Research Infrastructures Information Day Brussels, March 25, 2003 Victor Alessandrini IDRIS - CNRS.
RAPPORT DU FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT … · -iii-Samir RADWAN, Economic Research Forum, Egypte...
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RAPPORT DU FEMISE 2004 SUR LE RAPPORT DU FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN
Analyses et propositions duAnalyses et propositions duForum Euro-Méditerranéen des Instituts EconomiquesForum Euro-Méditerranéen des Instituts Economiques
Samir Radwan, Economic Research Forum, EgypteJean-Louis Reiffers, Institut de la Méditerranée, France
Coordonnateurs
Ce rapport a été réalisé avec le soutien financier dela Commission des Communautés Européennes. Lesopinions exprimées dans ce texte n’engagent queles auteurs et ne reflètent pas l’opinion officielle dela Commission.
Décembre 2004
Institut de la Méditerranée
FEMISE
C A I S S E D E P A R G N EPROVENCE - ALPES - CORSE
2004
RAPPORT FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN
Samir Radwan, Economic Research Forum, EgypteJean-Louis Reiffers, Institut de la Méditerranée, France
Coordonnateurs
Ce rapport a été réalisé avec le soutien financier de la Commission desCommunautés Européennes. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent queles auteurs et ne reflètent pas l’opinion officielle de la Commission.
Décembre 2004
2004
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Samir RADWAN, Economic Research Forum, Egypte
Jean-Louis REIFFERS, Institut de la Méditerranée, France
Sergio ALESSANDRINI, Istituto d’Economia, Universita Luigi Bocconi, Italie
Aziz Al KAZAZ, Deutches Orient Institut, University of Hamburg, Allemagne
Bruno AMOROSO, Federico Caffe Center, Roskilde University, Danemark
Slimane BEDRANI, CREAD, Algérie
Driss BEN ALI, Centre d’Etudes Stratégiques, Univ. Mohammed V, Maroc
Agnès CHEVALLIER, CEPII, France
Michael GASIOREK, Sussex University, Royaume-Uni
Mohieddine HADHRI, CETIMA, Tunisie
Hanaa KHEIR ELDIN, Faculty of Economics & Political Studies, Cairo Univ., Egypte
Alejandro LORCA CORRONS, Universidad Autonoma de Madrid, Espagne
Samir MAKDISI, Economics Department, American Univ. in Beirut, Liban
Tuomo MELASUO, University of Tampere, TAPRI, Finlande
Seyfeddin MUAZ, Royal Scientific Society, Jordanie
Yilmaz ÖZKAN, Center for Mediterranean Studies, Turquie
Meine Pieter Van DIJK, Economic Faculty, Erasmus University, Hollande
Décembre 2004
Ce rapport a été présenté au Steering Committee du FEMISE,en décembre 2004.
Membres du Steering Committee :
RAPPORT FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN
Avec la contribution de :
Frédéric Blanc Institut de la Méditerranée, France
André Cartapanis Centre d’Economie et de Finances Internationales, France
Yasmin Fahim Economic Research Forum for the Arab Countries, Iran & Turkey, Egypte
Nathalie Grand Institut de la Méditerranée, France
Maryse Louis Economic Research Forum for the Arab Countries, Iran & Turkey, Egypte
Diaa Nour El Din Economic Research Forum for the Arab Countries, Iran & Turkey, Egypte
Nathalie Roux Centre d’Economie et de Finances Internationales, France
-v-
TABLE DES MATIERES
A/ UTILISER LA CONSOLIDATION ÉCONOMIQUE POUR PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN
I- Les progrès au sein de la société doivent adopterle même rythme que les progrès économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.31. Les avancées ont été surtout nominales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.3 2. Une situation économique assainie, mais fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.53. Un régime de croissance insuffisant au regard des besoins présents et futurs de créations d’emplois et de progrès sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.104. L’impératif en matière de réformes : modifier les pratiques comme les règles . . . . p.195. La nécessité de nouvelles marges de manœuvre macroéconomiques . . . . . . . . . . p.246. L’éducation et le marché du travail : les premières étapes . . . . . . . . . . . . . . . . . p.27
II- La nécessaire adaptation des cadres légaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.301. Les défis pour le développement des pays du Sud de la Méditerranée. . . . . . . . . . p.302. La gouvernance et la réforme économique dans les PM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.48
III-Une question vitale pour le partenariat : avancer sur la question agricole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.601. L’impact du partenariat euro-méditerranéen sur les secteurs de l’agriculture en Jordanie, Palestine, Syrie, Liban et Egypte (RSS) . . . . . . . . . . . . p.612. Les effets de la libéralisation agricole sur les économies des pays partenaires méditerranéens (UAM) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.65
IV- Une ouverture des services qui ne permet pas de tirer profitde la proximité et bride le meilleur usage des flux financiers. . . . . . . . . . . . . p.681. Les échanges de services dans les PM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.682. Une manne sous-exploitée : les transferts des migrants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.773. Les investissements directs étrangers dans les PM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.85
V- Les échanges commerciaux avec l’Europe élargie : une ouverture qui n’est pasgarante du développement et qui modifie les structures industrielles . . . . . . p.941. Une situation internationale des PM toujours fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.962. Un niveau de compétitivité relative qui fragilise la position des PM face à la pression de la concurrence internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1023. Des spécialisations de plus en plus marquées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1144. Plusieurs types de modèles d’ancrage à l’UE qui n’ont pasles mêmes conséquences en terme d’amélioration des capacités productives . . . . . . p.125
VI- Intégration sud-sud : un rêve qui devient réalité ? . . . . . . . . . . . . . . . . p.1321. Intégration mondiale des pays arabes : succès et échecs . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1332. Le commerce entre les pays arabes se développe, mais reste marginal…. . . . . . . p.1393. Autres domaines d’intégration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1454. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.146
B/ MONOGRAPHIES SUR LA SITUATION MACRO-ECONOMIQUE DES PM . . . . . . . . . . . . . . . p.149
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.227
-1-
INTRODUCTION
A la veille du 10ème anniversaire du
Partenariat, le rapport 2004 n’a pas pour
objet d’évaluer les apports de l’action euro-
péenne et de celles des PM. Il s’agit plutôt de
mettre en relief les orientations à prendre
pour les années à venir, compte tenu de la
situation actuelle et des contraintes des PM.
Il s’articule autour de 3 constats :
√ l’élément le moins contestable des
relations euro-méditerranéennes est l’inter-
dépendance qui s’est tissée entre les deux
zones. Elle se traduit essentiellement par
des flux d’hommes, légaux et non légaux et
des flux de revenus provenant des migrants,
plus représentatifs que les flux de biens et de
services traditionnels. Il faut bien se rendre
compte que les rives européennes sont éga-
lement sous l’influence des phénomènes à
l’oeuvre sur les rives sud, moins aujourd’hui
sur le plan économique — ce que l’on peut
regretter — mais de façon incontestable dans
la sphère sociale. Il est tout aussi évident
que la seule régulation des flux légaux
d’hommes et de femmes ne modifie que
marginalement cet état de fait.
√ Les PM sont dans une situation
de fragilité. Leur développement humain,
comme leur développement économique,
réclame des ressources considérables en pro-
portion de leurs productions. Le maintien de
l’équilibre, parfois précaire, de ces sociétés
nécessite donc de fait un investissement
important de la sphère publique. Toutefois,
les ressources publiques investies n’appa-
raissent pas efficaces, car les montants
générés restent insuffisants face à l’ampleur
des tâches et souvent employés de façon
contre-productive. Une parfaite illustration se
trouve dans les dépenses d’éducation, qui
rapportées au PIB, figurent parmi les efforts
les plus intenses au monde, mais ne permet-
tent pas de résoudre à l’échelle nécessaire le
problème de l’analphabétisme.
√ Sur le plan macroéconomique, la
rigueur des dix dernières années a permis,
sans doute aucun, de supporter les pro-
blèmes conjoncturels auxquels les PM se sont
trouvés confrontés de manière récurrente.
Mais justement, la succession de chocs exté-
rieurs –climatiques, économiques, poli-
tiques– pèse tout de même et finit par
remettre en cause les équilibres restaurés.
Le temps est donc venu pour des actions qui,
sans remettre en cause la philosophie géné-
rale de préservation des équilibres, garante
d’un développement soutenable, ciblent les
changements structurels nécessaires
dans l’ensemble de la sphère socio-éco-
nomique.
Face à cela, 3 contrastes majeurs nourris-
sent non seulement la déception envers le
Partenariat (et plus loin l’Europe), mais éga-
lement des déséquilibres grandissant :
√ le contraste entre les espoirs nés
de la mise en place du processus et les
résultats tangibles obtenus aujourd’hui, tels
que la population des rives du sud les appré-
hende ;
√ le contraste entre la solution poli-
tique offerte à l’Est et l’orientation tech-
nique du Partenariat avec les pays du
Samir Radwan, Economic Research Forum, EgypteJean-Louis Reiffers, Institut de la Méditerranée, France
Coordonnateurs
Décembre 2004
-2-
Sud, qui entraîne, dans ces derniers pays, un
sentiment d’être laissés pour compte.
√ le constraste entre les conditions
de vie offertes de part et d’autre d’un
détroit, dont on dit que la traversée suffit à
ôter 10 ans d’espérance de vie. A mesure
que se développent les nouveaux moyens de
communications, c’est maintenant l’en-
semble de la population de ces pays qui
appréhende quotidiennement l’écart entre
les deux rives. Cela rend de plus en plus
inacceptable le sentiment qu’en interne,
l’évolution est faible.
Les deux rives doivent aujourd’hui, et conjoin-
tement, prendre acte de cette interdépendan-
ce humaine, des contraintes lourdes subies
par les PM et de l’efficacité relative de la seule
action macroéconomique. Elles doivent mar-
quer la cohérence des actions de part et
d’autres, dans les processus de réformes et de
libéralisation au sud –les services et notam-
ment le transport et la finance–, dans l’aide et
les actions de développement apportés au
Nord –investissements structurels, etc..
Dans cette optique, le rapport 2004 va explo-
rer les principales priorités à court terme
comme suit :
√ réduire le phénomène de pauvreté et
d’exclusion (notamment celle issue du mar-
ché du travail) au sud, qui, s’il n’est pas très
profond relativement aux autres régions en
développement, augmente de façon peu sou-
tenable le contraste entre les deux rives ;
√ adapter les cadres légaux pour
réduire l’écart entre les des deux rives, sans
pour autant remettre en cause les identités
culturelles ;
√ faire progresser de façon tangible la
question agricole ;
√ bien évaluer les processus industriels
qui s’enclenchent compte tenu des échanges
commerciaux entre les deux zones, mais
également des modifications géo-politiques
et géo-économiques (élargissement à l’est,
développement de la Chine et de l’Inde,
influence américaine, …) ;
√ libéraliser de manière raisonnée et
surtout cohérente les sociétés méditerra-
néennes, notamment en ouvrant au plus vite
les secteurs qui brident aujourd’hui les avan-
tages liés à la proximité (services de trans-
ports, services financiers) ;
√ reconnaître au delà de l’histoire que
la rive sud entière est solidaire dans la désaf-
fection qu’elle subit. Ici la politique prime sur
l’économie bien entendu, mais ce que les
économistes peuvent mettre en avant, c’est
d’un point de vue très pragmatique que la
paix, la stabilité et l’intégration constituent la
seule alternative productive pour la région ;
√ prendre acte des retards accumulés
ces 20 dernières années, qui impliquent que
des stratégies de type « dragons asiatiques »
ne sont plus possibles, alors qu’inversement
le temps est propice à la mise en place d’éco-
nomies fondées sur la connaissance.
Bon nombre de constats et de recommanda-
tions présentés cette année découlent du
programme de recherche Femise lancé fin
2002 et dont les résultats commencent à être
disponibles. Ainsi, les résumés succincts
d’une dizaine de rapport de recherche sont
présentés dans les chapitres concernés.
Puis, dans sa deuxième partie, le rapport
2004 se focalise sur l’évolution conjoncturelle
récente de chaque partenaire méditerranéen.
Le message est à destination des deux rives.
Il est peu probable qu’un instrument unique-
ment basé sur une zone de libre-échange
puisse provoquer un développement suffi-
sant au sud. De même, la seule gestion
rigoureuse de la macroéconomie, augmentée
de retouches libérales par endroits, sans tou-
cher à des aspects sociétaux plus profonds —
statut de la femme, séparation des pouvoirs,
-3-
intégration régionale— ne pourra pas desser-
rer l’étau autour des PM.
I- Les progrès au sein de la société doi-
vent adopter le même rythme que les
progrès économiques
1. Les avancées ont été surtout nominales
Pour mieux comprendre les dynamiques à
l’œuvre ces 10 dernières années, le Femise a
examiné la position relative des PM en 1995
et en 2004 en utilisant la méthode multicri-
tères mobilisée dans les rapports précédents.
Il s’est agi de déterminer l’évolution des PM
entre 1995 et aujourd’hui, relativement à
l’évolution connue dans d’autres zones, mais
également selon 4 aspects : l’évolution du
développement social et humain, l’évolution
des performances économiques, l’évolution
du contexte légal et l’évolution en termes
d’économie de la connaissance.
Ces 4 aspects suivent la logique du processus
de Barcelone :
(i) la création d’une aire de prospérité,
de paix et de développement social, ce qui
sous entend un indispensable développe-
ment humain fondé sur le niveau général de
lettrisme, l’espérance de vie et les soins, l’ac-
cès au travail, l’égalité entre sexe, etc.
(ii) L’équilibre social ne peut aller sans
prospérité économique, c’est un fait qui moti-
ve un espace « performance macroéco-
nomique ». Il s’agit de mesurer la qualité
des résultats économiques en fonction non
seulement de l’approche consensuelle de
maîtrise des grands équilibres, mais aussi
d’indicateurs évaluant la soutenabilité de la
situation.
(iii) Le consensus de Washington est
apparu comme insuffisant pour impulser une
dynamique vertueuse partout. C’est ce qui
motive aujourd’hui et à raison l’intérêt pour
la gouvernance et les processus de
réformes : il est clair que l’équilibre écono-
mique se diffuse à l’intérieur des sociétés par
l’intermédiaire d’institutions et de cadres
légaux se comportant comme courroies
transmettant efficacement les bénéfices
macroéconomiques.
(iv) Le dernier espace est celui des ins-
truments (non utilisés ailleurs) permettant
d’établir une société de la connaissance
dans les pays. Pour le Femise, il s’agit de la
meilleure solution permettant aux pays en
développement de profiter rapidement d’une
sorte de new deal où les positions ne sont
pas encore acquises.
Globalement, la situation des PM aujourd’hui
les place dans la moyenne des économies
mondiales. Mais, ce qui est à retenir, c’est
que cette situation moyenne est le compro-
mis entre une position un peu meilleure dans
les performances économiques et les infra-
structures nécessaires à la société de la
connaissance, et une position sensiblement
inférieure à la majorité des pays dans le
monde en termes de gouvernance-réformes
et surtout de développement humain. Pour
l’ensemble des PM en effet, on observe que :
√ la dynamique relative sur le plan du
développement humain est marquée par la
stabilité. C’est-à-dire que les progrès enre-
gistrés n’ont pas été suffisants pour amélio-
rer la place des PM dans le monde de ce point
de vue.
√ L’évolution sur le plan des perfor-
mances économiques est certes positive,
mais reste malgré tout légèrement en deçà
de l’évolution médiane.
√ Les performances économiques géné-
rales en 2004 sont relativement bonnes, à
peu près partout supérieures à la moyenne.
Les efforts continus pour préserver les équi-
libres portent leurs fruits même si la situation
internationale pèse de plus en plus lourde-
ment. On note toutefois que les résultats
seront de plus en plus difficiles à conserver.
-4-
√ Le marché du travail reste le talon
d’Achille de la région : très faible taux d’acti-
vité, notamment chez les femmes et fort
taux de chômage. C’est un risque important
pour l’ensemble du processus, pour l’équi-
libre et la stabilité mêmes de ces pays (Cf.
Femise 2003).
√ Malgré des indicateurs d’éducation
situés généralement dans la moyenne, le pro-
blème de l’analphabétisme ne se résout pas.
√ La position relative en matière d’ou-
verture commerciale et financière ne pro-
gresse pas non plus en dépit des accords
euro-méditerranéens.
Cette analyse de la dynamique des PM sur
ces 4 plans relativement aux autres régions
dans le monde est symptomatique des diffi-
cultés de la région (Cf. figure 1). Sur la base
des 36 critères qui ont été mobilisés, par rap-
port à l’évolution globale médiane, les PM ont
donc réussi à suivre la tendance générale en
termes d’infrastructures d’économie de la
connaissance et de performances écono-
miques. Mais, à l’inverse, ils n’ont pas amé-
lioré leur situation dans les aspects quoti-
diens, relativement à l’ensemble des pays
dans le monde.
Il apparaît ainsi que les PM se sont appliqués
dans les domaines nominaux (macroéconomie,
infrastructures et cadres légaux économiques),
ce qui permet, vis-à-vis de la communauté
internationale et des investisseurs, de faire
valoir des progrès par ailleurs peu contes-
tables. Mais les problèmes fondamentaux tou-
chant le quotidien demeurent : une population
jeune qui trouvera difficilement sa place, faute
de pouvoir entrer sur le marché du travail, des
marges de manœuvre insuffisantes pour s’at-
taquer aux problèmes d’analphabétisme, une
ouverture qui ne se généralise pas, tant sur le
plan externe pour retarder sans doute les
risques de déstabilisation, que sur le plan inter-
ne en termes de transparence et démocratie.
Ce panorama restreint doit être maintenant
complété à partir de trois grandes questions :
(i) l’assainissement économique est-il
durable et peut-il générer des marges de
manœuvre pour financer une « mise à
niveau » sur le plan social ?
-1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5
Esp. Humain
Esp. Performanceséconomiques
Esp. Réforme
Esp. Sté connaissance
Par espaces relativement aux autres pays (médiane)
PM* P Médian
Figure 1 : L’évolution relative des PM par rapport aux autres régions entre 1995 et2004 selon 4 aspects
-5-
(ii) Quelles sont, en termes de développe-
ment humain, les raisons de cette stagnation ?
(iii) Pourquoi le processus de réformes
est-il plus lent dans les PM relativement aux
autres régions ?
2. Une situation économique assainie, mais
fragile
Près de dix ans après le lancement du
Processus de Barcelone visant la consolida-
tion d’une zone de paix, de libre-échange et
de prospérité en Méditerranée, quelle est la
situation économique des partenaires médi-
terranéens ? Il ne s’agit pas, ici, de dresser
un bilan des effets spécifiques du Partenariat
noué avec l’Union Européenne, notamment
dans le domaine tarifaire, mais de proposer
un panorama des performances macroécono-
miques des pays du Sud de la Méditerranée
en 2004, évidemment au regard des
contraintes héritées et des défis de l’avenir.
Rappelons, au préalable, dans quel contexte
ces économies ont évolué depuis une dizaine
d’années.
D’une part, depuis 1995, les pays méditerra-
néens ont été soumis à de multiples chocs
exogènes : des difficultés pour leur partenai-
re désormais privilégié, l’économie européen-
ne, à sortir d’un régime de croissance molle ;
la création de l’euro se traduisant par des
mouvements désordonnés et difficilement
prévisibles des rapports de change vis-à-vis
du dollar, et donc susceptibles de créer des
distorsions de change en fonction des modes
d’ancrage monétaire retenus ; des crises
financières à répétition parmi les pays émer-
gents suscitant un repli des transferts
d’épargne vis-à-vis des PED ; l’enlisement du
conflit israélo-palestinien, puis le choc du 11
septembre 2001, suivi d’une chute des
recettes touristiques dans les pays méditerra-
néens, puis d’un effet collatéral en Irak, et le
maintien, voire l’accentuation, du climat d’in-
sécurité en Méditerranée ; le processus d’élar-
gissement de l’Union Européenne à l’Est, de
nature à créer de nouvelles distorsions de
concurrence, mais également de nouvelles
oportunités ; des accidents climatiques créant
des pénuries sur les productions agricoles ;
des chocs sur les marchés de matières pre-
mières, exerçant des effets redoutables pour
les pays importateurs de produits pétroliers…
La liste pourrait être allongée. Il importe de
garder en tête ce contexte particulièrement
tourmenté lorsqu’il s’agit d’évaluer les perfor-
mances économiques des pays méditerra-
néens dans la dernière décennie.
D’autre part, parallèlement à la mise en
œuvre des stratégies de transition, nom-
breux sont les PM qui ont été tenus de main-
tenir les politiques macroéconomiques de
rigueur préalablement engagées, à la fois
pour ne pas retomber dans les ornières des
dérives nominales qui avaient conduit à des
ajustements brutaux dans le passé et, aussi,
pour honorer les transferts imposés par la
dette externe.
Telle est donc la configuration d’ensemble au
sein de laquelle ont été engagées, à des
rythmes divers, de vastes réformes dans le
domaine tarifaire, fiscal, financier ou s’agis-
sant de la place de l’Etat dans l’économie et,
donc, en menant des politiques de dérégle-
mentation. Mais en 2004, même si la situa-
tion des différents pays méditerranéens est
loin d’être homogène sur le plan macroéco-
nomique (selon la taille des économies, selon
la disponibilité en main d’œuvre ou en res-
sources naturelles…), un sentiment de
déception prévaut au regard des immenses
espoirs suscités par la Déclaration de
Barcelone.
De façon générale, en tenant compte d’une
certaine hétérogénéité au sein de la zone, les
-6-
efforts d’ajustement ont permis de consolider
les grands équilibres et la situation macroé-
conomique paraît soutenable à court ou à
moyen-terme. Les PM sont relativement peu
exposés à des fragilités sur le plan macro-
financier et donc, a priori, peu soumis à un
risque de crise. Mais cela ne garantit nulle-
ment qu’ils pourront sortir de l’ornière d’une
croissance insuffisante au regard des besoins
en création d’emplois. Couplées aux
contraintes liées à la situation héritée (endet-
tement externe, hypertrophie du secteur
public…), les exigences du Partenariat (mise
à niveau des infrastructures et de la gouver-
nance, démantèlement tarifaire…) ont
conduit à privilégier les ajustements du côté
de l’offre, mais en privant les autorités natio-
nales d’une large part de leurs marges de
manœuvre en matière de politique écono-
mique et de soutien de la demande (poli-
tiques monétaires ou budgétaires, politiques
de change…). Or, dans le même temps, la
zone n’a que modérément tiré profit de son
ouverture externe renforcée avec l’Union
Européenne, ce dont témoignent le maintien
de déséquilibres commerciaux significatifs et
la faiblesse des IDE ou des flux de porte-
feuille. Ni la demande externe de produits
agricoles ou manufacturés, ni les transferts
d’épargne étrangère n’ont atteint des
volumes suffisamment élevés pour induire
une accélération de la croissance.
Pour toutes ces raisons, la situation écono-
mique des pays du Sud de la Méditerranée en
2004 ne peut pas être considérée comme
satisfaisante et exige de nouvelles impul-
sions, autant dans le rythme des réformes
internes qu’en ce qui concerne les conditions
d’intégration commerciale et financière, à
l’échelle euro-méditerranéenne comme sur
un plan plus global. Cet impératif nécessite
sans doute un infléchissement des conditions
d’accès aux marchés extérieurs, tout particu-
lièrement au sein de l’Union Européenne.
Mais cela suppose également que de nou-
velles marges de manœuvre soient dégagées
en interne afin qu’émerge un nouveau régi-
me de croissance apte à créer massivement
des emplois.
Ainsi, ce panorama de la situation macroéco-
nomique des PM peut-il être décliné sous
trois volets :
√ un ancrage nominal crédible et un
endettement soutenable ;
√ une ouverture externe, en matière
commerciale et financière, dont les effets
sont relativement décevants ;
V un régime de croissance insuffisant
au regard des besoins présents et futurs,
notamment en matières d’avancées sociales
et de créations d’emplois.
Un ancrage nominal crédible et un endette-
ment soutenable
Il est douteux que l’on se trouve sous la
menace d’une crise monétaire ou de balance
des paiements et, donc, d’un ajustement de
vaste ampleur, comparable aux difficultés
enregistrées dans les années 1980. A l’échel-
le de l’ensemble de la zone en effet, soit mal-
gré des exceptions notables, quatre caracté-
ristiques marquent aujourd’hui la situation
macroéconomique des PM, si l’on laisse de
côté, pour l’instant, la question de la vigueur
de la croissance : des taux d’inflation relati-
vement faibles ; des déficits budgétaires
certes élevés mais qui paraissent soute-
nables et ne nécessitent pas d’ajustement
drastique, hors le cas du Liban et de la
Turquie ; des déséquilibres courants en nette
diminution et considérés, là encore, comme
soutenables, malgré le poids des transferts
des travailleurs émigrés et des recettes tou-
ristiques dans le financement des déséqui-
libres commerciaux ; des politiques moné-
taires rigoureuses conduisant à des taux de
change dont l’ancrage est crédible et qui sont
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Tau
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crois
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nnuel
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)1995-1
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Tau
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Tableau 1 : Agrégats macroéconomiques en Méditerranée
-8-
marqués par une très nette tendance à l’ap-
préciation en termes réels (Cf. tableau 1).
Dans le domaine de l’inflation, les progrès
réalisés ont été particulièrement significa-
tifs. En moyenne, pour l’ensemble des pays
du Sud de la Méditerranée, le taux de haus-
se des prix à la consommation était de 7,7%
dans les années 1995-98. Les chiffres sont
passés à 2,7% pour la période 1998-2002 et
à 2,6% seulement en 2003. L’amélioration
est donc générale et seule la Turquie y fait
exception avec un taux d’inflation de 25%
en 2003.
Pour ce qui est des déficits budgétaires, on
observe là encore une stabilisation d’en-
semble dont rend compte le tableau 1. En
dehors des cas particuliers du Liban et de
la Turquie, les déficits budgétaires restent
acceptables, même s’ils sont souvent plus
élevés que la norme officielle de 3% que
les pays-membres de la zone euro sont
supposés respecter. Mais nul n’ignore que
ni la France, ni l’Allemagne ne la respec-
tent, sans parler de la situation budgétaire
américaine, même si le financement des
déficits budgétaires rencontre moins de dif-
ficultés dans les pays les plus développés
accédant aisément à des marchés de capi-
taux profonds et liquides, ce qui n’est pas
le cas des PM.
Les déséquilibres courants des PM, y compris
pour les pays non-exportateurs de pétrole,
sont également soutenables. Pour 2003, on
enregistre un déficit de 2,2% du PIB en
Syrie, de 2,9% en Tunisie et de 2,8% en
Turquie. Mais l’Egypte a dégagé un excédent
de 2,4%, la Jordanie de 4,4% et le Maroc de
0,7%. Quant à l’Algérie, compte tenu de
l’évolution des cours pétroliers, l’excédent a
été de l’ordre de 13% en 2003. La situation
est par contre beaucoup plus périlleuse pour
le Liban avec un déficit de 19%. Ce satisfe-
cit doit cependant être tempéré compte tenu
de l’importance des déficits commerciaux
que compensent toutefois les excédents
dans le domaine des services et les trans-
ferts de fonds, issus des travailleurs émigrés
pour les uns, ou liés à l’aide publique bilaté-
rale pour d’autres. Il n’en demeure pas
moins qu’en dehors du Liban, la situation
macroéconomique externe des pays médi-
terranéens n’est pas préoccupante, même si
ce résultat s’explique en partie par un gap
de croissance.
Qu’en est-il de l’endettement externe, autant
pour ce qui est du service de la dette que
s’agissant du stock de dette ? Le tableau 1
rend compte de la situation comparée des PM
en 1993 et en 2003.
L’amélioration est significative pour l’Algérie,
la Jordanie, le Maroc et la Syrie. Si l’on déno-
te une aggravation de l’endettement externe
pour l’Egypte, le Liban et la Turquie, le servi-
ce de la dette reste supportable, sauf pour le
Liban, dont la situation est à nouveau préoc-
cupante, et, à un degré moindre, pour la
Turquie.
S’agissant, enfin, de l’évolution des taux de
change réels, les données rendent parfaite-
ment compte de l’appréciation réelle de la
plupart des grandes monnaies méditerra-
néennes, surtout depuis 1995. C’est là le
signe d’un pilotage macroéconomique à la
fois rigoureux et crédible, mais c’est aussi la
base d’une interrogation quant aux effets
que cela peut engendrer sur la compétitivité-
prix des PM.
En définitive, il semble bien que la stabilisa-
tion macroéconomique soit solidement
ancrée parmi les pays méditerranéens et,
donc, que sur le double plan des équilibres
internes et de l’équilibre externe, toute
inquiétude excessive doive être écartée.
-9-
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2002
Moye
nne
1990/1
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Moye
nne
1995/2
001
2002
Moye
nne
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Moye
nne
1995/2
001
2002
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nne
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Isra
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Jord
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Jord
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Jord
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Jord
anie
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Jord
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Mar
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Mar
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Mar
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Mar
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Mar
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s
Tableau 2 : Équation de transferts des PM 1990-2003
-10-
Une ouverture externe, en matière commer-
ciale et financière, dont les effets sont relati-
vement décevants
Malgré un développement rapide des échanges,
notamment avec l’Union Européenne, l’ouver-
ture renforcée se traduit, le plus souvent, par
des déficits commerciaux et elle n’a guère amé-
lioré le contenu en travail qualifié de la spécia-
lisation (Cf. section V). Quant au type de finan-
cement externe de ces déséquilibres, il fragilise
les économies méditerranéennes et hypo-
thèque l’accélération de la croissance.
S’agissant de l’ouverture externe, tandis que la
croissance des échanges commerciaux à
l’échelle de la planète a été d’environ 8% par
an tout au long des années 1990, elle a plafon-
né autour de 3% dans la région méditerra-
néenne. C’est là le signe, parmi bien d’autres,
d’une intégration insuffisamment rapide dans
l’économie mondiale.
Il est précédemment apparu que la situation
des paiements courants des pays méditerra-
néens pouvait être jugée soutenable, à condi-
tion d’en maîtriser la taille. Il est d’ailleurs légi-
time pour des pays jeunes et à forte croissance
démographique d’enregistrer des déficits cou-
rants car les taux d’épargne ont toutes chances
de ne pas pouvoir égaler les taux d’investisse-
ment. Il faut cependant souligner une double
spécificité s’agissant des PM : d’un côté, avec la
part très élevée des recettes touristiques dans
la balance des biens et services ; et, d’un autre
côté, avec les masses de fonds considérables
que représentent les transferts réalisés par les
travailleurs émigrés. C’est ce qui apparaît sur le
tableau 2. Comparé aux échanges de biens,
l’excédent des services, issu, pour une part
essentielle, des recettes touristiques, est parti-
culièrement élevé en Egypte, au Maroc, en
Tunisie et en Turquie. En dehors de la Syrie,
tous les pays méditerranéens bénéficient d’en-
vois nets de fonds de la part des travailleurs
installés à l’étranger, et pour l’ensemble de la
zone, cela représente des transferts de revenus
de l’ordre de 12 à 15 milliards de dollars par an.
Une telle configuration crée donc une incertitu-
de quant à la permanence et la stabilité de ces
flux, surtout si apparaissait un nouveau choc
politique, à l’image du 11 septembre 2001 et de
ses effets sur la fréquentation touristique en
Méditerranée.
L’un des sujets les plus préoccupants concerne
les flux d’investissement direct en provenance
de l’étranger. Le tableau 3 donne la distribution
des IDE parmi les pays méditerranéens et com-
pare ces afflux avec les apports d’épargne
longue qui se sont portés vers d’autres zones
de l’économie mondiale.
Il est indéniable que, dans le domaine des IDE,
la décennie 1990 restera une décennie man-
quée pour les PM, malgré l’évolution explosive
des mouvements de capitaux à long terme vers
l’ensemble des pays émergents ou en dévelop-
pement. L’amélioration du climat des affaires et
la modernisation de la gouvernance renforce-
ront très certainement les incitations auprès
des investisseurs internationaux. Mais si le cli-
mat politique de la région ne se détend pas, et
si un grand marché Sud-Sud ne se développe
pas, il est difficile d’imaginer un infléchissement
très marqué des IDE en Méditerranée.
3. Un régime de croissance insuffisant au
regard des besoins présents et futurs de
créations d’emplois et progrès sociaux
Au cours de la période 1995-1998, la crois-
sance du PIB des pays méditerranéens s’est
élevée, en moyenne, à 4,4%. Depuis, le taux
de croissance des PM n’a été que de 3,8%
dans les années 1998-2002 et seulement de
3,2% en 2003, ce qui correspond approxima-
tivement à la croissance de la population acti-
ve dans la zone. Dans le même temps, selon
-11-
Tableau 3 : Entrées d’Investissements Directs Étrangers 1990-2003
En
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%
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11
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%
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%
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%
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%
Tunis
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684
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%
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%
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Moye
nne
annuel
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-12-
Tableau 4 : Population vivant sous la ligne de pauvreté (en %)
Croissanceannuellemoyenne duPIB (%)
Croissanceannuellemoyenne duPIB per Capita(%)
Croissance duPIB (%)
Croissanceannuellemoyenne duPIB per Capita(%)
Part de lapopulationvivant avecmoins d’undollar parjour (%)
Part de lapopulationvivant avecmoins de deuxdollars par jour(%)
Ligne depauvreténationale (%)
1990-2002 1990-2001* 2001-2002* 2001-2002* 1990-2002 1990-2002 1990-2001
Algérie 2,2 0,1 4,1 2,5 <2 15,1 12,2Egypte 4,5 2,5 3 1,1 3,1 43,9 16,7Jordanie 4,7 0,9 4,9 2 <2 7,4 11,7Liban 4,9 3,6 1 -0,3 .. .. ..Maroc 2,6 0,7 3,2 1,6 <2 14,3 19Syrie 4,7 1,9 2,7 0,3 .. .. ..Tunisie 4,6 3,1 1,7 0,6 <2 6,6 7,6Turquie 3,1 1,7 7,8 6,1 14,9 30,3 21,8Palestine -0,8 2,4 -19,1 -22.5 .. .. ..
Source : Rapport sur le Développement Humain 2004
le dernier World Economic Outlook du FMI, les
pays émergents ou en développement se
trouvent sur un trend de croissance de 5,1%
depuis 1996, et même de 6,1% en 2003.
Si la croissance économique de la zone est
faible, relativement à d’autres pays compa-
rables, en Asie ou en Amérique latine, elle
l’est plus encore au regard de l’expansion de
la population active en Méditerranée, obser-
vée et à venir, et c’est en fonction des
besoins en créations d’emplois que ce déficit
de croissance prend toute sa dimension. Du
coup, pour l’ensemble des pays méditerra-
néens, malgré des progrès significatifs, la
pauvreté reste préoccupante et le chômage
ne recule pas suffisamment.
Le gap de croissance des pays méditerranéens
est évidemment la résultante de tout un
ensemble de facteurs. Mais soulignons le rôle
clef de plusieurs phénomènes : un taux d’in-
vestissement insuffisant, et légèrement orien-
té à la baisse, de l’ordre de 20% environ dans
la zone (pour 2003 : 30% en Algérie, 17% en
Egypte, 22% en Jordanie, 17% au Liban, 22%
au Maroc, 23% en Syrie, 25% en Tunisie, 23%
en Turquie), à comparer à des taux supérieurs
à 25% parmi les PECO désormais membres de
l’Union Européenne, et même de l’ordre de
30% dans les pays émergents asiatiques ; des
taux d’épargne domestique souvent peu éle-
vés (toujours pour 2003 : 14,5% en Egypte,
16% au Maroc, 30% en Syrie, 21% en Tunisie,
19% en Turquie), même si certains pays se
distinguent nettement sur ce plan, notam-
ment l’Algérie avec environ 45% en 2003 ;
une allocation du capital qui souffre du poids
excessif des entreprises publiques ; une pro-
ductivité globale des facteurs qui progresse
beaucoup trop lentement…
Les conséquences de cette croissance insuffi-
sante apparaissent nettement dans les
chiffres du chômage. Globalement, à l’échel-
le de la zone, celui-ci est aujourd’hui de
l’ordre de 14% avec un pic de plus de 27%
en Algérie, sans que l’on puisse faire état de
réels progrès depuis 10 ans. C’est ce que
montre le tableau 1.
Or, dans le même temps, les besoins en créa-
tion d’emplois s’avèrent considérables à court
et à moyen-terme. Malgré le ralentissement
de la croissance démographique, les créations
d’emplois permettant le maintien des taux
d’activité ou leur alignement sur les taux
européens varient, selon les évaluations, de
40 à 50 millions pour l’ensemble des PM à
horizon 2010. Ces chiffres sont édifiants et
montrent bien pourquoi il est impératif, pour
les PM, de retrouver de nouvelles marges de
manœuvre sur le plan macroéconomique.
Dans le même temps, compte tenu des rela-
tions entre les deux rives, ces marges de
-13-
manœuvre apparaissent nécessaires afin de
réduire l’écart persistant de développement
humain.
Une lente évolution sur le plan social qui
accroît trop sensiblement le contraste entre
les deux rives
La situation des partenaires méditerranéens
sur le plan du développement humain et de
la pauvreté, détaillée dans l’étude du Censis
ci-après, peut se résumer comme suit.
√ Croissance et pauvreté
La relation entre croissance et pauvreté est
au cœur du développement économique.
Pour beaucoup, la croissance économique est
considérée comme nécessaire et suffisante
pour réduire l’incidence et la profondeur de la
pauvreté, ce qui a comme conséquence de
focaliser les efforts sur les résultats macro-
économiques.
Comme on l’a vu, la croissance au sud a été
relativement faible (tableau 1), particulière-
ment au Liban et dans les Territoires sous
Autorité Palestinienne.
Sur le plan du niveau de pauvreté, il convient
de rappeler que les résultats varient selon la
mesure retenue. En choisissant le seuil inter-
national conventionnel, fixé à des dépenses
de 1$ par jour et par personne, le rapport sur
le développement humain 2004 fait état de
très faibles niveaux de pauvreté. Mais, un
seuil de 2$ par jour, et plus encore les seuils
fondés sur les lignes nationales de pauvreté,
dépeint une situation plus réaliste et large-
ment hétérogène au sein des PM.
Au seuil de 1$, les taux varient de 1,1% de
pauvres au Maroc, 2,5% en Algérie, 2,5% en
Jordanie, 3,9% en Tunisie et 7,6% en
Egypte. Mais, en plaçant la ligne à 2 $, cette
relativement faible incidence augmente for-
tement : 17,6% en Algérie, 19,6% au Maroc,
22,7% en Tunisie, 23,5% en Jordanie et plus
de la moitié de la population (51,9%) en
Egypte (Collicelli & Valerii, 2001).
En examinant les niveaux de croissance du
PIB par tête, on observe indéniablement une
certaine corrélation avec le niveau de crois-
sance du PIB. Aussi, la Turquie, la Jordanie et
l’Algérie enregistrent les plus forts taux
moyens de croissance du PIB par tête. Mais,
il apparaît que la relation croissance-pauvreté
est rien moins que systématique. Tous les PM
ne se classent en effet pas dans le même
ordre selon la croissance économique et le
niveau de pauvreté (tableau 6).
√ Développement humain et pauvreté
Comme indiqué dans l’étude du Censis ci-
contre et dans le tableau 5, l’indice de déve-
loppement humain produit par le PNUD
varie grandement entre les PM, tout en
ayant beaucoup augmenté ces dernières
Tableau 5: Tendance de l’indice de développement humain
1975 1980 1985 1990 1995 2001Algérie 0,510 0,559 0,609 0,648 0,668 0,704Egypte, 0,433 0,480 0,530 0,572 0,605 0,648Jordanie .. 0,637 0,659 0,675 0,702 0,743Liban .. .. .. 0,678 0,728 0,752Maroc 0,427 0,472 0,506 0,538 0,567 0,606Syrie 0,536 0,578 0,612 0,632 0,664 0,685Tunisie 0,514 0,572 0,620 0,654 0,693 0,740Turquie 0,589 0,612 0,649 0,681 0,712 0,734Palestine .. .. .. .. .. ..
Source : Rapport sur le Développement Humain 2003
-14-
Les limes de Méditerranée : les variablessociales du développement : santé, pau-vreté et crime.L’impact du partenariat euro-méditerra-néen et de la mondialisation sur lesdéséquilibres sociaux entre le Nord et leSud du bassin.
Dirigée par Fondazione Censis, Italy
Cette étude cherche à analyser les effets dela mondialisation, en général, et du partena-riat euro-méditerranéen en particulier, enexaminant les déséquilibres sociaux et lesdifférences entre les sociétés de part etd’autre du bassin méditerranéen.
L’étude se concentre principalement sur troisdimensions de l’aspect social du développe-ment (la santé, la pauvreté et le crime), afinde mesurer la façon dont ces trois secteursfondamentaux de « l’état de santé » d’unpays sont plus ou moins affectés par les rela-tions globales des pays méditerranéens.
La santé effective de la population, la pau-vreté multidimensionnelle et « le crime etl’illégalité » continuent de représenter troisfacteurs extrêmement importants, qui doi-vent faire l’objet de recherches et d’atten-tion de la part de la communauté interna-tionale et de l’intervention publique afin deréduire la distance séparant la rive nord dela rive sud-est de la Méditerranée et d’as-surer que le développement soit soute-nable. Il faut garder à l’esprit égalementque les principaux objectifs du partenariateuro-méditerranéen – commerce et sécuri-té – ne pourront être atteints si la prioritén’est pas donnée aussi à la création d’unbien-être social à chaque endroit de larégion méditerranéenne.
Un premier objectif de l’étude a été de réali-ser une nouvelle analyse comparative de lasanté et de la pauvreté dans 18 pays médi-terranéens et de dresser les divers profilsmultidimensionnels de la privation, en pre-nant en compte dans la recherche desvariables sociales et personnelles, les typesde familles et les types de territoires (rural eturbain, zône côtière et continentale, pauvre-té historique et émergente, etc.).
L’autre aspect analysé est le système légaldes différents pays, dans la mesure où lasphère du crime et de l’illégalité et le systè-me judiciaire – souvent négligés dans lesétudes de ce type – constituent un facteurimportant d’intégration, en particulier par lefait que des garanties insuffisantes en cedomaine peuvent décourager les flux nord-
sud d’investissements et de personnes à l’in-térieur du bassin.
Du point de vue théorique, la réflexion sur lapauvreté concerne d’autres notions en rela-tion avec le développement humain :√ les droits de l’homme, dans tous ses
aspects ;√ la santé ;√ l’accès ou l’exclusion aux biens, res-
sources et services ;√ l’état de sécurité personnelle et le climat
de confiance ou de peur au sein de l’envi-ronnement concerné ;
√ la participation active des individus dansleur contexte social.
La pauvreté, la santé et le crime ont doncconstitué les trois éléments dont les niveauxont été mesurés de façon à déterminer desphénomènes transversaux permettant à lacommunauté d’identifier plus clairement lesfacteurs responsables de la stimulation ou dela stagnation des processus de convergenceau sein de la région euro-méditerranéenne.
Les programmes d’ajustements structurelsqui ont guidé les réformes dans les années80 en Afrique du Nord et Moyen-Orient ontobtenu d’importants résultats en termes destabilisation macroéconomique, mais ont,dans le même temps, provoqué un accrois-sement significatif du chômage et de la pau-vreté, créant de « nouveaux pauvres » ausein de plusieurs groupes sociaux. La crois-sance économique que l’on peut observerquand les économies en développements’ouvrent aux marchés mondiaux et signentdes accords multilatéraux d’échanges peutinitialement permettre une amélioration desindices de pauvreté en termes de revenus,comme cela a pu être observé ces dernièresannées. Mais, il y a un risque de laisser des« trous » significatifs dans le tissu social,aggravant les inégalités et l’exclusion socialeau sein d’importants segments de la popula-tion, et créant tensions et mécontents. Lesrésultats obtenus par plusieurs PM sur le planéconomique, et parfois en termes de réduc-tion de la pauvreté, cachent des déséqui-libres sociaux forts qui persistent et ne setraduisent pas par une amélioration généraleet satisfaisante des conditions de vies réellesdes habitants.
Après avoir dépassé les seuils minimaux dedéveloppement, les pays de la région setrouvent dans une situation ambivalente :√ d’un côté, on a observé, ces dernières
années, une réduction marquée de la pau-vreté mesurée en termes de revenus (surla base du seuil international de un dollar
-15-
décennies. Ils sont passés d’une situation
de faible niveau de développement humain
à une situation de niveau moyen, réduisant
la disparité avec les pays de la rive nord
(Censis, 2003).
Le PIB par tête étant une composante de
cet indicateur, on doit s’attendre à une cer-
taine corrélation entre le niveau de revenu
et l’indice de développement humain
(tableau 6). En fait, seulement 3 pays occu-
pent un rang de développement humain qui
correspond à leur niveau de développement
en termes de revenu : le Liban, la Tunisie et
l’Algérie.
L’espérance de vie a augmenté dans tous les
pays du sud, en moyenne de 10 ans, ce qui
dénote un accroissement de la qualité des
services sanitaires et de l’ensemble des
conditions de vie. L’espérance de vie des
hommes a connu une amélioration plus
importante que celle des femmes, en s’ac-
croissant en moyenne de 12,3 ans (figure 2).
Sur le plan de l’éducation, la plupart des PM
offrent maintenant un accès universel à
l’éducation primaire et une grande propor-
tion de jeunes suit un cycle secondaire
complet (tableau 7). Malgré ces avancées,
de nombreux jeunes restent en dehors du
système éducatif. Les sorties anticipées du
système éducatif et les taux d’analphabé-
tisme sont encore hauts dans certains pays,
ce qui bloque les possibilités d’accéder aux
opportunités de formation tout au long de
la vie.
Si les pauvres doivent bénéficier de la crois-
sance économique, ils ont alors besoin des
compétences dont la demande croît, et des
capacités d’améliorer leur productivité en
Tableau 6 : Une comparaison des niveauxde revenu et de développement humain
Classement enfonction de lacroissance duPIB, 2001-2002(%)
Classement enfonction duRevenu NationalBrut en 2002
Classement enfonction del'indicateur dedéveloppementhumain en 2001*
Turquie Liban LibanJordanie Turquie JordanieAlgérie Tunisie TunisieMaroc Jordanie TurquieEgypte Algérie AlgérieSyrie Egypte SyrieTunisie Maroc EgypteLiban Syrie MarocPalestine Palestine
Source : World Development Indicators* Human Development Report 2004
Figure 2 : Espérance de vie dans larégion sud méditerranéenne
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Algérie
Egypte
Jordanie
Liban
Maroc
Syrie
Tunisie
Turquie
Aut. Palest.
Moyenne
1975-1980 Femmes 1975-1980 Hommes
2000-2005 Femmes 2000-2005 Hommes
Source : World Competitiveness Report, 2002-2003; Notes: les prévisions pour la Turquie n’étantpas disponibles, ce sont les données de l’espéran-ce de vie 2001 qui ont été utilisées, la prévisiondevant être supérieure.
Tableau 7 : L’éducation au SudMéditerranéen
1990 2002 1990/91 2001/02 2001/02Algérie 77,3 89,9 93 95 62Egypte 61,3 73,2 84 90 81Jordanie 96,7 99,4 94 91 80Liban 92,1 .. 78 90 ..Maroc 55,3 69,5 57 88 31Tunisie 84,1 94,3 94 97 68Turquie 92,7 95,5 89 88 ..Palestine .. .. .. 95 81
Taux d’illettrisme de lapopulation des 15-24ans (%)
Ratio net de lapopulation scolariséedans le primaire (%)
Ratio net de lapopulation scolariséedans le secondaire(%)
Source : World Development Indicators 2004
Croissance annuellemoyenne du PIB, 1990-2002 (%).
Ligne nationale depauvreté, 1990-2001(%).
Classement par niveaude croissance (du plusélevé au plus faible).
Classement par niveaude pauvreté (du plusfaible au plus élevé).
Liban TunisieJordanie Jordanie
Syrie AlgérieTunisie EgypteEgypte MarocTurquie TurquieMarocAlgérie
Palestine
-16-
par jour et par personne), dont l’inciden-ce concerne, en moyenne, moins de 2%de la population totale, ce qui place cespays dans une situation plus favorableque celles des pays en développement, etdont la tendance reste baissière ;
√ d’un autre côté, l’inégalité de la distribu-tion est relativement limitée, notammenten comparaison des autres pays deniveau de développement similaire ;
√ néamoins, les PM n’ont pas atteint demanière égale des résultats encoura-geants en ce qui concerne la réduction dela pauvreté humaine et l’amélioration desindicateurs sociaux.
La dimension pauvreté
Dans cette étude, la pauvreté a été analyséecomme le manque d’accès non seulementaux biens et services, mais également à l’in-formation, aux qualifications et à d’égaleschances, à travers les aspects suivants :(i) le niveau de développement humain et satendance, (ii) les privations économiques,(iii) les « Millennium Goals » directementreliés à la pauvreté.
Les tendances du développementhumain
Dans une perspective globale, le développe-ment humain a, sans conteste, connu uneévolution positive ces 25 dernières années.Entre 1975 et 2001, les PM ont vu croître de16,3% en moyenne leur indice de développe-ment humain tel que défini par le PNUD. Pourcertains, la hausse a même été bien plussubstantielle, par exemple l’Egypte(+33,2%), la Tunisie (+30,5%), le Maroc(+29,5%), la Syrie (+21,8%), la Turquie(+19,8%). Les pays où les performances ontété moins bonnes sont bien évidemment lespays européens, dont les niveaux étaientplus élevés au départ, comme la Grèce(+6,8%), l’Italie (+8,5%), la France(+8,5%) et l’Espagne (+9,2%). La tendanceglobale montre une convergence notable del’indicateur vers des standards plus prochesde développement humain. Bien que le rap-port 2003 du PNUD ait souligné une telleconvergence générale des régions méditerra-néennes vers des niveaux plus homogènesde développement humain – notamment enprenant en compte d’autres régions dumonde où la situation est bien plus grave,comme certaines parties de l’Afrique Sub-saharienne – une analyse non diachronique,qui se focalise particulièrement sur la région,indique l’énorme écart qui reste à combleravant de pouvoir parler de région homogèneen termes de développement humain.
L’exclusion sociale
Le premier problème est celui de l’emploi,avec de faibles taux d’activité et de forts tauxde chômage. La situation des pays deMéditerranée sur les autres aspects de l’ex-clusion est plus hétérogène :√ le Maroc et l’Egypte affichent les plus forts
taux de pauvreté, suivis de l’Algérie, de laTunisie et de la Syrie ;
√ la part de la population dont l’espérancede vie est de moins de 40 ans est la plushaute au Maroc (9,4%), en Algérie(9,3%), en Egypte (8%), en Turquie (8%)et en Jordanie (6,6%) ;
√ les plus forts taux d’analphabétisme chezles adultes se rencontrent au Maroc(50,2%), en Egypte (43,9%), en Algérie(32,3%), en Tunisie (27,9%) et en Syrie(24,7%) ;
√ l’accès à l’eau potable est toujours un pro-blème pour 28% de la population enLibye, 20% de la population en Tunisie etau Maroc et 18% en Turquie ;
√ la malnutrition infantile affecte 13% desenfants en Syrie, 9% au Maroc et 8% enTurquie.
Les objectifs du Millénaire
Parmi les objectifs du Millénaire, il y en atrois reliés directement à la pauvreté :√ l’objectif n°1, dont le mandat est « d’éra-
diquer l’extrême pauvreté et la faim » ;√ l’objectif n°2, dont le mandat est « d’as-
surer l'éducation primaire pour tous » ;√ l’objectif n°8, dont le mandat est « de
mettre en place un partenariat mondialpour le développement », notamment lespoints concernant la création d’emploi etl’accès aux nouvelles technologies.
En ce qui concerne l’objectif de diviser par 2d’ici à 2015 la proportion de la population quivivait en 1990 avec un revenu inférieur à undollar par jour, tous les pays connaissent, en2001, un taux de moins de 2%, à l’exceptionde l’Egypte qui est encore à 3,1%
Sur le plan de la malnutrition infantile, onobserve une nette coupure entre les pays dunord et du sud, lesquels enregistrent des picssupérieurs à ceux du début des années 90,notamment au Maroc, en Algérie et enJordanie.
Les chiffres concernant l’objectif n°2, l’édu-cation primaire, montrent clairement l’avan-ce prise par la plupart des PM. Cependant, leLiban et le Maroc, malgré de grands progrès,connaissent des pourcentages inférieurs à lamoyenne des pays en développement.
-17-
tant que travailleurs, exploitants agricoles ou
micro-entrepreneurs. L’éducation des popu-
lations pauvres accroît les bénéfices de la
croissance économique en plus d’améliorer
directement le développement humain.
Pourtant, les pauvres reçoivent rarement une
éducation satisfaisante. Trop peu d’enfants
pauvres entrent à l'école primaire, trop
d’entre eux échouent durant leur scolarité et
la qualité même de leur instruction est sou-
vent décevante (Addison & Rahman, 2003).
√ Inégalité et croissance
Certains chercheurs mettent en avant le fait
que les bénéfices de la croissance peuvent ne
pas être largement répartis. En fait, ce que
soulignent souvent les critiques envers la
globalisation est que la croissance au niveau
agrégé peut fort bien avoir un effet négatif
sur les personnes les plus vulnérables. Aussi,
l’impact de la distribution de la croissance,
autant que son niveau, doit être pris en
compte lorsque les conséquences de la pau-
vreté sont analysées (Addison & Rahman,
2003).
Sur le plan de l’égalité de la distribution des
ressources, les pays méditerranéens affi-
chent de forts coefficients de Gini
(tableau 8). Cet indice s’élève à 34,4% en
Egypte, 39,5% au Maroc, 36,4% en Jordanie
(où les 20% les plus riches disposent de 50%
de la richesse), 39,8% en Tunisie, 35,5% en
Algérie, pour 32,7% en France et 32,5% en
Espagne (Rapport sur le développement
Humain, PNUD, 2004).
Selon Ravillion (2004), il n’y a que peu ou
pas de corrélation entre la croissance moyen-
ne, le revenu par tête des ménages et les
modifications des mesures de l’inégalité. La
corrélation est même plus faible si l’on utilise
les taux de croissance de la consommation
donnés par les comptes nationaux (un coef-
ficient de corrélation de 0,01). Ainsi, la crois-
sance ne réduit pas les inégalités. La crois-
sance par elle-même n’accroît pas les reve-
nus des pauvres autant que ceux des riches.
Bien sûr, si la distribution ne change pas en
moyenne, alors les pauvres sont gagnants en
termes absolus : la croissance réduit la pau-
vreté et la récession l’augmente.
Il y a un consensus dans la littérature sur le
fait que les pays dotés de conditions initiales
relativement plus égalitaires, en termes de
distribution d’actifs et de revenus, tendent à
atteindre des taux de croissance supérieurs
aux pays connaissant de fortes inégalités ini-
tiales. Il s’agit d’un résultat très important,
car il signifie que les inégalités « ferment les
deux portes ». Au départ, un sentier de crois-
sance caractérisé par une plus grande égali-
té bénéficie directement aux pauvres à court
terme. Puis, la baisse des inégalités qui en
résulte crée, dans chaque période, des
« conditions initiales » pour la période sui-
vante qui améliorent encore la croissance
(Dagdeviren et al., 2004).
On perçoit alors le cercle vicieux dans lequel
se trouvent les pays méditerranéens ; la
croissance ne réduit pas les inégalités, les
inégalités sont un frein à la croissance. Et les
inégalités sont fortes.
C’est pourquoi une stratégie de croissance
favorisant les pauvres ne doit pas se focaliser
seulement sur l’aspect croissance écono-
Tableau 8 : Les inégalités de revenus
Année Indice deGini
Algérie 1995 35,5Egypte 1999 34,4Jordanie 1997 36,4Liban .. ..Maroc 1998/99 39,5Syrie .. ..Tunisie 2000 39,8Turquie 2000 40
Aut. Palest. .. ..
Source : Rapport sur le développement Humain 2004
-18-
L’objectif n°8 concerne à la fois la créationd’opportunités d’emplois pour les jeunes etun meilleur accès aux nouvelles technolo-gies. Là où les données sont disponibles,elles indiquent une tendance négative. AuMaroc, seul pays du sud où les données exis-tent et dans les pays méditerranéens les plusriches, on observe :√ une décroissance marquée de l’emploi des
femmes et des jeunes au cours de lapériode 1990-2001 en Italie, au Portugal,en Espagne et également en Israël ;
√ une légère croissance du chômage fémi-nin en France ;
√ le seul chiffre positif étant une légèrecroissance de l’emploi en Grèce.
Pour ce qui est de l’usage des nouvelles tech-nologies, on assiste à une profonde mutationdans les 12 dernières années, en particuliersur le plan de l’usage d’internet et des ordi-nateurs. Cette révolution a pris place à desvitesses variées, mais il est clair qu’avec despourcentages proches de 0 en 1990, la ten-dance générale est à l’augmentation. De sen-sibles différences existent cependant :√ en termes de téléphonie, en 2001, l’Italie
enregistre 135,5 contrats de téléphonepour 100 habitants, mais l’Algérie n’endispose que de 6,4 ;
√ les usagers d’internet représentent 28,1%de la population au Portugal et 0,4% enSyrie ou en Libye ;
√ les ordinateurs personnels sont utiliséspar 32,9% des français, mais par 0,7%des Algériens.
Santé
L’espérance de vie moyenne en Méditerranées’établit aujourd’hui à 73 ans. Les pays dontles chiffres sont sensiblement inférieurs sont,par ordre croissant : l’Egypte (stagnant tou-jours à 66,6 ans), la Turquie, l’Algérie et leMaroc. Les pays où l’espérance est la plusforte sont, par ordre décroissant : la Franceet l’Italie, l’Espagne et Israël.
Les écarts à la moyenne tendent à être plusimportants dans le cas des femmes.L’examen de l’évolution de l’espérance de vieselon le sexe montre clairement que c’estl’évolution concernant les femmes qui aug-mente la moyenne dans des pays comme lePortugal, la France, l’Italie et l’Espagne, tan-dis qu’en Egypte, au Maroc, en Algérie et enTurquie, la dynamique de l’espérance de viedes femmes est inférieure à celle deshommes, influençant à la baisse la moyenne.Pratiquement tous les pays de Méditerranéeconnaissent des taux de malnutrition infantilelargement inférieurs à la moyenne des pays
en développement (18% de la population).Ces données sur la malnutrition sont dispo-nibles pour 5 pays du sud : le Maroc et laJordanie sont les plus touchés, avec respecti-vement 7 et 6% de la population souffrant demalnutrition, suivis de l’Egypte avec 4% etenfin la Syrie et le Liban, tous deux à 3%.
Un phénomène plus complexe, et moinsdirectement relié au niveau de privation éco-nomique que connaissent les familles, estcelui de l’insuffisance pondérale des enfants àla naissance, qui touche 8 bébés sur 100 dansla région méditerranéenne. La proportion estplus élevée en Turquie, affectant 15% desbébés, suivie de la Jordanie et de l’Egypteavec 10%. De plus faibles pourcentages sontobservés non seulement dans les pays de larive nord, mais aussi en Tunisie (5%, lechiffre le plus faible en Méditerranée), Libanet Syrie (6%), Libye (7%)
En Méditerranée, 2,3% des enfants décèdentavant l’âge de 5 ans et 12,5% des plus de15 ans n’atteignent pas l’âge de 60 ans. Enrevanche, en dehors de ces chiffres moyens,on observe des différences majeures entre lespays, que l’on peut diviser en trois groupes :√ les pays où la mortalité infantile est fran-
chement sous la moyenne (tous les payseuropéens plus Israël, Chypre et Malte) ;
√ ceux où la mortalité infantile est procheou légèrement inférieure à cette moyen-ne, comme la Jordanie, le Liban, la Syrieet la Tunisie ;
√ ceux où la mortalité infantile est significa-tivement plus forte que la moyenne médi-terranéenne, notamment l’Algérie,l’Egypte, le Maroc et la Turquie.
Des tendances similaires sont à l’œuvre en cequi concerne la probabilité de décéder avant60 ans, pour laquelle la distribution des paysest identique à la précédente, mais où l’écartentre sexes tend à être au désavantage desfemmes :√ au sein du bloc européen (Chypre et Malte
compris) et en Israël, les chiffres sont lar-gement sous la moyenne à une exceptionprès : le Portugal où la probabilité dedécéder avant 60 ans est inférieure à lamoyenne pour les femmes (2,6%), maisproche de la moyenne pour les hommes(15,8%) ;
√ en Egypte, Turquie, Liban, Jordanie etSyrie, cette probabilité est significative-ment sous la moyenne pour les deuxsexes ;
√ dans certains pays comme l’Algérie,Chypre, l’Italie et Malte, la probabilité estrelativement en défaveur des hommes,tandis que dans les autres, Libye,
-19-
mique, mais doit également être combinée
avec une politique active de redistribution
des revenus.
L’éducation est un autre facteur de réduction
des disparités. L’accumulation de capital
humain entre, en effet, en compte dans les
différences de taux de croissance et de dis-
tribution des revenus entre les pays.
Néanmoins, à l’accroissement du nombre de
travailleurs formés doit correspondre une
hausse de la demande de travail, qui va
dépendre de la croissance économique.
Quand le niveau d’éducation moyen de la
population est bas, les quelques personnes
hautement qualifiées peuvent bénéficier de
salaires extrêmement élevés. Mais, à mesure
que des personnes plus formées entrent sur
le marché du travail, les inégalités de reve-
nus vont commencer à décroître (Bigsten &
Levin, 2004).
4. L’impératif en matière de réformes : modi-
fier les pratiques comme les règles
Modifier les règles est à l’évidence une néces-
sité dans la région. Tous les PM vont désor-
mais dans cette direction, à un rythme toute-
fois différent. On peut distinguer trois cas.
En premier lieu, le cas des pays en retard
d’évolution sensible du point de vue écono-
mique (Algérie, Syrie). Ces pays n’ont pas
encore joué le jeu de l’ouverture au même
niveau que leurs partenaires méditerra-
néens. Ici, en dehors de l’ouverture aux
échanges qui constitue le choc externe qui
entraîne tout le processus, l’agenda des
réformes de première priorité est encore
fourni. Il s’agit, en général, du fonctionne-
ment du système bancaire et financier, du
poids de la bureaucratie, du respect des
contrats, de l’indépendance et de l’impartia-
lité de la justice et de l’efficacité de l’action
administrative.
En second lieu, les pays en phase intermé-
diaire. Ils ont des réformes de première
génération à rendre effectives, principale-
ment parce que subsistent encore d’impor-
tants obstacles aux échanges (Maroc,
Egypte), des déficits sensibles de gouvernan-
ce (respect des contrats, indépendance et
impartialité de la justice –Turquie, Maroc,
Jordanie–), des déficits en matière de fonc-
tionnement du système financier (Turquie,
en raison de la crise des banques et du sys-
tème financier) et un cadre des affaires sur
lequel la bureaucratie pèse de façon exagé-
rée (Jordanie). Cette phase de réformes
implique une prise de conscience générale et
un volontarisme politique soutenu.
En troisième lieu, les pays largement enga-
gés dans le processus. Pour eux, il subsiste
avant tout des déficiences en matière de
segmentation et de flexibilité du marché du
travail, ou du cadre des affaires. Ces pays
ont clairement fait le choix de l’ouverture et
de la réforme. Ils sont, pour certains
(Tunisie, Israël, notamment), à un niveau
comparable à celui des nouveaux pays adhé-
rents à l’UE et doivent, comme eux, rendre
effectives des évolutions du cadre légal, ce
qui suppose une modification en profondeur
des comportements des agents écono-
miques et des institutions.
Toutefois, si l’on reviendra sur certaines
particularités spécifiques à chaque pays
dans la section 2, deux points apparaissent
ici essentiels : (i) en examinant attentive-
ment ces grands groupes, il est possible de
mettre en relief trois grandes catégories
communes expliquant une partie du retard
relatif des PM :
1) En matière d’échanges internationaux
(à l’exception du traitement des inves-
tissements étrangers), du fait de la
taxation encore importante des impor-
-20-
Espagne et Turquie, elle est en proportionplus forte pour les femmes.
Accès à la Santé
Dans le domaine des conditions d’accès auxsoins pour les méditerranéens, les statis-tiques sont largement au-dessus de lamoyenne mondiale. L’exception est le Marocavec une proportion de la population ayantun tel accès égale à 68%, à peine supérieu-re aux 61% de la moyenne mondiale, tandisque tous les autres pays se répartissentautour d’une moyenne de 97%.
Le problème de l’accès à l’eau potable n’a pasencore été résolu pour 7% de la populationméditerranéenne. Les régions les plus affec-tées sont le Maghreb, particulièrement laLibye avec 20% de la population touchée,comme en Syrie. Mais, en Turquie l’accès àl’eau est également un problème qui touche18% de la population.
L’accès aux médicaments essentiels etbasiques est un droit qui est fourni dans 11pays méditerranéens. La Tunisie et le Marocaffichent cependant les taux les plus faibles,puisque au moins 20% de la population n’apas un accès régulier à ces médications. AuLiban, en Syrie et en Egypte, au moins 5%de la population n’a pas accès aux médica-ments. En général, les taux de vaccinationdes bébés et des enfants sont égalementsupérieurs à la moyenne mondiale.
Les données sur l’accès à la contraceptionsont incomplètes. Considérant les chiffresdisponibles, le fait marquant est qu’il n’y aguère de différences importantes entre lespays de la rive sud et ceux de la rive nord,contrairement à ce que l’on aurait puattendre.
La naissance en présence d’un personnelqualifié représente un droit acquis pour 89%des femmes enceintes dans les pays médi-terranéens. Là encore, à l’exception du Maroc(où 60% des naissances ont lieu sans l’assis-tance d’un personnel qualifié), tous les pays–rive sud incluse– ont des taux supérieurs àla moyenne mondiale.
Le ratio de médecins par habitant varieconsidérablement entre les pays du bassin :l’Italie possède le record avec un médecinpour 177 habitants, devant l’Espagne qui aun ratio de 1 pour 230. A l’autre extrémité del’échelle, on trouve la Tunisie dont le ratios’établit à 1 pour 1 429 et le Maroc ferme lamarche, un médecin devant traiter enmoyenne 2 041 patients.
Les dépenses de santé
Les premières données illustrant les effortsdes pays méditerranéens pour promouvoir lasanté sont le pourcentage que représententles dépenses publiques dans le PIB et lesdépenses de santé en proportion d’autressecteurs comme la défense et l’éducation. Enprenant pour référence l’année 2000 (derniè-re année disponible au moment de la rédac-tion), les pays méditerranéens se classent entrois groupes :√ les pays investissant moins de 2% de leur
PIB dans la santé, comme le Maroc, laSyrie, la Libye et l’Egypte ;
√ les pays investissant de 2 à 5% dans lasanté, comme l’Algérie, la Turquie, laTunisie, la Jordanie, Chypre et la Grèce ;
√ les pays dont l’investissement en matièrede santé dépasse 5% du PIB, commel’Espagne, le Portugal, l’Italie, Malte et laFrance.
Les progrès en Israël sont à noter : lesdépenses ont augmenté pour passer de 3,8%du PIB en 1990 à 8,3% en 2000, ce quiconstitue le record en matière de fondspublics dépensés dans la santé.
La tendance des dépenses publiques sembleindiquer que :√ certains pays investissent principalement
dans l’éducation, comme le Maroc, laTunisie et Chypre ;
√ d’autres investissent en premier lieu dansle secteur de la défense, comme laJordanie, la Syrie, le Liban et la Turquie ;
√ d’autres enfin investissent surtout dans lasanté comme la France, l’Italie etl’Espagne.
Le secteur public est également plus oumoins relayé par le secteur privé. Dans despays comme le Liban, Chypre, la Jordanie etle Maroc, le secteur privé est grandementimpliqué dans la santé, ce qui conduit à révi-ser l'engagement global des différents sys-tèmes de dépenses.
Si l’on examine la tendance 1995-2000, lasituation en Méditerranée est fortementhétérogène :√ dans les pays européens, les tendances
sont proches et indiquent une stabilité ouune légère décroissance pendant ces 5ans, décroissance relativement marquéeen Grèce et à Chypre ;
√ sur la rive sud, les tendances sont dispa-rates ; la Tunisie et le Maroc montrentune tendance à l’augmentation desdépenses de santé, à des degrés divers etd’autres pays comme l’Algérie, la Libye et
-21-
tations qui ne sont pas liées à une zone
franche ou à une réexportation sans
transformation notable, à la déficience
des « trade facilitations » et à l’impor-
tance des barrières cachées à l’importa-
tion (longueur des procédures, obs-
tacles administratifs divers, complexité
des régimes d’importation). La caracté-
ristique générale de la zone est le coût
encore élevé des importations, y com-
pris celles de produits intermédiaires
nécessaires aux productions locales.
2) En matière financière et bancaire où la
spécialisation bancaire est marquée, le
système concentré et dominé par les
banques publiques, l’ouverture à la
concurrence insuffisante et l’octroi de
crédit au secteur privé encore restreint.
Cela produit une allocation du crédit peu
efficace, des marges bancaires trop éle-
vées, des garanties souvent exagérées
et une incapacité flagrante à financer les
investissements immatériels néces-
saires au développement des services
technologiques.
3) En matière de suppression des rentes
et d’ouverture à la concurrence où la
pratique des prix administrés, le poids
encore considérable des entreprises
publiques dans le secteur écono-
mique, l’omnipotence de l’administra-
tion et les délais qui entourent la déli-
vrance des autorisations, le capital
minimum nécessaire au démarrage
d’une entreprise sont des éléments
centraux de vitalité économique qui
placent aujourd’hui la région sensible-
ment en retrait.
(ii) Au delà de l’identification des réformes, le
succès de leur mise en œuvre tient large-
ment à la capacité des PM de réussir en
même temps à réformer nominalement la
gouvernance globale et à lever les blocages
sociétaux encore à l’œuvre aujourd’hui. Le
lien entre la modification des textes et les
pratiques transactionnelles des agents est
sans nul doute l’un des points clefs pour la
réussite des modifications légales.
Au sein d’un processus général de réforme,
l’approche institutionnaliste, développée
notamment par les travaux de O.E.
Williamson, distingue trois niveaux de
changement :
√ en premier lieu, la modification des
orientations, des normes et valeurs. Ce
premier niveau prend de nombreuses
années à se modifier ;
√ en second lieu, l’environnement institu-
tionnel et les règles formelles. La tem-
poralité est ici bien plus rapide ;
√ le troisième niveau, rarement envisagé,
est pourtant tout aussi important. C’est
celui qui permet l’alignement des règles
institutionnelles et des structures de
gouvernance avec la réalité des pra-
tiques transactionnelles (cf. O.E.
Williamson, 2000, notamment). Le pro-
grès en cette matière est difficile car il
nécessite de faire évoluer une généra-
tion d’agents économiques privés et
publics ancrés dans leurs habitudes, qui
doivent réinterpréter leur action en
fonction du nouveau cadre légal.
Les dysfonctionnements dans ce troisième
niveau peuvent conduire à diverses dérives
qui proviennent, soit d’un activisme échevelé
pour élargir un espace de compétence (com-
portement qui freine les réformes car il
conduit à des luttes stériles de pouvoir), soit
de l’utilisation de stratégies de retardement
dues au fait que les agents ont des opposi-
tions de fond, ce qui conduit à l’installation
de nouveaux obstacles (non prévus dans la
législation), soit, enfin, d’un sentiment de
découragement lié à la conviction que la
réforme est nominale et détachée des condi-
tions réelles d’exercice de la mission.
-22-
l’Egypte connaissent une réduction, làencore à des degrés différents ;
√ au Moyen-Orient, les deux tendances seretrouvent : accroissement en Israël,Syrie et Liban, réduction en Jordanie.
Il est également intéressant de noter quecertains pays, quel que soit leur niveau dedéveloppement, sont plus performants danstel ou tel indicateur, révélant leur orientationvers un système de santé efficace ou à l’in-verse, favorisant un accès plus répandu :√ Malte, la Tunisie, le Liban, la Grèce et la
Turquie sont les pays les mieux placéspour la création d’un système de santéefficace ;
√ l’Algérie, la Libye, Chypre et la France, àl’inverse, semblent se focaliser davantagesur les aspects d’accès aux ressourceséconomiques, éducatives, à l’innovationet aux nouvelles technologies.
Corrélations entre les trois aspects
Construisant également un indice de gouver-nance et sécurité, l’étude examine finale-ment les corrélations entre les trois aspectsanalysés et certains indicateurs comme l’in-dicateur de développement humain du PNUD.
L’analyse des corrélations révèle que le lienle plus profond est entre l’indice de santé cal-culé et l’espérance de vie en bonne santé(Healthy life expectancy – HALE) de l’OMS,
ainsi qu’avec l’indice de développementhumain du PNUD. Cela confirme l’impactimportant du système national de santé, à lafois en termes d’espérance de vie et de déve-loppement humain.
Les faibles corrélations sont également infor-matives. L’indice de pauvreté et d’accès auxressources, par exemple, n’offre qu’unefaible corrélation avec les ressourceshumaines de la santé, en particulier avec ladensité de médecins pour 100 000 habitants,ce qui indique que c’est le système de santédans sa globalité qui joue sur la pauvreté,plus que la densité de médecins.
La faible corrélation entre l’indicateur dedéveloppement humain et l’indice de gou-vernance et sécurité calculé peut êtreinterprétée de deux façons : soit le déve-loppement humain ne dépend pas forte-ment du style de gouvernance ; soit laconception de l’indice de la gouvernance etsécurité de l’habitat est encore trop peuavancée pour être effectivement intégréedans la définition du développementhumain et des approfondissements sontnécessaires.
Enfin, la faible corrélation entre l’indice depauvreté et d’accès et les taux de fertilitédiscrédite le mythe du fort taux de natalitéen relation avec la culture et les besoinséconomiques.
-23-
Dans ce contexte de réformes, des agents
d’une position hiérarchique relativement
modeste jouent un rôle clef parce qu’ils sont
désormais placés au cœur d’un système
plus complexe du fait de la coexistence des
anciennes habitudes, voire des anciennes
procédures, avec un cadre légal renouvelé.
Or, la complexité accrue du système aug-
mente naturellement sa spécialisation, ce
qui confère un pouvoir plus important aux
agents spécialisés placés aux endroits cri-
tiques. Une politique de réforme ne peut
faire l’économie d’identifier et de traiter un
certain nombre de questions liées à ce troi-
sième niveau. L’expérience passée montre
que lorsque ces questions sont délaissées,
c’est l’ensemble du processus de réforme
qui se trouve bloqué.
Il devient alors prioritaire d’appréhender et
de suivre attentivement les décalages qui
peuvent se produire entre le cadre légal et
institutionnel et la réalité des pratiques. Si ce
décalage se maintient trop longtemps sur des
points fondamentaux, c’est la crédibilité de
l’ensemble du processus de réforme qui est
affecté. Ici, l’élément décisif pour les PM est
de savoir comment les institutions et, plus
généralement, l’ensemble des comporte-
ments (y compris privés) se modifieront pour
s’adapter aux nouvelles règles. On observe
partout, et c’est une particularité de la
région, des rigidités institutionnelles et com-
portementales, même aux niveaux les plus
élevés du pouvoir.
L’enjeu, pour les PM, va donc être de faire
évoluer la société au même rythme que les
réformes et, ici, plusieurs évolutions seront
décisives, que l’on peut regrouper en 4
grands types :
√ la première concerne le mode d’exercice
du pouvoir. C’est par une plus grande
démocratie et une meilleure participa-
tion des citoyens aux décisions que les
modifications du cadre légal devien-
dront effectives. Les pouvoirs sont exa-
gérément concentrés au sommet, les
chefs de gouvernement ont, dans plu-
sieurs pays, des marges d’initiative et
d’arbitrage réduites qui leur enlèvent de
l’autorité sur l’administration ; la décen-
tralisation se résume généralement à
une déconcentration aux ressources
limitées, la démocratie sociale peine à
se développer du fait des différentes
interventions sur les syndicats et la
négociation sociale se développe peu
dans l’entreprise.
√ La seconde concerne l’évolution sociéta-
le elle-même. Les réformes de société
peuvent être un puissant moyen d’évo-
lution de l’environnement légal écono-
mique. C’est ainsi que les observateurs
s’accordent à penser que, par exemple,
le nouveau code de la famille au Maroc,
en mettant le judiciaire et le contrat au
centre des relations matrimoniales,
donne un signal extrêmement important
en faveur de l’établissement d’un Etat
de droit et du rôle de la justice. La
reconnaissance de la société civile via le
développement du système associatif
joue un rôle semblable en poussant les
citoyens à participer à la vie publique.
√ La troisième concerne les freins institu-
tionnels, en particulier ceux qui tiennent
aux habitudes prises par les administra-
tions et les établissements publics, qui
sont encore fréquemment suspicieux
vis-à-vis des initiatives privées, peu
transparents (la rétention d’information
est un argument de puissance typique-
ment méditerranéen) et réticents à
externaliser certaines tâches. Tout cela
explique le faible développement des
activités de services productifs privés
dans la région. Les réformes de l’Etat
partout décidées sont, pour la plupart,
toujours en phase d’élaboration, preuve
-24-
que la société est encore organisée
autour de l’action publique traditionnel-
le, ce qu’atteste, notamment, le nombre
exceptionnel d’étudiants des universités
suivant des filières destinées à des
emplois administratifs.
√ La quatrième concerne, enfin, les capa-
cités des Etats eux-mêmes à assurer
leur responsabilité sociale du fait de la
faiblesse de la base fiscale. La mise en
œuvre des réformes est partout ralentie
par l’incapacité des Etats à réguler les
ajustements et à développer les infra-
structures adéquates. L’expérience pas-
sée montre que ce sont les investisse-
ments publics qui ont le plus souffert
dans les périodes d’ajustement. Les
dépenses de fonctionnement des Etats
et, en particulier, les dépenses de per-
sonnel ont été, à l’inverse, faiblement
touchées. Ici, c’est l’importance du sec-
teur informel qui doit être mise en
cause : il constitue à la fois un amortis-
seur et un frein aux réformes. L’emploi
dans le secteur informel représentant
en moyenne la moitié de l’emploi total,
il est important de pouvoir, à terme, le
faire rentrer dans un cadre légal, ce qui
aura pour double avantage d’étendre
plus largement la couverture sociale et
des retraites et la base d’imposition.
5. La nécessité de nouvelles marges de
manœuvre macroéconomiques
Jusqu’ici, la politique économique menée
dans les PM a principalement consisté à
rehausser le niveau de croissance potentielle
tout en renforçant la compétitivité de l’offre.
Poursuivre cette priorité est un impératif qui
suppose même une accélération des
réformes internes, dont le rythme doit être à
la hauteur des tensions sociales ou politiques
susceptibles d’apparaître devant les effets de
la pression démographique sur l’emploi et la
pauvreté. La mise en place d’un nouveau
régime de croissance s’impose ainsi comme
une nécessité, à la fois pour créer les emplois
nécessaires à l’absorption des nouveaux
actifs et pour tirer profit de l’ouverture exter-
ne, à condition que la position concurrentiel-
le de la zone se maintienne, voire s’améliore.
Ce changement de régime de croissance est
indissociable d’une augmentation de la pro-
ductivité globale des facteurs et de leur qua-
lité intrinsèque. L’augmentation de la crois-
sance potentielle est attendue d’un ensemble
de réformes déjà plus ou moins amorcées
mais rarement menées à terme à une vaste
échelle : privatisations, nouvelle gouvernan-
ce, modernisation du cadre légal, autonomie
accrue des intermédiaires financiers, renfor-
cement des exigences et de la supervision
prudentielles…
Toutefois, au-delà du fait que nombre de ces
réformes peuvent susciter des coûts d’ajus-
tement élevés, et donc présentent des
risques politiques non négligeables pour les
gouvernements en place, il ne suffit pas
d’améliorer la croissance potentielle et la
compétitivité d’ensemble pour que la crois-
sance s’accélère. Encore faut-il qu’une
demande solvable puisse y répondre, soit en
interne, ce qui pose la question d’un soutien
de la demande globale, en particulier par le
financement de l’investissement, soit en
externe, par une pénétration accrue sur les
marchés extérieurs.
Or, les gouvernements des PM ont été ame-
nés à renoncer aux politiques budgétaires
contra-cycliques, malgré la récurrence des
chocs exogènes (sécheresse, renchérisse-
ment des produits pétroliers pour les pays
importateurs, ralentissement de la demande
mondiale…). Ils sont tenus de maintenir et de
consolider la discipline budgétaire, et dans le
même temps, d’accélérer le rythme des
-25-
réformes et l’émergence d’un Etat allégé,
tout en assumant les contraintes d’un Etat-
Employeur et d’un Etat-Providence répon-
dant aux besoins de redistribution que créent
la pauvreté à vaste échelle et les exigences
de couverture sociale a minima. Il leur est
donc difficile, dans un tel contexte, de prati-
quer une politique plus active de soutien de
la demande interne. D’autant que le déman-
tèlement encore inachevé des tarifs doua-
niers ne manque pas d’entamer les flux de
recettes fiscales, surtout dans les pays médi-
terranéens les moins avancés, où la pauvre-
té endémique conduit à exclure de la TVA
nombre de produits de grande consomma-
tion. Quant à l’appel au seigneuriage et aux
déficits budgétaires massifs, il est désormais
écarté afin de préserver cet acquis qu’est la
stabilité macroéconomique.
La politique monétaire, elle-aussi, ne peut
guère être mobilisée. La croissance de la
masse monétaire est déjà de l’ordre 10 à
11% par an, et les taux d’intérêt réels, dans
l’ensemble de la zone méditerranéenne, sont
proches de zéro. De surcroît, entre 60% et
80% des créances bancaires sont constituées
d’engagements publics, ce qui obère tout à la
fois les capacités de réaction des intermé-
diaires bancaires en présence d’un choc
éventuel de politique monétaire et l’impor-
tance de sa propagation vers le secteur réel.
Enfin, la plupart des PM ont adopté des stra-
tégies d’ancrage nominal de leur taux de
change, ce qui ne permet pas de moduler de
façon pro-cyclique le loyer de l’argent malgré
les contrôles, souvent maintenus, sur les
mouvements de capitaux.
En l’état actuel des choses, au plan interne,
les gouvernements ont donc perdu toute
marge de manœuvre leur permettant de
réagir de façon contra-cyclique à des chocs
négatifs de demande ou de soutenir une
dépense globale insuffisante face aux besoins
de créations d’emplois qu’impose la démo-
graphie. Cette impuissance s’exprime alors
que, déjà, plusieurs types d’objectifs intrin-
sèquement difficiles à concilier sont poursui-
vis : le maintien de la stabilité macroécono-
mique et des grands équilibres ; la poursuite
de l’ouverture externe en confortant la com-
pétitivité dans des activités à forte utilisation
de main d’œuvre ; le maintien en l’état de
l’ordre social, grâce aux instruments publics
de couverture sociale et de lutte contre la
pauvreté ou l’analphabétisme, tout en assu-
rant un minimum de progression des reve-
nus, sans nécessairement en exclure la fonc-
tion publique… On n’est pas loin de se trou-
ver en présence, ici, d’un nouveau triangle
d’incompatibilités, qui ne paraît pouvoir être
dépassé qu’en présence d’une accélération
de la croissance, indissociable, dès lors,
d’une impulsion extérieure. C’est en ce sens
que le développement des marchés exté-
rieurs et l’amélioration de l’attractivité vis-à-
vis des investisseurs étrangers constituent
les seuls moyens de desserrer les contraintes
et de retrouver des marges de manœuvre
permettant d’accéder au cercle vertueux
d’une croissance plus rapide tirée par les
exportations.
Du point de vue des marchés extérieurs, l’ex-
ploitation d’un avantage comparatif fondé sur
des salaires faibles présente toujours un
caractère précaire et peut se trouver rapide-
ment contesté par d’autres pays, à coûts
salariaux plus faibles encore : on l’a vu avec
la Chine ou la Roumanie dans le secteur tex-
tile. Il est donc nécessaire, pour les pays
méditerranéens, d’assurer une montée en
gamme en se spécialisant sur certains seg-
ments des réseaux de production de biens
manufacturés ou de services.
Sur un autre plan, on peut légitimement se
demander si les stratégies d’ancrage nomi-
nal des taux de change ne sont pas entrées
-26-
dans une zone de rendements décroissants.
Dans un contexte de forte inflation couplée
à un endettement externe très élevé, le
choix des dévaluations rampantes ou des
régimes de flottement est de nature à
accentuer les dérives nominales. On com-
prend parfaitement, dans ces conditions,
que des politiques d’ancrage aient été adop-
tées dans les années 1990 parmi les PM.
Mais, il n’est pas certain que cette politique
constitue encore aujourd’hui une stratégie
optimale. De nombreux pays méditerra-
néens ont vu leur monnaie s’apprécier en
termes réels, surtout, ces dernières années,
lorsque l’ancrage était principalement défini
par rapport au dollar tandis que les
échanges commerciaux se trouvaient massi-
vement réalisés avec des pays de la zone
euro. Il est vrai que la structure par devises
de la dette externe, dans laquelle la mon-
naie américaine joue un rôle prépondérant,
peut justifier ce choix. Il n’en demeure pas
moins que le mismatching entre monnaie
d’ancrage et zone d’échanges peut se trou-
ver à la source de distorsions de change qui
handicapent inutilement les exportateurs
des PM. Aujourd’hui, il est légitime de se
demander s’il ne convient pas de mener des
politiques de change plus réactives, de natu-
re à neutraliser les distorsions de change,
tout en conservant un régime de change
intermédiaire pour éviter les pics de volatili-
té. A condition de mener au préalable une
politique de recomposition de la structure
par devises de la dette externe, en nouant
des swaps à vaste échelle en euros, par
exemple, il y a là une marge de manœuvre
que les gouvernements auraient tort de
négliger. La tendance récente à l’apprécia-
tion de l’euro vis-à-vis du dollar atténue
quelque peu l’urgence d’une telle redéfini-
tion des politiques de change, mais cette
question ne manquera pas de se poser à
nouveau dans l’avenir. D’autant qu’un tel
relâchement des contraintes de change
pourrait également rendre possible la mise
en œuvre de politiques monétaires plus
actives, s’exprimant, par exemple, dans le
domaine des crédits à long terme orientés
vers les ménages, en développant les prêts
hypothécaires, ou vers les PME innovantes.
D’ailleurs, les pays d’Europe centrale ou
orientale récemment intégrés dans l’Union
n’ont pas eu à assumer de telles contraintes
macroéconomiques. Alors que la croissance
moyenne de leur population active était de
l’ordre de 0,3% par an, contre 3% pour les
PM, leurs taux d’inflation sont restés élevés,
les déficits budgétaires n’ont été que partiel-
lement ajustés et, au cours des premières
étapes de la transition, les politiques moné-
taires sont restées expansionnistes. Certains
de ces pays n’ont pas hésité, d’ailleurs, soit à
élargir leurs bandes de fluctuations vis-à-vis
du Mark allemand, puis de l’euro, soit à lais-
ser flotter leur monnaie, comme dans le cas
de la Pologne. Il est vrai que, dans le même
temps, ils accueillaient massivement des
transferts d’épargne sous la forme d’IDE ou
d’investissements de portefeuille, sans doute
à cause de la lisibilité qu’apportait l’issue pro-
grammée de la transition, en l’occurrence
l’entrée dans l’Union Européenne.
Le renforcement de l’attractivité de la zone
vis-à-vis des investisseurs étrangers est évi-
demment une autre voie à privilégier, autant
dans l’industrie que dans les services, pour
desserrer les contraintes macroéconomiques
qui pèsent sur l’investissement ou l’équilibre
externe, tout en renforçant la compétitivité
de l’offre et les gains de productivité. Mais
au-delà des politiques de déréglementation,
des privatisations programmées, de l’amélio-
ration de la gouvernance, tant que le climat
d’insécurité politique se maintiendra en
Méditerranée, il sera illusoire de croire que la
seule poursuite des réformes permettra d’in-
fléchir la faiblesse des IDE.
-27-
Couplé aux marges de manœuvre accrues
que pourrait apporter une politique de chan-
ge plus réactive, le développement des
exportations est, pour les PM, le seul moyen
permettant d’amorcer rapidement un chan-
gement de régime de croissance. On en
revient alors au Processus de Barcelone et
aux efforts partagés que devaient assumer
tant les pays européens que les pays médi-
terranéens pour édifier une zone de libre-
échange à l’échelle euro-méditerranéenne.
Or, les marchés européens sont encore loin
d’être pleinement accessibles pour les pro-
ductions issues des PM, tout particulièrement
pour les produits agricoles ou bien lorsque
s’appliquent avec une rigueur excessive les
règles d’origine dans le domaine des produits
manufacturés. Bientôt dix ans après la
Déclaration de Barcelone, dans le cadre de la
nouvelle politique de voisinage de l’Union
Européenne, cette question des efforts parta-
gés sur la voie du libre-échange ne pourra
pas être éludée.
6. L’éducation et le marché du travail : les
premières étapes
A la question du partage des efforts s’ajou-
tent celle de leur cible. Pour les PM, le
contexte social est déterminant. Il est recon-
nu que le marché du travail est un élément
fondamental pour la compréhension de la
pauvreté, dans la mesure où la plupart des
pauvres obtiennent leurs revenus en contre-
partie de leurs travaux. Le marché du travail
des PM est caractérisé par quelques points
spécifiques.
Des politiques inadaptées ont engendré des
distorsions dans les systèmes éducatifs qui
sont maintenant en décalage important avec
les besoins des marchés du travail. Cela a
contribué au fort taux de chômage expéri-
menté par les diplômés dans la région, reflé-
tant l’écart entre l’offre excédentaire issue de
l’éducation tertiaire et la demande de l’éco-
nomie. Cela a également entraîné une baisse
légère de la productivité globale de 0,2% par
an entre 1960 et 1990, période pendant
laquelle, à l’inverse, la productivité globale a
crû à un peu moins de 2% en Asie de l’Est
(Doreid, 2000).
La situation actuelle des marchés du travail
des PM indique que leurs capacités de créa-
tion d’emplois ne sera pas suffisante pour
faire face aux nouveaux entrants. Il convient
également de noter que le chômage touche
de façon disproportionnée les jeunes et les
mieux formés. En Tunisie, le taux de chôma-
ge est le plus important parmi les jeunes
(25-30%), et au Maroc, le taux de chômage
des jeunes en zone urbaine atteint 31%.
L’une des principales raisons de ce problème
est que les compétences de la force de travail
ne correspondent pas aux compétences dont
le secteur privé a besoin (ESCWA, 2001).
Les marchés du travail des PM enregistrent
des salaires réels en baisse. Cette baisse
est imputée, la plupart du temps, aux
salaires du secteur public. Par exemple, les
salaires gouvernementaux réels en 1992 en
Egypte ne représentaient que 50% de leur
niveau de 1982. De même, au Maroc en
1993, les salaires réels dans le secteur
public atteignaient 77% de leur valeur de
1975, tandis qu’en Jordanie ils n’égalaient
que 85% du niveau de 1985. Ce comporte-
ment des salaires réels dans le secteur
public a également conduit la dynamique
du salaire minimum réel dans certains
pays. Par exemple, le salaire minimum réel
en Algérie a baissé au rythme de 16% l’an
entre 1989 et 1992 (Ali & El Badawy,
2000).
Conséquence de la pression croissante sur
les marchés du travail, de leur non flexibi-
lité et de la faible productivité, la croissan-
-28-
ce économique n’a pu tirer profit de l’ac-
croissement de la force de travail et, à l’in-
verse, le chômage s’est développé pour
atteindre jusqu’à 25% de la population
active, en Algérie et dans les Territoires
Palestiniens (tableau 1).
Sectoriellement, il y a un intérêt croissant
pour le secteur des services, qui représen-
te en moyenne 47,7% des emplois. La plus
forte part se retrouve en Jordanie
(74,1%).
Dans le même temps, la part de l’emploi
dans le secteur industriel a baissé de 1,5%.
L’agriculture représente encore près de 24%
de l’emploi total, le Maroc étant le pays où la
part est la plus forte et atteint 45,2%
(ESCWA, 2001).
Un nouveau secteur se développe, celui de
l’information, mais il ne peut absorber qu’un
nombre limité de personnes : scientifiques,
techniciens, programmeurs, éducateurs et
consultants.
Elimination de la pauvreté dans les PM : le
temps de l’action
Les objectifs du Millénaire proposent de
réduire, en 2015, la proportion de personnes
vivant sous le seuil de 1$ par jour à la moi-
tié de son niveau de 1990. Mais, le nombre
de personnes vivant sous ce seuil n’a guère
évolué depuis 1990, celui des personnes
vivant sous le seuil de 2$ a augmenté, pas-
sant de 21 à 23% en 1999 ; si cette tendan-
ce n’est pas rapidement modifiée, les PM
n’atteindront jamais les objectifs du
Millénaire (tableau 9).
Il est donc clair que la situation nécessite des
interventions radicales pour résoudre le pro-
blème de la pauvreté et que les PM doivent
agir à plusieurs niveaux simultanément.
Le besoin d’une croissance intensive en tra-
vail et bénéficiant aux pauvres
Indéniablement, la réduction de la pauvreté
nécessite une forte croissance économique.
Celle-ci améliore les opportunités de partici-
pation des pauvres aux bénéfices issus de
l’accroissement des richesses produites. La
croissance s’est accompagnée d’un mouve-
ment positif des indicateurs sociaux, mais
d’un mouvement contrasté de la distribution
des revenus.
Accroître le taux annuel de croissance de 1%
réduirait le nombre de pauvres dans la région
d’environ 7 millions durant la prochaine
décennie. A l’inverse, sans croissance plus
rapide et sans modification du contenu de la
croissance, le nombre de personnes vivant
sous le seuil de 1$ par jour atteindrait près
de 15 millions en 2010 (Doreid, 2000).
L’emploi reste un élément essentiel dans le
débat sur les effets sociaux de la croissance
économique. La création de nouveaux
emplois est déterminante si l’on souhaite que
Tableau 9 : Nombre de personnes vivantavec moins d’1 dollar par jour (%)
1990 1999 2015Asie de l’Est et duPacifique
30,5 15,6 3,9
Europe et Asiecentrale
1,4 5,1 1,4
Amérique latine etCaraïbes
11 11,1 7,5
Proche Orient etAfrique du Nord
2,1 2,2 2,1
AfriqueSubsaharienne
47,4 49 46
Asie de l’Est et duPacifique
69,7 50,1 16,6
Europe et Asiecentrale
6,8 50,2 18,4
Amérique latine etCaraïbes
27,6 26 18,9
Proche Orient etAfrique du Nord
21 23,3 16
AfriqueSubsaharienne
76 74,7 70,4
Nombre de personnes vivant avec moinsde deux dollars par jour (%)
Source : Base de Données Banque Mondiale
-29-
la croissance des revenus améliore effective-
ment les conditions de vie. Les politiques
publiques doivent donc tendre à promouvoir
un type de croissance intensif en travail.
Les institutions des marchés du travail et les
lois doivent encourager une plus grande flexi-
bilité. Le travail peut être un chemin pour sor-
tir de la pauvreté et les emplois de type temps
partiel ou temporaire, les changements de
carrières peuvent être des outils luttant
contre la pauvreté. On passe là d’une structu-
re fondée principalement sur un modèle hié-
rarchisé de travail permanent, à temps plein,
plus ou moins concentré dans l’agriculture et
l’industrie, à de nouvelles formes et modèles
d’emplois offerts par le secteur tertiaire.
De tels mécanismes innovants ont été intro-
duits dans les PM. Par exemple, au Maroc, les
modifications dans les modèles organisation-
nels ont contribué au relatif déclin de la pau-
vreté, parce qu’à la fois le secteur productif
orienté vers le marché local et celui orienté à
l’exportation utilisent des travailleurs tempo-
raires en réponse aux besoins des entre-
prises de s’adapter aux nouvelles conditions
économiques (Van Eeghen, 1998).
Pour maintenir les conditions de vie actuelles,
les pays du sud doivent améliorer la produc-
tivité du travail et accroître la participation
des femmes dans la population active. Ce
dernier point est essentiel pour les industries
manufacturières et pour l’expansion du sec-
teur des services, et doit s’envisager dans le
cadre de la de la formation continue. Les poli-
tiques doivent donc se focaliser sur l’amélio-
ration de la production, des conditions de vie
et du statut général de la femme.
La santé et l’éducation
Les PM doivent accroître les campagnes et
programmes de sensibilisation sur la santé,
notamment au niveau de l’éducation nationa-
le, incluant des programmes d’études concer-
nant la diffusion au public d’informations sur la
santé, la nutrition, l'hygiène. Il convient éga-
lement de fournir des services sanitaires des-
tinés aux femmes et aux enfants scolarisés ou
suivant des formations. Par dessus tout, la
lutte contre l’analphabétisme des hommes et
des femmes doit être la priorité des pays
arabes, en assurant l’universalité de l’éduca-
tion primaire gratuite et obligatoire. Puis la
démarche doit être poursuivie aux autres
niveaux, pour faire disparaître l’écart entre les
compétences des personnes formées par les
systèmes d’éducation locaux et les besoins
des marchés nationaux et internationaux.
La protection sociale
Les PM doivent également fournir un effort
pour ce qui concerne les réformes institution-
nelles touchant les systèmes de protection
sociale, et viser une allocation plus efficace et
plus ciblée des ressources publiques pour les
services sociaux (services d’aide, sécurité
sociale, formation, appui professionnel, etc.).
Dans les PM, les structures de sécurité sociale
existantes tendent, en effet, à protéger princi-
palement ceux qui ont une place sur le mar-
ché formel de l’emploi. Toutes les personnes
en marge du marché du travail, qui ont des
emplois précaires, irréguliers, mal payés, et
ceux disposant de contrats temporaires ou
atypiques, ne reçoivent aucune protection, au
risque de tomber dans la pauvreté.
Aussi, le paradigme de l’intervention sociale
fondée sur les anciens modèles doit être révi-
sé. Les nouveaux systèmes sociaux doivent
prendre en compte les sans-emplois et assu-
rer la protection et les droits sociaux des
citoyens.
Dans la mesure où l’intervention publique et
le rôle de l’Etat diminuent, les acteurs éco-
-30-
nomiques privés doivent avoir au minimum
un rôle d’auxiliaire dans la sphère sociale,
grâce à la mise en place de systèmes de
pension et d’assurance qui garantissent la
retraite et la couverture de santé. Ainsi, en
Algérie, 1,5 million de personnes disposent
de services complémentaires à travers de
tels dispositifs. En Tunisie, 240 000 per-
sonnes étaient couvertes par des systèmes
privés d’assurance en 1989 (Collicelli &
Valerii, 2001).
Conclusion : Mobiliser un large appui
Adopter une stratégie de lutte contre la pau-
vreté qui inclue les pauvres de façon à ce
qu’ils ne soient pas seulement une cible,
mais également un moyen pour atteindre un
sentier de croissance et de développement
soutenable est la voie à explorer
(Handoussa, 2002).
L’expérience a montré que l’évaluation, la
gestion et le suivi des programmes ont été
particulièrement faibles, en partie en raison
de faibles capacités institutionnelles et
humaines, en partie à cause de ressources
insuffisantes. Il est donc nécessaires de dis-
poser d’études d’évaluation sur l’impact et
l’efficacité des programmes et des mesures
de lutte contre la pauvreté.
Pour réduire effectivement la pauvreté, il faut
faire appel à une mobilisation large des
forces et des compétences d’acteurs gouver-
nementaux, académiques, appartenant aux
médias, au secteur privé, de volontaires d’or-
ganisations non gouvernementales et de ser-
vices sociaux (Doreid, 2000).
L'engagement politique doit être soutenu par
la recherche et des analyses de politique qui
identifient les problèmes, diagnostiquent
leurs causes, et présentent différentes
options aux décisionnaires politiques en sou-
lignant les éventuels arbitrages et les coûts
de chaque option.
II- La nécessaire adaptation des cadres
légaux
1. Les défis pour le développement des pays
du Sud de la Méditerranée*
*partie basée sur une contribution spéciale de Mahoumoud
Mohieldin, Ministre de l’investissement de l’Egypte et
Dr. Ziad Bahaa El Din, président de la « General Authority
of Investment and Free Zones », Egypte
Le développement dans la région arabe a été
un problème très controversé pendant la der-
nière décennie. La région arabe a connu des
périodes de puissance économique telle
qu’elle lui permettait d'influencer l'économie
internationale, et a fait face à des phases de
perte de vitesse où l’appui externe devenait
nécessaire. Le monde arabe est caractérisé
par une diversité politique et économique,
mais a des racines culturelles et religieuses
communes. Récemment, l’appel aux
réformes politiques et économiques dans le
monde arabe est venu de la communauté
internationale, mais aussi de la société
arabe. Les réformes économiques et législa-
tives sont interconnectées : une réforme de
l’une affectera l'autre. Dans ce contexte, il
faut examiner la réforme économique et
législative dans le monde arabe comme une
voie vers le développement et souligner les
défis et priorités que comprend le processus
des réformes dans certains domaines des
systèmes économiques et légaux.
Dans les pays arabes, les réformes réelles ont
pris du retard, principalement à cause d’un
engagement politique faible. Un programme
de réforme économique vaste exigerait une
volonté politique forte en faveur du change-
ment, et de telles réformes n'ont pas trouvé
place dans les ordres du jour de la plupart des
gouvernements arabes pendant des décen-
-31-
Dépenses publiques, croissance et sou-tenabilité des déficits et de la detteextérieure : étude du rôle de l'Etat danssix pays méditerranéens partenaires del'Union Européenne (Egypte, Israël,Liban, Tunisie, Turquie)
Dirigée par le CEMAFI, France
Dans les années quatre-vingt-dix, sous l’im-pulsion des « Institutions de BrettonWoods », les doctrines du libéralisme écono-mique ont largement prévalu dans la plupartdes pays en voie de développement. Lespays de la Méditerranée ayant signé ou s’ap-prêtant à signer des accords d’associationavec l’Union Européenne, ont suivi cette voieet des processus de libéralisation se sont misen place avec, comme caractéristiques com-munes, une plus grande ouverture au com-merce international et, sur le plan intérieur,des réformes allant dans le sens du recul del’Etat dans le fonctionnement de l’activitééconomique, notamment par des mesures deprivatisation, mais aussi par la réduction desdépenses publiques et le réaménagement deleur fiscalité. En particulier, la réduction desdéficits publics et de la dette publique, ainsique de la dette extérieure, a été considéréecomme l’objectif majeur des politiques éco-nomiques à mettre en oeuvre. Cependant,dans beaucoup de pays, le rôle économiquepositif de l’Etat se manifeste dans de mul-tiples domaines, et notamment dans celui dudéveloppement des infrastructures ou des« biens publics » porteurs de croissance, cequi conduit à s’interroger sur la juste placede l’Etat dans le fonctionnement de l’activitééconomique. L’enjeu de la solidité desfinances publiques, joint à la question de l’ef-ficacité des dépenses publiques, constitue lenoyau central de la présente étude, qui portesur six partenaires méditerranéens : leMaroc, la Tunisie, la Turquie, le Liban, Israëlet l’Egypte. Trois grandes questions sontévoquées : (i) la « taille optimale » de l’Etat ;(ii) la croissance et la soutenabilité des défi-cits publics et de la dette publique ; (iii) lacroissance et la soutenabilité des déficits etde la dette extérieure.
L’étude a été menée selon des analyses théo-riques et empiriques multiples, variées etcomplémentaires.
Pour chacun des pays, un bilan est donné,estimant la taille optimale de l’État en termesde dépenses publiques rapportées au PIB,puis en termes de soutenabilité selon deuxméthodes différentes, qui ont débouché surdes résultats parfois très différents : l’ap-proche comptable et l’approche actuarielle.
nies. Cela semble encore vrai aujourd’hui si
l’on se base sur l'état actuel de la réforme
législative dans les pays arabes. Les réformes
législatives et de la réglementation ont été
inscrites à l’agenda de pratiquement tous les
pays arabes au cours des deux dernières
décennies. L’hypothèse selon laquelle la réfor-
me économique et le développement social
seront réalisés par l'établissement d’un cadre
légal et de régulation fondé sur le « droit » a
été et est encore un élément de poids de la
formulation et de l’exécution des politiques.
Cette approche, cependant, n'est pas entiè-
rement innocente. Prétendre que la réforme
législative produira le changement exigé
convient aux gouvernements parce qu'elle
leur permet d'apaiser l'opposition, en éta-
blissant constamment de nouvelles lois et
règlements censés attester leur engage-
ment à reformer tout en parvenant à sur-
seoir à la réalisation de réels progrès. Les
manifestes politiques et les programmes
des gouvernements annoncés au public ten-
dent à inclure des réformes législatives
ambitieuses, sans engagement sur l'accom-
plissement d’objectifs sociaux et écono-
miques concrets. Considérer que « la légis-
lation est la solution » devient de ce fait la
caractéristique fondamentale de la pensée
et du comportement des gouvernements
dans la région. De plus, les réformes
concrètes – et particulièrement celles
concernant les lois – permettent d’attirer
facilement des financements étrangers et
multilatéraux. Elles se prêtent aux bench-
marking et elles facilitent l’obtention de flux
de financement visant des cibles spécifiques
(conditionnalité). Pour dire les choses sim-
plement, il est plus facile pour le donateur
et le destinataire de conditionner l’engage-
ment des fonds ou de l’aide à l’adoption
d'une loi ou de certains règlements qu’à
l'exécution ou à l'accomplissement d’actions
à moyen et long terme.
-32-
Selon la seconde méthode, la soutenabilitédes déficits publics, de la dette publique et dela dette extérieure est plus difficile à obtenir,essentiellement parce que sa mise en oeuvrenécessite de longues séries d’observations.Aussi, en utilisant des données annuelles, lapériode couverte doit être de l’ordre de troisdécennies ou plus. Or, dans les partenairesméditerranéens étudiés, de grands boulever-sements internes et externes ont marqué leschoix de politique économique sur les trentedernières années, tandis que, dans le mêmetemps, les processus de libéralisation danslesquels ils se sont engagés, ont entraîné unesérie de chocs importants. Dès lors, il n’estpas étonnant, que la méthode actuarielle aittoujours débouché sur un constat de non-soutenabilité.
En revanche, la méthode comptable qui, rap-pelons-le, est celle retenue le plus souventpar les organisations internationales, donnedes résultats plus nuancés ; puisqu’elle por-cède pas à pas, année par année, en mesu-rant l’écart entre le « réel » et le « souhai-table », elle permet de différencier les« bonnes années » des années difficiles etelle fait ressortir, de ce fait, des exercicesbudgétaires au cours desquels la soutenabili-té des déficits publics ou de la dette exté-rieure est vérifiée.
1. Le cas de la Tunisie et du Maroc
La Tunisie et le Maroc sont apparemmentdans des situations comparables, s’agissantde la « taille optimale » de l’Etat, de la sou-tenabilité du déficit budgétaire et de la detteextérieure. L’analyse des sources et descauses de ces derniers, cependant, fait appa-raître des différences qui conduisent à desrecommandations relativement spécifiques àchacun de ces pays.
(a) Le bilan
La « taille optimale » (G/PIB soit dépensespubliques sur produit intérieur brut) de l’Etatest de l’ordre de 35% pour la Tunisie et de39% pour le Maroc. Ces ordres de grandeurparaissent tout à fait crédibles quand onconnaît le poids de l’Etat dans ces deux éco-nomies.
La soutenabilité actuarielle des déficitspublics n’est assurée dans aucun de deuxpays, même si elle est « presque acquise »pour le Maroc, dans la dernière décennie.
En revanche, la soutenabilité comptable faitapparaître dans les deux pays, après la miseen place des PAS (Programmes d’Ajustement
Structurels), en 1986 pour la Tunisie, 1983pour le Maroc, une majorité d’exercices bud-gétaires pour lesquels cette soutenabilité estassurée.
Quant à la soutenabilité de la dette extérieu-re, l’application de la méthode actuarielleconduit à la rejeter sur toute la période d’étu-de (les trois dernières décennies) ; mais laméthode comptable fait apparaître quelquescomptes annuels pour lesquels cette detteserait soutenable dans le cas du Maroc, tan-dis que, dans le cas de la Tunisie, elle auraitété soutenable sur la dernière décennie.
(b) Les recommandations
Il faut distinguer ici le cas des deux pays.
La Tunisie semble bien avoir résolu son pro-blème de dette extérieure : elle l’a convertieen endettement intérieur. Toutefois le paysn’est pas encore en mesure de libérer totale-ment le « compte de capital » de sa balancedes paiements, même si cela lui est deman-dé par le FMI. Parallèlement, la dettepublique interne reste d’un montant élevé etle Trésor Public absorbe une part très impor-tante de l’épargne intérieure. La BanqueCentrale fixe le taux du marché monétaire àun taux nominal supérieur seulement d’envi-ron 2 % au taux d’inflation officiel, ce qui estle signe du maintien d’un degré certain derépression financière.
Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, laforte présomption de l’existence de« créances douteuses » dans les bilans ban-caires (de l’ordre de 30 % selon l'estimationdu FMI, 20% selon des sources nationalesofficielles) traduit le sentiment de fragilitéqu’inspire le système financier du pays (enparticulier du système bancaire). En mêmetemps, le financement sans risque d’une partimportante des besoins financiers du TrésorPublic par les banques de second rang, quisont tenues d’y contribuer, constitue unesorte de seigneuriage indirect, si ces banquespeuvent se refinancer facilement auprès dela Banque Centrale.
S’agissant des ressources financières del’Etat, la principale recommandation formu-lée est qu’il recoure moins à l’emprunt etdavantage à l’impôt. Par ailleurs, un réexa-men de la ventilation des dépenses publiquesest indispensable, au profit des dépensesporteuses de croissance et au détriment decertaines dépenses de fonctionnement. Enmême temps, il semble indispensable derendre le système bancaire plus efficient :lutte contre les créances douteuses, éléva-
-33-
tion du taux de base bancaire pour réduire lesurendettement du secteur privé et privilé-gier le financement des investissements àforte rentabilité ; levée de l’obligation pourles banques de souscrire aux appels de fondsde l’Etat. La fragilité de certaines banques etle relatif échec du marché boursier doiventaussi faire l’objet de l’attention des pouvoirspublics.
Le cas du Maroc est bien différent. Le payssemble avoir réussi la libération de soncompte de capital et, cependant, l’économieest en état de surliquidité monétaire, si bienque c’est le Trésor qui éponge cette surliqui-dité, bénéficiant ainsi de conditions de finan-cement peut-être trop favorables. Cettesituation pourrait avoir permis à l’Etat dedévelopper certaines catégories de dépensespubliques qui semblent superflues. Il fautdonc, selon l’étude, restructurer en profon-deur les dépenses publiques en réduisant lesdépenses de fonctionnement non porteusesde croissance au profit des dépenses d’édu-cation, de développement du système desanté et de certaines infrastructures défi-cientes, notamment en matière d’irrigation etde réseau routier, tout en restant au voisina-ge du taux (G/PIB) optimal identifié.
Le système financier lui aussi semble peuefficace ; la bourse draine peu d’épargnefinancière et ne répond que marginalementaux besoins d’investissement du secteurprivé. Les banques sont trop nombreuses etassez peu efficaces ; une réduction d’aumoins la moitié du nombre des banquessemble souhaitable.
Enfin, la fiscalité, ici aussi, est peu satisfai-sante : d’une part elle ne semble pas avoird’effet redistributif significatif, d’autre part,elle ne contribue pas assez au financementdes dépenses courantes de l’Etat.
La soutenabilité de la dette extérieure passequant à elle par l’amélioration des perfor-mances commerciales, c’est-à-dire par l’aug-mentation des exportations et la réductiondes importations, ce qui implique, pour lepays, d’avoir une politique de change adé-quate, en termes de ciblage du taux de chan-ge, au moins sur un taux de change réeléquilibré.
2. La Turquie
Le cas de la Turquie est tout à fait spéci-fique : grand pays riverain, mais à majoritémusulmane, comme l'Egypte, la Turquie pré-sente suffisamment de particularités pourêtre traitée à part. Au cours des trente der-
nières années, la politique économique a étéd'abord d'inspiration fortement intervention-niste pour déboucher, ces dernières années,sur des orientations nettement libérales, sibien que le taux de dépenses publiques surPIB de 20,4% calculé par l’étude et présup-posé « optimal » doit être considéré avecprudence.
L'étude de la soutenabilité de la dettepublique par la méthode actuarielle a aboutià des conclusions négatives, qu’elle soitbasée sur des données annuelles de 1972 à1998 ou trimestrielles entre les quatrièmestrimestres de 1988 et de 2002. En revanche,la méthode comptable a permis de faireapparaître que la dette publique (intérieure)a été soutenable une année sur deux entre1989 et 2002. La politique de gestion decette dette, mise en œuvre récemment, estefficace ; l’excédent primaire enregistrédepuis 1994 permet de rembourser la detteextérieure. S'agissant de cette dernière, quin'est pas non plus apparue comme soute-nable par application de la méthode actua-rielle aux données de la période 1970-2001,les pouvoirs publics turcs ont réussi, grâce àleur politique de désinflation, à faire appa-raître des taux d'intérêt élevés qui ont attirédans le pays des entrées de capitaux ; cescapitaux, bien que de court terme, ont per-mis à l'Etat d'alléger sa dette extérieure.
En même temps, les entreprises turques sesont endettées à l'extérieur grâce à cesentrées de capitaux. Certes, cette conjonctu-re est positive pour les finances publiques,car la part privée de la dette extérieure aaugmenté, mais elle souligne que les entre-prises doivent s'endetter à l'extérieur parceque le système financier turc ne remplit pascorrectement son rôle. Le marché financierest, en effet, peu efficace et d’une faible pro-fondeur et le système bancaire est déficient.Une réforme de ce dernier est nécessaire afinde dynamiser le développement de la finan-ce intérieure. De plus, l'Etat doit éviter d'ab-sorber un volume d'épargne intérieureexcessif. Une étude plus approfondie de l'uti-lité des dépenses publiques turques et leurmise en parallèle avec les modalités de finan-cement (emprunt ou impôt) reste à fairemais il semble aujourd’hui qu'une réforme dela fiscalité serait souhaitable pour une plusgrande efficacité mais aussi pour contribuer àune meilleure répartition des revenus.
3. Le cas d'Israël
La recherche de la proportion optimale desdépenses publiques a été plus difficile àmener, tant pour des raisons de disponibilité
-34-
des données que de spécificité des dépensespubliques dans ce pays (où les budgets mili-taires et de défense sont considérables).L’étude a donc dissocié le rôle de la consom-mation publique et celui de l'investissementpublic. Sont apparus des seuils de typeCourbe d'Armey de l'ordre de 44% pour leratio « consommation publique/PIB » et de14,5% pour celui de l'investissement publicsur l'investissement total. Ce sont deschiffres élevés, dans les deux cas, mais quiparaissent vraisemblables dans un pays oùl'Etat est omniprésent.
Il faut cependant noter que, depuis juin2003, avec la réélection de la coalition domi-née par le Likoud, le gouvernement a entre-pris un démantèlement du « Welfare State »,qui s’est traduit, certes, par une reprisenotable de l'activité économique, mais a éga-lement conduit au creusement des inégalités,notamment au détriment de certains groupesminoritaires. Les réductions d'impôts, laréforme des retraites, qui assure une moinsbonne protection des ménages à faible reve-nu, n'ont pas pour autant rendu soutenablela dette publique sur les dernières années. Ilen est de même pour la dette extérieure :« insoutenable » selon la méthode actuariel-le appliquée sur des données trimestriellesentre janvier 1989 et janvier 2002, elle n'estapparue « soutenable » que pour les années1990, 1991, 1994, 1996, 2000 et 2001,selon la méthode comptable.
La situation particulière du pays, du fait dela situation militaire dans laquelle il se trou-ve, et des aides financières qu’il peut mobi-liser à l’extérieur, explique que l'améliora-tion de l’état des finances publiques, aussibien intérieures qu’extérieures, est unequestion de nature principalement politiqueet non économique.
4. Le cas du Liban
Sorti d’une longue guerre civile en 1999, leLiban a entrepris une politique de recons-truction efficace, rapide mais coûteuse. Leratio « optimal » calculé de dépensespubliques par rapport au PIB est de l'ordre de28,5%, estimation acceptable, mais qui doitêtre rapproché de l’explosion du ratio de ladette et de l’insoutenabilité à la fois du défi-cit public, de la dette publique et de la detteextérieure.
Les recommandations, pour ce pays, sontque les pouvoirs publics doivent procéderaux réajustements budgétaires et fiscauxindispensables. Les privatisations annoncéesdes entreprises publiques n'ont toujours pas
eu lieu, les rentrées fiscales sont insuffi-santes du fait d'un système d'impositioninadapté (et inefficace) malgré l'instauration(récente) de la TVA. Rappelons que la IIèmeConférence de Paris sur le Liban, ennovembre 2002, a abouti à la recommanda-tion de convertir la dette publique intérieureà court terme et à très haut taux d'intérêt, ende la dette extérieure à long terme et à tauxd'intérêt bas. En même temps, les privatisa-tions devraient permettre de réduire le stockde la dette et la baisse des dépensespubliques diminuerait le déficit budgétaire.
Le système bancaire au Liban joue un rôlecrucial dans le financement des dépensespubliques : les banques commercialesdétiennent la majeure partie de la dette del'Etat (pour un montant actuel de l'ordre de33 milliards de dollars US alors qu'elles sontengagées auprès du secteur privé pour desdépôts d'un montant à peine supérieur de40 milliards de dollars US). Un risque debanqueroute du type de celui qu’a connul’Argentine menace donc le système finan-cier libanais, si l'Etat n'est pas en mesure deréduire sa dette auprès des banques, cequ'une privatisation rapide des télécommu-nications et du secteur de l'énergie pourraitpermettre, en partie. Enfin, les taux d'intérêttrop élevés servis sur les bons du Trésor, quisont détenus pour une grande partie par lesbanques commerciales, et la politique dechange, qui se traduit par une forte suréva-luation de la livre libanaise, sont deux carac-téristiques extrêmement préoccupantes dela fragilité du système des financespubliques libanais. Pourtant, de nombreusesdépenses publiques de développement desinfrastructures restent nécessaires (s’agis-sant des systèmes de santé et d’éducationnotamment).
5. Le cas de l’Egypte
La situation de l'Egypte, en matière definances publiques, semble très préoccupante.Les déficits publics, la dette publique inté-rieure, la dette extérieure sont apparuscomme non soutenables, selon la méthodeactuarielle. L'application de la méthodecomptable aboutit au même diagnostic, àl'exception de quelques années pendant ladécennie 1990. Le « seuil optimal » estiméde 12,3% des dépenses publiques rapportéesau PIB est tel que, la plupart du temps, lesdépenses publiques effectives ont été infé-rieures à ce seuil, et cela depuis près d’undemi-siècle. Donc, les dépenses de consom-mation publique ne contribuent pas commeelles le devraient (ou le pourraient) à pro-mouvoir la croissance.
-35-
La politique de l'Etat semble donc bien singu-lière si l’on se fie aux estimations de l’étude.Les déficits et la dette publique sont non sou-tenables et pourtant l'Etat ne dépenseraitpas assez. Ce paradoxe est dû, en fait, à latrès grande indigence du système fiscalégyptien. Les rentrées fiscales sont trèsinsuffisantes et il est donc nécessaire detransformer complètement le système del'impôt en luttant contre l’évasion fiscale, enaméliorant le recouvrement et en rendantperformante l’administration des finances.
En même temps, la masse salariale dans lafonction publique apparaît trop importante etle rapport « salaires publics/PIB » n'a cesséd'augmenter ces dernières années. Uneréduction du nombre de fonctionnairesdevrait donc être envisagée. Reste à savoir sile secteur privé est en mesure d'accueillir lapart de la main d’œuvre qu’absorbait, jus-qu’ici, le secteur public. Outre ce problème,c’est le fonctionnement de l'administrationpublique dans son ensemble qui semble peuefficace. Il faudrait mettre en place un pro-gramme vigoureux de réduction des « coûtsde fonctionnement », coûts qui se traduisentsans doute par des « coûts de transaction »élevés pour les administrés.
Enfin, il faudrait que les pouvoirs publicss'engagent dans un programme d’améliora-tion de l’efficacité de l'aide extérieure trèsabondante que reçoit le pays, notamment del'aide alimentaire. Les investissementspublics dans le secteur des infrastructures(santé, éducation, moyens de transport etde télécommunications) semblent indispen-sables dans cette perspective.
Signalons enfin les délicats problèmes quepose la politique du taux de change, dans cepays, car une dévaluation de celui-ci serait,d'un côté, favorable à l'amélioration du soldecommercial, mais, d’un autre côté, contri-buerait à alourdir fortement l'endettementextérieur. Les hésitations des pouvoirspublics, tout au long de la dernière décennie,en matière de politique de change alourdis-sent encore les difficultés et les coûts à venir.
Bien que la réforme légale aurait dû être
effectuée pour servir d’outil aussi bien que de
moyen pour réaliser la réforme économique,
il apparaît qu’un changement d'attitude silen-
cieux, progressif et malheureux s’est produit
dans tout le monde arabe sur les dernières
décennies, de sorte que la loi et la réforme
législative sont devenues des cibles et non
des outils, l'objet et non le moyen de réaliser
l’objectif premier. Ce changement d'attitude
a pu être provoqué par une mauvaise com-
préhension de la nature et de la dynamique
du changement social, mais plus sûrement
parce qu'il convenait à des gouvernements
pris dans leurs manœuvres internes et à des
donateurs en quête de résultats mesurables.
Inutile de dire, qu’il sert également le
bataillon de conseillers, consultants et l'infra-
structure entière qui vit de la promotion, for-
mulation, discussion et surveillance des
réformes législatives, mais est rarement res-
ponsable de son exécution et des résultats
qu’elle échoue à obtenir.
Vue d'ensemble économique et légale
En dépit de leurs nombreuses différences, les
pays arabes ont des caractéristiques com-
munes. Ils diffèrent du point de vue de leurs
dotations naturelles, de leur population, et du
poids du gouvernement dans l’économie et sa
réglementation. Cependant, ils font face à des
problèmes similaires. La plupart des pays
arabes pâtissent de déficits budgétaires
importants, d’une dépendance financière vis-
à-vis de leurs situation de rente, d’un profil
commercial faible, d’un chômage élevé, du
manque d’inefficacité des investissements, et,
dans la plupart des cas, de taux de croissan-
ce faibles. En conséquence, plusieurs pays
arabes ont entrepris des réformes écono-
miques à la fin des années 80 et au début des
années 90. Les pays arabes différent par le
séquençage et l’intensité des réformes. En
général, ces réformes ont été lentes et ont
-36-
atteint, d’une façon ou d'une autre, un point
à partir duquel elles ont stagné. Certains de
ces pays, qui se sont engagés sur la voie des
réformes, en ont tiré profit et ont vu se pro-
duire des changements satisfaisants de leurs
économies, à la différence d’autres. De façon
générale, les réformes entreprises par les
pays arabes n'étaient pas suffisantes pour
enclencher la croissance et le développement
réel de la région. Les pays tels que l'Egypte,
la Jordanie, le Maroc et la Tunisie sont relati-
vement avancés dans leurs vastes réformes.
Ils sont considérés comme les premiers réfor-
mateurs qui se sont ouverts au commerce et
ont créé un climat d’investissement plus hos-
pitalier. D'autres pays producteurs de pétrole,
tels que l'Algérie, le Yémen et la Syrie, dotés
d’une main-d'œuvre très importante, font
face à une pression croissante en faveur des
réformes du fait d’un chômage croissant.
Les indicateurs macro-économiques des éco-
nomies arabes pendant la dernière décennie
indiquent que le processus de réforme n'a
pas été suffisant pour déboucher sur des
résultats satisfaisants. Le PIB des pays
arabes ne représente que 1,9% du PIB mon-
dial, leur revenu par habitant n'excède pas
14% de la moyenne de l'OCDE, le chômage
reste toujours élevé et les exportations de
marchandises n'excèdent pas 3,5% des
exportations mondiales. Etant donné que les
pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
(MENA) représentent 10,2% de la surface
terrestre et 4,5% de la population mondiale,
de tels chiffres sont absolument insuffisants.
La faiblesse de leurs performances écono-
miques s’est répercutée négativement sur le
développement humain. En conséquence, les
indicateurs socio-économiques qui mesurent
le degré de développement humain sont res-
tés bas.
Quant au système légal, les pays arabes, en
général, sont dans la lignée du droit positif
européenn continental. Après plusieurs siècles
où une certaine forme de loi islamique
(Shari'a) dominait dans la région, les pays
arabes ont commencé, au tournant du dix-
neuvième siècle, à adopter systématiquement
des principes de droit civil, des méthodes, et
même des codes entiers. Ce processus ne
s’est pas toujours fait en référence au systè-
me européen. L'Egypte, par exemple, a com-
mencé à adopter des principes de droit civil en
tant qu'élément d'un phénomène plus large se
produisant dans tout l'empire Ottoman, avant
d’embrasser, au dix-neuvième siècle, le
modèle légal français de manière plus directe
et plus agressive. La Libye, appartenant à la
même école legislative, a fermement établi sa
législation par adaptation du modèle égyp-
tien, de même que quelques autres pays
arabes. Le Maroc, l'Algérie, et la Tunisie,
d'autre part, se sont inspirés directement des
systèmes européens.
Au cours des deux dernières décennies, et en
raison de l'importance croissante mise sur la
réforme économique et la modernisation du
secteur financier, une certaine influence
anglo-saxonne a commencé à apparaître
dans les systèmes juridiques arabes. C'est dû
au fait que la réglementation financière, le
droit des sociétés et les transactions finan-
cières, partout dans le monde, sont dominés
par des principes et des méthodes apparte-
nant à la lignée du droit anglo-saxon. Une
influence anglo-saxonne évidente transparaît
dans les lois adoptées pendant la dernière
décennie en Egypte, en Jordanie et au Maroc,
qui concernent les marchés des valeurs, les
systèmes de dépôt centraux, le blanchiment
d’argent, la sécurisation et la supervision des
opérations bancaires et d’assurance.
Il n'est pas rare que le système juridique d’un
pays soit influencé par diverses doctrines juri-
diques et écoles de pensée, ce qui relève de la
nature même du développement organique du
-37-
système légal. En fait, cela devrait être consi-
déré comme un signe de la saine capacité du
système à évoluer, se développer, et à s’adap-
ter à de nouvelles idées et méthodes. Mais, à
cet égard, le problème est que l'état actuel
des systèmes législatifs arabes montre que
l'interaction et l'amalgame de divers modèles
n'a pas suivi une progression naturelle et vou-
lue, créant de ce fait des sérieux points de
friction au coeur de ces systèmes. La législa-
tion économique en est l'exemple type.
Les sous-secteurs du système économique
La réalisation de progrès économiques et poli-
tiques dans les pays arabes est essentielle
pour accélérer le développement humain.
Ceci exige, à son tour, des réformes écono-
miques et législatives, dont une composante
intégrale est la libéralisation des trois sec-
teurs principaux : les marchandises et le sec-
teur de services, le marché financier et le
marché du travail. Dans ce contexte, il est
nécessaire d'analyser les performances de
ces secteurs et d'examiner les défis qu'ils doi-
vent relever, afin d’établir un plan adapté de
réformes qui répondrait aux faiblesses et ren-
forcerait la compétitivité de chacun d’eux. En
outre, cette section se penchera sur la perti-
nence de la nature des systèmes juridiques et
leurs origines historiques, du cadre politique
et de gouvernance de la réforme législative,
du processus d’élaboration des lois, et sur les
problèmes liés à l'administration et au judi-
ciaire, à l'environnement de l’investissement,
et aux lois de la concurrence. Ce travail a
pour but de répondre à une question souvent
soulevée : pourquoi la réforme législative ne
s’est pas matérialisée dans le monde arabe
sous la forme d’une réforme économique.
a. Le secteur des biens
Le défi principal du secteur des produits dans
les pays arabes est de restaurer la croissan-
ce économique et de créer des emplois tout
en maintenant la stabilité macro-écono-
mique. Sur le plan des exportations de biens
et services se pose le problème de leurs
résultats insatisfaisants. Une explication fon-
damentale à cela est le manque d'engage-
ment des gouvernements et des chefs poli-
tiques en faveur de nouvelles directions de
politique. La part des pays arabes dans les
exportations mondiales est marginale. Sur
les deux dernières décennies, les exporta-
tions de la région ont augmenté de seule-
ment 4,4%, alors que les exportations mon-
diales progressaient de plus de 216,6%.
Dans ce contexte, la refonte du cadre juri-
dique de ce secteur devient essentielle.
Cependant, les progrès de la libéralisation
commerciale et de la réduction des biais anti-
exportations dans la région MENA n’ont pas
été aussi rapides que ceux de l’Asie de l'Est,
de l’Amérique Latine, et de certaines des éco-
nomies en transition d’Europe et d’Asie cen-
trale. Bien que des réformes des taxes et des
tarifs aient été entreprises par la plupart des
pays de MENA depuis les années 80, les
avancées ont été lentes et inégales, se tra-
duisant par peu de réductions significatives.
En conséquence, tout au long des années 90,
le taux moyen non pondéré des tarifs dans la
zone MENA était plus haut que dans n'impor-
te quelle autre région, exceptée l’Asie du sud,
et aucune réduction significative des tarifs
moyens n'a eu lieu. En outre, les réformes
des douanes, qui sont en cours en Jordanie
et au Maroc, doivent être accélérées en
Egypte et en Tunisie.
Un autre défi qui plaide en faveur d’une
réforme du cadre legislatif est que beaucoup
des gouvernements des pays de MENA, y
compris ceux des plus ouverts des pays du
Golfe (GCC), ont accordé des droits de
monopole dans la distribution des importa-
tions, gênant l'accès aux marchés internatio-
-38-
naux. Ces barrières à l'entrée empêchent les
prix domestiques et internationaux de
converger et amoindrissent l'impact positif
des réformes commerciales.
Un dernier défi concerne les politiques de
change. La flexibilité du taux de change est
un aspect crucial du succès de la réforme
commerciale. Les pays dans la région doivent
réduire les mauvais ancrages et la surévalua-
tion des monnaies afin d'augmenter la com-
pétitivité des exportations. Cependant, les
pays tels que l'Egypte, la Jordanie, le Liban, le
Maroc et la Tunisie ont abordé cette question.
Relever les défis précédents exige beaucoup
d'améliorations. D'abord, les pays arabes
doivent s'assurer que le commerce suit le
courant dominant ou est intégré dans des
politiques économiques et des stratégies
visant la réduction de la pauvreté. Les vrais
avantages de la libéralisation commerciale
sont obtenus si le commerce est inclus dans
l’agenda des réformes domestiques.
L'investissement commercial et l’investisse-
ment privé sont les éléments essentiels pour
accroître la croissance des PM, combattre la
pauvreté et le chômage, et favoriser une
intégration régionale et mondiale.
En second lieu, les pays arabes doivent modi-
fier les moteurs actuels de leur croissance qui
sont trop vulnérables. Ils doivent privilégier
les exportations de produits non pétroliers,
et les activités compétitives orientées vers
l’exportation, relativement à celles plus pro-
tégées visant à la substitution des importa-
tions. Les économies doivent se reposer
davantage sur le secteur privé et les activités
orientées vers le marché plutôt que sur le
gouvernement et la domination de l’Etat.
Troisièmement, il est nécessaire d'harmoniser
les accords commerciaux et les politiques qui
ont été menées sur les dernières décennies afin
d’en tirer tous les bénéfices. Ceux-ci incluent
les accords d’intégration bilatéraux et multilaté-
raux intra-régionaux, les accords euro-méditer-
ranéens pour beaucoup de pays, et les autres
réformes commerciales unilatérales.
Le quatrième point, le plus important, est
que les gouvernements devraient chercher à
éliminer les situations monopolistiques afin
d'encourager l’investissement direct étran-
ger. En outre, afin d’améliorer les résultats
commerciaux dans les pays arabes, il est cru-
cial d’offrir un cadre des opérations concur-
rentiel et incitateur pour les exportateurs,
pour faciliter les flux d’échanges au niveau
régional comme au niveau international.
Dans ce contexte, le droit de la concurrence
peut être utile. Elles sont devenues un aspect
important de la législation ces dernières
années. C'est parfois la conséquence d’une
volonté de remplir une des conditions de la
modernisation des économies et d'adhérer
aux meilleures pratiques des économies
industrialisées. D’autres fois, l’importance
qu’elles ont prise est la résultante des pres-
sions internes, qui considèrent les lois et sys-
tèmes anti-monopoles comme une protection
contre les abus des grandes sociétés issus de
leur poids politique. C’est précisément la
nature politique du droit de la concurrence
qui explique que sa portée et ses objectifs
deviennent confus et leur application loin
d’être satisfaisante.
Les pays dans la région peuvent être classés
en trois groupes selon qu’ils ont adopté des
lois sur la concurrence (par exemple, Tunisie
et Jordanie), sont en train d’en adopter
(Egypte) ou ne se sont pas encore engagés
dans le processus (Libye). Cependant, même
dans les pays où une législation sur la
concurrence a été adoptée, le résultat, en
termes d'amélioration substantielle de l’envi-
ronnement de l’investissement et de la régu-
lation est modeste, voire négligeable.
-39-
C'est dû à plusieurs raisons. Le droit de la
concurrence est, de par sa nature même,
très complexe et son application exige que
les commissions de surveillance et les tribu-
naux compétents disposent d’un pouvoir dis-
crétionnaire étendu. De plus, il suppose un
niveau de sophistication significatif des
organismes chargés de repérer les pratiques
monopolistiques et d’imposer la légalité. Une
connaissance et une bonne compréhension
de l’économie, des affaires et du marché
sont indispensables à une administration
juste de la législation anti-trust. Ainsi, lors-
qu’un pays subit des contraintes sur le
recrutement de fonctionnaires instruits et
qualifiés, l’application du droit de la concur-
rence peut devenir un obstacle en consti-
tuant un niveau supplémentaire d’arbitraire,
de corruption et d’imprévisibilité. La législa-
tion jordanienne essaye de surmonter cela
en renvoyant directement les conflits en
matière de concurrence devant les tribu-
naux. Ceci, cependant, ne fait que déplacer
le problème, sans résoudre les questions
clefs. La Tunisie est un cas rare puisque le
pays a créé une autorité de la concurrence à
part entière (le Conseil de la Concurrence),
qui surveille les pratiques anti-concurren-
tielles et dispose d’un pouvoir juridique et
consultatif.
La mise en place et l’application des lois anti-
trust sont rendues extrêmement difficiles par
leur surpolitisation. En Egypte, le processus
d'adoption d’une loi anti-monopole générale
a duré plus de sept années, ce qui prouve à
quel point elle est encore mal comprise par le
public et surpolitisée par ceux impliqués dans
le débat.
Cinquièmement, les pays arabes doivent
apporter des améliorations significatives sur
quatre points clefs : facilités permettant le
développement du commerce, infrastruc-
tures liées au commerce, accès à la finance
commerciale, et fourniture d'aide à la pro-
motion. Les efforts pour améliorer les facili-
tés permettant de développer le commerce
consistent principalement à réduire les
coûts de transaction et les délais. À court
terme, il est essentiel de bâtir des institu-
tions de qualité, d’améliorer la technologie,
de rationaliser et de simplifier toutes les
procédures commerciales connexes, y com-
pris les douanes. Le gouvernement doit
également accroître les investissements
dans le commerce afin de mettre à niveau
les infrastructures physiques existantes qui
concernent les échanges d'un certain
nombre de pays arabes, notamment les
routes, les ports, les aéroports, les moyens
de stockage et de gestion qui auront des
conséquences positives sur le coût des
échanges, augmentant de ce fait la compé-
titivité des exportateurs de la région. C'est
particulièrement important pour les expor-
tateurs de produits agricoles qui utilisent les
équipements de transport et de stockage
régulièrement. La troisième dimension
importante est le financement des opéra-
tions commerciales, en particulier des petits
exportateurs ayant des ressources limitées.
Les exportateurs doivent avoir accès au cré-
dit à des taux réalistes. Il existe également
un besoin d’aide à la promotion dans les
pays arabes. Bien que beaucoup de pays
aient des agences de promotion du com-
merce qui aident les exportateurs, l'élargis-
sement des services offerts est essentiel
afin de se concentrer sur les points faibles
tels que le contrôle de qualité. Les gouver-
nements devraient travailler à améliorer
l'image du pays et à augmenter sa visibilité
à l'étranger.
Sixièmement, il est urgent de diversifier les
échanges en faveur des exportations à haute
valeur ajoutée pour gagner des parts de
marché, mais aussi parce que le commerce
de ce type d’exportations est relativement
-40-
plus dynamique et permet une croissance
substantielle de la productivité. Pour que les
pays arabes puissent entrer sur des marchés
d'exportation non traditionnels, ils doivent
intégrer plus d’innovations techniques dans
les procédés de production des produits
existants et nouveaux. Il est, en effet, clair
que les pays arabes ne pourront pas comp-
ter sur les exportations de produits bruts et
de carburant et sur les produits intensifs en
main-d'oeuvre pour atteindre des taux de
croissance élevés.
En conclusion, investir dans le développe-
ment des ressources humaines et encourager
l'investissement direct étranger sont des
mesures nécessaires pour permettre l'entrée
et la pénétration de nouveaux marchés dyna-
miques. En d'autres termes, la complémen-
tarité des réformes du commerce et du cli-
mat de l’investissement et la façon dont elles
sont menées détermineront fortement les
effets bénéfiques qu’elles auront sur les mar-
chés du travail. Raviver les réformes com-
merciales, si elles sont combinées avec des
actions complémentaires pour stimuler l'in-
vestissement privé, devrait mener à une
croissance beaucoup plus rapide de l’emploi.
Étant données ses dotations, les perspectives
de développement de la région semblent pro-
metteuses, mais pour qu’elle bénéficie plei-
nement des avantages du commerce et réa-
lise son potentiel de croissance, elle doit
poursuivre les réformes économiques.
b. Le marché du travail
Le principal problème auquel fait face le
monde arabe à l’aube du nouveau millénaire
est celui du chômage et de la croissance tou-
jours rapide de sa force de travail. La popu-
lation de la région arabe a presque quadruplé
pendant la deuxième moitié du siècle dernier.
Dans les années 80 et 90, le marché du tra-
vail n'a pas pu suivre la forte augmentation
de la main-d'oeuvre. Sur ces deux décennies,
les pays de MENA ont enregistré les taux de
croissance de la population les plus élevés au
monde et la force de travail devrait encore
s’accroître de 3% par an jusqu’en 2015, ce
qui signifie que 3 à 6 millions d’emplois doi-
vent être créés chaque année afin d'absorber
le nombre très élevé de nouveaux entrants
sur le marché du travail. Hormis les taux de
croissance insuffisants, le dilemme du chô-
mage est, en grande partie, le résultat de
politiques de l’emploi déficientes. En consé-
quence, les mesures adoptées pour résoudre
le défi du chômage devraient inclure : la faci-
litation de l’accès à la microfinance, l’amélio-
ration des qualifications et des capacités de
la force de travail en offrant plus de forma-
tions et une meilleure éducation, et enfin la
réduction des lourdeurs bureaucratiques
dans le recrutement des emplois de l’admi-
nistration.
Si les travailleurs dans les pays arabes ne
sont effectivement pas suffisamment ins-
truits et qualifiés pour s'adapter aux der-
nières technologies, il faut alors leur fournir
la formation qui leur permettrait d’absorber
de telles avancées. Un autre facteur impor-
tant qui explique le chômage croissant dans
la région est le taux élevé d'analphabétisme.
De plus, le taux de participation des femmes
étant toujours très faible en dépit de la haus-
se rapide de leurs niveaux de scolarisation,
les économies des pays arabes subissent une
ponction substantielle de leur capital humain
qui reste inexploité et ne peut contribuer à
leur croissance économique. Les gouverne-
ments doivent donc prêter plus d’attention à
la formation professionnelle et à l'éducation
en les plaçant au coeur de la réforme. Il est
urgent que les formations privilégient les
domaines qui permettent d’acquérir des qua-
lifications susceptibles d’augmenter la pro-
ductivité de la main-d'oeuvre et sa capacité
d’adaptation aux progrès des nouvelles tech-
-41-
nologies et aux innovations dans un monde
en constante évolution. Les formations pro-
fessionnelles devraient favoriser les ensei-
gnements visant la maîtrise des technologies
de l'information et les connaissances exigées
par les employeurs afin de combler l’écart
existant entre les qualifications dispensées et
les besoins du secteur privé. Pour s’adapter
aux nouvelles tendances apparaissant sur les
marchés mondiaux, les entreprises du sec-
teur privé exigent un niveau de qualification
élevé qui fait défaut au sein des pays arabes.
C’est ce qui rend nécessaires une mise à
niveau et une amélioration des compétences
de la main-d'oeuvre.
Le développement du secteur privé sur des
bases saines, ce qui comprend l’élimination
de toutes les contraintes et restrictions à son
essor est également un facteur clef de réduc-
tion du chômage. La jeunesse arabe doit être
encouragée à créer sa propre entreprise et,
pour ce faire, elle a besoin d’être formée
certes, mais, plus fondamentalement, d’ac-
céder à des capitaux. L'accès au crédit et aux
modes de financement de toutes sortes est
un déterminant essentiel de la croissance de
l’investissement privé et de la création d'em-
plois pour les nouveaux entrants du marché
du travail. Dans la région arabe, seules 5%
des personnes cherchant un micro-crédit
l’obtiennent, et 0,7% des besoins de finance-
ment sont couverts. Dans toute la région
arabe, la plupart des établissements offrant
des micro-crédits sont confrontés à des
contraintes institutionnelles multiples qui les
empêchent d’aider les demandeurs. L’offre
de micro-crédits est loin de correspondre au
potentiel et à la demande de la région.
L’accès à des moyens de financement devrait
être facilité, en particulier pour encourager le
développement de projets intensifs en tra-
vail, qui peuvent absorber le nombre crois-
sant de jeunes et de femmes qui cherchent
un emploi. L’offre de micro-crédits devrait
être associée à une assistance technique aux
nouveaux entrepreneurs inexpérimentés
dans les domaines de la gestion, du marke-
ting, etc., de sorte qu'ils travaillent efficace-
ment et atteignent leurs objectifs. Ces
mesures multiplieront les opportunités pour
les jeunes de créer leur entreprise, ce qui
aidera à absorber le nombre croissant de
demandeurs d’emploi. L'accès au crédit est
crucial pour l'expansion des PME-PMI exis-
tantes et nouvelles et la création d’emplois.
Cependant, fournir des crédits aux PME-PMI
n'est pas simplement un défi économique,
mais également juridique. Il est, en effet,
important que le cadre juridique ait prise et
guide l’investissement et l’affectation des
ressources financières. En l’absence de cer-
taines lois, telles que celles concernant l’acti-
vité des PME-PMI ou la régulation du systè-
me bancaire, les gouvernements des pays
arabes ne pourront pas établir un environne-
ment sain de développement du secteur
privé. En Egypte, l'utilisation des allégements
fiscaux et autres avantages pour promouvoir
et encourager les IDE a commencé au début
des années 70, mais l’ajout de divers amen-
dements à la loi originale ont rendu confus
les objectifs finaux, et il n’est pas certain que
le coût de ce système d’allègement fiscaux
vaille la peine d’être payé. Au contraire, en
ce qui concerne les lois destinées aux PME, le
cadre juridique tunisien a prouvé sa valeur et
pourrait être un bon exemple a suivre.
Même si les problèmes de financement
qu’elles posent sont laissés de côté, la com-
plexité bureaucratique et l'inefficacité de
l’embauche dans le secteur public ont un réel
impact négatif sur les résultats obtenus.
Salaires bas et statut social peu envié sont
souvent cités comme les raisons principales
des maigres performances des fonction-
naires, plus spécialement ceux en charge des
questions économiques. Mais d’autres rai-
-42-
sons, moins souvent prises en compte,
jouent un grand rôle : manque de transpa-
rence dans les processus de recrutement qui
conduit à perpétuer le manque de compéten-
ce, absence de formation au poste et de for-
mation continue, insuffisance des ressources
techniques, de moyens informatiques et
absence d’un système efficace de responsa-
bilisation. La corruption, qui est souvent citée
comme un obstacle majeur à l’établissement
d’opérations efficaces et prévisibles dans les
administrations, est ainsi tout autant une
conséquence qu’une cause.
Une des tendances de plus en plus répandue
au sein de la machine administrative dans la
région est le recours croissant à des struc-
tures « parallèles ». Des antennes tech-
niques, des conseillers et des programmes
spéciaux fleurissent, qui ne sont en fait
qu’un moyen détourné d’embaucher un per-
sonnel très qualifié, auquel ne s’applique pas
la grille de salaire ou la hiérarchie prévalant
dans le secteur public. C’est le cas en
Egypte, en Jordanie, au Liban et au Maroc
par exemple. La justification de la confiance
croissante dans ces structures parallèles est
accablante : quels autres moyens ont les
organismes gouvernementaux – particuliè-
rement dans les domaines économiques
sensibles – de s’appuyer sur des profession-
nels qui ne rejoindront jamais les rangs des
fonctionnaires ?
Toutefois, ces systèmes parallèles ont de nom-
breux inconvénients. En vertu de leur posi-
tions élevées bien rémunérées, de leur recru-
tement hors normes, ils sont plus soumis aux
influences politiques. Les systèmes parallèles
permettent également le recrutement à durée
déterminée pour utiliser l’expertise d’individus
hautement qualifiés. Mais, les effets disparais-
sent souvent au moment même où la mission
s’achève. De plus, l’existence de parcours spé-
ciaux au sein d’une administration est une
source de découragement et de démotivation
pour ceux qui, par leur éducation, leurs com-
pétences ou leurs contacts, ne peuvent pré-
tendre à ces voies alternatives. Enfin, l’un des
inconvénients les plus importants du recrute-
ment parallèle réside dans le fait que la res-
ponsabilité formelle des décisions et des
actions repose toujours sur les agents tradi-
tionnels pour ne pas se mettre trop en marge
de la légalité. Il en résulte que ceux qui ont le
pouvoir effectif n’en supportent pas les
aspects contraignants. Il ne s’agit toutefois
pas de dire que tout recours aux systèmes
parallèles pour améliorer les performances
des agences économiques soit à proscrire,
mais plutôt de souligner que ce recours doit
faire parti d’un plan global visant à améliorer
la totalité du système, à intégrer les nouveaux
venus dans les voies traditionnelles et à assu-
rer que la responsabilité repose sur ceux qui
détiennent le pouvoir effectif.
c. Le marché financier
Les flux de capitaux dans la région arabe ont
crû entre 1985 et 2000, bien qu'à un rythme
inférieur aux flux mondiaux sur la même
période. L’analyse détaillée des flux de capi-
taux à destination des pays arabes montre
que les IDE en sont la principale composan-
te. Cependant, les IDE vont plus souvent aux
chaînes de restauration qu’au secteur manu-
facturier. Ce type d'investissement implique
des flux inverses de capitaux et non des
entrées continues, puisque le capital est
fourni par les investisseurs locaux qui achè-
tent des franchises aux maisons-mères.
Cependant, quelques pays arabes, tels que la
Tunisie, la Jordanie et le Liban, ont profité
d’investissements dans les télécommunica-
tions, le tourisme, le secteur manufacturier
et bancaire.
La part du monde arabe dans les IDE mon-
diaux est tombée d'une moyenne de 1,2% en
-43-
1985-1995 à 0,4% en 2000. Sur la même
période, la part des pays arabes dans les IDE
vers les pays en voie de développement est
passée de 4,3% à 1,9%. Elle faut noter que
les flux d’IDE se concentrent principalement
sur cinq pays de la région, à savoir l’Arabie
Saoudite, l'Egypte, la Tunisie, Bahreïn et le
Maroc, mais les trois premiers représentent
70% du stock total d’IDE. Cependant, la ten-
dance de l’investissement intra-zone arabe
est à la croissance. De plus, les marchés
financiers dans les pays arabes sont, en
général, sous-développés comparés à ceux
d'autres pays en développement. Sur les 38
marchés émergents de la région, la capitali-
sation totale s'est élevée à 1 000 milliards de
dollars US en 1994, et la capitalisation sur les
bourses des valeurs mobilières et des titres à
91 milliards de dollars US. Bien qu'il y ait
quelques exceptions, la plupart des pays de
MENA ne sont pas en mesure d’attirer les
investisseurs domestiques ou privés, ni de
les convaincre que leurs réformes actuelles
sont assez sérieuses pour leur garantir les
fonds nécessaires.
Le ralentissement des flux d’IDE vers les
pays arabes et les faibles résultats des mar-
chés financiers ont diverses explications, cer-
taines purement économiques, d'autres liées
à la nature des systèmes législatifs qui ont
un impact sur le cadre juridique de fonction-
nement des marchés financiers.
Un des facteurs principaux est le contrôle des
capitaux, y compris les limites imposées aux
investissements dans certains secteurs spé-
cifiques, et sur la part de capital que peuvent
détenir les étrangers. Les investissements en
dehors des secteurs pétrolier et connexes,
par exemple, sont parfois restreints. Les
contrôles de capitaux incluent également la
répression financière, qui, en raison des taux
d'inflation élevés, fait que les taux d'intérêt
réels sont négatifs.
Un autre facteur est la domination du secteur
public qui, souvent, évince le secteur privé.
Les entrées d’IDE dans les pays arabes ont par
ailleurs pâti du ralentissement des privatisa-
tions. Seulement 9% des opérations de priva-
tisation possibles ont été réalisées au sein de
la zone, ce qui laisse pour 100 milliards de dol-
lars US de projets en suspens. En Jordanie,
par exemple, la privatisation de la compagnie
de télécommunication jordanienne en 2000 a
représenté environ 30% du stock d’IDE de
l’année. En conséquence, les secteurs finan-
ciers dans les pays arabes sont encore domi-
nés par des avoirs de l’Etat, en dépit des
recommandations des organismes internatio-
naux, qui soulignent les importants bénéfices
qu’il y aurait à encourager les privatisations et
à mettre en place un fonctionnement concur-
rentiel du marché financier. La domination des
banques publiques a également permis à ces
économies d’exercer un contrôle direct ou
indirect sur l’expansion du crédit. Le fait que,
dans les pays arabes, les gouvernements tien-
nent les marchés financiers, explique que la
transparence ne soit pas assurée, ce qui fait
fuir les capitaux étrangers.
Une troisième raison expliquant le niveau des
IDE est un fort taux d’imposition. Le caractè-
re arbitraire de la fiscalité, dans la plupart
des pays arabes, tend à décourager l’accrois-
sement de la taille des entreprises. D'ailleurs,
le cadre juridique a des conséquences impor-
tantes sur ce point. Plus spécifiquement, la
gestion de la fiscalité est trop stricte et com-
plexe, ce qui engendre une corruption élevée
des gouvernements dans la région. En même
temps, les politiques budgétaires imposent
des impôts discriminatoires sur les revenus
du capital et occasionnent des déficits avec
les impacts négatifs futurs que peut avoir
une monétisation de la dette.
Une quatrième raison est la surévaluation
des taux de change, la fuite des capitaux,
-44-
due à la faible productivité du capital et à des
politiques macro-économiques insoute-
nables, dont les conséquences sont une bais-
se des taux de croissance et une réduction de
l’assiette de l’impôt.
Il existe des liens relativement forts entre le
marché financier et le système jurdique d’un
pays. Un système juridique développé devrait
favoriser la croissance des marchés finan-
ciers. Concernant la nature de ces systèmes
dans les pays arabes, ceux-ci présentent un
certain nombre de faiblesses, mais ils sont
également surchargés et offrent peu de répa-
rations. Une analyse plus poussée des sys-
tèmes juridiques arabes montre que des pays
de la région incluent dans leurs constitutions
une ou plusieurs dispositions de sorte que les
principes de la Shari'a sont soit la principale,
soit une des sources du droit (Egypte,
Jordanie, Maroc). D'autres vont plus loin en
considérant que la Shari'a est la loi fonda-
mentale (Arabie Saoudite, Soudan). La
confusion, provoquée dans tous ces systèmes
législatifs en mélangeant l’agenda politique et
les principes juridique, se manifeste dans le
fait qu’au-delà de la rhétorique, il n’y a pas
assez de clarté sur la façon dont les principes
juridiques islamiques doivent interagir avec
les autres principes, ce qui entraîne des diffi-
cultés lors de la mise en pratique. La possibi-
lité de la perception d’un intérêt est, là, au
premier rang et continue d’être une source de
confusion et de tension. Cela s’applique éga-
lement à la notion anglo-saxonne de loi fidu-
ciaire, portant essentiellement sur la mobilié-
risation, la propriété de l’usufruit et autres
outils de marchés des valeurs, mais considé-
rée comme contradictoire aux principes de la
Shari'a. Une autre source de tensions est
récemment apparue entre les notions tradi-
tionnelles de droit civil sur les compagnies,
les marchés financiers et les transactions
financières et un traitement plus pragmatique
fondé sur le droit coutumier. L’influence crois-
sante exercée par les experts des juridictions
de droit coutumier et la nécessité de s'adap-
ter aux normes internationales de la régle-
mentation financière et des échanges ne peu-
vent qu’accroître les tensions avec une
approche selon les principes du droit positif
dans des domaines tels que les opérations
bancaires, l'assurance, le fonctionnement des
marchés financiers, les marchés hypothé-
caires et le crédit-bail.
La fusion de divers principes et méthodes au
sein d’un système juridique n'est pas un phé-
nomène propre à la région arabe, mais ce qui
ici pose problème est le manque de transpa-
rence et d’une approche permettant l’inté-
gration grâce à des compromis. Récemment,
une stratégie adoptée aux Emirats Arabes
Unis semble avoir porté le pragmatique à sa
conclusion logique et dommageable, quand
la totalité du cadre juridique régissant le
centre financier international de Dubaï a été
placé sous un cadre juridique exclusivement
anglo-saxon et totalement indépendant du
système valable pour le reste du pays. Le
pragmatisme peut-être, mais doit-il être pri-
vilégié aux dépens de l'unité du système juri-
dique d’un pays et quelles que soient les
incompatibilités qu'il crée dans cette sphère ?
De ce point de vue, le monde arabe, s’il veut
améliorer le cadre juridique de fonctionne-
ment des marchés financiers, ne doit pas
radicalement opter pour le pragmatisme
comme l’ont fait les Emirats Arabes Unis pour
les transactions financières menées à Dubaï,
ni rejeter les principes d’une Shari'a « démo-
dée », ni mettre en concurrence divers sys-
tèmes entre lesquels il convient de choisir. Le
défi est de progresser consciemment et d'une
manière transparente dans la modernisation
des systèmes juridiques en utilisant plusieurs
approches, outils et idées, mais en les met-
tant en perspective afin d’éliminer les contra-
dictions et les sources de tension.
-45-
Par ailleurs, pour augmenter la part des pays
arabes dans les flux de capitaux, il faut amé-
liorer la profondeur et la liquidité des mar-
chés. Ainsi, les pays arabes devraient encou-
rager le rapatriement des capitaux. Pour ce
faire, les économies arabes pourraient
accroître la productivité marginale de leur
capital ajustée des risques. Quant aux infra-
structures physiques telles que les réseaux
publics, les télécommunications et le trans-
port, elles doivent être accrues puisqu’elles
ont un impact indirect sur le coût des
affaires. En ce qui concerne le développe-
ment des qualifications du capital humain, il
doit se faire en tenant compte des conditions
changeantes du marché du travail global. Les
risques politiques ont leur importance puis-
qu’ils expliquent en grande partie la fuite des
capitaux arabes. Un système d'information
plus transparent et plus facilement accessible
doit aussi être mis en place. Pour encourager
les IDE, l’évolution des cadres juridiques
devrait également servir à réduire les com-
portements discrétionnaires et faciliter les
procédures d'entrée et de sortie en plus de
lutter contre la corruption. En même temps,
la transparence et les droits de propriété
devraient être renforcés.
Les programmes de réforme adoptés par les
pays arabes pour améliorer les performances
des marchés financiers peuvent être briève-
ment analysés en prenant l'Egypte comme
exemple, puisque c’est l’un des premiers
pays a avoir expérimenté ce type de réforme.
Au début des années 70, alors que l'Egypte
était sur le point de redéfinir profondément
ses politiques économiques, renonçant au
système socialiste de planification centralisée
au profit d’une libéralisation du fonctionne-
ment des marchés, le pays a adopté une
stratégie très largement répandue à l’époque
en édictant une loi d'investissement qui iden-
tifiait certains secteurs prioritaires où les
investissements directs étrangers néces-
saires étaient attirés grâce à l’octroi d’avan-
tages fiscaux (taxes, droit de douane). Cette
attitude n'a pas changé depuis lors, malgré
cinq amendements majeurs de la législation
sur l’investissement, dont le dernier date
d’avril 2004. La même approche a été suivie
par la plupart des pays de la région y com-
pris la Syrie, la Libye, la Tunisie et le Maroc.
Le même raisonnement détermine les prin-
cipes de la loi : encourager les investisseurs
étrangers (et nationaux disposant de capi-
taux étrangers) à investir dans des secteurs
clefs en proposant des allégements fiscaux,
établir une autorité ou un bureau de promo-
tion des investissements, et faciliter les
démarches administratives.
Bien que le succès de cette approche ait été
très variable dans la région, il est de plus en
plus clair qu’elle a également occasionné
beaucoup de problèmes et ne répond plus
aujourd’hui aux besoins des investisseurs.
C'est la forme la plus rigide de législation
« de l’exception » qui a infesté les systèmes
juridiques de la région, partant de l’hypothè-
se selon laquelle créer des îlots de simplicité
au sein de bureaucraties complexes était
possible.
En réalité les investisseurs, séduits par les
avantages fiscaux généreux offerts par les
pays d'accueil, se sont rapidement trouvés
empêtrés dans un système où, globalement,
l'aide apportée par le cadre juridique et de la
réglementation est faible, particulièrement
pour ce qui est du code du travail, des pro-
cédures fiscales et douanières, des processus
juridiciaires, de la corruption et des fai-
blesses du système de paiement et financier.
Ceci a engendré un changement dans le
débat puisque les pays tentent maintenant
d’attirer les IDE en instaurant un climat de
l’investissement efficace et dynamique et
non plus uniquement en offrant quelques
incitations fiscales. Malheureusement, les
-46-
nouveaux venus dans ce jeu – tels que la
Syrie, la Libye et le Yémen - ne semblent pas
avoir tiré les bonnes leçons des expériences
de l’Egypte, du Maroc ou de la Tunisie, et pri-
vilégient les lois d’investissement alors que
les infrastructures légales, réglementaires et
juridiques nécessaires n’existent pas encore.
Il est plus surprenant encore de constater
que l’Egypte, après plus de 30 ans investis
dans cette voie, continue à essayer de sau-
ver un système qui ne fonctionne pas.
Questions juridiques sous-jacentes
Les sections précédentes ont souligné cer-
tains des problèmes juridiques spécifiques de
la réforme. Il est également important
d'aborder la totalité des questions législa-
tives fondamentales car elles influencent les
efforts de réforme. La loi est assurément un
outil puissant de changement et de réforme.
Les changements significatifs et les tournants
majeurs qui se sont produits dans les
domaines politiques et économiques, dans le
monde et à travers l'histoire, ont eu une
dimension législative ou une manifestation
législative. La loi comme outil de change-
ment a accompagné chaque tournant, et ce
devrait encore être le cas dans le cadre des
réformes économiques en cours.
Pendant pas moins de deux décennies, la
réforme économique a été au premier rang
des préoccupations des pays de la région,
et les discussions au sujet de l’introduction
des réformes juridiques et réglementaires
nécessaires pour la réaliser ont été abon-
dantes. Cependant, sauf pour de très rares
cas et secteurs - comme souligné ci-des-
sous - la promulgation de lois et de décrets
n’a pas abouti à des changements réels ou
suffisants. Pourquoi la réforme législative,
telle qu’elle s’est déroulée dans la région,
n'a pas permis d’atteindre les objectifs
attendus, et pourquoi la loi ne s’est pas tra-
duite en bonnes pratiques sont les ques-
tions auxquelles cette partie tentera de
répondre, en identifiant les principales
causes fondamentales et structurelles de
cet échec.
Une des raisons principales des résultats
décevants des programmes de réforme est
que la réforme économique est souvent
entravée, non pas par les dispositions spéci-
fiques d’une loi ou par les articles d’un
décret, mais par des contraintes inhérentes
au noyau dur du système juridique. Cerner
les problèmes spécifiques par une loi peut
être pratique et répondre aux besoins des
individus. Mais pratiquer ainsi, sans se sou-
cier du cadre juridique, augmente les com-
portements de type « la législation est la
solution » et encourage la recherche de pro-
blèmes particuliers et les tentatives spora-
diques de résolution, sans entrer véritable-
ment dans l’analyse des réelles difficultés. Le
résultat est que toujours plus de lois et de
règlements sont promulgués et soulèvent
des espérances, mais n’apportent que des
améliorations minimes du fait de l’incohéren-
ce des micro-réformes avec le cadre juri-
dique dans son ensemble.
Les quelques réflexions ci-dessus expliquent
un phénomène récurrent dans les pays
arabes : l’existence d’un écart persistant
entre la législation promulguée et la pra-
tique. Essayer d'expliquer cet écart à partir
de considérations hors de la sphère juridique
– le manque de moyens financiers, une com-
préhension insuffisante des processus, les
déficiences de l'expertise, les blocages liés à
la bureaucratie – fournie une partie des
réponses. Cependant, ces données institu-
tionnelles ne devraient pas être déconnec-
tées du cadre juridique pris dans sa globali-
té, c’est-à-dire en tenant compte des hypo-
thèses et des principes fondamentaux qui
président à son élaboration.
-47-
La réforme économique, appréhendée du
point de vue des moyens juridique pour la
mettre en place, ne se résume pas à la pro-
mulgation des lois et mesures adéquates. Les
exemples de telles lois, votées, mais pas ou
peu mises en application abondent dans les
PM. En Egypte, la loi hypothécaire introduite
en 2000 reste à ce jour entièrement inappli-
cable. Au Liban et en Syrie, la protection des
droits de propriété intellectuelle n’est pas
mieux assurée, malgré la mise en place des
textes requis. Les pratiques concurrentielles
ne sont pas assurées en Tunisie malgré la
l’adoption, en 1995, d’une législation empê-
chant les procédés monopolistiques.
Il y a plusieurs facteurs expliquant l’écart
persistant entre la législation promulguée et
la réalité appliquée. L’inadéquation des pro-
cessus législatifs en lui même, comme décrit
auparavant, est un facteur clef. La situation
actuelle est presque un résultat naturel, avec
des législateurs qui n’ont pas une compré-
hension suffisante des processus, qui n’ont
pas les capacités techniques et de recherche
voulues, qui n’arrivent pas à comprendre les
implications pratiques des lois qu’ils édictent.
Mais au-delà de ce point, le facteur le plus
significatif entraînant le maintien de la
déconnexion entre textes et pratiques est
l’inaptitude de l’appareil bureaucratique à
faire appliquer ou mettre en œuvre les
textes. Certains pays semblent avoir récem-
ment réalisé des progrès significatifs dans
l’amélioration du niveau général de perfor-
mance de leurs administrations. La Tunisie en
est l’illustration. Le Maroc, la Jordanie et le
Liban sont aussi dans ce cas, dans des sec-
teurs spécifiques, respectivement les
douanes, le marché financier et la supervi-
sion bancaire.
Toutes les lois, mesures et autres provisions
des réformes finissent tôt ou tard par être
testées devant les tribunaux. Offrir des
exemptions aux investisseurs, des privilèges
et des avantages en termes de procédure
n’est réellement attractif que dans la mesure
où les tribunaux peuvent suivre les mesures.
Aussi, l’administration judiciaire se doit d’as-
surer un service rapide, équitable et prédic-
tible pour la résolution des conflits.
Malheureusement, ces trois adjectifs ne se
rencontrent simultanément dans aucun des
pays de la région. Dans les cas extrêmes, le
système est même fortement corrompu et
inefficace. Ailleurs, malgré son intégrité, il
est embarrassé par des délais excessifs, par
le manque de compréhension et de formation
en ce qui concerne les transactions commer-
ciales modernes, voire les deux. Le résultat,
dans tous les cas, est un degré significatif
d’imprédictibilité qui réduit les bénéfices
potentiels des réformes dans la plupart des
pays de la région.
Ceci a conduit à trois types de réaction. La
première est le recours grandissant à des
cadres juridiques étrangèrs pour réguler les
transactions commerciales, même entre par-
ties nationales, afin de dépendre de tribu-
naux impartiaux. La deuxième est le recours
croissant à l’arbitrage et autres méthodes
alternatives de résolution des conflits et la
troisième est le débat qui s’amplifie concer-
nant la création de tribunaux spéciaux dédiés
aux conflits commerciaux.
Les deux premières approches ont des
limites peu contestables : la mise en œuvre
de la décision du tribunal étranger ou de l’ar-
bitrage devra in fine passer par les tribunaux
nationaux, ce qui de fait a repoussé le pro-
blème mais ne l’a pas éliminé. En ce qui
concerne la troisième approche – la création
de tribunaux spéciaux –, il nous semble que
cela n’apportera pas de solution à long
terme, voire que cela pourrait empirer la
situation. Séparer une partie du système
-48-
judiciaire n’est pas possible car cela dégrade-
rait le reste du système et menacerait l’unité
et la cohésion de l’ensemble. A long terme,
cela ferait plus de mal que de bien.
Il n’y a donc pas d’alternative à une réforme
de l’ensemble du système, qui doit notam-
ment passer par : recruter des personnels
plus qualifiés, leur fournir une formation
adaptée et une rémunération adéquate, l’in-
frastructure nécessaire, notamment informa-
tique, ainsi et surtout que l’indépendance et
la protection contre les interventions.
Le processus légilsatif et réglementaire, de
la conception à la promulgation, constitue un
défi en soi. Concevoir des lois est un chemi-
nement qui exige à la fois des capacités de
recherche au sein du gouvernement, un
débat transparent et ouvert quant aux impli-
cations possibles, une réelle volonté du gou-
vernement de modifier la proposition à l’étu-
de en regard des réactions des experts et du
public, et enfin un personnel suffisant et
qualifié capable de réviser, d’amender et de
publier des lois qui s’insèrent convenable-
ment dans le système légal existant. Les
pays arabes, qui ont traditionnellement un
corpus de droit administratif fondé sur le
modèle français – Conseil d’Etat –, comptent
sur cela pour obtenir l'expertise législative
nécessaire. Récemment, toutefois, il est
apparu évident que des experts connaissant
bien les arcanes du processus d’élaboration
du droit éprouvent des difficultés quand il
s’agit de lois financières et économiques
complexes, particulièrement quand elles
sont influencées par le droit coutumier. Le
Yémen a institué un ministère de la législa-
tion indépendant du ministère de la justice,
alors que l'Egypte s'est de plus en plus
appuyée sur le département législatif du
ministère de la justice. Cependant, la plupart
des pays arabes souffrent de l'absence d'un
corps d’experts capable d'adapter les lois
commerciales et économiques modernes.
C'est une situation qui a, par ailleurs, laissé
ces pays à la merci d’experts et de
conseillers occasionnels, dont l’action est
souvent financée par des donateurs étran-
gers ayant un but spécifique à l'esprit, et qui
ne sont pas très motivés pour s’occuper de
réformer le reste du système légal, ni pour
trouver les moyens propres à insérer correc-
tement la partie du droit considérée dans le
reste du système.
2. La gouvernance et la réforme économique
dans les PM*
* basée sur une contribution spéciale de Noha El Mikkawy,
Université de Bonn, et Heba Abou-Shnief, ERF
Indépendamment de la façon dont les bench-
mark sont établis, les indices créés et les
pondérations choisies pour quantifier les per-
formances économiques des PM, il est main-
tenant bien établi que les PM souffrent de la
faiblesse de leurs taux de croissance écono-
mique, comparés à d’autres pays dans des
situations similaires ; de leur intégration sur
les marchés internationaux qui ne rend pas
justice à leur potentiel ; de leur concentration
dans des exportations de produits primaires ;
de leur part réduite dans les IDE et de leur
incapacité à générer l’emploi qui permettrait
de réduire le chômage, ce qui accroît la pau-
vreté et la vulnérabilité. Instaurer un envi-
ronnement propice au développement de l’in-
vestissement dans l’industrie et les services
est une solution souvent avancée pour sortir
de ces blocages économiques (Radwan et
Reiffers, 2004).
Ces solutions économiques nécessitent
d’améliorer la gouvernance afin d'attirer des
investissements innovants et soutenables, à
savoir : (i) mettre en place des cadres de
supervision favorisant le marché, (ii) créer
des structures efficaces d'application des lois,
et (iii) réduire les coûts de transaction. Le
-49-
cadre de la supervision devrait protéger la
propriété et stimuler la concurrence sur le
marché. Les structures d'application des lois
doivent être rendues plus efficaces en termes
de respect de la législation, ce qui renforce-
rait la sécurité juridique, donc la confiance et
l’investissement. L’objectif de l’administra-
tion doit être d’abaisser les coûts de transac-
tion, augmentant de ce fait l’attractivité de
l’environnement des affaires et favorisant
des investissements de bonne qualité, c’est-
à-dire les investissements efficaces et de
long terme. La section suivante examinera
les tendances récentes dans les PM et les
problèmes qu’ils rencontrent et montrera
comment certaines expériences ont été des
succès.
Réforme de la régulation
La réforme de la régulation « est un moyen de
corriger les dysfonctionnements du marché
par des règles, des droits, des ordres et des
sanctions » (Limam, 2003). La correction des
dysfonctionnements du marché renforce l’inci-
tation à investir. Pendant les premières phases
de la libéralisation des marchés, les gouverne-
ments des PM se sont engagés dans une réfor-
me de la législation favorisant la concurrence.
Cependant, une tradition peu favorable à l’es-
prit d’entreprise, le maintien de politiques de
protection des intérêts de certains groupes et
la dépendance vis-à-vis de revenus de rentes
ont contribué à conserver une large part de
discrétion dans l’intervention de l'Etat, qui ne
dispose d’aucune évaluation claire des perfor-
mances par secteur ou par firme. La pression
récente à libéraliser les services a aidé à
étendre la réforme de la régulation à de nou-
veaux secteurs, tels que la propriété intellec-
tuelle et la concurrence.
En comparant les résultats de pays arabes
pour lesquels l’ensemble des données sont
disponibles dans les bases d’Heritage
Foundation, de Kaufman et du rapport sur la
compétitivité du monde arabe (RCMA), il est
clair que quelques pays du Golfe font mieux
que les PM. Les données d’Heritage
Foundation sur les règlements qui affectent
la liberté de mener des opérations commer-
ciales, montrent que l'Egypte, le Liban et la
Syrie enregistrent les scores les plus élevés
(c’est-à-dire les plus mauvais résultats).
Quant aux performances commerciales du
Maghreb, elles apparaissent inférieures à
celles du Machrek et plus encore à celles
des pays du Golfe, notamment pour ce qui
concerne les difficultés d'accès aux marchés
dues à l’action du gouvernement et le degré
Figure 3 : Heritage Foundation – Economic Freedom Index 2004
0.00
1.00
2.00
3.00
4.00
5.00
6.00
Algérie Bahreïn Egypte Jordanie Liban Maroc Oman Qatar Arabie
Saoudite
Syrie Tunisie UAE
Score 2004 CommerceIntervention
du gouvernementInvestissement étranger Droits de Propriété Régulation
Sco
re
Note : les scores varient de 1 à 5 (1 reflétant la meilleure performance, 5 la plus mauvaise). Source : www.heritage.org
-50-
de liberté des flux d’échange avec l’étran-
ger. Pour ce qui est de la protection des
droits de propriété, les pays du Golfe
(Bahreïn et les E.A.U. en particulier) sur-
passent sensiblement les PM. Dans le
domaine de l’intervention étatique, les don-
nées, pour la plupart des pays de la région,
reflètent encore une tendance à un inter-
ventionnisme jugé excessif, excepté pour la
Tunisie et le Maroc qui se démarquent net-
tement des autres PM. Enfin, cette même
base montre que la plupart des PM attirent
plus d’IDE que les pays du Golfe, exceptée
la Syrie qui présente des restrictions éle-
vées à l'investissement étranger (figure 3).
Selon le rapport sur la compétitivité du
monde arabe, la Jordanie et la Tunisie enre-
gistrent les meilleurs résultats des PM dans le
domaine de la protection des droits de pro-
priété, ce qui reflète la perception positive du
milieu d'affaires de la définition des droits
concernant leur protection dans ces deux
pays (figure 4). Il en est de même pour ce
qui est plus spécifiquement des droits de pro-
priété intellectuelle où les deux pays font
mieux que la moyenne des PM.
a. Quelques composantes caractéristiques de
la réforme de la régulation dans les PM
On trouve différents éléments du processus
de réforme de la régulation dans les pays
méditerranéens arabes. Le Maroc, la
Jordanie, la Tunisie et l'Egypte sont particu-
lièrement concernés par la libéralisation
commerciale, la promotion de l’investisse-
ment et la modernisation de l'industrie et de
la gestion du secteur public. Ils ont fait appel
à l’aide du FMI et de l'UE dans le contexte
des accords d'association. Ceci s’est traduit
par la signature des accords de libre-échan-
ge avec l’UE et les Etats-Unis (Jordanie). La
grande zone arabe de libre échange (Maroc,
Tunisie, Egypte et Jordanie) est en construc-
tion. Les efforts portent essentiellement sur
le droit de la concurrence et la création de
zones franches.
a.1 Le droit de la concurrence
Au cours de la décennie passée, certains PM,
à savoir le Maroc, l'Egypte et la Jordanie, ont
révisé leurs lois d'investissement et de priva-
tisation dans le cadre d’une réforme plus
vaste de leur mode de régulation de l'envi-
ronnement des affaires, notamment en intro-
duisant de nouvelles lois sur la concurrence.
L'expérience des pays du Maghreb montre
que leur droit de la concurrence est très sem-
blable à celui de l’UE, ce qui est normal puis-
qu’il a été formulé en s’inspirant du cadre
juridique français. Néanmoins, pour ce qui
est de l'application de ces lois, les résultats
des PM sont décevants. Cette situation est en
partie due au manque de ressources
humaines (par exemple d’experts en la
matière, de juges qualifiés, d’associations
puissantes au sein de la société civile) ou
financières. De plus, les données disponibles
sont peu fiables du fait d’un système de col-
lecte auprès des entreprises peu performant.
Enfin, les autorités impliquées dans la régu-
lation de la concurrence n’ont pas un pouvoir
suffisant, le soutien de la réforme par le sec-
teur public est faible et d'autres blocages ins-
titutionnels sont à déplorer (par exemple la
déficience des systèmes juridiques ; Geradin,
2004). Récemment, cependant, quelques
Figure 4 : Droits de propriété
0,0
1,0
2,0
3,0
4,0
5,0
6,0
7,0
Algérie Egypte Maroc Tunisie Jordanie
Droits de propriété : actifs financiers et richesse (1= sont faiblement définis et peuprotégés par la loi, 7= sont clairement définis et bien protégés par la loi)
Score
Sources : Global competitiveness Report
-51-
progrès sont à noter du côté du Conseil tuni-
sien de la concurrence.
Pour les pays du Mashrek, la mise en place
des lois de la concurrence est une expérien-
ce nouvelle. En 2002, la Jordanie a adopté
une loi de ce type et a établi une autorité de
la concurrence. Dans le cas égyptien, la loi
est en préparation depuis une dizaine d’an-
nées. La dernière mouture est prête et
devrait être présentée au parlement bientôt.
En fait, l’Egypte s’est prioritairement focali-
sée sur le respect des règles des traités
régionaux, tels que le COMESA, négligeant
le cadre domestiques de la concurrence. Au
Liban, l’intérêt est récent pour l'adoption
d'une loi sur la concurrence et l'établisse-
ment d'une autorité de la concurrence, mais
rien n’a été entrepris concrètement pour
l’instant. Enfin, la Syrie et la Palestine, n’ont
rien fait jusqu’ici pour améliorer la régulation
de la concurrence.
a.2 Les zones franches
Dans le but d'attirer des investissements et
de développer les exportations, les PM ont
édicté les lois et les règlements permettant
de définir des zones franches (ZF) caractéri-
sées par une intervention étatique minimale
et divers types d’incitations, telles que les
zones industrielles, les zones spéciales et les
zones qualifiées. Le succès de telles zones
est encore limité dans les pays arabes en
général. À peu d'exceptions près (par
exemple, la zone franche de Jebel Ali), les
zones franches dans les pays arabes pour-
raient attirer encore de grandes quantités
d'investissement étranger et générer des
entrées de devises (notamment en Egypte,
Syrie et Jordanie). Cependant, les investis-
seurs restent confrontés à des obstacles qui
gênent leurs opérations. Un des problèmes
institutionnels limitant le succès des ZF est
dû à une coopération peu efficace entre l'au-
torité qui gère la zone et certains services
gouvernementaux (Tahir, 1999). D'autres
tentatives d'évaluation des résultats des ZF
montrent que le choix de la zone, des activi-
tés, des investisseurs et des privilèges est
trop souvent lié à des considérations poli-
tiques (Rao, 2000). Il est fréquemment
avancé que la domination que le gouverne-
ment exerce sur le développement et les
opérations menées au sein des zones a limi-
té leur nombre et leur vitalité. Les zones
n’ont pas été conçues pour répondre aux
besoins d’industries spécifiques (Rao, 2000).
Pour bénéficier du potentiel économique des
zones franches dans les PM, il faut tout
d’abord remédier à certains problèmes
concernant, en premier lieu, la forme de la
régulation. Les lois relatives aux ZF souffrent
de nombreuses contradictions et doublons,
qui expliquent les coûts élevés et la com-
plexité de la bureaucratie que supportent les
filiales opérant dans les zones. Ces lois
devraient être améliorées pour faciliter les
procédures. De plus, celles concernant l'en-
vironnement général des affaires ne
devraient pas pouvoir être modifiées facile-
ment, afin de réduire l’incertitude. En outre,
les services administratifs régissant les ZF
devraient jouir d’une plus grande autono-
mie. Enfin, il faudrait évaluer plus précisé-
ment les déterminants de la compétitivité
des sociétés sises dans les ZF. Certains
avancent parfois que les mesures incitatives
offertes par les ZF sont trop généreuses et
doivent être rationalisées, car elles débou-
chent souvent sur un manque de compétiti-
vité des firmes bénéficiaires. À cette fin,
c’est la structure même des politiques gou-
vernementales d’incitation au développe-
ment des activités économiques dans les
zones franches qui doit être révisée et, avant
tout, des partenariats public-privé dans l’ad-
ministration et la gestion des ZF devraient
être encouragés.
-52-
L'expérience jordanienne, avec ses zones
industrielles qualifiées (ZIQ), offre quelques
leçons intéressantes pour ce qui est des
coûts et des bénéfices des ZF. Il faut noter
que cette initiative a été tout d’abord contro-
versée, eu égard aux effets positifs qu’elles
pouvait avoir sur l’économie jordanienne. En
dépit d'une hausse des exportations de la
Jordanie, de 18% en moyenne au cours des
trois dernières années suivant l'établisse-
ment de la ZIQ, il apparait qu’une grande
partie la valeur-ajoutée des exportations ne
profite pas à l’économie jordanienne. C’est
aussi le cas des effets d’entraînement, qui
bénéficieraient plus aux entités étrangères,
soit sous la forme de compensation aux tra-
vailleurs étrangers, très nombreux au sein
des firmes opérant dans ces zones, soit via
les importations de biens intermédiaires.
Ainsi, si l’on se réfère au soutien de l’activité
économique qu’elles étaient censées appor-
ter, les ZIQ ne remplissent pas toujours le
rôle qui leur était assigné au moment de leur
création (Kardoosh, 2004).
Deux faiblesses sous-jacentes des ZIQ en
Jordanie semblent participer à ce constat :
(i) les liens assez lâches existants entre les
opérations d'assemblage et l'économie
domestique et (ii) le transfert technologique
limité et la concentration du savoir-faire
technologique au sein des sociétés étran-
gères (ibid, 2004).
La contribution des zones franches aux résul-
tats de l'économie dans son ensemble est
aussi sujette à discussion en Egypte. La loi
sur les zones spéciales, récemment introdui-
te (2002), prévoit un taux d'imposition
unique réduit (10%) sur toutes les activités
et revenus produits dans la zone. Elle vise
également la mise à jour du processus d’im-
position et d'administration douanière, dans
le but de faciliter la perception de l'impôt et
le dédouanement et d’augmenter ainsi la
compétitivité des firmes. En outre, à l'inté-
rieur de la zone, la loi élimine des contrats de
travail les contraintes strictes associées au
licenciement. Et enfin, elle traite les pro-
blèmes liés à la gestion et à l'infrastructure
de la zone, en incluant des règles qui rédui-
sent les lourdeurs issues du fonctionnement
des administrations (locales ou de la zone)
traditionnellement responsables (ERF, 2004).
Bien que la loi propose un ensemble de
réformes prévues depuis longtemps, on
espérait que ces réformes ne seraient pas
limitées à un petit sous-ensemble de l'écono-
mie, à savoir les zones franches, mais
concernerait également la totalité de la
structure de la régulation des affaires s’appli-
quant à toutes les sociétés (ERF, 2004).
b. Structures d'application
Les données de Kaufman, Kraay et Mastruzzi
sur la confiance dans les règles de droit et
sur la perception par le monde des affaires
de la qualité de la régulation montrent que le
Liban et l'Egypte sont en retard (figure 5).
Par ailleurs, selon le classement du RCMA des
institutions législatives, judiciaires, bureau-
cratiques et politiques, les résultats des pays
du Golfe sont, encore une fois, supérieurs à
la moyenne régionale.
Le problème principal est que la plupart des
institutions juridiques et politiques des PM
sont mal préparées pour vérifier et appliquer
la loi et pour déterminer les cas de violation
de la loi. Les juges, les avocats, l’ensemble
du personnel mobilisé, dont celui de la poli-
ce, ont besoin de formation sur l’esprit et les
objectifs des lois visant l’économie, mais
aussi sur les moyens d'étudier un nouveau
type de délit, de nature économique. Ils doi-
vent développer des capacités d’appréciation
du degré de concurrence des marchés. Sans
formation dans ces domaines, les agences
d'application créent des obstacles d’où une
-53-
hausse des coûts de transaction, une baisse
de la confiance dans le respect de la proprié-
té et dans le caractère contraignant des
contrats. L'aide bilatérale, accordée par
USAID par exemple, et celle associée à des
programmes multilatéraux, telle que celle de
la Banque Mondiale, s’assortissent de pro-
grammes de formation visant à aplanir ces
difficultés. Mais beaucoup reste à faire.
L'expérience égyptienne illustre bien le pro-
pos. Bien que le système judiciaire égyptien
ait une réputation d'intégrité, d'indépendan-
ce et d'équité, son action globale a été de
plus en plus critiquée par des observateurs,
des professionnels, des investisseurs et
d’autres parties concernées, à la fois sur le
plan du temps que prend la résolution des
conflits par les canaux juridiques ordinaires,
et sur l'incertitude de l’issue des litiges
(Banque Mondiale, 2003). L’observation sur
le terrain du fonctionnement semble justifier
cette critique : l’examen et le règlement de
litiges ordinaires, civils ou commerciaux,
peuvent prendre plusieurs années. La majeu-
re partie du retard est due à des stratégies
procédurales, que peut adopter n'importe
quelle partie qui souhaite maintenir le statu
quo. Si la justice peut être entravée à ce
point, alors elle peut, dans une certaine
mesure, être rejetée et cela indépendam-
ment de ses résultats. Ces délais sont la
source d'autres maux du système juridiciai-
re, notamment le recours à des moyens
extrajudiciaires et illégaux pour faire respec-
ter le droit. C'est probablement cet aspect du
processus judiciaire qui explique le mauvais
classement de l’Egypte du point de vue des
règles de droit, et la réforme du processus
judiciaire est devenu un de ses problèmes les
plus pressants aujourd’hui.
Les difficultés mentionnées ci-dessus sont
particulièrement aigues et fréquentes dans
les conflits touchant à des activités écono-
miques et commerciales. Dans notre
exemple, le système juridique a évolué de
telle sorte qu’il ne répond plus aux besoins de
base des investisseurs - étrangers comme
égyptiens – en termes de réparation simple.
Les retards dans la résolution des litiges com-
merciaux et financiers ont un impact direct et
négatif sur les coûts de transaction et d'op-
portunité. De plus, avec la sophistication
croissante des marchés financiers, des opéra-
tions bancaires et autres transactions finan-
cières, il n'est plus possible de se reposer sur
la formation traditionnelle, non spécialisée,
Figure 5 : Indicateurs de gouvernance de Kaufmann, Kraay et Mastruzzi
-1.5
-1
-0.5
0
0.5
1
1.5
Bahreïn
Egypte Jordanie
Koweït
Liban
Oman Qatar ArabieSaoudite
Tunisie
EmiratsArabesUnis
Démocratie et transparence Stabilité politique/absence de violence Efficacité gouvernmentale
Qualité de la régulation Force de la loi Contrôle de la corruption
Source : D. Kaufmann, A. Kraay, and M. Mastruzzi 2003 : Governance Matters III: Governance Indicatorsfor 1996-2002.
-54-
des personnels du système judiciaire et s’oc-
cupant des poursuites.
• Tentatives en cours de réforme des struc-
tures d’application
Il existe, à l’heure actuelle, quelques tenta-
tives de réforme du judiciaire et autres,
visant à modifier la structure juridique dans
son ensemble. Elle exigera probablement
deux approches.
√ Du côté de l'offre : les cours spéciales
Au cours des dernières années, les pro-
blèmes abordés précédemment se sont tra-
duits par une demande de plus en plus pres-
sante des instances judiciaires en faveur de
la création de cours commerciales ou écono-
miques spécialisées. Un raisonnement prag-
matique très séduisant sous-tend cette
approche : les conflits commerciaux pour-
raient être examinés et jugés par ces cours
spécialisées, présidées par des juges des
affaires commerciales dévoués et correcte-
ment indemnisés, ce qui entrainerait des
procédures plus rapides, des coûts inférieurs,
et des résultats plus prévisibles.
Cette approche présente cependant quelques
inconvénients. D'une part, il y a la difficulté à
déterminer quels types de litiges méritent un
tel traitement. Si le critère de coût financier
est retenu, les activités bancaires et relatives
au fonctionnement du marché des capitaux
doivent être prioritaires. Si l’objectif est d’at-
tirer des investissements, le droit des socié-
tés, les lois relatives à l’investissement, le
code du travail et de l’assurance deviennent
essentiels. Une fois que le principe de diffé-
rentiation des litiges selon leur degré d’ur-
gence est accepté, chacun cherchera à obte-
nir un traitement spécial de ses activités. De
plus, même s’il était possible de définir pré-
cisément et de délimiter un pan du droit sus-
ceptible de bénéficier d’un traitement parti-
culier, il ne sera pas possible de l'isoler entiè-
rement du reste du système juridique, et cer-
tains litiges retomberont finalement dans la
voie traditionnelle. Autre risque potentiel
inhérent à cette approche pragmatique : si
une importance particulière est placée sur
une partie du système judiciaire, le reste
peut souffrir d’un déclin relatif même si tel
n’est pas l’objectif recherché.
Tout réel changement du degré d’efficacité et
de prévisibilité des décisions judiciaires passe
donc par des réformes juridiques d’en-
semble. Et au sein même de cette réforme
générale, il faudrait prévoir, d’une part, une
meilleure indemnisation, des programmes
spéciaux de formation et une refonte des
grilles d’avancement pour les magistrats et,
d’autre part, une révision des procédures de
règlement des litiges trop lourdes et une
réforme de la profession juridique.
√ Du côté de la demande : le rôle de la socié-
té civile
D’autres mesures permettraient d’augmenter
l'efficacité des mécanismes d'application de la
réforme juridique : améliorer la disponibilité
des données, encourager la naissance d’orga-
nisations au sein de la société civile, particu-
lièrement des groupes de protection et de
conseil aux consommateurs. Il serait égale-
ment souhaitable de rassembler des données
sur le marché considéré, de développer les
qualifications nécessaires à l'analyse des ten-
dances et à la construction de scénarii. Il faut
enfin renforcer les connaissances requises
pour l’étude des délits économiques et déve-
lopper un système de défense des intérêts
des groupes dont la situation est fragile.
Le projet de loi égyptien pour la protection
des consommateurs est un bon exemple. Il
pourrait accroître la capacité de la société à
-55-
demander une application efficace des
réformes. Dans les PM, la société civile pour-
rait avoir un rôle important à jouer, qui
consisterait à surveiller les performances du
gouvernement d’une part, et s’assurer que
ceux-ci assument leurs responsabilités,
d’autre part. Cependant, il faut lui en donner
les moyens, en aidant les organisations de la
société civile (OSC) à se doter d’indicateurs
de gouvernance par exemple. Une pratique
courante veut que les organismes internatio-
naux calculent ce type d’indices à partir d’en-
quêtes d'opinion auprès d’entreprises locales.
Ces efforts visant le développement des capa-
cités d’analyse technique des OSC pourraient
non seulement les aider à mieux connaître les
rouages de la gouvernance, mais également à
gommer les positions hégémoniques tenues
par certains établissements.
Il serait bénéfique, pour les OSC, de s’ap-
puyer plus largement sur les médias et sur
les expériences similaires menées dans
d'autres régions du monde. En Egypte par
exemple, il apparaît que l’appui des médias à
la société civile se concentre seulement sur
un certain nombre d’OSC réputées et tend à
ignorer des tentatives plus modestes de sur-
veillance des bureaucraties locales. L'aide
bilatérale et multilatérale comprend des pro-
grammes destinés à développer les médias,
mais il reste à les amener à tisser des liens
avec les OSC. Une ouverture plus importante
sur des expériences régionales ou nationales
du même type fait, par ailleurs, défaut aux
OSC. Des échanges peuvent être aisément
facilités en s’appuyant sur les réseaux régio-
naux. Les PM commencent à avoir une cer-
taine expérience en matière de technologie
et de réseaux de l'information grâce aux ten-
tatives bilatérales et multilatérales pour sti-
muler les réseaux régionaux électroniques
(par exemple, le TVET allemand, le réseau
pour la formation professionnelle dans les
pays du Machrek et l'université en réseau du
PNUD et de l'UNESCO). Quelques initiatives
de la société civile visant à comprendre et à
utiliser les NTIC pour établir des réseaux ont
vu le jour (par exemple, Islamonline.net du
Qatar qui gère son site Web mondial à partir
de son bureau du Caire et l'association égyp-
tienne anti-globalisation). D'autres projets
de ce genre, une fois identifiés et consolidés,
peuvent servir à transférer des connais-
sances pour stimuler l’action par la demande,
c’est-à-dire par la société civile, en faveur de
l’application des règles de marché.
c. La réduction des coûts de transaction
Les coûts de transaction semblent être une
composante clef de la compétitivité et de la
vitalité économique. Les sciences écono-
miques utilisent ces coûts comme indicateurs
de l'efficacité globale d’une économie. Plus
ces coûts de transaction sont bas, plus l'in-
vestissement est efficace et, par conséquent,
plus l'économie est attractive dans sa globa-
lité. Les coûts de transaction élevés enregis-
trés dans les PM sont attribués à une bureau-
cratie inefficace, aux faiblesses de la logis-
tique et de la communication et à des actions
étatiques qui visent plus l'intervention et le
contrôle que la facilitation et la création de
réseaux relationnels (Devlin et Yee, 2004).
Il y a divers indicateurs des coûts de tran-
saction disponibles dans la littérature, bien
qu’ils ne soient pas renseignés pour tous les
PM. Une base de données qui couvre la plu-
part des pays arabes est développée par le
rapport sur la compétitivité du monde arabe
(RCMA), bien qu’elle n’inclue pas tous les
types de coûts de transaction. Cette base
montre que les coûts de transaction dans les
PM, mesurés par l’arbitraire des procédures
et l’infrastructure publique, oscillent autour
de 3, ce qui n’est pas un bon résultat. Les
pays du Golfe sont d’ailleurs plus perfor-
mants que les PM. L'Egypte se classe bien
-56-
pour ce qui est des téléphones portables et
de surface, la Tunisie et la Jordanie pour les
routes et l’arbitraire des procédures, respec-
tivement (voir tableau ci-dessous).
• Composantes spécifiques de la réduction
des coûts de transaction dans les PM
Les PM ont impulsé des changements visant
à réduire les coûts de transaction et plusieurs
PM se sont concentrés sur deux secteurs de
réforme : les douanes et la décentralisation.
Les preuves de l’inefficacité de l'administra-
tion douanière dans plusieurs pays arabes
sont nombreuses. Ces inefficacités pèsent
sur l'expansion commerciale, car elles alour-
dissent les coûts de transaction liés au com-
merce et donc affectent négativement la
compétitivité des exportations. Par consé-
quent, plusieurs PM tentent d'améliorer les
régimes douaniers, de recourir aux systèmes
automatisés, d’accroître la coordination entre
les agences et d'assurer la diffusion d'infor-
mations sur les dispositions douanières, les
lois et les règlements (ERF, 2004).
Dans la plupart des PM, les coûts de transac-
tion sont partiellement attribués au poids de
la bureaucratie centralisée. La décentralisa-
tion apparaît donc comme un moyen efficace
de réduire les coûts de transaction, car, soit
elle déconcentre, soit elle transfère certains
pouvoirs aux communautés locales et peut
les aider à augmenter leur capacité à assurer
des fonctions bureaucratiques.
√ Les réformes des douanes
Une enquête faite en 2000 en Jordanie, au
Liban et en Arabie Saoudite a conclu que le
manque de transparence dans l'administra-
tion douanière pose problème. Une autre
concernant huit pays arabes en 2004 permet
d’estimer que le coût de respect des règle-
ments et des exigences administratives oscil-
le entre 8 et 10% de la valeur des échanges.
Les paiements supplémentaires aux fonction-
naires du gouvernement, et particulièrement
aux douaniers, représentent 1% du coût des
marchandises livrées. Cependant, point posi-
tif, selon cette enquête, 41% des sondés
pensent que les difficultés dues aux douanes
et autres services en charge du commerce
ont diminué dans les pays arabes, particuliè-
rement en Egypte et en Jordanie.
Ayant pris conscience de l'importance de
régimes douaniers efficaces et transparents,
quelques pays de la région ont entrepris des
réformes. Leur but est de réorienter la mis-
sion des services douaniers de la collecte de
revenus vers la facilitation des échanges.
Coûts de transaction dans les pays arabes
Question Moyennerégionale
Meilleurscore &pays
Score del'Egypte
1,86Jordanie6,38E.A.U.3,52Tunisie6,64E.A.U.6,76E.A.U.6,85Qatar6,92E.A.U.
Temps d'un manager senior passé en questions administratives 1=moinsde 10% 2=10-20% 3=21-30% 8=71-80% 2,62 3,07
Qualité générale des infrastructures 1=faible 7=parmi la meilleure aumonde 4,87 3,75
Développement du réseau ferré 1=faiblement développé 7=aussi étendu etefficace que le meilleur réseau mondial 1,98 3,39
Qualité du réseau portuaire 1=faible 7=aussi bonne que les meilleurs portsmondiaux
4,74 3,57
Qualité du réseau de téléphonie mobile 1=réseau non disponible7=accessible et aussi efficace que les meilleurs réseaux 6,23 6,21
Qualité des infrastructures aéroportuaires 1=inefficace 7=aussi étendu etefficace que le meilleur réseau mondial 5,31 3,96
Qualité du réseau téléphone 1=médiocre/difficile à obtenir 7=efficace etdisponible 6 5,43
Source : Arab World Competitiveness Report
-57-
Sont également à l’étude une simplification
des procédures grâce à une coordination
entre les autorités et les agences et un systè-
me de déclaration en ligne et de guichet d’ins-
pection unique. Selon Devlin et Yee (2004),
ces réformes sont particulièrement urgentes
en Egypte. Bien que l'Egypte ait amélioré la
coordination entre son service des douanes et
d'autres organismes gouvernementaux, en
vue d’instaurer un guichet d’inspection unique
qui harmonise les formulaires administratifs
nécessaires, celui-ci n’a toujours pas été créé.
Néanmoins, en septembre 2004, le gouverne-
ment égyptien a annoncé un vaste program-
me de réforme des douanes afin de soutenir
la réforme économique.
Un aspect important de ces réformes est
l'amélioration de la bureaucratie impliquée
dans le dédouanement et l'inspection. Les opé-
rations douanières sont de plus en plus méca-
nisées et le passage en douane peut se faire en
48 heures. Les droits de douane et surtaxes
ont été éliminés, les tarifs ont été unifiés et
baissés pour un certain nombre de biens pri-
maires et intermédiaires et de produits finis.
Les douanes libanaises ont lancé un impor-
tant programme de modernisation et d’amé-
lioration de leur régime. Depuis 1997, le nou-
veau système en place a réduit le nombre
d'étapes du dédouanement de quatre à trois
(Al-Khouri, 2000), grâce à l’introduction d’un
document administratif unique. Selon cer-
taines sources, environ 41% des marchan-
dises passent maintenant la douane sans
être inspectées. Cependant, des plaintes au
sujet de la corruption et des délais adminis-
tratifs persistent. Ce qui aggrave la situation
est qu'il n'existe aucun canal efficace de
relais des plaintes au sujet des délais occa-
sionnés par les fonctionnaires. La corruption
semble, en grande partie, due à des niveaux
de salaire bas et à un système d’incitation
insatisfaisant. En outre, le salaire est rare-
ment basé sur les performances et la pro-
ductivité (ibid, 2000).
La littérature montre que les réformes des
douanes du Maroc et de la Jordanie se distin-
guent des expériences des autres PM par leur
succès.
Devlin et Yee (2004) décrivent l'expérience
jordanienne de réforme des douanes comme
plus progressive que dans la plupart des pays
du Moyen-Orient. Résultats de ces réformes,
les opérations du service des douanes reflè-
tent maintenant une politique de soutien de
l’économie nationale, de promotion de l’inves-
tissement, de facilitation du commerce, et de
protection de la société et de l’environne-
ment. Le succès de la Jordanie réside dans le
développement des ressources humaines et
d’acquisition de capacités au sein de l'admi-
nistration douanière et cela à tous les
niveaux. Des formations, des conférences et
des ateliers de travail ont été proposés aux
douaniers, avec un impact significatif sur
leurs connaissances et compétences. De plus,
des règles ont été adoptées pour favoriser et
préserver le professionnalisme au travail.
D'autres efforts incluent l'automatisation et la
décentralisation du dédouanement ; l’établis-
sement d'une commission de partenariat avec
le secteur privé, qui se réunit mensuelle-
ment ; des remboursements de taxes accélé-
rés et la signature d’accords de coopération
concernant le transit par les pays arabes voi-
sins (Al-Khouri, 2000).
Autre exemple de succès d’une réforme des
douanes, celui du Maroc qui, grâce à l'assis-
tance technique et à l’appui de l'Organisation
Mondiale des Douanes et d’autres organisa-
tions associées, a réussi à rationaliser les
procédures, à mettre en place une déclara-
tion simple des marchandises, à instaurer le
dédouanement dans les locaux des importa-
teurs, à permettre l’inspection sélective et à
-58-
introduire un certain degré d’automatisation
(Banque mondiale, 2003). Le Maroc a égale-
ment adopté les accords de l’OMC sur la
valeur en douane, qui stipulent que la
méthode d'évaluation des marchandises doit
reposer sur leur valeur transactionnelle. Le
dédouanement est maintenant réduit à
3 jours contre 8 jours en Chine et 11 jours en
Inde. Ces mesures se sont traduites par une
réduction substantielle du temps alloué aux
procédures douanières et se sont répercu-
tées de manière très positive sur les coûts
commerciaux de transaction (ERF, 2004).
√ La décentralisation
Le monde arabe en général, et les PM en par-
ticulier, sont de plus en plus sensibles à l’im-
portance du rôle que peuvent jouer les auto-
rités locales. Des efforts ont été faits pour
accroître leur capacité institutionnelle et ren-
forcer le poids des instances locales dans les
municipalités. En conséquence, des élections
locales ont été introduites dans quelques pays
(Bahreïn, la Jordanie, le Liban, la Syrie et le
Yémen) et vont l’être dans d’autres. Certains
ont modifié leur législation, comme au Liban
où la modification constitue une avancée dans
la réforme des élections municipales. En
Egypte, la planification et l'exécution de pro-
jets d'infrastructures au niveau local ont été
rendues possibles par la loi 145. La Jordanie
a également modifié ses lois en 2002, pré-
voyant que les membres des conseils munici-
paux soient pour moitié élus, pour moitié
nommés par le gouvernement (LCPS, 2003).
Il se dégage aujourd’hui un consensus fort,
selon lequel la tendance à la décentralisation
est le corollaire des réaménagements de la
fiscalité associés aux politiques d’ajustement
structurel, récemment adoptées par diffé-
rents pays de la région. L’objectif de ces
réaménagements est de redistribuer la char-
ge fiscale de certains services sociaux du
gouvernement central aux autorités locales.
Il est également intéressant de noter que,
dans certains pays, les autorités locales et
les organisations de la société civile ont
effectivement un rôle proactif dans les
conflits impliquant les pays, comme dans la
Bande de Gaza, au Liban et, plus récemment,
en Irak. Cependant, il faut interpréter cela
avec précaution. Certains, en effet, attri-
buent cet engagement à la faiblesse de l’Etat
central plutôt qu’à une politique efficace de
décentralisation (Fawaz, 2002).
L'expérience prouve néanmoins que les gou-
vernements centraux arabes restent prudents
vis-à-vis de la décentralisation. Bien que la
position politique soit principalement au ren-
forcement et au développement du poids des
autorités locales, les anciennes structures,
marquées par le clientélisme, prévalent tou-
jours. L'allocation de ressources, la délégation
de pouvoirs et la tenue d’élections ne reflè-
tent probablement pas le réel stade de la
décentralisation et relèvent encore de consi-
dérations politiques et d’accords de réseaux
informels. L'accès aux ressources politiques
et économiques au sein des municipalités
souffre certainement d’une forte discrimina-
tion. D'ailleurs, les faiblesses institutionnelles,
trait saillant des gouvernements centraux de
la plupart des PM, transparaissent encore au
niveau local, non seulement dans les PM mais
dans toute la région arabe.
Il est établi que l’expérience de la décentrali-
sation ne rime pas ici avec la délégation d’un
pouvoir aux municipalités dans le processus
de prise de décision ou d’allocation des res-
sources. Elle s’est bornée à des aspects admi-
nistratifs et concerne peu le fiscal et le poli-
tique (Fawaz, 2002). Pour ce qui est de la
mobilisation et de l'attribution des ressources,
la part sous-nationale des dépenses dans les
dépenses publiques totales est inférieure à
10% dans les pays arabes contre 25% en
-59-
Amérique latine, 20% en Asie de l'Est, et 18%
en Afrique Sub-saharienne. Cette part est de
6%, 5% et 4% respectivement, en Jordanie,
en Tunisie et au Liban. En Jordanie, les muni-
cipalités ne jouissent pas de la liberté de
gérer leurs ressources ou d’engager leurs
fonctionnaires territoriaux. De telles décisions
se prennent au niveau central et le Conseil
des Ministres a également le droit de dis-
soudre les municipalités. Au Liban, les autori-
tés locales n'ont pas la liberté de choisir le
niveau des taxes ou d’emprunter.
L'expérience égyptienne confirme le fait que
le pouvoir des conseils locaux élus est trop
limité relativement à celui des gouverneurs
(Parti Démocratique National, 2003).
La lenteur de la décentralisation dans les
pays arabes provient d’une tendance intrin-
sèque des gouvernements arabes à éviter de
déléguer leurs pouvoirs qui s’explique par
leur crainte des répercussions négatives que
cela pourrait avoir sur l'unité nationale. Par
exemple, le Lebanese Center for Policy
Studies souligne que la décentralisation des
pouvoirs au Liban est vue avec un certain
scepticisme, parce qu'elle pourrait mener à
une forme de fédéralisme régional qui ren-
forcerait le système politique confessionnel
existant (LCPS, 2003).
Une leçon à tirer de cela est que la législation
est une condition nécessaire mais non suffi-
sante à la décentralisation. Les législations
devraient inclure une délégation appropriée
des compétences. Des questions clefs telles
qu’établir le budget, choisir le personnel, pla-
nifier et suivre des projets de développement
sont encore les prérogatives du gouverne-
ment central. Du fait du manque de réel pou-
voir des municipalités, l'expérience de la
décentralisation s’est traduite par une décon-
centration plutôt que par une décentralisa-
tion effective (Institut de la Méditerranée,
2000 ; LCPS, 2003).
Conclusion
Les élites régnantes de la région ont perçu
l’imminence de la catastrophe. Bien qu'elles
aient résisté aux pressions des puissances
étrangères en faveur d’une accélération des
réformes, elles ne contestent pas la nécessi-
té d’améliorer la gouvernance. Diverses rai-
sons ont exacerbé la conscience du besoin de
réformes, mais celles qui prédominent sont :
les accords commerciaux régionaux, l’adhé-
sion à l'OMC, les rapports soulignant le retard
des économies de la zone (par exemple, le
Global Competitiveness Report du World
Economic Forum) et les rapports sur le déve-
loppement régional montrant les déficits de
la productivité, de l’attractivité de l’investis-
sement, des réseaux de l'information et de la
connaissance et de la place des femmes dans
la société (Arab World Competitiveness
report du World Economic Forum et le
Rapport arabe sur le développement humain
du PNUD). Ces rapports et d'autres ont
encouragé les milieux d'affaires dans la
région (les PM et les pays arabes dans leur
ensemble) à exiger des réformes institution-
nelles afin de créer un environnement d'af-
faires stimulant. Sous la pression et/ou l'ins-
piration nées des initiatives américaines et
européennes pour la coopération et la réfor-
me dans la région, la société civile a égale-
ment commencé à œuvrer dans ce sens.
Grâce à l'accessibilité de l’information sur les
tentatives économiques et institutionnelles
de réforme, un certain nombre de PM sont
entrés dans une course à la réforme des lois
de la concurrence, des accords d’échange,
des zones franches, des douanes, etc..
Cependant, il faut reconnaître que ces efforts
ne sont pas suffisants. Les politiques ne par-
viennent toujours pas à considérer la réforme
comme un phénomène qui implique tous les
stades du processus politique et tous les
niveaux de l'appareil bureaucratique et poli-
-60-
tique. Ainsi, beaucoup de tentatives de réfor-
me institutionnelle sous-estiment les com-
plexités du processus politique et l’annonce
d’objectifs de politiques est supposée suffire
à prouver la bonne volonté des gouverne-
ments. La décentralisation en est un
exemple. Comme mentionné ci-dessus, le
besoin de stabilité et la crainte d’un affaiblis-
sement de l’intégrité nationale l’emportent
sur les avantages potentiels d’une réforme
par la décentralisation. C’est pourquoi les
efforts de décentralisation se sont résumés à
une déconcentration sans transfert de pou-
voirs. La réforme des douanes en est un
autre exemple. Les essais de réforme institu-
tionnelle se sont dilués en raison d’une coor-
dination faible, d’une concurrence forte, ou
d’un manque de transparence entre et au
sein des bureaucraties.
La prise de décision politique dans les PM
pâtie de la nature de l'offre comme de la
demande. Du côté de l'offre, les chefs poli-
tiques deviennent des technocrates soumis à
la volonté des chefs d'Etat, rarement
capables d’une vision ou d’une initiative poli-
tique. En outre, une information insuffisante
et des réseaux d'acquisition de connaissance
naissants quant aux stratégies de réforme
contribuent à l'affaiblissement du processus
politique. C'est particulièrement apparent
dans le domaine de l'application des lois. La
faible capacité à imposer les règles du mar-
ché est le résultat de cette situation. La mise
en place des cours spéciales peut apporter
une solution rapide, mais incomplète, au pro-
blème, à moins que le système juridique
entier soit réformé.
Du côté de la demande, une société civile
peu présente contribue au maintien d’une
culture politique du désespoir et du consen-
tement face au clientélisme et à la recherche
de positions de rente. Si le rôle de la société
civile et sa relation aux médias et aux mou-
vements de fond de la société ne sont pas
renforcés, il n’y aura pas de développement
des capacités d’évaluation et de surveillance
du processus d’application des règles du
marché. Les tentatives de réforme peuvent
alors manquer de profondeur et s’inverser
selon les caprices des dirigeants.
III- Une question vitale pour le partena-
riat : avancer sur la question agricole
Fin novembre 2003, le Femise a publié une
contribution intitulée « La question de la libé-
ralisation agricole dans le partenariat euro-
méditerranéen ». Basée notamment sur deux
études alors en cours, dont on trouvera les
résumés ci-après, elle s’est attachée à mon-
trer les points suivants :
√ la question est bien plus complexe qu’il
n’y paraît. Il s’agit indéniablement d’une
question vitale sur le plan économique
et sur le plan social pour les PM. Ainsi, il
est nécessaire de rappeler que :
(i) l’agriculture représente, pour la plu-
part des PM, entre 10 et 20% du PIB
(contre environ 3% en Europe) ; (ii) elle
compte, en moyenne, pour près de 20%
des emplois, contre 4,3% en Europe et
agit sur le bien-être de 40% de la popu-
lation ; (iii) la croissance de la produc-
tion agricole, très volatile, représente
encore aujourd’hui plus du tiers de la
croissance du PIB ; (iv) la pauvreté est
nettement plus élevée dans le milieu
rural que dans le milieu urbain, phéno-
mène qui tend à s’aggraver ; (v) l’exo-
de rural alimente le développement de
la pauvreté dans les villes du sud – puis,
par les migrations, dans celles de l’UE ;
(iv) le coût de la main d’œuvre est
directement lié au prix des denrées ali-
mentaires : le contrôle des coûts sala-
riaux repose sur la régulation des mar-
chés agricoles.
-61-
Dans les pays européens, l’agriculture
a désormais d’autres fonctions (entre-
tien de l’environnement, développe-
ment rural, hygiène alimentaire, déve-
loppement durable, …) qui lui donnent
un contenu identitaire et un rôle socié-
tal. La construction européenne, depuis
une cinquantaine d’années, montre que
derrière les échanges agricoles, c’est
un mode de vie et de relation à l’espa-
ce et à la nature qui se présente au
monde au travers des échanges de
marchandises. Aussi, si le poids écono-
mique global est maintenant faible à
l’échelle de chaque pays, les risques
sont localisés régionalement.
√ Si l’on s’en tient à la seule rationalité éco-
nomique, la solution optimale ne fait
aucun doute : les échanges agricoles doi-
vent être libéralisés dans la zone et se
traduire par des flux réciproques (fruits
et légumes en provenance des PM,
contre céréales, viande et lait en prove-
nance de l’UE ou d’autres origines). Les
distorsions à l’encontre de cette libérali-
sation concernent, en premier lieu, les
pays de l’UE et les Etats-Unis, qui ont
des prix de marché peu en rapport avec
leurs coûts de production réels, mais
elles concernent aussi les PM, qui doi-
vent cesser de subventionner les pro-
duits de base et faire payer l’eau aux
producteurs à son coût marginal.
√ Le système d’interdépendance agricole
UE-PM se caractérise par : (i) une asy-
métrie qui se manifeste par une forte
dépendance des PM vis-à-vis des
échanges agricoles. Les exportations
agricoles de l’UE vers les PM représen-
tent 2,3% du total de l’UE ; les exporta-
tions agricoles des PM vers l’UE repré-
sentent 45,7% du total des PM, mais
2% des importations de l’UE ; (ii) une
structure des échanges concentrée par
marché et spécialisée, mais qui subit
des modifications depuis les années 90 ;
le système perd de son dynamisme et
peut se résumer à l’échange de céréales
et de lait contre des fruits et des pro-
duits de la pêche ; (iii) les exportations
des PM sont fortement concentrées, les
exposant aux aléas conjoncturels ;
(iv) au sein de l’Union, sur le plan natio-
nal, le risque de concurrence générale
sur les produits agricoles de la part des
PM est faible ; (v) la concurrence est
également faible entre les PM ce qui
devrait faciliter la libéralisation au
niveau régional et l’intégration sud-sud.
√ Ainsi, le Femise a identifié cinq ques-
tions clefs pour envisager une évolution
du système d’interdépendance agricole
dans la région : (i) identifier et interve-
nir sur les catégories qui vont supporter
l’ajustement ; (ii) mettre en place un
système réglementaire transparent et
facilement accessible aux PM ;
(iii) rationaliser l’utilisation de l’eau
dans l’ensemble de la zone ; (iv) contrô-
ler le développement de la pauvreté et
l’exode rural ; (v) sortir par le haut par
la technologie.
Compte-tenu de ces éléments, les deux
recherches que l’on présente ci-après propo-
sent les grands traits des avancées possibles.
D’une part, la concurrence entre l’UE et les
PM sur les fruits et légumes n’est pas iden-
tique tout au long de l’année et cette asymé-
trie temporelle permet, d’ores et déjà, de
modifier la situation actuelle pour certains
produits (cf. la recherche dirigée par la Royal
Scientific Society de Jordanie).
D’autre part, pour maximiser les effets
d’éventuelles avancées sur le plan agricole,
-62-
Pour répondre à ces questions, deux outilsquantitatifs ont été employés : (i) uneMatrice d’Analyse de Politiques (MAP) quisert de cadre pour étudier les effets desmodifications des politiques économiques etagricoles et d’instrument analytique empi-rique de mesure des impacts des politiques,et (ii) une étude de marché basée sur leconcept de Demande Profitable nonSatisfaite, qui est lui-même fondé sur celuide demande profitable. Celle-ci comprendl’analyse de l’offre et de la demande saison-nières et de la concurrence saisonnière sur lemarché. Cette approche permet de mettre àjour un travail qui a été fait il y a une dizai-ne d’années sur la Jordanie et d’estimer lademande profitable pour la Syrie, le Liban,l’Egypte et la Palestine. Cette étude identifiela fenêtre de marché, les niveaux de deman-de profitable pour les cinq pays, ainsi que leprofit privé potentiel, les besoins d’investis-sements et en eau, l’emploi et l’aide au mar-keting pour un groupe de produits horticoles.
1- L’étude conclut qu’une large gamme deproduits horticoles est disponible dans lescinq pays. Cependant, en raison d’impor-tantes différences de conditions climatiquesentre les pays et dans les pays, le calendrierde leurs productions varie sensiblement.Onze produits ont été considérés dans cetterecherche, sélectionnés en fonction de leurpotentiel en tant que produit d’exportationqui n’entre pas en concurrence avec la pro-duction européenne pendant certainespériodes de l’année. Plusieurs rapportsrécents d’experts, portant sur les cinq pays,montrent que des productions à valeur éle-vée, telles que le raisin de table sans pépin,les fleurs coupées, les tomates cerise, lesfraises, les haricots verts, les melons, lesherbes, les dattes, les poivrons de table etdoux, sont les principaux produits horticolesqui peuvent être cultivés et exportés des cinqpays, particulièrement pendant la saison d'hi-ver où les pays de l’UE n’en produisent pas.
2- En appliquant l'approche de la Matriced'Analyse de Politiques (MAP), l'étude a prou-vé que, pour presque toutes les récolteschoisies, les cinq pays ont un avantage com-paratif dans la production et l’exportation.
3- A partir de l’analyse de marché, l'étude aalors évalué la taille des fenêtres de marchésur les quatre principaux marchés de l’UE, àsavoir : le Royaume-Uni, l'Allemagne, laFrance et les Pays Bas. Estimer la profondeurdu marché au seuil de rentabilité dans unpays d'exportation spécifique exige unelogique particulière et un effort analytique.Pour évaluer la profondeur ou la taille de la
les actions sont à entreprendre de part et
d’autre de la Méditerranée (libéralisation
réciproque), de façon différente en intensité
(libéralisation asymétrique), mais en veillant
à l’aspect structurel. Ce sont là les piliers
d’un Pacte Agricole Euroméditerranéen (cf. la
recherche dirigée par l’Université Autonome
de Madrid).
L’impact du partenariat euro-méditerra-néen sur les secteurs de l’agriculture enJordanie, Palestine, Syrie, Liban etEgypte.
Dirigée par The Royal Scientific Society,Jordanie
L’objectif de cette étude est de dresser unbilan et d’évaluer les conséquences desaccords euro-méditerranéens sur le dévelop-pement économique des secteurs agricolesde cinq pays de la région du sud méditerra-néen. Il s’agit, par ailleurs, de (i) déterminerl’impact du partenariat en termes de créationd’emplois et de valeur ajoutée pour les éco-nomies des cinq pays sélectionnés et de(ii) mieux connaître les entraves et gouletsd’étranglement des accords et leurs implica-tions sur le renforcement du système d’inter-dépendance euro-méditerranéen.
Cette étude se traduit donc en cinq questions : (i) quels sont les principaux produits horti-coles qui pourraient être cultivés et exportésdes pays étudiés vers l’UE sans être concur-rents des productions saisonnières de l’UE ?(ii) Est-ce que ces produits utilisent de maniè-re efficace les ressources limitées disponibles,en particulier l’eau. En d’autres termes, béné-ficient-ils d’un avantage comparatif ?(iii) Quels sont les volumes de production quipourraient être exportés, étant donnés lesrécents progrès faits vers une libéralisationdes marchés ? Enoncé différemment, il s’agitde savoir quelles sont la spécificité (quanti-té), la taille (profondeur) et la largeur(durée) de la fenêtre de marché pour chaqueproduit et comment l’exploiter pour répondreà la demande croissante de biens de qualitésupérieure sur les marchés de l’UE ?(iv) Quelles sont les principales consé-quences économiques et sociales de l’expor-tation des volumes prévus des produitssélectionnés en termes de revenu national(PIB), d’investissement, d’emploi et debesoins en eau ?(v) Quels sont les effets du partenariat euro-méditerranéen sur les exportations horticolesvers les pays de l’UE du point de vue despolitiques économiques et commerciales ?
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fenêtre de marché, des données mensuellesde prix de gros pour le marché considérésont nécessaires, en plus des seuils de ren-tabilité pour les pays exportateurs et lesvolumes commercialisés sur le marché dechaque produit retenu.
La demande profitable a été estimée pourcinq biens sur les quatre principaux marchésde l’UE : haricots verts, raisins de table,melons, fraises, dattes.
La demande profitable estimée pour le mar-ché des Pays-Bas pour les haricots verts estde 24 041 tonnes réparties sur cinq mois, dedécembre jusqu'à avril. La demande profi-table totale pour les haricots verts sur lestrois autres marchés a été estimée à 12 736,12 782 et 28 586 tonnes sur les marchés duRoyaume-Uni, de l'Allemagne et de laFrance, respectivement.
La demande profitable estimée annuelle deraisin de table sur le marché britanniqueest de 19 974 tonnes, distribuées sur sixmois à partir de janvier jusqu'à juin, tandisque la demande estimée profitable annuel-le sur les trois autres marchés principauxest estimée à 281 586, 234 760 et 14 361tonnes pour l'Allemagne, la France et lesPays-Bas, respectivement.
Les melons sont demandés toute l'année surles marchés de l’UE, mais un approvisionne-ment conséquent est disponible pendant lesmois d'été, de juin à septembre, principale-ment en provenance d'Espagne. La demandeprofitable annuelle non satisfaite de melonssur le marché français est estimée à74 479 tonnes sur quatre mois : décembre,janvier, février et mars. La demande serait laplus forte pendant les mois de janvier et defévrier. Bien que l'Espagne soit un produc-teur important de melons pour le marché del’UE, la production de ce pays ne concurren-ce pas les melons venant du sud pendant lesmois d'hiver. La demande annuelle estiméenon satisfaite sur les trois autres marchésserait de 34 359, 29 753 et 13 121 tonnespour le Royaume-Uni, l'Allemagne et lesPays-Bas, respectivement.
Les exportations de fraises des pays méridio-naux vers les marchés de l’UE ont enregistréune augmentation sensible pendant la der-nière décennie. C’est le cas des exportationsde fraises d'Egypte et de Jordanie vers cer-tains des marchés de l’UE. La demande nonsatisfaite annuelle profitable estimée pour lemarché britannique serait de 18 859 tonnesréparties sur quatre mois, d'octobre à jan-vier. Pendant cette période de quatre mois, il
n'y a aucune production de fraise au sein del’UE, ce qui implique que les exportationsvers ce marché pendant ce laps de temps neconcurrencent aucun des producteurs del’UE. L'analyse a prouvé que la demande pro-fitable non satisfaite annuelle est de 62 531,29 917 et 7 594 tonnes pour l'Allemagne, laFrance et les Pays-Bas, respectivement.
Les pays arabes sont les plus importants pro-ducteurs de dattes au monde particulière-ment l’Egypte, l’Irak, l’Arabie Saoudite, lesEmirats-Arabes-Unis, l’Algérie et la Tunisie.Le marché de l’UE est une destination clefdes dattes du sud. Puisqu’elles ne sont pro-duites dans aucun des pays de l’UE, lesexportations de dattes du sud ne concurren-cent aucun des pays de l’UE. La demandeprofitable estimée est de 17 057, 8 268,6 310 et 2 795 tonnes pour les marchés duRoyaume-Uni, de l'Allemagne, de la Franceet des Pays Bas, respectivement.
4- L'analyse a prouvé que satisfaire lademande profitable pour les cinq produits,sur seulement les quatre principaux marchésde l’UE retenus, pourrait créer 119 000 nou-velles opportunités d'emploi permanent, unprofit économique total pour les producteurset les exportateurs de 498 millions de dollarsUS et une valeur ajoutée pour les économiesnationales des cinq pays de 756 millions dedollars US.
Cependant, la réalisation de ces résultatspotentiels exige beaucoup de progrès entermes d'amélioration de qualité du produitexporté, de qualité de l’emballage et de tech-niques d’empaquetage des récoltes, de res-pect des règlements et des conditions del’UE, d’approvisionnement en flux tendus enproduits des importateurs sur les marchés dedestination et de suivi de la dynamique deschangements des modèles de consommationsur les marchés de l’UE (nouveaux produits,nouvelles variétés, et changements continusdes règlements et des conditions).
Cette étude conclut, à partir de l'analyseconduite et des recommandations d'autresétudes effectuées sur la question, que lesprincipaux goulots d'étranglement auxquelsfont face les pays du sud dans leur tentativede bénéficier des opportunités offertes parles marchés de l’UE sont liées à :1) un manque d'investissements et de res-sources financières dans la région, pourconstruire les infrastructures nécessairespour satisfaire à la réglementation de l’UE etaux besoins du marché en termes d'équipe-ments de conservation par le froid et derefroidissement, de systèmes de classifica-
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tion et de tri, d’unités de stockage à usagesvariés et de systèmes d'irrigation avancés ; 2) un manque d'enthousiasme des investis-seurs privés à se positionner sur des projetsd’une certaine envergure, principalement dufait du risque important associé. Ceci a engen-dré une faiblesse de l’attractivité du secteurhorticole pour les investisseurs privés ; 3) un suivi insatisfaisant des nouvelles varié-tés à rendements élevés et des cultures nontraditionnelles lancées par des établisse-ments de recherche et universitaires, le privéet le gouvernement ; 4) un respect insuffisant des règlementsconcernant la classification, les normes et lesmatériaux d'emballage pour les marchéslocaux et d'exportation ; 5) l’absence de système d'information pourune commercialisation efficace, susceptiblede fournir des données à jour et des analysesdétaillées en termes de tendances, de pro-jections, et de marchés naissants ; 6) une faiblesse des structures d'organisationspécialisées des marchés, telles que les asso-ciations ou coopératives, ce qui se traduit parune capacité de pression visant à développerl'industrie d'exportation très limitée ; 7) la rigidité des accords euro-méditerra-néens et une compréhension imparfaite desrèglements et des exigences du marché del’UE de la part de beaucoup d'exportateurs etproducteurs du sud.
Cette étude a également prouvé que les pro-duits horticoles ont un potentiel certain dansles échanges agricoles avec la région de l’UE.C'est dû à l'avantage comparatif dont ilsbénéficient en raison de conditions clima-tiques favorables, de coûts de productionconcurrentiels, en particulier le coût du tra-vail, de la proximité avec les marchés de l’UEet d’habitudes de consommation au sein del’UE qui réclament certains biens qui sontproduits dans les pays partenaires méditer-ranéens. Cette étude a montré, par ailleurs,qu’en dépit de l'existence de ce potentield’exportation de produits horticoles vers lesmarchés de l’UE, cette industrie souffre tou-jours, dans beaucoup de PM, de sérieusesfaiblesses qui gênent sa capacité à tirer pro-fit de ces avantages.
Les chercheurs croient que la PAC devraitêtre modifiée pour produire une situationgagnant-gagnant pour tous les acteurs de lazone méditerranéenne. Les résultats de cetterecherche indiquent qu’une situationgagnant-gagnant peut être atteinte via lasynchronisation des politiques et des effortsentre le nord et le sud. Une libéralisationcommerciale réciproque entre l'UE et les PM,qui est recommandée par beaucoup
d'études, devrait y contribuer. La recherchesouligne que les PM ne peuvent pas concur-rencer l’UE dans la production de céréales, deproduits laitiers et de viande bovine. Elle amontré, cependant, que des opportunitésintéressantes existent pour les PM dans laproduction et l’exportation de produits horti-coles, sans concurrencer les pays de l’UE.
Les chercheurs recommandent un processusrégulier d'évaluation de la mise en place desaccords d'association en termes de succèset d’échecs par rapport aux buts fixés. Cetteévaluation devrait également inclure l'iden-tification des complémentarités et descontradictions entre les stratégies exis-tantes et les textes officiels du processuseuro-méditerranéen.
Un des principaux défis auxquels font face lesaccords d'association vis-à-vis des PM estcelui de la réduction des niveaux de pauvre-té dans les zones rurales. Pour ce faire, il fautcréer et augmenter les occasions, pour lespersonnes pauvres, d’obtenir un revenu suf-fisant pour satisfaire leurs besoins de base àlong terme. Ceci peut être fait grâce à unrenforcement du pouvoir des communautésrurales à travers : (i) un soutien aux marchésdu micro-crédit pour le financement et l'in-vestissement ; (ii) une aide à l'adoption et autransfert des nouvelles technologies qui per-mettent d’améliorer la productivité du travailet des terres ; et (iii) une assistance auxpetits fermiers en faveur de la création d’as-sociations professionnelles et de coopéra-tives, qui puissent être mobilisées pour obte-nir et allouer les ressources financièresnécessaires et les biens intermédiaires deproduction, et mener les négociations collec-tives avec les exportateurs via la formationde groupes de pression qui défendent etétendent leurs droits.
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Les effets de la libéralisation agricolesur les économies des pays partenairesméditerranéens
Dirigée par Universidad Autonoma deMadrid, Espagne
L’objectif de cette étude est de cerner leseffets combinés d’une libéralisation agricolemultilatérale et euro-méditerranéenne surles produits sensibles offerts par lesPartenaires Méditerranéens (PM), et d’es-sayer de quantifier ses implications sur l’en-semble de leurs économies. L’étude se centresur les effets combinés d’une libéralisationdes barrières tarifaires des PM pour les pro-duits agricoles sensibles et d’une réductiondu soutien octroyé par l’UE aux productionsagricoles dites continentales. L’étude a éga-lement développé un outil de simulation quipermet d’estimer quantitativement les résul-tats par pays en matière de prix, d’importa-tions, de valeur ajoutée et d’emploi.
Les résultats de ces simulations, fondées surle modèle développé pour le Maroc, laTunisie, l’Egypte et la Turquie, suggèrent queles coûts, pour les PM, d’une ouverture com-plète, surtout en termes d’emploi, seraientinsoutenables du point de vue économique etsociopolitique. Mais ils démontrent aussi quemaintenir la protection tarifaire agricole dansles PM, en présence d’une réduction du sou-tien européen aux productions continentales,n’est pas non plus souhaitable, notammentparce que les prix domestiques augmente-raient de manière significative. Soit, cela serépercuterait directement sur les consomma-teurs, soit cela devrait être amorti grâce àdes subventions à la consommation trèslourdes pour des budgets en équilibre précai-re comme c’est le cas pour les PM. Uneréduction tarifaire variable, même « ad hoc »en fonction des pays et des produits concer-nés, pourrait donner lieu à une situation pluséquilibrée.
Ces résultats ont plusieurs implications depolitique économique, notamment en matiè-re d’objectifs de politique agricole et de poli-tique commerciale. Le contexte des discus-sions euro-méditerranéennes sur le sujet del’agriculture peut être présenté comme suit.Les PM demandent la libéralisation deséchanges des produits pour lesquels ils pos-sèdent des avantages comparatifs (fruits etlégumes, poisson, fleurs et huile d’olive,entre autres), mais ils refusent de libéraliserles marchés agricoles où ils ne sont pas com-pétitifs et qui, parfois, sont à l’origine de défi-cits alimentaires structurels importants, àsavoir produits laitiers, viande et céréales.
Les économies continentales européennesqui produisent des céréales, de la viande, desproduits laitiers et du sucre souhaiteraientfournir les marchés des PM, mais leur agri-culture est plus généreusement soutenueque celle des PM via la Politique AgricoleCommune (PAC). La concurrence est doncbiaisée. En même temps, le secteur agricoleeuropéen tente de limiter la présence des PMsur son propre marché, et presse les gouver-nements européens de résister à l’ouverturepour ne pas avoir à supporter les coûts de laPolitique Méditerranéenne Européenne.
La libéralisation agricole pourrait être justi-fiée si elle arrivait à déclencher le développe-ment économique et social de la rive sud dela Méditerranée, grâce à l’augmentation desexportations agricoles et à une plus grandeefficacité dans les secteurs agricoles tradi-tionnels, qui produisent des biens de substi-tution aux importations à l’aide d’une protec-tion tarifaire et non tarifaire élevée. Unequestion encore plus polémique est celle quiconcerne la libéralisation des marchés agri-coles des PM. Ces derniers subissent unestructure agricole duale, très polarisée, avecd’un côté les lourdeurs structurelles caracté-ristiques d’une agriculture traditionnelle etdes niveaux de productivité très bas et, d’unautre côté, un secteur agricole moderne,orienté vers l’exportation, qui sera capablede soutenir la concurrence sur le marchéeuro-méditerranéen. Mais, il existe desdoutes quant à la capacité de survie du sec-teur traditionnel face aux exportations del’agriculture continentale européenne.
Pour les PM, la libéralisation agricole bilaté-rale vis-à-vis de l’UE pourrait faire peser uneforte pression sur leur secteur agricole tradi-tionnel, et les coûts d’ajustement pourraientêtre très élevés en termes d’emploi et entraî-neraient une augmentation importante deleurs déficits alimentaires. Même si la libéra-lisation agricole est accompagnée du déman-tèlement des mesures de la PAC les plus cri-tiquées au sein des organisations internatio-nales, la variation des prix agricoles dans lesPM pourrait être moins sensible que prévue.La réforme de la PAC, selon les propositionsde l’UE, et les propositions des Etats-Unisdans le cadre multilatéral de l’OMC, pour-raient se traduire par des prix plus élevés desexportations européennes, compensés par-tiellement par la réduction des prix domes-tiques dans les PM occasionnée par la libéra-lisation commerciale.
Le sujet est d’autant plus sensible que l’agri-culture continue d’être une activité écono-mique clef pour beaucoup des PM en termes
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d’emploi, et c’est sans doute la principaleactivité, si ce n’est la seule, dans les milieuxruraux des PM. A cela s’ajoute un rôle socialdéterminant : l’activité agricole retient lapopulation à la campagne, loin des grandesvilles sud-méditerranéennes et limite l’émi-gration vers l’UE. Cette dimension, à savoir lastabilité sociale, ne peut être correctementappréhendée par le seul effet sur l’emploi desréformes des politiques agricoles. Les gou-vernements du sud, comme l’UE, doiventprêter une plus grande attention au problè-me du développement rural, indépendam-ment des options politiques qui peuvent êtreadoptées en ce qui concerne la question de lalibéralisation agricole en Méditerranée. Lapolitique des échanges agricoles euro-médi-terranéens inclut des questions qui vont au-delà de la seule sphère marchande, tellesque les migrations, la stabilité politique, leséquilibres ville-campagne et les problèmesrégionaux. La plupart des pauvres des PMvivent à la campagne, ce qui implique quel’émergence d’une économie rurale capablede répondre à des incitations économiquesest une question cruciale pour le développe-ment des PM.
La divergence des intérêts plaiderait pour unPacte Agricole Méditerranéen à contenu éco-nomique et politique entre tous les acteurs etles pays affectés. C’est-à-dire un accord àdeux niveaux entre l’UE et les PM, mais aussientre les Etats Membres, entre l’UE méditer-ranéenne et non-méditerranéenne. Ainsi,l’étude cherche à mettre en relief les piliersd’un Pacte Agricole Méditerranéen, comptetenu de la situation politique, sociale et descaractéristiques de l’agriculture méditerra-néenne, en se fondant sur l’estimation deseffets de la libéralisation suivant différentsscénarios. Trois éléments structurent lesactions politiques à mettre en œuvre : (i) le commerce agricole entre l’UE et les PMest une question complexe qui appelle à dessolutions non-simplistes et qui mérite uneanalyse approfondie.(ii) Etant données les inerties qui affectentles politiques agricoles au sein de l'UE et desPM, et les structures d’incitations faiblementévolutives qui ont été développées, uneapproche graduelle devrait être prise enconsidération.(iii) La nature politique des questions concer-nant le commerce agricole UE-PM appelleune solution d’ordre politique également, unPacte Agricole Méditerranéen au niveau euro-méditerranéen.
Le Pacte Agricole Méditerranéen envisagétraite donc de la libéralisation mais aussi de lamodernisation et du développement rural
dans l'UE et dans les PM, de la coopérationentre les deux rives et des mesures permet-tant d’assurer la solidarité interne entre lesEtats Membres de l’UE. Il propose une libéra-lisation réciproque et asymétrique. Nonconçue comme une fin en soi, l'axe principalpeut être résumé comme une libéralisationcommerciale agricole graduelle, réciproquemais asymétrique, l’UE devant respecter desrythmes plus lents de réduction tarifaire de lapart des PM. Cette libéralisation devrait êtreconsidérée comme une condition nécessaireau développement du secteur agricole desPM, qui est en même temps un facteur clef deleur développement économique et humain.
Deux concepts définissent les degrés deliberté des responsables politiques pourrendre effective la libéralisation commercialeagricole dans la Méditerranée : réciprocité etasymétrie.
La réciprocité apparaît comme conditionnécessaire à la mise en place au sud desréformes structurelles politiquement coû-teuses mais indispensables, notamment pourmoderniser leurs secteurs agricoles et mettreen place des systèmes productifs plus effi-caces, en particulier en termes d’emplois.
L'asymétrie peut être introduite principale-ment par trois voies : à travers des périodestransitoires, des dérogations permanentes oudes clauses de sauvegarde. Une combinaison« période de transition » et clauses de sauve-garde sur liste négative de produits paraîtêtre le meilleur choix. En fait, c'est l’approchedu « traitement différencié » adopté dans lesnégociations multilatérales. Cependant, lalongueur des périodes transitoires et le conte-nu restrictif des clauses de sauvegarde nedoivent pas être excessifs, sous peine de frei-ner/stopper les réformes et la modernisation.Au contraire, les dérogations permanentessont à éviter, car elles génèrent des positionsde rente et des inefficacités. Le contenu de lacombinaison finale doit être analysé en pro-fondeur, de part et d’autre de laMéditerranée. Si les simulations à partir d’uneapproche combinée ne dégagent pas d’effetd’ampleur conséquente au niveau global,celui-ci peut être très fort sur certaines pro-ductions ou dans certaines régions.
La modernisation de l’agriculture est un autreélément clef du Pacte Agricole Méditerranéen,quel que soit le degré de libéralisation com-merciale agricole finalement adopté. Il s’ap-plique aux deux rives du bassin méditerra-néen, bien que son contenu et les tâches àaffronter diffèrent largement d’une rive àl’autre. Les questions centrales sont : com-
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ment accomplir la modernisation et quidevrait la financer ? L'UE a déjà des instru-ments satisfaisants dans le schéma FEOGA-Orientation et une extension de ceux-ci auxPM a été proposée par certains. Mais l’im-plantation de ces outils, pour être efficace,demande des capacités institutionnelles et detransparence qui ne sont pas garanties dansles pays du sud.
Le développement rural est le « lien man-quant », non seulement dans la question ducommerce agricole euro-méditerranéen,mais aussi, plus généralement, du dévelop-pement humain soutenable des PM. Le déve-loppement rural est une question crucialeparce que, même en l'absence de libéralisa-tion agricole réciproque de la part des PM, lescoûts de l'ajustement suite à la modernisa-tion, en termes de mouvement de la maind’oeuvre agricole libérée et de transition versun rôle plus actif du marché dans l’agricultu-re, ont besoin d'être amortis. De plus, enprésence d’une libéralisation réciproque,penser le développement rural devientessentiel pour diversifier les activités ruralesen diminuant la dépendance à l’agriculture,et pour améliorer les conditions de vie de lapopulation rurale. Cet aspect est d’autantplus indispensable que certaines simulationsde l’étude font apparaître un risque de dispa-rition de certaines récoltes dans les PM et laprépondérance que prendront les exploita-tions les plus grandes et les plus modernes.Mais, les régions méditerranéennes de l’UEsont également concernées. Les prioritéssont différentes et il s’agit plutôt d’un problè-me d’environnement, de vieillissement de lapopulation rurale et, pour quelques régions,de dépeuplement, ou encore de préservationdes activités rurales liées à l’activité agricole.Néanmoins, certaines préoccupations sontcommunes, comme la diversification des pro-ductions et des activités rurales.
Se pose alors naturellement la question dufinancement de ces processus de modernisa-tion et de développement rural. Au delà desproblèmes d'institutions, la masse financièrenécessaire est trop importante pour n’êtregérée que par l’UE ou par une partie desfonds MEDA. La participation effective des PMest donc incontournable. Dans le domaine dela modernisation, une grande partie du sou-tien financier semble devoir venir des PM,l’UE et les Etats Membres se limitant à l’as-sistance technique. La modernisation desstructures de l’offre et de commercialisation,quant à elle, paraît particulièrement ouverteaux activités de la société civile. Les associa-tions des producteurs sont des acteurs puis-sants sur les deux rives de la Méditerranée,
et la création d’un réseau permettrait d’éta-blir des contacts entre les producteurs, quipeuvent identifier facilement les complémen-tarités et les domaines de coopération. Cesassociations pourraient, en même temps,développer une approche de l'intérêt mutuelau lieu d'une approche exclusivement cen-trée sur la concurrence. La promotion desréseaux nord-sud d’associations de produc-teurs agricoles pourrait ainsi devenir uneaction institutionnelle de l’UE de promotionde la complémentarité. En revanche, lesstratégies de développement rural dans lesPM peuvent bénéficier de l'expérience de l’UEet des fonds structurels. Ici, probablement,les fonds MEDA pourraient être réorientésplus facilement d’un point de vue politique etéviter la critique des agriculteurs européensde financement de leurs concurrents parleurs propres gouvernements.
Enfin, les recommandations politiquess’orientent suivant cinq axes : la nécessité desituer la problématique agricole au centre dudébat sur le Partenariat Euro-méditerranéenet la Politique de Nouveau Voisinage, l’iné-luctabilité de la libéralisation commercialeagricole dans les PM et ses limites, le besoind’un programme de modernisation et dedéveloppement rural dans les PM pouraffronter à moyen terme la libéralisationcommerciale agricole, les possibilités et lesinstruments de financement que ce program-me pourrait mobiliser, et la forme et lescibles d’un tel programme, qui doit bénéficieraux couches sociales et rurales les pluspauvres.
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IV- Une ouverture des services qui ne
permet pas de tirer profit de la proximi-
té et bride le meilleur usage des flux
financiers
1. Les échanges de services dans les PM
Le secteur des services est devenu un sec-
teur-clef de la croissance, aussi bien dans les
pays développés qu’en développement. Il
absorbe, par ailleurs, la plus grande part de
la main-d’oeuvre dans n'importe quelle éco-
nomie moderne. La croissance sensible des
échanges de services sur les marchés inter-
nationaux prouve leur importance en tant
que moyen qu’acquérir des devises étran-
gères, mais aussi comme un déterminant en
évolution de la compétitivité internationale.
Cette croissance a motivé l'introduction d'un
cadre général de réglementation du commer-
ce international de services sous l’égide de
l'Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) : l'accord général sur les échanges de
services (GATS).
La question, toujours d’actualité, de savoir si
les services (en particulier les services
publics, tels que la santé, l'éducation, etc.)
doivent être offerts par des agents publics ou
privés - dans laquelle les arguments écono-
miques sont dominés par des préoccupations
sociales - est la raison majeure qui explique
l’attitude prudente des pays en voie de déve-
loppement envers la libéralisation des
échanges de services. Ils ont, en effet, pré-
féré s’engager moins fortement sur le GATS
que les économies développées. C'est, en
soi, une preuve de la flexibilité du GATS en
termes de prise en compte des inquiétudes
des pays en voie de développement.
Ces dernières années, des études ont montré
que la libéralisation des services pourrait
générer des avantages considérables, non
seulement en termes de hausse des exporta-
tions de services, mais également d’amélio-
ration de la compétitivité et de l’efficacité
économique en général, ce dernier point
étant le plus significatif (Neilson et Taglioni,
2004). Selon la Banque Mondiale, le revenu
supplémentaire pour les pays en développe-
ment d’une libéralisation de leurs services
pourrait être de 6 000 milliards de dollars US
d'ici 2015, soit quatre fois les gains poten-
Tableau 10 : Part des services dans les exportations totales et dans la valeur ajoutée
1991-1993 2001-2003 1990 2002Egypte 67,2 66,1 52 50Jordanie 54,6 35,0 64 72Maroc 30,2 35,4 50 54Tunisie 30,7 27,7 54 60Syrie 25,6 20,2* 48 49Brésil 9,5 12,5 53 73Chili 19,4 17,5 50 57Chine 9,7 10,3 31 34Rep. Tchèque 24,2** 15,4 45 57Hongrie 21,9 19,0 46 65Inde 20,2 31,9 41 51Malaisie 11,2 13,0 43 44Mexique 14,8 7,2 64 69Pologne 22,9 20,0 42 66Afrique du Sud 11,7 14,4 55 641- Source: Base de données en ligne de l'OIT (accès le 2 septembre 2004)
* Moyenne pour 2001-2002** Moyenne pour 1993-1995
Exportation de services (en % du totaldes exportations) (1)
Valeur ajoutée des services(en % du PIB) (2)
2- Source: WDI Banque Mondiale. Il faut noter qu'une part considérable de la valeurajoutée des services inclut des services non-échangeables.
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tiels estimés de la libéralisation des échanges
de marchandises (Banque Mondiale, 2002).
Les gains d'efficacité ne se traduiront pas
uniquement par une plus grande compétitivi-
té des producteurs et des fournisseurs de
services domestiques, mais devraient aussi
profiter aux consommateurs via une diminu-
tion des prix et un accroissement de la qua-
lité. Par exemple, au sein de l’UE, la libérali-
sation du secteur des télécommunications a
eu pour conséquence une baisse des prix des
appels longue distance de 45%, une crois-
sance de la présence de téléphones portables
de 22% à 73%, et des taux de pénétration
d’internet de 8% à 36%. Les expériences de
libéralisation d'autres pays confirment ces
résultats.
Depuis la deuxième moitié des années 80, les
échanges de services se sont développés
plus rapidement que ceux de marchandises
(Banque mondiale, 2002). En outre, sur la
dernière décennie, les hausses des exporta-
tions de marchandises et de services sem-
blent avoir été corrélées, ce qui souligne l'in-
terdépendance croissante de ces deux flux
(Femise, 2003). En 2002, le commerce de
services représente un cinquième du com-
merce mondial, soit 1 570 milliards de dollars
US, ce qui correspond à une hausse de 6%
par rapport à 2001, dont 30,6% concernent
les voyages (traditionnellement le poste le
plus important des exportations de services
des PM) et 22,3% le transport.
Sur la scène mondiale, les PM ne se classent
pas parmi les principaux exportateurs de ser-
vices, excepté l'Egypte, 32ème des 40 plus
importants exportateurs de services en
2001, principalement du fait des activités de
tourisme et de transport, issues de l’exploita-
tion du canal de Suez. Cependant, le secteur
des services a toujours été un secteur crucial
pour les PM, comptant pour plus de la moitié
de leur PIB et un fournisseur essentiel de
devises étrangères. La part des exportations
de services dans les exportations totales
oscille d’environ 20% pour la Syrie à 66%
pour l’Egypte. En outre, la valeur ajoutée des
services représente la moitié, voire plus, de
leur PIB.
Panorama général de l’évolution récente des
échanges de services dans les PM
Contrairement aux schémas usuels, les
exportations de voyage représentent le prin-
cipal poste d'exportation des PM. Les
« autres services commerciaux » (qui consti-
tuent la majorité des échanges de ce type au
niveau mondial) viennent en seconde posi-
(mios $ US) 1980 1990 2000 2003
% dutotal
(2003)Egypte 2 321,0 4 813,0 9 803,0 10 340,0 100,0
Transports 1 254,0 2 410,0 2 645,0 3 152,0 30,5Voyages 593,0 1 100,0 4 345,0 4 275,0 41,3
Autres services 474,0 1 303,0 2 813,0 2 914,0 28,2Jordanie 974,0 1 430,0 1 599,0 1 444,0 100,0
Transports 271,0 371,0 298,0 316,0 21,9Voyages 521,0 511,0 723,0 791,0 54,7
Autres services 183,0 548,0 578,0 338,0 23,4Maroc 709,0 1 871,0 2 854,0 5 120,0 100,0
Transports 159,0 179,0 485,0 882,0 17,2Voyages 453,0 1 280,0 2 039,0 3 140,0 61,3
Autres services 96,0 412,0 330,0 1 098,0 21,4Syrie 252,0 740,0 1 481,0 .. 100,0
Transports 63,0 220,0 246,0 .. 16,6Voyages 156,0 320,0 1 082,0 .. 73,1
Autres services 32,0 200,0 153,0 .. 10,3Tunisie 990,0 1 575,0 2 680,0 2 773,0 100,0
Transports 207,0 362,0 595,0 668,0 24,1Voyages 684,0 1 020,0 1 682,0 1 608,0 58,0
Autres services 99,0 192,0 403,0 497,0 17,9Source: Base de données en ligne de l'OMC* En référence aux chiffres de 2000
Figure 6 : Commerce de services del’UE : parts des principaux partenaires
4% 6%
37%
11%5%
37%
UE-10 PM Etats-Unis Suisse Japon Autre
Tableau 11 : Distribution des exporta-tions de services pour quelques PM
*
-70-
tion en Jordanie et au Maroc, et en troisième
position en Egypte et en Tunisie. Parmi les
PM étudiés, l'Egypte est le premier exporta-
teur de services : 10,3 milliards de dollars US
en 2003. Le poste voyage (principalement
touristiques) représente 41% de ses expor-
tations totales. La libéralisation des services
dans les PM devrait nourrir la croissance des
exportations rangées dans la catégorie
« autres services » à mesure que ceux-ci
s’insèrent mieux sur les marchés internatio-
naux et exploitent leur avantage concurren-
tiel dû aux coûts inférieurs de leurs services
de télécommunications, financiers et autres.
En outre, les exportations de services de
transport pourraient croître avec la dispari-
tion progressive des inefficacités rencontrées
au niveau des ports et avec l’amélioration
des infrastructures existantes.
Si sont exclus les pays développés et les éco-
nomies en transition d’Europe centrale et de
l’Est, il s'avère que certains PM (notamment
Egypte, Maroc et Tunisie) sont parmi les prin-
cipaux exportateurs de services au sein des
pays en développement. Ils occupent diffé-
rentes positions dans le groupe des 20 prin-
cipaux exportateurs de services des pays en
voie de développement, mais apparaissent
dans presque toutes les catégories de ser-
vices commerciaux.
L'Europe est le principal partenaire commer-
cial des PM en ce qui concerne les échanges
de services. En 2001, plus de la moitié des
arrivées de touristes en Egypte et en Tunisie
étaient des citoyens de l’UE. Pour le Maroc et
la Jordanie, la part du tourisme européen
était, respectivement, de 42% et 12%
(Eurostat, 2002). En 2002, plus de 80% des
recettes touristiques de la Tunisie prove-
naient du tourisme européen. Dans le cas du
Maroc, pour la même année, ses exporta-
tions de services vers l'UE se chiffraient à
2,2 milliards d'euros, principalement du tou-
risme, alors qu'il importait pour un montant
de 1,3 milliards d'euros de services d’affaires
et de transport.
La part des pays nouvellement entrés dans
l’Union (6%) est supérieure à celle des PM
(4%) dans les échanges de services avec l’UE
à 15. Ceci s’explique par la libéralisation réus-
sie du secteur des services des premiers dans
la perspective de l’adhésion à l’UE, mais aussi
par l’instabilité politique dans les pays du
Egypte Tunisie MarocTransports 7 18 ..Voyages 9 19 15Communication 4 .. 14Construction 8 17 .. Informatique 9 12 ..Assurances .. .. ..Services financiers 11 12 ..Brevets et droits d'auteur 8 15 10Autres services commerciaux 10 19 ..Services culturels, services à la personne, loisirs 10 15 ..Source: UNCTAD (2002)* A l'exception des économies en transition de l'Est de l'Europe
Figure 7 : Commerce de services del’UE avec les PM
13,1
11,911,510,4
-1,6 -1,5
-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
14
2001 2002
Imports Exports Balance
Tableau 12 : Place dans les 20 premiers exporateurs de services parmi les pays endéveloppement*
-71-
Mashrek, dont a pâti l’activité touristique. Il
faut souligner que l’UE-15 enregistre un sur-
plus de sa balance des services avec les PM.
Dans le domaine des services de transport
(presque 22% des exportations mondiales de
services commerciaux), les performances
des PM sont faibles comparativement à celles
d’autres régions du monde. La domination
qu’exerce le secteur public dans les secteurs
des services de transport maritime et aérien,
l’absence de compétition et le manque d’effi-
cacité des infrastructures de transport sont
autant de facteurs qui empêchent les PM
d’exploiter l’avantage de leur position géo-
graphique, en particulier leur proximité du
marché européen.
Une analyse des avantages comparatifs révé-
lés (ACR) dans les services montre que les PM
ont un potentiel considérable dans ce domai-
ne, surtout l’Egypte et la Jordanie, puisque la
part des services dans les exportations totales
est, pour l’Egypte, plus du triple de celle que
l’on enregistre au niveau mondial et, pour la
Jordanie, plus du double (Femise, 2003). Les
études basées sur le calcul d’ACR utilisent les
structures et les flux commerciaux présents,
qui sont contraints par les réglementations et
les barrières commerciales existantes. De ce
fait, les mesures obtenues de la capacité d’ex-
portation des pays retenus souffrent d’un biais
intrinsèque (Smith, 2000). La libéralisation
des échanges de services dans les PM pourrait
donc se révéler beaucoup plus bénéfique que
prévu. C’est pourquoi ce secteur devrait tenir
une plus grande place dans l’élaboration des
plans de développement des pays du sud
méditerranéens.
Une fenêtre d’opportunité pour une intégra-
tion économique régionale plus poussée
L’intégration économique régionale entraîne
des bénéfices significatifs pour les pays en
développement, particulièrement dans le
domaine des échanges, des effets d’entraîne-
ment sur la connaissance, de la dynamisation
des réformes et de la modernisation écono-
mique, et de la hausse des flux d’IDE.
L’ancrage externe des réformes économiques
est également un avantage majeur des initia-
tives d’intégration régionale, particulièrement
dans le cas de l'intégration nord-sud. Selon
Muller-Jentsch (2003), le fonctionnement plus
efficicace des institutions et de la régulation du
nord pourraient aider les PM en servant de
guide aux efforts de réforme du Sud.
Le cas des économies en transition d’Europe
centrale et de l’est est un bon exemple pour
déterminer les avantages d’une intégration
plus poussée, qui va au delà de la création
d'une zone de libre échange (ZLE) - comme
proposé dans le cadre des accords d'associa-
tion euro-méditerranéens - pour inclure une
mise en cohérence des lois, des règlements
et des institutions, afin de minimiser, voire
d’éliminer, les barrières non-tarifaires et,
dans le même temps, de préparer les écono-
mies nationales à devenir les éléments indis-
pensables d’un bloc économique élargi.
Les pays anciennement candidats et les PM
ont un certain nombre de points communs.
Dans les premiers, le secteur des services est
le principal contributeur à la valeur ajoutée et
compte pour une large part des exportations.
Ces pays sont passés d’une économie contrô-
lée par l’Etat à une économie de marché. A la
différence des « tigres » d’Asie du sud-est, ils
ont commencé leur transition vers la fin des
années 80 et le début des années 90, à un
moment où les progrès rapides de la globali-
sation (et la croissance concomitante du
commerce et des flux d’IDE) ont donné une
nouvelle dimension au concept de compétiti-
vité internationale. En outre, le principal par-
tenaire commercial de ces pays est tradition-
nellement l'UE-15, un ensemble qui a un
-72-
cadre bien développé de politiques et de
règlements qui constituent le coeur du mar-
ché unique européen.
Les avantages de l’intégration européenne
pour ces pays (AC10 dans la suite) peuvent
se résumer en trois points. En premier lieu,
les AC10 ont dû entreprendre des réformes
structurelles et législatives significatives
pour harmoniser leurs réglementations avec
« l’acquis communautaire » de l'UE – soit
l’ensemble du corpus juridique de l’UE. Ils
ont réussi à utiliser le processus d’intégra-
tion pour guider leurs réformes domes-
tiques. Ces transformations (sur une période
de temps relativement courte) se sont incar-
nées dans des performances économiques
plutôt bonnes, même dans des phases de
ralentissement économique au niveau mon-
dial. En 2001, la plupart des régions du
monde ont souffert d’une contraction de
leurs exportations de biens, exceptées la
Chine et les économies en transition dont la
croissance annuelle était respectivement de
7% et de 5%.
En second lieu, ces économies ont su détour-
ner en leur faveur une partie considérable du
commerce européen – en profitant des déloca-
lisations (OPT) – et des IDE. Actuellement,
l’UE-15 compte pour deux tiers des échanges
commerciaux des AC10. Ces derniers attirent
des flux d’IDE importants et leurs industries
sont étroitement intégrées dans les chaînes de
production de l’UE (Muller-Jentsch, 2003). Le
commerce entre l'UE et les pays anciennement
candidats s’élevait presque à 500 milliards de
dollars US en 1980, puis 1 050 milliards en
1990 et 1 670 milliards en 2001. Ces chiffres
représentent respectivement 28%, 33%, et
34% du volume total des échanges de biens
des deux zones (UNCTAD, 2002).
En troisième lieu, la libéralisation des
échanges de services a été au coeur du pro-
cessus de réforme, où elle a déclenché et
facilité la réforme de la réglementation dans
des secteurs importants (transport, marchés
financiers, services, etc.) qui ont une influen-
ce directe sur l'efficacité économique.
La leçon qui peut être tirée de tout ceci est
que la libéralisation des échanges de services
dans les PM devrait être envisagée comme
l’opportunité d’une intégration plus profonde
avec l'UE. Des échanges de services plus
dynamiques sont un préalable à l’augmenta-
tion de la compétitivité des exportations de
biens. Les services étant une activité clef
dans les économies modernes (particulière-
ment le transport et la logistique, les
voyages, les services financiers, les services
d’affaires et professionnels, etc.), leur com-
pétitivité détermine largement celle des
exportations de biens. Comme mentionné
plus haut, les croissances des exportations
de biens et de services sont significativement
corrélées, ce qui montre l’existence d’une
certaine interdépendance.
L'information disponible indique que les AC10
sont une destination privilégiée pour les IDE
liés à la production de biens intermédiaires,
qui sont ensuite réexportés vers l’UE. Ceci
prouve que la réduction des coûts de transac-
tion avec les AC10 (en grande partie suite à la
libéralisation réussie de divers secteurs de
services) a été un facteur crucial d’attraction
des IDE, tandis qu'un environnement des
affaires défavorable, couplé à un rythme lent
de libéralisation des services et un program-
me de privatisation ralenti, se sont traduits
par de faibles flux d’IDE vers les PM. Le niveau
modeste des activités de délocalisation vers
les PM est le résultat prévisible de cette situa-
tion. Cependant, le Maroc et la Tunisie font
figure d’exceptions à cet égard, puisqu’ils ont
bénéficié du processus de délocalisation des
activités apparu en Europe (Hoekman et
Djankov, 1998). Une accélération de la libéra-
-73-
lisation des services dans ces deux pays pour-
rait être fructueuse du point de vue de leurs
ambitions d'intégration avec l'UE.
En ce qui concerne les activités d'OPT, la
concurrence entre les PM et les AC10 pourrait
être forte, du fait des similitudes de leurs
avantages respectifs, à savoir le coût de la
main-d'oeuvre bas et la proximité géogra-
phique de l'UE (Fabbris et Malanchini, 2000).
Etant donné que certaines études ont prouvé
que les IDE dans le secteur des services
accompagnent habituellement les IDE dans
le secteur de la production, une libéralisation
trop timide du secteur des services peut
avoir « un effet dual d’éviction des IDE »
(Ghoneim, 2003).
De plus, les PM pourraient choisir d’aller au-
delà des exigences des accords d'association
euro-méditerranéens et utiliser le cadre de
réglementation de l’UE comme une ancre
externe pour leur propre réforme, ce qui per-
mettrait d’envisager une intégration plus pro-
fonde. Le poids du secteur des services dans
l’activité économique des pays de l’UE comme
des PM est élevé. La libéralisation des ser-
vices pourrait être un puissant catalyseur de
l’intégration PM-UE, mais ceci exige des
réformes radicales dans le cadre de la régle-
mentation des PM. L’efficacité économique
dans les PM est minée par la prédominance
des obstacles au libre fonctionnement du
marché (structures monopolistiques, externa-
lités, biens publics) et l’omniprésence du gou-
vernement (droits d’exclusivité, entreprises
d’Etat mal gérées, lenteurs de la bureaucra-
tie) (Muller-jentsch, 2003). Par conséquent, il
est urgent d’approfondir la réforme et d’accé-
lérer l’ajustement structurel.
Utiliser l’acquis communautaire pour guider
la réforme dans les PM serait bénéfique
dans la mesure où cela inclut les méca-
nismes de supervision et de gestion des
risques, qui assurent déjà l'harmonisation
des systèmes de réglementation nationaux
des pays participants au marché unique.
Des instruments puissants, tels que les poli-
tiques de concurrence et d’aide de l’Etat,
comme les procédures officielles de recours
en cas de manquements aux règles de l’UE,
sont utiles à cet égard. D’autres instru-
ments, reposant sur les exercices de bench-
marking, et le jeu des pressions entre gou-
vernements ont également été employés
pour stimuler la réforme du cadre juridique.
Un autre avantage du cadre juridique de
l’UE est qu'il « a été explicitement conçu
pour être transposable à d’autres systèmes
juridiques nationaux » (Muller-Jentsch,
2003). En conclusion, il faut noter qu'ancrer
les réformes domestiques au modèle de l’UE
contribuera non seulement à une intégra-
tion plus profonde avec l’UE, mais facilitera
également l'intégration économique entre
les PM ; ce qui est un but en soit.
Libéralisation des services : un catalyseur de
la modernisation économique
L'inefficacité dans le secteur des services
représente de fait un impôt prohibitif pour
l'économie domestique (OCDE, 2001). La
libéralisation du commerce (des biens et ser-
vices) et de l’investissement est positive pour
les performances de l’économie en général
via une hausse de l’efficacité de l’allocation et
de l'utilisation des ressources, l'amélioration
de la qualité et de l'innovation et la réduction
des positions de rente.
Une idée fausse assez répandue voudrait que
la libéralisation des services ne soit pas pro-
fitable aux pays en voie de développement.
Des considérations sociales, associées à des
préoccupations concernant les inefficacités
enregistrées dans différents secteurs de ser-
vices (qui ont un impact négatif sur la capa-
cité à faire face à la concurrence), ont nourri
-74-
cette perception erronée. Les préoccupations
sont certes justifiées, mais leurs implications
sont souvent mal comprises. D'une part, en
raison de l’intensité en main d’œuvre des
activités de services, les pays en développe-
ment possèdent un réel avantage comparatif
du fait de l'abondance de travail et de la fai-
blesse des salaires (Neilson et Taglioni,
2004). D'autre part, la libéralisation des ser-
vices ne nécessite pas la mise en cause d’un
rôle fort de l'Etat, mais plutôt sa redéfinition
puisque, de fournisseur de services, il doit se
transformer en autorité de régulation de l'ac-
tivité du secteur privé. À cet égard, les
termes libéralisation et déréglementation ne
sont pas interchangeables (OCDE, 2001). Ce
que les pays en développement doivent
rechercher, c’est une nouvelle forme de
réglementation des services qui permette
une participation du secteur privé, tout en
instituant des mécanismes de contrôle et de
suivi efficaces.
Comme souligné précédemment, la libéralisa-
tion des services dispense des bénéfices qui
s’étendent à l’ensemble de l’économie et sur-
passent ceux issus de la seule libéralisation
des échanges de biens, en particulier du point
de vue du bien-être. Une étude de la Banque
Mondiale a estimé, pour les pays en dévelop-
pement, à 9,4% du PIB, les gains potentiels
en termes de revenu que pourrait générer la
libéralisation des services (Banque Mondiale,
2002). En outre, ces gains pourraient s'ac-
croître suite à la libéralisation des échanges
connexes et des services de transport.
En Tunisie, la hausse du revenu réel atten-
due, selon la portée et la profondeur de la
libéralisation des services, pourrait se situer
entre 2,2% et 9,2% de PIB. Mais ces gains
considérables ne se matérialiseront que si
des réformes sont menées, afin de gommer
les restrictions d'accès au marché des ser-
vices de télécommunications, financiers et
d’affaires (Konan et Maskus, 2002). Dans le
cas de l'Egypte, les gains potentiels s’étalon-
neraient entre 1,1% et 6,5% du PIB (Banque
Mondiale, 2003).
Une stratégie de réforme visant à re-régle-
menter le secteur des services devrait se
donner comme premier objectif l'utilisation
de services plus efficaces, susceptibles de
dynamiser les exportations de biens (coûts
de transaction inférieurs, équipements de
transports plus efficients et moins coûteux)
et s’engager dans un processus d’intégration
poussée avec l’UE. Ceci exigera une analyse
précise des lois et des règlements de l’UE et
une évaluation de leur compatibilité avec les
cadres de réglementation nationaux de
chaque PM. Ainsi, l’ampleur de l’ajustement
nécessaire pourra être connue. En outre, le
rythme et le calendrier des réformes sont des
éléments déterminants d’une libéralisation
réussie et devront être fixés (Neilson et
Taglioni, 2004). De ce point de vue, l'expé-
rience des pays nouvellement membres de
l’UE peut servir à identifier le calendrier et les
priorités de la réforme sur la base de leur
expérience d'accession à l’UE.
Le rôle de l'Etat, dans ce contexte, serait de
s’occuper de la surveillance et de la régula-
tion de l'activité du secteur privé. La privati-
sation des monopoles d'Etat dans certains
secteurs de services et la disparition des res-
trictions d'accès au marché sont des pré-
requis fondamentaux à l’apparition d’une
concurrence saine au sein du secteur privé.
La re-réglementation devrait se focaliser sur
des secteurs à haut potentiel de croissance,
tels que le tourisme et les activités de loisir,
le transport et la logistique, les services
financiers, les télécommunications, et autres
services d’affaires. Etant donné que les ser-
vices de tourisme et de transport constituent
actuellement le noyau dur des exportations
-75-
des PM, la réforme devrait porter prioritaire-
ment sur ces deux secteurs dès le début du
processus.
En ce qui concerne le tourisme, la plupart
des PM ont perdu des parts de marché au
profit d’autres destinations, particulièrement
d’Europe et d’Asie centrale. Pour certains de
ces pays, le rapport de leurs recettes touris-
tiques au PIB a triplé. En dépit du potentiel
touristique significatif de certains PM, leurs
résultats sont décevants du fait d’une infra-
structure sous-développée, d’un marketing
inefficace et de l'insécurité dans la région.
Cependant, les efforts récents de la Jordanie
pour améliorer l'infrastructure et le marke-
ting ont été couronnés de succès (Banque
Mondiale, 2003).
Le potentiel de développement des activités
liées au tourisme dans les PM pourrait être
stimulé par divers facteurs, à savoir la libéra-
lisation des IDE se dirigeant vers ce secteur,
l’amélioration de l'infrastructure et des télé-
communications, la réduction des impôts, et
une coopération et une coordination accrues
entre les PM dans le domaine de la promotion
(ESCWA, 2001). Cependant, les entraves
propres à chaque PM conditionnent leur
capacité à réaliser leur potentiel.
La réforme du secteur des transports : des
avantages qui vont au-delà de la libéralisa-
tion des échanges de services
La réforme du secteur des transports n’est
pas supposée seulement accroître les expor-
tations de ce type de services, mais aussi
créer des externalités importantes pour l'effi-
cacité de l’économie dans son ensemble. Elle
se répercute sur les résultats à l’exportation
pour les biens des PM, leur capacité à attirer
des IDE dans les services et l’industrie, et
leur degré d’intégration dans les chaînes de
production internationales et dans l’industrie
logistique qui est actuellement en croissance.
Elle soutient également l’essor des services
de tourisme dans ces économies.
Le secteur des transports dans les PM a deux
caractéristiques principales : (i) l’essentiel de
la circulation transfrontalière se fait par air ou
par mer ; et (ii) la concentration du trafic sur
quelques ports, aéroports, et voies terrestres
est forte. En outre, un certain nombre de pro-
blèmes persistent. La situation est particuliè-
rement difficile dans les ports, qui présentent
des inefficacités, dans la plupart des PM, agis-
sant comme des barrières non-tarifaires rela-
tivement élevées. Ceux-ci ne peuvent donc
pas exploiter pleinement les avantages de
leur localisation géographique sur les couloirs
internationaux de transport maritime.
Les délais de dédouanement sont une
contrainte forte de l’activité portuaire. Dans
quelques ports des PM, cela prend plus de
temps de faire passer la douane aux mar-
chandises qu'au bateau de venir de Hong
Kong. Le Maroc et le Liban ont pris des
mesures pour réduire ces retards, mais le
dédouanement prend encore 10 à 20 jours,
en moyenne, dans les PM. En outre, les taux
d’utilisation des conteneurs demeurent très
modestes en raison d’une infrastructure por-
tuaire inadaptée et de la lourdeur des procé-
dures douanières. Les coûts de fret sont, en
général, élevés dans les PM, comptant pour
plus de 10% de valeur totale d'importation,
excepté pour la Tunisie où ce taux est de
7,3%, mais seulement de 4,7% pour la
Turquie et de 6% au Chili.
Pour ce qui est du transport aérien, les pertes
considérables de certains transporteurs
aériens grèvent le budget des gouverne-
ments d'année en année. Une présence éta-
tique forte, des lourdeurs, une participation
insuffisante du secteur privé et/ou l'absence
de politique de concurrence sont autant de
-76-
facteurs qui expliquent ces performances. Il
est grand temps, pour les gouvernements
des PM, de cesser le saupoudrage et d’établir
une vision globale de la réforme pour le sec-
teur entier autour de trois axes : privatisa-
tion, libéralisation, réforme de la réglementa-
tion. On estime que les PM pourraient gagner
de 3 à 5 milliards d'euros s'ils optaient pour
une telle réforme du secteur des transports,
particulièrement dans les services portuaires.
Les pertes dues à l’inefficacité des systèmes
de transport sont aggravées par le fait que
les activités d'affaires et de fabrication se
fondent de plus en plus sur la production
« juste à temps » et par les stratégies d’ex-
ternalisation, pour lesquelles une industrie
logistique performante est indispensable et
accroît l’attractivité du pays pour les IDE.
L'inefficacité des systèmes de transport, dans
les PM, explique pourquoi ils sont écartés de
la délocalisation relativement à d'autres
régions concurrentes, comme les économies
en transition d’Europe de l'Est, l’Asie de l'Est,
et l’Amérique latine.
Récemment, un fabricant allemand de véhi-
cules a modifié sa décision d’implantation
d’une usine d'assemblage de la Tunisie vers
la Roumanie, en raison des capacités logis-
tiques et de transport supérieures de cette
dernière, qui ramènent le cycle de produc-
tion-livraison de 9 à 6 jours. Etant donné que
78% des firmes européennes et 58% des
firmes américaines font appel à des fournis-
seurs de service de logistique, l'importance
de la réforme du secteur des transports ne
doit pas être sous-évaluée si les PM veulent
réaliser leur potentiel en attirant des IDE des
deux plus importantes sources de flux :
l'Europe et les Etats-Unis.
En conclusion, une stratégie intégrée de
réforme du secteur des transports devrait
comporter les éléments suivants : (i) en com-
plément de la zone de libre-échange avec
l’UE, les PM devraient se fixer comme objectif
la création d’un espace commun de transport
avec l’UE, en particulier dans les domaines du
transport maritime et aérien. Ceci pourrait se
faire en adoptant la réglementation euro-
péenne dans ces secteurs qui est considérée
internationalement comme une des plus effi-
cace ; (ii) certains ports et aéroports, en plus
d'un réseau de base de routes et de chemins
de fer, devraient être choisis comme cibles
privilégiées de la réforme politique et des
interventions coordonnées sur les infrastruc-
tures ; (iii) les contrôles des douanes étant
une des principales sources de perturbations
dans les chaînes de transport régionales, au
lieu de se concentrer uniquement sur les nou-
veaux investissements d'infrastructure dans
les ports, il faudrait initier en parallèle une
politique de réforme et de révision de la
réglementation de l'activité portuaire afin
d’en augmenter l'efficacité ; (iv) l’harmonisa-
tion des régimes douaniers et des normes de
produit devrait également être au cœur du
processus de réforme ; (v) dans le secteur
aérien, une meilleure insertion dans les
réseaux internationaux du trafic est nécessai-
re, ainsi que la recherche de nouveaux itiné-
raires, de droits au trafic et de capacité, ou
encore la création d’alliances pour réduire les
coûts au sein de différentes lignes aériennes
dans la région ; (iv) les PM devraient égale-
ment ratifier et mettre en place un grand
nombre de conventions internationales qui
facilitent le commerce et le transport trans-
frontaliers ; et (vii) il existe un besoin évident
de données complètes et fiables, comprenant
toutes les statistiques de performance qui
permettent de mener un exercice de bench-
marking et, en même temps, de surveiller et
d’évaluer de la portée et du rythme de la
réforme.
Compte-tenu de tous les arguments présen-
tés auparavant, l’importance du secteur des
-77-
services ne doit pas être mésestimée. Sa
libéralisation va nécessairement créer des
gains significatifs pour les pays du sud, qu’il
s’agisse de gains directs en termes de reve-
nu ou de l’émergence de mécanismes favori-
sant l’intégration nord-sud comme l’intégra-
tion sud-sud. Il est donc indispensable que
les gouvernements placent le secteur en tête
sur la liste des réformes. La priorité doit être
donnée à une vision claire de la couverture
sectorielle et de la séquence de libéralisation.
Une action immédiate est incontournable, si
les PM souhaitent sérieusement s’intégrer
dans l’économie globale.
2. Une manne sous-exploitée : les transferts
des migrants
Le rôle des transferts des migrants dans
l’équilibre des balances des paiements de
Méditerranée, compte-tenu de leur montant,
a été maintes fois souligné. Or, dans le même
temps, il a été également remarqué l’insuffi-
sance des ressources financières investies
productivement. Une question simple peut
dès lors être envisagée : celle de l’utilisation
pour le développement de ces fonds.
Dans les PM, les transferts de fonds des tra-
vailleurs peuvent avoir une influence négati-
ve sur l’équilibrage des comptes externes, si
la hausse de la demande qu’ils génèrent ne
rencontre pas l’offre domestique et qu’elle se
traduit par une augmentation des importa-
tions si elle se porte sur les biens échan-
geables, ou sur le niveau de l’inflation si la
demande supplémentaire se porte sur les
biens non échangeables. C’est le fameux
« Dutch disease effect ». De plus, dans des
pays comme les PM, où souvent plus de 10%
de la population est considérée comme
pauvre et est très vulnérable à la conjonctu-
re économique, ces flux sont cruciaux et évi-
tent une aggravation importante de la pau-
vreté dans les phases de ralentissement ou
de récession économique liées à certains
types de chocs (interne, notamment). Ces
aides peuvent certes créer des disparités de
Figure 8 : Evolution des flux de la balance des paiements des PM (médiane des PMhors Israël)
-15 000
-10 000
-5 000
0
5 000
10 000
15 000
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
mill
ions
dolla
rs U
S
Financement public externe net Financements privés bancaires & commerciaux nets Investissements directs netsInvestissements de portefeuille nets Envois nets de fonds des travailleurs
Source : FMI, IFS et BOPS, diverses années
-78-
revenu, ce qui encourage encore l’émigra-
tion, mais elles ont également des effets
d’entraînement sur le développement de
l’économie, via l’achat de logement ou de
nourriture. La dépendance du pays vis-à-vis
de l’extérieur, en termes de bien-être comme
de stabilité économique, peut s’accroître.
Reste que ces flux reflètent des comporte-
ments que les pays ne pourront pas influen-
cer, qu’ils peuvent notablement contribuer à
dynamiser l’économie (Koc et Onan, 2004,
pour la Turquie) et qu’ils présentent des
avantages considérables sur les autres flux
d’investissement internationaux :
√ leur évolution n’est pas corrélée avec
celle du cycle des pays receveurs,
contrairement à celle des IDE ou des
autres sources de financement externe,
bien qu’elle dépende en partie de la
conjoncture internationale et du cycle
du pays émetteur (Global Development
Finance, 2003).
√ Leur montant est relativement stable
donc prévisible (Buch, Kuckulenz et Le
Manchec, 2002). Les flux de transferts
qui ont pour objectif la consommation
sont réputés plus stables et plus forte-
ment contra-cycliques que ceux desti-
nés à l’investissement. Le montant de
ces fonds est, d’ailleurs, suffisamment
prévisible pour que des emprunts sur
les marchés internationaux y soient
adossés, au même titre que les recettes
d’exportation ou de vente de pétrole par
exemple, et qu’ils permettent d’obtenir
des conditions de prêts sensiblement
plus favorables (Ratha, 2002, Ketkar et
Ratha, 2001).
√ Le motif de diversification des actifs qui
a été invoqué pour expliquer l’arbitrage
fait, par les travailleurs à l’étranger,
entre des achats de titres et de biens
dans leur pays d’accueil et dans leur
pays d’origine n’est pas toujours vérifié.
Ceci signifie que les écarts de taux d'in-
térêt ou de rendement entre le pays
d’origine et le pays d’accueil ne détermi-
nent pas systématiquement le montant
des flux rapatriés. C’est, par exemple, le
cas du Maroc, qui devrait donc continuer
à bénéficier des considérables rapatrie-
ments de fonds des travailleurs émigrés,
lesquels varient plutôt en fonction des
salaires, des projets de vie (maison,
entreprise) et des besoins de la famille
(Bouhga-Hagde, 2004).
√ Ces fonds permettent de palier à cer-
taines défaillances du système financier
et d’assurance local, par exemple parce
qu’ils servent à éviter une chute des
revenus du foyer en cas de sécheresse
ou à convaincre les banques d’accorder
un prêt. Stark et Bloom (1985) mon-
trent que les faiblesses du marché du
crédit, qui pèsent sur le développement
d’une production locale du fait de son
étroitesse ou d’une capitalisation insuf-
fisante pour profiter du progrès tech-
nique, peuvent être une incitation puis-
sante pour une famille à envoyer cer-
tains de ses membres travailler à
l’étranger. Les rapatriements des flux
des travailleurs peuvent donc stimuler
l’essor et la création des PME du pays
bénéficiaire et, par ce biais, de la pro-
duction et de l’emploi.
√ L’allocation des fonds des travailleurs à
l’étranger peut se révéler plus efficace
que celle des banques, dont les préfé-
rences vont souvent aux entreprises
dotées d’une surface financière consé-
quente et/ou aux entreprises publiques.
Elle peut aussi être plus efficace que
celle des investisseurs étrangers ne dis-
posant pas d’une information gratuite,
parfaite et complète du marché. Le pro-
blème de l’asymétrie et du coût de l’in-
formation serait donc moindre ici.
√ Les devises collectées peuvent alléger
les difficultés d’expansion du commerce
-79-
international, qui dérivent souvent d’un
manque de devises (Tunisie). Elles peu-
vent aussi avoir un impact sur l’évolu-
tion du crédit à l’économie domestique
et à l’investissement des banques qui
bénéficient de liquidités additionnelles.
Il est cependant extrêmement important de
mieux connaître et piloter leur influence
directe et indirecte sur la croissance et l’in-
vestissement nationaux, qui est potentielle-
ment conséquente puisque l’Egypte, la
Jordanie, le Maroc et la Tunisie reçoivent tra-
ditionnellement plus de rapatriements de
revenu des travailleurs que d’IDE ou de
financement public ou des banques.
Une telle analyse a fait l’objet d’une
recherche financée par le Femise et dirigée
par la Roskilde University (Danemark).
Ainsi, le point de vue du Femise est qu’il est
possible d’améliorer l’apport des transferts
des migrants en :
√ maintenant la stabilité macroécono-
mique, notamment en agissant pour
amortir les effets des chocs exogènes
sur l’économie. L’importance de la par-
tie investie de ces fonds dépend, en
effet, du contexte macroéconomique de
l’économie récipiendaire. Elle dépend
aussi du degré de liberté des mouve-
ments de capitaux. Une amélioration de
ces facteurs peut sensiblement dynami-
ser ces flux comme l’atteste l’expérien-
ce des Philippines ;
√ incitant les banques à offrir des possibi-
lités de placement intéressantes et
variées. L’intermédiation de ces fonds
est relativement déficiente dans les PM
(cf. la recherche menée par la Roskilde
University), la gamme des produits pro-
posés est mal connue et ne répond pas
aux différentes motivations qui sous-
tendent les transferts de fonds, d’où
l’allocation non optimale de ces res-
sources révélée par les enquêtes ;
√ réduisant les coûts de transfert de
fonds. Selon les études, ils absorbent
souvent plus de 20% des fonds transfé-
rés. Pour la Banque Mondiale (GDF,
2004), réduire ces coûts de 5% pourrait
accroître les rapatriements de 3,5 mil-
liards pour les pays en développement
pris dans leur ensemble.
Un environnement macro-économiquefavorable, des instruments financiersinnovants et un partenariat internatio-nal pour canaliser le rapatriement desrevenus des travailleurs vers le dévelop-pement local.
Dirigée par Roskilde University,Danemark
La question des migrations en Méditerranéeest, depuis longtemps, connue, suivie et éva-luée. Ses raisons socioéconomiques et sesimpacts divers (allant de la démographie auxaspects politiques, économiques et sociaux)ont été largement analysés. En dépit desapproches différentes, force est de constaterune convergence des conclusions : le problè-me des migrations pourrait devenir explosif,pour toute la zone, au début du siècle, et sesconséquences doivent être gérées aujour-d’hui. Le risque représenté par la « bombedémographique » n’est plus une probabilité.Il est avéré, comme l’attestent, chaque jour,les dramatiques évènements qui ont lieu surles côtes espagnoles et italiennes du bassinméditerranéen.
Les motivations de la migration sont forte-ment liées à l’impact de la mondialisation surla région, qui entraîne la marginalisation éco-nomique des espaces périphériques et ladéstabilisation politique de certains pays etrégions. Les manques du processus deBarcelone et la perte d’influence de l’UnionEuropéenne sur la région qui en découle ontréduit l’ensemble du processus de « partena-riat » euro-méditerranéen d’une « prospéritépartagée » à la mise en place d’une « zonede libre-échange » et de politiques de priva-tisation, avec les impacts sociaux négatifsque cela comporte. Il est démontré que lesflux migratoires en provenance du Sud de laMéditerranée sont dus à deux types de fac-teurs : marginalisation et déstabilisation ausud, concentration économique et richesseau nord.
-80-
l’ont été pour diverses raisons. L’Italie est lepays qui accueille le plus de migrants parmiles pays du Sud de l’Europe, et le Danemarkle second, après la Suède, parmi les paysscandinaves. Les différentes traditions natio-nales en matière de politiques d’intégration etd’opportunités de gagner leur vie offertes auxmigrants permettent d’étudier la nature et lesformes des transferts de fonds, ainsi que leurimpact sur les économies des pays d’origine.
(iii) Le montant et la destination des trans-ferts de fonds
Les flux de transferts au Maroc sont donnéspar la figure 9. Le tableau 13b donne les résul-tats de la comparaison entre les transferts defond et les autres flux de la balance des paie-ments. Des résultats similaires sont obtenusen analysant les transferts de fonds opérés parles travailleurs migrants tunisiens (figure 10).
(iv) Les canaux choisis pour le rapatriementdes fonds
Il n’y a pas de canal spécifique ou privilégiépour les transferts de fonds. Cette situationse traduit par un besoin mal défini et insatis-fait de services bancaires et financiers de lapart des migrants. Les services financiers etpostaux des deux pays, en particulier enItalie, sous-estiment le potentiel de ce seg-ment de marché. Les « coûts detransaction » sont donc relativement élevéset, souvent, les transferts de fonds s’opèrentvia des canaux informels ou en recourrant àdes services coûteux, comme ceux offertspar la Western Union. Seul le Maroc a établi,via ses banques, un système spécifique pour
L’objet de cette recherche est d’explorer lesnouveaux liens économiques et financiers tis-sés par les migrants entre deux pays euro-péens (Danemark et Italie) et deux pays par-tenaires (Maroc et Tunisie), et d’analyser lesdifficultés et les opportunités créées. Les tra-vaux se sont donc attachés à analyser (i) lacomposition des flux migratoires, (ii) leur ori-gine et destination, (iii) le montant et la des-tination des revenus rapatriés, (iv) lescanaux choisis pour le transfert financier,(v) l’usage des fonds dans les pays receveurset les différents types d’« investissement »,(vi) le rôle des transferts de fonds dans ledéveloppement local et, enfin, (vii) les ensei-gnements possibles pour les politiques euro-méditerranéennes.
(i) La composition des flux migratoires
Il est bien établi qu’une minorité de la popu-lation des pays défavorisés est concernée parl’émigration. La composition des flux d’émi-gration des pays concernés par cetterecherche démontre que les migrants sontprincipalement des hommes issus de la clas-se moyenne, généralement qualifiés. Parlerde « fuite des cerveaux » est donc appropriéquand on se penche sur l’impact de l’émigra-tion sur le potentiel intellectuel et techniquedu pays d’origine. Parfois, le départ dumigrant est encouragé par toute la famille etles amis. Il est perçu comme un investisse-ment familial, destiné à accroître les res-sources et améliorer les conditions de vie.C’est pourquoi les migrants conservent desliens étroits avec leurs familles et amis restésau pays d’origine, qui se traduisent par destransferts de fonds vers le pays d’origine.
(ii) L’origine et la destination desflux migratoires
Les deux pays retenus, le Maroc et laTunisie, appartiennent au Maghreb.Leur comportement migratoire secaractérise par une forte propensionà émigrer vers la France en priorité,puis vers d’autres pays européens,comme l’Allemagne, l’Espagne,l’Italie et les pays scandinaves. Lesdeux pays européens choisis pourcette étude, l’Italie et le Danemark,
Table 13b : Comparaison des transferts des travailleurs avec d’autres flux de labalance des paiements, en millions de dirhams marocains.
1998 1999 2000 2001 2002Phosphates et dérivés 12 573 13 346 12 924 13 238 13 908Transferts de fonds 19 311 19 002 22 962 36 858 35 513Voyages et tourisme 16 754 19 112 21 666 29 196 24 702IDE 5 433 18 460 12 640 33 260 6 206
Source : http://www.oc.gov.ma/MRE_annees.htm
Tableau 13a : Transferts des travailleurs vers les 10premiers pays en développement receveurs
Inde 10,0 Tonga 37,3Mexique 9,9 Lesotho 25,5Philippines 6,4 Jordanie 22,0Maroc 3,3 Albanie 17,0Egypte 2,9 Nicaragua 16,2Turquie 2,3 Rep. du Yemen 16,1Liban 2,3 Moldavie 15,0Bangladesh 2,2 Liban 13,8Jordanie 2,0 Salavador 13,8Rép. Dominicaine 2,0 Cap Vert 13,6
Maroc (13ème) 9,7
En millions de $ US En pourcentage du PIB
Source : Banque Mondiale, 2003
-81-
le transfert de fonds. Les informations obte-nues montrent que les transferts proviennentdes banques, pour le Danemark, et de laWestern Union, pour l’Italie.
(v) Le rôle des migrants dans le pays d’origine
Les populations émigrées assurent différentsrôles économiques dans leur pays d’origine,par les transferts de fonds, mais égalementpar d’autres formes d’engagement écono-mique, en tant que : √ investisseurs dans des projets de petites
et moyennes entreprises locales ;√ consommateurs de marchandises en pro-
venance du pays d’origine ;√ consommateurs de services de transport,
tourisme et communication ;
√ promoteurs d’initiatives sociales ;√ sources de revenus supplémentaires pour
leur famille.
L’usage des transferts de fonds dans les paysreceveurs et les différentes formes de l’in-vestissement sont :√ la construction ou extension de résidences
d’habitation ;√ la consommation de productions locales
ou importées ;√ le remboursement des dettes ;√ la construction de résidences secondaires
dans des zones touristiques (pour se logerlors des vacances, mais également pour lalocation touristique) ;
√ l’investissement dans de petites entre-prises, principalement dans les services
Figure 9 : Flux de transferts des travailleurs au Maroc entre 1980 et 2002, en mil-lions de dihrams marocains.
0
3000
6000
9000
12000
15000
18000
21000
24000
27000
30000
33000
36000
39000
19801981
19821983
19841985
19861987
19881989
19901991
19921993
19941995
19961997
19981999
20002001
2002
Source : Office de Changes, http://www.oc.gov.ma/MRE_annees.htm
Figure 10 : Transferts des travailleurs tunisiens, 1976-2001, recettes de la balancedes paiements (dollars courants)
0
100.000.000
200.000.000
300.000.000
400.000.000
500.000.000
600.000.000
700.000.000
800.000.000
900.000.000
1.000.000.000
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
Source : Elaboration propre à partir de la Banque Centrale de Tunisie, balance des paiements de laTunisie 2001.
-82-
(en fonction des conditions dans le paysd’accueil) ;
√ l’éducation ;√ le développement de la communauté.
(vi) Les mécanismes et facteurs socio-écono-miques des transferts de fonds
Le résultat d’entretiens auprès deMarocains vivant au Danemark depuis plu-sieurs années (si possible toute leur vie)démontre la persistance d’une visionromantique du retour au Maroc et le main-tien de liens, sentimentaux et culturels,relativement forts avec le pays d’origine.Cependant, après qu’ils soient retournéspour quelques mois dans leur pays d’origi-ne, ils reviennent au Danemark où la vieest généralement plus facile et où beau-coup d’entre eux ont tissé de nouveauxliens amicaux et familiaux.
Quelques-unes des personnes interviewéestrouvent difficile et peu intéressant d’inves-tir au Maroc, en raison d’un systèmebureaucratique lent et d’un manque géné-ralisé de transparence. On retrouve desjugements identiques concernant laTunisie. Selon les sondés, les tentativesd’investissement dans divers domaines ontéchoué en raison du poids de la bureaucra-tie et d’un « climat » des investissementspeu propice.
Le rôle des banques, en tant que fournisseurd’informations aux nationaux vivant àl’étranger, est toujours perçu comme tropfaible et inefficace. Cependant, l’ensembledes personnes interviewées partage l’idéeselon laquelle elles pourraient envisager d’in-vestir dans leurs pays d’origine, si elles dis-posaient des informations nécessaires et sielles étaient incitées à le faire.
Figure 11 : Le cycle des transferts et les acteurs
EXPEDITEURdans le pays
d'accueil
INTERMÉDIAIRES DE TRANSFERTS DE FONDS
(Western Union, Banques,canaux informels)
MENAGE
dans le paysd'origine
1
3
2
Flux retournant vers le paysd'accueil des migrants, sousforme de biens importés
1
Associations dansla ville natale
Fournitured'assistance
Participation du gouvernementau travers d'incitations
Figure 12 : Deux hypothèses pour la prévision des flux de transferts des tra-vailleurs
Stage ofmigratoryproject
Amountofmoney
remitted
initial final
higher
lower
Remittancestrendflow from migrantcommunitiesin countriesof recentimmigration
Stage ofmigratory
project
Amount ofmoney
remitted
initial final
higher
lower
Remittances trend - flow from migrant communities in countries of oldimmigration
Tendance des flux de revenus des communautés de migrants dansles pays d’immigration ancienne
Tendance des flux de revenus des communautés de migrants dansles pays d’immigrations récente
MontantTransféré
MontantTransféré
Plus élevéPlus élevé
Moins élevé Moins élevé
Etape duprojet demigration
Etape duprojet demigration
Initial Final Initial Final
-83-
La situation en Italie est plus complexe ethétérogène, en raison de la grande diversitédes situations économiques et sociales destravailleurs étrangers. Il existe un groupeimportant de travailleurs immigrés faible-ment intégré à la société italienne, occupantdes emplois précaires et irréguliers, et dontla famille proche est généralement restée enTunisie. La très grande précarité de l’emploiet du projet lié à la migration accroît l’impor-tance de la gestion de l’épargne et de sontransfert partiel vers le pays d’origine.Paradoxalement, la situation qui conduit lesmigrants à vivre et travailler dans une zonerestreinte produit une communauté relative-ment conséquente et unie.
Malgré l’irrégularité et la faiblesse relative durevenu moyen, les transferts de fonds sontimportants. Ceci s’explique en partie par lasolidité des liens avec le pays d’origine, qui jus-tifie une fréquence et une régularité plusimportantes des transferts de fonds. Ainsi, lesfonds transférés représentent souvent une res-source essentielle à la couverture des besoinsalimentaires de la famille restée au pays.
De ce fait, la prévision des flux de transfertsde fonds est un élément crucial du processusd’élaboration des politiques économiques etde la définition des instruments et mesuresnécessaires à leur mise en œuvre, afin degarantir leur impact positif sur le développe-ment local.
Si les immigrés poursuivent un projet migra-toire visant à une installation définitive dansle pays d’accueil, les transferts de fondsdevraient se réduire très rapidement (si lespolitiques et les flux migratoires sont restric-tifs). Au contraire, dans les pays d’immigra-tion ancienne, où le projet migratoire étaitconçu comme temporaire (alors que lesmigrants sont restés dans le pays d’accueil),les transferts de fonds se sont accrus avec levieillissement de ceux qui envisageaient leretour au pays une fois retraités.
Ces hypothèses sont très préliminaires,puisque l’échantillon des interviewés n’estpas représentatif, et qu’elles doivent êtretestées au niveau macro-économique.Cependant, elles offrent des indications inté-ressantes sur le besoin d’analyser et de pré-voir les évolutions des transferts de fonds.
(vii) Les possibles enseignements pour lespolitiques euro-méditerranéennes
Les thèmes d’intervention clefs dans le cadredu partenariat euro-méditerranéen peuventêtre identifiés.
La société civile :√ faciliter la reproduction de bonnes pra-
tiques dans le transfert et l’utilisation desfonds pour le développement local ;
√ développer au sein de l’Union Européennedes cadres de coopération décentralisée,disposant de lignes budgétaires se focali-sant en particulier sur une implication plusforte de la société civile, du pays émet-teur comme receveur, dans la promotionet la mise en œuvre de projets de déve-loppement.
Les investissements :√ faciliter la création de cadres d’investisse-
ment pour stimuler les activités de déve-loppement local (effet multiplicateur),comme des coopératives modernes, danslesquelles les migrants peuvent jouer unrôle même s’ils demeurent dans leur paysd’accueil ;
√ établir des partenariats entre les gouver-nements des pays receveurs et émetteurspour canaliser les transferts de fonds versles activités productives créatrices d’em-plois comme l’aide au transfert de techno-logies, ou encore la levée des droits dedouanes sur les biens d’équipementsimportés ;
√ créer des structures de co-développementéconomique en facilitant l’élaboration deprojets réunissant des entrepreneurseuropéens et des migrants ;
√ accroître les flux d’informations sur lesopportunités d’investissement.
Le développement des aptitudes :√ offrir des possibilités de développement
des capacités entrepreuneuriales desmigrants, afin de faciliter l’investissementdans des activités productives ;
√ créer des établissements de formationprofessionnelle, en Europe et dans les PM,afin d’accroître et d’améliorer les compé-tences entrepreuneuriales des jeunesmigrants et de rafraîchir celle desmigrants plus anciens, pour augmenter laprobabilité d’investir et son succès dans lepays d’origine ;
√ multiplier les possibilités d’orienter lesfonds vers des projets de développementde la communauté (appui à la société civi-le locale).
Les mécanismes de transfert :√ réduire les coûts de transaction en intro-
duisant de nouvelles modalités de trans-ferts de fonds (« cash exchange ») encoopération avec l’Union Européenne etles banques méditerranéennes ;
√ développer des produits financiers etd’épargne-retraite pour accroître et amé-
-84-
liorer les possibilités de retour au paysd’origine après le départ en retraite ;
√ améliorer les marchés de transfert defonds (que les mécanismes soient publicsou privés) en réduisant les pertes, lescoûts et les barrières.
(viii) Les enseignements possibles pour faci-liter le transfert et l’utilisation des fonds
Étant donnée l’importance des transferts defonds, les acteurs gouvernementaux et pri-vés doivent développer une nouvelleapproche de la gestion et de l’orientation dela modernisation du système financier et deses instruments pour promouvoir les inves-tissements et le développement du pays. Lesactions à mettre en œuvre portent sur deuxprincipaux domaines d’intervention :
√ améliorer le fonctionnement du secteurfinancier grâce à :
1) la promotion d’une nouvelle politique dusystème bancaire à l’égard des migrants etde leur famille restée au pays ;2) la promotion de partenariats stratégiquesentre les systèmes bancaires et les institu-tions financières du nord et du sud de laMéditerranée ;3) accroître la rapidité des procédures admi-nistratives qui empêchent les migrants d’ac-céder facilement au secteur bancaire de leurpays de résidence (et l’accès de leur familleaux banques de leur pays d’origine) ; 4) essayer de favoriser l’implantation decentres bancaires à bas coûts dans les zonesoù vivent de nombreuses familles bénéfi-ciaires de fonds rapatriés par les émigrés ;5) dans les pays d’origine, obtenir l’engage-ment des banques, des institutions finan-cières (y compris les entreprises de micro-finance et de crédit) et des ministèresconcernés à parvenir à des accords interna-tionaux avec leurs homologues des paysd’accueil, afin d’intégrer les systèmes finan-ciers et d’offrir aux migrants un service com-pétitif, en forgeant des relations de confian-ce réciproque.
√ améliorer la capacité des receveurs àoptimiser l’utilisation des fonds transfé-rés, par :
1) la promotion, dans la ville d’origine, desassociations comme entités autonomes,orientées vers la coordination entre les acti-vités d’aide au développement internatio-nales et l’utilisation collective et productivedes transferts de fonds ;2) le développement, dans les pays d’émi-gration, d’une société civile indépendante,
capable d’interagir effectivement avec le sys-tème financier et les institutions, locales etnationales, en charge du développementlocal ;3) la création de synergies, dans les paysd’accueil, entre le système financier local, lesassociations d’immigrés, les ONG, les gou-vernements locaux et la coopération décen-tralisée, pour créer des mécanismes enmesure d’orienter les fonds rapatriés vers ledéveloppement local des zonesd’émigration ;4) l’utilisation de toutes les opportunitésoffertes par les activités du CSR dans denombreuses banques des pays développés,afin de financer des projets pilotes pourexpérimenter de nouvelles offres d’épargneet de crédit, correspondant aux besoins destravailleurs immigrés ;5) l’implication d’acteurs de la coopérationinternationale pour le développement,comme catalyseurs des engagements detous les acteurs de l’utilisation des fondstransférés pour le développement, en parti-culier les associations de la ville d’origine(offre d’assistance technique, appui à desréseaux Internet internationaux, diffusion deconnaissances sur les services financiers) ;6) la promotion de la collaboration et despartenariats, dans les zones d’émigration,entre les ONG, les institutions locales, lesentreprises de micro-finance et le systèmefinancier formel pour répondre aux besoinsfinanciers des populations qui bénéficient destransferts de fonds.
-85-
3. Les investissements directs étrangers
dans les PM
La vague récente de globalisation s’est tra-
duite par une intégration croissante des éco-
nomies dans le commerce international et
des mouvements de capitaux qui ont atteint
des niveaux sans précédent. En 1970, les
échanges de biens et services représentaient
27% du PIB mondial. En 2001, le rapport a
plus que doublé, atteignant 58%. Une évolu-
tion similaire est perceptible dans les flux de
FDI qui sont passés de 0,5% du PIB mondial
en 1970 à 2,2% en 2001.
Les tendances changeantes du commerce et
de l'investissement, l’apparition et la dispari-
tion d’industries au sein de nations et de
régions, et les avancées révolutionnaires des
technologies de l'information et de la com-
munication ont ajouté de nouvelles dimen-
sions au concept toujours renouvelé de
« compétitivité ». Ces développements pré-
sentent, pour les PM, des défis formidables,
mais également des opportunités d'accélérer
le rythme de leur intégration dans l’économie
mondiale. Un défi fondamental, à cet égard,
est de passer d’un modèle de croissance et
de développement fondé sur des industries
extractives exploitant des ressources natu-
relles à un modèle fondé sur des activités
propices à l’acquisition de gains de producti-
vité et à la réalisation d’innovations via une
utilisation optimale des technologies, des
qualifications, et des pratiques modernes en
matière d'organisation (ERF, 2000). Les IDE
sont essentiels pour atteindre cet objectif
étant donnés les faibles taux de formation de
capital dans les PM et Les besoins en techno-
logies avancées.
Cependant, les flux d’IDE vers les PM sont
très modestes par rapport à d'autres régions
en voie de développement et au potentiel de
Figure 13 : Part des économies en développement dans le total des IDE, par région
17%
34%
23%
2%3%2%2%2%2% 2%
20%
15%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
1991-1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
PM Amérique Latine et Caraïbe Europe Centrale et de l'Est Afrique Asie
34%
25%
Source : UNCTAD 2003
-86-
la région qui ne s’est pas encore réalisé.
Pendant la période 1990-1995, les PM ont
attiré une moyenne de 2 894 millions de dol-
lars US d’IDE ; en 2003, les entrées d’IDE
atteignaient 8 307 millions de dollars US.
Cependant ceci représente une part négli-
geable du total des entrées d’IDE dont béné-
ficient les pays en développement (figure 13).
Pendant les années 90, la part des PM dans le
total des IDE vers les pays en développement
se montait à 1,8%, une des plus basse au
monde. Non seulement, les PM ont donc la
part la plus faible des entrées d’IDE vers les
pays en développement, mais celle-ci souffre
d’une volatilité récurrente (au niveau des
pays), selon les fluctuations des prix du
pétrole (qui affectent les apports d’IDE dans
le secteur de l'énergie), le degré de stabilité
politique et les progrès des privatisations de
chaque économie.
En évaluant l'impact économique des IDE
qu’attirent actuellement les PM, les indica-
teurs traditionnels, tels que l'importance des
apports relativement à la taille de l'économie
bénéficiaire et leur contribution à la forma-
tion de capital, sont également modestes en
termes relatifs. Excepté la Jordanie, les
apports d’IDE (en % du PIB) sont en général
inférieurs à 2%, ce qui est peu comparé au
groupe des pays d’Europe de l'Est,
d’Amérique latine et d’Asie de l'Est, qui sont
des destinations privilégiées des IDE et qui
sont utilisés comme groupe témoin. En
termes de stock d’IDE, à l’exception de la
Tunisie (66% du PIB), ceux-ci représentent
10 à 25% du PIB des PM. Les résultats des
PM sont d’ailleurs décevants relativement à
ceux de la plupart des pays en développe-
ment (tableau 14).
L’examen des apports d’IDE en pourcentage
de la formation brute de capital fixe
débouche sur le même type de conclusion.
Ce rapport va de 1,3% pour la Syrie à 16,7%
pour la Jordanie. Dans le groupe témoin,
celui-ci est généralement plus élevé allant de
2,7% pour l’Inde à 30% dans la République
Tchèque (figure 14).
Bien que l'UE soit le principal partenaire
commercial de la plupart des PM, leur part
dans les IDE européens investis en dehors
de l'Union est très modeste comparée à
Tableau 14 : Stock d'IDE (% du PIB)
1980 1985 1990 1995 2000 2001 2002Algérie 3,1 2,2 2,2 3,5 6,4 8,5 10,5Egypte 9,9 16,4 25,6 24,4 20,1 20,4 24,3Jordanie 3,9 9,6 15,3 9,2 26,7 26,7 26Liban 0,5 1,5 1,9 1,2 6,8 8,2 9,4Syrie .. 0,2 3 8 9,5 9,8 9,6Tunisie 38,2 58,5 62 61 59,3 58,4 66,2Maroc 1 3,4 3,5 9,2 20,3 28 26,9Brésil 7,4 11,5 8 6 33,2 43,1 52,1Chine 3,2 14,1 33,2 23,8 60 67,3 69,7Chili 3,1 3,4 7 19,6 32,3 33,2 36,2Rép. Tchèque .. .. 3,9 14,1 42,1 47,4 54,8Hongrie .. 0,2 1,7 26,7 42,5 45,4 38,2Inde 0,6 0,5 0,5 1,6 4,1 4,6 5,1Malaisie 20,7 23,3 23,4 32,3 58,6 60,5 59,4Mexique 3,6 10,2 8,5 14,4 16,8 22,5 24Pologne .. .. 0,2 6,2 21,7 22,4 23,9Afrique du Sud 20,5 15,8 8,1 10 37,1 44 48,7Source : UNCTAD (2003)
-87-
d'autres régions en voie de développement.
Sur la période 1994-2002, 0,7% du total
des flux d’IDE extra-UE se sont dirigés vers
les PM, contre 7,7% vers les pays en voie
d’adhésion, 8,3% vers les pays de Mercosur,
2,8% vers les NPI d’Asie, et 0,8% vers les
Etats du Golfe (figure 15). En outre, en
termes de stocks européens d’IDE, la part des
PM pour 2001 s'est élevée à 0,7%, ce qui est
considérablement inférieur aux pays ancienne-
ment candidats, aux pays du Mercosur, et aux
NPI asiatiques dont les parts étaient respecti-
vement de 5,7%, 7,2%, et 4,4% (figure 16).
Les parts modestes des PM dans les IDE euro-
Figure 14 : Les flux d'IDE, moyenne 1991-2002 (en % de la formation de capitalbrut)
16,713,2
11,2
5,7
5,44,5
3,71,3
2,711,1
11,9
14,414,9
15,5
18,919,7
26,3
30,0
0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0
JordanieMaroc
TunisieLiban
Egypte
AlgérieTurquie
Syrie
IndeAfrique du Sud
Chine
MexiqueMalaisie
PologneBrésil
Hongrie
ChiliRep.Tchèque
Source : UNCTAD 2003
Figure 15 : Destination des flux européens d’IDE par zones géographiques (% dutotal des flux d’IDE extra-communautaires)
-1%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
18%
20%
Pays anciennementcandidats
Pays du Mercosur PM Nouveaux Pays Industrialisés d'Asie
Pays Arabes du Golfe
Moyenne 94-98
1999
2000
2001
2002
Source : Eurostat
-88-
péens, comparativement aux pays d’Amérique
latine et d’Asie de l'Est, sont symptomatiques
de l'incapacité des PM à profiter de leur proxi-
mité géographique et de leurs liens commer-
ciaux historiques avec l'Europe, pour attirer les
compagnies européennes cherchant à délocali-
ser ou externaliser leurs opérations.
Ces performances sont en contradiction avec le
fait que les investissements européens en IDE
dans les PM ont été plutôt rentables ces der-
nières années relativement à d'autres régions
(figure 17). Ceci suggère que, dans un avenir
proche, les PM pourraient recevoir des flux plus
larges d’IDE de l'Europe. Cependant, seule une
amélioration des réformes, de nature à aug-
menter la compétitivité de l’environnement des
affaires au sud, pourrait permettre d’atteindre
cet objectif. De plus, la situation sécuritaire
détériorée ne devrait pas être sous-estimée en
tant que facteur de découragement des inves-
tissements potentiels (particulièrement dans
les pays du Mashrek). Les rendements des
investissements sous forme d’IDE de l’UE ont
été plus importants dans les PM relativement à
d'autres régions, tout comme le sont malheu-
reusement les risques impliqués par l'incertitu-
de entourant la future situation de sécurité
dans le Moyen-Orient. Il se pourrait donc que
le rendement corrigé par le risque encouru soit
au final inférieur à ceux enregistrés dans
d’autres régions en développement.
Cependant, un consensus de plus en plus large
apparaît, selon lequel continuer les réformes
structurelles et institutionnelles dans les PM est
susceptible d'aider à attirer plus d’IDE euro-
péens et non-européens, même dans les
conditions actuelles.
L’environnement des affaires empêche les
PM de tirer parti de leur capacité potentielle
à attirer les IDE
L'analyse des facteurs pesant sur l'attractivi-
té des PM envers les IDE a été un important
Figure 16 : Répartition géographique des stocks d’IDE européens 1995-2001 (en% du total des flux d’IDE extra-UE)
0
2
4
6
8
Pays anciennement
candidats
Pays du Mercosur PM Pays Arabes
du Golfe
1995
2001
Nouveaux Pays
Industrialisés d'Asie
Source : Eurostat
Figure 17 : Rentabilité des IDE euro-péens 1999-2002 (%)
-12 -8 -4 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40
Extra-UE-15
Pays ex-candidats
Maghreb
Mashrek
Maroc
Egypte
Israël
Chypre
Malte
Turquie2002
2001
2000
1999
Source : Eurostat.
-89-
sujet de recherche ces dernières années. Les
chercheurs ont donné trois interprétations
distinctes au fait que la capacité des PM à
attirer les IDE a sensiblement été surpassée
par d’autres régions du monde : les imper-
fections de la politique économique, les
contraintes issues de l'environnement des
affaires et l’insuffisance des infrastructures
nécessaires à la mise en place d’une écono-
mie basée sur la connaissance.
En ce qui concerne les imperfections du
cadre global de politique économique, la len-
teur des privatisations a empêché de réussir
la transition vers une économie de marché,
véritablement libéralisée, dans la plupart des
PM. Le secteur public domine toujours l'acti-
vité économique, exerce un effet d’éviction
sur le secteur privé dans plusieurs domaines
d’activité (dans l'industrie et les services) et
concurrence également fortement le secteur
privé pour ce qui est de l’allocation des res-
sources financières. Etant donnée la part
limitée des activités qui relèvent du secteur
privé, celui-ci a encore été découragé par
une gouvernance plutôt mauvaise, qui a aug-
menté l'incertitude sur les futures politiques
économiques, en raison de l’absence des
mécanismes institutionnels qui sont à la base
d’une définition transparente de la politique
économique et des principes de responsabili-
sation. En outre, le rythme lent de la diversi-
fication dans les PM dépendants de l’exploi-
tation du pétrole, par exemple l'Algérie et
l'Egypte, a engendré une forte focalisation
des IDE dans le secteur de l'énergie, qui a
pourtant une capacité limitée à absorber l'in-
vestissement étranger. En conclusion, la pré-
sence de restrictions d'accès à ces fonds pour
certains secteurs a contribué à détourner les
ressources considérables d’IDE existantes
vers d'autres régions en développement.
Quant aux contraintes issues de l'environne-
ment des affaires, la régulation sous-optimale
Flux d’IDE dans la région MENA : Uneanalyse empirique de leurs détermi-nants et de leur impact sur le dévelop-pement
Dirigée par l’Université Libre deBruxelles, Belgique
L’étude se divise en trois parties dont l’ob-jectif est de déterminer les facteurs influen-çant les IDE et certaines de leurs consé-quences sur le développement.
Une première partie traite de l’importancerelative de la libéralisation commerciale etdes changes, des infrastructures existanteset de la stabilité économique et politiquedans l’attractivité des IDE dans les pays duMoyen-Orient et d’Afrique du Nord. L’analyseconsidère le total des IDE et les IDE se diri-geant vers le secteur manufacturier. Lesrésultats montrent que la libéralisation com-merciale et des changes, les infrastructureset un environnement politique et économiquesains accroissent les entrées d’IDE. Leurimpact est encore plus fort sur les IDE dusecteur manufacturier. Ce résultat n’est pasmodifié par l’utilisation de différents indica-teurs de libéralisation commerciale et deschanges et par un changement dans la spé-cification du modèle.
Cette analyse confirme donc l’argumentselon lequel les faibles performances entermes d’entrées d’IDE de la région sont lar-gement dues à la lenteur des réformes éco-nomiques, qui sont insuffisantes en regardde celles menées par des pays d’Asie de l’Estet d’Amérique latine qui ont connu un certainsuccès. En fait, le déficit des réformes est unréel obstacle pour les investisseurs étran-gers, dont la participation aurait pu êtredeux fois plus importante si les pays deMENA avaient atteint, dans les années 1990,un niveau de libéralisation comparable aveccelui de l’Asie de l’Est. Cet impact est nette-ment plus fort pour ce qui est des IDE versle secteur manufacturier. L’étude aboutit àdes conclusions similaires pour ce qui est dela qualité de la gouvernance et de la dispo-nibilité d’infrastructures physiques. L’écartentre la région MENA et l’Asie de l’Est pourchacun de ces facteurs a engendré desmanques à gagner de 2,2% et 1,3% entermes de flux d’IDE rapportés au PIB pourla région.
-90-
technologies, l'effort sur la qualification dela main d'œuvre doit être accentué, plus entermes qualitatif désormais, que quantitatif.Il s'agit, pour les gouvernements locaux, dedéfinir les priorités en matière d'éducationet de formation en fonction des besoins desindustries et des ressources disponibles et,pour les partenaires européens, de renfor-cer la coopération dans le domaine de laformation.
La dernière partie examine dans quellemesure le fonctionnement des institutionsempêche une plus large participation de larégion du Moyen-Orient-Afrique du Norddans l’économie mondiale, au cours desannées 1990, en employant un large échan-tillon de pays. Elle se concentre sur l'impactsur les exportations manufacturées et l'at-tractivité pour les IDE et considère un indicede risque politique élargi, ainsi que desindices capturant des aspects spécifiques dela gouvernance (corruption, efficacité dugouvernement et les règles de loi). Les résul-tats soutiennent l'hypothèse que le fonction-nement des institutions peut gêner l’insertiondes pays de MENA dans l’économie mondia-le. Ils suggèrent que l'effet d'une améliora-tion de la qualité des institutions peut êtreune augmentation sensible des flux d’IDE etdes exportations manufacturières. Parexemple, des institutions plus efficaces auMaroc s'avèrent indispensables pouraccroître le ratio des exportations manufac-turées au PIB d’au moins la moitié de l'im-pact de la politique de libéralisation lancéevingt ans auparavant. Par conséquent, bienque les réformes institutionnelles puissentprendre du temps, elles méritent de faire lesefforts requis, étant donnés leurs résultatspotentiels comparativement à d'autresréformes.
L’enseignement que l’on peut en tirer entermes de politique économique est double.Premièrement, la libéralisation du commerceet des changes est un facteur clef de l’attrac-tivité de la région pour les IDE.Deuxièmement, les améliorations d’autresaspects du climat des investissements sontdes compléments importants de la libéralisa-tion et peuvent se traduire par une haussesensible des flux d’IDE, de l’ordre de celle quia découlée des politiques de libéralisation.
Une deuxième partie s’intéresse à la relationentre l'investissement direct étranger et laproductivité totale des facteurs des parte-naires méditerranéens. Les résultats, obte-nus à partir de données pour sept parte-naires méditerranéens de l'UE (Algérie,Egypte, Israël, Jordanie, Maroc, Tunisie,Turquie), sur la période allant de 1980 à2000, indiquent que l'IDE et le capitalhumain sont complémentaires dans l'acquisi-tion des gains de productivité. L’analyseidentifie en outre le seuil de capital humain àpartir duquel les investissements étrangersreçus génèrent des effets bénéfiques. Demanière plus générale, l'amélioration de laproductivité totale des facteurs via l'ouvertu-re internationale n’est due qu’à des effetsindirects liés aux transferts de technologies,alors que les effets directs sont négatifs.
Sur la base de ces résultats, si des mesuresfiscales visant à accroître l'attractivité globaledes IDE peuvent être prises, il faut tenircompte du fait que celles-ci sont coûteuses etqu'elles risquent de capter des ressourcespubliques pour des projets qui n'apportentpas les externalités suffisantes pour justifierleur mise en œuvre. Une action plus ciblée,en direction des industries potentiellementporteuses d’externalités positives et de trans-ferts de technologie, apparaît préférable.
Ainsi, les firmes multinationales pourraientcontribuer aux transferts de technologie, ensuivant une logique de long terme et en s’in-sérant davantage dans les économies médi-terranéennes, développant progressivementdes liens avec les fournisseurs locaux. Il estalors nécessaire que les économies localesparviennent à créer les conditions propices àde tels projets, en particulier grâce à l'amé-lioration du climat des affaires.
Par ailleurs, des capacités d'absorptionétant requises pour acquérir des nouvelles
-91-
exercée par le gouvernement et des barrières
administratives coûteuses sont les contraintes
les plus significatives pesant sur les IDE.
L'enregistrement de nouvelles entreprises a
un coût encore élevé et est en butte à la lour-
deur de la réglementation en vigueur. Les ser-
vices impliqués dans le soutien aux opérations
commerciales sont chers et inefficaces. Les
coûts de transaction sont élevés comparative-
ment aux normes internationales, résultat
direct du système de taxes et de droits de
douane en place et d’un processus long et dis-
pendieux de règlement des litiges. L’incidence
de la corruption est la conséquence prévisible
d’un environnement des affaires, dans les PM,
fortement réglementé mais mal géré. Les
droits de propriété ne sont pas clairement
définis, particulièrement ceux relatifs à la pro-
priété intellectuelle. En outre, la pratique pro-
longée d’une répression sur le développement
du secteur financier (contrôle des taux d'inté-
rêt, prêts dirigés, et niveau bas de participa-
tion du secteur privé, donc de la concurrence)
ont abouti à un sous-développement et un
manque de profondeur des marchés finan-
ciers, incapables de répondre aux besoins d’un
secteur des affaires moderne. En conclusion,
le manque de droit de la concurrence et les
faiblesses de la gouvernance d’entreprises
sont des raisons cruciales pour lesquelles les
sociétés multinationales (SM) se sont tenues à
l’écart des PM.
Troisièmement, les investissements dans
l’éducation et les capacités technologiques
ayant été longtemps négligés, les PM ne dis-
posent pas des pré-requis indispensables au
développement d’une économie fondée sur la
connaissance, qui s’accompagne d’une capa-
cité à innover considérable et qui comprend
les compétences nécessaires pour mener à
bien les opérations des SM.
Ce bref survol a souligné comment plusieurs
facteurs empêchent les PM de réaliser leur
potentiel d'attraction d’IDE. Cependant, il ne
faut pas en conclure que les réformes liées à
l’investissement marquent une halte dans
ces économies. La vérité est que le rythme
des réformes du cadre juridique de l’investis-
sement a été notablement plus lent que dans
d'autres régions du monde (Banque
Mondiale, 2003b). En outre, la stagnation de
la croissance du revenu par habitant - reflé-
tant la stagnation de la croissance de la
demande domestique - a également été un
facteur de découragement des IDE ; d’autant
que les IDE attirés par la région l’ont été
principalement par les possibilités de péné-
tration de marchés et d’évitement de tarifs.
C'est dû au fait que le cadre de la politique
d'investissement dans la région a créé un
biais anti-exportation généralisé et la struc-
ture d’incitation a favorisé le protectionnisme
et la production orientée vers le marché
interne (Sadik et Bolbol, 2000).
En comparant les performances de quatre
des PM qui ont mené des réformes (Egypte,
Jordanie, Maroc et Tunisie) à des pays
d’Amérique latine ou d’Asie et du Pacifique, il
s'avère que ces PM se sont très bien compor-
tés en matière de stabilisation macro-écono-
mique relativement à d'autres régions en
développement (Dasgupta et alii, 2002).
Malgré le succès sur le plan de la stabilisa-
tion, l'ajustement structurel, en particulier la
libéralisation commerciale et la privatisation,
a traîné, reflétant la lenteur et la faible por-
tée des réformes. Ceci est considéré comme
une des principales raisons pour lesquelles
les PM enregistrent des performances déce-
vantes dans l'attraction d’IDE, comparative-
ment à leur potentiel.
Alors que les entrées d’IDE et l'expansion du
commerce intra-industries (CII) sont habi-
tuellement corrélées, les chiffres modestes
de CII pour les PM indiquent qu'ils ont souf-
fert d’un effet dual de leur marginalisation
-92-
dans le processus d'intégration économique
global. Ils ont enregistré des faibles niveaux
de CII, bien que ce soit la partie des
échanges mondiaux qui croit le plus rapide-
ment (Banque Mondiale, 2003b). Aussi, ils
attirent peu d’IDE qui comptent, pourtant,
pour une part conséquente des mouvements
de capitaux mondiaux. La croissance du CII
permet à des pays d'approfondir leur spécia-
lisation dans des chaînes de production et
d'améliorer leur avantage concurrentiel. Le
niveau de CII est d’ailleurs considéré comme
un bon indicateur pour un pays de « sa capa-
cité à exploiter son intégration dans le com-
merce international plus complètement »
(Banque Mondiale, 2003b).
Il n’est donc pas surprenant que les PM n’aient
pas exploité plus largement le développement
du commerce lié à la sous-traitance (outward-
processing trade) et aux accords de partage de
production. Dans leurs relations commerciales
avec les pays de l'OCDE, les importations de
pièces et composants des PM sont considéra-
blement plus importantes que leurs exporta-
tions. Le rapport des importations sur les
exportations avec l'OCDE dans cette catégorie
est de 12 au Maroc contre 40 en Egypte en
2000. La Tunisie, avec un rapport particulière-
ment favorable, importe l’équivalent de trois
fois ses exportations. Cependant, sa position
est nettement en retrait en regard de celle des
pays d’Asie de l'Est et du Sud, qui enregistrent
un surplus de leur balance commerciale avec
l'OCDE pour ce poste (Banque Mondiale,
2003b). Le fait que la Tunisie et le Maroc pré-
sentent les chiffres les plus élevés d'exporta-
tions (respectivement, 105 millions de dollars
US, et 332 millions de dollars US) et, en même
temps, les ratios importations/exportations les
plus bas sont en conformité avec d’autres élé-
ments montrant que ces deux pays réussissent
mieux que d’autres PM à attirer des IDE euro-
péens liés à la sous-traitance (Hoekman et
Djankov, 1998).
Mettre en place les droits de base : un pré-
requis de la réalisation du potentiel d’attrac-
tion des IDE
Une condition préalable essentielle à l’amélio-
ration des performances en termes de crois-
sance et de création d'emploi est l’augmenta-
tion de l'investissement, qui dépend cruciale-
ment d'un environnement favorable et propi-
ce et de l’existence d’un cadre de régulation
efficace. Ainsi, se positionner sur le rythme et
le modèle de croissance nécessaires pour
créer des emplois et stimuler l'investissement
et les exportations exige d’approfondir les
réformes via l'ajustement structurel et une
réforme institutionnelle. Ceci nécessite de
s’attaquer aux contraintes pesant sur les IDE
et cela sur plusieurs fronts.
Premièrement, la redéfinition du rôle de
l'Etat, qui d'un joueur dominant, exerçant un
contrôle large, doit devenir un facilitateur et
un régulateur, est cruciale pour créer une
base solide favorisant la croissance et pour
effectuer une transition vers une économie
de marché libéralisée. Ceci pourrait se faire
au travers d’une revitalisation du processus
de privatisation et de libéralisation commer-
ciale. Ouvrir des opportunités de participa-
tion au secteur privé et éliminer les restric-
tions d’accès aux marchés qu’il supporte sont
les conditions clefs qui amplifieront l'efficaci-
té économique. Comme souligné dans la sec-
tion sur le commerce de services, la libérali-
sation des échanges de services devrait être
au coeur du processus de réforme, étant
donnés ses avantages économiques substan-
tiels, probablement supérieurs à ceux géné-
rés par la libéralisation des échanges de mar-
chandises. En outre, avoir un secteur des
services efficace aura un effet d’entraîne-
ment qui permettra d’attirer des IDE, aussi
bien dans le secteur des services que dans le
secteur manufacturier. Il est important éga-
lement de considérer la diversification
-93-
comme un moyen d'augmenter les IDE dans
des secteurs non traditionnels. Ceci peut sur-
venir grâce à des modifications de la structu-
re d’incitations en faveur de secteurs et d’in-
dustries qui ont prouvé leur capacité à sou-
tenir la concurrence.
Deuxièmement, en conformité avec le
consensus émergeant sur le rôle primordial
que les institutions et la gouvernance jouent
en tant que facteurs accroissant le potentiel
de croissance économique et les perfor-
mances effectives, il est reconnu maintenant
que les réformes structurelles seules ne sont
pas efficaces, si elles ne sont pas couplées à
des réformes institutionnelles appropriées,
qui posent les bases d’une amélioration de la
gouvernance et d’une transparence accrue
des politiques suivies. L'expérience réussie
des économies en transition d'Europe
Centrale et de l'Est indique que les réformes
légales et institutionnelles sont des condi-
tions préalables au décollage d’une économie
et à son insertion dans un chemin de crois-
sance équilibrée et soutenue (Nestor, 2001).
Créer un environnement favorisant l'investis-
sement et la croissance orientée vers l’expor-
tation exige d’aller au-delà des réductions de
taxes ou de tarifs et de se pencher sur le pro-
blème des restrictions aux frontières, au
niveau des douanes portuaires et des
contraintes issues de l’obligation de satisfaire
à certains standards de qualité, mais aussi de
barrières à l’entrée comme à la sortie pour les
firmes, de règlement des conflits, etc.
L'amélioration du climat d'investissement, en
termes de réformes juridiques et de régula-
tion, est essentielle pour que les PM devien-
nent plus attractifs pour les IDE (Page, 2003).
Troisièmement, la liste des contraintes affec-
tant l'environnement des affaires, présentée
ci-dessus, est plus ou moins le reflet des
imperfections qui caractérisent le cadre de
politique économique. Bien que la situation
des PM soit hétérogène de ce point de vue,
tous doivent rapidement approfondir les
réformes, dans différents domaines, s’ils
veulent accroître leur part dans les entrées
d’IDE vers les pays en développement.
Faciliter les procédures d'enregistrement des
sociétés, en termes de temps et de coût, est
incontournable et pourrait être réalisé grâce
à l’organisation d’un guichet unique. Cette
structure est présente dans beaucoup de PM,
mais demeure peu efficace dans la pratique.
La rationalisation des procédures douanières
et de l'administration fiscale, en se référant
aux « bonnes pratiques » internationales, est
absolument indispensable. Des réformes juri-
diques visant à imposer la protection des
droits de propriété doivent également être
adoptées. En outre, l'amélioration des méca-
nismes de règlement des litiges, par l'inter-
médiaire de la création de cours spécialisées
dans les litiges commerciaux, est urgente,
mais elle exigera que la branche judiciaire
fasse des efforts pour acquérir les compé-
tences nécessaires. Enfin, le secteur financier
ne pourra fournir les ressources requises
pour l'expansion de l'activité du secteur privé
s’il ne fait pas l’objet d’une réforme.
En conclusion, la diversification des structures
économiques et des marchés exige des inves-
tissements dans l'acquisition de connais-
sances et de moyens technologiques.
L'investissement en capital humain est crucial
et demande des réformes concertées dans les
établissements de l’enseignement supérieur,
afin de les sensibiliser aux changements des
besoins de l’économie domestique et issus de
l’insertion internationale (PNUD, 2003).
Vers un ciblage des investissements plus
précis
Etant donnée la montée de la concurrence
entre les économies pour attirer les IDE, les
-94-
autorités de promotion de l'investissement
(API) adoptent, dans le monde, des approches
originales. Le rôle des API a évolué avec la
tendance générale qui a consisté à abandon-
ner la promotion de l’économie nationale, en
tant que pôle d’attraction d’IDE de toutes
natures, pour se concentrer sur la sélection
d’investisseurs particuliers, susceptibles d’in-
vestir dans des secteurs spécifiques, une
approche connue sous le nom de « ciblage de
l’investissement » (UNCTAD, 2002).
Cette approche est considérée comme néces-
saire dans les PM. Un point de départ, qui
pourrait aider les API à adopter cette
approche dans les PM, consiste à formuler
une vision sectorielle détaillée, c’est-à-dire
identifiant les secteurs/industries qui possè-
dent un potentiel concurrentiel. Ceci peut se
faire via l’analyse des structures industrielles
et commerciales en place. La première partie
renseignera sur le degré d’intégration verti-
cale des différentes industries et sur les pos-
sibilités d’étendre les liens amont et aval
actuels, dans la perspective de dégager des
secteurs de croissance de premier plan. La
seconde partie de l’étude fournira des indices
sur les produits dont les marchés internatio-
naux sont les plus dynamiques et les occa-
sions d’attirer des IDE dans des secteurs
spécifiques produisant pour l’exportation.
Pour préciser encore le potentiel à venir de
secteurs spécifiques, il est important de com-
pléter ce type d'analyse par une surveillance
des performances et des stratégies choisies
par les firmes nationales et leurs filiales
étrangères installées dans l'économie hôte, et
de garder un oeil sur les évolutions interna-
tionales, particulièrement en ce qui concerne
les avancées technologiques et les comporte-
ments de délocalisation des sociétés.
Puisque les API dans le monde entier utili-
sent cette approche dans leurs stratégies de
promotion des IDE, il est important que les
PM réorientent les stratégies de leurs API
dans cette direction et affectent davantage
de ressources à de telles activités, étant
donnés les bénéfices qu’elles pourraient
générer. Les investisseurs européens
devraient être la cible principale, car des
liens commerciaux et d’affaire forts existent
déjà entre l'UE et les PM, liens qui devraient
se renforcer dans le cadre du partenariat
euro-méditerranéen. Enfin, les API doivent
également être attentives aux flux crois-
sants d’IDE entre pays arabes, certains
ayant des réserves d’épargne qui ne trou-
vent pas à s’investir en Europe ou aux
Etats-Unis.
V- Les échanges commerciaux avec
l’Europe élargie : une ouverture qui
n’est pas garante du développement et
qui modifie les structures industrielles
Les performances économiques relative-
ment médiocres des PM au cours de la der-
nière décennie, alors que ces pays s’ou-
vrent de plus en plus largement sur l’inter-
national, nous portent à nous interroger sur
la nature de la relation entre ouverture et
performances. Si l’on suit les apports des
théories du commerce international, les
pays dont la participation aux échanges
internationaux est intense devraient obtenir
des gains importants en terme de croissan-
ce, de développement, de réduction de la
pauvreté. Or, face à ce corpus théorique en
faveur de la libéralisation commerciale, de
plus en plus d’études remettent en question
la relation causale ouverture – croissan-
ce/développement. Dès 1993, l’OCDE,
posait la question du sens de la relation «
croissance poussée par les échanges » ou «
échanges poussés par la croissance ». Les
récents travaux de la CNUCED (CNUCED,
2004) proposent une méthodologie d’analy-
se des problèmes qui lie la participation des
-95-
pays en développement aux échanges inter-
nationaux, au développement et à la réduc-
tion de la pauvreté. Cette approche repose
non pas sur une perspective commerciale,
trop réductrice, mais étudie le rôle des
échanges commerciaux dans les processus
de développement.
L’intégration des pays méditerranéens aux
échanges mondiaux, dans le cadre des
accords régionaux avec l’UE, repose sur des
spécialisations liées à la nature de leurs
avantages comparatifs. La question est de
comprendre si ces formes de spécialisations
sont porteuses en termes de croissance, de
compétitivité et de dynamisme industriel.
Les formes de complémentarités qui fon-
dent les échanges entre l’UE et ses parte-
naires méditerranéens reposent-elles sur un
« effet de zone » qui, idéalement, permet-
trait de compenser le déficit commercial
avec le partenaire privilégié, source d’indus-
trialisation, par un solde commercial positif
avec l’extérieur, qui dégagerait des res-
sources en devises.
Il est clair, quand on observe les perfor-
mances des PM au niveau international et
que l’on analyse la nature de leur spéciali-
sation que, face au point de vue théorique
qui suggère qu’une économie en développe-
ment peut restructurer son système indus-
triel à partir des avantages fondés sur une
croissance de ses exportations, les pays
méditerranéens opposent des points de blo-
cages qui ne permettent pas au processus
d’opérer au sein du système.
La croissance des exportations doit être
connectée aux mécanismes principaux de la
croissance économique. Pour que les
échanges internationaux jouent un rôle clé
par rapport au développement d’un pays, il
faut qu’ils participent à améliorer ses capaci-
tés de production.
Ainsi, la croissance des exportations doit per-
mettre :
√ d’augmenter la taille des marchés
internationaux et de bénéficier des écono-
mies d’échelle ;
√ d’obtenir les devises qui permettent
d’importer des biens d’équipements que les
PED ne produisent pas ;
√ mais aussi, de développer les capaci-
tés de production nationales en (i) intégrant
les compétences techniques, technologiques,
managériales et organisationnelles acquises
à partir des importations ou à partir de la
participation à des réseaux de production
internationaux, (ii) en augmentant le niveau
de création nationale de valeur ajoutée par
des réallocations de ressources productives
vers des secteurs plus porteurs.
Dès lors, les prix unitaires des produits
exportés baissent, les capacités de produc-
tion augmentent (à partir d’une amélioration
des capacités technologiques et des compé-
tences) et les niveaux de productivité pro-
gressent. L’ensemble de ces facteurs conver-
ge pour améliorer la compétitivité internatio-
nale du pays, mais pousse parallèlement le
pays dans la voie de la spécialisation. De
plus, ces processus stimulent les investisse-
ments nationaux et les apports de capitaux
étrangers et permettent au système produc-
tif d’être plus efficace et de créer plus de
valeur ajoutée. Dans le même temps, l’em-
ploi augmente de même que les salaires, ce
qui influence positivement la demande
domestique. Les importations jouent égale-
ment un rôle clef dans l’acquisition de tech-
nologies à condition que les pays se dotent
des structures de compétence qui permet-
tent au contenu technologique des biens
importés de se réaliser dans une structure de
compétence nationale.
Il est clair que les formes de spécialisation
sur lesquelles repose l’insertion internationa-
-96-
le des PM ne permettent pas de valoriser
l’ensemble des potentialités qu’offre l’ouver-
ture aux échanges internationaux.
Au vu de leur situation extérieure, les PM
sont contraints de conjuguer 3 impératifs.
√ Contrôler les processus de spécialisa-
tion tout en diversifiant leurs exportations.
Face au libre jeu du marché qui oriente les PM
vers une spécialisation de plus en plus fine
sur des segments de production qui leur per-
mettent d’obtenir des entrées de devises, les
politiques institutionnelles doivent susciter le
développement de secteurs d’exportation
dynamiques. Le risque est qu’ils s’enferment
dans des « enclave-led growth » (Cnuced,
2004), solution de court terme mais qui ne
résout pas les problèmes d’investissement,
d’épargne et de demande interne.
√ Lutter contre la vulnérabilité et l’in-
stabilité des importations et des exporta-
tions. Outre l’instabilité liée aux aléas clima-
tiques ou aux variations des prix internatio-
naux des matières premières, les PM doivent
réduire celle issue de leur type de spécialisa-
tion. L’utilisation des capacités de production
dépend fortement des importations de biens
d’équipement et de biens intermédiaires,
quand ils sont intégrés à des réseaux de
fragmentation internationaux. Les restric-
tions dues à une impossibilité à importer en
quantités suffisantes pour la pleine utilisation
des capacités de production peuvent avoir
pour conséquence le sous-emploi du travail,
du capital et des ressources dans l’ensemble
des secteurs et plus particulièrement ceux
qui dépendent des importations.
√ Obtenir des gains de productivité sans
baisser le niveau d’emploi, en jouant par
conséquent sur les montées en gamme et l’ac-
quisition de compétences et de technologies.
1. Une situation internationale des PM tou-
jours fragile
Une situation déficitaire qui perdure
Globalement, la situation des PM reste large-
ment déficitaire bien que leur situation vis-à-
vis de l’UE s’améliore depuis le milieu de la
décennie 90, (de -24,5 milliards en 1995 à –
13 milliards de dollars en 2002), et que le
déficit reste stable avec le reste monde
autour de 21 milliards de dollars en 2002. La
figure 18 montre :
√ que les PM sont dans une situation
déficitaire quelque soit le partenaire et que l’an-
née 2002 enregistre une aggravation de la
situation après les restrictions des importations
(surtout du fait de la Turquie) opérées en 2001.
La Jordanie et la Syrie ont particulièrement
développé leurs exportations en fin de période,
√ que si l’on ne tient compte que des
produits manufacturés, on constate nette-
Figure 18 : Les soldes commerciaux des PM avec l’UE et avec le reste du monde,produits manufacturés (gauche) et tous produits (droite)
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
-30 000
-25 000
-20 000
-15 000
-10 000
-5 000
1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
UE
RdM
-40 000
-35 000
-30 000
-25 000
-20 000
-15 000
-10 000
-5 000
1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
RDM
UE
-97-
ment que le déficit commercial avec l’UE se
creuse sur ce type de biens alors qu’il tend à
s’équilibrer avec le reste du monde (RdM).
Le déficit global s’explique facilement (i) par
une augmentation des importations, que ce
soit du RdM ou de l’UE, et (ii) par une haus-
se des importations de biens manufacturés
issues de l’UE.
Cependant, cette analyse globale doit être
modulée selon les pays.
Quand on compare les situations déficitaires
des pays méditerranéens entre 1995 et
2002, on constate que la plupart ont enregis-
tré une amélioration de leur situation avec
l’UE. Pour certains PM, ce phénomène s’est
accompagné d’une aggravation du déficit des
échanges avec le reste du monde, c’est le cas
du Maroc, de la Turquie et de l’Egypte. La
Tunisie a, par contre, amélioré sa situation
vis-à-vis de ses partenaires non européens.
Croissance des échanges et accentuation du
phénomène de sous régionalisation
Au cours de la période 1995-2002, les
rythmes de croissance des exportations
(autour de 7% en taux annuels moyens) ont
globalement été plus soutenus que ceux des
importations qui se situent en moyenne
autour de 3%.
√ Les PM ont des comportements diffé-
rents selon les périodes et les partenaires.
Figure 20 : Les déficits commerciaux des pays méditerranéens en 1995 et en 2002
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
-12 000
-10 000
-8 000
-6 000
-4 000
-2 000
2 000
4 000
Algérie Egypte Israël Jordanie Liban Maroc Syr ie Tunisie Turquie
1995 Rdm 2002 RdM 1995 UE 2002 UE
Figure 19 : Exportations et importations des PM selon les partenaires, produitsmanufacturés (gauche) et tous produits (droite)
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
20 000
40 000
60 000
80 000
1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Imports de l'UE Exports vers l'UE
Imports de RdM Exports vers RdM
20 000
40 000
60 000
80 000
100 000
1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
-98-
Les effets des accords d'association surl'industrie des pays partenaires médi-terranéens
Dirigée par Institut Européen du Sussex,Université du Sussex, Royaume-Uni
L’étude intitulée « Les effets des accordsd’association sur l’industrie des pays parte-naires méditerranéens » est composée deplusieurs parties. Elles visent toutes à analy-ser les éléments clefs qui sont susceptiblesd’influer sur l’ajustement structurel au sud dela Méditerranée. Afin d’obtenir une visionplus approfondie de l’impact de la libéralisa-tion sur les firmes locales, les principauxrésultats sont étudiés au niveau des firmes.Les analyses qui sont reprises ici présentent :(i) une simulation de la première étape dudémantèlement tarifaire au niveau des entre-prises (au Maroc), (ii) une analyse des diffé-rents modèles de spécialisation et leurimpact sur le développement dans le cas del’intégration régionale, (iii) une analyse del’importance des barrières techniques auxéchanges, y compris les mesures sanitaireset phytosanitaires, (iv) une étude du rôle desrègles d’origine, (v) une analyse d’équilibrepartiel calculable (quatre secteurs clefs auMaroc et en Tunisie) évaluant l’impact pos-sible du processus de libéralisation deséchanges sur différents types de firmes.
Les principaux éléments des recherches sontrésumés ci-dessous :
(i) en ciblant l’analyse sur un pays (leMaroc), l’étude examine de manière appro-fondie la structure industrielle et les proces-sus de restructuration. Elle est basée sur uneanalyse préparatoire très détaillée et deuxbases de données – la base de données FACSet l’Enquête Industrielle Annuelle). Ceci apermis de dégager les caractéristiques struc-turelles clefs détaillées de l’économie maro-caine et une vue d’ensemble de la positiondes entreprises avant le démantèlement tari-faire, en particulier l’analyse des détermi-nants de la profitabilité selon les entrepriseset les types d’entreprises. En utilisant unmodèle de simulation complexe (réalisé avecle logiciel STELLA), les effets possibles dudémantèlement tarifaire sont éclaircis.
L’étude a pu ainsi isoler des facteurs quiexpliquent les différences de profitabilitéentre les firmes. Les résultats montrent queles structures de marché semblent beaucoupmoins influer que l'efficacité et la qualité desproduits. Ce sont de fait ces éléments quidonnent des indications sur les stratégiessuivies par les firmes, en particulier la volon-
té d'innover, de moderniser leur systèmeproductif et de choisir de se spécialiser surdes produits de moyen et haut de gamme. Lasimulation menée ensuite est basée sur unmodèle de représentation des entreprises quia été construit avec des données numériquesdécoulant des enquêtes utilisées. Elle illustrece qu’il peut se passer dans la premièreétape du démantèlement tarifaire prévuedans l'accord d'association, à savoir l'élimi-nation des droits de douane sur les consom-mations intermédiaires importées de l'UnionEuropéenne. L'effet attendu est une réduc-tion des coûts de production pour les firmesqui importent une part importante de leursconsommations intermédiaires. Cette mesu-re est supposée, par conséquent, donner desmarges de manœuvre aux firmes pour enga-ger un processus de « mise à niveau », viapar exemple l'accroissement des marges(permettant le financement de nouveauxinvestissements) ou l'augmentation de leurpart de marché par la réduction des prix devente. Pour la catégorie de firmes retenuepour calibrer le modèle (c'est-à-dire cellesayant une profitabilité quasi nulle), ces simu-lations montrent que : 1) dans le cas où les firmes maintiennent un
comportement de marge (c'est-à-direlorsqu'elles ne répercutent pas, ou peu,une baisse du coût moyen sur le prix devente), la profitabilité passe seulement de0% à 2%, ce qui n'est certainement passuffisant pour financer « la mise àniveau » ;
2) dans le cas où les entreprises répercutentla baisse du coût moyen sur les prix devente, la profitabilité passe de 0% à 1%.Parallèlement, l'augmentation de la pro-duction et de l'emploi est insignifiante.
Deux faits peuvent expliquer cet écart entrel'effet attendu (et annoncé) et l'effet obtenudans la simulation :√ d'une part, le niveau moyen des droits de
douane réellement payés par les entre-prises marocaines est relativement bas(10%). Le Maroc applique, en effet, desmesures d'incitations à l'exportation, dontla plus utilisée d'entre elles est le draw-back, qui consiste à exonérer les firmesdes droits de douane sur les inputs impor-tés, lorsque ces derniers sont utilisés dansla production de biens qui seront exportés ;
√ d'autre part, la part du coût des consom-mations intermédiaires importées en pro-venance de l'UE dans les charges d'ex-ploitation s'élève à environ 24%.
En supposant qu'à court terme, les entre-prises ne substituent pas les consommationsintermédiaires importées du reste du monde
-99-
Entre 1990 et 1995, une forte croissance des
importations portant surtout sur des produits
issus de l’Union Européenne permet l’indus-
trialisation des PM. Entre 1995 et 2002, la
demande de produits européens diminue
plus que celle des produits de partenaires
non européens et dans le même temps on
observe une expansion des marchés non
européens (voir figure 21).
√ La croissance des exportations médi-
terranéennes est plus essentiellement tirée
par celle des produits manufacturés (+7,8%
entre 1995 et 2002) et c’est surtout le fait
des exportations jordaniennes, marocaines
et turques. Dans le même temps, la crois-
sance des importations globales est supé-
rieure à celle des produits manufacturés.
√ Les évolutions différenciées par zone
de partenaires laissent supposer des phéno-
mènes de sous-régionalisation au sein du
groupe des pays méditerranéens :
• Entre 1995 et 2002, trois pays de
l’est méditerranéen, le Liban, l’Egypte et la
Syrie, enregistrent des taux de croissance
annuels moyens de leur demande de pro-
duits européens négatifs, que ce soit pour
les importations totales (respectivement
–3,2%, –2,9% et –7,6% sur la période
1995-2002), ou pour celles de produits
manufacturés (respectivement –3,1%,
–2,6% et –5,3%), alors que, sur la même
période, leurs importations issues du reste
du monde progressent de façon significative
(+6,8%, +3,6% et +6,3%). Dans le même
temps, ils se désengagent des marchés
d’exportation européens. De même, Israël
semble se tourner plus fortement vers le
reste du monde.
• Par contre, la demande de produits
manufacturés européens de la part des turcs,
des marocains et des tunisiens a augmenté
largement plus que la moyenne méditerra-
néenne avec des taux de croissance annuels
moyens qui se situent, pour la période 1995-
2002, respectivement autour de 5,4%, 6,8%
et 2,9%.
• Pour la Jordanie, l’UE constitue un
marché en progression nette (croissance des
Figure 21: Taux de croissance annuels moyens des échanges selon le partenaire
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
0%
5%
10%
15%
0% 5% 10% 15%
Exportations
Reste du
monde
90-95
Reste du monde
95-02
UE 90-95
UE 95-02
1990 et 1995, les importations issues de l'UE
augmentent plus que les exportations
1995 et 2002, les exportations vers
l'UE augmentent plus vite que les
importations
-100-
ou les consommations intermédiaires domes-tiques par des consommations intermédiairesimportées de l'UE, la diminution du coût desinputs, consécutive à la suppression desdroits de douane, est trop faible pour fairediminuer significativement les charges d'ex-ploitation. On ne peut donc pas compter surcette première étape du démantèlement tari-faire entre l'UE et le Maroc pour dégager, ducôté de l'offre, des ressources permettant lefinancement d'actions qui contribueraient àrendre leur système productif plus efficace età améliorer leur compétitivité.
(ii) La deuxième partie de cette étude adop-te une perspective transnationale, plus large,sur la période 1990-2002, et examine le rôledes différentes spécialisations sur le dévelop-pement et la croissance. La spécialisationverticale est d’un intérêt tout particulier dansle processus de croissance. Cette partie durapport démontre que :√ il y a trois types de spécialisation qui sont
respectivement basés sur un processus despécialisation verticale et de sous-traitan-ce, sur les activités et les investissementsdes compagnies multinationales et desindustries, et, finalement, sur la dotationen ressources naturelles sous-jacente.
√ Chacun de ces types de spécialisation ren-voie à sa logique de régionalisation. Deuxmodèles d’ancrage européen peuvent êtreidentifiés : (a) un modèle peu dynamiquequi favorise l’intensification des avantagescomparatifs traditionnels sur les biensfinaux intensifs en travail non qualifié(Maroc, Tunisie, Bulgarie et Roumanie) et(b) un modèle porteur qui permet la mon-tée en gamme sur des secteurs valorisantle capital humain et la technologie(Tchéquie, Pologne, Hongrie et Turquie).
√ Ces deux modèles ont des implicationsdifférentes pour la croissance régionale etle développement, en particulier quand onles met en perspective avec le processusd’intégration avec l’Union Européenne.Bien que la montée en gamme vis-à-visdes partenaires non européens soit com-mune à tous les pays de l’échantillon, iln’en demeure pas moins que globale-ment, l’ancrage à l’UE à partir d’avan-tages comparatifs traditionnels ne stimulepas la croissance de long terme.
(iii) La dernière partie du rapport analysequelques éléments de la déclaration deBarcelone qui sont susceptibles d’influer surla nature du processus d’ajustement structu-rel. Trois éléments principaux sont abordés : √ un examen très détaillé, conceptuel et
empirique, du rôle des barrières tech-niques aux échanges, dans le contexte
des accords euro-méditerranéens, enÉgypte et au Maroc. L’analyse démontreque les barrières techniques auxéchanges sont complexes et souvent diffi-ciles à comprendre et à interpréter, tantdans leur mise en œuvre, que dans leurjustification et leur impact. D’une certainefaçon, leur opacité en fait l’instrumentprotectionniste idéal : l’étude apporte uncommencement de preuve et une analysede probabilité que cela soit effectivementle cas. Elle a identifié les multiples dimen-sions des mesures de SPS/TBE, et leurseffets réels sur les échanges, mais aussisur la qualité des produits, le bien-êtreanimal, la santé humaine : elles ne peu-vent être évaluées par une simple opposi-tion du libre-échange et du protectionnis-me. Même les effets des normes obliga-toires sur le libre-échange peuvent êtreambigus en principe si, d’une part, lesexportateurs perdent sur les coûts demise en conformité, mais gagnent d’autrepart, grâce à la préférence des consom-mateurs pour de meilleurs produits.Appliquer le cadre général d’analyse à ladimension euro-méditerranéenne revientà retenir l’hypothèse selon laquelle, pourgérer des problèmes de régulation, desaccords régionaux seraient plus efficacesque des interactions commerciales et géo-graphiques de proximité. Toutefois, l’étu-de démontre que les formes relativementavancées de coopération dans le partena-riat euro-méditerranéen, quoique néces-saires pour traiter des questions decontrôle, sont néanmoins loin d’être suffi-santes. En effet, si elles offrent différentsdegrés de spécificité en termes d’harmo-nisation des standards, elles sont trèsvagues sur la question, pourtant essen-tielle, de la reconnaissance mutuelle destests et de la certification de normes apriori harmonisées. Le problème estrendu encore plus complexe par leslimites posées aux infrastructures de testset de certification des exportateurs.
√ Une analyse empirique, au niveau secto-riel, du rôle des règles d’origine, et del’impact de l’absence de cumul des règlessur les échanges. Ce point est important.La possibilité pour les pays du sud de laMéditerranée d’entrer dans le systèmepan-européen est donc largement suscep-tible d’aider largement le processus d’in-tégration régionale et, en conséquence,l’ajustement de ces économies.
√ Une approche en terme d’équilibre par-tiel calculable de quatre secteurs clés,au Maroc et en Tunisie, qui démontre lesconséquences potentielles du processusde libéralisation des échanges. À la dif-
-101-
exportations de produits manufacturés de
16,7% entre 1995 et 2002), mais leurs prin-
cipaux fournisseurs restent essentiellement
hors de la zone européenne.
Ces tendances se confirment quand on
observe les évolutions des parts des parte-
naires européens dans les échanges de cha-
cun des PM (i) qui se renforcent pour le
Maroc, la Turquie et la Tunisie, que ce soit
pour les exportations ou les importations,
(ii) qui s’amenuisent pour l’Egypte, le Liban
et la Syrie, et (iii) qui se diversifient pour la
Jordanie, pays pour lequel l’UE est un
débouché.
La différentiation des déficits commerciaux
par types de biens : le rôle fondamental de
l’UE dans l’industrialisation des PM
La décomposition des soldes commerciaux
par types de biens échangés selon la classifi-
cation BEC permet d’identifier des comporte-
ments différents des PM vis-à-vis de leurs
groupes de partenaires (voir figure 22).
√ L’UE demeure le pôle industrialisant
à partir duquel on importe la majorité des
biens d’équipement nécessaires à l’indus-
trialisation, et constitue le marché privilégié
des biens de consommation produits en
méditerranée.
√ Le reste du monde fournit les biens
primaires (agricoles ou énergétiques) qui ne
sont pas produits localement et constituent
des marchés pour les produits primaires.
Ces processus de régionalisation reposent
sur des spécialisations de plus en plus pous-
sées des pays les plus proches de l’UE.
Une croissance de la valeur ajoutée indus-
trielle qui ne suit pas celle des exportations
La croissance des exportations des PM ne
s’est pas accompagnée d’une croissance de
même ampleur de la valeur ajoutée indus-
Figure 22 : Les soldes commerciaux des PM par types de biens, biens de consom-mation (gauche) et biens d’équipement (droite)
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
-20 000
-15 000
-10 000
-5 000
1 990 1 991 1 992 1 993 1 994 1 995 1 996 1 997 1 998 1 999 2 000 2 001 2 002
UE
RdM
-2 000
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
RdM
UE
férence de tous les précédents travauxdans ce domaine, et à partir d'une basede donnée très détaillée, la modélisationdistingue explicitement les différentstypes de firmes. Les entreprises peuventêtre, globalement, réparties entre les« grandes entreprises exportatrices » etles « petites entreprises nationales ».L’analyse indique qu’il est fondamental,pour comprendre les éventuels proces-sus d’ajustement de ces économies, demieux intégrer l'ensemble de la structu-re industrielle. Par ailleurs, il sembleque le processus asymétrique de libéra-lisation des échanges pourrait avoir àcourt terme un impact négatif sur denombreuses entreprises et industriesdans ces économies, à moins qu’il nesoit accompagné d’un accès plus largeaux marchés européens.
-102-
trielle. Ce qui laisse supposer qu’il y a peu de
corrélation entre la croissance et celle de la
valeur ajoutée. Ils vendent plus, mais en
tirent moins de bénéfices. La même analyse
pour les pays développés montre que si leur
part dans les exportations mondiales baisse,
leur part dans la valeur ajoutée mondiale
augmente (Cnuced, 2002). C’est tout le pro-
blème du positionnement international relatif
des pays dans le partage de la création de
richesse avec leurs partenaires commer-
ciaux, que l’on retrouve de façon exacerbée
dans les processus de fragmentation au sein
des réseaux de production internationaux.
Globalement, on constate que la progres-
sion de la part des exportations dans le PIB
est plus rapide que celle de la valeur ajou-
tée manufacturière (figure 23). On constate
le recul net du Maroc, de l’Algérie et de la
Turquie en terme de croissance de la valeur
ajoutée dans le PIB alors que ces pays
enregistrent une progression de leurs
exportations. Le même constat peut être
fait pour la Hongrie et, dans une moindre
mesure, la Tchéquie. L’amélioration de la
position de l’Egypte correspond à des
restructurations industrielles, qui font bais-
ser la part des hydrocarbures dans le PIB.
La Tunisie, Israël et la Jordanie progressent
plus favorablement.
Les phénomènes généraux que nous venons
de dégager vont avoir des conséquences en
termes de compétitivité et de schémas de
spécialisation.
2. Un niveau de compétitivité relative qui fra-
gilise la position des PM face à la pression de
la concurrence internationale
La concurrence internationale s’est intensi-
fiée dans toutes les grandes catégories de
secteurs : la Chine et l’Inde pour les produits
Figure 23 : Décalage entre la croissance des exportations et celle de la valeurajoutée industrielle
* croissance sur la période 90-2001 de la valeur ajoutée industrielle / PIB pour les PM** croissance sur la période 90-2001 des exportations / PIB pour les PM* croissance sur la période 93-2001 de la valeur ajoutée industrielle / PIB pour la Hongrie et la Tchéquie** croissance sur la période 93-2001 des exportations / PIB pour la Hongrie et la TchéquieSources : Comtrade et ONUDI – Calculs : Institut de la Méditerranée
-50%
-40%
-30%
-20%
-10%
0%
10%
20%
-100% -80% -60% -40% -20% 0% 20% 40% 60% 80%
Evolution de la part des exportations dans le PIB
Liban
Egypte
Algérie
Turquie
Maroc
Jordanie
Tchéquie
Tunisie
Israël
Hongrie
Evolu
tion d
e la p
art
de la v
ale
ur
ajo
uté
em
anufa
ctu
rière
dans le P
IB
-103-
intensifs en travail non qualifié (textile-
habillement), les pays de l’Europe de l’Est et
d’Amérique latine pour les produits moyen-
nement intensifs en travail qualifié et les
pays d’Asie pour les produits technologiques.
Les PM doivent impérativement améliorer
leur compétitivité via leur niveau de produc-
tivité et via la qualité de leurs exportations.
Les caractéristiques des échanges commer-
ciaux sont la résultante des performances
des systèmes productifs locaux. Les évolu-
tions de la compétitivité relative des exporta-
tions des PM sont dès lors le reflet des amé-
liorations des capacités de production : pro-
grès technologique, accumulation du capital,
changements structurels.
Les pays de l’Europe de l’Est sont des concur-
rents immédiats pour les PM, parce que,
entre autre, (i) ils se spécialisent sur des sec-
teurs concurrents, (ii) ils bénéficient des
mouvements de capitaux internationaux que
leur accorde un fort niveau de confiance de la
part des firmes européennes et internatio-
nales, (iii) la plupart d’entre-eux ont une his-
toire industrielle forte qui leur a permis d’ac-
quérir des potentialités d’apprentissage plus
rapide face aux impératifs de la concurrence
mondiale. C’est pourquoi les caractéristiques
des PM par rapport aux différents indicateurs
de compétitivité dans les échanges interna-
tionaux seront comparées à celles d’un
échantillon de pays de l’est européen (noté
PEE) dont trois ont adhéré à l’UE en mai 2004
(Hongrie, Pologne et Tchéquie) et deux sont
en cours d’adhésion (Bulgarie et Roumanie).
Faiblesse de la compétitivité des PM malgré
des résultats qui paraissent encourageants
La progression de la part des produits manu-
facturés dans les exportations permet de voir
dans quelle mesure les PM se dégagent d’une
spécialisation fondée sur l’exploitation de
leurs ressources naturelles. Cependant, il
faut aller plus loin dans l’analyse pour voir si
l’évolution de ces structures de spécialisation
vers des produits manufacturés (i) vont dans
le sens d’une meilleure adaptation à la
demande des partenaires commerciaux et
(ii) permettent aux pays de diversifier leurs
panels d’exportation.
a. Evolution de la part des exportations de
produits manufacturés
Le tableau 15 montre l’évolution de la part
des produits manufacturés dans les exporta-
tions des pays méditerranéens selon le par-
tenaire. Le cas israélien est exclu de l’analy-
se car les caractéristiques de ses exporta-
tions, essentiellement composées de pro-
duits manufacturés avec les pays du reste du
monde (95% en 2002 avec RdM et 86% avec
l’UE), masquent la tendance générale mar-
quée par (i) le fait que les PM exportent une
part plus importante de produits manufactu-
rés vers l’UE que vers le RdM et (ii) une pro-
gression sensible du ratio avec l’UE et une
amélioration légère, voire une stagnation,
avec RdM.
On remarquera de plus que :
√ les 3 pays les plus proches de l’UE
enregistrent une nette progression de l’indi-
cateur avec l’UE, la Turquie atteignant plus de
87%, la Tunisie, plus de 84% et le Maroc plus
de 74%. Dans le même temps, on constate
une progression des positions turques sur les
Tableau 15 : Parts (en %) des produitsmanufacturés dans les exportations desPM
1990 1995 2002
Exports versUE
38,6% 58,0% 61,5%
Exports versRdM
58,0% 61,5% 66,0%
Exports versUE
32,0% 52,5% 57,5%
Exports versRdM
44,0% 44,0% 48,0%
Total pays méditerranéens
Pays méditerranéens sans Israël
Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée
-104-
marchés du reste du monde et une stagnation
des débouchés tunisiens avec une baisse du
ratio depuis 2000. Les exportations de pro-
duits manufacturés du Maroc vers le reste du
monde sont par contre en nette régression,
laissant supposer que ce pays exporte vers le
RdM ses ressources naturelles telles que les
produits agricoles et le phosphate.
√ Après une période de croissance du
ratio jusque dans les années 1998-1999, le
Liban et l’Egypte voient leurs parts de pro-
duits manufacturés dans les exportations
vers l’UE baisser de façon régulière (de près
de 80% en 1999 à 63% en 2002 pour le
Liban, de 58% en 1998 à 44% en 2002 pour
l’Egypte). Leur comportement vis-à-vis du
reste du monde est moins régulier, mais on
constate cependant une chute nette depuis
2000.
b. Adaptation des exportations aux évolu-
tions des demandes des partenaires
La figure 24 met en relation les indicateurs
d’adaptation des exportations aux demandes
européennes (axe des abscisses) et aux
demandes des pays du reste du monde (axe
des ordonnées). Il ressort que (i) seuls trois
pays méditerranéens réagissent de façon
positive aux évolutions des demandes des
européens – la Tunisie, la Turquie et la Syrie –
alors que tous les pays de l’est européen de
notre échantillon sont situés dans le cadran II
; (ii) aucun des pays de notre échantillon ne
se trouve dans le cadran I d’adaptation posi-
tive commune aux deux partenaires, (iii) le
Maroc est dans une situation d’inadaptation
globale et (iv) l’Egypte, Israël et le Liban sont
mieux placés vis-à-vis des demandes extra-
Figure 24: Adaptation des exportations des PM et des PEE aux évolutions desdemandes de leurs principaux partenaires
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
Figure 25: Evolution de la concentration des exportations (1995=100 *) Maroc –Tunisie – Turquie : avec l’UE (gauche) et avec le reste du Monde (droite)
0,50
0,70
0,90
1,10
1,30
1,50
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Maroc
Tunisie
Turquie
0,50
0,70
0,90
1,10
1,30
1,50
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Maroc
Tunisie
Turquie
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée* Indicé par rapport à l’année 1995, l’indicateur montre une croissance des concentrations s’il augmen-te et une diversification si il diminue.
-105-
européennes et sont en position d’inadapta-
tion à la demande des pays de l’UE.
La progression de la part des produits manu-
facturés s’accompagne d’une augmentation
de la concentration des exportations.
L’analyse de l’indicateur de diversification des
exportations montre une tendance nette à la
concentration des exportations (surtout avec
l’UE), ce qui dans un contexte de non-adap-
tation à la demande internationale ne traduit
pas un phénomène de transition de secteurs
traditionnels vers des secteurs plus dyna-
miques (comme c’est le cas des pays de
l’Europe de l’Est) mais une spécialisation de
plus en plus poussée sur des secteurs peu
dynamiques.
Les trois PM les plus proches de l’UE n’enre-
gistrent que de faibles évolutions de la
concentration de leurs exportations. La
Turquie améliore sa position tandis que la
Tunisie la conserve. Le Maroc a tendance à
renforcer ses spécialisations surtout avec l’UE.
Les trois pays de l’est méditerranéen enre-
gistrent globalement une nette diversification
de leurs panels de produits d’exportation
essentiellement vis-à-vis des clients du reste
du monde. On remarque (i) les progrès
remarquables de la Jordanie qui réussit une
diversification avec ses deux groupes de par-
tenaires, (ii) les situations plus préoccu-
pantes du Liban et de l’Egypte, qui ne réus-
sissent à diversifier leurs exportations
qu’avec le reste du monde.
Exception faite de la Pologne, les pays nou-
vellement intégrés à l’UE ou en voie d’adhé-
sion enregistrent également une forte pro-
gression de la concentration de leurs expor-
Figure 26 : Evolution de la concentration des exportations (1995=100) Egypte –Liban – Jordanie : avec l’UE (gauche) et avec le reste du Monde (droite)
0,50
0,70
0,90
1,10
1,30
1,50
1,70
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Egypte Jordanie
Liban
0,50
0,70
0,90
1,10
1,30
1,50
1,70
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Egypte Jordanie
Liban
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
Figure 27 : Evolution de la concentration des exportations (1995=100) des 5 PEE:avec l’UE (gauche) et avec le reste du Monde (droite)
0,50
0,70
0,90
1,10
1,30
1,50
1,70
1,90
2,10
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Bulgarie HongriePologne RoumanieTchéquie
0,50
0,70
0,90
1,10
1,30
1,50
1,70
1,90
2,10
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Bulgarie HongriePologne RoumanieTchéquie
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
-106-
tations. Cependant, le contexte est différent
dans la mesure où les restructurations des
systèmes productifs reposent sur une réallo-
cation des ressources productives sur des
secteurs dynamiques avec un abandon pro-
gressif des secteurs traditionnels tels que le
textile-habillement.
La structure technologique des exportations
n’évolue que lentement
La nature du produit, sa complexité techno-
logique, le niveau de compétence auquel sa
production fait appel constituent des indica-
teurs de performances des capacités produc-
tives des pays exportateurs qui affinent les
indicateurs de compétitivités liés à la struc-
ture des spécialisations. Nous utilisons le
classement des produits selon l’intensité des
compétences, de la technologie et du capital,
publié par la CNUCED (Cnuced, 2002). On
notera cependant que le classement exclut le
commerce des combustibles.
Globalement, on constate que (tableau 16):
√ les exportations des PM sont de plus
en plus spécialisées sur des produits à forte
intensité de main d’œuvre, phénomène enco-
re plus marquant vis-à-vis de l’UE où plus de
la moitié des exportations repose sur l’ex-
ploitation du travail non qualifié et des res-
sources naturelles.
√ Les exportations vers les pays du
reste du monde ont un contenu technolo-
gique plus important, surtout en ce qui
concerne les produits à forte intensité tech-
nologique et de compétence.
Sur la période 1990-2002, les exportations
de produits à forte et moyenne intensité
technologique ont faiblement augmenté et
stagnent depuis les années 2000. Ces biens
représentent, en 2002, près de 40% des
exportations vers le reste du monde et 32%
vers l’UE. Alors que la catégorie de produits
intensifs en main d’œuvre augmente en ce
qui concerne les exportations vers l’UE (de
41% en 1990 à 52% en 2002) et ont ten-
dance à régresser dans les exportations vers
le reste du monde (de 48% en 1990 à près
de 42% en 2001), malgré une augmentation
en fin de période.
Tableau 16 : Part dans les exportationsdes PM des produits selon leur intensitétechnologique
1995 2002 1995 2002Forte intensité decompétence et detechnologie
22% 26% 14% 14%
Intensité moyenne decompétence et detechnologie
10% 12% 10% 18%
Forte intensité en maind’oeuvre et en ressources
38% 39% 45% 47%
Faible intensité decompétence et detechnologie
7% 8% 4% 5%
RDM UE
Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée
Figure 28 : Intensité technologique des exportations des PM : Produits à forte etmoyenne intensité de compétences et de technologie (gauche) et produits à faibleintensité de compétences et de technologie et produits à forte int. de MO et deressources (droite)
0%
10%
20%
30%
40%
50%
1 990 1 992 1 994 1 996 1 998 2 000 2 002
RdM
UE
30%
35%
40%
45%
50%
55%
1 990 1 992 1 994 1 996 1 998 2 000 2 002
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
-107-
L’objet de l’étude a consisté à tester cetterelation, mais bien au-delà à comprendre lerôle que pourraient jouer les TIC dans le pro-cessus de rattrapage économique (« mise àniveau ») entre les deux rives de laMéditerranée et la place que celles-cidevraient avoir dans les accords d’associa-tion et dans la dynamique régionale enclen-chée par le processus de Barcelone.
Il s’est agi de :(i) caractériser l’état de diffusion des TIC ausein des partenaires méditerranéens et de lecomparer à celui des pays qui ont accédé àl’Union Européenne (ou vont le faire) (AC 12)ainsi qu’à celui des pays de l’UnionEuropéenne (UE-15) ;(ii) développer les hypothèses de fracturenumérique et examiner les réformes et lesmodifications institutionnelles et réglemen-taires qui seraient susceptibles de permettreune accélération de l’adoption des TIC ;(iii) comprendre et caractériser de manièredynamique le lien entre diffusion des TIC etperformances macro-économiques (producti-vité, croissance économique, emploi…) ;(iv) cerner le rythme d’adoption des innova-tions organisationnelles complémentairesaux TIC, susceptibles d’améliorer les perfor-mances micro-économiques des firmes dansles PM ;(v) évaluer les actions de politiques écono-miques susceptibles d’engendrer un rythmed’adoption plus rapide des TIC au sein desPM et comprendre dans quelle mesure ellesrelèvent de la stratégie communautaire défi-nie lors du sommet de Lisbonne en 1999visant à créer une société des connaissancesdynamique à l’horizon 2010.
Sept résultats principaux ont été obtenus :
Premièrement, deux types de fracturesnumériques au niveau des équipements ontété identifiées : la première concerne lesécarts d’équipements en matière de télépho-nie, avec des résultats contrastés selon lespays, et la seconde concerne Internet et sesusages connexes, et montre clairementl’existence d’un fossé numérique.
Les niveaux d’équipements en télécommuni-cation tendent, en effet, à converger grâceau recours croissant des pays à niveaux dedéveloppement plus faibles aux nouvellesgénérations de technologies mieux adaptéesà leurs besoins (follower advantage). La télé-phonie mobile est de plus en plus présenteau sein des PM. Cette évolution a relégué latéléphonie fixe au second plan. Ces équipe-ments facilitent grandement la vie quotidien-ne sans produire par eux-mêmes de valeur.
Les nouvelles technologies génériques :spécialisation, diversification, transfertset capacités d'absorption (les 12 PPM)
Dirigée par ADIS-Réseau EMMA, FacultéJean Monnet Université Paris-Sud,France
Depuis trois décennies, et avec une intensi-té constamment croissante, la diffusion desTechnologies de l’Information et de laCommunication (TIC) a fait l’objet d’uneattention particulière de la part des gestion-naires dirigeants, des analystes écono-mistes, comme des décideurs publics. Cestechnologies ont la particularité de rassem-bler autant des services que des investisse-ments matériels. Elles ont un caractèregénérique dans la mesure où elles sontdevenues des biens d’usage non spécifiques,aussi bien dans la vie quotidienne que dansles processus de production. Leur usagedépasse de très loin le milieu qui les a conçuou produit. Les délais d’apprentissage sontcourts et les conditions d’utilisation sont peulimitatives. En conséquence, ces technolo-gies jouent un rôle décisif dans le dévelop-pement des sociétés. Elles modifient radica-lement les processus de croissance pour lesespaces économiques les moins développés,notamment en termes de compétences pro-ductives et de fondements cognitifs. Sousréserve de satisfaire à un minimum deconditions organisationnelles et institution-nelles, les technologies génériques peuventaccélérer la diffusion des connaissances etdes savoirs.
Ceci veut dire que les TIC sont d’abord sup-posées jouer un rôle primordial dans le pro-cessus de développement en mettant direc-tement en relation le volume des investisse-ments dans ces technologies et leurs effetsen matière de croissance. Le rapport de laBanque Mondiale (Reiffers et Aubert, 2002)examine les enjeux et les défis de la sociétéde la connaissance pour la région méditerra-néenne. Leurs recommandations de politiquescientifique, éducative et de communicationmontrent que les TIC et plus largement l’en-semble de la société de l’information et de laconnaissance, nous place devant un nouveaudilemme :
√ d’un côté, une plus grande diffusion desTIC pourrait permettre une dynamique derattrapage (dividende numérique) ;
√ simultanément aux possibilités de rattra-page, les retards dans la diffusion des TICpeuvent conduire à une marginalisationcroissante des territoires faiblement équi-pés (fracture numérique).
-108-
En revanche, la fracture tend à se creuserdans l’informatique qui est une activité direc-tement créatrice de valeur. La conjugaisonde l’absence de dynamique d’adoption dansla téléphonie fixe et un retard sensible dansla diffusion des ordinateurs a pour consé-quence l’apparition d’un fossé en matière dediffusion d’Internet. Ce dernier point est par-ticulièrement important car tout retardconstitue un handicap sérieux dans la pers-pective de la mise en place d’une « sociétédes savoirs ». Cependant, l’analyse montreque les efforts consentis par les PM sontimportants. La fracture relative est beaucoupplus faible que la fracture mesurée en termesabsolus.
Le second résultat concerne les écarts enmatière de diffusion et d’usages au sein dechaque groupe de pays. Il semblerait queceux-ci soient importants entre les pays lesplus équipés et les pays les moins équipés ycompris au sein des PM et que ces inégalitéstendent à augmenter. La zone de libre-échange euro-méditerranéenne devient unezone hétérogène du point de vue de la diffu-sion des TIC. Ceci pourrait avoir des effetsconséquents sur l’allocation des ressourcesproductives, si les firmes tiennent compte dece facteur dans leur décision d’implantation,et sur la divergence des performancesmacroéconomiques à terme. Evaluant l’im-pact des TIC sur les performances macroéco-nomiques des PM, l’étude met en évidencecinq canaux d’amélioration de la performan-ce : (i) l’effet d’investissement (la part del’économie numérique dans l’économie glo-bale) ; (ii) les effets multiplicateurs qui peu-vent en découler ; (iii) l’effet de substitutionTIC/travail ; (iv) l’effet déflation qui montrel’impact de la baisse continue des prix dusecteur TIC sur le reste de l’économie et sur-tout sur la maîtrise de l’inflation ; (v) l’effetqualité qui résume les évolutions qualitativesde l’univers des transactions par le recoursaux TIC.
Le troisième résultat concerne les scénariide rattrapage. Si les rythmes de croissanceactuels perdurent, « le gap technologique »en matière de TIC ne peut être comblé,même à horizon long. Il est indispensable decoupler la question des TIC, d’un côté, auproblème des taux de croissance économiqueet, de l’autre, aux mesures institutionnelles.Dans ce cadre, un différentiel de croissance àlong terme d’un point en faveur des PM com-parativement à l’UE conduirait à diviser pardeux la période nécessaire au rattrapage. Parailleurs, les handicaps observés dépendenten premier lieu de la faiblesse des environ-nements institutionnels. Ceci a des inci-
dences directes sur les taux de croissancenécessaires et sur les politiques publiquesconcernant Internet et l’ensemble des télé-communications.
Le quatrième résultat concerne lesimpacts des évolutions technologiques sur lafracture numérique. En effet, « l’effetretard » ne constitue pas un handicap iden-tique à court terme et à long terme. Les nou-velles technologies de l’information et descommunications paraissent mieux conveniraux PM que les anciennes TIC (les technolo-gies satellitaires, le mobile, Internet sans fil,etc.). Des facteurs socio-économiques per-mettent d’expliquer pourquoi certaines nou-velles technologies se diffusent plus vite (letéléphone mobile) que d’autres (Internet). Ilen résulte une vision relativement claire desconditions nécessaires pour saisir ces oppor-tunités en termes de développement.
Le cinquième résultat concerne lesimpacts macro-économiques des TIC. Endépit de nombreuses difficultés statistiques,une étude spécifique de l’économie tunisien-ne indique que la contribution des TIC à lacroissance est importante. Ceci témoigne del’existence d’un gisement de productivité nonexploité et qui pourrait être stimulé dans lesPM. Le principal canal d’accélération de lacroissance par les TIC est celui de l’effetdéflation signalé par Gordon : la baisse desprix des TIC peut se répercuter dans le restede l’industrie et provoquer une augmentationde la productivité. Or, dans le contexteactuel, les PM bénéficient peu de cet effet. Del’ampleur de cette baisse future des prixdépendra les gains de productivité des PM.
Le sixième résultat concerne les réformesréglementaires et institutionnelles dans lesecteur des télécommunications. Cette étudemontre l’effet positif de la mise en place deces réformes dans l’accélération de l’adoptionde la téléphonie mobile notamment. Lesforces de marché sont capables de réduire lafracture numérique. En revanche, les effetsdes réformes sur l’adoption d’Internetdemeurent assez limités. La faiblesse struc-turelle des réseaux physiques de télécommu-nications et le faible équipement en ordina-teurs handicapent fortement les PM dans cedomaine. Des politiques publiques nécessi-tant des investissements importants sontrequises pour améliorer l’accès en termesquantitatif et qualitatif (la largeur de labande). Enfin, il convient de considérer leprogrès technique et les évolutions des tech-nologies alternatives comme des solutionséventuelles pour combler le fossé numériqueen matière d’Internet.
-109-
Le septième résultat concerne les effetsmicro-économiques, analysés sur un échan-tillon de 409 entreprises. Ici, l’adoption desTIC dans les entreprises méditerranéennesa été effectuée sans une véritable réflexionstratégique de la part des entrepreneurs.Par conséquent, l’usage qui en est fait necontribue que peu à l’amélioration de la pro-ductivité. Leurs capacités à réduire les coûtsde transaction, à modifier et décentraliser lachaîne hiérarchique et à rendre l’entrepriseplus flexible ne sont pas exploitées. D’unepart, l’analyse par fonction administrativemontre que le capital TIC est dispersé dansl’entreprise et est faiblement utilisé pourinduire une plus grande flexibilité dans lesusages courants. Les entreprises ne bénéfi-cient pas encore des effets de réseauxrésultant des TIC. D’autre part, ces techno-logies ne sont pas considérées comme desinputs essentiels mais davantage commedes inputs rares et réservés aux décideurs(cadres et chefs d’entreprises). Enfin, l’arti-culation entre TIC et pratiques organisation-nelles est sous optimale. Une diversité detrajectoires d’adoption des innovationsorganisationnelles complémentaires estconstatée entre les pays. Dans le cas del’économie turque, l’absence de perfor-mances liées aux TIC est davantage expli-quée par l’absence d’adaptation complé-mentaire des pratiques organisationnellesque par l’état de l’adoption des TIC (large-ment suffisant).
Le résultat des enquêtes est riche d’ensei-gnements. La très grande majorité des res-ponsables sondés considère que les TICjouent un rôle déterminant dans la croissan-ce et le développement de leur entreprise.Ils accordent donc un véritable intérêt auxnouvelles technologies. Les argumentsavancés sont les suivants : réduction descoûts de production et de communication,soutien de la concurrence, amélioration dela qualité des produits, aide pour la compta-bilité et la gestion du personnel, accroisse-ment des ventes, et parfois, meilleure prisede décision due à un accès plus efficace àl’information. Mais cela ne se traduit pas, laplupart du temps, par une plus grande utili-sation de ces technologies.
Pour résumer, l’étude a montré, pour ce quiest des entreprises, que :
1) l’indigence informationnelle est liée àune méfiance généralisée. Il a été très dif-ficile d’obtenir une estimation chiffrée de lapart des TIC dans l’investissement total etil est d’autant plus difficile de connaître sonévolution.
Les entreprises de création récente sem-blent, toutes choses égales par ailleurs, êtrecelles qui ont le mieux réussi l’intégration desTIC. Ceci a été facilité par la possibilité derecruter et de sélectionner des compétencesnouvelles, en même temps qu’elles réalisentdes investissements plus intensifs en TIC,surtout avec la poursuite de la tendance à labaisse des prix de ces technologies. La maî-trise de l’outil informatique est devenue, par-fois même, un critère de sélection dans lesrecrutements.
2) Non seulement la diffusion des TIC estglobalement très faible dans les entreprisesdes PM, mais leur introduction est davanta-ge un outil de circonstance qu’un instru-ment stratégique. Cette situation est égale-ment liée au fait qu’il ne semble pas y avoirde stratégie consciente de l’investissementen TIC. Cela coïncide avec le fait que les TICsont considérées comme une dépense etnon comme un investissement. La plupartdes entreprises achètent du nouveau maté-riel en fonction des besoins immédiats (ycompris d’image), et en réaction à laconcurrence, non dans le cadre d’une véri-table stratégie.
Souvent l’usage des TIC est réservé à desfonctions bureautiques classiques ou encoreà l’élite des dirigeants et des cadres. C’estdire que l’utilisation des TIC n’a pas réussi àpénétrer les différentes fonctions des entre-prises, et encore moins les différentes caté-gories du personnel.
Il faut en fait distinguer deux types d’inté-gration des TIC : une intégration contrainte,et une intégration stratégique. Ces deuxformes d’intégration ne sont pas toujoursopposées, mais elles ne sont pas non plusnécessairement compatibles. L’intégrationcontrainte peut ne pas conduire les entre-prises en question à monter des projets TICadaptatifs et intégrés, mûris et réfléchis.
L’enquête a montré le peu de « corrélation »consciente ou stratégique entre les TICcomme technologies et les démarches dequalité ou les nouvelles formes d’organisa-tion du travail. Les entreprises qui ont intro-duit des changements en ce sens semblent,dans leur majorité, l’avoir fait plus sur lemode de la contrainte (surtout celle des don-neurs d’ordre) que par esprit d’entreprise etd’innovation, avec pour objectifs de cultiveret de profiter des opportunités offertes parles TIC. Très peu d’entreprises considèrentles TIC comme projet, comme support d’unenouvelle dynamique d’apprentissage et doncde croissance de la compétitivité.
-110-
3) Les facteurs de blocage sont multiples. Lesprincipaux, classés par ordre croissant d’im-portance, sont :
Le coût des équipements TIC fait apparaîtreune opposition entre la baisse objective desprix (ou l’accroissement considérable etcontinu des capacités) et leur coût considérécomme trop élevé par les industriels pour lesordinateurs, logiciels ou machines électro-niques. La permanence de la référence auxcoûts contraste avec les réactions face auxinvestissements plus traditionnels. Il fautsouligner que le coût auquel il est fait réfé-rence ne concerne pas seulement le coûtdirect lié à l’achat des équipements, maisaussi le coût de maintenance des appareilsou ordinateurs et, explicitement ou non, lecoût d’apprentissage, le coût organisationnelet celui de la répartition du pouvoir au seinde chaque entreprise.
Le faible niveau de formation et d’éducationgénérale du personnel, notamment enanglais, langue indispensable à l’utilisationde la plupart des logiciels constitue un handi-cap majeur pour se positionner sur les sen-tiers de croissance propres aux sociétés del’information et de la connaissance. A cecis’ajoute le manque de compétences tech-niques et de formation en informatique.
Enfin, et surtout, la faiblesse des usagesentraîne une faiblesse organisationnelle. Cetravail confirme la pertinence de l’hypothèsede la complémentarité des facteurs technolo-giques et organisationnels dans l’adoptiondes TIC. C’est à ce niveau principalementque doit porter l’attention des politiques etdes stratèges industriels.
Quelles sont les conséquences en matière depolitiques économiques ?
Des éléments précis ayant des conséquencesdirectes en termes de politique publique sontprésentés, par ordre décroissant de générali-té et non d’importance qui relève plutôt desstratégies retenues. Il faudrait :
1) augmenter la dotation en ressourceshumaines pour mieux servir les besoins dessegments de marché utilisant les TIC. Il s’agitd’une politique éducative de long terme quicommence par la formation technologique desélèves à l'école. Cette politique a naturelle-ment de nombreuses facettes. Elle passe parla revalorisation des métiers liés à la créationde valeur autant que par le développementdes compétences. Cette politique devrait seconcentrer sur la qualité de l'éducation et passeulement sur l'accès à l'éducation.
2) instituer une politique économique globa-le, relativement stable et accompagnéed’une visibilité certaine. Il est souvent sug-géré que les différentes directions (minis-tères, associations, communautés locales)soient réunies pour avoir une vision plusintégrée. Ces politiques concernent (i) lacontinuation et l’approfondissement du pro-cessus de libéralisation du secteur des télé-coms, (ii) la généralisation de l’enseigne-ment informatique, (iii) l’amélioration del’accès.
3) introduire de la concurrence dans les seg-ments du marché des télécommunications.L’infrastructure (mobile et Internet) dansl’ensemble des PM accuse d’importantsretards qui doivent être comblés. Il s’agiraitde renforcer les cadres réglementaires afind’assurer une concurrence efficace (indé-pendance réglementaire dans l’attributiondes fonctions institutionnelles ainsi que laréduction du risque réglementaire en télé-communications). Une véritable concurrencedevrait conduire à la présence d’opérateursspécialisés dans les services de données et àla hausse des investissements privés per-mettant la modernisation de l’infrastructurede communication existante.
4) mettre en place le paiement électronique.Le développement du commerce électro-nique (B to C) implique l’introduction denouvelles méthodes de paiement telles quel’autorisation des transferts par signatureélectronique, l’introduction de paiements parcarte bancaire nationale, pour le développe-ment de sites nationaux, la distribution decartes de paiement internationales.
5) sensibiliser les entreprises privées à l’im-portance des systèmes et services d’infor-mation en (i) développant des instrumentsnationaux d’intelligence économique(offices, foires, colloques…), (ii) encoura-geant les entreprises à évaluer leurs besoinsd’assistance et d’exécution lors de l’acquisi-tion de logiciels, (iii) aidant les fournisseursd’applications, ce qui permettrait aux entre-prises de louer des applications logicielles,plutôt que d’investir dans ces produits.
6) activer une politique favorisant l'exporta-tion et la coopération internationale. Unetelle politique, soutenue par les actions demise à niveau, les actions commerciales departenariat, les transferts de technologiespourraient s’appuyer sur les divers systèmesde normes nationaux et internationaux.Cette politique devrait inciter les entreprisesà respecter les normes mondiales et à enadopter les dispositifs organisationnels.
-111-
L’analyse par pays fait cependant ressortir
des différences de comportement impor-
tantes (voir figure 29). On constate, en
effet, (i) que les pays qui se rapprochent le
plus de l’UE (Tunisie et Maroc) se position-
nent avantageusement quand il s’agit des
exportations à forte intensité de compétence
et de technologie vers le reste du monde
(avec respectivement 49% et 45% de leurs
exportations composés de produits techno-
logiques) mais se trouvent en fin de liste
quand il s’agit des exportations vers l’UE
(respectivement 24% et 18%), (ii) la posi-
tion de la Jordanie qui présente une structu-
re d’exportation valorisant une forte propor-
tion de produits à forte compétence et qui
entre 1995 et 2002 recentre sensiblement
ses marchés vers l’UE, (iii) que la Turquie
améliore ses positions sur les deux marchés
(de 16 à 27% de produits de la catégorie
entre 1995 et 2002 vers RdM et de 15% à
32% vers l’UE sur la même période essen-
tiellement sur les produits à intensité
moyenne de compétence.
La comparaison avec les pays de
l’est européen met en évidence le
retard technologique des PM. Un
premier groupe des pays de l’est
européen enregistre des meilleurs
performances avec l’UE, c’est le cas
de la Hongrie (72% d’exportations
de produits à haute et moyenne
intensité de technologie), de la
Slovaquie (59%), de l’Estonie (49%)
et de Chypre (40%). La Tchéquie
progresse de façon très significative
avec les deux partenaires, attei-
gnant 64% de ces exportations clas-
sées dans cette catégorie vers le
RdM et 55% vers l’UE.
La mise en parallèle les évolutions de
structure technologique de la valeur
ajoutée dans le secteur manufactu-
7) développer un ensemble de politiquesfinancières à l’adresse des entreprises quiinnovent dans les produits, mais égalementdans les systèmes organisationnels (en par-ticulier pour les micro et petites entreprises)et accroître le financement du capital risquedans le secteur des TIC.
8) mettre en place des dispositifs tempo-raires et ciblés de soutien des initiatives indi-viduelles d'adoption des TIC dans le domaineindustriel (en particulier le raccordement àInternet).
9) introduire et étendre des portails secto-riels : le secteur privé, par le biais d’associa-tions industrielles, pourrait relayer les effortspublics à travers l’établissement de portailssectoriels, offrant aux secteurs concernés uneplus grande couverture internationale. Il seraitégalement bénéfique de sensibiliser les entre-prises à l’importance des TG et de faciliter l’in-troduction du commerce B to B et B to C.
Figure 29 : Parts (en %) des produits à forte etmoyenne intensité de compétence et de techno-logie dans les exportations des PM
0%
20%
40%
60%
80%
Syrie Egypte Algérie Liban Turquie Med JordanieMaroc Israël Tunisie
Reste du monde1 995
2 002
0%
20%
40%
60%
80%
Syrie Maroc Egypte Tunisie Turquie Liban Med Algérie Israël Jordanie
Union européenne1 995
2 002
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
Union Européenne
-112-
rier et les résultats du commerce extérieur,
permet de conforter ces résultats.
Le tableau 17, montre une perte de compéti-
tivité globale dans le classement relatif des PM
au niveau international entre 1985 et 1998.
Seules l’Egypte, la Turquie et la Jordanie amé-
liorent leurs positions grâce à des restructura-
tions industrielles laissant une part plus
importante aux industries à forte et moyenne
intensité de technologie. Par contre, le Maroc
et la Tunisie enregistrent un net recul de leur
position relative avec une partie toujours plus
importante de leur industrie consacrée à des
activités de faible intensité technologique.
Les effets de l’ouverture sur l’évolution des
complémentarités des structures d’échange
avec l’UE
Le niveau de commerce intra-branche est un
indicateur du niveau de développement des
structures productives des pays méditerra-
néens. Il a été calculé sur la base des
échanges à un niveau désagrégé de 5 digit
de la SITC. Le commerce intra-branche repo-
se sur les échanges croisés de produits simi-
laires. Il permet de voir dans quelle mesure
les échanges des PM s’éloignent des spéciali-
sations ricardiennes classiques pour entrete-
nir avec leurs partenaires des relations com-
merciales fondées sur des complémentarités
plus fines intra-systèmes productifs.
Les données moyennes sur deux périodes
1990-1995 et 1996-2002 ont été calculées
pour chaque pays et pour l’ensemble des PM.
Cependant les résultats d’Israël étant parti-
culièrement éloignés de la moyenne des PM,
nous avons également établi une moyenne
des PM sans Israël.
On voit bien que, pour l’ensemble des PM,
avec ou sans Israël, les résultats sont relati-
Figure 30 : Les échanges de type intra-branche des pays méditerranéens
10
15
20
25
30
35
40
45
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
RDM UE
RDM (sans Israël) UE (sans Israël)
Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée
Tableau 17 : La structure technologique de la valeur ajoutée dans le secteur manu-facturier
1998 1985 1998 1985 1998 19851 1 Singapour 80 67 20 332 2 Japon 66 64 34 366 4 USA 63 62 37 3816 15 Israël 54 52 46 4830 20 Rép. Tchèque 48 48 52 5231 6 Hongrie 46 58 54 4232 29 Pologne 45 44 55 5647 32 Roumanie 34 41 66 5937 44 Egypte 39 31 61 6939 43 Turquie 38 32 62 6852 70 Jordanie 31 33 69 6754 42 Algérie 29 32 71 6861 54 Maroc 25 25 75 7571 56 Tunisie 19 25 81 75
Positions relatives despays au niveauinternational*
Part de l’ind. à forte etmoyenne intensitétechnologique
Part de l’ind. à faible intensitétechnol. et basée sur lesressources
* Classement en fonction de la proportion des articles à moyenne et forte intensité de technologie dansla valeur ajoutée dans le secteur manufacturierSource : Unido, 2001
-113-
vement médiocres. Bien que la part des
échanges intra-branches augmente sur la
période (de 29 à 38 pour les PM restreints
avec le RdM, de 15 à 23 avec l’UE), elle reste
toujours supérieure avec les pays partenaires
non européens avec lesquels elle progresse
plus en fin de période (figure 30). Les indica-
teurs calculés sur les seuls produits manu-
facturés montrent les mêmes tendances.
On remarque également que (figure 31) :
(i) globalement, les niveaux de commerce
intra-branche sont faibles pour l’ensemble
des PM, hormis le cas d’Israël qui présente
un niveau d’industrialisation plus élevé que la
moyenne des PM,
(ii) les résultats des PM se révèlent globale-
ment meilleurs quand il s’agit des échanges
avec le RdM pour la plupart de nos pays,
sauf pour le Maroc qui reste sur des taux
d’intra-branche faibles quel que soit le par-
tenaire,
(iii) comparé aux résultats obtenus par les
pays de l’est européen, l’écart est considé-
rable : la Turquie, pays le mieux classé des PM
se trouve au même niveau que la Roumanie
(environ 22%), pays le moins bien classé des
PEE de notre échantillon. La Tchéquie obtient
par exemple des taux de 52,5 avec l’UE et de
34 avec le RdM (figure 32).
On soulignera de plus que les échanges au
sein de la zone Euromed n’ont pas permis aux
PM de se rapprocher des structures d’échan-
ge de leur partenaire européen. Il semble
que, sur la période, l’indicateur de similarité
des échanges, qui varie de 0 pour des struc-
tures d’échanges opposées à 100 pour des
Figure 33 : Les similarités des structures commerciales des PM et des PEE avecl’UE
0
5
10
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20
25
30
35
40
45
50
Israël Hongrie Tchéquie Pologne Bulgarie Turquie Roumanie Tunisie Liban Jordanie Algérie Syrie Egypte Maroc
1990 1995
2002
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
Figure 32 : Commerce intra-brancheentre les AC10 et leurs principaux parte-naires (indicateur moyen 1996-2002)
0
10
20
30
40
50
60
Roumanie Lettonie Bulgarie Lituanie Pologne Chypre Slovaquie Estonie Slovénie Hongrie Malte Tchéquie
UE
RdM
Monde
Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée
Figure 31 : Commerce intra-brancheentre les PM et leurs principaux parte-naires (indicateur moyen 1996-2002)
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Algérie Syrie Egypte Maroc Jordanie Liban Tunisie Turquie Israël
UE RdM Monde
Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée
Algérie Israël
-114-
structures similaires confirme un recul des PM
vis-à-vis de l’UE, excepté pour Israël. Le
Maroc se situe en dernière position (avec un
indicateur égal à 14) et n’améliore pas sa
position entre 1995 et 2002 ; la Tunisie enre-
gistre un net recul depuis 1995, de même que
la Turquie. Par contre, la Jordanie et l’Egypte
se rapprochent légèrement des structures
européennes. Les pays de l’Est de notre
échantillon présentent des similarités plus
proches avec l’UE, bien que la tendance soit à
la baisse, sauf pour la Tchéquie.
Il ressort de cette première analyse de la
compétitivité internationale des PM :
(i) une tendance globale au recul des fac-
teurs de compétitivité. Les restructurations
industrielles qui ont permis de développer la
part des exportations de produits manufactu-
rés par rapport aux produits primaires, ont
amené les PM à se spécialiser sur des pro-
duits de faible niveau technologique et peu
créateurs de valeur ajoutée. Ils ne peuvent
dès lors développer des relations de type
intra-branche avec leurs partenaires com-
merciaux et leurs structures commerciales ne
se rapprochent pas de celles de leurs parte-
naires privilégiés. Comparés aux pays de
l’est européen, on ne peut que constater le
retard des niveaux d’industrialisation, même
si les performances de ces derniers enregis-
trent un recul récemment.
(ii) Sur la période 1990-2002, on observe
des phénomènes de sous régionalisation au
sein des PM. Un certain nombre de pays se
rapprochent de plus en plus de leurs parte-
naires européens (Tunisie, Maroc, Turquie, et
dans une certaine mesure la Jordanie en fin
de période), alors que les autres (Egypte,
Liban, Israël, Syrie) renforcent leurs relations
commerciales avec les pays du reste du
monde.
(iii) Les résultats sont contrastés ; les pays
du premier groupe s’adaptent mieux à la
demande européenne, exception faite du
Maroc, mais leurs exportations ne se diversi-
fient pas. De plus, pour la Tunisie et le Maroc,
le niveau technologique des exportations
reste faible et n’évolue que lentement. Les
pays du second groupe semblent plus adap-
tés à la demande des pays non européens et
leurs exportations se diversifient plus avec
ces derniers partenaires. Par contre, ils
obtiennent de moins bons résultats avec le
RdM qu’avec l’UE sur les niveaux technolo-
giques des exportations.
Les performances extérieures des PM repo-
sent sur des types de spécialisations qui
déterminent la nature de l’insertion de
chaque pays méditerranéen.
3. Des spécialisations de plus en plus mar-
quées
L’ouverture aux échanges internationaux, et
plus particulièrement la nature de la spéciali-
sation induite, ne peut constituer un facteur
de développement que si elle permet de ren-
forcer les capacités productives des pays
hôtes (Cnuced, 2004). Plusieurs facteurs
sont concernés par cette amélioration des
capacités des systèmes industriels : à la fois
quantitatifs (produire plus permet de jouer
sur les économies d’échelle et d’augmenter
l’emploi) et qualitatifs (augmentation de la
valeur ajoutée produite localement, montées
en gamme, intégration et diffusion des tech-
nologies modernes…).
L’analyse des évolutions des parts de mar-
ché, à partir de l’indicateur d’avantage com-
paratif de Balassa, permet de situer le
niveau de compétitivité relative d’un pays et
de capturer les évolutions des parts de mar-
ché. Cependant, on ne peut tirer aucune
conclusion quant aux conséquences de ces
spécialisations sur les potentialités qu’elles
offrent en termes d’amélioration des capaci-
tés productives.
-115-
L’analyse des données d’échanges selon une
différenciation des produits par stade de pro-
duction et par intensité des facteurs utilisés,
permet de caractériser les processus sur les-
quels repose l’intégration au commerce inter-
national et de voir leurs effets en terme de
montée en gamme. On constate dés lors que
deux types de processus président à l’évolu-
tion des spécialisations des PM :
√ une insertion traditionnelle, fondée
sur l’exploitation et la valorisation des res-
sources naturelles, et par rapport à laquelle
les biens sont échangés selon la loi des avan-
tages comparatifs de type HOS.
√ Une intégration à des réseaux de
production internationaux, qui spécialisent
les pays selon le stade de production d’un
produit, pour lequel ils présentent des avan-
tages relatifs. Ces formes de spécialisation
reposent sur des processus de fragmenta-
tion. (voir encadré 1). Celles-ci sont, soit
tirées par de la sous-traitance locale (repré-
ENCADRE 1 : Les processus de fragmentation
La fragmentation, qui segmente le processus de production en plusieurs étapes, permet à lafois de bénéficier de nouvelles formes de spécialisation ainsi que de moindres coûts de pro-duction tout en fonctionnalisant l’emploi local selon les spécialisations des partenaires duréseau (Jones et Kierzkowki, 2001).
Dans la littérature, le phénomène de fragmentation fait appel à différentes terminologies :« outsourcing », « superspecialization », « intra-product specialization », « multi-stage pro-duction », « subcontracting », « réseaux de production internationaux » (Unctad, 2004).Généralement, la fragmentation est décrite comme la décomposition de la chaîne de produc-tion en segments de production, et l’outsourcing fait référence plus spécifiquement aux déci-sions des entreprises en ce qui concerne les structures de production (Chen, Ishikawa et Yu,2001).
Contrairement à la théorie traditionnelle, qui repose sur l’analyse des échanges mondiaux debiens finaux, l’étude des réseaux de production internationaux met l’accent sur le rôle essen-tiel des biens intermédiaires dans le commerce mondial (Egger, 2001).
Le processus de fragmentation s’inscrit dans une double dimension : une dimension spatialeet une dimension de coordination des activités productives. Le choix d’externaliser certainesactivités de production ou les services qui leur sont associés est favorisé par la baisse descoûts de transaction sur le marché par le biais des nouvelles technologies de l’information.Ainsi, parallèlement à une logique d’intégration des processus productifs très verticalisés,caractéristique des multinationales, on voit se développer une gestion par le marché. Dèslors, la nature du tissu productif évolue en laissant une place de plus en plus importante auxPME, ce qui offre aux pays en développement des opportunités supplémentaires de rattrapa-ge et de décollage économique.
La théorie démontre que l’intégration des pays en développement à un réseau de productioninternational peut permettre de sauter certaines étapes traditionnelles de développement. Eneffet, la fragmentation élimine la nécessité de posséder des compétences dans tous les seg-ments de production d’un bien et encourage les pays en développement à entrer dans le sys-tème de partage de la production mondialisée, soit en se spécialisant sur un segment de pro-duction, soit sur quelques étapes de production. Dès lors, pour une dotation factorielle don-née, les pays peuvent commencer par développer leur compétence sur les composants inten-sifs en travail puis graduellement se porter sur des composants plus intensifs en technologieet en capital humain. Les relations de production avec les pays développés facilitent le trans-fert de connaissances et offrent aux pays en développement un accès plus large et moins coû-teux aux technologies avancées.
La fragmentation porte sur des industries où il est possible de séparer les opérations de main-d’œuvre des opérations qui exigent beaucoup de capitaux, de compétences et de technolo-gies. Pour les pays de notre échantillon, deux types de secteurs sont essentiellement concer-nés : le secteur textile-habillement d’une part, l’automobile, l’informatique et les machines debureau, les équipements de télécommunication et les équipements de circuits électriquesd’autre part.
-116-
sentée essentiellement par le textile-habille-
ment), soit par les IDE et les délocalisations
des firmes multinationales (le cas de l’auto-
mobile, de l’électronique…). Dans cette confi-
guration, le pays exporte le facteur de pro-
duction pour lequel il présente un avantage
relatif pour l’entreprise à l’origine du proces-
sus. On notera que ces spécialisations impli-
quent autant les exportations que les impor-
tations dans la mesure où les pays sous-trai-
tants transforment des biens intermédiaires
importés.
Des processus de spécialisation dans lesquels
la dimension régionale est prédominante
Les accords Euromed et les accords de pré-
adhésion et d’adhésion avec les PEE soutien-
nent la mise en place de réseaux de produc-
tion privilégiés avec l’UE, alors que l’on
observe des comportements radicalement
différents vis-à-vis des pays du reste du
monde. L’Union Européenne est le partenaire
privilégié des processus de fragmentation et
ce phénomène s’accentue au cours de la der-
nière décennie.
Trois types de spécialisation caractérisent
schématiquement les pays de l’échantillon :
√ une première qui repose sur l’exploi-
tation des richesses naturelles dont sont
dotés les PM (pétrole, phosphate, produits
agricoles) ;
√ une deuxième spécialisation qui
porte sur des secteurs traditionnels tels que
le vêtement, le cuir ou encore le bois pour les
PEE ;
√ et une troisième, plus dynamique,
qui développe les avantages comparatifs de
secteurs porteurs, généralement intensifs en
technologie, tels que les matériels de bureau,
ordinateurs et télécommunications, les équi-
pements de transport, les composants élec-
troniques ou également les machines non
électriques.
Chaque pays se positionne ainsi sur
l’une de ces spécialisations en fonc-
tion du partenaire commercial et
peut ainsi diversifier ses stratégies
commerciales. On constate que les
PEE se spécialisent avec l’UE sur des
secteurs dynamiques, alors que
majoritairement les PM, sauf la
Turquie et Israël, se portent sur des
biens plus traditionnels qui ne favo-
risent pas la montée en gamme.
Dans ce cadre, ce sont plutôt les
partenaires non-européens qui sti-
mulent la transformation du systè-
me productif méditerranéen vers
des produits à plus forte valeur
ajoutée. Le tableau 18 dresse les
grandes lignes des schémas de spé-
cialisations sectorielles des PM et
des PEE et les implications différen-
ciées des partenaires. Les deux pre-
miers types de spécialisation repo-
Tableau 18 : Les grandes tendances des spéciali-sations régionales par types de fragmentation
Avec l’UE Avec les deuxpartenaires
Avec le restedu monde
Maroc, Tunisie,Turquie
Roumanie,Bulgarie
Tchéquie,Hongrie,Jordanie,Turquie
Turquie
HongrieJordanie TurquieHongrie Pologne,
TchéquieJordanie Turquie TunisieRoumanie,PologneTchéquie
Hongrie Tchéquie
Exploitation desressources
naturelles et desavantages
comparatifstraditionnels
Jordanie,Algérie
Maroc, Tunisie
Machines nonélectriques
Spécialisation 3
Composantsélectroniques
Tunisie, Liban Maroc
Equipements detransport
Spécialisation 2Ordinateurs et
télécommunicationRoumanie
Spécialisation 1Textile-Habillement Jordanie,
Egypte
Source: Menegaldo, Palméro et Roux, 2004
-117-
sent essentiellement sur l’intégration aux
réseaux de production internationaux.
Mise en évidence des processus de fragmen-
tation avec un partenaire privilégié
Les études empiriques qui portent sur ces
phénomènes sont peu nombreuses mais elles
caractérisent le processus de la façon suivan-
te : les pays hôtes importent massivement
des biens intermédiaires des pays dévelop-
pés et, après transformation, exportent les
biens finaux vers ces mêmes partenaires.
Certains auteurs limitent leur étude aux
échanges de pièces et composants (Yeats,
2001, Feenstra, 1998), mais, à l’instar du
CEPII (Fontagné L., Freudenberg M. et Unal-
Kesenci D., 1995), nous élargirons le domai-
ne de notre travail à l’ensemble de la catégo-
rie des biens intermédiaires (pièces et com-
posants et produits semi-finis). L’analyse des
données statistiques, repose sur une décom-
position des produits par stade de produc-
tion, par intensité factorielle et technologique
et par type de produit. La différenciation des
avantages comparatifs (CTB) obtenus sur les
biens finaux et sur les biens intermédiaires
permet d’identifier les pays intégrés à des
réseaux de production internationaux.
Une première analyse globale indique les
pays qui jouent pleinement le jeu de la frag-
mentation pour lesquels les indicateurs de
contribution au solde sont totalement néga-
tifs sur les biens intermédiaires et massive-
ment positifs sur les biens finaux :
√ la Tunisie, le Maroc, la Turquie pour les PM,
la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne et la
Hongrie et la Tchéquie depuis 1998-1999,
pour les pays de l’est européen ;
√ l’Algérie, la Jordanie et dans une moindre
mesure l’Egypte, peinent à sortir de leur spé-
cialisation initiale sur les biens primaires bien
que leur spécialisation sur les biens intermé-
diaires manufacturiers (produits semi-finis
intensifs en technologie et en capital humain)
montre un effort d’industrialisation par la
transformation sur place du bien primaire ;
√ le cas d’Israël, qui réalise tous ses avan-
tages comparatifs sur les biens intermé-
diaires, que ce soit avec le monde ou avec
l’UE, mais qui reste en position négative sur
les biens finaux est plus typique d’un pays
pour lequel un niveau de développement plus
élevé permet d’engager dans des opérations
de fragmentation avec des pays moins déve-
loppés.
Des spécialisations concentrées sur quelques
secteurs
L’analyse des indicateurs de contribution au
solde par grands secteurs permet (i) de
constater que les spécialisations des PM se
concentrent de plus en plus sur quelques
secteurs, (ii) que ces spécialisations reposent
sur une dimension régionale déterminante.
√ La filière textile-habillement : processus de
spécialisation de type 1
Le secteur textile-habillement est le plus
régionalisé et génère la plus grande partie
des flux d’échanges croisés relatifs à de la
fragmentation au sein de la zone euro-médi-
ENCADRE 2 : L’indicateur de contribu-tion au solde
On utilisera l’indicateur de contribution ausolde (noté CTB) développé par l’équipe duCEPII, dans la mesure où il permet d’intégrerà la fois les importations et les exportations,ce qui dans le cadre de l’analyse des proces-sus de fragmentation est important puisqueceux-ci reposent sur la complémentarité desflux d’échanges.Afin de faciliter la comparaison entre pays,les indicateurs de contribution au solde ontété normalisés en pourcentage de leurscontributions respectives (négatives et posi-tives) au solde global. Chaque indicateur decontribution positive varie de 0 à 100% (oude –100% à 0) et représente la part relativede chaque secteur dans le total des contribu-tions positives (et inversement pour les indi-cateurs négatifs).
-118-
terranéenne. La spécialisation des PM dans
l’habillement repose aujourd’hui essentielle-
ment sur des avantages liés au différentiel de
coût de main d’œuvre, mais intègre égale-
ment des critères de qualité, de flexibilité, de
capacité de temps de réponse, qui sont
déterminants aux yeux des donneurs d’ordre
européens qui investissent dans la constitu-
tion de réseaux de sous-traitants proches et
stables. C’est un avantage essentiel pour les
PM et les PEE par rapport à la concurrence
des chinois ou des indiens.
Pour les trois principaux pays méditerranéens
concernés, ce secteur définit les modalités de
l’insertion internationale. Le vêtement repré-
sente la moitié des exportations tunisiennes
vers l’UE en 2002 et pas plus de 6,5% vers le
RdM, il pèse pour 44% des exportations
marocaines et 32% des exportations turques
vers l’UE (avec respectivement 7% et 15%
vers le RdM). La Roumanie et la Bulgarie
(avec respectivement 35% et 29% de leurs
exportations dans la catégorie habillement en
2002 vers l’UE) sont dans le même cas de
figure et constituent des concurrents directs
pour les pays méditerranéens.
Les pays de l’est méditerranéen sont plus
généralement tournés vers des donneurs
d’ordre non européens. C’est le cas de l’Egypte
qui, depuis 1990, outre la valorisation des pro-
duits issus de ses ressources en hydrocarbures,
se respécialise sur la filière textile habillement
(20% des exportations vers le RdM), et de la
Jordanie (35% des exportations).
Les 5 pays méditerranéens (Maroc, Tunisie,
Turquie, Egypte et Jordanie) plus particuliè-
rement spécialisés dans ce secteur, obtien-
nent des niveaux de compétitivité sur les
marchés mondiaux relativement élevés, c’est
ce que montre l’indicateur d’avantage com-
paratif révélé de Balassa (tableau 19). La
Roumanie et la Bulgarie sont leurs principaux
concurrents à l’est dans ce secteur.
D’autre part, les indicateurs de contribution au
solde normalisés montrent que, entre 1990 et
2002, tous les pays engagés dans ce type de
réseaux renforcent la spécialisation avec leurs
partenaires principaux (tableau 20).
En 2002, on constate que (i) près de 70% des
avantages comparatifs tunisiens avec l’UE
sont dus aux exportations de vêtements, 66%
pour le Maroc et 65% pour la Turquie, (ii) que
ces trois pays se désengagent massivement
du reste du monde sauf pour la Turquie, et
que (iii) l’Egypte et la Jordanie tirent de plus
en plus leurs avantages comparatifs des rela-
tions commerciales avec le reste du monde.
√ Une réallocation des ressources sur des sec-
teurs plus porteurs : automobile et équipe-
ments, matériel de bureau et ordinateurs,
télécommunications, composants électro-
niques (spécialisation de type 2).
Tableau 19 : Les avantages comparatifs révélés (Balassa) des PM et des PEE
2002 2000 2002 2000Maroc 9,2 9,9 Bulgarie 6,2 5,4Tunisie 13,6 11,9 Roumanie 6,8 7,4Turquie 6,6 7,4 Hongrie 1,1 1,4Egypte 3,5 2,9 Pologne 1,3 1,9Jordanie 6,7 3,5 Tchéquie 0,45 0,68Liban 1,2 1Israël 0,5 0,7Syrie 0,9 1,1
Source : ITC 2002 – Calculs basés sur Comtrade UNSD
-119-
contraints par le système de quota. Cet arran-gement a permis aux secteurs de TH d'enrichirdes fabricants, peu disposés à s'ajuster, per-pétuant certaines inefficacités et rigidités.
Cette industrie est le plus importantemployeur de la région avec plus de 4 millionsde postes, dont les deux tiers en Turquie et enEgypte. Le poids de l'emploi dans le textile etl'habillement est très important en Tunisie etau Maroc.
En Turquie, le TH est le plus grand secteurindustriel du pays. Il représente 10% du PIB,21% de la production industrielle et 20% del'emploi total. En Tunisie, il compte pour 46%des exportations nationales et 40% de lamain-d'œuvre industrielle au Maroc. EnEgypte, le secteur totalise 25% de l'emploi dusecteur manufacturier, 3% du PIB et 23% desexportations totales. Le secteur rassembleégalement un tiers de la main-d'œuvre indus-trielle en Syrie et représente 34% de la pro-duction totale du secteur manufacturier. EnJordanie, le secteur du TH a enregistré uneprogression subite après la mise en place del'accord sur les Zones Industrielles Qualifiées(ZIQ) et sa part dans les exportations est pas-sée de 3% à 17%.
En Israël, en Palestine, en Algérie et au Libanles secteurs du TH jouent un rôle moins signi-ficatif. L'importance relative du secteur du THa diminué depuis 1997 à cause du coût élevéde fabrication. En Palestine, bien que le sec-teur soit le deuxième employeur après le sec-teur de la construction, l'industrie textile arelevé des défis sérieux ces dernières années.En Algérie, les hydrocarbures sont toujours lepilier principal de l'économie et le secteur dutextile n'a qu'un rôle subalterne. Au Liban, lesentreprises sont habituellement de tailleréduite, souvent familiale et souffrent actuel-lement de la concurrence des produits impor-tés à bas prix provenant de pays où le travailest meilleur marché.
Avec l'élimination des quotas en janvier2005, la concurrence accrue dans les catégo-ries libéralisées poussera les prix à la baisse.Par conséquent, beaucoup de pays exporta-teurs parmi ceux cités ci-dessus verront leurpart de marché se contracter en volume enfaveur de grands fournisseurs plus compéti-tifs et/ou subiront des pertes de termes del'échange.
Les partenaires méditerranéens (PM) qui ontsigné l'accord d'association avec l'UE dans lecadre du processus de Barcelone, ont bénéfi-cié pendant longtemps d'un traitement préfé-rentiel. Les avantages obtenus par les paysméditerranéens vont progressivement êtreérodés avec les changements que vont subir
L'avenir des industries textiles-habille-ment des pays de la Méditerranée face àla fin de l'accord Multi-fibres, l'entrée dela Chine à l'OMC, la libéralisation du com-merce multilatéral et l'élargissement del'Union Européenne (UE)
Dirigée par la Bilkent University, Turquieet l'Université Libre de Bruxelles
Le textile-habillement (TH) est une des indus-tries clefs de la zone Méditerranéenne dansson ensemble. C'est une de ses premièressources de revenu et d'emploi. Depuis plus dedeux décennies, les PM ont su tirer parti d'unavantage régional (proximité géographique etculturelle, faibles coûts du travail et fluxd'échanges régionaux) pour faire émerger,avec le puissant soutien de l'Union européen-ne, un secteur TH dont les performances sontun succès. Cependant, un certain nombre denouveaux éléments ou d'évolutions risquentd'éroder la compétitivité, dont jouit depuislongtemps la Méditerranée, qui sont liés à : √ un contexte international qui connaîtdes changements rapides tels que l'élimina-tion des quotas qui distordait les échanges àpartir du 1er janvier 2005,√ une modification des préférencessuite à l'ouverture de nouvelles négociationsmultilatérales qui se répercuteront sur la pro-duction offshore et les délocalisations,√ l'intensification de la concurrence surles marchés internationaux venant principale-ment de la Chine et d'Asie,√ la pression des revendeurs et des pro-ducteurs de vêtements, dont le poids écono-mique devient plus important, et l'évolution dela compétitivité qui en découle, de plus en plusassociée à la qualité, les compétences et latechnologie, et√ les opportunités et les défis de l'élar-gissement de l'UE.De plus, l'Union européenne, principal marchéd'exportations de la majorité des pays médi-terranéens, a enregistré un recul de sademande qui a affecté négativement les PM.
Si ces évolutions ne sont pas abordées demanière prudente, elles pourraient mettre enpéril l'intégration régionale et, dans certainscas, rendre insoutenables des stratégies dedéveloppement par les exportations.Aujourd'hui, elles peuvent encore comporterdes opportunités si celles-ci ne sont pas affai-blies par un « protectionnisme rampant ».
1) Tendances récentes dans l'industrie du tex-tile et de l'habillement Dans le cadre de l'accord Multi-fibres (AMF),les secteurs de TH des pays méditerranéensont été longtemps protégés contre la concur-rence potentielle des géants asiatiques (prin-cipalement la Chine et l'Inde) qui ont été
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les échanges mondiaux. Les défis éminentsauxquels la région devra faire face sont : √ l'abolition des quotas et la réductiongénéralisée des droits en accord avec l'agen-da des accords de Doha. Il est évident, sur labase d'autres expériences comme celle duMexique par exemple, que le traitement pré-férentiel n'est pas suffisant pour contrebalan-cer la faiblesse des prix proposés sur leursproduits par des concurrents asiatiques, par-ticulièrement l'Inde et la Chine. Une produc-tivité accrue et des capacités d'adaptationrapide peuvent ne pas suffire à relever ledéfi ; √ la conclusion d'autres accords delibre-échange entre l'UE et différents pays dumonde, comme l'Afrique du sud, le Chili et leMexique, notamment. De tels accords pour-raient jouer un rôle de régulation deséchanges d'habillement et de textile ;√ l'élargissement de l'UE ouvrira pourles pays méditerranéens des perspectives ence qui concerne le commerce et l'investisse-ment. Les chiffres récents prouvent que lecommerce augmente entre les pays méditer-ranéens et les nouveaux adhérants, avec unsolde positif en faveur des premiers ; √ le système généralisé des préférencesadopté par l'UE prévoit, pour les pays éli-gibles, une réduction des droits de douane.Les pays comme le Bangladesh pourraientsurpasser les pays méditerranéens pour unnombre d'articles d'habillement. D'ailleurs, lerelâchement de règles d'origine rigoureusespeut également rendre difficile la préservationdes niveaux actuels pour les fournisseursméditerranéens d'habillement.
2) Échanges euro-méditerranéens de textileset d'habillement
Les échanges euro-méditerranéens de TH sesont développés sur un modèle régional enraison de deux facteurs : l'avantage compara-tif des pays méditerranéens et la conclusiond'accords commerciaux régionaux tels que leprocessus de Barcelone.
A partir des données d'avantage comparatifrévélé (ACR), il apparaît que l'Egypte, la Syrieet la Turquie ont des avantages comparatifsdans le textile, tandis que la Tunisie et laTurquie présentent des avantages comparatifstrès forts dans les produits d'habillement(dont les parts respectives dans les exporta-tions sont 17 fois et 28 fois plus élevées quecelles dans le commerce international). Parmiles accomplissements les plus significatifs dela région figure l'augmentation du nombre delignes tarifaires qui sont devenues concurren-tielles au niveau mondial ; pourtant leschiffres demeurent loin de ceux d'autres paysconcurrents tels que la Chine, la Pologne et laRépublique Tchèque.
Les accords commerciaux régionaux auxquelsse sont joints les pays méditerranéens, dontl'accord avec l'UE est le plus en vue, ont unrapport direct avec l'augmentation régulièredes exportations de la région depuis 1995. Lesexportations méditerranéennes représententplus de 14% de la part de marché de l'UE pourle textile et plus de 25% pour l'habillement.D'autre part, certains pays tels que l'Egypte,Israël et la Jordanie ont réussi à pénétrer lemarché américain. En Jordanie, les exporta-tions des zones industrielles qualifiées, au seindesquelles le textile et l'habillement ont unpoids élevé, ont augmenté de 30% en 2001.Néanmoins, les pays méditerranéens repré-sentent aujourd'hui environ 20% des exporta-tions totales de textile de l'UE, ce qui souligneles faiblesses du secteur domestique, forte-ment dépendant des importations de l'UE. Leschiffres pour l'habillement sont moins impor-tants, mais ont augmenté aussi (8% desexportations totales d'habillement de l'UE en2003).
Les performances commerciales d'ensembledu secteur du TH des pays méditerranéens ontprogressé de façon constante depuis 1990.Pourtant les volumes (plutôt que la valeur)des échanges montrent de sensibles modifica-tions en faveur des concurrents asiatiques.
Lors de la troisième étape de l'accord sur letextile et l'habillement (ATH), les quotas quilimitaient encore la pénétration par la Chinedu marché européen ont été abolis et parconséquent la part de marché de ce pays a etva encore augmenter. Ceci se fera sans aucundoute aux dépens de la part des PM sur lemarché de l'UE; en seulement deux ans, lesexportations des pays méditerranéens ontdiminué de 5,9% en valeur et de 18,1% envolume. Des questions subsistent quant à lacapacité de la Chine à maintenir des prix aussibas de ses produits. Néanmoins, le faitdemeure que cela s'est fait au détriment depays méditerranéens dépassés.
3) Une analyse approfondie des tendances deséchanges
L'analyse des tendances des échanges à desniveaux fins de désagrégation révèle despoints communs substantiels entre les pays.Pour tous, les exportations d'habillementdominent leurs exportations totales. Seulel'Egypte a su diversifier ses exportations enpassant des fibres et fils aux produits prêts àl'emploi. Pour d'autres pays, la situation estrestée stable. En Tunisie et au Maroc, les poli-tiques d'intégration vers l'amont et de diversi-fication ont péniblement réussi. En Turquie,l'intégration vers l'amont est un succèspuisque la plupart des exportations d'habille-ment sont manufacturées à partir de tissus
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locaux. Si une certaine diversification a effec-tivement lieu, la tendance est à des produitssimples plutôt qu'à des produits complexes.
Cette diversification vers une simplificationdes produits est le signe que les pays médi-terranéens se spécialisent principalement surdes produits de l'industrie de la confection àfaible contenu en travail et incorporant desmatériaux dont la valeur est relativement peuélevée (principalement des tissus de coton).La diversification privilégie principalement desproduits peu intensifs en main-d'œuvre (telsque les tricots et le linge de lit). L'absenced'amélioration prouve l'existence de pro-blèmes organisationnels, d'un manque dequalifications et d'une utilisation de matérielsde base peu raffinés. Le fait qu'ils se placentsur des produits peu intensifs en maind'œuvre souligne que la hausse des coûtsrelatifs du travail a engendré une perte decompétitivité-prix vis-à-vis des pays de l'Est.
Ceci illustre les problèmes d'enfermementassez importants, dont pâtissent probable-ment plus fortement le Maroc et la Tunisie, lesdeux pays qui enregistrent les niveaux d'IDEdans la production les plus élevés. Ces IDE ontrenforcé le maintien d'une gamme étroite deproduits, alors que les sociétés turques ontconsacré moins d'investissements aux besoinsspécifiques d'un produit ou d'un client. Il sem-blerait qu'il existe néanmoins une flexibilitérelative dans leur capacité à attirer de nou-veaux clients étant donnée la spécialisation enplace. La Tunisie a pu réorienter sa productionde jeans de la France et la Belgique versl'Italie ; le Maroc qui fournissait français etallemands sert maintenant les espagnols etles britanniques. L'Egypte, de la même maniè-re, change son positionnement et passe d'uneprédominance britannique à une prédominan-ce italienne. Ceci démontre que, si la gammede production est rigide, les relations com-merciales sont plutôt flexibles.
4) Stratégies exogènes et tendances poli-tiques régionales et multilatérales
(i) Stratégies de détail et de marque : déve-loppements stratégiques actuels
L'internationalisation de la vente au détail enEurope est encore limitée. Les différences enmatière de goût ou de rapport à la mode, etles structures de prix et de distribution expli-quent le nombre relativement restreint demarques bien assises au sein de l'Europe. Lesmarques qui ont eu un certain succès sontcelles qui ont su comprendre les utilisations etles espérances d'une population cible deconsommateurs bien définie, garder le contrô-le vertical de leur chaîne de valeur etemployer des systèmes d'information sophis-
tiqués. Dans un contexte de marchés saturéset de pressions croissantes sur les prix, lesdétaillants européens ont eu recours au déve-loppement global. Leur cible première étaitl'Europe, suivie, dans l'ordre stratégique, del'Amérique du Sud et de l'Asie.
Globalisation de l'approvisionnement.Multiplier les délocalisations a été une carac-téristique spécifique des chaînes industriellestransnationales dans le monde entier, où l'ap-provisionnement provient à la fois de la zonepan-euro-med et de la zone dollar. Pour lesdétaillants européens, l'Europe et tout le pan-euro-med sont des zones clefs de productionet de consommation, l'Asie est un consomma-teur dont le poids augmente progressivement,et un producteur important, tandis que lesAmériques sont des zones dont le rôle se ren-force en termes de production et de consom-mation. Il faut noter que les Etats-Unis et leJapon enregistrent des taux de pénétrationélevés comparativement à ceux de l'Europe,ce qui s'explique en partie par les différencesde niveaux de concentration.
Influence croissante de la vente au détail audétriment de la production. Les détaillantseuropéens et les marques se servent dequatre mesures principales d'approvisionne-ment : la fabrication de leur propre produit,la sous-traitance, le co-contrat et l'achat deproduit fini. Le choix de la méthode particu-lière d'approvisionnement est adaptée au caspar cas, selon la formation des détaillants. Ladécision est, la plupart du temps, basée surles critères suivants : tout ce qui crée unedifférence évidente pour le consommateurdoit rester sous le contrôle direct de lamarque ou du détaillant, tout le reste pou-vant être externalisé si c'est une source debénéfices.
Stratégies de vente au détail et de marque :principaux éléments stratégiques
Dans le domaine de la vente au détail globali-sée, certains mode de fonctionnement ontévolué et dominent maintenant le système. Leplus important est la différentiation, c'est-à-dire que les détaillants ont recherché les pro-duits qui pouvaient « enrichir la personnalitéde la marque » et qui sont donc différents deceux de leurs concurrents. En outre, la mini-misation des stocks devient un objectif crucialà mesure que l'espérance de vie des créationsdiminue avec la recherche de la différentiationet de la nouveauté. D'autres facteurs d'évolu-tion jouent, tels que la diminution des délaisde livraison, la dépendance accrue à l'égarddes activités amont, qui doivent faciliterl'adaptation aux pressions à la baisse des prixet recourir à une main-d'œuvre dont les prixsont relativement inférieurs.
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À cet égard, il faut souligner que la régionpan-euro-med a un avantage sur l'Asie etl'Europe de l'Est. La région présente un bonéquilibre entre des coûts de main-d'œuvrebas (comme en Asie), une communicationfacile (comme en Europe de l'Est), car il y apeu de différences culturelles, et des délaisde livraison courts. Par conséquent la régionest bien placée pour ce qui concerne la pro-duction dans des délais courts ou moyens.Par ailleurs, pour la production des articlesde base, les détaillants recourent à l'Asie.Dans ce contexte, il ne faut pas minimiser lerôle du taux de change dollar-euro. Pour lesfournisseurs transnationaux, la volatilitémonétaire nécessite de constituer un porte-feuille diversifié et fiable de fournisseurs desprincipaux produits pour lisser les chocséventuels.
Dans leur choix de lieux de production, lesdétaillants et les marques privilégient la proxi-mité pour la transformation et les textiles. Afinde combiner le prix et la réactivité, lesdétaillants et les marques doivent parfoisimporter des tissus d'Asie (essentiellementnon teints ou dans des nuances de base) pourles traiter ensuite dans la zone de pan-euro-med. Une pratique courante consiste égale-ment à concentrer les achats grâce à desbureaux directs d'achats centralisés, ce quipermet de réaliser des économies d'échelle etd'abaisser la taille des séries produites.
Politiques commerciales de l'UE. Dans sa ten-tative de prévenir les menaces potentiellesvéhiculées par l'élimination progressive del'AMF, la Commission européenne a adoptédes recommandations sur le futur de l'indus-trie du textile et de l'habillement. Celles-cicomprennent des mesures de politique com-merciale visant principalement à renforcer lacompétitivité du secteur du TH de l'UE, en pré-vision de l'élimination des quotas, ce qui auraégalement des impacts substantiels sur lespays en développement « vulnérables » et,parmi eux, les pays méditerranéens.
Dans ce contexte, plusieurs domaines d'actionont été suggérés : √ dans le contexte de l'agenda de Doha,l'UE soutient fortement la réduction réci-proque et significative des droits de douane,plaide en faveur d'un niveau harmonisé quiaméliorerait l'accès au marché sur l'axe nord-sud mais aussi sud-sud, et de l'élimination detoutes les barrières non-tarifaires. √ Selon la politique d'« Europe élargie »de l'UE et la 3ème Conférence interministé-rielle sur les échanges de l'Euromed, desavancées importantes dans l'intégration sud-sud pourraient être obtenues grâce à la pleineexécution des règles d'origine pan-euromedd'ici 2005.
Il faudrait également :√ offrir aux partenaires préférentiels del'UE des possibilités accrues de se procurerdes biens intermédiaires pour la fabrication devêtements qui peuvent alors être exportésvers l'UE sans perdre les préférences com-merciales ;√ concentrer les préférences commer-ciales de l'UE sur les pays les plus pauvres, enévinçant les grands concurrents ;√ explorer l'utilisation de labels pourfaciliter l'accès à l'UE des produits qui respec-tent les normes internationales concernantl'environnement ou le travail ;√ imposer des droits de propriété intel-lectuelle et lutter contre la fraude et la contre-façon ;√ examiner les moyens les plus appro-priés d'utilisation de la mention « fabriqué enEurope » pour promouvoir les produits dequalité européenne et pour offrir aux consom-mateurs une meilleure information ;√ accroître la concurrence internationale.
(ii) Le Textile et Habillement, des AMF à l'ATC… des projets non aboutis ?
En limitant l'accès des géants asiatiquesconcurrents, le système de quotas de l'AMF,initialement conçu comme un mécanisme deprotection des secteurs textile et habillementde l'UE et des USA, est devenu le principalmécanisme de sélection des industries dansles pays en développement. Après la créationde l'OMC en 1994, un accord a été signé,visant à éliminer les quotas sur les importa-tions de textiles et habillement (ATH). Cetteétape a été considérée comme un triomphepar les pays en développement, jusqu'à ceque la Chine devienne membre de l'OMC etque lui soit accordés tous les avantages del'ATH : elle pouvait alors menacer les petitsfournisseurs et la plupart des pays en déve-loppement qui demeuraient vulnérables.
Théoriquement, l'accord devait instaurer unsystème où les gains et les pertes étaientfonction des avantages comparatifs.Cependant, la Chine pourrait devenir le princi-pal gagnan, dans la mesure où sa part demarché dans le textile de l'UE pourrait passerde 10% à 12%, et de 18% à 29% sur le mar-ché de l'habillement.
Les pays offrant les coûts de main-d'œuvre lesplus bas, la production la plus efficace, et lesinfrastructures de transport et de télécommu-nication les plus développés sont susceptiblesde capter une large part de la production dansle secteur de l'habillement. Ceux qui pourrontoffrir, à la fois, les matières premières et lesvêtements finis, bénéficieront également d'unavantage certain. Les pays qui serontcapables de fournir un vaste ensemble de ser-
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vices - de la production de textile au découpa-ge, à la confection et l'emballage - seront lesplus concurrentiels et les mieux placés. Lesgéants traditionnels du textile et de l'habille-ment - Chine, Inde et Pakistan - et bientôt leVietnam ont des avantages concurrentielsdans tous ces domaines.
Agenda de la réunion de l'OMC de Doha
Les négociations multilatérales reviennentsans cesse sur la question de l'accès au mar-ché dans les secteurs des produits non-agri-coles, dont le TH. La déclaration ministériellede Doha a souligné la nécessité de réduire oud'éliminer les tarifs incriminés, dont les picstarifaires, les tarifs les plus élevés, et la pro-gressivité des tarifs, ainsi que les barrièresnon-tarifaires, en particulier sur les produitsqu'exportent les pays en développement.Dans ce contexte, les pays méridionaux, engénéral, devraient pouvoir accroître leursexportations vers les pays riches du nord,mais les bénéfices et les réactions de chacunà ces incitations ne sont pas clairement éta-blis. Dans leur déclaration, les ministres réunisà Doha ont insisté sur la nécessité de pourvoiraux besoins des pays les moins développésqui sont fortement dépendants du textile et del'habillement.
En matière de réduction des barrières tari-faires, la proposition des Etats-Unis pour lesproduits non-agricoles conduirait, de fait, à unmonde sans aucune barrière tarifaire puisqu'ily aurait une égalisation des tarifs (une formu-le suisse), autour d'un maximum de 8 % en2010, avant une deuxième vague de baisselinéaire des tarifs qui aboutirait à leur complè-te disparition entre 2010 et 2015. Elle a peude chance d'être mise en œuvre. La proposi-tion actuelle de l'Union Européenne, dans lecadre des négociations sur l'accès aux mar-chés, invite tous les membres de l'OMC, àl'exception des pays les moins avancés, àrechercher une harmonisation significative destarifs douaniers et, dans une certaine mesure,des traitements sectoriels. Ceci devrait per-mettre à l'industrie euro-méditerranéenne deconcurrencer d'autres pays dans des condi-tions similaires.
La progressivité des tarifs est évidente quandon compare les tarifs appliqués dans l'habille-ment à ceux, beaucoup moins importants, envigueur pour les produits textiles. Cette situa-tion n'encourage pas les pays en développe-ment à développer des productions à contenutechnologique plus important ou à descendreles filières de transformation pour proposerdes produits plus élaborés.
Quant aux pics tarifaires, bien que les disposi-tions de l'Uruguay Round aient été respectées,
des différences importantes subsistent dansles tarifs consolidés selon les pays et les sec-teurs. De nombreux pays présentent encoreun niveau d'avancement faible dans la conso-lidation des tarifs et/ou des tarifs consolidéssubstantiellement plus élevés que les tauxeffectivement appliqués, ce qui crée des incer-titudes considérables pour les firmes. C'estpourquoi même des coupes significatives deces derniers taux n'auraient qu'un faibleimpact sur le libre accès aux marchés.
Pour les partenaires Méditerranéens, l'échecdes négociations de Cancun a été un soulage-ment puisque leur accès préférentiel aux mar-chés européens est ainsi temporairement pré-servé, mais de court terme uniquement.
La zone Pan Euro Méd de libre-échange seranormalement en mesure d'attirer les investis-seurs en quête de main d'œuvre peu onéreu-se. Elle bénéficie en outre du recul de Cancun,qui laisse le temps à l'industrie européenned'investir plus massivement afin de consoliderl'intégration de la zone Pan Euro Med.
Cette étude met finalement en exergue uncertain nombre de conditions, qui doivent êtresatisfaites, pour améliorer le positionnementdes pays méditerranéens. (i) satisfaire aux exigences de qualité et dedélai, pour leur permettre de maintenir leurposition ;(ii) réussir les indispensables montées engamme ;(iii) améliorer leur compétitivité pour être enmesure de soutenir la concurrence internatio-nale ;(iv) créer les conditions nécessaires à unecroissance industrielle, par l'intégration dessecteurs amont du textile et de l'habillement,comme les productions des fils et fibres syn-thétiques, et de la logistique ainsi que des ser-vices. Cela leur permettraient de passer dustatut de sous-traitants de leurs partenaireseuropéens à celui de parties contractantes quipartagent un plus haut niveau de responsabi-lité dans la création de valeur ajoutée.
L'intensification des échanges est un moteurde croissance essentiel et puissant pour larégion méditerranéenne. C'est là que sesituent les plus forts gains économiquespotentiels, qui peuvent être obtenus par l'éli-mination des barrières aux échanges dans lazone. Un tel progrès devrait contribuer à assu-rer une transition réussie après l'éliminationdes quotas, parallèlement à la conclusion desaccords de Doha, qui est toujours le vecteur leplus important de croissance saine et durableet de réduction de la pauvreté.
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Un second schéma de fragmentation porte
sur des secteurs dynamiques dont la
demande mondiale évolue rapidement. Il
repose sur des capacités d’investissement
importantes et fait donc appel aux capitaux
étrangers.
Les nouveaux pays adhérents de l’UE sont
globalement plus intégrés à ces schémas de
spécialisation lourde en investissements de
capitaux et de compétence et peuvent
bénéficier de l’apport de connaissances
techniques, organisationnelles et managé-
riales que proposent les entreprises étran-
gères. L’évolution des répartitions des flux
d’IDE entre les PM et le PEE durant la der-
nière décennie montre sans conteste que la
confiance des investisseurs a plus large-
ment été orientée en faveur des pays de
l’est européen. Ainsi, alors qu’en 1990, les
flux d’IDE se répartissaient entre les deux
zones pratiquement à parts égales, en
2002, les 5 PEE de notre échantillon en cap-
tent 80%.
Les équipements automobiles sont les pre-
miers secteurs concernés, surtout en Pologne
et en Hongrie. Les produits du secteur des
composants électroniques sont de plus en
plus présents dans les exportations hon-
groises et polonaises (avec respectivement
12% et 8% des exportations). Enfin, les
branches des ordinateurs et des télécommu-
nications constituent, en 2002, des exporta-
Tableau 21 : Les indicateurs de contribution au solde des PM et des PEE dans le sec-teur des composants électroniques
1990 1995 2002 1990 1995 2002Algérie -2,6 -2,1 -2,1 -3,7 -5,1 -4,8Egypte -4,8 -5,4 -6,3 -6,8 -9,6 -7,7Israël -5,8 -1,8 -1 -5,6 -6,4 -2,1Jordanie -3,6 -5,3 -5,2 0,4 -7,5 -10,6Liban -8,6 -8,9 -11,1 0,7 -4,2 -1,9Maroc 0,8 6 38,9 -4 -1,1 2,2Syrie -2,3 -4,4 -5,6 -3 -6,3 -6,2Tunisie 5 -5,5 4 -3,5 11,5 8,7Turquie -5,4 1 -0,3 -8,7 -4 -5,3Bulgarie 3,5 5,1 -9,6 -5,1Roumanie -1,8 -17,1 -4,5 -1,8Hongrie 6,4 -47,3 13,5 -5,5Pologne -4,3 -3,8 -3 1,25Tchéquie 0,6 6,3 -13,7 -15
RdM UE
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
Tableau 20 : Les indicateurs de contribution au solde des PM et des PEE dans le sec-teur de l’habillement
1990 1995 2002 1990 1995 2002Tunisie 49,6 61,5 69,3 71,2 39,5 13,8Maroc 48,7 67,9 65,9 34,4 8 1Turquie 43,7 66,8 64,6 49,1 45,6 33,4Egypte 2,4 7,5 17,6 6,8 14,5 32,7Jordanie 2,8 15,5 11,8 -0,1 -0,8 42,1Israël 20,5 12,4 4,2 14,3 14 -0,1Syrie 0,7 4,2 2,7 1,4 6,4 9,6Algérie -0,1 -0,4 -0,6 0 -0,5 -1,7Liban 8,8 29,6 -1,9 3,1 3,4 -2,7Bulgarie - 29,4 45,8 - 2,4 16 ;3Roumanie - 51 71,8 - 7,3 3,9Hongrie - 30,9 11,9 - 5,8 -0,06Pologne - 33,4 25,2 - 5,7 -3,1Tchéquie - 5,9 7,4 -0,5 -2,6
UE RdM
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
-125-
tions essentielles pour la Hongrie et la
Tchéquie, où elles représentent respective-
ment 23% et 17% des exportations et contri-
buent à plus du tiers des avantages compa-
ratifs de ces pays.
Les PM sont plus en retrait, ainsi que la
Bulgarie et la Roumanie. Les percées de la
Tunisie et du Maroc dans le secteur des com-
posants électroniques (avec les partenaires
non européens pour le Maroc et plus orien-
tées sur l’UE pour la Tunisie) sont significa-
tives d’un effort de réallocation des res-
sources vers des secteurs plus porteurs. En
2002, ils obtiennent dans ce secteur, des
avantages comparatifs révélés (indicateur
Balassa) positifs sur les marchés internatio-
naux (1,35 pour le Maroc et 1,27 pour la
Tunisie).
√ Les spécialisations des PM sur des secteurs
liés aux ressources naturelles
Nous trouvons essentiellement deux groupes
de pays :
• ceux dont l’hyperspécialisation est
fondée sur l’exploitation des ressources natu-
relles et qui valorisent leurs avantages com-
paratifs avec le partenaire commercial princi-
pal : c’est le cas notamment de l’Algérie avec
l’UE qui ne parvient pas à diversifier son
panel d’exportations ;
• et ceux qui exploitent leurs avan-
tages comparatifs agricoles et/ou énergé-
tiques hors zone : c’est le cas de la Jordanie
avec l’UE et celui du Maroc et de la Tunisie,
avec le reste du monde.
4. Plusieurs types de modèles d’ancrage à
l’UE qui n’ont pas les mêmes conséquences
en terme d’amélioration des capacités pro-
ductives
Les différents types de processus de spécia-
lisation peuvent impulser des dynamiques
différentes au sein des systèmes productifs
locaux, qui tiennent autant à la nature du
secteur qu’aux capacités des pays à intégrer
efficacement les évolutions des conditions
de production et les compétences nouvelles
qui leur permettent d’améliorer leurs
niveaux de compétitivité. Au vu de leurs
résultats en termes de compétitivité et de
leur type de spécialisation, les comporte-
ments différenciés des PM et des PEE en
fonction de leurs partenaires commerciaux
permettent de dégager deux modèles d’an-
crage à l’UE.
Une première logique engage les pays vers
une spécialisation fondée sur l’exploitation
du travail non qualifié et se caractérise
par :
• une spécialisation sur les biens de
consommation intensifs en travail non quali-
fié et portant sur des secteurs traditionnels
tels que le textile-habillement ;
• une perte globale de compétitivité ;
Tableau 22 : Les indicateurs de contribution au solde des PM et des PEE dans lesproduits liés aux ressources naturelles
1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002Algérie -6,1 -6,5 -30,6 -24,4 80 100 100 100Egypte 4,3 3,8 -13,2 -9 73 60,2 77 12,7Israël 22,7 29,7 -14,8 -24,8 15,2 -1,2 33,9 38,1Jordanie 5,5 6,6 -15,7 -12,2 51,8 14,9 43,5 16Liban 27 17,3 21,5 8 43,4 35,9 27,4 37,4Maroc 17,8 21,7 28,5 6,6 7,9 1,9 22,7 15Syrie 9,1 2,4 66,3 36,2 86,6 93,1 26,2 50Tunisie 11 1,3 1,6 -40,6 -1,4 14,2 -6,5 -25Turquie 12,7 8,1 0,1 0,9 -2,6 -3 -45,5 -51
MinérauxProduits alimentaires fraisRdMUERdMUE
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
-126-
• aucune montée en gamme des
exportations.
Les spécialisations sectorielles ont tendance
à figer les schémas d’allocation des res-
sources et ne permettent pas aux importa-
tions de biens d’équipement et produits
intermédiaires de jouer un rôle déterminant
sur la croissance et l’amélioration du niveau
de compétence technique.
Une seconde logique, plus dynamique du
point de vue de l’amélioration des capacités
productives, repose sur la valorisation du
capital humain et technologique, et impulse
des changements positifs sur l’intégration
des technologies nouvelles par le système
productif local. Elle présente trois caractéris-
tiques :
• une respécialisation sur les biens
finaux et/ou les biens intermédiaires intensifs
en capital humain et/ou en technologie ;
• une diversification des exporta-
tions et une adaptation à la demande inter-
nationale et surtout à la demande euro-
péenne ;
• une montée en gamme des expor-
tations avec une part plus importante des
exportations de produits à forte intensité en
technologie et/ou en capital humain.
Ce second modèle, dans le cadre de l’adhé-
sion à l’Europe, encourage le développement
des productions plus technologiques, plus
créatrices de valeur ajoutée et donc plus por-
teuses de croissance.
Les différences marquées entre les évolu-
tions des spécialisations des pays médi-
terranéens et des pays de l’est européen
suggèrent une répartition géographique
dans laquelle les premiers s’insèrent plus
particulièrement dans la première logique
alors que les seconds répondent plus à la
seconde.
Modèle d’ancrage de type 1 : une spéciali-
sation qui s’intensifie sur la valorisation
des biens finaux intensifs en travail non
qualifié
√ Le Maroc et la Tunisie : spécialisation tra-
ditionnelle avec une percée sur les compo-
sants électroniques
Entre 1990 et 2002, la Tunisie et le Maroc ne
renforcent essentiellement leurs avantages
comparatifs que sur les biens finaux intensifs
en travail non qualifié (voir figure 34).
Leurs performances globales en termes de
compétitivité sont médiocres. Il est clair que
le transfert technologique à partir des
importations de produits intermédiaires ne
s’opère pas. Il est même inquiétant de
constater que tous deux se trouvent en
situation de désavantage comparatif sur les
biens intermédiaires intensifs en travail non
qualifié (importations de produits textiles
intermédiaires, fibres et tissus, qui n’intè-
grent pas de travail qualifié), prouvant que
ces deux pays n’assurent pas de montée en
gamme dans leur principal secteur de spé-
cialisation et qu’ils restent sur des schémas
de sous-traitance passive avec des don-
neurs d’ordre européens. Dans le même
temps, les pays de l’est européen montrent
leur capacité à prendre en charge la res-
ponsabilité et l’organisation de segments de
production plus larges.
On soulignera cependant que chacun de ces
pays présente, vis-à-vis de l’UE, des avan-
tages comparatifs dans le secteur des com-
posants électroniques avec des indicateurs
de contribution au solde positifs dans les
biens intermédiaires semi-finis intensifs en
technologies et une prise de position sur les
biens finaux. Mais ils ne représentent que 5%
des CTB marocains et 8% des CTB tunisiens
en 2002.
-127-
√ La Bulgarie et la Roumanie : les principaux
concurrents des pays méditerranéens
La Bulgarie et la Roumanie sont sensible-
ment dans le même cas de figure que le
Maroc et la Tunisie, car ces deux pays tirent
leurs avantages comparatifs essentielle-
ment de la fragmentation avec les produc-
teurs européens sur les biens finaux inten-
sifs en travail non qualifié, dans l’habille-
ment pour les deux pays, et dans les équi-
pements de transport pour la Roumanie. Ils
sont globalement les principaux concur-
rents des PM, tels que la Tunisie, le Maroc
et la Jordanie, ce que confirme l’analyse
des indices de similarité des structures
commerciales (voir tableau 23).
Cependant, on remarque que la montée en
gamme que l’on observe pour les deux pays
est plus liée aux échanges avec l’UE pour la
Bulgarie que pour la Roumanie : en effet, la
Bulgarie obtient, en 2002, des CTB positifs
avec l’UE, à hauteur de 15% des CTB glo-
baux, sur les biens intermédiaires semi-
finis intensifs en capital humain et en tech-
nologie, essentiellement dans le secteur
des métaux et autres produits de base alors
que la Roumanie, comparativement au
Maroc et à la Tunisie, effectue une percée
modeste sur les pièces et composants
(i) intensifs en capital humain dans le sec-
teur des équipements de transport, pour
2% de ces CTB globaux et (ii) intensifs en
technologie dans les composants électro-
niques pour 3,5% de ces CTB.
Tableau 23 : Indices de similarité desstructures d'échanges de produitsmanufacturés
1996 2002Bulgarie/Maroc 35,4 44,2Bulgarie/Tunisie 46,3 45,3Bulgarie/Jordanie 33,9 44,4Roumanie/Maroc 45 49,3Roumanie/Tunisie 50 47,2Roumanie/Jordanie 40 40,5Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée
MAROC - Reste du Monde
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1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
intensifs en capital humain intensifs en technologie
intensifs en trav. non qualifié
MAROC - UE
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intensifs en capital humain
intensifs en technologie
intensifs en trav. non qualifié
TUNISIE - Reste du Monde
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intensifs en capital humain intensifs en technologie
intensifs en trav. non qualifié
TUNISIE - UE
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intensifs en capital humain intensifs en technologie
intensifs en trav. non qualifié
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
Figure 34 : Les spécialisations de la Tunisie et du Maroc sur les biens finauxmanufacturés
-128-
Globalement, ce premier modèle d’ancrage
à l’UE engendre un processus cumulatif qui
renforce la spécialisation initiale fondée sur
l’exploitation d’une force de travail non
qualifiée, seule source de croissance sans
que le système ne trouve les moyens de
réaffecter des ressources humaines et en
capital à des activités plus créatrices en
termes de valeur ajoutée. Cette hyperspé-
cialisation bloque la diffusion des technolo-
gies et des compétences qui naissent des
relations avec l’extérieur. Le modèle ne
permet pas aux positions compétitives des
PM. De plus, on voit bien que la croissance
de la part des produits manufacturés dans
les exportations de ces pays s’est accom-
pagnée :
(i) d’une concentration des exportations,
surtout à destination de l’UE ;
(ii) d’une faible adaptation à la demande
européenne et pour le Maroc d’une inadap-
tation ;
(iii) d’un niveau d’échange intra-branche
relativement bas surtout avec l’UE, en des-
sous de la moyenne méditerranéenne pour
la Tunisie et le Maroc ;
(iv) d’une régression de la part des produits
à haute et moyenne intensité technologique
et de compétence, toujours essentiellement
avec l’UE ;
(v) d’un non rapprochement des structures
d’échanges avec l’UE.
Modèle d’ancrage de type 2 : une réallocation
des ressources qui porte sur des secteurs
dynamiques dans le cadre de l’adhésion -
une spécialisation marquée par une valorisa-
tion du capital humain
Des trois pays méditerranéens qui fragmen-
tent avec l’UE, seul le cas de la Turquie sug-
gère une montée sur la chaîne de production.
Le comportement de la Turquie diffère de ses
voisins méditerranéens dans la mesure où :
• tout en conservant un niveau de
spécialisation important sur les biens inten-
sifs en travail non qualifié (textile-habille-
ment), elle dégage des CTB positifs sur les
biens intensifs en capital humain qui rejoi-
gnent ceux obtenus sur les biens agricoles
frais (voir figure 35). Sont concernés ici deux
secteurs principaux : les équipements de
transport qui en 2002 constituent 7% envi-
ron des CTB turcs, et les ordinateurs et télé-
communications qui représentent, à la même
date, 11% des CTB ;
• elle valorise ses ressources agri-
coles sur place en se spécialisant dans les
produits agricoles transformés (les
conserves, jus de fruits et autres) plus
essentiellement avec le reste du monde.
Cependant, malgré les progrès du système
industriel, la Turquie reste en-deçà des per-
Figure 35 : Les avantages comparatifs de la Turquie dans les biens finaux manu-facturés
TURQUIE - Reste du Monde
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intensifs en capital humain intensifs en technologie
intensifs en trav. non qualifié
TURQUIE - UE
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intensifs en capital humain intensifs en technologie
intensifs en trav. non qualifié
Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée
-129-
formances des pays de l’est européen adhé-
rents comme la Hongrie et la Tchéquie.
Les pays de l’est européen nouvellement
adhérents, intégrés verticalement au systè-
me productif européen, progressent de façon
significative notamment sur l’automobile et
les ordinateurs & télécommunications.
La Pologne, spécialisée dans les biens finaux
intensifs en travail non qualifié avec l’UE,
améliore sa position sur les biens finaux
intensifs en capital humain avec ce partenai-
re dans le secteur des ordinateurs et télé-
communications (9% des CTB globaux polo-
nais en 2002), bien que la montée en gamme
de ses exportations de biens intermédiaires
manufacturés intensifs en capital humain
vers le reste du monde soit plus importante
(40% des avantages comparatifs provien-
nent d’une spécialisation sur les biens inten-
sifs en capital humain avec le reste du monde
en 2002).
Le système de fragmentation de la Hongrie
avec l’UE a permis à ce pays de développer
des secteurs intensifs en capital humain et en
technologie, qui surclassent, en 2002, les
avantages comparatifs dégagés sur les biens
finaux intensifs en travail non qualifié. On
observe, par exemple, des spécialisations
robustes avec l’UE dans les secteurs des
machines non électriques et des ordinateurs,
sur les biens finaux intensifs en technologie
et en capital humain dont les avantages com-
paratifs sont plus de quatre fois supérieurs à
ceux obtenus pour l’habillement. L’évolution
est nette sur la période puisqu’en 1992, les
biens finaux intensifs en travail non qualifié
représentaient plus de la moitié des avan-
tages comparatifs avec l’UE alors qu’en 2002,
ils n’en comptent que pour le quart, au profit
des biens finaux à fort contenu en capital
humain. On soulignera enfin que le panel des
secteurs sur lesquels la Hongrie obtient des
avantages comparatifs, s’élargit plus avec
l’UE qu’avec le reste du monde : le système
de fragmentation en place est à la fois sour-
ce de montée en gamme et à l’origine de la
diversification des points forts du pays.
La Tchéquie dispose d’un héritage industriel
important (lignite, charbon, pétrochimie,
mines, textile, automobile) et d’un système
productif à fort potentiel. Le secteur de l’au-
tomobile est son atout essentiel : les CTB
tchèques sur les biens de consommation
intensifs en capital humain dans les équipe-
ments de transport, représentent 29% des
CTB globaux avec l’UE en 2002. Malgré tout,
celui-ci se décale de façon significative vers
la production de biens automobiles intermé-
diaires. Globalement, on constate que sur
toute la période, la Tchéquie dégage des
avantages comparatifs importants sur les
biens intensifs en capital humain (39% de
leur CTB avec le RdM, 50% avec l’UE en
2002) avec une progression plus nette des
avantages sur ces biens vis-à-vis de l’UE.
Mais, on remarque également une double
spécialisation vers l’UE, sur les biens intensifs
en capital humain (30% des avantages com-
paratifs sur les biens finaux dans le secteur
des équipements de transport et 8% pour les
biens intermédiaires de ce même secteur en
2002) et sur les biens intensifs en travail non
qualifié (en fin de période, l’habillement n’est
en situation positive que vis-à-vis de l’UE).
La montée en gamme est importante margi-
nalisant les secteurs traditionnels.
Les pays qui s’intègrent plus spécifiquement
à ce modèle, les pays de l’est européen nou-
vellement adhérents de l’échantillon et la
Turquie, présentent un niveau global de com-
pétitivité plus porteur que les pays qui sui-
vent le modèle 1. Ils admettent des indices
de concentration des exportations relative-
ment faibles, bien que leurs exportations
demeurent plus concentrées avec l’UE
-130-
qu’avec les partenaires non européens. Leurs
exportations sont de plus en plus en adéqua-
tion avec la demande manufacturière euro-
péenne, surtout à partir de la fin des années
1990, bien que l’adaptation à la demande
internationale ne soit pas probante. Cela
répond à une logique d’intégration à l’UE
forte qui permet dans un premier temps, un
développement économique des pays nou-
vellement adhérents ou en voie d’adhésion
comme la Turquie, auto-centré sur l’Europe
et dans un second temps, une insertion inter-
nationale compétitive sur des secteurs tech-
nologiques. Le niveau de commerce intra-
branche évolue favorablement vers une com-
plexification des systèmes productifs et en
même temps, la part des produits à haute et
moyenne intensité de compétence et de
technologie devient importante. Enfin, les
pays concernés présentent des indices de
similarité des structures d’échange avec l’UE
plus importants.
Une réaction commune de montée en
gamme face aux barrières tarifaires et non
tarifaires du reste du monde
Outre l’Egypte et la Jordanie, l’ensemble des
PM et des PEE de l’échantillon parvient à opé-
rer une montée en gamme avec le reste du
monde selon différentes modalités. Certains
pays intensifient leurs avantages comparatifs
traditionnels avec l’UE sur le textile-habille-
ment, tout en dynamisant leurs avantages
comparatifs vis-à-vis des partenaires non-
européens. L’insertion internationale du
Maroc, de la Tunisie, de la Bulgarie ou enco-
re de la Roumanie, repose sur des spécialisa-
tions de type 1 avec l’UE et de type 2 avec le
RdM. La pénétration des marchés non euro-
péens protégés encourage les efforts sur les
biens intensifs en technologie.
La Tunisie, le Maroc et la Bulgarie valorisent
leurs avantages dans les secteurs de la chi-
mie et des composants électroniques. Leur
stratégie de développement vis-à-vis du
reste du monde repose principalement sur la
valorisation de leurs ressources naturelles.
D’une part, ils vendent leurs produits agri-
coles frais et transformés (18% des CTB glo-
baux tunisiens vis-à-vis du RdM, 14% des
CTB bulgares et 7% des CTB marocains en
2002) et d’autre part, ils développent le sec-
teur de la chimie, spécialisation grâce à
laquelle ils réalisent des progrès significatifs
dans la production de biens intermédiaires
intensifs en capital humain et en technologie.
En outre, le Maroc opère une percée impor-
tante sur les composants électroniques, sec-
teur dans lequel il est intégré à des réseaux
de production internationaux à un bon
niveau, puisque les pièces et composants
intensifs en technologie représentent, en
2002, 28% des CTB vis-à-vis des partenaires
non européens. Sur le même secteur, les per-
formances de la Tunisie et de la Bulgarie sont
plus modestes avec 4% des CTB tunisiens
pour les biens semi-finis intensifs en techno-
logie et 2% pour les biens de consommation
intensifs en capital humain et 4,5% des CTB
bulgares pour les pièces et composants
intensifs en technologie.
De même, le spectre de spécialisation de la
Roumanie avec le reste du monde est plus
large qu’avec son partenaire européen. En
effet, ce pays obtient de bons résultats sur
trois secteurs : (i) dans les équipements de
transport intensifs en travail non qualifié
dont les avantages comparatifs progressent
sur la période, (ii) dans le secteur des
machines non électriques pour les pièces et
composants intensifs en technologie (8%
des CTB roumains vis-à-vis du RdM en
2002), et (iii) surtout dans la métallurgie,
sur des biens intermédiaires semi-finis
intensifs en technologie, qui, en 2002,
représentent 32% environ des CTB rou-
mains vis-à-vis du RdM.
-131-
D’autres pays valorisent essentiellement
leurs avantages comparatifs dynamiques
avec l’Europe, tout en opérant des percées
significatives avec des partenaires non euro-
péens. C’est le cas de la Hongrie, dont les
échanges avec le reste du monde accroissent
de la part des biens intensifs en travail non
qualifié mais aussi les avantages comparatifs
sur les biens intensifs en technologie dans la
chimie, les ordinateurs et télécommunica-
tions et les pièces et composants des équipe-
ments de transport.
Enfin, la Pologne, la Turquie et surtout la
Tchéquie opèrent une montée en gamme glo-
bale avec des spécialisations de type 2 vis-à-
vis des deux partenaires commerciaux
Les avantages comparatifs turcs sur le sec-
teur textile-habillement pour les biens inten-
sifs en travail non qualifié vis-à-vis des par-
tenaires non européens diminuent quasiment
de moitié entre 1990 et 2002, passant de
46% des CTB globaux à 26%. Ce processus
est le reflet d’une réallocation des res-
sources :
(i) au sein du secteur textile, les producteurs
turcs se placent désormais en aval de la chaî-
ne textile puisque non seulement ils produi-
sent des tissus et fils et s’engagent dans la
production de fibres synthétiques (les pro-
duits textiles semi-finis représentent 8% des
exportations en 2002), mais qu’ils exportent
de plus en plus sous leurs propres marques ;
(ii) et vers essentiellement trois secteurs où
la Turquie valorise son capital humain : la
métallurgie, où la Turquie admet des avan-
tages comparatifs sur les biens intermé-
diaires semi-finis (16% des CTB globaux vis-
à-vis du RdM en 2002) ; les équipements de
transport avec une valorisation des biens
finaux et des pièces & composants (9% des
ENCADRE 3 : Impact des spécialisations sur la croissance
Le récent travail de F. Menegaldo, S. Palméro et N. Roux teste l’impact des différents typesde spécialisation sur la croissance entre 1990 et 2002 en utilisant deux méthodes économé-triques complémentaires (modèles à correction d’erreur et modèles en panel Pedroni).
La concentration des exportations a un effet négatif sur la croissance des PM et positif surcelle des PEE. Les restructurations industrielles des PEE portent sur des secteurs plus dyna-miques qui leur permettent d’obtenir des indicateurs d’adaptation positifs, ce qui n’est pas lecas des PM.
La seule source de croissance avec l’UE des PM repose sur les biens intensifs en travail nonqualifié. La croissance des PEE est plus tirée par les biens intensifs en technologie et en capi-tal humain.
Le système de fragmentation qui lie les PEE aux producteurs européens est très positif à longterme sur la dynamique de croissance de ces pays. Les partenaires extra-européens ne sontpas seulement une source de devises mais ils stimulent également la croissance.
La fragmentation entre PM et producteurs européens n’est pas globalement porteuse de crois-sance puisqu’elle ne stimule pas la montée en gamme et qu’elle ne permet pas encore uneinsertion internationale plus compétitive.
Les différents types de spécialisation ont donc des conséquences différentes en terme decroissance :
Pour les PM et les PEE en adhésion :• Spécialisation 1 avec l’UE Effet globalement négatif sur la croissance• Spécialisation 2 avec RdM La montée en gamme avec RdM n’est pas encore assez forte
pour stimuler la croissancePEE nouvellement adhérents, Turquie et Israël• Spécialisation 1 avec l’UE Effet globalement positif sur la croissance• Spécialisation 2 avec RdM La montée en gamme avec RdM stimule la croissance
-132-
CTB globaux vis-à-vis du RdM en 2002) ;
enfin, les ordinateurs et télécommunications,
biens de consommation qui représentent 2%
des CTB turcs en 2002.
Cependant, bien que la Turquie enregistre
des montées en gamme sur de nombreux
secteurs avec le RdM, son niveau relatif de
compétitivité s’est affaibli au cours de la
décennie. Les restructurations industrielles
doivent se poursuivre pour réduire ses spé-
cialisations traditionnelles et lui permettre de
se focaliser sur des biens à forte intensité
technologique. C’est ce que semblent avoir
réussi la Pologne et la Tchéquie qui valorisent
surtout avec le RdM leurs acquis technolo-
giques et leur capital humain.
Ainsi, en même temps que les avantages
comparatifs dans l’habillement à travail non
qualifié que la Pologne obtient avec l’UE bais-
sent, des spécialisations sur des biens inter-
médiaires intensifs en capital humain ou en
technologie (machines non électriques,
métaux, produits alimentaires transformés…)
avec le reste du monde, se renforcent et la
gamme des secteurs de spécialisations posi-
tives est aujourd’hui plus large avec le reste
du monde qu’avec l’UE.
La Tchéquie obéit à la même logique vis-à-vis
des partenaires non européens avec une ten-
dance à une respécialisation vers des biens
finaux intensifs en technologie (composants
électroniques pour les biens finaux, 8% des
CTB globaux tchèques vis-à-vis du RdM en
2002) et machines non électriques pour les
biens finaux (9% des CTB en 2002) et inter-
médiaires (pièces et composants : 13% des
CTB), tout en conservant l’avantage acquis
sur les biens intensifs en capital humain (17%
des avantages comparatifs sur les biens
finaux dans le secteur des équipements de
transport (automobile) et 5% pour les biens
intermédiaires de ce même secteur en 2002).
On peut avancer, en conclusion de cette
partie, qu’il existe des comportements de
spécialisation différenciés, fondés sur deux
modèles distincts d’ancrage à l’UE, qui sui-
vent (i) pour certains pays, une logique de
zone s’appuyant généralement sur un pro-
cessus de fragmentation avec l’Europe ou
avec des partenaires extra-européens,
(ii) pour d’autres, une insertion internatio-
nale plus directe qui repose sur une division
horizontale du travail. Ces divers méca-
nismes de développement n’engendrent pas
les mêmes positionnements sur la chaîne de
production et ne devraient logiquement pas
avoir les mêmes effets sur les dynamiques
de croissance.
VI- Intégration sud-sud : un rêve qui
devient réalité ?
Le commerce entre les régions méditerra-
néennes du nord et du sud a augmenté au
cours de ces dernières années. Pourtant, il
est loin d’atteindre son plein développement.
Plusieurs éléments peuvent expliquer la
situation. Le principal est que l'intégration
sud-sud est encore considérée comme mar-
ginale, avec des économies qui se font
concurrence au lieu d’exploiter leurs complé-
mentarités. Les échanges intra-zone arabe
représentent seulement 8 à 10% de la tota-
lité du commerce de la zone. On estime que
l'intégration sud-sud et la création d'un
grand marché arabe pourraient être les élé-
ments manquants du succès des accords
d'association euro-méditerranéens.
L'intégration sud-sud est non seulement
essentielle pour améliorer le potentiel com-
mercial des économies du sud avec d'autres
zones, telles que l'Union Européenne, mais
elle contribue également à leur développe-
ment et au bien-être de leurs populations.
Heureusement, quelques progrès significatifs
ont été faits dans cette direction.
-133-
1. Intégration mondiale des pays arabes :
succès et échecs
La région arabe se compose des vingt-deux
Etats membres de la Ligue arabe. Si sont
incluses l'Afrique du Nord et du Nord-Est et
l’Asie du Sud-Ouest, dans une certaine mesu-
re, les pays arabes sont étroitement liés, voire
partagent une histoire commune, mais ne
sont pas homogènes en termes de niveau de
développement économique et social. Peu de
pays ont un PIB par tête suffisamment élevé
pour les classer dans le groupe des pays à
niveau de revenu élevé, tandis que d'autres
font encore partie de celui des pays les moins
développés. Leurs degrés d’intégration mon-
diale sont également très différenciés, reflé-
tant les disparités de leurs potentiels de crois-
sance et de leurs dotations en ressources
naturelles, ainsi que les différences dans les
politiques adoptées par leurs gouvernements.
Il faut attendre les années 80 et 90, dans
certains cas, pour que les économies arabes
adoptent des politiques orientées vers le
développement des exportations. Pour les
économies faiblement diversifiées dépendant
largement des exportations de ressources
naturelles et de pétrole, les résultats de l’ou-
verture commerciale sont mitigés. A l’excep-
tion de quelques pays non exportateurs de
pétrole, tels que le Maroc, la Tunisie et
l'Egypte, et dans une certaine mesure la
Jordanie et le Liban qui ont accompli des pro-
grès dans les échanges de services, l'intégra-
tion mondiale a été conditionnée, non seule-
ment par des facteurs économiques de sous-
développement, mais également par des
contraintes politiques.
Vers une intégration arabe : le GAFTA, une
mise en chantier qui remonte aux années 50...
Depuis la création de la Ligue arabe en
1945, plusieurs tentatives de coopération et
d’intégration ont été faites par des Etats
membres. Cette coopération, au-delà d'at-
teindre des objectifs politiques, avait pour
ambition le développement de liens écono-
miques, financiers, sociaux et culturels entre
les signataires.
L'année 1981 a vu la première tentative
« sérieuse » des économies arabes de s'inté-
grer, avec la signature d’un accord de libre-
échange par la plupart des membres arabes
de la Ligue. L'accord, qui incluait la facilita-
tion et la promotion des relations commer-
ciales entre les pays membres, dans le but de
mettre en place une libéralisation progressi-
ve des échanges et de créer une union doua-
nière, a échoué et cela pour plusieurs rai-
sons. La plupart des pays de la région arabe
suivait toujours des politiques de substitution
des importations, exceptés les pays du Golfe,
et les taxes à l'importation étaient devenues
des ressources importantes pour leurs éco-
nomies. Ceci a conduit à l'adoption de poli-
tiques fiscales sans résultats probants. Les
marchés s’étaient orientés vers le secteur
public et l’attribution des ressources était
très inefficace. En conséquence, la compétiti-
vité des produits arabes était extrêmement
basse, comparée aux standards internatio-
naux. En outre, une approche produit par
produit de la libéralisation et l’absence d'un
calendrier pour l'élimination des exemptions
de taxes ont contribué à l’échec de cet
accord. Enfin, l'existence de groupes d'inté-
rêt et de lourdeurs dans les pratiques
bureaucratiques ont gêné le développement
du commerce régional arabe. En dernier lieu,
l'instabilité politique et les crises périodiques
qu’a connues le monde arabe à cette pério-
de, en plus des différences politiques entre
les économies arabes, ont empêché la mise
en place effective de l’accord (ERF, 2000).
Pendant le sommet arabe de 1996, les Etats
se sont lancés dans la création de la grande
-134-
zone arabe de libre-échange, avec l'espoir
qu'elle évolue ensuite en un marché commun
arabe. La grande zone arabe de libre-échan-
ge (GAFTA) constitue l'étape la plus récente,
et jusqu'ici la plus significative, atteinte par
les pays arabes pour obtenir un niveau signi-
ficatif d'intégration économique.
Un agenda pour sa mise en place a été
approuvé. Devant débuter en 1998, son
achèvement est prévu pour 2007. Une réduc-
tion tarifaire annuelle de 10% a été décidée
et est réellement mise en application, de
sorte que la libéralisation commerciale pour
les marchandises d'origine arabe sera totale
d’ici 10 ans.
L'accord inclut l'élimination des barrières
non-tarifaires et respecte les règles d'origine.
Tous les articles exemptés pendant la pério-
de de transition, par exemple quelques pro-
duits agricoles et industriels, seront inclus
dans le processus d’élimination des tarifs
vers la fin de cette période. En janvier 2003,
60% des échanges de produits entre les
Etats membres devaient avoir été libéralisés
(site Web de la Ligue Arabe).
Le GAFTA pourrait avoir de meilleures
chances de succès que les accords précé-
dents. Il fondera un vaste marché susceptible
d’attirer plus d'investissements arabes et
étrangers. Un dispositif qui caractérise cet
accord est la participation du secteur privé,
qui doit surveiller sa mise en place. L'Union
des Chambres Arabes doit préparer des rap-
ports sur les difficultés rencontrées par les
commerçants avec l'administration douanière
et les organismes de contrôle des différents
pays membres. Cela devrait augmenter la
transparence du GAFTA et reconnaît l’impor-
tance des initiatives privées.
Il faut noter que l'investissement arabe est
encore marqué par son taux de rendement
bas, des sorties de flux d’investissement
arabe au profit de l'Europe, des USA ou de
l’Asie, négligeant l'avantage comparatif qui
pourrait découler d’investissements intra-
régionaux, tels que des coûts de transaction
et de main-d'oeuvre faibles, etc. Les sorties
d’IDE arabes hors de la région sont une perte
d’opportunités, qui peut être recouvrée grâce
à des campagnes de promotion de l’investis-
sement et l’offre de facilités à l’investisse-
ment par les pays arabes à leurs partenaires
arabes. Le GAFTA pourrait encourager les
investisseurs arabes à privilégier leur propre
région.
L’achèvement du GAFTA aura un impact posi-
tif sur le succès des accords euro-méditerra-
néens. La conjonction des deux accords per-
mettrait à l'industrie arabe de profiter de l'ai-
de de mise à niveau prévue par le program-
me MEDA et de la disponibilité d'un marché
arabe étendu, avant d'entrer réellement en
concurrence avec les produits européens.
L’accord comporte, cependant, quelques
contraintes comme les barrières non-tari-
faires toujours en vigueur, les mécanismes
de suivi de la mise en place, les règles d'ori-
gine, le traitement des zones franches et la
compatibilité des accords bilatéraux qui exis-
tent déjà entre les Etats arabes.
Les pays arabes, n’ayant pas conclu d’accord
sur la question, ne bénéficient pas des avan-
tages traditionnellement issus de l’application
des règles d'origine. L'application des règles
d'origine et de leur cumul peut dynamiser le
commerce intra-industriel et l'intégration en
amont et en aval au sein des pays arabes.
Cela pourrait également englober l’UE, par le
jeu des accords euro-méditerranéens.
L’accord comporte aussi quelques limites. Les
échanges de services et de quelques produits
agricoles ne sont pas inclus dans le program-
-135-
me de réduction tarifaire (pendant la saison
de la moisson). Une autre limitation est la
portée réduite de l'accord en ce qui concerne
les standards et les normes techniques. Une
intégration plus poussée est nécessaire afin
d'atteindre l'objectif principal de cet accord,
tel que l'établissement des infrastructures
institutionnelles nécessaires au contrôle et à
la régulation des flux de marchandises et de
services. Le rôle de ce type d’intégration
dans l’amélioration de l’efficacité productive
et de la compétitivité au niveau régional et
global n’a pas été suffisamment souligné.
Les accords intra-régionaux arabes
En plus de ces efforts pour encourager la
coopération commerciale et économique
entre les pays arabes en général, d'autres
tentatives d’intégration ont été faites qui dif-
férent selon la région. Le Conseil de
Coopération du Golfe (GCC) a été fondé en
1981, suivi de l'Union du Maghreb Arabe
(UMA) en 1987. Un troisième groupe de pays
constitue le Conseil de Coopération Arabe. Au
delà de quelques problèmes politiques, qui
ont empêché d’atteindre les buts initialement
fixés, particulièrement dans le cas de l'UMA,
ces expériences ont montré les limites éco-
nomiques de groupements de petite taille par
rapport à de plus grands ensembles.
Le GCC est une expérience réussie qui peut
être généralisée. De substantiels progrès ont
été réalisés dans la mise en place de l'accord
de libre-échange quand l'union douanière
des pays du Golfe est entrée en vigueur, en
2003. Il existe un tarif extérieur commun de
5%, alors qu'un nombre limité d'articles sont
entièrement exempts de droits. La toute
nouvelle union douanière des pays du Golfe
trace les contours du plus grand ensemble
économique du Moyen-Orient. C'est égale-
ment un pas en avant crucial dans la créa-
tion d'un grand marché commun du Golfe et
vers l'adoption d'une monnaie unique, pré-
vue d'ici 2010.
En outre, en 2003, la Jordanie, l'Egypte, le
Maroc, et la Tunisie ont signé un accord de
libre-échange régional, le processus d'Agadir.
L'accord est l'expression d'un engagement col-
lectif à coopérer pour faire face aux défis de la
région, à travailler ensemble dans un effort
commun pour développer l'intégration régio-
nale comme vecteur de croissance écono-
mique et, finalement, comme instrument de
coopération politique et de paix. À cet égard,
il faut souligner que l'accord d'Agadir est
ouvert à tous les partenaires méditerranéens
qui ont signé des accords d'association avec
l’UE. Suite à cet accord, un marché gigan-
tesque de plus de 100 millions de personnes a
été créé, doté d’un PIB de presque 150 mil-
liards d'euros. Ceci est considéré comme une
étape importante vers la réalisation d’un
objectif commun : une zone de libre-échange
euro-méditerranéenne. En outre, pour tous les
produits industriels, les compagnies de ces
quatre pays tireront bénéfice de l'accès libre
de droits au marché de l’UE, qui compte, après
l’élargissement, plus de 455 millions de
consommateurs avec un PIB de 9 500 mil-
liards d’euros (Rexrodt, 2004).
Accords commerciaux régionaux et accords
de l’OMC : une complémentarité qui compor-
te toujours des contradictions
Dans la pratique, les règles de l’OMC se sont
avérées mal adaptées pour faire face à la
réalité des accords commerciaux régionaux
(ACR), tels que le GAFTA. La vérification et
l’évaluation de la conformité avec l’OMC des
accords régionaux, selon l’article XXIV du
GATT et l'article V du GATS, n’ont pas connu
un grand succès jusqu'ici. C'est principale-
ment dû à l'existence de polémiques de
longue date au sujet de l'interprétation des
dispositions de l’OMC servant à l’évaluation
-136-
des ACR et à des problèmes institutionnels,
résultant soit de l'absence de certaines règles
dans les accords de l’OMC, soit des incohé-
rences entre les règles existantes de l’OMC et
celles contenues dans un certain nombre
d’ACR existants. A partir de juin 2003, suite
à la soumission de propositions spécifiques
par plusieurs délégations, des discussions
informelles sur divers aspects du fonctionne-
ment du système concernant les ACR ont été
engagées. Celles-ci ont pour but de répondre
aux problèmes et de poser de nouvelles
bases en vue d’une redéfinition soutenable
des liens entre les ACR et le système multi-
latéral d’échanges.
Quelques pays se servent des ACR pour favo-
riser une intégration plus poussée de leurs
économies que celle qui est actuellement
générée via les accords de l’OMC. Ils ten-
dent, en effet, à aller au-delà des exercices
traditionnels de réduction de tarifs, en
incluant souvent des règles sur l'investisse-
ment, la concurrence, l'environnement et les
travailleurs, dont la portée dépasse celle des
règles multilatérales existantes. Face à cette
nouvelle vague d’ACR, l'évolution du système
multilatéral d’échanges est inévitable.
Quelques études montrent que si l’établisse-
ment d’ACR était régi par certains principes,
ceux-ci pourraient aider à consolider et à
accroître les bénéfices des accords commer-
ciaux préférentiels et à favoriser un système
multilatéral plus efficace. Le premier est que
les pays ne s’engagent dans un accord régio-
nal que s’ils sont disposés, tôt ou tard, à le
prolonger par un engagement multilatéral.
En second lieu, les pays pourraient favoriser
le principe de transparence, en s'assurant
qu’une information complète sur les tarifs,
les règlements et les règles d'origine de l’ACR
soit facilement disponible et accessible à tous
et que tout ces ACR soient répertoriés à
l'OMC en temps voulu. Troisièmement, en
s’accordant sur un système consultatif per-
mettant de suivre l’évolution des ACR et en
redéfinissant les règles applicables aux ACR
en cas de besoin, un lien plus efficace pour-
rait être mis en place entre les approches
régionales et multilatérales.
Dans la région arabe, onze pays sont entrés
à l’OMC et cinq autres sont en cours d’acces-
sion. Cependant, il est difficile d’évaluer dans
quelle mesures les actuels et futurs Etats
membres arabes seront pressés de tirer pro-
fit des dispositions du GATT, qui leur permet-
tent de bénéficier d’accords commerciaux
régionaux.
Il est clair que la libéralisation commerciale
véhiculée par l’OMC aura des conséquences
sensibles sur la reconfiguration du commerce
international, y compris dans la région arabe.
D'un côté, elle pourrait être complémentaire
au GAFTA, ce qui augmenterait la capacité
des pays arabes à attirer l'investissement
étranger venant de toute la région arabe.
Mais ceci nécessite, bien sûr, d’achever la
mise en place de l’ACR. D’un autre côté, elle
pourrait réduire l’intérêt de l’accès avanta-
geux accordé par leurs principaux associés
aux biens arabes, particulièrement dans
l'Union Européenne. Ceci constituera un défi
important pour le monde arabe, car la com-
pétitivité limitée des biens arabes n'aidera
pas à compenser cet effet négatif par la
conquête de nouveaux marchés.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne :
que des avantages ?
Bien que l'accord entre les pays méditerra-
néens du sud et l'UE s’étende aux domaines
politiques, sociaux et culturels, le champ
économique est considéré comme étant le
plus important. Les accords bilatéraux entre
les pays méditerranéens du sud et l'UE
constituent le socle du processus de
Barcelone. Ils fournissent le cadre institution-
-137-
nel de leurs relations bilatérales. Des accords
d'association ont été signés avec tous les
pays de la région du sud, sauf avec la Syrie.
En fait, la relation entre les partenaires médi-
terranéens du sud et l'UE est non seulement
fondée sur les échanges commerciaux qui se
sont noués naturellement entre les deux voi-
sins, mais également sur l'existence d’une
forme d’interdépendance qui lie les deux
groupes de pays.
Pour ce qui relève particulièrement de la
sphère économique, il apparaît que l'Union
Européenne est le principal partenaire com-
mercial des pays méditerranéens, pour les
exportations comme pour les importations.
L'Union Européenne est également une
source importante d'investissement direct
étranger pour les PM. Enfin, les rapatrie-
ments de fonds des travailleurs méditerra-
néens employés dans les Etats membres de
l’UE et le tourisme européen sont des élé-
ments clefs du développement économique
de la région.
Par ailleurs, l’UE développe ses relations
commerciales, non seulement avec les pays
méditerranéens du sud, mais aussi avec ceux
de la région de Golfe. En 1989, l'UE et le GCC
ont signé un accord de coopération ayant
pour objectif de faciliter leurs relations com-
merciales et, plus généralement, de contri-
buer à renforcer la stabilité dans cette partie
stratégique du monde. La coopération est
aussi bien politique, qu’industrielle, énergé-
tique, économique et environnementale. Elle
est fondée sur un engagement des deux par-
ties à mener des négociations sur un accord
de libre-échange entre elles. Des différences
subsistent dans le traitement réservé aux
deux régions, principalement pour ce qui est
des tarifs imposés par l'UE aux exportations
du GCC et aux conditions d’accès des four-
nisseurs de service européens, en particulier
les opérations bancaires et d'assurance, au
marché du GCC.
Cependant, les bases de l'intégration de l’UE
avec les pays du GCC sont un peu différentes
de celles qui ont prévalues pour les PM.
Taux de change, commerce et flux d’IDEdans le cadre du partenariat euro-médi-terranéen
Dirigée par Institute of Money &Banking, American University of Beirut,Liban
Pendant les deux dernières décennies, les par-tenaires méditerranéens (PM) sont passés pardifférentes étapes sur la voie de l’insertion dansles marchés mondiaux, à commencer par lanégociation et la signature d’accords commer-ciaux bilatéraux avec l’Union Européenne (UE).Ces accords avaient initialement pour objectifd’améliorer l’accès des exportations des PM auxmarchés européens. Avec la déclaration deBarcelone de 1995, la région euro-méditerra-néenne est devenue une nouvelle zoned’échange et de coopération économique. Enfait, le but de la conférence de Barcelone étaitde créer une zone de libre-échange euro-médi-terranéenne (ZLE) en 2010, qui dynamiserait lecommerce et les flux d’investissement directétrangers (IDE) dans la région.
Dans la mesure où les accords commerciauxeuro-méditerranéens peuvent générer des
flux commerciaux, susceptibles d’amplifier lesconséquences des mauvais alignements dutaux de change réel, cette étude se penchesur les effets des politiques cambiaires desPM sur les échanges euro-méditerranéens, lesIDE et la dette externe. Elle analyse égale-ment les problèmes qui peuvent surgir d’unmauvais alignement du change réel dans lecadre euro-méditerranéen.
Il apparaît que les mauvais alignements duchange se sont traduits par une réduction deséchanges et une relocalisation des IDE. Cecipeut avoir des conséquences négatives sur lapérennité des accords euro-méditerranéens,et peut causer une instabilité macroécono-mique dans la région. Etant donnés lesrégimes de change en vigueur dans les PM,ces mauvais alignements ont été amplifiésdans toute la région euro-méditerranéenneaprès la ratification des accords de Barcelone.De plus, un ancrage au dollar, dans un contex-te de dépréciation de l’euro par rapport audollar depuis son introduction en 1999, a eupour conséquence une appréciation continuedes taux de change réels moyens de la région,engendrant un impact direct néfaste sur leséchanges, les IDE et la dette externe des PM.
-138-
Indépendamment de l'importance straté-
gique de la région du Golfe, les montants des
flux commerciaux entre l'UE et le GCC sont
significatifs, étant données les vastes res-
sources en hydrocarbures de ces derniers.
Les pays du Golfe sont le cinquième plus
important marché d'exportation de l'UE : en
2002, l'UE exportaient quelques 36 milliards
d'euros vers le GCC. A son tour, le Golfe est
la source la plus importante d’importations
de pétrole de l’UE. Le pétrole brut représen-
te presque deux tiers des importations de
l’UE en provenance du GCC, tandis que les
importations tous biens confondus de l’UE se
sont élevées à environ 18 milliards d'euros
en 2002.
En termes d'investissement, les investisse-
ments européens en direction du « Golfe 8 »
(les six pays du GCC, plus le Yémen et l'Irak)
ont augmenté en 2001 s'établissant à
1,1 milliard d'euros. En outre, les investisse-
ments du « Golfe 8 » vers l'UE ont progressé
passant de 0,6 milliards d'euros en 1999 à
1,2 milliards d'euros en 2001. La stabilisation
de la situation en Irak devrait déboucher sur
une hausse substantielle des flux d'investis-
sement vers la région.
Les avantages d'une telle association dans le
long terme sont clairs, aussi bien pour les
pays du nord que du sud de la Méditerranée.
En dehors des avantages commerciaux, cette
intégration inclut le transfert de technologies,
la consolidation des réformes économiques,
une augmentation de la puissance de négo-
ciation, surtout pour les petits pays, et des
avantages d’ordre politique.
Néanmoins, les bénéfices des accords euro-
méditerranéens ne peuvent pas être considé-
rés comme acquis. En fait, les scénarios les
plus optimistes envisagent 3% d'augmenta-
tion de la production économique des PM sur
la période couvrant l’entrée en vigueur des
Puisque les PM n’ont pas de politique moné-taire indépendante, les coûts d’une plusgrande fixité vis-à-vis de l’euro sont relative-ment bas. A moyen terme, une politiquemonétaire fondée sur l’ancrage des monnaiesdes PM à l’euro, ou à un panier de monnaiesdominé par l’euro, pourrait leur permettred’importer la crédibilité de la BanqueCentrale Européenne (BCE) en matièremonétaire. Elle pourrait également amoindrirl’impact des mauvais alignements du changesur le commerce euro-méditerranéen et lesflux d’IDE. Un scénario extrême serait uneunion monétaire euro-méditerranéenne, oùles PM adopteraient l’euro.
Les résultats empiriques montrent que l’im-pact des mauvais alignements du taux dechange réel sur les exportations euro-médi-terranéennes et les IDE est probablementd’autant plus important que le nombre depays signataires de l’accord s’accroît et queles échanges s’intensifient entre les paysmembres de l’Accord d’Intégration RégionalEuro-méditerranéen (AIRE). De plus, la vola-tilité des taux de change réels bilatéraux a uneffet beaucoup plus fort sur les pays déjàmembres de l’AIRE. En fait, une dépréciationdu taux de change réel bilatéral dynamise lesIDE, en partie du fait de l’existence d’IDE quivisent à éviter certains tarifs, IDE qui peu-vent être relocalisés selon les évolutions duchange entre les PM.
Dans le cas où les pays sont ou vont entrerdans le partenariat euro-méditerranéen, lefait que la dette externe des PM est, en gran-de partie, libellée en dollars pourrait alourdirl’effet sur les bilans des mouvements dechange à mesure que le commerce euro-méditerranéen, s’intensifiera.
Enfin, cette recherche souligne que lesexportations totales, les importations et leséchanges en général ont progressé demanière constante entre l’UE et les PM quiont d’ores et déjà ratifié la déclaration deBarcelone. Les résultats étayent fortementl’idée que, pour ces PM qui ont ratifié lesaccords de Barcelone, une intégration com-merciale plus étroite se traduit progressive-ment par une meilleure intégration écono-mique avec l’UE. La situation apparaît cepen-dant assez différente lorsque est considéréela seule région méditerranéenne. Les résul-tats empiriques ne permettent pas de déga-ger une convergence des politiques monétai-re et budgétaire des PM. Des efforts supplé-mentaires sont donc nécessaires pour amé-liorer l’intégration économique et financièresud-sud.
-139-
intra-régional arabe : les exportations ont
gagné 20% par rapport à l'année précé-
dente et les importations 12%. Du fait des
divers accords commerciaux arabes pas-
sés, les termes de l'échange entre les pays
arabes ont augmenté en valeur absolue
sur la période 1997-2002, contrairement à
l’expérience de la décennie précédente. La
plupart des pays de la région ont réduit
leurs taxes à l'importation intra-régionales
de 50%. Sur cette période, les exporta-
tions totales intra-arabes sont passées de
16 milliards de dollars à 21 milliards de
dollars, soit à un taux de croissance de
6% ; et les importations de 13 milliards de
dollars à 19 milliards de dollars, ce qui
équivaut à un taux de croissance de 8%
(figure 36).
En dépit de cette augmentation en termes
absolus, le commerce intra-régional arabe
tient encore une place marginale dans le
commerce total et représente 7 à 10% de
leurs importations et exportations totales,
situation qui n'a pas sensiblement évolué
depuis les années 50. Hors exportations
pétrolières, ce pourcentage s’élève en
moyenne à 20-25% (figure 37).
accords. Par ailleurs, quelques difficultés
peuvent surgir à court terme, qui se répercu-
teront essentiellement sur la situation socia-
le, avec la progression possible du chômage,
sur le secteur de l’agriculture et sur les ser-
vices sociaux. D’autres effets négatifs sont à
souligner, comme les pertes d'emplois et le
déclin des revenus du gouvernement suite au
démantèlement tarifaire.
Pour pallier à ces problèmes, le programme
MEDA a été pensé comme un mécanisme d’at-
tribution d’une aide financière de l'UE aux par-
tenaires méditerranéens. Cet appui s'élève
presque à 1 milliard d’euros par an et est
conditionné par des réformes économiques,
sociales et politiques dans la région. Il prend
la forme de programmes d'aide sur mesure
pour chacun des associés. Le programme
MEDA 2, qui couvre la période 2000-2006,
fournit une aide financière aux pays méditer-
ranéens qui atteindra 5 350 millions d'euros.
2. Le commerce entre les pays arabes se
développe, mais reste marginal
L'année 2002 a été marquée par une aug-
mentation substantielle du commerce
Figure 36 : Exportations et importations entre les pays arabes
0
5000
10000
15000
20000
25000
1997 1998 1999 2000 2001 2002
Inter Exports(FOB)
Inter Imports (CIF)
Note : les pays arabes sont : Jordanie, EAU, Bahreïn, Tunisie, Algérie, Djibouti, Arabie Saoudite, Soudan,Syrie, Somalie, Irak, Oman, Qatar, Koweït, Liban, Libye, Egypte, Maroc, Mauritanie, Yémen.Source : Unified Arab Economic Report, 2003
Mil
lio
ns
de d
oll
ars
US
Exportations intra-zone (FOB)
Importations intra-zone (CIF)
-140-
contribué le plus fortement au commerce
intra-régional, puisque ses exportations
représentent 37% des exportations totales,
suivie par la Syrie et l’Algérie. En termes
d'importations, la part de la Turquie atteint
19% des importations totales des PM.
Cependant, le commerce intra-régional de la
Turquie avec les PM ne représente que 5% de
son commerce total (figure 38).
Entre 1997 et 2002, la part des échanges
des PM dans leur commerce total n'a pas
significativement variée, excepté pour le
Liban, dont la part a presque doublé en rai-
son de l'augmentation de ses importations
en provenance des PM de la région, parti-
culièrement de Chypre, d'Egypte et de la
Jordanie. Les importations sont, en effet,
essentielles au développement économique
du pays. Les importations principales du
En 2002, les exportations de l’Arabie Saoudite
représentent la part la plus élevée dans les
exportations totales intra-arabes (37%), en
grande majorité constituées de produits pétro-
liers. Il faut noter que les matières premières
et les produits pétroliers représentent la
majeure partie du commerce intra-arabe
(52,2% de la totalité des exportations intra-
arabes et 42,7% des importations). Nourriture
et boissons viennent ensuite et comptent pour
18% des importations totales et des exporta-
tions. Les autres principaux biens échangés
sont les produits chimiques, les produits
manufacturés et les équipements de transport.
Le commerce au sein des PM n’est pas à la
hauteur de son potentiel
Concernant le commerce intra-régional des
PM, en 2002, la Turquie est le pays qui aFigure 37 : Exportations et importations intra-zones et totales des pays arabes
0
5
10
15
20
25
30
35
1997 1998 1999 2000 2001 2002
%
Intra Arab Exports to Total ExportsIntra Arab Imports to Total ImportsIntra-Arab Exports to total non-oil exports
Source : Unified Arab Economic Report, 2003
%
Exportations intra-zone sur Exports totales
Importations intra-zone sur Imports totales
Exportations intra-zone sur Exports totales
Figure 38 : Part des PM dans leur commerce total en 1997 et 2002
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18% du total des échanges
Algérie Chypre Egypte Israël Jordanie Liban Malte Maroc Syrie Tunisie Turquie
19972002
Source : Calculs de l’ERF d’après Arab Economic Unified Report, 2003 et Direction of Trade Statistics,2004
-141-
fallacieux, car l’effet de la « taillle » de l’éco-
nomie considérée dans le commerce mondial
n’est pas pris en considération. Par exemple,
le potentiel considérable de production et de
demande de l’UE explique sa part importante
dans le commerce de ses partenaires.
Une manière de répondre à ce problème est
de neutraliser l'effet de taille en calculant
« les ratios d’intensité commerciale ». Cette
méthode a été adoptée dans une étude de
Gaulier et Unal-Kesenci. Les ratios obtenus
ont été comparés aux ratios de commerce
standards et des différences substantielles
sont apparues.
La méthode consiste à rapporter chaque flux
commercial bilatéral observé à un flux théo-
rique, qui est en fait la capacité commerciale
globale du partenaire. Le coefficient calculé
s'appelle un ratio relatif d’intensité commer-
ciale bilatérale. Une valeur supérieure à 1
correspond à un commerce bilatéral impor-
tant, tandis qu’un ratio inférieur à 1 reflète
une faible intensité des échanges.
Le calcul de l'indice d’intensité relative en
2002 pour les PM donne une image différen-
te du commerce intra-régional de celle
qu’offre la part dans les échanges. Les liens
commerciaux privilégiés qu’entretiennent la
Jordanie et le Liban avec les PM sont ici affir-
Liban sont la nourriture (20% de ses impor-
tations totales) et l'électronique (15%)
(EIU, 2002). D'autre part, la part de la
Syrie dans les échanges des PM a chuté de
17% à presque 14% de son commerce total
(figure 38).
Comme l’a montré la partie sur les
échanges, l’UE reste le principal partenaire
commercial des PM et compte pour 45% de
la totalité des échanges des PM en 2002. La
Tunisie est le pays dont les liens commer-
ciaux avec l’UE sont les plus étroits parmi
les PM. L’UE représente presque 77% de la
totalité de ses échanges en 2002, avec un
poids pour la France particulièrement élevé,
puisqu’elle lui fournit 27% de ses importa-
tions et absorbe 31% de ses exportations.
Elle est suivie par l’Italie (figure 39).
L'Egypte a augmenté la part de ses échanges
avec l’UE. Ses exportations vers l'UE ont aug-
menté de 70% entre 1997 et 2002 et ses
importations de 30%. Cette augmentation
s’est produite après que l’accord Egypte-UE
qui a été signé soit entré en vigueur.
Intensité de l'intégration
Mesurer le degré d'intégration à partir de la
part des échanges intra-régionaux dans la
totalité des échanges peut être légèrement
Figure 39: Part de l’UE dans commerce total des PM en 1997 et 2002
0
10
20
30
40
50
60
70
80% du totaldes échanges
Algérie Chypre Egypte Israël Jordanie Liban Malte Maroc Syrie Tunisie Turquie
19972002
Source : Calculs de l’ERF d’après Arab Economic Unified Report, 2003 et Direction of Trade Statistics, 2004
-142-
Stade 3 : l’ouverture des marchés augmentela concurrence et permet aux entreprises lesplus efficaces d’accroître les dimensions deleur activité, tandis que les autres disparais-sent. La structure par taille des industries serapproche ainsi d’une structure optimale. Leséconomies d’échelle résultant de ces restruc-turations peuvent donner lieu à des gainspotentiellement élevés.
Stade 4 : outre les inefficacités résultant dela dimension sous-optimale des unités deproduction, il en existe d’autres, internes,provenant d’une mauvaise allocation des res-sources humaines, physiques ou financières.Ces inefficacités s'estomperont avec le ren-forcement de la concurrence.
Le rapport sur le coût de la non-Europe dres-se un bilan très positif des effets attendus del’intégration. Au final, l’achèvement duMarché Intérieur est censé stimuler l’activité,créer des emplois, réduire les déficits tout enévitant les dérapages inflationnistes.
2) L’intégration sud-sud et la régionalisationde la Méditerranée : enjeux et limites de larégionalisation sud-sud
Jusqu’à présent les mouvements d’intégrationentre pays en développement avaient pourobjectif de construire une base industrielle etmettre en place une politique de substitutionaux importations au niveau régional. Le déve-loppement de cette stratégie de croissances’accompagnait d’une libéralisation deséchanges à l’intérieur du bloc et d’une poli-tique protectionniste envers les pays tiers.
√ Non respect des conditions essentielles
Face aux effets de détournement de fluxd'échanges, qui nuisent à la régionalisation etposent des problèmes de cohérence de l’accorden l’absence de mécanismes compensateurs,certaines règles doivent être respectées.
En premier lieu, la régionalisation doit sefaire entre partenaires naturels. Si lesfinances publiques pâtissent de la libéralisa-tion des échanges avec le principal partenai-re commercial, les effets de détournementsont réduits. Or, le projet d’intégration sud-sud concerne des pays qui ne sont pas despartenaires naturels. Les risques de détour-
Espace euro-méditerranéen et coûts dela non intégration Sud-Sud : le cas despays du Maghreb
Dirigée par CES Rabat, Maroc
L’idée de l’intégration maghrébine n’est pasnouvelle puisqu’elle existait déjà dans lesprogrammes des mouvements de libérationnationale. Après leur indépendance, plu-sieurs tentatives ont été faites par diverspays qui ont abouti, à la fin des années 80,au traité de Marrakech et la création del’Union du Maghreb Arabe (UMA).
La question centrale qui se pose est donc, celledes conséquences de cette absence d’intégra-tion, alors que cette région dispose de condi-tions optimales pour permettre l’éclosion et laréussite d’un véritable processus d’intégration.Il s’agit ici de tenter de mesurer les coûts éco-nomiques, voire politiques, du « nonMaghreb », en s’inspirant des travaux qui ontété faits en Europe au début des années 80 surles coûts de la non construction européenne.
1) Le coût de la Non-Europe
V Effets de la suppression des barrières
La suppression des barrières génère deuxpremiers types d’effets à court terme :
Stade 1 : les barrières affectant directementles échanges proviennent avant tout desretards aux postes frontières. Ces entravesétant éliminées, les coûts que supportent lesexportateurs et les importateurs s’en trou-vent réduits.
Stade 2 : les entraves dont souffre l’en-semble de la production sont, pour l’essen-tiel, celles qui limitent l’accès au marché ouréduisent la concurrence. Ainsi, les restric-tions en matière de marchés publics main-tiennent les prix intérieurs à un niveau plusélevé qu’en situation de concurrence.
V Effets de l’intégration des marchés
Il faudra plusieurs années pour que certainseffets de l’intégration des marchés seconcrétisent, par exemple ceux concernantl’innovation.
-143-
Globalement, les mouvements d’intégrationrégionale fondés sur une multiplicité desaccords bilatéraux qui apparaissent enMéditerranée du Sud n’ont produit, essentiel-lement, qu’une régionalisation institutionnel-le et n’ont pas su générer une véritable inter-dépendance économique.
Si la régionalisation sud-sud a peu d’impactsur les relations bilatérales, elle peut être,sous certaines conditions, une force dans leprojet d’intégration Euro-méditerranéen.D’une part elle permettrait aux pays du Sudde la Méditerranée de s’unifier dans leur dia-logue avec l’Europe. D’autre part, elle peutêtre un atout dès que l’hétérogénéité despays est exploitée, afin de définir une com-plémentarité dans les structures productives.Ainsi, les pays du Sud de la Méditerranéepourraient devenir des partenaires essentielspour les firmes européennes. Les pays duSud de la Méditerranée pourraient aussibénéficier de l’entrée de firmes américainesou japonaises qui cherchent à pénétrer lemarché européen. Dans un tel scénario, uneconvergence des niveaux de développementest attendue, entre les deux rives de laMéditerranée.
3) Intégration maghrébine : état des lieux
√ Atouts et contraintes de l’intégrationmaghrébine
N’importe quel projet d’intégration régionalesuppose un inventaire détaillé et exhaustifdes facteurs favorables et de blocage.
Les éléments positifs sont : (i) le facteur géographique : la proximité estune composante cruciale dans tout processusd’intégration. (ii) Le facteur historique : le Maghreb disposed’une longue et riche histoire commune. Il aconnu une unité totale ou partielle sous l’im-pulsion des diverses invasions qu’il a subi : lesvandales, les arabes, etc. Ces invasions ontrenforcé l’unité de ces pays : langue, religionculture. La colonisation française a, quant àelle, introduit dans ces pays des systèmeséconomique, social et linguistique similaires.(iii) Le facteur économique : la concurrenceexistante entre les économies des trois paysdu Maghreb (surtout entre le Maroc et laTunisie) n’exclut pas une certaine complé-
nement sont alors importants. Dans cesconditions, les pertes subies par les deuxpays peuvent contrebalancer les gains de larégionalisation.
En second lieu, les spécialisations des paysconcernés limitent les perspectives d’unerégionalisation économique fondée sur uneinstitutionnalisation des échanges. Il s’ensuitque les pays peuvent être classés selon leuravantage comparatif. Il existe deux catégo-ries de pays : ceux possédant des « avan-tages comparatifs extrêmes » et ceux affi-chant des « avantages comparatifs intermé-diaires ». Les premiers regroupent tous lespays les plus riches ou les plus pauvres,caractérisés par des dotations factoriellesintensives en capital humain ou en maind’œuvre non-qualifiée. Les effets de détour-nement sont généralement subis par les paysdont les avantages comparatifs sontextrêmes, alors que les effets de création sefont au bénéfice de ceux ayant des avan-tages comparatifs intermédiaires. L’impactglobal dépend de l’ampleur de ces deuxforces.
Enfin, l’amélioration du contexte institu-tionnel au niveau régional conduit à desrésultats surprenants. Une amélioration dela législation contractuelle internationale,en effet, agit sur l’équilibre. Les auteursconstatent une hausse de la délocalisationdans la région d’origine au détriment duSud. Le développement institutionneldécourage l’entrée de nouveaux produc-teurs de biens différenciés. Les ressourcesallouées à la conception peuvent être uti-lisées pour la production de biens intermé-diaires. Le revenu mondial augmente,ainsi que la demande pour les biens homo-gènes générant un transfert de la maind'œuvre vers les activités de productiontraditionnelle.
√ Exploitation des économies d’échelle
Selon les analyses sur les déterminants del’outsourcing ou des IDE et l’exploitation del’hétérogénéité des pays du sud, la complexi-té de la structure productive est fondamen-tale. Dans un contexte de marché étroit limi-tant l’exploitation des économies d’échelle, larégionalisation sud-sud peut se présentercomme une alternative.
-144-
lité des monnaies nationales, des pénuriesde devises, etc. La convention adoptée en1991, portant création de la BanqueMaghrébine d’Investissement et deCommerce Extérieur, n’a pas encore étératifiée par aucun des pays du Maghreb ;
* la quasi inexistence de contacts et derelations entre les différents opérateurséconomiques, les militants des O.N.G, lesreprésentants des chambres profession-nelles, etc. La lourdeur des procédures etle climat de suspicion qui règne dans lesrapports entre les administrations magh-rébines ne font qu’accentuer les entravesau dynamisme des échanges entre cespays. Par ailleurs, l’utilisation abusive, parces administrations, des procédures d’au-torisation préalable et l’imposition de res-trictions non tarifaires prouve l’absenced’une réelle volonté politique de dévelop-per le commerce intra-Maghreb.
√ Evolution des échanges intra-Maghreb
Le flux des échanges intra-Maghreb est trèsmodeste. Globalement, il ne dépasse pas3% des exportations du Maroc, de l’Algérieet de la Tunisie, ce qui constitue le plusfaible niveau des échanges extérieurs intra-zone dans le monde. Les relations écono-miques entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisiene reflètent aucunement le potentiel dedéveloppement de leurs échanges. Certes,l’indice de complémentarité structurelleintra-Maghreb apparaît faible puisqu’il s’éta-bli à 0,852 et 0,856 respectivement en 1995et 2000, mais il se situe à un niveau quasi-ment identique à celui d’autres zones d’inté-gration, telles que l’APEC ou le MERCOSUR.Cette situation ne permet pas d'impulser unedynamique d’intégration régionale, pourtantindispensable dans un contexte internationalmarqué par les phénomènes de la mondiali-sation et de la régionalisation. Le commercedes pays du Maghreb avec certains autresPM qui ont pu développer leurs échangessud-sud comme la Jordanie, la Syrie et leLiban est aussi marginal.
4) Impact de l’intégration maghrébine : ana-lyse à partir d’un modèle d’équilibre généralcalculable et de matrices de compatibilité
Le coût de la non intégration est évalué grâceà des simulations sur le taux apparent des
mentarité, qu’il faudrait exploiter. Celle-ciapparaît à plusieurs niveaux : énergie, agri-culture, etc. Le secteur énergétique peutconstituer, d’ailleurs, l’un des axes majeursde la coopération et de la promotion de l’inté-gration : exportation du gaz et pétrole algé-riens vers le Maroc et acheminement versl’Europe à travers la Tunisie et le Maroc. Demême, les opportunités d’échanges dans ledomaine agricole sont importantes : ouvertu-re du marché algérien à l’huile d’olive tuni-sienne, aux primeurs et aux agrumes maro-cains, entre autres. L’importance du commer-ce informel entre ces pays souligne ainsil’existence d’occasions réelles d’échangesrégionaux qu’il faudrait promouvoir.
Les difficultés résident dans :(i) la faible complémentarité économique, quiest un handicap non négligeable à tout proces-sus d’intégration, puisque les économies deces pays sont plutôt concurrentes sur les mar-chés internationaux. C’est le cas en particulierdes économies marocaines et tunisiennes. (ii) Les antagonismes politiques : auMaghreb, les systèmes politiques et les choixéconomiques faits sont très différents. Ilsportent les séquelles de l’affrontement Est-Ouest. Depuis la chute du mur de Berlin et ladésintégration de l’URSS, ces divergencesont pratiquement disparu, pour laisser laplace à d’autres antagonismes liés au natio-nalisme et aux craintes hégémoniques. Cenationalisme exacerbé peut parfois créer destensions au niveau des frontières et est àl’origine de ruptures bilatérales, voire multi-latérales dans la région. (iii) Les facteurs d’accompagnement de l’in-tégration : à ce niveau plusieurs contraintesse dressent, empêchant toute avancée signi-ficative du processus d’intégration. Il s’agiten particulier : * du manque d’infrastructures ferroviaires
et maritimes. Le réseau ferroviaire entreles trois pays est complètement fermé etles liaisons maritimes sont quasimentinexistantes. Cette absence quasi totalede lignes directes de transport terrestre,ferroviaire et maritime génère des sur-coûts et réduit certainement la compétiti-vité–prix des produits échangés entre lespays du Maghreb ;
* les grandes difficultés rencontrées enmatière de financement des échangesrégionaux, en raison de la non convertibi-
-145-
més (indice d’intensité commerciale supé-
rieur à 1), un résultat qui n’apparaît pas à
partir d’un calcul simple de la part des
échanges avec les PM dans le total de leurs
échanges (9% et 12% respectivement).
L’existence d’échanges préférentiels est clai-
rement établie au sein des pays du Maghreb,
car l'intensité commerciale est supérieure
aux échanges théoriques intra-zone (plus du
double parfois). La Turquie a de bonnes rela-
tions commerciales avec la plupart des PM,
en particulier avec le Liban, Malte et l'Egypte.
L'Egypte présente des liens préférentiels
avec chacun des PM, mais l'intégration peut
être accrue, puisque le ratio d’intensité com-
merciale pour l’ensemble des PM est inférieur
à 1 (il faut noter que l'indice commercial
moyen pour les PM par rapport à un pays est
calculé comme une moyenne pondérée des
indices pour ce pays avec chaque PM). Enfin,
le commerce entre la Syrie et le Liban est
dix-sept fois plus élevé que la valeur théo-
rique intra-zone. Ce résultat doit être consi-
déré avec prudence, la part des échanges
entre la Syrie et le Liban représentant seule-
ment 2% des échanges de la Syrie.
3. Autres domaines d’intégration
Le concept d’« intégration sud-sud » a été
généralement employé en référence à un
domaine d’intégration spécifique : « l’inté-
gration commerciale », ou plus largement
« l’intégration économique ». Négliger
d'autres domaines potentiels d’intégration
constitue une limitation fortement domma-
geable à la signification de l’intégration.
Un exemple est l'intégration dans le domaine
des TIC. Bien que les pays méditerranéens
partagent la même langue, ils appliquent dif-
férentes normes quand il s’agit de l’utilisation
d’un ordinateur, de la connexion à Internet et
des télécommunications. Si l'intégration s’ac-
croissait dans ce secteur, la région pourrait
tirer bénéfice des économies d’échelle et du
nombre considérable d'utilisateurs de TIC,
pour surmonter la concurrence d'autres
régions du monde, en particulier d'Asie et
d’Asie du Sud-Est. Un autre exemple concer-
ne la Recherche et Développement. Une inté-
gration des PM dans ce domaine impliquerait
de partager l'information et permettrait de
tirer parti de l'expérience d'autres pays qui
font face aux mêmes défis et contraintes.
L'intégration en matière de R&D est envisa-
geable dans le domaine de l'eau (distillation
taxes sur les importations. L’ouverture desmarchés des pays du Maghreb se traduit parl’annulation, soit systématique, soit progres-sive, des taux de taxation sur les importa-tions. Leur annulation croisée devrait se tra-duire par une augmentation significative deces importations au détriment des importa-tions du reste du monde, ce qui conduira àune relance des transactions commercialesentre les différents pays du Maghreb et del’activité économique de chacun de ces pays.Néanmoins, l'ampleur de ce phénomène estcontrainte par la faiblesse des transactionscommerciales (des exportations comme desimportations) entre les différents pays duMaghreb. En conclusion, il apparaît clair quela non construction du grand Maghreb a uncoût en termes de croissance économique.
L’absence de toute intégration maghrébineest très dommageable et doublement pénali-sante :(i) d’ une part, au niveau interne du fait de lanon exploitation des énormes potentialités decoopération entre ces pays et de la perted'avantages que pourraient procurer uneintégration maghrébine en termes d’élargis-sement des marchés, d’attraction des inves-tissements locaux et étrangers, d'exploita-tion des complémentarités (économiesd’échelle, minimisation des coûts), d’accrois-sement de pouvoir de négociation, etc ; (ii) d’autre part, au niveau externe, cettesituation accentue l’asymétrie d’intégrationdans toute la zone méditerranéenne et peutcompromettre tout le projet euro-méditerra-néen. Ces pays doivent comprendre que lesuccès de leur arrimage à l’Europe passe parleur capacité à forger et à développer uneintégration régionale.
-146-
de l’eau, irrigation, etc.), de l’agriculture (ce
qui améliorerait la qualité des produits agri-
coles par l’utilisation de meilleurs engrais,
…), de la médecine (nouvelles médecines,
etc.). Les possibilités d’intégration en matiè-
re de R&D sont nombreuses et une intégra-
tion sud-sud améliorerait certainement sa
qualité. Une optimisation des investisse-
ments de R&D peut être réalisée en créant
des centres spécialisés dans certains sec-
teurs, qui présentent un avantage compara-
tif. Par exemple, la désalinisation de l'eau
dans les pays du Golfe, les TIC en Jordanie et
en Egypte, l'industrie des phosphates au
Maroc et en Tunisie et les produits pétrochi-
miques en Arabie Saoudite.
L'intégration dans le domaine de l'éducation
serait très bénéfique, particulièrement parmi
les pays du sud qui partagent le même arabe
écrit. On peut citer les échanges de manuels,
la formation des professeurs, la circulation
des connaissances entre les étudiants, etc.
Comme l’indique le rapport arabe du déve-
loppement humain, « cette langue commune
peut devenir un moyen pour les pays arabes
de rattraper le train de l'information ». Selon
ce rapport, le monde arabe traduit seulement
330 livres par an environ, soit 5 fois moins
que la Grèce. Tous les ans, l'Espagne traduit
autant de livres que ceux qui ont été traduits
en arabe au cours des milles dernières
années (AHDR, 2002).
L'intégration dans le domaine de l'environne-
ment est essentielle entre les pays arabes,
puisque les conflits sur les ressources parta-
gées pèsent toujours sur leur intégration glo-
bale. C’est ainsi que l'intégration au sein de la
région arabe renforcera sa position et permet-
tra que sa voix soit écoutée dans les débats.
Ces formes d'intégration ne sont pas uto-
piques, certains succès le prouvent, tel que le
projet financé par les fonds arabes pour le
développement économique et social et
d'autres donateurs arabes dans le domaine
de l'électricité, des routes et des réseaux de
transmission. La construction d’un réseau
électrique a réduit les besoins d’investisse-
ment du secteur, a diminué les coûts et son
utilisation est en croissance. Prolonger ce
réseau à tous les Etats arabes pourrait créer
un vaste marché de l'électricité, comparable
à celui de l'UE. De la même façon, relier les
routes et les chemins de fer pourrait aug-
menter les flux de marchandises et le touris-
me entre les Etats arabes.
4. Conclusion
L'intégration sud-sud formatera les réussites
de la région, elle créera des économies
d'échelle qui compensent la petite taille des
marchés internes pris un à un et favorisera
les flux d'investissement vers la région
(Femise, 2002).
Afin de tirer bénéfice des accords de libre-
échange avec l’UE et de pouvoir faire face à
la concurrence sur les marchés de l'Europe et
du monde, les pays du sud de la
Méditerranée doivent saisir les opportunités
que représente leur intégration et la traduire
en une présence efficace sur ce marché.
En dépit de ses limites, le GAFTA est une
étape dans la bonne direction à condition
qu’« il tienne ses promesses » (AHDR, 2003).
L'intégration commerciale régionale au sein
des PM a peu progressée au cours des dix
dernières années, en dépit des efforts
déployés pour promouvoir la complémentari-
té entre les accords de libre-échange bilaté-
raux et régionaux. Les accords commerciaux
entre les pays arabes n’ont pas encore porté
les fruits attendus et ils n’ont pas eu une
influence majeure sur la libéralisation du
commerce régional.
-147-
naturelles : le pétrole et le gaz pour l’Egypte,l’eau et les minerais pour la Turquie.
Il y a donc, a priori, une mosaïque d’écono-mies complémentaires, qui n’ont pas, jusqu’àprésent, réellement exploité cette complé-mentarité. L’explication est connue. Depuisau moins 50 ans, les conflits politiques per-sistants ont conduit à la dislocation de l’éco-nomie du Proche-Orient, même s'il est pos-sible de faire remonter l'origine de cettesituation à la dissolution de l’EmpireOttoman, en 1918. En conséquence, et làencore a priori, la résolution des conflits poli-tiques devrait mener, entre autres effetsimportants, à la recomposition du Proche-Orient en tant que région économiquecapable d’exploiter ses complémentarités.
L’étude démontre, à partir d'un modèle gra-vitaire, que les échanges intra-régionaux demarchandises pourraient atteindre le doubledes volumes échangés sur la période 1995-2001 (2 à 3 milliards de dollars US aujour-d’hui contre 5 à 6 milliards de dollars USaprès la normalisation des relations commer-ciales). Bien que, en valeur absolue, ceschiffres soient importants, il ne faut pasperdre de vue la perspective d’ensemble : siles échanges intra-régionaux représententaujourd’hui 5 % de la totalité des échanges,la normalisation amènerait ce taux à 10 %.Les principaux partenaires commerciaux despays de la zone demeureront donc les Etats-Unis et l’Union Européenne.
L’étude a également montré, sans surprise,qu'Israël serait le pays qui bénéficierait leplus de la normalisation, puisque seséchanges avec ses voisins seraient multipliéspar trois alors qu'ils ne représentent aujour-d’hui que 5% de la totalité des échangesd’Israël. Le fait que le Liban suive de trèsprès Israël dans la simulation n’était pas évi-dent a priori, bien que ses frontières soientdéjà ouvertes aux échanges avec les autrespays de la zone, à l’exception d’Israël. A l’ex-trême opposé, il apparaît que la Turquieexploite d’ores et déjà son potentiel commer-cial, grâce à sa politique de la « hot peace »,qui régit ses relations avec tous les pays dela zone (stratégie que la Jordanie et l’Egypten’ont pas adoptée).
Une enquête sur les dotations factoriellesrelatives des pays concernés souligne l’exis-
Le potentiel de coopération économiqueentre les pays du Mashrek, la Turquie etIsraël.
Dirigée par The Hebrew University ofJerusalem, Department of InternationalRelations, Faculty of Social Sciences,Israël
Vue d’Europe, la zone retenue dans cetterecherche coïncide plus ou moins à ce que lesspécialistes allemands et anglo-saxonsappellent le Proche-Orient (par oppositionaux plus grands espaces que sont le Moyen-Orient ou les pays d’Afrique du Nord et duMoyen-Orient). Ainsi, une attitude trop fré-quente consiste à se référer à l’histoire colo-niale et aux récits des voyageurs des sièclespassés pour dessiner une vue d’ensemble del’économie régionale. Cette tendance conduità mettre l’accent sur les points communsentre les différentes économies, comme lepotentiel touristique, le fait que la région soitle berceau de la civilisation occidentale ou lecaractère semi-aride de la zone.
Cette recherche a démontré que les écono-mies de la zone étudiée sont extrêmementdiverses avec, d’un côté, des pays à revenuintermédiaire, dont le développement estfondé sur des ressources naturelles ou lesservices et le marché domestique étroit(Syrie, Jordanie, Territoires Palestiniens,Liban) et, d'un autre côté, trois économiesémergentes, de taille moyenne et relative-ment diversifiées (Turquie, Egypte, Israël)(cf. l’hebdomadaire britannique TheEconomist). Cette dernière a, d’une certainefaçon, les caractéristiques d’une économiepost-industrielle très ouverte, basée depuisune décennie sur le développement des nou-velles technologies (hardware et software),mais aussi sur le commerce du diamanttaillé. Il s’agit, de loin, de l’économie la plusprospère de la zone selon les standards inter-nationaux et, en conséquence, d’un marchénon négligeable. Cependant, à la différencede l’Egypte et de la Turquie, Israël a unebase démographique très réduite. Si l’écono-mie égyptienne est plus diversifiée que l’éco-nomie turque, les deux pays occupent uneposition géographique stratégique, du pointde vue économique et politique, au carrefourd’importantes voies de circulation maritimes,terrestres et aériennes. Ils bénéficient égale-ment de l’abondance de certaines ressources
-148-
tence d’un avantage comparatif de l’Egyptedans l’agriculture et les produits intensifs enmain d’œuvre, d’Israël dans les produitsintensifs en capital humain, de la Jordaniedans l’exportation de produits intensifs enmain d’œuvre vers l’ensemble de la zone (àl’exception de l’Egypte), du Liban dans l’ex-portation de biens intensifs en capital versl’Egypte et la Syrie, de la Turquie et de laSyrie dans l’exportation de biens agricolesvers tous les pays de la zone (mais pas entreeux). Le potentiel d’échanges bilatéraux estprincipalement inter-industriel (légumesfrais et congelés, pétrole brut, produitspharmaceutiques, textile, équipements detélécommunication, aéronautique, fer etacier). Les possibilités d'échanges intra-industriels seraient en revanche limitées,mais concerneraient des secteurs clefs,comme le textile, l’industrie pharmaceutiqueet les télécommunications. Ces trois sec-teurs se prêtent aisément à une fragmenta-tion géographique verticale du processus deproduction.
Selon l'analyse des échanges de services,Israël a un important potentiel non exploité,puisqu'il serait susceptible d’exporter, verstoute la zone, des services de TIC(Technologies de l’Information et de laCommunication). L’Egypte, la Syrie et laTurquie ont des avantages comparatifs trèssignificatifs à exploiter dans les services defret routier et de transport de passagers. LaTurquie, l’Egypte et l’Israël ont, quant à eux,des avantages comparatifs vis-à-vis desautres pays du Mashrek dans les services defret aérien. Par ailleurs, le Liban, Israël et laJordanie peuvent aisément dépasser, pourles services financiers, le niveau d’exporta-tion actuel vers l’Egypte, la Turquie, la Syrie,et les Territoires Palestiniens. Il est égale-ment probable, au vue des différentes dota-tions factorielles relatives, qu'Israël et leLiban deviennent des centres médicauxrégionaux, et l’Egypte, la Turquie, la Syrie etla Palestine des grands exportateurs de ser-vices sanitaires vers Israël, permettant lasubstitution partielle des importationsactuelles en provenance des Philippines et deRoumanie. Les services du tourisme lié à lasanté seront principalement exportés par laJordanie, la Syrie et Israël vers les autreséconomies de la région, alors que la Jordaniepourrait se spécialiser dans les services rele-vant des soins dentaires.
La libre circulation des capitaux dans larégion devrait permettre d'accentuer la ten-dance actuelle à la délocalisation des firmesisraéliennes dans l’industrie textile, vesti-mentaire et agroalimentaire, vers laJordanie, la Turquie et l’Egypte. Toujoursselon cette étude, après la résolution totaledu conflit israélo-palestinien, la Syrie et lesTerritoires Palestiniens deviendront sûre-ment des pays d’accueil pour les IDE d’Israëldans les secteurs intensifs en main d'œuvre.Le succès d’une telle stratégie industrielledépend de la conclusion d’accords appropriésavec les Etats-Unis et l’Union Européenne,qui permettraient le cumul de valeur, à l’ins-tar des ZIQ (les Zones IndustriellesQualifiées, accords initiés par l’administrationaméricaine il y a plusieurs années pour pro-mouvoir les échanges israélo-jordaniens).
Ainsi, il apparaît que ce ne sont pas seule-ment les faiblesses des infrastructures qu’ilfaut surmonter pour faciliter l’intégrationéconomique dans la zone. La coopération ence domaine semble a priori envisageable, carquasiment dénuée de connotations politiques(c’est ce qui a permis la création des ZIQ surle territoire jordanien). De ce point de vue, ilsemble qu’au stade actuel, le type de coopé-ration volontaire le plus adapté (allant au-delà de la simple normalisation) est de natu-re sectorielle (par exemple les énergiesrenouvelables) ou fonctionnelle (comme lesquestions environnementales transfronta-lières). Des accords transfrontaliers géné-raux devraient être évités (y compris lesaccords de libre-échange, d’union douanièreet de marché commun). Ils présentent, eneffet, l’inconvénient de s’appliquer à toute lasociété, dont une partie n'a pas encore ledésir de coopérer avec l’ancien ennemi. Lapriorité doit être donnée à tous les projetsd’infrastructures conduisant à généraliserdes externalités positives, comme les projetsde partage des ressources en eau ou dejoint-venture pour entretenir les voies navi-gables communes (comme le Jourdain).
-149-
MONOGRAPHIES SUR LA SITUATION MACRO-ÉCONOMIQUE DES PM
Algérie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.151Egypte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.159Israël. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.167Jordanie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.173Liban . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.183Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.193Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.199Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.205Turquie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.217
-151-
naturelles en quantités mais pénalise l’équi-
libre de la balance des paiements. Les
exports sont principalement réglées en dol-
lars de même que le service de la dette, tan-
dis que les imports, provenant largement
d’Europe sont acquittées en euros (à hauteur
de 50% environ). L’appréciation forte de l’eu-
ro vis-à-vis du dollar de 2003 a donc fragili-
sé les équilibres externes du pays [1]. Seule
une diversification des partenaires et des
échanges peut permettre d’atténuer cette
faiblesse structurelle (figure 1). Selon une
étude de la banque mondiale, si l’exposition
aux chocs externes de l’Algérie pouvait être
abaissée pour atteindre celle du Mexique ou
de l’Indonésie, autres pays exportateurs de
pétrole, alors le pays pourrait obtenir des
taux de croissance de 0,5-0,7 points de pour-
centage supérieurs.
Le rythme de croissance de l’Algérie demeu-
re élevé, 4,1% en 2002 et 6,7% en 2003
mais la place du secteur privé est restreinte
et le PIB hors hydrocarbures et hors agricul-
ture ne gagne que 4,4% contre 5,3% l’an
passé. Le décollage du secteur privé que le
gouvernement tente d’impulser ces der-
nières années ne se manifeste pas et l’em-
bellie que connaît le secteur des hydrocar-
bures semble drainer toutes les forces vives
du pays. Comme, par ailleurs, les politiques
monétaire et budgétaire sont expansion-
Algérie
Tout comme l’Egypte ou la Syrie, l’Algérie a
bénéficié en 2003 et début 2004 de la haus-
se des prix du pétrole. Par ailleurs, la récol-
te agricole a été bonne ce qui a permis au
pays de relativement peu souffrir de la pro-
gression des prix des produits alimentaires.
Les performances de l’économie algérienne
sont donc favorables cette année avec une
amélioraion de l’excédent du solde externe,
des recettes fiscales et de la croissance.
Cependant, cette situation reste extrême-
ment fragile car elle est subordonnée aux
humeurs des marchés pétroliers et céréa-
liers. Sur ces derniers, un dérapage impor-
tant des prix pour 2004 n’est pas à exclure
dans la mesure où le niveau de la production
est en baisse. Les exports de marchandises
non-pétrolières sont anecdotiques, 2,7% des
exports totales contre 3,9% en 2002, elles
ont reculé de 9,4% sur la période. Elles ne
sont pas un facteur d’amortissement des
chocs intervenant dans la sphère des
échanges internationaux (prix, volume) et
susceptibles de heurter rudement l’économie
domestique.
La faiblesse de la production domestique et
des exportations non-pétrolières est caracté-
ristique d’un pays bénéficiant de ressources
Figure 1 : Structure des exportations et des importations 1/
USA16,3%
Reste duMonde20%
Japon0,2%
UE63,5%
1/ Parts moyenne sur les cinq dernières années.Source : DREE.
UE60,5%
Japon2,7%
Reste duMonde28,7%
USA8,1%
-152-
nistes, que les revenus distribués, du fait de
la croissance, s’accroissent et que les
imports sont bridées via un système de taxes
défavorable aux biens de consommation,
l’inflation repart.
Autre point délicat de la situation algérienne,
des recettes budgétaires incertaines devront
financer des engagements en rapide pro-
gression. Les répercussions budgétaires du
séisme intervenu le 21 mai 2003, et qui vont
s’étaler sur 3 ans seront plus lourdes que
prévues selon la loi de budget 2004, puisque
les premières estimations sont d’ores et déjà
dépassées. Or, les ressources budgétaires du
pays sont très largement dominées par la
fiscalité pétrolière et la manne inespérée
récoltée en 2003 peut se tarir du jour au len-
demain. Aussi les dépenses supplémentaires
seront difficiles à financer d’autant que les
autorités souhaitent réduire le poids de la
dette et de son service qui absorbe 15% des
revenus. L’aspect délicat du projet est que la
montée de l’endettement est principalement
due aux efforts d’assainissement des entre-
prises et des banques publiques qui ne sont
pas budgétés. Entre 1993 et 1997, le coût
du rachat aux banques des créances dou-
teuses des entreprises publiques a représen-
té 30% du PIB moyen et parachever l’opéra-
tion pourrait nécessiter de dégager des
montants considérables évalués à quelques
15% du PIB. La réduction de la dette néces-
site donc, en premier lieu, d’améliorer la
transparence du budget et des engagements
du Trésor et la gouvernance des finances
publiques afin d’obtenir une évaluation clai-
re de la situation financière de l’Etat et de
mettre en place des outils de gestion des
risques budgétaires induits par les engage-
ments du secteur public.
Même si le pays renoue avec la croissance
après des années de marasme économique
(1980-1994), une réduction de la pauvreté
n’est possible que grâce au développement
du secteur privé hors hydrocarbures et parti-
culièrement des activités intensives en main
d’œuvre. Le secteur des hydrocarbures et
des industries aval ne contribue que peu à la
création d’emploi (3%) bien qu’il détermine
la croissance du fait de sa part dans le PIB
(30%) et le chômage reste très élevé. Le PIB
par habitant n’a donc progressé que de 1,7%
par an en moyenne sur la période 1990-
2000, ce qui est le résultat le plus faible de la
zone, sachant qu’il a été de 1,8% pour la
Jordanie, de 8,7% pour le Liban ou encore de
5% pour la Tunisie et 4,8% pour la Syrie, loin
derrière les 8,7% des pays d’Asie de l’Est et
du Pacifique. 12% de la population vit dans la
pauvreté en 2003, selon les estimations
nationales.
La solution réside dans l’essort du secteur
privé qui enregistre une croissance de la
productivité supérieure à celle du secteur
pétrolier et qui pourrait aider à l’expansion
des exports non-pétrolières et à lisser le
cycle économique dans le cadre de l’entrée
à venir de l’Algérie à l’OMC et de l’accord
d’association avec l’UE. Ce dernier aspect de
la situation algérienne est particulièrement
délicat car la volatilité du cycle qu’a connu le
pays sur les deux dernières décennies et la
lenteur des réformes, y compris du cadre
institutionnel de l’investissement, n’encou-
ragent pas l’investissement dans le secteur
privé, ni les IDE. Le secteur bancaire contri-
bue peu à nourrir la croissance car sa posi-
tion est extrêmement fragilisée par ses liens
étroits avec les entreprises publiques insuf-
fisamment compétitives, la montée des
créances douteuses et du risque systémique
qui en découle [2]. Reste que, même si les
autorités impulsent des réformes qui vont
dans ce sens, leur mise en œuvre est freinée
par les réticences administratives qui se
manifestent à tous les échelons (Radwan,
Reiffers, 2003).
-153-
Pour 2003, la situation macroéconomique de
l’Algérie se décline de la façon suivante :
(i) Un marché des biens peu compétitif
dominé par le secteur pétrolier et les
entreprises publiques
Les exportations ont progressé en valeur
(22,5%) comme en volume (8,3%) grâce
aux évolutions du marché et des prix des
produits pétroliers tandis que les importa-
tions n’ont gagné que 8% en volume, ce qui
se traduit par une hausse de l’excédent com-
mercial qui atteint 11,6 milliards de dollars.
Le compte courant présente, quant à lui, un
excédent qui représente quelques 13,2% du
PIB. La fragilité des comptes externes pro-
vient essentiellement des échanges de ser-
vices dont le déficit s’est creusé de 1 milliard
de dollars cette année et qui pourrait croître
encore avec le processus d’adhésion à l’OMC
et leur libéralisation progressive.
Du fait de la bonne récolte agricole, les
importations de produits alimentaires ont
régressé (-2,8% en volume). Les importa-
tions de biens intermédiaires (+2% en
volume) sont essentiellement le résultat de
la croissance du secteur du BTP (70,1%
pour le ciment, et +61,3%, pour le bois,
etc.) alors que les biens d’équipement agri-
cole reculent (-16,2%) au moment même
où les autorités lancent un plan d’améliora-
tion de la productivité du secteur. Les biens
d’équipement industriels poursuivent leur
hausse relativement timide en rapport avec
la faiblesse de l’investissement tandis que
les biens de consommation industriels
enregistrent la progression la plus rapide
(23,2%). Cette tendance devrait se pour-
suivre en 2004 et probablement en 2005
sous l’impulsion des projets de reconstruc-
tion et de constructions sociales du gouver-
nement et d’extension de la capacité d’ex-
ploitation du pétrole et du gaz.
Le recul de l’investissement fixe reflète en
partie les anticipations pessimistes des
agents concernant la poursuite et l’approfon-
dissement du programme en faveur du déve-
loppement du secteur privé mis en place ces
dernières années par le gouvernement. La
situation florissante actuelle n’incite pas les
dirigeants à poursuivre des réformes qui ne
vont pas sans coûts et qui pourraient mena-
cer l’équilibre économique et social actuel.
L’évolution des exports explique que, en 2003,
le secteur des hydrocarbures affiche un taux
de croissance de 8,1% et son effet d’entraîne-
Figure 2 : Décomposition du PIB
0,3
3,25,3
2,0
-1,2
-5,7
6,3
10,0
-11,8
5,8
8,4
13,1
21,7
1,6 1,0
7,0
12,9
5,3
8,3
2,42,14,1
1,5
6,9
-15
-10
-5
0
5
10
15
20
25
Produit IntérieurBrut
ConsommationPrivée
ConsommationPublique
Investissement fixe Exportations debiens et services
Importations debiens et services
1995-1998 2001 2002 2003
Source : FMI, IFS juillet 2004.
-154-
ment sur l’économie est dû à sa part élevée
dans la valeur ajoutée, 36,5%. L’agriculture,
qui représente 10,2% du PIB, a également
enregistré de bons résultats avec une crois-
sance à 17%. Les contributions à la croissan-
ce des services et du BTP sont très honorables,
se montant à 5,8% et 5,7% de croissance res-
pectivement. Mais, pour ce qui est du BTP, son
progrès reflètent largement l’effort de recons-
truction après le séisme du 21 mai.
La croissance du secteur de l’industrie hors
hydrocarbures est de 1,2% et ce résultat est
bien meilleur qu’il n’y paraît. Ce chiffre com-
prend en effet les secteurs industriels public
et privé qui ont des évolutions très diffé-
rentes. La production industrielle du secteur
public hors hydrocarbures a reculé de 1,3%,
de même que celle des industries manufactu-
rières, notamment agroalimentaires (-20,6%)
car elle ne peut soutenir la concurrence avec
les importations et la production nationale
émanant du secteur privé. La production de
ce dernier a d’ailleurs crû de 5%, ce qui prou-
ve son dynamisme. Ces chiffres soulignent
l’urgence d’une restructuration des activités et
du mode de gestion des entreprises publiques
et les bénéfices potentiels pour l’économie
d’un désengagement de l’Etat plus rapide, en
termes d’accroissement de la productivité et
de la compétitivité.
(ii) Les conditions d’une croissance
durable en Algérie
Avec un rythme de progression des nouveaux
entrants sur le marché du travail de 1,7% par
an et une élasticité moyenne de l’emploi à la
croissance de la production de 0,5, il faudrait
des taux de croissance de 6% par an pour
voir le chômage se réduire de moitié en 10
ans (Banque mondiale, 2003). Cependant, il
est difficile pour l’économie algérienne dont
le redémarrage est depuis longtemps entra-
vé par les lourdeurs des vestiges d’un fonc-
tionnement centralisé, d’atteindre ces taux
élevés. Il est vital pour le pays d’augmenter
le contenu en emplois de la croissance, ainsi
que la productivité, qui n’a cessé de décroître
depuis la seconde moitié des années 1970, et
la compétitivité externe. Plusieurs facteurs
empêchent cela :
(i) la volatilité du cycle économique. Du
fait de l’importance des produits pétro-
liers dans les exportations, la volatilité
des termes de l’échange est une des
plus élevée au monde (tableau en
annexe). Cette volatilité s’est transmise
au PIB, a déprimé la demande interne et
l’investissement domestique comme les
IDE. Le programme de soutien à la
reprise économique adopté en 2002 se
heurte donc à un manque de réponse du
secteur privé. Si la croissance du sec-
teur hors hydrocarbures et agriculture a
été supérieure à celle du PIB global en
2002 (5,3% contre 4,1%), ce n’est pas
le cas en 2003 (4,4% cotre 6,8%) avec
le cas particulier de l’industrie dont les
résultats sont meilleurs. Il est donc
indispensable de lisser le cycle écono-
mique pour aider les entrepreneurs
domestiques et internationaux à
reprendre confiance dans une croissan-
ce future stable et durable pour l’Algérie.
(ii) La faiblesse des intrants intermé-
diaires et du capital importé. Il apparaît
que la baisse de la Productivité Totale
des Facteurs (PTF) est largement le
résultat de la baisse des importations de
ce type, intervenue après la crise de la
balance des paiements de la fin des
années 1980 et la dévaluation du dinar,
suite à la chute des prix pétroliers. Les
autorités doivent donc, encore plus for-
tement qu’elles ne le font aujourd’hui
avec le système de tarif, encourager ces
imports qui sont susceptibles de nourrir
le progrès technique.
-155-
(iii) Une allocation du capital biaisée en
faveur d’industries relativement moins
rentables causée, en partie, par des dis-
torsions de prix relatifs et un système
bancaire peu concurrentiel. Libéraliser
les importations de biens capitaux et
intermédiaires ne peut avoir des effets
positifs sur l’économie que si ces biens
sont affectés au développement des
activités les plus rentables, qui appar-
tiennent au secteur privé. Or les distor-
sions existantes du système de prix et
un secteur bancaire insuffisamment
dynamique et concurrentiel perpétuent
une allocation inefficace des ressources
qui se dirigent principalement vers les
entreprises publiques avec lesquelles
les banques entretiennent des liens
étroits. Par ailleurs, l’investissement
privé demeure déprimé par des
réformes trop lentes.
(iv) Une croissance de la productivité
similaire à celle d’autres pays exporta-
teurs de pétrole mais qui ne décolle pas
significativement, contrairement à ce
qui se produit au Venezuela ou en
Indonésie, faute de réformes structu-
relles. La croissance de la PTF a été
négative entre 1979 et 1994 du fait
d’une croissance rapide de la taille du
secteur public et d’une centralisation
excessive. Les effets d’une PTF basse et
d’une accumulation du capital ralentie,
qui n’ont pu être contrebalancés par la
hausse de la qualité de la main
d’œuvre, sont à l’origine de la baisse de
la production par travailleur.
Aujourd’hui, réaliser des gains de PTF
nécessite un accroissement du PIB hors
hydrocarbures, une ouverture aux
échanges plus large et une politique de
réforme plus décidée, notamment du
secteur bancaire, qui permettraient, de
limiter le développement de l’économie
informelle.
La conséquence des distorsions de prix, d’un
capital humain relativement moins perfor-
mant que dans d’autres économies simi-
laires, la lenteur des réformes et des privati-
sations, l’importance de l’exposition aux
chocs extérieurs serait une perte en termes
de niveau de PIB par habitant de 60%
(Banque mondiale, 2003). Une croissance
élevée est essentielle à la réduction de la
pauvreté. Reste à savoir si l’Algérie saura
tirer parti de ses avantages, à savoir des
taux d’épargne élevés, une transition démo-
graphique bien avancée avec des taux de
croissance de la population (1,62%) de
l’ordre de ceux du Maroc (1,58%) et nette-
ment inférieurs à ceux de l’Egypte (1,72%),
de la Jordanie (2,61%) ou de la Syrie
(2,32%), un rattrapage du retard du niveau
d’éducation de la population (31% d’illettris-
me, un des taux les plus élevés de la zone)
et des ressources énergétiques abondantes.
(iii) Une situation de surliquidité moné-
taire délicate à contrôler
Dans le cadre du plan de développement du
secteur privé, les autorités ont décidé d’une
baisse des taux d'intérêt. Ainsi, le taux de
réescompte est passé de 5,5%, fin décembre
2002, à 4,5% en décembre 2003 et 4% en
février 2004. Cependant, les taux débiteurs
n’ont pas varié, se situant dans une four-
chette de 6,5-9%. Cette situation, si elle
répond aux problèmes de rentabilité et de
solvabilité que connaissent les banques du
fait de leurs liens étroits avec les entreprises
publiques et le gouvernement, ne facilite pas
le développement du secteur privé qui sup-
porte, par ailleurs, des primes de risque
importantes. En définitive, si la part du sec-
teur privé dans les crédits à l’économie s’ac-
croît, cela est dû à un recul des besoins de
financements de l’Etat alors que ceux du sec-
teur public augmentent suite aux nouveaux
projets d’investissement. Malgré une
-156-
épargne importante, la contribution du sec-
teur bancaire à la croissance reste faible.
La masse monétaire au sens de M2 a crû à un
rythme de 17,2% en 2003 contre 17,3% en
2002 et 22,3% en 2001. Cette évolution est
essentiellement le fruit de l’amélioration des
réserves officielles de change et des avoirs
extérieurs nets de la banque centrale comme
des banques commerciales alors que la part
des avoirs intérieurs se réduit considérable-
ment. Le ratio des avoirs extérieurs nets sur
M2 s’élève à 68,4% en 2003 contre 9,6% en
1999. La création monétaire est impulsée par
l’état des échanges externes, comme c’est le
cas dans la plupart des pays exportateurs de
pétrole, ou pour le Maroc qui fait face récem-
ment à des flux de rapatriement des revenus
des travailleurs d’une ampleur considérable.
Ces pays soufrent d’une exposition forte à
des risques de dérapages incontrôlés des
agrégats monétaires et de l’inflation.
L’efficacité de la politique monétaire algérien-
ne est confrontée au problème de la surliqui-
dité bancaire. Le marché étant hors banque,
la banque centrale a perdu sa capacité à pilo-
ter son économie. Elle a donc mis en place de
nouveaux outils d’intervention indirecte tels
que les opérations de reprise de liquidités,
qui ont attiré 250 milliards de dinars en
décembre 2003 (127,9 milliards en 2002)
malgré la baisse des taux (0,75% en juin
2003 mais seulement 0,25% en décembre).
Les ponctions se sont faites également grâce
aux réserves obligatoires dont le taux est de
6,25% depuis décembre 2002.
Malgré l’action restrictive de la banque cen-
trale sur la croissance de la masse monétai-
re, elle n’a pu éviter un léger dérapage de
l’inflation (2,3 contre 1,4 en 2002) puisque le
programme de soutien à la relance écono-
mique s’est traduit par une offre insuffisante
pour satisfaire la demande. L’inflation reste
néanmoins compatible avec la politique de
flottement géré du change, mise en place en
1996, et qui vise la préservation de la com-
pétitivité externe via la stabilisation du taux
de change effectif réel et du différentiel d’in-
flation avec les principaux partenaires com-
merciaux. Mais, l’objectif d’inflation, fixé à
moins de 3%, risque fort d’être dépassé en
2004 puisque, fin mars et en glissement
annuel, le taux de croissance des prix attei-
gnait 5,6% et 6,43% sur le premier tri-
mestre 2004 contre 1,05% pour la même
période en 2003.
(iv) Une consolidation de la situation
budgétaire qui doit encore progresser
Par le passé, la politique budgétaire a trop
souvent été pro-cyclique et a amplifié les
évolutions conjoncturelles. L’Algérie a réussi
à assainir sa position budgétaire après le
plan d’ajustement de 1994. Elle a, par
exemple, beaucoup réduit sa dette dont l’en-
cours externe dans le total des engagements
extérieurs est passé de 98,9% du PIB en
1995 à 39,6% en 2003 et de 66,2% à
45,8%. Cependant, l’orientation de la poli-
tique en 2003 semble confirmer que briser
avec les habitudes antérieures n’est pas
chose acquise pour l’Algérie. Les dépenses
ont, en effet, augmenté plus vite que les
recettes et le fonds de régulation des
recettes qui devrait être alimenté pour com-
bler les déficits en période de baisse des
cours du pétrole a servi à combler le déficit
généré.
En 2003, les dépenses budgétaires ont aug-
menté de +13%, ce qui s’est traduit par un
déficit du solde global du Trésor de –3,61%
du PIB, contre un quasi équilibre l’an passé,
qui est largement couvert par les recettes
affectées au fonds de régulation (si celui-ci
est inclus, l’excédent se monte à 5,11% du
PIB contre 0,23% en 2002). Les ressources
-157-
sont constituées pour 76% des recettes de la
fiscalité. Elles sont principalement affectées
aux salaires (21,4% du total des dépenses),
à l’action économique et sociale (22,6%) et à
l’équipement (34,3%). Comme souligné
supra, le budget a besoin d’être révisé en
intégrant les engagements effectifs du gou-
vernement mais également les passifs des
systèmes de retraite, les coûts futurs de la
couverture sociale et les effets des opéra-
tions de renflouement éventuel des banques
publiques qui sont les facteurs principaux
d’incertitude. Reste que, à court terme, les
rigidités des engagements resteront fortes
alors que les ressources sont volatiles. Ainsi,
le déficit primaire rapporté au PIB a été plus
de deux fois plus volatil en Algérie que pour
les pays exportateurs de pétrole depuis
1975. Il existe donc une spécificité algérien-
ne qui pèse sur l’économie et ses capacités
de croissance comme de création d’emploi.
Dans l’immédiat et en attendant des
réformes de fond, la politique budgétaire doit
donc viser :
(i) à contenir les dépenses tout en évi-
tant de transmettre aux investisse-
ments les fluctuations du cycle écono-
mique afin d’équilibrer le budget ;
(ii) à mettre en place une gestion très
active de la dette qui permettrait de
convertir la dette à taux variable, dont
la part est conséquente, puisque des
taux fixes faibles sont accessibles
actuellement. Diversifier le panier de
monnaies, dominé par le dollar [3], en
laquelle elle est libellée réduirait les
conséquences néfastes des variations
des taux de change bilatéraux du dollar,
de l’Euro et du Yen ;
(iii) à poursuivre la réduction de l’éva-
sion fiscale et les privilèges de tout
ordre, entreprise qui a déjà porté ses
fruits en 2003 ;
(iv) à mettre en place des stratégies
prudentes face aux chocs positifs qui
doivent être considérés comme tempo-
raires et inciter à constituer une
épargne suffisante pour affronter
d’éventuels chocs inverses ;
(v) à limiter une contagion des fluctua-
tions des recettes pétrolières au reste
de l’économie, et notamment au PIB et
au fonctionnement du secteur bancaire,
en instaurant des règles basées sur une
gestion inter-temporelle des ressources
pour protéger les acquis de la stabilisa-
tion macroéconomique.
-158-
Volatilité de quelques indicateurs macroéconomiques : comparaison internationale
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chan
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Source : Banque mondiale (2003).
-159-
Egypte
L’Égypte est depuis trois ans dans une phase
de ralentissement économique. La croissance
réelle du PIB oscille autour de 3% par an
alors qu’elle atteignait 5% auparavant. Une
politique budgétaire expansionniste visant à
stimuler l’économie, des dévaluations de la
monnaie propices à soutenir les exports et
une nouvelle vague de réformes annoncées
n’ont pas permis de sauver le régime d’an-
crage au dollar du change et les autorités ont
laissé flotter en janvier 2003.
Dans la première partie de l’année 2003, des
influences contradictoires s’exerçaient sur la
croissance égyptienne avec, d’un côté, un
secteur exportateur dynamisé par la dépré-
ciation de la monnaie domestique suite à sa
mise en flottement, ce qui s’est traduit par
des hausses de prix et de salaires, et, d’un
autre côté, une demande interne déprimée,
une stagnation de l’investissement, des
ventes sur le marché national déclinantes et
une hausse du chômage. Dans la seconde
moitié de l’année, en revanche, les enquêtes
montrent que les agents étaient plus nette-
ment optimistes .
Le contexte politique n’a pas ruiné ces nou-
veaux espoirs dus à la brièveté de la guerre en
Irak, la possibilité d’obtenir un soutien inter-
national, les conséquences positives de la
dévaluation de la monnaie domestique, telles
que la réduction des écarts de cotation de la
monnaie sur les marchés officiels et parallèles
ou la hausse des exports (Business Barometer,
2004). Ces anticipations positives ont été véri-
fiées pour 2003, selon les enquêtes, et persis-
tent pour la première moitié de 2004.
Cependant, la hausse de l’inflation s’accélère
et la politique budgétaire expansive mise en
place risque de nourrir ce processus même si
jusqu’ici ça n’a pas été le cas car l’économie
dispose encore de capacités de production
inexploitées. Les prévisions de croissance
pour 2004 sont d’ailleurs de 4,5% et l’infla-
tion devrait régresser autour de 3,5%. Le
chômage reste cependant élevé (9,9%) et la
pauvreté toucherait 17% de la population.
Les opinions sont cependant partagées quant
à la stratégie à suivre pour relancer l’écono-
mie. Certains sont favorables à un accroisse-
ment des dépenses publiques couplé à une
baisse des taux d'intérêt. L’accès au crédit
est certes une contrainte qui est souvent
pointée du doigt dans les enquêtes mais une
baisse des taux pourrait accentuer les pres-
sions sur le change tandis que l’arme des
dépenses publiques semble émoussée étant
donné l’ampleur du déficit, l’effet d’éviction
qu’une hausse de la dette pourrait impliquer
et le risque d’impact négatif sur l’inflation.
D’autres recommandent de se reposer sur
les exports pour dynamiser l’économie tout
en mettant en place un cadre institutionnel
qui permettrait d’attirer des investissements
étrangers. Ces entrées d’IDE pourraient sti-
muler l’investissement privé interne, qui
reste fortement déprimé, ainsi que la pro-
ductivité (estimée à moins de 1% par an) et
la compétitivité. Cette stratégie pourrait
aider à réduire le chômage et la pauvreté.
Mais, à court terme, il faudra contenir la fac-
ture salariale pour conserver la compétitivi-
té. Dans ce cas, modifier le cadre institution-
nel pour attirer les IDE ne suffit pas, il fau-
drait également réformer le système éduca-
tif et bancaire et plus résolument mener les
privatisations.
La toute première urgence est de redonner
confiance dans la politique économique et
dans les annonces de réforme du gouverne-
ment afin de limiter la volatilité du change et
susciter d’autres types d’investissement, de
-160-
portefeuille par exemple, dont l’effet d’en-
traînement sur l’économie peut être aussi
puissant que celui généré par les IDE et inci-
ter globalement les agents à investir et
consommer, à croire dans une croissance
future forte et stable.
Pour ce faire, le gouvernement doit prouver
sa capacité à alléger son poids sur l’économie
et à rendre plus flexible son budget. Par
ailleurs, la décision de laisser flotter le chan-
ge a été bien accueillie par les marchés. Elle
permet, en effet, de s’affranchir des
contraintes lourdes qu’impliquait l’ancrage au
dollar, en termes de convergence des taux
d'intérêt et des taux d’inflation notamment,
qui étaient une source de la perte de confian-
ce dans l’économie égyptienne. Enfin, la poli-
tique monétaire retrouve son indépendance
et est amenée à jouer un rôle plus important
dans la régulation de l’économie. Mais, les
autorités doivent encore définir, instaurer et
se familiariser avec un cadre de politique
monétaire, des instruments et des
contraintes particuliers, très différents de ce
qu’elles connaissaient jusqu’ici. En même
temps, il leur faut préserver les acquis de la
stabilisation macroéconomique passée et
notamment la maîtrise de l’inflation pour
rendre crédible leur action. La tâche est
colossale d’autant que le taux de dollarization
n’a cessé de grimper depuis 1999, où il attei-
gnait 17,3%, pour se porter à 27,3% en
2003, ce qui limite l’efficacité de la politique
monétaire mais reflète bien la défiance des
agents dans l’économie domestique et les
insuffisances de développement des marchés
financiers et des outils de couverture des
risques. Néanmoins, les statuts de la banque
centrale ont été révisés pour répondre à ce
défi et une réforme du système bancaire est
en cours qui tendent à placer les structures
égyptiennes sur les standards internationaux.
La situation macroéconomique et d’avance-
ment des réformes en Egypte est la suivante :
(i) un niveau d’investissement très
insuffisant
Alors que la croissance atteignait 5,5% entre
1995 et 2000, elle n’a pas dépassé les 3,5%
depuis et le taux de croissance du PIB réel
par habitant est passé de 3,4% à 1,2% par
an. Malgré les tentatives de relance de la
demande via un accroissement des com-
mandes publiques, celle-ci est restée faible,
de même que l’investissement. Les signes de
reprise sont encore timides et les entrepre-
neurs utilisent leurs stocks et les capacités
de production inemployées.
Reste que l’investissement domestique
marque un net recul depuis 1998. Il se mon-
tait alors à 21,5% du PIB alors qu’il est, en
2003, de 17,1% soit son niveau de 1995. Il
est d’ailleurs un des plus bas de la zone. Le
Liban et Israël font moins bien avec des taux
Figure 1 et tableau 1 : Distribution des investissements par agent économique 2002-2003
Private BusinessSector48%
Government32%
Public Business Secto6%
Economic Authorities13%
1/ Y compris le Canal de Suez.Source : Ministère de la Planification.
Government EconomicAuthorities
Public BusinessSector
PrivateBusinessSector
Total
Total Investments 32,1 13,3 6,4 48,1 100Total Commodity Sector 18,2 16,4 10,0 55,5 100 Agriculture, Irrigation & Fishing 46,7 1,1 0,0 52,2 100 Crude Oil & Minning 1,0 52,0 5,2 41,8 100 Manufacturing Industries & Oil Products 1,0 0,8 34,5 63,7 100 Electricity, Water & Natural Gas 26,9 15,7 0,1 57,3 100 Construction & Building 2,3 0,0 22,1 75,7 100Total Production Services 19,5 19,9 7,9 52,6 100 Transportation & Communication 1/ 23,3 23,4 7,3 46,0 100 Domestic Trade 0,0 2,0 7,4 90,6 100 Financial Services 0,9 50,7 48,4 0,0 100 Hotels and Restaurants 9,6 1,5 3,8 85,2 100Total Social Services 54,4 5,2 0,4 40,0 100 Housing and Real Estate Activities 1,9 0,0 0,0 98,1 100 Education Services 80,5 0,9 0,0 18,7 100 Health Services 69,9 5,9 0,0 24,1 100 Other Services 84,0 13,1 1,4 1,5 100Outstanding Projects 100,0 0,0 0,0 0,0 100
-161-
d’investissement de 16,7% et 16% du PIB en
2003 mais chacun est dans une situation très
particulière qui n’est pas comparable avec la
crise que connaît actuellement l’Egypte. Par
ailleurs, ces performances sont très loin der-
rière celles de la région MENA (23% en
2002), des pays à revenu moyen dont
l’Egypte fait partie (24,5% en 2003), ou des
pays du Est asiatique (33%).
L’Egypte accumule un retard qui est certaine-
ment, en partie, le résultat du manque de
souffle et de dynamisme lié à une présence
du secteur public encore beaucoup trop
importante. Ainsi, globalement, l’investisse-
ment émanant du secteur privé ne représen-
te que 48% de l’investissement total en 2003
(figure 1). Dans les secteurs du pétrole, des
mines, de l’eau et de l’électricité, le secteur
privé investit, mais la majorité des investisse-
ments sont faits par des entreprises publiques
qui assurent une très large part de la produc-
tion, voire sa totalité pour les produits manu-
facturés dans les secteurs de l’électricité et de
l’eau (Tableaux 1 et 2). Pour ce qui est des
services financiers, les investissements sont
faits en totalité par des firmes du secteur
public et la délivrance des services financiers
leur incombe à plus de 65%. C’est également
le cas dans le domaine des assurances.
La lenteur des réformes et des privatisations
empêche une modernisation des secteurs
concernés et une gestion plus rationnelle et
plus concurrentielle susceptible de favoriser
une amélioration de la qualité des services
délivrés et de l’allocation des ressources. Par
ailleurs, elle mine la confiance des agents
dans le gouvernement qui ne tient pas les
promesses faites, aussi bien dans le domaine
des privatisations que dans celui des
réformes institutionnelles. L’effet d’entraîne-
ment et de dynamisation de l’économie par
les réformes a donc été faible jusqu’ici.
Mais, la constitution d’un nouveau gouverne-
ment et le train de réformes annoncées, l’en-
trée en vigueur d’une loi portant sur la réfor-
Tableau 2 : Distribution des investissements par agent économique public/privé 2002-2003
Public Private Total Public Private Total
Total GDP 27,9 72,1 100,0 28,4 71,6 100,0Total Commodity Sector 14,0 86,0 100,0 13,6 86,4 100,0
Agriculture, Irrigation & Fishing 0,4 99,6 100,0 0,4 99,6 100,0 Mining 5,4 94,6 100,0 5,3 94,7 100,0
A) Petroleum & Products 4,4 95,6 100,0 4,4 95,6 100,0 B) Other Mining 42,8 57,2 100,0 42,7 57,3 100,0
of which Manufacturing industries 13,5 86,5 100,0 13,4 86,6 100,0A) Oil products 66,4 33,6 100,0 68,1 31,9 100,0
B) Other Manufacturing 11,2 88,8 100,0 11,0 89,0 100,0 Electricity 98,0 2,0 100,0 93,1 6,9 100,0 Water 100,0 0,0 100,0 100,0 0,0 100,0
Construction & Building 41,5 58,5 100,0 41,5 58,5 100,0Total Production Services 33,0 67,0 100,0 34,0 66,0 100,0
Transportation & Communication 16,8 83,2 100,0 16,8 83,2 100,0 Suez canal 100,0 0,0 100,0 100,0 0,0 100,0
Internal Trade 4,2 95,8 100,0 3,9 96,1 100,0 Financial Services 65,1 34,9 100,0 65,1 34,9 100,0
Insurance & Social Security 98,3 1,7 100,0 97,9 2,1 100,0 Hotels and Restaurants 1,4 98,6 100,0 1,3 98,7 100,0
Total Social Services 59,9 40,1 100,0 61,6 38,4 100,0Real estate activities 4,1 95,9 100,0 4,1 95,9 100,0A) Rent 3,3 96,7 100,0 3,2 96,8 100,0
B) Other Real estate & Business services 5,1 94,9 100,0 5,1 94,9 100,0 Government Servcies (Utilities) 100,0 0,0 100,0 100,0 0,0 100,0 Government Social Services2/ 6,4 93,6 100,0 6,3 93,7 100,0
2001/2002 2002/2003
2/ Includes education, health, social, cultural, entertainment & personal services.Source : Ministère de la Planification.
-162-
me du système bancaire semblent déjà avoir
permis de renverser la tendance et de redon-
ner au gouvernement une certaine crédibilité
et aux agents leur confiance dans les pers-
pectives de croissance. Reste que souvent, la
mise aux normes internationales de la ges-
tion bancaire entraîne une montée des
créances en souffrance qui les rend plus réti-
centes à accorder des prêts. Cette mesure,
pour indispensable qu’elle soit, risque d’in-
duire à court terme des difficultés de finan-
cement des nouveaux investissements même
si les taux d'intérêt réels sont bas.
(ii) une croissance principalement tirée
par les exportations
Avec le climat de morosité interne, ce sont les
exports qui ont fait la croissance en 2003 et
ce poste prend de plus en plus d’importance
avec une croissance annuelle moyenne entre
2002 et 1999 de 17%, qui doit beaucoup aux
exportations de produits pétroliers (+33,5%
de croissance annuelle moyenne pour une
part de 33% des exports totales). A contra-
rio, les imports ont perdu –4,9% en moyen-
ne par an sur la même période (figure 2).
La dépréciation de la monnaie, qui avait
perdu 25% de sa valeur fin décembre 2003
vis-à-vis du dollar (taux de change journalier,
-33,75% pour le taux de change acheteur fin
de période), peut avoir des conséquences
désastreuses ou bénéfiques sur l’économie
selon le jeu des élasticités-prix. Si la deman-
de d’importations égyptienne et la demande
d’exportations des partenaires commerciaux
sont très sensibles aux variations de prix,
alors la dévaluation de la monnaie peut favo-
riser un rééquilibrage du compte courant en
freinant les imports, devenues relativement
plus chères, et en dynamisant les exports.
De fait, en 2003, les exportations en valeur
ont crû de 15,2% et celles hors pétrole de
6,4%. La progression des exports est cohé-
rente avec la tendance 1999-2002 et la haus-
se des ventes des produits pétroliers, les fluc-
tuations des prix internationaux du pétrole et
les effets de la guerre en Irak (les exports de
produits pétroliers ont gagné 32,8% en 2003
mais perdu –9,6% en 2002), alors que la
hausse des exports de produits non-pétro-
liers est inférieure à sa tendance 1997-2002
(11,4% en moyenne annuelle). Les exporta-
teurs n’ont apparemment pas encore profité
de la dévaluation. Pour ce qui est des imports
en valeur, elles ont cessé de chuter (+0,9%
en 2003, -11% en 2002, -7,9% en 2001).
L’effet-prix a donc joué. Le déficit de la balan-
Figure 2 : Décomposition du PIB
5,6 5,2 5,2
-1,4
5,6
-0,3
0,9
4,5
11,6
1,1
13,7
3,85,5
2,23,7
-5,0
21,9
3,23,4
0,4
3,9
8,4
3,2 3,2
-15
-10
-5
0
5
10
15
20
25
Produit IntérieurBrut
ConsommationPrivée
ConsommationPublique
Investissement fixe Exportations debiens et services
Importations debiens et services
1998-2000 2001 2002 2003
Sources : Ministère de la planification, CBE , CAPMAS et Ministère du commerce extérieur et de l’industrie.
-163-
ce des biens s’est cependant réduit de -12%
mais l’effet « déprime de l’économie domes-
tique » est très net puisqu’il s’était déjà
contracté de -18,4% en 2001 et de -19,7%
en 2002, suite au recul des imports.
Les recettes issues de l’exploitation du Canal
de Suez se sont redressées (+22,9% contre
–1,2% l’an passé) et le tourisme a montré
une bonne résilience en 2003 (+10,9%
contre –20,7% en 2002 et une quasi-stagna-
tion en 2001). Enfin, les transferts des tra-
vailleurs a l’étrangers comme les transferts
privés n’ont pas faibli. Les bonnes perfor-
mances de ces trois postes clé de la balance
courante expliquent son excédent de 2,4%
du PIB contre 0,7% l’an passé.
Pour le premier trimestre 2004, les exports
augmentent sur le même rythme et, l’aspect
positif est que les produits pétroliers sont
moins concernés (+19%) que les produits
non-pétroliers (+44%). Mais, le tourisme et
les exports ont généré des disponibilités en
devises qui font que les imports ont pro-
gressé vivement (+38%) également, ce qui
conduit à un creusement du déficit des biens
de 46%. La balance des services marque
une hausse qui permet de couvrir ce déficit
grâce aux recettes des transports et du tou-
risme et aux transferts officiels qui sont
deux fois plus importants au premier tri-
mestre 2004 que ce qu’ils étaient en 2003 à
la même période. Au final, l’excédent du
compte courant se maintient.
L’année 2004 devrait être propice à une
croissance des exports égyptiennes, étant
donnée la croissance américaine et euro-
péenne si les prix du pétrole ne viennent pas
y mettre un frein, qui pourrait donc renforcer
le développement des exports de produits
non–pétroliers qui semble se dessiner. Cela
permettrait à l’Egypte de diversifier sa pro-
duction, ce qui est indispensable pour limiter
progressivement l’impact des chocs externes
et des variations du change sur la croissance
économique et l’emploi.
(iii) une réforme fiscale est nécessaire
Le déficit budgétaire se monte, pour 2003, à
6,1% du PIB soit le double de son niveau de
1999 (-2,9% du PIB). La dette s’accroît
encore cette année. Elle passe de 69,2% à
69,6% du PIB. Mi 2004, elle s’élève à 70%
du PIB. Il faut rappeler qu’elle n’était que de
47% du PIB en 2000. Seulement 35,6% de la
dette est externe, ce qui signifie que le
besoin de financement du secteur public pèse
considérablement sur l’économie et le déve-
loppement du secteur privé, en drainant une
large part des ressources financières dispo-
nibles. Le surplus primaire, qui mesure la
capacité à se désendetter, s’érode mais résis-
te passant de 2,4% du PIB en 1999 à 0,3%
du PIB car, bien que les taux de croissance
soient faibles, les taux d'intérêt réels restent
peu élevés. Le service de la dette absorbe
20,4% des dépenses totales, 26,9% vont aux
salaires, 9,5% à la défense, 14% seulement
aux investissements, donc des rigidités très
lourdes pénalisent le budget. Du côté des
recettes, des marges de manœuvre existent
puisque la TVA ne compte que pour 20,2%
des recettes. Cependant, encore 47,1% des
revenues ne proviennent pas de taxes, donc
sont non élastiques, et 10,1% sont des droits
de douane qui sont amenés à baisser. Le
budget doit donc impérativement être
restructuré et cela dans plusieurs domaines.
En premier lieu, il faut améliorer la maîtrise
du budget. La récession, qui a amené les
autorités à conduire une politique de relance
de plus en plus décidée, est un des facteurs
explicatifs important de la situation présente,
mais les engagements hors budget, qui sont
difficiles à contrôler et à budgéter en sont un
autre. Il est donc indispensable de les y inté-
-164-
grer afin de mener une gestion plus saine et
transparente des ressources et travailler à
retrouver une réelle flexibilité.
Deuxièmement, l’objectif prioritaire est de
conserver la confiance accordée par la popu-
lation au nouveau gouvernement en place.
La lenteur des réformes a sapé la crédibilité
du précédent. La mise en flottement de la
monnaie, qui était une décision que les auto-
rités ne pouvaient plus différer et dont les
conséquences néfastes potentielles sur l’éco-
nomie et sur l’inflation peuvent être conte-
nues si les exports réagissent bien et la
demande interne reste stable, a en fait
conduit au remplacement du gouvernement
car cela a fini de ruiner la confiance de la
population en ses dirigeants. Le nouveau
gouvernement bénéficie d’un crédit de
confiance qui semble assez élevé, il faut
maintenant qu’il le préserve et fasse ses
preuves. En cela, une réforme du budget en
faveur d’une meilleure transparence pourrait
être très profitable. Les autorités visent un
déficit de 1% du PIB pour 2005, reste à pro-
poser un projet soutenable et ce n’est pas le
cas du projet de loi pour 2005.
Troisièmement, il faut restaurer la confiance
dans la capacité du gouvernement d’amener
l’économie sur un sentier de croissance
durable. Les efforts de relance n’ont pas
porté leurs fruits et il ne serait pas avisé de
poursuivre dans cette direction maintenant.
C’est donc le bon moment pour assainir la
situation. Outre l’état de l’économie, la popu-
lation et les investisseurs le demandent. Cela
pourrait être très bénéfique, dans la mesure
où il semblerait exister une dimension auto-
réalisatrice dans une politique d’assainisse-
ment budgétaire. L’effet d’annonce, s’il est
crédible, de la mise en place d’une réforme
peut, selon sa nature, renforcer la croyance
des agents dans les capacités de croissance
future de l’économie, encourager l’esprit
d’entreprise, les investissements et contri-
buer à la reprise économique. Des privatisa-
tions, visant à mettre en place un fonction-
nement des marchés plus concurrentiel, irait
également dans ce sens. Un plan de restruc-
turation du portefeuille de la dette des entre-
prises d’Etat qui pourrait être un bon préa-
lable à leur privatisation est à l’étude et pour-
rait voir le jour en 2005.
(iv) politique monétaire et système ban-
caire : une réforme en cours très pro-
metteuse
En 2003, la politique monétaire a gardé son
orientation expansionniste. La masse moné-
taire (M2) a crû à un taux de 16,9% après
avoir gagné 15,4% en 2002 contre 10,9%
entre 1994 et 2000, période où la croissance
était plus vive et les besoins de monnaie plus
importants, ce qui a pu contribuer à créer
des pressions inflationnistes.
Ce mouvement reflète essentiellement la
croissance des avances au gouvernement
(+8,5%) et aux entreprises publiques
(12,3%) qui renvoient encore au manque de
souplesse des recettes fiscales qui n’ont pas
donné aux autorités les moyens de mener la
politique choisie. Ainsi, pendant la phase de
croissance plus forte, en 1995-1998 (5,4%
en moyenne), les avances de la banque cen-
trale au gouvernement n’étaient que de
3,9% en moyenne annuelle, mais de 19%
entre 2002 et 1999. La banque centrale a
essayé de stériliser l’effet négatif que pouvait
avoir la monétisation du déficit sur l’écono-
mie mais n’a pu empêcher l’inflation de déra-
per (figure 3).
En revanche, la progression des avances au
secteur privé reste très modeste (6,6%).
L’équilibre monnaie domestique-devises n’a pas
été sensiblement modifié suite à la dévaluation
et à la récession (78,4% en monnaie domes-
-165-
tique contre 77% en 1999). Le manque de
devises a engendré des tensions sur les mar-
chés parallèles. Ces tensions ont été aggravées
par des conditions d’obtention de prêts par les
banques, prudentes face aux incertitudes de la
situation, plus drastiques. Les autorités envisa-
gent de revoir le mode de fonctionnement du
marché interbancaire afin d’encourager le
développement de marchés des changes au
comptant et à terme, offrant ainsi des nou-
veaux instruments de couverture contre le
risque de change susceptible de déboucher sur
une harmonisation des marchés.
Depuis le début de l’année 2004, un change-
ment se dessine. La progression de M2 ralen-
tie (autour de 14% en avril 2004, alors qu’el-
le était de 19,9% en décembre 2003). Le
rythme des avances au gouvernement reste
élevé (+20% en avril) mais baisse pour celle
au secteur des affaires public (2%).
Une loi concernant le statut de la banque
centrale a été promulguée fin 2003. Elle doit
préparer la mise en place à terme d’une cible
d’inflation. Plusieurs éléments très promet-
teurs méritent d’être soulignés :
(i) la banque centrale acquiert une com-
plète indépendance instrumentale. Elle
a toute latitude pour définir les instru-
ments appropriés et mettre en œuvre
les politiques monétaire, de change et
bancaire. Les objectifs poursuivis sont
arrêtés au sein d’un Conseil, qui a été
créé récemment, et doivent être compa-
tibles avec la loi de budget et le plan de
développement social et économique
sachant que la stabilité des prix et un
fonctionnement sain du système ban-
caire sont néanmoins les missions prio-
ritaires de la banque. Préciser les rôles
des divers acteurs de la politique moné-
taire permet également de clarifier les
responsabilités respectives et donc ne
peut qu’accroître la crédibilité des enga-
gements pris.
(ii) L’indépendance instrumentale n’est
pas totale puisque la banque centrale
doit aider à financer le déficit budgétai-
re saisonnier, même si des limites ont
été mises à cette facilité. Elle peut
contribuer à hauteur de 10% de la
moyenne des ressources fiscales des
trois dernières années et les conditions
d’octroi des fonds et de remboursement
sont très clairement spécifiées. Par
ailleurs, cette facilité n’est ouverte que
dans la mesure où elle ne met pas en
péril la politique monétaire suivie. Ces
dispositions renforcent considérable-
ment la crédibilité de la banque centra-
Figure 3 : Taux d’inflation 2001-2003
Janvi
er
Févr
ier
Mar
s
Avr
il
Mai
Juin
Juill
et
Aoû
t
mbre
obre
mbre
mbre
0
1
2
3
4
5
6
2001 2002 2003
Source : Banque centrale d’Egypte.
-166-
le car elles clarifient les liens gouverne-
ment-banque et proposent un ancrage
aux anticipations des agents. Du point
de vue de l’amélioration de la discipline
budgétaire que ce type de mesure peut
engendrer, il est à noter que, si l’on fait
le calcul pour 2003, le montant des
concours prévus couvre le déficit du
budget général mais seulement 40% du
déficit du budget au sens étroit. La pres-
sion exercée sur les autorités budgé-
taires pourrait donc devenir assez lour-
de. Reste à savoir si cela aura un impact
positif sur la crédibilité de leur engage-
ment à ramener le déficit à 1% du PIB
pour l’année fiscale 2004/2005 qui est
un objectif très ambitieux, mais indis-
pensable à satisfaire car les études
montrent que c’est là un pré-requis à
une cible d’inflation tenable et crédible.
(iii) Pour changer la gouvernance, la
responsabilisation de chaque instance
doit être couplée à la transparence de
leurs actions. Un devoir de transparen-
ce vis-à-vis des différents organes du
gouvernement et, plus important, de la
population est stipulé dans cette loi. La
banque doit publier régulièrement ses
comptes ainsi que les orientations de la
politique monétaire et la stratégie
employée dans The Egyptian Journal.
Lorsqu’il n’existe plus d’ancre pour l’in-
flation, que la politique monétaire est en
plein remaniement et que des doutes
persistent sur la volonté des autorités
de restructurer et de laisser une réelle
indépendance à la banque centrale, les
niveaux d’inflation qui peuvent se déter-
miner sur les marchés sont nombreux et
dépendent largement des anticipations
des agents. Informer devient alors une
action éminemment stratégique.
Premièrement, elle explique le compor-
tement de la banque centrale et permet
aux agents d’intuiter le type d’obstacle
qu’elle rencontre, donc ses responsabili-
tés et sa crédibilité. Deuxièmement, elle
facilite l’émergence d’un consensus
quant au niveau d’inflation futur et des
facteurs transitoires ou externes qui le
déterminent. Si certains effets sont
considérés comme de très court terme
ou exogènes par les agents et donc sans
pertinence pour prévoir le niveau sous-
jacent de l’inflation alors leur impact
peut en être largement amenuisé. De
même, l’inertie qui caractérise souvent
le processus inflationniste dans les pays
en développement peut être réduite
lorsque la banque centrale parvient à
convaincre les agents que la politique
est en train de changer, qu’elle-même
se focalise sur le futur et sur les déter-
minants de l’inflation future, et que le
taux d’inflation de demain est mainte-
nant déconnecté de celui d’hier. Les
anticipations des agents ne sont alors
plus tournées vers le passé mais vers le
futur et la communication entre eux et
la banque centrale, qui les guide,
devient cruciale.
Reste que la banque centrale doit se désen-
gager complètement du système bancaire car
en étant présente dans les conseils d’admi-
nistration, elle crée un problème d’aléa moral
qui se traduit de la manière suivante : les
banques ne sont pas incitées à gérer de
manière rigoureuse leurs bilans dans la
mesure où elles savent que la banque centra-
le ne laissera pas une faillite se produire qui
pourrait mettre en danger l’ensemble du sys-
tème. Souvent, cela amène les banques à pri-
vilégier des clients avec lesquels elles entre-
tiennent des liens étroits et ayant une surfa-
ce financière importante au détriment des
PME dont la rentabilité et la solvabilité sont
moins visibles. Ce faisant, elles fragilisent leur
position et contribuent peu au développement
du secteur privé et à la croissance.
-167-
Israël
Israël a connu une phase de croissance forte
ininterrompue du milieu des années 1980
jusqu’en 2000 où l’éclatement de la bulle
sur les hautes technologies fit entrer l’éco-
nomie dans une profonde récession. Les
autorités estiment que les incertitudes poli-
tiques ont fait chuter le PIB de 6 à 8 points
et l’éclatement de la bulle technologique de
3 points de pourcentage. Les facteurs d’in-
certitude étaient nombreux cette année
avec la guerre en Irak, les élections et l’ar-
rivée d’un nouveau gouvernement au pou-
voir qui rendaient complexe l’évaluation du
respect de l’engagement de conserver un
déficit budgétaire réduit.
Néanmoins, fin 2003-début 2004, suite à la
publication du programme du gouvernement
(même s’il était très optimiste), la garantie
d’obtenir le soutien financier américain, la
conclusion rapide de la guerre en Irak et la
réouverture des négociations du processus
de paix, une reprise est apparue et les son-
dages auprès des entrepreneurs et des
consommateurs attestent un retour progres-
sif de la confiance dans l’économie domes-
tique. Dans le secteur manufacturier, les
ventes à l’export croissent et les commandes
pour l’export comme pour l’économie
domestique augmentent. Les compagnies
offrant des services pour le monde des
affaires commencent à apercevoir une
embellie après plusieurs années de réces-
sion. Les secteurs de l’hôtellerie et du touris-
me et des transport aérien et maritime se
redressent même si le transport terrestre
demeure déprimé. Le déclin qui a touché le
secteur de la construction se ralenti et un
changement de tendance est attendu pour le
second trimestre 2004. L’insuffisance de la
demande explique la baisse de l’activité plus
que les capacités d’offre.
Le gouvernement connaît pour l’instant des
difficultés importantes. Les tensions poli-
tiques et la récession ont induit des pres-
sions très fortes sur le budget avec une
baisse des recettes et une rapide croissan-
ce des dépenses de défense. Le déficit bud-
gétaire qui était déjà de 3,8% du PIB en
2002 a atteint 5,6% du PIB. Le taux d’infla-
tion est stable, mais les enquêtes sur les
anticipations d’inflation montrent qu’une
hausse est attendue, bien que 81% des
compagnies interrogées pensent que ce
taux ne sortira pas de la bande cible.
L’orientation restrictive de la politique
monétaire a été maintenue afin de restau-
rer sa crédibilité à la suite de la baisse des
taux d'intérêt fin 2001 qui a engendré une
dépréciation de la monnaie. Le chômage
s’est alourdi. Il touche, en 2003, 10,9% de
la population. Enfin, les capacités de crois-
sance futures de l’économie israélienne et
palestinienne vont dépendre des termes de
l’accord de retrait de la Bande de Gaza [5].
Le degré d’ouverture des frontières à la cir-
culation des personnes et des biens sera
déterminant pour la croissance économique
des deux pays et les dispositions actuelles
ne semblent pas favoriser ce type de gains
(World Bank, 2004).
Sur le plan macroéconomique, les orienta-
tions prises récemment auront un impact fort
mais ambigu sur les capacités de croissance
futures :
(i) la demande domestique demeure
atone et l’investissement accuse une
chute vertigineuse
La croissance du PIB israélien présente une
tendance décroissante depuis 1995. Seule
l’année 2000 apparaît comme une exception
et, depuis 2001, l’économie est entrée en
récession. En 2003, le retournement de ten-
dance est dû au dynamisme des exportations
-168-
qui décollent timidement. La chute spectacu-
laire de l’investissement se poursuit (figure 1).
Comme en attestent les enquêtes, les
entreprises semblent avoir retrouvé
confiance dans l’économie depuis la fin
2003 et cela se confirme en 2004. Les com-
mandes croissent mais l’incertitude très
forte liée à la situation politique instable
risque de peser négativement sur la concré-
tisation de ces intentions d’achat.
Les secteurs qui ont renoué avec la crois-
sance en 2003 sont ceux des chaussures et
du cuir (3,8%, -0,9% en 2002), des
moteurs et accessoires à usage électrique
(0,5% contre –2,7% en 2002) et des équi-
pements électriques, électroniques (4,4%,
-8,1% en 2002) et du matériel de transport
(3% contre 1,4% en 2002). Ceux qui voient
Tableau 2 : Evolution des indices de salaire par secteur d’activité
Total Business Agri- Con- Transport, Community,
(inc. sector culture struction Hotels storage, & Banking, Public Health, social
non- (inc. non- Business Public (inc. non- Manu- Electricity (inc. non- Trade and restaur- commu- insurance, Business admini- Educa- welfare, and other
Year Israelis) Total Israelis) sector services Israelis) facturing & water Israelis) & repairs ants nications & finance services stration tion and nursing services
1994 82,0 83,0 80,6 81,9 85,5 72,8 73,6 76,8 84,6 86,2 93,3 94,2 79,4 67,3 78,9 83,8 96,3 91,4
1995 83,8 84,6 81,0 82,1 90,4 77,0 77,1 81,2 84,9 87,1 92,3 94,4 75,9 67,5 85,2 90,5 98,5 93,0
1996 85,2 85,8 82,2 83,1 92,1 80,2 78,8 84,0 82,1 88,7 93,2 93,0 80,2 70,6 88,9 92,4 97,6 93,8
1997 87,2 88,0 85,1 86,2 92,1 83,0 83,7 86,2 85,1 90,2 94,5 95,7 86,9 73,6 88,0 92,3 97,6 93,8
1998 89,1 89,9 87,7 88,8 92,4 85,6 88,3 88,7 87,1 92,6 95,2 97,1 84,6 76,7 90,8 93,7 95,3 95,9
1999 91,4 92,1 90,8 91,9 92,5 87,9 92,9 90,7 90,5 92,2 96,3 97,7 87,9 84,6 91,8 92,9 95,1 93,7
2000 97,1 97,6 96,8 97,6 97,4 92,6 96,9 97,6 96,2 97,8 100,1 99,1 98,4 96,6 94,9 96,6 98,2 98,4
2001 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,3 100,0 100,0 100,3 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
2002b 94,0 93,8 93,3 98,4 95,7 94,8 95,3 96,7 95,2 92,8 92,9 94,3 91,6 91,3 96,8 96,1 93,7 93,8
2003 91,3 91,1 91,1 95,8 92,1 93,6 94,9 94,1 91,4 90,5 93,9 92,1 88,4 88,3 92,0 91,0 91,6 89,8
b/ Etant donné un changement dans les définitions, les données pour 2002 concernent les israéliens uni-quement sauf indications contraire.Source : Central Bureau of Statistics.
Figure 1 : Décomposition du PIB
0,2
2,61,7
-1,5
4,9
1,7
-0,9
2,73,5
-5,1
-11,2
-1,6-0,7
1,1
5,0
-13,7
-2,4 -2,1
1,3 1,3
-2,0
-10,7
6,2
-0,6
-15
-10
-5
0
5
10
Produit IntérieurBrut
ConsommationPrivée
ConsommationPublique
Investissement fixe Exportations debiens et services
Importations debiens et services
1995-1998 2001 2002 2003
Source : Bank of Israel, Main Israeli Economic Data.
Tableau 1 : Croissance de l’investissement par secteur
Leather Wood Paper Plastic Non- Electric motors Jewelry,
Mining Food, and and and Printing Chemicals and metallic and electrricity gems, Total
and beverages, leather Wood paper and & petroleum rubber mineral Basic Metal Machinery grid Transport and non-
Year quarrying & tobacco Textiles Clothing products products products publishing products products products metals products & equipment accessories Electronicsb vehicles misc. diamond
classification 13 14–16 17 18 19 20,36 21 22 23–24 25 26 27 28 29 31 32–34 35 38–39
1995 48,8 34,6 112,0 -70,0 17,5 -4,7 -17,6 -31,8 -20,2 13,5 -28,7 56,5 24,2 54,1 -29,9 25,9 -32,4 39,3 7,0
1996 -8,7 -2,1 -46,1 17,1 -50,1 17,8 56,0 -6,2 2,8 -30,1 -10,7 1,6 10,6 28,9 64,9 57,4 8,1 1,1 4,9
1997 -27,3 2,5 -36,0 -21,4 107,6 -33,6 -33,2 -11,4 -6,5 -15,2 -6,9 -15,5 -17,5 16,7 -31,8 30,8 -10,8 -69,0 -5,1
1998 -46,8 -11,8 73,4 -13,9 -68,4 -0,4 7,4 5,4 -12,3 -2,7 70,2 -3,5 19,2 -12,2 -8,7 -5,2 -4,2 -6,2 -3,5
1999 -28,1 -6,9 3,2 43,4 20,1 25,3 -23,9 6,7 -6,1 28,4 -49,8 -63,1 -5,0 -9,7 -2,9 45,8 52,5 1,8 8,2
2000 -40,3 57,4 50,6 -7,8 -37,4 -17,6 32,2 -17,9 -5,6 -0,7 -22,3 43,6 -12,5 26,8 5,1 1,0 -34,3 17,0 4,0
2001 44,9 -17,3 -44,1 -26,2 72,1 -4,1 -11,0 2,7 3,0 -26,5 -7,0 16,3 -15,4 -13,7 -22,0 -23,6 -9,6 -16,2 -16,9
2002 0,1 6,2 -12,0 -8,2 -43,1 0,5 51,9 0,1 -3,0 -5,3 -25,0 -53,0 -10,7 -19,3 -9,4 -19,3 16,9 -17,8 -8,2
2003 346,0 -18,8 -5,1 -12,3 -43,5 -28,3 -40,5 -44,0 -28,1 -6,2 -20,6 96,5 -11,4 -17,0 -15,3 -7,7 -35,2 -18,9 -5,9
b/ L’industrie électronique inclue les composants électroniques, les équipements électroniques de télé-communications les équipements de contrôle industriel et l’équipement scientifique et médical.Source : Central Bureau of Statistics.
-169-
leur croissance ralentir sont ceux de la chi-
mie et des produits pétroliers (5,6% mais
15,5% en 2002), des mines (-2,9 contre
7,9% en 2002).
L’investissement recule dans tous les sec-
teurs de manière dramatique et cela pour la
troisième, voire la quatrième année consécu-
tive. Les anticipations des entrepreneurs sont
certes favorables, mais elles ne se sont pas
encore traduites par des investissements qui
signifient un engagement de l’entreprise sur
le long terme.
La croissance du PIB devra donc reposer sur
celle des exportations. Les postes qui ont
enregistré la progression la plus vive, en
2003, sont l’agriculture (7,6%) mais son
poids dans la balance des biens est faible, les
diamants (7,9%) et les produits chimiques et
pétroliers (6,6%) qui comptent parmi les
postes les plus importants. En revanche, en
volume, ce sont le matériel de communica-
tion et médical qui fait preuve de progrès
rapides (7,2%) ainsi que les diamants
(34,9%) et les produits chimiques et pétro-
liers (4,2%). Pour ce qui est des imports, si,
en volume, on note une diminution sur tous
les postes, en valeur, les produits intermé-
diaires (6,6%) ont crû et plus spécialement
le pétrole (12,1%), le matériel de transport
terrestre (8,3%) et les biens d’équipement
durable (6%).
En 2003, le déficit courant passe de –0,2 mil-
liards de dollars US contre –1,4 milliards en
2002 grâce à la combinaison d’une diminu-
tion du déficit de la balance des biens (-2,6
vs.-3,7 billions de dollars US), une balance
des services en excédent (0,5 milliards) alors
qu’en 2002 elle était en déficit (-0,6 mil-
liards), des transferts qui se maintiennent et
un compte de capital qui redevient positif
(0,1 milliards) après avoir accusé une chute
en 2002 (-1,6 milliards mais 0,9 milliards en
2001) du fait de la baisse des IDE. Le déficit
de la balance des capitaux reflète la fuite des
capitaux intervenue en 2002 où les investis-
sements de portefeuille se sont contractés de
–1,9 milliards, comme ce fut le cas en 2001
(-1,5 milliards).
(ii) la politique monétaire de ciblage de
l’inflation est très efficace mais les sor-
ties de capitaux restent nourries
Israël mène une politique de ciblage de l’in-
flation qui a été efficace jusqu’ici. Les agents
ont correctement évalué la tendance même
s’ils avaient sous-estimé la réduction obte-
nue entre 1999 et 2001. Cette politique étant
crédible, elle a permis de réduire rapidement
le taux d’inflation qui est passé de 18% en
1991 à 1,4% en 2001. Les autorités se sont
dotées d’une politique de communication qui
leur a permis d’améliorer la transparence des
décisions prises. Sont publiés régulièrement
des enquêtes portant sur les anticipations
inflationnistes, des notes de conjoncture, de
nombreuses statistiques, des rapports
concernant la stabilité financière et l’inflation,
les prévisions du gouvernement en matière
de conjoncture économique, des recherches,
etc. Leurs outils de guidage de l’inflation sont
plutôt efficients et sauf problème épider-
mique que les agents interprètent d’ailleurs
Figure 2 : Les résultats de la politique deciblage de l’inflation
-5
0
5
10
15
20
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Taux d'inflation Anticipations d'inflation à 12 mois
Source : Central Bank of Israel.
-170-
comme tel, l’inflation est sous contrôle (figu-
re 2). Le fait que le taux d’inflation est sys-
tématiquement inférieur à la cible pourrait
indiquer une politique monétaire trop conser-
vatrice, privilégiant le lissage des chocs pou-
vant heurter les taux de change et une
réduction très progressive des taux d'intérêt.
En 2003, dans un contexte d’appréciation de
la monnaie israélienne vis-à-vis du dollar et
de récession, le taux d’inflation a baissé. La
composante qui a le plus largement contri-
bué à ce mouvement est celle du logement (-
6,7%) qui représente 23% de l’indice. Les
anticipations d’inflation, qui étaient supé-
rieures à la cible en début d’année, ont décli-
né pour se situer au milieu de la cible après
la résolution du confit irakien, le renouvelle-
ment de l’engagement du gouvernement de
limiter le déficit, etc., seules les anticipations
d’inflation concernant le moyen terme (5
ans) se sont maintenues à des niveau plus
élevés que la cible.
Ce contexte a favorisé une baisse des taux
d'intérêt. La banque centrale les a porté, en
termes nominaux, de 9,1% fin 2002 à 4,3%
en mars 2004. En termes réels, ils sont res-
tés plus haut que prévu du fait de la baisse
de l’inflation, qui a dépassé les anticipations.
Cette réduction des taux d'intérêt s’est tra-
duite par une diminution du différentiel de
taux d'intérêt de 3 points de pourcentage à la
fin 2003, qui demeurait plus important que
celui enregistré en 2000-2001 en moyenne.
Le régime de change flexible et la liberté des
mouvements des capitaux nécessitent une
égalisation des taux de rendement réels des
placements à caractéristiques similaires faits
en Israël et à l’extérieur du pays. Les autori-
tés sont donc contraintes d’augmenter les
taux d'intérêt lorsqu’il existe un différentiel
d’inflation ou un accroissement de la prime
de risque en leur défaveur pour éviter les
sorties de fonds. La figure 3 illustre bien
cette nécessité à laquelle les autorités n’ont
pas d’autre choix que de se soumettre. Les
évolutions des taux de change compensent
donc celles de l’inflation et des taux d'intérêt
reflétant les flux de capitaux.
L’évaluation de la prime de risque attachée
aux placements en Israël a été perturbée par
les évènements intervenus en 2002 comme
en 2003, tantôt alarmants, tantôt rassurants.
Le rétrécissement du différentiel de taux
d'intérêt a donc conduit à des sorties de capi-
Figure 3 : Politique de soutien de l’investissement domestique et évolution des taux dechange
-5
0
5
10
15
20
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
%
-10,0
-5,0
0,0
5,0
10,0
15,0
20,0
25,0
Taux d'inflation Taux d'intérêt marché monétaireTaux d'intérêt sur les bons du Trésor Dépréciation de la monnaie par rapport au $US
Dépréciation du taux de change effectif réel
Source : Central Bank of Israel.
-171-
taux qui créent des tensions sur les taux de
change. Les pertes au titre des placements
en portefeuille ont été de –1,5 milliards en
2001, –1,9 milliards en 2002 et –0,6 mil-
liards en 2003. Les experts du FMI ne sont
pas optimistes et s’attendent à ce que les
sorties se poursuivent (FMI, 2004a). La stra-
tégie d’aide au redémarrage de l’économie
via la baisse des taux d'intérêt, qui est
rationnelle étant donné la faiblesse des
investissements, comporte des risques consi-
dérables.
La politique du nouveau gouvernement arri-
vé au pouvoir en mars 2003 a privilégié la
mise en place de conditions propices à une
croissance à long terme. Plusieurs mesures
illustrent le changement d’orientation :
(i) une réduction des dépenses a été
préférée à une hausse des taxes, ce qui
devrait impacter positivement sur le
revenu des ménages, mais celle-ci est
générale pour 2003 et demande à être
différenciée selon la stratégie choisie qui
ne semble pas encore être clairement
définie.
(ii) Entre la première et la deuxième
partie de l’année, le déficit prévu, qui de
7% a été ramené à 4% du PIB, atteste
de la volonté du gouvernement de
contenir les déficits et la dette qui se
monte à 107% du PIB en 2003. Cela est
absolument nécessaire puisque, selon
certaines études, l’impact sur les taux
d'intérêt du déficit est plus fort sur le
long terme que sur le court ou moyen
terme.
(iii) Une réforme du système de pen-
sion, de l’âge de la retraite, etc. est
envisagée qui aiderait à alléger le poids
de ce poste dans le budget ce qui affer-
mirait la crédibilité de l’engagement de
déficit restreint et de stabilité des prix.
Toutes les analyses ont, en effet, mon-
tré qu’un élément essentiel de la crédi-
bilité d’une politique de ciblage de l’in-
flation est une politique budgétaire
saine visant un déficit minimal.
(iv) Les dépenses d’investissement dans
les infrastructures ne devraient pas être
revues à la baisse, ce qui renforce la
crédibilité d’un comportement forward-
looking du gouvernement.
Mesurer la pauvreté n’est pas chose facile et
elle est souvent estimée en Israël en termes
d’écart par rapport au revenu median, mesu-
re très insatisfaisante et biaisée puisqu’elle
n’inclut pas certaines sources de revenus
potentiellement importantes telles que les
revenus non-financiers. Il est évident qu’il
est urgent d’étudier plus finement les com-
portements des ménages afin d’évaluer le
niveau de pauvreté en Israël et ses caracté-
ristiques afin d’améliorer l’efficacité de la
lutte.
Reste que la récession qu’a connue Israël
durant ces deux dernières années a été
exceptionnellement profonde et a des consé-
quences graves en termes de pauvreté. Les
tendances qui se dégagent sont alarmantes.
La récession a induit un recul du PIB par
habitant de -0,5 points en 2003 et –2,8% en
2002. Pour cette même année, 18,1% des
familles sont pauvres et ce chiffre a triplé
entre 1988 et 2001. De ce fait, 21,1% de la
population est considérée comme pauvre et
29,6% des enfants, qui sont plus exposés à
ce fléau relativement à ce qui se passe dans
les autres pays développés. Les populations
les plus touchées par la pauvreté sont les
ménages dont le chef de famille est en âge
de travailler mais n’a pas d’emploi (3,5 fois
plus de risques), mais 45% des familles
pauvres comptent un membre qui travaille.
Le nombre d’enfants par famille impacte for-
tement sur l’exposition au risque de tomber
-172-
dans la pauvreté, surtout à la suite des
coupes dans les allocations familiales déci-
dées en 2002. Cette politique n’aidera pas à
accroître le niveau d’éducation de la main
d’œuvre qui est pourtant un autre détermi-
nant clé des risques de devenir pauvre.
La population non-juive est également très
touchée par la pauvreté (44,7% de la popu-
lation) et ses chances d’en sortir sont relati-
vement plus faibles en particulier pour les
familles arabes, quelle que soit leur taille, et
cela à cause d’un taux d’emploi plus faible,
d’une participation des femmes réduites et
de salaires bas. Un nombre d’enfants élevé et
un niveau d’éducation insuffisant jouent éga-
lement en leur défaveur.
Les mesures budgétaires pour 2003 pré-
voient une réduction des transferts (une
baisse de la plupart des allocations de 4%,
des coupes dans les allocations chômage qui
ont baissé de 2 billions en monnaie locale sur
les 2 dernières années, des conditions d’éli-
gibilité plus sévères, etc.) et une lutte conte
le travail illégal qui visent à inciter les
membres des familles pauvres à trouver un
emploi. Ces mesures devaient s’accompa-
gner de nouvelles incitations directes à la
recherche d’emploi qui n’ont pas encore vu le
jour alors que le reste du programme va
immanquablement approfondir et étendre la
pauvreté.
La banque centrale (2003) recommande
d’élever encore le coût impliqué par l’emploi
d’étrangers, comme le prévoyait initialement
le budget pour 2004, de façon à le porter à
parité de celui supporté pour l’emploi d’un
israélien (soit une majoration de 40%) sauf
pour les personnels de santé. Ce type de
recommandation qui vise à établir une discri-
mination négative à l’encontre de certains
groupes du marché du travail est soutenue
par la population comme le montrent les son-
dages effectués par le Taub Center for Social
Policy Studies. Toujours selon la banque cen-
trale, il serait bénéfique d’instaurer des rete-
nues sur salaire qui ne seraient restituées
qu’au moment du départ d’Israël du tra-
vailleur étranger. Le nombre de permis de
travail délivré doit aussi être réduit et les lois
concernant les restrictions sur le nombre
d’employés étrangers, etc. doivent être
appliquées à la lettre.
Il est douteux que les gains en termes de
points de croissance d’une discrimination en
faveur de travailleurs israéliens surpasse les
pertes impliquées par l’appauvrissement
d’une population pauvre et fortement expo-
sée à le devenir ou par la perte de compéti-
tivité due à l’éviction d’une population ayant
des exigences salariales relativement plus
faible. Au delà de la croissance, quelles pour-
raient être les conséquences d’une telle stra-
tégie sur la stabilité politique et sociale de la
région ? La banque mondiale pose d’ailleurs
le problème de la nature des liens qu’Israël
devraient entretenir avec ses voisins et
montre que l’isolement est loin d’être la
panacée même si l’on se contente d’exami-
ner les implications purement économiques
du seul plan de retrait de la Bande de Gaza.
-173-
Jordanie
La dépendance énergétique de la Jordanie
aurait pu peser lourdement sur ses perfor-
mances économiques cette année, mais cela
a été partiellement évité grâce à de nou-
veaux accords pétroliers et à l’aide interna-
tionale. La perte en termes d’aide internatio-
nale se monterait à 3% du PIB [6]. L’accord
initial avec l’Irak, qui n’a pu être honoré, pré-
voyait que le pays recevrait la moitié des
quantités livrées annuellement en don (5,5
millions de tonnes) et l’autre moitié à des
conditions tarifaires très favorables. Le pays
a reporté sa demande sur l’Arabie Saoudite
avec lequel un accord a été trouvé sous le
parrainage des Etats-Unis et sur l’Egypte qui
est en mesure d’amener du gaz au port
d’Aqaba. Sa position est néanmoins fragile
car les tensions politiques restent fortes en
Irak comme en Palestine et une reprise éco-
nomique n’est probablement pas à envisager
dans le court terme malgré la résilience dont
a fait preuve l’économie.
Depuis la crise bancaire et cambiaire qui a
secoué le pays en 1989 et a entraîné une
dévaluation de la valeur de la monnaie de
50% vis-à-vis du dollar, la Jordanie, avec l’ai-
de du FMI, a remarquablement réussi à stabi-
liser sa situation macroéconomique. Il faut
rappeler que le PIB a reculé de –13,45% en
1989, que l’inflation est montée à 25,7% alors
qu’elle était à 6,61% en 1988 et quasi nulle
les deux années précédentes et que la dette
est passée de 59% du PIB en 1986 à 205%
du PIB en 1990. Deux éléments expliquent ce
succès, en premier lieu, une ouverture com-
merciale rapide qui a fait des exportations un
puissant moteur de croissance et, en second
lieu, un programme de réformes décidé.
Aujourd’hui, le taux d’ouverture de la
Jordanie est parmi les plus fort de la zone
(81,4% en 2003 contre 76,4% en 2002). La
création de Zones Industrielles Qualifiées a
dynamisé les exportations vers les Etats-
Unis, qui devraient également bénéficier de
l’entrée en vigueur en 2002 de l’accord de
libre-échange avec l’Europe. Les exportations
en valeur ont crû de 25,1% en 2001, de
15,1% en 2002 et de 7,6% en 2003.
Les réformes prévoyaient la privatisation des
entreprises publiques, la libéralisation du
commerce extérieur et des prix domestiques
et la stabilisation macroéconomique (contrô-
le de l’inflation, du déficit budgétaire, de la
dette). Celles du système financier et de
pension sont en projet. Le pays s’est forgé
une réputation de zone propice aux affaires
et relativement sure.
La croissance économique en termes réels
entre 1998 et 2002 a été une des plus éle-
vées des PM à 4,1%. Seules l’Egypte (4,5%)
et la Tunisie (4,3%) ont fait mieux. En 2003,
la croissance jordanienne s’est établie à
3,2%, ce qui est un résultat très honorable
étant donné l’ampleur du choc subit. Elle est
néanmoins pénalisée par trois facteurs : (i) le
climat politique très changeant de la région,
(ii) une réaction lente des investissements
aux conditions économiques qui, bien qu’ils
s’orientent vers des secteurs susceptibles
d’améliorer significativement la productivité,
ne permettent pas de combler le retard de
productivité et de niveau d’investissement
accumulé, (iii) des problèmes de compétitivi-
té des exports.
Les réformes n’ont cependant pas généré les
niveaux de croissance attendus et la crois-
sance n’est pas suffisamment génératrice
d’emploi. Le chômage progresse. Il était de
13,7% en 2000 et devrait se situer aux alen-
tours de 15% en 2003 comme en 2002. La
pauvreté reste élevée alors qu’elle n’existait
quasiment pas avant la crise de 1989 et est
-174-
une des préoccupations principales du gou-
vernement. Ces difficultés sont alourdies par
la nécessité d’absorber les réfugiés venant
des pays voisins.
La situation jordanienne se caractérise donc
sur le plan macroéconomique par :
(i) Les exports soutiennent la demande
face à la perte de confiance des consom-
mateurs et des investisseurs
La guerre en Irak a exercé ses effets dépres-
sifs sur la confiance des consommateurs et
des entreprises. La demande interne a forte-
ment baissé. Par ailleurs, l’indice de produc-
tion industrielle qui avait augmenté de 11,6%
en 2001 et 6,2% en 2002 a perdu -8,5% en
2003, mais se redresse en juin 2004 où il
gagne 13,7% par rapport au même mois de
l’an passé. Les services, qui représentent
71% du PIB, résistent mieux. Les prix des
produits pétroliers ont été augmenté en
Jordanie afin de contrebalancer l’absorption
des ressources budgétaires que le change-
ment d’approvisionnement a occasionné mais
cela ne sera pas sans conséquences sur la
demande interne et la compétitivité externe.
De ce fait, les exportations ont été le princi-
pal moteur de la croissance en 2003 bien
qu’elles n’aient crû que de 7,6% en valeur
contre 25,1% en 2001 et 15,1% en 2002. Ce
résultat est essentiellement dû au recul des
échanges avec l’Irak de -28,2%, ramenant la
part de ce pays dans les exports à 13% en
2003 contre 20% en 2002. Par ailleurs le
décollage des exports vers certains parte-
naires clé tels que l’Arabie Saoudite (3,8% en
2001, 10,2% en 2002 mais 3,8% en 2003)
ou la Syrie (25% en 2000, 55% en 2001,
82,2% en 2002 mais 36,9% en 2003) a été
entravé. La progression des exports vers les
Etats-Unis se maintient (53,9%, 28% des
exports) tandis que le commerce avec l’Asie
recule (-6,7%, 21,3% des exports contre
24,5% en 2002).
Parmi les principaux produits exportés, ceux
qui ont le mieux résisté sont la nourriture
(légumes 4,4%), la potasse (5,9%) et les
articles manufacturés (37,7%) alors que les
phosphates baissaient (-5,8%) ainsi que les
produits manufacturés (-17,2%) ou les pro-
duits médicaux et pharmaceutiques (-8,3%).
Ces derniers sont en nette progression pour
le premier semestre 2004 (20% et 21% res-
pectivement). Au total les exportations ont
augmenté de 48% au premier semestre.
La croissance des imports en valeur a été
soutenue pour la nourriture (28,6%), les
huiles (46,7%) essentielles à l’industrie
agroalimentaire et les produits pétroliers
(46,7%), les produits chimiques (10,6%) et
en particuliers pharmaceutiques (19,3%) et
les biens manufacturés (16,4%). La résistan-
ce de ces derniers est encourageante car elle
Tableau 1 : Nouveaux prix des carburants à compter du 1er avril 2004Produit Ancien prix Nouveau prix Augmentation en %Essence ordinaire (litre) 0,300 0,330 10,0Supercarburant (litre) 0,400 0,435 8,7Sans plomb (litre) 0,450 0,470 4,4Diesel (litre) 0,130 0,135 3,8Fuel domestique (litre) 0,130 0,135 3,8Kérosène pour RJ (litre) 0,150 0,160 6,7Fuel centrales électriques (tonne) 70,000 75,000 7,1Fuel industriel (hors Aqaba) (tonne) 82,000 88,000 7,3Fuel industriel (à Aqaba) (tonne) 85,000 91,000 7,1Bouteille de gaz domestique (tonne) 3,000 3,250 8,3
Source : DREE, 2004.
-175-
reflète la qualité de l’investissement domes-
tique. Ces tendances ont été confirmées pour
le premier semestre 2004. En particulier, la
croissance des biens manufacturés est de
50,3%, celle du matériel d’équipement et de
transport de 40%, celle des articles manu-
facturiers de 33,5% et des produits pétroliers
de 62,2%. Globalement, au premier
semestre 2004, les imports ont vivement
augmenté de 37,1% contre 14,4% en 2003
et les exports de 48% contre 7,6% en 2003.
Au premier trimestre 2004, le déficit de la
balance commerciale s’est creusé de 57%.
Finalement le compte courant enregistre un
surplus de 11,5% du PIB alors que celui-ci
n’était que de 4,7% du PIB en 2002, soit un
excédent de 771,3 millions de dinars jorda-
niens, tandis que le déficit commercial se
monte à 26,7% du PIB et celui des services
à –184,3 millions de dinars. Pour le premier
trimestre 2004, le compte courant est en
déficit du fait du creusement du déficit de la
balance commerciale.
Les besoins de financements conséquents
ont été plus que couverts par les transferts
internationaux, qui se montent à 928,7 mil-
lions de dinars, ce qui équivaut à 2,5 fois leur
niveau de 2002 (+22%), et les rapatrie-
ments des fonds des travailleurs (+7,5%) qui
s’améliorent. Les IDE qui avaient reculé sen-
siblement en 2000 (554,2 millions de dinars)
pour se monter à 64,4 millions de dinars en
2001 retrouvent le chemin de la Jordanie et
s’élèvent à 226,7 millions de DINARS en
2003. Les premiers chiffres pour 2004 mon-
trent que cette tendance se poursuit puisque,
au premier trimestre, ils atteignent 142,9
millions de dinars contre 30,3 millions au
premier trimestre 2003. L’inverse se produit
pour les investissements de portefeuille qui
passent de –173 millions à –331,8 millions
de DINARS entre 2002 et 2003, et de –48,2
millions à –192,2 millions de dinars pour les
premiers trimestres 2003 et 2004.
(ii) la crise en Irak va profondément
changer le paysage énergétique jorda-
nien.
En mai 2001, un accord, qui court sur 30 ans,
avait été passé avec l’Egypte pour 100 mil-
lions de m3 par jour. Sur cette base, fin
2001, la construction d’un nouveau tronçon
de pipeline a été entreprise qui devait faire la
liaison entre El-Arish dans le Sinaï et le port
d’Aqaba. Fin 2005, le dernier tronçon qui
devrait permettre d’amener le gaz éqyptien à
Rihab au nord de la Jordanie. Les gouverne-
Figure 1 : Décomposition du PIB
0,2
6,1
2,9
-9,0
-3,0 -2,4
4,95,6
1,7
5,84,8
-0,1
4,83,6
12,5
2,7
-2,8
1,0
-15
-10
-5
0
5
10
15
Produit IntérieurBrut
ConsommationPrivée
ConsommationPublique
Investissement fixe Exportations debiens et services
Importations debiens et services
1995-1998 2001 2002
Source : Banque centrale de Jordanie.
-176-
ments de la région voudraient étendre le
réseau à la Syrie et au Liban (2005) et
accroître la capacité du pipeline.
Malgré la possibilité de reporter les achats de
pétrole irakiens sur l’Arabie Saoudite, il est
probable que l’arrivée du gaz égyptien en
Jordanie va profondément transformer la
gestion de la dépendance énergétique du
pays. Le gaz est un produit moins coûteux
que le pétrole et pourrait d’ores et déjà per-
mettre une économie de 20% sur la facture
énergétique. De plus en plus d’installations
devraient fonctionner au gaz. C’est actuelle-
ment en partie le cas de la centrale électrique
d’Aqaba et cela pourrait s’appliquer à celle de
Rihab et de Samra qui fait l’objet d’un appel
d’offre pour sa construction. D’autres activi-
tés pourraient également substituer le gaz au
pétrole (ciment, potasse, etc.). Selon les
chiffres donnés par le ministère jordanien de
l’énergie et des ressources minérales (DREE,
2004), l’économie réalisée pourrait se mon-
ter à 50 millions de dollars US (soit 5,6% des
imports de produits pétroliers).
Etant déterminants pour la croissance jorda-
nienne, les prix domestiques des produits
pétroliers sont encore subventionnés alors
que ces pratiques ont été réduites pour
nombre de biens alimentaires. Cela induit
des effets néfastes sur les règles de la
concurrence et, dans le même temps, la pro-
tection offerte pourrait devenir difficilement
tenable à moyen terme du fait de son poids
sur le budget du gouvernement si la Jordanie
ne peut trouver auprès de ses autres fournis-
seurs des conditions d’approvisionnement
aussi avantageuses que celles accordées par
l’Irak. Se tourner vers le gaz ou l’électricité
pourrait donc être une stratégie intéressante
permettant de répondre à ces deux
contraintes. Il serait alors possible de laisser
les prix des produits pétroliers refléter plus
largement les conditions de l’offre et de la
demande sur les marchés domestiques.
(iii) la croissance est insuffisante pour
réduire le chômage et la pauvreté
Malgré les données officielles, qui font état
d’un taux de chômage de 13,5% en recul en
2003 par rapport à 2002 (15%), les estima-
tions d’organismes tels que le FMI sont
autour de 20%. La répartition par secteur des
emplois est de 82,5% dans les services, 5%
dans l’agriculture et 12,5% dans l’industrie.
Ce pays a entamé relativement tard sa tran-
sition démographique. La population se sta-
bilisera autour de 2050, ce qui représente un
retard d’une quinzaine d’années par rapport
à certains autres PM (2030-2035 pour le
Liban, la Tunisie et la Turquie) et le taux de
fertilité demeure le plus élevé de la région.
Cette situation engendre une pression relati-
vement plus importante sur les marchés du
travail. La force de travail va ainsi passer de
1,22 millions en 2002 à 2,57 millions en
2020. Ce qui signifie que l’économie devra
fournir 60 000 emplois par an sur les 5 pro-
chaines années puis 70 000 emplois par an
d’ici 2020. Par ailleurs, l’intégration des réfu-
giés vient gonfler la demande d’emplois. Les
Tableau 2 : Taux de croissance de la population 1980-2030Algérie Chypre Egypte Israël Jordanie Liban Malte Maroc Syrie Tunisie Turquie
1980-1985 6,36 2,45 5,3 3,13 6,77 3,79 1,96 5,4 7,25 4,9 4,151985-1990 5,23 2,43 4,8 3,05 5,87 3,41 2,02 4,52 6,15 4,12 3,71990-1995 4,12 2,32 4 2,93 4,87 2,83 2,02 3,55 4,61 3,13 3,11995-2000 3,15 1,96 3,51 2,94 4,11 2,29 1,86 3 3,82 2,32 2,72000-2005 2,8 1,9 3,29 2,7 3,57 2,18 1,77 2,75 3,32 2,01 2,432005-2010 2,51 1,86 3,09 2,52 3,12 2,08 1,7 2,55 2,93 1,91 2,212010-2015 2,28 1,85 2,76 2,37 2,78 2 1,71 2,4 2,63 1,85 2,022015-2020 2,08 1,85 2,5 2,25 2,52 1,92 1,73 2,27 2,41 1,85 1,862020-2025 1,91 1,85 2,31 2,14 2,32 1,85 1,75 2,16 2,24 1,85 1,852025-2030 1,85 1,85 2,16 2,05 2,17 1,85 1,78 2,07 2,11 1,85 1,85
Source : ONU.
-177-
conséquences de cette situation démogra-
phique sur le revenu disponible des ménages
est également importante puisque les taux
de dépendance sont élevés.
Le niveau de vie s’est dégradé sur la derniè-
re décennie. Ainsi, le PIB par tête (PPA) était
de 4085 dollars en 1988 et il est pour 2000
de 3966 dollars mais de 4218 pour 2002. Il
aura fallu attendre 15 ans pour retrouver le
niveau de vie de la fin des années 1980.
Même si apparemment la situation s’est
améliorée, il reste que, selon les estimations
nationales, 11,7% de la population vit au-
dessous du seuil de pauvreté contre 3%
avant la crise de 1989 (Shaban, Abu-Ghaida,
Al-Naimat, 2001). Les calculs du Ministère du
développement social jordanien (2002) sont
encore plus alarmants puisqu’il l’évalue entre
15 et 30%.
Le principal facteur qui empêche une aggra-
vation de la situation est le système d’aide
sociale mis en place par le gouvernement
mais il n’a pas renforcé la cohésion sociale,
comme on aurait pu s’y attendre. Cela est dû
à une politique de communication défectueu-
se qui amoindrit la visibilité des mesures
prises et qui pourrait avoir des effets pervers
sur les choix futurs du gouvernement.
La politique du gouvernement, qui a consisté
à remplacer les subventions aux prix domes-
tiques qui profitaient plus aux personnes
financièrement relativement plus aisées
qu’aux pauvres, n’a pas été très populaire.
C’est un exemple frappant du biais contre-
productif existant dans le système d’incita-
tion politique lorsque les interactions gouver-
nement-population sont insuffisamment
transparentes et médiatisées. Des politiques
plus équitables ne sont pas appréciées à leur
juste valeur par la population car leur action
à large spectre, donc moins ciblée, et leurs
résultats sont plus complexes à évaluer et à
jauger, tandis qu’une action qui bénéficie à
un groupe plus restreint mais dont les effets
sont plus clairement identifiés, peut plus faci-
lement susciter l’adhésion du fait d’une
meilleure visibilité. Une diffusion insuffisante
des informations et un manque d’éducation
des populations, entre autres, engendrent un
système d’incitation tel que, dans une certai-
ne mesure, le clientélisme est mieux récom-
pensé, en termes de cohésion sociale, que
des investissements parfois lourds, mais
dont les effets sont longs à se manifester et
délicats à mesurer, dans l’éducation, les
aides sociales ou la santé. Une politique de
communication plus efficace pourrait sensi-
blement améliorer la situation sociale en
Jordanie.
(iv) mais la productivité progresse et
aidera à réduire la pauvreté
La Jordanie est un des PM où le niveau d’édu-
cation de la population est le plus élevé.
Entre 1960 et 2000, le nombre moyen d’an-
nées passées à l’école pour les plus de 15 ans
a triplé passant de 2,3 ans à 6,9 ans. De
plus, 97% des enfants sont scolarisés en pri-
maire et 87% de la population échappe à
l’illettrisme. Reste que les femmes souffrent
toujours d’une discrimination négative et le
niveau d’étude détermine leur chance de
trouver un emploi. Ainsi, 11,7% de la popu-
lation féminine travaille mais plus elles sont
éduquées et plus elles ont de risques d’être
au chômage (22,6% parmi les femmes dis-
posant d’un baccalauréat et plus mais 18,4%
des femmes ayant un niveau secondaire).
Elles sont, en effet, relativement plus nom-
breuses à chercher un emploi, mais elles ont
moins de chance d’en obtenir un.
Un des défis que doit relever la Jordanie pro-
vient de l’importance des travailleurs étran-
gers (8% à 13% selon les estimations) dont
le nombre se monte quasiment au nombre
-178-
des personnes au chômage (Femise, 2004a).
Ces travailleurs occupent cependant des
emplois demandant peu ou pas de qualifica-
tions qui attirent peu les jordaniens. Ceci,
ajouté au faible niveau de chômage que
connaissent les travailleurs les moins quali-
fiés, souligne les incohérences qui existent
entre les compétences acquises pendant le
cursus scolaire et celles demandées sur le
marché du travail.
La Jordanie semble commencer à briser avec
le modèle de croissance fondé sur l’accumu-
lation du capital et du travail uniquement
puisque la productivité des facteurs, après
avoir baissé de –6,1% entre 1986 et 1993,
pour stagner entre 1996 et 2000, repart en
2001-2002 (1,7%) à un rythme presque
aussi élevé que ceui du début des années
1990. Ce mouvement présente l’avantage de
voir la compétitivité s’accroître sans que cela
nécessite de substituer du capital au travail.
Le dynamisme de la croissance économique
et des exportations, que ce bon résultat peut
soutenir, aideront à réduire la pauvreté et le
chômage directement, via les revenus que
cela génère mais indirectement également,
en amoindrissant le poids des dépenses
visant la lutte contre la pauvreté pour le gou-
vernement qui est un des PM qui, par ailleurs,
investit le plus dans l’éducation et la santé.
(v) la politique monétaire à la recherche
d’un équilibre délicat
En 2003, les avoirs sur l’étranger ont nourri
une hausse relativement forte de la masse
monétaire (M2) alors que la conjoncture ne
le justifiait pas. Ainsi, M2 a augmenté de
12,7% contre 8,8% pour une croissance de
5,3% contre 5,7% en termes nominaux et de
3,3% contre 4,8% en termes réels pour les
années 2003 et 2002 respectivement.
L’inflation a donc continué à déraper pour se
situer à 2,3% en 2003 contre 1,8% les deux
années précédentes. Les postes qui ont enre-
gistré la hausse la plus marquée sont ceux
des céréales et produits dérivés (5,3%) et de
la viande, poissons, oeufs (3,9%), alors que
celui plus général de la nourriture marque
une croissance inférieure à la moyenne
(1,8%). Autres postes qui nourrissent la
hausse de l’inflation, ceux du fuel et de l’élec-
tricité (+7,1%), des transports et communi-
cation (6,3%), de l’éducation (6,3%) et des
soins médicaux (4,3%). Les vêtements et
chaussures perdent –4%. Cette tendance se
confirme en 2004, puisque l’indice gagne
3,7% en juin par rapport à la même période
de l’an passé. La politique monétaire est
devenue progressivement plus restrictive et
en juin 2004, M2 avait progressé de 5,3%
contre 9,5% en 2003.
Le taux de dollarisation de l’économie
(23,5% de M2 représente des avoirs en devi-
se) se maintient ce qui prouve que le gou-
vernement a su jusqu’ici conserver la
confiance des agents dans la monnaie natio-
nale malgré la conjoncture politique. Les
dépôts liquides en devises ont à peine pro-
gressé plus vite que ceux en monnaie locale
(44% vs. 38,8%) tandis que ceux à terme
ont peu varié (4,1% en monnaie locale et
7,9% en devises). L’ancrage du dinar au dol-
lar joue ici un rôle essentiel car, étant cré-
Tableau 3 : Productivité de l’économie jordanienne
PIB Investissement Emploi Force de travail Capital Travail Force de travail TFP1981-1985 6,4 6,1 9,4 5,1 2,7 3,1 1,2 -0,61986-1990 -0,9 6,5 3,7 4,8 2,8 1,2 1,1 -6,11991-1995 7,0 3,6 5,4 7,2 1,6 1,8 1,7 2,01996-2000 3,1 2,8 2,9 4,1 1,2 1,0 0,9 0,02001-2002 4,6 2,6 2,6 4,1 1,2 0,8 0,9 1,7
Contributions à la croissanceTaux de croissance annuels moyens
Source : FMI, 2004b.
-179-
dible, la valeur du dinar vis-à-vis du dollar
n’est pas mise en cause, ce qui renforce l’in-
citation pour les agents de détenir la mon-
naie locale.
Cependant, comme noté plus haut, les sor-
ties de capitaux liquides (portefeuille) mon-
trent l’existence d’une défiance vis-à-vis de
l’économie, d’une part, et, d’autre part, le
poids de la contrainte d’un régime de change
fixe. Ces flux ont certainement été nourris
par la réduction du spread entre les actifs en
monnaie nationale et ceux du même type
libellés en monnaie étrangère due à la baisse
générale des taux d'intérêt jordaniens. Cette
baisse était néanmoins nécessaire car si les
taux que supportent les banques sont bas
(taux interbancaire à 2,5%, taux de refinan-
cement à 2,13%), ceux appliqués aux agents
restent élevés, 8,92% pour les prêts et
avances, 9,43% pour les découverts, par
exemple.
Bhattacharya (2003) montre que les expor-
tations jordaniennes, et plus particulière-
ment les exportations non traditionnelles,
sont sensibles aux variations de prix, d’une
part, et que plus de la moitié des chocs qui
ont affecté la production étaient d’origine
monétaire, d’autre part. Ces deux éléments
plaideraient pour un assouplissement du
régime de change et la concentration des
exportations va également dans ce sens.
Mais, l’efficacité de cette mesure dépend cru-
cialement du degré de flexibilité des salaires
réels et des prix relatifs qui ne semble pas
être très élevé eu égard à la persistance d’un
important taux de chômage, seul indice dis-
ponible du mode de fonctionnement du mar-
ché du travail même s’il est contestable.
Il faut aussi prendre en considération le fait
que l’ancrage du change a permis de stabili-
ser l’inflation et a incité les autorités à amé-
liorer la discipline budgétaire et monétaire
indispensable à sa soutenabilité dans le long
terme. Il pourrait donc être très coûteux en
termes de crédibilité de l’engagement de
mener les réformes nécessaires à la stabili-
sation macroéconomique de modifier le régi-
me d’ancrage du change.
(vi) un équilibre budgétaire fragile mais
des réformes résolues apparaissent
La politique budgétaire jordanienne se carac-
térise par une diversification des recettes
lente mais certaine et des dépenses encore
trop rigides, en partie du fait du climat d’in-
certitude qui pèse sur la région et dont la
Jordanie pâtie fortement.
Les revenus des taxes sur le commerce inter-
national sont encore une source de revenu clé
alors qu’ils sont amenés à diminuer rapide-
ment, non seulement, avec l’entrée en
vigueur des différents accords de libre-échan-
ge passés, mais également, et de manière
Tableau 4 : Taux d'intérêt 1999 2000 2001 2002 2003
Deposit rates (average)Demand 1,46 1,20 1,06 0,91 0,50Savings 4,19 3,76 2,91 1,84 0,88Time 7,89 6,55 5,19 3,97 2,75
Lending rates (average)Overdrafts 12,66 11,60 10,42 9,35 9,43Loans and advances 12,67 11,38 10,45 9,85 8,92Discount bills and bonds 13,37 12,81 11,88 10,95 10,24
Overnight interbank loans 1,03 5,75 3,88 2,88 2,13
CBJ Rediscount rate 8,00 6,50 5,00 4,50 2,50CBJ overnight deposit ate 0,50 5,63 3,75 2,75 2,00CBJ 7-day repurchase agreements 9,25 7,50 6,00 5,50 3,50
Source : Banque centrale de Jordanie.
-180-
plus cruciale, parce que la consolidation du
succès obtenu par la politique de croissance
tirée par les exportations jordaniennes le
veut. Pour 2003, ils représentent 2,9% du PIB
et 11,9% des revenus mais l’ampleur de l’ef-
fort fourni apparaît clairement à l’examen de
ce qu’étaient ces chiffres pour 1996, soit
5,6% du PIB et 19,1% des revenus. La volon-
té politique d’intégration dans le commerce
mondial est un élément de décision qui
semble particulièrement puissant en Jordanie
et cela transparaît dans les chiffres. Ainsi, la
part des droits de douane dans les revenus
gouvernementaux a quasiment été divisée
par 2 en 8 ans tandis que, en valeur absolue,
le montant des recettes des droits de douanes
a baissé, passant de 257,6 millions à 202,2
millions de dinars entre 1996 et 2003 alors
que les imports augmentaient de 33,8% et
les exports de 61,1%.
Ces chiffres attestent aussi de la progressive
diversification des sources de revenu qui ren-
force la crédibilité et la soutenabilité de la
politique d’ouverture en cours qui inclue une
composante « réformes du cadre juridique
des investissements, de la fiscalité » etc., en
vue d’attirer les IDE, dont les effets sont cru-
ciaux. D’ailleurs, ce ne sont pas les taxes sur
les revenus ou les profits qui ont remplacé
les ressources générées antérieurement par
les droits de douane, mais celles sur la
consommation qui représentaient 22,4% des
revenus en 1996 et 6,3% du PIB mais 38,7%
des revenus et 8,5% du PIb en 2003.
La fragilité du budget jordanien provient de
l’importance des recettes hors taxes et des
dons qui sont aléatoires et manquent d’élas-
ticité. Mais les autorités s’affranchissent de
cette vulnérabilité et si le poste des recettes
hors taxes représentait 45,4% des res-
sources en 1996, il a été ramené à 33,6%
des revenus en 2003. Cette évolution est
lente cependant. Par ailleurs, la dépendance
vis-à-vis de l’aide extérieure s’approfondit et
devient inquiétante. Le pays enregistre un
déficit hors aide internationale à deux
chiffres de -12% du PIB qui ne s’était plus vu
depuis la crise de 1989 (-16,8% en 1989 et
–9,7% en 1990).
L’aide est principalement bilatérale (93% en
2003) et la baisse de la part des pays arabes,
qui était de 59,9% en 2002 mais seulement
de 35,8% en 2003, a été compensée par la
hausse de celle des Etats-Unis qui passe de
27,3% en 2002 à 49,7% en 2003. La contri-
bution des Etats-Unis marque une nette pro-
gression depuis 2001, tandis que celle de
l’Union européenne recule (8,2% en 2001 vs.
3,1% en 2003).
La rigidité des dépenses se manifeste au tra-
vers des sommes absorbées par les salaires
(16,5% des dépenses totales), le système de
pension (13,6%) et les intérêts de la dette
(10,6%), soit 50,3% des dépenses cou-
rantes. Une réforme du système de pension
devrait intervenir sous peu afin de contenir la
montée de ce poste qui comptait pour 10,3%
des dépenses totales en 1995 et a gagné
3,3 points depuis. Bien plus alarmant cepen-
dant est l’influence considérable des incerti-
tudes politiques puisque les ressources affec-
tées à la sécurité et la défense, soit un quart
du budget, sont presque deux fois plus
importantes que celles imputées aux pen-
sions alors que c’est le principal moyen de
lutte contre la pauvreté du pays et que son
efficacité a été prouvée.
Un aspect très positif est que le gouverne-
ment, malgré la situation difficile, a préservé
l’investissement public, moteur de l’investis-
sement privé, qui compte pour 19,1% des
dépenses totales soit son niveau moyen sur
la dernière décennie. Il n’existe pas de don-
nées concernant les dépenses discrétion-
naires et statutaires pour la Jordanie qui per-
-181-
mettent une comparaison internationale. La
part des dépenses de capital peut donc être
considérée comme une bonne évaluation du
montant du volant de ressources discrétio-
naires dont dispose la Jordanie. Le fait que le
pays n’a pas coupé dans ces dépenses alors
même qu’il était en phase de restructuration
fiscale et budgétaire prouve qu’il a su gagner
des marges de manœuvres, notamment via
une gestion avisée de la dette.
Ainsi, les dépenses d’intérêts ont été réduites
de 8,4% en termes absolus et leur part dans
les dépenses totales s’est contractée de
3,7 points en passant de 14,3% en 2000 à
10,6% en 2003. Le poids de la dette a beau-
coup augmenté dans les années 1990 à la
suite de la dévaluation du dinars et du ralen-
tissement de la croissance. D’autant que, sur
la période, la politique budgétaire a été plu-
tôt expansionniste, seul moyen de retrouver
des marges de manœuvre face à des enga-
gements de plus en plus rigides et des res-
sources peu diversifiées.
La dette s’élève en juin 2004 à 90% du
PIB, dont 73,6% est externe. 29,4% de la
dette est en dollars US, 21,6% en yen
japonais et 20,3% en euros. La dette reste
soutenable car seulement 0,3% est à court
terme (1-5 ans) et 9,9% à moyen terme
(5-15 ans). Par ailleurs, les taux d'intérêt
fixes concernent 43,9% de la dette et sont
relativement faibles : 0-2% pour 37,5% de
celle-ci et 2-4% pour 29,6% supplémen-
taires. Les recettes des privatisations ont
permis de réduire progressivement son
montant total. Par ailleurs, le pays a béné-
ficié de rééchelonnements de sa dette, de
conversions en bonds Brady, en prêts au
développement, etc. Mais, le facteur qui a
le plus largement contribué à l’amélioration
de la situation et qui fait que la dette reste
soutenable est la croissance économique
qui a dépassé, sur la totalité de la décennie
1990, le taux d'intérêt réel de 4% (FMI,
2004b). La maîtrise rapide de l’inflation
intervenue dans la seconde moitié des
années 1990 et le ralentissement de la
croissance dû aux incertitudes politiques,
s’il devait durer, pourraient néanmoins
affaiblir l’effet positif de ce facteur obli-
geant les autorités à faire plus largement
appel à des réformes budgétaires.
-183-
Liban
Le principal problème auquel le Liban doit
faire face est son niveau d’endettement. Les
autorités s’étaient engagées à accroître le
surplus primaire qui reste le seul moyen de
se désendetter. Celui-ci est passé de 1,2% à
3,45% du PIB entre 2002 et 2003. Par
ailleurs, l’aide internationale, des accords
avec le Club de Paris et des participations de
la banque centrale et des banques commer-
ciales ont permis de restaurer la confiance et
d’abaisser les taux d'intérêt et le service de
la dette. Cependant, le Liban éprouve des
difficultés à maîtriser ses dépenses budgé-
taires qui se sont encore accrues cette
année. Aussi, si le solde primaire s’est amé-
lioré c’est uniquement le résultat d’un alour-
dissement de l’impôt. Si cette hausse des
recettes de l’impôt, due à la mise en place de
la TVA et aux efforts déployés pour rendre
plus efficaces les services fiscaux, était
nécessaire et justifiée, elle risque de peser à
court terme sur les perspectives de croissan-
ce de l’économie et sur la pauvreté [7]. En
revanche, ces mesures pourraient ne pas
avoir l’effet positif significatif escompté sur la
crédibilité de l’engagement du gouvernement
à mener une politique budgétaire saine
visant à se désendetter qui est incluse dans
le protocole d’aide du Club de Paris. Les
conséquences à terme sur la confiance des
agents et sur leurs investissements, donc sur
la croissance et l’emploi pourraient donc être
peu favorables. L’extension de l’assiette ou
l’introduction d’impôts nouveaux est, en
effet, une stratégie qui va rapidement
atteindre ses limites si les dépenses ne sont
pas contenues strictement, d’une part et,
d’autre part l’effort d’assainissement ne peut
reposer entièrement sur les agents privés.
Les tensions qui existaient entre le Président,
Monsieur Lahoud, et son Premier Ministre,
Monsieur Hariri, ont empêché la mise en
place de certaines mesures de politique éco-
nomique et de gestion de la dette. À cela
s’ajoutent la montée des partis intégristes au
moment des élections de mai et les tensions
sociales dues à la hausse des prix du pétro-
le. La situation n’est donc pas pour rassurer
les investisseurs. Alors qu’il avait rapidement
augmenté après la guerre, passant de 17,8%
en 1990 à 35,8% en 1995, le taux d’investis-
sement n’a pas cessé de baisser depuis lors.
Il se situe, en 2003, à 16,7% du PIB. Les
entrées d’IDE sont structurellement faibles,
avoisinant les 358 millions de dollars US, ce
qui place le pays au niveau de la Jordanie
(379 millions) mais très loin derrière les per-
formances sur la longue période des autres
PM (tableau 1).
La croissance reste lente et insuffisante pour
absorber les nouveaux entrants sur le mar-
ché du travail. L’effet d’éviction induit par les
besoins de fonds du gouvernement et le
Tableau 1 : Entrées d’IDE
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Algérie* 12 10 -59 18 5 4 7 5 6 6
Egypte 734 253 459 493 1 256 596 637 888 1 076 1 065 1 235 510 647 237
Israël 101 350 539 429 432 1 337 1 382 1 622 1 887 3 111 5 011 3 549 1 721 3 745
Jordanie 38 -12 41 -34 3 13 16 361 310 158 787 100 56 379Liban 200 250 298 249 257 358
Maroc 165 317 423 491 551 335 357 1 079 417 850 215 2 825 481 2 279
Syrie 71 62 67 176 251 100 89 80 82 263 270 110 115 150
Tunisie 76 125 526 562 566 378 351 366 668 368 779 486 821 584
Turquie 684 810 844 636 608 885 722 805 940 783 982 3 266 1 038 575
Pays Partenaires de Méditerranée 2 051 2 078 3 060 2 840 3 685 3 649 3 558 5 208 5 585 6 854 9 583 11 095 5 136 8 307
Total Monde 211 425 158 936 175 841 219 421 255 988 331 068 384 910 477 918 690 905 1 086 750 1 387 953 817 574 678 751 559 576
Pays en développement 34 689 41 696 51 108 78 813 104 920 113 338 91 502 193 224 194 055 231 880 252 459 219 721 157 612 172 033
Amérique Latine et Caraïbes 8 989 15 356 17 611 20 009 30 091 32 311 51 279 73 275 82 491 107 406 97 537 88 139 51 358 49 722
Europe centrale et de l'est 300 2 448 4 439 6 757 5 932 14 268 12 730 19 033 24 305 26 518 27 508 26 371 31 232 20 970
Asie du Sud et de l'Est (excl. Chine, incl. HK) 10 670 16 862 16 527 22 283 32 167 37 790 49226 54270 46673 68 796 101 968 55 350 33 583 43 410
Source : United Nations : World Investment Reports 1995 à 2004.
-184-
comportement prudent des banques, dont
l’activité est fortement contrainte par des
actifs constitués à 80% par des titres de
dette gouvernementale, ne peuvent que
peser sur le dynamisme de l’économie.
La dollarisation est un bon indicateur du
niveau de confiance que les agents ont dans
la valeur de la monnaie nationale à long
terme. En 2003, elle atteint 66,8%, ce qui
signifie que les agents placent leurs avoirs
dans une monnaie refuge et accumulent des
devises afin de pouvoir mener leurs activités
à l’international. Cette situation implique qu’il
est difficile pour les autorités de contrôler
l’inflation ou le niveau de croissance tout
comme l’activité des banques via les taux
d'intérêt et autres instruments frappant les
réserves ou les taux de refinancement.
Sur les plans de la stabilisation macroécono-
mique et de l’avancée des réformes, la situa-
tion du Liban se décline de la façon suivante :
(i) des bonnes performances de crois-
sance qui semblent durables mais au
prix d’un endettement externe croissant
Le Liban semble renouer avec la croissance.
En termes réels, celle-ci a baissé jusqu’en
2002, mais elle remonte en 2003 et, selon
les prévisions des experts, devrait se situer
dans une fourchette de 3-5% pour 2004 et
2005 [8] . L’indicateur de confiance est orien-
té à la hausse. Il a progressé de 10% par
mois en moyenne depuis le début de l’année
contre 6,5% l’an passé. Autre indice de la
croissance future, les ventes de ciment qui
sont en hausse depuis mars, bien qu’elles
aient perdu –8% au deuxième trimestre
2004, cette baisse fait suite à une hausse de
13,4% au dernier trimestre 2003 et de
35,7% au premier trimestre 2004 comparati-
vement à la même période l’année précéden-
te (figures 1 et 2). Ces indices d’une crois-
sance future positive et forte sont encore
confortés par la progression de 50,9% en
mars 2004 du nombre de permis de construi-
re accordés et par les flux de passagers qui
ont gagné 9% (dont arrivées, +15,1%).
Le pays semble souffrir moins d’une volatilité
importante du cycle économique que d’une
persistance des tendances passées, signe que
les anticipations des agents sont peu réac-
tives. Ainsi, autant pour le Maroc, la Syrie ou
l’Algérie, il est possible de perdre ou de
gagner 5 points de croissance d’une année sur
l’autre car ce sont des pays très exposés aux
aléas climatiques ou aux fluctuations des prix
du pétrole, autant pour le Liban la croissance
a perdu régulièrement 1 à 2 points de pour-
centage jusqu’en 2000. Les performances de
l’économie ne dépendent pas de phénomènes
exogènes sur lesquels les autorités n’ont pas
de prise. Elles proviennent, en grande partie,
des tensions politiques internes qui bloquent
les réformes ou limitent les marges de
Figure 1 : Indice de confiance
80
90
100
110
120
130
140
150
160
170
180
mar
s-93
sep-9
3
mar
s-94
sep-9
4
mar
s-95
sep-9
5
mar
s-96
sep-9
6
mar
s-97
sep-9
7
mar
s-98
sep-9
8
mar
s-99
sep-9
9
mar
s-00
sep-0
0
mar
s-01
sep-0
1
mar
s-02
sep-0
2
mar
s-03
sep-0
3
mar
s-04
indice
Indice de confiance
Source : Banque centrale du Liban.
Figure 2 : Ventes de ciment
0
50000
100000
150000
200000
250000
300000
350000
400000
déc-01
fév-
02
avr-02
juin-0
2
aoû-
02
oct-0
2
déc-02
fév-
03
avr-03
juin-0
3
aoû-
03
oct-0
3
déc-03
fév-
04
avr-04
juin-0
4
tonnes
Ventes de ciment
-185-
manœuvre concernant la restructuration de la
politique budgétaire, ou encore de l’orienta-
tion des aides internationales et de la gestion
de la dette. La capacité du pays à aplanir les
problèmes de gouvernance auxquels il fait
face régulièrement et à stabiliser ses relations
avec ses voisins détermine crucialement sur
sa croissance à long terme.
L’industrialisation du pays et sa reconstruc-
tion sont cependant rapides. Le secteur des
services, conformément aux ambitions du
pays, tient une place centrale dans l’écono-
mie. Celle du secteur agricole, relativement
faible, est du niveau de celle enregistrée en
Tunisie. Mais, ici, l’industrie, qui contribue à
20% du PIB, semble tournée essentiellement
vers la reconstruction eu égard à la place
relativement peu importante du secteur
manufacturier. Celui-ci ne représente que
47% du secteur industriel contre 55,2% au
Maroc, 54,6% en Egypte, 60,8% en Jordanie
ou en Turquie et 63,3% en Tunisie.
La comparaison des évolutions des parts des
différents secteurs dans le PIB depuis 1990
montre que la plupart des PM sont entrés
dans une phase de « tertiarisation » de leur
économie depuis 1995 et la déclaration de
Barcelone. Le secteur industriel, en cours de
restructuration et de privatisation, ne pouvait
plus jouer le rôle moteur. En revanche, l’in-
sertion croissante dans les échanges interna-
tionaux devait favoriser une montée de la
part de secteur manufacturier dont la com-
pétitivité augmentait. C’est effectivement ce
que l’on observe pour la plupart des PM sur
la période 1990-2003. Cependant, le secteur
manufacturier a parfois reculé (Liban, Maroc,
Turquie) et, comme prévu, les pays qui réus-
sissent le mieux leur transition sont ceux qui
ont su préserver ou accroître la part du sec-
teur manufacturier tout en jouant l’ouverture
(Jordanie, Tunisie).
Cette typologie des « bonnes expériences »
(tableau 2) montre que le Liban est particu-
lier car le pays a pris du retard dans les
réformes et n’a pas pu préserver ni le sec-
teur manufacturier, ni l’industrie, alors même
que sa position externe est fragile puisque la
valeur des exportations de biens ne repré-
sente que 0,4% de celle des importations,
nourries par les besoins de la « mise à
niveau » et de la reconstruction. Cette struc-
turation du PIB reflète certainement aussi la
volonté du pays de redevenir un centre
financier majeur de la zone, mais reste à
savoir pendant combien de temps encore la
situation sera tenable. L’économie dans son
ensemble s’endette de plus en plus vis-à-vis
du reste du monde.
Le déficit du compte courant participe à cet
endettement. Il s’est creusé en 2003 de
16,1%, passant de –2,5 à –2,9 billions de dol-
lars US, soit de 14,5% à 15,9% du PIB. Le
problème est que l’effort d’ajustement via
une réduction des imports impliquerait certai-
nement une profonde récession et des retards
dans la « mise à niveau ». Reste donc à déve-
lopper les exports qui tireront la croissance. Tableau 2 : Part dans la valeur-ajoutée en %
1990 1995 2003 1990 1995 2003 1990 1995 2003 1990 1995 2003Algérie 11,4 10,5 10,2 48,2 50,4 55,1 11,4 11,5 7,0 40,5 39,1 34,7Egypte 19,4 16,8 16,1 28,7 32,3 34,6 17,8 17,4 18,9 52,0 50,9 49,2Jordanie 8,1 4,3 2,2 28,1 28,9 26,0 14,9 15,1 15,8 63,8 66,8 71,8Liban .. 12,6 12,2 .. 26,9 20,0 .. 11,4 9,4 .. 60,5 67,7
Maroc 17,7 14,6 18,3 32,4 33,0 29,7 18,4 18,4 16,4 49,9 52,4 52,0Syrie 28,3 28,2 23,5 24,2 18,1 28,6 20,4 13,8 25,5 47,6 53,7 48,0Tunisie 15,7 11,4 12,1 29,8 29,0 28,1 16,9 18,8 17,8 54,5 59,6 59,8Turquie 18,3 16,4 13,4 29,8 30,0 21,9 19,5 20,6 13,3 51,9 53,5 64,7
Pays à revenu moyen à bas 16,5 13,9 .. 37,6 36,3 .. .. 22,7 .. 45,9 49,8 ..MENA 14,5 13,6 .. 38,1 38,7 .. 12,6 13,4 .. 47,3 47,7 ..Pays à revenu moyen 14,2 11,5 .. 39,0 37,4 .. .. 23,7 .. 46,8 51,1 ..Monde 5,4 4,5 .. 34,3 31,5 .. 22,2 21,3 .. 60,3 63,9 ..
Industrie dont Manufacturier ServicesAgriculture
Source : World Bank, WDI 2004 et WDI online.
-186-
Le taux de croissance des exports est en fait
extrêmement élevé. Il est de 45,8% sur
l’année 2003 avec une accélération en fin
d’année : 109,8% en décembre 2003, et
78,3% en mars 2004. En revanche, les
imports progressent moins vite, 11,2% en
2003 et 27% en mars 2004. La dépréciation,
depuis 2001, du taux de change effectif réel
montre que la compétitivité externe du Liban
se renforce. Le ratio de couverture s’est
donc amélioré passant de 16% en décembre
2002 à 20% en décembre 2003 mais le défi-
cit du compte commercial s’est approfondi
de 5,5% depuis 2002.
Par ailleurs, les fluctuations de la parité
euro-dollar US ont contribué à accroître les
besoins de financement du pays. La mon-
naie libanaise est, en effet, ancrée au dollar,
donc elle s’est dépréciée par rapport à l’eu-
ro en même temps que le dollar donc les
imports provenant de l’Union Européenne
(32%) se sont renchéries, tandis que les
exports vers l’Union (43%) ont profité d’une
compétitivité plus forte. Il est peu probable
que l’élasticité-prix de la demande d’exports
libanaise ait été suffisamment élevée pour
accroître les volumes exportés de manière à
compenser, sur une aussi courte période, la
hausse de la facture due à une demande
d’imports qui réagit généralement avec
retard à une variation de prix. Mais, selon le
FMI, en 2004, la vigoureuse hausse de la
demande de produits libanais devrait com-
penser l’impact sur le compte courant de la
montée du prix du pétrole.
Au final, les aides internationales et les
entrées de capitaux privés permettent de
couvrir les besoins de financement du pays
mais cette situation le rend extrêmement
vulnérable, en particulier à un retournement
de la confiance des investisseurs. Ainsi la
balance des paiements présente un surplus
de 3,386 millions de dollars US contre un
surplus de 1,564 millions en 2002 et un défi-
cit de –1,1689 millions en 2001. Cependant,
la dette externe continue de s’alourdir et
s’élève à 20,8 billions de dollars US en 2003
contre 19,7 billions en 2002. Par ailleurs, les
taux d'intérêt domestiques n’ont pas suivi
ceux d’autres pays et l’attractivité du Liban
s’effrite. Les incertitudes sont donc fortes
surtout depuis que la France et les Etats-Unis
ont demandé l’adoption au Conseil de
Sécurité de l’ONU d’une résolution visant à
imposer le respect « de la souveraineté, de
l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indé-
pendance politique du Liban ». Il est donc
essentiel pour les autorités de dynamiser l’in-
vestissement qui reste un des plus faibles
des PM, de même que les IDE.
(ii) la politique monétaire devrait voir
son efficacité s’accroître si la réforme
envisagée est entreprise réellement
La création monétaire enregistre une pro-
gression relativement rapide au Liban
(+13,2% contre +7,3% en 2002), nourrie
par les mêmes facteurs qu’en 2002, à savoir
les entrées de capitaux étrangers qui ont
gonflé les disponibilités des banques et per-Figure 2 : Imports et exports par pays d’origine
Other Europe32%
European Union9%
Other countries17%
Arab countries42%
North America,Japan and China
17%
Other countries11%
Other Europe16%
Arab countries13%
European Union43%
Source : Banque centrale du Liban, Recent Economic developments, fourth quarter, 2003.
-187-
mis le financement du déficit budgétaire.
Selon les estimations de la banque centrale,
les premières auraient compté pour 73% de
la croissance monétaire et le second pour
35%. Les crédits au secteur privé, quant à
eux, ont régressé de 0,8% alors que les
dépôts augmentaient de 11%. L’inflation est
néanmoins sous contrôle à 1,4% pour 2003.
Les agents semblent croire au redressement
de l’économie, à la consolidation des perfor-
mances du système bancaire via une restruc-
turation progressive de leurs actifs et aux
effets positifs de la politique d’amélioration
de la supervision dans le cadre des accords
de Basle II. Ce dernier processus doit débou-
cher sur une plus grande transparence, une
gestion des risques plus efficace et une
meilleure gouvernance. Cela apparaît au tra-
vers de deux indicateurs : le taux de dollari-
sation et la demande de titres du Trésor.
Le taux de dollarisation s’est, en effet, nette-
ment réduit sur les deux dernières années
puisqu’il est passé de 72,5% en 2001 à
66,2% en décembre 2003 [9] . La part de la
monnaie domestique dans l’agrégat M3
atteint aujourd’hui 35,8% contre 40,5% l’an
passé. La croissance relativement forte de M4
(de 8,78% en décembre 2003 contre 5,46%
en décembre 2001) reflète l’engouement
pour les bonds du Trésor libellés en livre liba-
naise, résultat d’une gestion active de la
dette qui a permis de restaurer les capacités
de remboursement du gouvernement.
En 2003, la baisse générale des taux d'inté-
rêt se poursuit. Depuis novembre 2002, les
ventes de bons du Trésor ont engendré une
réduction de presque 50% des taux d'intérêt
sur ces actifs quel que soit le terme [10]. La
banque centrale a abaissé modestement ses
taux directeurs et les taux sur les certificats
de dépôts à 45 jours ont perdu 235 points de
base (6,75% en 2002, 4,4% en 2003, pour le
mois de décembre) et ceux à 60 jours, 261
points de base (4,89% en décembre 2003).
Cette baisse des taux d'intérêt s’est transmi-
se au secteur bancaire. Les taux d'intérêt
préteurs ont chuté de 16,10% à 11,32% sur
les prêts en monnaie domestique et de
9,62% à 8,81% sur ceux en dollars entre
2002 et 2003. Les taux sur les dépôts ont
suivi, régressant de 9,83% à 7,79% pour
ceux en monnaie domestique, et de 4% à
3,43% pour ceux en dollars.
Cette orientation des taux permet d’impulser
un cercle vertueux de financement de la
dette. Les taux d'intérêt sur les bonds du
Trésor sont bas mais cela contribue à renfor-
cer la solvabilité du pays, ce qui abaisse le
risque attaché à ces titres et attire de nou-
veaux capitaux. Cependant, dans la mesure
où le taux de change est fixe, il convient de
préserver l’équilibre entre l’attractivité relati-
ve des titres libanais et ceux émis par
d’autres économies émergentes et frappés
d’un niveau de risque similaire. Récemment,
les sorties de capitaux se sont accélérées et
les autorités devront surveiller l’évolution des
taux d'intérêt. D’un autre côté, un loyer de
l’argent inférieur peut stimuler l’investisse-
ment. L’arbitrage est délicat. Les autorités
ont également projeté de développer les
marchés de capitaux afin de diversifier les
sources de financement et de limiter les
risques supportés par chaque agent du sys-
tème financier.
(iii) une politique budgétaire restrictive
mais insuffisamment pour enrayer l’en-
dettement
Le déficit budgétaire représente, en 2003,
14,5% du PIB soit 3,4 à 4,5 points de pour-
centage de plus que le déficit ciblé initiale-
ment (10-11,5%). Le stock de dette
publique est de 174% du PIB et le service de
la dette absorbe 78,4% des recettes budgé-
-188-
taires. Cette situation débouche sur un défi-
cit budgétaire chronique qui nécessite d’em-
prunter pour payer le service de la dette
sans pouvoir réduire son stock. Le Liban est
donc pris depuis quelques années dans une
spirale d’endettement dont il a des difficultés
à s’extraire.
Fin 2002, le pays est parvenu à convaincre
certains pays et principalement ceux du Golfe
et l’Europe de l’aider à échapper à la crise
financière qui se profilait. L’accord obtenu lors
de la Conférence de Paris II portait sur 4,4 mil-
liards de dollars dont 3,1 milliards devaient
servir à racheter la dette la plus onéreuse et à
abaisser le stock de dette, et 1,3 milliards à
constituer un fonds de financement de projets
socio-économiques. Les taux d'intérêt sont
faibles à 5% et la maturité est à 15 ans avec
une période de grâce de 5 ans. Jusqu’ici, seuls
2,4 milliards ont été débloqués.
En parallèle, des négociations ont été
menées avec la banque centrale du Liban qui
a proposé un soutien financier de l’ordre de
4,1 milliards de dollars US qui se déclinait en
1,8 milliards de livres libanaises de dette en
bonds du Trésor annulés en puisant dans les
réserves, 1,9 milliards de dollars US en
bonds du Trésor échangés contre des
Eurobonds assortis d’une maturité plus
longue, soit 15 ans et d’un taux d'intérêt de
4%, enfin le rééchelonnement de 0,4 mil-
liards dus au titre du remboursement du
principal et d’intérêts de la dette sur 5 ans,
au taux de 4%. De plus, les banques com-
merciales, auxquelles le gouvernement a
demandé de souscrire à des Eurobonds ou à
des bonds du Trésor à hauteur de 10% de
leurs dépôts en toutes monnaies, ont mis à
sa disposition 3,6 milliards de dollars US,
pour une durée de 2 ans et sans intérêt. Le
montant total de l’aide représentait alors
32% du stock total de dette. D’autres avan-
tages ont également été accordés, en termes
d’allongement de la maturité et de coût de la
dette notamment, de sorte que le coût total
de la dette est passé de 11,97% à la fin
novembre 2002 à 8,5% à la fin octobre 2003
et la part de la dette détenue par le marché
se monte à 61% contre 79% antérieurement.
Ces mesures ont considérablement consolidé
la position du pays, les taux d'intérêt sur ces
titres ont baissé et leur demande a rapide-
ment augmenté.
Mais, en contrepartie, les autorités se sont
engagées à mener une réforme de la politique
fiscale et à contrôler les dépenses courantes
et d’investissement, qui devaient se limiter
aux projets urgents ou co-financés par des
investisseurs étrangers. L’objectif final était
de dégager un excédent primaire permettant
de se désendetter sans avoir à recourir systé-
matiquement à l’aide internationale et natio-
nale. L’autre volet de la stratégie d’assainis-
sement budgétaire consistait à engager un
processus de privatisation dont les revenus
devaient contribuer à réduire la dette. La sta-
bilisation macroéconomique, la croissance et
le développement du secteur privé restaient
des objectifs prioritaires de la politique éco-
nomique globale en tant que déterminants du
niveau futur des recettes budgétaires.
Les réformes ont été très lentes en raison
des tensions politiques induites par les élec-
tions. Les dépenses globales ont augmenté
de 4,5% dépassant les prévisions de 12,7%.
Bien qu’elles aient été inférieures de 14,4% à
celles budgétées, les dépenses générales ont
augmenté de 1,8% en 2003. Les promesses
de coupes dans les dépenses hors dette n’ont
donc pas été suivies d’effets. De plus, les
paiements d’intérêts ont gagné 5,45% en
2003 et surpassent les prévisions budgé-
taires de 21,9% car les opérations de priva-
tisation dont les recettes devaient être affec-
tées à la réduction de la dette n’ont pas eu
lieu. Le coût du personnel qui est de 34,9%
-189-
des dépenses courantes demeure très
contraignant. Les dépenses d’investissement,
principalement pour de nouvelles construc-
tions, sont donc réduites à leur portion
congrue : 7% des dépenses totales.
Autre problème, les autorités tablaient sur une
progression des recettes budgétaires de 4%
plus forte que celle réalisée qui s’élève tout de
même à +15,2%. Les revenus générés par la
TVA se sont fortement accrus, prenant 37%
mais ne représentent encore que 30% des
revenus des taxes. Une nouvelle taxe de 5% a
été introduite sur les intérêts perçus.
Le déficit primaire est donc orienté favora-
blement et se monte à 10,592 milliards de
livres soit 12,7% supérieur à ce qui était
prévu initialement mais le déficit total dépas-
se de 56% la cible de la loi de budget pour
2003, même s’il recule de 8,25% par rapport
à 2002. Il faut cependant noter que les
recettes couvrent 70,6% des dépenses en
2003 contre 63,6% l’an passé et que le solde
primaire représente 29,4% des dépenses
contre 36,4% en 2002 soit 3,5% du PIB
(1,2% en 2002). Le pays a donc les capaci-
tés et les marges de manœuvre nécessaires
pour modifier sensiblement sa position bud-
gétaire. Les progrès effectués en 2003, mal-
gré les nombreux obstacles autant écono-
miques que politiques, le prouvent. Reste à
voir comment la situation politique va évo-
luer et favoriser l’émergence ou pas d’un
consensus fort sur la politique qu’il convient
de mener. En attendant un éclaircissement
de la situation, pour 2004, les autorités ne
prévoient pas de réduire les dépenses étant
donné les coupes faites sur les deux der-
nières années, la hausse des prix du pétrole,
sa volonté de préserver le pouvoir d’achat de
son personnel et de la population en général
et la qualité des services publics offerts et les
projets d’investissement entamés. Dans la
mesure où une stagnation des revenus est
anticipée, le déficit ne devrait pas s’amenui-
ser. La restructuration du secteur public
visant une amélioration de son efficacité et
de sa productivité est donc suspendue, et la
première des causes invoquée est l’instabili-
té politique de la région, mais son urgence et
sa nécessité sont soulignés. Il est dommage
que les tensions actuelles internationales
certes, mais également internes, ruinent par-
tiellement les effets extrêmement bénéfiques
qu’a eue la Conférence de Paris II. Un précé-
dent existe maintenant qui montre que sous
la pression comme avec une pression
moindre les autorités ne sont pas capables
de protéger avant tout l’intérêt supérieur du
pays et de sa population et de travailler à la
reconstruction d’une Nation. Cela pèsera sur
la croissance potentielle future et le crédibili-
té de la politique budgétaire.
(iv) amélioration de la gouvernance : le
salut vient-il de la société civile ?
En 2003, le Liban a connu son lot de scan-
dales et « affaires ». Le pays jusque récem-
ment était classé par le Groupe d’Action
Financière sur le Blanchiment des Capitaux
(GAFI) comme non coopératif dans la lutte
contre le blanchiment d’argent. En 2001, une
Commission d’enquête spéciale (SCI) a été
créée pour marquer la volonté des autorités
de briser avec les pratiques passées, mais
ses travaux ayant toujours été tenus secrets,
les effets positifs attendus sur l’image du
pays ont été faibles. D’autant que, en 2003,
bien que certains dirigeants de la banque Al-
Madina aient été convaincus de détourne-
ments de fonds et de pratiques frauduleuses,
aucun d’eux n’a été véritablement inquiété
par la Commission.
Ont suivi les accusations de détournements
de fonds public contre l’ancien Ministre de
l’Agriculture Ali Abdullah qui, après son limo-
geage du gouvernement en avril 2003, a été
-190-
mis en accusation par son successeur alors
que la justice est restée muette malgré les
preuves existantes. L’absence d’une loi sur le
financement des partis politiques au Liban a
donné lieu à de nombreuses dérives bien
illustrées par les élections partielles au Mont
Liban où Myrna Murr a bénéficié d’un soutien
illimité de sa famille. Parce que les chaînes
de télévision appartiennent à des hommes
politiques, ceux-ci s’en servent impunément
pour promouvoir leur image durant les cam-
pagnes électorales en violation flagrante de
la loi électorale ce qui amène les populations
à questionner l’indépendance de la justice
(Transparency International, 2004). Tout
récemment, les tractations qui ont été
menées pour modifier la Constitution afin de
permettre au Président Emile Lahoud de pro-
longer son mandat de trois ans alors que,
selon la loi, il ne pouvait pas se représenter
aux élections prévues en novembre et la
démission du Premier ministre Hariri ont sou-
ligné l’absence d’indépendance du pays vis-
à-vis de son voisin syrien et son incapacité à
faire ses propres choix, par exemple à réfor-
mer son économie et son service public, etc.
Plus encourageant, face à l’absence de réfor-
me du secteur bancaire et pour répondre aux
inquiétudes croissantes quant à la corruption
au sein des entreprises, une initiative privée,
menée par le Rassemblement des Dirigeants
et Chefs d’Entreprise (RDCL) vise a améliorer
la gouvernance en termes de transparence
des transactions, de diffusion et de fournitu-
re d’informations fiables et de respect des
contrats et engagements, au sein des
membres du RDCL et entre les signataires du
Code d’éthique des affaires. Souvent, c’est
en l’absence d’une législation ou d’institu-
tions efficientes que l’importance de l’intégri-
té morale et de la parole donnée deviennent
des notions extrêmement contraignantes,
assurant le bon déroulement des opérations
et évitant que naissent des conflits. Mais
cette opération va beaucoup plus loin puis-
qu’il s’agit de signer un « pacte », de prendre
un engagement formel, de construire un
réseau qui pallierait à l’absence d’un organis-
me de supervision et de contrôle. Le
Rassemblement des Dirigeant et Chefs
d’Entreprises Libanais (RDCL) avec des asso-
ciations d’entrepreneurs pourraient créer une
autorité de régulation chargée de vérifier le
respect du Code de l’éthique des affaires afin
de renforcer encore l’influence positive qu’il
peut avoir et faciliter l’adaptation des com-
portements individuels. Ce projet est inspiré
de l’expérience des banques libanaises au
moment où elles ont dû prendre en compte
les exigences de nouvelles lois (Saïdi, 2004).
Le Liban manque cruellement d’organismes
de supervision de l’activité bancaire, un sys-
tème de collecte, de centralisation, de vérifi-
cation et de diffusion d’informations concer-
nant les agents, à l’intention des banques
mais également du public. Ces structures
permettraient dans une certaine mesure de
sécuriser les transactions, de prévenir les
désaccords et le recours à la justice, de limi-
ter les risques que les banques encourent et
les primes qu’elles appliquent. Le Code
d’éthique des affaires répond à ces besoins et
si les banques s’appuient sur celui-ci et si
cette instance de supervision privée est
effectivement créée, ce pourrait être un
moyen de faciliter l’accès au crédit, de dyna-
miser la croissance et la création d’emplois.
Ce type d’initiative est à encourager puisque,
alors que le pays est en pleine reconstruc-
tion, le chômage touche quelques 10% de la
population active, sans compter les sous-
employés, ceux qui, découragés, sont sortis
du marché de l’emploi formel, etc. La réfor-
me bancaire qui était un des engagements
associés à l’accord de Paris est suspendue et
ce sont les agents privés qui ont décidé de
prendre le relais. L’intérêt majeur de cette
initiative est qu’elle émane des entrepre-
-191-
neurs eux-mêmes qui affichent ainsi leur
désir que soient enfin réalisées les réformes
promises et trop longtemps retardées. Si ce
type d’expérience se multiplie et porte ses
fruits, il serait pertinent pour des administra-
tions, telles que des municipalités en mal de
crédibilité anti-corruption, par exemple, de
s’engager aux côtés de la société civile. Alors
il serait peut-être possible d’éviter l’écueil
des réformes menées à l’échelon supérieur,
mais peu suivies aux niveaux inférieurs, et
qui explique le maigre taux de retour sur les
réformes en termes de croissance, observé
dans la zone.
-193-
Maroc
L’économie marocaine est caractérisée par
une croissance économique fortement heur-
tée et largement déterminée par des chocs
exogènes internes (sècheresses) autant
qu’externes (ralentissement de la croissance
européenne). Depuis la mise ne place du
plan d’ajustement structurel (PAS) en 1985,
le cycle économique n’a pas significativement
bénéficié des effets des réformes et de la
libéralisation en termes de lissage du cycle
économique ou de niveau de croissance.
Les secteurs des transports et communica-
tions, du BTP ou du commerce sont les seuls
à avoir enregistré une croissance significati-
vement différente sur la période 1996-2002
comparativement à 1980-1990. L’évolution
du secteur des industries manufacturières
est également encourageant car il a retrouvé
des niveaux de croissance en 1996-2002
identiques à ceux de 1980-1990 ce qui
indique que le choc de la restructuration a
maintenant été absorbé. Le secteur agricole
représente encore 16% de la valeur ajoutée
(contre 22,6% pour 1980-1990) mais ses
impacts indirects sur les performances glo-
bales de l’économie semblent s’atténuer
puisque, bien que très inégales, elles n’ont
que peu affecté la croissance sectorielle
obtenue une décennie auparavant.
Le décollage économique au Maroc est donc
très lent à se manifester or ce pays doit faire
face à des contraintes d’approfondissement
de la pauvreté et d’insuffisance de la création
d’emplois très lourdes d’autant que la pres-
sion démographique et l’arrivée de nombreux
jeunes sur le marché du travail annuellement
ne vont pas s’alléger dans l’immédiat. Le
taux de croissance annuel minimal à
atteindre pour stabiliser le chômage (autour
de 6%) n’est que rarement obtenu et, sur la
dernière décennie, souvent à cause de chocs
internes et externes contre lesquels les auto-
rités sont impuissantes.
Le pays a fait le pari de l’ouverture écono-
mique et de l’insertion internationale cepen-
dant, ses termes de l’échange se sont dété-
riorés dans la première moitié des années
1990 puis le prix des exports a certes baissé
mais moins vite que le prix des imports et la
perte de compétitivité s’est poursuivie.
L’inflation est maintenant sous contrôle, sauf
choc important. Les politiques macroécono-
miques visent la stabilisation économique
mais ont parfois été coûteuses en termes de
croissance du fait des mauvais alignements
du taux de change réel que cela a occasion-
né. Une surévaluation passagère de la mon-
naie a été un deuxième facteur qui a pesé sur
la compétitivité et a entraîné une détériora-
tion des comptes externes. Les autorités
marocaines ont besoin de trouver des
sources de financement externes afin d’allé-
ger le poids de la dette interne sur l’écono-
mie domestique et d’améliorer la profondeur
et la liquidité des marchés financiers domes-
tiques, notamment. La gestion de la dette est
très active, basée sur le rachat des titres les
plus onéreux, la négociation de nouveaux
prêts à des conditions intéressantes et une
préférence marquée pour la substitution de
la dette externe par de la dette interne afin
de s’affranchir des effets de la volatilité des
monnaies internationales. Cette stratégie a
permis de réduire son impact sur le budget,
mais entrave le développement du secteur
privé. Il serait peut-être bon de revoir le régi-
me de change actuel pour le rendre plus
flexible, tout comme l’envisage la Tunisie.
Relayer cet assouplissement du régime cam-
biaire par des mesures de nature à rendre les
ajustements de prix et de salaire plus
flexibles pourrait favoriser une réallocation
-194-
des ressources vers les activités tournées
vers l’export. Par ailleurs, la mobilité inter-
sectorielle et internationale des travailleurs
est déterminante aussi bien en termes d’évo-
lution des salaires et de compétitivité que de
chômage et de niveau de pauvreté.
Après avoir exposé la situation macroécono-
mique en 2003, un point sera fait sur la
structure et le mode de fonctionnement du
marché du travail marocain afin d’évaluer sa
flexibilité et dans quelle mesure cela peut
contribuer à obtenir les gains de productivité
nécessaires pour préserver la compétitivité
externe dans un contexte de poursuite de la
« mise à niveau ».
(i) la demande publique reste au cœur
de la croissance
En 2003, la croissance du PIB doit beaucoup à
une bonne campagne céréalière. La progres-
sion du secteur non agricole en termes
constants reste satisfaisante à un niveau de
3,1% (2,8% en 2002, 3,6% en 2000 et
2001). Les secteurs dont les performances
ont été les meilleures, hormis le secteur agri-
cole, sont le BTP (4,2%), suivi du commerce
(3,8%), des industries manufacturières
(3,4%) et en particulier des matériaux de
construction (8,4%), de la métallurgie de
base (9%) et de l’agroalimentaire (5,1%), et
enfin des transports et communications (3%).
La croissance est nourrie (i) par l’investisse-
ment qui transparaît dans les importations de
biens d’équipement (14,1%), et répond au
dynamisme du secteur du BTP et au lance-
ment d’une politique de grands travaux (loge-
ments sociaux, programme autoroutier, etc.)
et par (ii) la consommation publique à la suite
de la revalorisation salariale dans ce secteur.
L’indice de la production industrielle a cru de
3,4% en 2003, tiré principalement par les
industries agroalimentaires (5,1% en 2003
contre 1,8% en 2002), métallurgique, méca-
niques, électrique et électronique (3,4%
contre –1,3%) et de la chimie et parachimie
(5,4%). Le secteur clé du textile connaît des
difficultés profondes et le gouvernement et
les professionnels se sont rencontrés pour y
pallier. Cela a pris la forme d’aides à l’inves-
tissement (34% des projets d’investissement
industriels pour 2003 se concentrent dans ce
secteur) et à la restructuration financière du
secteur, à la réalisation de progrès tech-
niques visant à accroître la compétitivité.
Figure 1 : Décomposition du PIB
0,5
2,4
5,4 5,1
-2,5-3,4
3,8
2,3
5,46,7
11,7
6,25,2
3,7
10,2
7,9
-0,9
4,5
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
14
Produit IntérieurBrut
ConsommationPrivée
ConsommationPublique
Investissement fixe Exportations debiens et services
Importations debiens et services
1995-1998 2002 2003
Source : Banque centrale du Maroc.
-195-
Les exportations ont marqué un net recul
malgré un taux de change effectif réel du
dirham qui est resté stable en 2002 et s’est
légèrement déprécié en 2003 (-2%) en rai-
son du maintien d’un taux d’inflation à un
niveau bas. Deux facteurs expliquent ce
résultat négatif. En premier lieu, les difficul-
tés que connaît le secteur des céphalopodes
avec une production en repli de 52,4% en
volume qui explique celui des exportations
qui perdent 37,3% en volume et 31,4% en
valeur. Dans le cadre de la politique de ges-
tion de la ressource poulpière, le Ministère de
la Pêche Maritime a étendu la période de
repos biologique jusqu’au mois d’avril pour
2004. En second lieu, l’incendie de la SAMIR
en novembre 2002 a entraîné une forte chute
de la production et les exportations de pro-
duits énergétiques ont chuté de 64,8%.
Le secteur du tourisme qui contribue crucia-
lement à l’équilibrage de la balance courante
a été rudement touché par les évènements
politiques intervenus depuis 2001 mais en
2003 la tendance au recul semble s’inverser.
Les arrivées de touristes se sont stabilisées
comparativement à 2002 (0,1%) bien que les
nuitées aient encore baissé (-1,3%).
Cependant, comparativement aux chiffres
pour mai 2003, en 2004, les arrivées de tou-
ristes ont progressé de 22% et les nuitées de
13,2%. Au total, les recettes voyages ont crû
de 0,6% en 2003 et, en mai 2004, de 5%.
Autre poste important de cette balance, les
rapatriements des fonds des travailleurs ne
faiblissent pas (4,8% au terme des 5 pre-
miers mois de 2004).
Les importations attestent du dynamisme de
l’économie puisque ce sont les biens d’équi-
pement (14,1%) et les demi-produits (8,4%)
qui progressent le plus rapidement. Au terme
des 5 premiers mois de l’année 2004, ces
tendances des imports et des exports se
confirment avec une évolution des premières
de 13,8% et des secondes de 4,7% dues à
celle des prix pétroliers et céréaliers.
(ii) la dette interne progresse et pèse
sur le développement du secteur privé
Pour l’année 2003, le déficit budgétaire s’éta-
blirait à 3,5% du PIB mais à 5% hors recettes
de privatisation alors que la loi de finances
prévoyait un déficit à 5,9%. Ce bon résultat
recouvrirait une amélioration des recettes
fiscales que ce soit les impôts directs (10%),
la TVA (8,9%) ou les recettes d’enregistre-
ment et timbre (6%). A contrario, les
recettes au titre des droits de douane conti-
nuent de régresser (-12,8%). Avec l’entrée
en vigueur en 2003 des réductions tarifaires
pour une troisième liste de produits, les
achats en provenance d’Europe, concernés
par le démantèlement tarifaire, ont augmen-
té de 47,5% et plus spécialement les biens
d’équipement industriels (20,2%), les demi-
produits (61,5%) et les biens de consomma-
tion qui ont doublé. Le manque à gagner
estimé s’élèverait à 2,3 milliards de dirhams
contre 1,5 milliards en 2002.
Si des efforts conséquents ont été entrepris
afin de réduire l’endettement global dont la
charge d’intérêt est passée de 4,4% à 4% du
PIB et le montant de 71,4% à 68,2% du PIB
en 2003, la dette interne continue de s’alour-
dir (48,2% en 2002 contre 49,7% en 2003).
La politique de gestion active de la dette qui
fait appel à des technologies de pointe, des
modélisations sophistiquées et des person-
nels hautement qualifiés a permis de déga-
ger un gain de 40 millions de dollars suite au
rachat de titres de dette relativement oné-
reuse pour un montant de 400 millions d’eu-
ros empruntés sur les marchés internatio-
naux à des taux intéressants et dans des
conditions favorables (notamment il n’a pas
été demandé de caution ce qui prouve la
confiance que les marchés attribuent au
-196-
Maroc). Reste que l’arbitrage entre l’accrois-
sement de la dette interne qui évite de sup-
porter les coûts des fluctuations des taux de
change des devises et la ponction que cela
implique sur les disponibilités financières
domestiques devient un point extrêmement
sensible car les risques d’éviction du secteur
privé sont réels.
(iii) une politique monétaire en
recherche d’efficacité
La redéfinition de la politique monétaire en
faveur d’instruments basés sur des méca-
nismes de marché au Maroc est confrontée à
trois écueils : un comportement des orga-
nismes financiers non dicté par leurs besoins
de refinancement auprès de la banque cen-
trale, le sous-développement des marchés
financiers et la levée des fonds effectuée par
le gouvernement en vue de financer la dette
qui privilégie de plus en plus les marchés
domestiques. Les banques commerciales sont
en effet « hors banque » du fait de l’abon-
dance des liquidités suite aux opérations de
privatisation et aux entrées très importantes
de fonds des travailleurs émigrés ce qui peut
engendrer des tensions inflationnistes en
affaiblissant le contrôle exercé par la banque
centrale (Femise 2004b).
En 2003, cette situation s’est reproduite. La
forte augmentation des avoirs extérieurs liée
à la privatisation de la Régie des Tabacs (14
milliards de dirhams dont 11 en devises) et la
vigueur des rapatriements des fonds des tra-
vailleurs émigrés, qui ne se dément pas, ont
créé un excédent de liquidités. La banque
centrale est intervenue sur plusieurs plans :
(i) elle n’a pas modifié les taux d'intérêt
directeurs qui avaient été réduits de 100
points de base en 2002 (3,25%) afin d’en-
courager l’investissement, dont le coût reste
raisonnable, et l’épargne ; (ii) le marché
étant devenu « hors banque » en juillet, elle
a relevé le ratio de la réserve monétaire qui
est passé de 14% à 16,5% en septembre
après une hausse de 10% à 14% en
décembre 2002 et la rémunération de ces
avoirs a été augmentée de 0,5% à 0,75% ;
(iii) une partie des recettes générées par la
privatisation de la Régie des Tabacs a été
affectée au Fonds Hassan II pour le dévelop-
pement économique et social. Reste que M3
a progressé de 8,7% et M1 de 9,6% alors
que les objectifs fixés étaient de 7,5% et
8,5% respectivement. Le manque d’efficacité
des instruments de la banque centrale se
confirme dans un contexte de renforcement
des avoirs extérieurs nets (15,1%) et des
crédits à l’économie (8,7%).
Face à la persistance de la surliquidité, la
banque centrale a mis en place deux nou-
veaux instruments d’intervention qui lui per-
mettent de régler plus finement son action :
une facilité de dépôt permanente à 24 heures
rémunérée au taux de 2,25%, placement
volontaire et libre des excédents des
banques en fin de journée, et la reprise de
liquidités à 7 jours qui se fait par voie d’ap-
pels d’offres hebdomadaires à taux variables.
L’emploi de ces outils a été efficace et le taux
moyen pondéré du marché interbancaire est
resté dans la bande qui lui est assignée (limi-
te basse donnée par le taux des facilités de
dépôt à 24 heures qui est de 2,25%).
Néanmoins, l’inflation étant sous contrôle, ce
dérapage récurrent des agrégats monétaires
n’est pas inquiétant en soi, il le devient
quand on analyse la structure des crédits dis-
tribués. Ainsi, si les crédits accordés aux
entreprises et aux particuliers ont augmenté
de 7,9%, près de la moitié de ces crédits a
été attribuée à un nombre très limité d’opé-
rateurs, l’autre moitié aux ménages.
Le fort degré d’exposition des banques, issu de
la concentration de leurs activités sur un petit
-197-
nombre de clients privilégiés, perdure malgré
l’expérience passée. Le financement des PME
par le secteur bancaire reste très insatisfai-
sant. La baisse des taux d'intérêt n’est pas
répercutée auprès de ces acteurs essentiels de
la « mise à niveau » et de l’aveu même des
banques cela est le résultat d’une évaluation
des risques qui leur est particulièrement défa-
vorable. La banque centrale cherche donc à
améliorer l’environnement judiciaire et fiscal
des entreprises et l’information financière. Un
effort est indispensable quant à la transparen-
ce et à la qualité des informations concernant
la situation des petites entreprises domes-
tiques, mais il convient avant tout de trouver
des moyens d’inciter les banques à redéployer
leurs activités. De nouvelles avancées dans le
domaine de l’ouverture du secteur bancaire
aux opérateurs étrangers aideraient à dynami-
ser la concurrence et à faire évoluer les com-
portements.
De ce point de vue, une meilleure convertibili-
té du compte de capital permettrait (i) d’atti-
rer des nouveaux intervenants sur les mar-
chés de capitaux domestiques et de limiter la
disponibilité pour les banques de titres d’Etat
dont les rendements sont parfois relativement
faibles mais sûrs ce qui les encourage à rester
crisper sur leurs positions passées, (ii) de faci-
liter, par la même occasion, le financement de
la dette interne qui est assez conséquente et
pourrait évincer le secteur privé si les sources
de financement ne sont pas multipliées, tout
en améliorant la liquidité et la profondeur des
marchés de capitaux et en limitant les risques
liés à leur développement, car plus le marché
est étroit, plus les risques de crise financière
et les chances de voir aboutir des opérations
de spéculation pure sont forts.
D’un autre côté, la stratégie des banques
impacte sur la consommation des ménages et
leur niveau d’endettement qui progressent
dans l’euphorie de la libéralisation de l’accès au
crédit pour cette catégorie de clients. Mais le
salaire réel est bas et ses perspectives de
croissance restent faibles, sauf pour un volant
de privilégiés (salariés du secteur public
notamment), puisque la maîtrise des salaires
est un élément clé de la compétitivité marocai-
ne. A long terme, cette situation risque (i)
d’accroître la fracture sociale du fait du carac-
tère fortement segmenté du marché du travail
marocain ; (ii) de peser sur les capacités de
consommation futures en alourdissant le taux
d’endettement des ménages alors que la
consommation privée a souvent été employée
pour lisser le cycle économique ; (iii) de peser
sur la compétitivité du fait de la faible flexibili-
té des salaires sur certains segments du mar-
ché du travail et de mettre en péril les équi-
libres macroéconomiques étant donné les dif-
férences de productivité des secteurs abrités et
exposés à la concurrence, le développement
rapide du secteur tertiaire et une boucle
salaires-prix impulsée largement par la hausse
du niveau de vie dans le secteur public.
La banque centrale mène donc plusieurs pro-
jets visant à sécuriser le financement des
PME. Une étude doit déboucher sur la mise
en place d’une Centrale des Bilans, équiva-
lent de la Centrale Information Client qui
concerne les particuliers. Elle aide les
banques à améliorer leur système d’évalua-
tion des risques en réduisant les éléments
subjectifs afin d’instaurer une tarification
plus juste. Elle implique les banques, mais
également les représentants des PME-PMI
dans le processus, ce qui aide à instaurer un
climat de confiance.
(iv) compétitivité et structure du mar-
ché du travail marocain : la flexibilité
doit être améliorée
La compétitivité-coûts de l’économie maro-
caine est progressivement entamée par l’ar-
rivée de nouveaux concurrents (Chine) ou
-198-
par l’impossibilité pour les autorités de
contenir plus longtemps les hausses sala-
riales. De ce point de vue, la structure, les
aspects institutionnels, et les évolutions
actuelles du marché du travail marocain pré-
sentent certaines rigidités qui sont domma-
geables à la croissance.
(i) le salariat dans le secteur public pèse sur
le mode de détermination des salaires dans
l’économie et est source de tensions infla-
tionnistes.
Ce n’est pas tant le nombre de travailleurs
du secteur public (9,8% de la population qui
travaille mais 18,5% en milieu urbain) qui
pose problème que la masse salariale que
cela représente. Il s’agit de 12,5% du PIB
en 2001 mais 16% si l’on ajoute les charges
sociales et les salaires versés aux fonction-
naires des collectivités locales et 46,9% des
dépenses globales de l’Etat en 2003. Le
recrutement des cadres explique l’alourdis-
sement de ce poste. Leur effectif a quasi-
ment doublé depuis 1990. Globalement, le
salaire brut annuel moyen a crû de 5,4%
par an entre 1990 et 2002 soit un peu plus
vite que le SMIG (5,1%), ce qui se traduit
par une hausse du pouvoir d’achat en
termes réels de 1,6% l’an. Les syndicats,
très puissants du fait des liens historiques
étroits qu’ils entretiennent avec les diri-
geants, ont obtenu des revalorisations sala-
riales conséquentes. Le problème est que
les salaires dans le secteur formel non
public sont largement influencés par les
salaires du secteur public et le niveau du
SMIG alors que ceux-ci et leurs hausses ne
tiennent que peu compte de la conjoncture
présente ou future.
Ces évolutions dans le secteur public ne peu-
vent que nourrir la consommation qui reste
un moteur puissant de la croissance écono-
mique marocaine mais avec la hausse des
niveaux de vie apparaît une demande crois-
sante pour les services, biens non-échan-
geables, qui entraîne à son tour des hausses
de salaires dans ces secteurs. Pourtant le
secteur public et celui des biens non-échan-
geables enregistrent d’habitude des niveaux
de productivité relativement plus faibles que
ceux obtenus dans le secteur des biens
échangeables ce qui, dans un contexte de
croissance de la demande et de revalorisa-
tion salariale est susceptible de créer des
pressions inflationnistes et d’affaiblir la com-
pétitivité externe de l’économie. Au Maroc,
une des sources d’inflation par les prix pro-
vient de l’importance et de la puissance du
secteur public dont la productivité est relati-
vement moins élevée.
(ii) le secteur informel souffre de rigidités
propres
Ce secteur regroupe dans une large mesure
des activités visant la survie des populations,
mais également des activités plus dyna-
miques. Cependant, l’organisation des unités
de production informelles et la structure de
ce segment engendrent des rigidités qui peu-
vent bloquer la fixation des salaires selon les
conditions de l’offre et de la demande.
Le marché du travail marocain, comme pour
la plupart des pays en développement, com-
prend plusieurs segments : le secteur formel
(public et privé) relativement plus protégé,
mieux rémunéré, dont les droits sont mieux
défendus et où la demande de travail est
supérieure à l’offre ce qui ne signifie pas for-
cément un ajustement des salaires à la bais-
se ; et le secteur informel qui devrait théo-
rique fonctionner de manière plus concurren-
tielle. Au Maroc, il apparaît que certaines
activités telles que l’artisanat présentent des
barrières à l’entrée considérables issues de la
maîtrise de pratiques traditionnelles ou de
l’existence de règles strictes implicites, ce qui
-199-
explique que les salaires puissent parfois ne
pas refléter les conditions de l’offre et de la
demande.
Une enquête récente (1999-2000) ayant
pour objet la structure du secteur informel
non agricole au Maroc souligne l’importance
de ce secteur pour l’économie. Il compte
pour 17% du PIB, représente 39% de l’em-
ploi non agricole total (mais 46,8%, si sont
exclues les administrations et collectivités
locales) et 20,3% de l’emploi total. 72,6%
des unités de production informelles sont
situées en milieu urbain et leurs activités
relèvent du secteur du commerce et de la
réparation (48,2%), de l’industrie et de l’ar-
tisanat, notamment textile et cuir (25%), des
services hors commerce (19,8%) et de la
construction (7%).
Ce secteur absorbe nombre de travailleurs
qui auraient des difficultés à trouver un
emploi ailleurs. Encore trop peu de ces enti-
tés sont dirigées par des femmes (12,4% des
patrons) alors qu’au niveau national le taux
de féminisation de la population active est de
26,6% en 2003. Cela est dû à la difficulté
qu’elles ont à trouver des fonds ou un local.
Les patrons hommes sont souvent jeunes
(35,3% ont moins de 35 ans et 53,2% entre
35 et 59 ans) et pour 33,3% seulement ont
choisi l’activité qu’ils exercent du fait de leur
connaissance d’un métier et de leur qualifica-
tion professionnelle. Ces structures comptent
le plus souvent une personne (70,5% des
unités) et relèvent de l’auto-emploi (60,1%)
et 81,4% des actifs occupés dans ce secteur
ont un lien de parenté avec le chef d’unité de
production. Par ailleurs, le taux d’analphabé-
tisme s’élève à 40,1% (contre 49% au
niveau national), mais 70,3% des actifs du
secteur informel non agricole sont sans diplô-
me ce qui est nettement plus élevé que les
chiffres obtenus au niveau national (51,3%
et des actifs et 65,9% de la population acti-
ve) et a fortiori en zone urbaine où sont en
majorité localisées les UPI (40,3% des actifs
et 46,9% de la population active en zone
urbaine) en 2003.
C’est un segment qui détermine les effets
des réformes et la forme de l’ajustement du
tissu productif aux nouvelles conditions de la
concurrence domestique et internationale. Le
succès de la mise à niveau repose sur ces
entités que les banques rechignent pourtant
à soutenir. Selon l’enquête de 1999-2000,
34,6% de ces unités de production infor-
melles déplorent un manque de liquidités
surtout dans le secteur du commerce et
réparation. Cependant, si ces unités se plai-
gnent pour 51,4% d’une demande insuffisan-
te et d’une concurrence toujours plus forte et
si 45,6% des patrons sont pessimistes quant
à leurs chances de survie, surtout dans le
secteur des services hors commerce
(55,8%), presque autant sont optimistes
(39,6%) principalement dans le secteur
industriel (46,2%) alors que ce secteur est
particulièrement concurrentiel.
(iii) Un mode de fonctionnement du marché
du travail peu flexible
Les tendances de la création d’emplois font
apparaître une précarisation de l’emploi et
des sorties du marché du travail en période
de ralentissement économique mais on ne
peut pas conclure à « l’informalisation » de
ce marché. Comme c’est le cas dans la plu-
part des pays en développement, la hausse
de l’emploi indépendant correspond à des
phases de ralentissement des opportunités
d’emploi salarié.
Au Maroc, il semble exister cependant une
certaine inertie dans ce mécanisme de
reconversion. Par ailleurs, un large volant de
la population étant sans emploi, l’élasticité
de l’offre est importante ce qui explique la
-200-
lenteur de la progression de l’emploi salarié.
Ainsi, en 2003, la population active âgée de
15 ans et plus a crû de 5% du fait essentiel-
lement des effets de la bonne campagne
agricole sur la mobilisation des aides fami-
liales en milieu rural. Le taux d’activité au
niveau national a donc progressé de 1,2
points. La création nette d’emploi de l’écono-
mie pour 2003 a représenté 4,4% de la
population occupée, mais 63,3% de cette
progression a concerné des emplois non
rémunérés. Par ailleurs, depuis 1996 le taux
d’indépendants dans l’emploi urbain est
passé de 23,2% à 25,3%. L’emploi salarié
par contre a chuté. Il s’élevait à 62,4% de
l’emploi urbain au premier trimestre 1996 vs.
60,6% en 2003 mais il se maintient aux alen-
tours de 38% au niveau national.
Autre tendance structurelle dont les effets
commencent à se faire sentir : le travail des
femmes. Chez les nouvelles générations de
femmes, la question du coût d’opportunité
de la recherche d’un emploi se pose de
moins en moins, ce qui ne veut pas dire que
les structures et le fonctionnement du mar-
ché du travail facilite leur intégration. En
2003, le taux de féminisation de la popula-
tion active en chômage a atteint 33,2%
contre 28,4% en 2002. Reste que la fémini-
sation de la population active occupée parait
être principalement le résultat des évolu-
tions enregistrées dans le secteur agricole ce
qui signifie une vulnérabilité forte de cette
population tant en termes de conditions de
travail que de rémunération, de statut et de
précarité de l’emploi. Le taux de chômage en
zone urbaine est passé de 19,6% à 19,8%
mais de 25% à 28,4% pour les femmes alors
qu’il stagnait pour les hommes (11,7%).
L’exode rural, qui reflète l’industrialisation
croissante de l’économique marocaine,
contribue au gonflement des rangs des chô-
meurs en zone urbaine (15,4% en 1990
mais 19,4% en 2003).
L’importance du chômage de longue durée
(plus de 12 mois), soit 71% de la population
active pose la question de l’efficacité des
politiques d’aide à l’emploi et de la vulnérabi-
lité des populations touchées. Enfin 42,1%
des chômeurs sont en fin d’études ou de for-
mation tandis que le chômage touche les plus
diplômés (26%, 25,7% et 29,7% respective-
ment pour ceux issus d’un deuxième cycle de
l’enseignement fondamental, du secondaire
et du supérieur). Le niveau d’éducation ne
réduit donc pas significativement la probabi-
lité d’être sans emploi. De plus, les taux de
rendement de l’éducation qui sont de 10%
par année d’étude supplémentaire et profi-
tent généralement plus particulièrement aux
femmes en milieu urbain ne s’appliquent pas
au Maroc. Si un effet positif de l’éducation
sur le niveau de salaire existe dans le secteur
formel ce n’est pas le cas dans le secteur
informel. Le recrutement dans le secteur for-
mel étant largement fondé sur des liens pri-
vilégiés entretenus avec des personnels de
ce secteur, la segmentation du marché n’inci-
te pas les populations à investir dans l’édu-
cation lorsque les perspectives d’obtenir un
emploi dans le secteur formel sont faibles.
L’amélioration du capital humain au Maroc ne
peut qu’en souffrir.
Un potentiel de création d’emploi conséquent
existe dû au développement du secteur ter-
tiaire. Ce secteur a enregistré des taux de
création d’emploi moyen annuel de 5,1% sur
la période 1983-2002. Bien qu’un net ralen-
tissement apparaisse dans la seconde moitié
de la période (7,7% pour 1983-1994 contre
1,4% pour 1995-2002), un redémarrage est
inévitable du fait de la conjugaison de plu-
sieurs facteurs structurels : l’externalisation
croissante des activités de services entrant
dans le processus de production des biens,
l’économie de main-d’œuvre due aux progrès
technologiques effectués dans les secteurs
de l’agriculture et de l’industrie, l’évolution
-201-
de la structure de la consommation plus lar-
gement tournée vers les services à mesure
que les niveaux de vie augmentent. Pour
l’instant, la croissance de la valeur ajoutée
créée par ce secteur a été identique à celle
du PIB et stagne donc autour de 31% mais
cela devrait changer.
La croissance dans ce secteur a été relative-
ment plus fortement créatrice d’emplois que
dans les autres secteurs de l’économie. D’un
point de vue qualitatif, l’emploi dans ce sec-
teur n’a pas significativement changé. Le taux
de féminisation ainsi que la part de l’emploi
salarié (15,7% en 2000 alors que dans le sec-
teur secondaire elle a gagné 10 points pour se
situer à 37%) n’ont que très peu varié. Ces
performances, apparemment encoura-
geantes, sont cependant jugées insuffisantes
par Derkaoui (2004). Le Maroc souffrirait d’un
retard en termes de nombre d’emplois dans le
secteur tertiaire qui s’élèverait à 3 millions
comparativement au Portugal. Par ailleurs, il
montre que, de 1983 à 1994, la croissance
annuelle moyenne de l’emploi dans les ser-
vices à été de 7,7% tandis que celle de la
valeur ajoutée réelle par tête était de –3,7%
contre 1,9% pour l’emploi et 2,7% pour la
productivité dans le secteur agricole et 1,7%
de croissance de l’emploi et 1,4% de la pro-
ductivité dans le secteur secondaire. En
revanche, sur la période 1994-2000, la crois-
sance annuelle moyenne de l’emploi dans le
secteur tertiaire s’est située à 1,4% tandis
que celle de la productivité s’élevait à 1,3%
contre 5,2% et –6,7% respectivement dans le
secteur agricole et 2% et 1,8% pour l’emploi
et la productivité dans le secteur secondaire.
Ces mêmes calculs pour la Turquie sur la
période 1994-1998 montre que ce pays a su
préserver la croissance de l’emploi (3,2%)
tout en améliorant la productivité considéra-
blement (+3,5%) [11] . Il en est de même
pour la Grèce qui enregistre une croissance de
l’emploi de 3,3% et de la productivité de
1,4%, soit autant que le Maroc mais en créant
plus d’emplois.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces
contrastes : (i) les liens étroits qui lient la
Turquie et la Grèce à l’Europe a obligé ces
pays à mettre en place un train de réformes
visant explicitement l’amélioration du jeu de
la concurrence ce qui a dynamisé les gains de
productivité. L’Egypte ou le Maroc qui sont en
retard comparativement aux deux premiers
sur ce plan enregistrent une évolution de
leurs gains de productivité semblable ce qui
étaye cette première explication ; (ii) la
structure du travail dans ce secteur qui fait la
part belle au travail à temps partiel, la péni-
bilité des emplois proposés et une probabilité
d’obtenir un travail salarié structurellement
faible, même si le niveau de salaire semble
être plus élevé dans ce secteur [12], pour-
raient être des facteurs peu incitatifs de
même que la diffusion réduite des NTI et le
développement lent de ces activités.
(iv) certaines caractéristiques institution-
nelles pourraient interférer également avec
la réduction du chômage.
Il existe au Maroc une judiciarisation crois-
sante des rapports sociaux et le règlement
des conflits ne peut pas être accéléré ou faci-
lité, ni même jugé à l’aune de sa cohérence
au regard d’un recueil de jurisprudence
puisque celui-ci n’existe pas.
Ce cadre, que les autorités ont des difficul-
tés à faire évoluer et qui laisse une marge
d’appréciation considérable aux tribunaux, a
des répercussions sur (i) l’implantation d’en-
treprises étrangères qui sont demandeuses
d’un cadre clair et précis afin de pouvoir
anticiper les coûts potentiels de gestion de
leur salariat, (ii) l’égalité des chances qui est
limitée du fait des barrières à la sortie
importantes existantes et de la masse d’in-
-202-
formations que les employeurs cherchent à
récolter avant de décider de l’embauche, ce
qui les conduit à recruter souvent dans des
cercles étroits de connaissance afin de mini-
miser les risques liés à l’embauche, (iii) les
capacités de négociation des travailleurs en
place qui sont renforcées, (iv) l’adaptation
du salariat à la conjoncture économique est
entravée à cause de l’impossibilité de procé-
der à des licenciements économiques, par
exemple, (v) la précarisation des travailleurs
qui se voient plus fréquemment offrir des
contrats à durée déterminée. Ces éléments
se répercutent sur le niveau d’emploi, sur la
contribution des entreprises à l’amélioration
et la constitution d’un capital humain et sur
les gains de productivité.
Les syndicats et l’administration sont très
actifs et leur pouvoir de négociation impor-
tant permet l’application dans le secteur privé
formel et public des réglementations en
matière de licenciements qui sont plutôt res-
trictives, mais cela renforce encore la dualité
du marché du travail où un segment est pro-
tégé tandis que le reste du secteur est sou-
mis aux libres forces du marché. Naânaâ
(2002) montre par ailleurs que le coût total
de la taxation du travail [13] a eu des consé-
quences négatives sur l’emploi dans le sec-
teur public et dans le secteur privé formel.
Agénor, Nabli, Yousef, Jensen, (2003) analy-
sent les effets des politiques de gestion de
l'emploi dans les pays exportateurs de tra-
vailleurs dans la région MENA. Leur approche
est très complète et intègre à la fois les
conséquences d'une dimiution des taxes,
d'une hausse des subventions à l'emploi, d'un
allégement de l'emploi et des salaires dans le
secteur public, d'un affaiblissement du pou-
voir de négociation des syndicats. Le résultat
final de ces options est cohérent avec la théo-
rie. Ainsi, une baisse des taxes sur le travail
non qualifié pourrait aider à créer des emplois
non-qualifiés et à limiter la substitution du
travail non-qualifié par du travail qualifié et du
capital dans le secteur formel. Les simulations
montrent, de plus, que l'évolution des coûts
relatifs du travail qualifié et non-qualifié
détermine le niveau de l'emploi qualifié et
non-qualifié et leur substitution. Une hausse
des subventions à l'emploi non qualifié et un
pouvoir de négociation moins important des
syndicats, qui permet de limiter les gains
salariaux, débouchent sur des implications
similaires Cependant, l'effet final de ce type
de mesure est ambigu et dépend crucialement
du mode de financement de ces mesures. SI
elles sont financées par l'emprunt sur le mar-
ché domestique ou par des taxes supplémen-
taires sur les ménages qui investissent, alors
l'effet d'éviction qui frappe le secteur privé
peut diminuer l'accumulation du capital, la
croissance et donc l'offre d'emploi.
Pour ce qui est du cas particulier du Maroc,
Agénor, El Aynaoui (2003) montrent qu'une
baisse de 5% du SMIG, la dépense publique,
l'investissement et les transferts aux
ménages restant identiques, pourrait favori-
ser une progression de l'emploi non-qualifié
(3,5%). Le recul de l'emploi qualifié concomi-
tante permettrait une pérennisation de cet
effet, abaisserait les salaires du travail quali-
fié et engendrerait un redéploiement de l'em-
ploi en faveur du secteur informel et agricole.
La limite de ce genre de proposition est qu'el-
le suppose un arbitrage entre la flexibilité du
marché du travail et la pauvreté. Les tra-
vailleurs dont le niveau de vie dépend du
SMIG sont nombreux aussi bien dans le sec-
teur formel (1/3) que le travail précaire à
temps partiel ou les femmes et les employés
des entreprises exposées à la concurrence
étrangère. Par ailleurs, les études montrent
que les fluctuations du SMIG et du SMAG
sont fortement corrélées positivement avec
le recul de la pauvreté.
-203-
Syrie
Dans les années 1990-1995, la Syrie a enre-
gistré des taux de croissance élevés, autour
de 5-6% du fait des découvertes de pétrole
et d’une certaine avancée dans les réformes
mais depuis lors les réformes ont beaucoup
ralenti et la croissance a décéléré. La moyen-
ne annuelle se situe donc pour 1993-2003 à
3,1% mais à 2,5% pour 2003. Pour 2003-
2007, la banque mondiale prévoit une crois-
sance un peu plus rapide à 3,9% par an en
moyenne. Cependant, avec 23,5% de la
valeur-ajoutée générée par l’agriculture,
28,5% par l’industrie et 48% par les ser-
vices, les performances économiques du
pays ainsi que les recettes budgétaires (plus
de 50%) sont chaotiques, déterminées par
les aléas climatiques et le prix des produits
pétroliers.
Pour le gouvernement, la difficulté est donc,
comme pour l’Algérie, et les pays exporta-
teurs de pétrole en général, de retrouver une
emprise sur l’économie et des capacités de
lissage du cycle. Celles-ci ne peuvent prove-
nir que du développement du secteur privé
non pétrolier et du commerce. Or les perfor-
mances en termes d’ouverture sont faibles
car fortement tributaires des relations du
pays avec ses voisins et les Etats-Unis ou
l’Europe. Ainsi, les exports de biens et ser-
vices ne représentent encore que 40,2% du
PIB pour 2003 (Jordanie 44,5%, Tunisie
48,2%) et les imports 33% (Jordanie 70%,
Tunisie 50,3%). Dans ses tentatives
d’étendre son commerce, contraintes par les
restrictions américaines accrues, la Syrie est
parvenue à finaliser un accord d’association
avec l’Europe qui pourrait être prometteur.
Reste que les taux de protection sont parmi
les plus élevés au monde et la complexité du
système ne facilite pas l’expansion du com-
merce. Enfin, les tentatives récentes pour
harmoniser les taux de change sont impor-
tantes mais ne sont qu’une étape préliminai-
re sachant, par exemple, que permettre l’ac-
cès des exportateurs aux devises nécessaires
fait défaut.
Lisser le cycle économique et les ressources
budgétaires via le développement du secteur
privé nécessite également que soient mises
en place les réformes permettant le passage
à une économie de marché. L’omniprésence
étatique dans le système productif et de dis-
tribution du crédit, un système bancaire
insuffisamment concurrentiel et les distor-
sions de prix des biens comme des res-
sources financières induites par les politiques
de subvention et le contrôle des taux d'inté-
rêt, ont engendré des biais dans l’allocation
des ressources qui pénalisent les PME. La
structure productive syrienne est donc forte-
ment dualiste caractérisée par des entre-
prises publiques relativement moins produc-
tives, mais dont le développement et la
pérennité est assurée par l’Etat et des liens
privilégiés avec les banques, et des PME
dynamiques mais peu soutenues.
Un programme de réforme a été annoncé,
notamment du système bancaire, mais qui
reste flou dans les étapes de sa mise en
œuvre aussi bien que dans sa portée exacte
et dans son articulation avec l’existant. Ceci
n’encourage pas l’investissement privé
domestique comme les entrées de capitaux.
De ce fait, même si la qualité du travail s’ac-
croît, l’amélioration de la productivité est
entravée par la difficulté à importer du pro-
grès technique et les distorsions que la taille
de l’emploi public engendre sur le marché du
travail, notamment en termes d’écart entre
les compétences acquises et celles dont les
entreprises privées ont besoin.
L’immobilisme pèse lourdement sur le niveau
de vie des populations. La croissance du PIB
-204-
par tête a été, en moyenne annuelle, de
3,6% par an entre 1995 et 1990, donc supé-
rieure aux performances des pays de la zone
MENA ou du monde. Mais elle a régressé et
se monte à 0,5% entre 2000 et 1996, soit
moins que l’ensemble de la zone ou que le
monde, alors que, pour d’autres PM, la chute
a été moindre ou la croissance a augmenté
(tableau 1). L’ajustement vers une économie
de marché pourrait avoir des conséquences
négatives sur la tendance à la hausse de la
croissance du PIB par tête qui se dessine.
La situation macroéconomique actuelle de la
Syrie se caractérise par des avancées dans
les réformes qui sont certes timides, et pâtis-
sent de la manne pétrolière dont le pays pro-
fite actuellement, mais qui touchent ou pour-
raient toucher plusieurs domaines :
(i) Les effets de l’accord d’association
avec l’Europe dépendra fortement des
réformes et mesures d’accompagnement
Selon les estimations des experts, la levée
multilatérale des barrières tarifaires et non
tarifaires pourrait accroître les importations
syriennes de l’Europe de 40% pour les
graisses animales et huiles, de 36% pour les
viandes et poissons préparés, de 25% pour
la viande, de 22% pour les préparations de
légumes et fruits, de 20% pour les céréales,
de 19% pour le sucre, de 34% pour les tapis,
de 24% pour la céramique, de 21% pour les
tissus et de 17% pour les vêtements et
accessoires. Il faut souligner que la Syrie est
le seul PM a dégager un excédent commercial
avec l’Europe.
Jusqu’ici, les facilités offertes par l’Europe
dans le cadre de l’accès préférentiel au mar-
ché européen ne sont pas pleinement exploi-
tées par les exportateurs syriens (30% seule-
ment). Il existe des différences sensibles
selon les secteurs. Pour ce qui est des pro-
duits minéraux, elles atteignent 99,6% mais
cela ne va pas aider le pays à diversifier son
économie et à gagner en productivité et en
compétitivité. Pour ce qui est des produits
non-pétroliers, par exemple du textile ou de
l’habillement, les taux enregistrés sont faibles
respectivement de 0,2% et 3,4%. l’avantage
comparatif dont le pays bénéficie reste large-
ment sous-employé et les incitations tari-
faires accordées par le gouvernement,
notamment sur les exports de produits texti-
le et alimentaires, n’ont pas été très efficaces.
La structure des exports vers l’Europe, trop
centré sur les produits pétroliers, ne permet
pas, pour l’instant, de repositionner la Syrie
sur des produits de plus haute valeur-ajoutée
ou d’impulser des montées en gamme. A
moyen terme, l’accord, ainsi que la candida-
ture du pays à l’OMC déposée en octobre
2001, pourraient contribuer à la mise à
niveau du tissu industriel syrien, comme c’est
le cas pour les autres PM. Son impact dépen-
dra néanmoins des modalités de la mise en
œuvre des termes de l’accord et de la volon-
té d’ouverture réelle du pays qui reste à
démontrer. De manière toute aussi cruciale,
les conséquences de l’accord et de l’ouvertu-
re commerciale seront fonction des mesures
d’accompagnement instaurées visant à favo-
riser les restructurations des entreprises,
encourager l’investissement et l’importation
de biens capitaux incluant de nouvelles tech-
nologies et du progrès technique, améliorer
Tableau 1 : Croissance annuelle du PIB par
habitant.
2002-1990 1995-1990 2002-1996 2000-1996Syrie 2,3 3,6 1,0 0,5Algérie 0,1 -1,6 1,2 1,3Israël 1,5 3,2 0,1 2,4Jordanie 0,4 1,0 0,1 -0,7Liban 5,6 13,5 -0,2 -0,3Egypte 1,9 0,7 2,8 3,3Maroc 0,7 -0,9 0,6 -0,4Tunisie 3,0 2,3 3,2 3,8Turquie 1,3 1,2 0,8 1,6
Pays à revenu bas et moyen 2,3 1,4 2,8 2,8MENA 1,4 0,9 1,6 1,4Monde 1,6 1,0 2,0 2,3
GDP per capita, PPP (constant 1995 international $)
Source : Banque mondiale, WDI 2004.
-205-
la flexibilité du marché du travail, et assurer
la disponibilité des devises nécessaires.
(ii) Une réforme industrielle qui doit
préparer l’économie aux conséquences
de l’épuisement des réserves pétrolières
prévu pour 2010
La croissance économique en Syrie dépend
de l’agriculture (30% du PIB et 25% de la
force de travail) et du secteur industriel (qui,
y compris le secteur pétrolier, compte pour
20% du PIB et 45% des recettes d’exporta-
tion). Le secteur industriel non pétrolier
contribue au PIB à hauteur de 14% et
quelques 30% des activités concernées,
industrie lourde, chimie, relèvent du secteur
public alors que 85% de la production est
assurée par des PME. La part du secteur ter-
tiaire dans le PIB atteint 50% mais ce chiffre
est biaisé parce que sont ici comptabilisées
les activités de commerce de détail des pro-
duits pétroliers.
Le secteur privé est essentiellement consti-
tué d’une partie de l’industrie légère, du
commerce de détail, des transports et com-
munications, de certains acteurs du secteur
touristique. Pour ce qui est des industries pri-
vées manufacturières, elles interviennent
dans les secteurs du textile et de l’agro-ali-
mentaire, du bois et des meubles. Ce sont
malheureusement des secteurs où la concur-
rence va s’intensifier avec l’arrivée de la
Chine sur les marchés mondiaux et qui, de
plus, enregistrent des taux de croissance
inférieurs à celui des échanges. Les perspec-
tives ne sont donc pas favorables d’autant
que la part des exportations de haute tech-
nologie dans les produits manufacturés est la
plus basse de la zone à 0,61% en 2002
contre 0,76% pour l’Egypte, mais 3,77%
pour la Tunisie, 11,1% pour le Maroc, 17,5%
pour les pays à revenu moyen à bas et
21,4% pour le monde.
La Syrie commence tout juste à se défaire
d’un modèle de gestion économique centrali-
sé à la soviétique. La modernisation des
entreprises publiques est à l’étude, mais
aucune privatisation n’est à l’ordre du jour.
Le programme syrien prévoit une restructu-
ration du Ministère de l’Industrie et la créa-
tion d’un Centre de la Modernisation
Industrielle qui serait chargé d’étudier les
meilleures options pour « mettre à niveau »
les entreprises d’Etat. Les autorités ont opté
pour une approche originale basée sur une
transition en douceur vers l’économie de
marché et une restructuration des entre-
prises publiques graduelles via le désengage-
ment de l’Etat dans la gestion mais non dans
le capital de l’entreprise.
La stratégie s’oriente donc vers la création
d’entreprises associant le public et le privé,
de structures où la gestion serait laissée à
des décideurs privés et serait donc guidée
par des critères d’efficacité et de capacité à
faire face à la concurrence nationale et inter-
nationale alors que le gouvernement reste-
rait propriétaire de l’entreprise. Ce type de
montage permettrait de tirer parti des modes
de gestion privilégiant l’efficacité, d’accroître
la productivité et la compétitivité tout en
n’imposant pas à l’économie un coût d’ajus-
tement lourd. Les décideurs privés auraient
une entière liberté concernant les choix
financiers dans les limites de la préservation
de l’emploi existant. Cette dernière restric-
tion constitue une contrainte extrêmement
lourde sachant que le secteur public emploie
encore 73% de la force de travail alors qu’il
ne contribue au PIB qu’à hauteur de 33%.
Par ailleurs, la concurrence venant du sec-
teur privé est encouragée. Néanmoins, les
précédentes tentatives pour développer le
secteur privé se sont heurtées à un manque
d’intégration et de cohérence des mesures
prises. Ainsi, des incitations fiscales ont été
accordées et les délais de grâce étendus, la
-206-
possession de biens immobiliers par des
étrangers pour des projets d’investissement
permise et les règles de rapatriement des
fonds assouplies. Mais, n’étant pas relayées
par un changement de mentalités et un allé-
gement des obstacles et lourdeurs adminis-
tratifs à tous les niveaux, et présentant des
incompatibilités avec d’autres articles de la
législation en vigueur, ces dispositions n’ont
pas eu l’effet dynamisant escompté.
Le programme actuel de réforme et restruc-
turation de l’économie est très ambitieux,
probablement le plus ambitieux qu’ait connu
le pays, mais ses étapes et son articulation
avec les autres politiques économiques et
dans le système existant sont floues et
sapent partiellement sa crédibilité et la
confiance que les agents sont près à y accor-
der. L’épuisement des réserves pétrolières à
brève échéance, qui pourrait causer un ralen-
tissement économique considérable, deman-
de à ce que le pas des réformes soit considé-
rablement accéléré afin que le pays puisse
utiliser les ressources générées par l’exploi-
tation de ses ressources naturelles pour pla-
cer son économie sur un sentier de croissan-
ce durable et développer un secteur privé qui
puisse prendre le relais du secteur public
pétrolier en tant que moteur de croissance et
de création d’emploi.
(iii) Un secteur bancaire qui ne contri-
bue que marginalement à la croissance
L’accumulation du capital, si elle a été très
dynamique entre 1995 et 1990 en liaison avec
le développement de l’exploitation du pétrole,
est aujourd’hui atone. La formation de capital
fixe en termes réels a perdu -5,5% entre 2000
et 1996 mais commence à se redresser. Elle
présente un taux de croissance de +19,8% en
2001 et de +3% en 2002 malgré une conjonc-
ture peu encourageante. Cela ne signifie pas
que l’allocation des ressources soit efficace et
que les projets les plus porteurs, souvent pré-
sentés par des PME, sont privilégiés.
Comme dans nombre de pays où la présence
étatique est forte, les entreprises publiques
entretiennent des liens privilégiés avec les
banques publiques et le secteur privé subit un
effet d’éviction et une discrimination négative.
Ainsi, le crédit domestique distribué par le
secteur bancaire rapporté au PIB est le plus
bas de la zone et atteint 26,7% en 2002
contre 29,1% pour l’Algérie, 109,8% pour
l’Egypte, 90,4% pour la Jordanie, 74,4% pour
la Tunisie et 72,8% pour la région MENA. La
contribution à la croissance du secteur ban-
caire est donc particulièrement faible. Par
ailleurs, il faut rappeler que la part du secteur
privé dans le crédit domestique en Syrie est le
Tableau 2 : Caractéristiques du crédit au secteur privé
1990 1995 2002 1990 1995 2002 1990 1995 2002Syrie 3,4 3,9 0,7 7,5 11,2 8,0 56,6 48,1 26,7Algérie 12,2 0,9 2,6* 44,4 5,2 6,8* 74,5 48,7 29,1*Israël 6,3 12,1 3,4 57,6 68,2 97,8 106,2 81,0 93,6Jordanie 18,5 18,3 8,6 72,3 74,4 73,5 117,9 93,2 90,4Liban 4,7 9,5 1,7 79,4 57,9 90,8 132,6 87,3 196,1Egypte 27,6 13,1 1,5 30,6 37,0 60,6 106,8 81,8 109,9Maroc 44,2 6,9 2,3 34,0 47,9 54,4 60,1 79,5 84,5Tunisie 5,9 10,4 5,4 .. 68,6 68,6 62,5 71,4 74,4Turquie 42,9 63,6 3,3 16,7 18,5 14,9 19,5 27,9 59,3
Pays à revenu bas et moyen .. .. .. 39,3 44,6 55,9 60,9 55,6 76,9MENA .. .. .. 39,5 39,3 50,2 70,4 65,1 72,9Monde .. .. .. 97,5 105,7 118,1 121,2 135,7 150,7
Claims on private sector (annual growthas % of M2)
Domestic credit to private sector (% ofGDP)
Domestic credit provided by bankingsector (% of GDP)
* : 2001Source : Banque mondiale, WDI 2004.
-207-
plus bas de la zone (8% en 2002) contre
50,2% pour les pays de MENA et 55,9% pour
les pays à revenu moyen et bas, mais 90,8%
pour le Liban, 97,8% pour Israël, 68,6% pour
la Tunisie et 73,5% pour la Jordanie. De
même, la croissance de la part des avances au
secteur privé dans M2 reste faible comparati-
vement aux voisins (tableau 2).
Les liens privilégiés existants entre les
banques publiques, d’une part et les entre-
prises publiques et le gouvernement, d’autre
part accroissent les risques systémiques. Les
prêts accordés aux entreprises publiques et
au gouvernement sont généralement d’un
montant substantiel, de plus le portefeuille
d’actifs des banques est concentré sur un
petit nombre d’acteurs, ce qui fragilise leur
activité. Reste que, en Syrie, le secteur ban-
caire est particulièrement étroit ce qui donne
une bonne idée du retard de développement
dont souffre le secteur privé et du degré d’ex-
position à une crise financière . La réforme et
la libéralisation du système bancaire et finan-
cier et des mesures concernant les modalités
de sa régulation et supervision sont en cours
. Jusqu’ici les activités bancaires et d’assu-
rance étaient un monopole d’Etat et l’ouver-
ture du secteur aux investisseurs étrangers
permettra une mise à niveau rapide grâce au
partage de leurs savoir-faire. Cependant, le
succès de cette réforme suppose :
(i) une dérégulation des taux d'intérêt
comme pré-requis au fonctionnement
selon les conditions du marché du sec-
teur. La politique monétaire syrienne est
encore fondée sur un contrôle du crédit
et les taux d'intérêt plafond applicables
au secteur public et, dans une certaine
mesure, au privé sont fixés par le gou-
vernement. La politique monétaire doit
donc également être réformée et l’enca-
drement du crédit devrait être abandon-
né en faveur d’instruments basés sur
des opérations de marché (taux d'inté-
rêt, opérations d’open-market, reprise
de liquidités, etc.). Cela aura forcément
des répercussions sur l’inflation qui est
sous contrôle (-0,9% entre 2002 et
1998 malgré un dérapage en 2003,
4,3% dû à l’afflux des avoirs étrangers),
mais ne reflète pas la réalité de la situa-
tion du fait de l’ampleur de la politique
de prix administrés.
(ii) Une restructuration des actifs et une
réforme rapide du mode de gestion des
compagnies du secteur public et des
banques publiques puisque les privati-
sations sont exclues à ce stade. Les pre-
mières doivent devenir suffisamment
compétitives pour pouvoir attirer des
capitaux étrangers ou se financer sur le
marché financier domestique qui devrait
être créé bientôt. Les secondes ne pour-
ront soutenir la concurrence avec les
nouveaux entrants que si leurs position
est consolidée et si les créances irrécou-
vrables qui pourraient dériver de leurs
liens étroits avec les entreprises
publiques sont provisionnées.
L’évaluation de la solvabilité et de la
solidité des banques sera compliquée
par la prise en compte des difficultés
que pourraient rencontrer leurs clients
privilégiés dans le futur avec les avan-
cées de la libéralisation.
La création d’un marché financier est prévue
afin de diversifier les sources de financement
aussi bien pour les entreprises domestiques
que pour permettre un financement plus aisé
de la dette, qui est très élevée (plus de 100%
du PIB). Cette mesure pourrait favoriser l’en-
trée de capitaux étrangers et limiter l’effet
d’éviction sur le secteur privé. Dans cette
perspective, les taux de change doivent être
harmonisés et la convertibilité externe amé-
liorée et, de ce point de vue, des progrès
nets ont été faits.
-208-
Reste que, pour ce qui est de la structure du
capital des nouveaux établissements ban-
caires, 49% peut appartenir à des institu-
tions non syriennes, mais aucun individu ne
doit détenir plus de 5% du capital. De plus,
la part de l’Etat syrien est fixée à 25%. Le
montage financier des projets risque donc de
s’avérer difficile et une forte présence éta-
tique pourrait réduire leur attractivité. Les
banques libanaises sont cependant particu-
lièrement intéressées puisque la réforme va
détourner d’elles nombre de syriens qui leur
confiaient jusqu’ici leurs fonds et la gestion
de leurs placements. Celles-ci, connaissant
des difficultés sur leur marché domestique,
considèrent que leur est offerte là une bonne
opportunité de diversifier leurs activités et de
bénéficier par la suite d’une entrée précoce
sur ce marché mal connu et dont le potentiel
de développement est considérable.
Une économie incapable de créer les
emplois nécessaires pour stabiliser le
taux de chômage
L’urgence des réformes apparaît très claire-
ment lorsque l’on se penche sur le niveau de
vie de la population et ses perspectives
d’amélioration via, en particulier, une offre
d’emplois accrue. Bien que la Syrie enre-
gistre des performances en termes de crois-
sance du niveau du PIB par tête relativement
bonnes, en niveau, il reste le plus bas de la
zone. En 2002, il représente 46,1% du PIB
moyen mondial par habitant, 64,5% de celui
des pays de la région MENA et 88,8% de
ceux ayant un revenu moyen à bas.
Par ailleurs, le niveau de fécondité est un des
plus haut des PM à 4%. La population croit
actuellement au taux de 2,6% par an et la
force de travail au taux de 5% par an. Les 5-
20 ans sont 400000 à 500000 (quelques 40%
de la population) et si le taux de participation
se maintient à son niveau actuel qui est de
60% alors 240000 à 300000 personnes vont
venir gonfler la force de travail chaque année
pendant encore une décennie. La Banque
mondiale estime qu’il faudrait des taux
annuels de croissance de 8% pour parvenir à
absorber ces nouveaux entrants et à réduire
le chômage qui s’élève à 11,7% en 2002,
selon les données officielles, mais à 20% si
sont comptés les sous-employés. Le challen-
ge est donc extrêmement élevé et pourrait
l’être bien plus que ces estimations ne le lais-
sent supposer puisqu’elles ne tiennent pas
compte des effets potentiels de l’exode rural
qui s’accélèrera avec l’industrialisation de
l’économie, d’une part et de la hausse du
taux de participation des femmes qui est, en
2002, de 27,6% soit le plus bas des PM
(38,1% pour la Turquie, 41,7% pour Israël).
Le gouvernement doit également trouver des
moyens de remédier aux divergences que
l’importance de l’emploi public n’a pas man-
qué de créer entre les compétences et
connaissances valorisables sur le marché du
travail auprès des entreprises étrangères
et/ou privées et celles offertes par le systè-
me éducatif et qui permettaient jusque là de
prétendre à un emploi dans le secteur public.
Enfin, la population souffre encore d’un illet-
trisme assez important : 17,1% alors que la
moyenne des pays à revenu moyen à bas est
de 10%. Cette faiblesse se double d’une dis-
crimination négative pour les femmes
puisque l’illettrisme touche 9% des hommes
contre 25,7% des femmes. Cet état de fait
pourrait gêner les progrès de la productivité
et la diffusion du progrès technique et des
nouvelles technologies et retarder les pro-
grès vers un sentier de croissance plus élevé
et basé sur l’économie de la connaissance.
Les réformes économiques doivent donc être
articulées à une réforme sociale qui permet-
te d’amoindrir leurs potentiels effets néfastes
à court terme.
-209-
Tunisie
La Tunisie a bien géré l’ouverture commer-
ciale et a su tirer parti de ses coûts de main
d’œuvre relativement bas, ce qui lui a permis
d’obtenir une croissance de 6% en moyenne
annuelle sur la dernière décennie. Si l’on se
penche sur les moteurs de la croissance et
leur évolution entre 1990-1994 et 1996-
2003 (figure 1), l’ouverture économique ne
semble pas avoir profondément modifié la
structure ou le rythme de croissance de
l’économie tunisienne. La croissance a été
tirée par l’agriculture, les mines, l’eau et
l’électricité, les services marchands et le
commerce, mais les industries manufactu-
rières croissent moins vite qu’avant les
accords de Barcelone du fait des restructura-
tions profondes qu’elles ont subi.
Les parts dans la valeur ajoutée totale des
secteurs des industries manufacturières
(+1,3 points de %), non manufacturières (-
1,6 points de %) ou de l’agriculture (-3,6
poins de %) ne se sont donc pas significati-
vement modifiées depuis 1990. Seule la
croissance du secteur des services mar-
chands (+5,4 points de %) semble vouloir se
maintenir à un niveau constant. L’agriculture
représente toujours 14% de la valeur ajoutée
totale en 2003, contre 20,3% pour les indus-
tries manufacturières et 42,9% pour les ser-
vices marchands (respectivement 17,7%,
19,1% et 37,5% en 1990). Le secteur manu-
facturier, dont la place est capitale pour le
développement économique de la Tunisie, est
de plus en plus exposé aux fluctuations de la
conjoncture internationale ce qu’illustrent les
effets du ralentissement international des
dernières années qui a fait passer son indice
de croissance moyenne annuelle de produc-
tion de 6,4% (1995-2001) à 4,7% (1995-
2003). La Tunisie doit donc rechercher des
montées en gamme et à se positionner sur
des segments qui seront moins touchés par
le démantèlement tarifaire (ce qui est le cas
du textile-habillement), à accroître la part
des exportations de biens technologiques et
à maîtriser les coûts du travail ce qui reste
possible du fait des négociations centralisées
auxquelles le gouvernement prend part.
Pour consolider et approfondir les progrès
réalisés, il faut que l’investissement reparte
(figure 2). C’est d’ailleurs un des motifs de la
volonté des autorités d’assouplir le régime de
Tableau 1 : croissance de l’indice de production industrielle1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2003-1995* 2001-1995*
1. Industries Manufacturières 5,6% 4,0% 7,9% 3,4% 2,1% 6,3% 7,3% 6,1% 8,9% 8,1% -0,6% 0,2% 4,7% 6,4%Industries agro-alimentaires 6,8% -3,7% 5,2% -1,4% 4,2% 11,9% 1,0% 9,8% 5,7% 0,2% 3,1% 3,9% 4,9% 5,4%Matière de const. céram.et verre 0,1% 8,0% 1,8% 3,6% -0,8% 1,3% 8,4% 7,2% 11,8% 7,8% 1,6% -0,1% 4,6% 5,9%Industries mécaniques et électriques 3,3% -0,5% 7,1% -0,3% 5,9% 7,4% 14,0% 11,0% 9,3% 11,5% -1,4% 7,2% 8,0% 9,8%Industries chimiques 3,9% 0,7% 12,4% 5,9% 4,7% 2,5% 7,0% 2,3% 4,6% 5,3% 1,1% -1,0% 3,3% 4,4%Textile, habillement et cuirs 9,5% 11,5% 11,4% 7,9% 0,9% 5,1% 8,2% 3,0% 12,8% 11,1% -2,4% -5,0% 4,0% 6,7%Industries manufacturières diverses 2,9% 4,6% 6,0% 0,7% -1,8% 5,7% 8,9% 5,3% 3,4% 12,3% -3,9% 2,2% 3,9% 5,5%
2. Mines -4,4% -13,8% 7,6% 26,5% 5,3% -11,0% 21,4% 6,9% 0,4% -1,2% -5,3% 5,0% 2,3% 3,2%3. Energie 1,2% -6,8% -2,4% 0,0% 4,0% 0,9% 4,1% 2,8% -1,0% -0,6% 2,7% -2,2% 1,3% 1,7%
Extraction et raffinage de pétrole - Gaz 0,1% -9,8% -5,2% -1,9% 4,7% -1,0% 3,4% 0,2% -3,8% -4,3% 1,9% -6,4% -0,7% -0,2%Production et distribution d'électricité 7,7% 2,1% 6,3% 8,8% 3,5% 7,7% 7,5% 8,9% 6,7% 7,8% 3,9% 5,4% 6,4% 7,0%Production et distribution d'eau 1,0% 8,7% 5,0% -1,7% -0,9% 2,3% 1,4% 8,8% 2,8% 2,9% 6,3% 4,0% 3,4% 2,8%
Indice d'ensemble 3,9% 0,3% 5,0% 3,1% 2,7% 4,3% 6,9% 5,3% 6,3% 5,9% 0,0% -0,2% 3,9% 5,2%
* : croissance moyenne annuelleSource : Institut national de la statistique.
Figure 1 : Dynamique des secteurs et
évolutions en cours
-0,5
0,0
0,5
1,0
1,5
-0,5 0,0 0,5 1,0 1,5
Taux de croissance annuel moyen sectoriel 1994-1990
Tau
x de
cro
issa
nce
annu
el m
oyen
sec
tori
el 2
003-
1996
IndustriesManufacturières
Transport etCommunications
Autres ServicesMarchands
Agriculture,Sylviculture et
Pêche
Institutions Financières
BTP
CommerceMines
Electricité et Eau
1/la taille des bulles est donnée par la part du sec-teur dans la valeur-ajoutée pour 2003.Source : Institut national de la statistique tunisien,calculs Institut de la Méditerranée.
-210-
change, de poursuivre la convertibilité du
compte de capital et d’adosser ces évolutions
à une nouvelle politique monétaire. Les IDE
représentent, en effet, actuellement 21,5%
de la totalité des entrées de capitaux, 10%
de la FBCF et 2,3% du PIB contre 27,7% des
entrées de capitaux étrangers, 15,5% de la
FBCF et 3,9% du PIB en 2002. Même si le
montant de ces capitaux reste faible rappor-
té au nombre d’habitants (59,3 dollar US par
habitant), ils demeurent une aide essentielle
à la « mise à niveau » et au développement
économique du pays puisqu’ils se dirigent
essentiellement vers les secteurs de l’énergie
et des industries manufacturières (40% et
35,8% du total des investissements y com-
pris de portefeuille).
Le challenge que doit maintenant relever la
Tunisie est en fait celui d’un changement de
modèle de croissance. L’insuffisance des flux
financiers externes, et plus spécifiquement
des IDE, se traduit par un transfert des tech-
nologies lent et ne facilite pas le financement
de la mise à niveau et de la dette. Du fait de
la lenteur de l’adaptation de la structure pro-
ductive, le pays est relativement mal placé
dans les échanges de services, pourtant un
secteur comparativement plus dynamique au
niveau mondial. Le décollage de la producti-
vité est pénible et le coût du travail ne per-
met pas de rivaliser avec des concurrents tels
que la Chine ou des pays d’Amérique Latine
ou d’Asie dont la valeur de la monnaie a été
dévaluée. Enfin, l’économie peut actuelle-
ment offrir un emploi à 18000 diplômés du
supérieur chaque année alors que 25000
s’inscrivent à l’agence pour l’emploi et beau-
coup ne s’y présentent pas. Leur taux de
chômage a progressé, passant de 10,1% en
2001 à 12,1% en 2002, ce qui représente
une manne inemployée.
Seul un changement de modèle de croissance
peut contribuer (i) à intégrer les jeunes de plus
en plus qualifiés qui se présentent sur le mar-
ché du travail via la mise en place d’une stra-
tégie de croissance fondée sur l’économie de la
connaissance, (ii) à élever la productivité glo-
bale des facteurs qui soutiendra la productivité
sans impliquer de substitution du capital au
travail, permettra les hausses de salaires,
nourrira la demande interne et la croissance
économique et fera reculer la pauvreté.
La situation macroéconomique présente de la
Tunisie et les réformes en cours sont les sui-
vantes :
(i) la demande interne est contenue et
les exportations restent le moteur prin-
cipal de la croissance
L’économie tunisienne a fait preuve d’une
très bonne résilience face à la succession de
chocs externes (11 septembre, conjoncture
internationale défavorable) et internes
(attentats et 4 années successives de séche-
resse) qui se sont succédés depuis quatre
ans. Fin 2001, face à une demande interne
qui croissait vivement et une détérioration
insoutenable des comptes externes, les auto-
rités ont décidé de mener des politiques
macroéconomiques restrictives. Celles-ci ont
été très efficaces, mais leur impact a été un
ralentissement considérable de la croissance
en termes réels qui est passée de 4,9% à
1,7% en 2002. De ce fait, la création d’em-
ploi a reculé (–9,1% en 2002, en 2003, elle
repart à la hausse +3,8%).
2002-2003 a connu une campagne agricole
satisfaisante et l’année prochaine semble
devoir être une bonne année également. La
Tunisie peut bénéficier de la reprise de la
demande mondiale et la hausse des prix des
matières premières, notamment du pétrole,
la pénalisera moins que certains de ses voi-
sins dans la mesure où elle possède ses
propres réserves.
-211-
Le PIB reste tiré par les exportations et le
ralentissement de la demande domestique et
des investissements a permis d’enrayer la
dégradation de la balance des paiements
(déficit de la balance commerciale de –4193,6
millions de dinars en 2001, -3769,2 millions
en 2002 contre 3696,3 millions en 2003). La
croissance de la demande publique et privée
a retrouvé des niveaux inférieurs à la crois-
sance du PIB, ce qui n’était pas le cas les trois
années précédentes et mettait en danger la
stabilité de l’économie tunisienne. En 2003,
les industries mécaniques (+14% contre
+7% en 2002) et le secteur énergétique
(13% contre 4% en 2002) tirent les exporta-
tions tandis que des secteurs traditionnelle-
ment plus dynamiques n’ont pas encore
retrouvé leur influence positive passée (sec-
teurs des matériels de transport, du textile-
habillement ou des produits pétroliers).
Les intentions d’investissement confirment la
reprise à venir dans le secteur des industries
manufacturières puisqu’elles ont marqué une
progression de 15,8% contre une baisse de -
19,8% l’an passé. Mais l’influence de la haus-
se du prix du pétrole sur la compétitivité
externe risque de conduire à revoir à la bais-
se ces chiffres prometteurs dans la mesure
où ces sondages concernent à 82,7% des
industries exportatrices.
Entre 1996 et 2000, le surplus de la balance
des services, dont les postes positifs sont
essentiellement ceux des voyages et des
rapatriements des fonds des travailleurs,
couvrait entre 70 et 80% du déficit de la
balance commerciale. Ce chiffre tombe à
62% en 2001, 58% en 2002 et 56% en
2003. En 2002, cela est dû d’une part à une
dégradation générale des échanges de ser-
vices, en particulier des voyages dont le
solde positif s’est contracté de 14,5% et n’a
pas pu être compensé par la hausse de 17%
des rapatriements des revenus des tra-
vailleurs. De même en 2003, le surplus de la
balance des services s’est réduit de 5,6% du
fait de la baisse des recettes générées par
l’activité touristique (-4,6%) et d’une pro-
gression ralentie des rapatriements des fonds
de travailleurs (+4,1%). Reste que le surplus
de la balance des paiements, après avoir
perdu presque la moitié de sa valeur entre
2002 et 2001 (-46,8%), a été multiplié par
presque 2,5 entre 2002 et 2003 (496 contre
199 millions de dinars). Par ailleurs, le déficit
du compte courant a été ramené à 2,9% du
PIB contre 3,5% en 2002.
Figure 2 : Décomposition du PIB
0,6
4,6 4,4
6,8
4,3 4,04,9
5,4 5,36,0
12,4
4,4
1,7
4,45,6
-2,2-3,5 -3,7
5,5
4,14,7
-2,1
8,7
1,7
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
14
Produit IntérieurBrut
ConsommationPrivée
ConsommationPublique
Investissement fixe Exportations debiens et services
Importations debiens et services
1995-1998 2001 2002 2003
Source : Banque centrale de Tunisie
-212-
Le transport aérien s’est renforcé en
décembre 2003. En janvier 2004, les recettes
touristiques marquaient une progression de
10,2% et il semblerait que cette activité se
redresse. Les intentions d’investissement dans
le secteur du tourisme qui atteignent 38,7%
en 2003 contre –52% en 2002 semblent
étayer une croissance de ce secteur en 2004.
L’excédent de la balance des opérations en
capital s’est accru de 10%, sous l’effet de
deux influences contradictoires, l’une positi-
ve, les dépenses au titre du remboursement
de la dette à moyen et long terme ont été
réduites de 18,1%, l’autre négative puisque
les balances des investissements et celle des
opérations en capital se sont contractées,
perdant respectivement 34,9% (ce qui
recouvre la contraction des IDE) et 33,3%.
La politique d’austérité menée par la Tunisie
visait à réduire le dynamisme de la demande
interne afin de ne pas voir le déficit commer-
cial se creuser rapidement dans un contexte
de ralentissement économique mondial mais
elle a été très coûteuse en termes de PIB.
Cela se concrétise par un indice de la pro-
duction industrielle qui est passé d’une crois-
sance moyenne annuelle de 5,2% sur la
période 1995-2001 à 0% en 2002 et –0,2%
en 2003. Cette stagnation ne devrait pas
durer en 2004. Certains secteurs sont déjà
en train de se reprendre. C’est le cas des
industries mécaniques et électriques, des
mines et des industries agroalimentaires tan-
dis que l’extraction et le raffinage de pétrole
continuent de s’enfoncer dans la crise avec
une croissance nominale qui passe de 1,9%
en 2002 à –6,4% en 2003 du fait de la réduc-
tion de la production de certains sites clé.
Cependant, les industries manufacturières
devraient rapidement participer au retour de
la croissance. Malgré un recul de leur pro-
duction annuelle de –0,2% en 2003, au mois
de décembre 2003 et en glissement annuel,
apparaît une hausse de l’indice de leur pro-
duction (+10,8%) due principalement aux
industries mécaniques et électriques
(19,5%), agro-alimentaires (16,7%) et au
secteur du textile-habillement (10,9%).
(ii) la discipline macroéconomique : une
priorité
Des politiques monétaire et budgétaire pru-
dentes permettent de maintenir l’inflation
sous contrôle. Néanmoins, elle reste élevée
comparativement à un pays tel que le Maroc
et cela malgré un réglage de l’évolution de
M4 de plus en plus fin à mesure que les ins-
truments de politique monétaire deviennent
plus performants.
En 2003, la hausse des prix est essentielle-
ment le résultat des évolutions des postes
des transports (4,5%), de l’hygiène, de l’en-
tretien et des soins (2,7%), et enfin de l’ha-
bitation (2%). Approximativement un tiers
des produits entrants dans le calcul de l’indi-
ce des prix à la consommation sont subven-
tionnés ou encadrés et leurs prix ont crû de
3,4%, surtout pour ce qui est des produits
non alimentaires, contre 2,4% pour les pro-
duits dont les prix sont libres. Le redémarra-
ge de l’économie et la hausse progressive du
niveau de vie des populations avec l’engoue-
ment que cela crée pour des biens autres que
ceux qui satisfont les besoins primaires et
pour les services, vont occasionner une crois-
sance plus rapide des prix des seconds que
des premiers. Par ailleurs, si l’encadrement
des prix permet de préserver le pouvoir
d’achat des ménages et de lutter contre la
pauvreté, le gouvernement désire laisser les
prix refléter plus complètement les condi-
tions du marché. Ces deux mouvements de
libéralisation et de hausse des niveaux de vie
engendrent une baisse progressive de la part
des subventions aux prix des biens dans le
budget de l’Etat en termes absolus (235 mil-
-213-
lions de Dh en 2002 contre 285 millions en
1991) comme en termes relatifs (0,7%
contre 2,4% du Pib pour les mêmes années).
Les politiques monétaire et budgétaire res-
tent fortement contraintes par une des fai-
blesses structurelles de la Tunisie à savoir son
manque de devises étrangères. Cela empêche
le développement et la libéralisation des
comptes externes et des marchés financiers
domestiques qui risqueraient d’entraîner une
crise de balance des paiements. La Tunisie est
souvent amenée à emprunter pour couvrir
ses besoins de financement ce qui accroît sa
vulnérabilité. En 2003, la balance courante
est restée sous contrôle et cela se confirme
au premier trimestre 2004. Le ralentissement
de la progression du crédit à l’économie et
l’aide débloquée par la Banque Mondiale ont
aidé à ramener les réserves à un montant
équivalant à 3,2 mois d’importations, mais le
redémarrage de l’économie pourrait signifier
un retour des difficultés surtout à la lumière
du raccourcissement important de la maturité
de la dette. La partie externe de cette derniè-
re demeure obstinément élevée à 53,8% du
PIB, et le service de la dette représente enco-
re 13,1% des recettes courantes en 2003.
L’obligation de durcir la politique monétaire
afin de préserver les réserves, qui pourrait
découler de ces fragilités, aurait des consé-
quences néfastes sur le crédit domestique et
l’investissement. Le gouvernement doit donc
réduire le déficit afin de dégager les liquidités
nécessaires pour rembourser la dette sans
peser sur l’économie.
(iii) des objectif de déficit budgétaire
ambitieux
En 2002, l’objectif de ramener le déficit bud-
gétaire à 0,7% du PIB n’a pas été atteint. Un
des postes de dépenses qui a le plus pro-
gressé pendant l’année 2002, une année de
fort ralentissement économique, est celui des
traitements et salaires (7,6%) qui représen-
te 73,5% des dépenses de fonctionnement et
près de 48,6% des ressources propres. Cette
progression est la conséquence à la fois
d’une hausse des effectifs et d’une revalori-
sation des salaires incluse dans le plan quin-
quennal 2002-2006. Le poste des services
sociaux a également crû rapidement. Ce sou-
tien à la demande intérieure explique le défi-
cit et l’impossibilité pour les autorités d’at-
teindre l’objectif fixé même si celui-ci était
très ambitieux et ne prévoyait pas la suite de
chocs internes et externes de 2001.
Figure 3 : Evolution du taux d’inflation et des taux de progression de M4 et du PIB aux prix courants
Source : Banque centrale de Tunisie
-214-
Les dépenses vont à hauteur de 44,8% aux
dépenses de fonctionnement, de 35% au ser-
vice de la dette et seulement de 20,2% à l’in-
vestissement et octroi de prêts. Les dépenses
d’investissement ont progressé de 0,2% en
2002 et leur contribution au PIB a chuté de
2,2% en 2002 comme en 2003. Les choix du
gouvernement tunisien sont encore marqués
par le mode de gestion passé, qui bien
qu’ayant été considérablement assaini, privi-
légie encore, en temps de crise, l’allègement
des pressions via la hausse de l’emploi public
au détriment de l’investissement ce qui crée
des rigidités à long terme (figures 4 et 5).
(iv) réforme de la politique de change et
monétaire
Jusqu’ici la Tunisie a réussi à protéger sa
compétitivité externe en s’appuyant sur un
régime de fixation du taux de change effectif
réel. Les contrôles touchant les mouvements
de capitaux et l’absence de choc macroéco-
nomique violent ont permis de poursuivre
cette politique depuis les années 1970 mais a
occasionné des tensions récurrentes sur le
change qui ont été coûteuses en termes de
réserves de devises. La Tunisie se trouve
aujourd’hui dans une situation de manque
structurel de réserves de monnaies étran-
gères qui entrave la poursuite de son inté-
gration commerciale internationale. Une révi-
sion du régime de change est donc à l’étude.
Autre argument en faveur d’un régime de
change plus flexible : les analyses ont mon-
tré que cette politique cambiaire de ciblage
du taux de change effectif réel a été coûteu-
se dans le passé en termes de performances
de croissance. Elle a eu l’avantage indéniable
d’obliger les autorités à mettre en place des
politiques d’ajustement structurel et à amé-
liorer leur discipline budgétaire et monétaire
Figure 5 : Répartition des dépenses du budget
Source : Banque centrale de Tunisie
Figure 4 : Evolution des dépenses (en millions de dirham)
-215-
afin de rendre compatibles les politiques
macroéconomiques et la politique de change
et de réduire les tensions sur les marchés des
changes. Mais elle a également créé des
écarts entre le taux de change d’équilibre et
celui ciblé par les autorités même si ça ne
semble pas étre le cas aujourd’hui (FMI,
2003). Ceux-ci se sont répercutés sur les
décisions d’investissement et de consomma-
tion des agents. L’allocation des ressources a
donc pu se faire en faveur de secteurs relati-
vement moins rentables, dotés d’une produc-
tivité moindre, mais qui ont bénéficié, à court
terme, des distorsions de prix générées par
le mauvais alignement du change.
Enfin, la Tunisie voudrait poursuivre la
convertibilité du compte de capital qui
devient nécessaire afin de bénéficier de
sources de financement plus diversifiées et
plus importantes pour prolonger la mise à
niveau de l’économie, financer la dette sans
peser trop lourdement sur le développement
du secteur privé et, palier au manque struc-
turel de devises. Ce type de stratégie pré-
sente cependant plusieurs écueils :
(i) en régime de change fixe, même vis-à-
vis d’un panier, la libéralisation des
mouvements de capitaux peut générer
des tensions sur le change si les don-
nées macroéconomiques du pays diver-
gent de celles des pays sur lesquels la
monnaie est ancrée. Ainsi, un choc,
même temporaire, objectif, tel qu’une
sécheresse, ou subjectif, tel qu’une
incertitude sur le résultat et le déroule-
ment d’une élection, peut donner lieu à
des sorties de capitaux massives. La
banque centrale de Tunisie n’est pas
actuellement armée pour faire face effi-
cacement à ce genre de crise. Des ten-
sions sur le change peuvent se traduire
par une perte de compétitivité et un
approfondissement des déséquilibres
externes. Une crise de balance des paie-
ments n’est donc pas à exclure si le
régime de change tunisien demeure ce
qu’il est aujourd’hui. Il faut donc
(ii) la libéralisation du compte de capital
doit aller de concert avec une libéralisa-
tion des marchés financiers domes-
tiques afin d’assurer une absorption et
une affectation optimales de ces res-
sources. L’innovation financière qui
résulte généralement de ce processus
affaibli le lien existant entre les agré-
gats monétaires et l’inflation. La poli-
tique monétaire perd de son efficacité et
une nouvelle ancre nominale doit être
instaurée.
Afin de répondre à ces risques de déstabili-
sation, qui sont pourtant inhérents au déve-
loppement d’un pays et à son insertion sur
les marchés internationaux tant commer-
ciaux que financiers, le pays doit avant tout
mettre en place les garde-fous nécessaires
(amélioration de la gouvernance au sein de la
banque centrale et du gouvernement, du
fonctionnement des organismes de supervi-
sion des marchés de capitaux et de la gestion
bancaire, etc.). L’expérience a néanmoins
montré que les autorités se trouvent souvent
démunies face à une crise cambiaire, mais
que, dans une certaine mesure, un engage-
ment crédible à poursuivre la stabilisation
macroéconomique et à en accepter le prix
peut aider à limiter les incertitudes des mar-
chés donc le développement et la propaga-
tion de phénomènes épidermiques. Les
efforts antérieurs en matière de stabilisation
macroéconomique doivent donc être poursui-
vis mais, à moyen terme, le plus urgent pour
le gouvernement sera de se doter d’une nou-
velle ancre nominale.
Le gouvernement tunisien envisage actuelle-
ment de mettre en place une politique de
ciblage de l’inflation, stratégie qui est soute-
-216-
nue par les experts du FMI. Cette politique a
prouvé son efficacité pour d’autres pays en
développement. La Tunisie satisfait déjà à
certaines des conditions nécessaires à son
succès (discipline budgétaire, par exemple)
et l’inflation est sous contrôle. Il s’agirait
simplement de glisser vers un nouveau mode
de gestion de l’inflation basé sur une poli-
tique de communication large permettant de
distinguer les influences structurelles et
conjoncturelles à l’œuvre, d’établir la qualité
des interventions de la banque centrale, de
clarifier les rôles et les responsabilités res-
pectives du gouvernement et de la banque
centrale, etc. Ce ciblage serait un moyen de
tirer tous les fruits de la stabilisation macroé-
conomique établie et de maintenir un contrô-
le efficace de l’inflation, mais, infiniment plus
important, de contenir et guider une force
émergeante mais qui peut devenir rapide-
ment extrêmement puissante : les anticipa-
tions inflationnistes des agents.
-217-
Turquie
Un climat d’incertitude fort a marqué l’année
2003 pour la Turquie. Les incertitudes poli-
tiques internes et l’arrivée d’un nouveau gou-
vernement, la guerre en Irak, la hausse des
prix du pétrole et des prix des produits pri-
maires, la dévaluation de la lire turque ont
engendré à la fois des perturbations sur les
marchés financiers, une croissance rapide du
prix des facteurs de production et un alour-
dissement de la facture céréalière qui se sont
traduits par des tensions inflationnistes.
Cette configuration n’était pas, a priori, favo-
rable à la reprise économique turque, mais la
brièveté de la guerre en Irak, les bonnes per-
formances fiscales, les accords trouvés avec
le FMI ont permis au gouvernement de ras-
surer les agents et les marchés.
De ce fait, la Turquie, qui a renoué avec la
croissance en 2002 (7,8%), a vu cette ten-
dance se confirmer en 2003 (5,8%). Les pré-
visions de croissance ont été largement
atteintes. Les enquêtes montrent que les
agents sont confiants pour ce qui est du cli-
mat des affaires mais une détérioration s’est
produite depuis juillet 2003 et, en particulier,
concernant le dynamisme des marchés
domestiques. Les agents restent également
pessimistes sur le plan du volume des com-
mandes alors que c’est la demande privée
qui a soutenu le PIB en 2003. Les investisse-
ments ne semblent pas près à repartir alors
que leur chute a été considérable sur les
deux dernières années et que leur évolution
conditionnera les performances de croissance
à venir (figure 1).
Bien que la productivité globale des facteurs
soit encore insuffisante du fait d’un cycle très
chaotique qui gène l’accumulation, les ten-
dances structurelles sont favorables à une
amélioration rapide de la situation. Les sec-
teurs à forte valeur ajoutée et ceux qui faci-
Figure 1 : Résultat des enquêtes de conjoncture
50
60
70
80
90
100
110
120
130
140
General businesssituation
Exports prospects Investmentexpenditure
Total amount oforders
Amount of stocks offinished goods (*)
Total employment Volume of output Volume of goodssold in domestic
market
Volume of raw-material stocks
July 2003 May 2004 June 2004 July 2004
INDEX = 100 : A stable outlook to the economic activity by the real sector agents covered by the BusinessTendency Survey. INDEX > 100 : An optimistic outlook to the economic activity by the real sector agentscovered by the Business Tendency Survey. INDEX < 100 : A pessimistic outlook to the economic activityby the real sector agents covered by the Business Tendency Survey.Source : Central Bank of Turkey.
Figure 2 : Indices de production et de salaire horaire dans l’industrie manufacturière
60
70
80
90
100
110
120
1998Q1 1999Q1 2000Q1 2001Q1 2002Q1 2003Q1 2004Q1
Index of Production Hours Worked In Manufacturing Industry
Index of Real Wages Per Production Hour Worked In Manufacturing Industry
Source : Central Bank of Turkey.
-218-
litent l’acquisition du progrès technique (sec-
teur manufacturier, commerce, transport et
télécommunication, électricité) voient leurs
parts dans le PIB croître et absorbent la main
d’œuvre rendue disponible par l’exode rural
et la perte de vitesse de l’agriculture. De
plus, les salaires réels ont beaucoup baissé à
la suite du ralentissement économique, la
production repartant, la productivité va aug-
menter au moins dans les industries manu-
facturières (figure 2).
Le défi que doit relever la Turquie est de par-
venir à lisser le cycle économique, les crises
répétées (1994, 1999, 2001) ayant des
conséquences désastreuses sur le processus
d’accumulation. Le gouvernement a donc
adopté un train de mesures propice à remé-
dier aux faiblesses structurelles de l’écono-
mie turque. Notamment, une nouvelle poli-
tique monétaire a été instaurée et commen-
ce à porter ses fruits. La désinflation est au
cœur des préoccupations. Les engagements
des autorités doivent être tenus puisque l’ai-
de apportée par le FMI, essentielle à la repri-
se économique, est conditionnelle à l’atteinte
de critères d’inflation, de niveau des disponi-
bilités de la banque centrale, etc. Cette
contrainte est lourde mais semble rendre
crédibles les annonces des autorités en
matière de politiques monétaire et budgétai-
re. Elle contribue au respect des critères via
les comportements anticipatifs des agents,
qui s’expriment lors de la négociation des
contrats par exemple, qui ont globalement
intégré la cible comme étant crédible.
Après avoir abordé la situation économique
turque, un point sera fait sur la politique mise
en place pour réduire l’inflation.
(i) la reprise touche toutes les compo-
santes de la demande sauf la demande
publique
En 2003, c’est la demande privée, l’investis-
sement fixe et la constitution de stocks qui
ont soutenu le PIB. Pour ce qui est de la
consommation privée, les achats de biens
durables (24% en 2003 contre une croissan-
ce annuelle moyenne 1987-2000 de 8,7%)
ont marqué la progression la plus vive tandis
que celle des services n’a pas faibli (8,5% en
2002, 7,5% en 2003). L’appréciation de la
lire turque, des hausses de prix relativement
moins marquées, des taux d'intérêt en bais-
se et des offres de crédit présentant une plus
grande flexibilité (horizon étendu) et la réali-
Figure 3 : Décomposition du PIB
0,6
5,86,8
8,0
17,6
14,7
-7,5-9,2 -8,5
7,47,9
2,1
5,4
-1,1
11,1
15,8
5,86,6
-2,4
10,0
16,0
8,3
-9,1-31,5
-15
-10
-5
0
5
10
15
20
Produit IntérieurBrut
ConsommationPrivée
ConsommationPublique
Investissement fixe Exportations debiens et services
Importations debiens et services
1995-1998 2001 2002 2003
Source : Central Bank of Turkey.
-219-
sation de dépenses qui avaient été retardées
étant donné le contexte défavorable passé
sont à l’origine de ce phénomène. Les impor-
tations de biens durables, en volume, ont
progressé de 47,9% en 2003 contre 22,7%
en 2002 mais –49,4% en 2001.
Les coupes dans les dépenses publiques ont
cependant pesé sur la demande privée via
son effet indirect sur le revenu disponible.
Cela a eu l’avantage d’alléger les tensions
inflationnistes potentielles. En dehors de la
nourriture, ce qui s’explique par les varia-
tions des prix internationaux, c’est, en effet,
le poste de l’habitat qui a vu ses prix ralentir
plus lentement que les autres, exception
faite de la santé et de l’éducation.
La reprise des investissements privés
(20,3%) et le niveau élevé du rythme de
constitution de stocks (58,7%) reflètent les
anticipations optimistes des agents. Les
importations en volume de biens d’investis-
sement retracent bien la dynamique de l’in-
vestissement domestique en Turquie. Ceux-ci
ont cru de 38,3% en 2003 (11,2% en 2002)
tandis que les biens intermédiaires gagnaient
30% (23,9% en 2002). Les exportations de
biens d’investissement (42,3%), et en pre-
mier lieu de matériel de transport (57,8% en
volume), expliquent la contribution impor-
tante des exports à la croissance du PIB.
La demande publique recule, résultat de la
nouvelle politique de rééquilibrage du budget.
Afin d’éviter de compromettre la reprise, l’as-
sainissement des finances publiques est fon-
dée sur des dépenses moindres. Cependant,
si l’investissement a considérablement chuté
depuis 2002 (-11,5%), le poids des salaires
continue de progresser en 2002 et 2003
(0,7% et 0,9% respectivement). Il faudra
dans le long terme contenir ces hausses sala-
riales afin d’éviter une résurgence des pres-
sions inflationnistes et réduire les rigidités.
Pour 2004, le recul de la demande publique
devrait se poursuivre. Cela devrait avoir un
impact positif sur la demande privée et l’in-
vestissement en générant des anticipations
favorables au maintien des taux d'intérêt réel
bas et de taux de change stables et la pour-
suite de l’amélioration de la confiance des
ménages et des investisseurs.
Du côté de l’offre apparaît un potentiel de
croissance élevée important. La croissance
turque repose pour l’instant largement sur
les performances du secteur industriel et
avant tout manufacturier dont la compétitivi-
té s’est beaucoup améliorée.
La production industrielle a enregistré des
taux de croissance en termes réels de –7,5%
en 2001-2000 mais la reprise a été immé-
diate avec 9,4% de croissance en 2002 et
7,8% en 2003. Ces résultats sont dus à la
bonne tenue du secteur manufacturier
essentiellement (-8% en 2001, 10,4% en
2001 et 8,6% en 2003). Le secteur de l’élec-
tricité se tient bien également, mais il ne
représente que 0,5% de l’emploi total et aux
alentours de 1% du PIB.
Le secteur tertiaire représente 60% du sec-
teur privé, mais il est plus délicat de prévoir
son évolution. Certains pants sont encore
très fragiles (institutions financières, etc.) et
leurs contributions ne retrouveront pas leur
niveau antérieur à court terme. A contrario,
le commerce de gros (8,09% en 2003, 11%
en 2002 vs. –9,4% en 2001) et le transport
(8,35%, 6,04% vs. –5,3% pour les mêmes
années) se portent bien sachant que le com-
merce compte pour 19% de l’emploi (dont
8,4% non rémunéré) et 23% du PIB et le
transport pour 4,7% de l’emploi (2,2% non
rémunéré) et 13,5% du PIB.
Deux facteurs devraient favoriser une crois-
sance forte dans le secteur manufacturier :
-220-
(i) les gains de productivité repartent sur leur
tendance passée, (ii) l’emploi continue de
baisser tout comme les salaires réels.
Cependant, l’appréciation de la lire turque
renchérit les imports qui entrent pour une
large part dans le processus de production.
La reprise ne met donc pas en danger la com-
pétitivité externe de l’économie et les bonnes
performances à l’export devraient perdurer,
malgré une appréciation des taux de change
effectif réel calculés sur la base des prix à la
consommation comme des prix de gros
(12,1%, 7,9% respectivement en 2003). Les
termes de l’échange restent favorables avec
une hausse du prix des exports de 13,1% en
2003 contre 6% pour les imports (respective-
ment 15,4% et 13,9% en juin 2004).
Cette situation est propice à une croissance
saine car elle limite le jeu de l’effet Balassa-
Samuelson et les hausses de prix sur les
marchés domestiques. Enfin, la mise aux
normes européennes de la législation portant
sur la concurrence élimine progressivement
les incertitudes pour les entrepreneurs tant
du point de vue de l’application que de l’in-
terprétation des lois ce qui devrait avoir des
répercussions positives sur la compétitivité.
Un point à surveiller de près : les salaires du
secteur public servent de signal et détermi-
nent ceux du secteur privé or le salaire nomi-
nal des fonctionnaires a été augmenté de 5%
depuis le début de l’année 2004 et devrait
croître de 6% pour la seconde partie de l’an-
née. Le salaire minimum a quant à lui gagné
38,2% pour 2004. Le pilotage des salaires du
secteur public doit être très précautionneux
puisque les autorités doivent trouver le juste
équilibre entre (i) la nécessité de préserver la
productivité et de ne pas déprimer la deman-
de privée étant donné les effets négatifs de
l’orientation restrictive donnée à la politique
budgétaire, et (ii) ne pas compromettre les
chances d’atteindre la cible d’inflation qui
conditionne l’aide financière accordée par le
Figure 4 : Productivité, salaire réel et emploi dans le secteur manufacturier public et privé
0
25
50
75
100
125
150
175
200
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Salaire réel Productivité Emploi
Source : SIS, Index of Partial Productivity Per Production Hours Worked, Index of Production WorkersWorking in Manufacturing Industry, Index of Real Wages Per Production Hour Worked In ManufacturingIndustry (1997=100).
0
25
50
75
100
125
150
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Salaire réel Productivité Emploi
Figure 5 : Structure de l’emploi
2000 2001 2002 2003 2000 2002 2003Unpaid Family Worker 4243 4446 4142 4255 20,6 20,3 20,0Employer 1095 1128 1162 1046 5,3 5,7 4,9Self employed 5097 5042 4777 5328 24,8 23,4 25,0Regular Employee 8060 8169 8747 9027 39,2 42,9 42,4Casual Employee 2063 1712 1584 1639 10,0 7,8 7,7Total 20559 20497 20412 21295 100,0 100,0 100,0
Part dans l'emploi totalMilliers
Source : Central Bank of Turkey.
-221-
FMI, le degré de confiance des agents
domestiques et étrnagers dans le gouverne-
ment et le dynamisme de la croissance.
La crise a induit un recul du PIB par tête,
mais le rebond de la croissance et la résilien-
ce du marché du travail vont permettre de
limiter l’impact sur la pauvreté. Le PNB qui
était de 3060 dollars par tête en 1998 a
chuté à 2420 dollars en 2001 mais commen-
ce à repartir (2490 dollars pour 2002).
Comme souvent en temps de crise, les per-
sonnes occupant un emploi occasionnelle-
ment ont été amenées à sortir du marché du
travail (-2,3 points de pourcentage) mais la
part de l’auto-emploi, après avoir fléchie, se
reprend et l’emploi régulier continue sur sa
tendance à la hausse.
Par ailleurs le chômage a baissé passant de
10,6% à 9,4%. Mais, le taux de sous-emploi,
c'est à dire de personnes qui souhaiteraient
travailler plus d’heures ou ayant un emploi
mais en cherchant un autre, est de 4,6% ce
qui porte la part de la force de travail inacti-
ve à 14,1% (troisième trimestre 2003). Le
taux de participation s’est replié passant de
52,4% à 50,5% ce qui atténue les tensions
sur le marché du travail (-1,6 points pour les
hommes, -2,4 points pour les femmes). Le
taux de chômage des jeunes qualifiés est
encore très élevé à 31,8% contre 25,6% en
2002 pour le même trimestre.
Les secteurs ayant le plus créé d’emploi font
partie du secteur tertiaire, tels que le com-
merce (3,6%), le transport (5,8% contre
–2,9% en 2002), la finance (8,5%). Dans le
secteur manufacturier, qui représente 17,9%
de l’emploi total, l’emploi avait augmenté en
2002 (1%) mais stagne en 2003 (-0,1%).
Dans celui de l’agriculture (33,9% de l’emploi
total), la création d’emploi a été de 6,8%
mais la moitié des travailleurs est ici non
rémunérée.
(ii) politique budgétaire : vers un assai-
nissement
Les objectifs de la politique budgétaire privi-
légient une réduction du déficit via des
dépenses moindres et un solde primaire posi-
tif croissant afin de se désendetter et d’allé-
ger le service de la dette. Les efforts faits
sont très encourageants.
En 2003, les recettes se sont maintenues en
pourcentage du PIB comparativement à leur
niveau de 2002 (27,9%). Ce résultat doit
beaucoup à l’entrée en vigueur en 2002
d’une taxe additionnelle sur les biens et ser-
vices dont le montant pour 2003 représente
50,7% des recettes de TVA (20% en 2002) et
26,4% des revenus des taxes (10% en 2002)
soit 22,25% des recettes totales, ce qui est
une progression considérable. La diminution
des taxes sur l’achat de véhicule à moteur ou
de pétrole ne compensent pas les recettes
générées par cette taxe spéciale.
La hausse des dépenses de personnel reste
raisonnable (21,6% des dépenses contre
20,1% en 2002). L’austérité budgétaire
transparaît clairement dans l’évolution du
poste investissements qui accuse une chute
de 1 point de pourcentage passant de 6%
des dépenses à 5,1%. Enfin, les paiements
au titre du service de la dette poursuivent
leur recul. Ils représentaient 51,1% des
dépenses en 2001, mais seulement 41,8%
en 2003. La répartition entre financement
domestique et étranger demeure stable. Par
ailleurs, la part des transferts, du fait de la
crise, a beaucoup progressé entre 2001
(6,3% des dépenses) et 2003 (11,4%).
Aspect moins positif, le poids des salaires
progresse passant de 18,9% des dépenses
en 2001 à 21,6% en 2003.
Globalement, les recettes couvrent 71,6%
des dépenses contre 66,1% en 2002. Elles
-222-
représentent 27,9% du PIB tandis que les
dépenses se montent à 39% du PIB. Les
besoins de financement du gouvernement
sont donc encore considérables. Il faut néan-
moins noter que le solde primaire qui mesu-
re la capacité de l’économie à se désendetter
gagne 0,6 points de pourcentage par rapport
à 2002 à 5,2% du PIB tandis que le déficit
passe de –14% du PIB à –11,1%.
En 2003, le stock total de dette a crû de
16,6%, mais cette évolution recouvre (i) un
allégement de la dette étrangère due à des
conditions de refinancement sur les marchés
mondiaux avantageuses et une politique effi-
cace de gestion de la dette faisant appel
notamment à des swap de devises, (ii) un
alourdissement de la dette domestique de
29,7%. Le gouvernement souffre d’une rigi-
dité des taux d'intérêt réels qui entraîne un
ralentissement de la décrue des taux d'inté-
rêt nominaux et les taux à long terme restent
hauts du fait des doutes qui persistent
concernant la soutenabilité de l’orientation
budgétaire actuelle et les futures fluctuations
des taux de change et des taux d'intérêt. Par
ailleurs, la dette à court terme est lourde.
La poursuite de l’assainissement budgétaire
nécessitera (i) de revoir le système de taxe
qui est trop complexe (dans cet esprit a été
mise en place la taxe spéciale sur la consom-
mation en 2002) et pénalise les ménages à
faible revenu, améliorer son efficacité,
étendre l’assiette aux activités non encore
enregistrées, etc. (ii) de réformer le système
de pension dont l’équilibre budgétaire est
fragilisé, notamment par la rapide croissance
des dépenses de santé, et (iii) d’accroître la
transparence du fonctionnement de l’admi-
nistration ce qui est l’objet de la Public
Financial Management and Control Law, (iv)
d’introduire une certaine flexibilité des res-
sources et des dépenses via, par exemple, la
maîtrise des salaires et de la dette ce qui, par
ailleurs, est indispensable dans le cadre de la
politique de lutte contre l’inflation.
(iii) une politique de ciblage de l’infla-
tion très efficace
Le redressement rapide de l’économie turque
doit beaucoup à la nouvelle architecture de la
politique monétaire qui est relayée par le
changement d’orientation de la politique
budgétaire. La coopération des autorités
budgétaire et monétaire accroît sensiblement
la crédibilité du programme de politique
macroéconomique mis en œuvre. La maîtrise
de l’inflation est devenue la première priorité
du gouvernement. Les résultats obtenus sont
étonnants, mais beaucoup reste à faire pour
consolider l’acquis.
Une nouvelle politique monétaire visant à
réduire l’inflation rapidement a été mise en
place en 2001. Elle consiste en un ciblage
implicite de l’inflation future qui doit se trans-
former en ciblage explicite. Cette politique,
pour ambitieuse qu’elle paraisse puisque la
cible était de réduire l’inflation de 60% en 2
ans, se justifiait étant donné les caractéris-
tiques du processus inflationniste turc. Celui-
ci est, en effet, largement influencé par la
situation budgétaire, et curieusement assez
peu par l’inflation passée, mais beaucoup
plus fortement par l’inflation future anticipée
par les agents (Celasun, Gelos, Prati, 2003).
L’engagement crédible des autorités de
contenir le déficit budgétaire, le lancement
d’une nouvelle unité monétaire, la révision
du régime de change ont restauré la confian-
ce des agents en l’avenir et ont permis de
diminuer l’inflation.
Les ingrédients de la politique monétaire et
cambiaire turque sont :
(i) la mise en flottement forcée du change
le 22 février 2001 à la suite d’attaques
-223-
spéculatives répétées motivées par les
incertitudes concernant la capacité du
système bancaire à absorber les effets
désastreux sur leurs bilans de la hausse
vertigineuse des taux d'intérêt (100%)
intervenue en novembre qui visait à
faire cesser les pressions sur les
changes. Après cela, l’histoire est
connue. La crise bancaire était avérée
peu après. La concentration des enga-
gements sur quelques clients privilé-
giés, les manques de la supervision, la
fragilité extrême impliquée par des
engagements à long terme constitués
principalement par des bonds du Trésor
adossés à des refinancements à court
terme devenus extrêmement onéreux
expliquent, entre autres, l’effondrement
du système bancaire.
Les autorités ont alors préféré laisser
flotter le change, mais elles mènent une
politique d’intervention active afin de ne
pas laisser se développer sur les mar-
chés des changes des mouvements
amples qui pourraient empêcher d’at-
teindre la cible d’inflation. Leur action
ne cherche pas à s’opposer à la déter-
mination par le marché du taux de
change d’équilibre et des tendances de
long terme.
Au 1er janvier 2005, une unité monétai-
re nouvelle va être introduite et va pro-
gressivement prendre la place de l’an-
cienne monnaie. Elle s’appellera la «
nouvelle lire turque ». Six zéros seront
ôtés à la présente unité monétaire. A
terme, elle remplacera complètement
l’ancienne monnaie.
(ii) A la mi avril 2001, le programme de
transition vers une économie forte
(Transition to Strong Economy Program)
a été annoncé qui touchait la politique
budgétaire, la privatisation, la réforme
du système bancaire et les réformes
structurelles.
Le statut et le rôle de la banque centrale ont
été redéfinis à cette occasion. Un
contrat a été établi entre la banque cen-
trale et le gouvernement. La première
n’est plus tenue de financer le déficit et
la stabilité des prix devient l’objectif
prioritaire de la politique monétaire. Un
Comité pour la politique monétaire a été
créé qui est chargé de fixer la cible d’in-
flation en collaboration avec le gouver-
nement. La banque centrale doit
atteindre l’objectif fixé et, dans ce des-
sein, jouit d’une totale indépendance
instrumentale. Elle est rendue respon-
sable de toute déviation par rapport à la
cible et des sanctions peuvent en
découler. Améliorer la transparence de
la politique menée est alors devenu
indispensable pour asseoir la crédibilité
des autorités monétaires.
Depuis lors sont publiés très régulière-
ment des enquêtes sur les anticipations
d’inflation, des analyses très détaillées
de la situation courante et à venir, des
risques de dépassement de la cible et
des moteurs de la politique monétaire
suivie, etc. Le suivi strict des perfor-
mances turques en matière de politique
monétaire par le FMI accroît la transpa-
rence et la crédibilité de la politique
annoncée puisque le respect des enga-
gements détermine l’aide accordée. Une
politique de communication à large
échelle a été développée qui s’est révé-
lée très efficace ce qui souligne encore,
comme l’on prouvé nombre d’études,
que c’est là un élément clé de l’amélio-
ration de la crédibilité d’une politique de
ciblage de l’inflation.
(iii) Le taux d'intérêt à court terme devient
l’instrument de la politique monétaire.
En même temps, sont adoptés des cri-
tères de performance monétaire (un
plafond pour la base monétaire et un
plancher pour les réserves internatio-
-224-
nales nettes) et des cibles indicatives
(un plancher pour les actifs domes-
tiques nets, pour le stock de dette
externe à court terme) dans le cadre du
programme économique soutenu par le
FMI. Ceux-ci se superposent à ceux de
Maastricht qui guident la politique
macroéconomique.
Cette politique a donné des résultats positifs
rapidement, mais ceux-ci sont encore fragiles :
(i) les critères de performance ont été géné-
ralement respectés. La demande de
monnaie présente des signes d’instabilité
ce qui déstabilise l’évolution des agrégats
de monnaie. Dans un contexte de chan-
gement structurel de politique monétai-
re, ceci est normal (Monetary Policy
Report, 2004). Par ailleurs, l’adaptation
du comportement des agents au nou-
veau cadre de politique monétaire que
cela reflète peut aider à renforcer la cré-
dibilité de cette politique. Un dépasse-
ment occasionnel de la cible de masse
monétaire n’a donc rien d’alarmant.
La base monétaire a cru de 42,6% en
2003 principalement du fait de la haus-
Figure 5 : Objectifs d’assainissement monétaire choisi avec le FMI
Source : Monetary Policy Report, Central Bank of Turkey.
-225-
se de la monnaie en circulation (39,8%)
qui compte pour 70% de l’agrégat.
Cette évolution de la demande de mon-
naie résulte, d’une part, de la confiance
accrue dans la valeur de la monnaie
domestique qui encourage les transac-
tions en monnaie domestique et, d’autre
part, d’un climat des affaires favorable
(baisse des taux d'intérêt, taux de chan-
ge stable, réduction des évaluations du
risque encouru, résolution rapide du
conflit irakien, etc).
Les cibles d’inflation ambitieuses ont
toutes été atteintes. Le taux de crois-
sance mensuel ciblé pour les prix à la
consommation était fixé à 35% pour
décembre 2002, à 20% pour décembre
2003 et à 12% pour la fin 2004 alors
que l’inflation était encore début 2002 à
72,5%. Le taux réalisé est de 29,5% en
décembre 2002, 18,3% en décembre
2003 et 9,2% en juillet 2004. Des iner-
ties persistent, comme souligné plus
haut, mais les tendances actuelles lais-
sent espérer que la cible sera respectée
en 2004.
(ii) Les taux d'intérêt ont diminué grâce à la
baisse de la prime de risque. Les
spreads sur la dette souveraine offrent
des conditions de financement intéres-
santes maintenant que les incertitudes,
notamment politiques, sont aplanies
(figure 7). Les taux d'intérêt sur les
marchés domestiques présentent la
même tendance. Ainsi, les taux d’intérêt
interbancaires sont passés de 44% en
Figure 6 : Cible d’inflation et évolution des prix
Figure 7 : Evolution des spreads sur la dette souveraine
0
200
400
600
800
1000
1200
anv-0
2
ars
-02
mai-02
juil-0
2
ept-
02
ov-0
2
anv-0
3
ars
-03
mai-03
juil-0
3
ept-
03
ov-0
3
anv-0
4
ars
-04
mai-04
juil-0
4
Crise de lacoalition
Ecevit
Campagneélectorale
Election
Brouilletemporaire
avecWashington
Source : Ecowin à partir de JPMorgan.
Source : Monetary Policy Report, Central Bank of Turkey.
-226-
janvier à 26% en décembre et les taux
d'intérêt sur les titres gouvernementaux
de 47,57% à 24,67% pour une échéan-
ce à 6 mois et de 57,39% à 29,51%
pour une échéance à 12 mois.
(iii) La lire turque s’est appréciée à partir
d’avril 2003 ce qui prouve l’optimisme
des agents concernant le redémarrage
de la croissance économique. Les IDE se
stabilisent (863 millions de dollars en
2002 contre 1063 millions de dollars en
2003) et le retournement de tendance
des investissements de portefeuille qui
affectionnent à nouveau la Turquie est
sensible (-4515 millions de dollars en
2001, -593 millions de dollars en 2002,
2569 millions de dollars en 2003).
(iv) Le taux de dollarisation est en recul, ce
qui renforce le pouvoir de pilotage de
leur économie par les autorités moné-
taires. Civcir (2002) montre que le taux
de dollarisation dépend largement du
différentiel de taux d'intérêt et des taux
de change anticipés. Le programme
d’ajustement en cours est donc jugé
crédible par les agents ce que montre le
retour des capitaux et la préférence
pour les actifs libellés en lire turque.
Les dangers qui pourraient engendrer un
retournement de la tendance actuelle à la
décrue de l’inflation, outre les chocs externes
tels que la poursuite de la hausse des prix du
pétrole ou des matières premières, par
exemple, et qu’il faut maîtriser pour instau-
rer un contrôle efficace de l’inflation sont :
(i) la rigidité des prix qui caractérise les
activités du secteur tertiaire.
Actuellement, les prix décroissent dans
tous les secteurs, puisque à la fois les
évolutions de l’inflation et des taux de
change le permettent, sauf ceux expo-
sés aux fluctuations des prix internatio-
naux du pétrole, par exemple. Ils sont
tous cohérents avec la cible d’inflation
choisie sauf ceux des services, en parti-
culier ceux du bâtiment et de la santé.
(ii) les hausses de salaire et la politique de
revenu du secteur public. La demande
privée qui connaît une vive progression,
tout comme la demande d’exportations,
pourrait accroître les pressions inflation-
nistes si la production ne s’adapte pas
assez rapidement.
(iii) les coupes dans les dépenses et une dis-
cipline monétaire plus stricte ne suffi-
ront pas pour atteindre à la fois les deux
objectifs de croissance forte et d’infla-
tion à un chiffre pour 2005. Les
réformes doivent être poursuivies en
particulier pour ce qui est du système
de pensions et de taxes, pour asseoir
sur des bases solides la discipline bud-
gétaire. La réforme du système bancai-
re doit être finalisée.
Figure 8 : Taux de change interbancaire
1000000
1100000
1200000
1300000
1400000
1500000
1600000
1700000
1800000
1900000
2000000
01.0
1.2
002
03.0
2.2
002
08.0
3.2
002
10.0
4.2
002
13.0
5.2
002
15.0
6.2
002
18.0
7.2
002
20.0
8.2
002
22.0
9.2
002
25.1
0.2
002
27.1
1.2
002
30.1
2.2
002
01.0
2.2
003
06.0
3.2
003
08.0
4.2
003
11.0
5.2
003
13.0
6.2
003
16.0
7.2
003
18.0
8.2
003
20.0
9.2
003
23.1
0.2
003
25.1
1.2
003
28.1
2.2
003
30.0
1.2
004
03.0
3.2
004
05.0
4.2
004
08.0
5.2
004
10.0
6.2
004
13.0
7.2
004
15.0
8.2
004
USD Euro
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-227-
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Notes
2ème partie:[1] : Le dinar s’est apprécié par rapport au
dollar (3%) et déprécié par rapport àl’euro (13,8%), à la livre sterling (-4,6%) et au yen (-5,2%). Sur l’année,les taux de change effectifs, réel commenominal, se sont d’abord dépréciés puisappréciés, en partie à cause du redé-marrage de l’inflation.
[2] : Le secteur privé compte pour 55,7% duPIB et 60% des dépôts bancaires mais33,1% seulement des prêts desbanques sont destinés aux entreprises.L’accès au crédit est une des principalescontraintes au développement du sec-teur privé. Si les banques privilégienttrop souvent les entreprises publiqueset imposent des conditions d’octroidrastiques aux entrepreneurs, il n’enest pas moins vrai que ces derniers ontdes capacités réduites à produire desinformations claires et fiables, desbilans prévisionnels, etc. Enfin, lasupervision défaillante n’incite pas auchangement.
[3] :50% de la dette serait libellée en dollars,selon les estimations des experts de labanque mondiale, contre 30% en eurosalors que les disponibilités générées parles exports, essentiellement des dollars,ne protègent pas la pays contre uneappréciation forte de l’Euro telle quecelle intervenue cette année.
[4] :Confrontés au manque de données entemps réel sur l’état de l’économie, TheEgyptian Center for Economic Studies aconstruit et publie régulièrement unindice de performance passée et antici-pée pour chacun des secteurs-clé del’économie, à savoir ceux du tourisme,de la construction et de l’industrie.
[5] :Les restrictions à la circulation desbiens et des travailleurs venant dePalestine concernent les mouvementsaux frontières et dans la Bande deGaza. Elles sont de trois types : (i) lesrestrictions au sein de la Bande deGaza auxquelles s’ajoutent ponctuelle-ment des couvre-feu, (ii) des limita-tions aux frontières entre Israël et laBande de Gaza et entre Israël et Gaza,(iii) les limitations aux points de passa-ge entre la bande de Gaza et laJordanie et entre Gaza et l’Egypte.
[6] :FMI (2004b).[7] :La preuve en est les achats conséquents
qui ont été faits avant sa mise en placeen prévision de la croissance de leurprix et qui ont engendré une améliora-tion très passagère de la croissanceéconomique. De même, la mise en placede la TVA a été compliquée par les choixcornéliens impliqués par la volonté deminimiser l’impact qu’elle pourrait avoirsur le niveau de pauvreté des popula-tions.
[8] :Les prévisions de l’EconomistIntelligence Unit sont de 3,1% pour2004 et 3,2% pour 2005, celles publiéesdans le World Economic Outlook de2004 sont de 3% pour ces mêmes deuxannées. Celles du FMI, en revanche,sont nettement plus élevées, soit 5% en2004 (FMI, 2004c).
[9] :Le taux de dollarisation se définit commele rapport des dépôts en monnaiesétrangères sur les dépôts en monnaiedomestique.
[10] :Ainsi les taux d'intérêt sur les bonds duTrésor à trois mois sont passés de11,18% en octobre 2002 à 5,48% endécembre 2003 et ceux à un an, de13,43% à 6,87% sur la même période.
[11] :Cette comparaison doit cependant êtreprudente car la période étant différenteet 1999-2000 ayant été marqué par deschocs internes forts au Maroc celaimpacte négativement sur les chiffrestrès sensibles à la conjoncture.
[12] :167 Dh par jour contre 124 dans le sec-teur secondaire et 100 dans le secteurde l’agriculture en 2000 selon les don-nées de la CNSS. C’est le secteur des «autres services » qui regroupe la res-tauration et l’hôtellerie, la réparation,les services fournis aux entreprises etles services personnels et domestiquesqui présentent le niveau de salaire leplus élevé (194Dh par jour) contre158Dh pour les transports, entrepôts ettélécommunication, et 151Dh pour lecommerce de gros et de détail.
[13] :Il s’agit des cotisations aux mutuelleset aux caisses de retraite pour le sec-teur public et à la CNSS pour les salariésdu secteur privé.
ANNEXE DE METHODE
Les principaux indicateurs utilisés
ÿ L’indicateur de contribution au solde également appelé indicateur d’avantage comparatif(noté CTB « Contribution to Trade Balance ») propose une représentation des spécialisations des paysfondée sur la mise en évidence de leurs points forts et de leurs points faibles. Par contre, il ne nousrenseigne pas sur la position compétitive des pays au niveau international.
kiCTB = ( )
˙˙˙
˚
˘
ÍÍÍ
Î
È
˙˙˙
˚
˘
ÍÍÍ
Î
È
+
+--- Â Âk
k
ki
ki
ki
kik
iki
ki
ki
i MX
MXMXMX
Y )()(
1000
kiX = exportation du produit k par le pays j
kiM = exportation du produit k par le pays j
Yi = PIB du pays i
Le CTB compare le solde effectif pour un produit à celui qu’il devrait représenter s’il n’y avait pas de spécialisation.C’est-à-dire que le poids de chaque produit dans les X+M du pays donne un coefficient qui est appliqué au solde globaldu pays et représente le solde théorique sans spécialisation. L’indicateur de contribution au solde CTB est obtenu par ladifférence entre le solde réel et le solde théorique. Un CTB positif est un avantage comparatif et un CTB négatif undésavantage comparatif. On ajuste les CTB pour enlever les effets de taille et rendre les indicateurs comparables. Ilssont normés par rapport à 100 et l’indicateur varie entre –100 et + 100.
ÿL’indicateur de similarité des structures de spécialisation que nous utiliserons, a été créé par leCEPII (Bensidoun I., Gaulier G. et Ünal-Kesenci D. [2001]) et propose une image complète de lasimilarité puisqu’il intègre à la fois les importations et les exportations. L’indicateur est calculé en
croisant les CTB normalisés (notés BTC~
) des pays européens avec tous les pays méditerranéens et lesPEE. L’indicateur SIMij, représente la similarité de la structure d’échange du pays i avec le référent(UE).
 --=k
jkikij BTCBTCSim~~
4
1100
Simij représente l’écart de structure de spécialisation entre les pays i et j. L’indicateur varie entre 0, dans le cas destructures de spécialisation totalement opposées, et 100 dans le cas de structures similaires.
-234-
ÿDes indices de concentration sont calculés en différenciant le partenaire UE du partenaire monde.L’indice de Herfindahl-Hirschmann permet d’avoir une mesure du niveau de la concentration desexportations d’un pays sur un petit nombre de produits :
( ) ( ) ( )( )31411/3141/314
1
2 --= Â=i
ij XXH
Hj étant l’indice du paysXi = valeur des exportations du produit iX = valeur des exportations totales du pays j314 = nombre de produits de la SITC rev 3 à 3 digit
L’indice est normalisé afin d’obtenir des valeurs comprises entre 0 et 1. Un indice de 1 correspond à la concentrationmaximale (le pays n’exporte qu’un seul produit). Plus l’indice est faible, plus la structure d’exportation est diversifiée.
ÿL’ indicateur d’adaptation à la demande (de l’UE et du reste du monde) -International TradeCenter [2000] :
ADAPT=X
X
X
Xjk
jk
ijk .
.
*.
∂∂
Avec
ijkX = exportation du produit k du pays i vers le pays j
jkX . =exportation du produit k des autres pays du monde vers le pays j
X = exportations mondiales totales
ADAPT capture les capacités des pays à adapter leurs exportations à la demande de leurs partenaires (UE et restedu monde dans notre étude). Il est positif dans le cas d’une adaptation et négatif si le pays i ne répond pas auxchangements des demandes des partenaires.
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ANNEXE 1 - Soldes commerciaux des PM
1 Soldes commerciaux - Total échanges par partenaires (en millions de dollarscourants)
Monde UE RdM
1990 1995 2002 1990 1995 2002 V990 1995 2002
Algérie 4 350 -1 426 4 403 2 498 -326 3 586 1 852 -1 100 817
Egypte -5 825 -8 295 -7 861 -1 277 -2 985 -2 043 -4 549 -5 310 -5 817
Israël -3 272 -8 994 -3 595 -2 221 -8 520 -6 215 -1 051 -474 2 621
Jordanie -1 681 -2 167 -2 250 -562 -1 132 -1 264 -1 119 -1 035 -986
Liban -1 347 -4 680 -5 103 -709 -3 059 -2 425 -638 -1 621 -2 677
Maroc -894 -3 822 -4 028 -490 -1 860 -936 -404 -1 961 -3 092
Syrie 58 -537 1 953 154 500 2 557 -96 -1 037 -604
Tunisie -1 978 -2 428 -2 648 -970 -1 317 -1 289 -1 007 -1 112 -1 360
Turquie -9 341 -14 109 -15 508 -2 002 -5 786 -4 958 -7 339 -8 323 -10 550
PM -19 930 -46 457 -34 636 -5 579 -24 485 -12 988 -14 351 -21 973 -21 649
2 Soldes commerciaux – Echanges de produits manufacturés par partenaires (enmillions de dollars courants)
Monde UE RdM
1 990 1 995 2 002 1 990 1 995 2 002 1 990 1 995 2 002
Algérie -6 134 -6 817 -7 343 -3 797 -4 644 -4 804 -2 338 -2 173 -2 539
Egypte -6 181 -5 683 -4 722 -2 403 -2 455 -2 062 -3 778 -3 228 -2 660
Israël -1 456 -6 574 185 -2 503 -8 258 -6 117 1 047 1 685 6 302
Jordanie -897 -1 588 -1 334 -379 -975 -1 178 -518 -612 -156
Liban -1 000 -3 382 -3 226 -525 -2 349 -1 849 -475 -1 034 -1 377
Maroc -2 026 -2 437 -2 608 -1 439 -1 956 -1 443 -587 -481 -1 165
Syrie -1 164 -2 650 -2 366 -430 -1 269 -691 -734 -1 380 -1 674
Tunisie -1 553 -1 487 -1 624 -1 206 -1 296 -1 244 -348 -191 -380
Turquie -5 157 -8 934 -4 794 -2 127 -5 919 -5 059 -3 030 -3 015 265
Med -25 568 -39 552 -27 832 -14 808 -29 122 -24 448 -10 760 -10 429 -3 384
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ANNEXE 2
Croissances annuelles moyennes des échanges des PM selon le partenaire
Croissances annuelles moyennes totales Croissances annuelles moyennes des produits manufacturésMonde
EXPORTATIONS IMPORTATIONS EXPORTATIONS IMPORTATIONS
9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002
Algérie -6,5% 7,3% 4,2% 0,2% Algérie 0,1% 1,9% 1,5% 1,1%
Egypte -5,2% 4,5% 2,6% 1,0% Egypte 2,6% 1,5% -2,2% -1,6%
Israël 9,6% 6,5% 12,8% 2,4% Israël 2,2% 7,1% 2,9% 2,1%
Jordanie 9,2% 9,9% 6,7% 4,9% Jordanie 10,0% 14,5% 6,5% 4,6%
Liban 15,5% 3,3% 26,4% 1,5% Liban 20,9% 2,0% -0,5% -0,4%
Maroc -0,7% 7,5% 8,1% 4,8% Maroc 2,9% 11,1% 9,6% 6,8%Syrie 11,1% 9,8% 15,3% 1,8% Syrie 15,8% 9,2% 4,1% -0,4%
Tunisie 9,4% 3,3% 7,6% 2,7% Tunisie 11,1% 3,7% -0,5% 3,1%
Turquie 10,8% 7,5% 9,9% 5,3% Turquie 13,1% 9,3% 4,4% 4,8%
PM 4,9% 6,9% 9,3% 3,3% Med 5,2% 7,8% 6,8% 2,9%
Union européenne
EXPORTATIONS IMPORTATIONS EXPORTATIONS IMPORTATIONS
9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002
Algérie -5% 7,6% 4% 0,3% Algérie 4,5% 3,2% 0,8% 0,6%
Egypte -10% -2,6% 3% -4,3% Egypte -6,0% -4,3% -4,0% -2,9%
Israël 12% 2,5% 21% -1,2% Israël 4,3% 3,0% -1,4% -1,0%Jordanie 24% 11,3% 16% 2,5% Jordanie 24,1% 16,7% 4,2% 3,0%
Liban 5% 0,0% 31% -3,1% Liban -0,6% -0,4% -4,5% -3,2%
Maroc -2% 10,1% 5% 4,9% Maroc 21,0% 14,6% 9,7% 6,8%
Syrie 19% 7,6% 17% -5,3% Syrie 9,9% -2,5% 2,9% -7,6%
Tunisie 15% 3,2% 12% 2,5% Tunisie -3,5% 4,0% -10,5% 2,9%
Turquie 24% 7,5% 24% 4,7% Turquie 5,6% 9,3% 4,0% 5,4%
PM 7% 6,1% 15% 1,4% med 13,2% 7,0% 7,7% 2,0%
Reste du monde
EXPORTATIONS IMPORTATIONS EXPORTATIONS IMPORTATIONS
9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002
Algérie -9,4% 6,7% 4,4% 0,0% Algérie 11,2% 7,9% 6,3% 4,5%
Egypte 0,3% 8,8% 2,4% 3,6% Egypte 9,7% 6,9% -1,0% -0,7%
Israël 8,7% 8,1% 6,9% 5,6% Israël 12,2% 8,6% 7,1% 5,0%
Jordanie 8,5% 9,8% 3,4% 6,0% Jordanie 20,2% 14,0% 7,7% 5,5%
Liban 20,6% 4,2% 20,5% 6,8% Liban -4,3% -3,1% 4,1% 2,9%
Maroc 2,5% 2,3% 13,5% 4,7% Maroc 2,1% 1,5% 9,2% 6,5%
Syrie 0,2% 14,3% 13,7% 6,3% Syrie 12,4% 20,0% 5,5% 5,6%
Tunisie -2,5% 3,5% -0,4% 3,2% Tunisie 29,1% 5,3% 8,0% 3,8%Turquie 2,9% 7,5% 2,7% 5,8% Turquie 7,4% 9,7% 5,4% 3,7%
PM 2,8% 7,7% 5,0% 5,0% med 13,8% 8,7% 5,2% 3,9%
-237-
ANNEXE 3Echanges par types de biens
3-1 - Biens de consommation (en millions de dollars courants)
Importations Exportations Soldes
1990 1995 2002 1990 1995 2002 1990 1995 2002
Algérie 1 619 1 811 2 421 56 48 37 -1 563 -1 763 -2 384
Egypte 1 177 2 480 1 734 348 1 210 1 545 -829 -1 269 -189
Israël 1 739 3 829 5 769 1 952 2 631 4 364 213 -1 198 -1 404
Jordanie 455 824 1 074 66 116 554 -388 -708 -520
Liban 780 2 263 1 854 122 264 241 -658 -1 998 -1 613
Maroc 648 1 150 1 848 2 979 4 270 4 829 2 332 3 120 2 981
Syrie 279 675 748 48 355 543 -231 -321 -206
Tunisie 578 580 1 626 1 303 1 249 3 794 725 669 2 168
Turquie 1 607 1 743 4 666 5 228 9 052 18 102 3 620 7 309 13 436
Monde
PM 8 882 15 355 21 739 12 103 19 195 34 008 3 221 3 841 12 269
Algérie 334 269 376 11 2 2 -323 -267 -373
Egypte 696 1 289 846 185 597 841 -511 -693 -5
Israël 1 039 1 875 2 721 1 123 1 530 2 800 84 -346 79
Jordanie 253 423 486 56 70 496 -197 -354 10
Liban 373 931 572 94 185 137 -280 -746 -435
Maroc 159 327 461 863 640 680 704 312 219
Syrie 172 292 387 38 198 329 -134 -94 -58
Tunisie 217 108 327 557 174 387 340 66 60
Turquie 1 219 703 1 573 3 657 3 366 6 048 2 439 2 663 4 475
RDM
PM 4 463 6 219 7 748 6 584 6 760 11 719 2 122 541 3 971
Algérie 1 285 1 427 1 810 45 42 32 -1 240 -1 386 -1 778
Egypte 481 1 065 736 163 557 575 -318 -508 -161
Israël 699 1 913 2 728 821 1 086 1 477 122 -827 -1 250
Jordanie 202 361 397 10 27 29 -191 -334 -368
Liban 407 1 206 1 103 28 41 31 -379 -1 165 -1 072
Maroc 489 789 1 330 2 117 3 594 4 111 1 627 2 806 2 781
Syrie 107 277 242 10 112 126 -97 -165 -116
Tunisie 361 448 1 247 737 1 057 3 371 376 609 2 125
Turquie 388 1 018 3 025 1 367 5 354 11 183 978 4 336 8 159
UE
PM 4 419 8 503 12 616 5 298 11 869 20 935 879 3 367 8 318
-238-
ANNEXE 3 (suite)Echanges par types de biens
3-2 - Biens d’équipement (en millions de dollars courants)
Importations Exportations Soldes
1990 1995 2002 1990 1995 2002 1990 1995 2002
Algérie 2 116 1 442 2 703 15 11 27 -2 101 -1 432 -2 676
Egypte 2 311 2 906 2 467 168 70 101 -2 143 -2 836 -2 365
Israël 1 710 3 844 5 922 1 306 1 861 3 349 -404 -1 983 -2 573
Jordanie 457 476 822 26 17 45 -431 -459 -777
Liban 157 689 463 8 24 37 -149 -665 -426
Maroc 1 216 1 280 1 658 32 121 96 -1 184 -1 159 -1 561
Syrie 233 806 883 2 32 20 -230 -774 -863
Tunisie 709 735 1 456 62 111 323 -646 -624 -1 133
Turquie 3 184 6 222 8 612 243 651 2 788 -2 940 -5 571 -5 824
Monde
PM 12 092 18 402 24 985 1 863 2 898 6 787 -10 229 -15 504 -18 198
Algérie 910 258 721 7 1 16 -902 -257 -705
Egypte 1 045 1 341 1 264 6 14 34 -1 040 -1 327 -1 231
Israël 1 253 2 025 3 259 1 077 1 323 2 446 -176 -702 -814
Jordanie 195 190 300 13 7 17 -182 -183 -283
Liban 91 191 126 3 11 21 -88 -180 -105
Maroc 429 253 475 7 27 20 -422 -226 -455
Syrie 123 341 341 1 4 11 -122 -337 -330
Tunisie 287 192 338 41 21 117 -246 -171 -221
Turquie 2 152 2 673 3 047 159 325 1 221 -1 993 -2 348 -1 826
RDM
PM 6 484 7 464 9 871 1 314 1 733 3 901 -5 170 -5 731 -5 970
Algérie 1 206 1 134 1 894 7 9 12 -1 199 -1 125 -1 882
Egypte 1 266 1 544 1 176 163 47 49 -1 103 -1 497 -1 127
Israël 457 1 809 2 615 218 507 846 -239 -1 302 -1 769
Jordanie 262 255 491 13 8 21 -250 -247 -470
Liban 66 484 323 5 8 11 -62 -476 -312
Maroc 787 1 017 1 160 25 92 76 -762 -925 -1 084
Syrie 110 444 508 1 25 5 -109 -418 -503
Tunisie 422 537 1 101 14 72 192 -408 -465 -909
Turquie 1 031 3 530 5 506 55 226 1 297 -977 -3 305 -4 209
UE
PM 5 608 10 755 14 774 500 995 2 509 -5 108 -9 760 -12 266
-239-
ANNEXE 3 (suite)Echanges par types de biens
3-3 - Biens primaires (en millions de dollars courants)Importations Exportations Soldes
1990 1995 2002 1990 1995 2002 1990 1995 2002
Algérie 779 951 1 123 4 892 3 817 8 677 4 113 2 866 7 555
Egypte 1 326 1 780 1 778 2 806 2 519 1 237 1 480 738 -541
Israël 3 431 4 733 7 649 509 847 2 246 -2 921 -3 886 -5 403
Jordanie 185 300 150 277 281 186 92 -19 36
Liban 61 338 309 62 79 123 1 -259 -186
Maroc 466 886 792 658 613 571 193 -273 -220
Syrie 212 178 230 1 570 2 512 4 741 1 358 2 334 4 512
Tunisie 546 197 999 472 66 638 -74 -131 -362
Turquie 4 710 5 626 8 426 998 819 1 006 -3 712 -4 808 -7 420
Monde
PM 11 715 14 989 21 456 12 243 11 552 19 426 529 -3 437 -2 030
Algérie 528 671 650 1 814 645 3 382 1 286 -26 2 733
Egypte 1 053 1 507 1 453 1 126 1 043 296 74 -465 -1 157
Israël 3 062 4 102 4 722 368 531 1 317 -2 695 -3 571 -3 405
Jordanie 171 261 117 256 215 150 85 -46 33
Liban 38 167 93 21 28 74 -17 -139 -20
Maroc 298 471 500 261 293 301 -36 -178 -199
Syrie 90 158 188 845 149 779 756 -9 590
Tunisie 423 117 711 68 32 48 -355 -84 -663
Turquie 4 412 4 209 6 779 724 421 469 -3 688 -3 788 -6 311
RDM11
PM 10 074 11 663 15 213 5 484 3 358 6 815 -4 590 -8 305 -8 398
Algérie 251 271 367 3 078 2 946 5 149 2 827 2 675 4 782
Egypte 273 260 307 1 680 1 290 889 1 406 1 029 582
Israël 369 621 2 910 130 299 911 -238 -323 -1 999
Jordanie 14 31 22 20 47 10 6 15 -11
Liban 23 122 149 41 33 25 18 -89 -124
Maroc 168 406 281 397 314 267 229 -92 -14
Syrie 122 15 29 725 2 015 3 333 603 2 001 3 304
Tunisie 123 76 208 386 25 563 263 -51 355
Turquie 298 889 993 223 331 461 -75 -558 -532
UE
PM 1 641 2 691 5 266 6 679 7 299 11 608 5 039 4 608 6 342
-240-
Annexe 4
:Im
porta
tions e
t exporta
tions in
tra-a
rabes to
tale
s (1
997-2
002) (M
illions d
e U
S $
)
Tau
x mo
yen
de C
rois. (%
)T
aux m
oyen
d
e Cro
is. (%)
19971998
19992000
20012002
1997-20011997
19981999
20002001
20021997-2001
Total
15 975,613 922,6
14 198,516 546,6
17 926,121 514,2
6,112 821,1
13 177,413 803,2
15 925,416 686,1
18 764,97,9
Algérie
230,6146,3
258,6361,3
354,0474,3
11,3361,3
260,4185,4
299,0318,2
462,6-3,1
Bahrain
555,8549,4
581,9499,8
539,8660,0
-0,7370,7
379,8398,8
426,7465,2
566,05,8
Djibouti
86,8100,6
105,4121,3
133,6140,7
11,455,7
115,9107,7
134,1138,5
160,725,6
Egypte
496,3558,3
471,5601,9
616,0736,3
5,6691,6
898,91 009,7
1 458,91 124,5
1 461,512,9
Irak571,2
302,4395,3
650,51 010,0
1 311,115,3
292,8261,1
300,8406,4
943,61 047,1
34,0Jordanie
781,8657,9
601,8608,3
960,31 044,8
5,3963,4
735,7803,0
1 091,31 161,0
1 280,54,8
KS
A6 542,2
4 852,05 120,0
6 465,46 381,4
7 938,5-0,6
1 784,41 980,5
2 205,61 673,4
1 683,21 906,4
-1,4K
oweït
406,8404,1
414,5435,3
515,3580,3
6,11 077,5
1 067,41 023,5
1 066,21 101,9
1 324,80,6
Liban314,9
323,6294,5
326,9395,4
507,55,9
691,5609,0
557,9767,4
942,8697,3
8,1Lybie
594,1445,2
335,0442,7
439,0502,4
-7,3524,7
501,3539,5
603,8535,8
742,50,5
Maroc
297,4284,1
293,1255,2
285,7316,0
-1,0890,9
663,0889,7
1 413,21 311,5
1 394,610,2
Mauritanie
3,63,1
6,13,8
8,210,2
22,672,3
41,325,5
32,852,8
67,1-7,5
Om
an979,0
1 109,61 073,2
1 155,41 118,3
1 208,93,4
1 481,81 682,2
1 581,32 042,6
1 976,42 101,4
7,5Q
atar333,3
308,4594,0
631,8711,7
773,620,9
414,2487,2
640,8652,2
538,8583,6
6,8S
omalie
131,1165,6
169,4185,2
189,6101,8
9,740,6
51,555,0
69,5127,9
180,533,2
Soudan
203,1244,5
254,9244,5
193,3318,8
-1,2406,8
530,1363,9
362,2419,0
899,50,7
Syrie
1 023,0805,0
727,2706,6
776,21 256,9
-6,7340,0
306,0318,2
407,8428,5
590,26,0
Tunisie
421,6390,0
406,3431,7
549,1639,7
6,8418,5
393,6388,9
431,7550,5
668,57,1
EA
U1 910,4
2 107,51 931,7
2 208,62 580,1
2 829,07,8
1 394,11 573,8
1 649,81 710,0
1 910,92 076,7
8,2Y
émen
92,6165,0
164,1210,4
169,1163,4
16,2548,3
638,7758,2
876,2955,1
553,414,9
Exp
orts(F
OB
)Im
po
rts (CA
F)
-241-
Annexe 5
: Com
merc
e In
tra-re
gio
nal d
ans le
s P
M, 2
002
sourc
eAZ
CH
YP
EG
Isra
ël
Jord
anie
Lib
an
Malte
Maro
cSyrie
Tunis
ieTurq
uie
Tota
l PM
UE
Monde
Alg
érie
exports
156,9
05,3
14
153,5
3,5
88
948
1369,2
11842
18635
imports
6,0
54,5
43,3
24,7
5,0
16,5
118,7
95,9
391,0
755,6
6 6
12,0
10791
Chypre
exports
4,7
13,0
2,1
2,4
22,2
528,2
843,5
imports
0,2
190,6
1,5
0,4
192,7
2 6
15,3
4083,6
Egypte
exports
12,8
7,0
18,0
34,4
70,0
21,0
33,9
73,9
48,0
107,0
426,0
2 7
99,0
4708
imports
4,8
16,0
29,0
27,9
30,9
13,0
27,3
63,8
28,3
354,0
595,0
6 6
13,0
12552
Isra
ël
exports
191,0
26,0
69,0
26,0
383,0
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7 3
00,0
29347
imports
23,0
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3,0
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908,0
13 5
21,0
35517
Jord
anie
exports
44,3
0,8
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46,9
0,2
2,2
65,8
7,2
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imports
0,1
7,7
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96,9
1,6
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1 5
70,2
5250
Lib
an
exports
17,3
7,0
27,6
35,3
13,2
2,1
75,6
15,9
38,1
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imports
3,1
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8,8
201,8
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3 0
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Malte
exports
4,1
1,3
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1,0
0,2
0,1
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973,0
2225,1
imports
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2 7
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Maro
cexports
20,1
3,0
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1,0
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1,0
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5 4
87,0
7772
imports
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1,9
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55,1
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7 9
53,0
11647
Syrie
exports
127,8
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0,3
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1 0
24,1
3 4
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imports
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571,3
2 1
62,3
4458
Tunis
ieexports
10,0
0,4
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4,7
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5,2
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180,0
5 3
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imports
98,5
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6,5
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6 6
97,9
9526
Turq
uie
exports
503,0
321,0
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114,0
183,0
115,0
132,0
257,0
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2 5
80,0
18 0
60,0
34561
imports
1,1
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1,0
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1 2
79,1
23 1
24,0
49663
Sourc
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003 e
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004
-242-
Annexe 6
: Ratio
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002
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0,2
72,6
70
1,1
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70,8
21,9
10,5
42,4
43,4
70,7
1
Chypre
0,2
0,0
4,1
0,0
0,0
0,9
0,0
0,0
0,0
0,0
0,9
Egypte
0,2
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1,7
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Isra
el
0,0
4,3
0,3
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0,0
0,6
0,0
0,0
0,0
1,4
0,2
Jord
anie
1,2
1,4
4,3
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0,1
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2,7
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Lib
an
0,6
8,5
8,0
0,0
8,6
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0,8
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2,0
Malte
0,8
0,9
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0,6
0,1
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0,0
0,9
2,3
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Maro
c2,0
0,5
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Syrie
2,8
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9,0
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0,0
0,9
0,5
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Tunis
ie1,4
0,1
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0,0
0,9
3,8
0,9
1,4
0,2
1,0
0,5
Turq
uie
1,3
0,0
1,9
1,6
1,3
2,3
2,2
0,5
1,2
0,9
0,9
-243-