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rapport Droits des Minorités : Clé pour la Prévention des Conflits Clive Baldwin, Chris Chapman et Zoë Gray

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RemerciementsLe Minority Rights Group International (Groupementinternational pour les droits des minorités) remercie toutesles personnes qui ont apporté leur soutien financier ou autrepour la réalisation du présent rapport, notamment le bailleurde fonds, la fondation Ford. Coordonnatrice : Katrina NaomiSecrétaire de rédaction : Katrina NaomiTraduction en français : Corinne Gautier-Capes et Sylvie Jami

Les auteursClive Baldwin est responsable du Plaidoyer au Groupementinternational pour le droit des minorités (Minority RightsGroup International, MRG,) depuis 2002 où il a été amené àtravailler pendant de longues périodes en Europecontinentale, en Afrique et en Asie. Il avait auparavanttravaillé pour l’Organisation pour la sécurité et la coopérationen Europe (OSCE) en Bosnie-et-Herzégovine et au Kosovo. Ila exercé par ailleurs en qualité d’avocat spécialisé en droitshumains.

Chris Chapman travaille à MRG depuis six ans, dirigeant letravail de Plaidoyer auprès des institutions internationalestelles que les Nations Unies (ONU) et celui de renforcementdes capacités avec les partenaires de MGR. Il travaillaitauparavant en Haïti et au Guatemala en tant que moniteurdes droits humains, formateur en gestion des conflits et entant que journaliste.

Zoë Gray travaille à MRG depuis 4 ans sur des sujets et desrégions géographiques variés, y compris les questionsrelatives à l’inclusion des minorités dans le développement,le Sud-Est de l’Europe et actuellement sur le Programme «Droits des minorités et prévention des conflits violents ». Ellea fait des études en sciences politiques et endéveloppement.

Minority Rights Group InternationalMinority Rights Group International (MRG – Groupementinternational pour les droits des minorités) est uneorganisation non gouvernementale (ONG) qui travaille àgarantir les droits des minorités ethniques, religieuses etlinguistiques et des peuples autochtones ainsi qu’àpromouvoir la coopération et la compréhension entre lescommunautés. Nos activités sont concentrées sur leplaidoyer international, la formation, la publication et lesactions de sensibilisation. MRG travaille selon les besoinsexprimés par notre réseau mondial d’organisationspartenaires qui représentent des minorités et des peuplesautochtones.

MRG collabore avec plus de 150 organisations dans près de50 pays. Notre conseil d’administration se réunit deux foispar an. Il est composé de membres venant de 10 paysdifférents. MRG bénéficie du statut consultatif auprès duConseil économique et social des nations unies (ECOSOC)et du statut d’observateur auprès de la Commission africainedes droits de l’homme et des peuples (CADPH). MRG estenregistré comme organisation caritative sous le No.282305, et comme compagnie à garantie limitée au RV sousle No. 1544957.

© Minority Rights Group International 2007Tous droits réservés

Toute reproduction d’éléments de cet ouvrage à des fins d’enseignement ou à toute fin non commerciale est autorisée. Toutereproduction à des fins commerciales est soumise à l’autorisation expresse préalable des détenteurs des droits d’auteurs. Pour deplus amples informations, veuillez contacter MRG. Un extrait du catalogue (CIP) de la bibliothèque nationale britannique (BritishLibrairy) est disponible auprès de cette dernière. ISBN 1 904584 66 7. Date de publication juillet 2007. Composition Kavita Graphics. Imprimé au Royaume-Uni sur papier recyclé.Droits des Minorités : Clé pour la Prévention des Conflits est publié par MRG à des fins d’éducation du public. Le contenu etles opinions des auteurs ne reflètent pas nécessairement de façon détaillée et systématique l’opinion collective de MRG.

Photo de couverture : Femme palestinienne devant samaison familiale dévastée à Khan Younis à la suite d’uneattaque de l’armée israélienneBrendan Corr/Panos Pictures

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Table des matières

Résumé 2

Introduction 4

Identité 7

Participation politique 13

Participation économique 20

Justice 27

Réponses internationales 30

Conclusions générales 36

Instruments internationaux pertinents 37

Liste de contrôle 39

Recommandations 41

Notes 44

Bibliographie 47

Droits des Minorités : Clé pour la Prévention des ConflitsClive Baldwin, Chris Chapman et Zoë Gray

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2 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Résumé

La Tchétchénie, le Darfour, le Cachemire, le Kosovo, leSri Lanka – seulement quelques-uns des conflits persis-tants dans le monde. Tous sont alimentés par desquestions linguistiques, religieuses et culturelles et com-battus en leurs noms. Tous concernent des groupesminoritaires. Cependant, les droits des minorités ont étémarginalisés dans l’action internationale de préventiondes conflits en dépit du fait qu’une indifférence pour laquestion des minorités joue un rôle central dans cesconflits. Trop de conflits ne sont pas perçus comme tels.Le résultat ? Des conflits qui auraient pu être prevénusexplosent, tandis que les signaux d’alerte fournis par lesviolations des droits des minorités ne sont pas pris encompte. Les tentatives pour mettre un terme à la violen-ce ne font que préparer le terrain pour plus de violence àvenir, les accords de paix se transforment en de simplescessez-le-feu.

Trop souvent, la séparation de groupes le long delignes ethniques, religieuses ou linguistiques a été considé-rée comme un moyen de défendre les droits des minoritéset de maintenir la paix entre les groupes. Alors que detelles solutions peuvent représenter une option facileimmédiatement après les conflits, à long terme, ces divi-sions peuvent enraciner de vieilles haines et blessures. Tela été le cas au Kosovo, où après sept ans d’administrationinternationale, la société est profondément divisée et lamenace d’un autre conflit ethnique demeure très réelle.

Toutefois, la protection des droits des minorités a étéinitiée dans le but de prévenir les conflits. Ces droitsn’étaient pas conçus pour séparer les peuples et ne sontpas non plus supposés soutenir des mouvements séces-sionnistes, comme certains gouvernements le craignentaujourd’hui. Ils visent à protéger les groupes, et les indivi-dus les composant, comme les femmes, qui n’ont pas assezde pouvoir. Les droits des minorités se répartissent enquatre catégories principales :• Existence : par exemple l’Etat turc nie à l’heure actuel-

le que les Kurdes constituent une minorité et, pendantde nombreuses années, la police gouvernementale les adésignés sous le terme de « Turcs des montagnes » ;

• Identité : en Iraq, des communautés minoritaires tellesque les Chrétiens et les Turkomans sont la cible d’actesde violence à cause de leur identité religieuse et eth-nique ;

• Discrimination : en Chine, des membres de commu-nautés minoritaires ayant de bonnes qualifications telsque les Ouïgurs sont confrontés à la discrimination

dans le monde du travail parce que ce ne sont pas desChinois Hans ; et

• Participation : politique et économique. Au Soudan,l’identité nationale est définie par l’appartenance à un,ou à un petit nombre restreint de groupesethniques/religieux, les autres groupes faisant partie dupays étant implicitement ou explicitement exclus de lavie politique. La source de la crise au Darfour résidedans l’exclusion économique ainsi que dans la concur-rence pour des ressources rares, qui sont exacerbées parla discrimination historique des minorités et le désin-térêt des gouvernements successifs pour la région.

Lorsque les droits des minorités sont consacrés dans laConstitution, et mis en oeuvre par le biais du systèmeélectoral, judiciaire et éducatif avant qu’un conflit ne puis-se s’envenimer, il est possible que le conflit ne sematérialise pas du tout. Chacun de ces systèmes peut soitpromouvoir la paix, soit approfondir le sens d’aliénationéprouvé par les minorités par rapport à la société domi-nante. Après l’apartheid, le système électoral de l’Afriquedu Sud a régulièrement encouragé une participation plusreprésentative d’une série de groupes linguistiques minori-taires noirs, de blancs, d’indiens et de métis, à l’AssembléeNationale. Au contraire, les minorités en Bosnie qui nesont pas considérées comme des « peuples constituants »,comme les Juifs, les Roms, et une douzaine d’autres com-munautés, ne peuvent ni voter, ni se présenter auxélections de la Chambre des Peuples, ni être candidats à laPrésidence, sans compromettre leur identité ethnique oureligieuse. Ceci est en contradiction directe avec leur droitde participer au processus de prise de décisions écono-miques et politiques les concernant. Les systèmesjudiciaires peuvent offrir aux minorités la possibilité devoir ceux qui ont violé leurs droits être poursuivis etpunis, qu’il s’agisse d’un crime violent ou de discrimina-tion. Une telle justice est particulièrement importanteaprès des crimes de masse contre un groupe – tel que legénocide des Juifs, des Roms et autres groupes au cours dela seconde guerre mondiale, ou l’expulsion de peuplesautochtones de leurs territoires historiques. Les systèmeséducatifs peuvent combattre ou tolérer l’incitation à lahaine raciale, éroder ou soutenir les langues minoritaires,et ont une influence directe sur la création, entre les cul-tures et religions minoritaires et majoritaires, d’un climatde compréhension susceptible d’établir les fondationsfermes d’une société tolérante.

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3DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Les systèmes d’alerte précoce de conflits sont doncplus efficaces quand ils tiennent clairement compte desviolations des droits des minorités. L’inclusion et l’analysede schémas de discrimination et d’exclusion, tels que lanégation systématique de l’existence de groupes particu-liers ou l’absence d’un cadre juridique pour prévenir leracisme et le punir, constituent des éléments essentielspour identifier la montée de tensions pouvant conduire àla violence. A l’heure actuelle, de tels systèmes existentcertes, mais peu d’entre eux accordent une place centraleaux droits des minorités, tandis que d’autres le font maissont critiqués pour leur application inconsistante. Un sys-tème plus cohérent et coordonné unissant des expertisesnationales et continentales, et mettant ces questions enavant au niveau international, particulièrement auxNations Unies, aurait pu entraîner une intervention auDarfour à un moment où le gouvernement aurait pu êtreplus conciliant envers les préoccupations des minorités.Au lieu de cela, depuis 2003, au moins 200 000 per-sonnes sont mortes, 2 millions ont été déplacées et desmilliers de femmes et de filles ont été violées.1

Les organes clés des Nations Unies, y compris leBureau de la coordination des affaires humanitaires à laCommission de consolidation de la paix et dans les mis-sions nationales devraient utiliser des experts de laquestion minoritaire s’occupant de conflits. La ségrégationou la création de pays ou de régions « pures » d’un pointde vue ethnique ou religieux ne doivent pas représenter laseule solution à la suite d’un conflit si une paix durableest l’objectif véritable.

Une détermination plus importante à comprendre etappliquer les droits des minorités au niveau local, natio-nal, régional et international, avec l’inclusion et laparticipation totale des groupes minoritaires, est un élé-ment incontournable de la prévention des conflits.Lorsqu’un conflit s’est produit, une telle connaissance etune telle participation jouent un rôle critique dans le pro-cessus de construction de paix, la moindre raison n’enétant pas pour permettre aux minorités, prises dans letourbillon de violence entre autres groupes, de se faireentendre.

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4 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Introduction

En 1914, la question des minorités dans le Sud-Est del’Europe s’est révélée être l’un des principaux facteurs quiont déclenché la Première guerre mondiale.2 A la fin de laguerre, les chefs d’Etat les plus puissants du monde résolu-rent de créer une nouvelle société internationale où lesdroits des minorités seraient protégés ; cela, ainsi qu’on lecroyait, supprimerait l’une des causes fondamentales deconflit. L’un des principaux domaines d’activité de la Liguedes nations3 qui en a découlé fut la protection des minori-tés dans certains pays. Ainsi, la protection des droits desminorités fut créée dans le but de prévenir les conflits.Effectivement, le développement de la protection interna-tionale des droits des minorités a directement conduit audéveloppement de la protection internationale des droitshumains par l’ONU et autres organismes internationaux.

Aujourd’hui, le nombre de conflits violents dans lemonde dont la cause principale sous-jacente est d’ordreethnique, culturel ou linguistique reste extrêmementélevé. La vaste majorité de ces types de conflits concerneles groupes minoritaires. Ce sont les conflits impliquantdes minorités qui semblent durer le plus longtemps etcauser le plus d’amertume et de blessures. Pour ne citerque quelques exemples de minorités impliquées dans desconflicts, nous mentionnerons : les Tchétchènes, les habi-tants du Darfour (Four), les Kurdes, les Palestiniens, lesCatholiques d’Irlande du Nord, les Serbes et les Tamouls.

Néanmoins, bien que les problèmes des minoritéssoient au cœur de nombreux conflits, la priorité donnée àla compréhension des minorités et des droits des minori-tés, par ceux qui cherchent à prévenir les conflits et à ymettre fin, est moindre qu’en 1919. Malgré le développe-ment significatif des droits des minorités en tant que telsdepuis 1919, ceux-ci ont été largement marginalisés ausein de la protection internationale des droits humains.Parmi les entités internationales qui oeuvrent à la préven-tion des conflits, notamment l’ONU, peu ou aucune nese spécialise dans le domaine des droits des minorités(avec l’exception notable de l’Organisation pour la sécuri-té et la coopération en Europe (OSCE) et du HautCommissaire pour les minorités nationales (HCMN).Trop de conflits portant essentiellement sur les droits desminorités ne sont ni compris ni traités en tant que tels. Ilen résulte que les mêmes erreurs se répètent maintes etmaintes fois, que des conflits éclatent alors qu’on auraitpu les prévenir et que les tentatives pour mettre un termeà la violence ne font que préparer le terrain pour defuturs conflits.

Notre thèse fondamentale de base est qu’une compré-hension des droits des minorités est essentielle pourquiconque s’occupe de prévention de conflits et de leurrésolution. MRG travaille sur les questions des minoritésdepuis 40 ans dans toutes les parties du monde.4 Ce rap-port s’appuie en particulier sur des recherches récenteseffectuées en Chine, au Darfour et dans les autres partiesdu Soudan, en Inde, en Irak, au Kosovo et au Nicaragua,sur des études thématiques sur les systèmes électoraux etla prévention des génocides, mais aussi plus géneralementsur l’expérience de MRG dans le monde entier. Nos tra-vaux attestent que les violations des droits des minoritéssont souvent un signe avant-coureur de conflits immi-nents. Ces conflits peuvent être prévenus si des actionssont prises pour protéger les droits des minorités à unstade précoce. De même, il est vital, dans la recherche desolutions à des conflits d’origine ethnique ou religieuse, decomprendre et d’assurer le respect des les droits des mino-rités pour toutes les communautés. Si l’on ne cherche pasà apporter de réponses aux causes sous-jacentes du conflit,les soi-disant accords de paix ne sont que de simples ces-sez-le-feu.

Définitions

Lorsque nous nous référons au terme « conflit », nousnous référons à des conflits violents, ayant lieu largement(mais pas exclusivement) à l’intérieur des Etats etimpliquant des minorités.

Le terme « minorité » est souvent présenté comme unterme sujet à controverse, de nombreux gouvernementspersistant à nier que des minorités existent ou prétendantqu’aucun concensus n’a été trouvé quant à ceux qui fontpartie d’une minorité ou sur ce qu’est une minorité.Néanmoins, l’interprétation internationale de ce qu’est uneminorité est tout à fait explicite – il s’agit d’un groupe depersonnes se reconnaissant dans une identité commune.basée sur une culture / ethnicité, langue ou religion,différente de celle du groupe majoritaire l’entourant. Uneminorité est souvent, mais pas toujours, définie en tantque telle par rapport à sa position dans un pays, maispeut aussi être définie par rapport à une zone plus grande( c-à-d régionale) ou plus petite ( c-à-d province). Ilimporte surtout de savoir si les minorités n’ont passuffisamment accès au pouvoir – par exemple, la capacitéd’influencer les décisions qui les concernent. C’est pour

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5DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

protéger ces minorités que les droits des minorités ont étéélaborés.

« Les droits des minorités » est un terme juridiqueinternational. Il fait référence aux droits des minorités entant que groupes, mais aussi aux droits des individus quiles composent. Les droits des minorités dérivent du droitinternational de base sur les droits humains, ainsi que destraités spécifiques et des déclarations sur les droits desminorités, notamment de la Déclaration des Droits despersonnes appartenant à des minorités nationales ouethniques, religieuses et linguistiques des Nations Unies(UNDM).

Les droits des minorités se répartissent en quatre catégo-ries principales : existence, identité, discrimination etparticipation.

Existence Les minorités ont le droit d’exister, et d’être reconnues entant que groupes qu’elles définissent elles-mêmes. Legénocide, ou la tentative de destruction d’un groupe, estl’ultime violation de ce droit.5 Cependant, des groupespeuvent aussi être menacés simplement parce que leurexistence est niée, surtout quand cette négation se trouveêtre la politique officielle de l’Etat (par exemple, la poli-tique du gouvernement turc a été pendant de nombreusesannées de se référer aux Kurdes sous le terme de « Turcsdes montagnes » et encore aujourd’hui, l’Etat turc réfuteque les Kurdes soient une minorité).

IdentitéLe fait de tolérer l’existence de minorités ne constitue quela première étape. Les minorités ont aussi le droit de jouirde la pleine protection de leur identité. Cela signifie pourles groupes que l’identité qu’ils choisissent est pleinementreconnue, en particulier qu’ils peuvent jouir librement deleur culture et pratiquer leur langue et leur religion et quecelles-ci sont effectivement reconnues et soutenues par lesautorités. De plus, il existe un droit individuel à l’identité.Les individus ont le droit de choisir leur identité ou leursidentités sans qu’aucun désavantage ne résulte de ce choix.En effet, c’est parce qu’on a souvent tenté de diviser defaçon rigide la société et d’enfermer les individus dans desgroupes prédéterminés que des conflits ont éclaté, commeen Bosnie, en Inde ou au Rwanda.

Discrimination La discrimination affecte les personnes pour un grandnombre de raisons diverses. Une personne peut souffrir dediscrimination à cause de son ethnicité aussi bien que desa religion, tout autant que de sa sexospécificité,6 de sonâge, de son handicap ou d’une autre raison. Il est souvent

fait allusion à ce phénomène par le terme de discrimina-tion multiple ou entrecroisée.

L’un des principaux problèmes rencontrés par lesminorités est une discrimination persistante et systéma-tique, selon laquelle elles sont traitées de façon différente(c-à-d pire) à cause de leur ethnicité, religion ou langue(souvent parallèlement a d’autres formes de discrimina-tion). Ou bien elles sont traitées de façon identique, enthéorie, au groupe majoritaire, mais dans la pratique, leurslangues, leur religion ou leurs pratiques culturelles ne sontpas reconnues (on leur demande par exemple, de travaillerlors de l’une de leurs fêtes religieuses). La discriminationaffecte les personnes sur des raisons diverses mais une dis-crimination persistante et systématique est l’une descauses majeures de conflit, donnant l’impression auxgroupes et aux individus d’être exclus et divisés.

Participation Il s’agit du droit de tous d’influer sur les décisions qui lesconcernent. Cela revêt une importance particulière pourles minorités. Il faut s’occuper de la question des minori-tés, pas seulement à cause de leurs identités distinctes,mais aussi parce qu’elles n’ont pas suffisamment accès aupouvoir. Le manque d’accès au pouvoir fait naître un sen-timent d’exclusion, qui peut facilement mener à laviolence perçue comme la seule option pour obtenir cedont ils out besoin. Les membres des minorités ont ledroit, comme tout autre individu, de participer an proces-sus de prise de décisions politiques et économiques lesconcernant, mais étant donné leur manque d’accès aupouvoir, un soin particulier et des mesures adéquates sontnécessaires pour s’assurer qu’elles peuvent le faire. Bienque cela reste un problème pour les femmes et leshommes issus des minorités, les femmes des minorités onttendance à avoir encore moins d’influence sur les déci-sions affectant leur vie que les hommes des minorités.

ViolenceLes conflits violents impliquant des minorités semblent sedécliner sous deux formes principales : des attaques contreles minorités et des minorités ayant recours à la violence.

Attaques contre les minoritésIl s’agit d’une violence largement dirigée contre des mino-rités, quelquefois parce que ces minorités sont érigées enbouc émissaire pour masquer d’autres problèmes de socié-té, quelquefois parce que les autorités veulent leurs terresou autres possessions, ou encore simplement parce qu’ellessont différentes. Une telle violence peut être exercée pardes agents gouvernementaux ou par des tiers, maispresque toujours avec la connivence du gouvernement. Ce

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6 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

type de violence, s’il n’est pas contrôlé, peut facilements’intensifier. Les minorités peuvent user de représailles, oubien la violence à leur encontre peut empirer, quelquefoisaboutir à des massacres, des viols et autres atrocités.

Minorités ayant recours à la violenceL’autre type de violence est celui qui provient desmembres de groupes minoritaires. Ce phénomène se pro-duit souvent parce que de nombreux membres de lacommunauté minoritaire se sentent menacés et qu’ilsn’ont rien à perdre en n’ayant recours à des actions vio-lentes. Souvent, la communauté minoritaire a souffertpendant des années de discrimination et de négation deson identité. La violence peut être déclenchée par un inci-dent relativement mineur, mais qui s’ajoute à des annéesde discrimination et d’exclusion. Mais encore une fois, laviolence, une fois déclenchée, peut facilement s’intensifieret se poursuivre pendant des générations.

Ces deux types de violence peuvent être utilisés àd’autres fins par des parties n’étant pas concernées directe-ment par les revendications de la minorité en question –tels des agitateurs, des gouvernements et Etats voisins.Mais même si la violence est utilisée à d’autres fins, elleest souvent basée sur des préoccupations réelles. Toutefois,les conflits ethniques et religieux durent souvent plusieursdécennies, quelquefois bien après que les rancunes ini-tiales aient été apaisées. Par exemple, la violence que l’on

associe à Euskadi ta Azkatasuna (ETA) dans le Paysbasque espagnol a débuté à une époque où l’identitébasque (y compris sa langue) était fortement réprimée parMadrid. De nos jours, même si certains problèmes persis-tent, les Basques jouissent d’une grande liberté dans lapratique de leur langue et d’un large degré d’autonomie etde participation dans le processus de prise de décisionsqui les concernent ; et pourtant la violence continue. Il estévident qu’il est de loin préférable de prévenir les conflitsavant qu’ils n’éclatent.

Ce rapport est un guide pratique sur les élémentsessentiels des droits des minorités qui sont vitaux pour laprévention des conflits. Nous avons abordé cinq grandsthèmes – l’identité, la capacité des minorités à user deleurs droits politiques, la capacité des minorités à partici-per à la vie économique, les droits fonciers et la justice.Les violations de ces droits sont des problèmes fondamen-taux qui reviennent sans cesse comme causes de conflitimpliquant les minorités et nous pensons que des leçonsgénérales peuvent être tirées dans ces cinq domaines à par-tir d’expériences glanées dans le monde entier. Nousmontrerons aussi comment le respect des droits des mino-rités peut (et a en fait réussi à) empêcher des conflits dedevenir violents. Le rapport examinera aussi la façon dontla communauté internationale répond aux crises et seconclura par des recommandations pratiques assortiesd’une liste de contrôle.

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7DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

L’identité est un facteur clé dans la plupart des conflitsimpliquant des minorités. Lors de génocide et de «net-toyage ethnique», des personnes sont ciblées à cause deleur identité ethnique, religieuse ou linguistique. Lesgroupes luttant pour le contrôle politique basent souventleur revendication à être les gouvernants légitimes sur leuridentité, et peuvent soutenir que les autres groupes sontd’une origine différente, moins légitime (c-à-d probable-ment étrangère) et donc n’ont aucun droit de lesgouverner. En termes psychologiques, lorsque des per-sonnes sont attaquées (physiquement ou autrement) sur labase de leur identité, elles sentiront leur sens de l’identitéainsi que leur place dans le monde remises en cause, cequi explique pourquoi les attaques de ce type suscitent desi fortes réactions.

Cette section étudiera plusiers questions clés se rappor-tant aux notions d’identité et de conflit : le rôle joué parl’identité dans les conflits ; la manière dont le conceptnational d’identité est défini ; l’éducation, la religion, l’in-citation à la haine raciale et la nature de l’impact desconflits sur le sens d’identité des minorités. Enfin, desconclusions et des solutions seront proposées.

Le rôle de l’identité dans lesconflitsDans les conflits qui n’ont pas pour objet l’identité, telque le contrôle des ressources, un groupe ou un leaderpeut utiliser les questions d’identité pour mobiliser desindividus contre un autre groupe. Le phénomène d’ « eth-nic entrepreneurs » a conduit beaucoup de théoriciens desconflits à conclure que l’identité était simplement utiliséeet manipulée par les leaders pour leurs propres fins etqu’elle n’était pas un problème pertinent au conflit enelle-même. Il est vrai que les identités ethniques ou reli-gieuses ne sont pas la référence primordiale de chacun ence qui concerne la perception de soi et qu’elles necondamnent pas systématiquement les individus à sebattre les uns contre les autres, mais il serait faux de sou-tenir que l’identité ne joue aucun rôle dans les conflitsethniques/religieux. Les « ethnic entrepreneurs », c’est-à-dire ceux qui utilisent la notion d’ethnicité à leurs propresfins particulièrement dans le cas de menace de violence,ne seraient pas capables de mobiliser des communautés s’iln’existait pas un sens d’identité partagé et, par-dessus tout,s’il n’y avait aucun grief à exploiter. L’identité d’un groupeexiste indépendamment de l’acceptation ou de la négation

de ce groupe par l’Etat, ce qui démontre qu’il existe desdangers majeurs à eu ignorer la pertinence:

‘Il … a été avancé que le caractère non ethnique dela politique yougoslave a en fait mené à son renforce-ment comme véhicule pour l’opposition politique etque cela a permis aux Serbes de prendre le contrôledes forces armées et de la fonction publique : étantdonné que l’ethnicité politique n’existait pas officielle-ment… il n’y avait pas de moyens institutionnelsd’empêcher un groupe de dominer le secteur public. » 7

Alors que l’identité peut être le principal, ou au moins lefacteur le plus évident de tensions entre des minorités etdes majorités, souvent d’autres facteurs comme la partici-pation économique et politique interviennent. EnLettonie, par exemple, les politiques restrictives d’accès àla citoyenneté et les politiques linguistiques des années1990 – ciblant et affectant les Russes ethniques – ontcausé leur marginalisation économique sur une grandeéchelle. Dans une période de transition économique, alorsque les Russes ethniques constituaient entre 40 et 45% dela population, ces derniers détenaient moins de 10% despostes d’une fonction publique relativement importante.8

Les nations et la définitiond’identitéLes causes du conflit qui éclata sur la Côte atlantique duNicaragua dans les années 1980 peuvent être en partieattribuées à l’approche maladroite du Frente Sandinista deLiberacion Nacional (FSLN) envers les identités des com-munautés côtières. Des décennies de négligence de la partles précédents régimes avaient encouragé le développementd’une identité complètement séparée.9 Les communautéscôtières « ne s’identifiaient pas en tant que Nicaraguayenset appelaient les mestizo nicaraguayens des Espagnols »10

Quand le FSLN introduisit une politique d’alphabétisationen espagnol, l’organisation autochtone MISURASATAdéfia le gouvernement et conduisit la campagne dans lalangue miskito.11 Alors que les intentions du FSLN étaientd’apporter développement et éducation aux communautéscôtières, son approche assimilationniste a nourri des griefset de la suspicion, ce qui a conduit les communautéscôtières à demander leur autonomie. « Coincés par uneidéologie marxiste qui ne pouvait pas appréhender l’identi-té et la mobilisation autochtone, les Sandinistes

Identité

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8 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

considérèrent que de telles exigences étaient contre-révolu-tionnaires et classifièrent les chefs de MISURASATAcomme des contras (forces d’opposition luttant pour réta-blir l’ancien régime) ; tous les éléments étaient présentsdonc pour qu’un conflit éclate. »12

La loi d’autonomie qui a mis fin au conflit au Nicara-gua était formulée d’une façon très positive par rapport àl’identité ethnique, suggérant qu’afin de mettre un termede façon satisfaisante à de tels conflits, il était essentield’apporter une réponse aux principaux griefs légitimes :

« [Que] le processus d’Autonomie enrichit la culturenationale, reconnaît et renforce l’identité ethnique ;respecte la spécificité propre des cultures des Commu-nautés de la Côte atlantique ; leur permet de seréapproprier leur histoire ; reconnaît le droit de pro-priété sur les terres communautaires ; rejette touttype de discrimination ; reconnaît la liberté de culte; et, pour construire l’identité nationale, reconnaîtles identités distinctes sans toutefois en accentuer lesdifférences. » 13

Les appels semant la discorde émis par les partis au pouvoirvers la population majoritaire ont eu un impact dévastateursur les relations communautaires au Punjab en Inde :

« Si le Parti du Congrès avait conservé le soutien dessegments les plus pauvres et des plus basses castes de lapopulation sikhe et s’était abstenu de lancer des appelssectaires, les militants auraient eu beaucoup de diffi-cultés à unifier la communauté et à la rallier à leurcause. Les appels à des sentiments communautairespar des leaders du Parti du Congrès ostensiblementnon pratiquants ont détruit la seule alternative pourla coopération interethnique au Punjab. Une fois larégion polarisée de part et d’autre de lignes religieuses,les organisations bénévoles et les leaders issus de labase perdirent toute l’influence qu’ils avaient pu avoircontre les partisans de la violence » 14

La négation de citoyenneté (voir aussi la section sur laparticipation politique) à un groupe sur la base de sonappartenance à une communauté minoritaire aura aussiun impact significatif sur son sens d’identité, et résulteaussi de la façon dont la nation se définit elle-même.L’identité peut tout autant se définir comme le sentimentd’appartenir à un endroit qu’à un groupe et l’Etat envoieun message très clair – c-à-d : « Vous n’avez rien à faireici ». Ceci peut avoir de considérables répercussions entermes de conflit ethnique ou religieux. Max van derStoel, ancien Haut-Commissaire pour les minoritésnationales, se basant sur une expérience longue de septannées passée à réduire, avec leur concours, les tensions

entre les gouvernements et les groupes minoritaires insis-te sur le fait que :

« [Une] minorité qui a l’opportunité de développercomplètement son identité est plus susceptible de resterloyale envers l’Etat qu’une minorité à qui l’on a refuséson identité. » 15

Le refus de citoyenneté peut être utilisé par l’Etat pour ten-ter de se dérober à ses obligations de promotion et deprotection de l’identité spécifique de certains groupes.

Les problèmes d’identité tirent souvent leur origine dumanque de reconnaissance officielle. Les signes de ces pro-blèmes à l’intérieur d’un Etat peuvent être la définitionofficielle (constitutionnelle ou autre) d’un Etat basée surl’ethnicité, la langue ou la religion.16 Cela signifie que toutesles autres identités ethniques/culturelles, linguistiques oureligieuses seront au mieux, considérées comme de secondeclasse et au pire, offre une forte justification à l’Etat pourétouffer de telles identités. Pour contrer ceci et garantir unereconnaissance officielle, beaucoup de minorités, parexemple en Irak, souhaitent mentionner le nom de tous lesgroupes minoritaires dans la Constitution. Malheureuse-ment, il n’existe aucune garantie que ces mesureselles-mêmes mèneront à la promotion et à la protection del’identité, et il se peut que des débats naissent pour savoirqui devrait ou ne devrait pas être inclus. La reconnaissancedes groupes pourrait être une première étape significativemenant à la protection de leur identité, ainsi qu’un signalde bonne volonté envers ces groupes. Cependant, une tellereconnaissance devrait être consolidée par de fortes garan-ties de droits spécifiques protégeant l’identité dans laConstitution ou d’autres législations secondaires. Même ladéclaration de principe de la loi nicaraguaenne sur l’auto-nomie, concernant la promotion et la protection del’identité, qui doit encore être pleinement mise en oeuvre,semble avoir joué un rôle significatif dans le dénouementdu conflit.

Education, langue et religionTous les aspects de l’identité sont importants pour lesminorités mais les deux aspects qui sont souvent en jeudans des situations de conflits violents sont la langue et lareligion. Au Kosovo :

« peu a été fait pour empêcher les parties tierces derestreindre le droit des personnes à utiliser leur langueen public, y compris par la destruction ou le débou-lonnage de panneaux, et même par des menaces etviolences contre les personnes parlant la “mauvaise”langue en public. Il s’agissait essentiellement d’un pro-blème de sécurité, mais une initiative pour demander

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9DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

aux autorités municipales de protéger les panneaux aété abandonnée dès la première phase de rédaction desRégulations de 1999. » 17

Au Nicaragua, ainsi que nous l’avons mentionné plus haut,l’imposition de l’espagnol par le FSLN a exacerbé les ten-sions dans la région atlantique. Malheureusement, malgréles dispositions de l’autonomie, qui consacrent le droit àl’éducation dans sa propre langue,18 l’enseignement en espa-gnol est toujours dominant sur la côte atlantique. Il est trèscommun par exemple, pour les Créoles de ne pas pouvoirécrire en créole anglais, bien que ce soit la langue qu’ils par-lent chez eux. Les langues de plus petites communautéscomme le rama sont menacées d’extinction.19 La religion estun autre aspect de l’identité qui peut susciter d’intensesconflits. En Chine, le problème est aggravé par la perspecti-ve du gouvernement selon laquelle toute expressionreligieuse en dehors de paramètres strictement définis doitêtre interprétée comme une atteinte à la sûreté :

“ les lieux de culte sont sous la supervision et lecontrôle de l’Etat, et l’expression religieuse hors ducontrôle étatique est assimilé à une revendicationséparatiste, ce qui est utilisé comme un prétexte pourécraser de telles manifestations, le plus récemmentdans le contexte du Ouïgour (Uigur). » 20

Cela est aussi problématique dans le contexte tibétain, où «historiquement, les chefs religieux étaient aussi des chefsd’Etat avec un rôle politique, alors qu’aujourd’hui, l’expres-sion de droits politiques est synonyme de liberté religieusepour beaucoup de tibétains ».21 Dans les cas des Ouïgours,la situation a conduit à un conflit violent avec l’Etat et àdes revendications séparatistes.

Le programme scolaire est un mécanisme clé. Un pro-gramme positif, en histoire et pour les autres sujets, peutencourager une compréhension mutuelle et positive des dif-férentes cultures minoritaires ainsi que leur contribution àl’identité nationale. Il devient alors beaucoup plus difficilepour les leaders nationalistes d’inciter à la haine contred’autres groupes. Malheureusement, de tels programmesscolaires sont rarement mis en œuvre, même si cela avait étédécidé en théorie. En Chine :

« Des éléments ethniques sont rarement incorporésdans les programmes scolaires des écoles généralistes ouethniques dans les zones ethniques autonomes, bienque de telles dispositions soient prévues par la loi. » 22

En fait, le gouvernement central contrôle étroitement lematériel didactique pour s’assurer qu’il intègre “une com-préhension appropriée des relations entre nationalités et dela pensée socialiste révolutionnaire.».23

L’un des signes révélateurs d’une communauté sentantson identité menacée est l’aspiration, de la part des leaderset des parents, à un système educatif séparé, habituellementsur des bases religieuses ou linguistiques. Une telle sépara-tion est rarement recommandée pour l’intégration et lapromotion d’une compréhension entre les communautés,particulièrement dans des situations où il existe un risqueréel ou potentiel de conflit violent. Les autorités respon-sables de la mise en oeuvre de tels systémes, tout en devantpromouvoir la compréhension entre les communautés, doi-vent d’être conscientes du besoin sincère de la part desparents et autres de s’assurer que leurs enfants puissentgrandir en comprenant leur culture (y compris leur langueet religion).

En Chine, de nombreux facteurs contribuent à l’érosiondes cultures minoritaires, y compris la migration des Chi-nois Hans dans les régions minoritaires et le déclin del’utilisation des langues locales dans le domaine public.Dans certaines régions, « la vie économique est dominéepar les Hans, ce qui rend la connaissance préalable du man-darin nécessaire pour tout candidat à l’emploi ».24

Cependant, un facteur critique semble être un système édu-catif imposé par le gouvernement central qui lance :

« des campagnes éducatives de patriotisme et de natio-nalisme chinois dans les assemblées religieuses et lesécoles primaires et secondaires, pour tenter de renfor-cer la loyauté des individus minoritaires envers l’Etatchinois. » 25

L’incitation à la haine racialeL’incitation à la haine raciale incite ostensiblement les per-sonnes à la haine et / ou à la violence contre descommunautés / individus minoritaires, sous le prétextequ’ils appartiennent à une communauté minoritaire. L’inci-tation à la haine raciale, qu’elle provienne directement desautorités gouvernementales ou qu’elle provienne de tiercesparties (en particulier les médias) signale fortement quecette société n’admet pas la diversité et les identités diffé-rentes. L’incitation à la haine raciale, qui peut se poursuivrependant de longues années, contribue à accroître le soutienaux attaques violentes contre les minorités, et peut mener àdes génocides. L’étude de MRG sur le Darfour observe quelors des combats interethniques dans la région durant lesannées 1980 :

« une “Alliance arabe” a émergé qui a unifié les tribusarabes afin d’atteindre un programme suprématistearabe et contre un gouvernement régional dominé parles Fur … Le gouvernement a aidé les tribus arabes etl’Alliance arabe a invoqué des arguments racialementsuprématistes pour requérir ce soutien. » 26

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10 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Une forme particulièrement pernicieuse d’incitation à lahaine raciale est celle qui se fait systématiquement à traversles médias et les systèmes éducatifs. Ceux qui ont professél’incitation à la haire raciale à travers les médias ont étéreconnus coupables d’incitation au génocide, comme auRwanda en 1994 et dans le cas de l’Holocauste nazi desannées 1940.27 L’incitation à la haine raciale a joué un rôlecrucial dans les deux génocides.

L’incitation à la haine raciale comporte souvent unaspect sexospécifique, en particulier dans des situations deconflit, où les forces armées peuvent être incitées à com-mettre des violences sexuelles contre des femmes desminorités. Une telle incitation à la haine raciale est davan-tage susceptible d’exacerber les conflits, car les hommes desminorités peuvent être motivés par le besoin de venger cequ’ils ont perçu comme une insulte à l’ « honneur » de leurcommunauté.

Reconnaissant en partie le rôle que l’incitation à lahaine raciale a joué dans les conflits et les génocides, laConvention internationale sur l’élimination de toutesformes de discrimination raciale (ICERD) et le Pacte inter-national relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) onttous deux exigé que tous les signataires de leur charteinterdisent tout appel à la haine nationale, raciale ou reli-gieuse qui constitue une incitation à la discrimination, àl’hostilité ou à la violence.28

En 2005, la CERD (Comité pour l’élimination de ladiscrimination raciale) a reconnu l’importance de l’incita-tion à la haine raciale en examinant les mesures prises parles gouvernements pour éliminer la discrimination racialeet en développant des indicateurs pour aider à identifier lessignes précoces de génocide. Ces indicateurs incluent :

« Une utilisation et tolérance systématique et générali-sée de discours ou de propagande encourageant à lahaine raciale et / ou incitant à la violence contre desgroupes minoritaires, particulièrement dans les médias» et « Des déclarations solennelles par des leaders poli-tiques ou des personnalités qui expriment un soutienpour les affirmations de supériorité d’une race ou d’ungroupe ethnique, déshumanisant et diabolisant lesminorités, ou qui excusent ou justifient la violencecontre une minorité. » 29

L’initiative du CERD dans le développement de ces indica-teurs est très importante. Toutefois, l’ONU, avec sesagences qui opèrent sur le terrain dans des situationsd’avant, pendant et aprés les conflits, doit encore améliorerses prestations pour incorporer les indicateurs des droitshumains – en particulier des droits des minorités – dansles mécanismes d’alerte précose et de prévention desconflits afin de mieux identifier les signes avant-coureursde conflits ethniques/religieux.30

Les gouvernements ont un important rôle à jouer dansla lutte contre l’incitation à la haine raciale et la clé de cecombat est la promotion d’une meilleure compréhensionentre les groupes.31 De plus, la Convention-Cadre duConseil de l’Europe sur la protection des minorités natio-nales (FNCM) oblige le gouvernement à promouvoir unetelle compréhension.32

Les lois de statut personnelLes « lois de statut personnel » régissent les sujets concer-nant la vie familiale tels que le mariage et le divorce, lessoins aux enfants, la garde des enfants en cas de divorce, etjouent un rôle clé dans la façon dont les communautéspeuvent pratiquer leurs culture et traditions. Dans certainsEtats, les minorités jouissent d’une certaine latitude pourmettre en œuvre des « lois de statut personnel » selon leurscultures. Il est toutefois important qu’une telle applicationdes « lois de statut personnel » n’aggrave pas les divisionsentre les communautés. La compréhension et l’applicationdes droits des minorités aideront à minimiser ces divisions.

Certains Etats ont opté pour l’application de lois destatut personnel en fonction du territoire, ce qui peutposer des problèmes pour les minorités. Au Nigéria, l’ap-plication de la chari’a (qui couvre la plupart des aspectsdes droits de la personne) a suscité de violents conflitsdans les Etats à majorité musulmane où des minoritéschrétiennes vivent. Cela montre combien il est importantde protéger les droits des groupes qui deviennent desminorités quand l’Etat délègue des pouvoirs au niveaurégional. De plus, il est important de conserver des garan-ties fortes sur les droits individuels, en particulier lesdroits de la femme, dans le cadre des lois de statut person-nel. Il est arrivé que les lois de statut personnel aient étéappliquées pour favoriser exagérément les positions desmembres masculins de la famille, par exemple, à proposdes droits de succession.

L’impact des conflits surl’identitéLes conflits accentuent souvent le sens d’identité des indi-vidus impliqués, mais en même temps, le rendent plusétroit. Si des communautés ont le sentiment qu’elles sontmenacées, l’identité se trouvant au cœur du conflit – ouqui y est placée par d’autres – peut prendre une plus gran-de signification pour elles qu’elle n’en avait auparavant.Dans le Sud-Soudan :

« le message “nous sommes tous du Sud et unis”, misen avant par l’Armée populaire de libération du Sou-dan (APLS)…a, dans une certaine mesure, contribuéà unifier le sud lors des périodes de guerre. » 33

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11DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Cependant, la grande diversité d’identités du Sud-Soudans’est épuisée depuis la signature de l’Accord de paix global(CPA). Cela est peut-être dû aux nouveaux griefs contre lesstructures décentralisées du Sud, étant donné que « les res-sources et le gouvernement au Sud-Soudan sont centralisésà Juba ».34 Les femmes qui appartiennent à des minoritéspeuvent souvent ressentir cette réduction d’identité defaçon plus aiguë, car elles peuvent se sentir obligées deréprimer leur griefs spécifiques (y compris la répression pro-venant de leur communauté elle-même) afin de donner uneplus grand priorité au conflit « plus imédiat » avec l’Etat.

La réduction des identités à une opposition bipolaire estun procédé facile pour les « ethnic entrepreneurs » cher-chant à mobiliser le soutien à des plateformes nationalistes,à diaboliser les autres groupes et à inciter à la violence.Dans des sociétés mixes n’ayant pas été affectées par desconflits récents, il est fréquent que des individus aient desidentités à multiple facettes, et, par exemple, qu’ils s’identi-fient à des gens de leur quartier, de la même classe sociale,de même qu’ils s’identifient des personnes du même groupeethnique ou religieux. Les leaders nationalistes cherchentsouvent à simplifier ces aspects a l’appartenance ethniqueou religieuse.35 L’une des façons d’y parvenir est l’incitationà la haine raciale. Un autre moyen est la dynamique duconflit elle-même. Des recherches dans les régions ethni-quement composites de Croatie dans les années 1980 et1990 ont montré comment le conflit émergeant et les atro-cités ont forcé les gens à réévaluer la façon dont ilspercevaient leurs voisins de différents groupes ethniques –et leurs propres identités.36

Ironiquement, les accords de partage de pouvoir quisont conçus pour mettre un terme aux conflits peuventcontribuer à fixer et simplifier les identités, et œuvrer à l’en-contre des identités multiples et entrecroisées qui aident àmettre l’accent sur ce que les gens ont en commun plutôtque sur ce qui les divise. Ainsi qu’on le verra plus loin dansla section sur la participation politique, la Bosnie-et-Herzé-govine (BiH) en est un exemple type. Les citoyens sontobligés de s’identifier à l’un des trois peuples constituantspour avoir accès à un éventail de droits. Cela est contraire àla législation sur les droits humains, qui déclare que lesindividus doivent avoir la liberté de choisir leur identité etne pas subir de désavantage résultant de ce choix (voir parexemple Article 3 de la FCNM). Un exemple hypothétiqueillustre conséquences considérables que cela pourrait avoiren termes d’intégration et de discrimination :

« La candidature d’une Bosniaque très qualifiée pour-rait par exemple, être rejetée pour le poste [ de juge]auprès du Tribunal d’Etat nouvellement établi parceque le Tribunal a atteint son quota de Bosniaques et nerecherche qu’un ou une candidate d’origine serbe oucroate. Si cette personne se considère d’abord comme

une femme qui se trouve avoir l’Islam comme religion,il est possible que ce soit considéré comme une discrimi-nation sexospécifique. » 37

La participation des trois peuples constituants a la précé-dence sur les garanties pour la participation des femmes.Toutefois, en tant que juge avec un sens plus complexe desa propre identification que son appartenance ethnique, ellepeut apporter une perspective différente aux affaires qu’elleaura à traiter, et ainsi, contribuer à la promotion d’unesociété favorisant la diversité des cultures et l’intégration.

Cependant, de même qu’une guerre durcit et simplifiel’identité, la paix (ou du moins une paix relative) aide lesindividus à avoir une vue d’eux-mêmes plus diversifiée. AuNicaragua, il existe des indications d’une participation poli-tique plus diverse ; le parti YATAMA à majorité miskito afait un geste réel en direction des autres communautés lorsdes élections municipales de 2006, en présentant des candi-dats très divers, ce qui a eu comme résultat d’obtenir plusde sièges dans les conseils municipaux.38 YATAMA a mêmepu former une coalition avec son ennemi des années 1980,le FSLN.

Quand des accords de partage du pouvoir ont été utili-sés pour mettre un terme à des conflits basés sur l’identité 39,une période de paix peut permettre à des « clauses à limita-tion dans le temps »40 ou à des réformes de structure departage du pouvoir rigides d’être mis en oeuvre (commecela est proposé dans la section sur la participation).

Conclusions et SolutionsLa répression de l’identité mène souvent à de violents

conflits. Pour éviter cela, les Etats doivent prioritairementinstituer de fortes garanties, dans la législation et dans lapratique, permettant de jouir de son identité, tout en fai-sant la promotion d’une nation qui reconnaît pleinementsa diversité. Les écoles jouent aussi un rôle clé dans la pro-motion de la compréhension de la diversité des identités àl’intérieur d’un Etat. A chaque fois que la taille des com-munautés le permet, les minorités devraient avoir accès àl’éducation à la fois dans la langue de la minorité et dansla langue nationale. Quand les membres des minoritéspeuvent parler à la fois la langue de la minorité et lalangue de la majorité, leur employabilité augmente.Cependant, des écoles séparées pour les minorités necontribuent pas à la promotion de la compréhension entreles communautés. Ce type d’écoles devrait être évité àmoins qu’elles ne soient essentielles à la sécurité desélèves. Il est aussi très important, que les écoles soientintégrées ou non, qu’un programme d’études communsoit développé pour le pays tout entier, afin d’inclure unenseignement positif sur la diversité des communautésdans la société dans sa totalité. Un programme d’histoire

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négocié au niveau national revêt une importance parti-culière car la propagation de mythes historiques, deversions partiales et d’exagérations est un outil puissantentre les mains d’un « ethnic entrepreneur ».

Il devient particulièrement difficile de résoudre desproblèmes d’identité dans des situations de tension eth-nique/religieuse, quand la haine/crainte de l’autre estdevenue une partie de l’identité perçue par le groupe.Dans de telles situations, une période d’apaisement estnécessaire. Des ateliers ont pu avec un certain succèsrapprocher des gens de différents groupes pour décons-truire les griefs perçus et les perceptions de l’autre. :

« une résolution à long terme de tels conflits et uneréconciliation d’anciens ennemis requièrent deschangements dans les identités nationales des groupes: en particulier, cela requiert une redéfinition del’identité de chaque groupe afin que l’affirmation de

sa propre identité ne soit plus fondée sur la négationde l’identité de l’autre. De tels changements d’iden-tité sont possibles, à condition qu’ils laissent le noyau/cœur de l’identité de chaque groupe et de l’histoirenationale … intact. »41

De larges processus de vérité et de réconciliation peuventaussi servir cet objectif.

Dans le cadre des tensions communautairesindiennes, des organisations de la société civile ont puconstruire des liens de coopération entre les communau-tés et ont contribué à prévenir les émeutes.42 Lorsque lesleaders communautaires manquent de légitimité oureprésentent seulement un élément conservateur limitéde leur communauté – et que leur objectif principal peutêtre le type d’organisation de partage du pouvoir quiprepétue leurs propres rôles et pouvoirs – les groupes dela société civile peuvent servir de contrepoids.

12 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

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13DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Quand les minorités n’ont aucune voix au chapitre enmatière d’affaires politiques, des conflits éclatent souventparce qu’une expression politique est la clé de la jouissancede tous les autres droits. Sans elle, par exemple, l’exclusionde l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux droits foncierspeut en résulter car les minorités ne peuvent pas influer surles politiques du gouvernement et les usages. De plus, unmessage clair est envoyé aux minorités : la communautédominante ne considère pas qu’ils appartiennent à lanation. Face à une telle exclusion, une minorité peut consi-dérer que la sécession est la seule route envisageable.

Cette section étudiera tout d’abord les mécanismes faci-litant la participation des minorités et leur efficacité, puisexaminera certains des problèmes qui affectent le processusde participation. Finalement, elle présentera des conclusionset suggèrera des solutions.

Facteurs affectant laparticipation politique desminoritésLes minorités peuvent être exclues de la participation poli-tique pour de nombreuses raisons. Au Nicaragua, avant laguerre civile des années 1980, et au Soudan, les gouverne-ments centraux se fondaient sur le concept exclusif de lanation : par exemple, l’identité nationale est définie entermes d’un ou d’un petit nombre restreint de groupes eth-niques/religieux, et les autres groupes qui forment unepartie du pays sont implicitement et explicitement exclus.

Pour participer politiquement, les représentants desminorités doivent accepter ce concept, ce qui rend douteuseleur capacité à réellement représenter leur communauté. Deplus, certaines régions minoritaires sont géographiquementisolées du reste du pays et les gouvernements ont continuéà leur témoigner négligence et désintérêt.

En Chine, des dispositions d’autonomie ont été misesen place pour certaines communautés minoritaires, mais legouvernement, hautement centralisé, s’est montré intolé-rant à l’expression critique, et d’autres problèmes, parexemple l’allocation de ressources financières insuffisantes etdes dispositions inadéquates dans le domaine de l’éducationont bloqué le fonctionnement effectif des autonomies.

En Inde, des accords complexes et innovateurs de parta-ge du pouvoir et des mécanismes de discrimination positiveont été développés, mais les obstacles rencontrés ont inclusl’interférence du gouvernement central dans les nomina-

tions politiques et la manipulation de différences sectaires.De plus en Chine, en Inde, en Irak, au Kosovo et au Sou-dan, une situation sécuritaire déplorable dans certainesrégions a fait obstacle à la participation politique au niveaulocal.

Citoyenneté La citoyenneté est essentielle à une pleine participation à lavie politique. Par exemple, dans la plupart des pays, les noncitoyens n’ont pas la possibilité de voter ou de se présenteraux élections. Alors que les gouvernements ont le droit demettre en place des mécanismes et des législations régissantle processus par lequel les personnes peuvent obtenir lacitoyenneté du pays, Il arrive que certains gouvernementsrestreignent intentionnellement l’access de certains groupesà la citoyenneté pour les exclure de la participation poli-tique – ou bien les empêchent de jouir d’autres droits telsque l’accès aux services publics, les droits fonciers et le droitde propriété.

Dans l’affaire de Yean et Bosico contre la Républiquedominicaine, la Cour interaméricaine des droits de l’hom-me a jugé que le gouvernement avait agi de façon injusteen refusant la citoyenneté à deux femmes nées en Répu-blique dominicaine d’un parent dominicain et d’unparent haïtien. A cause de leur manque de citoyenneté,les femmes étaient :

« dans l’incapacité d’avoir accès à d’autres droits cru-ciaux tels que le droit à l’éducation, le droit à lareconnaissance de la personnalité juridique, le droit àun nom et le droit à une protection égale devant la loiet elles étaient à la merci d’une expulsion de leur paysd’origine. » 43

La démarche de l’Etat d’exclure les personnes d’origine haï-tienne de l’accès à la citoyenneté a contribué à développerle sentiment, parmi la majorité des Dominicains, que lespersonnes d’origine haïtienne n’appartiennent pas au pays,et le racisme s’est répandu. Au cours des trois dernièresannées, plusieurs cas d’émeutes violentes ont été relevés, descommunautés haïtiennes entières ont été attaquées enreprésailles de crimes soi-disant commis par des Haïtiens.

Les obstacles à l’accession à la citoyenneté peuvent aussiavoir des éléments sexospécifiques, soulignant des questionsde discrimination multiple ou entrecroisée. Par exemple, ila été signalé que des femmes lisu dans le nord de la Thaï-

Participation politique

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14 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

lande avaient dû avoir des rapports sexuels avec des fonc-tionnaires avant de pouvoir obtenir les documentsétablissant leur citoyenneté.44

La Lettonie et l’Estonie sont des exemples où les ten-sions liées à la citoyenneté – impliquant des Russesethniques – ont été dans une certaine mesure résolues parles contributions de « bon office » d’organisations interna-tionales telles que le Conseil de l’Europe, l’UnionEuropéenne (UE) et l’ OSCE.

Mécanismes pour laparticipation des minoritésDes mécanismes pour promouvoir la participation poli-tique des minorités peuvent être établis au niveau nationalou local (habituellement local dans le cas de groupesconcentrés sur un même territoire). Ces mécanismes peu-vent être formels (souvent consacrés par la Constitution)ou informels et avoir un mandat exécutif ou simplementconsultatif.

Systèmes électoraux et sièges réservésAu niveau national, il est courant de prendre des disposi-tions faisant intervenir des quotas pour les minorités – ilpeut s’agir de postes ministériels au gouvernement et / oude sièges au parlement. De plus, certaines dispositionsélectorales, telles que le scrutin majoritaire plurinominal,la représentation proportionnelle à liste fermée ou ouverteet les transferts de vote ne garantiront pas la représenta-tion des minorités, mais dans certaines circonstances,pourront la promouvoir. Les questions importantes icitiennent à déterminer jusqu’à quel point les représentantsdes minorités sont vraiment représentatifs de leur commu-nauté (en particulier, de l’entière diversité de cescommunautés, y compris des femmes des minorités) etl’influence qu’ils ont dans les faits, en n’étant q’une voixparmi tant d’autres.

En Inde, 22% des sièges de chaque législature sontréservés aux minorités et les résultats en termes de préven-tion des conflits sont mitigés. Il est toutefois difficile detirer des conclusions sur l’impact précis des sièges réservésdans cette instance, à cause des nombreux conflits diversdans le pays qui sont affectés à la fois par les conditionslocales et nationales. Toutefois, les éléments de preuvefondés sur les recherches de MRG montrent que, bienque les pouvoirs délégués soient importants pour la pro-motion des droits des minorités et la réduction destensions, il importe aussi que les minorités soient repré-sentées au niveau national et l’octroi de sièges réservéspeut jouer un rôle particulièrement important à cet égard.

L’exemple du Kosovo présente des éléments de «bonne pratique » dans la mesure où l’approche « est alléeau-delà d’une simple représentation au sein des assemblées

et a tenté d’assurer une représentation des minorités augouvernement »’.45 Cependant :

« le droit de participer a largement été le droit desleaders des minorités de participer… En 2003, l’OS-CE a déclaré que les représentants élus des minoritésmanquaient de légitimité » 46

En accroissant le nombre de représentants de minoritésdans les assemblées législatives, les sièges réservés peuventrenforcer la voix des minorités dans la vie politique. Deplus, ils démontrent une certaine bonne volonté de la partde l’Etat, et peuvent ainsi contribuer de façon significativeà créer un environnement inclusif permettant aux minori-tés de s’identifier à la nation et d’avoir le sentiment d’enfaire partie, réduisant par là la probabilité de tendancesséparatistes. Cependant, de même qu’avec les mesures dediscrimination positive dans le domaine économique (voirplus loin), il y a toujours le danger que des éléments de lapopulation majoritaire considèrent les sièges réservés «injustifiés » et « discriminatoires », ce qui peut accroîtreles tensions. Pour cette raison, les Etats doivent être parti-culièrement prudents lorsqu’ils introduisent de tellesmesures, être conscients des tensions potentielles et s’assu-rer que ces mesures sont transparentes. Les Etats doiventaussi expliquer clairement pourquoi de telles mesures sontnécessaires et comment elles peuvent bénéficier à l’Etatdans son intégralité. Il demeure néanmoins essentiel detraiter causes réelles du manque de représentation desminorités au parlement, en particulier les discriminationssystématiques. Les sièges réservés ne doivent pas devenirune excuse pour éviter de résoudre les problèmes sous-jacents. Si un accord sur des sièges réservés est concludans le cadre d’un accord de paix, il peut être possibled’incorporer une clause qui les remplacera par une dispo-sition plus intégrante après un certain nombre d’années.

Les femmes des minorités ne bénéficieront pas néces-sairement des sièges réservés pour les minorités (ni deceux réservés pour les femmes). Au Soudan, bien que l’Ac-cord général de paix (CGP) stipule que 25% de tous lespostes politiques doivent être détenus par des femmes :

« la réalité est que sur 28 postes ministériels, seule-ment deux sont détenus par des femmes. Dans dixétats du Sud-Soudan, il n’y a pas une seule femmegouverneur. Il n’y a aucune femme qui soit chef decommunauté. » 47

En revanche, en Afghanistan :

« Sous le système du vote unique non transférable(VUNT) ... la diversité ethnique de la nation s’estrefléctée dans les 68 femmes élues députées. Cela a été

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15DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

une conséquence de la concentration géographique descommunautés hazara, tajik et uzbek et de la loi quistipule qu’une ou deux femmes doivent être élues danschacune des 35 provinces du pays. » 48

Les femmes des minorités peuvent jouer un rôle dans laconstruction de la paix en attirant l’attention sur les diffé-rentes identités qui se superposent en chaque individu etdonc sur les traits communs qui sont partagés au-delà desdivisions ethniques / religieuses.

Le découpage des circonscriptions électorales pourcréer des circonscriptions dont la majorité des électeurssont issus de minorités peut être vu comme une forme dediscrimination positive, destinée à s’assurer que des repré-sentants des minorités sont élus dans certains districts.Cependant :

« La création de circonscriptions ethniquementconcentrées signifie non seulement qu’il y aura plus decirconscriptions dominées par les minorités, mais éga-lement qu’il y en aura plus dominées par la majorité.Dans ces dernières, les candidats du groupe majoritai-re n’auront besoin ni de se soucier d’obtenir le soutiende minorités, ni de se préoccuper de leurs intérêts.» 49

Certains systèmes, dans les circonstances propices, peu-vent renforcer la représentation des minorités auparlement et au gouvernement, et améliorer les chances deprévention d’un retour à la guerre dans des scénariosd’après-conflit.50 En Nouvelle-Calédonie, un système departage du pouvoir basé sur une liste de représentationproportionnelle :

« a désamorcé les tensions interethniques, permisl’émergence de partis plus réduits et a préparé, en2004, le triomphe de partis centristes qui ont éloignésle programme des questions éthniques. » 51

Des recherches ont montré que les systèmes de représen-tation proportionnelle à liste réussissent mieux àrenforcer la représentation des minorités que les systèmesmajoritaires. Toutefois, l’Inde, qui utilise un système descrutin majoritaire uninominal, a vu la réussite dequelques expériences dans le domaine de la promotion dela coopération ethnique, principalement grâce au « rôlefédérateur entre Hindous et Musulmans du parti duCongrès … qui leur a permis de s’unir sous une bannièrenationale de l’Etat, ce qui a conduit à une longuerecherche de solutions et d’équilibres entre les élites ».52

Le rapport de MRG intitulé Protection et participationdes minorités et systèmes électoraux énumère les 9 types desystèmes électoraux les plus fréquents, étudie certains casoù ils ont été mis en oeuvre, analysant l’impact sur la

représentation des minorités et la réduction des tensionscommunautaires. Bien qu’il ne conclue pas qu’un systèmefavorise mieux l’intégration des minorités que les autressouligne l’importance du contexte dans chaque situation,le rapport présente quelques des lignes directrices géné-rales destinées aux concepteurs de systèmes électoraux.

Partis politiques à base minoritaireLes partis politiques basés sur l’identité minoritaire peu-vent aussi fournir un véhicule pour que les voix desminorités soient entendues. L’expérience du Nicaraguamontre que lorsque des partis politiques à base ethniqueexistent, il se peut qu’ils deviennent des obstacles à la par-ticipation politique des minorités.53 YATAMA, un partipolitique ayant des racines dans la communauté miskitoet qui maintenant touche toutes les minorités de la Côteatlantique a été interdit de participation aux élections del’an 2000 par une résolution du Conseil suprême des élec-tions, le parti n’ayant pas rempli la condition selonlaquelle la candidature de leurs candidats devait êtreappuyée par un nombre suffisant de signatures. L’affaireest allée jusque devant la Cour interaméricaine des droitsde l’homme, qui a jugé que l’Etat du Nicaragua avaitinjustement limité le droit à la participation politique deshabitants à l’échelon régional.54 Et alors que la proportiondes représentants des minorités dans les conseils exécutifsdes deux régions autonomes reste constante ou faiblit,celle des mestizos (Nicaraguayens majoritaires) augmente(jusqu’à plus de 50% dans les deux régions). De plus,quatre députés sur cinq représentant les régions à l’Assem-blée nationale sont mestizos 55 (la représentation au centrepour renforcer l’autonomie décentralisée a aussi été cru-ciale en Inde),56 et de toutes façons, le système est établipour minimiser la représentation des régions côtières auniveau national (la Région autonome de l’Atlantique suda 88.574 habitants par représentant au niveau national,contre 34.145 à Grenada).57 Pour y remédier, le Réseaudes leaders côtiers a exigé deux sièges réservés par groupeethnique à l’Assemblée nationale et au Parlement d’Amé-rique centrale.58

Mais les partis politiques à base minoritaire contri-buent-ils ou endommagent-ils à long terme la démocratieet la construction de la paix ?

Comme cela a été le cas avec l’éducation, la promotiond’un développement politique séparé pour des groupesdifférents sera peu propice à la promotion de la compré-hension et de la paix à long terme. La création d’unsystème politique où l’ethnicité et la religion sont le prin-cipal ou seul critère pour le pouvoir risque de signifier queles partis politiques à base minoritaire sont considéréscomme les seuls choix possibles pour protéger les droitsd’un groupe (comme cela a été le cas en BiH et en Bel-gique). De cette façon, tous les aspects de la politique au

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quotidien, y compris les conflits à propos de l’économie, dela fiscalité et des dépenses, risquent d’être vus à travers lefiltre de l’ethnicité ou de la religion, rendant les différencesentre les groupes encore plus aiguës.

Toutefois, les partis politiques à base minoritaire peu-vent véritablement répondre aux attentes d’unecommunauté, en particulier d’une communauté qui s’estlongtemps sentie exclue. En Inde, « le développement dupouvoir d’action et d’autonomie (empowerment) des par-tis ethniques régionaux qui représentaient largementl’identité ethno-linguistique de la majorité tamoule a rem-pli la première pré-condition à la paix ethnique »59 auTamil Nadu. Dans des circonstances propices (et avec lesmêmes précautions concernant une véritable représentati-vité, intégration et interdiction de toute formed’incitation à la haine raciale s’appliquant à la fois auxpartis majoritaires et minoritaires), ils fournissent unealternative à une allocation prédéterminée de sièges et depostes gouvernementaux. Si les partis peuvent librementêtre créés, ce seront les minorités elles-mêmes qui décide-ront ce que sont leurs identités et comment elles sontreprésentées.

Organismes consultatifsLes organismes consultatifs conseillent le gouvernementou le parlement sur la question des minorités sans avoirde pouvoir exécutif. Ils peuvent varier considérablementdans leur composition, leurs méthodes de travail et leurobjectif. Leur pouvoir peut être limité dans la pratique etdépendra, en priorité, de leur légitimité (aux yeux du gou-vernement central et de leur propre communauté) ainsique du financement. Lorsque leur légitimité est trèsreconnue, des pressions considérables peuvent être exer-cées sur le gouvernement pour faire appliquer leursrecommandations.

Au Nicaragua, un conseiller guide le président sur lesquestions se rapportant à la Côte atlantique, mais il n’ap-partient pas à une communauté minoritaire, et cela aaffecté la confiance qu’avaient en lui les communautés. LeKosovo se glorifie de mécanismes similaires au niveaumunicipal, chaque autorité devant établir un comité descommunautés, mais « leur efficacité semble avoir été trèslimitée”.60

Néanmoins, dans d’autres pays, comme en Croatie, enHongrie et à Singapour, l’utilisation de tels mécanismes aeu plus de succès, leur flexibilité et leur caractère informelleur permettant de jouer un rôle important dans la ges-tion des conflits.

Autonomie et fédéralismeDans les pays où les minorités sont concentrées dans deszones spécifiques, des dispositions peuvent être élaboréesen ce qui concerne les prises de décisions politiques au

niveau régional. Un mécanisme fréquent est l’autonomie :un ensemble déterminé de pouvoirs (couvrant souvent laculture, l’économie, l’éducation et la religion) est cédé parle gouvernement central à un gouvernement local ayantune juridiction sur un territoire spécifique (qui peut êtrehabité par l’une ou plusieurs des communautés minori-taires. Dans la formule du fédéralisme, le pays entier estdivisé en unités décentralisées, chacune jouissant de pou-voirs dévolus. Les frontières fédérales/autonomes peuventou non être tracées selon l’emplacement des communautésethniques/religieuses. Dans le cas d’autonomies, il est plushabituel que ce soit le cas.

L’autonomie ou la décentralisation peut créer de nou-velles minorités dans les régions vers lesquelles le pouvoirest décentralisé. Par exemple, si l’autorité par rapport àl’éducation ou à la langue est dévolue à des régions, celaconcernera les minorités régionales dont les droits aurontbesoin d’être protégés de ce point de vue, même si laminorité régionale peut être une majorité dans le pays dansson ensemble. Si une zone minoritaire est plus pauvre quele reste du pays, et que des pouvoirs budgétaires (taxationet dépenses d’aide sociale, de santé etc.) sont dévolus auxrégions plutôt que d’être exercés au niveau national, larégion minoritaire plus pauvre peut se trouver dans unesituation plus mauvaise, percevant moins de revenus par lebiais de l’imposition, mais ayant un besoin accru de finan-cement d’aide sociale et de santé. Si de nouvellesmunicipalités ou régions autonomes sont créées et sontdominées par une communauté ethnique, religieuse ou lin-guistique à l’exclusion d’autres communautés plus petites,une élévation du transfert de population de ces plus petitescommunautés exclues hors de cette zone est susceptibled’avoir lieu, conduisant ainsi à une ségrégation accrue.

Lorsqu’une minorité n’est pas concentrée en un seulendroit, l’autonomie non territoriale (que l’on appelle aussiautonomie culturelle ou autonomie de groupe) est une for-mule envisageable. Ceci sous-entend que des pouvoirsdécisionnels seront accordés à une communauté minoritai-re (souvent par l’intermédiaire d’un organisme, un conseilpar exemple) dans des domaines spécifiques les concernantdirectement, par exemple la culture, l’éducation, les lois destatut personnel et la religion. L’organisme chargé de l’ad-ministration de la minorité autonome peut avoir certainspouvoirs pour lever des impôts et/ou recevoir des subven-tions du gouvernement central. On peut en trouver desexemples actuels en Estonie, en Hongrie, dans la Fédéra-tion russe, en Slovénie et dans les dispositions des loisislamiques de statut personnel en Inde.61

Au Nicaragua, l’accord d’autonomie négocié en 1987a réussi à mettre fin à la guerre entre les communautésde la côte et les sandinistes. Il est possible que l’une desraisons du succès de cet accord soit le processus consul-tatif élargi :

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17DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

« un document de travail a été présenté aux diffé-rentes communautés par une campagne auporte-à-porte à grande échelle dans le but d’obtenirun soutien local pour un ensemble de mesures d’au-tonomie élargies. Des centaines de représentants dela société civile sur la Côte atlantique reçurent uneformation pour mener des consultations au porte-à-porte, faisant partie d’un exercice de mobilisationsocial qui comprenait aussi des ateliers, des assem-blées communautaires, des réunions sur les lieu detravail et des réunions participatoires de grandeenvergure avec les églises et autres organisationssociales. » 62

Un autre facteur susceptible d’avoir contribué au succèsde l’accord d’autonomie est le fait qu’il traitait de la ques-tion clé des identités des communautés de l’Atlantique,l’une des causes initiales du déclenchement de la guerre.

Il semble que le succès à long terme de l’autonomiecomme mécanisme de construction de la paix dépendebeaucoup de la façon dont elle est mise en oeuvre ;cependant,

« les régimes soigneusement élaborés d’autonomie etd’auto gouvernance peuvent fournir des structures ins-titutionnelles offrant un espace suffisant aux groupesnon dominants pour l’exercice d’une auto gouvernan-ce authentique, tout en rassurant en même temps lesgroupes dominants quant à l’existence future de l’Etatdans son ensemble. » 63

Des défaillances diverses ont empêché la mise en oeuvrecomplète de l’autonomie sur la Côte atlantique nicara-guayenne. Tandis que celles-ci ne semblent pas à l’heureactuelle indiquer un retour au conflit violent, elles peuventservir de leçon aux gouvernements et aux représentantsminoritaires devant participer à des négociations concernantdes autonomies futures. Elles incluent : la domination parles Mestizos des postes politiques dans les organismes auto-nomes ; la prise en compte insuffisante des conflitsterritoriaux – conflits avec l’Etat, avec les sociétés et avecd’autres communautés côtières (une loi territoriale crucialen’a pas été votée avant 2003), et conflicts causés par le gou-vernement central contournant les statuts d’autonomie poursigner des accords avec des sociétés privées pour l’explora-tion de ressources naturelles ; et un manque de transparenceen ce qui concerne les budgets centraux et les décisions d’al-locations de budgets aux organismes autonomes.64 De cepoint de vue, les préoccupations concernant l’autonomie dela Côte atlantique sont à l’opposé de celles exprimées parcertains observateurs65 concernant la question de la sépara-tion ; ici les minorités ne sont pas suffisamment capables deprotéger leur culture et leurs intérêts .

L’Inde présente un contraste intéressant d’expériences,l’une positive et l’autre négative, de l’autonomie – celle deTamil Nadu et celle de l’Etat indien de Jammu et Cache-mire (IJK). Au Tamil Nadu, où les revendications desDravidiens 66 pour obtenir un Etat séparé remontent à lapériode précédant l’indépendance :

« l’observation scrupuleuse de l’autonomie ethnique,la représentation adéquate au niveau de l’Etat et auniveau national, l’inclusion des minorités plus petitesau moyen d’un partage du pouvoir entre les commu-nautés ethniques et l’accès partagé aux allocationssociales de l’Etat peuvent transformer un mouvementséparatiste en une force pour la démocratie et en unecomposante bien disposée envers l’Etat. » 67

En IJK, au contraire, le gouvernement a accordé un statutspécial à la région mais a ensuite « vidé cette promesse detoute autonomie réelle »68 en emprisonnant Sheikh Abdul-lah, le leader légitime. Deux guerres entre l’Inde et lePakistan « ont eu des répercussions très profondes sur leconflit au Cachemire et sur les droits des minorités et leursrevendications pour obtenir une autonomie en IJK ».69

Mais outre les pressions externes, il semble que :

« L’action du Sheikh Abdullah n’a pas contribué àaméliorer la situation : il a refusé au Praja Parishad,un parti du Jammu hindou, la possibilité de présenterdes candidats aux élections de la première Assembléeconstituante. » 70

Comme nous l’avons noté à propos du cas du TamilNadu, la protection des minorités plus petites à l’intérieurdes autonomies est cruciale. Dans ce cas, elle n’a pas étéconsidérée et cela peut avoir en partie donné au gouverne-ment central le prétexte dont il avait besoin pour revenirsur ses promesses.

Système complexe de partage du pouvoirFinalement, certains experts proposent des paquets com-plexes de dispositions pour assurer une participation large.Ceux-ci sont souvent introduits pour faire partie d’unprocessus de construction de la paix à la suite d’un conflitviolent. Deux paquets de cette nature sont constitués parle consociationalisme et le partage du pouvoir intégratif.71

Le consociationalisme, initialement développé par ArendLijphart,72 inclut le partage du pouvoir exécutif entre lescommunautés, souvent par le biais de sièges ministérielsréservés et d’accords d’autonomie qui autorisent des « seg-ments » de la société (par exemple les communautésminoritaires) à prendre des décisions clés à propos dequestions les concernant. Ces accords sont soutenus par lareprésentation proportionnelle (par exemple dans les

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postes de la fonction publique, le financement et/ou lareprésentation politique) et un veto mutuel pour chaquecommunauté sur les questions clés les concernant. Le par-tage du pouvoir intégratif est plus communément associéavec le travail de Donald Horowitz. Plutôt que d’établirdes institutions qui enracinent les pouvoirs de commu-nautés désignées, cette formule favorise les systèmesélectoraux et les politiques préférentielles qui encouragentla coopération et les alliances au travers des divisions eth-niques / religieuses.73 Ces systèmes et politiques peuventêtre soutenus par un régime fort de droits des minorités,comprenant des lois effectives contre la discriminationainsi que des mécanismes efficaces d’application.

Dans un certain nombre de cas, on constate que desdispositions consociationnelles de partage du pouvoirpeuvent à court terme aider une société à émerger d’unconflit ; mais que cependant, cela peut se faire au prixd’une rigidification des identités ethniques. L’exemple leplus extrême se trouve en BiH, où les électeurs doivents’identifier comme appartenant à l’un des trois « peuplesconstituants ». Ceci exclut les identités mixtes, et viole ledroit d’une personne appartenant à une minorité natio-nale de choisir librement d’être traitée ou non commetelle sans qu’aucun désavantage ne résulte de ce choix(pour une discussion plus approfondie de la façon dontcette disposition, et d’autres dispositions similaires,conspirent à contrer la constitution d’identités entrecroi-sées et gênent ainsi l’intégration, voir la section surl’identité).74 De plus, lorsque de tels systèmes réserventun nombre fixe de sièges pour les communautés, la distri-bution de sièges peut rapidement se périmer au cours deschangements démographiques. Certains observateurs fontremarquer que l’accord de Dayton a bien rempli sonobjectif principal – mettre fin au conflit violent. Mais laréconciliation entre les communautés ne se produit pas etil y a peu d’indications que le pays serait capable de sur-vivre comme un tout cohérent sans le niveau actuel élevéd’intervention internationale. Les mesures à court termequi peuvent être jugées nécessaires à un cessez-le-feu seretrouvent souvent figées dans un accord permanent lais-sant peu de place à la promotion de l’intégration detoutes les communautés.

Participation aux processus depaixL’une des préoccupations majeures des processus de paixdans les sociétés ethniquement ou religieusement diviséesest la façon dont l’Etat sera gouverné dans l’avenir et lerôle que les diverses communautés y joueront. Il estextrêmement important que les femmes et les hommesdes minorités participent à de tels processus. Cependant,au Darfour, en Iraq et au Kosovo, ces processus ont été

dominés par un petit nombre de groupes, souvent ceuxqui avaient participé activement au conflit armé, laissantles autres groupes sans représentation. En Iraq :

« L’effort de rédaction ( de la constitution) a pourune grande part représenté un pacte politique entreles leaders kurdes et chiites. Pour satisfaire l’échéanceconstitutionnelle ... le processus de construction duconsensus fut déplacé du comité constitutionnelincluant toutes les parties vers un forum informel deleaders chiites et kurdes accompagné d’un certaindegré de médiation diplomatique et d’influence desEtats-Unis et de l’ONU. » 75

Au Kosovo, des négociations similaires chargées de mys-tère ont entouré la rédaction du Cadre constitutionnel en2001.76 En 2006–2007, des discussions sur un statutfutur pour le Kosovo inclurent seulement les Serbes et lesAlbanais, avec d’autres groupes officiellement représentéspar un Albanais.77 Au Darfour, l’une des causes princi-pales de l’intensification du conflit a été la décision desnégociateurs à Naivasha (soutenue par la communautéinternationale) d’exclure le Darfour ainsi que d’autreszones du mal nommé Accord de paix global.78

Conclusions et SolutionsEn élaborant des mécanismes favorisant la participationdes minorités dans le but de prévenir les conflits violentsou de construire la paix, l’un des débats principaux peutêtre décrit sommairement par l’alternative « séparationversus intégration ». Lorsqu’il y a des doléances histo-riques enracinées (souvent très récentes), l’utilisation demécanismes de séparation des différents groupes, soit auniveau régional (autonomies) soit au niveau national(mécanismes de partage du pouvoir accompagnés d’unedistribution de postes, sièges etc., selon la communauté),est plus fréquente que le recours à des solutions d’intégra-tion, accompagnées de mesures fortes contre ladiscrimination, cherchant à inciter les politiciens à adop-ter une attitude d’ouverture envers toutes lescommunautés et garantissant une participation égale. Lesanalyses d’accords de paix indiquent que des accordsconsociationnels peuvent être nécessaires pour convaincreles parties de se mettre d’accord sur une période de tran-sition.79 Les doléances historiques et le manque deconfiance se combinent pour faire en sorte que les leadersencouragent la mise en place de mécanismes forts etenracinés garantissant spécifiquement leur participationau processus de prise de décision.

Mais de telles mesures qui devraient être temporaires,le sont rarement. Les systèmes politiques fondés sur laséparation font très peu pour favoriser l’intégration des

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19DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

différents groupes, intégration nécessaire pour conduire àune paix à long terme. Les modèles de « séparation »donnent rarement la parole aux groupes plus petits etpacifiques, tels que les Roms, et ne laissent jouer aucunrôle aux porteurs d’identités mixtes. Ces modèles fontpeu pour traiter les causes sous-jacentes essentielles deviolence que constituent la discrimination systématiqueet la négation d’identité.

L’expérience de l’Afrique du Sud montre qu’il est pos-sible d’instituer un mécanisme par lequel une dispositioninitiale de partage du pouvoir est revue après un certainnombre d’années et est alors remplacée par un systèmefavorisant l’intégration (comme le propose les Recom-mandations de Lund. Voir « Instruments internationauxpertinents » ). Dans une faible mesure, ceci s’est produiten Iraq, où la présidence de trois membres (un représen-tant kurde, un représentant chiite et un représentantsunnite), envisagée par la LAT [Loi administrative transi-tionnelle] comme une disposition consociationnelle pouréviter la tyrannie d’une majorité simple,80 a été prorogée,au-delà de la période d’application de la LAT, pour unmandat limité à quatre ans. Il est difficile de convaincreles leaders des communautés d’abandonner des méca-nismes cimentant leur rôle en place mais qui ne pas sontsusceptibles d’être bénéfiques à l’intégration et à la bonneentente entre les communautés, nécessaires à une paixdurable sur le long terme. Néanmoins, les dispositionsconcernant les sièges réservés devraient au moins êtrerevues périodiquement pour faire en sorte qu’elles reflè-tent toujours les changements démographiques.

Le seul système qui semble fonctionner à long termeest un système qui n’enferme pas les représentants desminorités dans des cases, qui inscrive les droits desminorités dans la Constitution, qui fasse usage de discri-mination positive, mais sans quotas rigides, lorsqu’il estnécessaire de surmonter une discrimination historiqueenracinée, qui encourage la compréhension et laconnaissance de toutes les communautés dans la sociétépar le biais du système éducatif et des médias, et quigarantisse la participation de toutes les parties de lasociété, y compris celle des femmes des minorités.81

Cette structure doit être soutenue par des lois fortescontre la discrimination et par des mesures assurant leurapplication qui offrent des voies effectives et accessiblespour combattre la discrimination sous toutes ses formes,y compris la discrimination dans le domaine de la parti-cipation politique.

De plus, des mécanismes établis au niveau nationalpour faciliter le dialogue entre les communautés et legouvernement ont souvent été instrumentaux dans laprévention des conflits, ainsi que pour le traitementconstructif et structuré des questions concernant lesminorités qui peuvent contribuer à l’intensification destensions. De tels organes peuvent fonctionner de façonefficace non seulement pour calmer les tensions maisaussi, informellement, à long terme, comme un outil degestion de la diversité dans une société. Cette fonctionpeut être assumée par un organisme consultatif perma-nent du type mentionné ci-dessus, ou comme un corpsad hoc établi dans le but précis de gérer les tensions.

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20 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

L’exclusion du développement et l’exclusion économiqueaffectant les minorités ethniques, religieuses et linguis-tiques ont constitué des éléments clés dans les conflitssurvenus dans les Balkans, au Kenya, au Nigéria, en Irlan-de du Nord, aux Philippines et au Sri Lanka, entre autres.Des politiques et des programmes économiques et dedéveloppement mal planifiés ou intentionnellement dis-criminatoires peuvent creuser les inégalités, renforcer leshiérarchies de pouvoir et les hiérarchies économiques,ainsi que stimuler ou aggraver les tensions interethniquesconduisant au conflit.82 Les actions de développement quine s’élaborent pas en accord avec les priorités et lesbesoins des minorités et des peuples autochtones, parexemple en faisant intervenir une appropriation de terres,peuvent conduire au « conflit de développement » (voirci-dessous). Outre l’effet que les conflits ont sur lespeuples affectés, les conflits de développement ou lesconflits faisant intervenir l’exclusion et les inégalités éco-nomiques et/ou la concurrence pour les ressources ont uneffet très négatif sur la croissance et la réduction de lapauvreté. Cependant un développement véritable ancrédans le droit et des politiques économiques équitablesassurant une participation économique dans le cadre desdroits des minorités peuvent favoriser la stabilité, un déve-loppement durable et même une croissance économique.Cette section considèrera ces deux types de conflit et cer-tains des moyens pouvant aider à soulager l’exclusionéconomique et l’exclusion du développement. Elle propo-sera aussi des conclusions pratiques.

Analystes et académiques discutent l’idée que l’exclu-sion économique contribue à causer des conflits quandelle se combine à l’exclusion politique d’un groupe.83 Il estclair que l’exclusion économique a été un élément majeurdans de nombreux conflits, et qu’elle est si étroitementliée à d’autres formes d’exclusion sociale qu’elle peut sou-vent empêcher l’accès au pouvoir et l’accès au processusde prise de décision, ou en résulter partiellement. Leniveau de développement requis pour qu’une communau-té puisse courir le risque d’avoir recours à la violence estune question régulièrement soulevée par les analystes.Cependant, lorsque les gouvernements ne prennent pas demesures pour promouvoir et protéger les droits des mino-rités, le développement des communautés minoritaires estnégligé ; la réalité et la perception de l’exclusion sontaccrues. La solution réside dans un travail systématiquevers une amélioration de la situation des exclus et vers unrenforcement de l’inclusion économique, sociale et poli-

tique. Ceci inclut la prise de « mesures spéciales », lors-qu’elles sont requises, pour garantir aux minorités lapossibilité d’ « exercer intégralement et effectivement tousles droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales» comme ceci est prévu dans l’UNDM et l’ICERD.84 Lesinégalités structurelles devraient être éliminées pour éviterles conflits. Si ce n’est pas le cas (et le coût en sera bienplus élevé sur tous les plans), une action pour traiter cescauses potentielles de conflit doit être initiée tôt dans lapériode de gestation de la violence.85

Facteurs contribuant àl’exclusion des femmes et deshommes des minoritésLes minorités ethniques, religieuses et linguistiques sontvulnérables à l’exclusion économique, largement en raisonde discrimination directe et indirecte. Les minorités,parmi lesquelles beaucoup vivent dans des zones éloignées,sont souvent confrontées à des obstacles causés par lesous-développement régional. L’exclusion économiquepeut souvent correspondre pour les minorités à un accèsinsuffisant aux marchés, aux ressources, aux services, auxinstitutions sociopolitiques et à la technologie. Les causesde cette situation comprennent des obstacles à la citoyen-neté, des critères « ethniquement disqualifiants » pourl’éducation et l’emploi, l’absence d’une législation contrela discrimination ou sa mise en oeuvre insuffisante, desbarrières linguistiques et l’insuffisance de financement auniveau régional.86 Les femmes des minorités sont particu-lièrement vulnérables sans la mesure où elles sontconfrontées à une double discrimination, en tant quefemmes et en tant que membres de communautés minori-taires. Les femmes des minorités sont susceptibles d’avoirdes niveaux d’éducation plus faibles que les hommes desminorités ou que les femmes des majorités, et elles sont enconséquence moins susceptibles que les hommes de parlerla langue de la majorité. Ces difficultés, jointes à des pra-tiques discriminatoires, interdisent aux femmes uneparticipation politique, économique et sociale. Les com-munautés minoritaires tendent en général à bénéficier demoins d’opportunités du point de vue éducatif et d’avoirdes taux de mortalité, de pauvreté et de chômage plus éle-vés que les autres groupes défavorisés.

Le développement, qu’il se concentre sur la croissanceéconomique ou sur la réduction de la pauvreté, qu’il pren-

Participation économique

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21DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

ne la forme d’une politique ou d’un projet individuel,devrait entraîner une redistribution. Son applicationdépend en partie du contexte politique, et « la politiqueethnique empiète sur... les politiques de développement;les règles sont faussées, les emplacements de projet biaisés,les privatisations dénaturées ».87 L’exclusion et la discrimi-nation vécues par les minorités ont une influence sur lapossibilité et la manière de bénéficier du développement.MRG a mené des recherches dans les « Documents destratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) » et les« Documents de stratégies nationales » et contrôlé defaçon informelle d’autres documents similaires, et aconstaté que ces documents, de leur formulation à leurapplication, ne tiennent pas suffisamment compte desbesoins des minorités. MRG a remarqué que les minoritésétaient rarement invitées à participer à la formulation desDSRP et, lorsque c’était le cas, leurs besoins n’étaient paspris en compte, leur participation était symbolique et sou-vent profondément enracinée dans les différentiels depouvoir, c’est-à-dire que les résultats ne tendaient pas àfavoriser les besoins des minorités ou des femmes.88 Lesprojets de développement sont très rarement contrôlés àl’aide de données ventilées (par ethnie et par sexe). LesObjectifs du Millénaire pour le développement (OMD)ayant pour but la réduction de la pauvreté n’incluentaucune référence spécifique aux minorités et, en consé-quence, ont rarement été contrôlés par ethnicité ou parreligion. Ils ne peuvent pas être considérés comme étantréellement fondés sur le droit. Il est possible qu’un progrèsapparent vers les objectifs (qui comprennent la réductionde moitié de l’extrême pauvreté, l’arrêt de la propagationdu VIH/SIDA, la promotion de l’égalité entre femmes ethommes et la réduction de la mortalité infantile) soitobservé dans un pays et que les calculs utilisés pour éva-luer les réussites cachent des inégalités se creusant de partet d’autre de lignes ethniques. En ne tenant pas comptedes inégalités et des différentiels de pouvoir, les OMD etleur mise en oeuvre ne sont pas attentifs au risque deconflit.89

Comment l’exclusionéconomique et l’exclusion dudéveloppement contribuent-elles au conflit ?

Le rapport final de la commission Carnegie sur la préven-tion des conflits meurtriers 90 a constaté que :

« Le ressentiment susceptible d’être créé par une crois-sance radicalement déséquilibrée ou sans équité peutminer les effets de toute prospérité générée par la crois-

sance. Au contraire, un accès équitable à la croissanceéconomique et, essentiellement, aux opportunités éco-nomiques empêche les conflits meurtriers. »

L’exclusion économique peut entraîner une communautéminoritaire vers un statut inférieur ou un cycle de pauvre-té, ou l’y maintenir. Elle peut considérablement entraverla capacité des minorités à bénéficier de leurs droits civils,politiques, sociaux et culturels, et ceci peut avoird’énormes conséquences pour leurs sécurité, statut etbien-être. Le rapport du ministère du Développementinternational du Royaume-Uni (DFID) sur la préventiondes conflits violents91 montre l’importance d’une aide audéveloppement qui soit attentive au risque de conflit :

« … jusqu’au génocide en 1994, le Rwanda a reçu plusd’aide au développement par habitant que la plupartdes autres pays. La plus grande partie de cette aide arenforcé les politiques existantes d’exclusion et de répres-sion dans le pays et a ignoré un grand nombre destensions politiques et sociales qui ont préparé le terrainpour les massacres. Au même moment, en ce qui concer-ne les indicateurs traditionnels de succès, le Rwanda aobtenu de très bons résultats du point de vue du déve-loppement. Ces “succès” apparents ont été mal interprétésparce que le conflit sous-jacent était ignoré. »

Même lorsqu’il y a des tentatives pour traiter les inégalitésentre les groupes ethniques, religieux ou linguistiques, destensions intercommunautaires peuvent naître. Paradoxale-ment, le fait de cibler des minorités afin qu’elles soient lesbénéficiaires de programmes peut aussi conduire à destensions, en particulier quand ceux qui sont relativementmoins riches pensent qu’ils en souffriront en conséquence.Le système de quotas pour les Dalits en Inde, qui inclutdes quotas pour les nominations politiques et pour lespostes de la fonction publique, a causé des agressions phy-siques contre les Dalits. Par exemple, au Tamil Nadu, deviolents incidents ont eu lieu quand d’autres communau-tés exclues ont visé les Dalits :

« Il y a eu des affrontements entre les Vanniyars et lesDalits ou entre les Dalits et les Thevars. Paradoxale-ment, certains de ces incidents se sont produits enréponse à des améliorations des conditions de vie de lacommunauté dalit, à sa consolidation comme forcepolitique, ainsi qu’aux avantages dont elle bénéficiesous la protection de l’Etat dans le cadre des politiquesde “quotas”. » 92

Cet exemple souligne l’importance du choix des formes deprogrammes ciblés et d’approches de discrimination posi-tive pour s’assurer qu’elles n’accroissent pas le ressentiment

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22 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

et ne provoquent pas de conflit. Les projets entretenantles relations intercommunautaires, ainsi que des cam-pagnes informatives et médiatiques publiques, peuventjouer un rôle important pour encourager la compréhen-sion entre communautés pour éviter de telles tensions.Une approche globale pour traiter la discrimination estnécessaire dans les actions de développement.

Les modalités de mise en oeuvre d’initiatives de déve-loppement peuvent être entremêlées avec la question desidentités et aussi éveiller des tensions, en particulier parcequ’elles peuvent affecter le mode de vie. En Chine, denos jours, des projets importants dans les régions minori-taires et autonomes sont accompagnés de slogansvalorisant l’identité nationale et au Nicaragua, dans lesannées 1980, la perception qu’avaient les peuples de laCôte atlantique de ne pas appartenir à l’Etat nicara-guayen et de ne pas en être reconnus a été renforcée parun sentiment d’isolation et de misère économique. Desentreprises américaines présentes sur la côte ont créé desemplois, ce qui a accentué le sentiment des peuples de lacôte atlantique d’avoir une culture séparée, plus compa-tible à la culture anglo-saxonne. Cependant,l’introduction d’une législation adaptée a été lente. Legouvernement central a passé des accords avec des entre-prises privées pour exploiter des ressources naturelles surles terres de communautés autochtones contre leur volon-té, une pratique condamnée par la Cour interaméricainedes droits del’homme.

Le boom économique chinoisbasé sur une distributiondisproportionnée des richessesaccroît le risque de conflit 93

La stupéfiante croissance économique en Chine au coursdes deux dernières décennies n’atteint pas les communau-tés minoritaires. Ceci, en combinaison avec la protectioninsuffisante de l’identité, avec la marginalisation politiqueet avec la militarisation « pour freiner les menaces interneset régionales » dans la région autonome de Mongolie-Inté-rieure (IMAR), la région autonome du Tibet (TAR) et larégion autonome de Xinjiang Ouïgur (XUAR), suscite destroubles et augmente les tensions. La politique macroéco-nomique de la Chine a mis l’accent sur la croissanceéconomique sans considérer la durabilité du développe-ment et est déterminée largement par des considérationsmilitaires et politiques. Menée au sein du Programme deprévention des conflits de MRG, la recherche de HumanRights in China (HRIC) concentrée sur la situation desMongols, des Tibétains et des Ouïgurs révèle l’exclusionéconomique des minorités et la montée des tensions. La

protection des minorités en vigueur dans le droit nationalest ignorée pour des considérations de sûreté nationale etle souci de préserver l’unité nationale.

Le développement se caractérise par une exploitationdes ressources vers le centre, une inégalité dans la distri-bution de services de base et un manque de débouchéspour les minorités mis en évidence par leur sous-repré-sentation massive dans le secteur du travail. Des niveauxd’études plus faibles (un nombre peu important d’ins-criptions, des chiffres élevés d’abandon) et l’obligationrépandue de parler couramment le mandarin constituentdes exemples de facteurs prohibitifs limitant l’accès àl’emploi ; et cette situation est encore pire pour lesfemmes des minorités. Même les minorités qui ont reçuune bonne éducation ne réussissent pas à trouver de tra-vail parce qu’ils sont confrontés à une discriminationdirecte du fait qu’ils ne sont pas des Chinois Hans. Cer-taines personnes intérogées d’origine ouïgur ont rapportéque lorsqu’ils avaient postulé à des emplois, lesemployeurs potentiels leur avaient dit: « Nous ne voulonspas de vous ». Il y a aussi eu des exemples d’annonces derecrutement discriminatoires lors de foires au travailmentionnant: « Ouïgurs s’abstenir ».94 Les Tibétains sesentent exclus des réseaux et des connections hans. Dansl’IMAR, les Mongols ont été blâmés pour appauvrir lespâturages et ont été déplacés de force sans compensation,pour « restaurer les pâturages ».95

La Chine a lancé la Stratégie du développement del’Ouest en 2001 pour traiter les inégalités entre les zonesrurales et urbaines (à la suite d’une pression internationaleconsidérable). Ce faisant, la Chine a reconnu l’effetpotentiel des inégalités sur l’instabilité et le besoin de lestraiter pour promouvoir la stabilité et l’unité. Bien qu’unecroissance ait été observée dans certaines des régions auto-nomes, les inégalités entre le centre et la périphériedemeurent. Des ressources minérales considérables sontextraites de la périphérie et le nombre important d’em-plois générés est allé aux populations hans des régionsautonomes, au lieu de bénéficier également aux minoritésnationales de ces régions. La Xinjiang Production andConstruction Corps (société de construction), basée dansla XUAR a un effectif d’environ 2,5 millions et la vastemajorité des employés sont des Chinois Hans qui, à l’heu-re actuelle, constituent environ 13 % de la population dela région. Des colons hans s’installent en grand nombredans les régions autonomes en quête des nouveauxemplois et la démographie se modifie. Les minoritésvoient cette « colonisation » interne comme une assimila-tion intentionnelle. Malgré le contrôle et la répression del’Etat, les incidents violents à travers la Chine sont enaugmentation selon les statistiques officielles. Ceci concer-ne aussi bien les minorités que les Hans au fur et à mesureque le mécontentement croît. La « colonisation » han pro-

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23DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

voque rancoeurs et tensions et s’ajoute aux difficultésactuelles. Il y a aussi eu quelques incidents entre minori-tés, par exemple entre les Tibétains et les Huis danscertaines zones du Tibet, à cause de la forte concurrencepour les emplois.96

L’exclusion économique et laconcurrence pour l’accès auxressources : un rôle majeur auDarfour

Le Darfour a été longtemps négligé par les gouvernementssuccessifs. Il y a au Darfour une concurrence considérablepour l’accès aux ressources entre les fermiers agropasto-raux, sédentaires et semi-nomades. Les questions d’accès àla terre ont été de longue date une source de conflit pourles communautés (y compris les communautés arabes) etles escarmouches intertribales de petite envergure n’étaientpas rares.97 La concurrence s’est accrue avec les crises éco-logiques des années 1970. Les tensions furent davantageexacerbées au cours des décennies suivantes par l’affluxd’Arabes semi-nomadiques pastoralistes du Tchad, sou-vent armés, en quête de terres pour subvenir à leursbesoins. Durant les années 1980 et les années 1990, cesconflits mineurs se sont de plus en plus polarisés sur ladistinction entre « Arabe » et « non Arabe », ou les lignes« africaines », et ont été envenimés par le gouvernementcentral (le gouvernement central soutenant la saisie deterres par certains groupes). Des dispositions territorialesfurent introduites pour modifier les rapports de force etune idéologie de supériorité raciale fut promue à l’en-contre des « non Arabes » et des « Africains ». Bien que leconflit du Darfour et le génocide soient maintenantdavantage liés aux politiques du gouvernement de Khar-toum exerçant et accentuant son pouvoir, la source de lacrise se trouve dans l’exclusion économique et la concur-rence pour l’accès à des ressources rares. Si les divergencesstructurelles concernant les querelles territoriales et lesproblèmes d’exclusion politique et de marginalisationrégionale avaient été réglés plus tôt et adéquatement, lasource du différend se serait considérablement affaiblie, etil aurait pu être difficile pour le gouvernement et lesinsurgés de se mobiliser.98 La résolution de la situationdans le Darfour nécessitera un examen de l’accord de paixde mai 2006 et l’octroi d’une attention plus grande auxdroits économiques de toutes les communautés.

Conflit de développementDéclaration des Nations Unies sur le droit au développe-ment, Article 2.3 :

« Les Etats ont le droit et le devoir de formuler despolitiques de développement national appropriéesayant pour but l’amélioration constante du bien-êtrede l’ensemble de la population et de tous les individus,fondée sur leur participation active, libre et utile audéveloppement et à la répartition équitable des avan-tages qui en résultent. »

« Conflit de développement » (ou conflit lié au développe-ment) est le terme souvent utilisé pour faire référence à unconflit induit par des projets de développement exploitantabusivement les ressources de populations minoritaires etautochtones, causant dans le pire des cas un déplacementforcé. Des projets avides de ressources, mal gérés etcontrôlés hiérarchiquement, tels que les projets de réserveset de tourisme, les usines hydroélectriques et les barragesde grande envergure, peuvent avoir un impact négatifmajeur sur la subsistance et le bien-être des minorités,détruisant souvent leur support économique et sapant leurculture et leurs traditions. MRG a poursuivi une cam-pagne en partenariat avec des organisations en Afrique, enAsie et en Amérique du Sud, dans des endroits où des vio-lences ont été le résultat d’initiatives de développement(quelquefois avec la participation de multinationales maisaussi l’Etat) qui violent les droits des populations minori-taires et autochtones.

Exploitation des ressources etconflit aux PhilippinesLe « conflit de développement » se retrouve fréquemmentaux Philippines. L’exploitation des ressources des commu-nautés a provoqué des conflits entre communautés, ausein de communautés, et entre les communautés et lesgrade entreprises. On peut citer en exemple le cas de l’ex-ploitation des terres des Ata-Manobos, traditionnellementdes populations autochtones de Talaingod de Mindanaopratiquant la chasse et la cueillette. En accord avec le plande reforestation, l’accord sur l’exploitation industrielle dela forêt (Industrial Forest Management Agreement –IFMA), la société Alcantara and Sons (Alsons) a obtenuen 1989 un permis l’autorisant à travailler sur la plusgrande partie des terres de la ville de Talaingod. A l’insudes Ata-Manobos, le maire et certains de ses alliés ontensuite accepté d’autoriser Alsons à élargir la superficie enjeu, incluant Langilan (qui ne fait pas traditionnellementpartie de Tailangod). Les Ata-Manobos ne s’en sont ren-dus compte qu’en 1991 lorsque le maire a organisé uneréunion avec eux et Alsons. Les Ata-Manobos furentencouragés à accepter des emplois de reboisement. Endépit des promesses faites, les salaires ne furent pas payéset il n’y eut pas suffisamment de travail pour tous – ycompris pour la plupart des habitants de Langilan. Le

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24 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

chef de Langilan n’avait pas accepté la proposition de l’ex-tension à son village et était furieux. Peu après lesAta-Manobos furent informés qu’ils ne pouvaient pas fairede cultures dans la zone et qu’ils seraient déplacés ailleus ;puis les bulldozers arrivèrent. En 1993, les Ata-Manobosdéclarèrent qu’ils défendraient leur terre jusqu’à la mort.Ils présentèrent une résolution déclarant que Langilan nefaisait pas partie de Talaingod mais les dirigeants pro-IFMA la refusèrent. En résumé, en 1994, un bataillonmilitaire entra dans la ville, des maisons furent pillées, desrécoltes furent détruites et des animeux périrent. Les Ata-Manobos présentèrent pacifiquement leurs doléances auxautorités de la ville. Avec le support d’organisations nongouvernementales (ONGs) et de militants, un accord futconclu déclarant que Langilan ne serait pas inclus dansl’exploitation et qu’une étude en déterminerait les limites.Cependant, aucune étude n’a jamais été réalisée. Enconséquence, les communautés s’affrontèrent et de nom-breuses morts en résultèrent.99

Rôle de l’inclusion économiquedans la diffusion des tensionsDans un petit nombre de cas, un effet positif a été notélorsque l’on a pris soin de s’attaquer à la racine des causesd’exclusion économique ou d’exclusion du développementdans les conflits. En Irlande du Nord, une série de méca-nismes variés a réduit les inégalités dans les domaines del’éducation et de l’emploi, encourageant le soutien au pro-cessus de paix parmi la minorité catholique. Ces initiativescomprennent la loi de 1989 pour l’égalité en matièred’emploi qui rend illégale la discrimination indirecte, lacréation d’un tribunal recevant les plaintes, le contrôle durecrutement et de l’emploi, ainsi que des mesures limitéesde discrimination positive ; outre l’établissement de laCommission pour l’égalité en 1998. Stewart décrit la façondont une réduction depuis les années 1980 des inégalitésdues à l’appartenance religieuse – y compris les inégalitésconcernant le revenu et le logement, une amélioration del’accès à l’enseignement supérieur et une réduction limitéedes inégalités dans la police – contribue à expliquer la «bonne disposition de la communauté catholique à mettrefin au conflit « conflit de développement ».100 En Répu-blique de Macédoine, l’accord-cadre d’Ohrid de 2001mettant fin au conflit entre la majorité macédonienne et laminorité albanaise tient beaucoup compte de l’inclusionéconomique, y compris en ce qui concerne l’emploi dansla fonction publique. Cependant, sa mise en oeuvre estlente et une attention insuffisante est portée aux droitsd’autres communautés minoritaires plus petites, parexemple les Roms. Dans son étude comparative sur lesinégalités horizontales dans un certain nombre de pays,Stewart101 remarque qu’il se peut que les plus pauvres au

sein d’une communauté économiquement dominante dansle passé souffrent des conséquences de politiques de discri-mination positive. Une vague de ressentiment au sein de lacommunauté majoritaire a été observée en Macédoine eten Irlande du Nord. Le processus de critique important ettransparent des mécanismes variés présents en Irlande duNord devrait remédier à ce problème.

Droits fonciers et droit depropriétéLes territoires figurent au coeur de nombreux conflits liésaux droits des minorités. Ce n’est guère surprenant puis-qu’ils ont constitué de tout temps l’une des sources clés deconflit autant entre Etats qu’à l’intérieur des Etats. Maisen ce qui concerne les conflits faisant intervenir des mino-rités, ils représentent à la fois une cause d’attaque contreles minorités et une question pouvant souvent pousser lesminorités à se soulever, souvent des générations après leurperte initiale.

Attaques contre les minoritésLes terres sont convoitées pour de nombreuses raisons. Lesmoindres d’entre elles ne sont pas l’apport de ressourcesnaturelles, telles que la terre arable, la pêche, les minéraux,le pétrole, l’eau, ou, dans le monde actuel, le tourisme. Ilse peut parfois que l’armée ou d’autres autorités étatiquesveuillent acquérir certains emplacements pour y établirleurs bases.

Alors qu’une terre de valeur peut se trouver n’importeoù, lorsqu’elle est occupée par des minorités, le risquequ’elle soit saisie et que les minorités soient expulsées estsouvent accru. Les raisons en sont principalement liées aumanque d’accèss au pouvoir des minorités. Elles obtien-nent rarement des droits légaux sur leurs terres, et quandceux-ci existent en théorie, on les fait rarement respecter.Ainsi les autorités, ou la population majoritaire, peuventfinir par empiéter sur des terres minoritaires ou mêmeexpulser toute la communauté. Ceci requiert générale-ment des formes de la violence ou la menace de laviolence.

De telles expulsions se sont produites tout au cours del’histoire. Cependant, des problèmes particuliers surve-nant de nos jours ont été causés par la saisie de terresappartenant à des populations autochtones durant l’èrecoloniale et par la suite. La justification coloniale étaitsouvent que la terre était « vide» (terra nullius) et pouvaitêtre saisie par des colons ou par d’autres sans tenir comptede l’impact sur les populations concernées. Les saisies deterre et les expulsions de populations ont été particulière-ment dommageables puisque les populations autochtonesavaient souvent une conception de la propriété foncièredifférente (collective et/ou nomade) de celle de titre indi-

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25DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

viduel, de telle sorte que la perte de leur terre déchiraitsouvent le tissu de leur société.

L’autre raison de la saisie de la terre vise spécifiquementl’expulsion des populations minoritaires ou autochtones,c’est-à-dire le « nettoyage ethnique » ou le « nettoyage sec-taire ». Ceci se produit souvent au cours de guerres et autresconflits violents. Dans ces moments en particulier, lesminorités peuvent sembler déloyales et leur expulsion facile.Par ailleurs, les minorités, comme d’autres groupes, peuventsimplement fuir la guerre, mais retrouver leurs propriétés etlogis saisis et impossibles à récupérer. Ou bien les minoritéspeuvent se trouver au milieu d’une guerre ne les concernantpas directement, mais au cours de laquelle leurs propriétéssont néanmoins détruites et saisies (encore une fois souventà cause de leur impuissance manque d’accèss au pouvoir).L’expérience du peuple assyrien en 1915, et de nouveaudans les années 1980, peut être donnée en example.

La persistance des revendicationsterritorialesLes minorités, en conséquence, perdent souvent leursterres, de façon très violente. Le point notable est que lesrevendications territoriales persistent pendant de nom-breuses années, en fait pendant des générations,conduisant au conflit très longtemps après la saisie initia-le. Comme ceci a été mentionné précédemment, il s’agitd’une question au nom de laquelle de nombreuses minori-tés sont prêtes à avoir recours à la violence. Plusieursraisons l’expliquent.

En premier lieu, de nombreux emplacements revêtis-sent une importance particulière pour l’identité culturelleou religieuse d’une minorité. La plupart des religions ontdes sites ou des cités sacrés. Il suffit de considérer l’histoirede Jérusalem, considérée sacrée par trois religionsmajeures, pour réaliser que les peuples sont prêts à tuer età mourir pour des lieux sacrés à leurs yeux. Des commu-nautés bien plus petites peuvent aussi avoir desemplacements sacrés particuliers. La culture, la religion etles traditions de la communauté d’Endorois au Kenyasont centrées autour du Lac Bogoria. Les Endorois furentexpulsés de la région du Lac Bogoria dans les années 1970mais maintiennent toujours des traditions collectivesfortes dont ce lac est le centre. Il semble que pour certainsemplacements particulièrement importants, tant que lacommunauté continuera d’exister, les traditions liées à sesdemeures sacrées seront transmises.

Ces traditions s’apparentent à la notion de foyer. Ilpeut s’agir d’un foyer en tant que communauté ou simple-ment des maisons perdues elles-mêmes. Un exemple enest la tradition parmi, et les Juifs et les Palestiniens, degarder les clés de leurs maisons ancestrales pour le jour deleur retour. Cet exemple montre bien l’importance du lieuprécis pour le peuple.

Mais une autre raison sous-jacente à la relation entreles revendications territoriales et la violence est que lesminorités réalisent souvent que la perte de leurs terres estle début d’une détérioration dramatique leurs conditionsde vie. Dès qu’elles sont expulsées de chez elles, les mino-rités peuvent devenir des réfugiés dans d’autres pays, dansdes situations d’extrême pauvreté et d’isolation qui persis-tent souvent génération après génération. Des exemples decette situation en sont les Juifs d’Europe, les Palestiniensdans de nombreux pays aujourd’hui, et les Chagossians àl’Ile Maurice et au Royaume Uni. Les peuples autochtonesen particulier peuvent considérer la perte de leurs terrescomme la perte de tout un mode de vie, perte dont ils sesont rarement relevés (par exemple en Australie, aux Etats-Unis d’Amérique [EU] ou au Canada). Dans cescirconstances, il est peu surprenant que le désespoir puisseles conduire à des tentatives désespérées pour reprendrepossession de leurs terres, vu comme le seul moyen deretrouver leur prospérité et leur mode de vie passés.

La Résolution des conflits territoriauxEtant donné l’importance et la persistance des questionsterritoriales comme source de conflit, il est extrêmementsurprenant qu’on ne cherche pas à remédier à cette ques-tion de façon plus systématique. Il est vrai que la loiinternationale offre une certaine protection. Le droit à lapropriété est reconnu dans de nombreux documents, ycompris le droit à des compensations pour les pertes deterres et à la restitution de terres saisies illégalement.102

Récemment, certains peuples autochtones ont commencéà faire reconnaître formellement leur droit à la terre,notamment en Australie, en Nouvelle Zélande, au Nicara-gua et aux Philippines. En Bosnie-Herzégovine (BiH), unprojet très bien financé a résolu des problèmes relatifs audroit de propriété pour plus de 90 % des personnes dépla-cées dans la région.103 Le droit de propriété des réfugiéskurdes sur leurs maisons traditionnelles, même en l’absen-ce de preuve écrite, a été reconnu par la Cour européennedes droits de l’homme. Mais dans leur vaste majorité, lescas de terres revendiquées par des minorités et les conflitsterritoriaux dans le monde restent sans solution, et ungrand nombre d’entre eux peuvent s’embraser toutmoment. Même lorsque des tribunaux ont été établis enprincipe, comme en Iraq, au Kosovo et au Nicaragua, enpratique ils n’ont même pas réussi à prouver la validité desrevendications de propriété, et certainement pas à restituerphysiquement la propriété aux propriétaires originaux. Lesfemmes des communautés minoritaires doivent parailleurs faire face à de nombreuses difficultés concernantleur droit de propriété et l’accès à la propriété.

Lorsqu’une tentative de résolution d’une question depropriété se solde par un échec, cela accroît la colère desintéressés. La raison clé des échecs successifs, jusqu’à

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maintenant, des tentatives de résolution du conflit chy-priote est l’incapacité à produire un accord sur les droitsfonciers conduisant au retour dans les foyers et que toutesles parties considèrent respectueux de leurs droits.

Conclusions et solutionsLes exemples donnés dans ce rapport mettent en évidencela façon dont l’exclusion économique, l’exclusion du déve-loppement et les divisions concernant les terres peuventexacerber les tensions entre les communautés et l’Etat. Ilsillustrent aussi l’importance pour favoriser la stabilité, àpart des obligations internationales visant à promouvoirles droits, de la prise en compte par les organismes dedéveloppement (y compris les gouvernements nationauxet locaux) des effets des politiques de développement etdes programmes sur les relations entre les différentes com-munautés. L’exclusion économique et l’exclusion duprocessus de prise de décision tendent à être jointes à destensions conduisant au conflit, de telle sorte que les effortsfaits dans le domaine des inégalités économiques devrontêtre associés à des efforts pour promouvoir la participationpolitique des minorités. Il est nécessaire que la reconnais-sance des minorités et la protection de leur identité soientpromues pour s’assurer qu’un développement fondé sur ledroit est une réalité.

Il est nécessaire de s’occuper de ces questions pour évi-ter que des tensions ne se transforment en causes deconflit. De plus, le contrôle des politiques et des pro-grammes de développement par le biais de donnéesventilées par ethnie et par sexe devra constituer une étapeimportante. Une réelle participation des minorités estnécessaire tout au long du déroulement des politiques,programmes et projets de développement, dans la concep-tion, la mise en oeuvre et les avantages – incluant lesfemmes et les hommes des minorités. Les programmes etles budgets devraient être contrôlés selon la géographie,l’ethnie et le sexe, et avec la participation des femmes etles hommes des minorités. Au cas où un projet de grandeenvergure affecterait une communauté, une proportionéquitable des profits devrait aller aux communautés mino-ritaires ou autochtones. Si le conflit s’est déjà produit, unetelle approche continuera d’être essentielle comme leseront le développement et la mise en oeuvre de méca-nismes destinés à corriger les inégalités.

Les systèmes en place pour punir et éliminer la discri-mination sont essentiels et relativement non controversés ;les outils juridiques comprennent le Pacte internationalrelatif aux droits économiques, sociaux et culturels(PIDESC) Article 2.2.104 Lorsque la pratique de traiterpurement et simplement les minorités de la même façon

que les majorités sera insuffisante à extraire les commu-nautés de l’exclusion économique et de la discrimination,des mesures spéciales seront nécessaires pour servir decomplément aux mécanismes de lutte contre la discrimi-nation. La forme prise par la discrimination positivedépendra du contexte. L’élimination d’obstacles tels queles bas niveaux d’éducation sera souvent très efficace etmoins controversée. Cependant, des systèmes de « discri-mination positive » et de quotas peuvent être requis dansles situations où les inégalités sont très importantes.105

Ceux-ci devraient être revus périodiquement pour s’assu-rer que les mesures ne sont plus en usage lorsqu’elles nesont plus requises. Les communautés majoritaires doiventaussi être informées pour comprendre que le travail visantà promouvoir l’inclusion économique des minorités ne lesprivilégie pas les minorités – et qu’il cessera quand l’exclu-sion et la discrimination seront vaincues.106

Les principes fondamentaux dans la recherche de solu-tions aux conflits territoriaux et fonciers sont relativementsimples. Tout d’abord, il faut comprendre les différentesquestions pouvant intervenir dans ces conflits. Il peuts’agir d’une question collective (c’est souvent le cas pourles populations autochtones) ou d’une question concer-nant des familles ou des propriétés individuelles. Laposition des femmes est particulièrement importante.Ensuite, il faut reconnaître les deux questions se rappor-tant à la terre, l’une d’ordre économique et l’autre serapportant à l’identité. La question économique corres-pond à une perte de propriété et demande compensation.La question se rapportant à l’identité nécessite la restitu-tion de la propriété, quelque soit la durée écoulée depuissa perte, ou tout au moins le libre accès aux lieux sacrés.Enfin, les solutions doivent couvrir l’ensemble du problè-me et survenir rapidement. En particulier, lorsque lapropriété et la terre on été perdues récemment, la restitu-tion devrait se faire aussi vite que possible. Plus le conflitdure, plus la résolution devient difficile. Et si une com-munauté a le sentiment qu’il n’y a pas eu d’accord final, larancoeur s’envenimera.

En conséquence, les solutions nécessitent un accordglobal. En ce qui concerne les droits fonciers, une partieessentielle est d’ordre juridique – un accord reconnaissantles droits de ceux ayant occupé la terre dans le passé etayant été expulsés injustement. Ces droits peuvent êtrecollectifs, familiaux ou individuels. La propriété tradi-tionnelle, et pas seulement les titres enregistrés, doiventêtre reconnus – mais le statut particulier des femmes doitêtre pris en compte. Quand il y a une reconnaissancejuridique des droits fonciers des minorités, ceux-ci doi-vent être appliqués, et la terre doit être restituée etprotégée.

26 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

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27DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Lorsque les peuples et les individus ressentent fortementl’injustice qui leur est faité, la violence est beaucoup plussusceptible d’éclater. Le sentiment d’injustice non seule-ment accroît considérablement le sentiment d’aliénationvis-à-vis de l’ensemble de la société, mais aussi a souventpour résultat le rejet du blâme pour cette injustice sur lesautres peuples ou religions. Les relations entre les commu-nautés s’enveninent, souvent pour des générations. Lesrancoeurs persistantes contribuent à déclencher desconflits des décennies et même des siècles après le problè-me originel. L’injustice peut être ressentie à la fois par lescommunautés minoritaires et majoritaires. Cette sectionconduira à des conclusions sur ces points particuliers.

De l’injustice au conflitIl semble y avoir deux éléments essentiels dans la relationentre l’injustice et le conflit. Tout d’abord, il existe desviolations massives des droits des minorités, historiques ouse déroulant à l’heure actuelle. Ensuite, on constate l’ab-sence de mécanismes efficaces pour combattre l’injustice(c’est-à-dire pour l’étudier, l’évaluer et y apporter unremède).

Injustices historiquesLes catégories d’injustices historiques susceptibles d’êtreimportantes dans les mémoires collectives sont essentielle-ment celles de crimes de masse contre les peuples. Il s’agitde mémoires de génocides et autres tentatives de destruc-tion de communautés, pour les groupes tels que lesAborigènes en Australie, les Arméniens et autres dansl’Empire ottoman, ou bien les Juifs, les Roms, les Serbeset autres pendant la seconde guerre mondiale. Le « net-toyage ethnique » et l’expulsion des terres historiquesrestent aussi gravés dans les mémoires pendant de nom-breuses années, comme dans le cas de peuples autochtonesde par le monde, tels que les Acadiens au Canada et, àdifférentes dates, les Juifs et les Palestiniens en Israël/Pales-tine. On se souvient encore des siècles après d’autrescrimes ayant affecté de nombreux peuples, tels que ladéportation vers l’esclavage de millions d’Africains. Dansles endroits tels que l’Iraq ou l’ex-Yougoslavie, la mémoirehistorique de crimes commis contre de nombreux peuplesà différentes dates peut continuer d’empoisonner les rela-tions entre presque toutes les communautés.

Ce qui émerge de toutes ces observations est que lamémoire de telles injustices peut envenimer les relations

entre les peuples pendant des générations et mener finale-ment à des violences. Tandis qu’un tel ressentiment estparticulièrement aigu tant que les victimes sont toujoursvivantes (ce qui est le cas pendant des décennies aprèsl’évènement), la mémoire se perpétue pendant des siècles.Ceci peut être particulièrement aigu quand il y a eu pertede terres historiques, puisque les terres demeurent claire-ment identifiables mais sous occupation par un autrepeuple. La perte de territoires est un crime similaire à l’es-clavage et à la déportation, étant souvent perçue par unpeuple comme la cause de leur pauvreté aujourd’hui. Uncrime peut être si horrible qu’un peuple ne peut pas l’ou-blier. Le ressentiment peut être accru cependant par lestentatives de nier ou d’oublier les crimes, surtout si c’estpar l’Etat ou les peuples les ayant commis.

Trois questions peuvent sembler importantes dans lamémoire collective de crimes historiques conduisant à laviolence. La première est l’impression que le crime histo-rique n’a pas été réparé, ni même, dans de nombreux cas,été reconnu. La seconde, liée à la première, sera une ten-dance à blâmer des peuples entiers pour les crimes, parexemple les Arabes, les Croates, les Juifs, les Serbes. C’estle cas surtout lorsque personne, ou peu d’individus, n’acomparu devant les tribunaux. Enfin, il peut y avoir unetendance chez un peuple ayant une histoire d’oppression àcroire que les crimes commis contre lui donnent le droit àune compensation aux dépens d’un autre peuple, parexemple en saisissant ses terres.

Injustices se déroulant à l’heure actuelleD’un ordre différent, mais également importante, est lacroyance collective d’une minorité qu’elle est traitée injus-tement aujourd’hui. Beaucoup, sinon la plus grandepartie, du traitement conduisant aux sentiments d’aliéna-tion et de colère se perpétuant relève de ce qu’on appelleaujourd’hui la discrimination – c’est-à-dire le fait qu’unecommunauté et les individus lui appartenant sont traitésnettement plus mal que d’autres à cause de leur race/eth-nicité, de leur langue ou de leur religion. Ce phénomèneest plus important quand la discrimination est répandueou systématique, et se produit généralement dans desdomaines de la vie quotidienne – tels que l’éducation, lemaintien de l’ordre et le travail. La discrimination peutêtre officiellement autorisée, comme dans l’apartheid ;peut être un mode de vie depuis longtemps accepté(comme avec les Dalits et les Roms) ; ou peut être unnouveau développement tel que la discrimination dont les

Justice

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28 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

immigrants récents font souvent l’expérience. Il est pos-sible de faire l’expérience de la discrimination maintesfois, à cause de son âge, de sa caste, de son handicap, deson ethnicité, de sa religion, de son sexe, de sa sexualité,etc. La discrimination dans une société commence sou-vent avec la Constitution ou la structure du systèmepolitique. Un Etat qui se déclare être « celui d’ » une reli-gion ou ethnicité particulière, ou accorde un statutprivilégié à certains groupes dans son système politique,excuse dans les faits la discrimination quotidienne contreles autres. Ou bien, comme en Iraq, la Constitution peutclairement orienter le système judiciaire en faveur d’unereligion ou d’un groupe.107

Les sentiments d’injustice et d’humiliation qu’une tellediscrimination crée chez ceux qui en souffrent peuventconduire à la violence. Ils éloignent les communautés dureste de la société et, encore une fois, encouragent unetendance à blâmer d’autres communautés. Paradoxale-ment, une légère amélioration de la situation d’unecommunauté (ainsi qu’un accroissement des communica-tions avec l’extérieur et de la connaissance du reste dumonde) peut engendrer un risque accru de violence, enfaisant prendre conscience à la communauté que sa situa-tion d’infériorité n’est pas tolérable.

Absence de mécanismes pour s’attaquerà l’injusticeLe facteur crucial poussant à la violence dans une situationoù une communauté a souffert ou souffre d’injustice estpeut-être le fait qu’elle pense qu’il n’y a aucun mécanismequi puisse identifier et apporter un remède à ces injustices.

Le remède fondamental à l’injustice a été comprispendant des siècles comme un « système de justice », ouce qu’on appelle souvent la « primauté du droit ». En cequi concerne les injustices qui se perpétuent, il est néces-saire d’avoir des lois claires rendant illégales de tellespratiques (notamment une loi contre la discrimination)et un système de justice appliquant de telles lois; c’est-à-dire identifiant de telles pratiques, y mettant une fin etapportant un remède à ceux ayant souffert de torts.Quant aux activités criminelles, le système devrait enidentifier les auteurs (et en particulier les chefs et incita-teurs) de tels crimes, les poursuivre et les punir.108

En ce qui concerne les crimes historiques, la réponseest tout d’abord une enquête et la reconnaissance desfaits, ainsi que de la responsabilité des individus encause. Ensuite, il est vital d’engager des poursuites etd’accorder des compensations si les auteurs et les vic-times sont toujours vivants. Si ce n’est pas le cas, unsystème de compensations justes pour une communautéest requise, que ces compensations soient financières ousoient éventuellement, certainement dans le cas d’un ter-ritoire, la restitution de ce qui a été perdu.

Pour les minorités tout particulièrement, de telsmécanismes sont cruciaux. Du fait de leur manque depouvoir politique, elles ont besoin de lois fortes, de sys-tèmes judiciaires objectifs et forts, ainsi que d’autressystèmes pour faire respecter ces lois en leur nom. Maiselles auront besoin d’une assistance spéciale pour bénéfi-cier de ces lois, notamment pour être informées de leurexistence, ainsi que d’une aide d’ordre juridique et autrepour avoir accès au système de litiges et de poursuites.De plus, il est très important de s’assurer que les groupesauront la possibilité de s’engager dans le système juri-dique dans leur propre langue. Des actions au niveau dugroupe doivent être reconnues et financées par l’Etat oud’autres organisations menant des campagnes de préven-tion de la violence.

La discrimination au sein du système judiciaire lui-même est l’une des sources les plus évidentes dedoléances quotidiennes pour les minorités. Dans le cadrede la justice criminelle, les minorités sont très souventles groupes souffrant d’interpellations, d’arrestations, depoursuites et de condamnations ; et ne bénéficiant pasd’une enquête équitable des crimes commis contre eux.Les minorités peuvent sentir qu’elles ne peuvent rienattendre d’un système judiciaire animé d’un parti-priscontre elles à tous les niveaux. Et il se peut que leurmanque de ressources économiques et souvent leur inca-pacité à parler la langue majoritaire leur interdisentl’accès à la justice. Quand le système judiciaire est perçucomme étant partial contre les minorités par nature, desinitiatives à forte visibilité pour examiner une discrimi-nation enracinée de la sorte et pour proposer deschangements radicaux, telles que l’enquête concernantStephen Lawrence au Royaume-Uni, peuvent être laseule manière de commencer à restaurer la confiance.

Cependant, en dépit de l’importance de cette question,elle ne joue toujours pas de rôle principal dans la préven-tion des conflits. Traditionnellement, la primauté du droitn’a pas été considérée comme ayant une importancemajeure après les conflits, par rapport aux élections ou audéveloppement économique, par exemple. Dans une cer-taine mesure, des changements sont survenus, les NationsUnies ayant maintenant une unité consacrée à la primautédu droit dans le Département des opérations de maintiende la paix (DOMP) des Nations Unies, et avec la création,tout d’abord des tribunaux consacrés à l’ex-Yougoslavie etau Rwanda, et maintenant de la Cour Internationale deJustice (CIJ). Les tribunaux et la CIJ ont reçu le mandatde traiter les crimes les plus sérieux, en grande partiecontre les minorités. De ce point de vue, la Commissionvérité et réconciliation sud-africaine a été considéré commeun modèle du genre.

Les réalisations ont été largement limitées au droitcriminel et, même dans ce domaine, à des cas à haute

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29DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

visibilité. Les enquêtes et procès ont été d’une duréeinhabituelle, rendant la justice et la réconciliation trèsdifficile. Le cas le plus remarquable est celui du procèsde Slobodan Milosevic qui, en dépit du mauvais état desanté de Milosevic, a duré quatre ans et où la justice n’apas été rendue à cause de sa mort ; alors que le procèsdes plus importants criminels nazis à Nuremberg a prisenviron un an.

Alors qu’un mouvement vers des lois plus complèteset efficaces contre la discrimination a été amorcé, en par-ticulier en Europe et en Afrique du Sud, elles ne sonttoujours pas considérées comme l’une des étapes cru-ciales pour la prévention des conflits.109 Et ce en dépit dufait que l’interdiction de la discrimination est une condi-tion requise fondamentale du droit international. Parrapport aux larges sommes dépensées pour organiser desélections et promouvoir la démocratisation, très peud’argent l’a été pour donner aux minorités accès à la jus-tice, par exemple par une assistance lors de la gestion delitiges.

Le travail pour la prévention des conflits n’abordetoujours que rarement la justice en faveur des minoritésde façon systématique, que ce soit dans le cas des injus-tices existantes ou des injustices historiques. La justicedoit être rendue au niveau le plus local possible pours’assurer que, du point de vue des minorités, la justicen’est pas seulement faite, mais est perçue ainsi. Maisdans de nombreux pays, les systèmes de justice ne met-tent pas en oeuvre leurs décisions et, au mieux, lesminorités doivent avoir recours aux cours internatio-nales, comme certaines le font de plus en plus. Parexemple, au Nicaragua, les minorités ont dû aller à laCour interaméricaine des Droits de l’Homme à cause deleur échec à obtenir justice sur les droits territoriaux et laparticipation politique.

Conclusions et solutionsUn système judiciaire qui fonctionne est crucial pourtraiter les problèmes sous-jacents vécus par les minorités.Il est essentiel que le système judiciaire traite des ques-tions suivantes, en particulier après un conflit violent.

Crime Il est essentiel que l’Etat ait la capacité de traiter et traiteeffectivement les crimes quotidiens contre les minorités, enparticulier lorsqu’il s’agit de crimes violents. Le systèmejudiciaire doit être accessible et impartial, que les minoritéssoient les victimes ou les auteurs présumés d’un crime.

DiscriminationCeci est toujours un domaine largement ignoré, maisqui nécessite des lois couvrant l’ensemble du problème,accessibles et faciles à utiliser pour apporter des remèdesaux doléances, en particulier lorsque la discriminationest étendue ou systématique. Les minorités doivent enêtre pleinement conscientes et être assistées lorsqu’ellesentament des poursuites pouvant faire jurisprudence.

Terres et propriétésLa reconnaissance sans équivoque et la protection dudroit de propriété des minorités sont requises et doiventcorrespondre à leurs besoins et à leur mode de vie (ycompris la reconnaissance de la propriété collective etd’autres formes traditionnelles de propriété).

Le traitement des revendications liées à des injusticeshistoriques nécessite une approche distincte et éventuelle-ment l’établissement d’un organisme spécial. Uneapproche « vérité et réconciliation » ne sera couronnée desuccès que si la réconciliation est fondée sur les droits despeuples.

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30 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Réponses internationales

Le manque de droits des minorités exhaustifs et exécu-tables couvrant l’ensemble du problème peut exacerberles tensions interethniques, comme ceci a été illustrétout au long de ce rapport. Le cadre des droits des mino-rités offre aux gouvernements et organismesinternationaux une méthode permettant de créer et demaintenir des sociétés multiculturelles, justes et paci-fiques ; des sociétés inclusives et cependant capables dereconnaître et de protéger les différences des peuples. Lasuppression des identités, ainsi que les pratiques d’exclu-sion et les pratiques discriminatoires ne favorisent ni ledéveloppement de sociétés stables et ni une paix durable.Les quatre piliers des droits des minorités, c’est-à-dire laprotection de l’identité, la protection de l’existence, l’ab-sence de discrimination (y compris les mesures pourprévenir/combattre la discrimination, et la discrimina-tion positive) et la participation sont les moyens deparvenir à des sociétés inclusives et tolérantes. Le contrô-le des situations des femmes et des hommes des groupesminoritaires représente un bon indicateur de la santéd’un pays, un moyen d’établir la mesure dans laquelle unpays met réellement en application les principes debonne gouvernance. Inversement, des violations desdroits des minorités telles que l’incitation à la haineraciale, l’exclusion politique ou les « manipulations eth-niques » territoriales peuvent servir d’indicateursprécoces qu’un pays court le risque de l’éruption d’unconflit. Traiter ces problèmes en analysant leurs causesprofondes peut empêcher l’irruption d’un conflit ou sarésurgence. En dépit du rôle fort que les droits desminorités peuvent jouer dans la prévention des conflits(ainsi que durant la période suivant un conflit), ils nesont pas suffisamment pris en compte dans la pratique,que ce soit par les gouvernements ou par les organismesinternationaux.

Avec une augmentation des conflits à l’intérieur desfrontières des Etats, un mouvement s’est amorcé vers uneprise de responsabilité internationale dans le cas de vio-lations de droits et de crimes contre l’humanité. On aaussi observé un mouvement vers la reconnaissance dubesoin d’une culture de prévention des conflits et vers lacodification d’un système gradué de prévention, uneaction collective internationale représentant le dernierrecours. L’établissement de la CIJ et celle des tribunauxau Rwanda et en Yougoslavie représentent des étapes trèsimportantes. En 2005, les Etats membres des NationsUnies se sont mis d’accord sur le principe de la « respon-

sabilité de protéger » et les pays africains l’ont intégrédans la Charte africaine des droits de l’homme et despeuples ; la communauté internationale est responsablede la protection des populations contre le génocide, lenettoyage ethnique, les crimes de guerre et les crimescontre l’humanité lorsqu’un Etat ne peut pas ou ne veutpas les protéger.110 Dans la foulée des réformes desNations Unies et des efforts pour codifier la responsabi-lité de protéger, la période actuelle est un momentprivilégié pour connecter l’attention portée aux droitsdes minorités à la prévention des conflits.

La communauté internationale joue un rôle clé pours’assurer que les gouvernements nationaux ont la possibili-té de mettre en place la législation et les mécanismesdestinés à promouvoir et protéger les droits des minorités,et elle doit améliorer ses propres mécanismes de préven-tion des conflits à cet égard. Cette section exposequelques-unes des erreurs de la communauté internationa-le, et tire des leçons quant à la participation des minoritésdans les diverses phases de la prévention des conflits.

Marginalisation etincompréhension des droitsdes minoritésUne série de documents internationalement reconnusapporte une protection juridique aux minorités. Ceux-cicomptent le PIDCP, Article 27 et l’UNDM. CependantMRG a observé à travers ses recherches que les droits desminorités tendent à être marginalisés à l’intérieur du sec-teur des droits humains. L’utilité des droits des minoritésest mal comprise, comme l’est aussi l’aide que cette com-préhension peut apporter dans la gestion de la diversité.Le concept de communauté minoritaire est mal comprismalgré des critères reconnus au niveau international. Deplus, certains gouvernements se servent de l’argument,quelquefois avec succès, que la promotion des droits desminorités entraînera la sécession. Cependant, il n’a pasété prouvé que cela a été le cas,111 et ce fait est soulignépar le Préambule à l’UNDM:

« [...] la promotion et la protection des droits despersonnes appartenant à des minorités nationales ouethniques, religieuses et linguistiques contribuent àla stabilité politique et sociale des Etats dans lesquelselles vivent. »

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31DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Dans le cadre de la prévention des conflits, cette margina-lisation des droits des minorités apparaît clairement dansl’attention insuffisante qui leur est portée et parfois dansleur mauvaise application. En BiH, des dispositions pourencourager la participation politique de certaines commu-nautés ont été prises en excluant complètement les pluspetits peuples « non constituants ». Cependant, une cer-taine reconnaissance112 du lien entre les droits ethniques etles violations, d’une part, et les conflits, d’autre part, s’estrécemment produite.

Il existe quelques mécanismes importants, bien qu’ilsreçoivent un soutien politique et des moyens limités endépit de leur potentiel et de leur coût-effcacité. La Conven-tion pour la prévention et la répression du crime degénocide en 1948, en criminalisant le génocide, a constituéune étape importante, mais une certaine confusion concer-nant l’usage du terme « génocide » s’est produite. L’une desinterprétations erronées est qu’une situation doit être offi-ciellement déclarée comme étant un génocide pour qu’uneintervention survienne pour protéger les peuples menacés.Récemment, un Conseiller spécial du Secrétaire géneralpour la prévention du génocide (SPAG) a été nommé.Cependant, le bureau fonctionne à temps partiel et manquede ressources. De plus, un expert indépendant sur les ques-tions relatives aux minorités (IEMI) a été désigné et lapersonne en charge du poste a entrepris d’inclure dans sontravail une attention considérable aux droits des minoritéset aux questions se rapportant aux conflicts, mais ce n’estqu’un aspect du poste, aussi à temps partiel.

Prévention structurelle etminoritésLa prévention structurelle concerne la prévention desconflits en s’attachant particulièrement aux systèmes hié-rarchiques et aux inégalités dans le but de promouvoirune paix à long terme. Le Document final du Sommetmondial de 2005 comporte une section sur la « respon-sabilité de protéger »:

« Nous entendons aussi nous engager, selon qu’ilconviendra, à aider les États à se doter des moyensde protéger leurs populations du génocide, des crimesde guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contrel’humanité et à apporter une assistance aux paysdans lesquels existent des tensions avant qu’une criseou qu’un conflit n’éclate. »

Malgré l’accent mis dans la Responsabilité de protégersur le besoin de prévenir les conflits et l’engagement à lefaire, jusqu’à présent, l’effort a porté sur la gestion de lacrise, sur la réaction à la crise. La prévention est unobjectif difficile à faire accepter puisqu’il est difficile de

déterminer quand un conflit a été empêché et un résul-tat positif obtenu.113 Un travail d’une envergureconsidérable consiste à incorporer la prévention desconflits dans les projets de développement en assurantl’inclusion ethnique, religieuse et linguistique, de tellesorte que toutes les communautés puissent en bénéficier.On peut se rapporter aux sections précédentes du rap-port soulignant les dangers entraînés par les inégalitésstructurelles ainsi que quelques alternatives pour lescombattre dans le cadre des droits des minorités.

Alerte précoce, action précoceet minoritésLes systèmes d’alerte précoce visent à prévenir lesconflits en reconnaissant les signes indicatifs de la mon-tée de tensions et d’un risque sérieux de conflit. Dessystèmes bien conçus se doivent de donner l’alerte tôt,de fournir une analyse globale sur les causes et dedéclencher une action précoce appropriée. Les systèmesd’alerte précoce doivent incorporer une analyse des sché-mas de discrimination et d’exclusion pour fournir uneimage globale des causes et des moyens de traiter les dif-férends.

Certains systèmes d’alerte précoce sont en développe-ment depuis les années 1990 mais plusieurs sont encoredans les premiers stades de conception. L’unité d’alerteprécoce du Bureau pour la coordination des affaireshumanitaires (BCAH) des Nations Unies a mis en placeen 1993 des contrôleurs dans environ 30 pays considéréscomme courant un risque.114 Les indicateurs utilisés parles Nations Unies comprennent quelques indicateursrelatifs aux droits humains, tels que l’emprisonnementde défenseurs des droits humains, ainsi que quelquesindicateurs relatifs aux inégalités. Cependant, ceux-ci nesont pas conçus pour considérer spécifiquement les vio-lations des droits des minorités. En Afrique, plusieursmécanismes d’alerte précoce ont été établis : le Mécanis-me d’alerte précoce et de réaction aux conflits(CEWARN), la Communauté économique des États del’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)115 et la Communautépour le développement de l’Afrique australe. La pluparten sont à leurs débuts. La liste de contrôle des causesfondamentales de conflit établie par la Commissioneuropéenne comprend des indicateurs de l’exclusion éco-nomique et politique, de l’égalité de tous les citoyensdevant la loi ainsi que du respect des droits religieux etculturels. Selon certains critiques, la liste de contrôle estnon-testées sur le terrain et n’est pas prioritaire pour lepersonnel de la Commission à cause d’un manque demoyens ; elle est en conséquence appliquée de façoninconsistante.116 Le CERD a développé des indicateurs(avec le soutien de MRG) à utiliser dans les systèmes

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32 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

d’alerte précoce qui incluent spécifiquement les preoccu-pations des minorités, y compris : l’absence d’un cadrejuridique et d’institutions pour prévenir la discriminationraciale et auxquelles les victimes de discrimination pour-raient avoir recours ; et la contestation systématiqueofficielle de l’existence de groupes distincts particuliers.117

Alors que les systèmes d’alerte précoce ne manquentpas, bien qu’étant toujours balbutiants, davantage doitêtre fait dans le sens d’une meilleure coordination etd’une plus grande attention portée aux droits des minori-tés, en particulier au sien des Nations Unies. Il ne doitpas nécessairement s’agir d’un système unifié ; cependant,il devrait au moins y avior un mécanisme pour extraireles points forts de chaque système et les incorporer à desdiscussions sur la gestion des conflicts au niveau interna-tional. A la suite des réformes des Natoines Unies et desefforts pour codifer la responsabilité de protéger afin defavoriser la prévention et de faire en sorte que l’interven-tion ne se produise qu’en dernier recours, ceci est unmoment privilégié pour intégrer les droits des minoritésdans les initiatives de prévention des conflits. La Respon-sabilité de protéger devrait encourager un systèmed’alerte précoce plus cohérent, ainsi que la transforma-tion des informations qui en sont issues en une actionlégitime et appropriée pour protéger les populations.

Le cas de l’Iraq illustre comment un type incorrectd’intervention internationale, non autorisé au travers desfilières internationales reconnues, a conduit à rendre dif-ficile une intervention autorisée ailleurs, a sérieusementempiré les conflits sectaires et a créé un climat d’insécuri-té ayant des effets épouvantables pour toutes lescommunautés et menaçant l’existence des minorités. Il aété nécessaire d’inventer après les faits une justification àl’intervention en Irak, à savoir la destitution d’un dicta-teur qui persécutait les minorités, mais le résultat s’estrévélé bien pire pour les minorités. Le cas de l’Iraq donneplus de poids à l’argument selon lequel la prévention pré-coce d’un conflit est bien moins coûteuse et risquéequ’une intervention militaire.

Echec de l’alerte et de l’actionprécoces au Darfour 118

Au cours des dernières décennies, un conflit se préparaitau Darfour, mais les occasions de contrôler la situationau stade de la prévention structurelle n’ont jamais étésaisies. Une alerte précoce coordonnée et cohérente,incluant une analyse politique centrée sur les droitsaurait pu se traduire par une action précoce appropriée àun moment où le gouvernement du Soudan aurait puêtre plus enclin à être accommodant vis-à-vis des préoc-cupations des minorités. Au lieu de ça, depuis 2003, aumoins 200 000 personnes sont mortes, 2 millions de

personnes ont été déplacées, et des milliers de femmes etde filles ont été violées. L’Accord de Paix de mai 2006 nefonctionne pas, le cessez-le-feu n’est pas respecté et lacrise se poursuit.

Bien que pour beaucoup, l’échelle du conflit et dugénocide ait quelque peu surpris, les évènements surve-nus à El Fasher en 2003 (et qui sont généralementconsidérés comme étant le point de départ du conflitactuel) font suite à une série d’incidents précurseurs. Lesconflits de 1987 et de 1994 ont causé la mort, respecti-vement, de 3 000 et de 2 000 personnes. Des alertesprécoces ad hoc ont été sonnées dans les années 1990,principalement par des organisations de droits humains,quant à la possibilité d’une escalade. En 1999, un grou-pe d’ONG soudanaises a averti la Sous-Commission dela lutte contre les mesures discriminatoires et de la pro-tection des minorités des Nations Unies que le conflitdevenait une guerre véritable. Ceci a été suivi en 2000par la dissémination de l’ouvrage The Black Book: Imba-lance of Power and Wealth in Sudan, écrit par desmembres anonymes de communautés exclues. Depuis2001, le Rapporteur spécial de la Commission des droitsde l’homme des Nations Unies chargé d’étudier la situa-tion des droits de l’homme au Soudan a commencé àaccorder une attention particulière au Darfour en expri-mant ses inquiétudes sur la détérioration de la situationdans la région. Cependant, en 2003, son mandat a étéinterrompu. La même année, le Représentant Résidentdes Nations Unies, l’officiel des Nations Unies de plushaut rang à Khartoum, avait seulement un mandat pourtraiter des questions humanitaires et des questions liéesau développement. Quand il a demandé un engagementpolitique du Département des affaires politiques desNations Unies, sa requête a été accueillie avec réticence.En 2003, quelques tentatives furent faites par des pou-voirs plus modérés à l’intérieur du Soudan pour parvenirà une solution mais les négociations à Abeche et à ElFasher en février 2003 n’obtinrent pas de résultat. A lasuite de ces négociations, les enjeux furent accrus avec lalutte ouverte à l’échelle nationale de l’Armée de libéra-tion du Soudan contre le gouvernement et l’escalade dela violence. L’impuissance de la communauté internatio-nale à agir peut aussi s’expliquer par la priorité donnéeau processus de paix Nord–Sud ; le Darfour était consi-déré comme un obstacle à la paix en dépit des liens entreles conflits. L’absence de prise en compte du Darfourdans le processus a donné une impulsion supplémentaireau conflit et le Mouvement populaire de libération duSoudan a apporté son soutien aux insurgés dans le Dar-four. Plusieurs occasions d’agir furent perdues, desinformations d’alerte précoce étaient disponibles, bienque n’étant pas systématiques. En l’absence d’une analy-se d’alerte précoce effective et coordonnée liée à un

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33DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

système d’action gradué, la communauté internationalen’a pas réussi à agir au bon moment et de façon décisiveet appropriée.119

Diplomatie préventive : leçonspositives du Haut Commissairepour les minorités nationales del’OCSE

La communauté internationale reconnaît qu’elle a plus àfaire pour prévenir les conflits avant qu’ils n’éclatent.Une approche mettant en application les droits desminorités dans le cadre d’une diplomatie préventiveapporterait une ampleur et une valeur considérables à detelles actions. De telles actions peuvent s’inspirer du tra-vail du HCMN. Ce poste a été créé en réponse auxmenaces de conflits ethniques dans les années 1990 enEurope de l’Est et dans l’ex-Union soviétique. Il s’agitd’une approche de diplomatie discrète. Le HCMN tra-vaille en secret et n’utilise les médias que lorsque lesnégociations ne peuvent être menacées. Le mandat com-prend l’alerte précoce mais la plupart du travail estconcentré sur le lancement d’actions précoces appro-priées dans les situations où un conflit faisant intervenirdes minorités est prévisible. Les activités incluent desconsultations et la conduite d’un dialogue avec le gou-vernement, les communautés et d’autres organismespolitiques appropriés se rapportant aux droits et au déve-loppement. Avec le soutien d’un petit bureau deconseillers juridiques et politiques, le HCMN fait desrecommandations aux principaux décideurs dans le payssur les stratégies visant à promouvoir l’intégration et lastabilité, conseillant et émettant des recommandationsquant à la législation et aux pratiques concernant lesdroits des minorités. Cette approche s’est révélée utile àce jour en Estonie, en Hongrie et en Lettonie, entreautres pays, où des accords entre l’Etat et les commu-nautés minoritaires ont été possibles. L’accent mis surune participation à long terme est l’une des forces essen-tielles du HCMN ; certains pays ont reçu plus de 30visites. Le succès requiert un gouvernement ouvert à lanégociation. Tandis que ceci est une obligation pour lesEtats membres de l’OSCE, les autres Etats doiventémettre une invitation formelle pour recevoir les visiteset en pratique, une légère pression de la part d’autresgouvernements et organismes internationaux intéressésest quelquefois nécessaire. Cette forme de diplomatiepréventive discrète doit survenir avant qu’un conflit nes’embrase, et qu’en conséquence il ne devienne si com-plexe ou d’une étendue si vaste que les intérêtsconcurrents ne puissent faire l’objet d’un accord.

Négociations de paix etminorités

Les négociations de paix ne tendent pas à tenir comptedes violations de droits lors des conflits, en y portant uneattention suffisante et en considérant leurs causes. Deplus, en général, seulement les parties principales etarmées du conflit sont amenées à la table des négociationspour envisager l’avenir de la région et de ses peuples. Lesfemmes (des groupes minoritaires et majoritaires) y parti-cipent rarement. Et ce, en dépit de la résolution 1325 duConseil de sécurité qui demande une bien plus grandeparticipation des femmes dans les processus de paix, réaf-firmant le rôle important des femmes dans la préventionet dans la résolution des conflits. L’accord de Dayton enBiH et l’APG qui mit fin à la guerre civile « Nord–Sud »au Soudan constituent des exemples d’approches optantpour l’exclusion. Dans les deux cas étroitement liés à desproblèmes de minorités, au Kosovo et au Darfour, respec-tivement, les femmes furent exclues et ignorées duprocessus de paix, les participants aux négociations esti-mant ces questions trop complexes pour elles. En fait, ilsont perdu l’occasion majeure de gérer ces problèmes quiont conduit à une éruption de violence peu après. Maisc’est aussi dans le traitement spécifique du conflit immé-diat que les négociations ont adopté une approched’exclusion, en incluant seulement les leaders des commu-nautés qui avaient usé de violence.

Le manque d’égards pour les droits et la concentrationexclusive sur les principaux auteurs de crimes ont desrépercussions majeures sur la manière dont le pays seragouverné et sur la mesure dans laquelle toutes les commu-nautés, en particulier les plus petites et les plusmarginalisées, seront affectées. L’exclusion des minoritésplus petites des négociations sera très difficile à rectifier etces minorités seront susceptibles de souffrir de discrimina-tion et d’exclusion par la suite.

L’accord-cadre d’Ohrid, qui a apporté la paix à laRépublique de Macédoine, est généralement considérécomme un succès relatif. La communauté internationale acontribué à négocier la paix et l’a fait en respectant lesprincipes des droits des minorités, y compris en accordantune plus grande représentation des Albanais dans le gou-vernement et dans la société, et en reconnaissant leurlangue. Cependant, même dans ce cas, une attention plusgrande est nécessaire pour protéger les droits des autrescommunautés minoritaires, tels que les Roms. L’accord duVendredi saint pour l’Irlande du Nord a accordé uneimportance considérable à l’inclusion politique et écono-mique. Il a aussi donné les moyens du développement demécanismes visant à lutter contre la discrimination et àprotéger les droits, en incluant la Commission des droits

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34 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

de l’homme d’Irlande du Nord et un Médiateur. A l’heureactuelle, une Charte des droits est en train d’être élaborée.

Manque de consultation avecles minorités et ségrégation auKosovoA la suite du « nettoyage ethnique » mené par Milosevicen 1999, et de l’intervention militaire par l’Organisationdu traité de l’Atlantique Nord (OTAN), la Mission desNations Unies au Kosovo (UNMIK) est restée sept ansau Kosovo au cours de l’intervention internationale pro-bablement la plue étendue pour mettre fin à un conflitethnique et l’inverser. Malgré la quantité de ressourcesdéversée au Kosovo, l’ordre international n’a pas faitbeaucoup pour renforcer la protection des droits desminorités et pour créer une société intégrée. Enrevanche, l’approche adoptée est une approche de ségré-gation, maintenant les principales communautés – lesSerbes et les Albanais – séparées et reléguant toutes lesautres communautés à un statut de seconde classe. Le «nettoyage ethnique » s’est produit en 1999, sous contrôleinternational, et encore en 2004, même après la présencede la UNMIK comme principale autorité gouvernemen-tale pendant plusieurs années. Au lieu de résoudre lesproblèmes sous-jacents, le Kosovo se trouve en situationde conflit « gelé ». Le retour des personnes dans leursfoyers a échoué. Il existe des systèmes parallèles d’éduca-tion et d’emploi, et la politique est presquecomplètement organisée le long de lignes ethniques. Uneloi globale contre la discrimination est en place et estconsidérée par certains comme la meilleure en Europe,mais aucun budget n’a pas été alloué à sa mise enoeuvre.120 Les Ashkali, les Egyptiens et les Roms ; lesCroates ; les Gorani ; et les Turcs se sont retrouvés ancentre de ces pressions diverses, et peu d’attention estaccordée à leurs droits. Les Roms en particulier courentle risque d’une exclusion totale et ont été des victimesmajeures des deux périodes de « nettoyage ethnique ».

Les propositions actuelles de la communauté interna-tionale sur l’avenir du Kosovo semblent être conçuespour approfondir les divisions entre les communautés.Elles accorderaient une forme de décentralisation eth-nique, qui diviserait davantage le Kosovo, enintroduisant plusieurs municipalités nouvelles le long delignes ethniques. La décentralisation peut s’avérer trèsutile en augmentant la prise de responsabilité et une par-ticipation réelle au processus de prise de décision, par ladélégation du pouvoir aux zones régionales. Cependant,les nombreuses mises en garde qui doivent être prises encompte pour s’assurer que les droits des minorités nesont pas niés, semblent avoir été ignorées au Kosovo.

Au Kosovo, la décentralisation risque d’exacerber uneségrégation déjà considérable et risque d’accroître lesobstacles au progrés. Lors d’un entretien avec MRG, cer-tains Serbes ont exprimé leurs craintes, sans ce niveau dedécentralisation, pour leur avenir à long terme au Koso-vo. Ils ont concédé cependant que, avec la mise enoeuvre de mécanismes accessibles contre la discrimina-tion, et avec la primauté du droit appliquée de façonéquitable, un avenir serait peut-être possible au Kosovosans décentralisation.

Les minorités ont été systématiquement exclues duprocessus de prise de décision au Kosovo, avec une appa-rence de participation (des sièges garantis à l’Assemblée)mais sans participation réelle, en particulier en ceconcerne les décisions les plus importantes. Les négocia-tions de 2006–2007 sur le statut du Kosovo se sonttenues avec la seule participation directe des délégationsalbanaises et serbes. Le Comité consultatif pour les com-munautés établi pour servir de conseil, lors desnégociations sur le statut, à propos des questions rela-tives aux « autres » communautés, est dirigé par unAlbanais et a tenu des réunions principalement avec lespoliticiens minoritaires qui ont un champ de manoeuvrepeu étendu dans une situation politique difficile. LaConvention-cadre pour la protection des minoritésnationales résultant, rédigée en grande partie par desexperts internationaux et des Albanais, a été jugée tropgénérale et reflétant insuffisamment les inquiétudesréelles des communautés. Les femmes des minorités ontaussi été sous-représentées dans ces comités et leursdroits, en particulier, n’ont pas été mis en avant.

Conclusions et solutionsIl n’y a pas de modèle unique en ce qui concerne la pré-vention des conflits mais la prise en compte des droits desminorités peut aider à apporter des solutions. Ce rapportmentionne une série d’alternatives et fournit des élémentsde discussion pour traiter des questions à considérer enrelation avec les droits des minorités. Certains points clésdevraient être notés en ce qui concerne la mise en oeuvrede réponses internationales appropriées :

Tout d’abord, il faut faire bien plus pour éviter l’ap-parition et la réapparition de conflits. Toutes les partiesjouant un rôle dans la prévention des conflits, le déve-loppement, ainsi que le traitement de questionsbudgétaires, politiques et juridiques, doivent prêterattention aux droits des minorités dans leur travail – parexemple, à la connaissance des différentes communautésà la base, à la compréhension des effets de leur travailsur les différentes communautés et à la facilitation d’uneparticipation réelle de femmes et d’hommes des minori-tés à l’élaboration de documents de stratégie et de

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35DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

programmation à l’échelle nationale. L’existence demécanismes luttant contre la discrimination est aussiessentielle pour assurer le fonctionnement d’une sociétémultiethnique, et les décideurs internationaux ont unrôle à jouer pour promouvoir cela dans le cadre d’unebonne gouvernance.

En ce qui concerne l’alerte précoce et la préventionopérationnelle, une plus grande coordination et une plusgrande cohérence sont toutes deux nécessaires, enconjonction avec un rôle international renforcé pour assu-rer une prise de responsabilité et une plus grandeattention aux violations des droits. Au cours de négocia-tions de paix, une plus grande attention aux droits desminorités vaudra bien l’effort investi. Une expertise serapportant à la question des minorités est requise au seindes organes clés des Nations Unies traitant directement

des conflits – y compris au Département des affaires poli-tiques des Nations Unies (DAP), au DOMP, au BCAH età la Commission de consolidation de la paix des NationsUnies. Cette expertise doit aussi se traduire au niveau desmissions dans les pays pour s’assurer que ces connaissancessont utilisées sur le terrain, ceci pouvant se réaliser par lacréation de postes spécifiques dans chaque agence. Enayant l’expertise nécessaire, ces organes seront dans unebien meilleure position pour promouvoir et mettre enoeuvre des approches préventives pouvant fonctionnerdurablement. Ces organes des Nations Unies peuventaussi bénéficier de l’expertise des représentants de minori-tés au Groupe de travail sur les minorités, basé à Genève,ainsi que d’informations collectées par les autres organesdes Nations Unies et organes régionaux en mission de laCharte ou de traités de droits de l’homme.

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36 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Des questions relatives aux minorités se trouvent au coeurde plusieurs conflits violents. Un conflit violent de cettecatégorie a généralement trois origines principales. La vio-lence peut provenir directement des gouvernements et descommunautés majoritaires. Elle peut provenir de tenta-tives de supprimer l’identité de la minorité, peut semanifester dans une incitation à la haine raciale répanduecontre la communauté ainsi que par une discriminationsystématique, et culminer en attaques violentes contre laminorité. Une telle violence peut avoir son origine dansune antipathie envers la communauté, dans l’utilisation dela minorité comme bouc émissaire utile ou dans un désirde chasser ou de détruire la communauté, que ce soit aunom de la pureté ethnique ou religieuse ou simplementdans le but de saisir ses propriétés et ses ressources. Il arri-ve aussi (quelquefois en même temps), que des membresde la communauté minoritaire aient recourt à la violence.Une telle violence peut se révéler durable quand elle reçoitun soutien étendu de la communauté. Cette violencesemble commencer quand la communauté minoritaire ades doléances de longue date, souvent liées à des tentativesde supprimer leur identité, à une discrimination systéma-tique ou à l’exclusion de la participation à la prise dedécision. Le soutien à la violence apparaît plus grandquand les minorités se sentent exclues du processus poli-tique ou ne bénéficient pas réellement de la protection dela loi pour faire valoir leurs doléances.

La troisième cause principale semble résider, malheu-reusement, dans les tentatives de la « communautéinternationale » de traiter les conflits ethniques et reli-gieux. Plus de 80 ans après le début du développementdes droits des minorités comme un outil dans la préven-tion des conflits, il est frappant de constater à quel pointles experts internationaux comprennent toujours mal laquestion des minorités. Souvent, ils ne perçoivent pas lesquestions ethniques et religieuses dans les conflits qui peu-

vent nominalement se rapporter à d’autres problèmes. Oulorsqu’ils estiment que ces questions sont importantes, lessolutions proposées peuvent ne pas faire beaucoup plusque de créer ou renforcer des écarts sur la base de divi-sions ethniques ou religieuses (créant en conséquence despays ou des régions ethniquement ou religieusement «pures »). Ce sont des politiques qui ont échoué de façondésastreuse dans le passé, et cependant continuent d’êtrerépétées. En particulier, la participation internationalecomprend rarement l’importance du droit de chacun dechoisir son identité ou ses identités, et divise plutôt lesEtats ou les systèmes politiques en blocs rigides ethniquesou religieux. De plus, les négociateurs de paix se concen-trent seulement sur les groupes qui ont eu recours à laviolence, ignorant les autres groupes et les reléguant enconséquence à un statut de seconde classe. Au pire, celaaboutit à une situation telle que celle de la BiH où, aprèsplus d’une décennie d’administration internationale, lasociété est plus divisée que par le passé avec une discrimi-nation systématique à l’égard des minorités plus petites.

Et cependant, le régime des droits des minorités intro-duit en 1919 comme outil de prévention des conflits s’estconsidérablement renforcé au cours des décennies sui-vantes. Il faudra utiliser les droits des minorités pourassurer effectivement la primauté du droit dans lesdomaines de la sécurité, de la discrimination et du droitde propriété, ainsi qu’un système de participation réelle etla prise de responsabilité des femmes et des hommes desminorités dans le processus de prise de décision. Cetteapproche assurera que les identités de tous les peuples etgroupes peuvent s’épanouir dans les sociétés et même quede vieux conflits peuvent être résolus. On trouvera ci-des-sous une série de mesures à prendre et derecommandations destinées à ceux qui tentent de prévenirou de mettre fin à des conflits faisant intervenir des mino-rités ethniques ou religieuses.

Conclusions générales

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37DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Instruments internationaux pertinents

Pacte international relatifs aux droits civils etpolitiques (PIDCP)121

Article 202. « Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui

constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à laviolence est interdit par la loi. »

Article 25 « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des dis-criminations visées à l’article 2 et sans restrictionsdéraisonnables:

a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soitdirectement, soit par l’intermédiaire de représentants libre-ment choisis;

b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, hon-nêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret,assurant l’expression libre de la volonté des électeurs;

c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonc-tions publiques de son pays. »

Article 27« Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, reli-gieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à cesminorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en communavec les autres membres de leur groupe, leur propre vie cultu-relle, de professer et de pratiquer leur propre religion, oud’employer leur propre langue. »

Déclaration des droits des personnes appartenantà des minorités nationales ou ethniques,religieuses et linguistiques des Nations Unies(UNDM)122

Article 1« 1. Les Etats protègent l’existence et l’identité nationale ou eth-

nique, culturelle, religieuse ou linguistique des minorités, surleurs territoires respectifs, et favorisent l’instauration desconditions propres à promouvoir cette identité.

2. Les Etats adoptent les mesures législatives ou autres qui sontnécessaires pour parvenir à ces fins. »

Article 2« 2.Les personnes appartenant à des minorités ont le droit de

participer pleinement à la vie culturelle, religieuse, sociale,économique et publique.

3. Les personnes appartenant à des minorités ont le droit deprendre une part effective, au niveau national et, le caséchéant, au niveau régional, aux décisions qui concernent laminorité à laquelle elles appartiennent ou les régions danslesquelles elles vivent […]. »

Article 4.5« Les Etats devraient envisager des mesures appropriéespour que les personnes appartenant à des minorités puissentparticiper pleinement au progrès et au développement écono-miques de leur pays. »

Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour laprotection des minorités nationales (FCNM) 123

Article 3.1« Toute personne appartenant à une minorité nationale a ledroit de choisir librement d’être traitée ou ne pas être traitéecomme telle et aucun désavantage ne doit résulter de cechoix ou de l’exercice des droits qui y sont liés. »

Article 5« 1. Les Parties s’engagent à promouvoir les conditions propres à

permettre aux personnes appartenant à des minorités natio-nales de conserver et développer leur culture, ainsi que depréserver les éléments essentiels de leur identité que sontleur religion, leur langue, leurs traditions et leur patrimoineculturel.

2. Sans préjudice des mesures prises dans le cadre de leur poli-tique générale d’intégration, les Parties s’abstiennent de toutepolitique ou pratique tendant à une assimilation contre leurvolonté des personnes appartenant à des minorités nationaleset protègent ces personnes contre toute action destinée àune telle assimilation. »

Article 6« 1. Les Parties veilleront à promouvoir l’esprit de tolérance et le

dialogue interculturel, ainsi qu’à prendre des mesures effi-caces pour favoriser le respect et la compréhension mutuelset la coopération entre toutes les personnes vivant sur leurterritoire, quelle que soit leur identité ethnique, culturelle, lin-guistique ou religieuse, notamment dans les domaines del’éducation, de la culture et des médias.

2. Les Parties s’engagent à prendre toutes mesures appropriéespour protéger les personnes qui pourraient être victimes demenaces ou d’actes de discrimination, d’hostilité ou de violen-ce en raison de leur identité ethnique, culturelle, linguistiqueou religieuse. »

Article 7« Les Parties veilleront à assurer à toute personne apparte-nant à une minorité nationale le respect des droits à la libertéde réunion pacifique et à la liberté d’association, à la libertéd’expression et à la liberté de pensée, de conscience et dereligion. »

UNESCO Convention pour la protection et lapromotion de la diversité des expressionsculturelles 124

Article 7« 1. Les Parties s’efforcent de créer sur leur territoire un envi-ronnement encourageant les individus et les groupes sociaux:

(a) à créer, produire, diffuser et distribuer leurs propres expres-sions culturelles et à y avoir accès, en tenant dûment comptedes conditions et besoins particuliers des femmes, ainsi quede divers groupes sociaux, y compris les personnes apparte-nant aux minorités et les peuples autochtones ; […] »

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OSCE Recommandations de Lund sur laparticipation effective des minorités nationales àla vie publique (Recommandations de Lund)125

A. Dispositions au niveau de l’administration centrale « […] qui, selon les circonstances, peuvent consister en: - une représentation spéciale des minorités, par exemple,grâce à un nombre de sièges qui leur sont réservés dans l’uneou l’autre ou dans les deux chambres du Parlement ou ausein des commissions parlementaires, et en d’autres formesde participation garantie au processus législatif; […]. »

III. Autogestion« 14) La participation effective des minorités à la vie publiquepeut nécessiter des dispositions non territoriales ou territo-riales en matière de gestion autonome ou une combinaisondes deux. Les Etats devraient consacrer des ressources suffi-santes à ces dispositions. […] »

B. Dispositions territoriales« […] 21) Les autorités locales, régionales et autonomes doi-vent respecter et garantir les droits de l’homme de tous lesindividus y compris les droits de toute minorité relevant deleur compétence. »

IV. GarantiesGaranties constitutionnelles et juridiques « […] L’examen périodique des dispositions en matière d’au-togestion et de participation des minorités au processus dedécision peut s’avérer utile pour déterminer si ces méca-nismes devraient être amendés compte tenu de l’expérienceacquise ou de l’évolution de la situation. »

Pacte international relatifs aux droitséconomiques, sociaux et culturels 126

Article 2.2« Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à garantir queles droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimina-tion aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue,la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’originenationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autresituation. »

Convention internationale sur l’élimination detoutes les formes de discrimination raciale 127

Article 2.2« Les Etats parties prendront, si les circonstances l’exigent,dans les domaines social, économique, culturel et autres, desmesures spéciales et concrètes pour assurer comme ilconvient le développement ou la protection de certainsgroupes raciaux ou d’individus appartenant à ces groupes envue de leur garantir, dans des conditions d’égalité, le pleinexercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales.Ces mesures ne pourront en aucun cas avoir pour effet lemaintien de droits inégaux ou distincts pour les diversgroupes raciaux, une fois atteints les objectifs auxquels ellesrépondaient. »

Déclaration sur le droit au développement desNations Unies 128

Article 2.3 « Les Etats ont le droit et le devoir de formuler des politiquesde développement national appropriées ayant pour but l’amé-lioration constante du bien-être de l’ensemble de lapopulation et de tous les individus, fondée sur leur participa-tion active, libre et utile au développement et à la répartitionéquitable des avantages qui en résultent. »

38 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

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Identités différentes • Y a-t-il dans le pays des groupes différents ayant

des identités différentes ?• Tous les groupes sont-ils acceptés et reconnus ?• L’Etat accepte-t-il que des minorités existent en

son sein ?• Certains groupes, religions, cultures, langues

jouissent-ils d’un statut supérieur, dérivant parexemple de la désignation de l’Etat commeétant d’une religion particulière ou d’unpeuple particulier, ou l’Etat de peuples «constituants » ?

Identité

• Chaque individu peut-il pratiquer sa langue etsa religion et jouir de sa culture librement ?

• Chaque individu peut-il choisir son identitésans qu’aucun désavantage n’en résulte pour lui?

Histoire

• Y a-t-il des antécédents de violence et de crimesà l’encontre de différents groupes ?

• Lorsqu’il y a des antécédents de crimes gravescontre les minorités, cela a-t-il entraîné uneintervention par des enquêtes, des poursuitesau niveau le plus élevé et des expressions derepentir ?

• Y a-t-il un programme scolaire commun d’his-toire reflétant de manière positive l’histoire detoutes les communautés vivant dans le pays ?

Séparation et ségrégation

• Les divers peuples ont-ils la possibilité de secôtoyer ? Vivent-ils ensemble ?

• La ségrégation est-elle pratiquée dans lesdomaines de l’éducation, du logement et del’emploi ?

• De stricts systèmes de quotas sont-ils envigueur ?

39DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Liste de contrôleListe de contrôle visant à déterminer si un pays court le risque d’un conflit violentimpliquant des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques

Constitution

• La Constitution garantit-elle l’égalité ?

Système politique

• Le système politique assure-t-il la participationde tous les groupes, y compris des femmes danstous les groupes ?

• Le gouvernement doit-il rendre des comptes àtous les groupes dans les faits ?

• Le système politique encourage-t-il les partis àrechercher le soutien de divers groupes ou res-treint-il les partis et les électeurs à des blocsethniques ou religieux ?

• Lorsque la « dévolution » (transfert du pouvoir)ou la décentralisation est appliquée, est-ce avecdes limites arbitraires ?

• Si la « dévolution » se fait sur la base de zones «ethniques » ou « religieuses », les minorités setrouvant dans ces zones jouissent-elles desmêmes droits que tous et ont-elles la possibilitéd’exprimer librement leur identité ?

Violence et sécurité

• L’incitation à la haine raciale visant les minori-tés, en particulier dans les médias et l’éducation,est-elle tolérée ?

• La violence contre les minorités est-elle courante ?• La primauté du droit s’applique-t-elle aux

minorités – la police les protège-t-elle et arrête-t-elle les auteurs de violences envers elles ?

Economie

• Certains groupes sont-ils économiquement mar-ginalisés ?

• L’aide au développement s’accompagne-t-elled’une prise de conscience de telles marginalisa-tions et de mesures visant à les contrer ?

• Le développement est-il respectueux de l’identi-té des minorités, celle-ci incluant la langue, lareligion et le territoire ?

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40 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Territoire et propriétés• Les minorités jouissent-elles d’une protection

totale de leur droit de propriété et de leursdroits fonciers, légalement et dans la pratique ?

• Les minorités ont-elles historiquement souffertd’une éviction de leurs foyers ?

• Lorsque des évictions se sont produites, desmécanismes efficaces sont-ils en place pour yremédier, par le biais d’une restitution et / oude dédommagements ?

• Les personnes déplacées ont-elles été relogéesdans des conditions leur permettant de vivrenormalement, tout en respectant leur identité ?

• Les sites importants pour les religions et lesgroupes sont-ils protégés ?

Discrimination• Des groupes particuliers souffrent-ils d’une dis-

crimination systématique ?• Y a-t-il des lois contre la discrimination ?• Sont-elles appliquées? Des poursuites sont-elles

engagées et menées à terme ?

Justice

• Les minorités ont-elles accès au système judi-ciaire, et y ont-elles recours dans les faits, enparticulier en ce qui concerne les questions de lasécurité, des terres et propriétés, et de la discri-mination ?

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41DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Création de sociétés intégrées et diverses

1 Aucune référence ne devrait être faite dans uneConstitution ou ailleurs à la prééminence d’une reli-gion, d’une communauté ou d’une langue.

2 Les gouvernements devraient créer des cadres permet-tant aux individus et aux groupes de déterminer leurpropre identité. Les gouvernements ne devraient pasfiger certaines identités et certains groupes, maisreconnaître et protéger les identités et groupes quiexistent et se développent.

3 Les gouvernements doivent remplir leurs obligationsde protéger les droits des minorités de jouir de leurculture et de pratiquer leur religion et leur langue, enpublic et en privé.

4 Les gouvernements devraient prendre des mesureseffectives visant à encourager le respect mutuel, lacompréhension et la coopération parmi toutes les per-

sonnes vivant sur leur territoire, y compris par le biaisdes programmes scolaires, de la culture et des médias.

Prévention de la violence

5 L’incitation à la haine raciale devrait être prohibée etdonner lieu à des poursuites, surtout lorsqu’elle est lefait d’agents de l’Etat et autres agents publics, dansl’éducation et les médias.

6 La violence contre les membres des minorités, qu’elleprovienne de responsables de l’Etat ou d’autres parties,devrait donner lieu à une action, en particulier à despoursuites contre les organisateurs.

Education

7 Les gouvernements, ainsi que toute autre entité parti-cipant à l’éducation, doivent s’assurer que tous lesenfants, garçons et filles, des communautés minori-

1 Mettre fin à la violence contre les minorités, assurerl’élaboration d’un système judiciaire apte à identifier età poursuivre les auteurs de crimes, en particulier lesleaders.

2 S’assurer que les minorités ne sont pas déplacéescontre leur gré, en assurant leur sécurité et en appor-tant une aide financière. Mettre en place au plus viteles conditions nécessaires au retour des minoritésrécemment parties. Etablir des systèmes pour l’identifi-cation des propriétaires de biens et pour la restitutionde ces biens.

3 Interdire l’incitation à la haine raciale et engager despoursuites lorsqu’elle se produit, en particulier dans lesmédias et dans l’éducation.

4 Créer un système politique fondé sur l’égalité. Retirer(sans en insérer de nouvelles) les références à un paysfondé sur un peuple, sur une religion ou sur despeuples constituants particuliers.

5 Si un partage du pouvoir est jugé être la seule option,prévoir une clause visant à la révision ou la fin de cesdispositions après une période donnée. Ne pas faireappel à des systèmes qui restreignent les personnes àdes groupes ethniques.

6 Créer un système juridique efficace ouvert à tous etutilisant toutes les langues parlées dans le pays. S’assu-rer que les minorités ont les moyens financiers del’utiliser.

7 Créer un système pour mettre la discrimination hors-la-loi, apporter des remèdes efficaces (juridiques etautres) contre elle.

8 Si des quotas sont jugés nécessaires, les créer tempo-raires, et assurer d’abord la mise en place d’une actionpour lutter contre la discrimination.

9 S’assurer que le développement économique ne sefasse au prix ni d’une marginalisation des communau-tés, ni de la destruction de leur identité. S’assurer quetous ceux qui participent aux actions de développe-ment comprennent le problème de discrimination.

10 Créer un système éducatif qui assure la possibilitépour tous les enfants d’apprendre la langue, la religionet la culture de leurs communautés, mais qui génèreaussi des expériences communes et une compréhen-sion mutuelle. Assurer la création d’un programmescolaire d’histoire partagé.

Recommandations aux gouvernements et autres entités investiesd’une autorité

Recommandations

Mesures essentielles à prendre après un conflit ethnique oureligieux

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42 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

taires ont la possibilité d’apprendre leurs propreslangues, culture et religions au sein du système éduca-tif. Les communautés minoritaires ont le droit dedévelopper un système d’éducation privé au mêmetitre que quiconque le désirant.

8 L’éducation publique devrait avoir pour norme desécoles intégrées dans lesquelles des enfants de toutesles communautés ont la possibilité d’acquérir desconnaissances sur la culture, les langues, les religions etl’histoire des autres. Dans les zones de populationsmixtes, les écoles publiques fondées sur une religion,une langue ou une communauté devraient être décou-ragées.

9 Les écoles recevant un financement public et ayant unfondement religieux devraient accepter un certainpourcentage d’élèves d’autres religions ou sans religionet devraient prévoir une possibilité de dérogation auxactivités religieuses se déroulant dans l’école. Toutfinancement d’écoles religieuses par l’Etat devrait sefaire proportionnellement à toutes les religions prati-quées dans le pays.

10 Les représentants et représentantes de toutes les com-munautés devraient collaborer à l’élaboration d’unprogramme scolaire d’histoire convenant à tous, enusage dans tout le pays.

Participation des minorités à la vie politique

11 Des mécanismes consultatifs élaborés en collaborationet accessibles doivent être mis en place au niveaunational et au niveau local pour les membres desminorités (hommes et femmes); il devrait y avoir unconsentement antérieur libre et informé sur les ques-tions les concernant directement.

12 Les dispositions constitutionnelles, les systèmes électo-raux en particulier, devraient être conçus avec soinpour inciter les leaders à coopérer entre communautéset à éviter les appels sectaires étroits. Un soin particu-lier devrait être pris pour s’assurer qu’aucune identitéprédéterminée ne soit imposée aux électeurs ni choisiedans ces conditions. Les besoins des minorités pluspetites devraient être particulièrement pris en compte.Il peut être nécessaire de prendre des mesures spécialespour assurer une représentation équitable des femmesdes minorités.

13 Les Etats doivent appliquer des procédures équitableset transparentes pour autoriser l’accès à la citoyennetéet celles-ci ne devraient pas comporter de discrimina-tion contre des groupes minoritaires spécifiques, enparticulier contre les femmes. La citoyenneté nedevrait pas être refusée à des communautés ayant vécudans le pays pendant des générations.

14 Dans les cas d’autonomie et autres systèmes décen-tralisés :

(a) L’autonomie doit être mise en oeuvre totalement etrespectée dans la pratique – les institutions auto-nomes doivent recevoir un financement suffisant etles gouvernements doivent éviter toute ingérenceindue dans le processus de prise de décision et lesélections de responsables de l’Etat ;

(b) Les femmes et les hommes des minorités doiventaussi être suffisamment représentés au sein du gou-vernement central ;

(c) Dans les régions, un soutien total doit être accordé àla protection des droits humains et des droits desminorités pour tous, y compris les minorités pluspetites dans ces régions.

15 Les efforts de négociations de paix doivent être fon-dés sur les droits, et devraient respecter la résolution1325 du Conseil de sécurité et inclure toutes lescommunautés y compris les femmes des minorités.Les conflits doivent être appréhendés de manière glo-bale au moyen d’une approche appropriée au payset/ou à la région, en faisant participer tous lespeuples concernés et pas seulement ceux qui ont prisles armes.

16 En général, des accords rigides de partage du pouvoirfondés sur des structures et identités ethniques etreligieuses fixes devraient être évités. Dans lesquelques cas où ils sont jugés nécessaires sur une basetemporaire, il faudrait introduire une clause de limi-tation dans le temps y mettant fin et s’orienter versdes dispositions favorisant davantage l’intégrationaprès un nombre d’années déterminé qui devrait nor-malement correspondre à une ou deux législatures.

Participation à la vie économique

17 La collecte de données économiques doit se faire detelle sorte à ce qu’elles soient ventilées par ethnicité,religion et sexospécificité. Des mesures urgentesdevraient être prises lorsqu’un groupe, quel qu’il soit,est manifestement désavantagé économiquement.

18 Le droit au développement doit être observé commele droit de chaque groupe de déterminer son propredéveloppement avec tout le respect dû à sa religion,sa langue et sa culture.

Territoires

19 La protection du droit foncier et de propriété desgroupes minoritaires et des individus devrait consti-tuer un élément clé dans toute société dans laquelledes tensions peuvent être observées. Ceci inclut uncadre juridique adéquat, sa mise en oeuvre effectiveet la protection des évictions de tout groupe vulné-rable par toute partie tierce. Les bailleurs de fonds enfaveur du développement et toute autre entitédevraient en être particulièrement conscients.

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43DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

20 Dans le cas d’évictions récentes, en particulier lors denettoyages ethniques, le retour volontaire doit êtreorganisé aussi vite que possible pour toutes les com-munautés avec la garantie de restitution desterritoires et des propriétés, et des garanties de sécurité.

21 Lorsque des évictions historiques ont conduit à destensions sous-jacentes actuelles, il faudrait concevoiret entériner un accord équitable et global compre-nant l’identification du propriétaire légal, larestitution si possible de la terre accompagnée dedédommagements.

22 L’accès à des lieux revêtissant une signification soitreligieuse soit culturelle devrait être garanti quelqu’ensoit leur statut légal.

Justice

23 La primauté du droit devrait constituer un élémentclé, en particulier la garantie pour les minoritésd’avoir un accès équitable au système judiciaire.Toutes les minorités devraient pouvoir s’exprimerdans leur langue en son sein. Il devrait donner lapriorité à la sécurité (justice criminelle), à la protec-tion des droits fonciers et du droit de propriété et àla lutte contre la discrimination.

24 Les crimes graves contre les minorités devraient êtretraités par des organismes judiciaires et autres condui-sant une enquête publique des faits et permettant despoursuites, des dédommagements et des expressions derepentir.

Action sur la discrimination

25 L’action sur la discrimination contre tous les groupesdevrait être une priorité majeure.

26 Une loi globale contre la discrimination devrait êtrerédigée avec la participation de tous les groupes désa-vantagés.

27 Une telle loi devrait être mise en oeuvre avec le soutiend’un organisme officiel contre la discrimination («ombudsman », médiateur ou équivalent). Les lois etles politiques de l’Etat devraient être révisées pourtenir compte de la discrimination. Les membres desminorités devraient bénéficier d’une assistance pourengager des poursuites pouvant faire jurisprudence.

28 Si cela est nécessaire, les politiques visant à luttercontre la discrimination devraient prévoir des mesuresspéciales pour générer une égalité de fait.

29 Des mesures anti-discriminatoires globales et effectivesdevraient êtres prioritaires par rapport aux systèmesfaisant intervenir des quotas.

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44 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

1 Srinivasan, S., Minority Rights, Early Warning and Conflict Pre-vention: Lessons from Darfur, London, MRG, 2006.

2 Etant donné que la cause immédiate était l’assassinat de l’Ar-chiduc François Ferdinand et la déclaration de guerre del’Autriche-Hongrie à la Serbie, liée à l’incapacité de l’Autrichede traiter des revendications de la minorité serbe en Bosnie.

3 Qui a été créée par le traité de Versailles en 1919.4 Nous avons découvert un lien étroit entre les violations des

droits des minorités et l’irruption d’un conflit majeur. En 2003,MRG a lancé un projet pour examiner les causes de conflitfaisant intervenir les minorités et la manière de prévenir detels conflits, dans le but d’en tirer des leçons générales.

5 Le génocide s’entend de certains actes, commis dans l’in-tention de détruire, la totalité ou une partie, un groupenational, ethnique, racial ou religieux, comme tel (Conven-tion pour la prévention et la répression du crime degénocide des Nations Unies, Article 2).

6 NdT : Le terme “sexospécificité” a été choisi pour rendrecorrectement la notion du mot anglais “gender”. Nous lepréférons au terme parfois utilisé de « genre ».

7 Hylland Eriksen, T., ‘Ethnic identity, national identity andintergroup conflict’, in Social Identity, Intergroup Conflict andConflict Reduction, R. Ashmore, L. Jussim, and D. Wilder,(eds), New York, Oxford University Press, 2001.

8 Packer, J., Presentation at MRG High-Level Seminar onMinority Rights and Conflict Prevention, New York, Novem-ber 2006.

9 Brunnegger, S., Autonomy and Conflict in Nicaragua, LessonsLearnt, London, MRG, 2007.

10 Ibid., citant M. Cleary, Democracy and Indigenous Rebellionin Latin America. Comparative Political Studies, vol. 33, no. 9,novembre 2000, p. 1137. Note: les mestizos sont un groupecomposé d’Européens, Indigènes et descendants Africainsau Nicaragua.

11 Brunnegger, op. cit.12 Ibid., citant Cleary, op. cit.13 Ley 28 Estatuto de la Autonomía de las Regiones de la

Costa Atlántica de Nicaragua – Loi no. 28, Statut d’autono-mie des régions de la côte atlantique du Nicaragua (NdT :traduits par nos soins), Section V.

14 Chadda, M., Minority Rights and Conflict Prevention: CaseStudy of Conflicts in Indian Jammu and Kashmir, Punjab andNagaland, London, Minority Rights Group International,2006. M., op. cit.

15 van der Stoel, M., The Protection of Minorities in the OSCERegion, Address at a Seminar at the OSCE ParliamentaryAssembly, Antalya, 12 April 2000.

16 Les exemples peuvent inclure la définition d’un Etat comme« français », « islamique », « juif », « turc », ou basé sur troisou plus de trois « peuples constituants », comme en Bosnie-et-Herzégovine.

17 Baldwin, C., Minority Rights in Kosovo under InternationalRule, London, Minority Rights Group International, 2006.

18 Loi d’autonomie no. 28, ch. III, Art. 11.19 Présentation par Valdrack Jaentschke, coordinateur du

Caribbean Coast Programme du programme de développe-ment des Nations Unies, à l’atelier ‘Autonomía comoHerramienta para la Resolución de Conflictos’ organisé parle Centre for Human, Civil and Autonomous Rights in Blue-fields, Nicaragua, 18-19 septembre 2006; interview del’auteur avec Miriam Hooker, Directrice of the Centre forHuman, Civil and Autonomous Rights.

20 China: Minority Exclusion, Marginalization and RisingTensions, Human Rights in China and Minority Rights GroupInternational, London, MRG, 2007.

21 Ibid.22 Ibid.23 Wang, L.Q., ‘ (Maintien de la

position dominante du marxisme dans le travail idéolo-gique)’, Qiushi, no. 2, 16 janvier 2005.http://www.qsjournal.com.cn/qs/20050116/GB/qs^399^0^2.htm. Cité dans Human Rightsin China et Minority Rights Group International, op. cit.

24 Human Rights in China et Minority Rights Group Internatio-nal, op. cit.

25 Ibid.26 Srinivasan, S., Minority Rights, Early Warning and Conflict Pre-

vention: Lessons from Darfur, London, MRG, 2006.27 Voir la condamnation des directeurs de Radio Mille Collines

au Tribunal International pour le Rwanda, 2003; la condam-nation de Julius Streicher, éditeur de Der Sturmer, au procèspour crimes de guerre de Nuremberg, 1946

28 PIDCP Article 20, ICERD Article 4.29 Suivi de la déclaration sur la prévention du génocide: indica-

teurs de manifestations systématiques et massives dediscrimination raciale, Comité pour l’élimination de la discri-mination raciale (document no. CERD/C/67/1), 14 octobre2005.

30 Srinivasan, op. cit., p. 8.31 Boyle, K., Presentation at MRG High-Level Seminar on Mino-

rity Rights and Conflict Prevention, New York, November2006.

32 Voir les instruments internationaux appropriés. 33 Schomerus, M., Minority Rights in Sudan, London, MRG, à

venir, 2007.34 Ibid.35 Voir par exemple Gilliland, M.K., ‘Nationalism and ethnogene-

sis in the Former Yugoslavia’, dans Ethnic Identity: Creation,Conflict and Accommodation, L. Romanucci-Ross et G.DeVos (eds), Walnut Creek, Altamira Press, 1995.

36 Ibid.37 Rebouché, R. and Fearon, K., Overlapping Identities: Power

Sharing and Women’s Rights, dans Power Sharing: NewChallenges for Divided Societies, I. O’Flynn, and D. Russell,(eds), London, Pluto Press, 2005.

38 Hooker, M., Participación Política de Pueblos Indígenas yAfrodescendientes en el Proceso Electoral, 2006, articlecommandité par Minority Rights Group International.

39 Wolff, S., Intervention à MRG High-Level Seminar on MinorityRights and Conflict Prevention, New York, novembre 2006.

40 Selon lesquelles une disposition vient à expiration après unecertaine période.

41 Kelman, H., ‘The role of national identity in conflict resolu-tion’, dans R. Ashmore, L. Jussim and D. Wilder, (eds), op. cit.(basé sur le travail de Kelman sur les ateliers de travail sur larésolution des problèmes en Israël/Palestine, à Chypre etdans d’autres situations de conflit).

42 Varshney, A., Ethnic Conflict and Civic Life: Hindus and Mus-lims in India, Yale University Press, 2002.

43 « La Cour interaméricaine des Droits de l’Homme affirmel’accès à la nationalité comme droit humain et réaffirme laprohibition internationale de la discrimination raciale en cequi concerne l’accès à la nationalité », communiqué de pres-se de Projet de justice Société ouverte, 17 octobre 2005.

Notes

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45DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

44 Présentation au séminaire de MRG : Gender, Minorities andIndigenous Peoples, CEDAW, New York, 2004.

45 Baldwin, op. cit.46 Ibid.47 Schomerus, op. cit.48 Reynolds, A., Electoral Systems and the Protection and Parti-

cipation of Minorities, London, MRG, 2006.49 Horowitz, D., ‘Electoral systems: a primer for decision

makers’, Journal of Democracy, vol. 14, no. 4, pp. 119–20,cité dans Reynolds, op. cit.

50 Reynolds, op. cit.51 Fraenkel, J. and Grofman, B., ‘Introduction – political culture,

representation and electoral systems in the Pacific Islands’,Commonwealth and Comparative Politics, vol. 43, no. 3,2005, cité dans Reynolds, op cit.

52 Reynolds, op. cit.53 Brunnegger, op. cit.54 Ibid.55 Hooker, M., Participación Política de Pueblos Indígenas y

Afrodescendientes en el Proceso Electoral, 2006, articlecommandité par MRG.

56 Chadda, M., Minority Rights and Conflict Prevention: CaseStudy of Conflicts in Indian Jammu and Kashmir, Punjab andNagaland, London, MRG, 2006.

57 Hooker, Participacion Politica de Pueblos Indigenas y Afro-descendientes en el Proceso Electoral, op. cit.

58 Red de Dirigentes Costeños (Network of Coastal Leaders),Regiones Autónomos reclaman nuevo marco de relacionescon el estado de Nicaragua, 5 novembre 2006.

59 Chadda, op. cit.60 Baldwin, op. cit.61 Ghai, Y., Public Participation and Minorities, London, MRG,

2003.62 Brunnegger, S., op. cit.63 Weller, M., and Wolff, S., ‘Recent trends in autonomy and

state construction’, Autonomy, Self-Governance and ConflictResolution : Innovative Approaches to Institutional Design inDivided Societies, M. Weller and S. Wolff, (eds), London,Routledge, 2005.

64 Brunnegger, S., op. cit.65 Voir par exemple Cornell, S.E., ‘Autonomy as a Source of

Conflict: Caucasian Conflicts in Theoretical Perspective’ ,World Politics, vol. 54 no. 2, 2002, http://www.cornell caspian.com/ pub2/WorldPolitics542Cornell.htm.

66 Nom collectif pour un certain nombre de groupes ethniquesparlant des langues dravidiennes en Inde du sud, y comprisles Tamils.

67 Chadda, op. cit.68 Ibid.69 Ibid.70 Ibid.71 Wolff, S., The Emerging Practice of ‘Complex Power-sharing’

in the Settlement of Self-determination Conflicts, Premièrerédaction d’un article présenté à la Conference on Federa-lism, Decentralization and Conflict (Centre for Research onInequality, Human Security and Ethnicity), University ofOxford, octobre 2006.

72 Lijphart, A., Democracy in Plural Societies, New Haven, YaleUniversity Press, 1977.

73 Horowitz, D., Ethnic Groups in Conflict, Berkeley, Universityof California Press, 1985.

74 Voir FCNM.75 Jabar, F. A., The Constitution of Iraq: Religious and Ethnic

Relations, London, MRG, 2005.76 Baldwin, op. cit.77 Ibid78 Srinivasan, op. cit.79 Wolff, S., Déclaration à MRG High-Level Seminar on Minority

Rights and Conflict Prevention, op. cit.80 Jabar, op. cit.

81 Alors que la résolution 1325 du Conseil de sécurité ne men-tionne pas spécifiquement les femmes des minorités, elleindique clairement que les femmes devraient totalementparticiper au processus.

82 M.J. Esman and R.J. Herring, (eds.), Carrots, Sticks, and Eth-nic Conflict: Rethinking Development Assistance, TheUniversity of Michigan Press, 2003.

83 Voir par exemple: Stewart, F., Barrón, M., Brown, G. and Hart-well, M., Centre for Research on Inequality, Human Securityand Ethnicity, CRISE, Oxford University, 2005.

84 UNDM, Article 4.5: « Les Etats devraient envisager desmesures appropriées pour que les personnes appartenant àdes minorités puissent participer pleinement au progrès etau développement économiques de leur pays. ».

85 Premdas étudie le cas d’une occasion manquée dans la pré-vention du conflit à Fidji, où les inégalités économiques etautres inégalités perçues ne furent pas traitées et où leconflit s’est intensifié. Premdas, R.R., ‘Fiji: peace making in amulti ethnic state’, C.L Siriam and K. Wermeinster (eds),From Promise to Practice: Strengthening UN Capacities forthe Prevention of Violent Conflict, New York, InternationalPeace Academy, 2003.

86 Justino, P., and Litchfield, P., Economic Exclusion and Discri-mination: The Experiences of Minorities and IndigenousPeoples, London, MRG, 2003.

87 Esman, and Herring, op. cit.88 MRG, Assessing the Framework for Country Strategy Papers,

London, MRG, 2003, voir http://www.minorityrights.org/Advocacy/advocacy_cspbriefing.htm; Hughes, A., PRSPs,Minorities and Indigenous Peoples - An Issues Paper, Lon-don, MRG, 2005.

89 MRG, Minorities and Indigenous Peoples Rights in the Millen-nium Development Goals, London, MRG, 2003,http://www.minorityrights.org/admin/Download/pdf/AdvMDGBriefing.pdf.

90 Preventing Deadly Conflict: Final Report, Washington DC, Car-negie Commission on Preventing Deadly Conflict, 1997, p. 84.

91 DFID, Preventing Deadly Conflict, London, DFID, 2007, p. 28.92 Chadda, op. cit.93 Voir HRIC/MRG, China: Minority Exclusion, Marginalization

and Rising Tensions, London, MRG, 2007.94 Gilley, B., “Uighurs need not apply” (NdT : « Uigurs s’abstenir

»), Far Eastern Economic Review, 23 août 2001.95 Togochog, E., ‘Ecological Migration as a Human Rights Issue’,

at the Association for Asian Studies Session 187: EcologicalMigration: Environment, Ethnicity, and Human Rights in InnerMongolia, Sponsorisé par la Mongolia Society, 31 mars-3avril 2005.

96 Voir HRIC/MRG, op. cit.97 Flint, J. and de Waal, A., Darfur: A Short History of a Long

War, African Arguments98 Voir Srinivasan, op. cit.99 Gobrin, G. and Andin, A., Development Conflict: The Philippi-

ne Experience, London, MRG, 2003.100 Stewart, F., Horizontal Inequalities: A Neglected Dimension of

Development, CRISE Centre on Research on Inequality,Human Security and Ethnicity, 2004.

101 Ibid.102 Voir par exemple l’Article 14 dans American Convention on

Human Reght, 1969103 Conseil norvégien des réfugiés/Projet global IDP, Profile of

Internal Displacement: Bosnia and Herzegovina, Geneva,2005, p. 144

104 Pacte international relatif aux droits économiques, sociauxet culturels, Article 2.2: « Les Etats parties au présent Pactes’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncésseront exercés sans discrimination aucune fondée sur larace, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion poli-tique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale,la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

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46 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

105 VOIR CERD Article 2.2: « Les Etats parties prendront, si lescirconstances l’exigent, dans les domaines social, écono-mique, culturel et autres, des mesures spéciales etconcrètes pour assurer comme il convient le développementou la protection de certains groupes raciaux ou d’individusappartenant à ces groupes, en vue de leur garantir, dansdes conditions d’égalité, le plein exercice des droits del’homme et des libertés fondamentales. Ces mesures nepourront en aucun cas avoir pour effet le maintien de droitsinégaux ou distincts pour les divers groupes raciaux, unefois atteints les objectifs auxquels elles répondaient. »

106 Pour une discussion de certains des défis présentés par ladiscrimination positive, voir la communication au Conseiléconomique et social des Nations Unies de M. Bossuyt(Rapporteur sur les mesures spéciales pour la Sous-Com-mission de la promotion et de la protection des droits del’homme). http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/AllSymbols/0AAA7775DAF0BCEBC1256C0C0031C5BD/$File/G0214014.doc?OpenElement.

107 La constitution iraquienne interdit toute loi qui contredise «les éléments immuables des doctrines de l’Islam ».

108 Bien qu’il arrive que plusieurs membres de minorités impli-quées dans des conflits en cours soutiennent des amnistiespour les crimes commis contre eux, si cela doit mettre finde façon permanente au conflit. (Conclusion de MRG semi-nar on minorities and justice, 2003).

109 Par exemple, bien qu’une bonne loi contre la discriminationait été passée au Kosovo en 2004, elle n’était pas mise enoeuvre en 2006, et aucun cas n’a été poursuivi ni aucunepolitique modifiée en conséquence de cette loi, malgrétoutes les ressources allouées par la communauté interna-tionale au Kosovo. Baldwin, op. cit.

110 Voir Document final du Sommet mondial, 2005. http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N05/487/60/PDF/N0548760.pdf?OpenElement.

111 Il y a eu un petit nombre d’exemples de poussées vers lasécession couronnées de succès au cours des annéesrécentes, mais elles se sont produites soit comme le résul-tat d’un accord conclu à l’amiable par les deux parties, soitaprès l’occurrence de violations à grande échelle perpé-trées par l’Etat contre la population concernée.

112 Dans UNDM, 1992 et Document final du Sommet mondial,2005.

113 Siriam and Wermeister, op. cit., p. 364.114 Basée sur la recherche de MRG sur l’alerte précoce faite

par Jacqueline Msipha115 La CEDEAO a établi un système d’alerte précoce sous-

régional connu sous le nom de « Le Système ».116 http://europa.eu.int/comm/external_relations/cpcm/

cp/list.htm; http://www.conflictsensitivity.org/resource_pack/5_ec_checklist_for_root_causes_of_conflict_315.html

117 Voir Decision On Follow Up Procedure To The DeclarationOn Prevention Of Genocide Indicators Of Systematic AndMassive Patterns Of Racial Discrimination,http://www.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/CERD.C.67.Misc.8.pdf.

118 Les informations dans cette section s’appuient sur des sta-tistiques et des commentaires cités dans Srinivasan, op. cit.

119 Ibid.120 Baldwin, op. cit.121 Adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies;

Résolution 2200A (XXI) du 16 décembre 1966.122 Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies;

Résolution 47/135 du 18 décembre 1992.123 Conseil de l’Europe, document H(1995)010, Strasbourg,

février 1995.124 Organisation éducative, scientifique et culturelle des

Nations Unies , Paris, 20 octobre 2005, (CLT-2005/CONVENTION DIVERSITE-CULT REV.).

125 Fondation sur les relations interethniques, septembre 1999.Les recommandations de Lund furent commandées par lebureau du Haut Commissaire pour les minorités nationalesde l’OSCE, pour donner des lignes directrices au travail dubureau. Avec 24 Articles, elles donnent une assistance trèsprécise quant à la participation des minorités dans la viepublique, pour aider le bureau à mettre en oeuvre sonmandat, qui inclut la réduction des tensions dans les rela-tions entre les minorités et les gouvernements. Seule unepetite sélection peut en être donnée ici.

126 Adopté et ouvert à la signature et ratification par l’Assem-blée Générale le 16 Decembre 1966

127 Adopté et ouvert à la signature par l’Assemblée Générale,Résolution 2106 du 21 Décembre 1965

128 Adopté par la résolution 41 /128 de l’Assemblée Généraledu 4 Décembre 1986

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47DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

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Bibliographie

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48 DROITS DES MINORITÉS : CLÉ POUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS

Afin de poursuivre ses objectifs, MRG compte sur lesoutien généreux d’institutions et d’individus. Tous lesdons que nous recevons contribuent directement auxprojets que nous menons avec des minorités et despeuples autochtones.

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Les publications de MRG, uniques en leur genre, offrentdes informations exactes et impartiales sur les minoritéset les peuples autochtones dans le monde entier, qui sontfondées sur des recherches approfondies. Nous offronsdes analyses critiques et de nouvelles perspectives surdes questions internationales. Nos matériels spécialisésde formation comprennent des guides essentiels pour lesONG sur les instruments internationaux relatifs aux droitshumains et sur les possibilités et les procédures d’accèsaux organismes internationaux. De nombreusespublications de MRG (rédigées en anglais) ont ététraduites dans diverses langues.

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Participation

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Droits des Minorités : Clé pour la Prévention des Conflits

Minority Rights Group International 54 Commercial Street, London E1 6LT, United Kingdom ISBN 1 904584 66 7Tel +44 (0)20 7422 4200 Fax +44 (0)20 7422 4201Email [email protected] Site Web www.minorityrights.org

Ce rapport, Droits des Minorités : Clé pour la Préventiondes Conflits, présente des arguments convaincants quantà la nécessité de comprendre les droits des minorités pourquiconque s’occupe de prévention et de résolution deconflits.

Les auteurs du rapport, Clive Baldwin, Chris Chapman etZoë Grey, démontrent l’existence de liens étroits entre lesviolations des droits des minorités et l’apparition deconflits majeurs, en s’appuyant sur des rechercheseffectuées en Chine, en Inde, en Iraq, au Kosovo, auNicaragua, aux Philippines et au Soudan, entre autresEtats. Le rapport de MRG montre comment les violationsdes droits des minorités sont souvent des signes avant-coureurs d’un conflit imminent.

Ce nouveau rapport examine cinq thèmes : l’identité desminorités, la capacité des minorités à participer à la viepolitique et économique, les droits fonciers et le droit depropriété, et les questions juridiques. En utilisant desétudes de cas et en apportant des conseils pratiques, lesauteurs montrent comment la négligence des signauxd’alerte précoces dans n’importe lequel de ces domainespeut mener au développement de tensions et finalement à un conflit violent.

Les résultats obtenus par la communauté internationaledans le domaine des droits des minorités et de laprévention des conflits sont étudiés, et sont jugésinsuffisants. Le rapport se conclut sur une série derecommandations et de mesures à suivre destinées auxorganismes internationaux oeuvrant pour la prévention etla résolution des conflits.

pour la promotion et la défense des droitsdes minrités et des peuples autochtones