L'Abîme de La Mémoire. La Mémoire Collective Entre Expérience Personnelle Et Identité Politique
Mémoire : Management, Commercial et Marketing. Bachelor Luxe Mode et Design
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Transcript of Mémoire : Management, Commercial et Marketing. Bachelor Luxe Mode et Design
Responsable du Bachelor : M. Alexandre FABURELResponsable Isefac Bachelor Paris : M. Sylvain GONDOLFO Année scolaire 2015-2016
BACHELOR LUXE MODE ET DESIGN
« L’univers du luxe a t-il besoin de l’Artiste ? »Par Corentin DELAGE MARTINS AFONSO
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
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Isefac Bachelor Paris n’entend donner aucune
approbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces
opinions doivent être considérées comme propres à leur
auteur.
�3
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
REMERCIEMENTS
Avant toute chose, je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont rendu possible la
réalisation de ce mémoire.
Je pense tout particulièrement à mon responsable pédagogique Monsieur
FABUREL qui m’a soutenu et assisté tout au long de son élaboration. Sa
disponibilité, son écoute et sa bienveillance m’ont permis d’avancer dans ce travail
avec sérénité et quiétude.
Pour le temps qu’il m’a accordé, j’adresse mes remerciements à Monsieur Yves
HUMAN, mon ancien professeur de philosophie qui, par son sens aigu des mots ,
m’a aidé à en capter leurs sens. Ses connaissances ont apporté une lumière nouvelle à
ce que devait-être ma réflexion.
Je souhaite également remercier les étudiants dont les travaux antérieurs à cet
ouvrage ont facilité ma recherche, mes remerciements également aux documentalistes
qui ont su m’aiguiller.
De même, je remercie mes relecteurs pour l’exigence dont ils ont su faire preuve ainsi
que leur regard critique sur ce travail. Merci à mes proches pour leur soutien et leur
compréhension tout au long de cette année.
Sous oublier les membres de la promotion 2015-2016 de la filière Bachelor section
Luxe, Mode et Design d’ISEFAC BACHELOR PARIS pour leurs conseils et leurs
éclairages utiles.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
AVANT PROPOS
LUXO-ARTISTE
1 : La confrérie artisano-artistique
A : L’artisan et son savoir-faire lumineux, recherche du beau absolu.
B : L’artisan,voyage d’une technique répétitive jusqu’à l’inventivité perpétuelle.
2 : L’artiste : une figure singulière
A : Le Beau versus l’Utile
B : L’Artiste versus le Créateur
CONCLUSION 1
ARTKETING ANAGER
1 : L’artiste au service du luxe : L’artketing
A : Artiste et luxe, une relation fructueuse.
B: L’image du luxe redorée par l’artiste .
2 : L’artiste agrégat commercial et marketing
A : Du Mix Marketing au Mix Artketing
B : Vers une digitalisation de l’acte luxo-artistique
CONCLUSION 2
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
5
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
Dans la pièce Art de Yasmina Reza, une scène se déroule
entre deux amis, de la classe supérieure parisienne. L’un d’eux
vient d’acheter une toile d’art moderne, toute blanche, à un prix
très élevé ; ce qui choque le second. S’en suit un dialogue
comique, qui pose très finement les questions de la définition de
l’art, du goût, des motivations de l’achat d’une œuvre ou encore
de la place de l’artiste :
- « Tu dis l’ « artiste » comme une entité intouchable, comme si
c’était une divinité…
- Mais pour moi c’est une divinité ! Tu ne crois pas que j’aurais
claqué cette fortune pour un vulgaire mortel ? »
Dans cet échange, on comprend déjà la puissance sacré de
l’artiste : le luxe est une manière de faire de lui une « divinité ».
AVANT PROPOS
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
INTRODUCTION
Dans l’antiquité, l’art et le luxe ne formaient qu’une seule et même entité. Le luxe
était considéré comme un art et l’art comme un luxe. Cette relation quasi-incestueuse
s’est renforcée dans les vingt dernières années : et pour cause, l’esthétisation croissante
de nos biens tangibles et intangibles. Dans cette marchandisation croissante de l'art, on
observe une réelle course au réenchantement. Cette quête du beau, fait que notre
civilisation attend d’une paire de chaussure qu’elle ne soit pas seulement une paire de
chaussure, mais qu’elle soit « Luxe, Mode et surtout Design ». Il y a une véritable
nécessité pour le luxe de renouer avec la valeur symbolique, au-delà de l’étiquette du
prix, avec l’art et la création. C’est à partir des années 80 que l’artiste et son art se sont
rapprochés pour vivre dans les années 90, une relation quasi- fusionnelle. Cette passion
a profité aux maisons de luxe qui ont greffé à leurs caryotypes , un chromosome appelé
« Artiste ». L’univers du luxe a immédiatement vu son image rajeunir. La relation entre
les artistes et les maisons est maintenant très étendue. Elle va du mécénat, de l’amour
profond de l’art, à son instrumentalisation; une relation qui s'est consolidée en ce début
du 21ème siècle. Ainsi, le septième art est le chef de file de ce mouvement qui tend à
rapprocher luxe et artiste et pour preuve, la collaboration de Bruno Aveillan pour la
maison Cartier. Cette maison en pointe dans le domaine luxo-artistique a fait appel à ce
réalisateur, photographe et artiste plasticien, afin de créer une réelle oeuvre
cinématographique appelée : l’Odyssée de Cartier. Elle a été créée pour les 165 ans de la
maison et a nécessité plus de 2 ans de travail, 84 musiciens, une équipe de tournage de
60 personnes et 50 techniciens pour les effets spéciaux. C'est avec la sublime musique de
Pierre Adenot que cette oeuvre nous fait tout simplement rêver. En vue de cela,
pouvons-nous imaginer l’univers de luxe sans artiste? Cette convergence des ces
industries de la création vers l’Artiste existe elle vraiment ? L’univers du luxe a t-il
réellement besoin de l’artiste? Ou, sont-ils comme jadis, considérés comme les
« bouffons » du roi ? Nous allons tenter de répondre à ces questions à la lumière de deux
axes. Tout d’abord un exposé théorique qui tend à différencier l’artisan, le créateur et
l’artiste, puis une réflexion opérationnelle, s’articulant sur l’artiste et ses enjeux
stratégiques dans l’univers du luxe.
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
Exposé théorique sur le thème.
ARTISTE LUXO-
Pour être à même de saisir la légitimité de ce lien entre le monde qui est celui de
l’artiste et celui du luxe, il est tout d’abord essentiel de comprendre les points communs
que ces deux univers ont pu entretenir au cours de l’Histoire. Il est également essentiel de
connaître leurs étymologies propres afin d’en capter son sens. Cette démarche nous
amènera à différencier l’artisan de l’artiste. Nous mettrons en exergue le lien étroit entre
ces deux figures par l’intermédiaire d’artisans d’exception et d’excellence. Une démarche
qui nous pousse à observer ce point névralgique des Maisons prestigieuses qui s’inspirent
sans cesse des artistes. Ils sont parvenus à ouvrir de nouveaux horizons au monde de luxe
par l’apprentissage d’un savoir-faire galvanisé par une inspiration quasi-absolue. Puisque,
oui, l’artisan a dû faire preuve de créativité pour capter de l’émotion ici et là dans ce qu’il
y a de beau, afin de le transposer dans ses créations. C’est pourquoi nous nous arrêterons
sur les commandes spéciales des clients fortunés et exigeants, poussant l’artisan à faire
parfois preuve d’inventivité permanente caressant l’acte même de la création divine.
Nos sociétés sont entrées depuis la fin du 19ème dans l’ère de la mondialisation . 1
Ce processus d’intégration des marchés et de rapprochement des hommes qui résulte
notamment de la libération des échanges va faire naître avec lui la globalisation. Ce
mécanisme s’est fortement accéléré avec la naissance des Nouvelles Technologies
d’Information et de Communication (NTIC). Nous constaterons alors la multiplication
des échanges, physiques ou numériques, entres les économies. Ces différentes économies
vont se spécialiser selon leurs avantages comparatifs. Il y a donc une interdépendance des
sociétés. C’est précisément dans cet univers, que le mot industrie, accompagné par ses
loyaux sujets appelés « mécanisation » ou « répétition », règnent en maître. Le terme
« artisan » ainsi que son noble travail, ont été eux, durement galvaudés.
Dossier consacré au développement et du dossier consacré à la mondialisation.- LAROUSSE1
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1.
LA CONFRÉRIE ARTISANO-ARTISTIQUE.
A / L’artisan et son savoir-faire lumineux, recherche du Beau absolu.
Commençons tout d’abord par un film symptomatique de ce phénomène : les
Temps Modernes . Comédie dramatique américaine de Charlie Chaplin, il s'agit du 2
dernier film muet de son auteur et l'un des derniers qui présente le personnage de
Charlot, lequel lutte pour survivre dans le monde industrialisé. Le film est une satire du
travail à la chaîne imposée par les gains d'efficacité exigés par l'industrialisation des
temps modernes. En effet, 1911, date à laquelle Franck Taylor, ingénieur économiste, crée
l’Organisation Scientifique du Travail (OST), donne naissance à un courant économique
désormais célèbre : le taylorisme . Le scientifique diffuse ses idées selon deux grands 3
principes : la division horizontale du travail qui consiste à supprimer toute tâche
intellectuelle aux ouvriers afin qu’ils se concentrent sur le travail manuel et la division
verticale qui, elle, attribue à chaque travailleur une tâche spécifique ayant pour but
l’accélération et l’automatisation de la production.
Cet exemple est révélateur puisque encore très actuel. Cette logique de marché joue
encore à dépouiller l’artisan de sa valeur.
MODERN TIMES : Lmoinault.chez-alice2
Qu’est ce que le Taylorisme ? Définition et explications / http://www.henryford.fr/fordisme/taylorisme/3
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
- Charlie Chaplin, l’ouvrier aliéné, rêvant de l’artisan libérateur.
Capture d’écran du film « Les Temps Modernes ». On peut se demander l’importance de la plaçe de l’artisan dans le processus de création marchande.
Et pourtant, il faut savoir que dès l’époque préhistorique des fresques sur les
parois des cavernes à l’art conceptuel ou à la musique concrète, l’homme s’est toujours
manifesté à travers la création, sous toutes ses formes.
En effet, notre vision qui est devenue, elle aussi mécanique, nous permet
difficilement d’entrevoir l’atmosphère d’un atelier de haute couture, de joaillerie, ou
d’horlogerie. De façon moins pragmatique, elle nous empêche de capter et de comprendre
la plaçe de l’Homme dans la création. Et pourtant, dans l’univers du luxe, le travail de
l’artisan est pratiqué de la même manière que jadis. : au temps où tout était fait à la main,
où le même artisan commençait son ouvrage et le terminait de lui-même. Cher lecteur,
c’est ici même que se cache toute la magie du luxe pur et véritable. Cette vision n’est pas
utopiste puisqu’elle est bien observable dans l’ensemble des ateliers de haute couture. Le
travail qui peut-être aliénant pour certains secteurs, se transforme ici, en passion absolue.
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
« Je sous-estimais l’importance du travail de l’artisan dans l’univers du luxe. Après la fin de mon stage à l’atelier Haute Couture chez Jean Paul Gaultier Paris, j’ai compris que nous avions tous la possibilité, par notre travail, de faire rêver, de se singulariser et enfin de transmettre notre vision de la beauté aux générations futures. Si la problématique de mon mémoire ne cite pas explicitement l’artisan dans l’univers du luxe, il n’en pas pas moins important. Puisque oui, l’artiste est artiste parce qu’il a travaillé durement pour un jour maîtriser un savoir-faire. C’est seulement après, que son génie divin fait de lui un véritable artiste »
Corentin Delage Martins Afonso et Annie, Ex Première d’atelier chez Jean Paul Gaultier.
Poursuivons ensemble notre réflexion sur une figure importante de l’univers du
luxe : l’artisan. La maison Chanel, à l’instar de toutes les grandes maisons de luxe,
apporte une grande importance à ce culte de l’artisanat. D’ailleurs, une filiale de Chanel,
nommée Paraffection , regroupe le parurier Desrues, les brodeur Lesage et Montex, le 4
modéliste Michel, les bottiers Massaro et Roveda, l’orfèvre Goosens, le gantier Causse, le
plumassier Lemarié, le parurier floral Guillet. Des métiers que l’on croirait échappés
d’une autre ère, tant les révolutions contemporaines du monde de la mode semblent
n’avoir pas laissé de place à ces petites maisons aux ressources hors du commun.
Pourtant Bruno Pavlovsky, directeur des activités mode au sein de la maison, explique
que « le rôle de Paraffection est de donner à ces maisons les moyens de se développer.
C’est à la fois un investissement dans la création et une réalité économique avec des
maisons qui se développent, recrutent et recherchent sans cesse de nouveaux clients » .Et 5
en effet, entres les esthètes fortunés désireux de s’offrir une pièce unique ou les maisons
de couture passant commande pour leurs défilés, ces dernières ne peuvent pas se passer
de ces « petites mains » pour satisfaire les idées fantasques et précieuses de leur créateur.
Alors que l’on aurait pu croire que la funeste vision de Charlie Chaplin vienne
enterrer sur l’autel de la sur-consommation et de la production en série le monde de
l’artisanat, c’est tout bonnement le mouvement inverse qui s’est produit. Pour cause, la
quête d’un ultra-luxe, d’une production extrêmement minutieuse et rare, où défaut est
gage de luxe, puisqu’il rime avec singularité. C’est pourquoi la maison Chanel a décidé
de les soutenir en leur permettant notamment d’assurer la perpétuation de leur savoir-
faire à travers le temps.
Les petites mains de Chanel passent le périphérique - Le Parisien 4
LA HAUTE COUTURE , BONNE ETOILE DE L’ARTISANAT par Quentin Lafon. 5
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
Une brodeuse vérifiant la bonne tenue des galons ©Loic Prigent pour Signé Chanel
Jean Lacoste nous explique dans son ouvrage -La philosophie de l’art - que « La
séparation entre artisan et artiste est aussi nette que la distinction entre le beau et l’utile» . 6
Néanmoins, nous sommes obligés de pondérer cette pensée puisque le thème de ce sujet
nous y oblige. En effet, nous apportons dans le cadre de ce mémoire une nuance qui
découle de l’univers du luxe. Les artisans, au sein des Maisons de luxe, ont dû sans cesse
se dépasser et transcender leurs travaux qui au départ n’est que répétitif. Ils auraient pu
se cantonner à une technique purement mécanique et répétitive. Néanmoins, le luxe est
souvent synonyme de singularité et de personnalisation. Les clients des Maisons de luxe
ont souvent des exigences bien précises en terme de modèles. Ces derniers ont pu
s’adresser directement à ces artisans pour donner vie à leurs rêves les plus fous. C’est en
cela que la frontière entre l’artisan et l’artiste se dissipe. Ces commandes spéciales mettent
en lumière le degré de complexité des attentes des consommateurs de luxe. Cela rejoint la
pensée platonicienne, qui tente de définir l’artiste et l’artisan. Chez Platon, la technê ne
désigne pas l’art au sens moderne, ni d’ailleurs une technique. L’art désigne un savoir, un
savoir-faire réfléchi et raisonné qui s’oppose à la routine. L’artisan a recours à son
inventivité ainsi qu’à son sens aigu de la créativité, qui se rapprochent incontestablement
de celle de l’artiste.
À la frontière de l'artisanat, de l'art et de l'histoire, les commandes spéciales
prolongent la magie des maisons de luxe françaises, héritières et rentières des vieilles
monarchies. En effet, nous distinguons en matière de luxe une typologie de clientèle très
intéressante dans le cadre de ce mémoire : une clientèle qui exige aux prestigieuses
maisons des commandes personnalisées. « Si le luxe ne naît pas de la richesse mais de la
prodigalité, encore la seconde dure-t-elle plus longtemps si elle est enfin soutenue par la
première, laquelle lui permet alors de jeter tous ses feux », écrit Proust dans « À la
recherche du temps perdu ». Cette citation est révélatrice, elle vient éclairer de par son
sens, les trois exemples suivants : Cartier, Guerlain ainsi que le Comité Colbert.
La philosophie de l’art -Jean Lacoste édition Puf.6
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B / L’artisan : Voyage d’une technique répétitive jusqu’à l’inventivité perpétuelle.
Cette course à l’esthétisation de l’offre pousse l’univers du luxe à aujourd’hui
soumettre sans cesse de nouveaux défis à leurs artisans, frôlant parfois la démesure. C’est
dans les coulisses de la maison Cartier que nous allons tenter de nous immiscer . Nous
pourrons ainsi humer un grand savoir-faire, respirer une inventivité aiguisée, et aussi
contempler ici et là, cachées dans un écrin rougeâtre, des créations uniques. Cette maison
dispose en effet d’un service exclusif de commandes spéciales. Les clients peuvent exiger
de Cartier une création originale ou la déclinaison d’un modèle. Le modèle qui est alors
demandé par ce client naît d’une véritable rencontre avec le joaillier. Cartier utilise cet
art subtil qui consiste à se mettre au service d’un souhait, tout en respectant les codes et le
style de la maison. Ce rêve partagé, réalisé et interprété avec toute l’exigence et la rigueur
de la Maison, a donné naissance à des créations poétiques et parfois inattendues.
« Nous avons toutes les semaines des réunions de création » confirme Pierre
Rainero, chez Cartier. « Les commandes spéciales sont de plus en plus importantes dans
l'activité. C'était une part très substantielle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Puis cela
a diminué avant d'accélérer ces cinq à dix dernières années. On vit une époque faste dans
la haute joaillerie, pas seulement pour la valeur financière, mais aussi sur le plan
artistique.» 7
Demesure sur mesure - Par Chalenge7
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
- Immersion chez la maison Cartier : l’artisanat, clé de voûte d’un luxe « quasi-absolu »
Exemple d’une commande spéciale de
l'excentrique María Félix, en 1975: le Collier
Crocodiles, l'un comportant 1.060 émeraudes, l'autre
1.023 diamants jaunes. Entièrement articulé, chaque
crocodile peut se porter en broche. Une légende
voudrait que l'actrice ait elle-même apporté un bébé
crocodile comme modèle à la boutique Cartier, rue de
la Paix, à Paris.
Ces commandes spéciales ont permis de maintenir au zénith le savoir-faire de
l’artisan. À ses clients hors normes, la maison leur envoie d'abord un dessinateur à
domicile. « Nous proposons au minimum trois dessins aptes à porter la signature Cartier
», explique Pierre Rainero, directeur image patrimoine et style. « Cette année, une cliente
a exigé la modification d'un collier qui figurait au catalogue de Cartier. Elle souhaitait
porter sur ce modèle un diamant vert et un diamant rose. La maison a cherché les pierres
puis trouvé. »8
Cet attachement à l’artisanat se retrouve auprès de toutes les Maisons de
luxe aujourd’hui. Guerlain ne déroge pas à la règle en proposant des créations uniques.
En effet, réaliser des rêves, apporter aux milliardaires du monde le meilleur du savoir-
faire français, c'est ce que fait tous les jours Sylvaine Delacourte, directrice du
développement des fragrances Guerlain.
« J'ai sept parfums sur mesure à réaliser en ce moment », dit-elle.
Deux heures durant, elle s'imprègne d'une personnalité qui lui
raconte tout : tranches de vie, souvenirs de vacances, impressions
fugitives de placard à confitures, de foins coupés, de rose, d'iris... «
Les odeurs qui les ont façonnées », résume-t-elle. Elle propose 9
ensuite plusieurs jus, échos de l'univers personnel du visiteur,
élaborés avec le nez maison Thierry Wasser et perfectionnés
jusqu'à satisfaction totale du (ou de la) commanditaire. Au final,
une vingtaine de flacons dans un coffret somptueux et 2 litres d'une fragrance unique. La
formule du parfum, non commercialisable, restera la propriété de l'acquéreur,
transmissible à sa descendance. »
Demesure sur mesure - Par Chalenge8
Demesure sur mesure - Par Chalenge9
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- Guerlain : une odeur irrésistible de créativité artisanale.
Le savoir-faire des artisans qui sont au cœur de l’activité des maisons du luxe,
constituent une richesse du patrimoine immatériel français. Leur valorisation et leur
transmission sont essentielles. Depuis 2006, le Comité Colbert a obtenu que les artisans
des maisons soient éligibles au titre de Maître d’art et distingués dans l’ordre des Arts et
des Lettres. Ces distinctions octroyées par le ministère de la Culture et de la
Communication revêtent une importance symbolique puissante puisqu’elles consacrent la
contribution d’artisans d’exception à la culture française. A ce jour, 32 artisans ont été
distingués. Exigence, passion, transmission sont les maîtres mots de ces artisans.
Ces différents exemples soulignent le rapprochement inévitable entre ces deux
figures que sont l’artisan et l’artiste. En effet l’artisan du luxe est poussé à créer des
modèles de plus en plus uniques. Cela le mène inévitablement sur le chemin de la
créativité où marche déjà une figure sur laquelle nous allons réfléchir : celle de l’artiste
éclairé.
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
- Comité Colbert : le paroxysme de l’artisanal-artistique
Au 1er rang ( de gauche à droite ) :-Josefa Maria Pedralva-Signes (modéliste,Jeanne Lanvin) -
Pierrette Trichet (Maître de Chai, Cognac Rémy Martin) -
Xavier Zimmermann(Maître verrier au chalumeau, Saint-Louis)
Au 2eme rang de gauche à droite
-Vincent Garnichey maroquinier - sellier gainier d’art,
S.T.Dupont -Guillaume de Seynes, directeur général, HERMÈS
; président de la Commission Métiers et Ressources humaines
Comité Colbert -Eric Leroux - Michel Bernardaud, président,
BERNARDAUD; président /
Comité Colbert -Colette Petremant -Christophe Michalak (chef
pâtissier, Hôtel Plaza
Athénée) et enfin Jeffrey Brett Leatham (directeur artistique
- styliste floral, George V)
La définition que nous venons d’apporter de l’artisan ne fait pas pour autant de lui
un artiste. Or l’artisan et l’artiste ont pour même racine la maitrise d’un savoir-faire.
L’artisan est, comme nous l’avons vu, important pour ce secteur exigeant. Cela préfigure
que l’artiste de par son lien avec l’artisan peut lui aussi être personnage central dans
l’univers du luxe. Notre problématique porte sur le besoin de l’artiste pour le secteur du
luxe. Cette figure se situe au delà de l’artisan, puisqu’elle refuse tout diktat de l’esprit. En
effet, il désir dans un élan narcissique, laisser la trace de son génie. Il n’est régi seulement
par que par ses propres dogmes. Or, qu’en est-il des Directeurs Artistiques présents dans
notre « ABCDR DU LUXE ET DE L’ARTISTE » ? Peut-on comparer, Giorgio Armani,
Gabrielle Chanel, Christian Dior, Jean Paul Gaultier, Yohji Yamamoto (…), à des
artistes? Si la réponse s’avère être positive, le luxe aurait inévitablement besoin de
l’artiste. Ce travail nous montre en partie, le lien étroit entre le Créateur et l’Artiste.
Néanmoins, pouvons-nous distinguer ces deux figures? Si oui, doit-on le faire? Le
Directeur Artistique n’est-il pas confronté à ce qu’on peut appeler de l’Artketing, qui est
ni plus ni moins une stratégie marketing de différenciation par l’art. Le Directeur
Artistique n’aurait-il pas des impératifs financiers et économiques? Cette partie pourrait
bien nous permettre d’apporter un jugement sur le besoin réel ou non de l’artiste dans
l’univers du luxe.
La différenciation entre l’artiste et l’artisan est capitale si nous voulons répondre à
la problématique de façon précise. On opposait au Moyen Age les arts libéraux enseignés
à la faculté et les arts mécaniques, les opérations presque spéculatives de l’esprit et les
opérations vulgaire de la main. La peinture faisait partie des arts mécaniques et le poète
Rutebeauf disait, au contraire « Je ne suis ouvrier des mains ».
�16
2.
L’ARTISTE : UNE FIGURE SINGULIÈRE .
A / Le Beau Versus l’Utile.
Mais dès la fin du 14 ème siècle, à Florence, les peintres revendiquent le statut social
d’un art libéral comparable, par son pouvoir de création et d’imagination audacieuse à la
poésie. Mais c’est seulement au 17ème siècle que se précise la distinction entre artiste et
artisan et que les beaux arts deviennent autonomes par rapport aux arts mécaniques.
L’artisan, tout comme l’artiste, s’inscrit dans l’apprentissage d’un savoir faire qu’il
acquiert afin de réaliser les objets les plus esthétiques possibles. C’est une réelle recherche
de la beauté qui n’est rendue possible que par la maîtrise absolue de ses outils et d’une
technè particulière. Cela traduit ce lien artisano-artistique. L’artisan et l’artiste ont donc 10
une racine commune. Cette racine désigne d’abord un homme habile dans un art
mécanique difficile ( l’horlogerie par exemple ). Puis, la nuance ici est capitale, l’artiste,
lui, se distingue de l’artisan puisqu’il est « celui qui travaille dans un art où le génie et la
main doivent concourir ensemble ». Les beaux-art, d’autre part, sont « enfant du génie; 11
ils ont la nature pour modèle, le goût pour maître, le plaisir pour but ». La peinture est
sans doute le parfait symbole de cette distinction qu’il est nécessaire d’apporter afin de
définir correctement l’artiste. En effet, elle est le parfait symbole de ces arts du beaux
inclassables, qui ne cherchent ni la vérité, ni l’utilité. L’artiste, dans sa création, va au delà
de l’artisan.
- Différence imminente de l’artiste par rapport l’artisan.
Quand, d’une chose qui est devant nous, nous disons par exemple « c’est le soleil
» (même si il n’est que dessiné ou en image sur un ordinateur), nous disons que cette
chose « est », nous lui reconnaissons une identité propre et un être. C’est ce que Platon
appelle « essence » ou « idée ». L’être définit comme Idée dans notre exemple est ce qui ,
par sa présence, fait qu’une chose est ce qu’elle est « un soleil ». Cet être est permanent et
s’oppose donc au changement et au devenir. Or, les objets fabriqués, les « ustensiles »(un
sac Chanel par exemple), ont aussi une idée, une forme permanente qui fait que nous les
reconnaissons quand nous les voyons. « Le sac Chanel » qui doit être utilisé par les
consommateurs de produit de luxe est fabriqué par un artisan, un ouvrier de ces
La philosophie de l’art - Jean Lacoste 10
La philosophie de l’art - Jean Lacoste 11
�17
consommateurs. Celui-ci fabrique ce sac Chanel, les yeux fixés sur l’idée du sac Chanel,
sur ce que doit être ce sac pour être un sac. L’artisan ne produit pas l’Idée elle-même et
avant de faire pratiquement un foulard Hermès, l’artisan doit regarder l’idée à laquelle
son travail est subordonnée. En ce sens, l’artisan est un bon imitateur : il rend présente
aux sens une Idée limitée.
En effet, si nous prenons l’exemple d’un peintre et d’un artisan, la différence entre ces
deux figures est capitale pour notre propos : l’artisan fabrique une Malle Louis Vuitton
qui a l’unité, l’identité d’une chose. Le peintre en revanche, ne peint, ne « rend » qu’un
aspect de cette Malle de face ou de côté. Le peintre imite donc cette Malle non pas telle
qu’elle apparaît. Il peint par sa propre vision une oeuvre fantasmagorique. La peinture se
définit par son éloignement du réel et du vrai : elle produit un simulacre, une idole. Ce qui
est vrai dans notre exemple pour la peinture est vrai aussi de la poésie et finalement
définit l’acte même de l’artiste par rapport aux autres productions.
Il y a donc émancipation imminente de l’artiste créateur, que son génie, original et
exemplaire à la fois, arrache à la condition de l’artisan qui reçoit une commande, qui
l’exécute dans son atelier et qui vend un produit fini.
Les créateurs des Maisons de luxe ont toujours entretenu des liens fraternels avec
le monde des artistes. La figure de Giorgio Armani est un exemple de rapprochement
entre le monde de l’art et le monde de la mode. Cet homme est un personnage clé dans ce
mémoire puisqu’il lance le débat, qui consiste à considérer le créateur de mode, ou non,
comme un artiste. Lui même déclare : « De nos jours, le styliste doit aider le public à
trouver la beauté (..). Cette formule prend ici tout son sens. Elle soulève une question 12
intéressante : quelle est l’origine de cette association spontanée et qui semble partagée par
tous entre un designer de vêtement et un artiste? Elle met en lumière le lien quasi-
incestueux entre le créateur et l’artiste.
Giorgio Armani : “Je suis resté indépendant pour garder la maîtrise de mon esthétique” - LE MONDE 12
�18Mémoire : Management, Commercial et Marketing
B / Artiste Versus Créateur.
Andy Warhol, artiste américain et principal représentant du pop art, déclare : « Je
crois qu’aujourd’hui la façon dont on s’habille est une forme d’expression artistique.
Prenez Jean Paul Gaultier, ce qu’il fait est vraiment de l’art ». Même si celui-ci 13
considère comme artisan, il est qualifié tout autrement par ses pères. Et pour cause, les
arts ont toujours tenu une plaçe importante dans son travail. A travers ses collaborations
artistiques, Jean Paul Gaultier a saisi dans son essence même le cinéma, la musique et la
danse. - illustration du travail de Jean Paul Gaultier page G de l’ABCDR -.
Ajoutons à cela un commentaire de Hervé Mikaeloff, le commissaire des
expositions de Louis Vuitton, ainsi que conseiller éditorial de l’ouvrage Louis Vuitton :
art, mode et architecture, des figures telles « qu’Yves Saint Laurent, ou Monsieur Dior
ont toujours été considérées comme des artistes et non plus de simples artisans. Ces deux
personnages de l’histoire de la mode sont parvenus à transcender leur profession et à
s’imposer dans l’esprit des gens comme de véritables artistes. Ils sont de véritables trésors
nationaux selon les japonais ». Nous pourrions donc considérer, les Directeurs 14
Artistiques comme de véritables artistes. D’ailleurs, ces deux personnages sont également
présents dans notre « ABCDR DU LUXE ET DE L’ARTISTE ». Seulement, Yves Saint
Laurent a, pendant notre voyage transcendantal, éveillé notre curiosité.
Regardez,Lisez,Ecoutez. Jean Paul Gaultier L’exposition/http://www.grandpalais.fr/fr/article/jean-paul-gaultier-lexposition13
Secrets -http://www.fondation-pb-ysl.net/fr/Secrets-32.html14
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Mémoire : Management, Commercial et Marketing
- Le Directeur Artistique : Artiste ou Créateur ?
Visuel fait par Corentin Delage
Martins Afonso. A voir dans l’ABCDR du luxe et de l’artiste
page S.
Robe Mondrian créée par Yves Saint
Laurent
Observons la robe Mondrian créée par le grand couturier Yves Saint Laurent,
quatre ans après la création de sa maison éponyme. Cet exemple est la quintessence de la
vocation artistique du créateur au sein d’une maison de luxe qui s’apparente
véritablement à celle de l’artiste. Elle a été imaginée à partir d'un imprimé inspiré des
œuvres abstraites du néerlandais Piet Mondrian. Cette robe est véritablement le fruit de
l’intuition et de la médiumnité d’un homme hors pair, qui peut être considéré comme un
véritable génie. Même si, entendons-nous cher lecteur, cette robe n’est pas une oeuvre
d’art dans le sens que nous lui avons donné dans la partie 2 - : L’artisan au service du luxe :
Voyage d’une technique répétitive jusqu’à l’inventivité perpétuelle. - Cette robe n’en est pas moins
conceptuelle. Elle est véritablement symptomatique d’une oeuvre. Il y a réappropriation
de l’oeuvre initiale par un couturier qui su la signer et la marquer de sa griffe.
Regardons l’exemple du « sample » qui est fréquemment utilisé dans l’industrie de
la musique. Tout d’abord qu’est-ce qu’un sample? Tout simplement un échantillon
musical, pioché chez un artiste et réutilisé par un autre. Quelques notes peuvent suffire -
le Jocko Homo de Devo repris sur le titre Stress par Justice, est un exemple parmi des
milliers d’autres- . Il y a également les Daft Punk, présents dans notre « ABCDR DU
LUXE ET DE L’ARTISTE », qui ont utilisé cette technique de composition.
�20
Le « sample », symbole du lien entre le Créateur et l’Artiste.
Voici la console de sampler totalement dédiée au titre « Harder Better Faster
Stronger » du groupe Daft Punk.
Néanmoins, nous pourrions naturellement nous demander : à quoi ça sert ? Un vrai
musicien n’est-il pas supposé composer lui-même ? De même pour Yves Saint Laurent
lorsqu’il reprend la peinture abstraite de Piet Mondrian. Si les Daft Punk sont considérés
comme des artistes, les couturiers doivent-être par extension considérés de la même
manière. Au-delà de l’hommage, il y a également le rôle ô combien important du
musicien, et de l’artiste en général qui est celui de passeur. Massive Attack, groupe
britannique, composé principalement de Robert Del Naja et Grant Marshall, précurseur
du trip hop l’a bien compris, lui qui sample énormément en citant à longueur d’interview
leurs influences. Un sample, c’est une façon de remercier, et de transmettre sa
connaissance. Le sample symbolise l’acte artistique du couturier comme technique donc,
mais bien plus encore : Le sample comme déclaration d’intention, comme
expérimentation, comme exploration, comme passation de connaissance.
En ces termes, pourquoi ne pourrait-on pas anoblir Yves Saint Laurent comme
étant un artiste? Qui nous empêche de penser qu’Yves Saint Laurent, ainsi que ces
myriades de couturiers, sont de réels artistes éclairés? Et bien, nous savons que la liberté
du créateur de vêtement, à la différence de l’artiste, est limitée par des impératifs
économiques et financiers. C’est en cela qu’ils se différencient.
Comment comprendre sociologiquement cette nécessité de faire œuvre ? Il nous semble
possible de répondre à cette question par l’intermédiaire de son rapport au temps, ou plus
exactement dans la dimension du « présent ». En effet, comme on peut le saisir dans
l’extrait d’entretien de ce compositeur de musique contemporaine, âgé d’environ
quarante-cinq ans, résidant à Rennes, affilié à l’ircam : « On voit quelle est la pertinence
d’un artiste (silence). Je crois qu’on ne doit pas faire les choses pour l’immédiateté, pour
le succès, un artiste, ça n’est pas ça (…). S’il voit loin, il accepte aussi d’être compris et
reconnu cinquante, cent ans plus tard. Si on n’a pas cette conscience-là, c’est vrai qu’il
vaut mieux arrêter d’écrire ou alors on a conscience que l’on fait de la variété et que l’on
fait des choses à la mode, dans le moment, des choses immédiates mais qui disparaîtront
(…).
�21
- Le pouvoir de création dicté par des impératifs financiers.
Si la musique est un art du temps c’est aussi cet art-là, de se mettre en dehors du temps
vécu, parce que je vous dis que les pièces que j’écris aujourd’hui, peut-être qu’elles seront
jouées dans cent ans (silence). »
Le plus important alors pour l’artiste et ce, au détriment de sa propre condition, est
de faire une oeuvre qui pourrait traverser le temps par la réception de futurs publics
potentiels. Or, le créateur lui, doit satisfaire les clients de la maison de luxe concernée qui,
au final, achètent son travail. L’artiste, lui, ne doit satisfaire qu’un besoin personnel
profond. Le secteur du luxe a besoin de créateurs dans une démarche artistique mais
n’en oublie pas moins la demande de sa clientèle.
- Organigramme de notre pensée mettant en exergue la différence entre l’artiste et le
créateur.
�22
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
des choses immédiates mais qui disparaîtront (…). Si la musique est un art du temps c’est
aussi cet art-là, de se mettre en dehors du temps vécu, parce que je vous dis que les pièces
que j’écris aujourd’hui, peut-être qu’elles seront jouées dans cent ans (silence). »
Le plus important alors pour l’artiste et ce, au détriment de sa propre condition, est
de faire une oeuvre qui pourrait traverser le temps par la réception de futurs publics.
potentiels. Or, le créateur lui, doit satisfaire les clients de la maison de luxe concernée qui
au final achètent son travail. L’artiste lui, ne doit satisfaire qu’un besoin personnel
profond. Le secteur du luxe a besoin de créateur dans une démarche artistique mais n’en
oublie pas moins la demande de sa clientèle
L’ART
L’UNIVERS DU LUXEL’UNIVERS
FANTASMAGORIQUE DE L’ARTISTE
Un modèle pour une clientèle .
Une oeuvre pour l’Humanité.
LE CRÉATEUR L’ARTISTE
Tapez pour saisir le texte
�23
CONCLUSION
Cette partie nous a permis de bien distinguer l’artisan, maîtrisant parfaitement un
savoir-faire, l’artiste, qui lui accompagne ce savoir d’un génie absolu et divin. Puis, le
créateur, qui fait preuve de créativité dans une sphère bridée par des impératifs
financiers. Ces trois figures sont parvenues à répondre à notre interrogation bien plus
rapidement que prévu, et en sachant à leur habitude, créer un grand étonnement, et
aller, une fois de plus, au delà de tout ce qui aurait pu être imaginable. Les créateurs de
mode, à l’instar d’Yves Saint Laurent, cité dans notre première partie, sont dotés d’un
sens aigu de l’observation. Ils captent les courants porteurs et font de l’artiste un allié
essentiel des maisons de luxe. En cela, ils abolissent toute distance avec le monde de
l’art en adoptant les mêmes codes. Il y a véritablement un rapprochement absolu avec la
sphère artistique : une dynamique qui nous oriente vers de nombreuses piste de
réflexion. En effet, on peut légitimement se demander quelles sont les raisons qui ont pu
pousser le monde du luxe à opérer un tel rapprochement avec l’artiste. C’est sur quoi
nous allons tenter de répondre avec l’analyse d’une stratégie marketing appelée
l’artketing.
�24
Mémoire : Management, Commercial et
Analyse des enjeux stratégiques au niveau artketing.
ARTKETING-ANAGER
La figure de l’artiste a réussi, de par sa capacité à créer de l’émotion, de l’ineffable ,
à devenir un réel agrégat marketing. À l’heure où la concurrence est de plus en plus rude
entres les maisons de luxe, cette démarche permet de renforcer leurs positionnements et
aussi d’enrichir la relation avec le consommateur de produits de luxe. L’interêt pour les
maisons est de faire oublier la dimension commerciale, au profit d’un univers artistique.
Or, si un tel rapprochement est possible, c’est avant tout parce que les deux parties
profitent d’un commun-accord, nous explique Bertrand Chovet, directeur général
d’Interbrand Paris : « L’artketing, c'est l'utilisation et l'appropriation par la marque de
l'art et réciproquement. L'artketing doit avant tout constituer une relation gagnant-
gagnant. La marque ne doit pas écraser l'artiste et tomber dans une logique consumériste.
Inversement, le message de l'artiste ne doit pas être trop éloigné de celui de la marque.
L'artketing peut prendre plusieurs formes. Cela peut être les fondations de marque,
comme celle de Louis Vuitton, récemment inaugurée au Jardin d'acclimatation, ou la
Fondation Cartier pour l'art contemporain (installée depuis 1994 sur le boulevard Raspail
à Paris,). ». Cet outil est devenu un enjeu stratégique pour les maisons, en même temps
qu’un facteur de différenciation, essentiel dans un environnement ultra-concurrentiel.
Néanmoins, comment savoir si l’univers de luxe a besoin de l’artiste? Comment
connecter le secteur luxe qui est pragmatique - puisque régi par un impératif financier -
et l’artiste, qui lui est le symbole de l’idéalisme? Pour répondre à cela, nous allons
mesurer les enjeux stratégiques au niveau commercial et marketing.
�25
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
1.
L’ARTISTE AU SERVICE DU LUXE : L’ARTKETING.
Je vais, si vous me le permettez cher lecteur, utiliser pour la première fois la
première personne de singulier dans cette réflexion globale. Puisque oui, j’ai la chance de
pouvoir émettre un avis personnel sur mon sujet. Je vais donc appuyer mes propos par
mon expérience scolaire, professionnelle et personnelle. En effet lors de ma deuxième
année à Isefac Bachelor Paris en mode luxe et design, j’ai eu le privilège d’avoir un
module intitulé « Mode », dispensé par Monsieur Jérémy Peluso. Lors de ses
interventions, j’ai pu constater que des passerelles ont toujours existé entre création
artistique et création de valeur. Il y a toujours eu une association plus ou moins flagrante
entre les maison de luxe et les artistes de renom. En effet, lors d’un visionnage d’un défilé
d’Elsa Schiaparelli, j’ai été confronté à ce j’ose appeler, une véritable oeuvre :
Je me suis donc intéressé à cette icône de la mode. Il s’avère qu’elle vient justement
illustrer ce rapport entre l’artiste et la sphère du luxe. En effet, Elsa Schiaparelli a
multiplié dans les années 30, les coopérations avec les artistes surréalistes comme
Salvador Dali. Elle voulait créer l’événement avec sa collection « Cirque » présentée en
1938.
�26
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
Mémoire : Management, Commercial et Marketing Mémoire : Management, Commercial et Marketing
A / Artiste et Luxe : Une relation fructueuse.
Défilé Haute Couture Printemps-Eté 2015
Un cadenas brodé sur une poche, des mains gantées attachant un collier sur une nuque, une tailleur écru
recouvert d'épingles, une multitudes de cœurs transpercés... Avec tous ces petits détails surréalistes apposés sur les plus beaux tissus, ces trompes l'oeil-
clins d'oeil, cette saison Schiaparelli fait revivre Elsa, qui fonda sa maison de couture en 1927.
Ce dessin de Christian Bérard, pour la collection « Cirque", Schiaparelli atteste que le
rapprochement en le luxe et l’artiste ne date pas d’hier. L’artketing, autrement dit
l’utilisation de l’art à des fins marketing, n’est pas un phénomène récent. «Le luxe est issu
de l’art. Et l’art est un luxe», affirmait Mikael Kraemer, issu de la cinquième génération
d’une famille de marchands d’art, spécialisée dans le 18e siècle français. De nombreux
logos choisis par les grandes maisons renvoient directement à des motifs du 18ème siècle,
comme le logo Givenchy qui puise son inspiration dans des bronzes français néo
classiques que l’on peut retrouver chez Montigny ; comme également le monogramme de
Louis Vuitton, déjà présent sur une horloge de Jean-Pierre Latz réalisée en 1754 pour le
roi de Prusse. Aujourd’hui, des maisons, à l’instar de Cartier et Louis Vuitton symbolisent
le lien bénéfique entre l’artiste et luxe. En 1984, la fondation Cartier inaugure une ère
faste d’union entre l’art et le luxe où l’un et l’autre s’entremêlent et se valorisent. Elle
promeut et soutient la création artistique contemporaine internationale au travers de
diverses activités - fonds, nouvelles acquisitions, expositions, spectacles, édition de livres,
de catalogues et animations -. Cette fondation défend et aide la découverte de nouveaux
artistes français ou étrangers. Elle regroupe différentes activités comme la peinture, la
sculpture, l'image vidéo, le son, le design, la photographie etc. La collection propre à la
fondation est essentiellement constituée d'œuvres représentant les tendances majeures de
tous les grands courants contemporains depuis les années 1980. En 2014, il y a eu
également l’inauguration de la fondation Louis Vuitton renforçant les liens entre création
artistique et création de valeur, avec un projet gigantesque, allant bien au-delà du
mécénat philanthropique.
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Financé par LVMH, le musée est dédié à l'art contemporain. Il comporte 11
galeries sur trois niveaux destinées à présenter différentes collections, expositions,
interventions d'artistes ainsi qu'un auditorium aux configurations modulables.
L'inauguration a été effectué par le pianiste chinois Lang Lang et le groupe électro
allemand Kraftwerk. L'acoustique lui, a été assurée par Nagata Acoustics qui a déjà
travaillé avec Frank Gehry pour le Walt Disney Concert Hall de Los Angeles . La 15
Fondation n'est pas seulement un centre d'art contemporain. Elle est aussi un lieu de
débats, de colloques, de séminaires, de master classes et une scène accueillant du
spectacle vivant, du cinéma, de la vidéo
Ces deux exemples montrent le comportement global du secteur du luxe vis-à-vis
de l’artiste. Ils investissent en nombre le champ artistique comme territoire stratégique
d’expression. Car à l’heure où elles font face à des problématiques d’authenticité, de
différenciation et de légitimité, l’artiste se révèle être un levier marketing puissant.
Fondation Louis Vuitton : Inauguration et ouverture au public/ Demain ma maison.com15
�28
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
Esquisse de l’édifice. Fondation Louis Vuitton
L’image du luxe a été quelque peu ternie par un terme qui est aux antipodes de ce
que peut signifier le luxe : la délocalisation. Ce terme traduit le transfert par une société
internationale d'activités, de capitaux et d'emplois dans des régions du monde offrant
pour elle un avantage compétitif du fait : des coûts plus bas à savoir une main d'œuvre
peu coûteuse, un meilleur accès aux ressources naturelles, une fiscalité moins élevée et
enfin une règlementations sociale et environnementale moins exigeante. Or, ce terme
nous éloigne de l’image du bel artisan que les maisons mettent en avant. À l'Institut
français de la mode, le discours est radical : "On court au désastre si le luxe est délocalisé
hors de France", affirme Evelyne Chaballier, directrice des études économiques et
prospectives. Pour exemple, Louis Vuitton a, depuis longtemps, essaimé la production de
ses sacs et autres portefeuilles dans le monde. La locomotive de LVMH sous-traite une
partie de sa fabrication en Roumanie, même si le produit final reste assemblé en France,
en Italie ou en Espagne. Ses deux usines, à Cisnadie et à Avrig, fabriquent des
composants pour sacs à main et pour chaussures. A deux heures et demie d’avion de
Paris, la main-d’œuvre est bon marché. Il faut compter 350 euros (salaire) par mois en
moyenne dans les filiales de la société roumaine Somrest. 16
Ce système a largement remis en cause la légitimité des maisons prestigieuses.
Cependant, afin de ne pas perdre toute crédibilité, les maisons de luxe ont eu recours à
l’artiste et à son art, pour parvenir à avoir une puissance d’évocation forte et importante.
De plus, l’artiste est un outil de communication, qui permet de s’adresser
personnellement à la clientèle fidèle et future. Par ce moyen, les maisons rentrent dans
une relation quasi-intime avec ce dernier qui se sent être unique. Car oui, l’art a cela de
fou, il a cette capacité à la fois de s’adresser à une foule, puis de toucher personnellement
le coeur de chaque individu composant cette entité. L’artiste, a quant à lui, de nombreuses
possibilités pour toucher le consommateur. Il fait appel directement aux cinq sens : l’ouïe,
le goût, le toucher, l’odorat ainsi que la vue.
Challenges : LVMH et délocalisation16
�29
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
B / L’image du luxe redorée par l’Artiste.
« La publicité n’est pas un art. C’est un moyen de communication qui peut
permettre à un artiste de s’exprimer. Mais certaines publicités sont si belles qu’on peut les
considérer comme des oeuvres d’art » déclare Jean Paul Goude, artiste qui a collaboré
avec la Maison Vuitton. En effet, nous avons eu l’occasion d’apercevoir ce phénomène
dans « L’ABCDR DU LUXE ET DE L’ARTISTE » à la lettre F. Louis Vuitton a tenu
très rapidement à insister sur cela. Il a en 2010, mené une campagne institutionnelle sur
l’artisanat et son savoir-faire, inspirée des œuvres des peintres primitifs hollandais du
XVIIème siècle. La maison joue sur la référence à la peinture flamande jusqu’aux
signatures des visuels, présentées comme des titres, et qui évoquent des noms de tableaux
: « La jeune femme et les petits plis » (La Jeune fille à la perle de Veermer ), « La 17
couseuse au fil de lin et à la cire d’abeille » (La Peseuse de perle de Veermer) et «
L’artisan au pinceau » .18
L’association du monde du luxe avec l’artiste permet de recréer un univers élitaire
et fortement aspirationnel, ce qui permet aux grandes maisons de garder leur caractère
exclusif, quasi-mythique. Pour cela, elles n’hésitent pas à utiliser l’image des artistes
comme David Bowie pour Louis Vuitton, ou encore, Marilyn Manson et les Daft Punk
pour Saint Laurent Paris. La Maison renoue alors, incontestablement avec son Histoire.
Elle relie l’ADN originel de sa pensée et le répend sur le présent. L’artiste, Marilyn
Manson, devient un instrument de communication puissant et persuasif. Cette
collaboration entre cet artiste et Saint Laurent Paris vise à réenchanter la marchandise
griffée, pour créer une expérience consommateur inoubliable. Plus qu’un coup d’éclat
médiatique, cette démarche d’artketing suppose des points de convergence forts, entre
l’artiste et le message, qu’adresse la maison à ses acheteurs et utilisateurs.
Johannes Veermer est un peintre flamand du 17ème siècle connu pour ses scènes de genre17
Il est intéressant de remarquer que cette campagne a cependant été interdite au Royaume Uni, car elle18
donnait une « image mensongère du processus de fabrication ».
�30
Dans un monde visuel : La publicité comme oeuvre d’art.
Yves Saint Laurent déclarait : « Ce que je veux, c’est choquer, pousser les gens à réfléchir » C’est 19
un équilibre subtil que nous propose la Maison. La démarche artistique participe à
l’affirmation du positionnement de la maison sans enfermer le processus de création de
l’artiste.
L’Odyssée de Cartier : Un film pensé et réalisé par un artiste, au service du luxe et de ses
artisans :
La maison Cartier pourrait être le symbole d’une réponse positive à la
problématique. En effet, elle a développé son territoire de communication en adoptant et
en s’appropriant un univers qui dépasse les frontières de son produit et de son service.
Pour cela, de nombreux artistes ont contribué à la réalisation de ce projet. Le court
métrage somptueux de Cartier, « l’Odyssée de Cartier » réalisé par Bruno Aveillan, après
deux années de travail acharné, est un condensé de l’importance de l’artiste au service, ici,
de l’univers de la maison de joaillerie. Il existe une forte reconnaissance des photographes
dans le milieu artistique. Ces photographes ne font pas que des « commandes » : il se font
reconnaître pour leur travail personnel. Mais lorsque leur travail est évoqué, on les
mentionne comme étant des « œuvres » publicitaires.
Conçue sous forme d’un voyage effectué par une panthère, c’est toute l’histoire des
influences de la maison Cartier qui est racontée. «Avec ce film, nous avons voulu
réaffirmer avec force le mythe Cartier, réaliser une fresque cinématographique qui met au
premier plan son histoire, ses valeurs de créativité, d'élégance et de raffinement, ses
inspirations, sa dimension artistique et universelle. Nous voulons montrer que cette
maison est à l'opposé de la mode, éphémère. Nous nous situons du côté de l'intemporel.
Quand elles créent, développent et fabriquent, nos équipes n'ont pas la même manière de
penser. Nos produits sont conçus pour la vie, pas pour quelques saisons.» assure Bernard
Fornas, le PDG de la maison Cartier. Cette déclaration est la quintessence même, du
travail de l’artiste. Elle est ce miroir, où se dessine le reflet de l’artiste, de son utilité et de
son importance dans le secteur de luxe.
Cosmopolitain - Marilyn Manson , égérie bizarre pour Yves Saint Laurent 19
�31
Par le visuel, Cartier a la pouvoir de montrer l’emblème historique de sa maison, à savoir
la panthère, qui incarne la féminité, l’élégance, la liberté et l’indépendance. Cela a été
rendu possible par de nombreux graphistes. Le choix des lieux, Paris, la Chine, l’Inde et
la Russie, montre les influences du joailler. Les créations présentes tout au long du court-
métrage, mettent en lumière le savoir-faire des artisans. La musique, que nous aborderons
très prochainement a été spécialement composée pour ce film. En effet, c’est une
composition originale de Pierre Adenot. L’artiste a composé un thème décliné en une
infinité de variantes. Cela a eu pour but de rappeler que les créations Cartier ne se
démodent pas mais sont toujours actuelles.
Fantastique et magnifique, brillance et élégance, ce sont ce que ces artistes ont créé pour
la maison de joaillerie; mais c’est surtout la magie qui transparaît fortement au travers de
ces images artistiques à vocation d’être intemporelles.
Dans un contexte de forte sollicitation publicitaire, il importe actuellement d’être original
et de proposer un contenu de qualité pour se différencier de la concurrence. En
cela ,Cartier et l’univers de luxe en général, s’en remettent à une unique figure : celles de
l’artiste et de son pouvoir divin.
Au delà, de l’image visuelle, l’artiste peut être encore plus percutant car il utilise un
outil ne produisant que de l’émotion : la musique. Les enjeux sont grandioses pour les 20
maisons de luxe. Le musicien a le pouvoir d’embellir une belle histoire. Il peut aussi
construire une communication sur le long terme et répandre une vision du luxe à
l’international.
Le luxe pourrait ne pas pouvoir se dispenser des services du musiciens qui, dans un
contexte idéal, pourrait construire et déployer une identité sonore et un territoire
musicale de marque. Ce langage universel permet de dépasser les frontières.
Pensée Wagnérienne 20
�32
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
Dans un monde sonore : Une partition luxo-artistique.
À titre d’exemple, Louis Vuitton a véritablement pu se métamorphoser grâce aux
musiciens. L’image de marque, entre les diverses publicités, a été transformée par le
musicien. Cela a été possible par une utilisation différente de la musique. Le changement
est radical entre la saga en deux épisodes de « l’invitation au voyage » et le film «
l’emprise » (collection bijoux printemps-été 2014) . Dans la première, la présence de
l’icône du rock, David Bowie, qui en plus de jouer la comédie dans le film, interprète un
des titres de son dernier album « Next Day » : « I’d rather be high », version clavecin
donnant un esprit rock. Puis, il y a eu un changement opéré par Gesafflestein, dans la
seconde publicité. Vuitton se cale dans les codes mis en place par le Dj français Mike
Lévy. C’est bien l’esprit de cette scène que Vuitton adopte par la musique d’abord mais
aussi par les attitudes, la distance un peu froide et le système de mise en abime visuel que
l’artiste utilise aussi dans le clip de « Pursuit » .« L’emprise » peut marquer la rupture. Il 21
pose un esprit et une humeur qui font éclore une nouvelle identité musicale par la maison.
Frida Gianini, ancienne directrice de création de Gucci, est un exemple frappant
également. Femme qui entretient une véritable passion pour la musique, la maitrise du
territoire musicale est véritablement capitale pour elle. Cette maison s’est orientée vers le
monde de la nuit. Elle a donc convoqué de nombreuses Djette pour construire son
identité sonore. La transgression et le monde de la nuit rentrent assez facilement en phase
avec Gucci. La musique électronique devient donc son territoire musical de marque, et on
la retrouve sur plusieurs films proposés sur youtube.22
De Louis Vuitton à Gucci, de la haute couture aux parfums, l’identité s’élargit, se
modifie, mais pour ces deux Maisons, la ligne artistique suivie est assez claire. Ces
maisons de luxe évoluent musicalement en se rapprochant d’une scène électro plus
contemporaine, plus pointue et plus design. Le but étant de moderniser leurs images de
marque.
Se rendre à la page G, de l’ABCDR 21
https://www.youtube.com/user/gucciofficial22
�33
Mémoire : Management, Commercial et Marketing Mémoire : Management, Commercial et Marketing
De nombreux artistes ont influencé et parfois même contribué à la théâtralissation
des boutiques et de leurs vitrines. De nouveaux formats de magasins voient le jour. Les
magasins Prada à New York, Tokyo et Los Angeles mettent l’art au cœur du concept et
de l’expérience client. Des espaces d’exposition d’œuvres s’insèrent entre deux
rayonnages chez Ferragamo ou Louis Vuitton
En effet , Retna collabore désormais avec Louis Vuitton à la transformation de la
façade du magasin de la maison à Miami. Il symbolise l’utilité de l’artiste affichée en
couleur et sans complexe de la part de la maison de luxe française. Enfin, l’artiste ne se
cantonne pas à faire la façade des boutiques de luxe, il transcende le coeur même des
temples de la consommation du rêve. Ainsi, pour réaliser l’intérieur des boutiques où se
mêlent l’art et le luxe, les grandes maisons font appel à des architectes et designers de
renom comme Peter Marino. Iconique, avec son look cuir et ses biceps rebondis, Peter
Marino s’est imposé comme la popstar de la décoration internationale. Entouré d’une
équipe de cent cinquante collaborateurs, cet Américain basé à New York mène, depuis
1978, des chantiers d’envergure. Son talent est d’animer de pièces fortes - œuvres d’art
commissionnées à des artistes contemporains, comme Jean-Michel Othoniel ou mobilier
sur mesure réalisé par des artisans d’exception, tel Christophe Côme.
�34
Mémoire : Management, Commercial et Marketing
Dans un monde réel : Le retail enchanté .
L’univers du luxe a t-il besoin de
l’artiste? Nous avons posé la
question à Bernard Arnault, sa
réponse portait un nom : RETNA
- référence dans le monde du street
Art -
Les maisons de luxe lui sont tout bonnement acquises : l’année passée Peter
Marino a en effet signé la boutique façon demeure privée de Chanel avenue Montaigne,
les anciens salons de couture de Dior transmutés en appartements de réception, le
magasin de joaillerie Louis Vuitton place Vendôme.
�35
Mémoire : Management,
La boutique Chanel avenue
Montaigne à Paris.
Boutique Chanel Avenue
Montaigne
Il est important dans le cadre de ce mémoire d’apporter une réponse
opérationnelle. C’est pourquoi dans cette partie, nous allons voir, penser et utiliser
l’artiste comme étant un réel agrégat économique. Le but est de rendre mesurable, le
besoin de l’artiste pour les Maisons de Luxe. En effet, nous avons vu que l’artiste par son
art, permet au luxe de se détacher du quotidien. Il offre par ailleurs une dimension
émotionnelle aux Maisons en enrichissant l’expérience client. Il rend par son génie une
Maison plus désirable tout en légitimant leur stratégie d’écrémage.
Nous avons été témoin tout au long de ce mémoire de ce rapprochement entres les
Maisons de luxe et le pouvoir de l’artiste. Le luxe continue sa route sur le chemin d’une
stratégie marketing axée indéniablement sur l’artistique. Cette partie nous dévoile en quoi
le luxe a besoin de l’artiste. Regardons cela à la lumière d’un mix-marketing axé sur
l’artiste.
�36
2.
L’ARTISTE : AGRÉGAT COMMERCIAL ET MARKETING
A / Du Mix-Marketing au Mix-Artketing.
L’artiste Experience COLLABORATIONS
PRODUIT
PROMOTION
PRIX PLACE
Enrichissement de l’expérience client par l’artiste.
1- Le produit : Oeuvre d’art.
Lors d’une conférence intitulée « Art et artisans, la démarche singulière d’Hermès
», Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique chez Hermès, commente ainsi les
collaborations de la maison de maroquinerie : « il y a bien sûr un objectif commercial, qui
est avoué, mais si c’est perçu comme une œuvre, alors tant mieux ! (rires) ». Cette phrase
est révélatrice. Le produit bénéficie d’une dimension artistique. C’est exactement sur cette
excessivité artistique que parie le luxe. Dans l’histoire, l’art, dans sa forme, dans sa valeur
et son sens, faisait référence à la figure christique. Des grandes oeuvres étaient dédiées à
la gloire de Dieu. Cette divinité, connote maintenant, non pas l’image sainte mais un
symbole bien plus universel qui est l’Art, dans ce qu’il a de plus beau. Le produit a donc
impliqué le savoir-faire de l’artiste. Il a été aussi le terrain de jeu de celui-ci. Une zone sur
laquelle se sont exprimés, le talent ainsi que le génie qui habitent l’artiste. La
manifestation de cet artiste transforme en art ce qu’il touche. L’artiste apporte aux
produits de luxe une dimension émotionnelle qui les différencie des simples produits de
consommation : un rang forcément supérieur et donc vecteur de différenciation ultime
par rapport à la concurrence. Le produit bénéficie d’une dimension artistique, devenant
lui-même une œuvre. La forme devient alors aussi importante que le fond.
René Lalique, maître verrier et bijoutier français, est reconnu comme un des concepteurs
de bijoux les plus importants de l'Art Nouveau français. Ses modèles sont considérés
comme des oeuvres atteignant le million d’euros. Si nous regardons la maison Hermes,
lorsqu’elle collabore avec le peintre Daniel Buren, elle vend une véritable « oeuvre
produit ». L’utilisation d’un champ lexical artistique peut lui aussi mettre en avant cet
«oeuvre ». 23
Hannah Arendt, dans La crise de la culture , distingue l’« œuvre d’art » des « produits 24
» (de consommation ou de l’action) par son caractère impérissable. La première, nous dit-
elle, est « destinée à survivre à la vie limitée des mortels, au va-et-vient des générations ».
Ainsi, le produit connote cette notion d’éternité.
Photo en annexes 23
0 Arendt Hannah, La crise de la culture. Huit exercices de pensée politique (1972), Paris, Gallimard, 198924
�37
Il est par nature, « divin » puisqu'il ne fait partie du monde des mortels. Le terme d’
« éternité » est révélateur car il se réfère au sacré. Cela devient un argument de vente.
Imaginez-vous cher lecteur, rentrez dans une boutique d’une maison de luxe puis
demander : « Ce sac a un design décidément magnifique ». Le conseiller de vente se
frottant les mains, vous poursuivez : « Est-ce que je pourrais porter ce sac à main dans
vingt ans? Sera t-il toujours à la mode? ». L’ambassadeur de la maison concernée se
frottant pour la deuxième fois les mains dégaine un argument, qui grâce à l’artiste, est
alors imparable : «Sachez Madame que ce sac à main est une oeuvre d’art, il ne s’inscrit
ni dans le passé, ni dans le présent et encore moins dans le futur. Il est comme qui dirait,
immortel(..) » Cette immortalité est une manière pour la maison d’assurer à son client que
le produit va lui survivre. Il y a une valeur transgénérationnelle évidente. Un argument
utilisé par la maison d’horlogerie Patek Philippe : « you never actually own a Patek
Philippe. You meerely look after it for the next generation » (« Jamais vous ne
possèderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien pour les
générations futures »25
.2 - Le prix : L’infini
Le travail de l’artiste peut-il avoir un prix? Si oui, ne risque t-il pas d’être dépouillé
de toute valeur? Or la valeur est un attribut qui touche à la subjectivité. Ce qui compte
pour moi, peut, n’avoir aucun sens pour autrui. Ainsi le luxe, mettant souvent en place
une stratégie de différenciation par le prix, appelée politique d’écrémage - qui consiste à
pratiquer un prix élevé (souvent partiellement déconnecté du coût de revient) qui peut
éventuellement sélectionner les clients mais permet de bénéficier d’une image haut de
gamme et d’augmenter les marges - peut légitimer son prix. Reprenons l’exemple cité 26
dessus, la collaboration d’Hermès avec l’artiste Daniel Buren. Cela a permis à la maison
de vendre des 22 célèbres carrés de soie pensé par l’artiste 4 000 euros – contre 300 à
400euros pour un carré classique 90 x 90 cm. Le caractère limité de l’édition, donc la
rareté de l’objet, couplé à l’effet signature de l’artiste, induit une hausse considérable de la
valeur. Chaque foulard créé par Horishi Sugimoto a été édité en sept exemplaires et
vendu environ 7 000 euros.
Site officiel : Patek philippe25
Dictionnaire du marketer 26
�38
L’artiste, a créé, un cercle« vertueux ». Le fait de se rapprocher de l’art, permet
d’augmenter le prix. Et dans un second temps, augmenter les prix permet de se
rapprocher de l’art. En effet, l’une des caractéristiques des œuvres d’art sont leurs prix
relativement élevés. Fixer un prix élevé peut donc être lu comme un signe de la nature
artistique du produit.
Le produit, à l’instar de l’art , ne satisfait pas des besoins physiologiques. Lors de l’achat,
il ne s’agit pas d’un acte « rationnel » puisque le luxe est par essence superflu. Selon
Emmanuel Kant, l’art n’a pas de raison d’être sinon l’art lui même, il doit être
désintéressé. Kant parle alors de « finalité sans fin ». De même que dans la haute couture,
quand Paco Rabanne sort sa première collection, il assume, et va même jusqu’à
revendiquer, le caractère inutile de ses créations en l’intitulant « 12 robes importables en
matériaux contemporains. » Nous sommes vraiment dans une tendance qui met en avant
l’art pour ce qu’est l’art. Pablo Picasso a ainsi dit « Le monde d’aujourd’hui n’a aucun
sens, pourquoi mes œuvres devraient-elles en avoir un ? ».
Les consommateurs investissent plus qu’ils ne consomment. Cet achat permet de stratifier
la société. En effet, il y une dimension « ostentatoire ». C’est-à-dire, une consommation
qui a pour but premier la démonstration plus ou moins consciente, de son statut social.
Avoir une robe Jean Paul Gaultier signifie une appartenance à une classe.
�39
Voici un dessin que j’ai obtenu lors de mon stage dans l’atelier haute couture
chez Jean Paul Gaultier Paris.
« Un jour, j’ai demandé à Annie , l’ancienne première d’atelier chez Jean Paul Gaultier le prix d’une conception de Jean Paul Gaultier. Sa réponse fût immédiate : « On ne peut pas vraiment
parler de prix en Haute Couture, puisque tout est possible »
3: La distribution : Des musées
Comme nous l’avons observé, l’artiste s’est immiscé au coeur de retail. De telle
façon que la prophétie d’Andy Warhol « les grands magasins deviendront des musées, et
les musées des grands magasins » en devient troublante. Nous l’avons vu dans notre
ABCDR, Fendi expose dans ses boutiques de nombreuses oeuvres d’art. Grâce à la mise
en valeur de l’artiste , Fendi a écrit un nouveau chapitre de son histoire, grâce à
l'exposition d'objets design uniques et d'œuvres d'art contemporaines extraordinaires
constituant la toile de fond idéale pour ses collections. Une formule moderne et
audacieuse rapprochant artiste, design et luxe.
DES CHEFS D'OEUVRE DE DESIGN ACCESSIBLES EN BOUTIQUE
Concernant une autre maison on peut lire également dans un article de LaTribune
de 2010 : « une manifestation évidente de ce lien entre Prada et l’art contemporain dans
ses boutiques qui, plus que des lieux de vente, sont de véritables œuvres d’art ». Les
grandes boutiques Prada, appelées « épicentres » sont sûrement le meilleur exemple de
cette volonté des maisons de penser leurs boutiques comme de véritables lieux culturels,
afin d’asseoir leur positionnement .
�40
Boutique Fendi, 51 Avenue Montaigne
Le merchandising y est pensé minutieusement. Les produits, selon leurs
dispositions évoquent les musées. En cela le monde du luxe se rapproche du monde de
l’art. On voit également une mystification des produits en boutique. L’absence de prix
ainsi que le protocole d’accueil avec notamment un agent de sécurité, participent à ce
processus de muséo-luxo-boutique. Le produit est considéré comme une oeuvre. Par
ailleurs, il existe un « art des vitrines », qui est souvent semblable à de véritables
installations artistiques. En 1997, la maison Nina Ricci, précurseur dans les relations avec
le monde de l’art, a travaillé avec Philippe Parreno, artiste plasticien pour la mise en
scène de ses vitrines. Les ventes se sont alors multipliées. Dès lors, le pouvoir de
singularisation des boutiques par l’artiste a paru évident aux maisons de luxe.
4 - La promotion : Le mythe
Les artistes ont été appelés à revisiter l’histoire des Maisons. Toujours dans
l’optique de conserver une certaine dose de mystère, l’artiste permet d’avoir une
puissance d’action forte et artistique. Il peut concevoir des publicités conçues comme des
oeuvres d’art. Le choix du réalisateur est primordial. A l’instar de Bruno Aveillan qui a
réalisé les vidéos les plus mythiques des spots publicitaires : « Shalimar » de Guerlain et «
L’Odyssée » de Cartier.
Ce que recherche les maisons afin de réussir une campagne de communication ,
c’est de la créativité. L’artiste prend alors en compte l’image de marque de la maison ainsi
que son histoire, afin d’emporter les spectateurs dans l’univers de la maison. De plus, la
mise en lumière de l’histoire et du patrimoine des maisons, permet de rassurer leurs
consommateurs quant à leur pérennité. Lorsque Bourdieu met en avant le problème de la
« succession du couturier », il met en avant une problématique essentielle des maisons :
elles doivent survivre au couturier et affirmer la stabilité de leur marque. Un sac Hermès
ne perdra pas de sa valeur de marque car la maison rappelle qu’elle a toujours été là, et
sous-entend donc « elle sera toujours là. » C’est pourquoi la création d’un « story telling »
, faite d’une manière artistique, est capitale. Elle met en lumière le lien entre la maison et
l’art. Le rapprochement avec l’art permet d’envoyer un signe fort, celui de l’éternité.
�41
L’univers du luxe ne peut se passer de l’artiste, de son travail et de son génie.
Néanmoins la nature de son travail pour les maisons de luxe va changer. Bertrand Chovet
- directeur général d'Interbrand Paris - déclare : « L'artketing, va devoir se doter d'une
dimension plus digitale, être davantage présent sur l'ensemble de l'expérience client et
délivrer de la croissance pour les marques, afin de répondre à des enjeux concurrentiels
de plus en plus accrus.» En effet lors de ma troisième année à Isefac Bachelor Paris en
mode luxe et design, j’ai eu le privilège d’avoir un module intitulé « Joaillerie », dispensé
par Monsieur Jauhar Dramsy. Ce professeur nous a demandé de répondre à un appel
d’offre qui était le suivant : créer une nouvelle collection de joaillerie puis implanter un
nouvel univers artistique et enfin lancer une nouvelle campagne digitale. Travaillant alors
pour la maison Cartier, le but était de retranscrire ses codes et son ADN à travers un
monde parallèle : celui du digital.
Voici, deux de mes conceptions concernant la collection «Pensée Mystérieuse » en trois 27
dimensions. Puis à droite , l'introduction de ce travail artistique dans le milieu du luxe, à
savoir ici, la maison Cartier. Cet exemple est caractéristique de ce changement de l’acte
artistique qui va, dans un futur proche, venir changer de support.
Retrouvez l’ensemble de la collection en annexe. 27
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B / Vers une digitalisation de l’acte luxo-artistique.
Collection Pensée Mystérieuse
Le défi pour le secteur du luxe, est de renaître sur les supports digitaux. Nous entendons
par là, de s’adapter structurellement et conjoncturellement aux nouvelles méthodes de
communication demandées inconsciemment par nos sociétés. L’objectif à travers ces
nouveaux outils digitaux est de réussir à préserver l’ADN de la Maison tout en offrant
une expérience digitale innovante, intuitive et surprenante : le but étant de passer du
temps avec la clientèle. C'est pour cela que le travail de l’artiste va devenir important. Les
démarches d’artketing sont maintenant appelées à se décliner dans l’univers digital pour
donner un supplément d’âme à toutes les étapes de l’expérience utilisateur, à travers des
applications et des interfaces aussi intuitives et inspirantes, qu’esthétiquement
séduisantes.
Bertrand Chovet souligne aussi : « Je pense que les nouvelles technologies vont jouer un
rôle déterminant dans la livraison du produit final, mais aussi dans la narration de
l'histoire du partenariat. Elles vont permettre aux marques de travailler leur contenu
pour faire voyager les consommateurs. N'oublions pas que la consommation est basée sur
l'envie. Les marques doivent donc donner envie aux consommateurs malgré le contexte
actuel. ». C’est ce qu’en marketing on appelle le brand content. En effet, l’univers du luxe
tend à développer son territoire de communication en adoptant et en s’appropriant un
univers qui dépasse les frontières de son produit ainsi que de son service. La maison
adopte alors un discours volontairement non commercial, mais informatif, divertissant et
parfois même humoristique avec l’utilisation d’outils de communication. En le faisant
entrer dans son univers, la maison tisse un lien avec le consommateur. Le choix des sujets
est infini, les supports également tant que la maison propose un contenu éditorial où elle
trouve toute sa légitimité. Si le brand content existe depuis longtemps, la diversité des outils
de communication actuels permettent une plus grande richesse de contenus. « Dans un contexte
de forte sollicitation publicitaire, il importe actuellement d’être original et de proposer un
contenu de qualité pour se différencier de la concurrence » souligne Pascal Somarriba, spécialiste
des stratégies de médias et de marques. C’est ce qui fait la force de l’artiste qui permet de
s’inscrire dans la modernité. A nouveau il déclare : «une belle marque est un média qui s’ignore».
Les affiches et les spots publicitaires doivent-être conçus comme de petites œuvres d’art,
commanditées à des artistes de renom choisis pour le soin qu’ils apportent à la composition d’une
image ou d’une ambiance. Le lancement de guides de voyages par Louis Vuitton, le choix de
David Lynch pour la réalisation d’un court métrage par Dior sont des exemples flagrants d’un
monde qui se luxo-digitalise.
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L’univers du luxe et l’artiste entretiennent à ce jour une vraie relation. Cette union a donné
naissance à de réels oeuvres hybrides. En tant que promoteur d’une idée du bon goût, les maisons
de luxe ne peuvent se passer de l’artiste. Celles-ci sont rentrées dans une logique de créations de
contenus sur des supports digitaux. Sachant le potentiel éditorial de ces maisons qui ne demande
qu’à être exploité, les artistes sont de plus en plus sollicités. En effet raconter l’histoire de la
maison, documenter les clients sur la fabrication des produits ou encore l’origine d’un modèle peut
devenir tout un art. C’est pourquoi le monde du luxe se doit de garder un rapport fraternel avec l’art.
En effet, l’artiste a tout à offrir au luxe. Il constitue un levier unique pour éditer et proposer des
contenus digitaux singuliers. Grâce à lui, s’offrir un bien de luxe , c’est participer à un état d’esprit,
à une expérience culturelle. Acheter une valise Vuitton, c’est adhérer à une « certaine idée du
voyage ». Cette idée, cette expérience, il faut que les marques puissent les faire vivre avec des
contenus autour de leurs produits. Ce processus de mythification a été rendu possible par un
véritable artketing rendant les maisons de luxe repérables sur son marché. Les maisons ont fait
appel aux artistes, non pas seulement pour les soutenir et les promouvoir, mais pour leur proposer
de véritables « collaborations ». C’est ainsi mise en place, une toute autre relation entre les deux
univers. Le fossé qui les maintenait a été franchi par les maisons de luxe qui ont mis fin à cette
distanciation, pour intégrer l’artiste dans l’univers de l’entreprise. Bien au delà, ces collaborations
ont récemment été étendues à l’univers des boutiques de luxe, qui se sont elles-mêmes transformées
en temple de l’art contemporain. L’artiste magnifie l’offre produit, en l’exposant de la même
manière, qu’un musée expose ses oeuvres. Il justifie alors la supériorité prix, en considérant les
produits de luxe comme étant de véritables oeuvres d’art. Il engendre aussi la fidélité des
consommateurs, désireux de revivre une véritable expérience. L'artiste permet de renforcer ces trois
missions. Conscient de sa puissance innée, le luxe participe à l’éclosion des nouveaux artistes, des
talents de demain. Néanmoins pour que cette collaboration s’inscrive dans la temporalité, elle doit
permettre à l'artiste de rayonner et à la maison de trouver une nouvelle source d'inspiration. Le
mariage doit être réfléchi : il faut que le bon artiste soit au service de la bonne maison afin d’en
sublimer son message.
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CONCLUSION
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C’est avec un très grand intérêt que je vous ai présenté le rôle de l’artiste dans l’univers du luxe. C’est également avec fierté que ce mémoire vous a été exposé.
Comme nous l’avons vu dans la deuxième partie, la sphère du luxe est en pleine mutation digitale. Ce changement de scène est d’une grande importance. En effet, cela va permettre au luxe d’avoir le premier rôle sur la scène du rêve et de l’émotion, afin d’être vu par de nombreux spectateurs et compris par les consommateurs issus de la génération Y et Z.
Et pour le lui donner la réplique, le luxe a d’incroyables alliés à l’instar de l’artisan, maîtrisant parfaitement un savoir-faire, l’artiste, qui lui accompagne ce savoir d’un génie absolu et divin. Puis, le créateur, qui fait preuve de créativité sans limite.
Le défi est là, le luxe se doit d’apprendre l’art du langage de la beauté et de l’avenir (..)
CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE
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L'esthétique, Carole Talon-Hugon
La philosophie de l'art Poche – 14 avril 2010 Jean Lacoste
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Floch Jean-Marie., Sémiotique, Marketing et communication, Paris, Presses Universitairesde France, 1990
�47
ANNEXES
Annexe 23 : L’oeuvre de Rene Lalique
Pendentif Libellule
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Annexe 23 : Digitalisation de l’acte artistique : Exemple d’un travail fait par Corentin Delage
Martins Afonso. Création d’une collection de joaillerie puis digitalisation de l’univers.
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D e s d o i g t s s u b l i m é s
L e P a p i l l o n P e n s a n t
Une bague d’or jaune, légère et aérienne comme les battements d’ailes d’un papillon. Issue de l’excellence du
savoir-faire Cartier poussée à son paroxysme. Cette pièces perpétue le charme du style animalier de la Maison.
C’est dans un souci d’aéro-dynamisme que nous avons serti les ailes du « Papillon Pensant » par deux diamants parfaitement symétriques. Lui conférant un tout nouveau regard, c’est avec une ossature d’or jaune 18 carats qu’il papillonnera dans le ciel
de Paris.
L e B o u s i e r P e n s a n t
L’âme de cette bague a été confectionnée dans les ateliers de la Maison Cartier.
Concernant son enveloppe corporelle, elle est faite d’or jaune 18 carats. Il vole
pour quitter Paris jusqu’au dessus de l’horizon emportant avec lui un rubis. C’est
pour retrouver son chemin jusqu’à la place Vendôme que ses ailes sont brodées
par un fil d’or.
U n p e n s e u r é c l a i r é :
Dans l’Egypte ancienne, la population croyait que ce
Bousier faisait renaître le Soleil chaque matin, le
roulait devant lui au-dessus de l’horizon et
l’emportait dans l’autre monde, la nuit, pour ne le
ramener qu’au matin suivant.
D e s d o i g t s s u b l i m é s
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�51
L e C o b r a P e n s a n t
C’est une bague enlaçant d’amour la personne qui saura l’apprivoiser. Puisque oui, tout le mystère du « Cobra Pensant » est là, c’est belle et bien lui qui choisit
son porteur (..) pas l’inverse
D’une hostilité farouche, il serpente la nouvelle collection d’un glissement conquérant. Ne sachant jamais à quoi il pense, il fait parti intégrante du
bestiaire Cartier. Sa peau est composée en Or Jaune 18 carats. De forme cylindrique et allongés, dépourvu de membres apparents, ce reptile prolongera
votre doigt. Pour pallier son manque de vision, nous lui avons ajoutés deux émeraudes. Tous ses sens seront donc optimales afin de vous faire voyager dans
notre univers.
D e s d o i g t s u b l i m é s
Collection Pensée Mystérieuse
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