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YANN ARSENAULT
L’INVESTOR-BASED FINANCE Analyse qualitative et comparative de la mise en application
de cette nouvelle approche de la relation aux investisseurs par des entreprises
Essai présenté à
Dr Jacques Saint-Pierre
dans le cadre du programme MBA : Finance
DÉPARTEMENT DE FINANCE ET ASSURANCE
FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ADMINISTRATION
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
septembre 2008
2
Résumé
Cet essai vise à établir la validité théorique et pratique d’une nouvelle approche de la relation aux
investisseurs nommée : Investor-Based Finance (IBF). Pour ce faire, un regard sur l’évolution de la
relation aux investisseurs est d’abord effectué pour comprendre la raison d’être de l’IBF. Toutefois, l’essai
porte principalement sur une analyse qualitative et comparative du processus d’IBF. Cette analyse est
effectuée par diverses critiques et constatations ainsi qu’a l’aide d’approches présentées par d’autres
auteurs. Il en résulte que l’IBF est appuyé sur des bases théoriques valables et que sa mise en application
par des entreprises est plausible. Cependant, il ne s’agit pas d’un processus accessible à toutes les
entreprises. L’IBF nécessite de nombreuses ressources tant humaines que monétaires et oblige à des
changements organisationnels importants notamment quant au rôle joué par la fonction de relation aux
investisseurs.
3
Table des matières
Introduction ................................................................................................................................................... 4
1-L’Investor-Based Finance .......................................................................................................................... 5
2-L’évolution de relation aux investisseurs vers l’Investor-Based Finance .................................................. 6
3-Nouvelles approches de la relations aux investisseurs ............................................................................... 8
4-L’IBF: constatations et comparaisons d’un processus en quatre étapes .................................................... 9
4.1-Identifier les investisseurs clés ............................................................................................................ 9
4.2-Établir les comportements d’achats et de ventes des investisseurs clés ............................................ 11
4.3-Établir le profil des investisseurs clés selon deux dimensions : horizon d’analyse et contenu ......... 12
4.3.1-Horizon d’analyse ...................................................................................................................... 12
4.3.2-Type d’information analysé ....................................................................................................... 14
4.4-Prédire les réactions des investisseurs clés à des changements stratégiques cruciaux ...................... 15
4.5- Estimation de la variation de l’action............................................................................................... 17
Conclusion ................................................................................................................................................... 18
Références ................................................................................................................................................... 19
Annexe 1 ..................................................................................................................................................... 21
Annexe 2 ..................................................................................................................................................... 22
Annexe 3 ..................................................................................................................................................... 23
4
Introduction
La relation aux investisseurs est une discipline récente au sein des compagnies qui a pour principal
but l’établissement et le maintien d’une juste valeur marchande des compagnies publiques. Au fil des
années, cette discipline qui dépendait au départ des relations publiques a évolué pour devenir respectée et
considérée par la communauté financière. De nos jours, les compagnies investissent d’importants
montants dans la relation aux investisseurs pour qu’ils comprennent davantage les décisions stratégiques
prises par la direction. Malgré cette situation, il n’est pas rare que les messages transmis par les
compagnies soient mal compris et interprétés. Suite à ces constats, de nombreux auteurs ont remis en
question le caractère traditionnel de la relation aux investisseurs en développant de nouvelles approches
pour cette fonction1. Les auteurs, Kevin P. Coyne et Jonathan W. Witter dans l’article «Taking the
Mystery Out of the Investor Behavior» transforment le rôle de cette fonction en processus d’aide à la
décision qu’ils nomment : Investor-Based Finance (IBF). Selon la démarche proposée, les compagnies
sont en mesure d’identifier et de profiler les investisseurs les plus influents, mais également de prédire
leurs réactions à des changements stratégiques cruciaux. De cette manière, les dirigeants ont la possibilité
d’anticiper et de comprendre comment les investisseurs réagiront lors d’annonces importantes.
L’Investor-Based Finance est un sujet relativement jeune traité qu’explicitement dans l’article de
Coyne et Witter. Les auteurs ont écrit un second article «What makes your stock price go up and down»
qui va dans le même sens que l’IBF, mais qui se concentre plus spécifiquement sur l’identification et la
compréhension des investisseurs les plus influents. Ce manque de littérature sur ce sujet qui semble à la
première lecture intuitif et logique, mène à se poser des questions sur les fondements de l’IBF. Est-ce une
difficulté de réalisation de ce processus pour les entreprises ou simplement une non-reconnaissance par les
compagnies des concepts théoriques constituant l’IBF?
Par une revue de littérature ainsi qu’une analyse approfondie de l’IBF, il est possible de constater
que l’article de Coyne et Witter regroupe au sein d’un même article plusieurs sujets traités séparément tels
que la relation aux investisseurs, le comportement et la segmentation des investisseurs institutionnels ainsi
que sur la divulgation et la règlementation de l’information. Il est intéressant de constater qu’il existe
d’autres auteurs qui croient en l’importance de changements au sein de la relation aux investisseurs et qui
veulent transformer l’usage de cette fonction.
Le but de cet essai est d’analyser la validité théorique et pratique pour une entreprise de
l’Investor-Based Finance. En raison des nouvelles approches de la relation aux investisseurs et du manque
de littérature traitant directement du processus d’IBF, cet essai vise à déterminer où se situe l’IBF parmi
les différentes approches ce qui aidera à établir si cette méthode est concrètement réalisable de nos jours
par des entreprises.
L’essai se divise de la manière suivante, la première partie vise une meilleure compréhension de
ce qu’est globalement l’IBF tout en traitant des principaux constats et hypothèses de ce concept. Dans la
deuxième partie, une analyse de l’évolution de la relation aux investisseurs est décrite afin de bien
comprendre ce qui a motivé Coyne et Witter à procéder à des changements sur cette fonction vers un
modèle du type de l’IBF. Par la suite, une description sommaire des nouvelles approches de la relation aux
investisseurs sera effectuée en comparaison avec la méthodologie de l’IBF. Finalement, une description et
analyse critique des différentes étapes de l’IBF sera élaborée en lien avec la littérature et les nouvelles
approches de la relation aux investisseurs. L’intention finale est d’établir la mise en application possible
de l’IBF par des entreprises.
1 Voir références : Marcus et Wallace (1997), Bushee, (2004), Koller (2005), Palter et al. (2008)
5
1-L’Investor-Based Finance
Concrètement, l’IBF est un processus en quatre étapes qui débute par l’identification et
l’établissement des comportements d’achats et de ventes des investisseurs les plus influents. Par la suite,
grâce aux informations recueillies, les entreprises sont en mesure d’établir des profils comportementaux
sur ces investisseurs. Ces profils permettront finalement de prédire avec précision la variation des actions
lors d’annonces stratégiques. Cette nouvelle approche va donc plus loin que la relation aux investisseurs
traditionnelle en incorporant un côté marketing et analytique plus poussé. Cette fonction devient alors
davantage un processus d’aide à la décision pour la direction qu’un rôle de communication.
Figure 1 : L’Investor-Based Finance : un processus en 4 étapes
Pour justifier cette approche, Coyne et Witter décrivent les relations qu’entretiennent les
compagnies avec leurs principaux clients. Les compagnies connaissent bien les besoins et préférences de
leurs principaux clients et n’effectuent généralement aucun changement mineur ou majeur sans en
connaître l’impact quantitatif et qualitatif. L’IBF se base sur ce même constat, mais au niveau des
investisseurs. Les auteurs affirment ‘’… a major decision by key investor will likely have a greater long-
term impact in shareholder value than will a decision by the average large customer’’. Les auteurs
ajoutent qu’il est facile d’obtenir de l’information sur les investisseurs importants en échangeant
directement avec eux ou par la divulgation d’information rendue nécessaire par les autorités
règlementaires.
Quelques constats et hypothèses ont permis de développer l’IBF. Tout d’abord, les auteurs
affirment que : ‘’Clearly, companies cannot afford to simply let the stock price take care of itself, as the
traditional model of financial market efficiency implies’’. Cette réfutation de l’efficience des marchés
repose principalement sur la notion d’investisseurs clés, un élément crucial de l’IBF. Le concept repose
sur des études menées par la firme McKinsey et par les auteurs, dans lequel le constat final dévoile qu’un
petit nombre d’investisseurs actuels et potentiels (généralement moins de 100) ont un impact significatif
sur la valeur de l’action d’une compagnie publique. Les grosses compagnies sont donc grandement
vulnérables à un petit nombre d’investisseurs tout comme les petites et les moyennes. Bref, une
connaissance approfondie de ce bassin d’investisseurs clés permet d’anticiper le mouvement d’une action
lors de l’annonce d’une décision stratégique majeure. Cet aspect sera traité plus en détails ultérieurement
dans le texte.
Les auteurs constatent que dans le modèle traditionnel de relations aux investisseurs, les dirigeants
misent inconsciemment sur ce qu’ils veulent dire à défaut de ce que les investisseurs veulent entendre.
Ainsi, les messages transmis aux investisseurs sont standardisés et ignorent leur profil comportemental
distinctif. Ce profil comportemental inclut des différences quant au risque, à l’horizon d’analyse ainsi qu’à
la stratégie de placement. Comprendre ces différents facteurs peut permettre à la compagnie de mieux
anticiper comment les investisseurs réagiront lors d’annonces importantes. Il devient important pour les
compagnies de revoir de façon plus personnalisée leurs communications avec la communauté financière
pour éviter que les messages transmis soient mal compris et interprétés.
3-Établir le profil des
investisseurs clés selon
deux dimensions :
horizon d'analyse et le
contenu analysé
4-Prédire comment
les investisseurs vont
réagir à des
changements
stratégiques cruciaux
2-Établir leurs
comportements
d'achats et de
ventes
1-Identifier
les investisseurs
clés
6
2-L’évolution de relation aux investisseurs vers l’Investor-Based Finance
L’objectif de cette deuxième partie est de mettre en lumière ce qu’est la relation aux investisseurs
et d’établir comment cette discipline à évolué pour finalement être transformé vers un modèle de type IBF.
Dans la littérature, il est possible de constater que la définition de la relation aux investisseurs a
constamment changé depuis les années 70, mais qu’elle conserve toujours comme objectif principal une
juste évaluation de la valeur marchande des entreprises (voir annexe 1). Selon la National Investor
Relations Institute (NIRI), la plus importante organisation de relations aux investisseurs dans le monde, la
définition actuelle de cette fonction s’établit comme suit :
‘’… a strategic management responsability that integrates finance, communication, marketing and
securities law compliance to enable the most effective two-way communication between a company, the
financial community, and other constituencies, which ultimately contributes to a company’s securities
achieving fair valuation’’2
La fonction de relation aux investisseurs est récente dans l’histoire des marchés financiers. Après
la deuxième guerre mondiale (1950-1970), la proportion de détention d’actions des investisseurs
institutionnels est demeurée stagnante en comparaison avec les petits investisseurs américains. La
proportion des petits investisseurs a connu une forte croissance passant de 4 % à 15 % entre 1952 et 1965.
De grosses compagnies américaines comme Ford et Procter & Gamble ont rapidement compris que les
petits investisseurs détenant des actions étaient et demeuraient des consommateurs fidèles. Cependant, ces
petits investisseurs, ayant en général peu de connaissances dans le domaine financier, posaient davantage
de questions que les investisseurs institutionnels de l’époque3. Cette situation obligea les dirigeants à
devoir fournir plus d’informations lors des réunions annuelles avec les actionnaires.
En 1951, Graham et Dodd (1951) amènent une base conceptuelle à la relation aux investisseurs
sans traiter directement du sujet. Ils affirment : ‘’It is fully as important to the stockholders that they be
able to obtain a fair price for their shares as it is that dividends, earnings and assets be conserved or
increased. It follows that the responsability of management…includes the obligation to prevent… the
establishement of either absurdly high or undully low prices for their securities4’’. Cette citation s’inscrit
directement dans l’objectif principal de la relation aux investisseurs en ajoutant un sens éthique et légal à
la responsabilité des dirigeants face aux actionnaires.
Ce n’est qu’en 1953 que le premier département de relation aux investisseurs voit le jour au sein
de la compagnie General Electric. Le CEO de l’époque, M. Ralph Cordiner a créé ce département dans le
but de pouvoir identifier les principaux actionnaires, ce qu’ils recherchent comme information et pour
établir une meilleure méthode de communication avec eux. Déjà à cette époque, il existe une grande
ressemblance entre les objectifs de M. Cordiner et la définition actuelle de la relation aux investisseurs.
Au départ, la relation aux investisseurs n’était qu’une fonction de communication au sein des
relations publiques. Cette discipline s’occupait spécifiquement des rapports financiers et des nouvelles
financières. Il était fréquent d’y retrouver des personnes plus ou moins compétentes dans le domaine.
Avec le développement grandissant de la profession d’analyste financier et une demande croissante pour
de l’information financière de qualité, les départements de relations publiques ne pouvaient suffire à la
demande. Il devenait évident qu’il était favorable de séparer les deux canaux de communication en
fonction de leurs forces respectives. La relation aux investisseurs est donc passée d’une vocation de
communication à une vocation financière. C’est à partir des années 80 qu’elle prend son essor et devient
2 Rapport annuel 2007 de la NIRI 3 The origins of NIRI : http://www.niri.org/about/origins.cfm 4 Benjamin G. Graham and David L. Dodd, Security Analysis, New-York, McGraw Hill Book Company, 1951
7
pleinement reconnue de la part des marchés. La présence de ce type de département au sein des
compagnies du Fortune 500 est passée de 16 % en 1984 à 56 % à la fin de l’année 19945. Dans un
contexte où les gestionnaires craignaient de perdre des investisseurs cruciaux et dans un souci grandissant
quant à la valeur des actions, cette fonction devenait un enjeu important du milieu financier des années 80.
Contrairement à auparavant les gestionnaires sont devenus durant cette période plus ouverts à
communiquer leurs visions et stratégies aux investisseurs.
De nos jours, la relation aux investisseurs dépasse largement un rôle de communication comme la
définition de la NIRI laisse entendre. La relation aux investisseurs est désormais proactive et permet aux
investisseurs de comprendre le rendement actuel et futur de la compagnie. Un bon programme devrait
selon Marcus et Wallace (1997) au moins contenir les éléments suivants :
Développer et maintenir des relations avec les investisseurs
S’occuper de la gestion des rapports financiers aux actionnaires, agence règlementaire ou
gouvernementale, marchés financiers et autres organisations importantes
Développer et maintenir une politique de divulgation de l’information
Développer des programmes pour augmenter la reconnaissance et la compréhension de la
compagnie
D’autres facteurs sont également essentiels afin d’obtenir un programme efficace6. Notamment de
mettre l’accent sur les opportunités et stratégies sur un horizon long terme au lieu de court terme, éviter la
création d’attentes excessives de la part des investisseurs, avoir des moyens de communication basés sur
l’ouverture et l’honnêteté et finalement d’être proactif au lieu de réactif.
Plusieurs éléments ont motivé Coyne et Witter à transformer la relation aux investisseurs. Tout
d’abord, ils constatent que cette fonction représente un poste de dépenses important pour les entreprises.
Outre l’aspect monétaire, les dirigeants concèdent beaucoup de temps et d’énergie en conférences,
conférences téléphoniques ou rencontres privés afin de mieux faire valoir leurs visions et stratégies aux
investisseurs influents. Malgré cette situation, les dirigeants sont généralement dans l’impossibilité
pouvoir quantifier le changement de valeur de leurs actions lors d’annonces majeures. Ce constat ne
contribue pas à aligner la valeur intrinsèque avec la valeur marchande des actions d’une compagnie. Dans
la définition de la relation aux investisseurs donnée par la NIRI, la communication entre les dirigeants et
la communauté financière devrait s’effectuer dans les deux sens ce qui ne semble pas être le cas lors
d’annonces majeures de la part de la direction.
Un autre aspect ayant stimulé les auteurs à développer l’IBF, est le manque d’approche
personnalisée auprès des investisseurs. Malgré que la relation aux investisseurs devrait miser sur la
personnalisation des communications, régulièrement les messages transmis aux investisseurs sont
standardisés et ignore ce que veulent entendre les investisseurs clés. Le profil comportemental distinctif de
chacun des investisseurs est donc généralement mis de côté ce qui ne contribue pas au développement de
meilleures relations entre la compagnie et ses investisseurs.
5 Wheeler, S., The convergence of investor relations and public relations: Fitting investor relations into the overall corporate communications strategy, 2007, University of South California, CA, Thèse. 6 Farragher, E.J., Kleiman, R., Bazaz, M.S., (1994) Do investor relations make a difference?. The Quaterly Review of Economics and Finance
34.4:403-412.
8
3-Nouvelles approches de la relations aux investisseurs
Dans la littérature plusieurs livres et articles traitent de la relation aux investisseurs. Toutefois, un
nombre grandissant d’auteurs remettent en question le caractère traditionnel de cette fonction. De
nombreuses approches ont été développées dans les dernières années pour apporter des améliorations
significatives à cette discipline. À l’heure actuelle, il est difficile d’affirmer qu’il existe un consensus sur
ce que devrait devenir la relation aux investisseurs dans le futur en raison de la diversité des approches
proposées. Suite à différents constats, Coyne et Witter ont développé une nouvelle méthode qui par
l’identification et le profilage des investisseurs clés permet de prédire le mouvement de l’action d’une
compagnie lors d’annonces stratégiques. Cependant, certains auteurs optent pour une relation aux
investisseurs basée davantage sur le marketing alors que d’autres favorisent de modifier le type de relation
pratiqué en fonction du genre d’investisseurs désiré. Ce sont quelques-unes de ces approches dont il sera
question dans les prochaines lignes7.
Palter et al. (2008) ont développé une approche qui a pour but de modifier la communication entre
les institutionnels et l’équipe de direction d’une compagnie. Selon ces auteurs, il est important de revoir le
modèle de segmentation des institutionnels pour que les dirigeants d’entreprises passent davantage de
temps avec les investisseurs qui vont contribuer au succès de l’entreprise. Ces investisseurs sont identifiés
comme étant ceux ayant un désir d’investir à long terme et qui cherche à mieux comprendre la
performance, ainsi que les stratégies utilisées. Les auteurs recommandent de laisser les autres classes
d’institutionnels au département de relation aux investisseurs. Quelques traits communs peuvent être
établis entre cet article et l’IBF. Les deux articles favorisent à leur manière une meilleure communication
entre la communauté financière et les compagnies. Cette motivation provient de la même constatation par
les auteurs (Palter et al., Coyne et Witter) que les dirigeants perdent beaucoup de temps et d’énergie avec
des investisseurs qui ne contribueront jamais de façon importante aux réussites de l’entreprise. La notion
d’investisseurs clés se retrouve partiellement dans l’article de Palter et al, car ils identifient également
qu’un petit nombre d’investisseurs ont une importance significative sur la valeur d’un titre. Les auteurs
vont dans le même sens que l’IBF lorsqu’ils affirment que : ‘’ Most companies agree that it is useful to
understand the views of investor while developing strategies and investor communications…management
should be actively engaging with 15 to 20 investors at most’’. La segmentation des institutionnels qui sera
traité ultérieurement, joue également un rôle important dans les deux articles, mais de manière différente.
Plusieurs concepts sont donc relativement semblables entre l’approche de Palter (et al.) et l’IBF.
Certains auteurs ont une approche basée sur le renforcement de l’aspect marketing. Parmi ceux-ci,
Marcus et Wallace (1997) affirment que la relation aux investisseurs pratiqués traditionnellement ignore
certains principes marketing fondamentaux qui lui permettraient d’être plus efficace. L’utilisation de
méthodes et stratégies pour communiquer, éduquer et finalement persuader les investisseurs qu’il est
mieux d’investir dans notre compagnie que chez nos compétiteurs est fortement rattachée au marketing.
Les auteurs préconisent une approche en quatre étapes qui vise à définir les investisseurs désirés par la
compagnie, identifier les investisseurs correspondants au profil voulu et de personnaliser les stratégies en
fonction des investisseurs désirés. Cette méthode est fortement inspirée des principes de marketing direct.
Comme pour l’IBF, Marcus et Wallace ont une méthodologie basée sur l’identification et le profilage des
investisseurs importants pour une compagnie. L’utilisation du marketing direct favorise l’utilisation de
messages personnalisés tenant compte des besoins et préférences des investisseurs.
Une vision qui se distingue des précédentes est celle présentée par Bushee (2004). Basé sur ses
propres études, Bushee identifie trois classes d’investisseurs institutionnels. Parmi ces investisseurs, une
catégorie appelée ``transient investor`` à pour objectif une maximisation des profits à court terme. Selon
Bushee, ce type d’investisseurs est non souhaitable au sein des détenteurs d’actions de la compagnie. Ils
7 Certains éléments des approches seront traités plus en détail dans les parties ultérieures de l’essai
9
inciteraient l’équipe de direction à manipuler les revenus pour faire des gains à court terme (earning
guidance). En raison de cette constatation, Bushee propose de modifier des comportements
organisationnels pour les décourager. Une attitude plus ferme à leur égard et une modification de la
politique de divulgation de l’information serait alors nécessaires. Une compagnie qui pratique une relation
aux investisseurs qui repose sur des prévisions à court terme à tendance à attirer plus facilement ces
détenteurs non désirables. Au contraire, une compagnie offrant de l’information détaillée sur ses résultats
passés est plus encline à attirer des investisseurs stables. Une comparaison quant à l’utilisation du
département de relations aux investisseurs est intéressante entre l’approche de Bushee et l’IBF. Du côté de
Bushee, le type de relation employé à un impact sur le genre d’investisseurs qui détiendra des actions de la
compagnie. Coyne et Witter proposent pour leur part de personnaliser la relation aux investisseurs en
fonction du profil des institutionnels jouant un rôle significatif sur la valeur de l’action. La segmentation
des institutionnels joue un rôle important dans les deux articles et sera traitée en détail ultérieurement.
Malgré qu’un seul article traite explicitement de l’IBF, il est tout de même intéressant de constater
que de nombreuses similitudes rattachent l’IBF à différentes approches développées pour améliorer le
modèle traditionnel de la relation aux investisseurs. Certains sujets comme la personnalisation des
messages transmis et la segmentation des institutionnels reviennent constamment dans la littérature. À ce
stade de l’analyse, il est possible d’affirmer que malgré que l’IBF soit un concept unique, l’IBF s’appuie
sur des notions, concepts et idées qui se retrouvent amplement dans la littérature traitant de la relation aux
investisseurs.
4-L’IBF: constatations et comparaisons d’un processus en quatre étapes
Maintenant qu’un portrait global de l’IBF a été mis en place. Il s’agit à présent d’établir si l’IBF
peut s’appliquer concrètement par des entreprises. Pour ce faire, une présentation détaillée de chacune des
étapes sera d’abord effectué suivi d’une analyse critique. Cette analyse sera appuyée par des constatations
en lien avec la littérature et des comparaisons avec les nouvelles approches de la relation aux
investisseurs.
4.1-Identifier les investisseurs clés
La première étape de l’IBF sert à identifier les investisseurs clés. Ces investisseurs ne sont pas
nécessairement les plus grands actionnaires de la compagnie, car il n’est pas rare de retrouver des
investisseurs passifs parmi les grands actionnaires. Les investisseurs passifs conservent généralement leur
position pendant plusieurs années et ne transige pas de façon active. Les investisseurs clés sont plutôt
considérés comme étant le groupe d’investisseurs dont les transactions ont le plus impact sur la valeur du
titre en bourse. Ce concept repose sur une constatation des auteurs qu’un petit nombre d’actionnaires
actuels et potentiels jouent un rôle significatif sur la variation de l’action d’une compagnie lors d’annonces
de décisions stratégiques. Des analyses menées par McKinsey révèlent que 70 % des changements du
cours de l’action, dans le trimestre suivant une annonce stratégique, sont expliqués par les transactions de
40 à 100 des investisseurs les plus influents8. Selon des recherches semblables menées par les auteurs dans
huit compagnies sur les transactions des institutionnels pendant une année, les transactions faites par
moins de 100 investisseurs institutionnels comptent pour plus de 90 % du volume total de transaction. De
plus, la grande majorité des changements dans le prix de l’action causé par ces investisseurs demeurent
permanents par la suite. Une bonne compréhension de ces investisseurs clés permet de prédire leurs
réactions lors d’annonces importantes et d’être en mesure d’évaluer comment variera l’action en bourse.
Selon les auteurs, quatre types de situation peuvent être rencontrés en ce qui concerne les investisseurs
clés actuels et potentiels :
8Analyse sur le comportement transactionnel d’investisseurs détenant des compagnies du S&P 500 dont la capitalisation varie entre 500 millions
et 2 milliards
10
Tableau 1 : Description des types d’investisseurs actuels et potentiels
Types d’investisseurs Caractéristiques
1-Grands actionnaires
actuels
Après analyse ou selon des changements de stratégies de l’entreprise, ce
type d’investisseur décide d’augmenter ou de diminuer leur position
2-Actionnaires passés Après analyse ou selon des changements de stratégies de l’entreprise, ce
type d’investisseur décide de racheter des actions dans la compagnie
3-Petits actionnaires
actuels
Investisseurs qui veulent augmenter leur position ou transiger activement
et fréquemment l’action de l’entreprise
4-Futures actionnaires clés Investisseurs qui transigent présentement dans des compagnies
comparables, mais qui n’ont jamais acheté d’actions de l’entreprise
Pour appliquer l’IBF, les compagnies doivent être en mesure de concevoir une liste comportant
tous les investisseurs clés actuels et potentiels ayant les caractéristiques du tableau ci-haut. Étant donné
que cette liste est évolutive dans le temps, les compagnies doivent s’assurer qu’elle est constamment mise
à jour. Les auteurs recommandent d’identifier les investisseurs devant y figurer par une analyse des
comportements transactionnels passés et par des entretiens avec certains investisseurs. Pour figurer le
nombre d’investisseurs clés qui doivent s’y retrouver, il est recommandé d’utiliser la méthode décrite dans
l’annexe 2.
La première étape de l’IBF repose sur la notion d’investisseurs clés. Toutefois, ce concept varie
grandement d’un auteur à un autre. Coyne et Witter désignent ce groupe comme étant les investisseurs
ayant la plus grande influence sur la valeur de l’action et qui par le fait même devrait compter le plus pour
la direction. Il s’agit généralement d’investisseurs institutionnels ayant divers horizons d’analyse et qui
sont intéressés par différents types de contenus. Malgré que les investisseurs clés soient peu nombreux, ce
groupe est composé de plusieurs styles d’investisseurs. Palter et al (2008) constatent également
l’importance d’identifier et de segmenter les investisseurs en affirmant : ‘’Once a company segments
investors along the right lines, it can quickly identify those who matter most’’. Tout comme pour l’IBF, il
est essentiel de connaître en profondeur un petit nombre d’investisseurs. Cependant la catégorie
d’investisseurs qui compte le plus selon ces auteurs, n’est aucunement diversifiée et représente un groupe
précis d’investisseurs institutionnels. Si l’on compare cette approche avec l’IBF, la notion d’investisseurs
clés est présente, mais concerne spécifiquement qu’une sorte d’investisseurs institutionnels.
Comme il a été noté précédemment, sans traiter directement de la notion d’investisseurs clés,
Bushee (2004) considère qu’il est préférable d’éviter certaines catégories d’investisseurs (transient
investors) qui pourraient déstabiliser la valeur des actions. Dans le même sens que l’IBF, Bushee propose
d’identifier et de profiler le bassin d’investisseurs : ‘’The first step to manager is to examine their investor
base and determine whether their company is likely to attract transient investors‘’.
Le principe d’identification des investisseurs clés trouve donc appuie chez divers auteurs qui
reconnaissent l’avantage de connaître et comprendre le type d’investisseurs qui détiennent les titres d’une
compagnie. Dans ce sens, Timothy Koller (2005) affirment : ‘’… understanding a company’s investor
base can provide valuable insights : it can help managers not only to foresee how the market will react to
important events and strategic moves but also to improve the effectiveness and efficiency of investor
relations’’. La mise en application de cette première étape de l’IBF par les compagnies ne devrait pas
poser problème puisqu’elles connaissent généralement bien leurs principaux investisseurs. Les outils
recommandés dans l’article de Coyne et Witter (entrevues et analyse des comportements transactionnels
passés) devraient de plus faciliter cette tâche. Cependant, la prochaine étape de l’IBF peut être plus
difficile pour les entreprises. Elle a pour principal but d’établir les comportements d’achats et de ventes
des investisseurs clés ce qui nécessite l’approfondissement et la recherche de nombreux renseignements.
11
4.2-Établir les comportements d’achats et de ventes des investisseurs clés
La seconde étape de l’IBF a pour but de raffiner la liste des investisseurs clés établis
précédemment. Les auteurs ont constaté que ces investisseurs ont principalement deux types de
comportements d’achats qui ne sont jamais combinés, ils peuvent d’un côté établir une position sur une
grande période de temps ou établir une position sur quelques semaines. Une connaissance des habitudes
d’achat de ces investisseurs permet d’éliminer de la liste les ceux qui transigent trop activement et qui ne
termineront probablement jamais avec un nombre considérable d’actions. La connaissance des
comportements transactionnels également utile lorsqu’il viendra le temps d’établir un profil dans les
étapes subséquentes.
Plusieurs sources d’information contribuent à établir les comportements d’achats et de ventes des
investisseurs clés. Une grande quantité d’information est mise à la disposition des compagnies par la
Securities and Exchange Commission (SEC). Les auteurs recommandent l’utilisation du SEC 13 (f)
Filings : Reports Filed by Institutional Investment Managers9 qui permet d’obtenir plus de détails sur les
détenteurs de titres. Ce document oblige l’investisseur institutionnel à la divulgation : des noms et de la
classe des titres qu’ils détiennent, des numéros CUSIP, du nombre d’actions détenus et finalement de la
valeur marchande de chacun des titres qu’ils détiennent. Toutefois, ce document n’inclut pas certains
types d’investisseurs tels que les arbitrageurs et les maisons de courtages qui ne sont pas considérés
comme étant des investisseurs institutionnels. Les auteurs recommandent également l’utilisation de
données transactionnelles qui permettent d’analyser historiquement les moments où l’investisseur a
négocié le titre de la compagnie. S’il s’agit d’un investisseur potentiel n’ayant jamais détenu le titre de la
compagnie, cette analyse peut également être complétée au sein du secteur pour mieux connaître ce que
recherche l’investisseur.
Il est important de préciser que les gestionnaires de fonds professionnels peuvent être concernés
par différents facteurs qui peuvent influencer leurs habitudes d’achats et de ventes. Une connaissance de
ces facteurs est essentielle pour mieux comprendre les données trouvées au paragraphe précédent. Tout
d’abord, il n’est pas rare de retrouver chez les investisseurs institutionnels des plafonds qui limitent la
détention d’un titre au-delà d’un certain pourcentage. Cette limite est souvent imposée dans un souci de
diversification et également pour éviter d’avoir à effectuer une annonce publique (une détention au-delà
de 5 % dans un titre aux États-Unis requiert une annonce publique). Les gestionnaires de fonds peuvent
également être concernés par la liquidité transactionnelle (trading liquidity) qui amène les gestionnaires à
ne pas transiger au-delà du volume normal d’une compagnie sur une période de trois à cinq jours. Cette
situation peut expliquer pourquoi les gestionnaires ont établi une position moins importante au sein de la
compagnie que ce qui était initialement prévu. Finalement, des styles transactionnels permettent de
différencier les investisseurs. Certains investisseurs sont draconiens dans leur approche en liquidant leurs
positions sur une courte période de temps alors que d’autres peuvent étirer l’écoulement des titres sur
plusieurs mois.
Pour les compagnies, cette deuxième étape peut s’avérer plus complexe puisqu’il peut exister de
grands écarts entre ce qui est annoncé dans le prospectus et le comportement réel d’un investisseur.
Comme le démontre le paragraphe précédent, différents facteurs peuvent influencer le comportement
transactionnel des gestionnaires de fonds et permettre de mieux comprendre les écarts observés. À l’aide
de données passées, il est essentiel pour les compagnies de déterminer comment chacun des investisseurs
clés établit et liquide ses positions. Cette étape est coûteuse en temps et laisse place à interprétation en
fonction du type d’individu. Les départements de relation aux investisseurs sont rarement pourvus d’un
grand nombre d’individus pouvant effectuer ces analyses de façon continue. Néanmoins, l’utilisation
d’Internet permet d’économiser beaucoup de temps sur l’identification et la détermination des positions
des institutionnels. Une analyse des prospectus des fonds de placement qui détiennent la compagnie peut
9 Institutional investment managers who exercise investment discretion over $100 million or more
12
donner de l’information sur les politiques et stratégies de placements utilisées10
. De nombreux sites
Internet comme celui du Nasdaq, Reuters ou MSN Money permettent d’avoir rapidement une bonne idée
du pourcentage d’institutionnels qui détiennent le titre de la compagnie (annexe 3).
4.3-Établir le profil des investisseurs clés selon deux dimensions : horizon d’analyse et contenu
Maintenant que la liste des investisseurs clés est complétée, il devient important d’établir le profil
de chacun des investisseurs pour être en mesure de prédire leurs réactions lors de changements
stratégiques cruciaux. Ce profilage s’effectue à l’aide de données trouvées à l’étape précédente ainsi que
par une étude de l’horizon d’analyse et du type d’information recherché par ces investisseurs.
4.3.1-Horizon d’analyse
Tout d’abord, il est important de différencier un horizon de placement d’un horizon d’analyse. Un
investisseur clé peut évaluer une compagnie en fonction d’information basée sur le long terme sans être
nécessairement un investisseur à long terme. L’horizon d’analyse est donc en lien avec le traitement et
l’utilisation de l’information dans le temps alors que l’horizon de placement concerne la durée d’un
placement (ex : 5, 10 ou 30 ans). Par exemple, une information traitant de la construction d’une nouvelle
usine peut être d’aucun intérêt pour un investisseur ayant un horizon d’analyse court terme alors qu’elle
peut être cruciale pour un investisseur analysant à long terme. L’horizon d’analyse est aussi un élément
important entrant dans les modèles d’évaluations. Pour prédire la valeur future d’une compagnie, les
investisseurs clés utilisent différents modèles d’évaluations en fonction de l’information qu’ils jugent
pertinente. Il existe pour chacun des investisseurs clés, selon les modèles d’évaluations utilisés, un point
dans le temps où l’information qu’ils utilisent n’a plus d’impact pour prédire la valeur future d’une
compagnie.
Les auteurs ont segmenté les investisseurs clés selon trois types d’horizon d’analyse. Il existe des
caractéristiques distinctives importantes pour chacune des catégories. Premièrement, les auteurs identifient
un groupe qu’ils nomment ``fundamental analyst``. Les analystes fondamentaux ont un attrait pour
l’information qui leur permet d’élaborer des projections à long terme. Cependant, il ne s’agit pas
nécessairement d’investisseurs à long terme11
. Ils ont un faible intérêt pour l’information court terme
qu’ils considèrent peu fiable. Pour effectuer des décisions d’investissement, les analystes fondamentaux
comparent généralement la valeur actuelle d’une action à une valeur estimée provenant d’un modèle
d’actualisation long terme des flux monétaires (cinq ans et plus). Les auteurs affirment que cette catégorie
représente généralement moins de la moitié du bassin des investisseurs clés d’une compagnie.
La deuxième catégorie que les auteurs nomment ``news forecasters`` est caractérisée par un
horizon d’analyse à moyen terme. Ce groupe porte une attention particulière aux changements et annonces
qui peuvent survenir dans les 12 à 18 mois à venir. Afin d’élaborer des décisions d’investissements, ils
transigent à l’aide de prédictions sur des annonces ou changements stratégiques possible à moyen terme
(ex : fusion-acquisition, changement de directeurs). Les auteurs évaluent que le tiers des investisseurs
institutionnels aux États-Unis entrent dans cette catégorie. Finalement, les investisseurs avec l’horizon
d’analyse la plus courte sont appelés ``event bettors``. Ce groupe joue un rôle moins important parmi les
investisseurs clés d’une entreprise. Les ``event bettors`` sont en règle générale de plus petits investisseurs
que les groupes précédents. Pour constituer des décisions d’investissement, ils analysent de façon serrée la
valeur du titre en bourse et transigent sur des évènements spécifiques et ponctuels (annonce d’un
important contrat, prédiction des revenus ou dividendes).
La segmentation des investisseurs est un thème récurrent dans la littérature sur la relation aux
investisseurs. Selon le type de segmentation utilisé (ex : forme légale ou horizon d’analyse), une
10 SEC form 485POS 11 Les auteurs affirment que très peu d’analystes fondamentaux ont un horizon de placement aussi long que leur horizon d’analyse.
13
compréhension différente des institutionnels peut survenir. Ce besoin de classification provient de la
tentative d’émettre des messages personnalisés aux investisseurs selon ce qu’ils désirent entendre. Coyne
et Witter ont choisi une classification qui se base sur l’horizon d’analyse en combinaison avec le contenu
analysé. Ils obtiennent ainsi neuf types comportementaux. Dans les prochains paragraphes, une
comparaison entre la segmentation des institutionnels appliquée dans l’IBF et celles utilisées par d’autres
auteurs sera effectuée pour établir la validité de la classification de Coyne et Witter.
Une approche classique de classification est la forme légale. Les investisseurs institutionnels sont
séparés ainsi : banques, compagnies d’assurance, firmes d’investissement, fonds communs de placement
et caisse de retraite. Le raisonnement est que les entités ont des responsabilités fiduciaires différentes qui
vont mener à des normes et styles d’investissement distincts12
. L’avantage principal de cette classification
est qu’elle est simple et que les données sont normalement classées de cette façon dans plusieurs bases de
données. Le plus grand désavantage est lié au fait qu’il existe de grandes variations entre l’horizon
d’investissement et la sensibilité des entités aux nouvelles à court terme. Comparativement à ce type de
classification, la méthode utilisée dans l’IBF semble plus efficace.
Une segmentation qui mérite une attention particulière est celle utilisée par Brian Bushee (2004).
Elle est basé sur le comportement transactionnel des institutionnels. Bushee à identifié trois catégories
d’institutionnels en fonction de deux variables qui sont : la stabilité de détention ainsi que la proportion de
détention du titre. Ces variables identifiées par Porter (1992) permettent d’illustrer les différences
majeures caractérisant les investisseurs institutionnels. La première catégorie appelée ``transient
investors`` procède à une grande rotation de titres et détient de faibles positions dans les entreprises. Ils
ont un horizon de placement à court terme et transigent activement pour maximiser les profits selon cet
horizon. Bushee évalue cette portion d’investisseurs à 31 % des institutionnels entre 1982 et 2002. Les
``transient investors``sont comparable aux ``event bettor``décrits par Coyne et Witter en raison de leur
horizon d’analyse basé sur une courte période.
La deuxième catégorie appelée ``dedicated investors`` effectue peu de rotation de titres et détiens
ses positions sur de longues périodes de temps. Ils investissent dans un nombre inférieur de compagnies,
mais avec des positions plus importantes. Leur proportion est moindre que les ``transient investors`` et se
situait à 8 % des institutionnels entre 1982 et 2002. Tout comme les ``fundamental analyst`` de Coyne et
Witter, cette catégorie a tendance à supporter l’équipe de direction lors de périodes de volatilité et possède
un horizon d’analyse basé sur long terme
Contrairement aux catégories précédentes, la famille d’investisseurs appelée ``quasi-indexer`` ne
se retrouve pas dans l’IBF. Les ``quasi-indexer`` qui représentent près de 61 % des institutionnels (entre
1982-2002) sont caractérisé par une faible rotation des titres combinés à une faible proportion de détention
dans les compagnies. Ils sont donc présents dans un grand nombre de compagnies, mais en faible
proportion. Coyne et Witter ont écarté ces investisseurs puisqu’ils transigent peu et qu’ils conservent
généralement une position pour plusieurs années. Ils ont tendance à modifier leur position que lorsqu’un
changement majeur survient au sein d’une compagnie. La méthode de classification de Bushee est
intéressante étant donné qu’il l’utilise depuis quelques années. D’autres auteurs l’utilisent également dans
des recherches sur le comportement des investisseurs institutionnels. Cette situation démontre une certaine
reconnaissance de sa méthode.
12 Del Guercio, Diane, The Distorting Effect of the Prudent-Man Law on Institutional Equity Investments, Journal of Financial Economics (Jan.
1996), pp. 31-62
14
Une classification qui mérite une attention particulière est celle développée dans l’article de Palter et al
(2008). Les auteurs ont segmenté en trois classes les investisseurs institutionnels comme le démontre le
tableau ci-dessous :
Tableau 2 : Description des types d’investisseurs institutionnels selon Palter et al
Type d’investisseurs institutionnels
Intrinsic Mechanical Traders
Cara
ctér
isti
qu
es
Prends position dans une
compagnie suite à un contrôle
diligent de la compagnie
Alloue en moyenne entre 2 et
3 % du portefeuille à une
compagnie
3-10 compagnies/analyste
Détention d’un titre sur
plusieurs années
Supporte la direction dans des
périodes de volatilité à court
terme
Transige en grands blocs
d’actions
Détiens 20 % des titres US
Utilise des modèles
informatiques pour la
sélection de titres
Décisions
d’investissements prises en
fonction de règles et
critères stricts
Pratique généralement
l’indexation
100-150 compagnies par
analyste
Peu d’intérêt pour la
relation aux investisseurs
et des discussions avec la
direction
Détiens 32 % des titres US
Recherche des gains
financiers à court terme
Transige sur des évènements
spécifiques et ponctuels
Ne recherche pas une
compréhension en
profondeur de la compagnie,
mais à transiger sur de
l’information supérieure
20 compagnie et plus par
analyste
Détiens 35 % des titres US
Cette classification ressemble fortement à celle utilisée par Bushee en se basant aussi sur le
comportement transactionnel. Ces auteurs sont donc en contraste avec Coyne et Witter qui utilise
l’horizon d’analyse. Toutefois, l’objectif de segmentation des institutionnels semble différent entre les
auteurs. Le type de segmentation utilisé par Bushee et Palter (et al) vise davantage une classification
générale de tous les institutionnels, peu importe l’impact qu’ils ont sur la valeur de l’action. Selon ces
auteurs, il est du devoir des dirigeants de communiquer avec les catégories qui comptent le plus pour la
compagnie. Coyne et Witter pour leur part, ne segmentent que les investisseurs qu’ils considèrent
significatifs ignorant ceux du type passif ou trop actif. Ayant des objectifs divergents, il est donc normal
de se retrouver avec une classification divergente. Cette situation permet difficilement d’établir si une
méthode de classification est supérieure à une autre. La méthode de segmentation utilisée par Coyne et
Witter a tout de même quelques similitudes à celles des autres auteurs et demeure justifiable en raison de
son objectif principal qui est différent.
4.3.2-Type d’information analysé
Il est important de connaître l’horizon d’analyse des investisseurs clés, mais également de
comprendre le type d’information précis qu’ils regardent. Certains investisseurs peuvent s’attarder plus
longuement à des données quantitatives alors que d’autres vont miser davantage sur de l’information
qualitative. Combiné avec l’horizon d’analyse déterminé précédemment, une bonne connaissance du
contenu analysé permettra d’établir un profil complet et fiable des investisseurs clés. Ce profil contribuera
par la suite à établir de meilleures prédictions.
Les auteurs ont établi trois catégories en ce qui concerne le type de contenu recherché de la part
des investisseurs clés :
15
Tableau 3 : Description des catégories de contenu analysé par les investisseurs clés
Catégories Description
1- Données
organisationnelles
Type d’investisseur qui met principalement l’accent sur l’information
concernant l’équipe de direction ainsi que le conseil d’administration.
2- Données
stratégiques et
opérationnelles
Type d’investisseur intéressé par des données traitant de la structure des coûts,
de la technologie utilisée par rapport à la concurrence, de la chaîne de valeur
et des caractéristiques touchant les cinq forces de Porter.
3- Données financières Type d’investisseur particulièrement concerné par l’information affectant les
conditions et résultats financiers de l’entreprise.
Une fois identifiées pour chacun des investisseurs clés, ces catégories permettent d’atteindre un
des objectifs principaux de l’IBF qui est de personnaliser les messages transmis aux investisseurs selon
leur profil. Les auteurs affirment que l’horizon d’analyse est indépendant aux différentes catégories de
contenu analysé. Par exemple, un ``fundamental analyst`` peut avoir un attrait pour les données
organisationnelles alors qu’un autre peut être attiré plus précisément par les données financières. Ces
différents jumelages mènent donc à neuf catégories ayant leurs propres caractéristiques. Il est peu
probable qu’une compagnie se retrouve avec les neuf catégories dans son bassin d’investisseurs.
Cependant, en fonction de l’information qu’elle émet et de l’industrie dans laquelle elle se retrouve, une
compagnie va se retrouver avec un mélange de quelques catégories.
La littérature traitant de ce que désirent concrètement les investisseurs institutionnels est limitée.
Malgré tout, il est simple de trouver de l’information sur ce qui attire les institutionnels dans une
compagnie. Par exemple, Bushee (2004) inclut directement dans la classification des institutionnels le type
d’information analysé par ceux-ci contrairement à Coyne et Witter qui traite indépendamment ces deux
éléments. Pour Bushee, un investisseur de type ``transient`` sera plus intéressé par de l’information
concernant les dividendes et les bénéfices (court terme). À l'inverse, un investisseur de type ``dedicated``
sera plus intéressé par des données qualitatives traitant de la qualité des gestionnaires par exemple.
L’analyse effectuée par Palter et al s’inscrit dans le même sens que l’analyse effectuée par Bushee.
Il est important de rappeler qu’un des buts de Coyne et Witter est d’être en mesure de livrer un
message plus personnalisé lors des communications avec les investisseurs. Les auteurs sont conscients
qu’il peut être difficile de différencier les neuf catégories lorsqu’ils affirment : ‘’… the differentiation
among types is not always clear-cut’’. Cette classification peut devenir lourde lorsqu’il vient le temps de
mettre en application l’IBF. En intégrant le type d’information à la classification des institutionnels
comme le fait Bushee, les entreprises s’exposent à moins de flexibilité lorsqu’il vient le temps d’établir un
profil comportemental pour chacun des investisseurs. Il s’agit donc pour l’entreprise de déterminer les
avantages qu’elle peut tirer d’une segmentation plus rigoureuse en fonction des coûts monétaires et
temporels qui s’y rattachent. L’importance accordée à cette étape de l’IBF sera déterminante sur la
précision des prédictions. En fonction de ces nouvelles données, il n’est pas possible de clairement définir
quelle méthode de classification ou d’analyse du type d’information est supérieure à une autre. Cependant,
il est possible d’affirmer que la classification utilisée par Bushee est intéressante en raison de sa facilité et
par le fait qu’elle a été reprise par quelques auteurs au cours des années.
4.4-Prédire les réactions des investisseurs clés à des changements stratégiques cruciaux
À ce stade du processus, l’IBF à contribuer à mieux comprendre les méthodes d’évaluation
utilisées par les investisseurs clés et par le fait même le type d’information qui est crucial pour eux.
Toutefois, certaines informations peuvent être manquantes quant à la perception des investisseurs sur
certaines situations et stratégies (ex : fusion-acquisition, intégration d’un nouveau marché). La
connaissance de ces informations permettra alors de prédire avec une plus grande précision comment les
16
investisseurs peuvent réagir à des changements stratégiques cruciaux. Pour ce faire, les auteurs établissent
deux méthodes. Tout d’abord, dans le cas de décisions de moindres importances, ils recommandent
d’utiliser les données transactionnelles passées pour trouver les réponses nécessaires. Cependant, lors de
changements stratégiques cruciaux, ils suggèrent d’effectuer une analyse plus poussée. Des entrevues avec
les investisseurs clés sont alors nécessaires pour comprendre comment ils pourraient percevoir les
changements futurs et connaître leurs réactions potentielles à ces changements. Dans ce processus
d’entrevue, il est primordial de porter une attention particulière pour ne pas divulguer d’information
privilégiée aux investisseurs ou de poser des questions qui pourraient violer des règlements imposés par
les autorités gouvernementales (SEC).
Coyne et Witter recommandent deux manières pour poser des questions lors d’entrevues. La
première méthode consiste à poser des questions indirectement aux investisseurs clés pour soutirer les
renseignements nécessaires. Pour comprendre le raisonnement de l’investisseur et ainsi appréhender
comment il pourrait réagir à certaines annonces, il peut être utile de poser des questions sur ses
comportements passés dans d’autres compagnies. Comme méthode alternative, les auteurs proposent par
l’entremise de discussions entre une tierce partie et l’investisseur de connaître le point de vue de celui-ci
sur plusieurs scénarios potentiels envisageables par la compagnie. Parmi ces scénarios, il y a évidemment
celui que compte mettre en application la compagnie. De cette manière, l’investisseur ne sera en mesure
de reconnaître le scénario le plus plausible tout en limitant le risque de transfert d’information privilégiée.
Un défi important de cette étape est de respecter la règlementation en place lors des entrevues. La
Securities and Exchange Commission (SEC) a élaboré depuis le début des années 2000 plusieurs lois et
règlements qui ont un impact significatif sur la manière d’effectuer la relation aux investisseurs. La loi
touchant le plus l’IBF est la SEC Regulation Fair Discolure (Reg FD) qui depuis le 23 octobre 2000, a
pour but d’assurer que tous les intervenants sur le marché ont accès à de l’information importante
(material information) au même moment. Cette règlementation permet désormais de punir les compagnies
qui dévoile de l’information cruciale et stratégique qu’à un petit groupe d’investisseurs sélectionné13
. La
Reg FD s’applique tout particulièrement aux dirigeants, directeurs, directeurs des relations aux
investisseurs ainsi qu’aux analystes, investisseurs professionnels ou autres détenteurs de titres qui
pourraient transiger sur de l’information dite ``privilégiée``. Un certain mouvement de panique a suivi la
mise en application de cette règlementation où plusieurs compagnies ont cessé différentes activités de
mise en contact avec les investisseurs (conférences, visites et discussions téléphoniques). La SEC
n’interdit pas ces pratiques, mais recommande aux entreprises d’user de bon sens lorsqu’elle rencontre les
investisseurs auxquels s’applique la Reg FD.
Les auteurs sont d’avis que la Reg FD ne limite aucunement le processus d’entrevue parfois
nécessaire. Ils considèrent que la règlementation n’empêche aucunement la rencontre et l’échange
d’information entre les investisseurs et la compagnie. Les compagnies ont encore le droit de poser des
questions aux investisseurs et d’écouter ce que ceux-ci ont comme opinion sur la compagnie. Les
rencontres doivent être bien préparées et ne pas déborder subtilement vers des discussions qui ne
respecteraient pas la règlementation en vigueur. Le président de la NIRI, M. Louis M. Thompson, Jr. va
dans le même sens que Coyne et Witter dans un communiqué de presse sur l’application de la Reg FD en
affirmant ‘’ one-on-one discussions, whether by phone or face-to-face, continue to be an important
component of a company's investor relations program. Company officials, directors and spokespersons
covered by Reg. FD must be careful to avoid disclosing material, nonpublic information in these
discussions.14
‘’ La NIRI recommande cependant, aux directeurs lors d’échanges avec les investisseurs de
toujours être accompagnés par une personne ayant une bonne connaissance de l’information qui a été
précédemment rendue publique. Cette façon de faire peut éviter de dévoiler de l’information non publique
13Voir Investor Business Relation : SEC Fair Disclosure Proposals Meet with a Mixed Reaction 14 Guidance for Compliance with Regulation FD disponible à http://www.niri.org/regulations/ExecAlerts/EA091001.cfm
17
au mauvais moment. Il serait fortement recommandé aux entreprises d’intégrer cette recommandation
dans un processus d’IBF pour éviter des problèmes avec la SEC.
Les styles d’entrevues recommandés par les auteurs peuvent être considérés à la limite de
l’éthique pour certaines compagnies. L’honnêteté et la transparence jouent un rôle crucial dans la relation
aux investisseurs. L’échange entre une compagnie et ces investisseurs est généralement basé sur une
relation gagnant-gagnant. Un bris de confiance de l’une des parties peut avoir des conséquences néfastes.
Un gestionnaire de portefeuilles décrit bien dans l’article de Palter et al la fragilité qu’il peut exister si un
doute persiste sur l’honnêteté de l’autre partie en affirmant : ``I don’t want inside information. But I do
want management to look me in the eye when they talk about their performance. If they avoid a discussion
or explanation, we will not invest, no matter how attractive the numbers look``. La recommandation usant
d’une tierce partie pour parler de divers scénarios avec l’investisseur peut s’avérer utile à court terme.
Cependant, elle peut potentiellement se retourner contre la compagnie lors d’entrevues ultérieures en
instaurant un climat de méfiance de la part de l’investisseur. Il est donc davantage recommandé d’opter
pour l’utilisation de questions indirectes.
Une autre loi ayant un impact sur la relation aux investisseurs est celle de Sarbanes-Oxley qui fut
effective en juillet 2002. Cette loi qui se veut une réponse aux scandales financiers du début des années
2000 impose de nouvelles règles comptables et incite à une plus grande transparence financière. Cette
règlementation a eu un impact sur divers aspects de la comptabilité, mais notamment sur la relation aux
investisseurs en tentant d’augmenter l’indépendance des analystes financiers et d’améliorer la
transparence financière. Bien qu’il s’agisse d’une loi importante, elle ne sera pas traitée comme la Reg FD
puisqu’elle n’a pas d’impact direct sur les étapes du processus d’IBF. Toutefois, il était essentiel d’en faire
mention étant donné l’impact qu’elle a eu sur la manière d’effectuer la relation aux investisseurs.
4.5- Estimation de la variation de l’action
Maintenant que le processus d’IBF est complété, il s’agit d’estimer la variation potentielle de
l’action suite à une annonce stratégique majeure. Avec l’information antérieurement recueillie, le
département de relation aux investisseurs devrait avoir à ce stade, une juste opinion du nombre d’actions
qui devraient être transigé (achat, vente ou maintien) par chacun des investisseurs clés selon le type
d’annonce possible. Les étapes suivantes permettent d’estimer la valeur de l’action :
1. Élaborer un nuage de points à l’aide du nombre d’actions potentiellement achetée ou vendue pour
chaque investisseur (axe des x) en fonction de la variation en pourcentage de la valeur de l’action
(axe des y).
2. Déterminer la ligne de régression.
3. Déterminer la position nette d’actions vendues ou achetées selon la somme des transactions
potentielles de chacun des investisseurs clés.
4. Localiser la position nette d’actions vendues ou achetées sur l’axe des x
5. Trouver la variation de l’action à l’aide du point déterminé à l’étape 4 et de la ligne de régression.
Bien que plusieurs calculs mathématiques soient requis, cette étape devrait être relativement facile
pour les entreprises voulant pratiquer l’IBF. Le principal défi provient quant aux prédictions effectuées
pour chacun des investisseurs clés. Les entreprises ayant bien complété toutes les étapes de l’IBF
devraient accomplir cette tâche sans problèmes majeurs. Pour déterminer la précision des prédictions, il
peut être souhaitable pour les entreprises de se pratiquer avec des données transactionnelles passées
comme le suggère l’annexe 2. Étant donné qu’il peut survenir des erreurs avec l’utilisation de prédictions,
il est recommandé d’établir plusieurs scénarios qui permettront d’établir un intervalle de variation de
l’action. À la suite de ces résultats, il ne restera plus qu’aux gestionnaires à décider s’ils sont à l’aise avec
cet intervalle en fonction de l’annonce stratégique qu’ils s’apprêtent à annoncer.
18
Conclusion
En conclusion, suite à l’analyse effectuée tout au long de cet essai, d’importants constats tant aux
niveaux théoriques que pratiques démontrent qu’une mise en application de l’IBF par des entreprises est
plausible. Tout d’abord, un retour sur l’évolution de la relation aux investisseurs a permis de mieux
comprendre les facteurs ayant motivé Coyne et Witter à constituer une approche du type IBF. L’IBF se
fonde donc sur un désir de personnalisation des communications émises par les compagnies en fonction du
type d’investisseurs et sur une optimisation des communications entre les dirigeants et la communauté
financière. Il a été démontré par la suite que l’IBF est constitué de plusieurs concepts, idées et théories se
retrouvant amplement dans la littérature sur la nouvelle approche de la relation aux investisseurs. Bien que
ces éléments ne soient pas dans tous les cas identiques entre les auteurs, les similitudes qu’il est possible
d’en tirer démontrent une reconnaissance et une acceptation de certaines notions par ces auteurs. Au
niveau théorique, l’IBF est donc une nouvelle approche crédible à la relation aux investisseurs.
Au niveau pratique, l’analyse effectuée n’a pas permis de trouver d’éléments majeurs qui
pourraient limiter la mise en application de l’IBF par des entreprises. Cependant, l’application de l’IBF
peut s’effectuer sous certaines conditions. Malgré que ce concept semble accessible à tout type
d’entreprises, l’IBF s’adresse davantage aux grandes sociétés publiques. Pour une mise en application
concrète, les compagnies doivent être prêtes à allouer d’importantes ressources tant matérielles que
monétaires à l’étude des investisseurs clés. Cette situation limite évidemment l’accès aux petites et
moyennes entreprises. Ces entreprises, moins suivies par les investisseurs institutionnels, peuvent
également éprouver de la difficulté à trouver de l’information publique sur les détenteurs de leurs actions
ce qui complexifie le processus d’IBF. L’IBF demande également une grande transformation sur la
manière de percevoir les investisseurs. Il devient alors important de se soucier des profils distinctifs de
chacun des investisseurs clés pour être en mesure de prédire leurs réactions lors d’annonces stratégiques.
Un changement de vision aussi important de la part de l’équipe de direction ne peut s’effectuer
instantanément. Pour être pleinement efficace, l’intégration d’un processus d’IBF au sein d’une entreprise
ne peut être appliquée qu’à moitié et nécessite des changements organisationnels importants. Plus
précisément, quant au rôle joué par le département de la relation aux investisseurs relativement aux
décisions stratégiques mises de l’avant par la direction.
À l’heure actuelle, il est impossible de nier qu’il existe un bon nombre d’alternatives à la méthode
développée par Coyne et Witter. Malgré qu’il s’agisse d’un processus très intéressant pour les entreprises,
il est difficile de connaître l’approche qui sera préconisée par les praticiens au cours des prochaines
années.
19
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21
Annexe 1
Évolution des définitions de la relation aux investisseurs
Savage (1970) : Investor relations is to establish and maintain a fair market value for a company’s
securities
Kennedy et Wilson (1980) : … the communication function that links the public corporation with its
relevant investment markets. It is the need and art of financial communication of relevant and timely
information to all relevant investment markets so that investors can make intelligent risk-reward decisions
concerning their prospective ownership positions (buy-hold-sell).
NIRI (2007) : …a strategic management responsability that integrates finance, communication, marketing
and securities law compliance to enable the most effective two-way communication between a company,
the financial community, and other constituencies, which ultimately contributes to a company’s securities
achieving fair valuation
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Annexe 2
Pour être en mesure de faire des prédictions sur la variation du prix de l’action d’une compagnie et
déterminer le nombre d’investisseurs devant figurer sur la liste d’investisseurs clés, les auteurs utilisent un
modèle de régression linéaire simple comme dans le tableau ci-dessous. Le coefficient de détermination*
est utilisé pour établir la précision des prédictions. Un coefficient de détermination bas mènera à des
prédictions médiocres alors qu’un coefficient de détermination élevé, malgré une précision accrue,
ajoutera énormément en coût et complexité au processus d’IBF. Afin de déterminer le nombre
d’investisseurs actifs qui devraient figurer sur la liste, les auteurs recommandent d’utiliser le modèle de
régression simple à l’aide des comportements transactionnels passés pour en arriver à un coefficient de
détermination convenable pour l’entreprise versus les ressources disponibles et les coûts requis.
* Variation totale en pourcentage de la variable dépendante causé par la variable indépendante. Lors d’une régression linéaire
simple, le coefficient de corrélation au carré est égal au coefficient de détermination.
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Annexe 3
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