographes publiés. Cette stratégie de publication vient de pair avec le volet « socialisation » et l’engagement nouveau et profond qui doit être mis en place dans cette structure. L’ouverture implique en premier lieu les photogra-phes qui doivent comprendre la nécessité de créer un lien plus profond avec les lecteurs que la simple connexion visuelle évidente avec leurs photos. Transmettre l’expérience vécue, le contexte, la valeur, mettre

en perspective le travail, expliquer et convaincre, engager le dialogue, comprendre ce que perçoit le lecteur et recevoir les critiques, c’est ce que doit faire un professionnel de l’image aujourd’hui. En second lieu, pour les agences, ces outils doivent servir de base à un dialogue permanent avec les collaborateurs et les photographes et servir à établir les priorités en sentant les tendances du moment, les attentes et les contraintes de production. Ils doivent aussi servir à prolonger l’engagement d’une communauté regroupée autour des différents photographes, pour constituer une base plus large qui pourrait – par exemple – déterminer ponctuellement les sujets à traiter collective-ment tel le ferai un Rédacteur en Chef ou un Directeur Artistique gé-néral, contribuer à l’élaboration d’un sujet via un partage de ressourc-es ou via contributions bénévoles. Il ne s’agit pas de faire l’aumône pour palier à un manque d’effectif ou une carence professionnelle, mais bien d’engager le public dans la réalisation afin de lui faire percevoir la réalité concrète du travail de photographe, de l’impliquer dans le processus créatif, de créer un lien nouveau.

2- La structure

Sur la structure traditionnelle de l’agence – le socle éditorial et com-mercial - on peut venir ajouter trois nouveaux pôles, constitués pour assurer la pérennité du découpage mis en place ci-dessus. Le premier est un pole « Publishing » qui a pour vocation de s’occuper de la par-tie publication des sites des agences. La création et conception des maquettes des magazines web et de leur déclinaison .pdf, la promo-tion et la recherche des partenaires pub, les choix éditoriaux etc… façon fanzine élaboré. (2 personnes + 1 commercial partagé avec le service général). Le second – et le plus important – consiste en un pole « Beta » en charge de la veille technologique et stratégique sur la toile ainsi que du développement du réseau social des sites des agences. C’est de ce pole dont dépends le développement à moyen et long terme des agences du groupe puisque c’est lui qui est à l’écoute

des innovations, qui observe le développement des nouveaux medias, anticipe les différentes mutations, les nouvelles technologiques, c’est la vigie chargée de prévoir les obstacles et de proposer les solutions, le moteur qui détecte les évolutions. C’est celui qui propose et orga-nise cette expérimentation permanente. C’est aussi le messager qui est en charge de faire remonter – via des rapports de tendance - les différentes suggestions des photographes vers la direction, les équi-pes des différentes agences et les deux autres nouvelles équipes. Ce pole constitue en réalité un cabinet interne d’expertise des nouveaux medias et se révèle être également une source de revenu importante si on considère que ce service peut être proposé à d’autre medias ou agences désireuses de s’adapter aux nouvelles réalités du marché (2 ou 3 personnes). Enfin un pole de production multimédia complet capable de produire mini sites dynamiques, récupérer du matériel brut, d’éditer, de monter et publier du contenu web. En sélectionnant 10 photographes, parmi les plus productifs et les plus motivés au sein des agences à vocation éditoriale, et en leur fournissant un enregistreur de qualité ($200) on se dote d’une capacité de proposition de contenu multimédia pour $2000 seulement (la vidéo n’est pas essentielle dans un premier temps, la grande majorité des journaux américain ayant tenté le multimédia, l’expérience Magnum in motion ou encore les productions de Mediastorm on toutes débutées avec des productions photo+audio seulement dans leur catalogue et continuent d’en produ-ire, l’important c’est l’histoire).

3- Créer la rupture.

Alors que le NYT allait au plus mal et cherchait à combler ses défic-its en hypothéquant son immeuble de la 42eme à New York, certains analystes ont pensé que la véritable stratégie pour le journal n’était pas de glisser mollement vers le net, mais réellement de cesser toute publication durant la semaine (à l’instar du Christian Science Monitor). L’idée était de basculer la publication sur le site et de ne conserver

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que l’édition papier du weekend. Une telle manœuvre aurait été si audacieuse et si remarquable qu’elle aurait créé plusieurs effets positifs à commencer par l’augmentation spectaculaire de son cours de bourse (le culot et l’innovation étant bien perçus par les investisseurs) qui aurait immédiatement remboursé la dette du journal, mais aurait aussi contribué a créer une dynamique chez les concurrents qui auraient tous accéléré la transition vers le digital. Impossible de reproduire cette stratégie dans l’industrie de la photo tant les forces en jeu ne sont pas comparables, mais je reste convaincu qu’imaginer une structure évolu-tive, différente, ouverte vers le lectorat, présente en force sur le net et encore identifiable comme agence photo serait un veritable changement dans le paysage. Une audace qui enverrait un signe positif et clair à l’ensemble de l’industrie et, en tous cas, tirerait les agences du groupe hors de la nostalgie des années 70.

Je pourrai continuer ainsi pendant des heures, mais hélas, cela ne laisserait guère de place au dialogue, et je n’ai fait ici que des propositions. Par ailleurs je n’ai guère espoir de voir un jour ce type de stratégie se réaliser tant j’ai conscience que le poids des habitudes et la peur des changements peuvent avoir la peau dure et résister même aux meilleures volontés.

En tous cas j’aurai essayé d’apporter ma contribution au débat, en espérant nourrir notre réflexion collec-tive.

March 13, 2010

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Sortir du Cadre: Laisser faire ou se battre?Après avoir esquissé ce que pourrait être l'agence du XXIeme siecle dans Parenthèse pour Cas Pratique, je vous propose de continuer à chercher quel sera le futur du photojournalisme.

C'est un cycle immuable depuis quelques années. Une crise survient et la question est posée: "Quel avenir pour le photojournalisme".

Les réponses les plus communément rencontrées sur les forums, Face-book, Twitter ou les blogs spécialisés, dans la vraie vie sont générale-ment de deux ordres. Les pessimistes: sombre, difficile, compromis, voué a l'extinction, nul. Et les incertaines : illisible, incompréhensible, peu rassurant.

Puis chacun ensuite, dresse la liste des ennemis à abattre. Getty en tête, les Low cost agencies, Creative Commons, l'Orphan work bill, DR, la saturation du marché, les amateurs, les financiers, le numéri-que, Internet, Flickr, les magazines, la culture, les débouchés, la distri-bution etc...

Tous les acteurs de la photo, éditeurs, agents et photographes, unis dans un même chorus, crient au désespoir, à l'agonie, au scandale. Les témoignages se succèdent pour raconter combien la vie est dure, combien il est difficile de survivre. Apparaissent dans le même temps quelques bonnes âmes, qui, assises dans de confortables fauteuils nous expliquent comment utiliser notre carte de crédit avant de recevoir leur précieux conseils en marketing. Enfin les ténors se font entendre et clament que non, la profession n'est pas morte, "Regardez le tra-vail de X ou de Y, photographe fantastique, parti au péril de sa vie et au dépens de son conseiller bancaire, dans un des quatre coins de notre globe (étrange concept du globe aux quatre coins) pour nous rapporter un témoignage unique." Non définitivement le photojournal-isme n'est pas mort, ouf on respire, tout le monde est rassuré. Rentrez chez vous, y a plus rien à voir.

A ce stade le calme revient jusqu'à ce qu'un nouvel évènement ce produise et c'est à nouveau la crise d'épilepsie.Même si le schéma est délibérément caricatural - il est, on le sait, plus subtil que ca - il soulève deux questions:

Posons-nous les bonnes questions?Depuis le temps que nous dressons un constat si catastrophique de l'état de notre industrie, pourquoi rien ne semble s'être amélioré?Posons-nous les bonnes questions?

Le rôle majeur dans l'histoire encore très fraiche d'Internet que joue Google, et notamment vis a vis des medias, illustre totalement le pro-pos. La création de Google News et l'agrégation du contenu des sites d'information a rapidement créé une polémique considérant que Google était responsable de la chute d'audience des journaux, et qu'en somme, le modèle allait tuer celui du papier. Le très intéressant "How to save the News" de James Fallows dans "The Altlantic Journal" montre aujourd'hui clairement que non seulement la survie des jour-naux n'est pas remise en cause par Google (la vérité est ailleurs), mais que de surcroit Google lui même n'a pas intérêt a voir les journaux et leur contenu disparaitre d'Internet, l'un et l'autre se nourrissant mutu-ellement.

Le parallèle peut être fait dans notre industrie. Getty, par bien des égards, joue contre son camp en nouant alliance avec Time.inc, l'un des plus gros éditeurs des Etats Unis, permettant a ce dernier d'acheter pour $50 n'importe quelle photo non-exclusive quelque soit sa taille. Une stratégie dévastatrice pour la compétition qui se voit faire face a une concurrence si forte a la baisse, qu'il sera pour beaucoup économiquement difficile d'y résister. Getty est donc claire-ment l'ennemi tout désigné par l'ensemble de la profession, d'autant plus quand son CEO Jonathan Klein déclare que ce ne sont pas les photographes qui font la valeur d'une image, mais le public. Pourtant,

ce que les acteurs principaux - photographes, agents, éditeurs - ont failli à reconnaitre c'est leur incapacité à réagir face aux attaques de l'agence de Seattle. Pire, aucun d'entre eux n'a su proposer un meil-leur modèle, un meilleur deal, une solution différente. Encore pire, dans une sorte de redite de l'expérience de Milgram les concurrents de Getty se sont mis à pratiquer les mêmes politiques tarifaires déprécia-tives faisant plus de mal a leur pairs qu'ils ne l'auraient éventuellement souhaité, au nom de la concurrence. Encore encore pire, les efforts coordonnés de l'ensemble pour "suivre" la baisse de revenus - ou tout du moins coller a une certaine réalité du marché, risquent fort d'avoir pour conséquence de tuer la diversité et la richesse de l'écosystème photographique. De la à penser que décidément l'industrie pétrolière Américaine est la cause systémique de la disparition d'un certain nombre d'écosystème, il n'y a pas loin.

Pourquoi n'a t'on pas su proposer d'alternative à une politique, somme toute plus très neuve - bien qu'encore très efficace - de terre brulée menée par les géants. Et aujourd'hui, quelles sont les proposi-tions nouvelles, les modèles nouveaux, les tentatives audacieuses qui pourraient venir contre carrer l'offensive menée à l'encontre des petits acteurs?

Nous sommes nous posé les bonnes questions. Est ce réellement Getty l'ennemi? Les amateurs? Internet? N'y a t'il pas déni d'inventaire? Au final, n'est ce pas la paresse ou la peur qui préside au destin de la très grande majorité des agences et des photographes? La paresse qui nous a poussé, petit à petit, depuis la création de Magnum en 45, à délaisser l'outil de notre émancipation? N'est ce pas un certain aveu-glement qui nous à conduits à déléguer progressivement nos affaires et placer dans des mains inconnues la charge de la gestion? N'est ce pas ce manque de réflexion, cette absence de questionnement qui nous a conduit dans le mur?

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Si le choc structurel violent engendré par la perte brutale des revenus du au découplage pub/édition a suffit pour plonger l'univers des mé-dias et en particulier du "print" dans une sorte de chaos permanent, il n'empêche qu'un certain nombre d'efforts de la part des agences et photographes pour amortir ce choc n'ont pas toujours été menés, ou s'ils l'ont été, de façon tout à fait marginale. Désigner systématique-ment à la vindicte populaire un "plus responsable" que soit (Cf liste plus haut) reviens à faire l'examen d'une portion du problème, et donc d'y apporter une réponse fausse.

Le sur place?

En 2003, le psychologue Michael J. Apter publie dans la revue "The Psychologist" une tribune dénonçant le manque d'ouverture des ap-proches theoriques des psychologues . Il écrit:

Mon intention, en écrivant ce bref article, est d’attirer l’attention sur certaines idées que les non-psychologues peuvent trouver très impor-tantes et utiles (ou du moins évidentes), idées qui continuent cepen-dant d’être négligées par la plupart des psychologues professionnels.

Les pros de notre secteur en sont, selon moi, au même point. La ré-flexion et l'innovation ne semblent aujourd'hui plus être synonymes de solution. Tout au plus, lorsqu'on aborde le sujet, est-on considéré com-me un doux rêveur, un éternel optimiste, un utopiste en herbe rêvant un peu trop au grand soir. Les solutions transversales (explorées ici) ne sont pas examinées avec le sérieux qu'elles requièrent quand elles ne sont pas purement et simplement écartées d'un revers de manche par le premier cynique venu. Épuisés par le combat quotidien qui est le leur, les patrons d'agences et photographes influents ont abandonné le pont pour se concentrer sur la salle des machines.

Même les observateurs avertis semblent épuisés. Ken Kobré dans son

"News business strategies for Photojournalists" présente les modèles "a la française" comme de possibles nouveaux modèles pour les Etats Unis, ignorant au passage la disparition de l'Oeil Public et la banalité des modèles économiques de Fedephoto et Pixpalace (de brillantes réussites sur le marché français ou européen mais qui n'apportent rien de nouveau quant au modèle de revenus).

Seul lumière dans ce four, l'agence VII et son nouveau magazine, qui explore un concept dont j'avais parle dans "Parenthèse pour Cas Pra-tique" après avoir lu "What Crisis" de Stephen Mayes. Ce qui à mon sens mérite d'être souligné, c'est que cette démarche a été saluée aussi bien par la profession que par un nombre important de "non professionnels". En créant une mini rupture, en explorant de nouveaux horizons et en exploitant le matériel photographique pour intégrer dans un magazine propriétaire des auto-produtions multimédia, du texte et de l'image, VII a réussi ce que d'autre ne font pas: bouleverser le statut quo.

Et si l'on se retranche derrière les traditionnels contre-arguments "oui mais VII c'est particulier", regardons Magnum et leur "in Motion" ou VU et leur "VU Mag" ou les précurseurs Zuma avec "DOUBLEtruck" et "zReportage". Au final, il faudrait renverser la proposition et à ceux qui plaident l'exceptionnelle qualité des agences sus nommées comme excuse a l'innovation, on pourrait leur reprocher ce manque d'identité ou d'originalité qui les empêche également de franchir le pas.

La solution se trouve dans l'exploration et le courage. L'adoption de nouvelles tendances, l'expérimentation et l'amélioration de la col-laboration entre photographes et les structures. Si les agences veulent survivre, elles doivent devenir indispensables, différentes, prouver leur originalité et développer sans attendre leur sources de revenus au delà du traditionnel cercle de leur clients. Elles doivent engager le public passionné de photographie et d'information, la communauté, le lector-

at, créer un lien nouveau et se mettre a son service. C'est en créant un dialogue nouveau que les traditionnelles tentatives de diversifica-tion (tirages d'art ou édition) comme celle plus novatrices (magazine online, app pour mobiles etc) pourront s'épanouir pleinement.

A mon sens le photographe doit comprendre qu'il ne suffit plus d'agir en producteur et qu'il doit désormais intégrer la dimension de publica-tion dans son activité.

Po-si-tif!

La sortie de la tablette d'Apple et la nouvelle ère qu'elle présage en terme de consommation d'information et de débouché économique pour l'image, rebat les cartes et achève de créer ce fosse entre inno-vation et l'industrie de la photo. La discussion entre Jeff Jarvis, Steve Coll de la "New America Foundation" et ancien du WaPo and John Sturm de la Newspaper Association of America dresse les contours de la presse d'ici a 5 ans et entrevoit la disparition partielle (mais franche) des versions papiers des newspapers au profit du Net. Une tendance qui sera sans doute amplifiée par l'ipad et ses concurrents et qui - loin d'apporter les solutions magiques a l'industrie de la presse - va créer un environnement technologique favorable pour précipiter la transition analogique/digital. Je ne m'étendrai pas sur la pub on-line, mais il y a fort à parier que les annonceurs - qui ont encore le cul entre deux chaises - choisirons très vite le média qui nous accom-pagne dans chaque minute de nos vies et délaisserons pour bonne part le papier. Allons-nous, dans ce contexte, continuer de vendre les images que nous produisons comme nous les vendions déjà a Life Magazine et Paris Match il y a 30 ans? Allons-nous continuer de parier sur l'écroulement de nos principaux rivaux et continuer d'exploiter des outils et des méthodes dépassées dans l'univers qui nous attend? Sommes-nous prêt à ce changement?

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Car il va falloir changer. Changer les méthodes de vente sur le net, les barèmes de rémunération, les calculs de ces mêmes rémunérations, les technologies permettant la vente, le tracking et la recherche des images. Il va falloir adapter les staffs, intégrer l'aspect "programmation" au sein des bureaux, massivement dévelop-per le multimédia, créer du liens et les outils pour exploiter la valeur de ces liens. Enfin il va falloir revoir la place du photographe et/ou de l'agence dans le paysage, revoir les interactions entre ces deux groupes et avec le public - le lecteur, l'internaute - comme avec les publications historiques et numériques .

LA solution évidement n'existe pas, seulement un ensemble convergent d'actions permettrons un rebond vers le mieux. Mais ces actions ne pourront prendre de l'ampleur dans un univers ou règne en perma-nence méfiance et critique, défiance et scepticisme, ou Internet est perçu comme une menace et se con-jugue dans les esprits au vol et à la violation de copyright. L'idée - vue comme naïve, mais corroborée par un ensemble d'études comportementales - qu'un discours résolument optimiste favorise l'action et la mobilisation, doit aujourd'hui s'imposer auprès des vecteurs d'opinion de notre industrie. Il ne s'agit pas de naïveté crasse ni d'angélisme aveugle, mais bien de promouvoir un discours qui rompt avec la culture de l'impuissance pour renouer avec l'esprit de Capa et HCB, d'Henrotte et Depardon, qui a leur époque avaient su créer les structures dont ils avaient besoin.

Nous sommes dans une industrie du présent, du contexte, de l'immédiat et nous inscrivons notre marque dans ce présent grâce aux outils inventés après guère. Nous avons passe la dernière décennie à redouter le futur en regardant avec nostalgie vers cet age d'or passé. Il faut que nous réalisions enfin que la peur et l'immobilisme ne nous préparent pas au futur. Le genre de futur que Ian Goldin nous présente et dans lequel nous devrons, professionnels de l'image et de l'information, nous insérer.

May 17, 2010

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Sortir du Cadre: la RésilienceAprès Laisser faire ou se battre? , je vous propose de continuer à chercher quel sera le futur du photojournalisme!

"La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression."

La liquidation judiciaire des restes de l'agence Sygma a été demandée il y a quelques jours par Stefan Biberfeld, gérant de la "coquille vide" de Corbis, rachetée en 2001 et depuis jamais réellement sortie du rouge. Encore un traumatisme pour le monde du photojournalisme français qui ne s'en remet pas de voir son patrimoine historique par-tir en fumée, petit bouts par petit bouts. Un coup de plus porté au moral de professionnels, qui comme ici, sont de plus en plus malmenés. Prochaine étape redoutée, la vente de Sipa press, qui fera suite au désengagement progressif du groupe Fabre dans ses médias défici-taires. La série noire de cessions et de fermetures en tous genres n'en finit pas de secouer le photojournalisme et la photographie, comme autant d'ondes de choc destructrices, créant mois après mois, un état d'esprit d'injustice et de résignation. Le Titanic n'en finit pas de som-brer, et l'orchestre joue encore.

Il est pourtant largement temps que nous prenions conscience que rien ne sera plus comme avant. La presse écrite - premier client des agences de photojournalisme - ne souffre pas d'une crise, mais tra-verse en réalité une période de mutation qui conduira inexorablement a une extinction massive des éditions imprimées et verra l'émergence de nouveaux plateaux de contenus sur la toile. Il est donc largement temps d'embrasser le nouvel environnement digital qui s'ouvre devant nous et de sortir de cette dépression sans fin. Un réveil d'autant plus important, que nous disposons d'ores et déjà de certains outils qui - étonnamment - sont tout à fait adaptes au web et permettraient, pour peu qu'on les utilise correctement, de développer ce potentiel

encore inexploité. Des structures d'exercice qui possèdent les atouts nécessaire à l'évolution du photojournalisme, mais que nous laissons périr de façon inconsidérée: les agences.

Les agences photos: armées pour durer.

Si l'idée semble paradoxale au regard de l'actualité de ces derniers mois, c'est en réalité moins les structures existantes que le concept en lui-même qui détient les armes pour exister dans le paysage média-tique de demain. Appuyons nous sur la vision partagée de Jarvis, Gill-mor & Shirky qui décrivent l'organisation des médias d'ici à 5 ans, pas-sant d'une "ink" économie a une "link" économie (papier contre liens/internet), de méga structures hyper-centralisées a un écosystème mue par la collaboration, la recommandation et le partage des risques, d'une économie industrielle orientée "Product" a une économie post industrielle orientée "Process" , on constate alors que l'agence photo dans son fonctionnement porte déjà en elle les graines du média de demain et peut être même, du succès.

procEss vs product : Première constatation, l'agence est historique-ment fondée sur cette notion de process. L'information pour une agence, n'a ni début ni fin, et s'incarne dans un flux continu de news. Pas de deadline, pas de page à remplir, pas de rotative à lancer, l'information se développe dans un espace sans limite, au fil du temps, un sujet remplaçant l'autre 24/24h, 7 /7 jours. En tant que telle, l'agence est donc plus adaptée au format web et à son rythme.

Dans la "ink" économie, l'agence est cantonnée dans le rôle du gros-siste d'informations syndiquant sa production aux diffuseurs - seuls capables d'imprimer et de distribuer le contenu produit. La dépen-dance de l'agence par rapport au papier est totale et installe - de fait - les éditeurs de presse dans une position dominante permettant de dicter pratiques et tarifs à son avantage. Aucune interaction directe

avec le public n'est possible hormis par le biais d'expositions dont l'audience - confidentielle et souvent majoritairement locale - interdit le développement à large échelle ou d'atteindre de nouvelles audi-ences et de nouveaux marches. Sur le papier, la photo se heurte à un univers "fini". Dimensionné, contextualisé, l'image ne peut se déployer seule, elle sert de support, d'illustration au texte, d'agrément visuel d'élément de design. Si la pagination se réduit, les sujets se réduisent & les photographies en pâtissent. Leur sens commun s'étiole puis disparait, et le lecteur finit par ne plus jeter qu'un vague coup d'œil pour ensuite passer à autre chose. Demeurent quelques bastions qui tentent de maintenir la place de l'image en combinant haute qualité et large exposition (Nat-Geo, Géo, Paris Match, Stern etc...) mais force et de constater qu’à l'instar de la presse quotidienne, ils ont de plus en plus de mal.

Dans la "link" économie en revanche, l'imprimeur/diffuseur devient un maillon obsolète. Le process devient la norme, le flux une composante majeure de l'information. L'interaction avec le public devient enfin possible à travers les outils sociaux et ouvre du coup, de nouveaux horizons en termes de revenus. Le contenu plus ouvert, disponible et transparent, reflétant l'état des connaissances à un moment "t", ouvre la voie à la collaboration. Le "public" peut soumettre ses idées, modi-fier son contenu à chaque instant, pour améliorer le flux global et con-tribuer à l'information. La photo, elle, se déploie, retrouve ses marques, occupe l'écran, fait disparaitre le texte pour se donner au lecteur. Libérée des contraintes d'espace, la photo s'arrange en slideshow, en vidéo, en sujets multimédias, s'agrémente de sons, de graphiques, elle sert désormais d'épine dorsale aux histoires. La photo se transmet facilement, se partage, et devient virale. Elle s'ouvre aux commentaires et devient un carrefour des attentions ou transitent les internautes.Internet est le lieu où règne de deux composantes essentielles maitri-sées par les agences photo: le flux et l'image.Internet devrait être leur terrain de jeu. Pourtant il n'en est rien.

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Malgré la prédisposition structurelle et historique des agences photo à pouvoir s'intégrer dans la sphère numérique et le potentiel énorme dont elles disposent pour pouvoir y prospérer, il semble qu'aucune d'entre elle ne soit parvenue à développer ces opportunités. Et tandis que d'un coté, la marche en avant technologique conduit à un con-texte de plus en plus dématérialisé, photographes et responsables se réfugient encore pour beaucoup dans une posture classique de méfiance vis-à-vis de la numérisation et de l'environnement digital. Si les avancées se font - et c'est heureux - elles ne procèdent que par petites touches et reposent sur le minimum vital exigé, sur la réponse à un service demandé plus que sur la proposition de nouvelles oppor-tunités.

Paradoxe numérique.

Comme il y a un "avant" et "après" J.C, dans l'histoire de la photog-raphie on peut sans aucun doute estimer qu'il y a un "avant" et un "après" numérique. Pas une discussion entre vieux de la vieille qui ne réfère à cet âge sacre de l'argentique, pointant avec nostalgie ce qui pouvait être considéré comme une période bénie ou les limites matéri-elles se conjuguaient avec professionnalisme (la bobine imposait-elle de faire de meilleure images, ou moins de d'excellentes images?) .

Pourtant, nous avons certainement été parmi les premiers à transiter d'un monde analogique a un monde digital, les premiers à adopter les équipements pros de l'époque (DCS100 Kodak et plus tard le D30 Canon), les premiers à assurer la continuité des archives d'un univers a l'autre ( à grands frais), enfin, les premiers à ouvrir des plateformes de distribution sur internet - ou tout du moins - à mettre le web au cen-tre de nos échanges.Apres près de 20 ans de transition digitale, si la question du posi-tionnement et de l'usage du numérique dans notre industrie semble définitivement établie, les efforts à fournir pour atteindre une numéri-

sation totale restent encore colossaux. Il suffit pour s'en convaincre de considérer l'état des fonds Keystone laissés par Eyedea, les archives Sygma ou Sipa pour réaliser que la transition n'est pas complète. Enfin les photographes eux-mêmes ont longtemps peiné a recon-naitre que le numérique était l'outil de demain et qu'il se substituerait a l'ancienne generation de matériels. Comme la génération Speed Graphic craignait le Leica, celle du film craignait celle du capteur.Un paradoxe lorsqu'on sait à quel point nous réfutons la prédomi-nance du matériel par rapport au regard. Si, comme le dit J.Leroy, il y a de plus en plus de gens avec une caméra et de moins en moins de photographe (sous-entendu ceux qui ont l'œil vs ceux qui ne l'ont pas) pourquoi craindre de perdre notre regard en changeant de matériel? Pourquoi tant résister à changer un élément - en théorie - accessoire? Et du coup, pourquoi craindre le désintérêt de la presse lorsque celle-ci ne constituera plus le principal débouché de nos photographies d'ici les 5 à 10 années à venir?

C'est la bel est bien le paradoxe du numérique (ou de l'imprimerie à l'époque de Gutenberg). Chacun y voit les raisons de ses échecs pour éviter d'avoir à faire l'examen de ses responsabilités, mais personne ne peut raisonnablement s'y opposer tant le bénéfice de l'adoption parait plus grand.

Prospective 2020

Un véritable effort de prospective doit désormais être mené pour aborder de façon constructive les décennies à venir. Sortir de cette défiance permanente, de cette peur irraisonnée du net, et des sché-mas du passe doit devenir la priorité, nous devons être des photogra-phes résilients. Nous devons réinventer notre univers, non parce que le "vieux modelé" n'était pas bon, mais parce qu'il n'est plus adapté.

‘It’s not about finding new ways to do old things, but time to radically rethink our business models by redefining our products, our partners, and our clients.’ Stephen Mayes

Imaginer que l'on puisse travailler dans 10 ans de la façon dont nous travaillions il y a 10 ans est un suicide collectif annonce. Joel De Ros-naisnous prédit le Symbionet, un net augmente consultable partout en permanence. John Underkoffler nous annonce l'arrivée des visualisa-tions spatiales (type Minority Report) d'ici à 5 ans sur les PC de tout à chacun. D’ores et déjà 1000 milliards d'images circulent sur le net et le volumecroit de jour en jours, imprimant leur marque dans l'histoire visuelle du réseau. Si on y ajoute la crise de la presse (Cf Quaderni. N. 24, Automne 1994. Crise et presse écrite ) et la bascule de la pub vers internet. La montée des plateformes de contenus - agrégateur, pure players, web sites adosses aux tradis - qui se multiplient et ren-forcent leurs audiences jour après jour. La montée en force de la vidéo et de son audience. Parier sur le retour à une situation équivalente à celle que nous connaissions dans les années 80 constitue un déni de réalité et les contre-révolutions des médias traditionnels (lire: Why Big Media's Anti-Google Counter-Revolution Will Fail ) a l'encontre du suppose "méchant" Google (How to save the News) sont une er-reur. L'univers de l'image change durablement et se développe à une vitesse jamais atteinte jusqu'ici sans que pour autant nous fassions les efforts nécessaires pour anticiper le futur proche.

Concrètement, quelles sont les actions que nous pourrions envisager? Tout d'abord repenser le mode d'exploitation des images sur le web (en termes techniques et commerciaux), repenser le cœur d'activité des agences photos (abandon progressif du rôle de grossiste pour un adopter une position de spécialiste, exploitant une information raf-finée), arrêter de parier sur des débouchés marginaux - certes presti-gieux mais couteux - pour investir dans des secteurs émergents (mul-

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timédia, publishing web, app mobiles, flux, réalité augmentée) et externaliser leur développement, repenser l'organisation structurelle de la profession, harmoniser les pratiques commerciales (en accord notamment avec les lois anti trust américaines pour éviter des murs de verre infranchissables), réexaminer le statut du photojournaliste pour lui permettre de conserver sa place de rapporteur d'information tout en lui autori-sant de nouveaux débouchés (Fr).

Comment structurer cet effort? En initiant une sorte de G20 ou de TEDx de la photo créé par les organi-sations professionnelles nationales (syndicats, associations, guildes) existantes, une conférence globale sur les enjeux du photojournalisme, en amont duquel un travail préparatoire serait effectué autour de thé-matiques précises et concrètes à atteindre à court, moyen et long terme (fixation des tarifs de vente, des accords inter groupes , questions autour du copyright et droit d'auteurs, des œuvres orphelines, des stan-dards IPTC, le contrôle des flux et des volumes, la digitalisation, le modèle de licensing, les débouchés et les relations avec médias numériques, la renégociation des accords passés avec la presse traditionnelle type abonnement etc.). La dessus, création d'un groupement international de surveillance et de coordination financé par les différentes organisations présente au "G20" et dont l'objectif serait de monitorer les ques-tions étudiés a la conférence, d'évaluer leurs applications concrètes et de détecter les nouvelles questions à traiter pour l'année d'après.

J'ai tout a fait conscience de l'énormité de la tache et des implications que tout cela suppose, mais suis également pleinement convaincu que sans cet effort décisif - et peut être ultime - notre génération ne saura survivre aux bouleversements déjà enclenchés sans en payer un prix terriblement lourd tant en ef-fectif qu'en savoir.

"La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu af-fecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression."

June 6, 2010

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55 Estimation du Nombre d’images en ligne

Dreamstime - 8,556,710

Fotolia - 9,056,403

iStockphoto - 6,837,000

Shutterstock - 11,332,581

Alamy - 19,270,000

AP - 6,000,000

Bloomberg - 290,000

Corbis - 4,000,000

DPA - 7,500,000

Getty Images - 8,500,000

Microstock - 20,000,000

Newscom - 40,000,000

Reuters - 25,000,000

AFP - 8,000,000 = 173 million

Facebook - 15 billion

Flickr - 4 billion

ImageShack - 20 billion

Photobucket - 8.2 billion

= 47 billion

Shared pictures

Licensed PicturesSrc: Blackstar rising

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BioPhotographe indépendant basé à New York depuis 2006, je suis spécialisé dans le reportage, le portrait magazine et la couverture d’évènementiels.

Après avoir étudié le Droit et le Journalisme en France, j’ai travaillé avec l’agence Abaca comme staffer pendant près de trois ans à Marseille, où je couvrais l’actualité politique, économique et sociale du grand quart sud-est (de Perpignan à Menton en passant par Grenoble). Mon travail a été publié dans nombre de magazines comme l‘Express, le Point, VSD,

le Nouvel Observateur, Le Figaro Magazine, Le Monde, l’Expansion, Gala ou Point de Vue parmi tant d’autres.

En Septembre 2006, je suis parti m’installer à New York et après une brève collaboration avec la branche US d’Abaca Presse et Gamma, j’ai rejoint l’agence Polaris comme photographe contributeur et ce, pendant deux ans. Mes photos ont été publiées par les principaux magazines et sites web Américains comme par exemple Business Week, Sport Illustrated, Newsweek, Portfolio, Vanity Fair, the New York Magazine, Rolling Stones, Us Weekly, In Touch, et d’autres publications dans le monde.

A propos de BulbBulb est devenu au fil du temps la partie la plus dynamique du hub

construit autour de gholubowicz.com. Lance le 4 avril 2007 sur typepad (http://o2blog.typepad.fr ), il a très vite migre sous le nom que vous lui connaissez aujourd’hui. Outre les actus liées à mon activité pure de photographe, je consacre de plus en plus d’espace et d’énergie à la réflexion et au dialogue autour de l’avenir du photojournalisme, notamment à travers la série “Sortir du Cadre”.

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Cet e-book est publié par Gerald Holubowicz, NYC 2010.

Texte © Gerald Holubowicz 2010

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