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- 1 - LA LETTRE DE NORRAG RESEAU D’ETUDES ET DE RECHERCHE SUR LES POLITIQUES D’EDUCATION ET DE FORMATION NUMERO 35 AOUT 2005 THEME SPECIAL PERSPECTIVES CRITIQUES SUR LE GENRE, L'EDUCATION ET LES COMPETENCES EN AFRIQUE DE L'OUEST ET DU CENTRE AUX NIVEAUX PRIMAIRE ET POST-PRIMAIRE Editeurs Kathryn Touré, Frédérique Weyer et Kenneth King Adresse de l’Editeur Kenneth King, Centre of African Studies, 21 George Square Université d’Edimbourg, Edimbourg EH8 9LD, Ecosse, Royaume-Uni Téléphone : (44) 0131 650 3878 ; télécopieur (44) 0131 650 6535 Courrier électronique : [email protected] ou [email protected] Adresse de la Coordination Michel Carton, Institut Universitaire d’Etudes du Développement (IUED), BP 136, Rue Rothschild 24, 1211 Genève 21, Suisse Téléphone : (41) 22 906 5901/43 ; télécopieur (41) 22 906 5947 Courrier électronique : [email protected]

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LA LETTRE DE NORRAG

RESEAU D’ETUDES ET DE RECHERCHE SUR LESPOLITIQUES D’EDUCATION ET DE FORMATION

NUMERO 35 AOUT 2005

THEME SPECIAL

PERSPECTIVES CRITIQUES SUR LE GENRE,L'EDUCATION ET LES COMPETENCES EN AFRIQUE

DE L'OUEST ET DU CENTRE AUX NIVEAUXPRIMAIRE ET POST-PRIMAIRE

Editeurs

Kathryn Touré, Frédérique Weyer et Kenneth King

Adresse de l’EditeurKenneth King, Centre of African Studies, 21 George Square

Université d’Edimbourg, Edimbourg EH8 9LD, Ecosse, Royaume-UniTéléphone : (44) 0131 650 3878 ; télécopieur (44) 0131 650 6535

Courrier électronique : [email protected] ou [email protected]

Adresse de la CoordinationMichel Carton, Institut Universitaire d’Etudes du Développement (IUED),

BP 136, Rue Rothschild 24, 1211 Genève 21, SuisseTéléphone : (41) 22 906 5901/43 ; télécopieur (41) 22 906 5947

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LA LETTRE DE NORRAG No 35

PERSPECTIVES CRITIQUES SUR LE GENRE, L'EDUCATION ETLES COMPETENCES EN AFRIQUE DE L'OUEST ET DU CENTRE

AUX NIVEAUX PRIMAIRE ET POST-PRIMAIRE

TABLE DES MATIERES

ÉDITORIAUX

ÉDUCATION, GENRE ET COMPÉTENCESPar Frédérique Weyer 5PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT DE COMPÉTENCESET LA RECHERCHE EN ÉDUCATION EN AFRIQUEPar Kathryn Touré 7LE DEVELOPPEMENT DES QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLESEN AFRIQUE SUBSAHARIENNE & GENRE ET EDUCATION POUR TOUS.QUELS MESSAGES POUR LE DEVELOPPEMENT DE COMPETENCESET LE TRAVAIL AXES SUR LE GENRE?Par Kenneth King 10

REACTIONS AUX PUBLICATIONS INTERNATIONALES

COMMENTAIRE A PROPOS DU RAPPORT MONDIAL DE SUIVI DE L’EPT 2003/04À PARTIR D'UNE PERSPECTIVE DE L’AFRIQUE CENTRALE ET DE L’OUESTPar Maréma Diokhané Dioum 15RAPPORT MONDIAL DE SUIVI DE L'EDUCATION POUR TOUS 2003/2004DE L'UNESCO: COMMENTAIRE ET ANALYSE. PARITE DE GENRE EN 2005?Par Ruth Kahurananga 16PARITE ET EGALITE DE GENRE EN EDUCATION :QUELS PROLONGEMENTS POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE?Par Frédérique Weyer 19LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES EN AFRIQUE DE L’OUEST AU REGARDDES DYNAMIQUES EN COURS AU SEIN DES SYSTÈMES D’ENSEIGNEMENT TECHNIQUEET DE FORMATION PROFESSIONNELLE (ETFP) DANS LES PAYS MEMBRES DE L’UNIONECONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA)Par Augustin Niango 21

REGARDS CRITIQUES SUR LES POLITIQUES NATIONALES ET LES PROJETS

ÉDUCATION TECHNIQUE ET PROFESSIONNELLE: DES ESPOIRS NON ATTEINTS.EST-CE UNE QUESTION DE MANQUE DE VISION, DE DEFINITION DES OBJECTIFS,D’ENGAGEMENT OU DE QUOI ?Par Joshua Baku 24LA PERTINENCE DU CURRICULUM SCOLAIRE EN RELATIONAU MONDE DU TRAVAIL EN GAMBIEPar Makaireh N’Jie 25LA SCOLARISATION DES FILLES AU BENIN : L'ECOLE EST-ELLE VRAIMENT

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UN AGENT DE CHANGEMENT POUR LES RELATIONS DE GENRE?Par Naïm Deen SALAMI 29SCOLARISATION, GENRE ET DÉVELOPPEMENT DES COMPETENCESLE CAS DU NIGERIAPar Olanitemi Busari 32FORMATION DES ENSEIGNANTS ET QUALITÉ DES APPRENTISSAGES AU NIGERPar Laouali Malam Moussa 35COMPENSER LES ÉCHECS ET LES DÉPERDITIONS SCOLAIRESPOUR AMÉLIORER LE SYSTÈME ÉDUCATIFPar Souleymane Sarr 37FORMATION DES ASSISTANTS DE DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE,ALPHABÉTISATION ET CRÉATION DE MICRO-ENTREPRISESPar Amadou Tidjane Diallo 39LE DÉVELOPPEMENT DE LA SCOLARISATION ET DE LA SCOLARITÉ DES FILLESDANS LES ZONES À PLUS FAIBLE TAUX DE SCOLARISATION AU TOGOPar Philippe Dzek Amevigbe 41

QUELLE PERSPECTIVE POUR LES POLITIQUES INTERNATIONALESD'EDUCATION ET DE FORMATION?

SECONDAIRE: LE CHAINON MANQUANTPar Mamadou Ndoye 44SEGOU: VERS DE NOUVELLES PERSPECTIVES SUR LA CO-OPERATIONET LES POLITIQUES NATIONALESPar Ousmane Gueye 46ÉDUCATION, FORMATION ET LA COMMISSION POUR L’AFRIQUE:REDEFINIR UN INTERET COMMUN?Par Simon McGrath 47

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ÉDITORIAUX

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ÉDUCATION, GENRE ET COMPÉTENCESFrédérique Weyer

[email protected]

En collaboration avec le Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education(ROCARE), NORRAG a organisé en septembre 2004 une rencontre à l'intention deschercheurs, des décideurs politiques et des bailleurs de fonds. La rencontre de Bamakoconstituait la deuxième étape d'un processus lancé deux ans auparavant dans l'objectif derenforcer les liens entre NORRAG et ses partenaires du Sud. La première rencontre a eu lieu àNairobi en 2003 et était co-organisée par la Fondation Aga Khan et le Réseau de Rechercheen Education pour l'Afrique Orientale et Australe (Educational Research Network in Easternand Southern Africa – ERNESA — (voir NORRAG NEWS 32).

L'objectif principal de ces deux réunions était d'analyser la pertinence et les implications depublications internationales récentes dans une perspective régionale. Les documents qui ontété examinés à Bamako sont les suivants:

• Le Rapport Mondial de Suivi de l'Education Pour Tous (EPT) 2003/2004 dont lethème était Genre et éducation pour tous (2004)

• Le rapport de la Banque mondiale sur le Développement des qualificationsprofessionnelles en Afrique subsaharienne (2004)

En accord avec les thèmes traités par ces deux documents, la rencontre a simultanémentabordé trois questions dans le contexte ouest et centre africain: éducation, genre etdéveloppement des compétences. Le genre est un outil important pour comprendrel'évolution de la scolarisation. Même s'il semble qu'aujourd'hui le genre soit courammentintégré à l'analyse de l'éducation et du développement, le rapport de suivi de l'EPT nousrappelle que l'objectif genre ne concerne pas uniquement la réalisation de l'objectif EPT enmatière de parité entre les genres: l'objectif d’égalité entre les genres - qui a trait auxrésultats des filles et des garçons en matière d'éducation et sur le marché du travail –demeure un défi et est beaucoup plus exigeant. En outre, l’analyse du genre dans ledéveloppement des compétences est encore dans les limbes, puisque très peu de progrèsont été accomplis dans ce domaine.

Aborder simultanément l'éducation et le développement des compétences était une façond'initier une analyse portant sur le défi que constitue l'articulation de ces deux thèmes. Cetteapproche nous permet par exemple d’inclure l'éducation non formelle et les liens qui existententre l'éducation de base et l'éducation secondaire. Elle met aussi en évidence les limitesd'une perspective cloisonnée de l'éducation, ainsi que la nécessité d'étudier d'autres modèlesd'éducation et de formation qui pourraient être mieux adaptés aux réalités de la région.

Il semblerait qu'il y ait actuellement une tendance plus générale à élargir l'approche del'éducation au-delà de l'EPT: l'ADEA (Association pour le Développement de l'Education enAfrique) prévoit la création d'un Groupe de travail consacré à l'éducation post-primaire; Demême, plusieurs contributions faites dans le cadre de la conférence annuelle du Centred'Etudes Africaines (Université d'Edimbourg) ont souligné qu'il était important de ne pasreléguer l'éducation secondaire à un plan subalterne en mettant trop l’accent sur les tauxd'inscription au niveau du primaire; L'IIPE conduit des travaux qui visent à promouvoirl'intégration d’éléments de développement des compétences dans les plans d'actionnationaux de l’EPT; Le Rapport de la Commission pour l'Afrique encourage une approcheintégrée pour tout le secteur de l'éducation.

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En accord avec l’objectif principal de la rencontre de Bamako, la première partie de cenuméro spécial de La Lettre de NORRAG recueille les réactions portant sur le Rapport de Suivide l'EPT et sur le rapport de la Banque mondiale. Ces documents ont inspiré chez certainscontributeurs une analyse critique des politiques nationales de leurs pays en matière dedéveloppement de compétences et/ou genre, ou de projets et d'expériences pilotes auxquelsils ont contribué et qui ont trait au développement des compétences ou au genre. Ladeuxième partie de ce numéro spécial concerne donc la capitalisation d'expériences quiarticulent l'éducation, le genre et le développement des compétences. Finalement, la dernièrepartie est consacrée aux politiques d’éducation et de formation en général.

Nos remerciements vont à tous les contributeurs et également à Mme Violet Diallo qui a bienvoulu traduire les articles, aussi bien vers le français que vers l'anglais.

Si vous souhaitez prendre contact avec les auteurs et lorsque leur adresse électronique nefigure pas sur leur article, merci d'écrire à [email protected].

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PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT DE COMPÉTENCESET LA RECHERCHE EN ÉDUCATION EN AFRIQUE

parKathryn TOURE

Coordinatrice RégionaleROCARE

[email protected]

Cette présentation examine d’abord les résultats du séminaire régional des perspectivescritiques sur l’éducation en Afrique de l’Ouest et du Centre organisé par ROCARE1 et NORRAGen 2004. Par la suite il décrit les défis posés aux chercheurs en éducation en Afrique, en seréférant au cas de l’étude de la Banque Mondiale en 2004 sur le développementdes compétences en Afrique2.

LA SCOLARISATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES EN AFRIQUE DEL’OUEST ET DU CENTRE La scolarisation formelle. Le développement de compétences. Est-ce que ces deux mondesse rencontrent en Afrique? Dans quelles circonstances ? Répondent-ils aux besoinsnationaux et régionaux de développement en Afrique de l’Ouest et du Centre ? À travers leprisme du genre, que pouvons-nous apprendre sur la scolarisation ? - sur le développementdes compétences ? À quel degré les chercheurs africains seront-ils critiques de documentsinternationaux sur l’éducation et la formation ?

ROCARE et NORRAG ont décidé de faire face à ces questions lors d’un séminaire régional dePerspectives Critiques sur la scolarisation,le genre et le développement des compétencesorganisé à Bamako en septembre 2004,regroupant 50 chercheurs, praticiens etdécideurs politiques. Ce séminaire était ledeuxième à être tenu en Afrique, suite à celuide l’Afrique de l’Est (voir NORRAG News No. 32d’août 2003). Les ministères maliens del’éducation et du travail et de la formationprofessionnelle, le Musée National du Mali,Tamaro Kene, une troupe théâtrale malienne,Ecobank, DDC3 et ADEA4 ont été les partenairesde ce séminaire.

Dans NORRAG News No. 35 vous trouverez desversions condensées de certaines présentationsfaites dans le cadre du séminaire dePerspectives Critiques de 2004. Celle deFAWE5, qui examine le Rapport mondial desuivi de l’EPT 2003/2004, nous rappelle

1 Réseau de de l’Ouest et du Centre de l’Afrique pour la Recherche en Education2 Johanson, Richard K. ; Adams, Arvil V. 2004 Développement des connaissances en Afrique sub-Saharienne, BanqueMondiale, Washington D.C. USA. www.worldbank/labormarkets pour les études de cas.3 L'agence suisse de coopération4 Association pour le Développement de l’Education en Afrique. 5 Forum des Femmes Educatrices Africaines

ROCARE, a été fondé à Freetown (SierraLeone) en 1989 par des chercheurs africainssouhaitant proposer leur expertise collective audéveloppement éducatif et économique. Leréseau bilingue, comprenant actuellement 250membres dans 13 pays de l’Afrique de l’Ouestet du Centre, travaille auprès de partenairesafricains : universités, ministères, sociétécivile ; et internationaux. Avec plus de 15années d’expérience de recherche collaborativetransnationale, et de réseaux régionaux,ROCARE oeuvre à renforcer la capaciténationale et régionale de recherche, à mener larecherche pour informer la prise de décisions, àstimuler le dialogue à travers la communicationet la plaidoirie proactives, et à construire despartenariats de qualité pour améliorer lesconditions de la recherche et la publicationrévisée par les paires.Voir: www.rocare.org.

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que malgré une augmentation de 38% de l’accès à la scolarisation formelle en Afriquependant les années 1990, 57% de tous les enfants non scolarisés sont des filles. Lesdonnées sur la qualité, la rétention, la performance et la qualité de l’enseignement et del’apprentissage ne sont pas disponibles dans le rapport UNESCO. Dans plusieurs pays del’Afrique de l’Ouest et du Centre, des progrès ont été enregistrés en matière d’éducation desfilles, grâce à des plans pour l’éducation primaire universelle, à des bourses ou à l’annulationde frais de scolarité pour les filles, l’utilisation de la plaidoirie médiatisée et des programmesspéciaux de l’UNICEF d’écoles appropriées pour les filles. La présentation du Togo décrit lesefforts réalisés pour réduire un écart de plus de 20 points entre le pourcentage de garçonset de filles scolarisés, y compris la sensibilisation au niveau communautaire et l’appui auxactivités génératrices de revenus.

La contribution de l’UEMOA6 examine la situation du marché de travail et les réponsesgouvernementales dans ses huit pays membres (francophones). Bien que l’emploi salarié soitau point mort, les gouvernements demeurent concentrés sur la formation axée sur le secteurformel. Une présentation du Mali présente une initiative spécifique d'une ONG pourapprendre aux enfants apprentis les bases de la lecture, l’écriture et l’arithmétique. Laprésentation ghanéenne explique pourquoi des efforts pour intégrer la formationprofessionnelle et technique à l’éducation formelle ont été un échec; les difficultésd’enseigner le développement des compétences dans un cadre d’examens académiques; lescoûts et les responsabilités associés à la formation professionnelle et technique; le faibleniveau d’attractivité de ces cours pour les étudiants. Le document gambien revient sur laperception négative de l’apprentissage axé sur le travail, et insiste sur le fait que ceproblème devra être résolu pour que l’éducation et la formation contribuent à stimuler lacroissance économique et la production nationale.

Globalement, les papiers recommandent lesactions suivantes:• Sensibiliser tous les acteurs à la

valorisation de la formation aussi bienacadémique que professionnelle;

• Accroître l’investissement dans l’ETFP7 etdiversifier le financement pour ledéveloppement des compétences, ycompris par des contributions patronaleset des apprenants;

• Adapter la formation des apprenants auxbesoins socio-économiques;

• Adapter les programmes d’éducation etde formation ainsi que les curriculaformels et non formels aux besoins dumonde du travail, en évitant lesstéréotypes basés sur le genre;

• Promouvoir des fora d’échange entre les acteurs impliqués dans la formation pour lesecteur informel de l’économie;

• Dans le contexte des CRSP8, augmenter les pilotes réussis des années 1990 en ETFP;• Lier éducation formelle, non formelle et développement communautaire;• Tenir compte des écarts de genre pour atteindre l’éducation de qualité pour tous.

6 L’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de L’Ouest7 Education Technique et Formation Professionnelle8 Cadre Stratégique de Réduction de la Pauvreté

NORRAG cherche à améliorer les interactionsentre recherche, politique et pratique poursoutenir l’éducation et la formation. Avecplusieurs centaines de membres basés dans desuniversités, centres de recherche, agences dedéveloppement et ONG – dans un premiertemps en Europe mais de plus en plus surd'autres continents – NORRAG formule depuisplusieurs décennies des perspectives critiquesconcernant l’aide au développement.NORRAG receuille, analyse et synthéthise desrecherches sur les politiques et les stratégiesd’éducation; conduit des recherches appliquéesen collaboration avec d'autres institutions; offredes conseils aux gouvernements, ONG et autresorganisations; s’engage dans des efforts deplaidoirie conjointe; et renforce d’autresréseaux. Consulter www.norrag.org.

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Les leçons apprises en organisant le séminaire? Les chercheurs africains n’ont pas eu lapossibilité de développer des perspectives critiques sur les documents internationauxsélectionnés avant le séminaire, car ces derniers n’étaient disponibles qu’à Washington D.C.et à Paris, et étaient trop volumineux pour être téléchargés et imprimés.

Les Perspectives? Pour ROCARE, poursuivre la réflexion et la recherche pour aider lessystèmes éducatifs à comprendre les besoins du marché et à adapter les programmes enconséquence, ce qui exige une collaboration avec des économistes. Et la poursuite de lacollaboration avec NORRAG pour améliorer les conditions de la recherche en éducation.ROCARE espère également continuer d’organiser des séminaires régionaux consacrés auxPerspectives Critiques en éducation.

LE PARTENARIAT POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE LA RECHERCHE ENÉDUCATION EN AFRIQUELa préface du rapport de la Banque Mondiale concernant le développement des compétencesen Afrique évoque la faible capacité institutionnelle en Afrique, ce qui aurait empêché le suiviet l’évaluation continus de l’EPFT et explique pourquoi 70 études de cas ont dû être réaliséesdans 20 pays. Et le rapport fait une plaidoirie vigoureuse en faveur de l’augmentation dudéveloppement des compétences en Afrique.

À ROCARE, nous croyons que les projets de recherche en Afrique devront aider à renforcer lacapacité de recherche et d’institutions. La coordination régionale de ROCARE a produit unoutil pour analyser les partenariats et pour déterminer comment les développer afin qu’ilscontribuent à l’amélioration de conditions pour la recherche en éducation en Afrique. Ilpourrait être utile d'offrir de bons aperçus sur l’évaluation des partenariats et du processusde la conduite de l’étude de la Banque Mondiale sur le développement des compétences et ladiffusion de ses résultats. Ainsi, nous pourrions tirer des leçons pour un éventuel travailsimilaire à l’avenir. Cependant, à partir du rapport sur l’étude, nous ne disposons pas de tousles éléments pour une telle analyse.

Nous pouvons néanmoins proposer un certain nombre de questions à prendre enconsidération:

Quel a été le processus de conceptualisation de l’étude ? Combien de réunions ont ététenues? Qui les a organisées? Où se sont-elles tenues? Qui a participé (hommes/femmes,quelles institutions)?Qui a appris quoi en participant à l’étude ? Combien de femmes ont été impliquées, et àquel niveau ? Quelles sont les institutions qui en ont bénéficié ? Qui a bénéficié d’uneformation, et de quel type, pour participer à l’étude (hommes/femmes) ? À quel degré cespersonnes ont-elles trouvé cette formation utile pour leurs activités futures dans leursprofessions respectives ?

Où l’analyse a-t-elle été conduite? Par qui ? Quels étaient les mécanismes pour valider etpartager les données? Comment les pays africains utilisent-ils les résultats pour influencerles politiques et les programmes ?

Où sont conservées les données de recherche, et qui peut y accéder ? Combien dechercheurs africains ont-ils publié des articles scientifiques en employant les données del’étude?

Quel a été le coût de l’étude? Où le budget a-t-il été dépensé ? Quelles sont lesinstitutions qui en ont bénéficié?

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En vous quittant sur des questions, et non sur des réponses, nous vous souhaitons unebonne lecture de La Lettre du NORRAG. Et veuillez nous faire part de vos réactions enadressant vos messages à : [email protected].

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LE DEVELOPPEMENT DES QUALIFICATIONS PROFFESSIONNELLES EN AFRIQUESUBSAHARIENNE & GENRE ET EDUCATION POUR TOUS.

QUELS MESSAGES POUR LE DEVELOPPEMENT DE COMPETENCES ET LE TRAVAILAXES SUR LE GENRE?

Centre d’Etudes AfricainesUniversité d’[email protected]

Ces deux ouvrages sont parus à quelques mois d’intervalle. Quelles implications ont-ils l’unpour l’autre? Plus spécifiquement, que se passe-t-il si nous mettons ces deux ouvrages côteà côte dans un contexte africain et notamment ouest-africain ? Quelles leçons pouvons-noustirer à propos du développement des compétences et du travail des filles et des femmes enassociant ces deux volumes ?

La réponse est la suivante : pas grand chose. Ceci est surprenant. Particulièrementsurprenant étant donné qu’il s’agit de l’Afrique de l’ouest, une région connue pour unevibrante tradition d’entrepreneuriat et de commerce parmi les femmes. Il est intéressant denoter que l’ouvrage Le développement des qualifications professionnelles en Afriquesubsaharienne (Skills Development in Sub-Saharan Africa) ne fait que très peu de référencesà la parité (1) et aux femmes (3).Le Rapport de Suivi de l'Education pour Tous (EPT) parcontre se penche dès le début et jusqu’à la fin sur le thème du genre, mais il n’étudie pasvéritablement les problématiques du développement des compétences et du travail dans lespays en voie de développement. Cependant, le fait d’étudier ces deux volumes ensemble etde faire ressortir les points forts de ce qu’ils proposent, nous permet de tirer des conclusionsde poids quant au développement de compétences et au travail des femmes en Afrique.

À titre d’exemple, un de messages les plus puissants et les plus sérieux du rapport Genre etEducation pour Tous est qu’il est possible d’atteindre l’objectif de parité de genre dans lesystème éducatif, aussi bien au niveau primaire que secondaire, sans que cette parité ne serépercute sur le marché du travail. Cela amène à penser qu’il pourrait être important deplacer les Objectifs du Millénaire dans un agenda plus ambitieux, comme cela a été fait par leRapport du Projet Objectifs du Millénaire (2005) et le Rapport de la Commission pourl’Afrique (2005), tous deux publiés au cours des six derniers mois. Ces rapports adoptentune approche maximaliste du développement plutôt que de se contenter simplementd’évaluer comment atteindre les Objectifs du Millénaire.

Le fait que la parité de genre à l’école ne se répercute pas nécessairement sur le marché dutravail pourrait mettre en évidence un message plus général. Un message qui remettrait encause l’idée qu’il faut atteindre l’objectif d’éducation pour tous en espérant que l’éducationprimaire sera à elle seu le génératrice de plusieurs autres bénéfices sociaux etéconomiques. Bien que l’on continue à publier des articles à propos des résultats positifs quel’on attend de l’éducation primaire, et notamment de l’éducation des filles, lescaractéristiques de l'environnement ne sont pas suffisamment prises en compte. C’est sur ce

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point que le rapport du Groupe de Travail sur l’Education Primaire (Task Force Report onPrimary Education), l’un des rapports qui a contribué au Rapport du Projet Objectifs duMillénaire a beaucoup de force. 

Si le rapport du Groupe de Travail a raison d’estimer que l’éducation fondamentale ne peut àelle seule produire les résultats positifs souvent attribués à l’éducation primaire et qu’ilserait important d’avoir d’autres perspectives en matière du développement descompétences au niveau post-fondamental et au niveau secondaire pour le maintien à l'écolede l’enfant, même lors du cycle fondamental. Le Groupe de travail a également raisond’avancer l’idée selon laquelle l’éducation fondamentale, l’éducation secondaire et ledéveloppement de compétences à eux seuls n’engendreront pas automatiquement lacroissance économique. Ni l’éducation, ni la formation ne sont capables à elles seules degénérer des emplois. Elles dépendent d’un milieu macro économique favorable. [Les lecteursse souviendront de la recherche classique entreprise par Lockheed, Jamison et Lau (1980) –(dont les résultats ont souvent été incorrectement cités) – qui a conclu que quatre ans descolarisation fait la différence dans la mesure où l'environnement est dynamique.]Le rapport du Groupe de travail confirme cette conclusion donnée il y a 25 ans. Il estprimordial de comprendre que c’est le contexte économique, politique et social quidéterminera si la scolarisation, y compris la scolarisation des filles, portera ses meilleursfruits. Il est d’autant plus important de tenir compte cette thèse, ce qui devrait d’ailleursêtre fait depuis longtemps, qu’elle est affirmée par des praticiens depuis des années. L’idéequ’un certain nombre d’années de scolarisation assure automatiquement la croissance et labaisse du taux de fécondité est forcément un mythe. L’éducation primaire n’est pas uneforme avancée de contraceptif qui agit sur les filles quel que soit leur milieu. Dans la lignéedes premiers travaux de recherche effectués par Schultz, relatifs au rôle clé dedifférenciation que jouent les différents milieux (dynamiques et stagnants), le rapport duGroupe de travail traite de l’importance, en ce qui concerne le travail et le statut desfemmes, de milieux égalitaires et non-égalitaires comme variables critiques quidétermineraient si le nombre d’années de scolarisation des filles a réellement un impact sur labaisse du taux de fécondité.

L’étude de la Banque mondiale intitulée Le développement des qualifications professionnellesen Afrique subsaharienne est en accord avec cette position. Il s’agit d’un argument assezcompliqué qui est le suivant : le développement des compétences de la main-d’œuvre estd’une importance décisive, cependant la formation ne peut à elle seule créer des emplois. Lerapport Genre et éducation pour tous présente un cas analogue: la parité de genre dansl’éducation constitue un élément essentiel dans le développement du capital humain, maiselle ne représente qu’un élément permettant la création d’un milieu de travail égalitaire. Unebonne formation et la parité des genres sont des conditions nécessaires mais nonsuffisantes.

La Commission pour l’Afrique adopte une position semblable. Elle reconnaît le rôle clé quejoue l’éducation primaire et préconise de donner un nouvel essor au sous-secteur del’enseignement supérieur. L’argument principal de la Commission est plus général : la plupartdes pays africains ne détiennent pas l’ingrédient décisif qu’est la ‘capacité de mettre enoeuvre’. La Commission, reconnaissant que l’éducation formelle est un élément fondamentaldans le développement des capacités, considère que la notion de capacité englobe plus quel’éducation primaire ou l’enseignement supérieur. La Commission observe que :

La faiblesse des capacités est un problème majeur dans la plupart des pays africains.Tous les niveaux du gouvernement sont concernés et le problème s’accentue dans les

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zones urbaines, où la population est déjà en train de doubler et continuera à doublertous les dix à vingt ans. (La Commission pour l’Afrique 2005 : 156)

La Commission estime que le renforcement des capacités se situe au cœur de tout.

Essayer de répondre aux besoins énormes de renforcement des capacités aura desrépercussions majeures sur tous les autres domaines couverts par notre rapport, qu’ils’agisse du renforcement de la sécurité et de la suprématie du droit, de la luttecontre la corruption, de l’amélioration de la prestation de services et del’environnement de travail des entreprises ou de l’atténuation des contraintes quilimitent la capacité des gouvernements d’absorber des niveaux plus élevés d’aide audéveloppement. (La Commission pour l’Afrique 2005 : 156)

Il est clair que les capacités ne correspondent pas à un nombre x d’années d’enseignementfondamental ou de formation professionnelle. Il n’y a pas d’équivalence entre les capacités etle fait d’avoir un nombre égal de garçons et de filles inscrits à l’école aux niveaux primaire etsecondaire. Et les capacités ne sont pas une qualification, que ce soit un certificat duprimaire ou un diplôme. Un milieu favorable représente l’aptitude d’absorber, d’utiliser,d’adapter, de soutenir et de sustenter certains intrants. Sheldon Shaeffer l’a très bienexprimé il y a plusieurs années lorsqu’il cherchait à définir la capacité pour la recherche dansle domaine de l’éducation :

Au premier abord, le terme capacité évoque l’aptitude ou la compétence, et le termecapacité de recherche évoque l’aptitude à diagnostiquer des problèmes, à analyserdes relations et à arriver à des conclusions logiques. Le terme veut cependant direbien plus ; la capacité est liée à l’aptitude de tenir, d’absorber et de contenir. Quandnous parlons de la capacité agricole d’une ferme nous faisons référence au nombred’intrants agricoles qu’elle est capable d’absorber ainsi que la quantité, les variétés etla qualité des cultures qu’elle peut produire. De la même manière, quand nous parlonsde la capacité d’une société pour la recherche dans le domaine de l’éducation, nousfaisons référence au nombre d’intrants qu’elle peut absorber ainsi que qu'aux types età la qualité de la recherche en matière d’éducation qu’elle est capable de produire.(Shaeffer et Nkinyangi 1983)

En examinant ces deux rapports portant sur le genre et les compétences, nous devrions nouspencher sur les capacités sociales, économiques, légales et technologiques desmilieux dans lesquels les filles et les jeunes qui ont acquis de nouvelles compétences peuventopérer. Lorsque le milieu économique se montre incapable de retenir des jeunes formés, qu’ilssoient artisans ou infirmiers, il y a fuite de cerveaux. L’aptitude du secteur informel àabsorber et à garder la partie la plus importante des jeunes diplômés sortant des écoles estlargement reconnue. Il est également reconnu que pour empêcher l’insertion de milliers dejeunes dans des professions non-concurrentielles n’exigeant que très peu de compétences, ilfaut investir davantage dans l’innovation et l’entreprise ainsi que dans le développement denouveaux produits.

Il s’agit de bien plus que des capacités de l’individu. Cela implique les capacitésinstitutionnelles, de l’Etat et de l’entreprise, de pouvoir utiliser les compétences et laconnaissance émanant des écoles et des institutions de formation. Quand nous parlons d’unEtat en développement [developmental state] nous faisons en réalité référence à un Etat quipossède une vision du développement, de l’utilisation et de l’élargissement des capacités.

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Cette vision est admise par le Rapport mondial de suivi de l'éducation pour tous. ce dernieraffirme dans sa conclusion que « le présent rapport démontre que la tâche n’est pas simpleet qu’elle exige des changements qui vont bien au-delà des frontières de la politiqueéducative » (Rapport mondial de suivi de l’EPT 2003/2004 : 31). L’étude Ledéveloppement des qualifications professionnelles en Afrique subsaharienne conclut de lamanière suivante : « La formation ne peut à elle seule créer des emplois. Elle n’atteindra sesobjectifs que lorsque les conditions [capacités?] seront appropriées pour la croissanceéconomique. » (Banque mondiale 2004)

Bibliographie

Commission for Africa, 2005 Notre intérêt commun. Rapport de la Commission pourl'Afrique, Commission for Africa, London.

Lockheed, M., Jamison, D. and Lau, L. (1980a) Farmer Education and Farm Efficiency: ASurvey. In King, T. (Ed.) Education and Income. World Bank Staff Working Paper No.402,World Bank: Washington.

Shaeffer, S. and Nkinyangi, J. (eds) 1983 Educational research environments in thedeveloping world IDRC, Ottawa.

UN Millennium Project 2005b Toward universal primary education: investments, incentivesand institutions, Report of the Task Force on Education and Gender Equality, Earthscan,London and New York.

UN Millennium Project 2005 Investing in development: a practical plan to achieve theMillennium Development Goals Earthscan, London and New York.

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REACTIONS AUX PUBLICATIONSINTERNATIONALES

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COMMENTAIRE A PROPOS DU RAPPORT MONDIAL DE SUIVI DE L’EPT 2003/04À PARTIR D'UNE PERSPECTIVE DE L’AFRIQUE CENTRALE ET DE L’OUEST

parMaréma Diokhané DioumChargée de Programme

[email protected]

INTRODUCTION Lors de la Conférence Mondiale sur l’Éducation Pour Tous (EPT) à Dakar, en Avril 2000, tousles pays participants se sont engagés fermement à adhérer au Plan d’Action que chaquegouvernement doit adopter et mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de l’EPT. Parmiles six objectifs retenus par le Plan d’Action de Dakar (PAD) deux d'entre eux mettentparticulièrement l’accent sur l’élimination des disparités et de l’inégalité de genre.

Le Rapport Mondial de Suivi de l'EPT 2003/04 intitulé "Genre et Éducation pour Tous: Le Paride l’Egalité" a largement évalué les efforts des gouvernements et des acteurs clefs à traversle monde visant à réaliser l’égalité de genre. D'après le rapport, quelques progrès ont étéréalisés quant à l'équité de genre dans l’éducation. Cependant il est clair que l'écart entre lesgenres reste encore très large. Le but de ce document est d’examiner le Rapport Mondial desuivi de l'EPT 2003/04 à partir d'une perspective de l'Afrique de l’Ouest et du Centre.

L’ÉTAT DES OBJECTIFS DE GENRE EN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRELes pays d’Afrique sub-Saharienne (ASS) font face à de nombreuses difficultés qui entraventla qualité et l’équité de genre en matière d’éducation. La pauvreté, les attitudes négatives delongue date sur les capacités intellectuelles des femmes, les grossesses adolescentes, lemariage précoce, des environnements scolaires malsains, les échecs à l'examen demathématiques et de science, et la division traditionnelle du travail domestique sont parmiles nombreux facteurs qui continuent à maintenir de nombreuses filles hors de la salle declasse en Afrique sub-Saharienne.

En dépit de ces difficultés, suite aux politiques et programmes de lutte contre les disparitésde genre initiés par un certain nombre de gouvernements, quelques progrès considérablesont été faits en matière de scolarisation des filles. Des exemples de telles politiques etprogrammes en Afrique de l’Ouest et du Centre sont:

• Le Plan EPT/UPE au Burkina Faso, au Ghana, au Mali, au Niger, au Sénégal et enGambie

• Enseignement primaire gratuit et obligatoire au Ghana et en Gambie • Bourse d'études ou élimination des frais scolaires pour les filles au

Burkina Faso et en Gambie • Utilisation des médias pour le plaidoyer au Burkina Faso• Collaboration avec l’UNICEF dans le cadre de l'Initiative pour

l'Education des Filles Africaines au Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger, Sénégal, eten Gambie

Cependant, l’EPT reste un grand défi, en particulier dans les pays de l’ASS. Les fillesconstituent 57% des enfants qui ne vont pas à l’école dans le monde et le nombre est plusélevé dans les pays de l’ASS (23 millions). L'analyse de la situation en Afrique de l’Ouest etdu Centre montre que la majorité des pays de la région courent le risque de ne pas atteindreles objectifs de parité et d’équité de genre fixés par l’EPT, et par extension les objectifsmêmes de l’EPT en général.

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D'après le Rapport Mondial de Suivi de l’EPT de 2003/04, la Mauritanie, le Sénégal et laGambie sont les seuls pays de la région qui pourraient réaliser la parité de genre dansl’éducation primaire d’ici 2005. Pour la parité de genre dans l’éducation secondaire, seule laMauritanie pourrait l’atteindre d’ici 2005. Des pays comme le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire etle Niger risquent de ne pas atteindre la parité de genre dans l’éducation primaire d’ici 2015.

Le Rapport Mondial de Suivi de l’EPT de 2003/04 a mis en évidence les succès ainsi que lesdéfis qui concernent la réalisation des objectifs genre de l’EPT. Il montre par exempleclairement qu'il y a eu une amélioration considérable de l’accès aussi bien pour les garçonsque pour les filles à l’éducation de base. En Afrique sub-Saharienne, cette augmentation estde 38% pour les dix années dernières. Dans certains cas, le taux d’augmentation de l’accèspour les filles a été plus élevé que celui des garçons. Le Rapport donne aussi un certainnombre d'éléments concernant l'amélioration du maintien à l'école et de la performance. Il reste cependant des efforts à faire car:

• La plupart des données du Rapport couvrent jusqu’à l'année 2000; il est parconséquent nécessaire de voir quelles ont été les améliorations au-delà de 2000.

• La plupart des données concernent l’accès; mais on trouve peu de données sur lesdisparités de genre en matière de maintien à l'école et de performance

• Le Rapport ne donne pas assez de détails sur les disparités de genre en matière dequalité de l’éducation (y compris la pédagogie et l’environnement d’étude)

• Bien que les données nationales soient fournies dans la plupart des cas, les disparitésaux niveaux de la région et du district ne sont pas mises en lumière alors que c'est àce niveau que les disparités de genre sont les plus visibles

• Bien que le Rapport donne des informations sur tous les niveaux d'éducation duprimaire au tertiaire, il est évident que la plupart des données traitent de l'éducationde base

• La plupart des exemples de bonnes pratiques ne sont pas des expériences de l’Afriquesub-Saharienne.

Le Cadre utilisé dans le Rapport Mondial de Suivi de l'EPT 2003/04 est un outil importantpour évaluer les progrès réalisés pour atteindre les objectifs de l’EPT, mais il pourra êtreutilisé seulement une fois que les limites précitées aient été dépassées.

En conclusion, l’EPT ne sera pas atteinte, à moins que les questions de genre soient prises enconsidération. Il est par conséquent impératif pour les pays de l’Afrique de l’Ouest et duCentre d’accorder plus d’attention aux questions de genre. Il est important de se concentrersur les évolutions considérables qui peuvent servir maintenant de véhicules viables pour letype de changement nécessaire pour accélérer la scolarisation des garçons et des filles.

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RAPPORT MONDIAL DE SUIVI DE L'EDUCATION POUR TOUS 2003/2004 DEL'UNESCO: COMMENTAIRE ET ANALYSE

PARITE DE GENRE EN 2005?9

Par Ruth KahuranangaChargée des Droits de l’Enfant

World Vision International [email protected]

9 Cet article a été publié dans la revue Equals, Newsletter for Beyond Access: Gender, Education andDevelopment, n° 4, Janvier 2004.

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Le temps passe et nous nous approchons rapidement du premier Objectif de Développementdu Millénaire (ODM) concernant la parité de genre pour l’éducation primaire et secondaire en2005. Au mois de novembre 2003, l'UNESCO a lancé le Rapport Mondial de Suivi (RMS) sousle titre de 'Genre et Education Pour Tous, le Pari de l’Egalité'. Il s’agit d’une évaluation etd’une revue de politiques et de stratégies qui pourront rendre compte des progrès versl'objectif de 2005, ainsi que de l’ODM de 2015 concernant l'égalité de genre en éducation.En lisant le rapport, les ONG, gouvernements, bailleurs de fonds et agences de l’ONUpourront se demander ce que le rapport contient de nouveau, comment l’information aurades effets sur le modus operandi actuel, et si les recommandations sont en conformité avecleur mission et leurs buts ? Voyons comment ce rapport se présente en répondant à cesquestions.

L’éducation est un droit humain et le RMS rappelle aux gouvernements leur engagementinternational envers l’éducation, spécifiquement la CDE (Convention des Droits de l'Enfant) etla Convention sur l'Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à l'Egard des Femmes,ce qui est à saluer. Cependant, comme il est souvent le cas, la ratification ou la signatured’une convention ne se traduit pas dans la mise en œuvre sur le terrain, et les filles sontsouvent oubliées. Le rapport soulève le fait que les déclarations ont un poids politique etque des objectifs reliés à une date, telles que les ODM, sont utiles pour évaluer les progrès. Il est important de réfléchir de façon concomitante aux engagements des pays en voie dedéveloppement et des pays développés. Si 70 pays n’atteignaient pas la parité de genre en2005, que se passerait-il avec les engagements des bailleurs de fonds bilatéraux etmultilatéraux envers le financement l’éducation ? Les flux d’aide, aussi bien multilatéraleque bilatérale, envers l’éducation sont tombés de $5 billions dans les années 1990 à $4billions en 2001. Cependant, entre 2000 et 2001, six pays ont fourni les trois quarts de leurengagement bilatéral à l’éducation: la France, l’Allemagne, le Japon, les Pays-Bas, leRoyaume-Uni et les Etats-Unis. Quelles en sont les implications ? Quels sont les pays de quil'on peut espérer davantage ?

Malgré les déficits de l’engagement international, il est crucial de noter les progrès effectuésvers les objectifs de l'EPT. Dans le RMS, une distinction est faite entre la parité de genre etl’égalité. La première est mesurée en employant le ratio des filles par rapport aux garçons àl’école dans un groupe d’âge donné, tandis que l’égalité de genre est plus large et vise lesopportunités, les biais, les programmes, les méthodes pédagogiques, et les résultats entermes d’emploi des garçons et des filles. Selon le RMS, les pays ayant un PIB de moins de0,8 pourront ne pas atteindre la parité de genre en 2005, par exemple le Tchad, le Bénin, leBurkina Faso, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger et le Pakistan. Le Rapport affirme, et ceciest d’une importance capitale, que : “La réalisation de la parité ne finit pas avec l'égalité deschiffres: l'égalité des chances, l'égalité de traitement et l'égalité des résultats dansl'éducation et la société sont toutes des indicateurs cruciaux des progrès accomplis.»10

Les évaluations du nombre d’enfants non scolarisés varient entre 104 millions11 (UNESCO,2000), et 115 millions (Banque Mondiale, 2003). Cependant, l’UNICEF estime que 121millions d'enfants ne sont pas scolarisés, dont 65 millions sont des filles12. Il y a un besoin decohérence concernant ces chiffres, qui doivent indiquer clairement s'ils concernent le taux 10 UNESCO, Genre et Education pour Tous, le Pari de l’Egalité, Résumé du Rapport, Equipe du Rapport Mondialde Suivi, 2003, Paris, France, page 1711 UNESCO, Genre et Education pour Tous, le Pari de l’Egalité, Equipe du Rapport Mondial de Suivi,2003, Paris, France.12 UNICEF, La Situation des Enfants du Monde 2004, New York, USA.

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net de scolarisation, le taux d'achèvement, ou un autre paramètre. Les donnéesdésagrégées en fonction du genre sont disponibles dans le rapport sous forme de chiffres etde tableaux. Cependant, il semble qu'il y ait un besoin urgent de s’assurer que lesgouvernements nationaux collectent des données fiables, désagrégées par rapport au genre,et actualisées. Les données pour l’éducation primaire sont plus approfondies que celles duniveau secondaire.

Afin d’accroître tant l’accessibilité que la qualité de l’éducation, le fait de se concentrer surles bonnes pratiques pourra aider les gouvernements, ONG, agences de l’ONU et bailleurs defonds à apprendre ce qui a bien fonctionné, et à l’incorporer dans les stratégies, politiques etplans d’action nationaux. Le RMS fournit ces connaissances plus comme rappel que pouroffrir de nouveaux éléments. Les exemples de bonnes pratiques cités concernentnotamment les manières de faire face au VIH/SIDA; aux crises économiques et conflits; lesbourses; les programmes de cantines scolaires; la protection des filles contre la violence; laconstruction de latrines; la réforme des curricula; la participation de femmes; et l’allocationdes ressources à l’éducation.

La réforme des plans nationaux, stratégies et politiques représente une façon de traduire lesconnaissances concernant les barrières et les bonnes pratiques en réalisations à grandeéchelle. Les agences gouvernementales et ministères pourraient tirer profit de ce chapitredu rapport RMS. Pour le citer: «Non seulement les pays fixent des objectifs pour l'EPU entermes de taux bruts et nets de scolarisation, mais ils adoptent aussi des instruments demesure de la participation, de la survie, de l'obtention des diplômes et de l'achèvement desétudes."13 »

Un effort coordonné est nécessaire au sein des gouvernements, ONG et agences de l’ONU.(Cependant le rapport s’exprime franchement sur l’efficacité minime du Groupe de HautNiveau de l’EPT, du Groupe de Travail de l’EPT, et les faibles niveaux de financement enfaveur de l’UNESCO.)

Environ 70 pays n’atteindront pas la parité de genre en matière d’éducation primaire etsecondaire en 2005. Cependant, il existe toujours un argument très fort pour que lesgouvernements, les ONG, les agences de l’ONU et les bailleurs de fonds se concentrent surl'objectif de 2015 concernant l’égalité de genre en matière d’éducation. Ceci exige desefforts concertés tels que la coordination, les politiques et les stratégies sensibles au genre,et la mise en œuvre des engagements internationaux, qu’il s’agisse d’un traité impliquant unengagement légal, ou d'un engagement financier. Par exemple, sachant que l’éducation estun droit humain fondamental incorporé dans la CDE, World Vision encourage ses bureauxnationaux à s’impliquer dans la préparation de rapports, comme ceux dirigés au Comité desDroits de l’Enfant. Ceci ne veut cependant pas dire que l’Etat peut manquer à sesengagements vis-à-vis de l’éducation. Les bénéfices sociaux, économiques, culturels et entermes de développement de l’éducation des filles et des femmes sont bien connus etexigent une attention diligente.

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13 UNESCO, Genre et Education pour Tous, le Pari de l’Egalité, Résumé du Rapport, Equipe du RapportGlobal de Monitorage, 2003, Paris, France, page 26

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PARITE ET EGALITE DE GENRE EN EDUCATION :QUELS PROLONGEMENTS POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE?

parFrédérique Weyer

[email protected]

Depuis le début des années 1990, de nombreux travaux ont été consacrés aux inégalités degenre dans le domaine de l’éducation. Ces travaux montrent que dans certaines régions, legenre est un facteur qui détermine l’accès à l’école. Ils révèlent aussi l'existence de biaisincorporés aux pratiques et aux contenus éducatifs – le curriculum caché - qui agissent surles trajectoires des garçons et des filles dans l'école et au-delà. En effet, ces biaisreproduisent des représentations stéréotypées du masculin et du féminin et influencent tantla formation de l'identité de genre que les comportements en matière éducative – attitudedans la salle de classe, choix des filières, efforts consacrés à l'apprentissage, etc. En cesens, l’éducation contribue à la reproduction des inégalités sociales de genre. De la mêmemanière, elle pourrait, si les conditions sont réunies, constituer un levier pour infléchir cesinégalités.

Simultanément, sur le terrain politique, la lutte contre les inégalités de genre est devenueune priorité des politiques internationales. Ainsi, la prise de conscience de l'importance dufacteur genre pour l'accès à l'éducation a donné lieu à l'inscription au sein des Objectifs duMillénaire de la lutte contre les inégalités d'accès aux différents niveaux d'enseignement liéesau genre. L'attention portée à cette question s'est traduite notamment par la publication dela version 2003 – 2004 du Rapport Mondial de suivi de l’EPT consacré aux inégalités degenre.

Les études et rapports abordant les liens entre genre et éducation se concentrentmajoritairement sur l'enseignement de base et/ou sur les filières générales de l'enseignementsecondaire. Par ailleurs, comme en témoigne par exemple le rapport de la Banque MondialeDéveloppement des qualifications professionnelles en Afrique Sub-Saharienne, les analysesconsacrées à la formation professionnelle demeurent le plus souvent peu perméables àl'approche genre. Bien que située à l’intersection de deux domaines largement explorés, laquestion du genre dans la formation professionnelle reste encore peu défrichée.

Nous soutenons que les outils employés pour l’analyse de genre dans l’enseignement peuventêtre adoptés pour définir le rôle que pourraient jouer les dispositifs de formation en relationaux inégalités entre hommes et femmes. Il importe néanmoins de tenir compte desspécificités de la formation professionnelle, en particulier de sa proximité au marché dutravail. L’analyse en termes de genre devrait en effet tenir compte des places qu'hommes etfemmes occupent au sein de ce dernier. Les analyses de genre appliquées au marché dutravail révèlent l’existence de trois types de discriminations: une discrimination horizontale,qui fait référence à l'existence de professions "masculines" et de professions "féminines",celles-ci étant en général moins prestigieuses, et donc moins rémunérées que les premières ;une discrimination verticale, qui poussent les femmes à occuper des postes subalternes alorsque les hommes monopolisent les postes de direction; et une discrimination selon lescaractéristiques de l’emploi: les femmes occupent majoritairement les emplois intermittents,à temps partiel et précaires, alors que les hommes ont tendance à se concentrer dans lesemplois permanents, stables et à plein temps.

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Ceci étant dit, qu'en est-il du système de formation? Quel rôle joue-t-il et devrait-il jouer enrelation aux inégalités entre hommes et femmes? Quels devraient être ses objectifs? LeRapport Mondial de suivi de l’EPT 2003 – 2004 distingue l'objectif de parité de genre decelui de l'égalité de genre en matière d’éducation, le premier représentant une étapepréalable pour la réalisation du second. Voyons comment ces objectifs peuvent êtretransférés à la formation professionnelle: Dans une approche "parité", on s'assurera quegarçons et filles sont équitablement représentés aux différents niveaux du système, et l'ontentera d'éliminer les obstacles à la formation des femmes. Les mesures allant dans ce senspeuvent s'inspirer de celles proposées par le Rapport Mondial de suivi de l’EPT: réduire ladistance que doivent parcourir les élèves pour se rendre au centre de formation, réduire lescoûts directs et indirects de la formation, garantir la sécurité des élèves à l’intérieur descentres, etc.

L'objectif d'égalité est plus exigeant car il fait référence à une égalité de résultats entregarçons et des filles en matière d'éducation, et vise un changement au niveau de la placequ'hommes et femmes occupent dans le marché du travail et dans la société en général.Appliquer une approche "égalité" au système de formation revient donc à traiter le thème dugenre à l'intérieur de ce dernier. L'égalité fait référence à une représentation équitable deshommes et des femmes dans les différentes filières, indépendamment de leur prestige. Dansle cas des formations fortement connotées en termes de genre (secrétariat, couture,informatique ou mécanique par exemple), l'égalité suppose d'intervenir au niveau del'orientation, mais aussi à celui des pratiques, des programmes et des manuels dans le butd'éliminer les représentations stéréotypées des genres. Nous pourrions aussi penser àl'incorporation de formatrices au sein des formations "masculines", et, inversement, àl'incorporation de formateurs dans les formations dominées par les femmes. D'autre part,hommes et femmes ne choisiront pas des professions contre-stéréotypées s’ils pensentqu’en raison de leur genre ils/elles seront discriminés/ées au moment de l’embauche. Pouraboutir à une insertion sur le marché du travail, il est indispensable de sensibiliser lesemployeurs concernés afin qu’ils modifient leur politique d’embauche.

Dans l’analyse de genre en éducation comme ailleurs, il importe de décloisonnerl’enseignement de base et la formation professionnelle. Dans la mesure où de plus en plus defilles achèvent le cycle primaire, il devient nécessaire de définir des perspectives appropriéesau-delà de ce niveau. L’existence de ces perspectives constituera à son tour une motivationsupplémentaire pour que les filles aillent jusqu'au bout de l’enseignement primaire.

Finalement, l’analyse de la formation professionnelle avec une perspective de genre reposesur la disponibilité de données de bonne qualité. Ces informations sont indispensables pourmieux cerner le rôle joué par la formation en relation aux inégalités de genre et définir desmesures appropriées pour éliminer ces inégalités. La prise de conscience de l'importance dugenre dans l'accès à l'école a incité les statisticiens à différencier systématiquement leursdonnées en fonction du genre. Nous espérons que cette tendance se diffusera bientôt audomaine de la formation professionnelle…

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LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES EN AFRIQUE DE L’OUEST AU REGARDDES DYNAMIQUES EN COURS AU SEIN DES SYSTÈMES D’ENSEIGNEMENT

TECHNIQUE ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE (ETFP) DANS LES PAYSMEMBRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA)

ParAugustin Niango

UEMOA

INTRODUCTIONL’ambition de la présente contribution est d’apprécier la pertinence, pour les pays d’Afriquede l’Ouest, des conclusions du rapport de la Banque Mondiale sur le développement descompétences en d’Afrique subsaharienne.

L’examen concerne les pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)qui regroupe huit pays : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger,Sénégal, Togo. Par ailleurs, il s’articule autour de quatre points principaux :

- La situation du marché du travail ;- Les initiatives gouvernementales en matière de formation et les transformations en

cours ;- Le développement de dispositifs non gouvernementaux dans le domaine de la

formation ;- La question du financement des systèmes de formation.

LA SITUATION DU MARCHÉ DU TRAVAILDepuis la fin des années 1980, la situation de l’emploi dans les pays membres de l’UEMOAs’est dégradée pour plusieurs raisons : forte pression démographique, crise économique dontla dévaluation de la monnaie commune, le franc CFA, en 1994, n’a pas permis de sortir,accroissement du rythme de sortie des systèmes éducatifs et de formation.

LES INITIATIVES GOUVERNEMENTALES EN MATIÈRE DE FORMATIONFace à ces enjeux, la réforme dans le domaine de l’emploi est apparue au cours des années1990 comme une question d’urgence. Ainsi, la plupart des Etats membres de l’UEMOA ont-ilsentrepris, entre autres mesures de dynamisation du marché du travail, d’améliorer leurssystèmes d’enseignement technique et professionnel.

Sur ce point, dans tous les pays, l’amélioration des systèmes d’ETFP est apparue comme unecomposante à part entière des réformes entreprises sur le marché du travail. Le rapport de laBanque Mondiale le souligne avec justesse.

Ces réformes se sont articulées autour de plusieurs axes parmi lesquels le renforcement de lacapacité de gestion des systèmes et la meilleure articulation de la formation à l’emploi.

Force est cependant de reconnaître que le rythme de ces réformes est demeuré lent, lessystèmes d’ETFP publics restant malheureusement encore trop centrés sur les besoins d’unsecteur formel qui se réduit de plus en plus au profit du secteur informel.

LE DÉVELOPPEMENT DE DISPOSITIFS NON GOUVERNEMENTAUXDes dynamiques de formation non gouvernementales existent cependant et méritent d’êtresoulignées comme le fait fort à propos l’étude de la Banque Mondiale. Toutefois celle-ci fait

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très peu de propositions pour que les initiatives heureuses recensées dépassent le simplecadre de projets pilotes pour s’étendre à une masse critique d’acteurs du secteur informel

Une étude conduite en 1999 par la Commission de l’UEMOA a permis de recenser une masseimportante d’initiatives non gouvernementales de formation en faveur des acteurs du secteurinformel. Pour la plupart, ces dispositifs sont initiés par la coopération bilatérale oumultilatérale et les organisations non gouvernementales. Il est regrettable que ceux-ci soient,pour la plupart, restés à l’état de projets pilotes.

LA QUESTION DES MÉCANISMES DE FINANCEMENTDans la réflexion de la Banque Mondiale, des options de mobilisation de ressources pour ledéveloppement des compétences sont proposées. Parmi ces options, le recours auxfinancements par les employeurs semble occuper une place de choix.

Dans les pays membres de l’UEMOA, cette option fait, depuis plus de dix ans maintenant,l’objet de réflexions et d’actions d’un grand intérêt à travers, notamment, la mise en place defonds de financement de la formation professionnelle alimentés par des taxes à la formationprofessionnelle.

Il reste que l’évaluation de l’impact de ces fonds est encore à faire, en particulier dans lespays où la faiblesse du tissu industriel ne permet pas de collecter des montants suffisants àla prise en charge d’une part importante des besoins de formation.

En matière de contribution des bénéficiaires, des efforts sont menés dans tous les pays,notamment dans le cadre de projets de formation dans le secteur informel. Leur impact estcependant limité, peu d’artisans ayant la capacité de contribuer financièrement à leurformation.

CONCLUSIONPour la région, soucieuse de faire du développement des compétences un facteur essentielde la réussite du processus d’intégration, il se pose un défi majeur : capitaliser lesexpériences réussies en soutenant les initiatives des Etats visant à mettre en place unestratégie de généralisation aux échelles nationale et régionale. Les DRSP constitueront, sur cepoint, un bon cadre.

Dans cette perspective, l’une des actions principales de l’UEMOA sera d’aider les structuresgouvernementales à mieux remplir leurs missions de coordination de la politique de formationprofessionnelle et technique. Dans cette perspective, il s’agira notamment d’aider à laformalisation des cadres de concertation entre les opérateurs du secteur informel, l'Etat et lesdispositifs d'appui par la mise en place d'un programme communautaire d’appui aux innovationsdans ce domaine.

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REGARDS CRITIQUES SUR LES POLITIQUESNATIONALES ET LES PROJETS

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ÉDUCATION TECHNIQUE ET PROFESSIONNELLE: DES ESPOIRS NON ATTEINTS.EST-CE UNE QUESTION DE MANQUE DE VISION, DE DEFINITION DES OBJECTIFS,

D’ENGAGEMENT OU DE QUOI ?par

Joshua BakuCoordinateur National

ROCARE - Ghana

Le rapport de la Banque Mondiale sur le développement de compétences en Afrique sub-Saharienne (Johanson et Adams) a tenté d'expliquer la faible attention qu’accordent lespartenaires techniques et financiers au développement des compétences en Afrique sub-Saharienne. J'ose affirmer que cela a été confirmé par l'apparent manque de vision, dedéfinition des objectifs, de professionnalisme et d’engagement officiels au Ghana.

Le document officiel sur les Réformes de l'Éducation au Ghana a anticipé les objectifs del’éducation Pour Tous (EPT). Ce Document promettait d’offrir à chaque enfant ghanéen uneopportunité égale de développer ses talents et ses capacités au maximum, et de créer enchacun(e) la conscience de la capacité humaine de pouvoir transformer son environnementet améliorer la qualité de vie en utilisant les progrès de la science et de la technologie. Pource faire il a cherché à diversifier le programme scolaire (plutôt que de professionnaliserl'éducation secondaire générale comme paraît le suggérer le rapport de la Banque Mondiale -page 75) afin d’aboutir à un modèle qui soit plus pratique, orienté vers le marché du travailet vers la recherche de talents, dans le but d'améliorer la qualité et la pertinence del'éducation pour l'individu et pour le pays dans son ensemble. L’histoire nous démontre quepartout l’éducation technique et professionnelle et la formation ont joué un rôle importantdans la transformation des sociétés.

L’accent sur l'acquisition de compétences pratiques pouvant aboutir à un emploi devraitimprégner l'ensemble des niveaux du système pédagogique. Cependant, les responsables dela conception de la réforme ont considéré qu’aux niveaux pré-tertiaires, l’accent doit être missur le développement de compétences pratiques cognitives générales dans des domainesspécifiques, tels que le dessin technique, la visualisation tridimensionnelle et le design.L'expression fonctionnelle pour le niveau de base devient ainsi «orientation vers les courstechniques et professionnels»

Cela suppose que, contrairement à la compréhension du public en général, donner uneorientation pratique et professionnelle à l’éducation de base ne doit pas être interprétécomme une volonté de produire des maîtres artisans ou des experts dans les différentsdomaines. L'objectif au niveau pré-tertiaire est d’identifier et d'alimenter les aspirationstechniques et professionnelles des étudiants pour qu'elles soient développées ultérieurementdans des institutions plus appropriées. Malheureusement ces deux objectifs (fonctions), quidoivent être considérés comme primordiaux dans le processus de la mise en œuvre, sontlaissés de côté. Pourquoi en est-il ainsi?

En fait, on peut soutenir l’idée que le mécanisme adéquat n'a pas été mis en place pour lesrendre fonctionnels. Le développement de capacités et de compétences pratiques d'un côté,et, de l'autre, l'enseignement dans le seul but de passer les examens, ne font jamais bonménage. Or c'est justement ce que les professeurs de l’enseignement technique etprofessionnel doivent affronter. Presque tous les acteurs clefs de l’éducation continuentd'ailleurs de juger la performance et la qualité des écoles uniquement en fonction des

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résultats à l'examen. Malheureusement, l'influence considérable que l'évaluation continuedevait exercer sur la certification n’a jamais été réalisée.

Deuxièmement, les résultats de l’éducation technique et professionnelle qui étaientescomptés n'ont généralement pas été atteints aux niveaux des enseignements SecondaireJunior (collège) et Secondaire Senior (lycée) au Ghana, et ceci pour deux raisons: les coûtstrès élevés et certaines politiques inhibitrices. Le système scolaire est incapable de faireface aux coûts, et la responsabilité concernant les ateliers - l’un des éléments clefs duprogramme de l’enseignement technique et professionnel - a été déléguée aux communautéssans qu'aucune évaluation de leur capacité d'endosser de telles responsabilités n'ait étéeffectuée. Pire que tout, certaines directives des politiques venant du Ministère étaientimproductives. Par exemple, les directeurs d'écoles devaient payer les dommages causés àn’importe quel outil qui leur avait été fourni. Les directeurs d’école sont devenus trèsréticents à mettre les outils à disposition de leurs étudiants lors des leçons pratiques. Sansateliers, sans outils et matériel, les cours consacrés aux matières techniques etprofessionnelles sont souvent enseignés comme des leçons d’histoire ou de littérature.

Un troisième point peut encore être soulevé. Les étudiants n'ont pas été attirés par les courstechniques et professionnels à cause de la perception concernant ceux qui poursuivent detels cours. L’opinion générale est que c'est seulement les éléments non académiques quichoisissent des cours techniques et professionnels. Ces cours sont par conséquentstigmatisés. Cette perception était bien connue, mais aucune initiative sérieuse n'a été prisepour la combattre.

Le résultat évident de tout cela est l'échec du système scolaire en matière d'identification etde formation des étudiants possédant des aptitudes et de l'intérêt pour les cours techniqueset professionnels. Par conséquent, la demande pour les cours techniques et professionnels dusecondaire a tendance à être très en deçà des attentes.

Si l'espoir de départ, qui était de diversifier le programme scolaire pour permettre à ces coursde transformer l'économie et la société ghanéennes, devait être atteint, il est alors grandtemps de mettre l’accent nécessaire sur les choses nécessaires, et de mettre en place lesmécanismes appropriés afin de rester fixé sur notre objectif.

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LA PERTINENCE DU CURRICULUM SCOLAIRE EN RELATIONAU MONDE DU TRAVAIL EN GAMBIE

parMakaireh N’Jie

Coordinateur National,ROCAREGambie

INTRODUCTIONActuellement la plupart des gouvernements font face à un problème international: il s’agit dela crise de l’emploi des jeunes, et la préoccupation concerne les politiques, stratégies, etpratiques dont les gouvernements devraient disposer pour traiter ce problème. Parmi lesfacteurs qui créent ce problème se trouvent :

• La situation stagnante de l’emploi dans le secteur privé.• Les exigences changeantes du marché de travail.

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• Le manque de pertinence du curriculum scolaire en relation au monde de travail, àl’éducation supérieur et à la formation (en particulier le curriculum de l’éducationsecondaire).

• Le manque d’investissement public adéquat pour l’Education Technique et FormationProfessionnel (ETFP).

Concernant la Gambie, il y a deux facteurs supplémentaires:a) Le faible taux de transition du lycée vers les institutions supérieures, particulièrement

pour les filles.b) La caractérisation traditionnelle stéréotypée des domaines d’études selon le genre

(les filles suivent surtout les matières qui ne sont pas techniques, et les garçonsétudient les matières scientifiques et techniques au niveau de l’école secondaire,particulièrement dans les zones rurales.)

Le problème a été analysé et passé en revue en 1999 par l’UNESCO et par le BureauInternational du Travail (BIT) pendant le Congrès International sur l’Education Technique et laFormation Professionnelle (UNESCO, 1999). Dans son discours, l’Adjoint au DirecteurGénéral pour l’Education de l’UNESCO a déclaré que l’un des objectifs majeurs de l’UNESCOest d’inclure « des matières professionnelles dans les curricula de l’éducation générale pouraider la jeune génération à acquérir des connaissances technologiques génériques, ainsi quedes compétences clefs pré professionnelles – faisant ainsi de l’ETFP pour tous une partieintégrante de la politique nationale de l’éducation.»

La Banque Mondiale (2004) s’est également penchée sur ce problème. Ainsi, son étudeintitulée Le développement des compétences en Afrique sub-saharienne indique que “Lechômage parmi les jeunes des zones urbaines continue d'exercer une pression pour faciliter lepassage de l’école vers l’emploi, en ajoutant un contenu professionnel au curriculumacadémique.» Mais l’étude poursuit ainsi: “ Bien que les connaissances professionnelles ayantune large application- telles que l’introduction à l’informatique – puissent être utiles, jusqu'àmaintenant la recherche n’a pas réussi à confirmer la valeur de l’insertion d’un nombre limitéde cours professionnels dans le curriculum pour donner un avantage comparatif aux jeunesfaisant leur entrée sur le marché du travail» L’étude suggère également que certainesformes de formation sont d’habitude plus efficaces que d’autres, et cite « la formationbasée sur l’entreprise » comme un exemple de modèle efficace de formation.

Cette présentation-ci examine deux questions:a) Le manque de progrès dans l’évolution de l’EFTP en Gambie (avec un accent sur le

facteur mentionné ci-dessus, c'est-à-dire la pertinence du curriculum du systèmeformel d’éducation (en particulier le curriculum de l’école secondaire) en relation aumonde du travail, à l’éducation continue et à la formation.

b) L’attitude des gens, en général, face à l’éducation continue, et en particulier, faceaux alternatives de l’ETFP.

L’auteur a le sentiment que ces deux questions critiques ne sont pas toujours traitées par lesétudes internationales consacrées à l’ETFP. Celle de la Banque Mondiale de 2004 parexemple, n’a pas suffisamment tenu compte de la question des attitudes sociales et desinfluences culturelles au moment de considérer les alternatives de l’EFTP dans les pays envoie de développement.

La présentation prend note de l’analyse et des recommandations de la Banque Mondiale, etde celles du BIT/UNESCO au congrès international sur l’EFTP tenu à Séoul en 1999, etpropose des stratégies possibles pour améliorer le taux de transition du système formel de

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l’éducation vers l’éducation continue et le monde de travail (parmi les élèves ayant complétéles études secondaires) en Gambie.

LE CURICULUM SCOLAIRE EN GAMBIELe besoin d’un curriculum scolaire plus pertinent en Gambie a été souligné dans plusieursétudes dès la fin des années 1970 et les années 1980. Les résultats de ces études ontrévélé que la relation entre les curricula de l’éducation et de la formation professionnelles etle monde du travail était minime. Les curricula scolaires appliqués alors avaient pour but defournir les connaissances correspondant aux différentes matières, et non la préparation desélèves à la participation active à la vie de la communauté. Par exemple, les curricula netransmettaient pas aux élèves une compréhension de la production et de l’utilisation de biensobtenus à l’aide de la science et de la technologie, ni une compréhension du monde qui lesentoure.

Dans le premier et le deuxième plan quinquennal du Gouvernement pour le DéveloppementEconomique et Social (de 1975 et 1980), on trouvait des projets apportant deschangements à l’environnement pour faciliter les compétences. De plus, la Banque Mondialerecommanda en 1977 l’installation dans le pays d’une Direction pour l’Education Techniqueet la Formation Professionnelle sous la tutelle du bureau du Président, et donna son soutienpour la construction d’un nouvel Institut de Formation Technique. Par la suite, en 1979, uneCommission Nationale de la Formation Professionnelle a été installée, chargée de laresponsabilité du développement d’une politique de l’Education Technique et FormationProfessionnelle. Cette Commission fut ensuite remplacée par un Conseil National del’Education Technique et de Formation Professionnelle. Cependant, malgré cette évolution,la majorité de jeunes avaient des difficultés à trouver un emploi approprié lorsqu’ils quittaientl’école.

La réalité est qu'à ce jour seul 20 pour cent des jeunes âgés de 16 à 19 ans fréquentent ledeuxième cycle de l’Ecole Secondaire, tous types confondus, et il y a par conséquent peu dechance de pouvoir tirer profit des talents disponibles au sein de la population. Dans le casdes domaines de la science et la technologie, le problème est aggravé par le fait que parmiceux qui entrent dans ces écoles, seule une petite proportion a un bon niveau dans lessciences et les mathématiques, et rare sont ceux qui sont exposés à quelque forme detechnologie que ce soit. Néanmoins, on parle toujours dans le pays du besoin de fournirsuffisamment de personnel technique pour assurer le développement économique et socialde la Gambie !

DEVELOPPEMENTS RECENTSEn1996, dans son document Vision 2020, le Gouvernement a formulé des directivesconcernant la manière de tirer profit des ressources humaines du pays afin de transformer laGambie en nation « florissante, dotée de politiques de libre marché et d'un secteur privéprospère, soutenu par une population bien formée, compétente, en bonne santé, autonomeet entreprenante.» Par la suite, en 1998, une mission d’évaluation du secteur de l’éducationde la Banque Mondiale a conclu que si le niveau de pauvreté était encore aussi élevé dans lepays, c'était à cause d’un manque de compétences techniques, et que l’éducationtechnique :

• N’était pas structurée de façon stratégique• Manquait d’orientation• Ne satisfaisait pas le besoin de stimuler la croissance économique et la production.

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La Banque Mondiale recommanda qu’une politique d’Education Technique et FormationProfessionnelle soit mise en place avant d’engager de nouveaux financements dans cesecteur du système de l’éducation. Le but global de cette politique serait:

(a) d’assurer une réponse adéquate aux exigences du marché de l’emploi dans tous lessecteurs de l’économie et en tenant compte du processus de mondialisation,

(b) d’offrir des opportunités d’apprentissage tout au long de la vie.

Les recommandations de la Banque Mondiale ont été incorporées dans la politique d’ETFP duGouvernement actuel, de sorte que, par exemple :1. Le cadre législatif de l’EFTP a été voté par l’Assemblée Nationale2. Une Autorité Nationale de la Formation (ANF) a été établie

Mais, quoiqu’il soit généralement reconnu dans le pays que tous les secteurs de l’économieont besoin de main d’œuvre de haut et de moyen niveau, ayant les compétencesscientifiques et technologiques appropriées, ces compétences ne pourront pas être créés dujour au lendemain. De plus, le fonctionnement efficace de n’importe lequel de ces secteursdépend non seulement du talent, mais aussi de la discipline de ceux qui désirent s’engagerdans les professions de ce secteur. Le développement de la discipline nécessaire à chaquesecteur est probablement plus difficile à réaliser que le développement intellectuel qui visel’acquisition par les jeunes de qualifications académiques. Néanmoins, selon l’auteur, si laGambie désire réellement développer tous les secteurs de l’économie, et si ce sont desGambiens qui doivent faire fonctionner ces secteurs, le système d’éducation devra se mettreen marche en inculquant les bonnes habitudes intellectuelles aux enfants gambiens bienavant qu'ils entrent dans le monde du travail.

L’AVENIRL'auteur est d’avis que l’approche à long terme du problème mis en évidence ci-dessusimplique une prise de conscience plus large de l’importance des sciences et de la technologie.Ceci est une tâche qui devrait commencer dès le foyer et se poursuivre tout au long del'école primaire et secondaire, jusqu’à l’Institut de Formation Technique et d’autresétablissements d’éducation et de formation. À cet égard, la recommandation duBIT/UNESCO sur la Formation Technique et l’Education et Formation Professionnelles étaitqu': “au regard de l'important développement technique en cours ou envisagé dans tous lespays du monde, l’éducation devrait être de nature à permettre à l’être humain de vivre dansune période de grand progrès scientifique et technologique. »

Cependant, une diffusion systématique d’une telle prise de conscience, couplée à l’acquisitionde la discipline permettant d’employer la science et la technologie de façon efficace, est unprocessus lent, et en Gambie, presque tout concourt à le rendre encore plus lent! Lamajorité de nos foyers est parfois guidée par des parents qui ne sont pas eux-mêmes initiésaux complexités de la science et la technologie modernes. De plus, la disponibilité dans nosécoles secondaires d’enseignants qualifiés en science, en mathématiques et en technologien’est pas satisfaisante. Cependant, la tâche de conscientiser les citoyens sur lespotentialités énormes de la science et de la technologie doit commencer au plus tard lors del’éducation secondaire, au moment où les jeunes sont influençables et peuvent être en trainde prendre des décisions parmi les plus importantes de leur vie.

Il est donc d’importance primordiale que le pays examine quelles sont les autres innovationsqui sont possibles dans le domaine de l’ETFP qui aideront à atteindre les objectifs exprimésdans la politique du Gouvernement pour l’éducation de base, dans la nouvelle politique del’EFTP et dans le document gouvernemental Vision 2020. Pour cette raison, il est souventsouhaitable d’examiner les réformes dans le domaine de l’ETFP dans d’autres pays. Par

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exemple il y a quelques années en Grande-Bretagne, des réformes importantes de l’ETFPétaient effectuées avec un certain succès. Il est clair que le Gouvernement britanniquereconnaît que l’apprentissage sur le tas a trop souvent été perçu comme une alternativeinférieure aux études académiques, approprié uniquement pour les élèves les moins doués. En Grande-Bretagne, ainsi que dans beaucoup d’autres pays, d’ailleurs, la politique actuellevise à:

(a) promouvoir la parité d'estime entre les programmes d’études professionnelles etacadémiques

(b) enlever les barrières tendant à empêcher aux institutions d’éducation de proposer auxjeunes un éventail de filières

En effet, au moment de rédiger cette présentation, le Parlement britannique réfléchit sur uneréforme supplémentaire (de l’éducation) visant notamment à modifier le statut de l’éducationet la formation professionnelles.

CONCLUSIONEn conclusion, l’auteur est d’avis que les politiques et stratégies de l’ETFP recommandées parl’étude de 2004 de la Banque Mondiale n'ont pas suffisamment tenu compte de la pertinencedu curriculum scolaire en relation à la transition de l’école vers monde du travail, ni du besoind’améliorer les attitudes de la société vis-à-vis de l’ETFP. Il est par ailleurs persuadé que si ledouble problème de la pertinence du curriculum scolaire et des attitudes de la société enversl’ETFP n’est pas pris en compte par la Gambie de façon sérieuse, il sera difficile d’atteindreles buts et objectifs souhaités par l’investissement futur dans le pays en matière d'ETFP.

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LA SCOLARISATION DES FILLES AU BENIN :L'ECOLE EST-ELLE VRAIMENT UN AGENT DE CHANGEMENT POUR LES

RELATIONS DE GENRE?par

Naïm Deen SALAMICoordinateur national

ROCARE Bénin

En s’appuyant sur l’histoire du développement des établissements scolaires au Bénin, l’auteurdémontre que la scolarisation des filles a toujours été une composante des politiqueséducatives de son pays depuis la période coloniale. Pour lui, l’obtention de résultats durablesen matière de scolarisation des filles passe par le changement du statut social de secondrang des filles et des femmes par rapport aux garçons et aux hommes. Et ce changementdoit se réaliser par le biais de l’éducation.

Depuis les années 1990, les programmes pour la promotion de l’éducation des filles se sontmultipliés au Bénin : la sensibilisation des communautés et des parents sur la nécessitéd’inscrire et de maintenir les filles à l’école jusqu’à un niveau avancé ; la formation desenseignants sur l’équité dans la salle de classe ; la création au niveau des six départementsdu pays d’un foyer pour les jeunes filles du secondaire ; la motivation et l’encouragementdes élèves filles à travers l’institution d’une cérémonie annuelle de remise de prix ; la mise enplace d’un système de suivi scolaire des meilleures élèves filles des séries et filièresscientifiques et techniques ; l’établissement d’un partenariat avec les ONGs nationales etinternationales œuvrant sur le terrain dans le domaine de la scolarisation des filles etc. À cesactions spécifiques s’ajoutent bien d’autres actions de portée générale telles que : laconstruction des infrastructures scolaires et l’équipement des écoles en mobilier, matériel

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didactique et pédagogique ; la suppression progressive des frais d’écolage au cours primaireà travers la subvention apportée à l’école par l’Etat ; la révision des programmes et desmanuels scolaires…

Le fait que plusieurs partenaires se soient impliqués dans ces efforts – y compris leGouvernement du Bénin, les parents d’élèves, les communautés, les enseignants et lesécoles, les autorités locales, les ONGs et quelques partenaires de l’extérieur – signifie quel’effort a été considérable. Il est cependant remarquable qu’en dehors de longues listes destatistiques sur l’évolution des taux bruts de scolarisation- qui constatent d’ailleurs quel’écart entre les garçons et les filles est persistant, sinon grandissant avec en prime un tauxde déperdition élevé pour les filles, aucune évaluation n’a été entreprise pour mesurerl’impact réel de ces programmes, pour démontrer le bien fondé de l’idée qui leur sous-tend,pour justifier leur existence, les appuis et autres actions engagées pour les pérenniser. C’estici le lieu de mentionner cette critique souvent faite aux études réalisées dans le domaine del’éducation sur le Continent Africain par le Groupe de travail sur l’analyse Sectorielle enEducation ADEA – UNESCO (1997). Un recensement des études réalisées au Bénin dans lecadre des programmes pour la promotion de la scolarisation des filles montre que la plupartd’entre elles sont orientées vers une prise d’information auprès des populations ciblées quantà leurs attitudes ou opinions sur la scolarisation des filles. D’autres cherchent à renseignersur les facteurs explicatifs de la stagnation ou de la baisse des effectifs ainsi que desdéperditions scolaires plus élevées chez les filles, mais pratiquement aucunes d’ellesn’apportent de fondement empirique ou analytique permettant d’améliorer les politiques etles programmes éducatifs dans le sens de la reconstitution des relations de pouvoir etd’autorité que l’école reproduit. En d’autres termes, le problème de la scolarisation des fillesne devrait pas être seulement un problème de leur intégration dans l’univers scolaire maiscelui de remise en cause de l’ordre social que l’école reflète.

Par ailleurs, le peu d'attention accordée aux expériences passées ou au contexte dedéveloppement de la scolarisation des filles au Bénin tend à faire oublier que la nouvelledonne que constitue la scolarisation des filles n’est pas un événement ou un mouvement dechangement mais un processus dans lequel le défi à relever reste principalement celui de lareconstitution des relations sociales et donc économiques et politiques.

Pour conforter cette thèse, il n’est que de faire un retour sur l’histoire du développement desétablissements scolaires au Bénin pour constater que dans la période coloniale, l’éducationdes garçons était séparée de celle des filles. Au niveau de chaque village, il existait une écolepour les garçons et une école pour les filles même si parfois les deux genres doivent partagerle même espace scolaire. Dans certaines villes, il y avait des collèges d’enseignementsecondaire de garçons et des collèges d’enseignement secondaire de jeunes filles. Cetteséparation était étendue aux écoles professionnelles : cours normal de garçons pour laformation des instituteurs et cours normal des jeunes filles pour la formation desinstitutrices.

Après l’indépendance en 1960 et ce jusqu’au début des années 70, de nouveaux lycées etcollèges publics dotés d’internats ont été créés : deux lycées de garçons, deux lycées dejeunes filles, des collèges d’enseignement secondaire et des écoles de formationprofessionnelle privée laïque et confessionnelle. La capacité d'accueil respective de cesétablissements ainsi que leur répartition à travers les trois grandes régions du pays dénotebien une volonté politique d’offrir l’accès équitable à tous, même si, dans l’ensemble, laplupart de ces établissements continuaient de fonctionner selon le régime de séparation desgenres.

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Le besoin d’accélérer la scolarisation par la démocratisation de l’enseignement et la nécessitéde maîtriser les coûts de la scolarisation ont conduit le Bénin à adopter une politiqued’expansion des écoles touchant les villages et les hameaux. Les collèges d’enseignementGénéral (CEG) se sont multipliés à travers tout le pays tandis que les internats des lycéespublics, devenus sans doute très coûteux, ont été supprimés. La mobilisation autour de cettepolitique d’élargissement de l’accès a pris une telle ampleur que l’on retrouvait dans la partieseptentrionale du pays – longtemps considérée comme défavorisée sur le plan scolaire parrapport aux régions du sud, de nombreuses écoles sans élèves. Ces établissements scolairesétaient pourtant construits par les communautés grâce aux ristournes provenant de la ventede leur principal produit agricole à savoir le coton.

Avec cette option est née la mixité : mélanger les genres pour augmenter les chancesd’accès pour tous. Dès lors, les parents pouvaient inscrire leurs enfants partout et les fillespoursuivre leurs études secondaires dans leur localité ou leur région respective. Mais l’autreidée qui présidait au principe de la mixité est qu’il fallait façonner les garçons et les filles dansle même moule de manière à lever les complexes et favoriser l’égal accès de tous à toutesles formes d’éducation sans discrimination de sexe. Ceci était sans doute une réponse auconstat que la scolarité séparée n’était pas favorable aux filles.

Aujourd’hui, après plus de quatre décennies de réformes et d’actions de toutes sortes enfaveur de la parité à l’école, l’on est obligé de constater, malgré toutes ces politiques – ousans doute à cause d’elles, que les jeunes filles constituent, avec une constance gênante, legroupe le plus vulnérable de la population scolaire surtout au niveau du cours secondaire. Etl’anomalie la plus évidente pour tous est ce taux élevé de déperdition qui prend sa forme dèsles premiers moments de la scolarité primaire.

Alors donc, pourquoi tous ces efforts consentis depuis tant d’années ne débouchent-t-ils pasà une égalité de chance de réussite dans la scolarité et dans la vie active pour les deux sexes,malgré la légère supériorité scolaire des filles constatée au cours des premières années deleur scolarité ?

Une révision s’impose. Elle est froide et déchirante. Elle nous invite à repenser l’école. Tellequ’elle nous a été léguée et telle que nous sommes en train de la construire peut-elle nousconduire au changement ? Étant donné le rôle primordial qu’elle joue dans l’organisationsociale en particulier dans la production et la reproduction des rapports de pouvoir, l’écolepeut-elle nous permettre de construire de nouvelles structures de pouvoir et d’instaurer denouveaux modèles d’autorité ? En d’autres termes, l’école d’aujourd’hui peut-elle nouspermettre de bouleverser les rapports sociaux existants ? Et sommes-nous prêts à accepterque ces rapports soient bouleversés ?

Notre propos n’est pas de faire un exposé de plus sur l’école mais de se demander si celle-cidemeure ou non un instrument à la fois de pouvoir de la classe dominante – celle deshommes - et de légitimation des rapports sociaux – entre homme et femme, garçon et fille -pour ne retenir que les éléments qui paraissent avoir une incidence directe sur les projetsnationaux et internationaux de scolarisation des filles.

Si l’école cesse de reproduire les rapports de pouvoir, elle nous formera des individus –garçon et fille, homme et femme à l’aise dans le changement parce qu’ils auront appriscomment apprendre, comment s’adapter et changer, parce qu’ils auront compris que lechangement est la chose la plus importante de leur vie.

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SCOLARISATION, GENRE ET DÉVELOPPEMENT DES COMPETENCESLE CAS DU NIGERIA

parOlinatemi BusariROCARE Nigeria

INTRODUCTION La Politique Nationale d'Éducation du Nigeria est fondée sur l'hypothèse très philosophiquequi voudrait que tous les enfants nigérians aient un accès égal à l’éducation quel que soit leurgenre, leur âge, leur religion, leur ethnie, leurs capacités physiques et leur appartenancepolitique ou leur statut social: l'école est placée devant le défi de fournir le même programmescolaire à tous (NPE 1998:7). En fait, en matière d'éducation, la scolarisation, le genre et ledéveloppement des compétences sont inséparables. En tant qu'institution favorisantl'acquisition des idées, des idéologies et la socialisation, l'éducation ne peut pas être séparéede la question brûlante du développement humain, de l’indépendance, de la responsabilisationet de la créativité. Par conséquent, l'éducation générale proposée par les écoles doitinculquer six valeurs. Parmi ces valeurs, «l'acquisition de compétences nécessaires pourassurer l’indépendance» et «l'acquisition de compétences appropriées et le développementdes capacités mentales, physiques et sociales qui sont les outils qui aident l'individu à vivredans la société et à apporter des contributions importantes à son développement» pourrontfaire de l’école un outil de développement personnel, d'auto- formation. Ces deux valeurssont la base d’une éducation durable et du développement national. Pour ce faire, leschangements dans les programmes scolaires ont pris en compte l’éducation technique etprofessionnelle dans les écoles secondaires. Des matières telles que l’agriculture, l'économiefamiliale, l’électronique, l’informatique, et la menuiserie ont été introduites pour atteindre cesobjectifs. Une évaluation rapide du statut de leur mise en œuvre révèle trop de théorie, dedisparités en matière de genre, et un manque d’enseignants, entre d’autres. Mais il estévident que ces matières sont inclues dans le programme et que pour les valoriser, il faudral’optimisme et l'implication de tous.

Avant et même après la Politique Nationale de l’Éducation révisée en 1998, le niveau de lapauvreté, de la violence, le taux d’abandon, le chômage, le nombre des diplômées de l'écolesecondaire, etc. paraissent être en hausse. Plusieurs actions dans le domaine de l'éducationont été mises en place dans le secteur éducatif aux niveaux local, national et international.Par exemple, l’enseignement supérieur a été introduit dans le système fédéral del’enseignement scientifique et technique. Jusque là, l’école semble avoir eu peu d’impact surla qualité de vie des populations, sur l'acquisition de valeurs morales et l'entreprenariat, dansle sens où beaucoup de ceux qui sortent des écoles secondaires et post secondairesn’arrivent pas à intégrer l’enseignement supérieur ou à obtenir un emploi. Les jeunes indéciset passifs n'arrivent pas à créer des emplois pour eux-mêmes ou à créer des associationspour résoudre leurs problèmes

A partir de ce qui est déjà dit, il est clair qu’on ne peut pas s’attendre à grande chose là où lapratique n’est pas soutenue par la théorie vice-versa. L’Education technique et la FormationProfessionnelle (ETFP) encouragée par quelques organisations internationales au niveau dusecteur informel de l'économie produisent souvent peu d’impact pour la simple raison que ledéveloppement des capacités n’est pas accompagné d’un enseignement théorique. Ainsi, onest en face de questions critiques que nous devrions essayer d'élucider: i. Est-ce que l’enseignement n'est pas assez professionnel ou est-il trop académique?

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ii. Est-ce une éducation sans discrimination, inaccessible, pas flexible et sans créativité,combativité, capacités cognitives ou de compétences entreprenariales? iii. Est-ce que le modèle éducatif aux niveaux fédéral, étatique et local reflète ledéveloppement des compétences de la jeunesse nigériane? iv. Est-ce une école qui ne favorise pas l’équité entre les genres en matière deresponsabilisation avec un accent particulier mis sur l’environnement?

Par exemple la dernière question soulève une question pertinente concernant l’équité entreles genres qui reste encore non résolue. Il est peu probable que la politique visant à donnerdes chances égales proclamée par les politiques nationales prenne réellement en compte lesdisparités entre garçons et filles, dans la mesure où l'écart moyen entre garçons et filles estde 30% avec des disparités atteignant 48% dans deux états du nord du pays, alors que cetécart est souvent inférieur à 10% dans le sud et est favorable aux filles dans deux étatsseulement.

ÉLIMINER LES DISPARITES ENTRE LES GENRES: LES EFFORTS ACTUELS Le Nigeria a réalisé beaucoup d'efforts pour atteindre les objectifs de la parité entre lesgenres.• Le Nigeria reste un membre proéminent des 25 pays qui ont promis d’accélérer les

progrès dans la scolarisation des filles d’ici 2005. Cette initiative a conduit au lancementde la Stratégie pour Accélérer l'Éducation des Filles au Nigeria (SAEFN) en juillet 2003.

• Le Nigeria a aussi démontré son engagement sans équivoque en faveur des enfants envotant la loi sur les droits de l’enfant pour soutenir les principes de la Convention relativeaux Droits de l’Enfant. Le plan stratégique pour l’Éducation de base universelle engage leNigeria à pourvoir aux enfants des écoles qui répondent aux besoins des enfants (ChildFriendly School). La nécessité de s'assurer que les principes des Child Friendly Schoolsdeviennent la norme pour toutes les écoles plutôt que la caractéristique de quelquesécoles élites biaisées en relation au genre.

• En outre, les projets de plans d'Éducation Pour Tous (EPT) ont déjà été dressés par 20états et il est prévu qu’un Plan National d’Éducation Pour Tous soit bientôt adopté auNigeria. L’UNICEF espère que ceux-ci seront traduits rapidement en actions axées sur lesrésultats.

• Le Nigeria a un système éducatif informel très développé, essentiel pour améliorer l’accèsdes filles, garçons et adultes qui sont en dehors de l’école traditionnelle. Les écolesnomades et coraniques sont appuyées de façon adéquate par le gouvernement pour offrirdes programmes scolaires plus efficaces et complets.

• Le partenariat entre le Gouvernement nigérian et ses partenaires de développement esttrès solide. L’UNICEF, l’UNESCO, la Banque Mondiale, DfID, USAID et JICA ont formé unealliance, appelée Sagem Plus dont la mission est d'aider le Nigeria à atteindre rapidementles objectifs de la parité entre les genres fixés pour 2005, ainsi que les Objectifs deDéveloppement du Millénaire en matière de santé, d’eau et d’assainissement.

• Le Programme de l'Éducation de base au Nigeria a permis de réduire sensiblement lamoyenne nationale de disparité genre.

STRATEGIE NECESSAIRE POUR PROMOUVOIR L'EQUITE ENTRE LES GENRES DANSLE DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES A TRAVERS L’INSTRUCTION FORMELLELa réalité est que l'instruction reste encore le socle du développement. Appuyer les écolesformelles par un apprentissage basé sur la pratique qui renforce graduellement les capacitésnécessaires dans les professions techniques et scientifiques doit être une préoccupation eten même temps susciter de l'optimisme. Il est par conséquent un devoir pour tous decollaborer pour promouvoir l’éducation pour tous:

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1. En éliminant la discrimination faite sur la base du genre dans les pratiques administratives,les politiques en matière d'éducation, ainsi que les contenus de programmes scolaires àtendance sexistes; 2. En réduisant les coûts directs de scolarisation par des mesures incitatives telles que lesbourses d'études pour attirer des filles, particulièrement dans des filières où les besoins sontgrands; 3. En abaissant l'âge de rentrée à l'école primaire par l'introduction de maternelles dans lesécoles publiques; 4. En éliminant les biais en matière de genre dans les manuels scolaires recommandés et endonnant aux éditeurs des directives pour la prise en compte du genre; 5. En sensibilisant les professeurs, parents, élèves, et étudiants (des deux sexes) et lescommunautés entières, y compris les responsables religieux et le personnel des mass médiasur les questions de genre et les ressources culturellement pertinentes dans l’enseignementet la transformation de valeurs; 6. En lançant des campagnes agressives pour la scolarisation de tous les enfants et eninterdisant le retrait des filles très motivées des écoles professionnelles et techniques; 7. En constituant des données désagrégées par genre pour permettre une meilleure prise encompte du genre dans la planification de l’enseignement; 8. En recentrant le débat sur le financement par le gouvernement des études sur le genre etl'éducation.

La grande question qui demeure est la suivante: Allons-nous résoudre la question dedéveloppement des capacités des filles au sein ou en dehors de l’éducation formelle ?Cependant, si notre objectif est le développement1. Des cours de pré qualification intensifs pour les filles au niveau du secondaire peuvent êtredonnés pour les encourager à acquérir et à développer les valeurs nécessaires à l'acquisitiondes connaissances et des compétences dans des cours portant sur l'économie domestique, lacuisine, l’agriculture, la construction, la peinture et la décoration, l’informatique,l’électronique, la lessive et l'entretien des habits, la mécanique, l'organisation financière, lanutrition et la cuisine, l’entretien des véhicules etc…2. Donner une seconde chance ou une opportunité d’éducation non formelle aux filles quipour différentes raisons comme la grossesse ont abandonné l’école;3. Le gouvernement doit s’assurer que l'éducation de base n'est pas seulement la lecture,l’arithmétique et l’écriture; il doit ajouter une quatrième matière concernant les arts créatifs,le comportement et la réduction de risque. Cela englobe: la bonne santé physique, lamaîtrise de soi, le respect, la confiance, le développement spirituel, l’honnêteté, l’espritpositif, la responsabilité, la persistance, les capacités de communication, et l’espritd’indépendance.4. Les actions communautaires doivent se baser sur l’information, l'éducation et lacommunication concernant le VIH/SIDA. Ces messages peuvent être intitulés ainsi :

a) L'éducation augmente l'estime de soi b) L'éducation augmente la capacité de refuser les comportements à risquec) L'éducation améliore les relations entre les sexesd) L'éducation améliore le statut des enseignantes

5. les filles ne doivent pas seulement aller à l’école, elles ont besoin de soutien pour y rester.Ce soutien peut prendre les formes suivantes :

Un programme scolaire pertinent et des supports didactiques culturellement adaptés Une école propre qui répond aux besoins physiques de filles; et L’implication des parents et de la communauté.

6. Les efforts de la Banque Mondiale et de l’UNESCO centrés sur le ETFP au niveau informellors de stages professionnels, et la reconnaissance des insuffisances des cadres théoriquesdes programmes de formation actuels sont les bienvenus. Vu l’âge des enfants du secondaire

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et la proportion importante des filles, un contrôle de l'intégration de l’éducation formelle etinformelle pour le développement des compétences est une condition sine qua non. C'estaussi un moyen de mobiliser les ressources dans les communautés pour les mettre au servicede l’école vice-versa. Cela aidera à recenser les ressources pour aider les apprenants àplanifier, organiser et faire des projections pour les besoins à venir.

Bibliographie

Federal Republic of Nigeria (1998), National Policy on Education, Abuja, NERDC

Johanson, R and Adams, V.(2004), Skills Development in Sub-Saharan Africa, World BankRegional and Sectoral Studies Washington D.C, World Bank

Working Group for International Cooperation in Skills Development (2003), Debates in SkillsDevelopment, Edinburgh.

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FORMATION DES ENSEIGNANTS ET QUALITÉ DES APPRENTISSAGES AU NIGERpar

Laouali Malam MoussaCoordinateur National

ROCARE Niger

INTRODUCTIONL’importance de l’éducation dans toute société fait que la formation des éducateurs occupeune place de choix partout au monde. En effet, l’instinct de survie de la culture etl’impérieuse nécessité d’assurer la continuité de la production des biens et services sont desimpératifs qui commandent aux groupes sociaux de faire attention à la qualité des ressourceshumaines commises à cette tâche (Malam Moussa, 2004). Parce qu’il doit développer lespotentiels des individus à lui confiés et que ces derniers sont les principaux acteurs duprocessus d’apprentissage, pour reprendre l’expression de Lefebvre (1966), le formateur abesoin d’une préparation adéquate, avant et en cours d’emploi, tant sur le plan général quetechnique. En effet, nous dit Bernard, pour maîtriser sa classe l’enseignant doit être crédiblesur tous les plans. Autrement, il lui manquerait cet air d’autorité et de maîtrise de soi siindispensable pour réussir sa mission, car il faut se tenir pour tenir les autres. (Cité parMacaire, 1993, p. 47)

C’est avec cette conviction à l’esprit que nous avons entrepris de questionner l’impact dela qualification des maîtres sur la qualité des apprentissages au Niger. Cette interrogationest d’actualité dans la mesure où le pays est engagé dans un processus d’expansion del’offre éducative dans un contexte caractérisé par une extrême rareté des ressourceshumaines et financières. Les contraintes budgétaires imposent des restrictions sur lerecrutement des personnels et le recours à des formules ad hoc comme lacontractualisation et l’engagement de jeunes sans formation initiale pour tenir les classes.Une mission de contrôle menée en février/mars 2005 indique qu’il y a 15 894contractuels sur un total de 25 449 enseignants en poste dans les écoles soit 62,45%.

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L’autre limitation est que, de l’avis même du ministère en charge de l’éducation de base,la qualité de l’enseignement est préoccupante à cause des effectifs pléthoriques desclasses, des programmes inadaptés au contexte local, de l’insuffisance et de la faiblequalité des enseignants, de l’insuffisance des moyens didactiques et des infrastructures etéquipements scolaires.

La conséquence des insuffisances sus mentionnées est bien entendu la contre performancedu système éducatif nigérien comme l’illustre la faiblesse des résultats des élèves lors del’évaluation régionale des apprentissages où les pourcentages étaient inférieurs à 50% danstoutes les disciplines et son inefficacité interne manifestée par les taux de redoublement de12,1% au primaire avec un engorgement en fin de cycle (36,4% de redoublement).

STRUCTURES ET EVOLUTION DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTSLa formation avant emploi des enseignants se fait en un an dans les écoles normales selondeux filières à savoir (i) brevet d’études du premier cycle du secondaire ou (ii) baccalauréatde l’enseignement secondaire. Dans le premier cas les formés sortent avec le certificat de find’études normales option instituteurs adjoints et dans le second cas ils sortent avec le graded’instituteur. Les instituteurs adjoints ont la possibilité de revenir à l’école normale surconcours après quelques années de pratique pour préparer le certificat d’aptitudeprofessionnelle qui leur permet de devenir instituteurs.

Avec la réouverture de l’école normale de Tillabéry en octobre 2003 le nombre desétablissements est passée à cinq portant ainsi la capacité d’accueil à 3486 en 2004 contre2547 en 2003. Les statistiques concernant les effectifs des écoles normales de 1998 à2003 font ressortir une représentation des filles relativement bonne -3829 sur 10432—, cequi indique que le genre est bien pris en compte dans la mise en formation des enseignants.

Le programme de formation est organisé autour de deux blocs d’activités que sont les coursthéoriques et les stages pratiques. En principe, il doit y avoir une alternance entre lesenseignements et les stages de façon à ce que chacune des trois unités de formation dont ladurée est de deux mois et demi soit suivie d’un stage de quinze jours. En réalité, au lieu dequarante cinq jours de stage, il arrive que certains élèves maîtres totalisent moins de vingtjours. La réduction de la durée n’est pas la seule insuffisance qui caractérise le déroulementdes stages. En effet, la partie rurale qui met les futurs enseignants dans des conditions plusproches de la réalité du terrain tend à disparaître pour des raisons financières.

LES FORMATEURS ET LA QUALITE DE LA FORMATIONLes données recueillies au niveau de deux écoles normales indiquent que les formateurs nesont pas qualifiés pour la tâche car sur un total de 54 encadreurs, 29 sont des instituteurs,et 24 autres sont des diplômés de l’enseignement supérieur général. L’impréparation desencadreurs se reflète dans leurs pratiques de classe caractérisées par l’usage quasi exclusifde la méthode magistrale. Le manque de formation et l’insuffisance de la documentationconstituent leurs plus grands problèmes en ce qui concerne les cours théoriques tandis que ledénuement des établissements au plan de la logistique compromet le suivi des élèves lorsdes stages terrain. Il ressort que la formation initiale des enseignants souffre des mauxsuivants en plus de ceux indiqués ci-dessus:• Les arrêts de travail intempestifs ;• La sévère réduction de la durée des stages pour des raisons de prise en charge ;• L’absence de motivation pour attirer des candidats qualifiés ;• La politisation de la gestion des écoles ;• Le caractère très général des cours théoriques et les biais de l’évaluation.

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En guise de conclusion, nous pouvons dire que la formation initiale des enseignants au Nigerprésente des insuffisances notoires. Par conséquent, il n’est pas surprenant que laperformance des élèves soit en deçà des attentes. Cet avis est largement partagé par lesenseignants en exercice qui disent que l’école normale ne prépare pas bien l’élève maître àaffronter les réalités du terrain. Le contrôle effectué en février/ mars 2005 a fait ressortir undéficit d’animation pédagogique, donc de formation continue. Sur tout un autre plan, laprécarité de la situation des enseignants contractuels n’est pas de nature à assurer leminimum de sérénité indispensable au bon déroulement du travail de l’enseignant. Dans larégion de Diffa on relève par exemple que 205 des 298 enseignants en poste au niveau de57 écoles sélectionnées au hasard sont des contractuels soit un pourcentage de 68,79% etque plus de la moitié n’ont pas reçu la formation initiale. Cette situation ne peut pas laisserindifférent tout celui qui est préoccupé par la qualité de l’enseignement. La région de Zinderprésente les mêmes caractéristiques comme le soulignent les auteurs du rapport demission : Le commentaire fait sur la qualité au niveau de Diffa vaut pour la région de Zinderavec la poursuite du recrutement des jeunes sans formation comme contractuels del’enseignement (Malam Moussa et Souley, 2005).

REFERENCESLefebvre, J. (1966). Les adultes à l’école. Montréal : La Patrie.Macaire, F. (1993). Notre beau métier : manuel de pédagogie appliquée. Versailles, France :Les classiques africains.Malam Moussa, Laouali (2004). Ethique et déontologie de l’enseignant.  Communicationprésentée à l’atelier sur la corruption dans le secteur de l’éducation au Niger.Malam Moussa, Laouali et Souley, Maazou (2005). Rapport de mission de contrôle desressources. Niamey, Niger : Ministère Education de Base et Alphabétisation.

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COMPENSER LES ÉCHECS ET LES DÉPERDITIONS SCOLAIRESPOUR AMÉLIORER LE SYSTÈME ÉDUCATIF

parSouleymane SarrDirecteur exécutif

AJA MALIAssociation jeunesse Action

Depuis plus d’une décennie se sont développées en Afrique des initiatives plus ou moinsimportantes d’éducations non formelles pour d’une part compenser le faible recrutement desenfants à l’école et d’autre part recevoir la grande horde des personnes exclues du systèmeéducatif classique. Cette seconde vocation est d'autant plus importante que nos systèmeséducatifs apparaissent de plus en plus comme des machines d’exclusion d’élèves, avec toutce que cela comporte comme impacts négatifs sur l’avenir et la carrière future des jeunes.L’éducation informelle sous la houlette d’ONG et souvent de l’Etat est donc devenue unealternative très crédible à l’école formelle. Mais pour autant, les éducations non formellesdoivent être bien structurées, en rapport avec les réalités socio économiques du milieu (pouroffrir les meilleures chances d’insertion aux jeunes) et à cet égard être porteuses de savoirsfaire pertinents pour les jeunes, à l’opposé de l’école formelle. Au Mali, les CED, centresd’éducation pour le développement constituent une formidable opportunité de réponse à ce

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souhait dans les milieux rural et péri urbain les plus durement frappés par les phénomènes denon scolarisation des enfants et de déperdition scolaires. Mais jusqu’à ce jour aucunepolitique claire n’a été adoptée par les autorités de l’éducation au sujet de ces centres(malgré leur fort potentiel en matière de formation et d’insertion professionnelle) qui sontsous la tutelle du ministère de l’éducation nationale. Depuis 2001 AJA Mali a mis en placeune expérience innovante dans le cadre de ces CED, la formation duale, une formationportant à la fois sur l’éducation de base (donc la transmission de connaissancesinstrumentales) et sur l’initiation pré-professionnelle qui prépare les futurs jeunes à uneinsertion professionnelle. Une telle expérience, comme toutes les pratiques de formation nonformelle, ne saurait réussir sans trois conditions :

• L’implication effective des communautés dans la mise en marche et lefonctionnement de l’initiative. Cette implication peut se traduire par un rôle accrudes représentants locaux en matière directionnelle, organisationnelle et financière.Les communautés consentent ainsi des efforts qui légitiment l’expérience et lacrédibilisent aux yeux de tous les partenaires de l’école dont surtout l’Etat. Celui-ci acompris progressivement que sans l’apport des initiatives privées, expressions desbesoins communautaires, l’éducation se murerait dans une sorte d’immobilisme et deblocages contredisant tous les objectifs tant prônés d’adéquation de l’école à la vie.

• La participation de l’Etat, sous la forme d’une tutelle effective sur la conduite desprogrammes et d’une subvention qui complète l’engagement préalable descommunautés. Le rôle normatif de l’Etat est indispensable pour éviter les pagaillesdans un secteur où de plus en plus la quasi-totalité des acteurs est privée et oùdoivent s’exprimer des pratiques privées. Cet engagement de l’Etat sera alors unvecteur de légitimation des actions et pratiques dont la finalité est d’offrir auxenfants une préparation à une vie socio professionnelle de qualité

• L’évolution des méthodes pédagogiques : celle-ci apparaît comme une plausiblenécessité au regard de la nature même des groupes cibles concernés (recalésscolaires, jeunes analphabètes…) peu enclins à supporter le poids d’une éducationreproduisant le modèle de l’école classique fondé sur un enseignement dirigiste nelaissant pratiquement aucune marge ni aucune liberté d’initiative aux élèves. Afind’adapter l’enseignement au niveau et au contexte des apprenants, AJA Mali a misen place deux inventions pédagogiques, la valise du savoir et la boîte à image. Lepremier outil, la valise du savoir, est une valisette contenant le vocabulaire socioéconomique et professionnel des apprenants et dont l’utilité est de les sortir desméthodes contraignantes d’apprentissage en leur proposant une approche plussouple basée sur la volonté et la disponibilité de l’individu. Quant a la boîte à image,elle se sert des images pour susciter la réflexion et la compréhension chezl’apprenant, qui n’a ainsi pas besoin des apprentissages épuisants et souventfortuits. Pour ces inventions comme pour d’autres, se pose un crucial problème dereconnaissance par les autorités éducatives et celui de la vulgarisation à l’échellenationale. Les ministères en charge de l’éducation doivent aujourd’hui intégrer lesapproches participatives garantissant une participation et un intéressement réel desapprenants pour la formation. En effet, l’apprentissage ne doit plus représenter unfardeau pour les apprenants, qui doivent au contraire en avoir une opinion positive etcomprendre qu’ils sont les premiers responsables de leur formation.

En somme il y a lieu de noter que l’enseignement informel a besoin d’une validation et lacertification de l’Etat pour asseoir davantage sa crédibilité et continuer à se développer pouroffrir une seconde chance aux exclus. À cet égard il ne doit pas être perçu comme l’opposé

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de l’éducation formelle mais comme un facteur complémentaire rétablissant l’équité etl’égalité de tous face à l’éducation, dans l’optique de l’éducation pour tous d’ici 2015. Aussiil faudra instaurer entre l’Etat, les ONG, les autres partenaires un cadre de concertationpermanente susceptible d’impulser une cohérence autour de toutes les activités d’éducationnon formelle.

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FORMATION DES ASSISTANTS DE DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE,ALPHABÉTISATION ET CRÉATION DE MICRO-ENTREPRISES

parAmadou Tidjane DIALLOCoordinateur National

ROCARE Guinée

Le but de cet article est de décrire une expérience de formation des formateurs d’agentsd’alphabétisation et d’assistants de développement communautaire réalisée à l’ISSEG(Institut Supérieur des Sciences de l'Education de Guinée) dans le cadre d’un projet appuyépar l’Institut Suisse de Pédagogie pour la Formation Professionnelle de Lugano. Il sera articuléautour de trois points : contexte, objectifs du projet, ses résultats et perspectives.

CONTEXTEMalgré ses atouts naturels remarquables, la République de Guinée figure parmi les pays moinsavancés de la planète. Plus de 40% de ses habitants vivent en dessous du seuil de pauvretéet 60% de ses adultes sont analphabètes. La misère et l’illettrisme touchent davantage lesfemmes que les hommes. Le cas guinéen montre bien que pour améliorer la qualité de viedes populations, il est essentiel de développer les compétences des actifs en matière deleadership, de planification, de programmation, d’exécution, de contrôle et de gestion desressources humaines, matérielles et financières tant au niveau central qu’à celui descommunautés de base et des collectivités décentralisées.

Conscient de ces réalités, le Gouvernement a adopté un document de stratégie de réductionde la pauvreté qui accorde une large place à l’éducation et en filigrane à la promotion desdiverses formes d’apprentissage aussi bien au niveau individuel que collectif. Cettepréoccupation pour la qualité des acquis des apprenants jeunes et adultes, projette enpremière ligne l’Institut Supérieur des Sciences de l’Education de Guinée (ISSEG) dans sondouble mandat de formation des formateurs et de recherche en éducation. On peut définir leformateur comme celui qui analyse les besoins de formation d’un public donné, élabore leprojet de l’intervention, en assure l’organisation, la promotion, la supervision, la réalisation enclasse et sur le terrain, met en place éventuellement le tutorat et évalue les résultats del’action de formation. Pour être efficace dans le domaine du développement, le formateurdevra en plus jouer le rôle de facilitateur des processus de réflexion et de communication,faire preuve d’une grande capacité d’écoute et être disposé à s’adapter continuellement à ladynamique des apprenants. Il doit aussi stimuler la créativité des acteurs en aidant lacommunauté à expliciter ses besoins, à se fixer des objectifs pertinents, à élaborer et àréaliser un plan d’action en mobilisant de manière judicieuse les ressources disponibles dansson environnement. Enfin il doit soutenir émotionnellement les leaders locaux aux momentscruciaux de leur action.

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Guidé par cette conception élargie du formateur, l’ISSEG a établi en 1998 des contacts avecl’Institut Suisse de Pédagogie pour la Formation Professionnelle de Lugano. Cette rencontre adonné naissance au projet de formation en alphabétisation et développement durable avecl’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour laformation à distance.

OBJECTIFS DU PROJET ET CONTENUS DE LA FORMATIONLe projet visait à développer les capacités de l’ISSEG à tirer profit des technologies del’information et de la communication en vue de concevoir, adapter et organiser des modulesde formation pour la formation des formateurs d’agents d’alphabétisation attentifs auxbesoins des populations cibles (agents d’alphabétisation, membres de la communauté)  ainsiqu’à organiser des réseaux de micro-projets centrés sur l’éducation au développementcommunautaire et à l’amélioration de la qualité de la vie.

En novembre 1999, quatorze stagiaires ont été recrutés et formés pour une période dedouze mois dans trois domaines : un volet théorique qui permet de faire acquérir auxstagiaires formateurs des connaissances indispensables sur l’alphabétisation, la méthodologiede l’élaboration d’un micro-projet de développement, les notions élémentaires de gestion desmicro-entreprises (gestion administrative, comptable, commerciale et économique), un voletd’initiation aux TIC et un volet pratique qui consiste à alphabétiser des membres d’unecommunauté bien précise, d’analyser leurs besoins, d’élaborer un micro-projet dedéveloppement répondant à l’une des priorités identifiée par le groupe en question etd’accompagner les bénéficiaires dans sa réalisation. .

RÉSULTATS DU PROJET ET PERSPECTIVESÀ la fin de la session de formation théorique, huit micro-projets ont été rédigés par lesapprenants en relation avec les préoccupations des populations qui ont été alphabétisées.L’ISPFP de Lugano a mobilisé auprès de partenaires suisses (Fondation Jakobs, FondationPoschiavo, Rotary Club de Lugano, antenne de Conakry de la Fondation Allemande pourl’Education des Adultes), les moyens nécessaires à l’exécution des quatre micro-projetsalliant alphabétisation et promotion de micro-entreprises parmi lesquels on peut citer :

1. Le projet d’alphabétisation et d’installation d’une décortiqueuse de riz pour legroupement maraîcher de Kassonya, village situé à 38 km de Conakry. Lespopulations de ce village ont construit par leurs propres moyens et sous le leadershipdu président du district et de l’imam, un hangar qui abrite aujourd’hui ladécortiqueuse de riz livrée par le projet. Quatorze femmes ont été certifiées par leService National d’Alphabétisation sur la quarantaine d’adultes inscrits au coursd’alphabétisation.

2. Le projet ISSEG-cyberformation pour le Développement de Bellevue lancé le 7 avril2002. Doté d’une dizaine d’ordinateurs tous connectés à l’Internet, il visel’alphabétisation informatique des jeunes.

La démarche utilisée dans la mise en œuvre des projets de ce type a conduit à l’émergenced’une nouvelle figure professionnelle appelée par certains auteurs « accompagnateur deprojets » dont le rôle est d’aider les personnes ou les entités à s’organiser en groupes, àtraduire leurs idées en projets concrets et à les réaliser. L’expérience décrite montre quepour combattre la pauvreté, il conviendrait d’avoir une vision systémique intégrant à la fois laformation d’assistants de développement, l’utilisation de la communication médiatisée parordinateur, l’éducation des adultes ainsi que la promotion de la micro-entreprise et du micro-crédit.

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BIBLIOGRAPHIEDieter Schürch (2000) : Verso una pedagogia dello sviluppo territoriale : il caso Poschiavo inP. L. Amietta (o cura di).: I luoghi dell’apprendimento, metodi, strumenti e casi di eccellenzadelle nuove formazioni, Franco Angeli, Milan.

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LE DÉVELOPPEMENT DE LA SCOLARISATION ET DE LA SCOLARITÉ DES FILLESDANS LES ZONES À PLUS FAIBLE TAUX DE SCOLARISATION AU TOGO

parPhilippe Dzek AmevigbeCoordinateur national

ROCARE-Togo

L’éducation de base au Togo est caractérisée par un accès à l’enseignement primaire encorelimité ; un accès très inégal entre garçons et filles, entre régions et entre préfectures.

En 1996, le taux net de scolarisation présentait de fortes disparités entre filles et garçons,surtout dans les préfectures de Dankpen (Garçons : 80,44%; Filles : 43,90%) et Kéran (G:66,04% ; F : 37,18%) de la région de la Kara. La région des Savanes, située à l’extrême norddu pays, affichait, la même année, le taux de scolarisation le plus bas du Togo, (43,1%), etune forte disparité entre filles et garçons s'élevant à 21 points au niveau de l’accès à l’écoledans la préfecture de Tône. À la faible accessibilité, s’ajoute une faible efficacité internemarquée notamment par des taux de redoublement élevés.

Dans le cadre de la coopération Togo- Unicef (1994-1996 ), et à travers un projet dénommé,Scolarisation des filles, exécuté par l’ONG Aide et Action en partenariat avec l’Unicef, desstratégies d’éducation parentale et des activités d’allègement des tâches pour les filles et lesfemmes furent expérimentées au cours de la période de 1997 à 2002 dans les préfecturessus-citées pour améliorer la scolarisation et la scolarité des filles.

Suite à des actions de mobilisation sociale réalisées sous la forme de réunions de parentsd’élèves, de visites de proximité, de causeries entre les acteurs et la communauté, derécompenses des filles promues, d’excursions, et de dons de fournitures et matérielsscolaires, des changements culturels ont été constatés. En guise d’exemple, les membres dela communauté s’offrent pour sensibiliser les communautés enclavées à la nécessité descolariser les filles. Des parents commencent à sacrifier la dot au profit de la promotion deleurs filles. Le mariage par échange et le mariage précoce diminuent sensiblement…

Sous la supervision des acteurs de Aide et Action, les groupements de femmes qui ontmobilisé des fonds personnels ont bénéficié d’un moulin, d’un moyen de transport animal etd’une cantine scolaire. Cette aide contribue à l’allègement des tâches pour les femmes etsurtout pour les filles qui, profitant de ces circonstances, se libèrent pour aller à l’école. Lecommerce de proximité, soutenu financièrement dans les mêmes conditions, procure del’argent aux femmes qui achètent des fournitures et paient les frais de scolarité de leursfilles. L’enthousiasme des femmes à se prendre en charge constitue un éveil de conscienceaux hommes qui semblent se complaire, pour la plupart, dans un esprit d’attentisme.

Les diverses stratégies des partenaires ont permis aux filles de développer une efficiencescolaire supérieure à celle des garçons (4,4% de taux moyen d’accroissement de l’accès àl’éducation contre –2,2%). L’efficacité interne de la scolarité des garçons surpasse celle des

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filles (51,8% contre 36,5%). Ce phénomène-ci pourrait s’expliquer par la lenteur duchangement des mentalités et des comportements des communautés.

RÉFÉRENCES :

P.D. Amevigbe, Évaluation du partenariat entre l’ONG Aide et Action et l’Unicef, ProgrammeÉducation de base des filles 1997-2004, Unicef-Togo, Lomé, mai 2004.

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QUELLE PERSPECTIVE POUR LESPOLITIQUES INTERNATIONALES

D'EDUCATION ET DE FORMATION?

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SECONDAIRE : LE CHAINON MANQUANT14

parMamadou Ndoye

Secrétaire exécutifADEA

Parent pauvre du système éducatif africain, l’enseignement secondaire ne reçoit que 15%des dépenses publiques d’éducation et, avec un TBS de 26,8% contre 56,6% pour lamoyenne des pays en développement, accuse un énorme retard. La question soulevée icin’est certes pas de remettre en cause la priorité accordée à l’enseignement primaireuniversel dans la réalisation des objectifs d’éducation pour tous, priorité qui doit continuer àmobiliser les efforts. C'est donc plutôt en dépit, et même à cause de cette option justifiée,qu'il convient de lever un peu la tête pour jeter un regard prospectif sur les développementsprobables des systèmes éducatifs africains. En effet, si les progrès attendus dansl'enseignement primaire universel (EPU) se réalisent et si les efforts ne se font pas à la mêmehauteur pour le premier cycle de l’enseignement secondaire, les études évoquées dans cebulletin montrent clairement que les taux de transition primaire/secondaire en Afrique vonts’effondrer. Parmi les multiples conséquences soulignées, j’en retiens deux, particulièrementcontre-productives pour l’EPU.

L’aggravation de la sélection-élimination à la fin du cycle primaire va jeter des millionsd’enfants de 11, 12 ou 13 ans hors du système éducatif sans aucune perspective sérieusede formation et de préparation à l’entrée dans la vie active. Une situation aussi massivementdésespérante risque de décourager et donc de faire chuter la demande de scolarisation desfamilles et des communautés.

La seconde conséquence, déjà visible dans plusieurs pays, est l’engorgement de la fin ducycle primaire avec des taux de redoublement trois fois plus importants qu’en début decycle. Ce qui réduit considérablement l’efficacité interne déjà faible de l’enseignementprimaire et entraîne un énorme gaspillage de ressources.

En somme, les progrès futurs de l’EPU semblent être liés au déblocage de l’entrée dans lesecondaire ou à l’élargissement de l’accès à son premier cycle. Les pressions dans ce senssont fortes. Elles viennent aussi bien de l’élévation de la demande d’éducation familles et desEtats qui estiment de plus en plus que l’EPU n’est pas suffisante pour impulser la croissanceéconomique et lutter efficacement contre la pauvreté. Car tous deux dépendent, pour êtredurables, de la réussite de l'insertion dans une mondialisation caractérisée par une économiebasée sur la connaissance et la société de l'information.

Mais la légitimité de la demande se heurte ici à la faisabilité : comment les pays africainspeuvent-ils relever à la fois le défi de l’EPU et l’élargissement de l’enseignement secondaire ?En Afrique, le niveau actuel de mobilisation des ressources internes et externes reste trèséloigné des besoins de financement de l'EPU d'ici à 2015. L'enseignement secondaireprésente en moyenne des coûts unitaires 3 à 5 fois plus élevés que ceux du primaire. Onestime en outre que les effectifs d’élèves achevant le primaire vont tripler d’ici à 2015. Avecde tels paramètres, le seul maintien des taux de transition primaire/ secondaire actuels – et àfortiori leur augmentation – ne pourra pas être assuré dans la plupart des pays africains. Àmoins que ne soient entreprises des réformes drastiques pour réduire sensiblement lesdépenses unitaires en baissant les coûts des constructions scolaires, des équipements, desmanuels scolaires, des matériels didactiques et des personnels…Renforcer l’efficacité en

14 Cet article a été publié dans La Lettre de l'ADEA, Vol. 16, n° 3, Juillet – Septembre 2004

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diminuant fortement les redoublements (15 % en moyenne) et toutes les autres sources degaspillage et d’inefficacité sera également nécessaire, tout comme la mobilisation denouvelles ressources budgétaires et extra-budgétaires. Lorsqu'on observe les obstaclesapparemment insurmontables que rencontrent ces changements indispensables à laréalisation de l'EPU dans nombre de pays africains, on est tenté de se demander si qui nepeut le moins pourra le plus.

En fait, l’élargissement de l’enseignement secondaire pose des problèmes colossaux deviabilité financière que seule une hardiesse novatrice susceptible à la fois de mobiliser lesressources latentes du système et de la société et de les transformer efficacement enrésultats, permettra de résoudre : décentralisation-participation, partenariat public-privé,contractualisation, diversification et intégration de filières, utilisation des TIC et recours àl’enseignement à distance et à l’apprentissage libre, utilisation plus efficace des personnels etdes intrants dans le système, appui de ressources extérieures comme catalyse de réformeset ancrage dans des déficits significatifs que l’effort interne ne peut combler…

Au-delà du financement, ces approches novatrices concernent la promotion d’un modèled’enseignement secondaire adapté aussi bien aux ressources locales qu’aux besoins actuelset futurs des pays africains face aux défi s auxquels ils sont confrontés. À cet égard,actualiser des finalités, des objectifs et des contenus obsolètes représente une tâcheimportante. Cependant il faudra aussi élargir les perspectives de façon à ce quel’enseignement secondaire ne soit plus seulement considéré comme un cycle de transition quiprépare à l’enseignement supérieur. La diversité des formations qu'offre l’enseignementsecondaire doit également répondre à la demande des communautés et des familles, commeà celles des entreprises du secteur structuré et informel, de l’Etat et de la société. Elle doitpréparer les jeunes à faire face aux défis de leur époque et de leur environnement endéveloppant chez eux la pensée critique, la culture scientifique et technologique,l’apprentissage tout au long de la vie, la capacité d’adaptation, la citoyenneté démocratiqueet les compétences de vie nécessaires en matière de santé (SIDA), de nutrition, d’hygiène,d’environnement ou de population.

La réforme des curricula à entreprendre se confrontera donc à des tensions où lescombinaisons et la recherche d'équilibres dépendront des contextes: standardsinternationaux vs. besoins et réalités du contexte local/national, compétences fondamentalesvs. compétences professionnelles, tronc commun vs. diversification des filières, sciences ettechniques vs. humanités, développement des structures cognitives vs. accumulation deconnaissances…

À travers la définition de contenus et d'objectifs pertinents, les enjeux de la formation sejoueront à deux niveaux :• La prise en considération rigoureuse par les Etats, dans la formulation des finalités et desprogrammes de l’enseignement secondaire, de profils, de compétences, de la qualité et de laquantité des ressources humaines propres à assurer un développement accéléré des paysconcernés, en étroite relation avec leur potentiel propre et les secteurs porteurs ;• La promotion de processus et de procédures de formation qui donnent du sens auxapprentissages scolaires, en établissant un lien interactif avec le champ de la pratiquesociale, de façon à éclairer leur compréhension, leur utilité et leur utilisation dansl’environnement spécifique.

Les défis posés au développement et non pas à la simple expansion de l’enseignementsecondaire ne s’arrêteront pas là. La diversité des situations – et donc de la demande –appelle une diversification des modalités de livraison, que celles-ci soient formelles ou non

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formelles, à l’école ou en entreprise, présentielles ou à distance… La recherche devraaccompagner et quelquefois précéder les changements à promouvoir. La variation dessituations entre et dans les pays africains nécessite des analyses spécifiques et les politiqueset les pratiques efficaces d'enseignement secondaire dans les contextes africains restent àdocumenter. Les discussions sur les coûts-bénéfices et l'impact de l'enseignementsecondaire sur le développement économique et social des pays sont loin d'être tranchéespar des études validées.

Ce sont ces interrogations et d'autres qui ont conduit le Comité directeur de l’ADEA à mettreen place un groupe ad hoc sur le post-primaire considéré comme étape d’enseignementsecondaire mais aussi de développement de compétences professionnelles. Sa tâche :alimenter le dialogue politique par un travail analytique exploratoire concernant les questionscritiques pour la prise de décision sur le développement du post-primaire. Et à terme,pourquoi pas l'élaboration d'un cadre indicatif pour le développement du post-primaire enAfrique, à l'instar de celui de l'EPU ?

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SEGOU: VERS DE NOUVELLES PERSPECTIVES SUR LA CO-OPERATIONET LES POLITIQUES NATIONALES

parOusmane Gueye

Coordinateur NationalROCARE Sénégal

La rencontre intitulée “Perspectives de Ségou”, organisée du 28 au 31 mars 1995 à Ségouau Mali, a regroupé des Ministres et représentants de ministres de l’éducation de 11 pays del’Afrique de l’Ouest et du Centre, des partenaires techniques et des chercheurs du Réseau del’Ouest et du Centre de l’Afrique de Recherche en Education (ROCARE).

Organisée à l’initiative du gouvernement de la République du Mali en collaboration avecROCARE, la rencontre de Ségou visait à renforcer la coopération sous-régionale dans ledomaine de l’éducation de base. La rencontre avait pour objectifs de:

• Présenter, analyser et échanger des expériences et innovations nationales • Définir et harmoniser les stratégies, surtout celles concernant la mise en œuvre de

politiques communes • Établir un plan d’action prioritaire qui servirait de plateforme de présentation au

Sommet des Chefs d’Etat

Ségou a permis un partenariat réellement dynamique autour de l’école et pour ledéveloppement de l’école dans le contexte de la décentralisation, de la démocratisation, et afourni un espace d’innovation par les acteurs principaux de la vie de l’école.

L’approche adoptée à Ségou est perçue comme un modèle pour des discussions réalistesentre les différentes catégories d’acteurs – décideurs, chercheurs, politiques et acteurs – quipourraient œuvrer ensemble dans le respect mutuel, de manière concertée, qui pourraientconcilier leurs propres intérêts et préoccupations, et arriver à des engagements soutenant ledéveloppement de l’éducation de base en Afrique.

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Les fondations bâties à Ségou ont embrassé une nouvelle approche qui, bien soutenue,pourrait permettre un développement durable pour l’éducation en Afrique et qui pourraitsuivre sa mise en œuvre en employant l’instrument connu comme « l’Observatoire desPerspectives de Ségou. »

L’Observatoire des Perspectives de Ségou comprenait une dimension politique assurée par uncomité de ministres à la présidence alternante. Ministre de l’Education Adama Samassékoufut le premier à assurer cette présidence, avec une dimension technique entreprise par leROCARE représenté par Lalla Aicha Ben Barka, actuellement directeur régionald’Unesco/Breda basé à Dakar.

L’Observatoire a examiné:• La rationalisation des choix et des décisions sur l’éducation de base à la lumière

de résultats de la recherche• La conception et la mise en œuvre d’un cadre de référence des politiques de

l’éducation qui contribuerait à la qualité de l’éducation en Afrique. • La rationalisation de l’intervention communautaire pour soutenir l’éducation• Établir des réseaux de bases de données pour permettre l’analyse transnationale

En dépit de l’absence des pays anglophones, limitant ainsi la dimension de la rencontre sous-régionale, la réunion de Ségou fut importante, surtout à cause des positions réalistes desparticipants, loin des objectifs utopiques d’Addis Abeba et des ambitions de Jomtien. Lasimilarité des problèmes au sein de la sous-région appelait à la mise en œuvre d’actionscommunes. Ségou a re-pensé des politiques d’éducation, surtout en ce qui concernel’éducation de base, à travers une vision globale, cohérente et intégrante des différents sous-systèmes.

POURQUOI EST-IL TEMPS DE LANCER UN APPEL POUR SEGOU IIIl est nécessaire de nous retrouver à Ségou pour re-négocier au niveau sous-régional, revoiret améliorer la conception de nos réformes. Nous devrons lancer un nouvel appel à laréforme pour pouvoir adapter et revoir les dimensions des plans d’actions à la based’INITIATIVES provenant d’AFRIQUE et destinées AUX AFRICAINS.

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ÉDUCATION, FORMATION ET LA COMMISSION POUR L’AFRIQUE:REDEFINIR UN INTERET COMMUN?

parSimon McGrath

Université de [email protected]

Le rapport de la Commission pour l’Afrique a été largement loué pour sa vision équilibrée desdimensions externes et internes des défis auxquels l’Afrique fait face, et les solutionspotentielles qu'il propose. Au regard de la large couverture dont le rapport dans sa totalité afait l'objet, je me concentrerai ici sur le traitement accordé aux questions concernantl’éducation et la formation.

Le rapport suit la tendance de documents récents provenant d’agences telles que le PNUD enmettant l’accent sur l’importance du renforcement des capacités pour le développement.

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Ceci amène la Commission à mettre l’accent sur l’importance d’une stratégie dedéveloppement à long terme, au sein de laquelle l’éducation et la formation joueront un rôlecentral. Le rapport met en particulier l’accent sur la place centrale de l’éducation supérieure,de la science et de la technologie en matière de développement.

Quoique les connexions avec l’éducation ne soient pas établies de façon explicite, le rapportva plus loin que les autres documents internationaux récents en ramenant la question pluslarge de l’infrastructure au centre des priorités du développement. De façon encore plusexplicite que dans le cas des enseignants, le rapport reconnaît que la communautéinternationale a obligé les pays africains à prendre de mauvaises décisions en matière dedéveloppement de l'infrastructure, basées moins sur des preuves solides que sur l'idéologierégnante. Ce qui n’est pas explicité par le rapport est que pour être efficace, un recentragedes investissements sur le développement de l'infrastructure requiert également d'un accentrenforcé sur le développement des ressources humaines.

Au cours de la brève section consacrée à l’éducation, le rapport met en avant six thèmes.

On observe tout d'abord une tentative d’établir un nouvel équilibre entre un engagementcontinu en faveur des objectifs de développement du millénaire et une emphase renouveléesur le développement de l’éducation secondaire, professionnelle, supérieure, des adultes etdes enseignants.

Deuxièmement, le rapport note la faiblesse de l’aide à l’éducation en Afrique en termes aussibien de qualité et de quantité, qu'en termes de coordination.

Troisièmement, l’engagement international concernant l’équité de genre est réaffirmé.

Quatrièmement, la Commission souligne l’importance du recrutement, de la formation, dumaintien et du développement professionnel des enseignants.

Cinquièmement, le rapport fait appel également à une plus grande implication de lacommunauté dans l’éducation

Sixièmement, le rapport met en évidence l’importance d'un curricula et de modes dedistribution appropriés.

Il n’y a pas grande chose à critiquer dans l’accent placé par la Commission sur ces questions.En effet, une certaine partie de l’analyse est particulièrement bienvenue dans la mesure oùelle remet en question certaines tendances malencontreuses adoptées par les agencesinternationales depuis Jomtien. Le fait par exemple que le rapport insiste sur l’importancedu recrutement, de la formation, du maintien et du développement professionnel desenseignants n'aura de sens que si la tendance des agences observée en Afrique à percevoirles salaires d’enseignants en tant que coûts plutôt qu’en tant qu’investissements est rejetée.Cependant, la transition de l'approche étroite de l'efficience vers celle plus large del'efficacité en matière d’enseignement ne sera pas chose aisée à atteindre.

Inévitablement, on conseille la prudence en analysant le rapport. La raison majeure est qu’ilest loin d’être certain que les recommandations mèneront vers une tentative sérieuse demise en œuvre. De plus, la réussite de ces propositions est loin d’être garantie, même au casoù les efforts nécessaires pour les réaliser seraient consentis. Le rapport offre une imageéquilibrée et nuancée des défis éducatifs, mais ne fournit pas beaucoup de détails sur laquestion de comment interpréter cet équilibre au niveau national. Inévitablement aussi, il y

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a très peu d'éléments sur le fait que l’investissement et les décisions en matière deplanification de l'éducation font toujours l'objet de contestations, et sur comment gérer cesprocessus de manière efficace en faveur des pauvres. Néanmoins, le rapport marque uneffort sérieux de dresser un compte rendu plus attentif du développement de l'Afrique ainsiqu'une stratégie de mise en œuvre accélérée concernant la réduction de la pauvreté et lacroissance.