Rapport Amnesty International 2013

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13 AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2013 LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDE

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  • AMNESTYINTERNATIONAL-RAPPORT2013LASITUATIONDESDROITSHUMAINSDANSLEMONDE

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    Le Rapport 2013 dAmnesty International rend compte de la situation des droitshumains en 2012 dans 159 pays et territoires.Tout en proclamant leur attachement au respect des droits humains, les tats ontcontinu de brandir les arguments de lintrt de la nation et de la scurit nationaleet dutiliser les problmes de scurit publique pour justifier leurs propres violationsde ces droits.Face cela, des hommes et des femmes dans le monde entier sont descendus dans larue et ont utilis la force explosive des mdias sociaux pour mettre nu la rpression,la violence et linjustice. Pour certains, les consquences ont t trs lourdes. Dansbien des pays, ces personnes ont t tranes dans la boue, incarcres, frappes.Individuels ou collectifs, de nombreux actes de courage et de rsistance ont continude faire progresser le combat en faveur des droits humains et ont empch les tats etceux qui ont de gros intrts dfendre de mener leurs activits labri des regards. Ce rapport est le tmoignage du courage et de la dtermination des hommes et desfemmes qui, dans toutes les rgions du monde, se sont levs pour exiger le respect deleurs droits et proclamer leur solidarit avec ceux dont les droits taient bafous.Il montre que, malgr tous les obstacles placs sur son chemin, le mouvement desdroits humains ne cesse de grandir et de se renforcer, et que lespoir quil fait natrechez des millions de personnes demeure une puissante force de changement.

    ISSN : 0252-8312ISBN : 978-2-8766-6189-9 13AMNESTYINTERNATIONAL-RAPPORT2013LASITUATIONDESDROITSHUMAINSDANSLEMONDEAMNESTYINTERNATIONALCENTREDERESSOURCESLINGUISTIQUESUNITCHARGEDELALANGUEFRANAISEwAILRC-FRw PRIX :15511 310

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  • AILRC-FR, 2013 Amnesty International Centre de ressources linguistiques Unit charge de la langue franaise, www.amnesty.org/fr

    DIFFUSION Ce livre est en vente auprs des sections et groupes dAmnesty International (voir adresses p. 346-349). Il est galement en vente en librairie.

    IMPRESSION Artes Grficas Enco S.L. Calle de Luis I, 56 -58 28031 Madrid Espagne

    Version originale anglaise : Amnesty International Ltd, 2013 Peter Benenson House 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni.

    Index AI : POL 10/001/2013

    Tous droits de reproduction rservs. Cette publication ne peut faire lobjet, en tout ou en partie, daucune forme de reproduction, darchivage ou de transmission, quels que soient les moyens utiliss (lectroniques, mcaniques, par photocopie, par enregistrement ou autres), sans laccord pralable des diteurs. Pour demander une autorisation ou pour toute autre question, prire de contacter [email protected]

    ISBN : 978-2-8766-6189-9ISSN : 0252-8312

    Ce rapport rend compte des actions et des proccupations dAmnesty International dans le monde entier en 2012. Le fait quun pays ou territoire ne soit pas trait ne signifie pas quaucune atteinte aux droits humains relevant du mandat de lorganisation ny a t commise pendant lanne coule. De mme, on ne saurait mesurer limportance des proccupations dAmnesty International laune de la longueur du texte consacr chaque entre.

    amnesty.org/fr

    AMNESTY INTERNATIONAL EN BREF

    Amnesty International est un mouvement mondial regroupant plus de trois millions de sympathisants, membres et militants qui se mobilisent pour le respect et la protection des droits humains universellement reconnus. La vision dAmnesty International est celle dun monde o chacun peut se prvaloir de tous les droits noncs dans la Dclaration universelle des droits de lhomme et dans dautres instruments internationaux relatifs aux droits humains.

    La mission dAmnesty International consiste mener des recherches et des actions en vue de prvenir et de faire cesser les graves atteintes portes tous les droits humains, quils soient civils, politiques, sociaux, culturels ou conomiques. De la libert dexpression et dassociation lintgrit physique et mentale, en passant par la protection contre les discriminations ou le droit au logement, les droits fondamentaux de la personne sont indivisibles.

    Amnesty International est finance essentiellement par ses membres et par les dons de particuliers. Elle ne cherche obtenir ni naccepte aucune subvention daucun gouvernement pour mener bien ses recherches et ses campagnes contre les atteintes aux droits humains. Amnesty International est indpendante de tout gouvernement, de toute idologie politique, de tout intrt conomique et de toute religion.

    Amnesty International est un mouvement dmocratique. Les principales dcisions politiques sont prises par un Conseil international (CI) qui se runit tous les deux ans et qui est compos de reprsentants de toutes les sections nationales. Le CI lit un Comit excutif international (CEI) charg de mettre en uvre ses dcisions et dont la composition est actuellement la suivante : Pietro Antonioli (Italie, prsident), Rune Arctander (Norvge), Nicole Bieske (Australie), Zuzanna Kulinska (Pologne), Sandra S. Lutchman (Pays-Bas), Mwikali Nzioka Muthiani (Kenya), Guadalupe Rivas (Mexique, viceprsidente), Bernard Sintobin (Belgique nerlandophone, trsorier international) et Julio Torales (Paraguay).

    Unis contre linjustice, nous uvrons ensemble pour les droits humains.

  • 13AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2013LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDE

    Ce rapport couvre la priode allant de janvier dcembre 2012

    AMNESTYINTERNATIONAL

  • IV Amnesty International - Rapport 2013

    Sigles et abrviations, VI

    Prface, VII

    CHAPITRE IAvant-propos, XI

    CHAPITRE IIPaysAfghanistan, 1Afrique du Sud, 4Albanie, 8Algrie, 10Allemagne, 12Angola, 14Arabie saoudite, 16Argentine, 20Armnie, 21Australie, 23Autorit palestinienne, 24Autriche, 27Azerbadjan, 28Bahamas, 31Bahren, 32Bangladesh, 35Blarus, 37Belgique, 39Bnin, 40Bolivie, 41Bosnie-Herzgovine, 42Brsil, 45Bulgarie, 49Burkina Faso, 51Burundi, 52Cambodge, 53Cameroun, 56Canada, 58Chili, 60Chine, 61Chypre, 66Colombie, 67Congo, 72Core du Nord, 73

    Core du Sud, 75Cte dIvoire, 77Croatie, 80Cuba, 82Danemark, 83gypte, 85mirats arabes unis, 90quateur, 92rythre, 93Espagne, 95Estonie, 98tats-Unis, 99thiopie, 103Fidji, 107Finlande, 108France, 109Gambie, 111Gorgie, 113Ghana, 115Grce, 116Guatemala, 119Guine, 121Guine-Bissau, 122Guine quatoriale, 124Guyana, 126Hati, 127Honduras, 129Hongrie, 130Inde, 132Indonsie, 137Irak, 140Iran, 144Irlande, 148Isral et territoires palestiniens occups, 150Italie, 154Jamaque, 158Japon, 159Jordanie, 160Kazakhstan, 163Kenya, 166Kirghizistan, 169Kowet, 171Laos, 173Lettonie, 174

  • Amnesty International - Rapport 2013 V

    SOMMAIRE

    RAPPORT 2013

    Liban, 175Liberia, 177Libye, 179Lituanie, 184Macdoine, 185Madagascar, 187Malaisie, 188Malawi, 190Maldives, 191Mali, 193Malte, 195Maroc et Sahara occidental, 196Mauritanie, 199Mexique, 201Moldavie, 205Mongolie, 207Montngro, 208Mozambique, 209Myanmar, 211Namibie, 214Npal, 215Nicaragua, 217Niger, 218Nigeria, 219Norvge, 223Nouvelle-Zlande, 224Oman, 225Ouganda, 226Ouzbkistan, 228Pakistan, 231Panama, 234Papouasie-Nouvelle-Guine, 235Paraguay, 236Pays-Bas, 237Prou, 238Philippines, 240Pologne, 242Porto Rico, 244Portugal, 244Qatar, 245Rpublique centrafricaine, 247Rpublique dmocratique du Congo, 248Rpublique dominicaine, 252Rpublique tchque, 254

    Roumanie, 256Royaume-Uni, 258Russie, 261Rwanda, 266Salvador, 269Sngal, 270Serbie, 272Sierra Leone, 276Singapour, 278Slovaquie, 279Slovnie, 281Somalie, 281Soudan, 285Soudan du Sud, 289Sri Lanka, 292Sude, 295Suisse, 296Suriname, 297Swaziland, 298Syrie, 300Tadjikistan, 305Taiwan, 308Tanzanie, 309Tchad, 310Thalande, 312Timor-Leste, 314Togo, 315Trinit-et-Tobago, 317Tunisie, 318Turkmnistan, 321Turquie, 323Ukraine, 327Uruguay, 330Venezuela, 331Vit-Nam, 333Ymen, 335Zimbabwe, 339

    CHAPITRE III NouS CoNTACTERAdresses, 346

    Index thmatique, 350

  • VI Amnesty International - Rapport 2013

    ANASEAssociation des Nations de lAsie du Sud-Est

    CIAAgence centrale du renseignement des tats-Unis

    CEDEAOCommunaut conomique des tats de lAfrique de lOuest

    CICRComit international de la Croix-Rouge

    DESCDroits conomiques, sociaux et culturels

    FNUAPFonds des Nations unies pour la population

    OEAOrganisation des tats amricains

    OITOrganisation internationale du travail

    OMSOrganisation mondiale de la sant

    ONGOrganisation non gouvernementale

    ONUOrganisation des Nations unies

    OTANOrganisation du trait de lAtlantique nord

    PIDCPPacte international relatif aux droits civils et politiques

    PIDESCPacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels

    UNICEFFonds des Nations unies pour lenfance

    Comit europen pour la prvention de la tortureComit europen pour la prvention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dgradants

    Convention contre la torture Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants

    Convention contre les disparitions forces Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forces

    Convention europenne des droits de lhommeConvention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales

    Convention sur la discrimination raciale Convention internationale sur llimination de toutes les formes de discrimination raciale

    Convention sur la protection des travailleurs migrants Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

    Convention sur les femmes Convention sur llimination de toutes les formes de discrimination lgard des femmes

    Convention n 169 de lOITConvention n 169 de lOIT relative aux peuples indignes et tribaux

    Deuxime Protocole facultatif se rapportant au PIDCPDeuxime protocole facultatif se rapportant au PIDCP, visant abolir la peine de mort

    Protocole facultatif la Convention contre la tortureProtocole facultatif se rapportant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants

    Protocole facultatif la Convention relative aux droits de lenfantProtocole facultatif se rapportant la Convention relative aux droits de lenfant, concernant limplication denfants dans les conflits arms

    Rapporteur spcial des Nations unies sur la tortureRapporteur spcial des Nations unies sur la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants

    Rapporteur spcial des Nations unies sur le racismeRapporteur spcial des Nations unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xnophobie et de lintolrance qui y est associe

    Rapporteuse spciale des Nations unies sur la violence contre les femmesRapporteuse spciale des Nations unies charge de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses consquences

    SIGLES ET ABRVIATIONS

  • Amnesty International - Rapport 2013 VII

    PRFACE

    JE NAVAIS JAMAIS IMAGIN QUE LE FAIT DCRIRE ET DE RACONTER LA VRIT SUR CE QUI SE PASSE POUVAIT AMENER SI PRS DE LA MORT [...] JAI SOUVENT SENTI LA PEUR ME TRANSPERCER LES OS, MAIS LE SENS DE LA RESPONSABILIT LEMPORTE SUR LE RESTE... Dina Meza, journaliste et dfenseure des droits humains hondurienne, membre du Comit des familles de dtenus et disparus du Honduras (COFADEH)

    Le Rapport 2013 dAmnesty International rend compte de la situation des droits

    humains dans le monde en 2012. Lavant-propos du secrtaire gnral et ltude

    au cas par cas de 159 pays et territoires donnent un aperu des violations des droits

    humains et des atteintes ces droits infligs par les dtenteurs du pouvoir ceux qui se mettent en travers de leurs intrts.

    Des dfenseurs des droits humains, qui vivaient souvent eux-mmes dans des

    conditions difficiles, ont lutt pour dnoncer les auteurs de ces abus et pour abattre les murs du silence et du secret. Devant les tribunaux, dans la rue ou en

    ligne, ils sont alls au front pour dfendre leurs droits la libert dexpression, la

    non-discrimination et la justice. Certains lont pay trs cher. Dans de nombreux

    pays cela leur a valu dtre trans dans la boue, emprisonns ou brutaliss. Tout en

    proclamant leur attachement au respect des droits humains, les tats ont continu

    de brandir les arguments de la scurit nationale et dutiliser les problmes de

    scurit publique pour justifier leurs propres violations de ces droits.

    Le prsent rapport tmoigne de la demande dtermine et toujours croissante de

    justice. Ne tenant aucun compte des frontires et malgr les redoutables forces

    sopposant eux, dans toutes les rgions du monde des femmes et des hommes se

    sont levs pour rclamer le respect de leurs droits et proclamer leur solidarit avec

    dautres femmes et hommes qui doivent affronter la rpression, la discrimination, la

    violence et linjustice. Leurs actes et leurs paroles montrent que le mouvement des

    droits humains ne cesse de grandir et de se renforcer, et que lespoir quil fait natre

    chez des millions de personnes est une puissante force de changement.

  • 13AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2013CHAPITRE I : AVANT-PROPOS

  • Amnesty International - Rapport 2013 XI

    LES DROITS HUMAINS neconnaissent pas defrontires

    par Salil Shetty, secrtaire gnral

    Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier. Nous sommes pris dans un rseau dinterdpendances auquel nous ne pouvons chapper, tous lis par une destine commune. Tout ce qui touche lun de nous directement touche indirectement tous les autres.

    Martin Luther King, Lettre de la prison de Birmingham, 16 avril 1963, tats-Unis

    Le 9octobre 2012 au Pakistan, Malala Yousafzai a t atteinte la tte dune balle tire par des talibans. Le crime de cette adolescente de 15ans? Dfendre le droit lducation des filles. Larme du crime? Un blog. Tout comme lacte de Mohamed Bouazizi qui, en 2010, avait entran dans son sillage un vaste mouvement de contes-tation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la dtermination de Malala Yousafzai a eu des effets bien au-del des frontires pakistanaises. Les souffrances endures par certains et le courage dploy par tant dhommes et de femmes, associs la puissance des mdias sociaux qui ne connaissent pas de frontires, ont modifi notre perception du combat en faveur des droits humains, de lgalit et de la justice, et ont inflchi de faon perceptible le discours sur la souverainet et les droits fondamentaux de la personne.

    Aux quatre coins du monde, des gens se sont mis en danger et ont investi les rues et la sphre numrique pour dnoncer la rpression et la violence exerces par des gouvernements et dautres acteurs puissants. Sexprimant dans des blogs, dans dautres mdias sociaux et dans la presse traditionnelle, ils ont fait natre un courant de solidarit internationale pour que Mohamed Bouazizi ne tombe pas dans loubli, pour que Malala garde espoir.

    Un tel courage, combin la capacit de communiquer notre soif de libert, de justice et de respect des droits, suscite linquitude de ceux qui sont au pouvoir. Contraste saisissant avec le soutien apport celles et ceux qui dnoncent loppres-sion et la discrimination, nous voyons de nombreux gouvernements semployer rprimer des manifestations pourtant pacifiques et tenter dsesprment de contrler la sphre numrique notamment en essayant de rdifier leurs frontires nationales dans cette sphre.

    Quelle est en effet la raction des pouvoirs en place, qui saccrochent leur souverainet et abusent de ce concept, lorsquils prennent conscience que de

    AVANT-PROPOSRAPPORT 2013

  • XII Amnesty International - Rapport 2013

    simples citoyens sont potentiellement aptes dmanteler les structures dirigeantes et braquer les projecteurs sur les outils de rpression et de dsinformation quils utilisent pour conserver leurs prrogatives ? Le systme conomique, politique et commercial mis en place par les dtenteurs du pouvoir entrane souvent des atteintes aux droits fondamentaux. Le commerce des armes, par exemple, dtruit des vies mais est dfendu par des tats qui soit ont recours ces armes pour opprimer leur propre peuple, soit tirent profit de ce commerce. Ils invoquent la souverainet titre de justification.

    Souverainet et solidaritDans notre qute de libert, de respect des droits et dgalit, nous devons repenser le concept de souverainet. La souverainet devrait et peut natre de la prise en main de son propre destin. Cest le cas des tats qui triomphent du colonialisme ou de voisins dominateurs, ou encore de ceux qui naissent des cendres de mouvements qui ont renvers des rgimes rpressifs et corrompus. La souverainet est alors positive. Pour quelle le demeure et que les risques dexploitation quelle pose soient matriss, nous devons redfinir la souverainet et accepter lexistence, au niveau mondial, la fois dune solidarit et dune responsabilit. Nous sommes citoyens du monde. Nous nous soucions de ce qui se passe autour de nous, car nous avons accs linforma-tion et pouvons choisir de ne pas connatre de frontires.

    Les tats invoquent rgulirement la souverainet quils ramnent au contrle de leurs affaires intrieures sans ingrence externe pour agir comme bon leur semble. Ils utilisent cette notion pour dissimuler ou nier massacres, gnocides, oppression, corruption, privation de nourriture et perscutions lies au genre.

    Mais ceux qui abusent de leurs pouvoirs et de leurs prrogatives ne peuvent plus sen cacher facilement. Les tlphones mobiles permettent denregistrer et de mettre en ligne des vidos qui font apparatre en temps rel les violations des droits humains commises et rvlent au grand jour la ralit qui se cache derrire les discours hypo-crites et les justifications intresses. Les entreprises, entre autres puissants acteurs privs, font elles aussi plus facilement lobjet dune surveillance maintenant car il leur est de plus en plus difficile, lorsque leurs actions sont nuisibles ou criminelles, den dissimuler les consquences.

    Nous uvrons dans un cadre de droits humains qui tient pour acquis la souverai-net mais qui ne la dfend pas en soi, en particulier depuis que le Sommet mondial de 2005 des Nations unies a reconnu le principe de la responsabilit de protger, principe raffirm plusieurs reprises depuis lors. Il est facile de comprendre pour-quoi : lanne 2012 tmoigne largement elle seule des violations dont se rendent coupables les tats lencontre des populations qui vivent sur leur territoire.

    Le droit de tout un chacun de ne pas subir de violences est un lment fonda-mental de la protection des droits humains. Le cadre strict empchant ltat de sim-miscer dans notre vie personnelle et familiale est un autre aspect essentiel. Il sagit notamment de garantir notre libert dexpression, dassociation et dopinion. Il sagit de nous protger contre toute immixtion dans nos choix concernant notre corps et la manire dont nous lutilisons, cest--dire dans nos dcisions en matire de procra-tion, didentit sexuelle et de genre ou de tenue vestimentaire.

    Durant les premiers jours de 2012, 300 familles se sont retrouves sans abri Phnom Penh, la capitale cambodgienne, aprs avoir t violemment expulses de leur quartier. Quelques semaines plus tard, 600Brsiliens qui vivaient dans le bidonville de

    Les tats invoquent rgulirement la souverainet [] pour dissimuler ou nier massacres, gnocides, oppression, corruption, privation de nourriture et perscutions lies au genre.

  • Amnesty International - Rapport 2013 XIII

    Pinheirinho, dans ltat de So Paulo, ont subi le mme sort. En mars, 21personnes sont tombes sous les balles de la police jamacaine, des musiciens azerbadjanais ont t frapps, arrts et torturs en dtention, et le Mali a sombr dans la crise aprs un coup dtat Bamako.

    Lanne sest poursuivie avec son lot datteintes aux droits humains : expulsions forces au Nigeria; journalistes tus au Mexique, en Somalie et dans dautres pays; femmes violes ou agresses sexuellement chez elles, dans la rue ou alors quelles exeraient leur droit de manifester; interdiction de marches des fierts homosexuelles et passages tabac de militants de la communaut des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexues; assassinats de dfenseurs des droits humains et emprisonnement de militants sur la base daccusations forges de toutes pices. En septembre, une femme a t excute au Japon pour la premire fois depuis plus de 15 ans. En novembre le conflit qui dchire Isral et Gaza a connu une nouvelle escalade, tandis que plusieurs dizaines de milliers de civils de la Rpublique dmocratique du Congo ont d quitter leur foyer devant la progression du groupe arm du 23-Mars (M23), soutenu par le Rwanda, vers la capitale de la province du Nord-Kivu.

    Et bien sr il y a la Syrie. la fin de lanne, le conflit avait fait 60000morts, selon les Nations unies. Et ce chiffre ne cessait de crotre.

    Absence de protectionAu cours des dernires dcennies, la souverainet des tats que lon associait toujours plus troitement la notion de scurit nationale a t trop souvent invo-que pour justifier des actions incompatibles avec les droits humains. lintrieur des pays, ceux qui ont le pouvoir font valoir queux seuls sont mme de prendre les dcisions qui concernent la vie des gens quils gouvernent.

    Comme son pre avant lui, le prsident Bachar elAssad sest maintenu au pouvoir en dressant larme et les forces de scurit syriennes contre la population qui rcla-mait sa dmission. Il existe toutefois une diffrence de taille. Lors du massacre de Hama, en 1982, Amnesty International et dautres organisations avaient dnonc les vnements et uvr sans relche pour tenter de mettre fin la tuerie, mais celle-ci stait en grande partie droule labri des regards du reste du monde. Ces deux dernires annes, en revanche, les blogueurs et les militants syriens, ncoutant que leur courage, ont pu informer directement le monde entier de ce qui se passait dans leur pays, au moment mme o les vnements avaient lieu.

    Bien que le bilan nait cess de salourdir et malgr tous les lments montrant que des crimes taient perptrs, le Conseil de scurit des Nations unies na rien fait cette anne encore pour assurer la protection de la population civile. Pendant prs de deux ans, larme et les forces de scurit syriennes ont men des attaques aveugles, et plac en dtention, tortur et tu des personnes quelles souponnaient de soutenir les rebelles. Pas moins de 31 formes diffrentes de torture et dautres mauvais traitements ont t recenses dans un rapport dAmnesty International. Des groupes dopposition arms se sont eux aussi livrs des excutions sommaires et des actes de torture dans une bien moindre mesure, toutefois. La non-intervention du Conseil de scurit des Nations unies est dfendue, en particulier par la Russie et la Chine, au nom du respect de la souverainet des tats.

    Lide selon laquelle ni les tats titre individuel ni la communaut internationale ne doivent agir de manire rsolue pour protger les civils lorsque des gouvernements et

  • XIV Amnesty International - Rapport 2013

    leurs forces de scurit sen prennent leur propre population moins quils naient quelque chose y gagner est inacceptable. Quil sagisse du gnocide de 1994 au Rwanda, du regroupement en 2009 de Tamouls dans la zone dite protge du nord du Sri Lanka o plusieurs dizaines de milliers de civils ont perdu la vie, de la privation de nourriture que subissent actuellement les Nord-Corens ou du conflit syrien, la passivit au nom du respect de la souverainet des tats est inexcusable.

    Au fond, les tats sont responsables du respect des droits des personnes qui vivent sur leur territoire. Cependant, quiconque croit la justice et aux droits humains ne peut dfendre lide que la souverainet est actuellement au service de ces concepts. Bien au contraire.

    Le moment est venu de remettre en cause cette association calamiteuse du principe de souverainet absolue revendiqu par les tats et de la priorit quils accordent la scurit nationale plutt quaux droits fondamentaux et la scurit de la personne humaine. Ne cherchons plus dexcuses. Le temps est venu pour la communaut inter-nationale de passer la vitesse suprieure et de redfinir lobligation qui est la sienne de protger les citoyens du monde entier.

    Nos pays sont tenus de respecter, de protger et de concrtiser nos droits. Ils sont nombreux ne pas tenir leurs engagements ou, au mieux, ne les tenir que ponc-tuellement. En dpit de toutes les victoires remportes par le mouvement de dfense des droits humains au cours des dernires dcennies de la libration de prisonniers dopinion linterdiction mondiale de la torture en passant par la cration de la Cour pnale internationale, cette conception errone de la souverainet signifie que des milliards de personnes sont toujours laisses pour compte.

    Les gardiens de la terre et les exploiteursLun des exemples les plus criants de cette injustice est le traitement qui est rserv depuis plusieurs dcennies aux peuples autochtones. O quils vivent sur la plante, ils partagent une mme valeur : lopposition la notion de proprit foncire. Les peuples indignes se revendiquent plutt traditionnellement comme les gardiens des terres quils occupent. Ils ont cependant pay trs cher ce rejet du concept de proprit, car leurs terres se sont trs souvent rvles riches en ressources natu-relles. Et les gouvernements, censs protger les droits de ces populations, sem-parent de ces terres au nom de ltat souverain, puis les vendent, les donnent bail ou autorisent leur pillage par des tiers.

    Au lieu de respecter les peuples qui se voient comme les gardiens de leurs terres et des ressources quelles reclent, tats et entreprises sinstallent sur ces territoires, dplacent de force leurs habitants et sarrogent la proprit des terres ou les droits dexploitation des ressources naturelles.

    Au Paraguay, 2012 na pas t diffrente des 20 dernires annes pour les Sawhoyamaxas, dplacs de leur territoire malgr un arrt de la Cour interamri-caine des droits de lhomme qui a reconnu en 2006 leur droit sur leurs terres ances-trales. Plus au nord, plusieurs dizaines de communauts des Premires nations du Canada ont continu de sopposer au projet de construction dun pipeline reliant les sables bitumineux de lAlberta la cte de la Colombie-Britannique et passant par leurs terres ancestrales.

    Alors que les gouvernements devraient tirer les enseignements de lexprience des populations indignes afin de repenser leur rapport aux ressources naturelles, ces populations se retrouvent assiges dans le monde entier.

    Les gouvernements devraient tirer les enseignements de lexprience des populations indignes afin de repenser leur rapport aux ressources naturelles.

  • Amnesty International - Rapport 2013 XV

    Cette situation est dautant plus affligeante que les tats et les entreprises foulent au pied la Dclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui exige explicitement des tats quils assurent la participation entire et effective de ces peuples lexamen de toutes les questions les concernant. Les militants des droits indignes mobiliss pour la dfense de leur communaut et de leurs terres sont en butte des violences et risquent mme dtre tus.

    Loin de se limiter aux Amriques, ces phnomnes de discrimination, de margi-nalisation et de violence ont touch en 2012 le monde entier, des Philippines la Namibie, o de nombreux obstacles empchaient les enfants des peuples san et ovahimba, entre autres minorits ethniques, dtre scolariss. Ctait le cas, en parti-culier, Opuwo, o des enfants ovahimbas ont t contraints de se couper les cheveux et se sont vu interdire de porter leurs vtements traditionnels pour pouvoir frquenter lcole publique.

    La circulation de largent et des personnesLa course aux ressources nest quun aspect de la mondialisation. La circulation des capitaux, qui ne connaissent ni frontires ni ocans et viennent gonfler les poches des puissants, en est un autre. Oui, la mondialisation est source de croissance cono-mique et de prosprit pour certains. Mais dautres connaissent le mme sort que les communauts autochtones et voient les gouvernements et les entreprises tirer profit des terres o ils vivent o ils meurent de faim, plutt.

    En Afrique subsaharienne, par exemple, plusieurs millions de personnes vivent toujours dans une pauvret telle que leur vie est menace, malgr une croissance significative dans de nombreux pays. La corruption et la fuite de capitaux vers des paradis fiscaux hors de la rgion demeurent deux des principales causes de cette situation. Les ressources minrales de lAfrique continuent de nourrir des accords entre des entreprises et des responsables politiques, au bnfice des deux parties, mais au dtriment des autres. En raison du manque de transparence des contrats de concession et de labsence totale dobligation de rendre des comptes, les action-naires des entreprises et les dirigeants politiques senrichissent injustement tandis que souffrent ceux qui voient leur travail exploit, leurs terres dtriores et leurs droits bafous. Pour ces personnes, la justice nest quun mirage.

    Largent que les travailleurs migrants du monde entier envoient au pays est un autre exemple de la libre circulation des capitaux. Selon la Banque mondiale, les transferts de fonds des travailleurs immigrs dans les pays en dveloppement sont trois fois suprieurs laide internationale au dveloppement. Pourtant, ces mmes migrants ont souvent t laisss au bord du chemin en 2012, ni leur pays dorigine ni leur pays daccueil ne protgeant correctement leurs droits.

    Cette anne, par exemple, des agences de recrutement npalaises se sont de nouveau livres au trafic de travailleurs migrants, les soumettant lexploitation et au travail forc. Elles leur ont factur des commissions dpassant les plafonds fixs par le gouvernement, les contraignant de ce fait souscrire des prts importants des taux dintrt levs. De nombreux migrants ont t tromps par leur recruteur sur leurs conditions demploi et de rmunration. Les agences de recrutement qui enfrei-gnaient la loi npalaise taient rarement sanctionnes. Le gouvernement a interdit en aot aux femmes de moins de 30ans de migrer en Arabie saoudite, aux mirats arabes unis, au Kowet et au Qatar pour y devenir employes domestiques, en raison de plaintes dabus sexuels et dautres violences physiques enregistres dans ces pays. Cependant, cette interdiction pouvait faire courir davantage de risques encore

  • XVI Amnesty International - Rapport 2013

    aux femmes, ds lors quelles taient obliges de chercher du travail par le biais de rseaux informels. Un bel exemple dinitiative o lon prtend dfendre les droits des femmes sans le faire rellement. Le gouvernement aurait d au contraire se battre pour garantir aux femmes un environnement de travail sr.

    Lorsque les gens sont partis, les pays dorigine font valoir quils nont plus dobliga-tions leur gard puisque ces travailleurs ne rsident plus sur leur territoire; quant aux pays daccueil, ils avancent que ces personnes nont pas de droits puisquelles sont trangres. Et pendant ce temps, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ouverte la signature en 1990, reste lun des traits relatifs aux droits fondamentaux comptant le moins dtats parties. Aucun pays de destination de migrants en Europe de lOuest na ratifi ce texte. Plusieurs autres tats qui accueillent un nombre lev de migrants, comme les tats-Unis, le Canada, lAustralie, lInde, lAfrique du Sud et les tats du Golfe, ne lont pas ratifi non plus.

    Les rfugis sont dans une situation plus prcaire encore. Les plus vulnrables sont les 12millions dapatrides de par le monde soit la population de grandes agglom-rations comme Londres, Lagos ou Rio de Janeiro. Environ 80 % sont des femmes. En labsence de protection dun tat souverain, ces personnes sont de vritables citoyens du monde. Et leur protection nous incombe, nous tous. Elles incarnent largument le plus net en faveur de la mise en uvre de la responsabilit de protger, car les garanties relatives aux droits fondamentaux doivent sappliquer tous les tres humains, quils se trouvent dans leur pays ou non.

    lheure actuelle, la protection est perue comme tant subordonne la souve-rainet des tats. Des femmes sont violes dans des camps au Soudan du Sud, des demandeurs dasile sont enferms dans des centres de dtention ou des conteneurs mtalliques en Australie comme au Kenya, et des centaines de personnes prissent bord de frles embarcations alors quelles cherchent dsesprment un lieu sr.

    Cette anne encore, des Africains qui drivaient au large des ctes italiennes se sont vu refuser laccs la scurit offerte par les rivages europens, les tats revendiquant le caractre sacr des contrles aux frontires. Les pouvoirs publics australiens ont continu dintercepter les embarcations de rfugis et de migrants en haute mer. Les agents chargs de surveiller les ctes des tats-Unis ont dfendu cette pratique: Linterception en mer des migrants permet un renvoi rapide de ces personnes vers leur pays dorigine et limine les procdures onreuses requises en cas dentre sur le territoire amricain. La souverainet la emport chaque fois sur le droit de chercher asile.

    Environ 200 personnes perdent la vie chaque anne alors quelles tentent de traverser le dsert pour gagner les tats-Unis, consquence directe des mesures prises par les pouvoirs publics amricains pour rendre impraticables les passages plus srs. Ce chiffre demeure stable, malgr une diminution de limmigration.

    Ces exemples tmoignent dun renoncement odieux la responsabilit de promou-voir les droits humains, y compris le droit la vie, et offrent un contraste saisissant avec la libre circulation des capitaux voque plus haut.

    On voit aussi une diffrence flagrante entre les contrles stricts de limmigration et la quasi libre circulation dans le monde des armes classiques, en particulier des armes lgres et de petit calibre. Des centaines de milliers de personnes ont t tues, blesses, violes ou obliges de fuir de chez elles cause du commerce des armes. Ce commerce est aussi directement li aux discriminations et aux violences lies au

    Les plus vulnrables sont les 12 millions dapatrides de par le monde soit la population de grandes agglomrations comme Londres, Lagos ou Rio de Janeiro. Environ 80 % sont des femmes.

  • Amnesty International - Rapport 2013 XVII

    genre, qui touchent les femmes de manire disproportionne. Les initiatives visant consolider la paix, la scurit et lgalit des genres et mettre en place les conditions du dveloppement sont profondment compromises. Les atteintes aux droits fonda-mentaux sont en partie alimentes par la facilit avec laquelle les armes sont achetes et vendues, ngocies et expdies aux quatre coins du monde, pour finir bien trop souvent entre les mains de gouvernements rpressifs et de leurs forces de scurit, de seigneurs de guerre et de bandes criminelles. Cest un commerce lucratif (70milliards de dollars des tats-Unis par an), ce qui explique les efforts dploys par les parties intresses pour en empcher toute rgulation. Au moment de la mise sous presse de ce rapport, les principaux tats exportateurs darmement sapprtaient ouvrir de nouvelles ngociations en vue de ladoption dun trait sur le commerce des armes. Amnesty International demande linterdiction des transferts darmes ds lors quil existe un risque substantiel que celles-ci servent commettre des violations du droit international humanitaire ou de graves violations du droit relatif aux droits humains.

    La circulation de linformationIl est malgr tout possible de retenir un point positif de ces exemples : nous dte-nons des informations leur sujet. Cela fait un demi-sicle quAmnesty International dnonce les violations des droits humains dans le monde entier, et emploie toutes les ressources sa disposition pour mettre fin ces violations, en prvenir de nouvelles et protger nos droits. La mondialisation des communications offre des possibilits que les fondateurs du mouvement de dfense des droits humains moderne nauraient jamais pu imaginer. La marge de manuvre dont disposent les gouvernements et les entreprises pour se retrancher derrire des frontires souveraines est de plus en plus limite.

    De nouvelles formes de communication se sont installes dans nos vies une vitesse impressionnante. Entre 1985, anne de cration du premier nom de domaine avec lextension .com, et aujourdhui, o lon compte 2,5milliards dinternautes, le paysage numrique a connu une transformation fulgurante. En 1989, Tim Berners-Lee rdi-geait une proposition de gestion de linformation sur Internet. Hotmail a vu le jour en 1996, les blogs en 1999 et Wikipdia en 2001. Facebook est n en 2004. YouTube en 2005. Cette mme anne, Internet a enregistr son milliardime utilisateur qui, statistiquement, a toutes les chances dtre une femme ge de 24ans et habitant Shanghai. En 2006 sont apparus Twitter et le site chinois censur de Google, Gu Ge. En 2008, la Chine comptait un plus grand nombre dinternautes que les tats-Unis. Cette anne-l, des militants travaillant avec des citoyens-journalistes kenyans ont dvelopp un site Web appel Ushahidi (terme swahili signifiant tmoignage). Conu lorigine pour recenser les violences intervenues au Kenya aprs les lec-tions, il sest transform en une plateforme internationale dont lobjectif est de dmo-cratiser linformation.

    Nous vivons dans un monde foisonnant dinformations et o les militants ont leur disposition les outils permettant que les violations des droits humains ne soient pas passes sous silence. Linformation cre une obligation dagir. Toutefois, une ques-tion cruciale se pose : allons-nous continuer avoir accs ces informations, ou bien les tats, de connivence avec dautres acteurs puissants, vont-ils bloquer cet accs ? Amnesty International veut faire en sorte que tout un chacun dispose des outils ncessaires pour accder aux informations, les partager et dnoncer le pouvoir et la souverainet lorsque cette notion est invoque mauvais escient. Internet nous permet de construire un modle de citoyennet mondiale, et fournit un contre-point au concept de souverainet et de droits fonds sur la nationalit.

    Le commerce des armes est aussi directement li aux discriminations et aux violences lies au genre, qui touchent les femmes de manire disproportionne. Les initiatives visant consolider la paix, la scurit et lgalit des genres et mettre en place les conditions du dveloppement sont profondment compromises.

  • XVIII Amnesty International - Rapport 2013

    Lide formule de faon si loquente par Martin Luther King autour dun rseau dinterdpendances auquel nous ne pouvons chapper et dune destine commune a t soutenue et dfendue par de nombreux grands penseurs et militants des droits qui lont prcd ou lui ont succd. Le moment est venu de lincorporer dans notre modle international de citoyennet. La notion africaine dubuntu illustre parfaitement cette ide: Je suis ce que je suis grce ce que nous sommes tous.

    Il sagit de nous relier les uns aux autres, sans que les frontires, les murs, les ocans ou la dfinition de lennemi comme lautre ne viennent polluer notre incli-nation naturelle la justice et lhumanit. Aujourdhui, le monde numrique nous met rellement en prise directe avec linformation.

    Capacit daction et participationLa situation est simple: louverture du monde numrique offre des chances gales tous et permet un nombre toujours plus lev de personnes daccder aux informa-tions dont elles ont besoin pour interpeller les gouvernements et les entreprises. Elle favorise la transparence et lobligation de rendre des comptes. Linformation est source de pouvoir: Internet est mme de donner aux sept milliards dhabitants de la plante les moyens dagir. Cest un outil qui nous permet davoir connaissance des atteintes aux droits fondamentaux o quelles aient lieu, dapporter la preuve de leur existence et de les dnoncer. Il nous permet de partager des informations et nous aide ainsi uvrer main dans la main pour rsoudre des problmes, promouvoir la scurit des personnes et le dveloppement humain et concrtiser la promesse des droits humains.

    La souverainet des tats, lorsquelle est invoque abusivement, est diamtra-lement oppose cette vision. Elle est associe au cloisonnement, au contrle de linformation et des communications, la dissimulation derrire les lois relatives au secret dtat et dautres dispositions exonrant les gouvernements de leurs responsa-blilits. En invoquant sa souverainet, un gouvernement entend affirmer quil na pas de comptes rendre et que, ds lors quil agit lintrieur de ses propres frontires, il ne peut pas tre remis en cause. Cest ainsi que les puissants exercent leur autorit sur ceux qui sont dmunis.

    Les possibilits offertes par le monde numrique sont immenses. Le pouvoir du monde numrique est immense. La technologie tant neutre en soi, ces possibilits peuvent faciliter aussi bien des actions compatibles avec le respect des droits des populations que des actions antinomiques avec les droits humains.

    Amnesty International, qui puise ses racines dans la dfense de la libert dexpres-sion, continue dtre tmoin de ce que font les gouvernements lorsquils sont inca-pables de restreindre cette libert et dcident de manipuler laccs linformation. De lAzerbadjan la Tunisie et de Cuba aux territoires palestiniens, des blogueurs sont poursuivis en justice et harcels. Au Vit-Nam, des blogueurs trs connus Nguyen Van Hai, alias Dieu Cay, Ta Phong Tan, lorigine du blog Justice et Vrit, et Phan Thanh Hai, surnomm AnhBaSaiGon ont t jugs en septembre pour propa-gande contre ltat. Ils ont t condamns des peines de 12, 10 et quatre ans demprisonnement respectivement, peines assorties leur libration dune priode de rsidence surveille de trois cinq ans. Leur procs na dur que quelques heures et leurs proches ont t harcels et arrts par les autorits, qui ne voulaient pas quils y assistent. Ce procs avait t report trois reprises, la dernire fois en raison de la mort de la mre de Ta Phong Tan; elle avait succomb ses blessures aprs stre immole par le feu devant des locaux administratifs pour protester contre le traitement rserv sa fille.

  • Amnesty International - Rapport 2013 XIX

    Lemprisonnement de personnes qui exercent leur libert dexpression et contestent les pouvoirs en place au moyen des technologies numriques nest toutefois que la premire ligne de dfense des gouvernements. De plus en plus, les tats sefforcent driger des pare-feux en vue de circonscrire les communications numriques ou les systmes dinformation. LIran, la Chine et le Vit-Nam essaient de mettre en place un dispositif leur permettant de reprendre le contrle la fois des communications et de laccs aux informations disponibles dans la sphre numrique.

    Plus inquitant encore : un certain nombre de pays explorent des stratgies de contrle plus subtiles dans ce domaine, dployant de vastes rseaux de surveillance et des techniques plus fines de manipulation de laccs linformation. Les tats-Unis, qui de leur ct ne se proccupent gure du respect des frontires comme le montrent les attaques de drones un peu partout dans le monde, se sont rcemment arrog le droit de surveiller toute donne enregistre dans des systmes de stockage en ligne (dossiers virtuels qui ne sont pas assujettis aux frontires territoriales). Pour dire les choses clairement, cette surveillance sapplique aussi des informations dte-nues par des personnes et des entreprises qui ne sont pas situes sur le territoire amricain ni ressortissantes de ce pays.

    La lutte pour laccs linformation et le contrle des moyens de communication ne fait que commencer. Dans ce contexte, que peut faire la communaut internationale pour tmoigner son respect celles et ceux qui se sont courageusement mobiliss, au pril de leur vie et de leurs liberts, lors des soulvements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord? Comment nous tous pouvons-nous afficher notre solidarit lgard de Malala Yousafzai et de tous ceux qui ont os prendre la parole pour dire Assez!?

    Nous pouvons exiger des tats quils veillent ce que toutes les personnes sur leur territoire aient vritablement accs au monde numrique, de prfrence via une connexion Internet haut dbit mise disposition un prix abordable, soit sur un appa-reil portatif du type tlphone portable, soit sur un ordinateur de bureau. Ils reconna-traient ainsi chacun le droit de bnficier du progrs scientifique et de ses appli-cations, principe en matire de droits humains nonc larticle15 du Pacte inter-national relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels. La Dclaration univer-selle des droits de lhomme proclame ce mme principe en son article27: Toute personne a le droit de prendre part librement la vie culturelle de la communaut, de jouir des arts et de participer au progrs scientifique et aux bienfaits qui en rsultent.

    Disposer dun accs de qualit Internet quivaut de toute vidence bnficier du progrs scientifique.

    Il y a de cela de nombreuses annes, les tats ont instaur un service postal inter-national reposant sur des services nationaux interconnects pour crer un systme mondial dacheminement du courrier. Nimporte qui pouvait crire une lettre, acheter un timbre et envoyer cette lettre peu prs partout dans le monde. Si cette lettre ntait pas livre directement chez le destinataire, il existait un systme de poste restante ou dacheminement centralis indiquant le lieu o celui-ci pouvait retirer son courrier.

    Ce courrier tait considr comme priv, quelles que soient les frontires franchies. Cette forme de communication et de partage dinformations, qui peut aujourdhui paratre un peu suranne, a transform notre faon de communiquer et tenait pour acquis le droit au respect de la vie prive dans le cadre de ces changes. Et surtout, les tats ont fait en sorte que ce service soit accessible tous. Mme si, de toute vidence, de nombreux gouvernements en ont profit pour lire du courrier priv, ils nont pas remis en question le principe du droit au respect de la vie prive associ

    Nous pouvons exiger des tats quils veillent ce que toutes les personnes sur leur territoire aient vritablement accs au monde numrique.

  • XX Amnesty International - Rapport 2013

    ces communications. Le service postal international a ouvert aux habitants dinnom-brables pays de nouvelles perspectives en termes de partage de linformation et de participation la vie de la famille et de la socit.

    De nos jours, laccs Internet est essentiel pour que les gens puissent communiquer mais aussi sinformer. La transparence, laccs linformation et la possibilit de participer aux dbats et dcisions politiques sont des aspects indis-pensables la cration dune socit respectueuse des droits.

    Rares sont les actions des gouvernements pouvant avoir des consquences posi-tives aussi immdiates, puissantes et tendues pour les droits humains.

    Chaque tat a une dcision prendre: emploiera-t-il cette technologie neutre en soi pour asseoir plus fermement son pouvoir sur les autres, ou bien pour donner aux individus les moyens dagir et de promouvoir leur libert?

    Avec lavnement dInternet et sa haute disponibilit sur les tlphones cellulaires, dans les cybercafs et partir dordinateurs accessibles dans les tablissements scolaires, les bibliothques publiques, les lieux de travail ou au domicile des gens , une occasion sans prcdent nous est offerte de mettre les individus en mesure de faire valoir leurs droits.

    un choix pour lavenirLoccasion est maintenant donne aux tats de garantir toutes les personnes sur leur territoire un accs effectif et abordable Internet. Les tats peuvent aussi soutenir la cration de nouveaux lieux de consultation dInternet, par exemple des bibliothques ou des cafs, o les services sont gratuits ou la porte de toutes les bourses.

    Ils peuvent en particulier garantir la participation active des femmes (dont 37% seulement ont aujourdhui accs dune manire ou une autre Internet) ce systme dinformation et, par voie de consquence, aux actions et dcisions prises dans le monde o elles voluent. Une tude rcente ralise par ONUFemmes, lentreprise Intel et le dpartement dtat amricain met en vidence limmense foss qui spare les hommes et les femmes en matire daccs Internet dans des pays comme lInde, le Mexique ou lOuganda. Cela signifie que les tats doivent mettre en place des systmes permettant une connexion la maison, lcole et au bureau, car des lieux comme les cybercafs sont difficilement accessibles pour les femmes qui ne peuvent pas sortir de chez elles pour des raisons religieuses et culturelles.

    Les tats peuvent aussi semployer radiquer la discrimination sociale lgard des femmes et les prjugs dont elles sont frappes. Une ingnieure indienne a racont aux auteurs de ltude quon lui avait interdit de se servir dun ordinateur de peur que, si elle le touchait, un problme survienne. Dautres tmoignages ont rvl que des hommes interdisaient leur pouse dutiliser lordinateur familial, craignant quelles ne tombent sur des contenus sexuels inappropris. Cest lune des raisons voques pour expliquer quen Azerbadjan les femmes ne soient que 14% stre connectes ne serait-ce quune fois dans leur vie, alors que ce taux slve 70% chez les hommes.

    En reconnaissant le droit des individus davoir accs Internet, les tats satisfe-raient leurs obligations relatives au respect de la libert dexpression et du droit linformation. Ils doivent toutefois agir dans le respect du droit la vie prive.

    Si les tats refusent de reconnatre ce droit, le risque est grand de voir apparatre une socit deux vitesses, au niveau mondial et au niveau des tats, une partie de

    Le savoir, linformation et la capacit de sexprimer sont une force, une force que ne craignent pas les tats respectueux des droits.

  • Amnesty International - Rapport 2013 XXI

    la population ayant accs aux outils ncessaires pour revendiquer ses droits tandis que lautre ne laura pas.

    Le savoir, linformation et la capacit de sexprimer sont une force, une force que ne craignent pas les tats respectueux des droits. Ceux-ci, au contraire, uvrent en faveur du renforcement du pouvoir dagir. Le caractre transfrontire de la sphre numrique signifie en outre que nous pouvons tous faire preuve de citoyennet mondiale en utilisant ces outils pour promouvoir le respect des droits humains proxi-mit de chez nous et en signe de solidarit avec des personnes qui vivent lautre bout de la plante.

    Les formes traditionnelles de solidarit peuvent avoir un impact plus fort encore lorsquelles prennent un caractre viral . Des milliers de militants se sont ainsi mobi-liss en faveur de 12 personnes dans le cadre du 10eMarathon des lettres crire pour les droits dAmnesty international, en dcembre2012. Il sagit du plus grand vnement militant en matire de droits humains dans le monde, il sest dclin ces dernires annes sous la forme de courriels, de ptitions numriques, de SMS, de fax et de tweets. En 2012 ce sont deux millions dactions qui ont t enregistres, des actions exprimant la solidarit, apportant un soutien et contribuant obtenir la remise en libert dhommes et de femmes emprisonns en raison de leurs convictions.

    Pour nous Amnesty International, Internet est lincarnation mme de la promesse et des possibilits dont notre fondateur, Peter Benenson, a eu la vision il y a plus de 50ans: la possibilit pour des individus duvrer ensemble par-del les frontires en faveur de la libert et des droits pour tous. On ne la pas pris au srieux et son rve a t peru comme une pure folie. De nombreux anciens prisonniers dopinion doivent leur libert et leur vie ce rve. Nous sommes sur le point de crer et de concrtiser un nouveau rve, que certains considreront galement comme une pure folie. Mais Amnesty International est prte aujourdhui se battre pour dfendre ce rve. Elle demande aux tats de prendre acte de lvolution de notre monde et de crer les outils qui donneront tous le pouvoir dagir.

    Ce qui nous donne de lespoir, cest le soutien et la solidarit des simples citoyens. Les gens sont le seul moteur du changement. Ltat namliorera rien, il ne fera rien si les gens nexercent aucune pression. [...] Les nombreux messages que jai reus [de membres et de militants dAmnesty International] me donnent beaucoup despoir, malgr tous les obstacles.

    Azza Hilal Ahmad Suleiman, qui se remet progressivement dune violente agression dont elle a t victime prs de la place Tahrir, au Caire, faisait partie des 12cas de la campagne crire pour les droits de dcembre 2012. Elle a voulu intervenir quand elle a vu un groupe de soldats en train de frapper et de dshabiller une jeune femme. Elle a eu des fractures au crne et souffre dsormais de troubles de la mmoire. Elle a port plainte contre larme.

  • 13AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2013CHAPITRE II : SITUATION PAYS PAR PAYS

  • AFGHANISTANRPUBLIQUE ISLAMIQUE DAFGHANISTANChef de ltat et du gouvernement: Hamid Karza

    Cette anne encore, des milliers de civils ont tvictimes dattaques cibles ou menes sansdiscrimination par des groupes arms dopposition.Dautres ont t tus ou blesss par les forcesinternationales et afghanes. La Mission dassistancedes Nations unies en Afghanistan (MANUA) arecens plus de 2700civils tus et 4805autresblesss au cours de lanne, la trs grande majoritdentre eux 81% par des groupes arms. Lerecours la torture, entre autres formes de mauvaistraitements, restait trs rpandu dans les centres dedtention de tout le pays, malgr les efforts dployspar le gouvernement pour rduire cette pratique. Lesfemmes et les filles continuaient dtre victimesdune discrimination gnralise et de violences,tant au niveau institutionnel quau sein de la sociten gnral. Le gouvernement a tent de renforcer lasurveillance de la presse, ce qui a provoqu un tolldes employs des mdias. Ceux-ci ont, cette anneencore, t en butte des menaces et desarrestations de la part des forces gouvernementaleset des groupes arms. La persistance du conflit arma contraint de nouvelles familles quitter leur foyer;le nombre total de personnes dplaces cause duconflit atteignait 459200 la fin de lanne.Beaucoup vivaient dans des habitats prcaires, sansaccs leau, un abri suffisant, aux services desant ni lducation. On recensait la fin delanne quelque 2,7millions dAfghans rfugis ltranger.

    ContexteEn janvier, les talibans ont accept louverture dunbureau politique au Qatar, ce qui devait permettre despourparlers de paix directs; cette initiative a achoppen mars sur les demandes dchanges de prisonniers.Au dbut de novembre, plusieurs dirigeants talibansincarcrs au Pakistan ont t librs dans le cadredes ngociations entre ce pays et le Haut Conseilpour la paix. Le prsident de cette instance,Salahuddin Rabbani, a dclar le 17novembre queles responsables talibans qui participeraient auprocessus de paix bnficieraient de limmunit

    contre les poursuites, alors mme que certains destalibans dtenus taient souponns de crimes deguerre. Les femmes membres du Haut Conseil pourla paix taient toujours tenues lcart desprincipales consultations de paix.

    Les tats qui ont particip au sommet bisannuel delOTAN, en mai, ont soulign limportance de laparticipation des femmes la vie politique et auxprocessus de reconstruction, de paix et derconciliation en Afghanistan, ainsi que la ncessitde respecter les dispositions institutionnellesprotgeant leurs droits. Dans le mme temps, desgroupes de femmes ont exprim leur proccupation propos de leur exclusion de fait des consultationsnationales sur le transfert de la responsabilit de lascurit aux forces afghanes. Des militantes ontcondamn le code de conduite propos le 2marspar le prsident Karza, qui prvoyait que les femmesne doivent pas voyager sans tuteur masculin ni semlanger aux hommes dans le domaine delducation ou du travail.

    Les donateurs internationaux runis en juillet Tokyo (Japon) se sont engags verser 16milliardsde dollars des tats-Unis dici 2015 au titre de laidecivile lAfghanistan, et poursuivre leur soutien aupays jusquen 2017. Les Nations unies ont toutefoissignal en dcembre que laide humanitaire octroye lAfghanistan avait diminu de prs de 50% parrapport 2011, natteignant que 484millions dedollars en 2012. Selon le Bureau de la scurit desONG en Afghanistan (ANSO), les menaces visant lesONG et les employs dorganisations humanitairessont restes un niveau similaire celui de 2011.Cet organisme a recens 111attaques menes pardes groupes arms et des forces de scuritprogouvernementales, et notamment des casdhomicide, de blessures et denlvement.

    En septembre, le Parlement a confirm sans dbatla dsignation dAssadullah Khalid la tte de laDirection nationale de la scurit (DNS, les servicesdu renseignement), en dpit dinformations indiquantquil pourrait avoir t impliqu dans des actes detorture lorsquil occupait les fonctions de gouverneurdes provinces de Ghazni et de Kandahar.

    La Commission indpendante des droits delhomme en Afghanistan (AIHRC) manquaittoujours de moyens pour mener ses activits depuisle renvoi controvers par le prsident Karza, endcembre 2011, de trois de ses membres. Un autre

    1Amnesty International - Rapport 2013

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  • poste tait vacant depuis janvier2011, la suite dela mort de lune des membres de cette instance,tue dans un attentat lexplosif en compagnie deses proches.

    De violentes protestations ont clat en fvrieraprs que des exemplaires calcins du Coran eurentt retrouvs sur une base militaire non loin deKaboul; 30personnes ont t tues.

    Exactions perptres par des groupesarmsBien quun code de conduite (layeha) des talibansrendu public en 2010 ait ordonn aux combattantsde ne pas prendre des civils pour cible, les talibanset dautres groupes arms continuaient de violer leslois de la guerre en perptrant des attentats-suicidessans discrimination qui tuaient et blessaient descivils. Les engins explosifs improviss taient lacause principale des pertes civiles. Des groupesarms ont pris pour cible des lieux publics et descivils, notamment des agents de ltat, considrscomme des soutiens du gouvernement, ainsi quedes employs dorganisations internationales.n Le 6avril, le responsable du Conseil pour la paix dela province de la Kunar, Maulavi Mohammad HashimMunib, et son fils ont t tus dans un attentat-suicidealors quils rentraient chez eux aprs la prire duvendredi.n Le 6juin, au moins 22civils ont t tus et 24autresont t blesss dans un attentat lexplosif perptr pardeux hommes dans un march trs frquent de laprovince de Kandahar. Cette attaque a t revendiquepar les talibans.n Le 21juin, les talibans ont attaqu lhtel Spozhmay,un lieu de villgiature trs frquent par les Afghans.Douze civils ont t tus et neuf autres ont t blesssau cours du sige de ltablissement, qui a dur12heures.n Un jeune garon aurait t enlev et dcapit par lestalibans en aot dans le district de Zherai parce queson frre servait au sein de la Police locale afghane(ALP). Les talibans ont ni toute responsabilit.n Le 19octobre, 18femmes auraient trouv la mortdans la province de Balkh quand un minibus a heurtune bombe artisanale place en bord de route.

    Cette anne encore, des enfants ont t recrutspar des groupes arms.n Le 26octobre, un adolescent g de 15ans, selonles informations recueillies, a commis un attentat-

    suicide dans une mosque pendant la prire de lAd(fte du sacrifice) Maimana (province de Faryab).Quarante civils, dont six enfants, ont t tus.

    Violations des droits humains imputablesaux forces internationales et afghanesCette anne encore, des civils ont t tus ou blessspar les forces progouvernementales, essentiellementdans des frappes ariennes. Selon la MANUA, 8%des victimes civiles ont t tues la suite desoprations des forces internationales et afghanes.n Le 8fvrier, des frappes ariennes de lOTAN dans laprovince de Kapisa ont tu huit garons; le prsidentKarza a dnonc ce bombardement. LOTAN aexprim ses regrets, mais aurait aussi fait valoir que lesenfants avaient t perus comme une menace.n Le 11mars dans la nuit, un soldat amricain isol aouvert le feu contre des habitants de deux villages dudistrict de Panjwai (province de Kandahar), tuant descivils, dont neuf enfants, et blessant plusieurs autrespersonnes. la fin de lanne ce militaire faisait lobjetdune procdure devant une cour martiale pour16chefs daccusation de meurtre et six de tentative demeurtre.n Le 6juin, 18civils, dont des enfants, auraient trouvla mort dans la province du Logar la suite dunefrappe arienne de lOTAN visant des combattantstalibans qui staient rfugis dans une maison o unmariage tait clbr.

    En septembre, les autorits afghanes ont pris lecontrle symbolique du centre de dtention de labase amricaine de Bagram, au nord de Kaboul. Onignorait toutefois dans quelle mesure les tats-Unisgardaient une marge de contrle sur les casindividuels de prisonniers de Bagram. Selon lesinformations diffuses, les autorits afghanes ont prisla responsabilit de quelque 3100dtenus afghansqui sy trouvaient le 9mars, date de laccord sur letransfert de responsabilit. Plus de 600dtenus quiseraient arrivs sur la base depuis le mois de marsrestaient semble-t-il sous la responsabilit de larmeamricaine, de mme que la cinquantaine (voireplus) de prisonniers non afghans prsents Bagram la fin de lanne, dont beaucoup avaient ttransfrs par des pays tiers vers lAfghanistan ettaient dtenus par les tats-Unis depuis une dizainedannes. Un nombre inconnu dAfghans captursavant laccord navaient pas t transfrs auxautorits afghanes.

    2 Amnesty International - Rapport 2013

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  • Selon la MANUA, le nombre de cas de torture etdautres mauvais traitements imputs aux agents dela DNS a lgrement diminu partir doctobre, mais lon a constat dans le mme temps uneaugmentation du recours ces pratiques par la policenationale et la police des frontires.

    Les allgations datteintes aux droits humainscommises par des membres de lALP taient trsnombreuses. Des organisations de dfense des droitshumains se sont inquites de labsence de contrlede scurit lors du recrutement de cette force. Seloncertaines sources, plus de 100membres de lALP ontt incarcrs pour meurtre, viol, attentat lexplosif,coups et vol main arme.n En novembre, quatre membres dune unit de lALPde Kunduz ont t condamns une peine de 16ansdemprisonnement pour avoir enlev, viol et battupendant cinq jours en mai Lal Bibi, une jeune fille de18ans.

    Libert dexpressionUn projet de loi sur les mdias prvoyait un contrlerenforc des autorits. Ce texte envisageait la crationdun Haut Conseil des mdias form de 15membres(dont des reprsentants de ltat) et prsid par leministre de lInformation et de la Culture, qui seraitcharg de surveiller et de contrler la presse crite etaudiovisuelle.

    Des journalistes ont t menacs, arrts demanire arbitraire, battus ou tus au cours delanne. Un organisme afghan de surveillance desmdias, Nai, a recens 69attaques contre desjournalistes imputables aux forces de scurit, desgroupes arms et des individus isols, soit unediminution de 14% par rapport 2011. linitiativedu Conseil des oulmas (dignitaires religieux) leprocureur gnral a menac dengager despoursuites pnales contre des mdias qui avaientabord, par crit ou oralement, des questions jugesimmorales ou opposes lislam.n Nasto Naderi, un journaliste travaillant pour unechane de tlvision, a t arrt le 21avril et dtenupendant plusieurs jours sans tre inculp; il na pas tautoris consulter un avocat.

    Violences faites aux femmes et aux fillesMalgr ladoption en 2009 de la Loi relative llimination de la violence contre les femmes, lesresponsables de lapplication des lois et les membres

    de lappareil judiciaire ne conduisaient pasdenqutes srieuses sur les violences faites auxfemmes et aux filles; les auteurs de tels agissementsntaient pas traduits en justice.

    Cette anne encore, des femmes et des filles ontt battues, violes et tues. Elles ont t la cibledattaques menes par des groupes arms, ont tvictimes de discrimination exerce par les autorits etont t menaces par leur communaut et leurfamille. La Commission indpendante des droits delhomme en Afghanistan a recens plus de 4000casde violence contre les femmes entre le 21mars et le21octobre, soit une augmentation de 28% parrapport la mme priode de lanne prcdente,due semble-t-il une sensibilisation accrue du public cette question. Le nombre rel de cas taitprobablement plus lev, tant donn la hontepersistante et le risque de reprsailles associs ladnonciation de ce type de violences.n En mai, une cour dappel de Kaboul a confirm lespeines de 10ans demprisonnement prononcescontre les beaux-parents dune jeune fille. Ils lui avaientinflig des mauvais traitements graves aprs quelle eutt marie de force lge de 13ans.n En juillet, une femme de 22ans dsigne sous leprnom de Najiba dans les comptes rendus desmdias a t tue par balle aprs avoir t inculpedadultre, apparemment par un membre des talibans.n Le 16septembre, une jeune fille de 16ans a tflagelle en public dans la province de Ghazni (sud dupays) pour avoir eu une relation illicite avec unjeune homme. Elle avait t condamne recevoir100coups de fouet par un jugement prononc par troismollahs dans le district de Jaghori.n Le 10dcembre, Nadia Sidiqi, qui occupait lesfonctions de directrice du Dpartement de la conditionfminine de la province du Laghman, a t abattue pardes hommes arms non identifis alors quelle serendait son bureau. La femme qui lavait prcde ce poste, Hanifa Safi, avait t tue le 13juillet par unengin explosif dclench distance. Des membres desa famille avaient t blesss lors de lexplosion. Aucunde ces deux attentats na t revendiqu.

    Rfugis et personnes dplaces la fin doctobre, le nombre de personnes dplaces cause du conflit et des catastrophes naturellesatteignait un demi-million environ. Beaucoupcontinuaient de chercher refuge dans des bidonvilles,

    3Amnesty International - Rapport 2013

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  • entre autres quartiers dhabitat prcaire des villes, oelles vivaient dans des abris de fortune faits debches en plastique et sous la menace constantedune expulsion force, voire violente. De trsnombreuses personnes sont mortes de maladie et/oude froid, linsuffisance des installations sanitaires etlaccs dficient lducation et aux services de santvenant dajouter aux conditions climatiques extrmesde lhiver 2011-2012. Plus de 100personnes, desenfants pour la plupart, seraient mortes durant cettepriode, sur fond de critique du manque daidehumanitaire en temps voulu. Le gouvernement arpondu en mars en annonant llaboration dunprogramme national global pour les personnesdplaces lintrieur du pays.

    En septembre, le gouvernement pakistanais aaccept que les rfugis afghans soient autoriss rester trois ans de plus au Pakistan, annulant unordre des autorits de la province de Khyber-Pakhtunkhwa qui demandait tous les Afghanssjournant illgalement au Pakistan de quitter le paysavant le 25mars, sous peine dtre emprisonns etexpulss.

    Peine de mortLes autorits ont procd lexcution de14condamns mort les 20 et 21novembre, alorsque labsence de garanties en termes dquit desprocs restait source de profonde proccupation dansle pays. Il sagissait des premires excutions enAfghanistan depuis juin2011. Trente prisonniers ontvu leur sentence capitale confirme par la Coursuprme; 10autres ont bnfici dune commutationde leur condamnation mort en peinedemprisonnement de longue dure. Plus de250personnes taient sous le coup dunecondamnation mort la fin de novembre.

    Visites et documents dAmnestyInternationalv Des dlgus dAmnesty International se sont rendus en Afghanistanen fvrier, mars, mai, juin, octobre et dcembre.4 Fleeing war, finding misery: The plight of the internally displaced inAfghanistan (ASA11/001/2012).4 Strengthening the rule of law and protection of human rights, includingwomens rights, is key to any development plan for Afghanistan(ASA11/012/2012).4 Open letter to the Government of Afghanistan, the United Nations, otherhumanitarian organizations and international donors (ASA11/019/2012).

    AFRIQUE DU SUDRPUBLIQUE SUD-AFRICAINEChef de ltat et du gouvernement: Jacob G. Zuma

    La force excessive utilise par la police contre desmanifestants, associe des soupons dexcutionsextrajudiciaires et de torture, a suscit lmoi dans lepays; quelques initiatives ont t prises pour que lesresponsables soient amens rendre des comptes.Les pratiques discriminatoires et les violencescibles lgard des demandeurs dasile et desrfugis se sont multiplies. Ceux-ci rencontraientpar ailleurs des difficults accrues pour accder laprocdure dasile. Peu de mesures ont t prisespour lutter contre les violences motives par la haineet systmatiquement infliges certaines personnesen raison de leur orientation sexuelle ou de leuridentit de genre. Mme si laccs aux traitements etaux soins pour les personnes sropositives au VIH acontinu de samliorer, les infections lies cevirus demeuraient la principale cause de mortalitmaternelle. Les dfenseurs des droits humainstaient toujours en butte des manuvres deharclement et des violences.

    ContexteLe prsident Zuma a t rlu la tte du Congrsnational africain (ANC) en dcembre. Les lectionsdes nouveaux dirigeants de lANC ont t prcdesde plusieurs mois de tensions et de violences entrefactions rivales au sein du parti. Lingrencemanifeste de la classe politique, les rivalits et lacorruption ont accru encore linstabilit des instancesdirigeantes de la police et des services durenseignement criminel, fragilisant lintgrit etlefficacit de leurs activits.

    La justice a rendu dimportantes dcisions qui ontconfirm la lgalit des droits humains et dfendulindpendance du parquet.

    Les secteurs minier et agricole ont t touchs pardes grves gnralises tandis que, dans les zonesurbaines dfavorises, des manifestations se sontdroules contre la corruption des autorits locales,les carences des services publics (notamment delducation) et les conditions de travail. Legouvernement a publi en octobre les rsultats durecensement national, qui ont montr que de fortes

    4 Amnesty International - Rapport 2013

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  • disparits ethniques existaient toujours en termes derevenus des mnages et de taux demploi.

    LAfrique du Sud a ratifi le PIDESC.

    Morts en dtention et excutionsextrajudiciairesEn avril, la Direction indpendante denqute sur lapolice (IPID) a dbut ses activits. Les policiers quirefusaient de cooprer dans le cadre de ses enqutestaient passibles de poursuites pnales. LIPID aindiqu au Parlement quelle avait t chargedenquter sur 720nouveaux cas de mort suspecteen dtention ou dans dautres contextes de maintiende lordre entre avril 2011 et mars 2012.n Toujours en avril, un demandeur dasile burundais,Fistos Ndayishimiye, est mort pendant que la policelinterrogeait son domicile, dans la province duKwaZulu-Natal. Des tmoins, que la police avaitrefouls, ont racont lavoir entendu hurler. FistosNdayishimiye prsentait de multiples blessures la tteet sur le corps rsultant de lexercice dune forcebrutale, ainsi que de graves lsions internes. Uneenqute ouverte par lIPID tait en cours la fin delanne.n En mai, dans le cadre dune procdure marque parde nombreux contretemps et obstacles, 12policiers delancienne Unit de lutte contre le crime organis deBellville South ont t inculps de lenlvement et dumeurtre de Sidwell Mkwambi en 2009, et delenlvement et de la torture prsume de SiyabulelaNjova, arrt en mme temps que Sidwell Mkwambi.La dpouille de Sidwell Mkwambi prsentait demultiples blessures la tte et sur le corps rsultant delexercice dune force brutale, blessures qui neconcordaient pas avec les dclarations de la police surles circonstances de la mort de cet homme.n Des membres de lUnit de lutte contre le crimeorganis de Cato Manor ont comparu devant le tribunalde premire instance de Durban pour rpondre deplusieurs accusations. Dautres agents ont t arrtset prsents un magistrat, ce qui portait 30 lenombre de membres de cette unit en instance dejugement la fin de lanne. Cent seize chefsdinculpation avaient t retenus contre eux extorsionde fonds, meurtre, violences volontaires infliges aveclintention doccasionner des lsions corporelles graveset dtention illgale darmes feu et de munitions,notamment. Ces infractions avaient t commises surquatre annes, partir de 2008. Tous les accuss ont

    t librs sous caution, dans lattente de leur procs.Les familles des victimes ont indiqu quellescontinuaient de craindre pour leur scurit. Denouvelles investigations menes par lIPID et lunit defaucons de la police avaient permis de procder ces arrestations.

    Utilisation excessive de la forceLe 16aot, les forces de lordre ont dploy desunits quipes de fusils dassaut et de balles rellespour rprimer une grve entame par des ouvriers surle site dune mine de platine exploite par la socitLonmin, Marikana (province du Nord-Ouest). Trentemineurs sont morts, 16 sur les lieux et les 14autressur un autre site o ils staient rfugis pourchapper aux tirs de la police. Selon les informationsreues, la plupart ont t abattus alors quils tentaientde senfuir ou de se rendre. Quatre autres mineurssont morts un peu plus tard le mme jour, des suitesde leurs blessures. Les grvistes avaient t impliqusdans un litige avec Lonmin au sujet des salaires.Lampleur de la fusillade meurtrire et leretentissement qua eu cette affaire, ainsi que lemcontentement de plus en plus marqu destravailleurs du secteur minier, ont dbouch sur unecrise nationale.

    Lors dune confrence de presse tenue le 17aot,le directeur national de la police a invoqu la lgitimedfense pour justifier laction des policiers. Leprsident Zuma a malgr tout ordonn la crationdune commission judiciaire charge denquter surles circonstances de la mort de ces mineurs et de dixautres personnes, dont deux agents de scurit deLonmin et deux policiers, dcdes au cours de lasemaine prcdente.

    La commission a dmarr plus tard que prvu enraison de la dfinition tardive de son mandat et degraves problmes concernant son intgrit et sonaccessibilit. Il tait en particulier difficile de fournirlaide ncessaire pour que les familles des mineurstus puissent participer lenqute, et de trouver lefinancement de lassistance juridique et de laprotection des tmoins. La commission tait prsidepar le juge la retraite Ian Farlam. En octobre,Daluvuyo Bongo, un tmoin membre de lUnionnationale des mineurs (NUM), a t abattu aprs quileut effectu des dclarations auprs de membres dela commission. Quatre autres tmoins qui assistaientles avocats reprsentant lAssociation des travailleurs

    5Amnesty International - Rapport 2013

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  • des mines et de la construction (AMCU), ainsi quedes mineurs qui avaient t blesss au cours de lafusillade, auraient t encagouls, agresss etdtenus aprs avoir quitt les locaux de lacommission. Le Bureau daide juridique a rejet unedemande de financement dpose par la commissionpour que les nombreuxmineurs blesss par la policele 16aot et ceux qui avaient t arrts et, semble-t-il, torturs aprs la fusillade, bnficient duneassistance juridique.

    Avant linterruption en dcembre de ses activits(qui devaient reprendre en janvier), la commission acommenc recueillir des lments sur les actionsdes forces de lordre le 16aot et dans les jours quiont prcd. Les dpositions de la police nont paspermis de comprendre pourquoi celle-ci avait lancune opration sappuyant sur des units quipesuniquement darmes meurtrires pour dsarmer etdisperser les grvistes. En outre, un tmoinappartenant la police, qui avait t chargdanalyser les lieux de la fusillade du 16aot, adclar la commission que le site avait t dtrioret quil avait par consquent t impossible pour lui,comme pour les autres enquteurs, dtablir un lienentre les mineurs tus et les armes quils taientsupposs porter lorsquils ont t abattus.n En octobre, la Commission sud-africaine des droitshumains a publi un rapport critiquant la forceexcessive utilise par la police lors dune manifestationdes habitants de Ficksburg, en avril 2011, qui avaitentran la mort dAndries Tatane. Cet homme avait tfrapp coups de matraque et touch par des ballesen caoutchouc tires faible distance, alors quil neconstituait une menace ni pour la police ni pour lesautres personnes prsentes. En dcembre, le procsde sept policiers inculps du meurtre dAndries Tatanea t report au mois de mars2013.

    volutions lgislatives, constitutionnellesou institutionnelles lissue des audiences publiques tenues enseptembre sur le projet de loi relative la prventionet la lutte contre la torture, la Commissionparlementaire charge de la justice et des volutionsconstitutionnelles a adopt en novembre desamendements ce texte, qui devait tre examin ensance plnire en 2013. Amnesty Internationales etdautres organisations de la socit civile, spcialisesnotamment dans le droit et la dfense des droits

    humains, ont fourni des lments dinformation etformul des recommandations, dont certaines ont tacceptes, pour renforcer ce texte.

    Les dispositions relatives aux rparations accorder aux victimes de torture ntaient toutefoispas conformes aux normes internationales.

    En mai, la Cour suprme a jug illgale la dcisiondes autorits de ne pas enquter sur des allgationsde torture portes contre des personnes enparticulier, au Zimbabwe. Le Centre des litigesdAfrique australe (SALC) et le Forum des exils duZimbabwe avaient saisi la justice en invoquant lesobligations de lAfrique du Sud au regard du Statut deRome de la Cour pnale internationale. La Coursuprme a ordonn aux autorits de mener lesinvestigations ncessaires.

    En juillet, la Cour constitutionnelle a dbout legouvernement de son appel contre un arrt de laCour suprme jugeant illgales les tentativesdexpulsion vers le Botswana de deux Botswanais,sans que les pouvoirs publics aient obtenu la garantieque la peine de mort ne leur serait pas applique.Amnesty International est intervenue en tantquamicus curiae lors de laudience de la Courconstitutionnelle.

    Rfugis et demandeurs dasileLa rforme du systme dasile se poursuivait, avec deprofondes modifications qui allaient entraver de plusen plus laccs non discriminatoire la procduredexamen des demandes. Certains documentsproduits par le gouvernement lors daudiences devantdes tribunaux tmoignaient dune intention dedplacer les services dasile prs des frontires.

    la suite de la fermeture partielle ou totale desservices daccueil des rfugis Port Elizabeth et auCap, et de la fermeture du bureau de Johannesburgen 2011, les personnes en qute dasile et lesrfugis reconnus rencontraient de plus en plus dedifficults pour dposer une demande dasile ou fairerenouveler leur permis de sjour ou leur carte derfugi. Les personnes touches par ceschangements, en particulier les plus pauvres et lesfamilles, ont expliqu quelles risquaient de ce faitune amende, la dtention, une expulsion directe ouun renvoi constructif (dpart provoqu).

    Port Elizabeth et au Cap, des associations dedfense des rfugis, des organismes leur venant enaide et des avocats spcialiss dans les droits

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  • humains ont contest ces pratiques devant desjuridictions suprieures et ont obtenu gain de causeau dtriment du ministre de lIntrieur en fvrier, enmai, en juillet et en aot. Malgr ces actions enjustice, des observateurs ont not que certainsservices ntaient toujours pas proposs dans lesbureaux daccueil.

    Lors de sa confrence politique nationale, en juin,lANC a adopt des recommandations surlimmigration, notamment la cration de centrespour demandeurs dasile (en fait des camps). Endcembre, les participants la confrence organisepour lire les instances dirigeantes du parti auraientaccept ces recommandations dans une rsolutionsur la paix et la stabilit.

    De nombreux cas de pillages, de destructionsdchoppes et de dplacements de rfugis,demandeurs dasile et migrants ont t signals aucours de lanne, dans la plupart des neuf provincesdu pays. Lun des pisodes les plus graves estintervenu fin juin dans la province de ltat libre,quand un trs grand nombre de biens ont t dtruitset prs de 700personnes, des rfugis etdemandeurs dasile thiopiens pour la plupart, ont tdplaces aprs le pillage de leurs boutiques. Dansce cas comme dans de nombreux autres, la police atard ragir, se rendant mme parfois complice desviolences, selon certains tmoignages.

    Dans la province du Limpopo, dans le cadre delopration Hard Stick, la police a ferm doffice aumoins 600petits commerces appartenant desdemandeurs dasile ou des rfugis. Ceux-ci navaientpas t prvenus des descentes de police, qui ont tmenes sans discernement et se sont accompagnesdans bien des cas de la confiscation demarchandises. Certains demandeurs dasile etrfugis ont essuy des insultes xnophobes, ont tdtenus et inculps, ou condamns payer uneamende pour avoir gr une entreprise. Ceux quiavaient perdu leurs moyens de subsistance et leurlogement taient dautant plus vulnrables dautresatteintes aux droits humains. En septembre,30thiopiens dplacs ont d fuir une maison o ilsavaient trouv refuge parce quelle a t attaque aucocktail Molotov.

    La dtention illgale et prolonge de migrants sanspapiers et de personnes en qute de protectioninternationale demeurait un motif de proccupation.En novembre, la suite dune requte dpose

    devant la justice par la Commission sud-africaine desdroits humains et par lONG Peuple contre lasouffrance, la rpression, loppression et la pauvret(PASSOP), les autorits ont relch 37migrants quitaient dtenus, en labsence de tout mandat dedpt, depuis en moyenne 233jours.

    Droits des lesbiennes, des gays et despersonnes bisexuelles, transgenres ouintersexues (LGBTI)Les violences motives par la haine, en particuliercontre les lesbiennes, demeuraient un motifdinquitude et de peur. Entre juin et novembre aumoins sept personnes, dont cinq lesbiennes, ont ainsit tues selon toute apparence en raison de leurorientation sexuelle ou de leur identit de genre.

    En septembre, le bilan de lAfrique du Sud enmatire de droits humains a t valu dans le cadrede lExamen priodique universel des Nations unies.Le gouvernement a confirm que llaboration duncadre gnral de lutte contre les crimes motivs par lahaine, les discours de haine et les discriminationsinjustes tait pratiquement acheve.

    En dcembre, des reprsentants du ministre de laJustice ont condamn publiquement les crimesmotivs par la haine et les violences lies au genre,les assimilant une atteinte au droit la vie et ladignit humaine, et ont admis que lAfrique du Sudavait dsesprment besoin de sensibiliser lapopulation pour combattre les prjugs reposant surlidentit sexuelle ou de genre.

    Violences faites aux femmes et auxenfantsLes femmes faisaient toujours lobjet de multiplesviolences sexuelles, et 48003cas de viol ont tenregistrs par la police entre avril 2011 et mars2012. Sur les 64514infractions sexuelles recenses(viols compris) pour cette mme priode, 40,1% desvictimes taient des femmes et 48,5% des enfants.Des voix se sont de nouveau leves pour demanderla rintroduction de tribunaux spcialiss dans lesinfractions sexuelles afin de lutter contre limpunit.

    Droits des femmes, VIH et santmaternelleUn nombre croissant de personnes sropositives auVIH ont pu obtenir un traitement antirtroviral: enoctobre, elles taient deux millions. Le taux lev de

    7Amnesty International - Rapport 2013

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  • linfection au VIH chez les femmes enceintes taitcependant proccupant. Dans la province duKwaZulu-Natal, 37,4% des femmes se faisantsoigner dans les services de consultation prnataletaient porteuses du virus.

    Rendu public en aot, un rapport financ par leministre de la Sant et portant sur lvolution de lamortalit maternelle indiquait que, pour la priode2008-2010, sur les 4867femmes dcdes pendantleur grossesse ou dans les 42jours ayant suivi leuraccouchement, la cause de la mort tait dans 40,5%des cas une infection sans aucun rapport avec lagrossesse. Il sagissait en particulier du VIH. Lesdlais dattente pour les soins prnatals et lestraitements antirtroviraux y contribuaient galement.

    Dfenseurs des droits humainsCette anne encore, les dfenseurs des droitshumains ont subi des actes de harclement et despressions abusives ont t exerces sur desinstitutions telles que le Bureau du mdiateur ou surde hauts reprsentants du parquet.n En janvier, le prsident du Mouvement de dfensedes sans-emploi, Ayanda Kota, a t agress par despoliciers et plac illgalement en dtention au poste depolice de Grahamstown. Il stait prsent de son pleingr au poste aprs avoir fait lobjet dune plainte. Lescharges nonces contre lui, dont celle de rbellion,ont par la suite t abandonnes.n En juillet, Kevin Kunene, un dfenseur des droits delenvironnement qui avait t victime de torture, a tabattu 10jours aprs avoir dpos, avec trois autrespersonnes, une plainte auprs du mdiateur contrelAutorit tribale de KwaMbonambi. Aucun suspectnavait t traduit en justice la fin de lanne.n En octobre, des membres de la Coalition en faveurde la justice sociale, Angy Peter et son partenaire IsaacMbadu, ont t arrts pour meurtre. Avant leurinterpellation, ils avaient port plainte contre un hautfonctionnaire de police pour corruption. Angy Peterprtait galement son concours une commissionjudiciaire mise en place par le Premier ministre de laprovince du Cap-Ouest pour enquter sur desngligences prsumes de la police. Ils ont t remisen libert aprs une priode en dtention provisoire,mais faisaient toujours lobjet de harclement. Ennovembre, le directeur national de la police a engagune procdure judiciaire pour mettre fin lenqute dela commission.

    Visites et documents dAmnestyInternationalv Des dlgues dAmnesty International se sont rendues en Afrique duSud en fvrier-mars, mai-juin, aot-septembre et octobre-novembre.4 Hidden from view: Community carers and HIV in rural South Africa[photos] (AFR53/002/2012).4 South Africa: Key human rights concerns in South Africa: AmnestyInternationals submission to the UN Universal Periodic Review, May-June2012 (AFR53/003/2012).4 Afrique du Sud : Amnesty International considre commeencourageantes les premires mesures prises pour renforcer lesprotections contre la torture, mais condamne le recours par la police uneforce excessive et le non-respect des droits des rfugis. Le Conseil desdroits de lhomme adopte les conclusions de lExamen priodique universelsur lAfrique du Sud (AFR53/005/2012).4 Afrique du Sud. Des fermetures de magasins menacent la scurit derfugis (AFR53/006/2012).4 Afrique du Sud. Larrestation de policiers permet de progresser dans lalutte contre limpunit (PRE01/297/2012).4 Afrique du Sud. Un jugement confirme quune personne ne peut pas treexpulse vers un pays o elle risque la peine capitale (PRE01/369/2012).4 Afrique du Sud. Un juge doit superviser lenqute sur les mineurs tuslors de manifestations (PRE01/398/2012).4 Afrique du Sud. Il faut donner la commission denqute sur Marikanales moyens de travailler efficacement (PRE01/456/2012).

    ALBANIERPUBLIQUE DALBANIEChef de ltat: Bamir Topi,

    remplac par Bujar Nishani le 24 juilletChef du gouvernement: Sali Berisha

    Le gouvernement a adopt des rformes limitantlimmunit de poursuites pour les parlementaires etcertains fonctionnaires, et modifi le Code lectoral la suite dallgations de fraude. En dcembre, leConseil europen a renvoy plus tard loctroi lAlbanie du statut de candidat ladhsion lUnioneuropenne, le subordonnant la mise en uvre derformes supplmentaires.

    Disparitions forcesEn novembre, lissue de la procdure engagedevant le tribunal charg des infractions graves ausujet de la disparition force en 1995 de Remzi

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  • Hoxha, membre de la communaut albanaise deMacdoine, et des tortures infliges deux autresAlbanais, trois anciens agents des services descurit de ltat ont t dclars coupables. Lundentre eux, Ilir Kumbaro, qui stait soustrait uneprocdure dextradition au Royaume-Uni en 2011, at condamn 15ans demprisonnement parcontumace. Le tribunal a remplac les chargesretenues contre les deux autres accuss par desinfractions couvertes par lamnistie de 1997. Les deuxhommes nont donc pas t condamns. Endcembre, les trois accuss ont interjet appel deleur dclaration de culpabilit.

    Homicides illgauxEn mai sest ouvert le procs de Ndrea Prendi, ancienofficier suprieur de la Garde rpublicaine, et dAgimLlupo, ancien garde rpublicain, tous deux accussdavoir tu quatre manifestants, den avoir blessdeux autres et davoir dissimul des preuves. Cesaccusations faisaient suite aux violents affrontementsqui staient produits entre la police et desmanifestants au cours de mouvements deprotestation antigouvernementaux en janvier 2011 Tirana.

    Torture et autres mauvais traitementsEn juin, le Comit contre la torture [ONU] sest ditproccup par le fait que le ministre de lIntrieurnavait pas men denqutes efficaces et impartialessur les