Pomerleau Marc 2010 Memoire
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8/11/2019 Pomerleau Marc 2010 Memoire
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Universit de Montral
Le paratexte et la traduction du Popol Vuh
de labb Brasseur de Bourbourg
par
Marc Pomerleau
Dpartement de linguistique et de traduction
Facult des arts et des sciences
Mmoire prsent la Facult des arts et des sciences
en vue de lobtention du grade de matriseen traduction
option Recherche
Dcembre 2010
Marc Pomerleau, 2010
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Universit de Montral
Facult des tudes suprieures et postdoctorales
Ce mmoire intitul :
Le paratexte et la traduction du Popol Vuh de labb Brasseur de Bourbourg
Prsent par :
Marc Pomerleau
a t valu par un jury compos des personnes suivantes :
Alvaro Echeverri, prsident-rapporteur
Georges L. Bastin, directeur de recherche
Catherine Poupeney-Hart, membre du jury
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Rsum
Le Popol Vuh, rcit historique du peuple maya quich, a t traduit des
dizaines de fois. Jusquau milieu du 20esicle, bon nombre de ces traductions se
fondaient sur la version ralise en 1861 par Brasseur de Bourbourg, un
missionnaire franais. Pour souligner le travail du traducteur, nous avons tudi sa
traduction non pas dun point de vue comparatif des deux textes, mais du point de
vue du paratexte, cest--dire ce qui entoure le texte (page de titre, prface, notes,
illustrations, etc.). Pour ce faire, nous avons dress le cadre thorique du paratexte
lappui des crits de Genette et de Lane, puis nous lavons appliqu celui de la
traduction du Popol Vuh de Brasseur de Bourbourg. Dune taille colossale, ce
paratexte nous renseigne sur ce qui a motiv le travail du traducteur et sur ce quil
a fait. Ltude de son avant-propos nous indique clairement que son but est de faire
connatre la culture des Amriques sous un jour nouveau, et le Popol Vuh est pour
lui lexemple parfait dune richesse littraire, historique et culturelle jusque-l
largement ignore. Cette partie du paratexte de Brasseur de Bourbourg nous
prpare la lecture, alors que les nombreuses notes de bas de page nous guident
pendant celle-ci. Force est toutefois dadmettre que le paratexte de cet ouvrage est
si imposant quil porte ombrage la traduction. Bref, ltude du paratexte nous
amne aborder la traduction de Brasseur de Bourbourg dun il critique, en
fonction de ce que nous dit le paratexte. La lecture du paratexte et la connaissance
de ses tenants et aboutissants devraient donc faire dun simple lecteur un vritable
lecteur averti, quil sagisse dune traduction ou de tout autre texte.
Mots-cls: Popol Vuh, Maya, Quich, Guatemala, traduction, paratexte, Brasseur
de Bourbourg.
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Abstract
The Popol Vuh is a historical tale of the Maya Quich people which has
been translated many times. Until the mid 20 thcentury, many of those translations
were based on Brasseur de Bourbourgs version published in 1861. In order to
situate the translators work, we approached his translation from the perspective of
paratext, i.e. what accompanies the text (title page, preface, footnotes, illustrations,
etc.), rather than comparing the source text to the translation. In order to do so, we
have established the paratexts theoretical framework, based on the works
published by Genette and Lane, and we have applied it to Brasseur de Bourbourgs
translation of the Popol Vuh. Brasseur de Bourbourgs paratext is colossal; it allows
us to understand what motivated his work and what he has done. The study of the
translators preface clearly demonstrates that his goal was to present the culture of
the Americas from a different standpoint, and the Popol Vuh is, for him, the perfect
example of a rich literary, historical and cultural heritage that has long been
overlooked. The preface to the translation prepares the reader to read the text,
whereas the many footnotes guide him when hes reading the translation.
Nevertheless, the amount of paratext is so imposing that it overshadows the actual
translation. In short, paratext analysis allows us to look critically and advisedly at
Brasseur de Bourbourgs translation, with a good knowledge of what paratext
actually tells us. Therefore, reading the paratext and being aware of its meaning
should transform a simple reader into a well-informed and critical reader, whether it
is a translation or any other kind of document.
Keywords: Popol Vuh, Maya, Quich, Guatemala, translation, paratext, Brasseur
de Bourbourg.
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Liste des tableaux
Tableau I Titres des versions les plus connues du Popol Vuh, en ordre
chronologique ........................................................................................................25
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Liste des figures
Figure 1 La page de faux-titre .............................................................................28
Figure 2 La page de titre .....................................................................................39
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Remerciements
La ralisation de cette recherche et la rdaction de ce mmoire nauraient
pas t possibles si je navais pas eu le privilge de croiser certaines personnes
durant mon parcours universitaire. Je souhaite dabord remercier ceux qui mont
initi la culture maya, notamment Toms Prez Surez, professeur dhistoire
prhispanique la Universidad Nacional Autnoma de Mxico, ainsi que Iran Irais
Rivera Gonzlez, archologue et anthropologue la Escuela Nacional de
Antropologa e Historia Mexico, qui ma offert et par le fait mme permis dedcouvrir le Popol Vuh il y a plusieurs annes. Je remercie galement mes
professeurs dici en histoire de la traduction et en traductologie, qui mont amen
rflchir sur la traduction et y voir autre chose quun simple processus de
transfert linguistique. Je remercie tout particulirement Laurent Lamy, philosophe
devenu traductologue, enseignant, mentor et ami, pour mavoir transmis sa faon
de voir la traduction travers la philosophie. Par ailleurs, la ralisation de ce
mmoire naurait pas t si enrichissante neussent t les ides et les conseilsjudicieux de mon directeur de recherche, monsieur Georges L. Bastin. Son
enthousiasme et son optimisme ont t source de motivation et mont permis de
progresser en toute confiance. Encore une fois, merci.
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Introduction
La perception dun texte volue avec le temps. La lecture dun texte crit il y
a plusieurs sicles nest pas la mme que celle faite lpoque de sa publication.
Lorsquil est question de textes traduits, il faut prendre en considration que la
traduction mme du document a pu subir de nombreuses modifications, soit par le
biais de nouvelles versions bases sur la toute premire traduction ou sur une ou
des versions ultrieures, soit par une toute nouvelle traduction qui prend sa source
dans le document original. Les diffrentes traductions dun texte peuvent varier
considrablement, surtout lorsquelles sont ralises diffrentes poques.
Prenons par exemple lun des documents les plus traduits de lhistoire, la Bible, qui
a t traduite maintes reprises depuis sa parution. Ses diffrentes parties ayant
dabord t crites en aramen, en hbreu et en grec, la premire version
complte en grec, puis la Vulgate latine de Saint-Jrme, ont servi aux
nombreuses versions qui nous sont parvenues depuis. La Bible est aujourdhui
disponible en 2 508 langues et, dans le cas du franais, on dnombre, depuis 1950
seulement, une douzaine de traductions diffrentes (Alliance biblique franaise,
2008). Ces diffrentes versions ont assurment chacune leur impact sur le lectorat.
Il suffit de penser la traduction allemande faite par Martin Luther, qui a t
lorigine de scissions au sein de lglise.
Il va sans dire que le point de vue du traducteur, influenc par son histoire
personnelle et le milieu qui lentoure, devient alors un lment central dans le
processus de traduction. Nous parlons ici de lhabitus du traducteur, c'est--dire cequi fait quil traduit dune certaine faon plutt que dune autre. Selon Bourdieu,
lindividu incorpore, par sa socialisation, un ensemble de manires de penser et
dagir dont il ne peut se dpartir. Chaque traducteur a donc son propre habitus qui
influence non seulement sa faon de traduire, mais aussi sa perception de
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louvrage original. Ces lments jouent un rle de premier plan dans la lecture qui
est ensuite faite de la traduction. En effet, ce lectorat, qui habituellement ne
matrise pas la langue source, na dautre choix que daccepter la traduction quil adevant lui. Pour cette raison, il considre bien souvent la traduction comme tant
gale loriginal. Il na gnralement pas conscience de tout ce qui est entr en
jeu dans le processus de traduction. Le traducteur est donc en position dautorit
face des lecteurs qui nont dautre option que de lui accorder toute leur
confiance, voire carte blanche, et d'accepter les choix quil a faits au cours du
processus de traduction.
Bien souvent, lorsquil est question dtudier un texte ancien et sa ou ses
traductions, les chercheurs se penchent uniquement sur le texte en soi. Toutefois,
les textes sont bien peu souvent prsents seuls, sans le support dun ensemble
de productions que nous appelons le paratexte. Lun des principaux thoriciens
stre pench sur ce sujet, Grard Genette (1987, 7) prcise :
Mais ce texte se prsente rarement ltat nu, sans le renfort etlaccompagnement dun certain nombre de productions, elles-mmes
verbales ou non, comme un nom dauteur, un titre, une prface, desillustrations, dont on ne sait pas toujours si lon doit ou nonconsidrer quelles lui appartiennent, mais qui en tout cas lentourentet le prolongent []
Nous sommes donc en droit de nous poser des questions sur le rle jou
par la traduction dans notre comprhension et notre analyse de lhistoire et sur
linfluence du paratexte des traductions sur cette comprhension et analyse. Bien
que lhistoire de la traduction soit une discipline encore relativement peu reconnueet peu tudie, lavnement de la traductologie comme domaine part entire et
lintrt grandissant des universitaires pour la traduction nous amnent
tranquillement en raliser limportance. Toutefois, lhistoire de la traduction se
concentre gnralement sur les textes traduits et sur les diffrentes versions
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ralises travers le temps, depuis la parution de loriginal jusquaux toutes
dernires traductions parues. Peu nombreuses sont les tudes qui se concentrent
sur ce qui entoure le texte, sur ce qui influence et oriente la lecture faite par ceuxet celles qui nont pas accs loriginal, faute de connatre la langue dans laquelle
il a t rdig. Par le paratexte, le traducteur a loccasion de prparer le lecteur en
vue de sa lecture du document traduit. Il peut sciemment ou non influencer la
lecture qui en sera faite en faisant appel divers outils ou artifices quil inclura
dans louvrage ou en priphrie de ce dernier, le paratexte.
Lobjet de la prsente recherche est de relever, par lanalyse du paratexte
entourant la traduction du Popol Vuh de labb Charles tienne Brasseur de
Bourbourg en 1861, les lments qui nous permettent de situer ce texte dans son
contexte historique et de constater de quelle faon le paratexte nous renseigne
cet gard, nous prpare en vue de la lecture et nous guide pendant la lecture. Pour
ce faire, nous retracerons la gense de ce texte, depuis la priode prcdant la
conqute et la colonisation de la rgion qui la vu natre au XVIesicle, le Quich
au Guatemala, jusqu sa redcouverte par Karl von Scherzer en 1854, qui la ainsi
fait connatre Brasseur de Bourbourg, en passant par la toute premiretraduction de ce texte en langue europenne, soit celle du dominicain espagnol
Francisco Ximnez, qui lavait dcouvert une premire fois chez les Quichs en
1701. Par la suite, nous dfinirons le paratexte, en nous fondant sur Genette, mais
galement sur Lane, Lpinette et Gralar. Ce cadre thorique servira ensuite
caractriser, puis analyser le paratexte prsent chez Brasseur de Bourbourg.
Comme le prcise Watts (2000, 42), le paratexte nous offre a lens for viewing the
complex ideological struggles within which the text is situated, as well as the
ideological appropriations to which it was subject. Nous ferons usage de cette
lentille pour analyser la traduction de Brasseur de Bourbourg, la lumire des
principales notions prsentes par les thoriciens du paratexte. Ces notions seront
adaptes au domaine de la traductologie, puisque les thoriciens nont accord
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que trs peu despace la traduction, pour se concentrer avant tout sur les textes
originaux. Nous nous permettrons donc dtendre la traduction de nombreuses
notions mises de lavant par ces auteurs afin de rendre justice aux textes traduits.Par ailleurs, et pour les besoins de la prsente recherche, nous avons utilis une
photocopie (disponible en ligne) de lexemplaire de Popol Vuh. Le Livre sacr et
les mythes de l'antiquit amricaine conserv la bibliothque publique de New
York. Nous avons galement consult lexemplaire appartenant la bibliothque
de lUniversit McGill.
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Chapitre 1 Le Popol Vuh
La civilisation maya a t lune des plus importantes civilisations
prcolombiennes en Amrique. On la met gnralement sur un pied dgalit avec
les civilisations aztques et incas quant son importance historique et culturelle
dans le Nouveau Monde. Apparue 3 000 ans avant Jsus-Christ, elle est disparue
au moment de la conqute espagnole au XVIesicle. On ne croit pas que la fin de
la civilisation maya soit directement attribuable la conqute espagnole, puisqu
larrive des conquistadors et des missionnaires, elle tait dj en dcadence
depuis plusieurs sicles.
Cependant, larrive des Espagnols dans la rgion a notamment eu pour
consquence la destruction de la plupart des traces crites laisses par les Mayas.
En effet, ds leur arrive, les conquistadors et les missionnaires chrtiens ont tout
fait pour radiquer les traces crites de la culture maya, qui, selon eux, faisait la
promotion dhrsies. En plus de dtruire les documents prcolombiens, ils ontvinc les scribes, ce qui a fait totalement disparatre lart hiroglyphique chez les
Mayas (Christenson, 2003, 5). Les frres franciscains Zumrraga et Diego de
Landa ont t les principaux artisans de cette destruction massive au milieu du
XVIe sicle. ce sujet, Landa a crit : Hallamosles grande nmero de libros
destas sus letras, y porque no tenian cosas en que no uviesse supersticin y
falsedades del demonio se les quemamos todos [] (Nous rencontrmes un
grand nombre de livres rdigs dans ces caractres, et comme tous contenaient
des superstitions et des mensonges du dmon, nous les brlmes en entier.)
(DesRuisseaux, 1987, 16). Les quelques documents connus ayant survcu cette
destruction massive sont aujourdhui appels codex. Il sagit de manuscrits
produits avant ou au moment de la conqute par des scribes mayas. Ils se
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prsentent sous forme de glyphes dessins sur de longs rouleaux dcorce,
semblables au fameux papyrus gyptien (voir annexe 1). Ils mesurent environ
7 mtres par 20 centimtres et sont replis en accordon pour former une sorte de
livre dune paisseur dune dizaine de centimtres attach par des cordes. Les
codex sont, avec les inscriptions sur les monuments et les fresques, les principales
sources dinformation primaire qui nous restent sur la culture maya
prcolombienne; ils nous renseignent entre autres sur lastrologie, les procds
divinatoires, les crmonies et la chronologie. Nous ne disposons aujourdhui que
de trois codex mayas authentifis, sauvs des autodafs des missionnaires. Ils
sont nomms en fonction de l'endroit o ils sont aujourdhui conservs : Codex deMadrid, Codex de Dresde etCodex de Paris (Tobin, 2001). En plus des quelques
codex mayas qui ont survcu, nous possdons bon nombre de relations, ces
chroniques crites par les navigateurs, conquistadors, missionnaires et autres
Europens. Parmi celles-ci, notons L'Historia Verdadera de la Conquista de Nueva
Espaa (Histoire vridique de la Conqute de la Nouvelle-Espagne) de Bernal
Daz del Castillo, les Cartas de relacin de la conquista de Mxico (Lettres de
relation de la conqute de Mexico) dHernn Corts et la Relacin de las Cosas de
Yucatn (Relation des choses de Yucatan) du prcit Diego de Landa.
Comme mentionn prcdemment, les Espagnols ont grandement
contribu la disparition de lcriture maya. Par ailleurs, dans un effort de
christianisation, principalement pour la lecture de la Bible et des catchismes, ils
avaient enseign lcriture latine aux Mayas. En substituant ainsi les glyphes par
lcriture alphabtique, les Espagnols ont malgr eux donn loccasion aux Mayas
dutiliser cette nouvelle criture pour consigner leurs connaissances traditionnelles.
Parmi les documents crits de cette faon par les Mayas, notons les livres de
Chilam Balam et le Popol Vuh, qui fait lobjet de la prsente recherche.
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Le Popol Vuh (parfois crit Popol Wuj) ou Livre du Conseil est considr
comme lun des textes les plus importants de la littrature indigne des Amriques.
Il sagit en somme dun rsum de lhistoire mystique du peuple maya quich
depuis la cration jusqu peu aprs la conqute et dun recueil de cosmologie. Il a
t crit laide de caractres latins en quich, lune des nombreuses langues de
la famille maya, peu aprs la conqute espagnole.
Le Popol Vuh est tout particulirement reconnu pour sa description
mythologique de la cration du monde, la gense maya. Il relate galement les
pripties des dieux jumeaux Hunahp et Xbalanqu avant la cration de ltrehumain. Ces derniers triomphent contre les forces du mal et les dieux de la mort,
permettant ainsi la cration de lhomme. Le Popol Vuh fait ensuite la gnalogie
des dirigeants quichs, raconte leurs dplacements, conqutes et tablissements
jusqu la conqute espagnole.
Le manuscrit original du Popol Vuh aurait t crit partir de la tradition
orale Santa Cruz del Quich, dans la rgion des plateaux de louest du
Guatemala (voir annexe 2). On croit que le document a t rdig vers 1550, soit
peu de temps aprs larrive des Europens dans la rgion (les Espagnols sont
arrivs au Yucatan en 1511 et Pedro de Alvarado a soumis les Guatmaltques en
1527). Le style potique et soign du texte nous permet de croire que lauteur
faisait partie de la noblesse quiche. Certains experts croient que lauteur pourrait
tre Diego Reinoso, un popol-vinac, cest--dire un scribe responsable des
glyphes, mais, selon Van Akkeren (2003, 237), cela est impossible parce que
Reinoso, dans un autre document, dsapprouve certains lments du Popol Vuh.
Van Akkeren croit plutt que lauteur serait un membre de la faction de Nim
Ch'okoj (des nobles), alors que dautres sources prtendent que le Popol Vuh a
t crit par un certain Cristobal Velasco, un prtre maya (DesRuisseaux,
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1987, 21). Encore aujourdhui, il ny a pas de consensus ce sujet au sein des
spcialistes de la civilisation maya.
Quoi quil en soit, il est possible dtablir de nombreux liens entre le contenu
du Popol Vuh et dautres textes mythologiques prcolombiens recueillis la
priode coloniale. Encore aujourdhui, la tradition orale indigne guatmaltque
perptue ces histoires. Qui plus est, il est reconnu depuis peu que certains
lments du Popol Vuh se retrouvent dans des peintures sur cramique retrouves
sur les plateaux guatmaltques. On a valu que ces uvres avaient t peintes
800 ans avant la rdaction du Popol Vuh en 1550. Par ailleurs, une rcentedcouverte ralise en mars 2009 par lquipe de larchologue amricain Richard
Hansen est venue bouleverser la croyance populaire voulant que le Popol Vuh ait
t grandement inspir par la Bible, puisquune frise datant de 300 ans avant
Jsus-Christ a t dcouverte El Mirador (lObservatoire, un site du Petn
difficile daccs quatre fois plus grand que celui de Tikal) dans le nord du
Guatemala. Cette gravure sur pierre relate une partie du mythe des jumeaux
Hunahp et Xbalanqu, dont nous avons parl auparavant. Selon Hanson, cette
dcouverte dmontre que la cration divine relate par les Mayas est bel et bien
originale, et na pas t directement influence par lvanglisation des Mayas par
les Dominicains, ce qui tait la croyance gnralise jusqu ce jour, mme chez
les spcialistes (EFE, 2009).
Le document que nous considrons aujourdhui comme tant loriginal a
dabord t trouv par un moine dominicain espagnol du nom de Francisco
Ximnez. Arriv au Guatemala en 1688 et prtre de plusieurs paroisses quiches,
le Popol Vuh lui est prt en 1701 par des habitants de la paroisse de Santo
Toms Chuil, aujourdhui Chichicastenango, o se trouvait le document. On croit
quil a eu accs ce document parce quil avait gagn la confiance des habitants
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et parce quil avait appris la langue quiche. Lexistence du manuscrit avait t
tenue secrte, ou du moins hors de vue des Espagnols, pendant un sicle et demi.
Dans la mme veine, Ximnez a crit que les Mayas conservaient de
nombreux livres anciens, mais quils les cachaient pour que les autorits
espagnoles ne les dtruisent pas (Christenson, 2003, 12). Une fois le Popol Vuh
en sa possession, Ximnez le retranscrit et entame sa traduction en espagnol.
Celle-ci termine, il remet le document original ses propritaires. Il disparat alors
pour de bon, si bien quaujourdhui la copie ralise par Ximnez constitue le seul
et unique document la disposition des historiens et des traducteurs. Celle-ci estfaite sur le mode du livre bilingue deux colonnes de texte, soit, gauche sa
retranscription en quich et droite, sa traduction en espagnol (voir annexe 3).
Elle est prsente sur 56 feuilles recto/verso et ne comporte aucun chapitre,
aucune division ou paragraphe. Par ailleurs, le texte quich est adapt aux rgles
orthographiques et phontiques de lespagnol. Ximnez ralise sa traduction entre
1701 et 1703 et lui donne le titre Empiezan las historias del origen de los indos de
esta provinia de Guatemala (Histoire des origines des Indiens de cette province
du Guatemala).
Bref, Ximnez sera le premier traducteur du Popol Vuh, et le seul pouvoir
nous fournir des renseignements sur le manuscrit original. Grce son travail,
nous savons que le document original a t crit en langue quiche et que lauteur
la rdig parce quil voulait se rappeler et assurer la prennit dun certain Popol
Vuh, un livre ou codex qui avait dj exist (Museo Popol Vuh, 2010). Ainsi, le
Popol Vuh crit en 1550 et retranscrit puis traduit par Ximnez ne serait quune
nouvelle version dun document encore plus ancien. cet gard, la frise
dcouverte en 2009 par lquipe de larchologue Richard Hansen nous prouve
que ces histoires avaient t diffuses bien avant la conqute.
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La traduction de Ximnez a t beaucoup critique, notamment en raison
des nombreux lments bibliques quil aurait insrs dans le texte. videmment,
Ximnez tait missionnaire et ne pouvait compltement passer outre lidologie
coloniale et religieuse de sa mre patrie lEspagne. cet gard, il crit lui-mme :
[] se reduce esta me obra, a dar luz y noticia de los errores quetuvieron en su gentilidad, y que todava conservan entre s.
( Mon ouvrage se limite mettre en lumire et souligner les erreursque dans leur innocence ils professent et partagent depuistoujours. ) (DesRuisseaux, 1987, 24).
[] pero como quiera que stas se hallen envueltas en milmentiras y cuentos, no se le debe dar mas crdito que el que tiene elPadre de mentiras Satans []
( [...] mais comme ils prfrent que [leurs paroles] soientenveloppes dinnombrables mensonges et faussets, on ne peutleur accorder plus de crdit que nen a Satan [...] ) (DesRuisseaux,1987, 25).
Quoi quil en soit, les traducteurs daujourdhui nont dautre choix que
dutiliser la copie quiche de Ximnez pour produire de nouvelles traductions. Elle
est en quelque sorte devenue loriginal tant donn que le document que Ximnez
a utilis est dsormais introuvable. En fait, Ximnez est le seul avoir eu accs au
document original de 1550 et il sera lunique traducteur de celui-ci. Les traducteurs
qui ont suivi se sont obligatoirement bass sur les travaux de Ximnez.
Aprs le dcs du pre Ximnez vers 1720, le Popol Vuh sombre
nouveau dans loubli. Les documents personnels du pre Ximnez sont dabord
conservs aux archives du couvent Santo Domingo Xenacoj, o il rside. En 1773,
les archives du couvent sont transfres Nueva Guatemala de la Asuncin
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(aujourdhui la ville de Guatemala) aprs quun tremblement de terre ait dtruit le
couvent, pour finalement se retrouver, vers 1821, aux archives de lUniversit San
Carlos dans cette mme ville. Cest finalement en 1854 que Karl von Scherzer, un
Autrichien amricanophile, met la main sur le manuscrit et en ralise une copie
partielle quil publie Vienne et Londres sous le titre de Las Historias del Origen
de los Indios de esta provincia de Guatemala(Les histoires de lorigine des Indiens
de cette province du Guatemala).
Le document ayant dsormais t prsent au public europen, une
premire traduction en franais est ralise en 1861 par labb Charles tienneBrasseur de Bourbourg, un missionnaire franais sjournant au Guatemala et
ayant appris le quich. Il aura donc fallu attendre plus de 150 aprs les travaux de
Ximnez pour quune nouvelle version du Popol Vuh soit disponible. Tout comme
Ximnez, il ralise une version bilingue, cette fois quich/franais, et adapte
lcriture quiche pour la rendre plus facile dans sa langue maternelle, en
occurrence le franais. Il lui donnera le titre de Popol Vuh. Le Livre sacr et les
mythes de l'antiquit amricaine. Il sera le premier lui donner le titre de Popol
Vuh. Pendant longtemps, la traduction de Brasseur de Bourbourg servira de base
aux nouvelles traductions en diverses langues, notamment en raison des
nombreuses erreurs releves dans le texte de Ximnez, qui, croit-on, matrisait
moins bien le quich que Brasseur de Bourbourg (Edmonson, 1971, ix).
Limportance de la traduction de Brasseur de Bourbourg repose essentiellement
sur le fait quelle a fait autorit pendant environ un sicle. De plus, elle contient une
quantit considrable de paratexte : un avant-propos de 6 pages, une notice
bibliographique de 9 pages, une dissertation de 268 pages et une table analytique
de 19 pages. Sur un total de 654 pages pour lensemble de louvrage, la traduction
franaise compte peine 173 pages, ce qui nous permet de constater limportance
du paratexte dans louvrage de Brasseur de Bourbourg. Avant de passer
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lanalyse de tout ce paratexte, nous nous pencherons sur les diverses notions
mises de lavant lgard du paratexte, ce qui nous permettra de relever les
diffrentes formes de paratexte sappliquant cet ouvrage de Brasseur de
Bourbourg, soit Popol Vuh. Le Livre sacr et les mythes de l'antiquit amricaine.
Par ailleurs, et pour conclure cette partie historique, notons qu la mort de
Brasseur de Bourbourg en 1874, son manuscrit et celui de Ximnez (Brasseur de
Bourbourg lavait ramen du Guatemala) sont achets par Alphonse Pinart, une
connaissance de Brasseur de Bourbourg, linguiste et spcialiste du continent
amricain, qui les revend Edward E. Ayer, lequel en fait don la bibliothqueNewberry de Chicago. Il fait aujourdhui partie de la collection Edward E. Ayer de
cette mme bibliothque.
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Chapitre 2 Notions thoriques sur le paratexte
2.1 Quest-ce que le paratexte?
En somme, le paratexte est constitu de tout ce qui entoure le texte. Dans
son ouvrage phare sur le paratexte, Seuils, Grard Genette (1987, 7) prsente son
propos de faon fort concise :
Luvre littraire consiste, exhaustivement ou essentiellement,en un texte, cest--dire (dfinition trs minimale) en une suite plusou moins longue dnoncs verbaux plus ou moins pourvus designification. Mais ce texte se prsente rarement ltat nu, sans lerenfort et laccompagnement dun certain nombre de productions,elles-mmes verbales ou non, comme un nom dauteur, un titre,une prface, des illustrations, dont on ne sait pas toujours si londoit considrer quelles lui appartiennent, mais qui en tout caslentourent et le prolongent, prcisment pour leprsenter[]. Cetaccompagnement, dampleur et dallure variables, constitue ce que
jai baptis [] le paratexte de luvre. Le paratexte est donc cepar quoi un texte se fait livre et se propose comme tel seslecteurs, et plus gnralement au public.
Lane (1992, 9) ajoute : Le paratexte dsigne un ensemble de productions
discursives qui accompagnent le texte ou le livre, comme la couverture, la jaquette,
le prire dinsrer ou encore la publicit, le catalogue ou la presse ddition.
Selon Genette, ces productions qui prolongent le texte peuvent se prsenter de
deux faons : elles peuvent se situer lintrieur ou autour du texte, comme la
couverture, le titre, le nom dauteur, la prface, les illustrations, les tableaux, les
notes, etc. On parle alors plus prcisment de pritexte. Par ailleurs, lorsque les
productions se trouvent autour de luvre et lextrieur du livre, on parle plutt
dpitexte. Ce dernier peut tre public (entretiens, publicits) ou priv (journal
intime, correspondance). Bref, le paratexte est form de la somme du pritexte et
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de lpitexte. Le paratexte mane gnralement de lauteur ou de lditeur. Selon
Lane (1992, 41-42) :
[] le paratexte de lauteur se compose de deux ensembles deproductions : le pritexte auctorial (nom dauteur, titres et intertitres,prfaces et avertissements, pigraphes, notes) et lpitexte auctorial(pitexte priv regroupant correspondance, confidences, journauxintimes et pitexte public comprenant diverses mdiations telles quecolloques ou encore interviews) .
Le paratexte de lditeur, quant lui, est constitu de :
toute zone du paratexte qui se trouve sous la responsabilitdirecte et principale (mais non exclusive) de lditeur, ou peut-tre,plus abstraitement, de ldition, cest--dire du fait quun livre estdit, et ventuellement rdit, et propos au public sous une ouplusieurs prsentations plus ou mois diverses. (Genette, 1987,20).
2.2 quoi le paratexte sert-il?
La prsence du paratexte nest pas anodine. Tout comme le texte, le
paratexte remplit une fonction. Selon Genette (1987,16), le paratexte, sous
toutes ses formes, est un discours fondamentalement htronome, auxiliaire, vou
au service dautre chose . Ce quoi il est vou est variable suivant quil sagit
dlments du pritexte ou dpitexte. Mais leur action est presque toujours de
lordre de linfluence, voire de la manipulation, subie de manire consciente ou
inconsciente. Leur vocation est dagir sur le(s) lecteur(s) et de tenter de modifierleurs reprsentations ou systmes de croyances dans une certaine direction.
(Lane, 1992, 17). En somme, le titre a ses fonctions, la prface a les siennes, tout
comme les notes, les illustrations, etc., mais ils ont une vise commune, qui
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consiste la fois informer et convaincre, asserter et argumenter (Lane,
1992,19) en vue dobtenir un meilleur accueil du texte et une lecture plus
pertinente (aux yeux de lauteur, du traducteur, de lditeur, etc.) (Genette,1987, 8). Gralar (2002, 45), ajoute que These elements have a strong
bearing on how the text will be received, at least at the beginning, before the
process of reading the actual text starts.
Le paratexte vient donc guider le lecteur, autant avant que la lecture
commence (titre, nom de lauteur, maison ddition) que pendant la lecture (notes,
illustrations). Il vise mettre le lecteur sur la bonne piste, soit celle dresse par
lauteur et lditeur. videmment, le lecteur a le choix de lire ou non certains des
lments paratextuels, comme la ddicace, la prface ou le glossaire, mais
dautres lments sont difficilement vitables, comme le titre, le nom de l'auteur ou
les illustrations. Quil le veuille ou non, le lecteur est invitablement touch par le
paratexte. Le degr dinfluence exerc par le paratexte dpendra des lments
quil percevra. En ce sens, Lane (1992, 10) met en garde, par la formule
Attention au paratexte , les spcialistes, les lecteurs, les auteurs et les
mdiateurs du livre. Dune part, selon lui, les spcialistes, cest--dire leshistoriens, critiques et les linguistes, sont scrupuleux sur le texte et naccordent
pas assez dimportance au paratexte. Les lecteurs, quant eux, ne sont pas au fait
que le paratexte les manipule et les influence alors que les auteurs doivent faire
attention aux effets pervers du paratexte, par exemple dune prface trop longue.
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2.3 Pourquoi tudier le paratexte?
Selon Genette (1987, 18), ltude du paratexte constitue un pralable
toute mise en perspective historique. tudier un texte sans tenir compte du
paratexte occulte certains des lments qui ont jou un rle dans la rdaction. Le
paratexte nous permet de comprendre certains des choix faits par l'auteur, le
traducteur ou l'diteur, et de tenir compte de ces choix au cours de la lecture.
Comme nous lavons pralablement vu avec Watts (2000, 42), il sagit en quelque
sorte dune lentille nous permettant den savoir davantage sur le texte. Ltude
du paratexte nous donne loccasion dobtenir une manne dinformation qui nous
permettra de faire une lecture informe du texte et, dans le cas dune tude portant
sur ce texte, elle nous aidera trouver des rponses de nombreuses questions
qui nous viennent en tte au moment danalyser un texte. Pourquoi a-t-on choisi tel
ou tel titre? Quelle est l'orientation de l'diteur, de lauteur ou du traducteur? Le
texte original ou traduit a-t-il t manipul de quelque faon que ce soit? Peut-on
tout accepter tel quel ou y a-t-il matire ajouter un bmol ou quelques
astrisques?
2.4 Le paratexte et la traduction
Les thoriciens du paratexte nont accord que trs peu dimportance la
traduction. Cela nest pas trs tonnant, puisque la traduction est souvent
considre comme une excroissance de loriginal, et non pas comme un texte
indpendant. On prfre donc tudier un texte original, puisque la traduction nen
est quune copie dans une autre langue. trangement, toutefois, Genette (1987,
408) indique que mme sil a dcid de laisser la traduction de ct, sa pertinence
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lui parait indniable . Quoi quil en soit, rien ne nous empche dtendre la
thorie de Genette la traduction, sans la compter pour un lment paratextuel en
soi, mais plutt comme un texte original. Selon Gralar (2002, 47), Genettesconcept of paratext may become a major source of data in a translation history
project because it offers valuable insights into the presentation and reception of
translated texts themselves . Il ajoute ensuite : Paratexts deserve more
attention in current research on translation history .
Comme nous lavons vu, le paratexte est constitu de tout ce qui entoure et
prolonge le texte. Il peut maner de l'auteur, de l'diteur, des critiques, etc. Nous
ajouterons ici quil peut galement provenir du traducteur. Les lments
paratextuels entourant une traduction nous renseignent sur la traduction en soi, sur
le contexte, les choix faits par le traducteur, etc. Suivant la mme logique que les
termes paratexte auctorial et paratexte ditorial , nous parlerons, lorsquil
sagit dlments provenant du traducteur, de paratexte traductorial . Bien
souvent, ce dernier permet au traducteur de marquer de son commentaire le
texte introduit dans le champ daccueil. (Bastin, sous presse). Le paratexte peut
tre considr comme partie intgrante de tout projet de traduction. Le traducteurpeut sen servir pour dcrire le processus de traduction et les techniques utilises.
Le lecteur, quant lui, peut lutiliser pour identifier et comprendre les choix du
traducteur et les situer dans un contexte socioculturel donn. Le paratexte est
galement important pour lhistorien et lhistorien de la traduction. Selon Lpinette
et Melero (2003,101), il permet de dterminer les caractristiques de la traduction
et dexpliquer son influence. Qui plus est, The basic objective of many research
projects in translation history is to explore the socio-cultural contexts in which
translated texts are produced and received. (Gralar, 2002, 44).
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2.5 Pourquoi tudier le paratexte de Brasseur de Bourbourg?
La traduction de labb Charles tienne Brasseur de Bourbourg nousintresse en ce sens quelle a servi de matrice la plupart des traductions du
Popol Vuh qui nous sont parvenues jusquau milieu du 20esicle (DesRuisseaux,
1987, 28). partir de ce moment, de nombreux traducteurs, comme Chvez
(1979), Colop (1999) et Christenson (2003), ont plutt dcid de retourner voir le
document de Ximnez et daccorder moins dimportance la traduction de
Brasseur de Bourbourg. Cela tant dit, lorientation prise par Brasseur de
Bourbourg au cours du processus de traduction devrait transparatre dans la
plupart des versions de luvre qui nous sont parvenues avant 1950, puisque les
premiers traducteurs du Popol Vuh n'ont pas pris la peine de retourner loriginal,
prfrant prendre la version de Brasseur de Bourbourg comme de largent
comptant. Ltude de ces versions du Popol Vuh passe donc par Brasseur de
Bourbourg, do son importance. Par ailleurs, ltude de la traduction de Brasseur
de Bourbourg passe invitablement par ltude de son paratexte, aussi
considrable soit-il, parce que ce dernier renferme une quantit norme de
renseignements qui nous aideront comprendre les choix du traducteur et
dterminer le contexte dans lequel la traduction a eu lieu. Cette tude nous
permettra de dterminer les lments sous-jacents qui ont dirig la traduction, ce
qui nous offrira loccasion d'valuer le travail en tenant compte du contexte
socioculturel de l'poque et de le repositionner dans lhistoire de la traduction.
Ltude de ce texte en particulier nous permettra par ailleurs d'tablir des liens
avec dautres documents historiques et, sans avoir les tudier sparment, les
aborder avec un esprit critique avant mme de les lire ou mme sans jamais leslire, en sachant que derrire le texte se trouvent divers moteurs qui lont influenc
dune faon ou dune autre.
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2.6 Comment le paratexte se manifeste-t-il dans la traduction de
Brasseur de Bourbourg?
En effectuant une lecture attentive de louvrage de Brasseur de Bourbourg
dont il est ici question, nous avons pu relever les lments de paratexte qui y sont
prsents. Nous en dresserons la liste et les aborderons la lumire des propos de
Genette et de ses successeurs. Nous analyserons dabord la question de la
couverture et de la reliure, puis les lments prsents en page de faux-titre, soit le
titre abrg et la collection, puis en page de titre, soit le titre long, le nom de
lauteur/traducteur, la maison ddition et lanne de parution. Ensuite, nousaborderons les lments de paratexte qui se trouvent lintrieur du livre, soit
lavant-propos, la notice bibliographique, la dissertation, la table analytique, les
illustrations, les intertitres et les notes. Tous ces lments de paratexte constituent
en fait du pritexte, puisquils se trouvent lintrieur ou autour du texte. Ils sont
videmment publics et, pour la plupart relvent de lauteur/traducteur. Quelques
lments peuvent par ailleurs relever de lauteur/traducteur ou de lditeur, par
exemple la couverture.
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Chapitre 3 Le paratexte du Popol Vuh deBrasseur de Bourbourg
3.1 La couverture
Genette (1987, 28) nous explique que la couverture imprime est assez
rcente (19esicle). Auparavant, elle tait muette, le plus souvent de cuir, de bois
ou de carton. Cela explique la pratique voulant que le titre se trouve, encore
aujourdhui, lintrieur de louvrage, souvent dans une version plus longue, etplus complte, que ce que lon retrouve en premire de couverture. Celle-ci, en
revanche, peut tre exploite de diverses faons, do son importance en tant que
paratexte. Relevant gnralement de lditeur, elle lui offre une vitrine pour
prsenter et vendre l'ouvrage en question. Aujourdhui, laspect visuel de la
couverture est on ne peut plus important : la couverture peut facilement attirer ou
repousser le lecteur potentiel. Selon Lane (1992, 19), la couverture est un haut lieu
stratgique de linfluence et de laction exerces sur le lecteur, elle assure une
fonction importante de prsentation et dincitation l'achat, car elle est (presque)
automatiquement regarde par lacheteur (ou lemprunteur) qui manipule le livre .
Prenons par exemple un livre duquel une adaptation cinmatographique serait
ralise. Il est fort parier qu'une nouvelle dition du livre verra le jour, avec une
couverture inspire de laffiche du film ou tout le moins indiquant quun film a t
adapt partir de lhistoire en question. videmment, les cinphiles, surtout ceux
qui ont aim le film tir du livre, seront attirs par cette couverture. Elle
constituerait donc un incitatif lachat.
La premire de couverture peut comporter de nombreuses informations, mais
celles qui ne manquent pratiquement jamais sont le nom de lauteur, le titre de
louvrage et le nom de la maison ddition. Dans le cas qui nous intresse, la
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premire de couverture est blanche : elle ne comporte aucune information. Cette
faon de faire tait courante lpoque et on laissait au bibliothcaire ou au libraire
le soin de relier luvre et dy inscrire ou non des informations. Lareliure/couverture tait donc variable, ce pour quoi leffet paratextuel de la
couverture du Popol Vuh de Brasseur de Bourbourg est difficilement analysable,
car sa couverture nest pas toujours la mme et elle est postrieure la
publication1. Il faudra donc ouvrir le livre pour obtenir quelque information que ce
soit.
3.2 La page de faux-titre
Le faux-titre est un titre abrg imprim d'ordinaire sur le feuillet qui
prcde immdiatement la page de titre du livre (Paradis, 1993). La page de faux
titre de louvrage tudi comporte deux informations : le titre abrg et la
collection. Les autres informations de base, soit le nom de lauteur/traducteur et de
la maison ddition figurent plutt en page de titre, soit la page de texte qui suit,
lintrieur de louvrage.
1 Lors de notre visite la bibliothque de lUniversit McGill Montral, o se trouve notreconnaissance le seul exemplaire qubcois de cet ouvrage de Brasseur de Bourbourg, nous avonsabord la question de la couverture avec le personnel du Service des livres rares et des collectionsspciales. Une analyse de la reliure nous a permis de constater que lexemplaire en question avaitt reli sur place, puisquon y trouvait la mention McGill College Libraryen dos de reliure.
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a) Le titre abrg
Le titre figurant en page de faux-titre est Popol Vuh. Le Livre sacr et lesmythes de lantiquit amricaine. Ce titre est considr comme le vrai titre de
louvrage et apparat comme tel dans les notices bibliographiques (nous y
reviendrons). Comme nous le verrons plus loin, Brasseur de Bourbourg a donn
un autre titre, beaucoup plus long, sa version du Popol Vuh. Dailleurs, il sera le
premier lui donner le titre de Popol Vuh. Comme mentionn plus tt, ce titre
aurait t tir dun document plus ancien ayant aliment la tradition la base de
cet ouvrage. Cette information a dailleurs t tire de la transcription faite par
Ximnez. Dans celle de Brasseur de Bourbourg, la page 330 de louvrage ici
tudi, on peut lire Xax quetaam-vi qo qutibal re, qo vuh, Popol Vuh2 u bi
cumal. Ce passage est traduit en regard par Ils savaient mme o tait ce qui
leur manifestait toute chose, o tait le livre, par eux appel le Livre national .
Dans une note la mme page, Brasseur de Bourbourg explique : Popol Vuh, le
livre national, contenant les mystres dont il est ici question dans les deux
premires parties de cet ouvrage [] .
trangement, dans son titre, Brasseur de Bourbourg a utilis le titre quich,
soit Popol Vuh, mais na toutefois pas utilis la traduction franaise de ce titre qu'il
a lui-mme faite dans ce passage, soit le Livre national. Il a plutt opt pour le
Livre sacr. Pourquoi? Nous trouvons une partie de la solution la page VII :
Le Livre sacrest divis en quatre parties distinctes : les deuxpremires sont les plus intressantes; car elles contiennent une
transcription peu prs littrale du Popol Vuh, qui parat avoir tloriginal du Teo-Amoxtli, ou livre divin des Toltques, si clbredans les traditions mexicaines. Les deux dernires, quoiquecontenant encore un grand nombre de traditions relatives despoques fort anciennes, prsentent plutt dans leur ensemble un
2Les caractres gras sont les ntres.
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recueil dannales historiques qui ont pour objet la nation Quiche,matresse, au temps de la conqute, de la plus grande partie dela rpublique actuelle du Guatmala3.
En note, il ajoute : Le titre de Livre sacr, que je donne cet ouvrage,
nest pas rigoureusement la traduction du Popol Vuh, que je traduis dans le texte
par Livre national. . Bref, si lon suit cette logique, le Popol Vuh deBrasseur de
Bourbourg contient 1) le Popol Vuh (Livre national) et 2) un recueil dannales
historiques. Ensemble, ces documents constituent le Livre sacr. Sa dcision
dutiliser la fois les dnominations Popol Vuhet Livre sacrdans le titre porte
confusion, puisquil nous induit en erreur en nous faisant dabord croire que le
Popol Vuhest le Livre sacr. Ce nest qu'au cours de la lecture que la prcision est
faite, quoique de faon plus ou moins claire. Dautre part, la deuxime partie du
titre donn par Brasseur de Bourbourg, soit et les mythes de lantiquit amricaine,
pourrait laisser croire au lecteur quil sagit en fait dhistoires inventes, imagines
ou idalises. Est-ce que Brasseur de Bourbourg a t influenc par sa foi, ne
pouvant s'empcher de prciser que les histoires relates dans son ouvrage sont
fausses, par opposition celle de la Bible, qui sont vraies? Ou rpondait-il unbesoin de lpoque, dict par la culture et la mentalit eurocentriques de lpoque?
Par le choix du mot mythes , il semble placer ces histoires dans la mme
catgorie que les mythes grecs, romains, gyptiens et autres. De plus, il tend
cette catgorisation l'ensemble des cultures du continent, en suggrant que ces
mythes sont l'apanage de l'antiquit amricaine. La catgorie du mythe revt
donc ici un caractre emblmatique. On pressent dj que le libell d'un sous-titre
n'a rien d'innocent et que sa prise en considration est loin d'tre anecdotique. En
effet, comme nous serons amens le constater, Brasseur de Bourbourg a
3 Brasseur de Bourbourg crit parfois Guatemala, mais surtout Guatmala. Dans les citations,lorthographe reste fidle celle utilise par le traducteur. Cette prcision sapplique denombreux termes dont la graphie peut varier lintrieur de louvrage ou par rapport la graphiecontemporaine, par exemple ChichenItza et Chichn Itz.
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souvent tendance amalgamer toutes les croyances du continent amricain,
comme si lAmrique prcolombienne formait un bloc tout fait homogne.
Bien que la dnomination Popol Vuhreste aujourdhui la plus connue et la
plus rpandue, les divers traducteurs de cet ouvrage lont modifi maintes
reprises. Notre connaissance de ce document en tant que Popol Vuh tout court
peut sexpliquer par la lecture de ces quelques phrases de Genette (1987, 74) :
Car le principal agent de la drive titulaire nest probablement nilauteur, ni mme lditeur, mais bien le public, et plusprcisment le public posthume, encore et fort bien nomm lapostriorit. Son travail ou plutt, en loccurrence, sa paresse va gnralement dans le sens dun raccourcissement, dunevritable rosion du titre.
Plus loin, il ajoute (1987, 79) :
Si le destinataire du texte est bien le lecteur, le destinataire dutitre est le public au sens que je viens de prciser, ou pluttdlargir. Le titre sadresse beaucoup plus de gens, qui par unevoie ou une autre le reoivent et le transmettent, et par lparticipent sa circulation.
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Le tableau I prsente, en ordre chronologique, les titres utiliss dans les
versions les plus connues du Popol Vuh :
Anne Traducteur Langue Titre
1703 Francisco Ximnez EspagnolEmpiezan las historias del origen delos indos de esta provinia deGuatemala
1857 Karl von Scherzer EspagnolLas Historias del origen de losindios de esta provincia deGuatemala
1861 Brasseur de Bourbourg FranaisPopol Vuh. Le Livre sacr et les
mythes de lantiquit amricaine
1925 Georges Raynaud Franais
Le Popol Vuh. Les dieux, les hroset les hommes de lancienGuatmala daprs le Livre duconseil
1944 Ermilio Abreu Gmez EspagnolPopol Vuh. Antiguas leyendas delQuiche
1947 Adrin Recinos EspagnolPopol Vuh. Las antiguas leyendasdel Quich
1971 Munro S. Edmonson AnglaisThe Book of Counsel: The PopolVuh of the Quiche Maya of
Guatemala1976 Ralph Nelson Anglais
Popol Vuh. The great mythologicalbook of the ancient Maya
1981 Adrin Ins Chvez EspagnolPopol Wuj. Poema mito-histrico k-ch
1987 Pierre DesRuisseaux FranaisPopol Vuh. Le livre des vnements,Bible amricaine des Mayas-Quichs
1999 Sam Colop Quich Popol Wuj. versin potica Kiche
2003 Allen J. Christenson AnglaisPopol Vuh. Sacred Book of theQuich Maya People
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b) La collection
Tout en haut de la page de faux-titre, au-dessus de celui-ci, il est inscrit quelouvrage fait partie de la Collection de documents dans les langues indignes,
pour servir ltude de lhistoire et de la philologie de lAmrique ancienne. On
prcise ensuite quil sagit du volume premier. Brasseur de Bourbourg prsentera
cette collection dans sa prface. Selon Genette, le label de collection indique
immdiatement au lecteur potentiel quel type, sinon quel genre douvrage il a
affaire. Ici, le nom de la collection pourrait difficilement tre plus explicite : il sagit
dune collection vocation historique et philologique reposant sur des documents
en langues indignes provenant de lAmrique ancienne. La collection est donc
destine un public averti, savant et intress par ces questions. En lisant le nom
(qui est aussi une description) de la collection, les amateurs de lecture lgre
savent immdiatement que cet ouvrage risque dtre pointu, un peu lourd, et de ne
pas les intresser, alors que les universitaires, les explorateurs et autres rudits
risquent dy trouver leur compte. Le nom de collection est ici fort utile parce quil
nous renseigne immdiatement sur le genre douvrage dont il est question. Il vite
donc au lecteur potentiel davoir feuilleter le livre ou lire la prface pour se faireune ide de son contenu. Par ailleurs, un court examen des autres volumes faisant
partie de la collection nous permet den confirmer le genre. Ainsi, dans
la Collection de documents dans les langues indignes, pour servir ltude de
lhistoire et de la philologie de lAmrique ancienne, notons, toujours de Brasseur
de Bourbourg : Relation des choses de Yucatan de Diego de Landa, texte
espagnol et traduction franaise en regard, comprenant les signes du calendrier et
de l'alphabet hiroglyphique de la langue maya accompagn de documents divers
historiques et chronologiques, avec une grammaire et un vocabulaire abrgs
franais-maya; prcds d'un essai sur les sources de l'histoire primitive du
Mexique et de l'Amrique Centrale, etc., d'aprs les monuments gyptiens, et de
l'histoire primitive de l'gypte d'aprs les monuments amricains(1864) et Quatre
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lettres sur le Mexique : exposition absolue du systme hiroglyphique mexicain, la
fin de l'ge de pierre, poque glaciaire temporaire, commencement de l'ge de
bronze, origines de la civilisation et des religions de l'antiquit : d'aprs le Teo-Amoxtli et autres documents mexicains, etc. (1868). Le titre de cette collection, de
mme que celui des ouvrages susmentionns, reflte encore cette tendance tout
mettre dans un mme panier, faire un amalgame avec diverses cultures, rgions
et poques.
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Figure 1 La page de faux-titre
1. a) Le titre abrgb) La collection
a) Titre abrg
(considr comme le vraititre
en raison de la longueur dutitre figurant en page de titre)
b) Collection
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3.3 La page de titre
a) Le titre long
Bien que le titre officiel ou officialis de louvrage soit Popol Vuh. Le
Livre sacr et les mythes de lantiquit amricaine, tel que trouv en page de faux-
titre, Brasseur de Bourbourg (ou lditeur) a jug bon de rallonger substan-
tiellement le titre en page de titre. Celui-ci est Popol Vuh. Le Livre sacr et les
mythes de l'antiquit amricaine, avec les livres hroques et historiques des
Quichs. Ouvrage original des indignes de Guatmala, texte quich et traduction
franaise en regard, accompagne de notes philologiques et d'un commentaire sur
la mythologie et les migrations des peuples anciens de l'Amrique, etc., compos
sur des documents originaux et indits. Il va sans dire que ce deuxime titre est
surtout descriptif; il reprend le titre trouv en page de faux-titre, puis nous donne
toute une manne dinformation sur ce que contient louvrage : le Popol Vuh, les
mythes de lantiquit amricaine, les livres des Quichs, loriginal en langue
quiche, la version franaise, des notes, un commentaire et, comme il est
expressment indiqu, etc. De plus, ce titre nous indique do, de quelles sources,
le traducteur a tir ses informations : il a en effet utilis lOuvrage original des
indignes de Guatmala,et son texte a t compossur des documents originaux
et indits. Par ces informations, le traducteur dmontre quil a fait ses devoirs et
quil na rien invent. Toutefois, il na pas jug bon dinsrer une bibliographie la
fin de son ouvrage. Il faut donc tenir pour acquis quil dit vrai, ou identifier lesdits
documents soi-mme au fil de la lecture. En fait, il cite de nombreux ouvrages
dans sa Notice bibliographique sur le Livre sacr(qui na rien dune bibliographie;nous lanalyserons en dtail plus loin), et surtout dans sa Dissertation, par
exemple : Histoire vritable dun voyage curieux au Rio de la Plata en 1537
dUlrich Schmidel, Historia general de las cosas de Nueva Espaa (1585) de
Bernardino de Sahagn, Historia del cielo y de la tierra(1825) de Ramn Ordez
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y Aguiar, Essai sur lhistoire de la gographie du nouveau continent (1837)
dAlexander von Humboldt. Bref, le but de ce titre long est sans doute, comme
nous lavons vu avec Genette (1987, 8), dobtenir un meilleur accueil et une lectureplus pertinente, de prouver quil sagit dun ouvrage de qualit. Cette description
aurait sans doute pu se trouver ailleurs, par exemple dans un texte dintroduction
ou sur la couverture arrire de louvrage, mais le traducteur, ou son diteur, en a
dcid autrement. Peut-on considrer quil sagit du titre de louvrage? Sans doute,
mais pour des raisons pratiques videntes, et comme le dit si bien Genette, la
postrioriten a dcid autrement. Le public se contente du titre Popol Vuhet les
bibliothcaires, de Popol Vuh. Le Livre sacr et les mythes de lantiquit
amricaine.
b) Le nom de lauteur [du traducteur]
Le nom de lauteur est lun des incontournables dans lanalyse du paratexte.
Gnralement, celui-ci figure sur la couverture de louvrage, moins que lauteur,
ou lditeur, ait dcid de le faire publier de faon anonyme. Aussi, dans le casduvres anciennes, le nom de lauteur ntait pas toujours indiqu, sans quil y ait
eu pour autant un dsir danonymat, mais plutt parce quil ntait pas coutume de
linscrire. Quand il dcide de signer publiquement son uvre, lauteur a deux
choix : il indique son vrai nom (nom dtat civil) ou un faux nom. Dans le deuxime
cas, cest le pseudonymat. Plusieurs motifs peuvent inciter un auteur utiliser un
pseudonyme, par exemple le fait de vouloir sparer la vie publique de la
publication pour ne pas que la lecture soit influence par ce que le lecteur sait de
lauteur, pour diffrencier divers types dcrits (par exemple, l'auteur pourrait
dcider dutiliser son vrai nom pour des ouvrages caractre journalistique et un
pseudonyme pour des romans) ou alors pour exercer un effet autre sur le lecteur,
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comme dans le cas dun pseudonyme consonance trangre, exotique ou
rappelant des personnages de louvrage.
Seul, le nom de lauteur nous renseigne bien peu, moins que lauteur soit
dj bien connu du public. Si tel est le cas, le lecteur aura, avant mme davoir lu
une seule ligne, une ide du genre de discours quil trouvera lintrieur de
louvrage. Si lauteur est inconnu du lecteur, ce dernier devra, si bon lui semble,
effectuer une recherche pour se renseigner sur lauteur. Une fois que le lecteur
possde des connaissances gnrales sur lauteur, il sait un peu quoi sattendre
ou, tout le moins, il croit savoir quoi sattendre. Prenons le cas dun ouvrage
traitant de politique dont lauteur saffiche ouvertement comme conservateur ou
libral, comme tant de gauche ou de droite. Avant mme douvrir le livre, le
lecteur sait vers quoi tendra le propos. Par ailleurs, une fois renseign sur lauteur,
le lecteur peut tout aussi bien dcider de ne pas lire louvrage, peut-tre parce quil
a limpression quil ne laimera pas, par contestation, par mpris ou autre. Quoi
quil en soit, le nom de lauteur a indniablement un effet sur le lecteur.
Selon Lane (1992, 42), Le nom de lauteur constitue une inscriptionessentielle du paratexte puisque sy conjuguent la reconnaissance dune
appartenance dun livre un auteur (et lensemble dune uvre) et la mise en
relation de louvrage une personnalit historique que dsigne le nom. Dans le
cas qui nous intresse, le nom dauteur, ou plutt celui du traducteur, ne figure pas
en premire de couverture, mais plutt en page de titre. Le nom inscrit est labb
Brasseur de Bourbourg . Dj, on remarque que le choix a t fait de prciser
que le traducteur est abb , cest--dire que cest un religieux. Pour savoir
exactement quel est le poste de Brasseur de Bourbourg au sein de lglise, il
faudra effectuer une recherche. Nous profiterons par ailleurs de cette occasion
pour nous renseigner davantage sur le traducteur. La lecture de l'ouvrage s'en
verra encore plus avertie.
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Labb Brasseur de Bourbourg se nomme en fait Charles tienne Brasseur
et, comme il est n Bourbourg en Flandre franaise, il est principalement connu
comme Brasseur de Bourbourg . N en 1814 dans cette ville du Nord, il tudiela philosophie et la thologie Gand et Rome, o il est ordonn prtre en 1845.
Il sembarque ensuite pour le Canada, o il uvre titre de prtre et de professeur
dhistoire ecclsiastique au Sminaire de Qubec. Il sillonne par la suite le
Mexique et lAmrique centrale pendant une quinzaine dannes, avec un intrt
particulier pour listhme de Tehuantepec (sud du Mexique) et le Guatemala. Ayant
notamment t administrateur ecclsiastique des Mayas de Rabinal au
Guatemala, on dit quil avait une bonne connaissance de la culture et de la langue
quiches. Bien quil ft prtre, Brasseur de Bourbourg tait avant tout un rudit. Il a
crit de nombreux ouvrages caractre historique et linguistique, dont un bon
nombre traitant du Mexique et de lAmrique centrale. Parmi ceux-ci, notons
Voyage sur l'Isthme de Tehuantepec, dans l'tat de Chiapas et la Rpublique de
Guatmala,Grammaire Quiche et le drame de Rabinal Ach, Monuments anciens
du Mexique et Bibliothque mexico-guatmalienne. De par ses tudes et crits,
Brasseur de Bourbourg est considr comme lun des pionniers de larchologie et
de lhistoire prcolombiennes (Bandelier, 1907; Sylvain, 2000).
Selon Genette (1987, 8), le but du paratexte est dobtenir un meilleur
accueil du texte et une lecture plus pertinente . Lane (1992, 43), quant lui,
prcise qu en tant qulment paratextuel, le nom dauteur [du traducteur] nous
intresse dans la mesure o sexerce un effet sur le lecteur [] . Pour sassurer
que le nom du traducteur ait un rel effet sur le lecteur, l'diteur (ou peut-tre
Brasseur de Bourbourg lui-mme), a donc pris soin dajouter quelques informations
sur le traducteur juste au-dessous de son nom la page de titre, et ce,
probablement en vue dassurer sa crdibilit (Genette [1987, 57] parle de []
toutes sortes de grades nobiliaires, de fonctions et de distinctions honorifiques ou
effectives. ). On peut donc y lire que Brasseur de Bourbourg est :
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Auteur de lHistoire des nations civilises du Mexique et del'Amrique Centrale, Membre des Socits de Gographie deParis et de Mexico, de la Socit conomique de Guatmala, de
la Socit dEthnographie de Paris, etc., ancien administrateurecclsiastique des Quichs de Rabinal, des Cakchiquels de SanJuan Zacatepec, des Mams dIztlahuacan, de Zipacapa, dIchil etde Tutuapa, etc.
Nul besoin donc deffectuer une recherche, comme nous lavons fait, pour
en savoir davantage sur le traducteur; celui-ci nous offre ces renseignements sur
un plateau d'argent. Il est aujourdhui facile de se renseigner sur lauteur, et dans
une moindre mesure sur le traducteur, notamment en raison de laccessibilit delinformation sur Internet. Cependant, la fin du 19e sicle, cest--dire lorsque
Brasseur de Bourbourg a rdig son ouvrage, le fait dtaler le curriculum de
lauteur/traducteur lintrieur de louvrage nous permettait de gagner beaucoup
de temps en limitant le besoin de rechercher ces informations.
Dans le cas qui nous intresse, le nom du traducteur et les renseignements
connexes nous semblent fort significatifs en tant que paratexte, puisque leur effet
sur le lecteur parat indniable : en indiquant les qualifications de Brasseur de
Bourbourg, celui-ci veut donner de la crdibilit louvrage en vue den mousser la
vente et den assurer un meilleur accueil. De plus, la prsence, deux reprises, de
renseignements nous indiquant le caractre religieux chrtien du traducteur
(dabord par l'indication abb , puis par celle d administrateur
ecclsiastique ), permet au lecteur de se faire une ide, ou tout le moins de se
poser des questions, sur le genre de discours quil trouvera lintrieur de
louvrage : est-ce que la traduction du Popol Vuh sera influence par la religion de
son traducteur, par ses croyances ou par la Bible? Brasseur de Bourbourg, en tant
que prtre, a-t-il pu faire une traduction non biaise? Par ailleurs, les informations
sur ses publications et son appartenance des socits intellectuelles (de
gographie, dethnologie) nous semblent plutt rconfortantes. Ce sont sur ces
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renseignements que repose la crdibilit du traducteur et ceux-ci pourraient, pour
certains lecteurs, peser lourd dans la dcision de lire ou non cet ouvrage. Ici,
lrudit trouve son compte et sera fort possiblement rassur par le curriculum vitaede Brasseur de Bourbourg. Donc, leffet du paratexte est ici positif.
Pour clore ce point, Genette rsume bien limportance du nom de l'auteur en
tant que paratexte : Je ne dis pas qu'il faut savoir [qui est l'auteur] : je dis
seulement que ceux qui le savent ne lisent pas comme ceux qui lignorent, et que
ceux qui nient cette diffrence-l se moquent de nous. (Genette, 1987,13).
c) La maison d'dition
Cet ouvrage a t publi Paris chez Arthus Bertrand diteur. part le nom
et ladresse de cette maison ddition, aucune autre information ce sujet
napparat dans louvrage, sinon le nom dune socit coditrice Londres,
Trbner and co., qui allait plus tard devenir Routledge (le rle de cet diteur dans
la version de Brasseur de Bourbourg nest pas clair; cette maison ddition a en faitpubli une partie de louvrage de Scherzer). Une courte recherche nous apprendra
que, fonde en 1803 par Claude Arthus-Bertrand, un officier de l'arme
rvolutionnaire,Arthus Bertrand diteurest aussi une librairie et l'diteur officiel du
ministre de la Marine (Arthus-Bertrand, 2010). Au cours du 19esicle, la maison
publie de nombreux ouvrages portant sur les explorations au Nouveau-Monde, en
Afrique et ailleurs, dont les lithographies de Karl Bodmer sur lOuest amricain,
louvrage L'gypte et la Nubie de Saguez de Breuvery et Cadalvne et Voyages,
relations et mmoires originaux pour servir l'histoire de la dcouverte de
l'Amrique de Henri Ternaux-Compans et Le voyage autour du monde de
Duperrey. Bien que peu de donnes soient aujourdhui disponibles sur cette
maison ddition (la socit Arthus Bertrand se consacre aujourdhui exclusivement
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la fabrication de mdailles, croix et autres bijoux), les titres des ouvrages publis
nous indiquent quelle se spcialisait dans les grands voyages dexploration et les
recherches caractre ethnologiques, historiques et autres, ce avec quoi cadreparfaitement louvrage dont il est ici question.
d) Lanne de parution
En 1861, anne de parution de Popol Vuh. Le Livre sacr et les mythes de
lantiquit amricaine, la majorit des pays dAmrique latine viennent daccder
lindpendance. Le pays o le Popol Vuh a t dcouvert, le Guatemala, obtient
son indpendance face lEspagne le 15 septembre 1821. Il fait ensuite partie de
l'empire du Mexique, puis se joint aux Provinces unies d'Amrique centrale.
lissue de la guerre civile de 1838-1840, ces Provinces clatent pour former le
Guatemala, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua et le Costa Rica tels que nous
les connaissons aujourdhui. Par ailleurs, quand Brasseur de Bourbourg rdige et
traduit son ouvrage, le Mexique et lAmrique en gnral sont au centre des
intrts coloniaux. La France, lEspagne et la Grande-Bretagne sunissent pourdfendre leurs intrts dans la rgion : de 1861 1867, une expdition militaire
franaise a lieu dans lobjectif dinstaurer Napolon III comme dirigeant du
Mexique. Le climat politique est donc en situation de crise tant en Amrique quen
Europe : le monde colonial est en mutation.
Quoique lanne de parution de l'ouvrage soit pertinente, il ne semble pas
que le climat politique ait eu quelque incidence que ce soit, du moins lorsquon lit
louvrage, sur le contenu. Cependant, il est indniable que lpoque joue un certain
rle. Le contexte socioculturel de 1861, la culture, la mentalit de la majorit des
gens, celle du traducteur (dicte en partie par son poque), ont invitablement un
rle jouer dans la rdaction, la traduction et la lecture de louvrage. Traduit au
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21esicle par un Brasseur de Bourbourg hypothtique, son Popol Vuh serait fort
diffrent. Les traductions rcentes du Popol Vuh nous en fournissent la preuve.
Plusieurs de celles-ci ont t effectues non pas par des Europens, mais par desGuatmaltques, soit celles de Recinos (1947), Chvez (1979) et Colop (1999). La
version de Colop est particulire en ce sens quelle a t faite en quich. Il ne
s'agit pas dune retranscription, mais bien dune traduction du quich classique en
quich moderne, effectue dans un effort de remettre le texte aux Mayas. En plus
dtre linguiste et de langue maternelle quiche, Colop a pass plus de 25 ans
tudier la posie maya. Sa traduction du Popol Vuh, quil crit Popol Wuj pour
respecter la prononciation quiche, sest chelonne sur cinq ans et a t faite
partir du manuscrit de Ximnez. Le principal objectif de Colop tait de respecter la
structure de la langue quiche et de dchristianiser le texte. En effet, il trouvait que
le contenu du Popol Vuh tait constamment relgu au rang de pur mythe,
justement parce quil tait toujours traduit et tudi dans un contexte qui donnait
trop de place lidologie chrtienne. Selon lui, il tait temps de redonner au Popol
Vuh son essence et de lui enlever ltiquette qui lui tait accole depuis Ximnez,
soit dtre constitu de vices et dviations des mystres chrtiens (Prez de
Antn, 2009). La dernire traduction importante du Popol Vuh faite ce jour estcelle dAllen J. Christenson, publie en 2003. Christenson, ethnologue et
professeur de littrature compare luniversit Brigham Young en Utah, est
galement auteur dun dictionnaire anglais-quich. Il possde une excellente
matrise de la langue quiche, notamment du style quich classique, fort de plus
de 25 annes dtude du sujet. Alors que la plupart des traductions anglaises
antrieures staient bases sur des versions espagnoles, Christenson a utilis la
version originale quiche pour accomplir son travail. Son ouvrage comprend
notamment une vaste introduction sur la forme, la langue et la culture quiches, de
nombreuses notes (voire plus de notes que de texte) (voir annexe 4), des dessins,
des photographies et des cartes. Le contexte est diffrent, les traducteurs ont
chang, le lectorat a chang. Au moment danalyser un texte, il est primordial de
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se poser la question suivante : quand? Et lorsquil sagit dun ouvrage traduit. Il faut
se poser deux fois la question, savoir Quand louvrage a-t-il t rdig? et
Quand la traduction a-t-elle t ralise? . La rponse ces questions nousclaire et nous permet une lecture plus avertie.
e) Une image
Brasseur de Bourbourg a jug bon dajouter une image la page de titre. La
valeur esthtique de celle-ci est indniable, mais sa pertinence nous laisse dabord
perplexe, puisquelle est tire dun jeu de paume Chichn Itz au Yucatan, cest-
-dire des centaines de kilomtres du Quich. Cest beaucoup plus loin, dans
une note la page CXX de la Dissertation que nous trouverons lexplication, au
milieu dune autre explication, celle-ci de nature tymologique :
Cocohua, littralement, signifie deux serpents; mais il est employtoujours pour exprimer lide de deux jumeaux; de l, le motprovincial espagnol du Mexique coache, qui ne dit pas autre chose.
Ces jumeaux sont dans le Livre sacr les Hun-Ahpu, qui sesuccdent deux par deux pour combattre Xibalba; on les voitreprsents quelquefois comme deux serpents rouls autour dunbton, assez semblable au Caduce de Mercure, inexplicable dans lamythologie europenne ou asiatique, et dont M. Aubin dit quon doitchercher lorigine en Amrique. Cest le mme symbole quon voitplac au titre de ce livre, lanneau en pierre du jeu de paume4,
par o les joueurs devaient faire passer le ballon pour gagner lapartie. Celui-ci tait rattach la muraille du jeu de paume antique,dont on voit les ruines ChichenItza, o il a t dessin. Sondiamtre rel est de 4 pieds anglais.
4Les caractres gras sont les ntres.
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La pertinence de cette image est discutable, puisque le lien entre celle-ci et
le Popol Vuh est plutt vague, et il faudra saventurer dans les notes pour dnicherdes renseignements ce sujet. Ce choix dimage ne devrait toutefois pas nous
surprendre tant donn que Brasseur de Bourbourg a fortement tendance
amalgamer diffrents lments culturels des Amriques. Il est clair que pour lui
cette image reprsente bien lart maya en gnral. En matire de paratexte, cette
image offre au lecteur un support visuel qui peut lui donner une ide de ce quoi
peut ressembler lart maya (quoique louvrage sadresse plutt aux rudits, qui
possdent probablement un minimum de connaissances ce sujet) et a tout le
moins le mrite denjoliver la page de titre. Pour ce qui est de lexplication fournie
par Brasseur de Bourbourg, elle est bien enfouie dans le document et rares sont
les lecteurs, nous croyons, qui se donneront la peine de la chercher.
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Figure 2 La page de titre
2. a) Le titre long d) Lanne de parution
b) Le nom du traducteur e) Une imagec) La maison d'dition
b) Nom du traducteur
Renseignements visant donner
de la crdibilit au traducteur
a) Titre long
e) Image
(anneau en pierre dun jeu de paum
c) Maison ddition
d) Anne de parution
Description de louvrage
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3.4 La prface
Bien que Brasseur de Bourbourg nintitule aucune partie de son ouvragePrface, son Popol Vuh comporte trois parties qui entrent, selon la dfinition quen
donne Genette, dans cette catgorie : Avant-propos, Notice bibliographique et
Dissertation. Voici cette dfinition de Genette (1987, 164) : Je nommerai ici
prface, par gnralisation du terme le plus frquemment employ en franais,
tout espce de texte liminaire (prliminaire ou postliminaire), auctorial ou
allographe, consistant en un discours produit propos du texte qui suit ou qui
prcde. [] La liste de ses parasynonymes franais est fort longue []
introduction, avant-propos, prologue, note, notice, avis, etc.
Toujours selon Genette (1987, 200), la prface originale, soit celle
provenant de lauteur, dans le cas prsent du traducteur, [...] a pour fonction
cardinale dassurer au texte une bonne lecture. Cette formule simplette est plus
complexe quil ny peut sembler, car elle se laisse analyser en deux actions, dont la
premire conditionne, sans nullement la garantir, la seconde, comme une condition
ncessaire et non suffisante : 1. obtenir une lecture, et 2. obtenir que cette lecture
soit bonne. . Pour obtenir cette lecture, lauteur ou le traducteur doit dabord
convaincre le lecteur potentiel que le texte lui plaira, lintressera ou qu tout le
moins la lecture en aura valu la chandelle. Genette ajoute (1987, 201) :
Il sagit ici non plus prcisment dattirer le lecteur, qui a dj faitleffort considrable de se procurer le livre par achat, emprunt ouvol, mais de le retenir par un appareil typiquement rhtorique de
persuasion [] car il sagit peu prs, dirions-nous en termes plusmodernes, de valoriserle texte.
En somme, lauteur utilise la prface pour dire au lecteur pourquoi et
comment il doit lire le document. Cela place le lecteur dans une espce de
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situation de non-retour : Quand un auteur vous explique avec obligeance
comment vous devez lire son livre, vous tes dj en mauvaise position pour lui
rpliquer, ft-ce in petto, que vous ne le lirezpas. (Genette, 1987, 212).
Cependant, pour que la prface puisse exercer cette fonction de persuasion
sur le lecteur, il faut dabord que ce dernier prenne le temps de la lire. Et ce nest
pas toujours le cas. Dans celui qui nous intresse, nous pouvons mettre
lhypothse que seuls les lecteurs les plus persvrants la liront en entier :
ensemble, les trois parties de la prface mentionnes plus tt totalisent 283 pages,
soit presque autant que la transcription quiche et la version franaise de Brasseur
de Bourbourg combines. Il explique sa dcision (p. XV) :
Le Livre Sacr est ainsi le premier volume dune sriedouvrages originaux que nous comptons publier, sil plat Dieu,sous le titre gnral de Collection de documents dans les languesindignes, pour servir ltude de lhistoire et de la philologie delAmrique ancienne. Cest l ce qui nous a obligs en quelquesorte mettre en tte une introduction aussi longue, mais quiaura, nous lesprons, lavantage daider le lecteur, encore peu aucourant de ces questions, embrasser dun coup dil lesfondements de lhistoire et des thogonies antiques du continentoccidental.
Selon Genette (1987, 240), la prface a ses dfauts, surtout pour le lecteur,
qui se voit imposer un point de vue sur un ouvrage quil na pas encore lu :
Linconvnient majeur de la prface, cest quelle constitue uneinstance de communication ingale, et mme boiteuse, puisquelauteur y propose au lecteur le commentaire anticip dun texteque celui-ci ne connat pas encore. Aussi, dit-on que bien deslecteurs prfrent lire la prface aprs le texte, quand ils sauront"de quoi il sagit". La logique de cette situation devrait alorsconduire prendre acte dun tel mouvement, et proposer plutt(cest--dire plus tard) une postface, o lauteur pourrait piloguer
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pourquoi il a dcid dtudier lAmrique, pourquoi il veut faire connatre cette
rgion et pourquoi il travaille sur le Popol Vuh. Par ailleurs, il profite de cette
tribune pour exprimer ses remerciements et taler ses qualits et dfauts en tantque chercheur.
Ds les premires pages, Brasseur de Bourbourg nous explique que
lAmrique a de nombreux dtracteurs, et quil souhaite remettre les pendules
lheure (p. II) :
[] et peut-tre en est-il qui voudraient encore classifier ses
antiques nations parmi les peuples sauvages. [] Aujourdhui il yen a qui prtendraient nier leur antiquit, leur histoire et leurcivilisation, afin davoir le droit de nen rien savoir et dtouffersous le boisseau une lumire opportune.
Il fait le lien entre ces gens et les premiers conqurants :
Les Espagnols ne les traitaient gure autrement, il y a trois centsans : ils niaient absolument que les Amricains eussent une mehumaine, afin davoir le droit de les dpouiller et de les asservir.
Brasseur de Bourbourg semble ainsi vouloir se dtacher de la mentalit
coloniale et compte remdier la situation en nous prsentant cet ouvrage
(p. I) : [] mais jusquici aucun des ouvrages originaux, chapps lignorance
destructive des premiers conqurants, na eu lavantage dtre reproduit par la
presse. Le Livre Sacr, dont nous prsentons aujourdhui le texte avec une
traduction en regard, est donc le premier livre amricain qui entre dans la voiescientifique [] . Il prcise que son but est (p. III) : celui de faire connatre,
autant quil tait en nous, la civilisation de lAmrique ancienne. Cest donc sans
crainte que nous prsentons lEurope savante ce livre, dans sa forme originale
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[] . Notons que ce passage de Brasseur de Bourbourg nous informe galement
sur son public cible : lEurope savante.
Par ailleurs, aprs avoir fait tat de ses nombreux voyages, principalement
au Mexique et en Amrique centrale, il fait la preuve de ses aptitudes linguistiques
(p. III) : [] je rsidai dans plusieurs paroisses indignes dont Mgr larchevque
me confra ladministration, entre autre Rabinal, o j'appris la langue quiche.
Il ajoute ensuite (p. IV) : Cest en vivant parmi les Quichs, et ensuite parmi les
Mams, durant notre sjour dans les montagnes en 1860, que nous lavons en
grande partie traduit et comment. Cette dmarche de Brasseur de Bourbourg a
videmment pour but de convaincre le lecteur quil a les aptitudes ncessaires la
traduction de cet ouvrage. Il utilise galement les nombreux remerciements pour
nous dmontrer quil a eu accs bon nombre de documents prcieux, par
exemple : San Cristobal, Mgr don Carlos Maria Colina et les chefs de son
clerg mont combl par leur bont et leur empressement flatteur et toutes les
archives mont t spontanment ouvertes.
Possiblement par souci d'humilit, le traducteur fait galement tat de sesfaiblesses et prsente ses excuses lavance pour les imperfections de son
ouvrage. Mme si cette pratique est plutt courante, sa valeur paratextuelle est ici
indniable (p. IV) : Le commentaire qui laccompagne, nous en sommes assur
davance, ne saurait tre labri de la critique. Mais quon veuille bien se souvenir
que nous sommes un des premiers pionniers dans cette voie encore difficile et
obscure. Il poursuit en ajoutant : Ce nest pas de notre faute si jusquici nous
avons chemin presque seul; les conseils dont nous aurions eu besoin, peu
dexceptions prs, nous ont fait dfaut pour lordinaire, et nous avons t dans la
ncessit davancer sans autre appui que nous-mmes. Bastin (sous presse), en
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parlant de la traduction de MCulloch faite par Garca de Sena5, a bien rsum
cette faon de procder : Le traducteur fait montre dune louable humilit
"professionnelle" en reconnaissant ses lacunes linguistiques et rdactionnelles. De la mme faon, Genette (1987, 211) explique que la prface peut constituer
une faon de prvenir les critiques, cest--dire de les neutraliser, voire de les
empcher en prenant les devants. Il donne notamment lexemple de Cervants,
qui, en tant quauteur du Quichotte, sexcuse hautement de navoir pas produit le
chef-duvre quil aurait souhait produire. En citant Lichtenberg, Genette
ajoute : Une prface pourrait tre intitule : paratonnerre. Cest ce que semble
vouloir faire Brasseur de Bourbourg.
b) La notice bibliographique
Brasseur de Bourbourg utilise certes la notice bibliographique dune
longueur de neuf pages pour parler des ouvrages quil a consults, mais il sen
sert surtout pour faire lloge de la culture prcolombienne et prsenter le Popol
Vuh. Dailleurs, louvrage ne comporte aucune bibliographie proprement dite, mais,dans cette partie et ailleurs, il expose plusieurs des documents quil a consults,
dont certains lui appartiennent ou lui ont t prts (p.VII) : Lun de ces
documents, Titre territorial des seigneurs de Quetzaltenango et de Momostenango,
sign dAlvarado et des derniers rois quichs, est entre mes mains. Ensuite, en
parlant du codex Chimalpopoca, il crit (p. XI): Je l'ai copi en entier . Pour ce
qui est de la totalit de ses sources bibliographiques, seul le chercheur averti
pourra en dresser la liste; Brasseur de Bourbourg utilise de nombreux ouvrages
europens et amricains, en franais, espagnol, allemand, quich et autres
langues indignes. Ces ouvrages sont numrs un peu partout dans le
5Historia concisa de los Estados Unidos desde el descubrimiento de la Amrica hasta 1807(Philadelphie, 1812)
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document, soit dans lAvant-propos, la Notice bibliographique et la Dissertation,
mais aussi dans les notes de bas de page de sa traduction.
La notice bibliographique est galement utilise par Brasseur de Bourbourg
pour faire lloge de la culture quiche, tout particulirement de son criture et de
ses lettres. En parlant des historiens et scribes mayas, il cite un passage
judicieusement choisi de Historia apologtica de las Indias Occidentales(p. IX) de
Bartolom de Las Casas :
Ces chroniqueurs tenaient le compte des jours, des mois et des
annes. Quoiquils eussent point une criture comme nous, ilsavaient, toutefois, leurs figures et leurs caractres, laidedesquels ils entendaient tout ce quils voulaient, et de cettemanire ils avaient leurs grands livres composs avec un artificesi ingnieux et si habile, que nous pourrions dire que nos lettresne leur furent pas dune grande utilit.
Si Brasseur de Bourbourg dcide d'inclure ce passage, c'est pour nous
signifier que ce nest pas parce que le Popol Vuha t rdig en caractres latins
quil a de la valeur : il aurait tout aussi bien pu tre crit en glyphes mayas (le
document antrieur celui retrouv par Ximnez devait ltre); sil ne la pas t,
c'est tout simplement parce que les Espagnols avaient tout fait pour radiquer
cette forme d'criture et lui substituer leur alphabet, ce quils ont dailleurs russi
faire. Il ajoute, en parlant de la langue quiche, quelle est (p. X) : facile
entendre, lgante, sonore et riche dans ses expressions comme dans ses formes
grammaticales [] .
Ces