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Evasion

Inde du Sud L’esprit colonie

Anciens comptoirs, jardins d’épices, massages ayurvédiques et temples multicolores, c’est l’esprit de cette traversée de Cochin à Madras.

L’aube se lève sur les Ghats occidentaux, la chaîne de

vertes collines qui traverse l’Etat du Kerala. Dans les jar-

dins du Spice Village, un écolodge aux bungalows coiffés de

toits de chaume, les oiseaux poussent leurs premiers trilles. C’est

l’heure du cours de yoga. Inspirer par le ventre, travailler son

souffle, assouplir le corps par différentes asanas (postures) : sous

la vaste hutte en bois tressé, les exercices s’enchaînent sous l’œil

du maître, un jeune fakir à la sérénité contagieuse. La séance

s’achève par une salutation au soleil.

Epices et tissus brodésIl y a quelques jours à peine, nous abordions les rivages de l’Inde du

Sud à Cochin, ancien comptoir portugais sur la mer d’Oman. Bâti

sur une presqu’île, quadrillé d’avenues ombragées de banians

(figuiers), le vieux quartier de Fort Cochin ramène le voyageur au

temps des colonies. Dès le xvie siècle, son port prospérait grâce au 1

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commerce du poivre noir et des épices. Aujourd’hui, nombre de bâti-

ments en brique ont été restaurés et transformés en hôtels et en res-

taurants de charme, comme le Kashi Art Café, qui décline cuisine

bio et expositions dans un patio-jardin. Autour du palais du gouver-

neur, orné de fresques représentant des scènes du Ramayana, les

boutiques regorgent de statuettes, de coffres en bois, de tissus bro-

dés. Au bord de l’eau se déploient d’immenses carrelets, encore

utilisés pour la pêche. On s’arrête à l’église Saint-François pour se

recueillir sur la première tombe de Vasco de Gama, mort de la mala-

ria à Cochin, en 1524, après avoir tracé la voie maritime du Portu-

gal à l’Inde en contournant le cap de Bonne-Espérance.

Glisser au milieu des jacinthes d’eauNotre voyage se poursuit au fil de la côte de Malabar, qui cache

derrière sa frange de cocotiers un véritable labyrinthe aquatique.

Embarquer pour une croisière en houseboat dans les backwaters,

1. Au bord du lac Vembanad, les villas en bois sculpté de l’hôtel Kumarakom Lake Resort se découpent dans le crépuscule. 2. A Cochin, l’église Saint-François abrite la première tombe de Vasco de Gama. 3. Les saris des Indiennes illuminent Badrian Street, une rue commerçante de Chennai (Madras). 4. Maquillage et costumes chatoyants animent le kathakali, théâtre dansé.

s

En houseboat sur les backwaters, ces canaux recouverts de jacinthes

d’eau qui s’enfoncent dans la jungle.

ces chemins d’eau qui s’enfoncent dans la jungle, est une expé-

rience propice à la rêverie. Toit en fibre tressée et ponton en bois,

ces maisons flottantes glissent avec lenteur dans la touffeur tropi-

cale, découvrant des hameaux sur pilotis, des barques de pêche

colorées, des chapelles blanches. Version luxe de l’habitat local,

avec ses villas en bois sculpté ouvrant sur des couloirs de nage,

le Kumarakom Lake Resort nous accueille en soirée, le temps de

quelques brasses dans la nuit tiède, d’un banquet sous les étoiles,

d’un spectacle de kathakali. Inutile d’être expert en mythologie

hindoue pour saisir le sens de ces pièces de théâtre dansées.

Accompagnés de tambours et de cymbales, revêtus de costumes

chatoyants, le visage entièrement maquillé, les acteurs savent

mimer toutes les émotions humaines (yeux qui roulent pour la

colère, sourcils haut levés pour la surprise…). A trois heures de

route dans les terres, les Ghats occidentaux déroulent leurs col-

lines plantées de théiers, d’hévéas, de bananiers, leurs jardins

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Evasion

luxuriants en pleine jungle. C’est ici que le Spice Village nous

ouvre ses portes. Plutôt que de chasser le tigre sauvage dans le

tout proche parc national de Periyar (50 000 spécimens jusqu’en

1940, une trentaine seulement aujourd’hui…), nous préférons

savourer des activités plus paisibles. Nous voilà partis dans la

forêt pluviale sur les pas de Chacko, notre guide. Avec ce jovial

moustachu, expert en botanique, nous découvrons le poivre qui

pousse en lianes exubérantes, la noix de muscade si parfumée,

la précieuse cardamome, toutes ces épices servant de base à la

cuisine indienne et à la médecine ayurvédique, la plus ancienne

du monde, pratiquée depuis plus de 5 000 ans. Rien de tel,

ensuite, qu’un cours de curry de poisson au coco ou un soin

à domicile. Massages aux huiles essentielles, enveloppements

à la pâte d’épices, lents goutte-à-goutte de lait fermenté, bains de

vapeur aux herbes, les traitements proposés par notre écolodge

sont adaptés à toutes sortes de maux, de la fatigue chronique

à la sinusite, en passant par la mauvaise circulation sanguine.

Après une rapide entrevue avec un médecin, chacun passe entre

les mains des masseuses, deux au minimum. C’est sans chichis,

vigoureux et assez sportif, il faut l’avouer ! Le soir, après une flâ-

nerie dans les boutiques du bazar de Kumily, nous comparons nos

expériences en buvant un verre au Wood House Bar. Photos cou-

leur sépia, fauteuils clubs, vieux billard… British en diable, le lieu

commémore l’époque de la chasse au tigre !

Madurai, une ville née d’une goutte de nectar !La frontière du Tamil Nadu n’est plus très loin et l’étape s’impose

à Madurai, une des plus anciennes villes indiennes, au cœur d’une

plaine fertile consacrée à la culture du coton et à la fabrication de

la soie. Selon la légende, la cité serait née d’une goutte de nectar

tombée de la chevelure du dieu Shiva… Pour nous, Européens,

5. Les plantations de thé ondulent à 2 000 mètres d’altitude sur les monts Cardamome, dans les Ghats occidentaux. 6. A Kumily, étape gour-mande pour les petites filles endimanchées qui sortent de la messe. 7. A Madurai, les tours-portails du temple de Meenakshi élancent leurs statues dans le ciel. 8. Sur les mar-chés aux fleurs, on vend au mètre d’odorantes guirlandes tressées de roses ou de jasmin pour les offrandes aux dieux. 9. Ornées de dessins protecteurs, les pirogues de Marina Beach, à Chennai, attendent le départ pour la pêche. 5

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le nom de Madurai évoque surtout une industrie textile floris-

sante, sous la mainmise de la Compagnie anglaise des Indes orien-

tales. A Puthu Mandapam, au cœur de la ville, d’innombrables

ateliers de tailleurs proposent aux voyageurs de reproduire robes

et chemises dans de jolis cotons imprimés. Mais le summum, c’est

de s’offrir une kurta, la traditionnelle tunique masculine, ou un

sari, 6 mètres de soie avec jupe et caraco assortis, cours de drapé

en prime ! « En Inde, explique Govind, notre guide, pendant la

séance d’essayage, chaque femme de la classe moyenne possède

de 100 à 200 saris dans sa garde-robe et un mari se doit d’en offrir

à son épouse à chaque événement de la vie, anniversaire ou fête

religieuse. » Me voilà bientôt parée comme une princesse, mais

pieds nus – on dépose ses chaussures à l’entrée – pour aller décou-

vrir le temple voisin de Meenakshi, un des chefs-d’œuvre de

l’hindouisme, bâti au xviie siècle. Foisonnantes de statues colorées,

ses immenses tours-portails ouvrent sur un dédale de couloirs

en arcades, de bassins, de salles plantées de forêts de colonnes.

Chaque soir, la foule des pèlerins se presse pour assister aux noces

de Shiva. Portée en procession par les prêtres, précédée par

les souffleurs de conques, les parfums d’encens et de jasmin, la

statue du dieu Shiva s’en va retrouver son épouse Parvati pour

la nuit. Le retour en rickshaw à l’hôtel Heritage, délicieux palace

blanc des années 1900, prolonge ce rêve éveillé.

Un ballet de rickshaws, de vélos et de Tata NanoMadras – aujourd’hui Chennai –, au bord de l’océan Indien, se

rejoint en avion. Le village de pêcheurs est devenu une mégalopole

de près de 10 millions d’habitants. Cap sur George Town, où la sta-

tue du roi George V observe le flot délirant des rickshaws, vélos et

Tata Nano, les autos les moins chères du monde – 1 500 € ! A deux

pas, au marché aux fleurs de Badrian Street, on vend au mètre des

guirlandes tressées de jasmin, d’œillets d’Inde, de roses, pour les

cérémonies des temples. « Interdit d’en respirer le parfum, précise

Govind. Il est réservé aux dieux ! » D’Egmore à Marina Beach, on

découvre des fleurons de l’architecture coloniale anglo-indienne,

comme l’université de Madras, fondée en 1857, festival de briques,

de clochetons et de tourelles. Au coucher du soleil, les promeneurs

convergent vers la plage, semée d’échoppes de poissons grillés et

de barques de pêche. Les femmes flottent en sari dans les premières

vagues de l’océan Indien. Dernière vision magique du Tamil Nadu…

Se renSeignerOffice de tourisme de l’inde Rens. sur

incredibleindia.org.

A SAvOirvisa obligatoire 65 € sur VFS France (vfs-

in-fr.com). Monnaie La roupie indienne. 1 €

= 72 INR. Climat tropical, avec saison sèche

d’octobre à mars, mousson d’avril à sep-

tembre. Décalage horaire + 4 h 30 en hiver.

Y Aller avec un tour-opérateur Jet Tours propose des circuits en petits

groupes, comme Parfums du Sud : à partir

de 1 989 € par pers. les vols AR au départ

de Nice, Paris, Strasbourg et Toulouse,

les 14 jours/12 nuits en hôtels (de 3 à 5*) et

houseboat, en pension complète, de Madras

à Bangalore, les transports en minibus, un

vol intérieur et un guide local francophone.

Rens. au 0 820 830 880 et sur jettours.com.

Y SéJOurner en individuel Sur la presqu’île de Cochin, Old Harbour Hotel. Un boutique-hôtel dans un ancien

entrepôt de thé. A partir de 171 € la chambre

double avec petit déjeuner. Rens. sur old

harbourhotel.com. Sur la côte de Malabar,

Kumarakom lake resort. De luxueuses

villas en bois dans un jardin avec piscine sur

le lac. Spa et restaurant sur place. A partir de

248 € la chambre double avec petit déjeuner.

Rens. sur kumarakomlakeresort.in. Hôtel Madurai Heritage. Dans une fabrique de

coton du xixe siècle, des chambres chics et

british. Piscine et restaurant. A partir de 58 €

la chambre double avec petit déjeuner.

Rens. sur heritagemadurai.com. A Chennai

(Madras), vivanta Connemara by Taj. Un palace Art déco, au cœur du quartier des

musées. Piscine et restaurant en arcades.

A partir de 105 € la chambre double avec

petit déjeuner. Rens. sur vivantabytaj.com.

A rAppOrTerLinge de maison, coffres et antiquités

dans les boutiques de Fort Cochin, autour

du Dutch Palace ; poivre et épices de la

Spice Farm, à Kumily ; kurtas, saris et

vêtements sur mesure autour du temple

Meenakshi, à Madurai ; mode et bijoux au

concept-store Amethyst, à Chennai

(Whites Road, quartier de Royapettah).

A lire inde du Sud Le Routard, Hachette.

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LANKA

Kaviri

Trivandrum

Chennai

(Madras)

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KERALA

TAMILNADU

100 km

Pondichéry

Karikal

Mahé

Kumily

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Parc nationalde Periyar

Backwaters dulac Vembanad

EMbarqUEMENT iMMédiaT

Par Pascale desclos. Photos Christian Goupi

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