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1. Titre2. Copyright3. Sommaire4. Remerciements5. Avant-propos6. Entrelamitreetleturban7. Leconquérantfascinéparleconquis8. Faceaucosmopolitismeoriental,la«pensée

unique»occidentale9. Occidentalisationvolontaireetauto-imposée10. «Nationisation»auforceps11. Legrandcrimedegénocide,actefondateurd’une

Républiquenéehandicapée12. Ultimeétapedelamarcheverslecouchant,l’Union

européenne13. Désoccidentalisation14. Unepuissancebelligéranteàl’extérieurcommeà

l’intérieur15. Enguised’épilogue16. EntretienavecÉtienneCopeaux17. EntretienavecNilüferGöle18. Notes

CengizAktar

Lemalaiseturc

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Quantà laBasiliquedeSainte-Sophie, sondômeserviraderéférence absolue pour la construction de mosquées en terreottomane,àtelpointquelesarchitectesdenouvelleséglisesnepouvaientpluss’eninspirer,etcejusqu’àlafinduXIXe.TelestlecasdelamagnifiquemosquéeFatih(leConquérant)bâtie par l’architecte constantinopolitain Christodoulosimmédiatement après la conquête et qui porte de ce fait lesurnom de MehmedII. L’édifice est au centre d’un complexecomprenant,entreautres,unhôpitaldirigépardessavantsjuifsetunemadrasapourl’étudedelathéologie,lesmathématiques,le droit, la médecine, l’astronomie et la physique, fondée parl’astronomepersanAliQushji,invitéparMehmedàsacour. Lecosmopolitismeimpérialottomann’estcertespasuniquepour son époque. Il a toutefois la particularité de vouloirépouser tous les savoirs, quelles que soient leurs originesreligieuses ouethniques, et surtout de les adopter sanscomplexe. Adopter l’Autre à travers les conversions,assimilationsvolontairesets’adapteràl’Autre,l’Arabe,leGrec,leJuif,lePersanenadoptantsonsavoir-faire. Cette prédisposition des élites ottomanes à composer avecl’Autreadesracinesprofondesdansl’artdegouvernerquileurest inculqué par les meilleurs maîtres de l’islam sunnited’obédiencesoufie.LafilièreremonteàIbnArabî(1165-1240)et son relativismereligieux8, fidèlement repris dansl’enseignement du théosophe ottoman Hadj Bayram-ı Velî unsiècle plus tard (1352-1430) et de son discipleAkşemseddin(1389-1459)quin’estautrequ’undesmaîtresdeMehmedII!

Faceaucosmopolitismeoriental,la«penséeunique»occidentale

Tandis que les Ottomans sont en train de bâtir un systèmehétérogène de gouvernance à l’est du continent européen, àl’ouestsedessineunmodedepenséeexclusivistequis’évertueà rejeter tout ce qui est arabe, juif, musulman de l’épistémèoccidental.Enfait, laremiseencausede l’apportde lapenséearabo-judéo-musulmaneauxLumièrescommenceasseztôt,avecThomasd’Aquin9 par suite de sa charge fondamentale àl’encontred’Averroès. Ce que l’on pourrait définir comme les prémices du proto-orientalismes’achèvententerrelatine,notammentàVenisesuiteàundébat initié audébutduXVIe siècleautourd’un textedePétrarque datant de 1368De sui ipsius et multorumignorantia (Sur ma propre ignorance et celle de beaucoupd’autres).Pétrarqueyrejettedéfinitivementl’apportdelapenséearabo-musulmane de l’âge d’or, représenté par les scoliastesaristotéliciens tels al-Fârâbî, Avicenne, Averroès, entre autres.Enfait,ilrejettecerelaisprécieuxdelatransmissiondusavoiren Occident de la philosophie grecque,pourtant partieintégrante de la niche culturelle occidentale jusque-là. Cettefiliation de pensée est, à partir de ce moment-là, reléguée aurayondel’exotisme10. La rupture est historique, décisive ; elle déterminevraisemblablementl’approcheidéelledel’Occidentvis-à-visdel’Orientencoreaujourd’hui.

Occidentalisationvolontaireetauto-imposée

Lerejetépistémiqueestassociéàunrejetpolitico-militaire.L’Empire ottoman est considéré comme un corps étranger etcombattu.Son refluxcommencedoncavec l’échecdusiègedeVienneà la finduXVIIesiècleetcontinueinvariablementtoutau long duXVIIIe siècle. Léthargique, l’Empire a atteint salimite septentrionale, mais également son pouvoir d’attractionfaceauxpousséesnationales;sondéclins’avèreinéluctableàlafinduXVIIIesiècle.C’estàcetteépoquequeConstantinople11dansunsursautdesurvie, prend un tournant décisif et adopte les techniquesconsidéréescommesupérieurescarvictorieusessurlechampdebataille,desonennemihégémonique,l’Occident.Ceciunsiècleaprès le despote éclairé Pierre leGrand nommé « le Fou » enterre ottomane et à la même époque que le Japon de Meiji(gouvernementéclairé).

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Depuisquelquesannéesetsousl’impulsiondelacandidatureà l’Union européenne, des initiatives émanant quasi-exclusivement de la société et ayant trait aux politiques demémoire ont vu le jour. Alors qu’il devient de plus en plusdifficile d’avancer pleinement dans ces politiques à cause del’environnementliberticideactuel,onpeutaisémentaffirmerqueledjinnestdésormaissortidesabouteillepourneplusjamaisyrentrer.Lasociété,quoiqu’ilarrivenebaisserapaslesbrasafindedécouvrirlavérité,recouvrerainsisamémoireetpar-là,peut-êtresonâme19.

Ultimeétapedelamarcheverslecouchant,l’Unioneuropéenne

On peut considérer la candidature de laTurquie à l’Unioneuropéennecommel’ultimeétapedelamarcheverslecouchant,maisaussil’ultime«récompense»del’occidentalisationsubieparlepeupledepuisdeuxsiècles. On pourrait également considérer celle-ci comme l’ultimeépreuvedel’approcheidéelleencoursdepuislaRenaissanceenOccident vis-à-vis de l’Orient. Pour l’Occident il s’agissait eneffet de savoir s’il pourrait composer avec cet Autre rejetédepuis,etaccepterd’êtresurunpiedd’égalitéaveccelui-ci.Ledéfiétaitd’autantplusimportantquecetAutresignifieplusquela Turquie et comprend pêle-mêle tout ce que l’Occidentconsidère comme étranger à son corps. La candidature de laTurquieàlastructurepolitiquelaplusachevéedel’Occidentadoncétéundéfid’importancehistorique. Passons en revue cette candidature, d’abord en Turquie.Démarrée en 1959, vieille de plus de soixante ans, lacandidature a produit des résultats tangibles sur le planpolitique, social et économique. Depuis 1999, lorsque lacandidature de la Turquie a été relancée dans la foulée del’élargissement vers l’est du continent, le pays a étémétamorphosé tant les réformes – d’inspiration européenne,mais de facture turque – ont réussi. On aurait pu penser qu’àforced’occidentalisationlasociétéauraitfiniparenadopterlesprincipes.

Ainsi l’ordre national et laïc alla turcadu début de laRépubliqueavait-t-ilfinalementapprisàdurersanslepatronagedesmilitaires,grâceàl’Europe?Ens’initiantàladémocratieàtravers la pédagogie de la candidature à l’Union, laTurquie ainjecté une dose de pluralismeet de religion dans la sphèrepublique, aseptisée jusqu’alors par un nationalismemoniste etparunlaïcismeaussipuretdurquedépassé.Pourcequiestdelanationmonolithique,l’acceptationlente,mais décisive de l’altérité identitaire des Kurdes a permis leretour du souvenir d’un passé pluriel sur la scène publique etpolitique. Et la brèche ainsi ouverte dans cette nation turquemonochrome a permis le retour de mémoires refoulées desethniesliquidées. Pour ce qui de la question kurde à proprement parler, desinitiativesinouïesallantdanslesensderésolutionpacifiqueduconflitontvulejourpourdéplacerleslignesrougesdudiscourset de la pratique politiques en coursdepuis la création de laRépublique.Demême,ledébatsurlevoileislamiquea-t-ilétélevecteurdela«libération»delareligion,pouvantalorss’extrairedesacamisole laïcarde pour être finalement acceptée sur la placepublique. Le modèle turc était même devenu une sourced’inspiration, non seulement pour les autres sociétésmusulmanes,maisaussipourlessociétésabritantd’importantesminoritésmusulmanes. Sur le plan terminologique l’apparitiondanslescerclesacadémiquesduterme«musulman-démocrate»n’apasétéunhasard,auvuduzèlepro-européenetréformistedel’islampolitiquedurantlespremièresannéesdesonpouvoir.Hélaslevolontarismepro-européenetréformisteamorcédès1999,etquel’islampolitiqueaprisàsoncompteàsonarrivéeaupouvoiren2002,n’apasétéestiméàsajustevaleur,niprisencompteàtempsparl’autrepartiecontractante,l’Europe.

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Elles’armetousazimuts,cherchecoûtequecoûteàsedoterd’une industrie d’armement pourtant largement tributaire de latechnologie importée, entretient une force expéditionnaire,n’hésite guère à employer des mercenaires djihadistesappartenant à des groupes listés comme terroristes par l’ONU,devient par là-même le co-sponsor du djihadisme internationalavec le Qatar, établit des bases militaires dans ce pays et enSomalie, se trouveenguerreenIraq,enLybieetenSyrieavecsonlotdemorts,deblessés,deréfugiésetdedéplacés,occupela partie nord de Chypre et menace systématiquement laRépubliquedeChypresituéedanslapartiesuddel’îleainsiquela Grèce. En fait, elle maintient des relations plus ou moinsorageusesaveclatotalitédesesvoisinsterrestresoumaritimesàl’exception de la Géorgie. Sur le plan des alliances, commeévoqué plus haut, elle n’hésite pas à manquer à sesresponsabilitésauseindel’OTANpourflirteraveclaRussie. À titred’exempledesadésinvoltureconsidérons ladernièreoffensivemilitairedesForcesarmées turques (FAT)etde leursmercenaires djihadistes en Syrie. Le 9 octobre 2019, ceux-cilancentunassautmilitairecontreleszonespeupléesdeKurdesdu nord de la Syrie. Les mercenaires sont principalementcomposésd’anciensmembresdel’Étatislamiqueetd’Al-Qaïda,désormaisbaptisés«Arméenationalesyrienne».Ilssontpayéspar la Turquie et portent des uniformes spéciaux cocardés dudrapeau turc et du drapeau rebelle syrien, fournis par lesautorités turques. Ils vénèrent Erdoğan qu’ils considèrentcommeunesortedemessie. Enquelques joursseulement,ces irrégulierscommettentdescrimes de guerre documentés contre des civils, des prisonniersdeguerreetdesdirigeantspolitiquesnonarmésavecl’appuidesFAT29.

Enfait,pour l’agresseur, ledroitde laguerrenes’appliquepascarcequiestmisenœuvresurleterrainestune«opérationantiterroriste » qui équivaut à une licence pour tuerpratiquementn’importequelcitoyenduKurdistansyrien. Lepaysestunanimequantà lanécessitéde l’éradicationduterrorisme.Lesautorités,lesmédiasofficielsetlepublicdanssagrandemajoritéapplaudissentfièrementcesactesetsoutiennentl’opérationbaptisée«PrintempsdelaPaix30». Une poignée demédias,moins de dix, font des reportagesdans des conditions sévères avec beaucoup de retenue sinond’autocensure. Il reste les médias sociaux, déjà sous strictesurveillance et qui viennent d’être bannis fin juillet 2020 avecunenouvelleloiliberticide.Eneffet,ilyaunblack-outpourlesnouvellesquinesontpasconformes à la ligne officielle décidée par les servicesd’information (et de propagande) de la présidence. Tous ceuxqui contreviennent en critiquant l’agression militaire ou enparlantd’invasionsontpassiblesdepoursuitesjudiciaires.Ainsiunmillierdepersonnesontétépoursuiviesouarrêtées.L’ultimeobjectifd’Ankaraestd’imposeruncontrôletotalsurl’information et d’interdire tout reportage depuis la zoned’opération militaire comme dans les villes précédemmentoccupées d’al-Bab, Afrin et Azaz d’où aucun reportageindépendantn’aémergédepuislors. Adopter une posture nationale en supportant la guerre vautégalement pour l’opposition. Pratiquement aucun politicien del’oppositionn’a osé défier la belligérancedu régime, ce qui lesrendcomplices.Àsontour,cetalignementaternitouslesespoirsd’alternativepolitiqueeta,aucontraire,consolidé leraïsetsonordretotalitaire.

Adopteruneposturenationale,céderàErdoğanetàsaguerreva aussi pour lepublic.Lorsque les autoritésont ordonné aux90000mosquéesdupaysdechanter lasouratede laconquêtedu Coran, presque personne n’a tiqué dans le magma anti-Erdoğan. Ni lorsque le chef suprême a tweeté en arabe poursaluer l’arméeduprophèteMohamedenvahissant,ensonnom,le nord-est de la Syrie pour combattre lesforces kurdes,évidemmentqualifiéesd’ennemisdel’islam.Lepublicturcdanssagrandemajoritéportelescicatricesdegénocides,depogromsetdespoliationscentenaires,ciblantlesnon-musulmans,lesnon-sunnitesetlesnon-turcs.Samémoireaétésoigneusementeffacéepar le récitofficieletsa libreparoles’esttrouvéebâillonnéeparl’omerta.Cettenationconstruitesurtoutes ces ruines humaines a forcément des fondations trèsfragiles. Et les Turcs ressentent inconsciemment cette fragilité etrestent prédisposés à répondre à tout appel qui ravive leurinstinctdesurviefaceàtoutdanger,bienquefactice,venantdel’étranger.Lependantdelabelligéranceextérieureestunétatdeguerreauseindu territoirenational frappantdeplein fouet tousceuxque le régime a qualifié aléatoirement de terroristes doncennemisetauxquelsnes’appliquemêmepasledroitdeguerre,mais le « droit pénal de l’ennemi » théorisé par GüntherJakobs31. Examinonsdeprès cet étatdeguerre interneenTurquie.LaRépublique et son prédécesseur, l’Empire ottoman, ont toujoursmaintenu le droit de vie ou de mort sur leurssujets et leurscitoyens.L’Étatlesconsidèretoujourscommeluiappartenant;ilpeutlesgarderenvieoupas.

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Vis-à-vis des Autres, la violence des origines (génocide,massacres, pogroms), le plus souvent impunie, engendrerad’autres violences tant que la Turquie ne fera pas face à sonhistoire en reconnaissant le génocide et en punissant lesassassinsetlesmassacreurs.LepouvoirsaitutiliseretmanipulerLoups Gris et autres jeunes fanatisés au nom de la « visionnationale»(millîgörüş), fascinéspar ledrapeau,par leshérosmythiquesd’Asiecentrale,par lesangglorifié,parDieu,ultra-violentsdontlahaineestcanaliséedansces«Forcesspéciales»de la police et de la gendarmerie, qui tuent, assassinent,rackettent,pillent,violent,dansleKurdistanturcetdésormaisleKurdistan syrien.Ceux-là seveulent les«vrais-Turcs»et fersdelancedel’islamsunnite.Ilssontconvaincusqu’ilssont,eux,l’âmedelaTurquieetlepouvoirlesenpersuade.Ilsprennentaumot lediscourshistoriquenarcissiquedesupérioritéettouslesslogans distillés par l’État dans les écoles, les casernes et lesmosquées. Ils sont les instruments du gouvernement par laviolence et la guerre,tentant d’écraser les Autres, etpourchassant toujours le fantômedesArméniens car ils enontpeur.Ilssontl’âmedamnéedelaTurquie. L’âme de la Turquie serait-elle le nationalisme, bien plusencore que la religion,qui après tout n’en est qu’une forme,dans ses manifestations les plus ostentatoires, comme larestitutiondeSainte-Sophieaucultemusulman?»

Finalementlaraisondumalaiseturcserait-elleinscritedanslenationalismedes«NouslesMêmes»?

Il existe bien sûr un autre « nous », une communauté descitoyens,un«nous»revendicatifquidéfiel’ordrenationaliste,celui qui refuse d’exclure les « citoyens turcs de nationalitéétrangère ».Avec lesKurdes,mais pas seulement eux, ce sonttous ceux qui se disent nonpas Turcs, mais « Turquiens »(Türkiyeli), c’est-à-dire citoyens de la Turquie, notiongéographique, sans pour autant se reconnaître turcs, notionethno-religieuse.Ladiffusiondecevocableestemblématiquedenotreépoque ; elle fait songerquecertainsproblèmesauraientpeut-êtreétéaplanissilesfondateursavaientappelélepaystoutsimplement « Anatolie ». Mais, justement, ils ont voulu un«Foyerturc». Ces Turcs qui ne jouent pas le jeu du nationalisme sontactuellementdiscrets,ouenprison,ouenexil.Maisonlesavusau grand jour lors du mouvement ditdeGezi, sur la place deTaksim, à Istanbul, en juin 2013. Quelle fête, cette nouvelleTurquie!DesmillionsdeTurcssoudainementsontdevenusdessujets se prenant encharge, refusant à la fois la communauté(nationale,religieuse)etlemondemarchand,rejetantlepouvoirdel’AKPquiincarnetoutcelaàlafois.

Était-celàlarévélationdel’autreespritdelaTurquie?Il s’agissait, en tout cas, de la révélation au monde d’unepopulation,passeulementjeune,entoutcasdécidée,quiportesursesépaulesdesdécenniesderépressionféroce,etunsiècledehonteetdesilence.

D’Istanbul à Diyarbakır, la jeunesse turque est inventive,curieuse, talentueuse. Elle estavide de lectures, de théâtre, demusiques. Et surtout, cette jeunesse n’a pas peur. Elle estinstruiteparlagénérationprécédentequiamûrisouslescoupsetdansdesprisonsconcentrationnaires,ouencoreenexil,dansles années 1980, ou, auparavant, au cours des combats desétudiants ou des habitants des quartiers précaires (gecekondumahallesi) chassés de l’Est par la misère ou la répressionantikurde. Lemouvement deGezi/Taksim a été étouffé par la terriblevague répressive de 2016 et par la guerre contre lesKurdes –dite « contre le terrorisme », guerre qui est le vrai mode degouvernement de la Turquie car elle prétend légitimer touteviolence d’État.Mais cette jeunesse, qui peut-être, fait le dosrondactuellement,n’apasditsonderniermot.Ainsi,parmilescentainesd’universitairesquiontsigné,début2016,unmanifestepourlapaixintitulésansambages«Nousneserons pas complices de ce crime », une majorité de jeunessavaientpertinemmentqu’ilsrisquaientlaprison,qu’ilsseraiententoutcasévincésdeleurposteetqu’ilsdevaientdireadieuàleurs ambitions. Mais aucun n’a plié devant le pouvoir. Lajeunesse répond à ce mot :inat, le défi, et refuse lebiat, laprosternation. Elle refuse la discrimination, les distinctionscommunautairesetethniques.ElleestTürkiyeli.Elleestl’âmedelaTurquie.

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15. Le bektachisme est un credo que l’on pourrait appeler«libéral»del’islam,quinepeutêtreclassénisouslesunnismeni sous le shiisme, à proprement parler. Ses adeptes sontorganisés en confréries qui ont été influents dans lescorporations (ahîlik) et chez les janissaires.Lepouvoir centrals’appuyait sur les Bektachis pour atténuer les tensions entrediversessectesetpourcontrebalancer l’omnipotencedel’islamofficiel. De même, les derviches bektachi précédaient lescampagnesdeconquêtedans lesBalkansavecpourmissiondese fondre dans la population et d’exposer un islam tolérant etouvert.Avec l’annihilation des janissaires, l’ordre bektachi etsonimpactrégulateurdisparaissentducentredel’État.16. Cf. Aktar Cengiz,L’Occidentalisation de la Turquie,L’Harmattan, 1986 ; Işıksel Güneş et Szurek Emmanuel (dir.),Turcs et Français Une Histoire culturelle (1860-1960), PUR,2014.17.DuContratSocial,LivreII,Ch.VIII,p.386,BibliothèquedelaPléiade.18.AkçamTaner,Unactehonteux.Legénocidearménienetlaquestiondelaresponsabilitéturque,Denoël,2008.19. On peut consulter notreAppel au Pardon, Des Turcss’adressent aux Arméniens, CNRS-Éditions, 2010 ainsi quenotre«Lepardoncommecatalyseurdepolitiquesdemémoire»in LarochelleG. et deRaymond J-F. (dir.),LaRepentance,Leretour du pardon dans l’espace public, Les Éditions duCerf,2014.20. Pour une approche sociologique du phénomènecf.NilüferGöle, « Démocratie de la place publique : l’anatomie dumouvement Gezi »La nouvelle revue des sciences sociales,2 0 1 4https://journals.openedition.org/socio/727ainsi quel’entretienavecl’auteureàlafindel’ouvrage.

21.Voicicommentjeréagissaisàchaudaucoupd’étatdanslescolonnesduMondedatédu18juillet2016,reprisparVoxeurophttps://voxeurop.eu/fr/les-putchistes-ont-offert-a-erdogan-le-regime-dont-il-reve/22. Un récent pamphletJe ne reverrai plus le monde del’écrivainAhmetAltan (Actes Sud, 2019) est exemplaire pourdécrirelecaractèrealéatoiredurégimeenplace.23.Envoiciquelques-uns:*Classementmondialde la libertéde lapresse2020154e sur180payshttps://rsf.org/fr/classement* Indice sur l’État de droit 2019 109e sur 126 payshttps://worldjusticeproject.org/sites/default/files/documents/ROLI-2019-Reduced.pdf*ÉtudesurleslibertésfondamentalesdeFreedomHouse2020la Turquie est classée comme non-librehttps://freedomhouse.org/country/turkey/freedom-world/202024. Selon la FondationUmut qui lutte contre l’armementindividuel,www.umut.org.tr25.Pouruncompte-rendufortdocumentédecequ’ilfautbienappeler la destruction en règle de la Villecf.Méga IstanbulTraversées en lisières urbaines de Morvan Yoann et LogieSinan,LeCavalierBleu,2019.26. Pour un compte-rendu compréhensifcf. Pelin Cengiz,« Turquie. Quand un barrage menace le patrimoine del’humanité »in ORIENT XXI, 2016https://orientxxi.info/magazine/turquie-quand-un-barrage-menace-le-patrimoine-de-l-humanite,154527. Insel Ahmet,La nouvelle Turquie d’Erdogan, LaDécouverte,2017.28. http://visionofhumanity.org/app/uploads/2019/07/GPI-2019web.pdf

29. Les exactions commises par les forces d’occupation et lesmercenaires au solde de la Turquie ont été largementdocumentéesparAmnestyInternationaletHumanRightsWatchdans leur rapport ainsi quedans les dépêches duSyrianObservatoryforHumanRights.https://www.amnesty.org/en/latest/news/2019/10/syria-damning-evidence-of-war-crimes-and-other-violations-by-turkish-forces-and-their-allies/https://www.hrw.org/news/2019/11/27/syria-civilians-abused-safe-zonesSur les exactions àAfrin onpeut se reporter àKhayrallahAl-Hilu «Afrin under Turkish control : political, economic andsocial transformations »inEuropean University InstituteResearchRepository,2019/10.30. Il s’agitde la troisièmeopérationenSyrie, lapremière, enaoût2016,étaitbaptiséeBouclierd’Euphrateet laseconde,enjanvier2018,Branched’Olivier,toutaussiabsurdeetinsultantequePrintempsdelaPaix.31. «Aux limites de l’orientation du droit : le droit pénal del’ennemi »inRevue de science criminelle et de droit pénalcomparé,2009/7.32.LaTurquieestclasséepremièreenEuropeettroisièmedansle monde pour les accidents de travail mortels, largement dusauxconditionstrèsaléatoiresdesécuritésurlelieudetravail.33.StéphaneYerasimos,«Quelbonheurdesenommerturc»,inYerasimos S. (dir.),LesTurcs,Paris,Autrement,1994,pp.16-54.34.À cette époque paraissait le livre d’YvesTernon etGérardChaliand qui a joué un grand rôle dans la redécouverte dugénocide par le public :1915, Le génocide des Arméniens,Complexe,1981.

35.Lesculpteurestl’AutrichienHeinrichKippel,auservicedelaTurquiede1925à1938.Ilestégalementl’auteurdesstatuesd’Atatürk à Sarayburnu (Istanbul) etAnkara, et a participé aumonumentdelaRépubliquedelaplacedeTaksimàIstanbul.36. Copeaux Étienne,Espaces et temps de la nation turque.Analysed’unehistoriographienationaliste,1931-1993,CNRS-Éditions,1997.37. Copeaux Étienne et Mauss-Copeaux Claire,Taksim !Chypredivisée1955-2004,Aedelsa,2005.38. Inan Afet,L’Anatolie, le pays de la « race » turque.Recherches sur les caractères anthropologiques despopulations de la Turquie (enquête sur 64 000individus)Préfaced’EugènePittard,Georg&Cie,1941.39. Dumont Paul,Mustafa Kemal, 1919-1924, ÉditionsComplexe,1983,p.156.40.GöleNilüfer,Musulmanesetmodernes,VoileetcivilisationenTurquie,LaDécouverte/Poche,2003.41. Çetin Fethiye,Le livre de ma grande mère, Éditions del’Aube,2006.