LILIANA CHIABURU L'architecture traditionnelle roumaine est une architecture de l'ombre

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    14/2/2016 LILIANA CHIABURU - L'architecture traditionnelle roumaine est une architecture de l'ombre

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    LILIANA CHIABURU - L'architecture traditionnelle

    roumaine est une architecture de l'ombre

    Si le retour à la tradition suscite un intérêt grandissant dans certains milieux, il existe encore

    très peu de professionnels roumains capables d'offrir le savoir-faire d'antan. Liliana Chiaburu

    est l'une des rares architectes à s'être penchés sur les proportions des maisons paysannes

    anciennes pour les adapter au contexte actuel. Le Petitjournal.com l'a rencontrée.Photo : DR

    Le Petitjournal.com/Bucarest - Qu'est-ce qu'une maison traditionnelle roumaine ?

    Liliana Chiaburu - La maison traditionnelle roumaine a quelques éléments importants. Le premier 

    est le  pridvor  ou prispa (véranda ouverte, ndlr). Il peut être très étroit et ne couvrir qu'un seul côté de

    la construction. Quand il s'étend sur plusieurs côtés de la maison, c'est signe de richesse. Son rôle

    est d'accueillir le regard du visiteur pour qu'il se sente enveloppé. L'architecture roumaine est une

    architecture de l'ombre. Cette terrasse offre de l'ombre au visiteur et l'introduit dans un état d'esprit

    totalement différent que celui des maisons aux façades pleines. L'architecture roumaine n'est pasune architecture de façade mais de l'espace, parce que la terrasse qui l'entoure n'est pas une

    façade, mais un volume. Et ce volume n'a pas besoin d'être décoré, c'est juste un espace, pur et

    poétique.

     Y-a-t-il d'autres éléments typiques ?

    Oui. Le toit à quatre pans. Les Roumains pensent aujourd'hui que les toits à deux pans sont

    modernes car ils ont vu ça aux États-Unis. Mais là-bas, il s'agit d'une architecture bon marché et non

    pas moderne comme on la considère chez nous. Une autre caractéristique est celle du rythme donné

    par les piliers de la  prispa. L'architecture roumaine ressemble par son rythme et sa proportion avec

    l'architecture grec classique, à la différence des architectures balkaniques qui sont pittoresques et

    n'ont pas ce rythme donné par les piliers. L'architecture roumaine ressemble également avec celle

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     japonaise, qui est très proche de la nature. Certaines maisons traditionnelles du Japon peuvent être

    confondues avec des maisons roumaines, c'est très intéressant.

    Existe-t-il aussi une spécificité roumaine à l'intérieur de la maison ?

    Non, pas vraiment. Si ce n'est la lumière qui n'entre pas directement à l'intérieur. Elle est reflétée par 

    la terrasse qui l'entoure. La lumière directe est crue, celle reflétée est plus intime. Elle rapproche des

    autres. On n'utilise pas de volets dans les maisons roumaines car on se sent protégé. Unecomparaison peut encore une fois être faite avec les maisons japonaises traditionnelles.

    Comment l'architecture traditionnelle est-elle appréciée par les architectes roumains ?

    En 1986, quand j'ai terminé mes études, on survolait l'architecture traditionnelle sans essayer de

    l'expliquer. Moi, j'ai été répartie dans une agence où l'on dessinait des immeubles communistes.

    Cela n'avait bien évidemment aucun lien avec l'architecture traditionnelle. Mais quasiment plus

    personne n'en faisait à l'époque. Il a existé un courant à la mode durant l'Entre-deux-guerres, qui

    mélangeait des éléments traditionnels à l'architecture roumaine moderne. L'un des architectes qui en

    faisait partie, Octav Doicescu, a tenté de continuer après 1945. Mais il a été très critiqué à l'époque.

    On disait qu'il fallait se moderniser et non pas retourner vers la campagne. Dans les années 70, un

    autre courant a tenté d'intégrer des éléments locaux sur les façades, mais de manière très formelle.

    Et après 1989 ?

    Vous savez, les architectes roumains sont très cosmopolites car ils sont très complexés. Ils veulent

    être reconnus par le reste du monde et n'assument pas leurs origines. C'est comme les paysans qui,

    en ville, ne veulent pas qu'on sache qu'ils sont originaires de la campagne. Le comportement des

    architectes roumains est identique. Constantin Joja a été l'un des seuls à travailler sur l'architecturetraditionnelle à la fin de la période communiste et un peu après la révolution. Mais sont travail a été

    méprisé.

    Comment en êtes-vous arrivée à vous intéresser à l'architecture traditionnelle roumaine ?

    En renonçant à l'architecture. J'ai fait une pause dans ma carrière et me suis lancée dans le

     journalisme. Quand je me suis remise à l'architecture, j'ai abordé ce métier de manière différente, en

    me rapportant d'abord au bénéficiaire. C'est comme cela, selon moi, que l'architecture devrait être

    enseignée à la faculté. Mettre toutes ses connaissances, toute sa rigueur, pour exprimer les désirs

    du bénéficiaire. Avant, les gens faisaient des maisons qui les représentaient, dans lesquelles ils se

    sentaient bien. Aujourd'hui, les architectes roumains demandent à leur client la surface voulue et se

    mettent à dessiner. Parfois, ils vendent un projet déjà préconçu. On ne leur a pas appris à écouter.

    C'est une vraie carence de l'école.

    Propos recueillis par Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Lundi 4 Mai 2015