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LOUIS PETIT 1905 - 1927 MÉCANICIEN D'AVIATION MARITIME Le marin ruffécois traverse l'Atlantique sud en avion sans escale Quand l'histoire locale saute d'un continent à l'autre...

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LOUIS PETIT

1905 - 1927

MÉCANICIEN D'AVIATION MARITIME

Le marin ruffécois traverse l'Atlantique sud en avion sans escale

Quand l'histoire locale saute d'un continent à l'autre...

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Ces rares coupures de presse sont la preuve du peu d'intérêt consacré par la presse charentaise et ruffécoise à la première traversée sans escale de l'Atlantique sud, le 5 mai 1927, tragique certes, mais réussie.

Il faudra attendre décembre 2000 pour voir un article relater cette aventure grâce à la prose d'Henri Gendreau et l'Avenir de Ruffec.

Pascal Baudouin Compléments de recherches... Décembre 2014 - janvier 2015.

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Ruffec, Rochefort... Fez.

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De Fez à Saint-Louis, puis jusqu'au Brésil.

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L'Atlantique sud sans escale « Jusqu'en 1927, l'Atlantique Sud n'a été franchi que trois fois avec escales et par hydravion (pour quatre échecs). Aucun Français n'avait tenté l'aventure bien que l'aviation française soit bien connue en Amérique du Sud grâce aux lignes Latécoère puis à l'Aéropostale. Le premier Français qui se lancera sur l'Atlantique Sud sera le capitaine Pierre de Serre de Saint-Roman qui prendra dans son équipage le lieutenant de vaisseau Mouneyres et le quartier-maître mécanicien Petit. L'histoire de cette tentative est très extraordinaire et peu connue, comme les personnalités de nos héros, et vaut la peine d'être contée avec quelque détail. »

Pégase n°7 octobre 1973, Général Pierre Lissarrague

- Pierre de Serre de Saint-Roman, né le 23 décembre 1891, est décédé entre le jeudi 5 mai 1927 et le vendredi 6 mai 1927 au cours d'un accident d'avion survenu au-dessus de l'océan Atlantique le 5 mai 1927 » selon l'acte de décès dressé en 1932 par la mairie de Toul (54). - Hervé Mouneyres, né le 30 janvier 1899, disparait le 5 mai 1927 à 28 ans entre Dakar et les côtes brésiliennes selon le certificat de disparition établi par la Direction générale de l'Aéronautique et des transports aériens (ministère du commerce et de l'industrie) et le jugement déclaratif de décès du tribunal de Carcassonne du 3 février 1928, transcrit à l'état civil de la commune d'Ornaisons (Aude) le 17 février 1928 (sans mention de ses compagnons). - Louis Petit né le 12 juin 1905 à Ruffec (16), décédé le 29 avril 1927 (sic) selon l'acte transcrit le 21 novembre 1927 à Rambouillet - où il est supposé habiter avec son père et son frère. Il n'y eut pas de transcription à Ruffec (la mention du décès sur l'acte de naissance n'est devenu obligatoire qu'en 1945).

« L'aviation, ce n'est pas le raid. J'en ai accompli plusieurs, et, chaque fois, j'ai mis de mon côté toutes les chances que j'ai pu réunir, mais, aussi consciencieusement que l'on se soit préparé, on n'est jamais certain de l'être absolument. Un raid ne consiste pas à s'asseoir dans une carlingue d'avion et à ouvrir les gaz qu'on ne refermera plus pendant trois jours. Un raid consiste à mettre au point pendant un an, pendant deux ans, un avion et ses accessoires. Et encore faut-il avoir appris auparavant pendant de longues années, peu à peu et grâce à un travail quotidien, quelles peuvent être les surprises que réserve le vol, ses aléas et quel en être le remède, par où peut pêcher une machine et aussi l'homme. Le voyage n'est plus que le parachèvement de tout ce travail. Il en est quelquefois, mais non toujours, la récompense. Et pourtant, malgré tant d'incertitudes encore, on a presque en partant une impression, non d'angoisse, mais de repos. Il semble réconfortant après tant de luttes contre les détails matériels, toujours contre les soucis d'argent, souvent et contre les hommes... »

Mes raids, Jean Mermoz

A Ruffec les usagers de la salle Louis Petit – salle des Grands Rocs - connaissent rarement l'histoire du jeune héros éponyme originaire du Nord-Charente dont l'aventure fut publiée en trois superbes coups d'aile fin décembre 2000 et début janvier 2001 par Henri Gendreau.

Une stèle rappellerait à tous l'exploit de cet audacieux Ruffécois. En attendant, ces recherches rendront un nouvel hommage au quartier-maître mécanicien Louis Petit.

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Chronologie des évènements A la fin de l'année 1926, Pierre de Serre de Saint-Roman projette une tournée en avion dans les grandes villes d'Amérique du Sud. Le 2 mars 1927, le projet est officiellement annoncé lors d'un dîner organisé par le comité de propagande aéronautique « Paris-Amérique Latine ». De son côté le lieutenant de vaisseau Hervé Mouneyres de l'escadrille 5B2 envisage avec l'enseigne de vaisseau Coffin une traversée de l'Atlantique nord sur un Farman Jabiru de 500 cv mais cet avion n'est pas prêt. Saint-Roman contacte alors Mouneyres pour une aventure commune. Le 20 mars 1927 leur collaboration est officialisée. La Marine met à leur disposition le Farman Goliath 61 n°1. Lorraine-Dietrich prête deux moteurs de 450 ch. La Marine autorise des essais à Saint-Raphaël et l'étang de Berre.

Le 8 avril, l'avion quitte Le Bourget pour Saint-Raphaël où il se mue en hydravion.

Le 16 avril, l'avion décolle pour l'Afrique.

Le 17 avril à Casablanca, un flotteur est crevé, l'avion est ré-équipé d'un train à roues.

Le 1er mai, départ pour Saint-Louis au Sénégal.

Le 5 mai à 6h30, le Goliath F.61 décolle pour le Brésil.

Le 6 mai, le Goliath F61 est considéré disparu... Pas de nouvelles.

Le 18 juin, coup de théâtre, découverte d'un radeau...

Repères

Page 5. Introduction

Page 9. L'histoire décolle

Page 15. L'oiseau s'est envolé

Page 17. Disparition du Paris-Amérique Latine

Page 19. Coup de théâtre

Page 22. Que disent les spécialistes ?

Page 31. Jacques Raymond Pierre de Serre de Saint-Roman

Page 33. Hervé, Marcel Mouneyres

Page 35. Louis Antoine Jules Petit

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Page 37. La Charente snobe le héros Louis Petit

Page 39. La base aéronavale de Rochefort

Page 41. Louis Petit et la 5B2 au Maroc

Page 42. Farman et le Goliath

Page 52. Drouhin et Mathis

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De Ruffec au Brésil

Dans la nuit du 5 au 6 mai 1927 disparaissait le Ruffécois Louis Antoine Jules Petit, quartier-maître mécanicien d'aviation maritime. Il est né le 12 juin 1905 à Ruffec. Ce marin participait à la première traversée de l'Atlantique sud sans escale en tant que mécanicien à bord du Farman Goliath piloté par le capitaine de Saint-Roman et le lieutenant de vaisseau Mouneyres. Louis Petit a débuté l'apprentissage de la mécanique à Ruffec avant de s'engager dans la Marine et intégrer pour spécialisation l'école d'aviation maritime de Rochefort. Mécanicien sur Farman Goliath, il se retrouvera au Maroc - après un séjour à Cuers près de Toulon -, à Fès au sein de l'escadrille 5B2 plongée à partir de 1925 dans la guerre du Rif. Il sera rendu à la vie civile en avril 1927. Il saute alors dans « un train en marche », celui de la première traversée de l'Atlantique sud sans escale avec pour mission de remplacer le mécanicien démissionnaire Ernest Mathis. Le Général Lissarrague, conservateur du musée du Bourget, relate l'aventure dans le n°7 de Pégase en 1973. Le cousin de Louis Petit entame des recherches comme Henri Gendreau qui publie en trois épisodes dans L'Avenir de Ruffec le 28 décembre 2000, puis le 4 et le 10 janvier 2001. Jusque là, la presse départementale et locale avait dédaigné Louis Petit.

Ce présent document ajoute au travail déjà réalisé de nombreux articles de presse et documents de l'époque, recoupés avec d'autres sources afin d'enrichir l'exposé renforcé de quelques photographies, cartes postales ou dessins. Le récit se complète d'informations sur l'avion, au choix terrestre ou hydravion, sur son étonnant moteur W12, sur la TSF ondes courtes. Des compléments portent un éclairage sur les personnages satellites cités au cours du récit. Les biographies de Saint-Roman et Mouneyres sont connues, celle de Louis Petit sera en partie établie - parcours scolaire, carrière militaire - et la généalogie de sa famille complétée. Son dossier matricule ne sera consultable qu'en 2025 (120 ans après la naissance). L'histoire de la formation militaire du marin Louis Petit, promu quartier-maître mécanicien d'aviation maritime après une formation achevée à Rochefort, s'est érigée en modélisant celle d'un camarade ayant servi à ses côtés à la 5B2 au Maroc. L'histoire de cette escadrille d'aviation de Marine décorée de la Croix de Guerre, relatée par son chef le lieutenant de vaisseau Campardon, a permis de survoler l'étape marocaine de Louis Petit. Il venait d'être rendu à la vie civile quand survint sa disparition officialisée le 8 octobre 1927 par le tribunal de Versailles, d'où un acte de décès dressé le 21 novembre 1927 en mairie de Rambouillet où il est dit résider, où résidaient son père et son frère. La date de décès « en mer » indiquée est le 29 avril 1927 (donc avant son départ le 5 mai... incroyable !). La mairie de Ruffec n'a pas reçu cette transcription du décès. (Voir biographie page 35 et suivantes.)

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La traversée de l'Atlantique - Atlantique Nord

Première tentative à bord d'un dirigeable le 15 octobre 1910.

L’Américain Walter Wellmann et son équipage partent d’Atlantic-City (New-Jersey), à

bord du dirigeable America, qu'ils abandonnent en mer à quelque 1.280 kilomètres de

distance.

Première traversée réussie à bord d'un dirigeable en juillet 1919.

Il faudra attendre 1919, du 2 au 6 juillet, pour que soit effectuée la première traversée

aller et retour en dirigeable de l'Atlantique Nord.

Première traversée réussie en hydravion du 16 au 31 mai 1919.

Le commandant E.C. Read, et les lieutenants E.F. Stone, Walter Hinton, H.C. Rodd, et J.L.

Breezze et le chef mécanicien Mate E.C. Rhodes, sur un hydravion N.C.4, à quatre

moteurs Liberty de 400 C.V., effectuent la première traversée de l'Atlantique. Partis de

New-York à 8 heures du matin, ils volèrent 53h50 mn. Ils couvrent 7650 kilomètres de la

baie des Trépassés (Terre-Neuve) à Plymouth, avec escales aux Açores, à Lisbonne, Rio

Mondego et El Ferrol.

Première traversée sans escale en avion le 14 juin 1919.

Le capitaine John Alcock et le lieutenant Arthur W. Brown, sur avion Vickers terrestre, à

deux moteurs Rolls-Royce de 375 cv, vont de Saint-Jean-de-Terre-Neuve à Clifden

(Irlande), couvrant une distance de 3034 kilomètres en 16h12 mn.

- Atlantique Sud L'Atlantique Sud sera franchi avec escales en 1922 par deux Portugais.

Gago Coutinho et Sacadura Cabral. Partis de Lisbonne le 30 mars à bord d'un hydravion

Fairey 400, ils font escale à Las Palmas, aux Canaries, en repartent le 4 avril pour Saint-

Vincent (Cap-Vert). Le 17, ils rejoignent Santiago (Cap Vert) puis le 18 reprennent leur

traversée. Une panne de carburant les oblige à amerrir près des îlots de Saint Pierre et

Saint Paul d'où un navire les conduit à Fernando de Noronha à 550 km de la côte

brésilienne. Le Portugal leur envoie alors un paquebot porteur d'un nouvel hydravion, à

bord duquel ils poursuivent leur voyage...

L'Atlantique Sud sera franchi sans escale le 5 mai 1927 par nos trois Français... Une partie de la presse relaiera cette tumultueuse aventure Le 2 mars 1927, un projet de traversée en avion sera annoncé lors d'un dîner officiel du comité de propagande aéronautique « Paris-Amérique Latine ».

Ouest France, le 9 avril 1927, publie :

« Le Bourget, 8 avril. Le Goliath qui va entreprendre au départ de Saint-Raphaël un

voyage de propagande en Amérique latine, est parti du Bourget ce matin, à 8h45. Piloté

par l'aviateur Drouhin, il avait à son bord le capitaine de Saint-Roman, le lieutenant de

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vaisseau Mouneyres, l'ingénieur mécanicien Ernest Mathis, l'opérateur de TSF Jaouen et

le mécanicien Dosne. M. de Silva Ramos, président du Comité Paris-Amérique latine,

assistait au départ ainsi que de nombreux journalistes. »

Une autre s'en désintéressera L'Avenir de la Vienne consent deux lignes au raid de Saint-Roman les 9 et 10 mai 1927 :

« Des nouvelles de Saint-Roman. L'aviateur de Saint-Roman aurait atterri dans une île

déserte... »

Les journaux de Ruffec auraient dû réagir et appuyer la presse nationale, voire la compléter en offrant une biographie de Louis Petit. Mais ils semblent s'être totalement désintéressés de cette première traversée sans escale de l'Atlantique sud à laquelle participait un jeune de leur cité ! Sans doute parce que le père et le frère de notre aventurier n'habitaient plus à Ruffec, mais à Rambouillet. Sans doute parce que Louis Petit s'était beaucoup éloigné depuis son incorporation dans la Marine. Seul, mais plutôt timidement, Le Matin Charentais évoquera Louis Petit le Ruffécois... Ailleurs, à l'instar de la presse nationale, on vantera surtout les mérites du comte de Saint-Roman et du lieutenant de vaisseau Mouneyres. Car on ne prête qu'aux riches...

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L'histoire décolle

Le capitaine Pierre de Saint-Roman, envisage fin 1926 le projet d'une tournée en avion avec escales dans les 52 plus grandes villes d'Amérique du Sud : Rio de Janeiro, São Paulo, Porto Alegre, Montevideo, Buenos-Aires, Santiago du Chili, Caracas, Bogota, Quito... En soutien financier du projet fut créé à Paris un comité Paris-Amérique Latine (PAL). Saint-Roman pensait expédier un avion par mer et continuer en vol sur le continent, mais, devant le coût du transport, s'orientera vers l'idée d'une traversée en vol. Pas un raid, mais pour prouver la possibilité d'une liaison régulière entre la France et l'Amérique Latine. En cas de réussite un marché pourrait s'ouvrir dans le nouveau continent. Le 2 mars 1927, le projet est annoncé lors d'un dîner officiel du comité de propagande aéronautique « Paris-Amérique Latine ». Ne possédant que 250 heures de vol, expérience insuffisante pour cette entreprise, Saint-Roman contacte le lieutenant de vaisseau Hervé Marcel Mouneyres de l'escadrille 5B2. Cet officier pilote envisageait alors, avec l'enseigne de vaisseau Coffin, une traversée de l'Atlantique nord sur un Farman Jabiru de 500 cv modifié spécialement, le F.171. Mais, en attendant cet appareil promis, il accepte la proposition de Saint-Roman. Leur collaboration est officialisée le 20 mars 1927. Le Farman F.61 F-ADFN se trouve alors immobilisé à Guyancourt, moteurs retirés pour révision. Mouneyres obtient auprès du ministère de la Marine le prêt de cette cellule et l'autorisation d'utiliser pour essais les installations de Saint-Raphaël et l'étang de Berre. On ne sait rien de la carrière de cet appareil chez Farman jusqu'en 1926. Il aurait effectué des essais poussés à Villacoublay et à Toussus. Ces démonstrations intéressaient autant les militaires que les compagnies aériennes - les Messageries Aériennes passeront commandes de 10 exemplaires. Ceci peut expliquer qu'il n'ait reçu son CDL n°738 (configuration type fournie par le constructeur d’un avion) qu'en décembre 1921. Il est alors immatriculé F-ADFN, enregistré à la maison Farman et basé à Toussus-le-Noble.

Baptême début avril 1927 du Goliath Paris-Amérique Latine.

Saint-Roman négocie le prêt par Lorraine-Dietrich de deux moteurs de 450 ch. L'appareil est modifié de façon à pouvoir emporter 4.300 litres d'essence. Ernest Mathis, employé comme ingénieur mécanicien par le constructeur Lorraine, sera recruté. Cet équipage sera accompagné d'un journaliste argentin, Carlos Del Carril, reporter de la Prensa de Buenos-Ayres. L'itinéraire prévu va de Berre à Casablanca, Port Etienne, Porto Praïa, Pernambouc, Rio de Janeiro, Montevideo, et enfin Buenos Ayres. Saint Roman aimerait effectuer la traversée avec un appareil terrestre, mais la Direction Générale de l'Aéronautique s'y oppose, exigeant que l'appareil soit équipé de flotteurs.

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Le Goliath F.61 ADFN peint en blanc et baptisé Paris-Amérique Latine (ci-dessous), quitte Le Bourget le 8 avril pour Saint-Raphaël où les roues seront remplacées par des flotteurs.

Le départ pour l'Afrique est prévu vers le 15 avril. Mais il faut tester l'hydravion. Pour cela, le Goliath quitte Saint-Raphaël le 10 avril à 9h50, se pose sur l'étang de Berre à 10h40. Le 13 avril, Drouhin, pilote chez Farman, mène des essais à la pleine charge de 7.500 kg, puis, les estimant terminés rentre à Paris. C'est avec des flotteurs que fut enlevée à Berre une charge dépassant de 3oo kg la charge maxima prévue pour la traversée. Cette performance avait valu à l'hydravion l'agrément des services techniques officiels et c'est ainsi que le lieutenant de vaisseau Mouneyres, marin de carrière, un des meilleurs pilotes navigateurs de l'aviation maritime, fut autorisé à participer à l'expédition. Le 14 avril, une dépression se signale sur les côtes du Maroc, Saint-Roman repousse le départ. Le 16 avril, à bord, s'installent Saint-Roman et Mouneyres, l'ingénieur mécanicien Ernest Mathis et le journaliste Carlos del Carril. L'hydravion décolle et file vers l'Afrique à 165 km/h de moyenne. A 16h20, à Casablanca, le port est trop encombré, Mouneyres amerrit en plein océan à 5h40. Le 17 avril, à 4h30, le plein refait, Mouneyres, aux commandes, cherche dans le port une aire dégagée, sans succès. Malgré l'encombrement du plan d'eau du port, il tente un envol. Échec, Saint-Roman décide d'alléger l'hydravion de 200 l d'essence. Nouvel essai vers 6h15 malgré la houle importante. Au moment de s'arracher de l'eau, un paquet de mer endommage une hélice, défonce un flotteur et un réservoir ; le pilote échoue l'appareil sur une plage. L'atelier de l'escadrille Goliath de la Marine juge les avaries sérieuses. L'appareil est réparé en cale sèche durant 4 à 5 jours, retardant d'autant le départ. Saint-Roman décide d'abandonner les flotteurs pour rééquiper le Goliath avec ses roues d'origine. Des scissions se produisent dans l'équipage. Peu après sera reçu un message du directeur de l'aéronautique au Ministère du Commerce.

Le Général Lissarague raconte la suite :

« Pendant ce temps, à Paris, on s'inquiète : une dépêche ambigüe envoyée par la

Direction Générale de l'Aéronautique du Ministère des Travaux Publics (le Ministère de

l'Air n'existe pas encore...) prévient le capitaine de Saint-Roman que si l'appareil n'est

plus équipé de flotteurs, il ne remplit plus les conditions de navigabilité. Ce n'est pas une

interdiction formelle de décollage, c'est plutôt une réserve faite par une autorité pour

dégager sa responsabilité ; cela est d'autant plus curieux que la version « normale » de

l'appareil est la version terrestre. Mais il s'agit sans doute d'un prétexte car en même

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temps, la Direction de l'Aviation faisait pression - en vain - sur l'association Paris-

Amérique Latine pour qu'elle s'efforce de dissuader Saint-Roman dans sa tentative et

l'ambassade d'Argentine à Paris donnait ordre à Carlos Del Carril de renoncer au

voyage... ; ce dernier débarque ainsi que le mécanicien Mathis qui redoute, en cas

d'accident, que sa société d'assurances profite de ce retrait de patronage officiel pour ne

pas honorer son contrat. »

Mais le projet de Saint-Roman et Mouneyres est maintenu.

« En quoi cette interdiction serait justifiée, publie l'Aérophile, quelle est la nature,

technique, politique ou financière, des considérations qui l'ont dictée, c'est un point qui

mériterait d'être éclairci. »

Cinq Farman Goliath de l'escadrille 5B2 à Fès au Maroc.

Le hasard a voulu que Mouneyres rencontre à Casablanca le quartier-maître mécanicien Louis Petit qui avait servi sous ses ordres à la 5B2 et venait d'être libéré ; il lui propose la place de Mathis, ce que Louis Petit accepte sans hésitation. « Louis Petit, à bientôt 22 ans, est un bel athlète, au visage ouvert, intelligent et entreprenant, passionné par tout ce qui touche à l'aviation » indique Henri Gendreau.

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La TSF va élargir son rayonnement grâce aux ondes courtes.

A Casablanca le lieutenant Labat de la radio militaire, ancien opérateur de la station ondes courtes du 8ème Génie, remplace le poste ondes longues par un émetteur ondes courtes. En 48 heures il réalise un montage symétrique Mesny de deux lampes de 75 W, sur 42 m. Pour émettre il suffira d'allumer les lampes et d'appuyer sur le manipulateur.

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Un mécanicien pose en 1926 à Fès (Fez) devant le Goliath n°9 de la 5B2.

Le camp Cazes, en bordure de la magnifique ville de Casablanca, est un des plus anciens aérodromes de l’histoire de l’aviation française. Il est connu aujourd’hui sous le nom d’Anfa. Un petit monument dédié à Jean Mermoz y évoque les grandes heures de l'Aéropostale. Le quartier-maître Louis Petit était devenu un familier des ateliers d'aviation de Marine. Imaginons-le ci-dessus au milieu de ces hommes. En 1927, il conclut sa carrière dans l'aviation maritime, plutôt courte, tout au plus cinq ans. En effet, en 1921, il était était encore apprenti chez le constructeur Magnan, à Ruffec. Son décollage pour la Marine date au mieux de 1922. L'Humanité du 21 avril 1927 résume :

« Mouneyres et Saint-Roman s'envolent [de Casablanca] pour Dakar [Saint-Louis] ce

matin. On mande de Casablanca, que les aviateurs Saint-Roman et Mouneyres ont

poursuivi la révision de leur appareil, afin de continuer leur raid avec toutes les chances

de succès. Dans le but d'alléger leur avion, ils ont décidé d'enlever les flotteurs et de les

remplacer par un train d'atterrissage. Les deux aviateurs comptent partir ce matin, à la

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première heure, pour Dakar. C'est la première fois qu'un avion non muni de flotteurs

tentera de traverser l'Océan Atlantique. » Le matériel nécessaire, soit 4 roues 800 x 160

pour le train et 5 rechanges, sera remis par l'enseigne de vaisseau Paul Poggi (escadrille

5B2 au Maroc, guerre du Rif, mai 1925 à juin 1927). L'appareil enfin au point, le départ

est fixé au 27 avril. »

L'Ouest Eclair du 2 mai 1927 relate l'étape d'Agadir à Saint-Louis :

France-Brésil. Agadir, 1er mai. Le lieutenant de vaisseau Mouneyres et le capitaine de

Saint-Roman ont pris leur vol ce matin, à 6 heures se dirigeant vers Port-Etienne et

Saint-Louis.

Agadir, 1er mai. L'aviateur de Saint-Roman a survolé le Cap Juby à 9h30 se dirigeant vers

Saint-Louis du Sénégal.

Port-Etienne, 1er mai. L'aviateur de Saint-Roman est passé à 14 heures, se dirigeant vers

Saint-Louis, par un vent de sable du nord très violent.

C'est finalement le 1er mai à 18h25 que le Goliath F.61 est parti d'une plage proche de

Casablanca pour, après escale à Agadir, rallier Saint-Louis du Sénégal où il atterrit le 2

mai à 18h30 après un excellent voyage. Ce voyage confirme le gain en vitesse et en

consommation apporté par la suppression des flotteurs ; un supplément d'essence

pourra même être embarqué.

L'équipage est cordialement reçu à Saint-Louis où les attend un nouveau télégramme désapprouvant la modification de l'appareil. Saint-Roman, approuvé par Mouneyres, considère que ce raid est de caractère privé et qu'il ne peut donc être interdit. Il est clair également que Saint-Roman comme Mouneyres ayant tout misé sur ce raid et démunis de ressources, engagés au point où ils en sont, ne peuvent que poursuivre. L'avion est révisé, les pleins faits à 4 250 litres ce qui donne au moins 26 heures d'autonomie à 180 km/h soit une marge de plus de 5 heures à l'arrivée. L'avion est équipé de tout le nécessaire pour la navigation sauf la radiogoniométrie ; en particulier il dispose de bouées flottantes lumineuses pour effectuer des dérives ; il emporte son poste radio à ondes courtes calé sur 42 mètres. Il est convenu avec la station de radio-amateur de Saint-Louis - il n'y a rien d'autre - de passer toutes les demi-heures un message FFF si tout allait bien ; les essais au sol sont bons.

Saint-Roman continuera-t-il son voyage ?

Des doutes sont relayés par Le Petit Journal, le 4 mai 1927 :« La Direction de l'Aéronautique

vient d'aviser le capitaine de Saint-Roman, qui était arrivé à Saint-Louis du Sénégal,

qu'elle lui retirait son patronage officiel, pour avoir modifié son appareil, le certificat de

navigation ayant été accordé pour un avion muni de flotteurs, et non pour un appareil

terrestre. D'autre part, l'association France-Amérique-Latine, qui patronne le raid, a

déclaré qu'elle conservait toute confiance en Saint-Roman et Mouneyres. Toutefois, il est

fort probable qu'en raison de la décision prise par La Direction de l'Aéronautique, les

deux aviateurs ne poursuivront pas leur raid ».

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Paris le 4 avril [mai] 1927 Paris Amerique-Latine, 14. boul. de la Madeleine au Comte de Saint-Roman, Toulouse.

« Cher Monsieur, dans votre télégramme de ce matin, vous me demandez de vous

envoyer des détails au sujet de l'interdiction dont parlent les journaux. L'Aéronautique se

base sur le fait que le certificat de navigabilité a été donné à un hydravion dont les

modifications faites à Casablanca n'ont pas été officiellement approuvées. Je viens de

recevoir un télégramme daté d'hier à 3 heures. « Partirons jeudi si le temps permet ». Les

dernières nouvelles des agences télégraphiques annoncent qu'hier dans une diner au

cercle militaire, votre frère a affirmé à nouveau sa volonté irrévocable de partir. Il semble

qu'une cabale ait été organisée à Paris contre ce raid, et que l'ordre donné par

l'Aéronautique n'ait d'autre but que de sauver les responsabilité des bureaux.

Tous les techniciens nous affirment que les conditions actuelles du raid sont très

supérieures aux anciennes et que la réussite en est très probable. L'association n'a fait

que leur réitérer sa foi, son admiration et son entière solidarité, sans émettre d'opinion

sur la convenance ou non de poursuivre le raid.

Dans toutes ses lettres, votre frère témoigne de la plus grande conscience ainsi que ses

compagnons. Veuillez me faire l'honneur de présenter mes plus respectueux hommages à

Madame votre Mère, et croyez moi, votre très affectueusement dévoué. » Signé P. Osario

Maintenant, ce ne sont plus de simples menaces. Saint-Roman se voir retirer son patronage officiel. L'aventure devient une opération privée. Henri Gendreau conclut : « Une sorte de tourisme aventureux ». Le 3 mai, en leur honneur le colonel Renault a organisé une réception au cercle militaire. Les aventuriers s'entêtent, ils sont prêts pour le départ.

L'appareil est gardé la nuit pour éviter toute mauvaise surprise. Le jeudi 5 mai à 6h30, Mouneyres décolle le F.61 chargé des 300 litres d'huile et 4.500 litres de carburant - autonomie de 28 heures pour un vol estimé à 22 heures à 180 km/h.

La traversée doit être tentée entre Saint-Louis et Recife. Le 4 au soir Recife, but de la traversée, dans la province de Pernambouc, annonce par radio une bonne météo pour le lendemain. Le départ est décidé... Saint-Roman a quitté Saint-Louis et vole au dessus de l'Océan Le contact radio avec le sol se fait sur la bande des 42 mètres. Depuis Saint-Louis, on capte leurs signaux par deux fois, et une troisième fois depuis Dakar à 10h38, puis plus rien. La lecture des deux articles de presse qui suivent offre de riches compléments.

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Louis Petit

Le Gaulois du 6 mai 1927 publie : « Saint-Louis-du-Sénégal, 5 mai. Le capitaine de Saint-

Roman et le lieutenant [de vaisseau] Mouneyres, accompagnés du mécanicien Petit, ont

quitté Saint-Louis ce matin à six heures. Voici quelques détails sur leur départ. A 6

heures, Mouneyres décide de tenter le départ. Il prend place dans la carlingue et essaie

les commandes. Tout fonctionne parfaitement. Saint-Roman et Petit embarquent à leur

tour. Les mécaniciens lancent l'hélice de droite, puis celle de gauche, qui tourbillonnent

bientôt, soulevant un nuage de sable. Le colonel Renaud souhaite aux hardis voyageurs

une bonne traversée. Des mains se tendent et sont serrées avec effusion.

Mouneyres ordonne d'enlever les cales. Le grand oiseau blanc s'ébranle, prend de la

vitesse, laissant derrière lui un sillage de poussière. Va-t-il décoller ? Les spectateurs,

étreints par l'émotion, se sont découverts. Soudain, l'appareil quitte le sol. Il a à peine

roulé 250 mètres. Un cri de joie part de toutes les poitrines.

Face au nord, la masse impressionnante du Goliath s'élève peu à peu. L'avion décrit un

virage harmonieux, s'élève encore et pique franchement vers le sud. Bientôt il disparaît,

confondu dans la buée lumineuse de l'atmosphère matinale. Les dés sont jetés.

A 11h38 (heure de Greenwich), l'aviateur Saint-Roman signalait que tout allait bien à

bord. »

Les nouvelles sont optimistes. Grâce à l'article ci-dessus et celui qui suit, plus complet, émanant de la TSF locale, nous captons de nombreux détails concernant la préparation du Goliath et de son équipage avant leur décollage de Saint-Louis le 5 mai 1927 vers 6 heures.

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Saint-Roman s'est envolé hier pour l'ile Saint-Paul

La T.S.F. de Saint-Louis-du-Sénégal est bien renseignée : « Après 1h15 de vol en mer, tout

allait bien. Toute la soirée d'hier a été consacrée par Mouneyres et Saint-Roman au

remplissage des réservoirs et aux ultimes préparatifs. Les deux aviateurs, se relayant, et

aidés du mécanicien Petit qui doit les accompagner, et du personnel des établissements

Latécoère, ont entonné dans les réservoirs 4.250 litres d'essence et plusieurs centaines

de kilos d'huile. Des provisions, consistant surtout en bananes, en biscuits, en café et en

eau fraiche, ont été arrimées dans la carlingue. A 23h30, tout était terminé. L'appareil fut

bâché et confié à la garde des tirailleurs, tandis que les trois aviateurs regagnaient leur

appartement pour prendre quelque repos.

Le mécanicien Petit et son collègue des lignes commerciales, furent les premiers levés et

commencèrent à préparer l'avion. A 5 heures arrivent en auto le lieutenant de vaisseau

Mouneyres et le capitaine de Saint-Roman. Puis on embarque les valises, les cartes,

tandis que des automobiles amènent dans la nuit encore noire des curieux que l'heure

matinale n'a pas découragés. Le jour se lève. Le vent s'élève, il souffle faiblement vers le

Nord. Très calmes, Mouneyres et Saint-Roman, maintenant revêtus de la combinaison et

coiffés du serre-tête, attendent que la brise se fasse plus forte pour favoriser le

décollage de leur lourd appareil qui représente en pleine charge un poids total de plus de

7 tonnes.

Le vent tourne au sud-ouest comme l'atteste la manche indicatrice qui surmonte le

hangar. Il se fait plus fort et plus régulier et, à 6 heures, Mouneyres décide de tenter le

départ. De Saint-Roman et Petit embarquent à leur tour. Les mécaniciens lancent l'hélice

de droite, puis celle de gauche, qui tourbillonnent bientôt, soulevant un nuage de sable.

Le colonel Renaud souhaite aux hardis voyageurs une bonne traversée. Des mains se

tendent et sont serrées avec effusion. Mouneyres ordonne d'enlever les cales. Le grand

oiseau blanc s'ébranle. prend de la vitesse, laissant derrière lui un sillage de poussière.

Va-t-il décoller ? Soudain, l'appareil quitte le sol, il a à peine roulé 250 mètres. Un cri de

joie part de toutes les poitrines.

Face au nord, la masse impressionnante du Goliath s'élève peu à peu. L'avion décrit un

virage harmonieux, s'élève encore et pique franchement vers le sud. Bientôt il disparaît,

confondu dans la buée lumineuse de l'atmosphère matinale, vers l'ile Saint-Paul.

Avant de partir, Saint-Roman a déclaré son intention de lancer un message toutes les

demi-heures, qu'il espère pouvoir faire capter par les postes de T.S.F. de Saint-Louis,

d'Agadir, puis, du Brésil.

« En mer... tout va bien à bord ! »

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... Le Farman-Goliath de Saint-Roman, sur le terrain de Saint-Louis, d'où il a pris le

départ vers-l'Amérique du Sud. Les flotteurs ont fait place à des roues, protégées du

soleil par des bâches ; devant, à droite, les 5.000 litres d'essence qu'il doit emporter ; tout

à fait à gauche, un casque colonial, le comte de Saint-Roman, chef de l'expédition. Photo

P. Tacher.

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La disparition du Paris-Amérique Latine

A Saint-Louis du Sénégal

Le Petit Journal du 6 mai 1927 assure que le 5 mai, soir, tout allait bien à bord : « Un premier

message du vol Paris-Amérique Latine a été capté par le poste de T.S.F. De Saint-Louis, à

7 heures 42 ». « A partir de ce moment, ajoute Henri Gendreau, les incertitudes se mêlent

aux réalités, ce qui ne facilite pas aujourd'hui la reconstitution du fait historique. A Récife, tout est prêt pour accueillir l'aventureux équipage. L'arrivée a été prévue le 6 mai, aux alentours de 0h30, heure locale. L'heure venue, on espère, on s'impatiente, mais le ciel reste vide. »

Vers l'Amérique du Sud

Le Journal du 7 mai 1927 relate sous la signature de C.D.H. : « Pernambouc annonçait par

un télégramme parti hier matin à 4 heures (heure locale), que l'on était sans nouvelles du

capitaine de Saint-Roman et du lieutenant de vaisseau Mouneyres partis de Saint-Louis

à 7h30 et signalés ensuite par Dakar. [Petit est ignoré.]

Cette information n'est pas alarmante en principe, l'heure d'arrivée possible de l'appareil

devant se situer, si tout a bien marché à bord, vers 5h45, heure locale. Or, l'heure de

transmission du télégramme étant 4 heures, l'avion devait se trouver à environ 170

kilomètres nord-est de la côte, à ce moment, et par conséquent hors de vue. Ajoutons

que son rayon d'action était de 3.900 kilomètres alors que la distance de Dakar à

Pernambouc n'est que de 3.200 kilomètres.

Il semble bien que la radio de l'ile Noronha les situant dans la nuit de jeudi, à minuit 23, à

environ 500 kilomètres de la côte, soit exact. Il est donc possible que Saint-Roman et

Mouneyres aient pu atterrir, à bout d'essence, à quelques cent kilomètres au nord de

Port Natal, et qu'isolés par suite du manque de communications, ils ne puissent donner

de leurs nouvelles.

D'autre part, sur l'ordre du gouvernement brésilien, deux navires de guerre ont été

aussitôt alertés pour longer la côte, et une escadrille d'avions survolera la région dès la

pointe du jour. »

Des recherches sont entreprises au large dès le lendemain par les Brésiliens, autour des îles Rocas, de Fernando de Norohna et des rochers de São Pedro et São Paulo sur leur trajet présumé. Plusieurs bâtiments participent aux recherches : le vapeur Mercury, l'aviso brésilien Bahia et le vapeur Linois des Chargeurs-Réunis. Malheureusement aucune patrouille n'explore la côte au nord-ouest de Natal. « On tire donc la conclusion de cette aventureuse tentative, l'avion s'est abimé en mer, Saint-Roman, Mouneyres et Petit ont péri avec lui, expose Henri Gendreau, en France l'attention est vite détournée par la disparition le 8 mai de Nungesser et Coli lors de leur raid sur l'Atlantique nord. ».

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Saint-Roman serait-il vivant ? L'Avenir de la Vienne du 11 mai 1927

courre après les bruits : « Londres,

12 mai. D'après un message de

Brain (Iles du Cap Vert), en date

d'aujourd'hui, un remorqueur a

quitté Saint-Vincent pour la côte

ouest de l'île de Bonavista où,

d'après les bruits qui courent, le

capitaine de Saint-Roman

attendrait que l'on vienne à son

secours. Les recherches restent

vaines... »

Le 16 juin, le Matin Charentais se réveille pour mieux se rendormir : « On est toujours sans

aucune nouvelle de Saint-Roman et Mouneyres depuis plusieurs jours. Il convient

d'ajouter qu'un Charentais, le mécanicien Louis Petit, avait également pris place dans

l'appareil. M. Petit est en effet originaire de Ruffec. »

Les lecteurs de cet éminent canard attendent encore une biographie de Louis Petit. Naissance, scolarité, carrière sous les drapeaux... Ceux de Ruffec restent muets, pétrifiés sans doute...

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Sans nouvelles de l'équipage français

La presse nationale a publié de nombreux articles sur cette tragédie qui nous permettent d'en situer le contexte et esquisser les grandes lignes.

L'illustration publie le 21 mai 1927 cet article (signé H. B.) : « Depuis le 5 mai, date à

laquelle leur avion s'engagea sur l'Atlantique Sud, on est également sans nouvelles de

l'équipage français que constituaient, à bord d'un Farman-Goliath bimoteur, M. de Saint-

Roman, le lieutenant de vaisseau Mouneyres et le mécanicien Petit.

Là encore les fausses nouvelles n'ont pas manqué, signalant le passage des aviateurs

au-dessus de San-Fernando-de-Noronha, puis leur atterrissage aux Canaries. Là encore,

douze jours après la dernière nouvelle authentique, un message de T.S.F. émis par l'avion

une heure après son départ, l'ignorance est totale et l'espoir permis réduit à très peu. Les

conditions dans lesquelles s'est produite cette disparition sont douloureuses ; c'est

contre l'avis formel des services officiels de l'aéronautique, ce serait malgré la

notification que le congé du pilote-navigateur - marin de carrière - était suspendu, que

l'équipage a pris le départ à bord d'un appareil dont les flotteurs avaient été remplacés

par des roues.

Le patronage du comité Paris-Amérique Latine, qui avait donné son nom à l'avion, n'avait

en effet été accordé à M. de Saint-Roman qu'après avis technique favorable des services

officiels compétents. Or, cet avis favorable avait été donné pour un hydravion qui, muni

de ses flotteurs,, avait décollé de l'étang de Berre, alors pesait 7.600 kilos, c'est-à-dire

avec la charge complète prévue et 300 kilos supplémentaires. L'appareil était alors établi

pour emporter 4.290 litres d'essence. En fait ce serait avec 5.000 litres qu'il aurait quitté

Saint-Louis à destination du continent américain, l'équipage - réduit à deux par des

défections très naturelles - ayant fait fabriquer sur place des réservoirs supplémentaires

pour 800 litres, puis s'étant adjoint un jeune mécanicien de l'aviation coloniale, M. Petit,

qui venait d'être libéré. Si cette charge d'essence a vraiment été emportée, le bimoteur

avait le rayon d'action nécessaire à la traversée sans escale entre les deux continents.

Mais en cas d'incident l'obligeant à se poser en mer, la sécurité qu'il offrait - privé de ses

flotteurs- était extrêmement faible...

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Paris-Madrid, première grande course d'aviation, organisée en mai 1911 par Le Petit Parisien, est dotée d'un prix de 100 000 francs. 1 200 km en trois étapes : Paris à Angoulême (400 km), Angoulême à Saint-Sébastien à la frontière espagnole (335 km) et Saint-Sébastien à Madrid (430 km) en passant par Burgos. Elle parait à l'époque une tentative surhumaine en raison de la longueur du parcours et par ses difficultés supposées, surtout en territoire espagnol. Louis Gibert, sur Blériot XI, atterrit à Ruffec au pays de Louis Petit alors âgé de 6 ans, mais se classe 3e à Angoulême, et abandonne en Espagne au cours de la 3e étape. Védrine sera 1er partout...

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Coup de théâtre Le 18 juin, 43 jours après la disparition du Goliath et de son équipage, des pêcheurs de l'État de Bahia découvrent un radeau au large du cap Maguarinho. Cette découverte se fera à environ 90 km au large de Belem. L'esquif est pris en remorque mais la forte houle menace la petite embarcation. Les pêcheurs récupèrent et chargent quelques éléments (plaque, sandows, roues) et abandonnent le reste. Si un message avait été écrit sur la toile celui-ci eut été effacé par les embruns après 43 jours de mer. L'Ouest-Eclair du 22 juin 1927 :

A 350 kilomètres du but (Sic). On découvre sur les côtes du Brésil les épaves de l'avion

de Saint-Roman, Mouneyres et Petit... Paris, juin. Le Times publie la dépêche suivante :

Rio-de-Janeiro, 20 juin. On annonce de Para (Brésil) que des pêcheurs ont découvert, à

faible distance des côtes, des débris d'avion, notamment une aile et les roues du train

d'atterrissage. On présume qu'il s'agit de l'épave de l'avion, de Mouneyres, St-Roman et

Petit.

Ce radeau de fortune, sans personne à bord, est constitué d'éléments d'avion : une partie de voilure (morceau d'aile ou d'empennage), deux roues, une plaque en duralumin munie d'une charnière, le tout attaché avec des sandows. Le fait qu'un tel assemblage n'a pu être effectué qu'à terre amène à conclure que le F 61 a effectivement touché une plage de la côte brésilienne dans une zone où les falaises (barreiras) surplombant la plage ne peuvent être franchies. L'équipage aurait alors construit ce radeau, pensant gagner par mer un lieu habité, mais n'aurait pas réussi à atteindre ce but. L'espoir renaît et les recherches reprennent jusqu'au mois d'août mais sans succès. Le mécanicien Galleyrand qui a travaillé chez Farman est dépêché sur place pour identifier ces débris. Ce sont bien les éléments d'un Goliath et ils ont bien appartenu à l'avion de Saint-Roman. Sur les pneus, on peut même lire l'inscription suivante : Hutchinson-Aéro, 800-160 (dimensions) 12-26 (date de fabrication). Galleyrand déclare que si l'appareil avait amerri, cette partie de l'appareil se serait disloquée et il en conclut qu'il s'est posé sur le sol dans des conditions satisfaisantes. Ces précieux témoins sont expédiés en France en décembre et se trouvent aujourd'hui dans les réserves du musée de l'Air au Bourget.

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Deux roues, des sandows, une trappe de visite... au musée du Bourget.

Crédit photo : famille Petit qui a obtenu l'autorisation du musée du Bourget de faire ces clichés.

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De maigres souvenirs sans doute, mais la preuve irréfutable que Saint-Roman, Mouneyres et Petit, ont réussi, sans escale, la première traversée de l'Atlantique sud.

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C'est bien l'avion de Saint-Roman qui a été retrouvé au large de Para

Ouest-France publie le 29 juin 1927 : « Paris, 28 juin, le service télégraphique du journal La

Nation, de Buenos-Ayres nous communique : Rio-de-Janeiro, 28 juin, les restes de l'avion

que l'on suppose être ceux de l'avion Paris-Amérique Latine, de Mouneyres, Saint-Roman

et Petit, et qui ont été recueillis dernièrement au large de Para, cap Magharinho, sont

arrivés à Belem.

Les pêcheurs brésiliens qui en ont fait la découverte, rapportent que, dès que la vigie eut

signalé une épave flottante, ils se rendirent sur les lieux, mais que, s'ils réussirent à

recueillir les roues, le reste de l'appareil coula immédiatement. Les journaux disent que

les roues furent remises au consul de France [à Belem] et ajoutent qu'il s'agit bien de

l'avion de Saint-Roman. Un communiqué officiel donne cette version : on peut en déduire

que les malheureux aviateurs se virent contraints de descendre sur quelque rocher où ils

tâchèrent, avec les roues et les pièces pouvant servir comme flotteur, de construire un

radeau sur lequel ils attachèrent des liens fabriqués avec des morceaux de caoutchouc

retirés de l'avion. Un des pneus est éraflé et aplati, comme s'il avait buté contre une

pierre. Les experts ont examiné les objets trouvés et spécialement une pièce en

aluminium sur laquelle on remarque des caractères que l'on suppose avoir été écrits par

Saint-Roman, et indiquant l'endroit où ils se trouvait et des paroles d'adieu.

De l'avis général, on suppose que ce radeau a été fabriqué par les aviateurs eux-mêmes

et lancé en mer comme un signal. »

L'espoir renaît, les recherches reprennent jusqu'au mois d'août, mais sans succès.

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Le radeau dérivera en direction de Belem.

Le sort de Mouneyres Le Gaulois du 17 juillet 1927 confirme à son tour :

L'ingénieur Galleyrand, envoyé par le Journal « Anoise » pour examiner les restes de

l'avion de Saint-Roman, télégraphie de Belem ce qui suit. « J'ai fait l'examen demandé

des roues de l'amortisseur et du train d'atterrissage qui prouvent qu'ils appartiennent à

un Goliath. Après un examen approfondi, j'arrive à la conclusion qu'en cas d'amerrissage

il serait matériellement impossible de démonter les dites parties de l'appareil, ce qui me

fait supposer que les aviateurs atterrirent dans de bonnes conditions, comme le prouve,

du reste, l'état des roues et le fait d'avoir pu construire un radeau. »

Le Goliath sera rayé du registre en octobre 1927

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Les barreiras du côté de Natal.

Que disent les spécialistes ? Selon le conservateur du musée de l'Air, le général Lissarague, l'atterrissage serait situé entre Natal et Fortaleza, à marée basse, sur une de ces plages bordées de hautes falaises de 20 à 40 mètres de haut. Ces « barreiras » sont réputées impossibles à escalader. De plus à marée haute, les plages sont recouvertes de plusieurs mètres d'eau. Prisonniers de ce lieu inhospitalier, l'équipage a construit ce radeau qui fut emporté à marée haute. Deux possibilités : soit ils ont quitté la plage sur cet esquif de fortune et la houle l'a renversé jetant les trois hommes par le fond ; soit le radeau inoccupé a été lancé comme un signal, une bouteille à la mer pour indiquer qu'ils étaient bien vivants et orienter les recherches. Ce témoin incontestable de leur survie temporaire, emporté par le fort courant nord-ouest le long de cette côte, a dérivé sur des centaines de kilomètres avant d'être repêché. On ne retrouvera jamais la trace de l'équipage, ni celle de leur avion.

Premiers Français à traverser l'Atlantique sud sans escale En tout cas, Pierre de Saint-Roman et ses équipiers ont été les premiers Français à traverser l'Atlantique sud sans escale mais ils n'ont pas survécu longtemps à leur exploit. La famille Saint-Roman, abusée par les convictions d'une radiesthésiste renommée, a cru pouvoir les retrouver mais au fil des mois, l'espoir s'est évanoui peu à peu avant de disparaître à jamais. Dans cette véritable guerre des airs, les choses vont se précipiter. Le 15 octobre 1927, Dieudonné Costes (né à Septfonds, Tarn-&-Garonne) et Joseph Le Brix traversent sans escale l'Atlantique Sud entre Saint-Louis et Natal et survivront à leur exploit sur un avion Bréguet 19 GR, le Nungesser et Coli. Le 13 mai 1930, ce sont Jean Mermoz, Géo Gimié et Jean Dabry qui renouvellent le grand saut sur un hydravion Laté 28-3 baptisé Comte de La Vaulx inaugurant la première liaison commerciale. La Ligne aérienne est enfin ouverte jusqu'en Amérique du Sud.

L'Avenir de la Vienne, dans l'édition des 20 et 21 juin 1927, rapporte :

« Rio-de Janeiro, 19 juin.

Les gouverneurs des Etats d'Alagons, Pernainbouc et Bahia ont fait savoir hier au

ministre des affaires étrangères que les recherches faites pour retrouver Saint-Roman

n'ont donné aucun résultat. Cet enquêtes ont été entreprises à la demande de la mère de

Saint-Roman qui en avait manifesté le désir auprès de l'ambassade du Brésil à Paris. »

Le Gaulois, 23 juin 1927 confirme l'origine du radeau :

« Rio-de-Janeiro, 22 juin.

Les journaux d'aujourd'hui disent que les roues trouvées par le vapeur Vigia sont bien

celles de l'avion de Saint-Roman et Mouneyres. Le gouverneur de l'Etat de Para a donné

des ordres pour que les épaves découvertes soient expédiées en France dès leur arrivée

à Belem. »

Sur les côtes du Brésil on trouve des débris d'avion L'Humanité du 22 juin 1927 entreprend de résumer les analyses :

« Il semble qu'il s'agit de l'appareil disparu le 5 mai.

Rio-de-Janeiro, 21 juin.

On annonce de Para (Brésil) que des pêcheurs ont découvert, à faible distance des côtes,

des débris d'avion, notamment une aile et les roues du train d'atterrissage. On présume

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qu'il s'agit de l'épave de l'avion de Mouneyres, Saint-Roman et Petit. Une dépêche

ultérieure précise que les débris retrouvés portaient l'inscription suivante : 5 Aero

800x600 12x36. Chez Farman (l'appareil de Saint-Roman était du type Goliath) on

présuma qu'il s'agit bien de l'avion Paris-Amérique Latine, l'inscription 5 Aero, 800x600

qu'il faut vraisemblablement rectifier par 5 Aero 800x160, est celle qui est apposée sur

les pneus que nous fournissons à la marine pour les Goliath. D'autre part, les chiffres

12x36 semblent bien être ceux de la date de sortie d'usine mais c'est 12x26 - décembre

1926 - qu'il faut lire ce qui ajoute encore à la vraisemblance.

« Nous attendons des détails sur les autres indices.

L'examen de l'aile, en effet, nous donnerait une précision

définitive. Elle porte le matricule de l'appareil F- ADFN.

Comme, d'autre part, aucun appareil Farman ne se

trouve en usage en Amérique du Sud, il semble bien se

confirmer qu'il s'agit de l'avion disparu.

La distance entre Pernambouc (point d'arrivée) et Para

étant d'environ 900 milles et les courants poussant à

une faible vitesse les débris, on peut admettre que

l'avion de Saint-Roman a dû sombrer à proximité des

côtes brésiliennes.

Dans ces conditions on ne peut que déplorer l'imprudence des aviateurs faisant changer

à Casablanca leurs flotteurs contre des roues d'atterrissage, et la légèreté de ceux qui les

laissèrent partir dans de telles conditions. Il est vrai que la même légèreté des milieux

dirigeants de l'aéronautique devait coûter, une semaine après, la mort de Nungesser et

Coli... »

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Mouneyres, Mathis et Saint-Roman début avril en France. Au dessus : le Goliath. (L'Humanité, 22 juin 1927)

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Serions-nous face à une véritable amnésie collective ?

Le Ministère de la Marine n'a jamais encouragé cette entreprise. L'autorisation de traverser avait été refusée, et aucun bâtiment de la marine française n'a participé aux recherches. Cela justifie-t-il que cet exploit ait été localement autant ignoré ? «Que s'est-il donc passé pour que les trois hommes soient privés de leur exploit ? se demande Henri Gendreau, l'hypothèse la plus vraisemblable est ainsi construite : au départ, cela jusqu'à 11h15, deux messages radio ont été reçus à Saint-Louis et Dakar signalant que le vol était normal. Il faut dire que le Goliath n'était pas équipé d'appareils d'orientation très sûrs. On peut imaginer une erreur de navigation qui aurait déporté l'appareil au nord de sa route. Le radeau a dû dériver dans un fort courant équatorial sur 2.000 km. L'avion aurait donc atteint la côte inhabitée et basse, bordée de forêts vierges impénétrables, et caractérisée par le phénomène de mascaret, c'est-à-dire d'énormes marées qui voient le niveau de la mer s'élever de plus de 3 mètres. Malheureusement les navires brésiliens n'ont pas cherché au nord du cap Saint-Roch. »

Cette aventure n'a pas été relatée, semble-t-il, par les journaux de Ruffec. L'Avenir de la Vienne et Le Matin Charentais ne seront pas non plus convaincants. La preuve ci-dessous dans Le Matin Charentais du 23 juin 1927 :

« Les drames de l'aviation... Ce n'était pas l'avion de Saint-Roman. Casablanca 22

juin.

Après réception d'une note de Rio-de-Janeiro annonçant la découverte d'un pneu d'avion

portant les numéros : 5-aéro-800 X 160, 22 X 26, une enquête a été faite dans les milieux

aéronautiques pour connaître le numéro des pneus donnés à l'aviateur Saint-Roman. Au

centre de Casablanca il résulte de l'enquête que les pneus donnés à Saint-Roman

portaient les numéros 800 X 150. »

De même, les Charentais de Paris ont peut-être également ignoré Louis Petit, leur « pays »... La presse nationale n'a pourtant pas éludé cette aventure, même si elle ne précise jamais ni la biographie ni la naissance ruffécoise du jeune mécanicien.

Photos publiées par Le Journal de Paris le 2 janvier 1928.

L'Ouest Eclair du 13 mars 1928 n'oubliera personne

Les pionniers. Gloire à ceux qui ont réalisé ce merveilleux mécanisme ! Gloire à ceux qui

font triompher nos ailes sur les champs de bataille pacifiques, après les avoir fait

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triompher sur les champs de bataille de la guerre. Mais, gloire surtout aux pionniers, à

ceux qui ont tracé dans les airs un lumineux sillage. Gloire à Costes et à Le Brix qui

triomphent dans les deux Amériques.

Gloire surtout aux trois audacieux, au capitaine de Saint-Roman, au lieutenant de

vaisseau Mouneyrès, au mécanicien Petit, qui ont effectivement traversé l'Atlantique

mais qui sont tombés au port et qui vivent encore peut-être, sur une île déserte, d'où ils

ont lancé un radeau, formidable point d'interrogation posé sur leur audacieuse envolée.

Gloire à ces pionniers ! Par eux, vit notre pays, dans l'idéal et dans les sublimes réalités.

Un Gala au profit des familles des héros

Le Gaulois le 18 mai 1928 :

« Pour le gala qui sera donné au théâtre des Champs-Elysées, le mardi 22 mai au

bénéfice des familles des aviateurs Saint-Roman, Mouneyres et Petit, qui ont trouvé la

mort dans la première traversée de l'Atlantique, le comité d'organisation du Cercle Paris-

Amérique latine a voulu que l'intérêt du programme artistique de cette belle fête égalât

celui de son noble but. Aussi l'Union des Artistes, qui assure les collaborations à cette

splendide matinée, a-t-elle pu obtenir le concours des plus illustrés vedettes parisiennes

ou de passage à Paris. »

Nota : Deux erreurs d'édition figurent dans ce programme : il faut lire « glorieusement disparus en mai

1927 après avoir entièrement traversé le Sud-Atlantique ».

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Les ailes latines Aux Héroïques pionniers de l'Atlantique Sud

De Saint-Louis : «Partis jeudi 5 mai 6h25 » De Dakar, 7h10 : «Six cents mètres altitude, direction Sud-Ouest» - Radio du bord, 11h30 : Tout va bien. Saint-Roman, Mouneyres, Petit.» Toute une journée trop courte d'envolée dans la gloire de nos cœurs qui les suivent... Puis la nuit qui descend lourde des anxiétés que chacun dissimule. L'on écoute en silence dans ses artères fiévreuses le vrombissement des moteurs en marche et suppute les distances parcourues à travers l'espace vide du manque de nouvelles... Au petit jour du 6 mai, le coup de foudre d'un radio de Recife annonce leur passage à Fernando de Noronha. C'est le triomphe... Puis, deux ou trois échos répercutés dans la même journée... Puis, encore, au soir du second jour, le glas fatidique du démenti formel. Le télégraphe s'affole... Alerte sur toutes les côtes... Sans relâche, l'on appelle partout sur l'Océan... Silence de mort...

Tout ce que fit alors le Brésil aidé de l'Argentine et de l'Uruguay pour résoudre l'énigme et vaincre le destin que toute minute perdue rendait irrévocable, est au-dessus de toute louange et digne des Grands Peuples où l'esprit de la France se reconnaît et son cœur se renouvelle... Sous la direction immédiate de S. E. le Dr Washington Luiz, Président de la République, qui centralise les nouvelles et impartit les ordres, les autorités civiles et militaires de tous les États du Brésil, depuis Rio jusqu'à Pernambouco, dépêchent les navires de guerre et de cabotage dont ils disposent dans les ports. Toute la mer est battue des Rochers de Saint-Paul jusqu'au cap San Roque... Rien... rien... toujours rien... Les jours passent, le gouffre se referme... Tout espoir s'évanouit... Tout espoir est perdu. Deuil nationaux... Trois jours au Brésil. Un mois après, l'épave tragique, au large des Amazones : un radeau vide, que les courants de l'Atlantique dérivaient au Nord, à l'heure où, dans tous les sens, l'on sillonnait le Sud !... Paix et gloire aux martyrs... Silence et recueillement... Sept mois se sont écoulés. Sous le haut patronage de LL. EE. M. le Ministre du Commerce, Maurice Bokanovski, M. le Maréchal Lyautey, Président du Comité de propagande aéronautique de l'Association « Paris-Amérique latine », et M. le Ministre Plénipotentiaire Harismendy, représentant le Ministre des Affaires étrangères; M. le marquis de Peralta, Président de l'Association «Paris-Amérique latine» ; S. E. M. de Souzas Dantas, ambassadeur du Brésil ; S. E. M. F. Alvarez de Toledo, ambassadeur de la République Argentine ; S. E. M. Guani, Ministre de l'Uruguay, un « Comité Saint-Roman, Mouneyres, Petit », vient de se constituer afin de recueillir des fonds destinés aux familles des héros et à quelqu'oeuvre, sans doute, qui perpétuera leur mémoire. Répondant à cette généreuse initiative, un Comité de Dames Patronnesses, est en formation ; et comprendra trois déléguées de chacun des quatre pays déjà représentés au Comité de patronage. Le Comité d'Action a été ainsi constitué : Président: M. Charles-Léonard Pélabon (France) ; Membres MM. Carlos del Carril (Argentine) ; Pedro Osorio (Brésil) ; G. Buadas (Uruguay) ; Trésorier : M. André Faure. Enfin, un Comité de Presse vient également d'être constitué qui compte notamment parmi ses membres MM. Maurice de Waleffe, Melchissédec, Charles Lesca, René Richard, Muscat d'Orsay.

Un tel geste honore ses initiateurs. La Vie Latine a voulu être la première à les en féliciter au nom de la France,et leur augurer le succès qu'ils méritent. Les souscriptions sont reçues à l'Association Paris Amérique Latine, 14, boulevard de la Madeleine ; à la Revue Paris-Sud et Centre-Amérique, 131, boulevard Saint-Michel ; à la Revue de l'Amérique Latine, 84, boulevard de Courcelles ; à La Vie Latine, 49 bis, avenue Hoche.

P. Osorio. (La vie latine)

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La conviction d'une réussite « La gloire et le mystère, titre Le Figaro, le mercredi 23 mai 1928 sous la plume de B. Gheusi.

« Le Figaro, le premier, a annoncé notre conviction : Pierre de Saint-Roman, Mouneyres

et Petit ont traversé, sans escale, l'Atlantique, de l'Est à l'Ouest, avant de disparaître

dans les parages désertiques du Brésil. Paris a fêté hier les trois disparus dans une

mémorable soirée, organisée par le Comité France-Amérique. On ne nie plus, d'ailleurs,

les preuves d'un succès que grandit encore son mystère. Saint-Roman avait écrit : « Nous

serons peut-être traités de fous. Mais que l'on sache que nous ne sommes pas fous,

nous savons très bien ce que nous risquons. »

Saint-Roman avait promis de nous écrire ses impressions de voyage dès qu'il serait en

Amérique. L'Atlantique a donc été traversé, sans escale et pour la première fois, par le

capitaine de Saint-Roman et ses deux camarades. En d'autres temps, cette victoire

française eût retenti dans le monde entier. »

Les discours officiels ignorent le mécanicien Petit... Le Conseil colonial du Sénégal, convoqué en session extraordinaire... Dans un compte-rendu de l'époque on découvre cet hommage : « Mes chers collègues, permettez-moi d'évoquer les noms des héros dont la France entière déplore actuellement la disparition, de ceux qui sont partis avec tant de simplicité et de courage silencieux à la conquête du ciel bleu, avec les grands oiseaux de France et que personne n'a revus depuis. J'ai nommé : Nungesser et Coli, de Saint-Roman et Mouneyres. Applaudissements prolongés. Ces deux derniers, nous les connaissons plus particulièrement, car nous les avons vus prendre leur envol à Saint-Louis même, dans cette ville d'où sont parties jadis la conquête et la civilisation françaises vers les régions inconnues et meurtrières de l'Afrique noire. Nous les avons suivis par le cœur et par la pensée au-dessus de l'Atlantique! L'immensité nous les a ravis et notre angoisse s'est doublée, quelques jours plus tard, de la disparition de « l'as» Nungesser et de son rude et héroïque compagnon Coli... »

On a su honorer Louis Petit et ses compères de l'autre côté de l'Atlantique. Une plaque commémorative de la Ligne existe à l'hôpital français (Hospital francés) de Buenos Aires, situé à La Rioja, 951. Dans la liste des pilotes, mécaniciens morts en service entre 1920 et 1937, figurent pour l'année 1927 : De Saint-Roman Pierre, Mouneyres Hervé, Petit Louis.

Ruffec, sa ville, lui rend hommage en 2000. C'est ainsi que sera baptisée la salle Louis-Petit.

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A la mairie de Ruffec, le décès de Louis Petit n'a pas été transcrit à l'état-civil.

Curieusement, la presse locale de l'époque, riche de deux hebdomadaires, s'est plutôt abstenue de relater cette aventure passionnante.

Le ciel s'est enfin illuminé quand j'ai pu retrouver le 15 janvier 2015 à Rambouillet (78) l'acte de décès faisant suite au jugement du tribunal de Versailles.

Alexandre Petit, cousin de Louis, avait débuté une enquête continuée en famille jusqu'à Jacques Jacquet. Louis Gendreau, poursuivra ce travail, ravivera les mémoires, et publiera ses résultats en 2000-2001 dans L'Avenir de Ruffec. Depuis, la ville a honoré son petit héros...

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Le 9 mai 1927 disparaissait à son tour l'avion de Nungesser et Coli, deux aviateurs déjà célèbres. Le 21 mai 1927, Lindbergh ralliait deux capitales emblématiques : parti de New-York, il atteint Paris-Le Bourget sans escale... C'est lui que l'histoire a retenu ! Les journaux, même le Matin Charentais, en ont fait leurs choux gras.

L'Ouest Eclair du 30 juin 1927 rapporte :

Pour les familles de Nungesser et Coli

Paris, 29 juin. M. Dudley Field Malme, président du Comité américain fondé pour venir en

aide aux familles de Nungesser et de Coli communique un rapport selon lequel les fonds

recueillis jusqu'à présent s'élèvent à 1.289.636 francs. Ce total ne comprend pas une

somme de 36.000 dollars recueillis au cours d'un gala donné à New-York.

1.500.000 francs seront répartis entre les familles de Nungesser et de Coli.

Les surplus des fonds seront remis aux familles des autres aviateurs français, Saint-

Roman, Mouneyres, Petit et Clavier, disparus également en tentant de traverser

l'Atlantique.

Paris-Buenos-Ayres en trois étapes Dieudonné Costes et le lieutenant de vaisseau Le Brix (officier en second à la 5B2), poursuivant leur magnifique randonnée, ont quitté Natal pour Rio-de-Janeiro.

« Pernambouc, 16 octobre 1927. Le Nungesser et Coli, de Costes et Le Brix, est parti à

7h40 de Natal pour Rio-de-Janeiro. Pour la première fois, ainsi que nous le disions hier,

deux aviateurs français, Costes et Le Brix, ont réussi la liaison aérienne, sans escale, du

continent africain à l'Amérique latine. Pour la première fois, la traversée aérienne de

l'Atlantique Sud, six fois tentée sans succès, vient d'être heureusement accomplie par

nos ailes. L'exploit ne manquera pas d'avoir un grand retentissement dans le monde, et

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particulièrement en Amérique latine où nous comptons d'ardentes et fidèles amitiés. »

Les précédentes tentatives L'Ouest Eclair du 17 octobre 1927 rappelle que six équipages ont tenté, avant Costes et Le Brix, la périlleuse traversée de l'Atlantique Sud.

« On n'a pas oublié l'issue fatale de la tentative du capitaine de Saint-Roman,

accompagné du lieutenant de vaisseau Mouneyres et du mécanicien Petit, qui, partis de

Dakar [Saint-Louis] le 5 mai dernier à bord d'un bimoteur, dont au dernier moment ils

avaient remplacé les flotteurs par des roues, disparurent à jamais dans l'Atlantique. »

Tout ne semble pas clair A la chambre des députés en séance le 9 décembre 1927 (JO du 10 décembre) :

« M. Cornavin. … Vous vous rappelez sans doute de quelle façon sont disparus les

aviateurs Saint-Roman, Mouneyres, Nungesser et Coli. Vous vous rappelez de quelle

façon ces raids furent préparés. Vous vous rappelez que l'on obligea presque ces pilotes

à partir sans avoir de renseignements atmosphériques suffisants.

M. Maurice Bokanowski, ministre du commerce. Comment pouvez-vous dire cela ? On a

interdit formellement à deux d'entre eux de partir.

M. Alexandre Piquemal. Tout le monde l'a écrit. Tout le monde l'a pensé. Tout le monde

le croit.

M. le Ministre du commerce. Il ne suffit pas d'affirmer pour que ce soit la vérité. Je

démens formellement votre assertion.

M. Cornavin. Je vous renvoie aux journaux de l'époque. Ils ne sont pas très vieux, car de

cette année.

M. le Ministre du commerce. Nous avons envoyé un télégramme à Saint-Roman et

Mouneyres pour leur interdire formellement le départ.

M. Cornavin. Dans quelles conditions sont-ils partis ? Je me rappelle la gêne de M. le

Ministre de la guerre à cette époque, lorsque la question lui fut posée au sujet de

Nungesser et Coli. Nous pensons, nous, que ces départs précipités, qu'aucune étude

préalable n'avait mis suffisamment au point. »

Première liaison commerciale Le 12 mai 1930, Mermoz, accompagné du navigateur Jean Dabry et du radio Léopold Gimié, embarque à bord du Laté 28, monomoteur à flotteurs baptisé "Comte de la Vaulx". Ils vont rejoindre Natal, assurant ainsi la première liaison aérienne postale sur l'Atlantique Sud, après un trajet de vingt et une heures. La liaison postale aérienne reliant la France à l'Amérique du Sud via les côtes africaines était née, l'Aéropostale, quant à elle, vivait ses dernières heures. Le 7 décembre 1936, 25e traversée sur "La Croix du Sud". Cet hydravion quadrimoteur effectue un faux départ à cause d'une fuite d'huile. Après réparation, il décolle, emportant vers sa funeste destinée son équipage. Quelques heures après, dernier message : « Avons coupé moteur arrière droit. »

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La « Croix du Sud » oeuvre du peintre Louis Petit, un homonyme spécialiste du thème de l'aviation.

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Celle qui pleure

Une visite à Mme de Saint-Roman

Mme de Saint-Roman, mère de l'aviateur pilotant le Farman Goliath qui tentait le raid France-Brésil, et dont on est sans nouvelles depuis le 5 mai, a reçu la visite d'un de nos confrères du Figaro. Mme de Saint-Roman habite Toulouse. La mère de l'aviateur, écrit notre confrère [Le Figaro], est là, muette, entourée des siens. Cette Française de haute race, dont les larmes, parfois, voilent les regards et font trembler la voix, se refuse à désespérer. Des télégrammes, des cartes et des portraits s'amoncèlent sur la table encombrée de lettres. Et Mme de Saint-Roman laisse, dans le silence pieux de tous, tomber les paroles qui veulent tour à tour réconforter, consoler ou se résigner. On ne sait rien. Aucune précision. Les sans-filistes de Pernambouc ont entendu, sans les comprendre, dans la nuit du 5 au 6, les trois lettres F.F.F. Message mystérieux, ont dit des journaux. Nous avons su, ici, que c'était le signe convenu, dans l'ancienne escadrille de Mouneyrès, pour exprimer « Tout va bien » à bord. Des calculs précis semblent établir ainsi qu'ils étaient, le 6, vers une heure du matin, à 500 kilomètres du Brésil. Puis, plus rien ! L'affreux silence. Moi j'imagine que, déviés de leur route, égarés, ils auront cherché à amerrir. Mais ceux qui connaissent ces côtes brésiliennes, nous affirment que la végétation y descend jusque dans la mer. Donc, pas de plage et pour se poser, il aura fallu voler très avant dans l'intérieur, en un pays fort peu habité, où la circulation est à peu près nulle sur des distances énormes. Il y a là de l'eau et des fruits. Je me cramponne à ce reste d'espoir. Et nous prions sans répit Celui qui peut tout, même les miracles... La voix ardente et libre s'est brisée. Les mains tremblantes se sont jointes. Nous nous inclinons très bas et nous quittons furtivement le salon rempli de reliques centenaires, où palpite la flamme défaillante d'un espoir humain qui ne veut pas mourir. (L'Ouest Eclair du 27 mai 1927)

Le Figaro s'est intéressé au capitaine de Saint-Roman issu d'une haute lignée. Pas à Louis Petit, modeste quartier maître, fils d'un simple employé du chemin de fer...

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Jacques Raymond Pierre de Serre de Saint-Roman

Né le 23 décembre 1891 à Toul (54) où son père est chef de bataillon au 156e régiment d'Infanterie, Jacques de Serre de Saint-Roman est le 3ème des neuf enfants d'Emeric de Serre, comte de Saint-Roman, et de Pauline de Castelbajac. La famille habite l'hôtel Catel au n° 6 place Saint-Etienne à Toulouse et se retrouve pendant les vacances d'été au château de Fourquevaux (Haute-Garonne). Il est étudiant ès sciences lors de son recrutement en 1911, et bénéficiera d'un sursis d'incorporation. Il fait ses études à l'institution Stanislas, puis au collège du Caousou. On le dit jeune homme charmant, brillant causeur, vif d'esprit. Issu d'une famille qui a toujours compté beaucoup de ses membres dans l'armée, dont plusieurs y ont gagné des étoiles de général, Pierre est

naturellement idéaliste et prêt à se dévouer à une cause nationale. Il est incorporé au 10e Hussards le 10 octobre 1912, nommé brigadier en avril 1913, s'engage pour un an. Il est promu maréchal des logis en juin 1914. La guerre déclarée, rappelé sous les drapeaux en 1914, incorporé au 10e régiment de Hussards, il sera versé dans l'infanterie et muté au 347e RI en mars 1915. Sous-lieutenant le 23 mars 1915, il est nommé lieutenant le 8 juillet 1916, il passe au 348e RI après la dissolution du 347e RI. Sa conduite le fait nommer lieutenant à titre définitif en novembre 1916. Cette brillante conduite lui vaut la Croix de guerre, 5 citations à l'ordre de l'armée. Il sera fait chevalier de la Légion d'honneur en 1920. Fait exceptionnel, malgré les risques qu'il prend et qui lui valent de nombreuses distinctions, il a eu la rare chance de n'être jamais blessé au combat.

Ses citations

- Ordre de la 35e Division du 12 novembre 1914

Détaché à une brigade comme agent de liaison a fait preuve pendant les journées des 2, 3 et 4 novembre 1914 de belles qualités de courage et de sang-froid notamment pendant la journée du 2 où il est allé sous un violent bombardement assurer la liaison avec une brigade voisine.

- Ordre du 10e Hussards du 13 août 1915

A toujours fait preuve depuis le début de la campagne d'audace et de sang-froid dans l'exécution de reconnaissances périlleuses, en particulier le 18 septembre 1914 vers Craonnelle et le 2 novembre 1914 vers Verneuil.

- Ordre de la division le 21 juin 1916, alors qu'il était au 347e RI

Officier détaché comme agent de liaison énergique et d'un calme imperturbable au combat, a réuni sous son commandement une section formée d'éléments très disparates au moment de l'attaque d'un PC. A su communiquer à ses hommes son énergie et les maintenir en assurant ainsi pour une part le succès de la résistance.

- Ordre de la 11e armée du 13 juillet 1916

Jeune officier passé dans l'infanterie sur sa demande. Vigoureux, énergique, intelligent, a pris le commandement d'une compagnie dans des circonstances très délicates ; s'est imposé aux hommes par une bravoure allant jusqu'à la témérité. A entraîné vigoureusement sa compagnie à l'attaque d'un village en infligeant à l'ennemi des pertes sérieuses. D'un exemple sans pareil s'est porté en rampant tout le long de la ligne pour recueillir des renseignements précieux pour le développement ultérieur du combat.

- Ordre du corps d'armée du 28 novembre 1916

Officier d'une bravoure éprouvée a demandé le commandement du groupe franc du bataillon, gagnant immédiatement grâce à l'énergie et au courage calme dont il fait preuve en toutes circonstances, la confiance de tous les patrouilleurs qui le composent. A réussi dans la nuit du 10 au 11 novembre à pénétrer avec son groupe dans un abri ennemi, ramenant dans nos lignes 6 prisonniers dont un sous-officier.

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Le lieutenant Saint-Roman rejoint l'aviation en mars 1918 comme élève pilote. Désigné le 17 mars 1918 comme élève pilote, il suit le cycle des écoles ; il est breveté pilote à Pau le 19 août 1918, il rejoint le centre d'entraînement en octobre 1918, passe encore en école de tir à Biscarosse et ne participe pas aux combats. En 1919 il est affecté à la SPA 69 et n'a alors qu'une faible expérience du vol, bien qu'il ait pu être jugé comme bon pilote.

Cliché d'avant-guerre...

La période de l'après-guerre est difficile pour le personnel de l'Aéronautique. En juillet 1919 il est muté au service des fabrications aéronautiques pour s'occuper de stocker du matériel à Bordeaux. En février 1921, il dirige une station de transit maritime à Bordeaux. Il a peu d'occasions de voler et a du mal à faire ses épreuves semestrielles réglementaires. Il s'acquitte consciencieusement de ses tâches de gestion qui ne l'enthousiasment pas. Il est promu capitaine capitaine le 2 janvier 1924 à 33 ans. Il est décidé à quitter l'Armée et obtient un congé de 3 ans sans solde. Il va s'occuper d'une affaire industrielle (Société Descamps) dont il sera le directeur commercial, mais il résilie son poste pour se consacrer toute l'année 1926 à la préparation du raid qu'il projette en Amérique du Sud. Ambitieux projet !

Jacques de Serre de Saint-Roman disparaitra en mer à 36 ans en mai 1927 au cours du raid qu'il tentait entre la France et le Brésil. « Décédé entre le jeudi 5 mai 1927 et le vendredi 6 mai 1927 au cours d'un accident d'avion survenu au-dessus de l'océan Atlantique le 5 mai 1927 » officialisait en 1932 son acte de décès dressé par la mairie de Toul.

Le maintien de flotteurs aurait-il changé l'issue de cette aventure ?

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Hervé Marcel Mouneyres

Né le 30 janvier 1899 à Toulon (Var), le lieutenant de vaisseau Hervé Marcel Mouneyres, est le fils de Gustave Mouneyres, alors âgé de 47 ans, capitaine de vaisseau, né à Schestad (68), et de Eulalie Marcelline Chavardès, son épouse qui a 38 ans, sans profession, domiciliés villa Suzanne à Toulon, près du port, dans le quartier Valbourdin. Entré à l'Ecole Navale le 22 avril 1918 à 19 ans, il en est sorti en octobre 1919. Nommé enseigne de vaisseau de 1ère classe le 1er octobre 1921, il sera affecté au centre maritime de Berre puis de Saint-Raphaël ; il a été breveté pilote de dirigeable le 1er juillet 1922 et pilote d'avion le 1er janvier 1923. Il est pilote de chasse à l’Aviation d’escadre à Saint-Raphaël en 1924 et 1925. Il sera nommé lieutenant de vaisseau le 11 janvier 1927.

Breveté pilote de dirigeable le 1er juillet 1922 à Rochefort.

L'Ouest Eclair du 30 septembre 1925 permet de relater le départ de Mouneyres et de 3 Goliath au Maroc à la suite de 5 autres envoyés un mois plus tôt. Etait-il accompagné de Louis Petit ?

Le renfort des Goliaths. Paris, 29 septembre 1925. Il ce confirme qu'une nouvelle

escadrille de trois Goliaths Jupiter appareillera demain 30 septembre du centre de Cuers-

Pierrefeu pour le Maroc, si le temps le permet. Les appareils seront placés sous le

commandement de l'enseigne de vaisseau Monneyres. Le torpilleur Mangini escortera

l'escadrille jusqu'à Port-Vendres et plus loin si besoin est. Les Goliaths poursuivront

ensuite leur vol en longeant la côte espagnole et toucheront Alicante où ils seront

ravitaillés. Après quoi, ils reprendront l'air pour piquer sur Casablanca.

L'enseigne de vaisseau Mouneyres sert d'octobre 1925 à fin 1926 à l'aéronautique du Maroc, pendant la guerre du Rif, au sein de l'escadrille 5B2 aux ordres du lieutenant de vaisseau Campardon qui avait pour adjoint le lieutenant de vaisseau Le Brix. Mouneyres s'y distingue en effectuant de nombreuses missions de bombardement qui lui valent

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une citation à l’ordre de l’Armée (1926-1927). Rentré en France, il est chef de l’école de perfectionnement au pilotage à Saint-Raphaël. Il sera nommé lieutenant de vaisseau le 11 janvier 1927. Il sera fait chevalier de la légion d'honneur, se verra décerner la Croix de guerre 14-18, TOE, et obtiendra de nombreuses citations. Il recevra la médaille coloniale. Ce brillant marin spécialisé en aéronautique fait l'objet de notes élogieuses et dépasse 1200 heures de vol, soit 400 en dirigeable et 800 en avion. Dès le 12 mars 1927, Mouneyres demande une mise en congé de courte durée - 3 à 4 mois - pour lui permettre de tenter le raid Paris-New-York avec l'enseigne de vaisseau Coffin sur un Farman à moteur Farman 500 CV que lui confie cette société. Le 23 mars 1927, Mouneyres écrit à nouveau pour confirmer sa demande de congé ; il fait état de retards dans la préparation de son avion pour Paris-New York dont la mise au point pose de sérieuses difficultés et déclare qu'il compte mettre à profit le délai ainsi apparu pour faire équipe avec le Capitaine de Saint-Roman pour un raid « de très courte durée », France-Brésil-Argentine. La demande de Mouneyres est appuyée par une lettre de M. P. Osorio, membre du bureau de « Paris-Amérique Latine » sollicitant du ministre de la Marine la mise à disposition des installations de la base de Saint-Raphaël pour équiper l'avion Goliath en hydro à flotteurs et celles de Berre pour les ultimes mises au point et le départ. Mouneyres finira par se retrouver en équipage avec Saint-Roman et le mécanicien Petit pour une tentative de traversée de l'Atlantique-Sud, en tant que copilote de l'hydravion Farman 61 Goliath immatriculé F-ADFN. Il disparait le 5 mai 1927 à l'âge de 28 ans entre Dakar et les côtes brésiliennes selon le certificat de disparition établi par la Direction générale de l'Aéronautique et des transports aériens (dépendant du ministère du Commerce et de l'industrie) et le jugement déclaratif de décès du tribunal de Carcassonne du 3 février 1928, transcrit à l'état civil de la commune d'Ornaisons (Aude) le 17 février 1928 (sans mention de ses compagnons).

Le premier groupe d'élèves du cours des mécaniciens à Rochefort ?

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Louis Antoine Jules Petit

L'acte de décès de Louis Petit n'a pas été rédigé en mairie de Ruffec - comme déjà précisé plus haut - mais à Rambouillet le 21 novembre 1927 où résidaient alors son père - veuf depuis le 25 mars 1922 -, son frère et sa belle-sœur. Ce raid transatlantique dont l'histoire fut propagée par de nombreux articles de la presse nationale, a quasiment été snobée par les journaux charentais. Pourquoi avoir privé leurs lecteurs du récit de cette aventure audacieuse. Le journal l'Avenir de la Vienne ne fera que tremper sa plume dans un encrier presque vide. Celui des journaux de Ruffec était asséché. Il sera pourtant écrit que Louis Petit était originaire de Ruffec. Le Matin Charentais a préféré s'emparer des aventures d'autres équipages. A croire qu'en Charente, ce que les Charentais font n'intéresse jamais personne. Regrettable quant à la mémoire de l'exploit de ce sympathique petit ruffécois participant à la première traversée de l'Atlantique sud sans escale. Qu'en serait-il s'il était revenu vivant du Brésil ?

Cela conduit aujourd'hui à un réel sentiment d'injustice. Quand toute la France, quand les journaux - même ceux de Charente - se consacraient presque uniquement à la gloire de Lindbergh, l'équipage du Goliath F-ADFN était passablement oublié. Personne ne voulait entendre que cette tentative de traversée de l'Atlantique sud était effectivement réussie, malgré la disparition de l'équipage. C'est en cela que l'article du général Lissarrague, les recherches d'Alexandre Petit et sa famille, puis celles d'Henri Gendreau, inversent la vapeur.

Louis Petit est né à l'époque de ce cliché animé par des petits voisins.

La gare de Ruffec fut construite de 1850 et 1851. Tout le quartier visible sur ce cliché était occupé de terrains vagues, de jardins et champs cultivés. En 1887, la rue de la gare, dont le percement se fait dès 1883 est enfin construite. Elle sera baptisée Rue Gambetta grâce à des plaques - les premières à Ruffec - initialement fournies par Cyna Magnant pour renommer la

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rue de Valence.

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Petite généalogie de Louis Antoine Jules Petit

Les Petit sont originaires de Saint-Gervais (canton de Ruffec) où ils vivaient au XVIIe et XVIIIe siècles.

Charles Petit né à Saint-Gervais le 13 décembre 1743 a épousé à Saint-Gervais le 14 février 1772 Renée Rodet ; elle était née le 14 juin 1752 à Saint-Gervais, fille de Louis Rodet et Antoinette Moreau ; elle décèdera le 20 janvier 1830 à Saint-Gervais. Ils eurent : Marie Petit, née le 19 juin 1774 à Saint-Gervais, décédée célibataire à Saint-Gourson le 2 février 1835. De Marie Petit nait Antoine Petit à Saint-Gervais (Touchepachot) le 4 mai 1811, décédé à Condac le 12 février 1870. Cantonnier, il épouse le 15 juin 1840 Jeanne Segeat (Louise Sejat) à Saint-Coutant où elle est née le 29 août 1818, et décédée cabaretière à Condac le 2 juin 1875. Ils ont deux fils :

- Benoit Petit (d'où ses cousins), né le 16 mars 1857 à Condac, décédé le 10 octobre 1903. Farinier, il épouse Françoise Bertrand, née 22 août 1860, décédée 20 juin 1919. Ils eurent cinq enfants, Alexandre, Georges, Marcel, Henri-Louis, et Marguerite. C'est l'aîné, Alexandre, qui débutera les recherches sur Louis Petit. Son fils Alain, habite Brie-sur-Marne, sa fille Michelle, Moret-sur-Loing. Marguerite, unique fille de Benoit, épouse à Condac Pierre Jacquet, employé communal, dont elle eut trois enfants. Et de nombreux petits-enfants cousins de Louis Petit. - Alexandre Petit est né le 28 février 1860 à Condac, décédé le 9 mai 1940 à Rambouillet. Veuf de Marie Julie Foin née à Payré (86) le 12 décembre 1867 épousée à Condac le 20 juin 1887 où elle décède le 5 février 1888 ; il épouse en seconde noce le 29 juin 1889 à Ruffec Marguerite Marguiller née en cette ville le 15 mai 1864. Alexandre était employé aux chemins de fer. Marguerite, sans profession, est décédée le 25 mars 1922 à Ruffec. Ils ont eu trois enfants :

- Alexandre Adolphe Petit, né le 2 juillet 1893 rue de l'Hôpital à Ruffec (route de Montjean), marié le 20 janvier 1919 à Saint-Benoit de Sault, Indre, à Rachel Jeanne Marie Trinquant née le 1899-1978, décédé le 25 août 1943 à Rambouillet. Comme son père, il était employé au chemin de fer. - Louis Antoine Jules Petit, né le 19 avril 1895 route de Montjean à Ruffec, décédé le 11 septembre 1895. Et sa jumelle qui suit : - Jeanne Marie Mathilde, née le 19 avril 1895 et décédée le 2 mai 1895 à Ruffec. - Louis Antoine Jules Petit, né le 12 juin 1905, route de Montjean à Ruffec. Décédé le 6 mai 1927 quelque part sur la côte nord-est du Brésil, héros méconnu...

Charles Petit 1749-1829 époux 1772 à Saint-Gervais de Renée Rodet 1752-1830

Marie Petit 1774-1835

Antoine Petit 1811-1870 époux 15 juin 1840 Jeanne Segeat 1818-1875

A. Benoit Petit 1857-1903 ép. 3 août 1889 Françoise Bertrand 1860-1919

1. Alexandre Petit (né 1880, 1ère étude) d'où Alain et Michelle

2. Georges (né 1885) 3. Marcel Petit (né 1887) 4. Henri Louis Petit (né 1888) 5. Marguerite Petit (née 1904) ép. Pierre Jacquet ; ils eurent : Madeleine, Valentine, Pierre, Jacques, Pierrette.

B. Alexandre Petit 1860-1940 veuf 1888 Marie Julie Foin ép. 20 juin 1887 Condac

2e ép. Marguerite Marguiller 29 juin 1889 d'où : 1. Alexandre Adolphe Petit 1893-1943 2. Louis Antoine Jules Petit 1895-1895 3. Jeanne Marie-Mathilde 1895-1895 4. Louis Antoine Jules Petit 1905-1927

Sur la liste de recensement de Ruffec figure en 1921 Louis Petit, route de Montjean. Dans le voisinage apparaît André Lamy, né en 1902, fils de Fernand, marchand de bois. André Lamy est apprenti mécanicien de marine marchande. Est-ce lui qui a « donné des voiles » à Louis Petit ?

Jean Petit

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La Charente snobe le héros Louis Petit

Louis Antoine Jules Petit nait le 12 juin 1905 à Ruffec et réside au début de la route de Montjean - maisons contiguës côté numéros impairs. Après l'école primaire de Ruffec jusqu'à l'âge de 12 ou 13 ans, il sera apprenti mécanicien tourneur chez Magnan jusqu'en 1921... L'adolescent laisse le souvenir d'un garçon dynamique. En 1911, son frère aîné, Alexandre Adolphe Petit, est employé, comme leur père, aux chemins de fer à Ruffec (Compagnie d'Orléans).

Portrait du marin aviateur. Maison natale de Louis Petit.

En 1921, Louis était apprenti mécanicien chez Magnan à Ruffec. Jacques Jacquet, son neveu, a retracé son parcours militaire. La spécialité de mécanicien d'aéronautique est décrétée le 1er décembre 1921. Mais elle n'est ouverte qu'aux quartier-maitres. Louis devra faire ses classes avant...

Voici ce que précise la fiche du Service Historique de la Défense de Rochefort n° 22 705. Son livret matricule est aussi à Rochefort. Louis Petit, 1,69 m, cheveux châtain, yeux noirs... « Engagé volontaire pour 3 ans à la Mairie de Rochefort le 14 juin 1924 – réside à Surgères. A été compris sur la liste de recrutement de la classe 1925 dans le canton de Surgères département de la Charente Inférieure, n°909 de la matricule du recrutement de la subdivision de La Rochelle 3e partie. Grades : Apprenti marin du 14 juin 1924. Matelot de 2ème classe du 1er août 1924. Quartier Maître du 4 juillet 1925. Spécialité mécanicien d’aéronautique. Affectations :

4e dépôt des équipage de la flotte (Rochefort) du 24 juin 1924 au 18 juin 1924;

3éme dépôt des équipages de la Flotte (Lorient) du 18 juin 1924 au 20 août 1924;

Centre Aéronautique de Rochefort de 20 août 1924 au 1er janvier 1925;

Centre d’Aérostation Maritime de Berre du 1er janvier 1925 au 28 mai 1925;

Centre d’Aérostation Maritime de Cuers du 28 mai 1925 au 25 août 1925;

Marine Casablanca escadrille 5 B2 du 25 août 1925 au 1er décembre 1925;

37e Régiment d’aviation du 1er décembre 1925 au 29 avril 1927;

Centre d’Aérostation Maritime de Rochefort du 29 avril 1927 au 29 avril 1927. Décédé le 29 avril 1927, avec le Capitaine Saint-Roman et le Lieutenant de vaisseau Mouneyrès lors de la tentative de la traversée de l’Atlantique en mai 1927 Par jugement du 19 octobre 1927 le tribunal de Versailles a déclaré constant le décès du quartier- maître mécanicien d’aéronautique Petit, Louis.

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A obtenu la Médaille coloniale avec agrafe de vermeil « Maroc 1925 ».

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Louis Petit apprenti mécanicien à Ruffec

Journal Officiel du 23 janvier 1910 :

« Magnan (Adelphin), mécanicien à

Ruffec (Charente) : création d'une

usine pour la construction des

machines agricoles. Lauréat de

différents concours ; 35 ans de

pratique. »

Courte généalogie « Adelphin Magnan »

- Jean Baptiste Magnan, né le 20 novembre

1819 à Pliboux (79) de Jean Magnan et

Geneviève Bouchet, marié le 19 août 1846 à

Saint-Saviol (86), avec Jeanne Boutin née en

1819. Ils eurent :

- Adelphin Magnan, constructeur mécanicien,

épouse le 10 mai 1880 de Louise Marie Rouhaud

; domiciliés rue de la gare, ils eurent :

- Léon Eugène Adelphin né le 17 mai 1888 à

Ruffec, époux Marie Thérèse Lavauzelle à

Mansle le 20 mai 1922.

- Alida Louise Delphine Magnan née le 18

décembre 1889 à Ruffec et décédée 20 mars

1890.

- Maurice Emile Magnan né 26 septembre 1891 à

Ruffec, époux de Blanche Clarisse Massiot de

Luxé le 10 juillet 1920 à Ruffec.

Eugène et Maurice Magnan prendront la suite de leur père Adelphin jusqu'à leur propre cessation d'activité.

Louis Petit avait pour voisin immédiat le fondeur Adelphin Magnan et ses fils Eugène et Maurice, qui étaient établis à l'angle formé par la route de Montjean et la rue Maurice Tutard, emplacement repris par EDF dans les années 1950. Tout petit, Louis a vécu au milieu des machines. Mais c'est vrai qu'une charrue ne vole pas haut. Dans la rue Gambetta oeuvrait un autre fondeur, Marfil. En face était installé un confrère, Gaubert, qui plus tard achètera l'entreprise Marfil. Un autre fondeur, Sergot, s'est établi en 1926 derrière l'église Saint-André. Sergot fera construire une nouvelle usine (SNRI actuelle) en 1949 près de la ligne de chemin de fer Paris-Bordeaux.

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La base aéronavale de Rochefort

1911 : le préfet maritime se prononce pour la création d’une école d’aviation à Rochefort d’autant mieux placée que l’arsenal est menacé de fermeture. 1916 : le 1er mai est créé un Centre d’Aérostation Maritime (CAM). Un premier hangar est érigé en structure bois et fibrociment, le «Francis Garnier». Ce hangar - et ses avant-ports - abrite les ballons dirigeables chargés de surveiller le littoral et protéger les navires marchands qui approvisionnent Bordeaux et La Rochelle pendant la première guerre mondiale. Rochefort est d'abord centre de dirigeables, annexe rattachée à St-Cyr. A Bordeaux est créé en 1916 le centre de perfectionnement des spécialistes de l’aviation pour les élèves des régiments d’aviation. 1917 : le 8 avril arrive sur le site le premier dirigeable l'Astra-Torres AT-1. 1919 : le CAM devient autonome au plan du commandement et du fonctionnement. 1923 : le centre école d'aérostation maritime devient le centre école d'aviation maritime. 1923 : l’école des officiers brevetés d’aéronautique reçoit ses premiers élèves et en mars ses premiers avions : Bréguet XIV, FBA 180 et FBA 300. 1924 : l’école des mécaniciens et arrimeurs d’aéronautique ouvre à son tour. L’école de Bordeaux - capacité de 200 élèves - ne suffisant plus à assurer les besoins en mécaniciens de l’aviation militaire, une école unique de formation des mécaniciens s'installera à Rochefort, où fonctionne déjà l’école des mécaniciens de l’aéronautique navale.

L'accident du camp de Rochefort

Le Matin Charentais, 20 et 22 mars 1927, relate ce grave accident mortel : « Le coup de

foudre qui incendia une « saucisse », au camp d'aérostation de Rochefort, et qui, au

même instant, fit sauter deux bidons d'essence dans le camp, vient d'avoir des

conséquences tragiques. L'enseigne Récamier, en effet, qui était tombé avec le ballon en

feu, n'a pas survécu à ses terribles brûlures. Quant au mécanicien principal Paine,

victime de l'explosion de l'essence, il a succombé également. L'amiral Cazenave s'est

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rendu à l'hôpital maritime pour saluer la dépouille de cet officier, qui était âgé de 52 ans

et avait droit à la retraite. Les obsèques de l'enseigne Récamier ont eu lieu en présence

d'une grande assistance. Le corps du malheureux a été dirigé sur Paris où aura lieu

l'inhumation. »

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La spécialité de mécanicien d'aéronautique est décrétée le 1er décembre 1921. Mais elle n'est ouverte qu'aux quartier-maitres. Louis devra faire ses classes avant... Le 23 avril 1923, le service militaire est réduit à 18 mois. S'engager 5 ans en avril 1922 (ou 3 ans en 1924) semble plausible. Il a pu se former au centre école d'aviation maritime (CAM) de Rochefort (créé par arrêté ministériel du 20 février 1922). Et recevoir une formation complémentaire (brevet élémentaire de mécanicien d’aéronautique) à l'école des mécaniciens ouverte à Rochefort en 1924. Puis être affecté à la 5B2 à Cuers avant de se rendre au Maroc jusqu'en avril 1927.

« Le Ministre de la Marine. Paris, le 3 décembre 1923.

La spécialité de mécanicien d'Aéronautique venant d'être créée dans le Corps des

Equipages de la Flotte, j'ai décidé, d'accord avec le Département de la Guerre d'autoriser

les jeunes gens candidats à l'engagement volontaire dans cette spécialité à passer un

examen professionnel dans les formations d'Aviation dont la liste est ci-jointe. Cet

examen dont le programme est également ci-joint comporte quelques notions générales

sur le moteur à explosion et un essai manuel de mécanicien dans la spécialité du

candidat. Les Commandants des bureaux de recrutement dirigeront les candidats sur les

formations d'Aéronautique les plus proches de leur résidence pour y passer l'examen et

les aviseront que les frais de voyage sont à leur charge, qu'ils soient admis ou non à

s'engager.

- Examen pratique sur le moteur à explosion. 1° Distribution d'un moteur à essence,

soupapes, leurs commandes. 2° Réglage des soupapes. 3° Allumage (fonctionnement

de la magnéto et des bougies). 4° Carburateur (fonctionnement d'un carburateur). 5°

Alimentation d'un moteur (différents moyens de la réaliser, pompes à gaz, pompes à air,

exhausteur, réservoir en charge). 6° Refroidissement d'un moteur (pompe à eau,

radiateur, leur fonctionnement). 7° Graissage d'un moteur (pompe à huile son

fonctionnement, graissage par barbotage). 8° Mise en marche et conduite d'un moteur,

précautions à prendre. 9° Pannes, moyens d'y remédier. 10° Réparations courantes,

rodage soupapes, segments, piston, serrage et réglage d'un coussinet.

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La 5B2 et Louis Petit se posent au Maroc

L'Aérophile du 1er au 15 juillet 1926

La 5B2 reçoit la Croix de Guerre.

« … A Fez, l'amiral Dumesnil, au nom du général Boichut, a eu la satisfaction de remettre

la Croix de guerre à l'escadrille de la marine 5B2 qui, depuis son arrivée au Maroc (1er

septembre 1925), a effectué : 1.053 h. de vol, lancé 195 tonnes de bombes et pris 4.084

clichés photographiques, qui ont permis d'établir la carte complète du Rif. »

Au Maghreb, la colonisation n’a jamais été définitivement sûre. Le protectorat se mit progressivement en place. Les suites de la première guerre mondiale amenèrent dans le Rif un soulèvement qui, après avoir dominé les troupes espagnoles, se retourna contre la présence française. En 1925, l’insurrection d’Abd el-Krim s’étendit et les revers français se multiplièrent. L’appui aérien était indispensable mais les Breguet 14 se révélèrent trop limités vu le théâtre d’opération. La Marine - sur demande du ministre de la Guerre - mit alors l’une de ses plus récentes escadrilles - la 5B2 - à la disposition du 37e régiment d’aviation. L'escadrille B302 créée le 3 mai 1923 fut désarmée le 10 mars 1924. Toujours sur le terrain de Cuers, elle renait en 1925 sous le nom de 5B2. Les appareils, hydravions et avions, de la 5B2 étaient des Farman Goliath 60 et 65. La 5B2 était commandée par le lieutenant de vaisseau Roger Campardon. Il est né le 5 novembre 1895 à Saint-Nicolas-de-la-Grave (Tarn-et-Garonne) et disparaitra en mer le 8 janvier 1929 au large de Saint-Raphaël. Fils d'Eugène Jean Hippolyte Campardon, il entre dans la Marine en 1914. Il est à l'école navale en 1915. Nommé enseigne de vaisseau de 2ème classe le 1er juin 1917. Enseigne de vaisseau de 1ère classe le 13 juillet 1918. Au 1er janvier 1921, sur l'aviso Arras, école de perfectionnement des officiers de marine. Lieutenant de vaisseau, il commande la 5B2 au

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Maroc de 1925 à 1927. En 1929, il est affecté au CAM de Saint-Raphaël. Chef de la section d'essais, pilote d'un hydravion prototype SCPA Paulhan-Pillard n°1, il disparait en mer avec son appareil le 8 janvier 1929. Il était marié et père de trois enfants. L’escadrille 5B2 au Maroc Extraits du récit de son chef, le lieutenant de vaisseau Campardon. « Créée en janvier 1925 au Centre Aéronautique de Cuers (près de Toulon), l'escadrille de bombardiers Goliath-Jupiter équipés en terrestre ne reçut que peu à peu son personnel tout jeune sortant d’écoles et son matériel entièrement nouveau. Le personnel n’avait qu’un entraînement à peu près nul au bombardement. Le 12 août 1925, la 5B2 reçoit l'ordre de se préparer secrètement pour partir au Maroc en vue de participer aux opérations de guerre. Le 26, l’ordre de départ est donné et le 28 août, 5 Goliath décollent de Cuers pour atterrir à Casablanca. Beau voyage de 1800 km accompli dans des conditions pénibles par de jeunes équipages ne s’étant jamais écartés de Cuers. Le 5 septembre les équipages et appareils arrivent à Fez.

Le 8 septembre la 5B2 effectuait son premier bombardement sur Adjdir. L’aviation militaire fournit une aide précieuse : elle éclaire, protège, dégage à la mitrailleuse et à la bombe, quand l’étreinte dissidente devient par trop angoissante. Chaque jour elle surveille les postes encerclés. Volant à une dizaine de mètres de haut, malgré le tir très précis des Riffains, nos aviateurs lancent des sacs de glace, de médicaments, de grenades, de cartouches, à ces petites garnisons qui sont à bout de force ; ils les protègent à la mitrailleuse et à la bombe ; volant plus bas encore, ils ramassent les messages que ces postes ne peuvent plus transmettre par optique. Chaque soir les avions rentrent criblés de balles, quelques équipages sont portés disparus. L’aéronautique du front Nord se compose de 20 escadrilles. Les Breguet 14 de l’Aéronautique du Maroc ne peuvent effectuer normalement, avec le rendement et la sécurité nécessaires, d'opérations éloignées. Le Goliath-Jupiter paraissait présenter les plus grandes qualités pour ce travail. Deux escadrilles seulement en France étaient équipées de ces appareils : la 6B2 de Bizerte en hydravions, qui fut mise à Melilla à la disposition des Espagnols pendant trois mois et qui bombarda les positions fortifiées de la côte méditerranéenne du Rif ; la 5B2 de Cuers qui

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basée à Fez, allait pendant 22 mois travailler principalement à grande distance. La 5B2 n’avait aucun entraînement au bombardement en arrivant au Maroc. Mais à Fez, au milieu de nombreuses escadrilles de l’Armée très entraînées, elle ne pouvait se contenter de maigres résultats. Tout le personnel, animé d’un esprit de corps très développé, s’attacha à accroître toujours le rendement de cette escadrille. Les premiers bombardements ne furent pas très heureux. Dans notre zone d’action à grande distance, les cartes étaient inexistantes. Il était nécessaire de repérer des points importants, grâce aux renseignements d’informateurs indigènes, puis par approximations successives, de déterminer les autres ponts principaux. Les Goliath bombardent Adjdir (la capitale), Chechaouen (le plus bel objectif du Riff), Targuist (le PC d’Abd-El-Krim), Tazeout (PC de Si M’Hamed, frère d’Abd-El-Krim), le massif du Bibane tragiquement célèbre, Aïn Berda… Le 24 septembre, lors d’un bombardement sur Chechaouen de toute l’escadrille, un équipage tombe glorieusement en dissidence. Je tiens ici à rendre hommage au courage et à l’abnégation des seconds-maîtres Marchau et Riou, des quartiers-maîtres Dussolon et Gouarnigou et du matelot Segalen, dont la disparition fut douloureuse pour toute la 5B2. Quelques jours plus tard, au cours d’un bombardement sur Targuist, un Goliath a une panne de moteur ; le pilote réussit à poser son terrestre sur l’eau, en baie d’Alhucemas, à 50 km de Targuist ; l’équipage est recueilli par les Espagnols. En octobre 1925, secteur Est au Nord de Taza. La 5B2 poursuit ses bombardements éloignés et rapprochés. Les pluies continuelles de novembre s’achèvent après une tornade qui dévaste le 1er décembre le Centre d’aviation de Fez ; sous les hangars effondrés gisent 11 Breguet et 1 Goliath. En janvier et février 1926, la 5B2 bombarde en arrière du front Tazarine, Aïn-Berda, Ghafsai, la haute vallée du Taghzout, et toujours Taberrant. En fin février, bombardements massifs sur les campements de la « petite tache de Taza ». Mars est consacré à la mise en état des appareils, en vue des opérations de grande envergure prévues pour le 15 avril. Trois nouveaux Goliath arrivent en renfort de France : la 5B2 est ainsi armée à 9 appareils. Le 8 mai, offensive foudroyante en liaison avec les Espagnols, bombardements sur la Zaoura de Bou Ghileb, de gros dégâts sur Targuist, Snada, Taberrant... Quelques bombardements de nuit sur le bled Beni-Zeroual. Des bombardements seront encore nécessaires sur les derniers flots de résistance du Riff. Il appartiendra au Lt. de V. Le Brix de retrouver la colonne espagnole du colonel Cappaz, isolée à grande distance dans le Riff occidental, et qui n’avait pu être encore secourue. Durant la première quinzaine de juillet, bombardements massifs et bombardements de harcèlement par les Breguet et Goliath. Le 14 juillet, les attaques de terre sont déclenchées : un Goliath surveille en permanence la progression sur tout le front pour renseigner par TSF le haut commandement. L’ère des grandes opérations au Maroc est close. Le ministre de la Guerre prescrit le rapatriement, par échelon, des unités de renfort. La 5B2, en raison de son rayon d’action, de la possibilité de son intervention massive en tout point du Maroc, et de l’exécution prévue d’un vaste programme photographique particulièrement important, est maintenue provisoirement au Maroc. Elle sera la dernière unité de renfort rapatriée. »…

Insigne de la 5B2

A l’issue de cette mission, le ministre de la Marine écrit le 14 juin 1926 : « Au moment où la campagne du Maroc arrive à son terme, j’adresse le témoignage de ma satisfaction aux officiers et aux équipages de l’escadrille qui, s’inspirant des plus belles traditions de la Marine, faisant preuve des plus hautes qualités d’audace, de bravoure et d’endurance, ont rendu des services exceptionnels et ont puissamment contribué au succès des opérations ».

La mission photographique

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Le quartier maître mécanicien d'aviation maritime Louis Petit a servi au Maroc dans l'escadrille 5B2 sous les ordres du lieutenant de vaisseau Mouneyres. Grâce à cet article publié par la revue Armée Marine et Colonies le 17 avril 1927, nous découvrons un autre type de mission.

« L'escadrille de la Marine 5B2 effectue une mission photographique côtière entre le

Maroc et le Sénégal. Elle utilise les ondes courtes pour la liaison des appareils de la

mission avec les postes radio-aéronautiques du Maroc.

Agadir, avril 1927.

Les nombreuses missions photographiques verticales et obliques exécutées sur le Rif et

dans le Grand Atlas par les « Goliath » de l'Escadrille 5B2 de la Marine mise à la

disposition de l'Aéronautique du Maroc pour les opérations de 1925-1926, ont démontré

les moyens dont disposent ces appareils pour l'exécution de ce genre de travail aérien :

ils sont considérables.

Grâce à ces appareils, à bord desquels prenaient place des officiers observateurs

photographes de l'Aéronautique du Maroc, la carte du Rif put être levée dans le courant

de l'hiver 1925-1926, et le service géographique du Maroc put en assurer la livraison aux

troupes dès le début des opérations du printemps. Si cette carte présente encore

quelques rares erreurs de détails, elle constitue quand même, dans son ensemble, un

document de grande précision. Elle a été, est, et sera pour l'avenir de la plus grande

utilité. Aussi la Marine a-t-elle songé à profiter des fruits de cette grande expérience.

L'escadrille 5B2 commandée, depuis son départ de France par le lieutenant de vaisseau

Campardon, avait été, après la reddition d'Abd-el-Krim et la réduction de la tache de

Taza, désignée par le colonel commandant l'Aéronautique du Maroc, pour effectuer, au

Sud du Grand Atlas, un important programme photographique de régions complètement

ignorées, demandé par le commandement supérieur des troupes d'occupation. Elle était

venue s'installer, pour cela, dès le mois de novembre 1926 à quelques kilomètres d'Agadir

et de la côte occidentale du Maroc, ses avions impatients, devant la perspective

envisagée d'être mis à épreuve, tendaient déjà leurs ailes vers des contrées plus

lointaines. Or, la côte d'Agadir à Dakar, ou tout au moins jusqu'à Saint-Louis, est mal

connue et dangereuse pour la navigation ; les cartes marines manquent de précision et le

levé photographique de cette côte présente le plus grand intérêt.

Le Ministère de la Marine, saisi dès le mois de juillet des projets du lieutenant de

vaisseau commandant l'escadrille « Goliath » établis en accord avec le colonel

commandant l'Aéronautique du Maroc, s'intéressa au plus haut point à cette question et

résolut de mettre à profit la présence à pied d'œuvre de cette escadrille « Gros Porteurs »

pour décider l'envoi d'une mission aérienne côtière chargée du levé photographique de ce

littoral si peu connu.

Les grandes lignes du projet étaient les suivantes :

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Voyage de 2.300 km. environ en cinq étapes (Agadir, Cap Juby, 430 km. Cap Juby, Villa

Cisnéros, 500 km. Villa Cisnéros, Fort Etienne, 440 km. Fort Etienne, Saint-Louis, 640 km.

Saint-Louis, Dakar, 180 km.) par trois appareils « Farman » (F 60) à double moteur

Jupiter.

Un appareil devait effectuer les prises de vues verticales de la côte, le deuxième les

obliques, le troisième servant de convoyeur et continuant, le cas échéant la mission, en

cas de panne de l'un ou de l'autre des deux premiers.

Le départ devant avoir lieu au cours du mois de février, toutes dispositions furent prises

dès que la décision du ministère de la Marine fut connue pour la préparation du matériel,

l'organisation des bases de ravitaillement et l'obtention de l'autorisation de survol de la

zone espagnole du Rio de Oro.

Le lieutenant de vaisseau Campardon, commandant l'escadrille 5B2 était désigné pour

commander la mission. Chaque appareil devait comprendre un officier pilote de la

Marine, commandant de bord, un officier observateur photographe détaché de

l'Aéronautique du Maroc, un sous-officier pilote en second, un mécanicien et un

radiotélégraphiste.

L'intérêt de ce raid, déjà très grand au point de vue distance à parcourir et levés

photographiques à exécuter, devait aussi être augmenté du fait de l'utilisation des ondes

courtes encore inemployées jusqu'ici, pour la liaison des avions avec leur base de départ.

Depuis le mois d'octobre en effet, l'Aéronautique du Maroc possédait un réseau à ondes

courtes de 38 m 50 mis au point par le chef de service radio du 37e Régiment d'Aviation.

Un poste avait été installé à Agadir, lieu de stationnement de l'Escadrille de la Marine et

devant les résultats déjà obtenus, le lieutenant de vaisseau, commandant cette unité,

d'accord avec le service radio de l'Aéronautique avait essayé l'émission et la réception

sur ondes courtes à bord d'avion.

Le service des transmissions du Maroc, très fortement intéressé de son côté par le

résultat inespéré des recherches entreprises et les rapports qui lui avaient été adressés à

ce sujet, n'avait pas hésité à mettre à la disposition de la mission le poste nécessaire à

cette installation. Tout était donc prêt pour le départ.

Le 27 février au matin, par un temps favorable, deux Goliath au lieu de trois

précédemment prévus, prenaient leur vol du terrain d'Agadir en direction du Sud. Les

appareils étaient convoyés par l'Aviso de la marine « Antares » mis à la disposition du

commandant de l'expédition pour le voyage Agadir-Dakar et retour. Grâce au poste radio

sur ondes courtes installé à bord de l'avion de commandement, les émissions faites par

celui-ci furent entendues pendant toute la durée du voyage par les postes de l'aviation de

terre installés à Agadir, Casablanca et Fez, ce dernier détenant, en particulier, par sa

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position éloignée et la faiblesse du poste le record de distance d'écoute puisqu'il suivit le

raid jusqu'à Saint-Louis distant de 2.300 km.

Il est intéressant de souligner que le poste à ondes courtes permettait l'émission en vol

et au sol, l'antenne étant montée d'une manière fixe à bord.

Les étapes des deux Goliath furent les suivantes :

27 février : Agadir-Juby : Goliath 1 et 4.

28 février : Juby-Fort Etienne : Goliath 1 et 4.

1er mars : exécution d'une mission photographique de la région côtière de Fort-Etienne.

2 mars : départ du Goliath 1 pour Saint-Louis, la chaleur ayant fait sauter les bougies du

Goliath 4, le départ de celui-ci est retardé.

3 mars : Le Goliath 4 rejoint Saint-Louis.

Ainsi, grâce à l'utilisation des ondes courtes dont l'initiative d'emploi revient au service

radio de l'Aéronautique du Maroc, les Goliath de l'expédition ont pu rester, journellement,

et à chaque instant de la journée en liaison constante avec des postes de leur point de

départ et cela pendant toute la longueur du trajet, soit 2.300 km.

Commandée par un chef capable, ayant à bord des pilotes de la Marine entièrement

confirmés et audacieux, des observateurs photographes de l'armée expérimentés, la

mission a pu tirer le plus grand profit de cette expédition difficile et dangereuse. Elle est

arrivée au terme de son voyage sans le moindre incident de route. (A.-A. E...)

L'escadrille 5B2 sera désarmée le 1er juillet 1927.

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La gare de Ruffec dans les années 1930.

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Des ondes courtes mais pas de GPS

Les ondes courtes - ondes décamétriques - sont des ondes radio dont la fréquence va de 3 MHz et 30 MHz. Leur longueur d'onde est comprise entre 10 et 100 mètres. La portée étant de plusieurs milliers de kilomètres, les communications captées sont nombreuses.

Les ondes courtes et les traversées transatlantiques 1927 « L'émission sur ondes courtes à bord d'avion constituerait un essai intéressant [...] il n'y a pas de doute qu'un transmetteur sur OC serait la solution idéale pour la radio dans un raid à longue distance. » « Les appareils de téléphonie sans fil (TSF) qui équipaient les hydravions étaient français (1) : émetteur montage Hartley avec 2 lampes SIF de 75 watts, récepteur à changement de fréquence de 7 lampes, génératrice 7v - 1500v, antenne « pendante » durant le vol et cadres rigides perpendiculaires à l'extérieur de l'avion pour la réception. Le Goliath "France-Amérique Latine" essayait de décoller de Casablanca avec ce même équipement de TSF, sans y parvenir... et le lieutenant Labat (2 et 3) de la radio militaire (ancien opérateur de la station ondes courtes du 8ème régiment du génie du Mont-Valérien «OCMV», contactée par de nombreux «eF8») proposa de remplacer le poste ondes longues par un émetteur ondes courtes. En 48 heures il réalisa un montage symétrique Mesny de deux lampes de 75 w, sur 42 m... Pour émettre il suffisait d'allumer les lampes et d'appuyer sur le manipulateur. Les aviateurs désiraient devancer Nungesser et Coli et sur la seule foi de l'ampèremètre d'antenne qui indiquait 2 ampères, ils s'envolèrent de Casablanca pour Port Saint-Louis, au Sénégal. Mouneyres fit des essais avec son poste et tout marchait à merveille. Après leur départ, le 5 mai, Saint-Louis et Agadir 36 entendirent toute la matinée l'émission de l'avion, puis plus rien ! Il est regrettable que la TSF ondes courtes n'ait pu sauver la vie de ces trois aviateurs... »

(1) Pierre Jousseaux.

(2) Paul Labat est né à Aire-sur-Adour le 9 janvier 1900. Il entre en 1919 à l'École

Polytechnique et effectue deux années à l'école d'application du génie à Versailles.

Affecté au 8e régiment du Génie, au Mont-Valérien, il passe une année supplémentaire

d'études à l'École supérieure d'électricité, section radio, en 1924-1925. En poste au

Maroc de 1926 à 1929, il est impliqué dans les liaisons radios à ondes courtes et ondes

très courtes entre postes mobiles.

Capitaine en 1928, il orientera sa carrière vers les études techniques et les réalisations

des matériels militaires au sein de la Section d'Études des matériels et Transmissions

des Armées (SEMT) où il restera onze ans. C'est à cette époque que l'Armée commence

à s'intéresser au potentiel de la détection électromagnétique que l'on appellera plus tard

radar.

(3) Lire aussi le paragraphe TSF de la 5B2 en page 42.

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Farman un grand nom de l'aviation

Henri Farman sera naturalisé en 1937. D’origine anglaise - ses parents sont correspondants de journaux anglais - il nait à Paris le 26 mai 1874 (décès 17 juillet 1958). Il s’intéressa très tôt à l’aviation. Ancien des Beaux-Arts, il s'adonna au sport cycliste, à l'automobilisme, et dans ces deux genres de sport il s'était placé, ainsi que son frère Maurice, au premier rang. Dès le début de l'aviation, Henri s'engagea dans la voie nouvelle qui devait mener à la conquête des airs. Son premier avion sera commandé en 1907 aux frères Voisin nouvellement installés à Billancourt : c'est un biplan avec moteur Antoinette et gouvernail de direction à l'arrière. Cet aviateur émérite, pionnier du 1er vol en circuit fermé, du 1er vol avec passager, du 1er vol de ville à ville… est l'inventeur du mot aileron. Son frère Maurice, né à Paris le 21 mars 1877 (décès 24 février 1974), fut également le détenteur de plusieurs records aéronautiques. Il invente un biplan en 1910 et s’associe avec son frère au début de la guerre 1914-18. Ils ont créé l’une des premières entreprises de construction aéronautique où seront construits de nombreux avions et hydravions civils et militaires. Leur frère Richard, ingénieur aéronautique né à Paris en 1872 (décédé en 1940) en fut le directeur. En 1909, Henri et Maurice Farman construisaient à Bouy leurs propres avions : des biplans à moteur Gnome.

Société des aéroplanes Henri et Maurice Farman « La Société en nom collectif Henri et Maurice Farman, dont les ateliers et bureaux occupent (1924) à Billancourt, en bordure de la rue de Silly, une surface de 90.000 m2, est actuellement une des plus importantes firmes françaises d'aviation, tant par sa capacité de production que par les qualités de ses appareils, dont certains, comme le Goliath, ont une réputation mondiale, publie l'Aérophile en 1924. Il est à peine besoin de rappeler que le palmarès de Farman résume un peu toute l'histoire de l'aviation. Dès les origines, les deux frères, véritables précurseurs, pilotant eux-mêmes leurs appareils, remportent leurs premiers succès. Jusqu'en 1914, les avions Farman remportent plusieurs Grands Prix et plusieurs records mondiaux. Puis, c'est la guerre, où nul n'a oublié le rôle des avions F-40, F-50, ces derniers actuellement encore en service. Au moment de l'armistice, la maison Farman achevait de mettre au point le Goliath, et la mémorable odyssée du voyage de Bossoutrot à Dakar, livrait au public un nom d'appareil et un nom de pilote qui devaient rester gravés dans toutes les mémoires. Le Goliath, le plus répandu et le plus sûr des avions bimoteurs à grosse capacité, a détenu avant l'Amérique, les records mondiaux de distance et de durée ; il a été adopté comme avion de transport sur les grandes lignes aériennes, et comme avion de bombardement par l'Aéronautique militaire. »

La Légion d'Honneur En janvier 1909, Henri Farman est promu officier de la Légion d'Honneur (Aérophile). « M. Henri Farman, pionnier de la première heure, constructeur des avions qui ont ramené en France les records de durée et de poids enlevé, voit par sa promotion reconnu le mérite de toute une vie de travail et de succès. » En janvier 1927, Maurice Farman, constructeur de matériel aéronautique, pilote aviateur, 20 ans de pratique professionnelle, était promu Officier de la Légion d'Honneur : « Constructeur de matériel aéronautique du plus haut mérite. Après avoir été pilote lui-même, s'est d'abord spécialisé dans la fabrication des avions. A été, à ce point de vue, un auxiliaire très précieux de la défense nationale pendant la guerre. Depuis l'armistice et sans cesser les fabrications d'avions, non plus que les études et essais entrepris en vue de concevoir et de mettre au point des appareils de modèles nouveaux, a organisé dans ses usines la construction de moteurs d'aviation. A réussi à présenter des moteurs extrêmement intéressants. Plusieurs records mondiaux de durée de vol ou de distance parcourue en vol ont été conquis par des appareils Farman munis de moteurs Farman ». A assuré, avec un succès toujours très affirmé, la participation de sa maison aux principales grandes épreuves sportives de ces dernières années. Chevalier du 4 février 1921.

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A la recherche des aviateurs du Ruffécois

Un voisin de Louis Petit, l'observateur Marius Fouet sur Farman F40 en 1917.

Marius Fouet est né le 7 janvier 1893 à Montjean. Il est le fils d'Auguste Eléonor Fouet, né le 4 janvier 1860 à La Forêt-de-Tessé, instituteur public à Montjean, et de Marie Queron, née le 5 octobre 1869 à Lorigné (79).

A la sortie du collège et lycée d'Angoulême, en 1911, Marius Fouet est étudiant en pharmacie. Mais le service militaire l'appelle le 28 novembre 1913 ; il rejoint le 49e Régiment d'Artillerie à Poitiers. D'où il part à la guerre en août 1914 comme indique l'historique du régiment. Il est nommé maréchal des logis en 1915. Affecté à la 3e batterie. Il obtient une citation à l’ordre de la division en octobre 1915 ; une deuxième citation à l’ordre de la division en février 1916. Il est nommé sous-lieutenant à titre définitif le 15 juin 1916 quand il passe à l'aéronautique militaire en qualité d'observateur. Il est observateur de l’escadrille SAL F 203 / F 203 / AR 203 du 15 juin 1916 au 15 novembre 1917. Il obtient une citation à l’ordre de l’aéronautique, en novembre 1916.

En stage à Beauvais du 15 janvier au 9 février 1917, en stage à Compiègne du 10 au 26 février 1917, citation à l’ordre de l’armée en mai 1917, stage de tir à l’école de tir aérien de Cazaux du 19 août au 1er septembre 1917, stage d’instructeur à l’école de Vadenay du 3 au 30 septembre 1917. Il est qualifié pilote le 15 novembre 1917. Brevet de pilote militaire n° 9905, obtenu à l’aéronautique de la 1ère Armée, le 15 novembre 1917. Pilote de l’escadrille AR 203 / SAL 203 du 15 novembre 1917 au 8 mai 1918. Stage au GDE du 19 au 28 février 1918. Stage sur Salmson 2A2 jusqu’au 19 février 1918. Affecté au corps d’armée Italien comme officier de renseignements, le 8 mai 1918. Croix de guerre, médaille d’argent de la valeur militaire italienne, il sera fait officier de la Légion d'Honneur. Le 24 mai 1919, la Fédération Aéronautique Internationale le nomme Pilote Aviateur avec le brevet n° 16698.

Louis Gaston Marius Fouet se marie à La Forêt-de-Tessé le 7 octobre 1921. Il est sous-directeur des plâtrières de Bessancourt... Les fameux plâtres de Paris.

C'est le parcours passionnant de ce Poilu, aviateur de la Grande guerre, qui est à l'origine de cette nouvelle étape dans la recherche de l'histoire de Louis Petit. Les avions Farman peuvent être le fil conducteur entre ces deux histoires appartenant à des jeunes de la région ruffécoise.

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Le Farman Goliath

Dessin du F60 publié par L'Aérophile du 1 au 15 janvier 1918.

Issu d’un programme de bombardiers lourds émis en avril 1918, la paix étant revenue, le gros biplan bimoteur appelé « Goliath » est aménagé en appareil de transport pour douze passagers. Dénommé « aérobus », il transporte douze passagers et deux membres d’équipage. Ses dimensions sont très impressionnantes pour l’époque : 28 mètres d’envergure, plus de 160 mètres-carrés de surface portante, près de 15 mètres de long. En juillet 1918, les frères Farman (Billancourt) ont présenté le prototype FF-50 (pour frères Farman), un bombardier capable de porter une tonne de bombes (100 m2 de voilure, deux moteurs Lorraine de 275 ch) et le FF-60, capable de porter deux tonnes de bombes (160 m2 de voilure, deux moteurs Salmson 18 Z de 500 ch). La guerre finie, à Billancourt, chez Farman les machines en cours de montage sont modifiées en appareils commerciaux. L’aérobus Farman prend son vol le 8 février 1919 à 11h50 de Toussus-le-Noble sous la neige pour Londres, quatorze personnes à son bord. Il atterrit 2h30 plus tard à Kenley, près de Croydon au sud de Londres. Plusieurs versions du Farman F-60 dévolues au transport de passagers : le F-60 à deux moteurs Salmson 265 ch (1919), les Farman F-60 et F-61 à deux moteurs Renault 12 F (1921), le F-60bis à deux moteurs Salmson 9Az de 300 ch (1923), le Farman F-62 à deux moteurs Lorraine 12 D de 400 ch (1924), le Farman F-63 et dérivés 63bis et 63 T à deux moteurs Gnome & Rhône « Jupiter » de 380 ch (1929). Des Farman seront mis en service dans l'aviation maritime.

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Deux moteurs Lorraine W12 équipaient le Farman Goliath F-ADFN

Installée à Argenteuil en 1907 pour produire des automobiles, la société Lorraine-Dietrich de Lunéville (Meurthe-et-Moselle), fut poussée par le ministère de la guerre en 1915 à construire des moteurs d’avion. Après guerre, le ministère de l’air dissout, les commandes de moteurs d’avions sont réduites à zéro. Lorraine-Dietrich n’abandonne pas l’étude de moteurs d’avion. Un V12 de 400 ch, un moteur en étoile de 400 ch refroidi à air, en 1923 une étonnante série de moteurs en W, un moteur à 12 cylindres de 450 ch, etc. Les constructeurs d’avions et d’hydravions d’Europe essaient le Lorraine 12 Eb de 450 ch. Le succès ne se fait pas attendre.

Un W12, c'est l'assemblage en W de trois blocs de quatre cylindres en ligne. Deux moteurs Lorraine W12 de 450 ch équipaient le Farman Goliath F-ADFN.

Sous la conduite de Marius Barbarou, les ingénieurs motoristes mettent au point des moteurs à l’architecture nouvelle en France en s'inspirant du concept de celui mis au point par le britannique Napier & Son pour équiper le Napier Lion. C'était le moteur d'avion le plus puissant de l'époque. Le moteur Lorraine-Dietrich 12 Eb, moteur à explosion de 450 ch, comporte 12 cylindres montés en W, soit trois séries de 4 cylindres séparées de 60°. Chaque cylindre comprend une soupape d'admission et une soupape d'échappement. Alimenté à l'essence il possède deux carburateurs à double-cuve de type Zénith. La richesse du mélange est contrôlée manuellement par le pilote. Ce moteur est refroidi par eau. Les 12 cylindres sont allumés par deux magnétos d'allumage dans l’ordre : 1-5-9-3-7-11-4-8-12- 2-6-10, le cylindre n° 1 étant le plus avancé de la rangée de gauche (pour le pilote), le 5 de la rangée du milieu et le 9 de la rangée de droite. Caractéristiques techniques : masse à sec, 435 kg ; course, 180 mm ; alésage, 120 mm ; cylindrée, 24,4 litres ; taux de compression, 6 à 1 ; rapport puissance/masse, 1,154 ch/kg ; puissance, 450 ch à 1 850 tr/min ; consommation : 145 litres/heure.

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Le Farman Goliath compagnon d'aventure

L'Aérophile claironnait le 15 juillet 1919 : « La cabine du nouveau Goliath-Farman :

« Spacieuse, décorée avec une élégance sobre, d'un goût parfait, bien éclairée par

de vastes baies qui permettent de voir aisément les aspects du paysage terrestre

et aérien, munie de sièges vastes et commodes et d'ingénieux dispositifs

d'aménagement intérieur, la cabine du nouveau Goliath D construit par les

Établissements Farman donne une idée du confort offert, dès maintenant, aux

passagers aériens de plus en plus nombreux, par nos grands avions d'aéro-

transports. »

Le Farman Goliath n'avait sans doute aucun secret pour le mécanicien d'aviation maritime Louis Petit.

Le journal Pierrot a croqué cet hydravion Goliath en 1932 : « Le grand hydravion à

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flotteurs Goliath Farman, très employé dans la Marine pour le bombardement et

la grande reconnaissance. Sur les côtes du Maroc cet avion a fait merveille. C'est

le Goliath terrestre agencé en hydravion par substitution de flotteurs aux roues.

Depuis longtemps, le Goliath a été abandonné par l'aviation militaire terrestre (qui

l'a longtemps utilisé comme avion de bombardement de nuit, concurremment au

Lioré et Olivier), mais la Marne l'a conservé sous la forme d'hydravion à flotteurs

et l'utilise encore pour le travail de côtes. »

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Maurice Drouhin et Ernest Mathis

Au début de ce récit apparaissent les noms de Drouhin (gauche du cliché) et Mathis (droite du cliché). Les paragraphes suivant permettent de les présenter quelque peu.

Maurice Drouhin, pilote de guerre et pilote d'essais L'Aérophile, 1926 par Georges Blanchet :

« Les frères Farman, éminents industriels de Boulogne-Billancourt, qui étendent leur

activité non seulement à la partie purement aéronautique, mais encore au moteur d'avion

et à la construction de voitures automobiles réputées, ont toujours su s'entourer, après

l'avoir instruite et guidée, d'une élite d'intelligents et dévoués collaborateurs.

Parmi ceux-ci, Maurice Drouhin, pilote issu de la période de guerre, a fait toute sa

carrière à la maison de la rue de Silly. Travailleur, remarquablement doué, il paraît, par le

nombre considérable de ses victoires, être un favori du succès. Il ne faudrait cependant

pas penser qu'une bonne fée accomplît pour lui tout ce beau travail d'un coup de

baguette, ou par la magie d'un souhait prononcé dans des formes rituelles. Non. Drouhin

met simplement en pratique les principes de ses éminents initiateurs qui, en matière de

compétitions et de concours notamment, sont de procéder à une longue et rigoureuse

préparation, ne laissant absolument rien à la merci d'une désastreuse surprise du hasard.

Voici tout d'abord l'énumération des performances de ce remarquable aviateur :

- Vainqueur du Grand Prix de l'Aéro-Club de France (19 au 21 juin 1921), sur Goliath,

bimoteur Salmson 260 CV En collaboration avec Ferdinand d'Or, chef pilote.

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- Record du monde de durée (34h14'7"), les 14 et 15 octobre 1923, sur Goliath, moteur

Renault 300 CV. En collaboration avec Bossoutrot, chef pilote.

- Record du monde d'altitude (officieux), par 3.500 m, sur moto-aviette Farman, moteur

Anzani 30 C.V., établi le 24 août 1923, à Toussus-le-Noble.

- Second du Grand Prix des Avions de Transport, du 18 au 24 septembre 1923, sur

Goliath, 4 moteurs Salmson. En collaboration avec Bossoutrot, chef pilote.

- Record du monde de durée (37h59' 0") et record français de distance (2.000 km), sur

Goliath, monomoteur Farman 450 CV, établi les 16 et 17 juillet 1924, à Chartres, en circuit

fermé. En collaboration avec Coupet.

- Vainqueur du Tour de France des Avionnettes, sur avionnette Farman, moteur Anzani

30 CV, du 25 juillet au 10 août 1924.

- Gagnant du Prix Solex, épreuve de consommation, sur moto-aviette Farman, moteur

Salmson.

- Parcours Paris-Rouen, du 26 au 29 mars 1925.

- Record mondial de durée (45h, tr de 59") et de distance (4.400 km), à Chartres, en

circuit fermé, sur Goliath, monomoteur Farman 450 CV, les 7, 8 et 9 août 1925. En

collaboration avec Landry, pilote en second.

- Record mondial de vitesse sur 3.500 km, 570 à l'heure, lors de la précédente épreuve.

- Vainqueur de la Coupe Zénith, épreuve de consommation, sur Farman Jupiter 420 CV,

les 3 et 4 juillet 1926.

Pour fixer les éléments du curriculum vitæ de Maurice Drouhin, notons qu'il est né à

Paris, le 23 juin 1891, et que sa jeunesse se passa dans les ateliers de mécanique. Les

machines-outils et les moteurs d'automobiles n'ayant pas de secret pour lui ; apte au

tour comme à l'ajustage, on peut penser que c'était là une excellente préparation au rôle

futur d'aviateur-metteur au point. Le travail quotidien ne l'empêcha pas de cultiver les

sports.

En cyclisme, il totalisa des succès comme coureur en province, Excellent gymnaste, il

acquit encore une spéciale renommée comme vélocipédiste acrobatique. Les cercles de

la mort, les loopings et autres attractions « émotionnantes », sont encore, à n'en point

douter, un surcroît d'atouts pour un futur homme de l'air.

Au 24e Dragons, à Dinan, où il fut incorporé en 1913, il dut à ses incontestables talents

d'escrimeur de devenir rapidement prévôt d'armes. En 1914, il fut des premières charges

de cavalerie, à Marville (Meuse) et à Neufchâteau (Belgique), il fit ainsi toute la retraite

de la Marne, protégeant avec ses camarades les arrières, maintes fois dans de pénibles

conditions. Démonté, il devint agent de liaison cycliste, puis prit les tranchées jusqu'en

mai 1917.

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En juin 1917, il eut la joie d'être admis à l'école Farman, à Etampes, où, sur l'historique «

planche à pain », il acquit le brevet de l'Aéro-Club n°7.582 et le brevet militaire 110

7.654.

Il passa ensuite à Châteauroux, en perfectionnement, durant trois semaines d'août 1917,

sur F40.

Envoyé à Cazaux, en septembre, Drouhin fit montre de telles qualités qu'il y occupa sur

l'heure un poste de moniteur. Là, sur F40, Sopwith, Doran, Letord, hydravion F40, et sur

triplace R4, il forma un nombre considérable de mitrailleurs et réceptionna encore des

Nieuport, Breguet, Potez, etc.

Le commandant de Marzac, chef de ce centre si important, tint à garder avec lui jusqu'à

l'armistice un collaborateur aussi habile et aussi consciencieux.

Les hostilités terminées et la démobilisation venue, Drouhin entra, en fin 1919, à la

maison Farman, où il fit à Buc l'instruction des élèves. Pilote de ligne, breveté transport

public n° 515, il conduisit des avions commerciaux sur Paris-Bruxelles, 'Paris-

Amsterdam et Paris-Londres, sans interruption, jusqu'en 1922. A cette date, il s'occupa

de mise au point et de la réception des avions Farman courants, ainsi que de plusieurs

prototypes.

Des livraisons et des présentations d'avions furent pour lui l'occasion de raids

intéressants. Par la voie des airs, il alla de Buc à Saint-Raphaël, partie en vol de nuit. Le

16 octobre 1925, le même parcours se fit en 4h45. Déjà, en 1924, il avait volé de Paris à

Séville et en juin de la même année il couvrit Paris-Turin-Rome.

Maurice Drouhin qui, au cours de son vol du 9 août 1925, a établi ou battu six records de

vitesse français, sur une distance donnée, plus un record du monde, compte 664h30 de

vol comme pilote militaire et 3.080h20 de vol chez Farman, y compris les parcours sur les

lignes.

Chevalier de la Légion d'honneur en 1925, Drouhin est titulaire de la médaille d'or de

l'Aéro-Club de France qui lui a été décernée en 1924. Cette haute récompense, qui ne fut

jamais attribuée que pour de remarquables faits de guerre, un effort continu et victorieux

dans le sport aérien, ou d'éminents services rendus à la cause qui nous est à tous chère,

achève de fixer dans l'ordre des valeurs la position du maître aviateur qu'est le récent

vainqueur de la Coupe Zénith.

Georges Blanchet.

Mort de Drouhin En 1927, René Cousinet, un Vendéen, construit le Couzinet Arc en Ciel n° 1, trimoteur monoplan en bois à aile épaisse, avec une dérive effilée. L'Arc-en-Ciel n° 1 bis s'écrasera sur l'aérodrome d'Orly le 8 août 1928 entraînant la mort du pilote Maurice Drouhin et du mécanicien Lannet.

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Ernest Mathis serait originaire de Montbéliard

L'Humanité du 24 juillet 1927 : « … Mathis, vieux mécano de l'aviation, n'est pas un

inconnu. C'est lui qui, le 10 avril 1912, pilota l'appareil qui emporta officiellement le

premier sac de dépêches de la Nouvelle-Orléans à Baton-Rouge (USA). C'est lui qui fut

[très provisoirement] le mécano de Saint-Roman. On sait qu'il abandonna à Casablanca

et fut remplacé par Petit, lorsque, malgré ses conseils, il vit Saint-Roman s'engager sur

un appareil qui n'offrait plus aucune chance de réussir.

Mathis importateur d'avions aux Etats-Unis Georges Mestach, pilote de démonstration belge, et Ernest Mathis, son organisateur-mécanicien, ont importé aux États-Unis en 1912 le monoplan Borel-Morane conçu en France en 1911 et mis au point par Raymond Saulnier, Léon Morane et Gilbert Borel de la Société anonyme des aéroplanes Morane-Borel-Saulnier. Mestach et Mathis ont présenté l'avion en Amérique du Nord. Cet avion fut utilisé en course aérienne par le pionnier de l'aviation Jules Védrines. Ernest Mathis était en 1927 mécanicien chez Lorraine, société des anciens établissements de Dietrich et Cie de Lunéville, plus connue sous le nom de Lorraine-Dietrich, entreprise de construction d'automobiles, de matériel roulant ferroviaire, de matériel lourd et de moteurs d'avion dont le fameux W12 Lorraine 12 Eb qui équipait le Farman F61 de Saint-Roman.

Les aventures de Drouhin et Mathis L'Humanité du 24 juillet 1927 annonce qu'en vue du raid Europe-Amérique, Drouhin et Mathis apprêtent le Miss Columbia de Levine.

« Les aviateurs pensent s'envoler d'ici une dizaine de jours. De son coté, Costes organise

son raid. Pendant que chaque jour, la presse annonce des départs imminents et de

nouveaux compétiteurs pour le raid Europe-Amérique, au Bourget, Drouhin et Levine

apprêtent le «Miss Columbia». Méthodiquement, ils mettent, au point l'appareil qui,

vraisemblablement, s'envolera le premier vers New-York.

Le subterfuge de Levine

Le Matin Charentais : « Levine « subtilise » le 24 août 1927 son « Miss » pour évincer

Drouhin et Mathis de cette future traversée de l'Atlantique nord». L'Express du Midi

détaille : « Le Bourget, 29 août 1927. M. Levine est venu seul au Bourget, à midi, a fait

sortir le « Miss Columbia » et a fait mettre le moteur en marche en déclarant qu'il allait

faire un essai sur le terrain sans décoller. A 13 heures, cependant, il a pris son vol.

Aussitôt après le départ de M. Levine, un avion s'envola et prit en chasse le « Miss-

Columbia ». Lorsqu'on a été sûr de la fuite, un Goliath a été mis à la disposition de

Drouhin et de Mathis qu'on avait prévenus de l'équipée.

Londres. M. Levine a atterri à l'aérodrome de Croydon, à 15h53. Quelques jours avant

Levine avait déjà tenté d'enlever son appareil. Une discussion très orageuse a eu lieu

alors entre M. Levine et Mathis, en présence de MM. Drouhin, Carisi et Frankel qui dut

intervenir pour séparer MM. Levine et Mathis. »

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Ce que dit et doit Levine

« Londres, 30 août. Interviewé par le correspondant du Journal à Londres, le

commanditaire américain prétendit que Drouhin n'avait jamais eu réellement l'intention

de tenter la traversée de l'Atlantique et que son brusque départ du Bourget n'avait pas

d'autre but que de le libérer de toute contrainte, en ce qui concernait son départ pour

l'Amérique, seul ou avec un autre pilote. « Je sais, conclut M. Levine, que je dois un dédit

de 100.000 francs à Drouhin et j'entends le lui payer. » Dans la soirée, Levine a téléphoné

à un de ses amis, le sénateur Lockwoixi, à Paris, et lui a affirmé qu'il a pris ses

dispositions pour que sa banque paie aujourd'hui même à Drouhin le dédit de 100.000

francs prévu dans leur contrat.

Le Bourget. 30 août. Accompagnée de M. Charles C. Lockwood, son homme d'affaires, et

de M. Frankel, Mme Levine s'est rendue ce matin à 10 heures au cabinet de son avocat

où elle avait prié le pilote Drouhin de passer.

Mme Levine lui a alors remis de la main à la main, 80 000 francs sur les 100.000 francs

du dédit, Drouhin ayant touché déjà un acompte de 10.000 francs.

En outre, elle a remis 10.000 francs à Mathis. Quand ils se sont séparés, Mme Levine et

Drouhin paraissaient, aux dires des témoins, très émus. Mme Levine est partie pour

Londres à midi.

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Merci à Henri Gendreau, Jean-Claude Vrillac, Jacques Jacquet, aux mairies de Ruffec, d'Ornaisons et de Rambouillet, pour leur aide précieuse et leurs encouragements. Pascal Baudouin, 2015.

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