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ALBERT ROUSSEL Les Mélodies - The Songs 2C2150 Poèmes Poems Translation by Jeremy drake

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ALBERT ROUSSELLes Mélodies - The Songs

2C2150

Poèmes

PoemsTranslation by Jeremy drake

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COMPACT DISC 1

QUATRE POÈMES op. 3 Henri de Régnier

Le Départ

Je n’emporte avec moi sur la mer sans retour Qu’une rose cueillie à notre long amour. J’ai tout quitté ; mon pas laisse encor sur la grève Empreinte au sable insoucieux sa trace brève Et la mer en montant aura vite effacé Ce vestige incertain qu’y laissa mon passé. Parlons ! que l’âpre vent en mes voiles tendues Souffle et m’entraîne loin de la terre perdue Là-bas. Qu’un autre pleure en fuite à l’horizon La tuile rouge encore au toit de sa maison, Là-bas, diminuée et déjà si lointaine ! Qu’il regrette le clos, le champ et la fontaine ! Moi je ferme la porte et je ne pleure pas. Et puissent, si les dieux me mènent au trépas, Les flots m’ensevelir en la tombe que creuse Au voyageur la mer perfide et dangereuse ! Car je mourrai debout comme tu m’auras vu, Sur la proue, au départ, heureux et gai, pourvu Que la rose à jamais de mon amour vivant Embaume la tempête et parfume le vent.

Vœu

Je voudrais pour tes yeux la plaine Et une forêt verte et rousse, Lointaine Et douceA l’horizon sous un ciel clair,Ou des collinesAux belles lignesFlexibles et souples et vaporeusesEt qui sembleraient fondre en la douceur de l’air,Ou des collinesOu la forêt...

COMPACT DISC 1

FOUR POEMS Op. 3 Henri de Régnier

The Departure

I take with me on the sea of no returnA single rose gathered from our long-lasting love.I have left everything; my step yet leaves on the strandPrinted on the careless sand its fleeting markAnd the advancing sea will have quickly effacedThis uncertain remnant of my past.Let us go! May the harsh wind in my straining sailsBlow and carry me far from the lost landYonder. May another weep on the fleeing horizonFor the still red tiles of his home,Yonder, smaller and already so distant!May he long for the orchard, the field and the fountain!I close the door, I do not weep.And may, if the gods lead me to my doom.The waves bury me in the tomb dugFor the traveller by the perfidious, dangerous sea!For I shall die upright as you will have seen me,On the prow, when departing, happy and gay, providedThat the ever living rose of my loveEmbalms the storm and perfumes the wind.

Vow

For your eyes I should like the plain And a forest, green and russet, Distant And gentleOn the horizon under a clear sky, Or hillsFinely contoured,Flowing and smooth and misty, and that would seem to melt in the soft air,Or hillsOr the forest...

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Je voudraisQue tu entendes,Forte, vaste, profonde et tendre,La grande voix sourde de la merQui se lamenteComme l’amour;Et, par instant, tout près de toi,Dans l’intervalle,Que tu entendes,Tout près de toi,Une colombeDans le silence,Et faible et douceComme l’amour,Un peu dans l’ombre,Que tu entendesSourdre une source...

Je voudrais des fleurs pour tes mains, Et pour tes pasUn petit sentier d’herbe et de sable Qui monte un peu et qui descende Et tourne et semble S’en aller au fond du silence, Un tout petit sentier de sable Où marqueraient un peu tes pas, Nos pas Ensemble !

Le Jardin mouillé

La croisée est ouverte ; il pleut Comme minutieusement, À petit bruit et peu à peu Sur le jardin frais et dormant.

Feuille à feuille, la pluie éveille L’arbre poudreux qu’elle verdit ; Au mur on dirait que la treille S’étire d’un geste engourdi.

I should like You to hear,Strong, huge, deep and gentle, The great muffled voice of the sea Which laments Like love;And at times, close by you,In between,May you hearClose by you,A doveIn the silence,And faint and sweetLike love,Somewhat in the shade,May you hearThe welling source...

I should like flowers for your handsAnd for your stepsA little grassy, sandy pathThat rises a bit and descendsAnd turns and seemsTo go off to the far end of silence,A very small sandy pathWhich your steps would mark,Our stepsTogether!

The wet Garden

The window is open, it is rainingAs though meticulously,Softly and graduallyOn the fresh, sleeping garden.

Leaf by leaf, the rain awakensThe dusty tree it turns green;On the wall it seems as though the vineStretches itself stiffly.

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L’herbe frémit, le gravier tiède Crépite et l’on croirait là-bas Entendre sur le sable et l’herbe Comme d’imperceptibles pas.

Le jardin chuchote et tressaille, Furtif et confidentiel ; L’averse semble maille à maille Tisser la terre avec le ciel.

Il pleut et, les yeux clos, j’écoute, De toute sa pluie à la fois, Le jardin mouillé qui s’égoutte Dans l’ombre que j’ai faite en moi.

Madrigal lyrique

Vous êtes grande de tout un corps charmantDont l’ombre est à vos pieds, parmi les rosesQu’effeuillent vos mains en rêvant ;La douce fleur, pétale à pétale, se poseEn papillons légers et lents ;La tige, peu à peu, s’envole de sa rose,Et la flûte à l’écho s’accorde dans le vent.

Vous êtes belle de tout un visage qui sourit, De vos yeux clairs qui vous font douce À votre boucheOù le sourire en sa grâce s’endolorit Comme l’espoirQui, lèvre à lèvre, joint et touche Les lèvres de la tristesse qui lui sourit En son miroir...La flûte avec le vent s’est tue au fond du soir.

Vous êtes belle de toute votre vie et de vos joursQui, un à un, vers vous s’en viennentMenant l’AmourNu dans sa robe d’or et de laineAvec sa gourde et son diadème ;A vos roses il mêlera ses épis lourdsEt, pas à pas, la main dans la sienne,Vous irez vers l’aurore et, dans la nuit sereine,Où s’est brisée avec le vent ma flûte vaine,

The grass trembles, the warm gravel Crinkles, and there one would think One could hear on the sand and the grass Imperceptible steps.

The garden whispers and quivers, Furtive and secretive; The downpour seems, stitch by stitch To knit the earth to the sky.

It is raining and with eyes closed I listen,Heavy with all its rain,The wet garden that is drippingIn the shadow I have made within me.

Lyrical Madrigal

You are tall, all your body a charm,Its shadow at your feet among the rosesPlucked by your dreaming hands;The gentle flower petal by petal, alightsAs light, slow butterflies;The stems gradually rises from the roseAnd the flute tunes itself to the windy echo.

You are beautiful, all your face a smileFrom your bright eyes that give you tendernessTo your mouthWhere a graceful smile achesLike hopeThat lip to lip joins and touchesThe lips of the sadness that smiles to itIn its mirror...The flute with the wind has fallen silent in the depths of the evening.

You are beautiful with all your life and all your days That, one by one, come towards you Leading loveNaked in its dress of gold and woolWith its gourd and diadem;It will join its heavy spikes to your rosesAnd, step by step, your hand in his,You will walk towards the dawn and in the tranquil night,When my unavailing flute broke in the wind,

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Vous entendrez, Une à une, sous les roses et les cyprès, Chanter dans l’ombre les fontaines.

QUATRE POÈMES op. 8 Henri de Régnier

Adieux

Il est de doux adieux au seuil des portes, Lèvres à lèvres pour une heure Ou pour un jour; Le vent emporteLe bruit des pas qui s’éloignent de la demeure.Le vent rapporteLe bruit des pas du bon retour ;Les voici qui montent les marchesDe l’escalier de pierre blanche ;Les voici qui s’approchent. Tu marchesLe long du corridor où frôleAu mur de chaux le coude de ta mancheOu ton épaule ;Et tu t’arrêtes, je te sensDerrière la porte fermée ;Ton cœur bat vite et tu respiresEt je t’entends,Et j’ouvre vite à ton sourireLa porte prompte, ô bien-aimée !

Il est de longs adieux au bord des mersPar de lourds soirs où l’on étouffe ;Les phares tournent déjà dans le crépuscule ;Les feux sont clairs.On souffre...La vague vient, déferle, écume et se reculeEt bat la coque de bois et de fer ;Et les mains sont lentes dans l’ombreÀ se quitter et se reprennent.Le reflet rouge des lanternesFarde un présage en sang aux faces incertainesDe ceux qui se disent adieu aux quais des mersComme à la croix de carrefours,Comme au tournant des routes qui fuient

You will hear,One by one beneath the roses and the cypress trees,The fountains singing in the shadows.

FOUR POEMS Op. 8 Henri de Régnier

Farewells

There are gentle farewells on thresholds,Lips to lips for an hourOr for a day;The wind carries offThe sound of the steps that move away from the home.The wind brings backThe steps of a happy return;Here they are going up the stairsOf the white stone staircase;Here they are getting closer. You walkAlong the corridor where brushesAgainst the whitewashed wall the elbow of your sleeveOr your shoulder;And you stop, I feel youBehind the closed door,Your heart beating fast as you breatheAnd I hear you,And I open quickly to your smileThe eager door, O my beloved!

There are long farewells by the seashoreOn heavy, stifling evenings;The beacons already turn in the dusk;The lights are bright.What suffering !The wave comes, sweeps along, froths and withdrawsAnd strikes the hull of wood and iron;And hands are slow in the shadowsTo let go of each other again and again.The red reflection of the lanternsBlushes a bloody omen on the uncertain facesOf those who say farewell on the quaysidesAs at the crossroads,As at the junction of roads that flee

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Sous le soleil ou sous la pluie,Comme à l’angle des murs où l’on s’appuie,Ivre de tristesse et d’amour,En regardant ses mains pour longtemps désuniesOu pour toujours...

Il est d’autres adieux encor Que l’on échange à voix plus basse Où, face à face, Anxieusement, Vie et Mort,Vous vous baisez, debout dans l’ombre, bouche à bouche,Comme pour mieux sceller encorDans le temps et l’éternitéLèvre à lèvre et de souffle à souffleVotre double fraternité.

Invocation

Pour que la nuit soit douce, il faudra que les roses, Du jardin parfumé jusques à la maison, Par la fenêtre ouverte à leurs odeurs écloses, Parfument mollement l’ombre où nous nous taisons.

Pour que la nuit soit belle, il faudra le silence De la campagne obscure et du ciel étoile, Et que chacun de nous entende ce qu’il pense Redit par une voix qui n’aura pas parlé.

Pour que la nuit soit belle et douce et soit divine Le silence et les fleurs ne lui suffiront pas, Ni le jardin nocturne et les roses voisines, Ni la terre qui dort, sans rumeurs et sans pas ;

Car vous seul, bel Amour, vous pouvez, si vous êtes Favorable à nos cœurs, qu’unit la volupté, Ajouter en secret à ces heures parfaites Une grave, profonde et suprême beauté.

Nuit d’automne

Le couchant est si beau, parmi Les arbres d’or qu’il ensanglante, Que le jour qui meurt à demi Retarde sa mort grave et lente.

Beneath the sun or the rain,As in the corners of walls one leans against,Drunk with sorrow and love,Looking at hands for long disunitedOr for ever...

There are yet other farewells Exchanged in low tones Where, face to face, Anxiously, Life and Death,You kiss each other standing in the shadows mouth on mouthAs though more surely still to sealIn time and eternityLip to lip and breath to breathYour double fraternity.

Invocation

For the night to be tender the roses should, From the perfumed garden right up to the house, Through the open window with their blossoming fragrance, Gently perfume the shadow where we keep silence.

For the night to be beautiful silence is needed From the dark countryside and the starry sky, And that each of us hears what he thinks Spoken again by a voice that will not have spoken.

For the night to be beautiful and tender, to be divine, Silence and flowers are not enough, Neither the garden at night with the nearby roses, Nor the sleeping earth, without a noise, without a step;

For you alone, beautiful Love, you can, if you are Favourable to our hearts, united by ecstasy, Add in secret to these perfect hours A solemn, deep and supreme beauty.

Autumn Night

The sinking sun is so beautiful, among The golden trees it bloodies, That the half dying day Delays its solemn, slow death.

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Le crépuscule, sur les roses, Est si pur, si calme et si doux, Que toutes ne se sont pas closes Et que j’en cueille une pour vous.

Les feuilles chuchotent si bas, Une à une ou toutes ensemble, D’arbre en arbre, qu’on ne sait pas Si tu ris ou si le bois tremble.

La rivière coule si douce Entre les roseaux bleus des prés, Si douce, si douce, si douce Qu’on ne sait pas si vous pleurez.

La nuit d’ombre, de soie et d’or Du fond du silence est venue, Et l’automne est si tiède encor Que tu pourras t’endormir nue.

Odelette

J’aurais pu dire mon Amour Tout haut Dans le grand jour Ardent et chaudDu bel été d’or roux qui l’exalte et l’enivre Et le dresse debout avec un rire À tout écho !

J’aurais pu dire:Mon amour est heureux, voyezSon manteau de pourpre qui traîneJusqu’à ses pieds !Ses mains sont pleinesDe roses qu’il effeuille et qui parfument l’air ;Le ciel est clairSur sa maison de marbre tièdeEt blanc et veiné comme une chairDouce aux lèvres...

Mais non,Je l’ai vêtu de bure et de laine ; Son manteau traîne Sur ses talons ;

Dusk on the roses Is so pure, so calm and so soft, That all are not yet closed And I gather one for you.

The leaves whisper so gently,One by one or all together,From tree to tree, that one does not knowIf you are laughing or the woods are trembling.

The river runs so gentlyBetween the blue reeds of the meadows,So gently, so gently, so gentlyThat one does not know if you are crying.

The night of shadows, of silk and gold Has come from the depths of silence, And autumn is still so warm That you could sleep naked.

Little Ode

I could have said my Love Out loud.In the full light of day Ardent and hotOf the fine ruddy summer that exalts and fires it And stands it up With an echoing laugh!

I could have said:My love is happy, lookAt its purple coat that trailsAt its feet!Its hands are fullOf roses that it plucks and that perfume the air;The sky is brightOver its house of warm marble,White and veined like fleshGentle to the lips...

But no,I have clothed it with sackcloth and wool; Its coat trails At its heels;

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Il passe en souriant à peine Et quand il chante, c’est si bas Que l’on ne se retourne pas Pour cueillir sa chanson éclose Dans le soir qu’elle a parfumé ; Il n’a ni jardin ni maison, Et il fait semblant d’être pauvre Pour mieux cacher qu’il est aimé.

FLAMMES op. 10 Georges Jean-Aubry

Je suis près de la porte où tu m’as dit adieu : La chambre est monotone et douce, Et la flamme inquiète du feu Est une sourceDe souvenirs clairs et joyeux.Je suis près de la table où tu posas ta main :La lampe a la même âme confidentielleEt le même regard sereinPour l’ombre qui l’appelle.

Près de la cheminée où tu rêvaisJe suis, ce soir d’octobre, solitaireEt la chambre monotone et douce s’éclaireDe mystérieux reflets.J’écoute les branches frémirSous la caresse des flammes,Et je regarde des formes surgir,Brèves comme des passages d’âmes.Je sens dans mon âme et ma chairNaître un inexplicable émoiEt je suis monotone et doux, ce soir, et clairDe la flamme que ton passé reflète en moi.

It passes with barely a smile And when it sings, it is so soft That no-one turns back To gather its song blossoming In the night it has perfumed; It has neither garden not house, And it pretends to be poor The better to hide that it is loved.

FLAMES Op. 10 Georges Jean-Aubry

I am by the door where you said farewell to me: The bedroom is dull and soft, And the unsettled flame of the fire Is a sourceOf bright and joyful memories.I am by the table where you laid your hand:The lamp has the same secretive soulAnd the same tranquil gazeFor the shadow that beckons it.

By the fireplace where you were dreamingI am, that October evening, solitaryAnd the dull, soft bedroom brightensWith mysterious reflections.I listen to the branches trembleBeneath the caressing flames,And I watch forms arise,Brief as passing souls.I feel in my soul and my fleshAn inexplicable turmoilAnd I am dull and soft, this evening, and bright With the flame your past reflects in me.

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DEUX POÈMES CHINOIS op. 12 Traduction H.P. Roche

À un jeune gentilhommeOde chinoise

N’entrez pas, Monsieur, s’il vous plaît, Ne brisez pas mes fougères,Non pas que cela me fasse grand’peine, Mais que diraient mon père et ma mère ? Et même si je vous aime, Je n’ose penser à ce qui arriverait.

Ne passez pas mon mur, Monsieur, s’il vous plaît,N’abîmez pas mes primevères,Non pas que cela me fasse grand’peine,Mais, mon Dieu ! que diraient mes frères ?Et même si je vous aime,Je n’ose penser à ce qui arriverait.

Restez dehors, Monsieur, s’il vous plaît,Ne poussez pas mon paravent,Non pas que cela me fasse grand’peine,Mais, mon Dieu ! qu’en diraient les gens ?Et même si je vous aime,Je n’ose penser à ce qui arriverait.

Amoureux séparésFu-Mi

Dans le royaume de Yen un jeune galant réside, Dans le royaume de Chao une belle demoiselle habite. À vrai dire, ces royaumes ne sont pas très distants. Mais une chaîne de monts à pic les sépare bel et bien. «Vous, nuages, sur vos fortes poitrines, emportez-moi, Vents, soyez mes chevaux et galopez ! » Les nuages du ciel n’écoutent pas la voix, La brise changeante s’élève et retombe, Je reste dans l’amertume de mes pensées, Songeant à la bien-aimée que je n’atteindrai pas.

TWO CHINESE POEMS Op. 12 Traduction H.P. Roche

To a Young GentlemanChinese ode

Do not enter, Sir, I beg you, Do not break my ferns,Not that it would upset me much,But what would my father and my mother say?And even if I love you,I dare not think what would happen.

Do not come by my wall, Sir, I beg you,Do not destroy my primroses,Not that it would upset me much,But, good God! what would my brothers say?And even if I love you,I dare not think what would happen.

Stay outside, Sir, I beg you,Do not push my screen,Not that it would upset me much,But, good God! what would people say?And even if I love you,I dare not think what would happen.

Lovers ApartFu-Mi

In the kingdom of Yen resides a young gallant,In the kingdom of Chao lives a beautiful maid.In reality these kingdoms are not far apart,But a chain of precipitate mountains sets them truly apart.«You clouds, on your strong breasts carry me,Winds, be my horses and gallop!»The clouds in the sky do not hear the voice,The changing breeze rises and falls,I am left in the bitterness of my thoughts,Thinking of the beloved I cannot reach.

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DEUX MELODIES op. 19

LightGeorges Jean-Aubry

Des larmes ont couléD’un cœur secret et tendre Qui se crut exilé.Que n’ai-je su comprendre,Quand je m’en suis allé,Ce cœur secret et tendre.Une bouche a parlé, Triste douceur d’entendre Aujourd’hui révélé Ce cœur secret et tendre. Des larmes ont coulé, Que n’ai-je su comprendre... Mais pouvais-je m’attendre A ce ciel étoile ?

A FarewellE. Oliphant

Si tu l’exiges, soit, nous allons nous dire adieu.Non, non, assez ! La vérité n’est que trop claire à mes yeux,Et je ne veux point que tu me mentes par gentillesse,Pour me faire croire que je dois blâmer le destin et non toi.Ne crois pas que cet au revoir sonne pour moi comme un glas.Tu vas pleurer autant que moi, et plus peut-être.Non, je veux vivre, même si c’est en enfer,En enfer, attendant que tu reviennes à moi.

DEUX MÉLODIES op. 20René Chalupt

Le Bachelier de Salamanque

Où vas-tu, toi qui passes si tardDans les rues désertes de SalamanqueAvec ta toque noire et ta guitareQue tu dissimules sous ta mante ?Le couvre-feu est déjà sonnéEt depuis longtemps, dans leurs paisibles maisons,Les bourgeois dorment à poings fermés.

TWO SONGS Op. 19

LightGeorges Jean-Aubry

Tears have fallenFrom a secret and tender heartThat thought itself exiled.How I have not understood,When I went away,This secret and tender heart.A mouth has spoken,Gentle sadness to hearRevealed todayThis secret and tender heart.Tears have fallen,How I have not understood...But could I expectThis starry sky?

A FarewellE. Oliphant

If thou insist then we will say farewell... Nay, nay, no more! the truth too clear I see, And I’ll have thee no lies of kindness tell, To make me think I should blame Chance, not thee. Think not that this goodbye doth sound my knell, ThouTt weep as much as I and more may be. No: I will live, although it be in hell, In hell, awaiting thy return to me.

TWO SONGS Op. 20 René Chalupt

The Bachelor of Salamanca

Where are you going, who walk so late In the empty streets of Salamanca With your black cap and your guitar That you hide beneath your coat? The curfew has already been sounded And for long now, in their peaceful houses, The bourgeois sleep with closed fists.

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Ne sais-tu pas qu’un édit de l’alcadeOrdonne de jeter en prisonTous les donneurs de sérénade,Que les malandrins couperont ta chaîne d’orEt que la fille de l’AlmirantePour qui vainement tu te tourmentesSe moque de toi derrière son mirador ?

Sarabande

Les jets d’eau dansent des sarabandes Sur l’herbe parfumée des boulingrins ; Il y a des rumeurs de soie dans le jardin Et de mystérieuses présences. Sur le marbre rose d’une margelle Trois tourterelles Se sont posées,Comme sur tes lèvres trois baisers ;Leurs plumes s’effeuillent dans le bassin...Les fleurs fraîches des marronniersNeigent lentement sur tes seinsEt font frissonner ta chair nue,Car tu es nueSous ton manteau.Et c’est pour toi que les jets d’eauDansent de sveltes sarabandes,Que le parc est plein de présencesEt que les tourterelles blanches,Comme de vivantes guirlandes,Viennent fleurir au bord de l’eau.

Do you not know that an edict of the alcalde Has ordered to be thrown in prison All those who serenade,That the brigands will cut off your golden chain And that the Admiral’s daughter For whom in vain you torment yourself Laughs at you behind her mirador?

Saraband

The fountains dance sarabandsOn the perfumed grass of the lawns;There is a rustling of silk in the gardenAnd mysterious presences.On the pink marbled edgeThree turtledovesHave alightedLike three kisses on your lips,Shedding their feathers in the basin...The new flowers of the chestnut treesSnow down slowly onto your breastsAnd make your nude flesh shiver,For you are nakedBeneath your coat.And it is for you that the fountainsDance slender sarabands,That the park is full of presences,And that the white turtledovesLike living garlandsCome to flower by the water’s edge.

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COMPACT DISC 2

DEUX POÈMES DE RONSARD op. 26

Rossignol, mon mignon...

Rossignol, mon mignon, qui dans cette saulaie Vas seul de branche en branche à ton gré voletant, Et chantes à l’envi de moi qui vais chantant Celle qu’il faut toujours que dans la bouche j’aie,

Nous soupirons tous deux : ta douce voix s’essaie De sonner l’amitié d’une qui t’aime tant, Et moi, triste, je vais la beauté regrettant Qui m’a fait dans le cœur une si aigre plaie.

Toutefois, Rossignol, nous différons d’un point: C’est que tu es aimé, et je ne le suis point, Bien que tous deux ayons les musiques pareilles,

Car tu fléchis t’amie au doux bruit de tes sons, Mais la mienne, qui prend à dépit mes chansons, Pour ne les écouter se bouche les oreilles.

Ciel, air et vents...

Ciel, air et vents, plains et monts découverts, Tertres fourchus et forêts verdoyantes, Rivages tors et sources ondoyantes, Taillis rasés, et vous bocages verts ;

Antres moussus à demi front ouverts, Prés, boutons, fleurs et herbes rousoyantes, Coteaux vineux et plages blondoyantes, Gâtine, Loir, et vous mes trites vers ;

Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire, A ce bel œil, l’Adieu je n’ai su dire, Qui près et loin me détient en émoi :

Je vous suppli, ciel, air, vents, monts et plaines, Taillis, forêts, rivages et fontaines, Antres, prés, fleurs, dites-le-lui pour moi.

COMPACT DISC 2

TWO POEMS OF RONSARD Op. 26

Nightingale, my Sweet

Nightingale my sweet who in this willow grove Alone flutter from branch to branch as you will And sing to make me envious, I singing Of her whom I must always have in my mouth,

We both sigh: your soft voice triesTo sound the friendship of a lady who loves you so much,And I, sad, I long for the beautyThat has made in my heart such a nasty wound.

All the same Nightingale, we differ on one point: It is that you are loved, and I am not at all, Even though both of us have similar music,

For you move your darling with the gentle sounds you utter, But mine, who resents my songs, Covers her ears so as not to hear them.

Sky, Air and Wind

Sky, air and wind, plains and bare mountains, Humpbacked mounds and verdant forests, Twisting shores and undulating springs, Shorn coppices and you, green hedgerows;

Mossy half-open caves, Pastures, buds, flowers and fading grasses,Vine-covered hillsides and yellowish beaches, Gatine, Loir, and you my sad verse;

Since on leaving, eaten by care and rage,To this fine eye I have not been able to say farewell,Who near and far keeps me upset:

I implore you, sky, air, wind, mountains and plains,Coppices, forests, shores and fountains,Caves, pastures, flowers, tell her for me.

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ODES ANACREONTIQUES op. 31Traduction Leconte de Lisle

XVI. Sur lui-même

Tu chantes les guerres thébaines ; un autre les guerres phrygiennes ; moi je ne chante que mes défaites. Je n’ai été vaincu ni par des cavaliers, ni par des fantassins, ni par des nefs ; mais par une nouvelle armée qui lance des flèches par les yeux.

XIX. Qu’il faut boire

La noire terre boit la pluie, et les arbres boivent la terre, et Hélios boit la mer et Séléné boit Hélios. Pourquoi donc, mes amis, me défendez-vous de boire?

XX. Sur une jeune fille

La fille de Tantalos fut, dit-on, changée en rocher sur les montagnes des Phrygiens, et la fille de Pandiôn fut faite hirondelle et s’envola. Mais moi, que je devienne miroir, afin que tu me regardes ! Que je sois ta tunique, ô jeune fille, afin que tu me portes ! Que je sois une eau pure, afin de laver ton corps ; une essence, pour te parfumer ; une écharpe, pour ton sein ; un collier de perles, pour ton cou ; une sandale, pour que tu me foules de ton pied !

ODES ANACREONTIQUES op. 32Traduction Leconte de Lisle

XXVI. Sur lui-même

Dès que Bakkhôs me tient, toutes mes peines s’endorment. Je possède les richesses de Kroisos, et voici que je chante à pleine voix ! Couché et les che-veux ceints de lierre, je méprise tout dans mon cœur. Qu’un autre courre aux armes ; moi, je cours à ma coupe ! Enfant, donne-la moi : il vaut mieux être ivre que mort !XXXIV. Sur une jeune fille

Ne me fuis pas, jeune fille, par dédain pour mes cheveux blancs. Ne mé-prise point mon amour, parce que tu as les couleurs de la rose. Vois combien les lys blancs sont beaux mêlés aux roses !

XLIV. Sur un songe

Il me semblait, durant mon sommeil, courir çà et là, avec des ailes aux

ANACREONTIC ODES Op. 31 From the French of Leconte de Lisle

XVI. On Himself

You sing of Theban wars; another of Phrygian wars; I sing only of my de-feats. I have been conquered not by horsemen, nor by footsoldiers, nor by ships; but by a new army that shoots arrows from eyes.

XIX. That one must drink

The black earth drinks the rain, and the trees drink the earth, and Helios drinks the sea and Selene drinks Helios. Why then, my friends, do you prevent me from drinking?

XX. On a Young Girl

The daughter of Tantalus was, they say, changed into a rock on the Phry-gian mountains, and the daughter of Pandion was turned into a swallow that flew off. But I, would that I became a mirror, so you would look at me! Would that I were your tunic, O young girl, so you would wear me! Would that I were pure water, so as to wash your body; an essence, to perfume you; a scarf, for your bosom; a pearl necklace, for your neck; sandals, so you trample me underfoot!

ANACREONTIC ODES Op. 32From the French of Leconte de Lisle

XXVI. On Himself

When I’m in the grip of Bacchus, all my sorrows sleep. I own the riches of Croesus, and here I am singing loudly! Lying down, my hair crowned with ivy, in my heart I despise everything. May another rush off to arms; I, I run to my cup! Child, give it to me: better drunk than dead!

XXXIV. On a Young Girl

Do not flee, young girl, from contempt for my white hairs. In no way des-pise my love because you have the colours of the rose. See how beautiful the while lilies are when mixed with the roses!

XLIV. On a Dream

It seemed to me, in my sleep, I was running here and there, with wings on

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épaules ; mais Erôs, bien qu’il eût du plomb à ses petits pieds, m’a poursuivi et atteint. Que veut dire ce songe ? - Ceci peut-être : Je me suis échappé des mains de plusieurs Erôs ; mais celui-ci m’a pris et me retiendra.

DEUX POÈMES CHINOIS op. 35Traduction H.P. Roche

Des fleurs font une broderie...Li-Ho

Des fleurs font une broderie sur le gazon. J’ai vingt ans, le doux éclat du vin est dans ma tête, Les glands d’or brillent au mors de mon coursier blanc, Et la senteur du saule traîne sur le ruisseau.

Tant qu’elle n’a pas souri, ces fleurs sont sans rayons, Quand ses tresses s’écroulent le paysage est gai ; Ma main est sur sa manche, mes yeux sont sur ses yeux... Va-t-elle me donner l’épingle de ses cheveux ?

Réponse d’une épouse sageChang-Chi

Connaissant, seigneur, mon état d’épouse,Tu m’as envoyé deux perles précieuses,Et moi, comprenant ton amour,Je les posai froidement sur la soie de ma robe.Car ma maison est de haut lignage,Mon époux capitaine de la garde du Roi,Et un homme comme toi devrait dire :«Les liens de l’épouse ne se défont pas. »Avec les deux perles, je te renvoie deux larmes,Deux larmes, pour ne pas t’avoir connu plus tôt.

VOCALISE

JAZZ DANS LA NUIT op. 38René Dommange

Le bal, sur le parc incendié, Jette ses feux multicolores, Les arbres flambent, irradiés, Et les rugissements sonores

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my shoulders; but Eros, though he had lead on his little feet, pursued me and caught me. What means this dream? -This perhaps: I have escaped from the clutches of several Eroses; but this one caught me and will hold me fast.

TWO CHINESE POEMS Op. 35From the French of H.P. Roche

Flowers become EmbroideryLi-Ho

Flowers become embroidery on the lawn, I am twenty, the gentle fire of wine is in my head, The gold tassels shine on the bit of my white charger And the scent of willow hangs on the stream.

As long as she smiles not, these flowers radiate not, When her tresses fall down the countryside is joyful; My hand is on her sleeve, my eyes are on her eyes... Will she give me her hairpin?

The Reply of a Good WifeChang-Chi

Knowing, my Lord, my status as wife,You sent me two precious pearls,And I, understanding your love,I placed them coldly on the silk of my dress.For my house is of high lineage,My husband is captain of the Royal Guard,And a man like you should say:«The ties of a wife are not to be undone».With the two pearls, I send you two tears,Two tears for not having known you earlier.

VOCALISE

JAZZ IN THE NIGHT Op. 38René Dommange

The ball in the blazing park Hurls its multicoloured flames,The trees are on fire, radiating, And the resounding roars

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Des nègres nostalgiques, fous, Tangos nerveux, cuivres acerbes, Étouffent le frôlement doux Du satin qui piétine l’herbe.

Que de sourires épuisés, À l’ombre des taillis complices, Sous la surprise des baisers Consentent et s’évanouissent...

Un saxophone, en sanglotant De longues et très tendres plaintes, Berce à son rythme haletant L’émoi des furtives étreintes.

Passant, ramasse ce mouchoir Tombé d’un sein tiède, ce soir, Et qui se cache sous le lierre ; Deux lèvres rouges le signèrent,

Dans le fard, de leur dessin frais. Il te livrera, pour secrets, Le parfum d’une gorge nue Et la bouche d’une inconnue.

VOCALISE-ÉTUDE

UNE FLEUR DONNÉE À MA FILLEJames Joyce

Frêle est la rose, et frêles les mains de celle qui l’a donnée,Dont l’âme est flétrie et plus pâleQue l’onde blême du temps.Rose frêle et belle - très frêle cependant.Tu caches dans tes yeux doux un étonnement faroucheMon enfant aux veines bleutées.

DEUX IDYLLES op. 44 Traduction Leconte de Lisle

Le Kérioklepte

Une cruelle abeille piqua une fois Erôs qui volait le rayon de miel d’une ruche et elle le piqua au bout des doigts. Erôs souffrit, et il souffla sur ses doigts, frappa du pied, sauta, et montrant

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Of the mad, nostalgic Negroes, Edgy tangos, biting brass, Stifle the soft caress Of satin that tramples the grass.

How many exhausted smiles, In the shade of the complicit shrubbery, Beneath the surprise of the kisses Give way and faint...

A saxophone, as it sobs Long and so tender lamentations, Cradles to its breathless rhythm The turmoil of furtive embraces.

You who pass by, pick up this handkerchief Fallen from a warm bosom, this evening, And that is hidden beneath the ivy; Two red lips signed it,

With rouge, with their fresh outline. It will give you for secrets The perfume of a bare neck And the mouth of a fair unknown.

VOCALISE

A FLOWER GIVEN TO MY DAUGHTERJames Joyce

Frail the white rose and frail are her hands that gave,Whose soul is sere and palerThan time’s wan wave.Rose frail and fair yet frailest.A wonder wild in gentle eyes thou veilestMy blue veined child.

TWO IDYLLS Op. 44From the French of Leconte de Lisle

The HoneyThief

A cruel bee once stung Eros who was stealing the honeycomb from a hive and it stung him on his fingertips. Eros was in pain, and he blew on his fingers, stamped with his feet, jum-

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à Aphrodita sa blessure, se plaignit que l’abeille, une si petite bête, fit de telles blessures. Et la mère rit: «N’es-tu pas semblable aux abeilles ? Tu es petit, mais quelles profondes blessures ne fais-tu pas ? »

Pan aimait Ekhô...

Pan aimait Ekhô, sa voisine ; Ekhô brûlait pour un satyre bondissant, et le satyre dépérissait pour Lyda. Autant Ekhô aimait le satyre, autant le satyre aimait Lyda, autant Lyda aimait Pan. Ainsi Erôs les enflammait. Autant chacun d’eux aimait celui qui le haïssait, autant chacun haïssait celui qui l’aimait. Et j’enseignerai ceci à ceux qui sont étrangers à Erôs : Aimez ceux qui aiment, afin d’être aimés par eux.

DEUX POÈMES CHINOIS op. 47 Traduction H.P. Roche

Favorite abandonnéeLi-Î

Sous la lune le palais résonne Des sons des luths et des chansons. Il me semble que l’on a rempli La clepsydre de la mer entière Pour faire que cette longue nuit Ne finisse jamais pour moi.

Vois, de belles filles...Huang Fu-Ian

Vois ! de belles filles courent en bandes Dans les larges couloirs,Avec la musique et la gaieté portées sur la brise. Viens ! dis-moi si celle qui, cette nuit, sera choisie Peut avoir des cils beaucoup plus longs que ceux-ci ?

DEUX MÉLODIES op. 50René Chalupt

L’Heure du retour

Une bise aigre et monotoneFait grincer les girouettes des maisons ;Des nuages gris s’entassent à l’horizon.Ton pas froisse des feuilles mortes et l’automne

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ped, and showed Aphrodite his wound, lamenting that the bee, such a little beast, made such wounds. And his mother laughed: «Are not you like a bee? You are small, yet what deep wounds you make!»

Pan loved Echo

Pan loved Echo, his neighbour; Echo burned for a leaping satyr, and the satyr pined for Lyda. As much as Echo loved the satyr, so the satyr loved Lyda, so Lyda loved Pan. So Eros enflamed them. As much as each loved the one who hated him, so each hated the one who loved him. And I shall teach this to those who are strangers to Eros: Love those who love so as to be loved by them.

TWO CHINESE POEMS Op. 47 From the French of H.P. Roche

The Abandoned FavouriteLi-I

Under the moon the palace resounds To the sound of lutes and songs. It seems to me someone has filled The clepsydra with all the sea-water So that this long night Never finishes for me.

Look! Beautiful GirlsHuang Fu-Ian

Look! Beautiful girls run in groups In the wide corridorsWith music and gaiety born on the breeze.Come! Tell me if she who, this night, will be chosenMay have much longer eyelashes that these?

TWO SONGS Op. 50 René Chalupt

Time to return

The North Wind, harsh and monotonousMakes the weathercocks squeak on the houses;Grey clouds build up on the horizon.Your step crumples the dead leaves and autumn

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A chassé les hirondelles de ton toit.Voyageur, voyageur,Ne vois-tu qu’il est l’heureDe rebrousser chemin et de rentrer chez toi ?Ne vois-tu qu’il est l’heure ?

Les écus d’or et les maravédisQui, lorsque tu partis, chargeaient ton escarcelle,Dis-moi dans quel tripot tu les perdis,Pour les baisers de quelle jouvencelleQui t’engeigna et te montra du doigt ?Voyageur, voyageur,Ne vois-tu qu’il est l’heureDe rebrousser chemin et de rentrer chez toi ?Ne vois-tu qu’il est l’heure ?

Tes yeux, me semble-t-il, ont besoin de lunettes.Sur tes tempes voici des cheveux gris.Ton épouse, que si souvent tu fis cornette,T’attend sans un soupçon et de loin te sourit.Et le vin de ta cave honorerait un roi.Voyageur, voyageur,Ne vois-tu qu’il est l’heureDe rebrousser chemin et de rentrer chez toi ?Ne vois-tu qu’il est l’heure ?

Cœur en péril

Que m’importe que l’Infante de Portugal Ait le visage rond ou bien ovale Et une cicatrice sous le sein droit, Qu’elle ait l’air d’une fille de roi Ou d’une gardeuse d’oies, Que m’importe ?

Peu me chaut que la princesse de Trébizonde Soit rousse, châtaine ou blonde, Qu’elle ait l’humeur prompte et le verbe haut Peu me chaut.

Point n’ai souci que la marquise de Carabas Soit veuve et veuille reprendre mari Pour faire ici-bas son paradis ! Point n’ai souci !

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Has chased the swallows from the roof.Traveller, traveller,Don’t you see it is timeTo head back and return home?Don’t you see it’s time?

Golden crowns and maravedisThat when you left were heavy in your purse,Tell me in what dive you lost them,For the kisses of what young maidenWho tricked you and mocked you.Traveller, traveller,Don’t you see it is timeTo head back and return home?Don’t you see it’s time?

I think your eyes need spectacles.On your temples there are grey hairs.Your wife, whom so often you wimpled,Waits for you without suspicion and smiles at you from afar,And the wine from your cellar would honour a king.Traveller, traveller,Don’t you see it is timeTo head back and return home?Don’t you see it’s time?

Heart in Peril

What do I care that the Infanta of PortugalHas a round face, or an oval oneAnd a scar beneath her right breas,That she looks like the daughter of a kingOr a goose-keeper,What do I care?

It little bothers me that the Princess of Trebizond Is a redhead, brunette or blonde; That she has a ready mind and proud words Little bothers me.

I couldn’t care if the Marquess of Carabas Is a widow and wants to marry again To make her paradise here below! I couldn’t care!

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Mais il suffit, jeune étourdie,Du seul clin d’un de vos yeux moqueursAux reflets irisésPour que mon pauvre cœurBatte à se briser.

DEUX MÉLODIES op. 55Georges Ville

Vieilles cartes, vieilles mains

Vieilles cartes, vieilles mains, Lunette et lunette Éternisaient les destins D’un jeu bien honnête.

Nous, dans un grenier tout plein D’automnes suaves, Cousine, tu le sais bien, Que nous étions graves.

Sous la lampe au court reflet La reine légère Enlevait plus d’un valet Qui se laissait faire.

Et nous, dans l’ombre blottis, Sous les plafonds vastes, Déjà grandets, les petits, Etions-nous si chastes ?

Si quelquefois tu pleures...

Si quelquefois tu pleures, Cherche-moi près de toi, J’y serai.

Mais aux divines heures De ta joie, est-ce moi Qui viendrai ?

Oh ! Va, sois rassurée ! Quand la dernière larme Aura lui,

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But it is enough, silly young thing,That one of your mocking eyes gives a single winkWith its iridescent reflectionsFor my poor heartTo beat fit to burst.

TWO SONGS Op. 55Georges Ville

Old Cards, old Hands

Old cards, old hands, Spectacles and spectacles Were making eternal the destinies Of a well honest game.

We, in an attic full Of suave autumns, Cousin, you well know, We were serious.

Beneath the lamp with its weak flame The flighty queen Abducted more than one valet Who did not resist.

And we, hidden in the shadows, Beneath the vast ceilings Already quite grown-up, the little ones, Were we so chaste?

If at times you cry

If at times you cry, Look for me close by: I shall be there.

But at the divine hours Of your joy, is it I Who shall come?

Oh! Come, be reassured! When the last tear Shall have shone,

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Comme une ombre égarée Que le grand jour alarme, J’aurai fui.

LA MENACE op. 9 Henri de Régnier

Vous aimerez un jour peut-être ce visage Qui vous plaît aujourd’hui Par le trouble, le mal, l’angoisse et le ravage Que vous faites en lui. Car vous aurez alors pour l’œuvre de vos charmes Un douloureux regret Et ce temps vous verra maudire avec des larmes Ce que vous aurez fait. À ces yeux détournés, à cette bouche lasse, Vous chercherez en vain Que l’amer souvenir disparaisse et s’efface De votre long dédain. A moins que par orgueil, luttant contre vous-même Vous vous disiez tout bas : Que m’importe qu’il souffre et qu’il pleure et qu’il m’aime Puisque je n’aime pas ? Et, pour de cette image importune et morose Éloigner votre esprit Vous cueillerez l’odeur de la plus rouge rose Que Juin gonfle et mûrit. Vous penserez à vous et à votre jeunesse Et à votre beauté.À la langueur, à la couleur, à la tendresse De ce beau ciel d’été. À des pays lointains, à des villes lointaines Au-delà de la mer. À des palais, à des jardins, à des fontaines Qui s’élèvent dans l’air. Vous fermerez en vain sur ces beaux paysages Vos yeux, et malgré vous Vos yeux se rouvriront pour revoir ce visage Qui vous sera plus doux, Plus doux que le printemps et plus doux que l’automne, Que la terre et le ciel, Plus doux que cette lune ardente, courbe et jaune,Couleur d’ambre et de miel.

Like a lost shadowThat daylight upsets, I shall have fled.

THE THREAT Op. 9 Henri de Régnier

Perhaps one day you will like this face That pleases you todayFor the trouble, the harm, the anguish and the havoc You make in it.For then you would have as the work of your charms Painful regretAnd this time will see you tearfully curse What you have done.From these eyes turned aside, from this tired mouth, You will in vain try to makeThe bitter memory disappear and fade away Of your long disdain.Unless through pride, struggling against yourself You say under your breath:What if he suffers and if he weeps and if he loves me Since I do not love him?And, from this importunate and gloomy image To distance your mind,You will gather the fragrance of the reddest rose That June swells and matures.You will think of yourself and your youth And of your beauty.Of the languor, of the colour, of the tenderness Of this beautiful summer sky. Of distant countries, of distant cities Beyond the sea, Of palaces, of gardens, of fountains That rise into the air. In vain to these beautiful landscapes will you close Your eyes, and despite yourself Your eyes will open again to see this face That will be gentler to you, Gentler than spring and gentler than autumn, Than the earth and the sky, Gentler than this ardent moon, crescent and yellow, The colour of amber and of honey.

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