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REVUE DE PRESSE CHORÉGRAPHIE : OLIVIER DUBOIS INTERPRÉTATION : GERMAINE ACOGNY SAISON 2014-15 Contact presse | Sophie Razel | T | +33 (0)6 28 96 47 31 | M | [email protected] FB et T | @balletDuNord | www.balletdunord.fr

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REVUE DE PRESSE

CHORÉGRAPHIE : OLIVIER DUBOIS INTERPRÉTATION : GERMAINE ACOGNY SAISON 2014-15

Contact presse | Sophie Razel | T | +33 (0)6 28 96 47 31 | M | [email protected]

FB et T | @balletDuNord | www.balletdunord.fr

PRESSE QUOTIDIENNE

Date : 26 MARS 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 275310

Page de l'article : p.22Journaliste : Rositan Boisseau

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ROUBAIX 9373643400508Tous droits réservés à l'éditeur

CULTURE

Olivier Dubois plonge dans le noirDans son « Sacre du printemps », le chorégraphe évoque l'esclavage

DANSE

U n banc, un gars, un Prêt àbaiser. Voilà pour le dis-positif simple et léger. Le

reste est plus chargé. Un autrehomme débarque, s'assoit et atta-que. Et c'est parti pour le plus longbaiser de l'histoire de la danse. Surla musique du Sacre du printemps(1913), de Stravinsky, ce kissénorme, vorace, intrusif, de plusde trente minutes, laisse sa proie(consentante) la bouche dévastée,son prédateur tout aussi ravagé etle spectateur la mâchoire béante.

Créé en 2012 au Musée d'art mo-derne, à Paris, c'est le premier cha-pitre de la collection dè Sacre(s) duprintemps, conçue par le chorégra-phe Olivier Dubois, directeur duBallet du Nord. Ce qui devait resterun « one shot » est devenu uneperformance à part entière sou-vent reprise depuis. Mais pas avecle même interprète. « C'est un nau-frage si violent et mouvementé queje n'ai pas voulu continuer à lejouer, confie le danseur Sylvain De-cloitre, créateur du rôle. Cela abeau être ritualisé, cela devientpresque cannibale à la fin. »

Cette version extrême dégage la

voie à pleines dents à ce qui s'an-nonce comme une douzaine devariations sur le thème de l'artisteet de sa muse, mais aussi sur celuidu désir ou du sacrifice, liés à lapartition de Stravinsky.

Pour le second volet, Mon éluenoire (Sacre #2), créée le 15 janvier àla Fabrik, à Potsdam (Allemagne),Olivier Dubois offre la place redou-table de la victime à GermaineAcogny 70 ans, danseuse et choré-graphe, figure de la scène africaine.« C'est la première fois que je faisl'interprète pour quelqu'un, préci-se-t-elle. C'est un défi ! »

Mise en botte

En slip et soutien-gorge noirs, fu-mant la pipe comme à son habi-tude, Germaine Acogny est miseen boîte comme un spécimen exo-tique. L'histoire - esclavage et colo-nialisme - l'enveloppe comme uncauchemar. Noir de la peau, obscu-rité de l'espace, plongeon dans lagrotte où seules les traces de sesmains sur le mur conserverontson souvenir, ce Sacre, un peumince au regard de la manièreforte ordinaire d'Olivier Dubois, seveut un cadeau pour GermaineAcogny. « fe l'ai rencontrée en 2013pour mon spectacle Soûls créé avec

des danseurs africains, raconte lechorégraphe. Ce solo donne formeà notre complicité. »

En creux, Mon élue noire répondà Maurice Béjart (1927-2007).En 1977, le chorégraphe met Ger-maine Acogny à la tête de l'école dedanse Mudra Afrique, à Dakar.Pour elle, il veut remonter son Sa-cre du printemps (1959), dont ellesera l'Elue. Le projet n'aboutit pas.« Interpréter ce Sacre que Mauricevoulait, mais avec Olivier, est unplaisir», dit Germaine Acogny.Quant à Dubois, féru d'histoire dela danse, il inscrit sa lecture « sansfiliation revendiquée avec Béjart,mais dans un lien assumé ».

Prochains volets de la saga, tou-jours sur la partition de Stra-vinsky : un Sacre avec une actriceaméricaine Usant Howl, de l'écri-vain Allen Ginsberg ; puis un autreavec un danseur oriental, experten danse du ventre. Nombril dumonde, épicentre du Sacre, rn

ROSIT A BOISSEA U

Prêt à baiser, de et avec OlivierDubois. 31 mars, 20 heures,Théâtre Sorano, Toulouse.Mon élue noire, d'Olivier Dubois.27 mars, Ballet du Nord, Roubaix.Du 7 au g avril, Centquatre, à Paris.

LA VOIX DU NORD / LILLE METROPOLE Samedi 28 mars 2015

POTSDAMER NEUESTE NACHRICHTEN JOURNAL QUOTIDIEN DE POTSDAM Samedi 17 janvier 2015 par Ralph Findeisen Traduction

‘LA BÊTE SE RÉVEILLE’ Avec « Mon élue noire », Germaine Acogny explore le traumatisme de la colonisation Quel scandale ! La bête noire renverse la couleur blanche. Le regard obstiné. Direct. Empreint d'une agression à peine dissimulée. La tempête peut se lever à tout moment. Ou plutôt la deuxième tempête. La tempête vengeresse. Après l'ouragan de l'occupation coloniale. La bête ne se laisse plus accaparer. Ici, le public blanc. Là, la danseuse noire. Entre les deux, l'écart de la révolte que l'on ne peut plus dissimuler. De la réparation. Ou d'un autre combat destructeur ? D'une dévastation, noire, cette fois ? C'est la révolte des ethnies africaines asservies au début de l'époque post-coloniale qu'incarne la danseuse Germaine Acogny dans la pièce chorégraphiée d’Olivier Dubois. C'est le corps de la mémoire, de la commémoration. Aussi bien les spectateurs que les producteurs se trouvent renvoyés dans les années 50 et 60. Et cela en 2015. C'est tout à fait remarquable. Mais une chose après l'autre. C'est avec « Mon élue noire » qu'a été inaugurée jeudi l'édition 2015 du festival « Made in Potsdam ». Spectacles de danse, de musique et expositions d'art contemporain sont au programme sur le site de la Schiffbauergasse jusqu'au 15 février. Le festival a vocation à présenter et à promouvoir, à Potsdam, les articles locaux et internationaux. Ses objectifs sont à double titre de nature politique. D'une part, l'art peut tout à fait se permettre de s'engager politiquement à travers ses contenus critiques et socio-discursifs. D'autre part, il se doit de dynamiser l'infrastructure culturelle, car – selon les organisateurs – toute commune moderne a besoin de l'art moderne pour s'épanouir. Cette année, le festival est assez axé sur la francophilie, ce qui explique la présence de l'Ambassadeur de France en Allemagne, Philippe Étienne, à la soirée d'ouverture. Revenons maintenant à la pièce. Quelle performance ! La danseuse Germaine Acogny a 70 ans ! Et c'est une battante. D'origine franco-sénégalaise, elle a créé, en 1968, le premier studio de danse africain. Marquée par l'héritage de sa grand-mère, prêtresse de la tribu des Yoruba, elle a développé sa propre technique en s'inspirant à la fois des éléments traditionnels de la danse africaine et du style classique occidental. Le crâne rasé, le corps musclé, dotée d'une grâce que l'on pourrait qualifier de brute, elle se réveille sur scène avec une violence symbolique. Elle évolue dans un espace qui rappelle une cage enveloppée de tulle. Peut-être la vie humaine se déroule-t-elle dans une cage, une cage où les possibilités sont restreintes. Mais ce que nous voyons là fait sans aucun doute allusion aux convois d'esclaves et d'animaux qui, un jour, ont quitté l'Afrique pour l'Europe et l'Amérique. Ils la quittent toujours aujourd'hui, mais beaucoup trouvent la mort en Méditerranée sans atteindre Pantelleria. Olivier Dubois, né en 1972, classé en 2011 parmi les 25 meilleurs danseurs du monde par Dance Europe Magazine, possède une grande expérience de chorégraphe, danseur et pédagogue. En 2013, il a créé entre autres la pièce « Élégie » pour le Ballet National de Marseille, alors capitale européenne de la culture. Depuis 2014, il est directeur du Ballet du Nord à Roubaix. Sa dernière pièce, « Souls » a été créée en décembre 2013

au Caire. Son premier solo est le fruit de sa collaboration avec Germaine Acogny. « Mon élue noire » est à l'origine un qualificatif qui lui fut donné par Maurice Béjart, mais la coopération avec le grand chorégraphe français n'a jamais vu le jour. C'est la première fois que Germaine Acogny se produit comme interprète pour un autre chorégraphe après avoir dansé exclusivement sur ses créations. Un tel cadrage à forte teneur politique et personnelle donne toujours naissance à une production particulièrement intime. La « bête » ou le « monstre » - comme Olivier Dubois qualifie le personnage incarné par sa danseuse – exprime donc non seulement des traumatismes historiques, mais encore les démons personnels inhérents à toute création. L'histoire est vite racontée. « Le Sacre du printemps » de Stravinsky en est la toile de fonds. L'élue noire, archétype du destin de l'Afrique, est tout d'abord chassée et acculée dans ses derniers retranchements. Devant nos yeux, un corps trépigne, court, se ploie, essaie en vain de se remémorer ses pratiques culturelles animistes. Impossible d'empêcher le bannissement du paradis noir, africain, pour gagner le paradis blanc, chrétien. La pause qui suit ce bannissement n'engendre qu'une illusion de paix. Il s'agit en réalité d'une proposition diabolique. Sur la scène, le changement de code s'accomplit de façon visible, tel une rupture. La danseuse à demi nue substitue son soutien-gorge noir à un autre, d'un blanc étincelant. Un petit changement architectonique d'une grande portée symbolique se produit : le sol de la cage s'ouvre et Germaine Acogny évolue alors depuis les profondeurs - plongée dans le comportement, le langage et la morale de la culture coloniale. Depuis les profondeurs, cela signifie vraisemblablement qu'elle s'est rapprochée de l'Enfer. En effet, l'Élue s'efforce de s'adapter à cette nouvelle culture, de s'y intégrer, de se soumettre au destin. Mais elle ne parvient pas à y retrouver son identité, malgré la meilleure volonté du monde. Ce qui se produit à la fin était prévisible : la couleur blanche, avec laquelle elle était encore disposée à écrire, à s'exprimer, devient symbole de l'échec et du rejet justifié. Fixant le public du regard, elle renverse la couleur blanche. Est-ce trop simple ? Bien entendu, « bête » et « monstre » sont des qualificatifs coloniaux intacts. Dans le meilleur des cas, il s'agit d'une auto-provocation de l'auteur blanc ou d'une provocation du public. Aujourd'hui, nous avons évolué. Le discours colonial est toutefois d'une actualité brûlante. De même que la néo-colonisation globale. L'Afrique elle-même peine à travailler sur son héritage colonial et à se créer des identités propres. L'époque coloniale n'est pas la seule cause d'explosions de violence hystérique. Ce qui n'empêche pas d'évoquer le passé. À mi-spectacle, Germaine Acogny cite Aimé Césaire : « Pour ma part, si j'ai rappelé quelques détails de ces hideuses boucheries, c'est parce que je pense que ces têtes d'hommes, ces récoltes d'oreilles, (…) ce sang qui fume, on ne s'en débarrassera pas à si bon compte...La colonisation, je le répète, déshumanise l'homme même le plus civilisé. » Vers la fin, le geste du poing levé des Black panthers. Une réminiscence, pourtant d'actualité. Le geste sublime de la révolution n'est pas moins un geste dérangeant. Seul le corps haletant de Germaine Acogny laisse une impression inoubliable. Cela est puissant. Et beau. Ce n'est qu'en cet instant que tout s'apaise.

PRESSE HEBDOMADAIRE

A VOIR

Festival Jouvence, du 27 au 29 mars, Ballet du Nord

Date : 28 MARS/3 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 594049

Page de l'article : p.68Journaliste : E. B.

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ROUBAIX 4862543400503Tous droits réservés à l'éditeur

MON ELUE NOIRE

RITUEL DANSEOLIVIER DUBOIS

DEn s'appropriant pour la seconde foisla partition du Sacre du printemps, aeStravmsky, Olivier Dubois en a « reduit »la danse a celle de la seule «elue»,jeune fille sacrifiée par sa communautea chaque retour du printemps Etcomme le chorégraphe, directeur duGCN de Roubaix, n en est pas a uncontrepied pres, l'élue qu'il s est choisie a 70 ans Germaine Acogny, pionmere de la danse contemporaine enAfrique, a qui Maurice Bejart avait failliconfier le rôle voila trente cinq ansAvec respect et facétie, Dubois cadre lagrande prêtresse dans une boîte enverre pour un rituel confidentiel Et luiécrit une longue phrase avec ellipses,pauses et accélérations ou l'attente etle surgissement alternent pour negocier au mieux le rythme effréné descuivres et des cordes Lors de la crealion a Potsdam, en janvier dernier, lespectacle flottait encore Maîs tapiedans l'ombre, avec, a la bouche, unepipe rougeoyante et les mots du poètemartiniquais Aime Cesaire, GermaineAcogny nous est apparue Deesse ternenne jetant tous ses reins dans la bataille sacrifiée maîs pas moins reine

-E.B.137 mn I Le 27 mars festival Jouvencea Roubaix (59) tel 03 20 24 66 66du 7 au 9 avril festival Séquence Danse auCentQuatre Paris 19e tel 0153355000

PRESSE HEBDOMADAIRE

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Pionnière.AuFestival «Dansonsmainte- nant'»,aCotonou (Benin), le5fevrier LaFranco-Sénégalaise, 70ans, qui a fondé son premier studio a Dakar, enseigne aujourd'hui dans le monde entier

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connaît des troubles, les for- mations se poursuivent à

PRESSE MENSUELLE

LA TERRASSE AVRIL 2015

LET’S MOTIV Nord et Belgique MARS 2015

WEB

TELERAMA Sortir Paris 5 avril 2015 par Emmanuelle Bouchez

Olivier Dubois : une version du "Sacre du Printemps” hantée par l'Afrique

Germaine Acogny est seule sur scène à 70 ans dans ‘Mon élue noire - sacre #2’. © François Stemmer

Avec son physique voluptueux et ses œuvres tribales de corps nus en transe, le chorégraphe bouscule la discipline. A la tête du Ballet du Nord à Roubaix, il dévoile “Mon élue noire - sacre #2”, son dernier spectacle adapté du ballet de d'Igor Stravinsky avec la danseuse et chorégraphe sénégalaise Germaine Acogny.

Des yeux olive qui pétillent de rire et, aux lèvres, une répartie toujours prête. Olivier Dubois, dans la vie, est un joyeux drille. Les régimes professés par les ascètes de la danse ? Il les fuit en courant, assume depuis toujours sa rondeur trapue. Dans sa jeunesse, celle-ci ne l'a jamais empêché d'être un sportif insatiable. Autre paradoxe de cet artiste né de parents voyageurs, qui découvre la danse à 23 ans, lors d'un cours de claquettes : il n'entretient pas son corps, même aujourd'hui, la quarantaine venue... « Je suis hyperlaxe et peux me remettre à danser du jour au lendemain. » Son parcours de chorégraphe est du même acabit : brillant, hors normes, rapide. A peine dix ans depuis ses débuts à Avignon en 2006, dans un solo de fin d'après-midi, Pour tout l'or du monde. Et six ans depuis la fondation de sa compagnie quand Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture, sans doute conquise par son dossier archi peaufiné et son redoutable talent discursif, le choisit à l'été 2013 pour succéder à Carolyn Carlson à la tête du Centre chorégraphique national (CCN) de Roubaix... aussitôt baptisé « Ballet du Nord », comme à l'origine, en 1985. Quartier mixte et oriental Olivier Dubois reste un auteur jeune (dix oeuvres en dix ans) même s'il est depuis longtemps un batailleur opiniâtre en quête de moyens de création. Roubaix semblait l'attendre. La ville, brandissant culture et patrimoine contre la crise, brassant 90 nationalités, le touche : « Elle trouve son équilibre dans la démesure : c'est l'une des cités les plus jeunes de France, où il y a la plus grande pauvreté comme un grand taux d'ISF... » Le Ballet du Nord, adossé au théâtre municipal du Colisée, contemple depuis son grand studio blanc les toits rouges de l'Epeule, quartier mixte et oriental, où Dubois a immédiatement fréquenté les cafés à chichas. Il y discute de tout avec les jeunes, y compris des attentats de janvier. « Aucun d'eux n'a jamais poussé la porte du théâtre... Un centre chorégraphique ne peut pas remplacer l'action des politiques, mais grâce à la danse, on peut créer un lien. » Un de ses premiers gestes fut d'ouvrir les coulisses de sa nouvelle maison. Il y a organisé un bal africain avec des associations à l'occasion de la présentation de Souls, sa chorégraphie-célébration pour six danseurs recrutés dans les écoles de Karima Mansour au Caire, ou de Germaine Acogny au Sénégal. En mai

dernier, l'école de danse du Ballet du Nord a défilé dans Roubaix au son de basses électro, et un spectacle pour cent vingt amateurs a peuplé le parvis du théâtre. « Son sens inné de la proximité a vite fait le tour de la ville, raconte une Roubaisienne, convaincue. Mais cela ne l'empêche pas de créer une oeuvre très pointue. Le contraste est étonnant. » « Carolyn, c'était la reine des abeilles, Olivier, c'est un soleil. » Ce sont précisément les deux jambes sur lesquelles Olivier Dubois veut danser à la tête du Ballet du Nord : l'engagement citoyen d'un côté, la création et la recherche de l'autre. Quitte à renoncer à une autre mission des CCN : « Je n'ai pas les moyens d'accueillir une saison de spectacles si je veux redonner un souffle à ce centre chorégraphique, deuxième de France par le montant des subventions (2 577 748 €, dont les deux cinquièmes proviennent de l'Etat) alors que seuls 10 % de son budget vont à l'artistique (création, coproductions et résidences) ! Si on continue ainsi, ces labels qui fêtent leurs trente ans n'auront plus de sens. » Dès 2014, les cinq studios du Ballet du Nord ont accueilli la relève : 317 jours de résidence pour une vingtaine d'artistes, tels les chorégraphes confirmées Gaëlle Bourges et Nadia Beugré ou en devenir comme Benjamin Bertrand. Leur rencontre avec le public aura lieu ce printemps, trois jours durant, dans le cadre du nouveau festival Jouvence. En plus d'autres événements impromptus car, dans la maison, le nouveau directeur a la réputation de produire une idée par minute : « Carolyn, c'était la reine des abeilles, Olivier, c'est un soleil. » Derviche tourneur Un soleil noir parfois. Pour preuve, son incroyable performance à l'inauguration de Mons 2015, de l'autre côté de la frontière, le samedi d'avant notre visite. Il la raconte, le sourire espiègle — six heures en derviche tournoyant dans la pénombre, torse et fesses nus sous un long tutu de plastique fuchsia —, mais explique son geste avec sérieux : la provocation pour la provocation, il n'aime pas. La vulgarité, encore moins... « L'art doit troubler, c'est tout. » La première oeuvre fondatrice de sa compagnie, en 2008, avait déjà provoqué un scandale avignonnais. Une relecture intégrale, d'après les transcriptions originales, de L'Après-midi d'un faune, la pièce mythique de Nijinski/Debussy (1912). Où le « rondouillet », dans son collant de faune, bousculait avec génie l'histoire de l'art. A l'opposé, c'est une pièce de groupe toujours en tournée, Tragédie, qui le révèle au grand public, en 2012, toujours au... Festival d'Avignon. Grâce à dix-huit interprètes marchant sur la pulsation ininterrompue de son compositeur-complice, François Caffenne, Tragédie offre aux spectateurs hypnotisés une perception quasi métaphysique de l'humanité, entre vie et mort. Transe tribale de corps nus et différents, cette oeuvre fut un coup de maître redessinant le destin d'une « danse qui danse » après le mouvement conceptuel des années 2000, peu à peu sclérosé. « S'ouvrir le ventre et sortir le monstre » Pour la comprendre, il faut chercher du côté de ses premières expériences chez Jan Fabre, à partir de 2003, alors qu'Olivier Dubois sort du ballet Preljocaj

et d'Aix-en-Provence (où il fit d'ailleurs des études de lettres et d'économie). Le bouillant Flamand le catapulte en 2005 à Avignon dans la reprise de sa fresque médiévale forcenée, Je suis sang, créant même un rôle pour lui. Si Fabre se souvient aujourd'hui avec plaisir de « ce talentueux danseur au corps voluptueux digne de Rubens et à la flexibilité d'un Rudolf Noureev », Dubois n'oubliera pas non plus cette période qui l'a marqué, plus que tout autre engagement chez Karine Saporta, Dominique Boivin, Angelin Preljocaj ou Sasha Waltz. « Je suis resté quatre ans avec ces fous furieux du travail et de la fête. Cela m'allait très bien. D'autant que Jan nous faisait grandir, nous demandant de lire, d'écrire, de proposer... Travailler avec lui signifiait aussi dîner avec les plasticiens Marina Abramovic ou Matthew Barney... C'est formateur. » Il y a appris l'absolue liberté de la recherche : « Libérer l'inattendu grâce à la dépense physique. S'ouvrir le ventre et sortir le monstre. Trouver son humanité véritable, son être poétique profond... Voilà ce que je demande à mes danseurs car j'aime les corps métamorphosés. » Quand il recrute, il cherche d'abord des hommes et des femmes, des personnalités. Il est plutôt fidèle. Et son noyau de danseurs aussi, en charge aujourd'hui des actions du Ballet du Nord, pour lequel il y a un avant et un après-Tragédie.

http://www.telerama.fr/sortir/olivier-dubois-une-version-du-sacre-du-printemps-hantee-par-l-afrique,123441.php

LE MONDE.FR 25 mars 2015 Par Rosita Boisseau

Olivier Dubois plonge dans le noir Un banc, un gars, un Prêt à baiser. Voilà pour le dispositif simple et léger. Le reste est plus chargé. Un autre homme débarque, s’assoit et attaque. Et c’est parti pour le plus long baiser de l’histoire de la danse. Sur la musique du Sacre du printemps (1913), de Stravinsky, ce kiss énorme, vorace, intrusif, de plus de trente minutes, laisse sa proie (consentante) la bouche dévastée, son prédateur tout aussi ravagé et le spectateur la mâchoire béante.

Prêt à baiser, créé en 2012 au Musée d’art moderne, à Paris, est le premier chapitre de la collection de Sacre(s) du printemps, conçue par le chorégraphe Olivier Dubois, directeur du Ballet du Nord. Ce qui devait rester un « one shot » est devenu une performance à part entière régulièrement reprise depuis. Mais pas avec le même interprète. « C’est un naufrage si violent et mouvementé que je n’ai pas voulu continuer à le jouer, confie le danseur Sylvain Decloitre, créateur du rôle. Cela a beau être ritualisé, cela devient presque cannibale à la fin. »

Cette version extrême dégage la voie à pleines dents à ce qui s’annonce comme une douzaine de variations sur le thème de l’artiste et de sa muse, mais aussi sur celui du désir ou du sacrifice, liés à la partition de Stravinsky. « Je ne peux répondre à cette musique en un seul spectacle, explique Dubois. Je l’ai disséquée autour de différentes questions que j’ai envie de traiter. »

Esclavage et colonialisme

Pour le second volet intitulé Mon élue noire (Sacre #2), créée le 15 janvier à la Fabrik, à Potsdam (Allemagne), Olivier Dubois offre la place redoutable de la victime à Germaine Acogny, 70 ans, danseuse et chorégraphe, figure de la scène africaine.

« C’est la première fois que je fais l’interprète pour quelqu’un, précise-t-elle. C’est un défi ! » En slip et soutien-gorge noirs, fumant la pipe comme à son habitude, Germaine Acogny est mise en boîte comme un spécimen exotique. L’histoire – esclavage et colonialisme – l’enveloppe comme un cauchemar.

Noir de la peau, obscurité de l’espace, plongeon dans la grotte où seules les traces de ses mains sur le mur conserveront son souvenir, ce Sacre, un peu mince au regard de la manière forte ordinaire d’Olivier Dubois, se veut un cadeau pour Germaine Acogny. « Je l’ai rencontrée en 2013 pour mon spectacle Souls créé avec des danseurs africains, raconte le chorégraphe. Ce solo donne forme à notre complicité. »

En creux, Mon élue noire répond à Maurice Béjart (1927-2007). En 1977, le chorégraphe met Germaine Acogny à la tête de l’école de danse Mudra Afrique, à Dakar. Pour elle, il veut remonter son Sacre du printemps (1959), dont elle sera l’Elue. Le projet n’aboutit pas. « Interpréter ce Sacre que Maurice voulait, mais avec Olivier, est un plaisir », commente Germaine Acogny. Quant à Dubois, féru d’histoire de la danse, il inscrit sa lecture « sans filiation revendiquée avec Béjart, mais dans un lien assumé ».

Prochains volets de la saga, toujours sur la partition de Stravinsky : un Sacre avec une actrice américaine lisant Howl, de l’écrivain Allen Ginsberg ; puis un autre avec un danseur

oriental, expert en danse du ventre. Nombril du monde, épicentre du Sacre.Prêt à baiser, de et avec Olivier Dubois. 31 mars, 20 heures, Théâtre Sorano, Toulouse.

Mon élue noire, d’Olivier Dubois. 27 mars, Ballet du Nord, Roubaix. Du 7 au 9 avril, Centquatre, Paris 19e.

Germaine acogny / La divinité des sables

NOUVELOBS.COM 4 avril 2015 Par Raphaël de Gubernatis Germaine Acogny, la divinité des sables Un solo dansé par Germaine Acogny ; un spectacle conçu pour ses danseurs par l'artiste sud-africaine Robyn Orlin : la troupe de l'Ecole des Sables fait une entrée fracassante à Paris. anseurs par l'artiste sud-africaine Robyn Orlin : la troupe de l'Ecole des Sables fait une entrée fracassante à Paris.

Germaine Acogny

Avec "Mon Elue noire", un solo créé pour elle par le Français Olivier Dubois dans le cadre du Centre chorégraphique national du Nord-Pas de Calais (ci-devant Ballet du Nord), solo chorégraphié sur la musique du "Sacre du printemps", la danseuse africaine Germaine Acogny fait un retour fracassant à Paris, au Cent Quatre. Dans la foulée, et après une série de représentations au Théâtre de la Ville, les danseurs de sa propre troupe, celle de l’Ecole des Sables, se produisent au sein du même espace, dans une production imaginée pour eux par la Sud Africaine Robyn Orlin. Une façon de saluer la puissante et solaire personnalité de Germaine Acogny. Et de rendre hommage à son inlassable action en Afrique où elle fonda naguère cette institution unique sur le continent noir qu’est l’Ecole des Sables.

Germaine Acogny Entre savane et océan L'Ecole des Sables ! Le nom est si beau qu'on le croirait forgé par quelque artiste inspiré. Or ce n’est à l’origine que le titre d'un documentaire naguère produit par Arte sur cette école de danse africaine découverte fortuitement par un réalisateur dans le bourg côtier de Toubab Dialaw, au Sénégal, au sud de Dakar. Un titre si poétique qu'il s'est imposé à l'école. Et effectivement, elle surgit des sables, tout comme un village édifié sur une colline rocheuse dominant l'océan et la plage immense d'une part, la lagune et la savane piquée de baobabs de l'autre. Elle est le fruit d'un rêve. Celui de Germaine Acogny, une artiste née au Bénin, Sénégalaise d’adoption, célèbre dans toute l'Afrique et que chacun considère comme la mère de la danse africaine contemporaine, sans pour autant se soucier de lui fournir les moyens financiers afin de pérenniser son projet.

Mudra Afrique Une artiste qui a toujours su que la conception de l'art moderne comme la préservation du patrimoine passaient par des connaissances solides, par un enseignement multidisciplinaire. Un domaine qu'elle connaît bien. Quand Léopold Sédar Senghor, grande figure de l'Afrique décolonisée, fonda Mudra Afrique en 1977 avec Maurice Béjart, alors grande figure de la danse universelle, c'est elle, Germaine Acogny, qui fut choisie pour en assumer la direction. Senghor ayant quitté la présidence du

Sénégal, son successeur, en 1982, n'eut rien de plus pressé que d'anéantir une école devenue un symbole. Pour Germaine Acogny commencèrent des années de colère et d'errance jusqu'à ce qu'elle décide avec son époux, Helmut Vogt, un Allemand, de fonder en 1994 l'association Jant Bi ("le soleil" en langue wolof ), d'acquérir de vastes terrains désertiques à proximité de Toubab Dialaw, au sud de Dakar, et de lancer le projet fou d'y édifier une école et un théâtre afin d'y former des danseurs de toute l'Afrique et d'ailleurs. En Afrique où n’existait jusque là nulle école de danse digne de ce nom.

L'Ecole des Sables Et l'eau jaillit Avant même que ne soient construits les premiers bâtiments, c’est en plein air que sont dispensés les premiers stages. Et c'est au cours de l'un deux qu'un forage entrepris grâce à l'aide financière et logistique de la France fait jaillir de l'eau sur le site, assurant ainsi la viabilité de l’école qu’on voulait y fonder. Dès lors, maisons d'étudiants, de professeurs, cantine, bâtiment administratif, salles de travail et théâtre jaillissent du sol à leur tour. De 1994 à 2004 s'élèvent vingt-quatre modestes bâtiments dont ce beau Théâtre des Sables qui ressemble à une gigantesque tente de Bédouins et où l'on danse sur le sable clair, tourné vers l'infini des terres et de l’océan. Dès lors, les étudiants accourent par centaines. Les stages, les cours se multiplient, dispensés par Germaine Acogny évidemment, mais aussi par les chorégraphes Susan Buirge ou Susanne Linke, des artistes comme Robert Swinston, l’actuel directeur du Centre national de Danse contemporaine à Angers, Olivier Dubois ou Bernardo Montet.

Des dévouements miraculeux De telles entreprises se heurtent toujours à d'incommensurables difficultés. Mais suscitent aussi des dévouements magnifiques. Mécènes américaines

d'Arts International, Union européenne, Fondation Prince Claus des Pays-Bas, Cultures France ou Institut français, engagement de diplomates comme Gabrielle von Brochowski, financements de maisons par les ambassades de Suisse, d'Allemagne, des Pays-Bas ou par des personnes privées comme la chorégraphe française Anne-Marie Reynaud qui y a séjourné: tout contribue à la réalisation du projet. Les fondations hollandaises Doen et Hivos ont longtemps aidé l'Ecole des Sables. Mais les stages et les bourses d'études offerts aux jeunes Africains démunis, les voyages à financer, les salaires du personnel, la nourriture pour tous, l'entretien des lieux : cela a un prix. Il faut quelque 500.000 euros par an pour maintenir l'Ecole des Sables, unique en son genre sur le continent noir. Or, il suffirait que quelques Etats d'Afrique s'unissent pour que perdure une institution indispensable au développement culturel. Mais ce n'est pas la priorité des potentats africains. Germaine Acogny, Helmut Vogt et leurs collaborateurs s'épuisent à monter des dossiers pour trouver de l'argent. Y aura-t-il enfin, dans une Afrique où tout n'est pas pauvreté, une instance à même de comprendre l'importance de l'Ecole des Sables pour les générations futures, pour l'identité africaine, sans qu’il faille éternellement recourir à des fonds occidentaux de plus en plus difficiles à mobiliser ? "Mon Elue noire", chorégraphie d’Olivier Dubois pour Germaine Acogny ; les 7, 8 et 9 avril à 19h30. "At the same time…", spectacle de Robyn Orlin pour les danseurs de l’Ecole des Sables ; le 11 avril à 19h, le 12 à 15h et 18h30. Le Cent Quatre; 104, rue d'Aubervilliers, Paris XIXe; 01 53 35 50 00.

http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20150403.OBS6359/germaine-acogny-la-divinite-des-sables.html

Dansercanalhistorique 8 avril 2015 Par Thomas Hahn

Olivier Dubois : Germaine Acogny, « Mon élue noire »

Le directeur du Ballet du Nord met en scène la fondatrice de l’Ecole des Sables sur Le Sacre du printemps de Stravinski. Une gageure? Un triomphe ! Gemaine Acogny, née dans la trente-et-unième de l’ère du Sacre du printemps, n’a qu’un tout petit retard pour fêter le centenaire de l’œuvre historique de Stravinski. Et c’est tant mieux, puisqu’un solo, fut-il créé par Acogny et Olivier Dubois, avait toutes les chances d’être noyé dans les flots de versions jetées sur les scènes européennes il y a deux ans. Aujourd’hui, Mon élue noire résonne comme l’aboutissement d’un siècle de réflexions et de recherches. Et si Stravinski avait écrit le Sacre sous inspiration africaine ? Mon élue noire applique à la perfection la devise « enlever, enlever, enlever ». Dans un cube noir, seule et éclairée par intermittence, Germaine Acogny incarne toutes les images que notre mémoire et l’inconscient collectif attachent à l’Afrique. Fierté, travail, érotisme, danse, énergie, esclavage, sagesse, révolte… Les images qui se créent dans cette cage ne cherchent pas à évoquer une Russie païenne et fictive. Elles sont un reflet du regard bien réel des puissances coloniales sur les peuples africains et résonnent terriblement sur la partition du Sacre du printemps. On l’entend ici dans une version aussi archaïque et violente que possible. Mais les images racontent aussi une toute autre histoire. Sur le lento des premières mesures, on ne voit que le briquet et la pipe d’Acogny. Mais aussi menue et réchauffante qu’elle soit, cette flamme en dit autant sur les origines de la civilisation que sur le pouvoir humain de destruction. La pipe à la bouche, Acogny court… Elle joue de son bassin, elle frémit, elle frotte le sol. Dans ce premier tableau, L’adoration de la terre, on a l’impression de voir un film muet expressionniste sur une musique écrite pour une séance d’images mouvantes dans le style d’un Lang ou d’un Murnau. Eclairée seulement par quelques flashs des tubes lumineux qui délimitent sa cellule, Acogny se couche au sol pour se mettre à l’aise. Repos. Silence. Le sacre arrête son souffle, on entend celui de la coureuse. Puis elle s’envole, et elle se peint le ventre. En blanc ! La peinture coule... Le sang de l’Afrique est blanc ! Aimé Césaire avait donc raison. C’est dans le corps du colonisé, du martyrisé que coule le sang pur: « Le colonisateur, qui pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête, s’entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête. »

L’Afrique est entrée dans l’histoire du Sacre ! Certes, on a vu des versions signées Georges Momboye ou Heddy Maalem. Mais aucun n’a remis en question l’image du groupe et du rituel que Nijinski avait imaginé. Ils n’écrivent donc pas l’histoire chorégraphique de l’œuvre mais la suivent. Acogny et Dubois en élargissent le sens même. L’élue de l’humanité, c’est l’Afrique, continent sacrifié sur l’autel du capital. Son potentiel s’incarne ici en celle qui déploie une force dramatique dont seuls les plus grands sont capables, ceux qui par leur seule présence dépassent l’appellation habituelle de « bête de scène », pour atteindre la transcendance. Kazuo Ohno, Carolyn Carlson, Germaine Acogny… Au 104, du 7 au 9 avril, à 19h30 http://dansercanalhistorique.fr/?q=content/olivier-dubois-germaine-acogny-mon-elue-noire

Mouvement.fr 9 avril 2015 Par Milena Forest

Collection de Sacres Olivier Dubois Olivier Dubois aime tourner autour des œuvres. Après Faune(s) (2008), dans lequel le chorégraphe invitait d’autres artistes afin d’offrir quatre visions de L’après-midi d’un faune (1), Olivier Dubois s’empare du Sacre du printemps et entame l’élaboration d’une nouvelle collection.

C’est ainsi qu’il avait créé Prêt à baiser (Sacre #1) en 2012 au Musée d’art

moderne de la ville de Paris et Mon élue noire (Sacre #2) en janvier dernier à Potsdam, puis en France au Ballet du Nord (qu’il dirige depuis janvier

2014). Cette deuxième pièce de la collection est taillée pour Germaine Acogny, grande dame de la danse contemporaine africaine.

À soixante-dix ans, elle habite le plateau de manière remarquable, troublant

le spectateur par la force et la profondeur de son regard. Encagée, la danseuse devient l’Élue, désignée pour le sacrifice aux dieux. Elle prononce

quelques lignes du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire et sa présence sur cet autel-cage prend une autre dimension. Elle disparait dans des nuages

de fumée, semble un instant singer ce Sacre mythique en chantonnant faussement la mélodie et est prise de crises de rire qui laissent penser que la

folie n’est pas loin. De cette impalpable brume surgit tout à coup la matière : l’interprète projette

sur les parois autour d’elle de la peinture blanche, évoquant des présences fantomatiques qui la scruteraient. Elle disparait finalement dans une nuée de

fumée, donnant l’impression qu’elle sombre au fond des océans. L’image est belle. La présence de Germaine Acogny et le dispositif scénographique fort

intéressant − limitant l’espace de la danse à très peu de mètres carrés − ne suffisent pas à créer le bouleversement intérieur que les douze femmes en

marche de Révolution avaient provoqué. Nous attendons la prochaine

création du chorégraphe avec impatience... Pour Les Mémoires d’un seigneur ou l’homme disparu (titre provisoire),

Olivier Dubois invite quarante danseurs amateurs à rejoindre le plateau, pour former un « décor-vivant », qui deviendrait aussi « forêt, méandre, tourment,

champ de bataille... ». Rendez-vous le 21 juin prochain au Colisée – Théâtre de Roubaix !

1. L’originale, transmise par la chorégraphe Dominique Brun, une version

cinématographique de Christophe Honoré, une approche théâtrale de Sophie Perez et Xavier Boussiron et enfin une version dansée le mettant lui-même en

scène.

Mon élue noire (Sacre #2) d’Olivier Dubois, du 7 au 9 avril au Centquatre, Paris ; en août au festival la Bâtie, Genève et le 29 septembre aux

Francophonies en Limousin, Limoges.

http://www.mouvement.net/critiques/critiques/collection-de-sacres

TOUTE LA CULTURE.COM 8 avril 2015

Par Amélie Blaustein Niddam

DANSE

‘Mon élue noire’, le sacre lointain d’Olivier Dubois Germaine Acogny a 71 ans, elle est actuellement et depuis 2004 la directrice de l’école des sables, le Centre International de Danse Traditionnelles et Contemporaines d’Afrique au Sénégal. Elle est celle qui a signé une forme de danse africaine contemporaine. Elle est dans le milieu de la danse ce que l’on appelle un monument, une prêtresse qui fume la pipe. Et c’est elle qu’Olivier Dubois a choisi pour incarner un Sacre du Printemps militant mais qui nous tient trop à distance.

Faire son Sacre est un passage obligatoire pour un chorégraphe. En 1913 Vaslav Nijinski fait scandale par la radicalité de cette oeuvre présentée seulement cinq fois à Paris et trois à Londres. Pas de vidéo, pas de partition chorégraphique. Et pourtant, il existe plus de deux cents versions chorégraphiques du Sacre, dont la restitution de Dominique Brun. Pour penser et interroger ce monument vu à la fois comme la genèse de la danse contemporaine et l’allégorie du renouvellement des âmes le directeur du Ballet du Nord choisit de placer l’allégorie du sacrifice dans la colonisation. Germaine Acogny sera encagée dans un espace plus haut que long. Le plateau devient alors podium et impose des disparitions et des apparitions. Ses postures et ses mouvements s’ancrent vers le sol, le haut du corps et bas, les jambes bien solides s’ouvrent dans le sol. Elle est la danse africaine, elle est ici la première femme, celle qui doit être condamnée à porter tout l’histoire de l’humanité.

Cette question là occupe Olivier Dubois et cela dès son chef d’oeuvre Tragédie, et il en fut de même pour Souls. Le Sacre, c’est bien sur le renouvellement des générations, l’histoire d’un sacrifice obligatoire pour que le cycle des saisons se fasse. Malheureusement on retrouve ici ce qui nous avait laissé de marbre dans Élégie. Dubois charge la barque en employant des filtres à répétition. La fumée se fait actrice et des jeux d’oppositions faciles entre le noir et le blanc ne convainquent pas. Reste la présence solaire de Germaine dont le corps et les yeux parlent juste. Mais rien à faire, elle est trop loin de nous. Sa colère et son cri restent inaccessibles. http://toutelaculture.com/spectacles/danse/mon-elue-noir-le-sacre-lointain-dolivierdubois/

LILLELANUIT.COM

VENDREDI 27 MARS 2015 VOIR L'ÉVÈNEMENT

‘Mon élue noire (sacre # 2)’ au Colisée de Roubaix En cette fin de semaine, Olivier Dubois nous conviait à son week-end dansant : JOUVENCE. Accessible à la jeune création, ces trois jours étaient l'occasion de découvrir des pièces hétéroclites, osées et innovantes. Le directeur du Ballet du Nord et la danseuse Germaine Acogny, directrice de la célèbre Ecole des Sables au Sénégal ouvraient le bal en se confrontant au Sacre du Printemps au Colisée de Roubaix. C'est dans une série de chorégraphies avec diverses artistes qu'Olivier Dubois recréer à sa manière le Sacre. La première pièce : Prêt à baiser fut créée en mai 2012 au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. MON ELUE NOIRE est donc une réinterprétation d'une pièce mythique, qui questionne toujours autant concernant la quête universelle de l'identité, des racines, des rites, et des groupes ce pourquoi de nombreux chorégraphes s'y sont déjà frottés tels que Maurice Béjart. Ce dernier avait d'ailleurs créé un Sacre pour la danseuse franco-sénégalaise mais la pièce n'aura finalement jamais vue le jour. C'était donc l'occasion d'une collaboration entre Olivier Dubois et Germaine Acogny pour y mettre l'Afrique à l'honneur. Lorsque le spectateur arrive dans la salle, il est déjà happé par une haute colonne placée en avant-scène. Puis la musique démarre, le public est déjà transporté par l'oeuvre de Stravinsky. C'est le noir sur le plateau, on ne perçoit que la silhouette de la danseuse lorsqu'elle allume son brûle-gueule, elle se trouve dans la colonne dont les parois sont transparentes. La danse africaine est très expressive, elle fait appel aux racines, aux sources et s'oppose aux jeux de lumières et de fumées très modernistes. Des néons sont disposés dans la colonne surélevée créant des jeux d'ombres. L'interprète paraît machiavélique et semble s'affranchir sur la musique puissante. Le spectacle prend une tournure politique ce qui a rendu perplexes certains spectateurs. La danseuse est presque possédée, elle déverse son mal en citant le Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire : "En ce qui me concerne, si j'ai rappelé quelques détails de ces hideuses boucheries, c'est parce que je pense que ces têtes d'hommes, ces récoltes d'oreilles, ce sang qui fume, on ne s'en débarrassera pas à si bon compte. (...) la colonisation, déshumanise l'homme même le plus civilisé. (...) le colonisateur, qui pour se donner bonne conscience, s'habitue à voir dans l'autre la bête, s'entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête.". Pendant toute la durée du spectacle Germaine Acogny sera enfermée dans la colonne, cela dérange mais fascine à la fois. En effet cette "mise en cage"

de la danseuse fait référence au zoo humain lors des expositions coloniales au vingtième siècle. La danseuse paraît en même temps divinisée, comme une icône dans cette "cage", elle se transcende littéralement face au public. Elle se délivre d'une douleur en étalant de la peinture blanche dans la cage et sur son corps. Elle déverse le reste du contenu hors de la colonne comme pour vider le sang impur du colonisateur qu'il l'aurait maculée. Tous les gestes de la danseuse sont fascinants. Germaine Acogny est l'élue, à soixante dix ans, la danseuse et chorégraphe suscite l'admiration, un moment saisissant qui unit le talent précurseur d'Olivier Dubois et le charisme de Germaine Acogny. Sans que le thème du Sacre ne soit trahi, MON ELUE NOIRE est la pièce phare de JOUVENCE. Elle retrace avec intelligence et modernité une part sombre de l'Histoire et de l'identité africaine. http://www.lillelanuit.com/reportages-photos/mon-elue-noire-sacre-2-au-colisee-de-roubaix/

RADIO / TÉLÉVISION

TÉLÉVISION ARTE LE JOURNAL Reportage d’une journée de répétition de ‘Mon élue noire (Sacre#2)’ à Roubaix, dans le Grand Studio du Ballet du Nord, décembre 2014. Diffusion le 26 mars 2015. http://info.arte.tv/fr/mon-elue-noire TV5 MONDE « 200 millions de critiques », émission présentée par Guillaume Durand : Estelle Martin qui fait le sujet sur « Mon élue noire ». Diffusion en direct le samedi 11 avril.

RADIO

RBB KULTURRADIO / POTSDAM Critique radiophonique de Frank Schmid 16 janvier 2015 Retranscription et traduction

« MON ÉLUE NOIRE » REMPORTE UN GRAND SUCCÈS AU FESTIVAL DE DANSE « MADE IN POTSDAM » On la considère comme l'icône de la danse africaine. On dit même d'elle qu'elle est la mère de la danse contemporaine en Afrique : la danseuse et chorégraphe Germaine Acogny, 70 ans, née au Bénin et élevée au Sénégal. Le chorégraphe français Olivier Dubois, célébrité internationale du moment, a conçu pour elle un solo sur l’œuvre de Stravinsky « Le Sacre du printemps ». C'est cette création, « Mon élue noire », qui a inauguré hier soir le festival « Made in Potsdam ». Ce n'est pas le sacre d'une vierge, mais un requiem En dédiant ce solo à Germaine Acogny, Olivier Dubois n'a pas mis en scène un sacrifice prétendument païen d'une vierge élue, mais un requiem, un rituel de deuil, une chorégraphie qui, vers la fin, tel un mémorial, bouleverse le spectateur. Cette adaptation du thème du « Sacre du printemps » se reflète également dans la façon de s'approprier la musique de Stravinsky, déchiquetée, déchirée, qui ne devient plus qu'un écho de « L'Adoration de la terre » et du « Sacrifice ». Les passages élégiaques, dominent, les passages à la fois dramatiques et dissonants, ceux où la musique se bouscule, se cabre en un rythme sans pitié pour ensuite s'écrouler dans l'extase : c'est là une façon osée et cohérente de s’approprier la musique. Le « Sacre du printemps » continue de fasciner Bien que le centenaire du Sacre du printemps ait déjà eu lieu en 2013, la musique de Stravinsky et la chorégraphie de Nijinski restent étonnamment une source d'inspiration pour la danse contemporaine. En effet, de jeunes chorégraphes continuent de proposer de nouvelles interprétations dans lesquelles ils s'intéressent moins à l'histoire du choix du sacrifice qu'à l'élément rituel dans la danse, à la mise en scène des masses comme des groupes et à l'aspect psycho-social de la dynamique de groupe. En tout début de semaine, le festival de danse de Berlin (Berliner Tanztagen) a présenté la première d'un

solo sur le thème du Sacre : en s'appuyant sur la chorégraphie d'origine, la danseuse et chorégraphe Lea Moro a mis en scène une messe noire décomplexée et branchée évoquant la révolte d'une jeune femme sur une chanson du groupe Black Sabbath. Olivier Dubois et Germaine Acogny juxtaposent dans cette création l'Afrique et l'Europe ainsi que l'histoire de la danse du 20ème siècle. Du rituel du feu à la danse infernale Tout commence par un rituel unissant feu, fumée, tabac et pipe, que Germaine Acogny célèbre en pleine obscurité. Sa grand-mère était prêtresse de la tribu des Yoruba. Elle-même se considère comme réincarnée, ce qui l'intéresse n'étant pas la religion mais la spiritualité, l'enracinement dans la tradition et le lien à la nature. Elle apparaît sur une estrade étroite et haute, que ferment de hauts murs de tulle noir. Cela évoque une cage dont les parois limitent la danse, cette danse qui se veut libératrice. Comme on le constate à la fin, cette cage est pourvue d'un double plancher. Acogny ouvre une trappe et descend aux Enfers, d'où s'échappent d'épaisses nappes de brouillard. C'est en ce lieu qu'elle invoque les défunts et les esprits, les yeux écarquillés, dans une célébration de mouvements. C'est à ce moment précis que ce « Sacre » devient une danse infernale, un rituel de deuil. La danseuse plonge les mains dans une peinture blanche pour dessiner, sur les parois noires, des corps humains abstraits, des cercles et des traits, expression d'une autre forme d'invocation. L'estrade est située tout près du public, une proximité à la fois fascinante et oppressante, tellement sa danse est dramatique, chargée d'émotions et puissante. Germaine Acogny et l'enracinement Il ne reste plus rien de la chorégraphie originale de Nijinski. Acogny exécute des éléments propres à son style de danse : contractions et vibrations du corps, mouvements ondulants (notamment de ses abdominaux étonnants), balancement de hanches, succession de petits pas rapides et légers, le corps incliné vers l'avant, les bras et les mains se mouvant comme lors d'une course rapide. Le corps est penché en avant, orienté vers le sol par toute sa pesanteur, et non vers le haut ou sur le côté, comme dans le ballet et la danse contemporaine. Elle-même a dit un jour que sa technique reposait sur la colonne vertébrale, qu'elle compare à un arbre. Ici, le thème est donc l'enracinement. Enracinement aussi dans la tradition : Germaine Acony, formée aux danses traditionnelles africaines, a appris le ballet classique et la danse moderne à Paris et à New York. Elle a été l'une des premières à rechercher une troisième voie pour la danse contemporaine en Afrique, en conservant les bases traditionnelles africaines et en y glissant des éléments propres aux danses pratiquées en Europe et aux États-Unis. C'est ce qui lui a valu sa réputation

d'icône de la danse. Aujourd'hui encore, les chorégraphes africains les plus importants suivent cette voie. Beaucoup d'entre eux ont d'ailleurs été invités au théâtre fabrik de Potsdam au cours des 25 dernières années. Ce théâtre a donc joué un rôle d'avant-garde. Une chorégraphie impressionnante La chorégraphie est particulièrement impressionnante, à la fois grâce à la charismatique Germaine Acogny, dont on ne devine pas l'âge, et à la reflexion pertinente d'Olivier Dubois tant sur l'histoire de la danse en Afrique et en Europe que sur le « Sacre ». Il fait surgir des contextes toujours nouveaux, propose des associations au « Sacre » autour des thèmes du sacrifice, de la violence, du rituel, de l'ivresse, ses subtils effets scéniques servant, toutefois, entièrement le propos. L'évocation des cruautés de l'histoire coloniale, des guerres civiles et de libération, des révolutions et des massacres impressionne tout autant, de même que la manière dont « ces rivières de sang qui fume » deviennent palpables, comme cela est dit dans le texte que Germaine Acogny cite en fumant sa pipe, allongée sur le sol. Dans ce contexte, elle devient, à la fin, une figure commémorative silencieuse, qui, après avoir traversé le deuil, la colère et la révolte en criant, se transforme en un témoin endeuillé, une observatrice impuissante, une gardienne de la mémoire. Ce n'est vraiment pas surprenant que durant les applaudissements enthousiastes du public, elle, et ensuite Olivier Dubois, versent quelques petites larmes.