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    Saint Isidore de Seville est-il l auteur

    de I Hispana chronologique?

    par

    Ch. MUNIER

    (Strasbourg)

    Parmi les problemes les plus amplement discutes entre

    historiens du Droit canonique, celui de l origine et de l auteur

    de I Hispana occupe certainement line place de choix. II

    est vrai que les merites de cette collection (richesseet qualite

    des documents transmis, influence exercee sur Ie droit uni-

    versel ou particulier de l Eglise, du VIle au Xle siecle) la re-

    commandent a l attention et que l on desirerait lever Ie voile

    de l anonymat qui la recouvre encore.

    Une fois de plus, la solution de ce probleme a tente un cher-

    cheur infatigable 1, mais qui a opere sur line base plus large

    que tOllS ses predecesseurs. Le R. P. Martinez Diez se pro-

    pose, en effet, de donner line edition critique de I Hispana

    chronologique ; il a consulte tOllS eg manuscrits de la collec-

    tion et nous livre, dans un fort volume de quatre cents pages,

    leg premiers resultats de ses investigations.

    L H. est accessible, usqu a present, dans l edition realisee,

    en 1808-1821,par F. A. Gonzalez, Prefet de la Bibliotheque

    royale de Madrid, et reproduite dans la Patrologie latine,

    t. 84. Bien qu il ait dispose de neuf manuscrits, l editeur

    n eut pas Ie souci d apprecier leur valeur respective; il prit

    comme chef de file Ie codex Vigilanus, transcrit en 976 au

    monastere de s. Martin d Albelda, pres de Logrofio, en notant

    leg variantes des autres ou en leg adoptant lorsque son modele

    1 MARnNEz DfEZ Gonzalo, S.J., La Coleccion canonica Hispana, I,

    Estudio, Publication du Consejo superior de nvestigaciones cienttficas,

    Instituto Enrique Fl6rez, Madrid-Barcelona, 1966, 400 p., 300 pes.

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    L AUTEUR DE L « HISPANA» CHRONOLOGIQUE

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    ne Ie satisfaisait point; il tira leg pieces manquantes du mg.

    de s. Millan de la Cogolla ou du mg. de Madrid, B.N. 1872.

    De ce fait, son edition ne donne qu un aper~u assezapproxi-

    matif de I H. primitive; elle repose, en effet, sur des familIes

    secondaires, quoique plus repandues, et ignore la lignee

    la plUi ancienne, epresentee,en particulier, par leg manuscrits

    de Vienne (n. 411) et de Strasbourg.

    Dans son magistral ouvrage sur leg sources manuscrites

    de l ancien droit, Fr. Maassen assignait aux temoins gaulois

    leur veritable .place dans la tradition de I H. et distinguait

    leg etats successifsde la collection. Son etude, parue il y a

    pres d un siecle, n a pas ete depassee.

    La premiere Semainenationale d etudes canoniques, eunie

    a Salamanque, du 2 au 6 octobre 1945, avait arrete un plan

    de travail, en vue de parvenir rapidement a une edition criti-

    que de I Hispana. Jugeant necessairede reconstituer, a par-

    tir des copies du XVIe siecle, leg manuscrits detruits lors de

    l incendie de l Escurial de 1761, e R. P. Garcia Goldaraz pre-

    sentait, en 1954, un premier travail preparatoire : « EI C6dice

    Lucense de la Colecci6n can6nica Hispana (Rome, 3 vol.)

    et, en 1960, eg Concilesde Carthage d un mg. de Soria.

    Admirablement prepare par ses etudes et ses travaux

    d edition sur leg collections canoniquesespagnolesanterieures

    a I Hispana, Ie R. P. Gonzalo Martinez Diez se devait de

    mener a bien leg efforts de son confrere, qui etait reste quinze

    ans seul sur la breche. Le volume d etudes critiques consa-

    ere a I H. constitue leg Prolegomenesde la prochaine edition;

    Ie travail rut presente comme these de Doctorat devant la

    Faculte de Droit de l Universite de Madrid, en avril 1964,

    et valut au valeureux auteur la distinction supreme.

    Tous leg historiens du droit canonique liront avec un

    interet soutenu Ie present ouvrage, qui complete et corrige

    utilement l etude de Maassen. Notre propos consistera a

    degager, a l intention de ceux qui ne pourraient effectuer

    leg comparaisons necessaires, leg conclusions auxquelles

    G.M.D. est parvenu au sujet de l Hispana.

    L auteur a reparti sa matiere en cinq chapitres : Historio-

    graphie de la collection (ch. I), Tradition manuscrite de I H.

    chronologique (ch. II), Classification des manuscrits, re-

    censions, contenu et structure de I H. (ch. III), Auteur, data-

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    H. MUNIER

    tion et sources ch. IV), Diffusion et influence de I H. sur les

    collections canoniques (ch. V).

    Maassenn avait consacre qu un bref paragraphe aux ma-

    nuscrits disparus de I H. et a ceux qu il ne connaissait que

    par des notices anciennes (n. 712). II signalait la copie du

    ms. de Lugo executee par J. B. Perez en vue de corriger Ie

    Decret de Gratien et envoyee a Rome en 1575 (mais en lui

    assignant line cote fausse: Vatic. 4587, au lieu de Vatic.

    4887 et 4888), notait la disparition de ce ms. ainsi que du

    pretendu Hispalensis, corrigeait les affirmations de Coustant

    au sujet de soi-disant exemplairesde I H. conservesen France

    (en realite des temoins des Fausses Decretales), et portait

    un jugement tres pertinent sur l edition de Gonzalez.

    G. M. D. nous fait assister a la decouverte, lente et fiche

    de surprises, des manuscrits de I H. II met en relief Ie travail

    des pionniers Fr. Bartolome Carranza de Miranda, O. P.

    et Ambrosio de Morales. C est a l interet porte par Philippe

    II a la science et aux vestiges du passe national qu est due

    la decouverte rapide de presque tOllS les temoins de I H.

    conserves dans la peninsule (1571-1575). Albelda, Carrion,

    Sahagun, Oviedo, Lugo, Celanova, San Pedro de Montes,

    San Millan de la Cogolla, Tolede, Soria livrent leurs tresors ;

    aussitot les erudits demandent des copies en vue de leurs

    editions; deja Ie savant archeveque de Tarragone, Antoine

    Agustin, distingue I H. authentique des Fausses Decretales

    (1575) et Garcia de Loaysa edite la serle de 38 conciles espa-

    gnols conserves par I H. (1593).

    De 1649 a 1757, ce sont uniquement des fran~ais (P. de

    Marca, Baluze, P. Coustant) et des taliens (P. et J. Ballerini)

    qui font progresser a sciencede I H. (p. 59-73). Les espagnols

    reviennent a leur collection nationale, de 1750 a 1821: a

    I ere obligee des descriptions, notices, extraits de toute

    espece, succede enfin la realisation d une edition nouvelle,

    celIe de F, A. Gonzalez.

    Que reste-t-il de tOllS ces travaux d investigation et des

    jugements portes sur I H.? Voici en quels termes G. M. D.

    evalue l apport de ses predecesseurs: « Pierre de Marca n a

    pas d autre merite que d avoir attire l attention sur I H. ;

    sesnotices sont hfitives et inexactes, sesobservationscritiques

    assezpartisanes et depourvuesd objectivite. Baluze travaille

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    L'AUTEUR DE L'«HISPANA» CHRONOLOGIQUE

    sur des donnees manuscrites assez irnitees et secondaires

    (mss. d'Urgel et de Gerone),de sorte que Ie travail d'investiga-

    tion n'avance nullement. Coustant a Ie merite d'avoir, Ie

    premier, etudie l H. d'une maniere scientifique, en determi-

    nant sa patrie et sa date de redaction, et en signalant l'exis-

    tence.de I'H. systematique. Les Ballerini completent Ie cadre

    trace par Coustant et leurs conclusions se sont transmises

    presque integralement jusqu'a nos jours) (p. 383). Quant

    a 'la troisieme periode, centree autour de la Bibliotheque

    royale (1750-1821), I' A. se montre particulierement severe

    a son egard: « Les caracteristiques communes en sont Ie

    manque de rigueur methodologique, l'apologie patriotique,

    la limitation aux mss. espagnols,mais Ie progres scientifique

    est nul; du point de vue critique on n'atteint meme pas Ie

    niveau des Ballerini. Cependant ces soixante ans gardent

    deux merites, nous avoir conserve es notices des chercheurs

    du XVle siecle et nous avoir donne l'edition de Gonzalez

    qui, malgre tOllS ses defauts, est la seule que nous ayons de

    I'H. ) (p. 384).

    C'est dans Ie Chapitre II, consacrea la tradition manuscrite

    de I'H. chronologique, que G. M. D. a realise la tache la plus

    ingrate. mais aussi la plus necessairea l'edition critique pro-

    jetee. (p. 102-200). Des notices precises et detaillees inven-

    torient Ie contenu, la disposition, les caracteristiques de cha-

    CUll des quatorze manuscrits signales par Maassen a l'ex-

    ception du nO1, perdu depuis 1870). S'ajoutent a cette liste

    un manuscrit incomplet, Ie Vallicellan D. 18 (du xe siecle,

    de provenance nconnue, peut-etre franc;ais), deux fragments

    espagnols du xe siecle, conservesa Burgos et Orense et une

    copie tardive des Decretales seulement Cod. Escorial 0-1-13,

    du xve siecle). Quatorze manuscrits de I'H. ont disparu:

    G. M. D. a rassembleavec piete les indications que pouvaient

    fournir les anciens investigateurs, Perez, Morales, Vazquez

    de Marmol, Ie P. Burriel, C. de la Serna Santander. Avec

    une grande perspicacite, il utilise ces donnees eparses pour

    replacer les temoins disparus dans les cadres de son stemma.

    Si leur perte demeure deplorable, il apparait cependant que

    les manuscrits qui demeurent suffisent amplement a recon-

    stituer la figure exacte des diverses ecensionsde I'H. chrono-

    logique et qu un seul document a disparu definitivement, Ie~

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    H. MUNIER

    XVllle concile de Tolede, qui ne se trouvait que dans Ie ms.

    de Celanova. On est heureux d apprendre ainsi que la perte

    du codex Rachionis (de Strasbourg) est compensee par Ie

    temoignage du Vindob. 421 confirme par Ie Vatic. 423 (origi-

    naire de Wissembourg), I Hadriano-Hispanica, Ie Palatinus

    575 et Ie Vallicellan. D. 18; que Ie pretendu Hispalensis

    etait une copie tres voisine des mss. d Albelda et de sanMillan;

    que Ie fameux Codex de Lugo n etait qu un temoin, parmi

    une bonne dizaine d autres, de la recension Vulgata.

    G. M. D. se devait aussi de chasser antomes et revenants.

    II releve que quinze mss. pretendus de I H. n ont jamais

    existe, se confondent avec des temoins connus, ou bien en-

    core renferment d autres documents. Reprenant son etude

    sur Ie ms. 944 de Barcelone (Una coleccionpirenaica del siglo

    XI, dans Miscelcinea Comillas, 38, 1962, 1-60), il fait justice

    des affirmations de P. de Marca au sujet des soi-disant manu-

    scrits de I H. conservesa Ripoll. II identifie enfin trente-huit

    copies tardives de I H., totales ou partielIes, descriptions

    ou extraits, qui dependent de temoins plus anciens.

    Apres avoir dresse cet inventaire minutieux, I A. distingue

    les recensionset familIes de I H. pour nous donner Ie stemma

    de la tradition manuscrite. Maassen,qui n avait pris directe-

    ment connaissanceque de trois temoins (Vienne, Strasbourg,

    Paris 3850, copie du ms. d Urgel) et n avait a sa disposition

    que des descriptions parfois deficientes des autres, avait ce-

    pendant discerne trois recensions principales de I H. Dans

    son premier etat, atteste par la Table de certains mss. gaulois,

    elle s arr~tait au IVe concile de Tolede (633) ; Maassenpense

    que la piece XLVII. Sinodus Toletana LXVIII episcopo-

    rum est une ajoute; il n ose se prononcer sur la piece XL V.

    Sententiae .., qui figurent deja dans les actes du concile

    d Agde (n. XXVIII). G. M. D. appelle Isidoriana cette pre-

    miere recension p. 206-218) il note, a I appui de I hypothese

    de Maassenque, dans Ie ms. de Vienne, Ie debut du ler con-

    cile de Braga succede au IVe concile de Tolede, mais que ce

    fragment laisse place aussitot a la serle de Tolede (V-XIII).

    II Y voit une trace de la premiere recension: on aurait in-

    tercale la serle toletane dans un archetype oil, conformement

    a la table initiale, Braga I suivait Tolede IV (Maassen y

    voyait une inadvertance de scribe, n. 728). Une autre indice~

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     AUTEUR DE L «HISPANAI> CHRONOLOGIQUE

    de la premiere recension avait ete signale par Diaz y Diaz,

    en 1962 : dans un appendice a la RegIe de S. Isidore est cite

    un canon du premier concile de Seville sous a cote, capitulo

    XLIII I, era XI~ qui correspond parfaitement a la table

    primitive, oil ledit concile figure a la quarante-quatrieme place

    (canon 11). Aucun manuscrit ne subsiste de cette premiere

    recension, deja munie du Prologue.

    Maassenappelait recensiongauloise Ie second etat de I H.,

    represente a ses yeux par leg mss. de Vienne et de Strasbourg.

    Sescaracteristiques seraient a presencede l Ordo de celebrando

    concilio, la serle de Tolede V-XIII, une petite collection de

    19 fragments inseree apres Ie Vllle concile de Tolede, Ie Ille

    concile de Braga, et surtout Ie desordre qui affecte la serie

    des Decretales (n. 729). G. M. D. appelle Juliana la seconde

    recension de I H., mais distingue plusieurs rameaux. La

    lignee gauloise se serait repandue au-dela des Pyrenees au

    debut du VIlle siecle. Les quaternions etaient intervertis

    dans la serle des decretales; leg signatures de plusieurs con-

    ciles manquaient. II convient d ajouter aux deux mss. iden-

    tifies par Maassen, Ie Vat. Palat. lat. 575 (Maassen, n. 3)

    et Ie Vallicellan. D. 18. Un autre rameau de cette recension

    est reste en Espagne c est la forme toletane representeepar

    leg mss. d Albelda (n. 4), de san Millan (n.6) et l Escurial I

    E 12 (n. 7). L homelie de saint Leandre (au Ille concile de

    Tolede) et leg Sententiae manquent dans to us les temoins

    de cette recension. La confection d une table nouvelle cor-

    respondant au contenu de la collection et l adjonction des

    Excerpta manifestent l intention de respecter e plan harmo-

    nieux du recueil primitif; c est aux environs de 681 que se

    placerait cette reedition de I H. Julien de Tolede, qui presida

    aux destinees de cette eglise de 680 a 690, ne dut pas etre

    etranger a cette initiative. G. M. D. a voulu lui faire hommage

    de la deuxieme recension de I H., reprenant ainsi l opinion

    de Maassen, et de Sejourne, au sujet des Excerpta2.

    La majeure partie des manuscrits espagnols (nn. 2, 8-14

    de Maassen)offrent une nouvelle recensionuniforme, appelee

    I cr. A. VAN HOVE,Prolegomena d Codicem uris canonici, Editio

    altera, (CommentariumLovaniense n Codicem uris canonici, Vol. I,

    T. 1), Mechliniae-Romae,1945, p. 282, n. 6.

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    H. MUNIER

    Vulgata par G. M. D., a cause de sa large diffusion. L histo-

    rien allemand n avait pu se faire qu une opinion approxima-

    tive de cette forme de I H. II lui avait ete impossible de

    distinguer toujours avec nettete leg supplements des figS.

    particuliers et leg caracteristiques de la recensionelle-m~me,

    n ayant pu confronter leg tables initiales au contenu des figS.

    II est maintenant possible de donner line image fidele de

    cette derniere recension. Elle ne s est pas formee en continua-

    tion de la Juliana, mais part de l Isidoriana completee par

    leg conciles de la Juliana et la serle Tolede XIII-XVII, Con-

    stantinople (681/2), sept conciles gaulois et Merida (666).

    Cette independance des deux recensionsexplique la diversite

    des ajoutes isolees, qui varient d un exemplaire a l autre.

    Commedate de composition pour la Vulgata, on peut admettre

    leg annees694-702, puisque Tolede XVIII fait defaut. Deux

    familIes se partagent leg temoins: ceux de Catalogne carac-

    terises (Urgel et Gerone) par l interpolation de plusieurs

    canons et la substitution de Tables systematiques aux Ex-

    cerpta, qui figurent dans leg autres, morazp eg et leonais.

    Le Chapitre III aborde la question tant debattue de l au-

    teur de I H. en sa recensionprimitive3. A l encontre d Arevalo,

    Maassen,Le Bras, G. M. D. croit qu il y a lieu de revenir a la

    candidature de saint Isidore de Seville. Son argumentation

    repose essentiellementsur line quinzaine de pages de critique

    textuelle, tres poussee, dont il suffira de mentionner ici leg

    t~tes de chapitres. (p. 263-279 et aussi p. 304-310). Lorsqu il

    ecrivit legEtymologies, Isidore utilisa Ie prologue de Hispana,

    complet deja (Canones ..apocrypha reputata), Ie dernier para-

    graphe (Canon ...in unum, PL 84, 91-92) etant line ajoute

    posterieure reprise aux m~mes Etymologies (par Isidore lui-

    m~me, dit I A.). La composition de ce prologue se place entre

    589 (puisqu il y est fait allusion au Credo de Nicee-Constan-

    tinople, dont la recitation en Espagne flit ordonnee au IIIe

    concile de Tolede de 589, c. 11) et leg annees620-631,pendant

    lesquelles nous savons qu Isidore travaillait a ses Etymolo-

    gies. Les sources itteraires du Prologue sont la Decretaleattri-

    buee a Hormisdas (Decretum gelasianum de libris

    recipiendis et non recipiendis, ct. Clavis Patrum, n. 1676 et

    3 cr. A. VAN HOVE,op. cit., p. 280-281.

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    L AUTEUR DE L « HISPANA» CHRONOLOGIQUE

    PL 84,843-848), e IIIe concile de Tolede (Tomus regius et c. 1)

    et Ie Prologue de Denys Ie Petit en sa deuxieme redaction

    (Maassen,p. 961-962). Les pieces es plus recentes ecueillies

    par I H. (surtout les decretales qui achevent la serle) DOllS

    orientent vers la province de Betique et l eglise de Seville,

    nullement vers Tolede ou Tarragone. L ordonnance, e rythme

    la structure du Prologue concordent parfaitement avec les

    habitudes d Isidore. Les concepts et les expressions ypiques

    d lsidore reparaissent a point nomme dans les rubriques qui

    introduisent les conciles de I H. Ecrivant son De viris illustri-

    bus (615-618), Isidore declare avoir decouvert line lettre de

    Sirice ad diversosepiscopos, ui condamne Jovinien, Auxence

    et leurs comparses; cette decretale figure dans I Hispana

    (PL 84,637; Dom Sejourne avait deja fait etat de cet argu-

    ment). Les rapprochements qu il est possible de faire entre

    les ceuvres de saint Isidore publiees dans les vingt dernieres

    annees de sa vie et I H. donnent Ii penser qu il travaillait

    alors a ordonner cette collection.

    G. M. D. ecarte enfin Ie nom de Leandre de Seville, avance

    tout recemment encore par Diaz y Diaz, comme ine hypothese

    et explique l omission du concile de Seville (622-624), qui

    avait condamne et depose sur de faux temoignages-

    l eve-que Marcien d Ecija. Saint Isidore ne pouvait inserer

    dans sa collection les actes d un concile qui avait condamne

    un innocent, au risque de perpetuer ainsi Ie souvenir d une

    erreur judiciaire (p. 320).

    Le dernier chapitre etudie la diffusion de I H. et son in-

    fluence sur les collections canoniques du moyen age, jusqu au

    Decret de Gratien. Relevons seulement ce qui concerne la

    forme de I H. utilisee par l atelier pseudo-isidorien. G. M. D.

    exclut toute dependance directe de l un quelconque des mss.

    de la forme gauloise actuellement conn s: Strasbourg, Vat.

    Palat. lat. 575 et Vall. D. 18 qui n ont pas Ie fragment de

    Tolede XIII recueilli par I Hispana d Autun; Vienne 421,

    ou ledit fragment est legerement pIns court. C est cependant

    au groupe represente par ce manuscrit et Ie Vat. Regin. lat.

    423 (originaire de Wissembourg) que I Hispana d Autun se

    trouve Ie plus apparentee. Derive-t-elle directement du pro-

    totype de la forme gauloise? La question reste ouverte (p.

    360).

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    H. MUNIER

    Lorsque I edition critique de I H. sera realisee, l sera possi-

    ble de confronter bien des points- de detail, pour lesquels

    I A. n a pu apporter line justification en regIe: toute la clas-

    sification des manuscrits repose, en effet, sur line premiere

    analyse de leur contenu ; elle pourra etre precisee, et parfois

    corrigee, par I examen des variantes. G. M. D. avoue que

    certains mss. presentent des cas assezcomplexesde contami-

    nation (en particulier les nn. 6 et 11 de Maassen) toutefois

    Ie stemma ne devrait pas subir de graves modifications (p.

    203). .De meme, il convient d attendre Ie resultat de to utes

    les collations, avant de se prononcer sur des problemes epi-

    neux, qui demeurent en suspens Ie fragment de Tolede XIII,

    qui figure seulement en certains manuscrits de la recension

    Juliana; les omissions operees en Braga I et Tolede IV; Ie

    sens de la rubrique Sinodus Toletana sexaginta et octo epis-

    coporum, etc.

    II ne semble pas que les chapitres I, II et IV de la presente

    etude fassent l objet de correctifs ou de mises au point d im-

    portance. II faut savoir gre Ii I A. d avoir rassemble et or-

    donne tOllS les elements qui permettront de retracer l his-

    toire de I H., son destin, son nfluence, sa redecouverte. Reste

    Ie redoutable probleme de I auteur et de la date de composi-

    tion. Sur ce point, il DOllS aut avouer notre perplexite.

    Ce n est pas Ii dire que la candidature d Isidore nous paraisse

    invraisemblable (Ie fait meme qu elle ait ete proposee aussi

    souvent a de quoi impressionner), ni que les rapprochements

    operesentre Ie Prologue de I H. et certains passages e I ceuvre

    isidorienne soient fragiles. Le demarquage est evident pour

    Etymologies II, 16: Isidore a repris textuellement line bonne

    moitie dudit prologue. Mais est-il possible de lui imputer

    la bevue d avoir recopie mecaniquement la phrase: haec

    sunt quattuor synodi principales ...quorum gesta n hoc opere

    condita con inen ur, qui ne convient qu li line collection

    canonique? II est vrai que l on pourrait voir precisement

    dans cette inadvertance un in dice du maitre d ceuvre, confiant

    Ii des executants Ie soin des transcriptions, ordonnees Ii la

    suite de ses prospections. L H. aurait ete arrangee de la

    meme maniere, d apres Ie plan arrete par Isidore et brieve-

    ment expose dans Ie prologue. Le plan, la confection des

    titres et des rubriques (pour les documents qui n en etaient~

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    239 AUTEUR DE L «HISPANA» CHRONOLOGIQUE

    pas pourvus deja dans les collections utilisees) seraient son

    reuvre. G. M. D. n aurait-il pu tirer davantage parti des

    donnees fournies par Ie prologue inedit qui ouvre la serle desDecretales:

    Sedis apostolicae praesulum constituta ...in hoc

    libro diligenti tUfa colletta sunt, ita ut singulorum pontilicum

    quotql.Wt decreta A NOBIS eperta sunt sub uniuscuiusque epistole

    serie propriis titulis praenotarentur EO MODO quo superius

    priscorum canonesNOSTRO TUDIO rdinati sunt ...(Cod. Escor.,

    E-I-13, 206 r-v).

    Si favorable qu on soit a la candidature d Isidore, on re-

    grette toutefois que I A. n ait pas rassemble davantage d ar-

    guments, en explorant d une maniere plus systematique les

    ouvrages du docteur de Seville. Assurement, il aurait fallu

    proceder a une etude approfondie de son vocabulaire et des

    expressions dites « ypiques », mais on est surpris de constater

    que I A. n ait pas tire parti des ressources que lui offrait en

    ce domaine Ie Thesaurus linguae latinae. Des recoupements

    faciles a operer auraient pu renforcer singulierement la de-

    monstration. Comme ils vont dans Ie sellS de la these isido-

    rienne, qu il DOllS soit permis d en signaler l un ou l autre,

    opere au fil d une rapide lecture.

    L Hispana cite trois lettres de Gregoire Ie Grand a Leandre

    de Seville; dans son De viris illustribus, Isidore ne fait allu-

    sion qu a deux d entre elles (PL 83,1102), mais Ie IVe concile

    de Tolede (633), preside par Isidore, reprend un long passa-

    ge de la consultation relative au bapteme -elliagitante

    [sanctissimo] Leandro episcopo (PL 84,367 D = PL 83, 1102 B)

    -et sous Ie meme titre que I Hispana: De Irina et SIMPLA

    in baptismo mersione (= PL 84, 831 D). Un passage du De

    eccl. oil. I, 4, sur la tonsure est repris dans les m~mes termes

    par Tolede IV, c. 41 (PL 84, 377 = PL 83, 780). De meme,

    il y a lieu de comparer Tolede IV, c. 32 et Sent. III, 45 et 57

    De oppressoribus pauperorum; Tolede IV, c. 25 et De eccl.

    011.11,6, 17: scripturas legere,percurrere canones. Rencontres

    fortuites ou adoption, par Ie concile preside par Isidore, de

    points de discipline qui lui tenaient a creur? La preparation

    des conciles de Seville II (619) et de Tolede (633) ne concorde-

    t-elle pas avec la mise en reuvre de I Hispana? N est-il pas

    frappant de constater combien toutes les decisions s appuient

    sur la legislation anterieure,canonique ou civile? L argument~

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    CR. MUNIER

    n a qu une valeur ires generale il serait possible, sans dollie,

    de lui donner plus de consistance en dressant line liste

    exacte des citations isidoriennes en matiere juridique, comme

    l a fait J: Fontaine pour sesconnaissances lassiques . Certes,

    il y aurait la matiere a de vastes prospections, qu il n etait

    pasp ossible ai A. d envisager pour son propos. II n en res-

    te pas moins que la these sidorienne demandeque soit effec-

    tuee cette contre-epreuve, avant qu on puisse la considerer

    comme definitivement etablie.

    II subsiste, en effet, plusieurs difficultes -qui ne sont

    peut-etre pas insurmontables. L A. nous permettra de

    leg formuler en toute simplicite, d autant plus qu il a deja

    repondu a l une des objections majeures qui se presen-

    tent a l esprit. Si Saint Braulion ne fait aucune allusion a

    I H. dans Ie catalogue des reuvres d Isidore, ce serait unique-

    ment parce qu a cette epoque on n attachait pas grande im-

    portance a ce genre de travaux de compilation. Parlant

    des ecrits de Fulgence Ferrand, diacre de Carthage, Isidore

    ne mentionne pas non plus la collection canonique qu il avait

    composee mais la connaissait-il?).

    Voici nos objections. Dans sa relation du regne d Honorius

    (Chronicon, 108), Isidore rapporte que Pelage rut condamne

    a Carthage par un concile de deux cent quatorze eveques.

    Cette donnee peut-elle se concilier avec leg documents con-

    servesdans l H spana? II y est bien question de trois conciles

    tenus sous ce principat: Ie IVe concile de Carthage, reuni

    en 398, reproduit en realite leg Statuta eccleszae ntiqua;

    il aurait rassemble deux cent dix ev~ques d apres Ie Cod.

    Vindobonensis, deux cent quatorze d apres plusieurs autres

    manuscrits; en tout cas, il n y est pas question du pela-

    gianisme. Le VIe concile de Carthage (419) ne parle que de

    dix huit eveques et nullement de Pelage. Chose curieuse:

    c est sons Ie nom d un concile de Mileve de 214 eveques, qui

    se serait tenu en 402, que I H. produit leg anathematismes

    , J. FONTAINE,sidore de Seville et la culture classiquedans I Es-

    payne wisigothique, Paris, I-II, 1959. On s etonne de ne pas voir

    cite ce magistral ouvrage, ni les travaux de Schmekel, Wessner,

    Sorer, Yaben, Lawson, ct. B. ALTANER,Precis de Patrologie, rad.

    fran~., adapte par H. CHIRAT,Mulhouse, 1961,p. 687-688.

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    L AUTEUR DE L « HISPANA» CHRONOLOGIQUE

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    anti-pelagiens. Si Isidore etait l auteur, ou du moins l or-

    donnateur, de I H. comment aurait-il pu se contredire a ce

    point?

    Faut-il attribuer a Isidore les profonds remaniements ope-

    res sur la serle des conciles africains? ou bien est-il tributaire

    de sources deja ordonnees de cette maniere ? On sait que Ie

    c. 20 du concile de Tours (567) cite sons Ie nom de Mileve Ie

    c. 26 de Carthage (416) : la memeconfusion reparait dans I H.

    011 est ainsi amene a poser a question des collections canoni-

    ques anterieures a I H., confines en Espagne au VIe siecle.

    G:racea s~setudes et editions de I Epitome et de la collection

    de Novare, G. M. D. se trouve parfaitement prepare a re-

    soudre ce probleme epineux: il chassera,nons n en doutons

    pas, Ie fantome de la Pseudo-Hispanawisigothique arlesienne

    et saura repondre aux quelques objections que l on vient de

    soulever.

    On se demande enfin pourquoi l auteur n a pas integre a

    son etude sur les diverses recensions de I H. l examen de

    l Ordo de celebrando oncilio, qui leur est intimement lie. En

    effet, Ie IVe concile de Tolede en avait trace les premiers inea-

    ments; n y pent-on pas reconnaitre la main de saint Isidore.?

    Vne quarantaine d annees plus tard, toujours a Tolede, et

    sans doute sur l initiative de saint Julien, une forme nouvelle

    de l Ordo apparait, tres elargie, prevoyant la presence de

    plusieurs metropolitains et la venue du roi. Les temoins

    gaulois de I H. offrent une recension courte de ce nouvel

    Ordo. II n eut pas ete indifferent de constater que cette

    piece suit, dans ses remaniements, les principaux stades par

    lesquels la collection elle-meme est passee.

    SUMMARIUM

    Ad proximam editionem Hispanae chronologicae prolegomena dum

    praebet, G. Martinez opus valde utile con{ecit : doctissime de codici-

    bus disseruit, forum stemma pulchre composuit, de {ontibus et indole

    collectionis recte concinnavit. Quae vera de Isidoro eius « auctore »

    proponuntur, nondum plenum probationem adtulisse videntur.

    2, rue de la Pierre Large

    Strasbourg, France.