Liberation Du Mercredi 27 Avril 2016

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    Vued’artiste duShortfinBarracuda, typede sous-marin que laFrancedoit fournir à l’Australie à partir de2027.  PHOTO AFP

    Vingt mille

    liasses sous

    les mers

    ÉDITORIALParLAURENTJOFFRIN

    CynismeJeanJaurès avait écritl’Armée nouvelle. FrançoisHollandea choisi,lui,les bonnes nouvelles pourl’armée. Il y a effective-ment un paradoxe à voirun gouvernement de

    gauche devenir le pluseffi-cace vendeur d’armementparmitousceux qui sesontsuccédéces dernierstemps. Si l’on avait le choix,on préféreraitvoirla France exceller dansl’exportation de produitsplusutilesà l’humanité.Maison connaîtaussila réponse traditionnelle-ment opposée à cesscru-pules respectables.A moins dese rangersou-dain dans lecampdespaci-fistes intégraux, la France,dansun mondedangereux,a besoin d’une défensenationale.Et plutôt

    qued’acheterà d’autresles armements nécessaires,elle considère qu’ellea avantage à les fabriquerelle-même,quitteà enex-porter unepartiepour ré-duire leurcoût dedévelop-pement.Jaurès lui-mêmen’était pas antimilitariste.Il considéraitque le paysdevaitassurersa sécuritépar une stratégiedéfensive,ce quisupposait le main-tien d’unappareil militaire.Aussi bien, la vente desous-marins à la démocra-tieaustralienne, quise mé-fiede l’évolution de la si-tuation géopolitique dans

    le Pacifique Sudet voitd’un œil suspicieux l’affir-mation desambitionschi-noises,n’a rien d’un scan-dale diplomatique ettémoigne plutôt de la qua-litédes constructions na-tionales.Beaucoup pluscritiquable, en revanche,est le transfert d’armes so-phistiquéesà desdictatu-respatentées quis’enservi-ront immanquablementunjourpour atteindredesbuts condamnables. LesONGsoulignentà justeti-trel’usageterrible desar-mesoccidentales dans leconflitdu Yémen. Le réa-

    lisme international est ac-ceptableface à desmena-cesbien réelles.Mais quiddu cynisme?•

    Par

    PIERREALONSO,JEAN-CHRISTOPHEFÉRAUDet ARNAUDVAULERIN (auJapon)

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    Au milieu de la nuit, mardimatin, l’Elyséea envoyéuncommuniqué réjoui :   «Le

    choix parl’Australie de la France etdeDCNS comme partenairespour la

    construction de 12 sous-marinsesthistorique.»  Le Premier ministreaustralien, MalcolmTurnbull, ve-nait d’annoncer lors d’une confé-rence de presse qu’elle confie augroupe deconstruction navalefran-çaisce gigantesquecontratdesous-marins d’attaqueà propulsiondie-selet électrique. Exécutifsfrançaiset australiens égrènent de concertleschiffres mirifiques: un contratà 35 milliardsd’euros,un «mariage»pour50 ans,des milliersd’emploisdanslesdeuxpays…Ledealdusiè-cle,  «exceptionnel» pour l’Elysée,quin’apas attendula ratificationducontratpour exprimer sonenthou-siasme. Le constructeur françaisvienten effetd’entrer

    ennégociationsexclu-sivesavec lesautoritésaustraliennes,après avoiréliminéses deux concurrents: l’allemandThyssenKrupp MarineSystems etle consortium japonais mené parMitsubishiHeavyIndustries. Aprèsl’accordsur ce partenariat stratégi-que,unenouvellephasede discus-sionss’ouvre,commerciales et toutaussi cruciales, pourDNCS.

    Comment les négociationsse sont-elles déroulées?Accumulant les succès à l’exporta-tiondepuis deux ans (lire page5),l’exécutif français a cette fois en-coreappliquésa recette: discrétionstricte pendant les négociations,

    récit triomphal à l’issue. Ainsi,selonl’entouragedu ministrede laDéfense, «l’équipe de France» re-vientde loinet personnene l’atten-dait en finale.Côtéaustralien, la réflexion com-mence à l’été 2014. Canberra pos-sède six sous-marins suédois detypeCollins,ancienset vieillissants,qu’ilfaut doncremplacer. Pasques-tion de rempiler avec la Suède, lacoopérations’étant mal déroulée,achoppant notamment sur lestransfertsdesavoir-faire.La France,quepersonne n’attendsur cecon-trat,insiste-t-on à l’hôtelde Brien-ne,décide des’investir. Début no-vembre2014,Le Drianparticipeaulancement des commémorations

    australiennesdela PremièreGuerremondialeetrencontresonhomolo-gueavecquiilsignedesaccordsdecoopérationopérationnelle.Le mi-

    nistrede la Défenseen revientavecla convictionque la France a «quel-quechose à jouer». La compétitionofficielle démarredébut2015,alorsque l’Australie «nefaitpas mystère

    qu’elleva choisirle Japon». L’offrefrançaise figurenéanmoins parmiles trois retenues.La phase de dialogue qui s’ouvres’avérera favorableà la France.Parismetl’accentsur le développementsupérieurde ses capacitésnavales,seulesà même desatisfaireles be-soins australiens de projection àlongue distance. Fin février, alorsque la proposition française a étédéposée,Le Drian retourne enAus-tralie où il décoredes ancienscom-battants de la Légion d’honneur,visite les chantiers navals d’Ade-laïde… Tout s’accélèrela semainedernière, quand l’affirmation quel’offrejaponaise n’est pas retenue

    fuite dans la presse.

    Côté français, l’espoirgrandit, confirmé

    lundi, jour de l’Anzac (l’entrée enguerre del’Australieaux côtés desAlliés lors de la Première Guerremondiale). LePremierministre aus-tralien appelle FrançoisHollandepour lui annoncer la bonne nou-velle. Le contrat n’est pourtant pasencore finalisé.Unepériodede né-gociationsexclusives, quipourraitdurer entre six mois et un an, dé-bute. C’estdansce cadreque serontprécisés le montant du contrat, leséchéances depaiement,les trans-ferts de technologies… Des ques-tionscruciales surlesquellesde pré-cédentes négociations ont déjàachoppé.La vente de36 Rafale au

    Brésil ne s’est jamais concrétiséemalgré des discussions extrême-ment avancées entre lesprésidentsSarkozyet Lula.Quantauxnégocia-tions exclusivesentreDassault etlegouvernementindien pour 126 avi-ons, elles n’ont pas abouti depuisjanvier2012. La méga commandeest depuispassée au second plan,remplacée par des négociationspour 36 Rafale, qui ne sont, ellesnonplus,pas terminées,fauted’ac-cord sur lesprix.

    Quellesretombéesindustrielles pour la France?Danslesfaits,les retombéespour laFrance sontplus modestesque cemontantrecordpeut le laisser sup-

    poseret surtout encore trèsdiffici-les à évaluer. Sur les 35 milliardsd’euros dece mégacontratsur lepa-pier, seuls 8 milliards devraient

    réellement revenir à D CNS et sesquelque 200 sous-traitants. L’in-dustriel français, n’assureraen effetquela phaseamont duprojet: de-sign, ingénierieet conception dela

    coque,du systèmede propulsionetdes différentséquipementsde dé-tection.Car les sous-marins, dontle premier exemplairedevrait êtremisà l’eauen2027, serontintégrale-ment assemblés à Adelaïde enAus-tralie, avec transfert de technolo-gies. Pour autant, le ministèrefrançaisde la Défense estime quecette première phase d’exécutiondu contrat dévolue à DCNS etses sous-traitants représentera aumoins «4 millions d’heures de tra-vail» pour l’ingénierie. Ce qui de-vrait permettrede créer4 000em-plois sur les principaux sites dugroupe français: Cherbourg,Brest,Lorient et Nantes. Inespéré pourl’entreprise, qui a enregistré une

    perte de 347 millions d’eurosen 2014 et était engagée dans unplanvisantàsupprimer1000pos-tesparmises13000salariés.Maisc’est bienle client desantipodesquidevraitse taillerla partdu lionavecplusde50%desretombéesindus-trielles du contrat, soit une quin-zainede milliardsd’eurosattendus.«Ce projet verra des travailleursaustraliens construire des sous-ma-rinsaustraliens avecde l’acieraus-tralien», a insisté Malcolm Turn-bull,évoquant2 800emplois créésdans la régiond’Adelaïde.Enfin, les industriels américains,quidevaient fournir lesystèmed’ar-mes complet des Barracuda (no-tammentdes missilesde croisière

    Tomahawk), peuvent espérer 30%du total, soit environ 10 milliardsd’euros.

    Pourquoi la France a-t-ellebattu ses concurrents?«L’excellence technologique» vantéepar François Hollanden’est pasleseulfacteurqui a permis cesuccès.L’entourage du ministrede la Dé-fensemetenavantlaproximitédesvuesstratégiques entrela Franceetl’Australie.Les livresblancs récentsdesdeuxEtats étaientraccordsurl’identificationdes menaces princi-pales: liées «à la force» (sous-en-tendula Russiepourle premier, laChine pour le second) et aux ré-seauxjihadistesqui touchentParis

    comme Canberra. L’Australie avaitsuiviavecattentionle dossier delanon-livraisondes Mistralà la Rus-sie. «C’était l’un des paysqui nousinterrogeaientle plussur cedossier.

     Les Australiens ont été reconnais-santsde notredécision», indique unproche du ministre.La victoirefrançaiseest aussi unedéfaite pour l’Allemagne,qui joui-raitd’un moindre «poids stratégi-que». Chez Le Drian, on rappelleainsi que la réunion ministériellesurla lutte contrel’Etatislamiques’est tenue à Paris sous coprési-dencefrançaise etaméricaine…Surleterrain,enIrak,desavionsdelaRoyal Australian Air Force ravi-taillent envol lesRafale français,si-

    gne du rapprochement entre lesdeuxpays–loindelapériode,gla-ciale, desessaisnucléairesfrançaisdans le Pacifique.

    Comment Paris a-t-ilnégocié avec l’Australie

    le mégacontrat de 12 sous-marins qui rapporterait8 milliards d’euros àl’industrie française?

    Suite page 4

    DÉCR YP T A GE

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    Le constata valeurdefeuillederoute. Dans lesvingtpro-chaines années, la région

    indo-pacifiquedevraithébergerla«moitié dessous-marinset desavi-onsde combatau monde», faisaitremarquer le Premier ministreaustralien, MalcolmTurnbull, le25 février.Ce jour-là, il présentaitlesgrandeslignesd’untrès ambi-tieux livre blanc de la défense.

    Parlantde «momentscruciaux»etd’«enjeuxélevés», Malcolm Turn-bull a évoqué la nécessité pourl’Australiede muscler ses capaci-

    tés de défense, notamment enacquérantde nouveauxsous-ma-rins. D’ici à 2026, Canberra dé-bourserala bagatelle de447,6mil-liardsaustraliens (306,6milliards

    d’euros). «Nousserions inquiets, apoursuivi Turnbull, silacourseàl’influence et la croissancedes ca-

     pacités militaires devaientgénérer del’instabilitéet menacerles inté-rêts australiens,quece soiten mer de Chine méridionale,dans la pé-ninsulecoréenne ou ailleurs.»

    Missiles.CarlazoneAsieestlan-céedans uneinquiétante suren-chèresécuritaireet unemilitarisa-tion accrue des îles et desterritoires.La Chine,surtoutde-puisl’arrivée aupouvoirdu prési-dent Xi Jinping en 2012, affichesans mollirson expansionnismeterritorialet maritime.Elleentendaffirmerla souverainetéchinoise

    sur la quasi-totalitéde la mer deChineméridionaleet parfois jus-qu’àplusde 2000 kilomètres desescôtes.DanslesîlesSpratleyset

    Paracels, le régime bétonneà tout va,procèdeà deschantierscolossaux de remblaiementd’îlots,transformantdesrécifs co-ralliensen ports,pistesd’atterris-

    sage,postes d’observationet ram-pes de lancements de missiles.Cettepolitiquedes grands travauxdelaChine,accuséedebâtirune«grande muraille de sable»  parl’amiral HarryHarris, lechef desforces américaines dansle Pacifi-que, pourraitplacer lespaysdelarégionetleursalliés devantun faitaccompli. Pékin «peut finir par avoir le contrôle opérationnel et

    tactique desvoiesmaritimes etaé-riennes» decette régionclé pourle commerce mondial, avançaitrécemment l’amiral Harris.Le régimechinoisentend surtout

    contenir la présenceaméricainedans ce qu’il considère commeson pré carré. Depuis plusieursmois,il accélèrela modernisationde sa pléthorique Armée popu-laire de libération qu’il redirigeversles «zonesdecombats»aériensetmaritimesenmerdeChinemé-ridionale.Le Vietnam,les Philip-pines, Brunei,la Malaisieou en-core Taïwan convoitent etrevendiquent ces îlotsplacés aucœurdes routes commercialesetriches enressources halieutiqueseten hydrocarbures.Etnetolèrentplusla mainmise dePékin.Dansdes proportionsbien moin-dres quela Chine, tous lesEtatsdela région ontmuscléleur défense

    et revu à la hausse leur budgetmilitaire. Le Japon, quin’acceptepas l’hégémoniecroissanted’uneChine économiquementet mili-tairement conquérante, a redé-ployé ses forces vers l’ouest etle sudde l’archipel.Il s’estlancédansune offensivede charmeenAsiedu Sud-Est endépêchantenmarsun sous-marinet deuxbâti-mentsd’escortedansla baieSubicauxPhilippines, puis unnavire auVietnam.Des exerciceset desen-traînementsconjoints ont égale-ment été organisés depuis plu-sieurs semaines.

    Destroyer.Alliés desJaponaisetprésents enforcedansla région

    depuisla finde la SecondeGuerremondiale,les Etats-Unisviennentégalementd’offrirleur aidelogis-tique et financière aux Philip-pines, dontle président, BenignoAquino, a souvent dénoncél’«agressivité» chinoise. Depuisplusieursmois, Washington mul-tiplie lesopérationsmaritimes etlessortiesaériennesau nomde la«liberté de navigation». Fin jan-vier, les autorités chinoisesavaient accusé les Américainsd’être la «plus grandecausede lamilitarisation dans la mer deChineméridionale»aprèslepas-sagedu destroyerUSSCurtis Wil-burdans leseauxde l’îleTriton.Ces derniers jours, c’était au

    tourdu porte-avions USSJohn C.Stennisdecroiseren mer deChineméridionaleoù il a accueillile se-crétaire américain à la Défense,AshtonCarter. Cederniera répétél’importance dela «libertéde navi-

     gation». Un credo défendu parl’Australie, quirestel’un desalliésindéfectibles des Etats-Unis.En mars, Malcolm Turnbull ju-geait «contre-productives»lesopé-rations militaires de Pékin. Etappelait à un respect du droit.Dansles prochainessemaines,laCour permanented’arbitrage,si-tuée à La Haye, statuera surdesrevendications territoriales pré-sentéespar lesPhilippinescontrela Chine. Pékin a d’ores et déjà

    indiqué qu’il ne tiendrait pascomptede la décision.

    ARNAUD VAULERINCorrespondantau Japon

    L’expansion chinoiseen toile de fondL’implantationde Pékin sur des îlotsen mer de Chineméridionale,

    revendiquéspar plusieurs pays,pousse l’Australieet leur allié américainà muscler leur budgetconsacré à la défense.

    97 mètres

    Propulsiondiesel-électrique

    Equipage60 marins

    4 500 tonnes en immersion

    Source : DCNS

    SHORTFIN BARRACUDA BLOCK 1A

    • 12 sous-marins pour 34 milliards d’euros

    • Première mise en service prévue pour 2027

    un design et un système de propulsion à

    pompes-hélices étudiés pour réduireau maximum son empreinte sonore.De classe océanique, le Barracuda pourraainsi se déplacer silencieusement à plusde 20 nœuds (près de 40km/h), plongerà 350 mètres de profonde ur et resterimmergé p endant 80 jours. Avec sonarmement (sans doute américain)comprenant plusieurs lance-torpilleset différents types de missiles (de croisière,antinavire, antiaérien…), cette machinede guerre devrait remplir toutesles missions dévolues à un SNA :protection d’un groupe aéronaval, maîtrisede zone maritime, frappe contre desobjectifs terrestres ou projection decommandos des forces spéciales. J-C.F.

    Présenté par DCNS comm e «lesous-marin

    à propulsion conventionnelle leplusavancédumonde», le Shortfin Barracudaest un bâtiment beaucoup plus moderneque les sous-marins Collins de conceptionsuédoise dont est dotée la Navyaustralienne dep uis les années 90. Il est eneffet conçu sur la base de la procha inegénération de sous-marins nucléairesd’attaque (SNA) français dont le premierexemplaire, le Suffren, sera livré en 2017 à lamarine nationale. Propulsé par un bloc demoteurs hybrides diesel-électrique,ce monstre de 97 mètres de long jaugeraplus de 4500 tonnes et embarqueraun équipage de 60 membres. Ses pointsforts seront l’endurance et la furtivité–le nerf de la guerre sous-marine– grâce à

    UnBarracudaarmé jusqu’auxdents

    La France n’apaslésinésur lespetitesattentions.Après le G20 de Brisbane mi-no-vembre2014, FrançoisHollande aeffectué la première visite d’Etat

    d’unprésidentfrançaisen Austra-lie. L’Elysée a ensuite ponctuelle-ment appuyé les démarches fran-çaises, souligneun conseiller.Lechoixde DCNSestsurtout unsa-créreverspour le Japon, quiavaitpourtantmouillé sa chemisepouremporter ce contrat. Sans expé-rience,vu comme «unnain débu-tantsur le marché de l’armement»,selonun diplomate militaire, le Ja-ponavaitbesoind’unsuccès. Et ilalongtempscruleteniraveccemar-chépourlequelil proposaitunever-sionaméliorée deson submersibleà propulsion diesel-électrique, leSoryulancéen 2009. Enmatière dedéfense,le Japons’estrapprochédel’Australieen 2007, lorsdu premier

    passage deShinzoAbeà latêtedugouvernement.Revenuau pouvoiren2012,Abe a relancé sonoffensivedeséductionen signantun «parte-nariat stratégiquespécial» deuxansplus tard.L’Australie,elle, a donnéà Tokyo des gages de son intérêtpourleSoryu.Aumoisdefévrier,laministre australiennedes Affairesétrangères avait encore vanté laqualitédes relations, «toujoursex-cellentes»,avecleJaponetsoulignél’«importancestratégique» ducon-trat. Maisdepuisque Tony Abbotta dû quitter son poste de chef dugouvernementaustralien, en sep-tembre,l’offrejaponaisea probable-mentperduunepart deson aura.Son successeur,MalcolmTurnbull

    n’a paseu l’heurd’avoir lemêmein-térêt pour Abe. Le Japonais a ac-cueilli l’Australien endécembre, no-tamment pour lui vanter tous lesméritesdu Soryu,maisl’ententeen-treles deuxhommes n’a pasatteintle même niveaude proximité.Des explications techniques etconjoncturelles expliquenten par-tiel’échecnippon.Mêmesi lesJa-ponaisont donné leuraccord pourqu’unepartie dela construction dessubmersiblessoit réaliséeen Aus-tralie, lesAustraliens ontpeut-êtredoutédes intentionsréellesde To-kyoet craintpour leurindustrie na-vale. FaceauxFrançais,les Japonaisont sans aucun doute pâti d’unmanque d’expériencesur le marché

    del’armementet eudu malà don-nerdes assurancesqu’ilspourraientpiloterun colossalchantier naval.Enfin, desexperts en constructionnavale ont avancé l’étroitesse desespaces intérieursdu Soryu,conçuspour des marins nippons de pluspetitetailleque lesAustraliens.Plusfondamentalement, Canberra ajouéla prudence. Tout en vantantTokyocommeun partenaire privilé-gié,sinon un alliérégionalmajeur,les Australiensn’ontpas vouluap-paraître dansune alliance antichi-noise. La chancelière allemandeaurait mêmeaverti l’Australiequeses relationsavecPékinpourraientsedégradersi leSoryuétaitchoisi.Ellefaisaitcampagne pourle sous-

    marinallemandThyssenKrupp Ma-rineSystemsqui n’a pasplus étésé-lectionné. La victoire desFrançaisest aussi leurdéfaite.•

    Suitede lapage3

    D’ici à 2026,l’Australiedéboursera 

    306,6milliardsd’euros pour sesarmées.

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    FrançoisHollande,mardi, ausiège parisiende DCNS. PHOTOLAURENTTROUDE

    Ah qu’il tombe bien ce«mégacontrat»de34mil-liards d’euros décroché

    par DCNS pour la constructionde12 sous-marinsaustraliens…Al’heureoùl’exécutifmartèlel’idéeque ça «va mieux» et qu’il faut«être fierde la France», voilà unsecteur–lavented’armes–oùlegouvernement socialiste excelledepuis quatre ans. En 2015,16 milliards d’euros de contratsontétésignés,soit–déjà–ledou-ble de ce qui avait été paraphél’année d’avant.Pour fêter cettesignature, François Hollande a

    bousculéson agendamardipourse rendre au siège de DCNS àParis etvantéle motifd’«espoir»de cette vente. D’autant que cecoup-ci, contrairement à d’autrescontrats récents,«çafait plaisir devendreà unpays quin’estpasunedictature», souligne FrançoisHeisbourg, conseiller spécialdela Fondation pour la recherchestratégique.

    «Discrétion». «C’estune recon-naissance de la puissance de la

     France, de sa dimension mon-diale, a claironné le ministre dela Défense, Jean-Yves Le Drian,devant les députés. C’est la vic-toired’uneméthode, la discrétion

    d’abord.» «Contrairement àSarkozy, Le Drian annonce lesbonnes nouvelles aprèsl’accordde

     principe et non avant,ironisele

    sonallocutionau siège deDCNS:«Iln’a pasménagésa peine.Il esttout le temps en voyage, et c’est

     pour la bonnecause.»Et ça marche: 6,3 milliards

    d’euros pour 24avions RafaleauQatar; plusde 6 milliards venusd’Egyptepour 24 Rafale,une fré-gate multimissions et les deuxMistral que la France a refusédelivrer à la Russie,pour caused’invasiondel’Ukraine; 2,2mil-liards,defournitured’armementspour le Liban; 3 milliards pour50 hélicoptères Caracal pour laPologne…

    «Cocardiers».Maismêmes’ils’agitce coup-ci de renouvelerlaflottesous-marine australienne,certains, à gauche, s’interrogentsur ce concert de félicitations àchaque fois que la France venddes machines de guerre.   «Si,

    maintenant, notre seul savoir- faire industriel devient la vented’instruments de mort, c’estquandmême problématique, re-grette la députée verte DanielleAuroi, membre dela commissionde la défense à l’Assemblée.  Je

     préférerais que nos dirigeantssoientplus cocardierset efficacesen matièred’énergies renouvela-bles.» «Queles critiques se fassentlorsqu’il s’agit de pays commel’Egypte, concernant les droitsdel’homme,c’estnormal, etellessont d’ailleurs répercutées par le Président,  défend GwendalRouillard. Mais sinouschoisissonsd’avoir des relations diplomati-queset despartenariats stratégi-

    ques avec ces pays, alors il nous faut assumer l’ensemble de cette politique.»

    LILIANALEMAGNA

    députéPS duMorbihan,GwendalRouillard, proche de Le Drian.C’estson côtétaiseux breton,et çanous va bien.» Cette «méthode»Le Drian a été choisie par Hol-lande avantmêmeson élection,demandant à cet amifidèledesepréparer à exercer à l’hôtel deBrienne. En2013, lacréation,sousson autorité, d’uncomitéminis-tériel desexportationsde Défense(Comed) a permisaussi demettreadministration centrale et diri-geants industrielsautour d’unemême table pour le bien del’armement made in France.

    Le Drian répète aussirégulière-ment qu’iln’estpas là pour«dis-cuter dudétail descontrats et des

     prix».«Mon rôle, c’estle partena-riatstratégiqueavec les paysal-liés,ce quisuppose d’allervoir trèssouventleurs dirigeants», expli-quait-il en 2015 à   Libération.François Hollande a gentimentplaisantémardisur lesujetlorsde

    «Çafaitplaisirdevendre à unpays quin’estpasunedictature.»

     FRANÇOIS  HEISBOURG Conseillerspécial de la Fondationpour la recherche stratégique

    Auxarmeset cæterapour legouvernementLa vente des sous-marins succèdeà une série de contrats juteux dansdes pays moins démocratiques. Avec Jean-Yves Le Drian en VRP de choc.

    BrunoTertraisest maître dere-cherche à laFondation pourla recherche stratégique.

    Pourquoi l’Australie choisit-elledes sous-marins français ?La qualitétechniqueet industrielledel’offrejoue.Ce sontdessous-ma-rinsde grande taille, particulière-ment discretset dérivésd’unbâti-ment existant, alors que lesproduits allemands et japonaisn’existent que sur le papier. Ilsseront surtout quasi entièrementconstruits localement.L’offrefran-çaisepermetdonc auxAustraliensdedire quece contratgarantit desemplois chez eux. Par ailleurs,

    l’Australie saitque la Franceresteradurablement un constructeur desous-marins, il y a là un engage-ment quel’onne trouvepasdanslesautresoffres. Sur le planpolitique,l’avantage allait plutôt aux Japo-nais, mais l’offre fran-çaise s’accompagned’une excellente rela-tionbilatéralegrâce auvoisinagedenos départements et territoiresd’outre-mer. Je me souviensavoirentendu il y a dix ans un officieraustralienmedire: «Dansnotre voi-sinage immédiat, iln’ya quevous!»Le contentieuxquenous avionsil ya vingt ans autour des essais nu-cléairesfrançais dans le Pacifiqueestoublié.Sanscompter uncertain

    sentimentalismeaustralien vis-à-vis de la France: l’identité austra-lienneaenpartieétéforgéesurno-tresol.Le résultatde l’appeld’offresa étéannoncé au lendemain de l’An-zac Day, anniversaire de l’engage-ment destroupes australiennesetnéo-zélandaises pendant la Pre-mière Guerre mondiale. Leministrefrançais de la Défense a assisté àsa commémorationen Picardie. Enfait,onabeaucoupplusdesujetsencommun qu’on ne l’imagine, neserait-ceque la luttecontrela radi-calisationjihadiste. De nombreuxAustraliens sesontengagésdans lesrangs del’EI.Entransférantmassivementnos

    technologies ne risquons-nouspas decréer unrivalfutur?Quand onvendà l’Indedes avionsdecombatRafalequi serontcons-

    truits localement, oui, oncourtunrisque.MaisonnevoitpaslesAus-traliens construireplus de12 sous-marins et surtout en proposer àl’export,ça n’auraitpasde sens.Cesont des produits très chers, trèsgros, dont lesbesoins mondiauxnesont pas si énormes. Les risquesqu’impliquent les transferts detechnologiessont iciplus maîtrisés.Mais jevousrappelleque lesnégo-ciations ne fontque commencer.Ce gouvernement socialistes’estrévélé êtreun bonvendeurd’armes.C’est paradoxal, non?Onpeut expliquer celade plusieursfaçons. D’abord l’«équipe de

    France»est plus soudée ethomo-gèneque parle passéavecuneré-partition des rôles claire et bienrodéeentrelechefdel’Etat,lemi-nistre de la Défense et les indus-triels. Ensuite, sur ces sujets, la

    Franceest plusmodesteet plus discrète qu’ellene l’a jamais été, les

    clients apprécient. Elle fait parailleurs la démonstrationtous lesjoursde son potentiel militairesurle terrain.Nos sous-marins d’atta-que ont été utilisés massivementces dernières années,notammentpour des missions de renseigne-ment. Enfin,la France peutappa-raître comme un «vendeur de re-change» aux yeux de ceux qui

    veulentmanifester leursdésaccordsavecWashington.Exemple, l’ArabieSaoudite, fâchée contre les Etats-Unis depuisles printemps arabes,la non-interventionen Syrie etl’ac-cordavecl’Iran.Cet essor des ventes d’armesn’estpas unebonnenouvellesurleplande latension mondiale…C’est vraique l’onassistesimultané-ment sur trois continents à unemontéepréoccupantedes tensionsinterétatiques,susceptiblesde pous-serlesunset lesautresà moderniserleuroutildedéfense:enAsie-Pacifi-que,auMoyen-OrientetenEurope.Maisil nefautpas oublierle facteurpétrole.Certains paysacheteurs,quidépendent du cours du baril, ris-

    quent dedevoirréduireleurs dépen-sesou étalerleurscommandes.

     Recueilli par ALEXANDRASCHWARTZBROD

    «L’offre française

    a profité del’excellente relationfranco-australienne»

        D    R

    Bruno Tertrais,spécialistede géopolitique, évoqueles raisons qui ontpoussé l’Australieà choisir la France, etles liens diplomatiqueshistoriques entre Pariset Canberra.

    IN TER VIE W

  • 8/17/2019 Liberation Du Mercredi 27 Avril 2016

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    6u   Libération Mercredi 27 Avril 2016

    Ce fut un moment de grâce: ily a exactementvingt-deux ans,le 27 avril 1994, se déroulaientles premières élections multi-raciales en Afrique du Sud.Tournantdéfinitivementla pagedel’apartheidet portantau pou-voirNelsonMandela,icônepla-nétaireplusaduléequ’unepopstar. Les semaines précéden-

    tes, le scrutin avait pourtantété émaillé de tueries. Maisle 27 avril, le miracle a bien eulieu: leslonguesfiles devantlesbureaux de vote, où Blancs,Noirs, Indiens et Métis se cô-toyaient, avaient incarné auxyeuxdumondeletriomphedeladémocratie. Certes, il y avaitbien uncoind’ombredansce ta-

    L’Afriqueprivée d’espoir

    démocratiquePar MARIAMALAGARDISRédactriceau serviceMonde

    @mariamalagardis

    bleauidylliqued’uneAfrique enmarche.Aumêmemoment,unautrepaysducontinent,le Rwanda, était luile théâtre du dernier génocideduXXe siècle. Mais aumoins, lesélections restaient alorsdescritè-resde référence. Sion laissaitlesgens voter, tout était possible,pensait-on. Même détrôner untyran. Nonpas que les «triche-ries»n’existaientpas, maisellesrésistaientalors malà l’opprobredu monde entier et stigmati-saientouvertementcommedic-tateursceuxqui s’yadonnaient.

    Vingt-deuxansplustard,queres-te-t-il de l’espoir incarné parce27 avril1994 surle continentafricain?L’actuelprésidentsud-africain,Jacob Zuma,bien qu’éludémocratiquement,se retrouveempêtré dans les scandales etn’incarneplus aucunespoir.Ailleurs,les rêvesde printempsafricains cèdent désormais la

    placeà unevéritablerégressionautoritaire.Certes desélectionsontbien lieu.Les scrutinsse suc-cèdent même à un rythme ef-frénéen Afriquedepuis ledébutdel’année.Mais,à chaquefois,

    ils ne servent qu’à justifierle maintienau pouvoir, et tou-jours dèsle premier tour,d’ina-moviblespotentats locaux. AuCongo-Brazzaville,à l’issue duscrutin du20 mars,Denis Sas-sou-Nguesso, quicumulaitdéjàtrente-deux ans de règne, s’estproclamé vainqueur en pleinenuit, alors que les électionss’étaientdérouléesdans un paysoù toutes les communicationsavaient été coupées. Depuis, ilbombardeles régionsjugées«re-belles».AuTchad,lescrutindu10avrilaétélàaussimarquépar desinti-midations,sans compter la dis-paritiontroublanted’unesoixan-

    taine d’officiers qui auraientrefuséde voterpour IdrissDéby,aupouvoirdepuis vingt-sixans.Maisrienn’aempêchéce dernierde se déclarer vainqueur avec61% des voix. Un score finale-ment«raisonnable», encompa-raison de celui d’Ismaïl OmarGuelleh,l’inamovible présidentde Djibouti qui affirme avoirremporté avec 86% le premiertourduscrutindu8avrilquelesobservateurs européens n’ontpasété autorisés à suivre…Dans ce hit-parade sinistre deparodie démocratique, la mé-daille d’or revient à TeodoroObiang Nguema Mbasogo aupouvoirdepuis1979 enGuinée-

    Equatoriale, quise représentaitdimanche. Onignoreencore sonscore.Maison saitdéjàqu’il seratriomphal, alors que les élec-teurs dece pays nedéposentpaslebulletin dansuneurne,maisle«confient»auchefdubureaude vote. Dans ces conditions,aucun miracle n’est évidem-ment à attendre.•

    ÉDITOS/

      BILLET

    Loind’uneadhésion passion-nelleà sapersonne oumêmeà ses idées,François Hollandeest d’abordapparuen 2012comme un candidat raisonna-bleà ceuxqui voulaient éviter,

    et épargner à la France,un nouveauquinquennatSarkozy. Celan’arien d’infa-mantmais nedessinepas unerelationparticulière avec lesFrançais. ElucontreSarkozydavantage quepour lui,ensomme, dans un contexteoù, dynamique d’alternanceoblige,la qualification ducandidatPS pourle secondtourne posait guère question.Cinq ans plus tard,la donnea radicalement changé,avecla dynamique électoraledu FNconjuguée à un affais-sement despartis ditsdegouvernement, PS en têteouplutôt enqueue.Désormais,

    l’enjeu premier– LionelJospin l’avait zappé en 2002–consistedéjà à figurerausecond tour, face auFN enl’étatactuel del’opinion. Etsi la possibilité même pourHollande,pourtant présidentsortant,d’être candidatà saréélection se posetoujours àunan duscrutin, defaçon iné-dite, c’estaussi et même beau-coupparcequ’ilest jugéinca-pablede passer le premiertour. Sans, d’ailleurs,que despersonnalités deson campn’ensoient,elles,assurées:pasplus Valls ou Macron,surle credo de la modernité droi-tière,que Aubry, Montebourg

    ou même Mélenchon, surcelui du PS canal historique.Ce dernier,que certainsson-dages créditent actuellementd’intentions de votes luipermettant defaire quasi-ment jeuégal avec un Prési-dent démonétisé qu’ils’ima-gine bien devancer, n’atteinttoutefois pasun niveausuffi-

    santpour dépasserla droiteou l’extrême droite.Cetteréalitéest la chance del’actuel locatairede l’Elysée,figuremoinsclivante que

    nombrede ses concurrentsetdonc potentiellementplusrassembleuse.Et après avoirpasséunelargepartduquinquennat à ferraillerdanssoncamp avec unefrondeplusou moins élargie,Hollandeconnaîtraà la findel’année le vainqueur dela pri-maire dela droite,sur lequelluiqui n’estjamaisaussi bonqueconfrontéau campd’enfacepourrase focaliser.Dans cequiseraune finaleavantl’heure sion part duprincipe, plusvraiment ac-quis, qu’un candidat PS ou LRl’emportera mécaniquementausecondtourfaceau FN.

    Cette fois, si Hollandeest denouveaucandidatet s’ilneveut pas acheverpiteusementsonquinquennat au soirdupremiertour,il devra donneraux électeursl’envie d’avoirenviedevoter pour luidèslepremiertour,au milieu d’unedizained’autrescandidats etnonface à unrepoussoirévidentau second.Mais pource faire, le refraindu «moin-dremal» entonnédepuis quel-quessemaines par leschœurshollandais nesuffirapas. Lessocialistes,après cinqannéesau pouvoir, ne pourrontsecontenter de martelerqu’unegauche,si social-libéralesoit-

    elle, vaut toujoursmieuxquela cassesociale promiseparune droiteJuppé-Fillon-Sarkozy-LeMaire ouverte-ment ultralibérale. Et quantau bilan«social» deFrançoisHollande, en particulier surlefront duchômage, ilestune condition nécessairedesa candidaturemais enaucuncassuffisanteen soitpourremobiliserla gauche ensafaveur.Depuismai2012, ila beau-coupété reprochéau chefdel’Etatdene pasavoirde visionou en toutcas d’êtreincapabled’en narrer l’horizon.Pourla campagnede 2017, s’il

    enest, il s’agira d’êtrecettefoislimpide surses intentionset ses ambitions, seulmoyendesusciter del’adhésion.Sanscela,la débandade seraassurée.Autant que FrançoisHollandeoptedans ce caspour lasortie parle hautla plusconfortable: renoncerdeson propre chef.•

    Hollande et

    les limitesdu«moindremal»

    Par

    JONATHANBOUCHET-PETERSENChef de serviceFrance

    @BouchetPetersen

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    TeodoroObiangNguemaMbasogo, président de laGuinée-Equatorialedepuis 1979, se représentaitdimanche. PHOTON.KOLESNIKOVA. AFP

  • 8/17/2019 Liberation Du Mercredi 27 Avril 2016

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     LibérationMercredi 27 Avril 2016   www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe   u7

    La police reconnue responsabledu drame d’HillsboroughVingt-sept ans après lemouvement de foule

    qui avait coûté la vieà 96 supporteursde Liverpool, la justicebritannique a donnéraison à leurs familles,au terme d’unéprouvant marathon

     judiciaire.

    Ils pleurent,s’enlacent,éclatentnerveusement derireet applau-dissent à toutrompre.Avant de

    fondreencoreen larmes, dontle flotne s’est jamais tari depuis 1989.Vingt-sept ans de deuil, de luttepourobtenir justiceet finalement,

    mardi,ceverdictunanime.Qui offi-cialise un catalogue impression-

    nantde négligences etles multiplestentativesdes autoritéspourétouf-ferlavérité.Ilyaeuun15avril1989.Ily auradésormais un26 avril 2016.Ce mardi, justicea étérendue aux96 supporteurs du Liverpool FC,morts ily a vingt-septans,écrasésetétouffés dans lestade deHillsbo-rough à Sheffield .  «Je pense quenous avons marqué l’histoire

    aujourd’hui», a déclaré,en larmes,Margaret Aspinall, dont le fils de

    18 ans,James, est mortce jour-là.

    Hymne. Jameset lesautresétaientvenus en chantant, heureux et sifiers de venir soutenir leuréquipefétiche pour une demi-finale deCouped’Angleterre faceà Nottin-ghamForest.Ce devaitêtre unjourde fête. Ce fut une tragédie. Les54000 billets disponibles avaientétévendus,24000 aux fans deLi-verpoolet29000àceuxdeNottin-gham. 10100billets étaientpourlesterraces, cesemplacementsau pieddestribunesoù lesspectateurssete-naientdebout. Elles ontété interdi-tesdepuis.Ces quelque10000 sup-portersaccédaientau stadepar septpetits tourniquets.Dans lesheures

    quiprécèdent lematch, lepassagesefait aucompte-gouttes.A 14heu-res, à une heure du coup d’envoi,plusde 8000 supporteurs attendentencore de passer. A 14h45, il enreste encore4000 dehors. Lapolicedécide de ne pas retarder le coupd’envoi,siffléà 14h59.Elle arrêtelematchà15h06.Lapressiondupu-blicfait alorstomberles barrièresquiséparent les terraces, écrasantdes supporteurs, en projetantd’autresvers l’avant.La policetardeà déclarer un«incident majeur»,re-tardantainsi l’arrivéedes secours.Quatre-vingt-seizepersonnesmeu-rent (ladernièreen 1993,aprèsqua-treansdecoma),laplupartétouffés.La plus jeune victime a 10 ans, la

    plus âgée 67. Mardi, en haut des

    marchesà la sortie dutribunaldeWarrington (nord-ouestde l’Angle-terre), ce sont leurs frères, sœurs,cousins, enfants et parents quiontformé unegrappe humaineavantd’entonnerYou’llNeverWalk Alone(Tu ne marcheras jamais seul),l’hymnedu Liverpool FC.Depuis ce 15 avril 1989et, quelquesmois plustard, unpremierverdictde «mort accidentelle» invraisem-blable pourles proches,ils se sont

    battus ensemble pour que justicesoit faite.«We didit!» (Onl’afait!),s’estécrié, bouleversé,TrevorHicks,dont les deux filles adolescentes,Sarahet Vicky, sont mortesdans latragédie.Aprèsdeux ansd’auditionoùtouslesaspectsdudrameontétéabordés, lejury deneufpersonnesa rendu unverdictsanséquivoque.Les96victimesne «sont pasmortesde mortaccidentelle»maisàlasuited’un «unlawfulkilling». Cetermelé-galanglaissignifiequ’unemain ex-térieurea provoquéla mortd’unepersonne. Cette main extérieures’avère être celle de la police duYorkshire, lourdement mise encausepour sonabsencede prépara-tion,de réactionet sa négligence.Le

    commandanten charge dela sécu-rité pour lematch a étéaccuséd’être«responsabled’homicidesen raisond’énormes négligences».Outrela po-lice, lesservices desecours, notam-mentles ambulances,ont étéégale-ment accusésde négligence.

    Opprobre. En revanche, et c’estun autre moment extraordinairedesconclusionsde cette enquête,lessupporteurs deLiverpool, long-tempsmisaubanaprèsledrameduHeysel,en 1985,ont étéexonérés detouteresponsabilitédans la tragé-die. A l’horreur deperdreleurspro-ches, les familles des victimes, leclub de Liverpool et ses fans ontsubi,pendantdes années, l’oppro-

    bre, accusés d’avoir, par leur atti-tudeagressiveet alcoolisée, contri-bué au drame. La police anotamment falsifié ou transforméunesériede témoignages,pour fairepeserla responsabilitésur lesspec-tateurs.En 2009, unerévisiondescirconstances de la tragédie avaitétéordonnée. Unpremier rapportaccablant, en 2012,avait entraînél’ouverture de l’enquête dont lesconclusions ontété communiquéescemardi.DavidCamerona salué«lecourage extraordinaire» des pro-chesdes victimes «dansleur quête

     pour la vérité».Lapolice,quiacon-tinuéjusqu’auxdélibérations à ten-terdeblâmerlessupporteurs, a pré-sentéses «plusprofondes excuses».«Honte n’estpas un motassezfort

     pour qualifier cequi s’estpassé pen-dant si longtemps», a dit TrevorHicks,le pèrede Sarah etVicky.•

    100 km

    Sheffield

    Londres

    ROYAUME

    UNI

     IRL.

     DU N.

     ÉCOSSE 

     PAYS DE GALLES

     ANGLETERRE 

    Océan Atlantique

     Mer du Nord

     Manche

    IRLANDE

    Par

     SONIADELESALLE-

     STOLPERCorrespondanteà Londres

    AustadedeHillsborough, le 15avril 1989.  PHOTO AP

    EXPRESSO/

     SURLIBÉRATION.FR

    GrandformatDepuis janvier2015, Libérationsuitla vied’unesectionso-cialistede l’Eure, auxAndelys.A unande laprochaineprésidentielle,retoursurune annéedediscussions, deporte-

    à-porteet dedéfaitesélectorales,entrecongrès PS,terrorisme et loiTravail.PHOTOSÉBASTIENCALVET

    L’HISTOIREDU JOUR

  • 8/17/2019 Liberation Du Mercredi 27 Avril 2016

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    8u   Libération Mercredi 27 Avril 2016

    EXPRESSO/

     SURLIBÉRATION.FR

    Chronique «Auxpetits soins»Deschercheurs etmilitantsdumondeentierontsignéceweek-end la«DéclarationdeBruxelles», un texteappelant à unediffusionmassivedesnouvelles techniques

    depréventioncontre le sida, notammentla prophylaxiepré-exposition,une révolutionenmatièrede prévention.

    Huitansde prison pourle «dentistede l’horreur»

    Le Néerlandais Mark Van Nierop,surnommé le «dentiste de l’hor-reur»pour avoir mutilé desdizaines

    depatients dansla Nièvre,a étécondamnémardià huitansde prisonpar letribunal correctionnelde Nevers. Letribunal a assortila peined’uneinterdictiond’exercerdéfi-nitive et de plusieurs amendes d’un montant totalde 10500euros. Lors du procèsen mars,la procureureavaitrequis huit ansde prisonen dénonçantle «désastresanitaire»causéparcethommede51ans,auteurde«vio-lences dont le but ultime était d’obtenir des rembourse-ments» toujoursplus importantsde l’assurance-maladie:extractions dedentssaines, dévitalisationsinutiles, inter-ventionsentraînantabcès etinfections…Sur unecentainedevictimes déclarées,la procureureavaitretenu desmuti-lations pour53 d’entreelles, demandant unerequalifica-tiondes faits pour20 autres, notamment en «violencesavecpréméditation»,et troisrelaxes.Le prévenu a étére-

    laxédes faits deviolences sursix victimeset decertainsfaits d’escroquerie. Le tribunala statué surune partie seu-lementdespréjudiceset renvoyé leresteà uneaudiencele16juin «pourstatuersur les préjudicespatrimoniaux».

    DANS LES DENTS

    L’Assembléeadopte la réformeduCSM

    Le projet de loi constitutionnelle réfor-mantle Conseil supérieurde la magistra-ture(CSM)a étéadoptémardi parl’Assem-

    bléenationalepar 292voix contre 196et 44abstentions (UDIetPRG).La majoritéa donc approuvé cetextemodifiéparle

    Sénatà l’été2013. Promessede Hollande,la réformeavaitétéenterrée car jugée«vidée de sa substance»,puisexhuméeaumomentoù unepartiede lamajorité etle mondejudiciaires’inquiétaient d’une dérive sécuritaire,entre étatd’urgenceetdébatsur la déchéancede nationalité. A l’Assemblée,la gau-chea donc votéun texteque la droite,alliéeaux centristes,avaitrevuet corrigé auSénatalorsdominépar lagauche. Mal-grétout, la tenue d’un congrèsà Versaillesdemeure incer-taine. Carilfautla majoritédes troiscinquièmesde l’ensembledes parlementaires pour réformer la Constitution. Or, ladroite,désormais majoritaireau Sénat, s’opposeaujourd’huià cetexte qu’elle a pourtantapprouvéil y a troisans. N.M.

    NAVETTE

    Le maire (LR) d’Argenteuil

    (Val-d’Oise)n’aurait-il pasdi-gérél’ouverturedu mariageauxcouples depersonnes demêmesexe? Uneassociationdela commune dénonce,cemardi, la déprogrammationde deux films qui devaientêtre projetés aucinémamu-nicipal le Figuier blanc. Lepremier,   la Sociologue etl’Ourson, d’EtienneChaillouet Mathias Théry, évoque àl’aide depelucheset deboutsdecarton le combatpourlemariage et l’adoption pourtous. Le second,3000 Nuits,estunecoproduction franco-palestinienne réalisée parMaïMasri.Inéditen salles,le

    filmretracel’histoired’unePalestinienne incarcéréedansune prisonisraéliennesous haute sécurité, où elle

    accouche d’ungarçon.Il de-

    vaitêtreprésentépar l’asso-ciationArgenteuilSolidaritéPalestine.Dans uncommu-niqué, l’Association pourladéfensedu cinémaindépen-dant, des films d’auteur etdessallesd’artetessai(ADCI)a dénoncé une«censuredansles cinémas d’Argenteuil».Selonsa coprésidente, Lau-rence Conan, la mairieseraitdirectement intervenue :«Nousavons apprisparle ci-némaquesa directriceavaitreçu un message du cabinetde la mairie luidemandantd’informer les associations

     partenairesde la déprogram-mation. Nous n’avons pas

    réussi à savoir [pour quelsmotifs],mais il était questionde“politique”dansle maildela mairie.» PHOTODR

    Argenteuil veut la peau de l’ourson

    «Là, a priori, iln’y a pasde problème…»Aucabinet dela ministre duTravail, My-riamElKhomri,onseveutrassurant: la baissespecta-culaireduchômageen marsne seraitentachéed’aucunvice oubug, commeen ontconnules précédenteschu-

    tessoudainesdu nombrededemandeursd’emplois cesdernières années.Ainsi donc, en mars, lenombre d’inscrits à PôleEmploien catégorieA (sansaucuneactivité) s’esteffon-dréde 60000… Du jamaisvu depuis avril 2006, soitdixans.Autotal,ilyavait,lemois dernier, 3,53millionsd’inscrits en catégorie A(3,79 millions avec lesDOM), unchiffre enbaissede 1,7% sur un mois et enhaussede 0,5% sur unan.Cette améliorationde lasi-tuationprofite parailleursà toutes lescatégoriesd’âge:

    les moins de25 ans (-1,7%surun mois), les25-49 ans(-2%), mais aussi,choserare, les seniors (-1%).Premierbémol, cependant:cettebaisse intervientaprèsune forte hausse le moisprécédent(+38400). Mêmesi sur le premier trimestrede2016, ladécrue reste im-portante, avec -49500 ins-crits. Uneffet de yo-yo qui

    LES DEMANDEURS

    D’EMPLOI

    En France métropolitaine,catégorie A

    3531 000en mars 2016

    2 885 800en mars 2012

    2012 2016

    Source : Dares

    -1,7%sur un mois

    +0,5%

    sur un an

    dure déjà depuis plusieursmois. Second point: cettediminution s’accompagned’une augmentation quasiéquivalente (+51000) dunombre de demandeursd’emplois en catégories BetC (chômeurs ayantexercéuneactivitéréduite).Toute

    catégories confondues (A, BetC),labaisseenmarsn’estainsiplusquede8300chô-meurs, pour un total de5,45 millions d’inscrits(5,75 millionsavecles DOM).Unchiffreenbaissede0,2%sur un mois et en haussede3%surunan.Autrementdit, les demandeurs d’em-ploipourraientêtrepassés,pour certains,d’aucunem-ploi à unpetit boulot.Même s’il està relativiser,cebonchiffren’apas manquéd’enchanter le gouverne-ment,qui y voit «le résultatde l’amélioration graduellede l’activitééconomique qui

    s’est déjà traduite par unereprise des créations d’em-

     ploi en 2015, grâce notam-ment aux effetsdu Pactederesponsabilité et de soli-darité». Autre explication,selon Myriam El Khomri:«L’aide “Embauche PME”monte enchargeet accélèreleseffets dela reprise écono-mique.»

    LUCPEILLON

    Dumieux sur le front del’emploiLaFnacenpasse desepayerDarty

    Fin de la partie de poker? Alors que lesmarchés pariaientsuruneénièmecontre-offredu Sud-AfricainSteinhoff, proprié-taire deConforama, dans la follebatailledesurenchèreboursièrepourla prise de

    contrôleDarty, la Fnaca finalement annoncémardi avoir reçudes«engagements irrévocables»desactionnairesdeDartyluipermettantde prendrele contrôlede plusde 51,84% ducapi-

    tal.Lundi,en relevant pourla troisièmefoisen quatrejourssonoffred’acquisition, la Fnac valorisaitDartyà 1,16 milliardd’euros, contre1,09 milliardd’eurosproposélors dela der-nièreoffre endatedeConforama.Si lemarché estbelet bienconclu, ceseraitune victoire à l’arrachéepour l’enseigne fran-çaise,quiva doubler detailleet devientun géantde ladistri-butioneuropéenneavecun chiffred’affaires deprès de8 mil-liards d’euros.

     TAPIS

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     LibérationMercredi 27 Avril 2016   www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe   u9

    LA BÛCHE

    Quia tué Laura Palmer? Lachaînede télé améri-caineShowtimeadévoiléle castingdeTwinPeaks,dontle retourest annoncé pour2017avecDavidLynchhim-selfaux commandes.Une liste quel’onpourraqualifierd’hétéroclite, avec le retourd’acteurs déjàvu dans l’uni-vers de lasérie (DavidDuchovny, RayWise,DavidLynch

    lui-même)et denouvellestêtescommeMichaelCera.D’autresontdéjà leurbrevet lynchéen: NaomiWatts,RobertForster ouLaura Dern. PHOTODR

    BierYogaQuelspetitsmalinscesAllemands,toujours

    unepinte d’avance:voilàqu’à Berlin,on prati-quesonyogaenbuvantdescoups. La pratiquea étéimaginée pardeux profs de yoga, JhulaetEmily. «Nous pratiquons le BierYogadansdes tasd’endroits différents, publicsou pour des soirées

     privées, anniversaires,fêtesen entreprises, enterre-

    ment de viede jeunes filles», explique cette der-nière.Unpublicjeune etenthousiaste,dit-elle,ravide se torcher deux bières par heure de yoga.Unjournalisteallemanda testé ladiscipline etraconteenvidéo(visible surnotre site etdontest extraitel’image ci-dessous) sonheure de yogaembiérréeaumilieudecomparseshilaresvantantcemariagepassi contre-nature selon eux.

    Le procès dulanceur d’alerteAntoineDeltour– maisaussidu journalisteEdouardPer-rin– s’est ouvert mardimatinà Luxembourg.Dans la salle,le président du tribunal,MarcThill, faitrégnerl’ordre,réfutantles questionssortantducadre prédéfini parla loilocale(volet violationdu se-cretdes affaires). Recadrantles avocats qui tenteraientd’élargirledébatsurlatrans-parence financière. D’em-blée,un débatétymologique.Le cabinetPriceWaterhouse-Cooper (PWC), membre du«Big Four» de l’audit, se

    plaint d’un  «vol de docu-ments» : la révélation, vial’émission  Cash Investiga-tion, puis à travers leConsor-

    tiuminternational desjour-nalistes d’investigation(ICIJ), despetits etgrands ar-rangementsfiscaux desmul-tinationales implantées auLuxembourg,auxbonssoinsde PWC. Simple  «soustrac-tion» à ce stade du procès,corrige le président Thill,soucieuxde ne pas paraître

    préjuger. Unbon point pourlui, sauf qu’il ne souhaiteguère entrer dansquelquessalades annexes, comme le

    résume cet échange entrel’avocat de Deltour, WilliamBourdon,la représentantedela présuméevictime (PWC),Anita Bouvy, et MarcThill.—Me Bourdon: «Votre docu-mentation,réputée protégée,était d’accès facile? —La représentantede PWC:Oui, l’accès était facile […],maisil fallait unevolontéd’yaccéder.—Me Bourdon: Dufaitdesré-vélations,vous avezrenforcé l’inaccessibilitédes données? —Leprésident: La firme a-t-elle mis depuis en place unsystème plus serré, plus sé-

    rieux? —PWC: Oui.»Oneut également droità cedialogue de sourds entre la

    représentante de PWC etMe Bourdon:—La représentante dePWC:«Tout employé remarquantuneanomaliepeuten référer à un “ethicofficer.”—Me Bourdon: Les accords

     fiscaux viséspar PWCsont-ilsconstitutifsd’une infractionoud’une anomalie? —PWC: Ilssont toutà faitlé-

     gaux,au Luxembourg commedans d’autrespays.—Me Bourdon: Mais peuventsoulever quelques étatsd’âmechez vossalariés.—PWC: Cen’estpasle butdenotreprocédure interne.»

    Du fiscalementindignedissi-mulésous le politiquementcorrect.

    R.L. (à Luxembourg)

    Au premier jour du procès LuxLeaks,débats étymologiques et dialogues de sourds

    À LA BARRE

    50millionsd’eurospourMayotte

    Manuel Valls, qui recevaitmardidesélusde Mayotte,aannoncéunesériedemesu-res s’élevant à 50 millionsd’eurosen faveur del’îleenproie à d’importantes diffi-cultés financièreset secouée

    récemmentpar unconflit so-cial. Le Premier ministre aaussiannoncéunplancontrel’insécuritéet l’immigrationclandestine, qui pourraitconsister,selon desélus, enun renforcementde person-nels etmoyens pour lesfor-ces de l’ordre. La réunion àMatignonétaitprévuede lon-gue date pour évoquer laquestion desfinanceslocalesmaisaussileconflitsocialquia paralysél’îleplusde deuxsemaines, avecdes violencesurbainespendant plusieursnuits. Valls a annoncé no-tamment un«rattrapage» dela dotationglobalede fonc-

    tionnement des communesparrapportàlamétropoleetuntransfertaux communes,sur trois ans,de recettes ac-tuellement perçuesparl’Etat.Le conseil départementaldeMayotte recevra une com-pensationdes dépenses con-sacrées à l’aidesocialeà l’en-fance et l’annulation desommesduesàl’Etatautitredel’impôtsur le revenu.

    DROIT DESUITE

    6C’estle nombred’années de suspensioninfli-gées à lacyclisteBelgeFemke VandenDriess-che,convaincue dedopagetechnologique auxMondiaux de cyclo-cross, enjanvier. La jeunefemmede19 ansn’apas comparudevant l’Unioncyclisteinternationale et a annoncéavoirmisunterme à sa carrière. Ce premier cas prouvé devéloà moteur a faitsensationpuisqu’il confirmaitles soupçons plus ou moins récurrents de-

    puis2010. Récemment,un reportage de Stade 2a montré quece type detriche étaitcourantet plussophistiqué quele moteur planquédansle cadreduvélode laBelge.

    «Nous nepouvons plusaccepterque des gensqui n’ont rien dans le

    cerveau viennent sur la 

    placede laRépubliquepour donnerdes leçons»

    Il porte des talonnettes,n’aime pas la Princesse deClèves et pourraitbienêtre

    candidatàlaprimairedeladroite. Eh oui, c’est bien àNicolas Sarkozy que l’ondoit cettesortie surlesmousdu bulbe de Nuit debout,qui apprécieront.En meeting mardi à Nice,l’ancienprésident de la Ré-publiquea taclé «les syndi-cats qui se comportentcomme des partis politi-ques», «les mosquées qui

    viennent défendre des idéescontrairesaux principesdela République», «l’école où

    onne respecteplus rien etoùil n’y a plusd’autorité», les«lycéens manipulés quiblo-quent des lycées» et, donc,ceux «qui n’ontriendans lecerveauet quiviennentsur la place de la République

     pourdonner des leçonsà ladémocratie française». Ex-trait à revoir surle site des

     Inrocks.DESSINLUIS GRAÑENA

     NICOLASSARKOZY président de Les Républicains

        D    R

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    EXPRESSO/

    Convergencedes luttesLesPalesti-niens ontinaugurémardiunestatuegéantedeNelsonMandela, défuntprésidentdel’AfriqueduSudetfigure deproue dela luttecontre l’Apartheid, régimeque les Palesti-niens accusent Israëlde leurimposer.

    Lastatueen bronze, haute desixmètres etpesantdeux tonnes, estun cadeaude lavillede Johannesburg àRamallah.PHOTOREUTERS

    parotage.Maisil semble queles terroristes n’aientpas at-tendupour procéder à l’exé-cution deJohn Ridsdel.Créé en1991, le groupe AbuSayyaf a été fondé avecdessoutiensfinanciers d’Al-

    Qaeda. Sonfondateur, Abdu-rajak Abubakar Janjalani,étaitissu d’une famillechré-tienneet musulmanedu suddesPhilippines.Tuéen 1998,il s’était radicalisé au coursdesannées 80 dansl’organi-sationfondamentaliste isla-miqueTablighet auraitcom-battuaux côtésdes islamistesafghans contrel’arméesovié-tique. Il voulait faire du suddesPhilippinesun Etatindé-pendant et islamique. SonfrèreKhadaffyaprislerelais

    Manille.Dansunevidéomiseenligne le15 avril,Ridsdel etun autre Canadien, RobertHall,étaientmenacéspardescouteaux. Les geôliers par-laientd’un «dernier avertis-sement» avant de «décapiter l’un des quatre». Et récla-maient une rançon de300millionsde pesosphilip-pins (5,67 millions d’euros)

        A    F    P

    Le Premier ministre cana-dien, Justin Trudeau, a an-noncé lundi soir la mort del’unde ses concitoyens,JohnRidsdel,retenuen otage de-puisle 21 septembredernieraux Philippines. Quelques

    heuresplus tôt,la policephi-lippine avait trouvé la têted’un homme blanc prèsd’unemairiede Jolo, bastiond’Abu Sayyaf, l’un des grou-pesislamistesles plusactifsenAsieduSud-Est,quiafaitallégeance à l’Etat islamiqueen2014. Ancienjournalisteetconsultant minier, Ridsdelétaitâgéde68ans.En septembre 2015, il avaitété kidnappé avec troisautres personnesdansl’îledeSamal,àplusde1000kmde

    avant d’êtreexécuté en2006et remplacé par Yasser Iga-san.Dansson effort diplomatiqueetmilitaire, Manillea reçulesoutien des Etats-Unis qui,de2002à 2014,ont dépêché

    des troupes pour tenter devenirà boutdes fondamenta-listes. Abu Sayyaf a essuyédespertes.Mais depuisle dé-partdes Américains,l’organi-sationfondamentalistepour-raitavoir reprisdu poilde labête. En juillet 2014, le nu-méro 2 dugroupeavaitprêtéallégeanceà l’Etatislamique.Dans une Asie du Sud-Estperméable au jihadisme, legroupe philippin pourraitbien être devenu une piècemaîtresse del’EI. A.V.

    Qui est AbuSayyaf, legroupeterroristephilippin qui adécapitéunCanadien?

    Einstein et Newton se sont-ilsplantés?Uneplumeetunmar-teau lâchés dans le vide tom-bent-ils vraiment à la mêmevitesse? C’est peu ou prou lesquestionsauxquellesva devoirrépondrele satelliteMicroscope,

    enfinlancélundisoir, aprèsplu-sieurs reports, ducentre spatialguyanais de Kourou (Guyanefrançaise), à bord d’une fuséeSoyouz.Ce projet franco-euro-péende 130millionsd’eurosdebudget pourrait remettre encause la théorie de la relativitégénéraleen sepenchant deplusprèssurlachutelibredescorps,comme Libération l’expliquaitle22 avril.A l’intérieurde cemicrosatelliteà la précisionde mesure inéditevont tomberen chutelibre(ouplutôt voguer en orbite) deuxpairesde cylindres métalliques.S’ils’avèreque l’une tombe plusvite que l’autre, une nouvelle

    pages’ouvrirait dansl’histoiredela physique.Autantdirequel’impatience est à son comble.PHOTOCNES.AFP

    MicroscopemetlesvoilesLe politologue

    Jean-YvesCamusdécryptelesuccèsdel’extrêmedroite(plus de 36%) aupremier tour del’élection prési-dentielleenAutri-che, dimanche.Comment expliquer cescoreélevéduFPÖ?Cevotea une dimensiondeprotestation envers un sys-tème politique bloqué. De-puis 1945,les conservateurs

    et les sociaux-démocratesgouvernent soit en alter-nance,soit ensemble. Hormisl’émergence des Verts, lesnouvellesformations sontra-res.Ilyaunedemandefortede l’électorat autrichien dequelque chosede nouveau.IlyaaussiunehabiletéduFPÖà surfersur la crise desréfu-giés. L’Autriche est en pre-mièrelignepour desraisonsgéographiques.Les mesurespourtant drastiques prisespar le gouvernement n’ontpas convaincules électeurs.Est-ceunsuccèsdelacam-pagnede dédiabolisationmenée par leFPÖ?NorbertHofer a réussilà oùlacandidateduFPÖpourlaprésidentielle de 2010, Bar-baraRosenkranz, a échoué.

    Le parti a cettefois-ci choisi uncandidat quimaîtrisesondis-courset quin’ap-partient pas àl’aile radicale.Hofer a fait une

    campagne sans faute et aévitésoigneusementtout dé-rapage. Du temps de JörgHaider [le présidentdu partide 1986 à 2000, ndlr],  il yavait dans les discours uneapologie decertains aspects

    de la politiquenazie. Hofern’estpas dans cetype dedé-marche. Ily a des signesderespectabilitédonnés à cetteformation. Pour autant, lediscoursest plusradicalsurla questiondes réfugiés.Queprovoqueraitune vic-toire de Hofer?La fonction présidentielleautrichiennedonne au chef del’Etatdespouvoirsétendusmais qu’iln’utilise tradition-nellement pas. Cependant,Hofera menacé dedissoudrele Parlement si le gouverne-ment neprenaitpasdes me-suresradicalesconcernantlesréfugiés.Mais au regarddes

    chiffresdu premiertour, l’hy-pothèsed’unevictoire dececandidat est faible.

     Recueilli par Es.P.

    Autriche: «Le FPÖ a surfésur la crise des réfugiés»

    INTERVIEW

    MacharrevientauSoudanduSudSonretourétaitattenduet chaquejour repoussé. Riek Ma-char, le chefde la rébellionsud-soudanaise, estenfin arrivémardi à Juba,la capitale, qu’ilavaitquittéeen catastrophefin2013,persuadéque lechef del’Etat,SalvaKir,étaitprêtà toutpourl’évincer. Le jeuneEtat avaitalorsbasculédansunenouvelle guerrecivile,sur fondde rivalité ethnique.Le conflit,marquépardesmassacres,viols ettorturesdanslesdeuxcamps,a fait desdizainesde milliersde mortsetplusde 2,3millionsde déplacés.Un accordde paixavaitétélaborieusementratifiéparles deux partiesle 26août.Machardevrait retrouver son postede vice-président. Soitunretour austatuquo,après plus dedeuxansd’une guerrequia dévastéune grandepartiedu pays. PHOTOREUTERS

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    LE DÉTAILQUI TUE

    Lassant Certaineschosesne changent pas.Il y a unan, Libévous parlaitde l’absenced’écrivainesdans leprogrammede litté-raturedu bacL, etplus largementparmi lesauteuresétudiéesaucollègeet au lycée.Rebelotecetteannée,avecAndréGide auprogramme. Sursonblog, FrançoiseCahen, professeure de let-tres,déplore: «Depuisvingtans quej’enseigneaulycée, pasune

    auteuren’a étéau programmede littératureen terminaleL. Jenedemandepas laparité.Maisqu’il y ait aumoinsUNEfemmeenvingtans, ceneseraitpascomplètementfou,non??!»

    Onl’appelait Nepo, diminutif de Jean-Népomuscène, etson visage s’affichait mardisurTwitter à côtédu hashtag#Komezamahoro, son nomde famille. Il avait 17 ans.L’image vient rappeler lesouvenir dela première vic-timedes manifestations con-tre le troisième mandat duprésidentPierre Nkurunziza.Ce 26 avril, il y a un an, ilsétaientnombreuxà êtredes-cendusdanslesruesdelaca-pitaleburundaisepourpro-

    tester contre la décision del’homme fort du pays de semaintenir au pouvoir, entransgressantla règle consti-tutionnelle limitantla prési-dence à deuxmandats. Con-tre l’avis de sa mère, Nepovoulait,lui aussi,voir cequisepassaitdanslarue.D’aprèsses parents, quand les tirsont débutéet que lafoule acommencé à fuir, Nepo alevé lesmains entoutein-nocencepour signifierqu’iln’avaitrienà voir avec toutça.C’estalors qu’unofficierdepolicese seraitapprochéde lui pour lui tirer deuxballes dans la tête. A bout

    portant.Depuis un an, les activistesburundais n’onteu decessedediffuser, viales réseaux so-

    ciaux,lesphotos deceuxquiontété arrêtés,ont disparu,ouont été tués. Sans jamaisréussir à arrêter le carnage.Car malgré l’ampleur de lacontestation, vite répriméedans le sang, Nkurunzizas’estreprésentéen juilletlorsd’une électionboycottée parl’oppositionet a remporté le

    scrutin.Et l’escaladedes vio-lences s’est poursuivie, ali-mentée par un discours dehaineà consonance ethniquedans lesmédias officiels,oùl’on n’hésite pas à fustigerceuxqui voudraientrepren-drele pouvoir«dupeuplema-

     joritaire», terme «emprunté au vocabulaire desgénocidai-

    resrwandais» rappelait,ilyaquelquesjours, l’intellectuelburundais David Gakunzi,installé à Paris. Unnouveaugénocide se déroule-t-ilunevingtained’annéesplus tard,dans lepaysvoisin, composéluiaussid’unemajorité hutueet d’une minorité tutsie?Nombreux sontceuxau seindel’oppositionen exil(aussibien hutue que tutsie) quiconsidèrent que le pouvoir,lui-même issu d’une rébel-lionhutue,tente deréveiller

    les démons ethniques pourjustifier les tueries.Lundi, le bureau du procu-reur dela Courpénaleinter-nationale (CPI) à La Haye aannoncé l’ouverture d’uneenquête préliminairesur lescrimescommis depuisun anau Burundi. Une façon deconfirmerla dégradationdela situation,alors que dispa-ritions etassassinatsciblés semultiplient dansun huisclosinquiétant.Unan aprèsle dé-butdes violences,l’assassinde«Nepo»n’a toujourspasété identifié. Son nom defamille(Komezamahoro) si-gnifie,en kirundi,«consoli-

    der la paix». Un espoir en-corelointaindansleBurundide PierreNkurunziza.

    MARIAMALAGARDIS

    Burundi: un an de répressionet toujours pas d’issue

    RETOUR SUR

    Big Benmuet

    La pluscélèbre cloche du monde,Big Ben, quisonne toutesles heureset émet un«bong» tousles quarts d’heure, resterasilencieuse«plusieursmois» enraisonde travaux,a annoncé mardileParlementbritannique.«Pendant cette période,iln’yaurapas decarillon»,a ditun porte-parole,

    précisantqu’ilsera toutefoismaintenu pourles événementsimportants.Les travauxdoiventcommencerdébut2017et du-

    rertroisans. Ilsconcerneront lemécanismede l’horloge,lacloche de13,7tonnes, quisera repeinte,et la tour.

     LacTanganyika

    RWANDA

       T   A   N   Z   A

       N   I   E

    BURUNDI

    c Kivu

        R     É    P    U    B    L    I    Q    U    E

        D     É    M    O    C    R    A    T    I    Q    U    E

        D    U    C    O    N    G    O

    50 km

    Bujumbura

    SOSTous les portables vendus en Inde devront

    avoirunetoucheSOSàcompterde2017.Cettedécision du gouvernement s’inscrit dans le pro-grammedeluttecontrelesviolencessexuellesdontsont victimes un grand nombrede femmes. Ellepermettra aux utilisatricesd’appeler les secourssans avoirà composer unnuméro.Les portablesdevrontaussiêtreéquipésd’unGPS.Lesviolencessexuellescontre lesfemmesavaientéclaté augrandjour fin2012avec leviolen réunion ayantentraînélamortd’uneétudiantedansunbusdeNewDelhi.Leschiffresofficielsfont étatde 36735violsen 2014danslepays, chiffre jugé bien endeçàde laréalité.

    CHANTIER

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    Une splendeur.Positif

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    Première

    Séduisant.Libération

    Magnifique.Le JDD

    _ . :

    «Pour nous, ilnes’agitpasde funérailles, bien aucontraire.Revenir à IslaNegra, c’estregarderà nouveaulamer, c’estrevivre, surtoutpour unpoète.»

    CHILI

     RAULBULNES président de laFondation Pablo

    Neruda   D    R

    Les restes de Pablo Neruda, qui avaient été exhumésen 2013 pour déterminers’ilavait étéassassiné pardesagents dela dictatured’Augusto Pinochet,ont étéinhumésmardi.Après unhommagepopulaireà Santiago,le cercueilcontenant la dépouillede l’auteur a ététransféré et remisenterreà IslaNegra, sondernier lieude résidence,faceauPacifique. «CamaradePablo Nerudaprésent, maintenantet toujours!»a claméun petitgroupe duParticommuniste,oùNeruda a militétoutesa vie. Lesanalyses n’ontpas per-misd’éclaircirles circonstances desa mort, en1973.

    Vostotchny désorbite Baïkonour

    Saconstructionn’a pasétésans heurtsniscandalesde corruptionmaisle cosmo-drome deVostotchny, symboledes ambi-tions retrouvées de l’industrie spatiale

    russe,connaîtrace mercredison lancementinaugural.Il rem-placerale vénérableBaïkonour, quipourMoscouavaitl’in-convénientde se trouverau Kazakhstan.

    ESPACE

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    SYRIEBALLETRUSSEETRUSEDEGUERRE

    DiplomatieA latable des négociations

    à Genève, Moscou amené la danse et

    choisi avec quelleopposition il acceptede discuter.

    Le rideau doittomberformellement,cemercredi à Genève,sur la session despourparlersintersyriens.En réalité,la

    pièces’estinterrompue la semaine dernièresurune scène dedévastation diplomatiqueet militaire.La Russie,maîtredu jeuen Syriedepuis la finde l’été,continuede décider du

    sort dela guerreet dela paix. Aux yeuxdel’oppositionsyrienne,elle est responsable dudéraillementdu processus politique.Dans lemême temps,les autres pays impliqués etfa-vorablesaux négociationssemblentavoirre-noncé à jouer leurrôle.Surle terrain,la trêve, plus oumoins respec-téedepuisfinfévrier,avoléenéclatsilyaunedizaine dejours. Les bombardements duré-gime et de l’aviation russeont faitune cen-tainede mortsdansles zonescontrôléesparl’opposition armée, à Alep(nord).La livraisondel’aidehumanitaireaux localitésassiégées,enparticulierdans la banlieue deDamas,aététardiveet trèspartielle.C’était, avec la ces-sationdes hostilités, l’autre conditionpréala-blepour l’ouverture dudialogueentrele ré-gime de Bachar al-Assad et l’opposition.Résultat,la principaledélégationde cetteder-

    nière,représentéepar leHaut Comitédes né-gociations(HCN), a quittéla table deGenève,depuis jeudi, pourprotestercontre la dégra-dationde la situation.Ce groupeest composé

    Par

    HALAKODMANI

    Desportraits deVladimirPoutine etdeBachar al-Assad dansune boutiquede souvenirsà Damas,en avril. PHOTOHASSAN AMMAR.AP

    MONDE

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     LibérationMercredi 27 Avril 2016   www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe   u13

    de plusieurstendances politiqueset surtoutdeformationsmilitaires,y compris islamistesradicales,qui combattent lesforces durégimesurle terrain.

    «Sabotageprogrammédesnégociations»«LaRussie estla clédu changementen Syrie.

     Il suffirait d’uncoup defil de Poutineà Al-As-sadpourl’obliger à respecterles termesde la

    cessationdes hostilités»,affirmaitSamy Mus-salat,porte-paroledu HCN,avantde quitterGenèvela semaine dernière.Il n’ya jamaiseud’appelde VladimirPoutine et l’escaladedescombats s’est poursuivie, si bienque certains opposantssyrienssedemandentsi finalementGenèven’aété qu’une duperie. «Fallait-il organiser cettecomédie pour nous pousserà bout etren-dre l’oppositionsyrienne représentativeres-

     ponsablede l’échec desnégociations, pourre-venir sur le régime et les opposantscompatibles?» s’interrogeun chefde l’opposi-tionqui tient à garderl’anonymat. Souventprompts à décrireavec précision des plansretors qu’ilsprêtentaujourd’huià Moscouet/ouà Washington,les opposantsestimentpou-voirappuyer leurssoupçons ausujetd’un«sa-botageprogrammé des négociations».

    Le comportement desRussessur leterrain,comme lesdéclarations deleurs responsableset leursdiplomatesdepuis l’avortementdespourparlersà Genève, rappellentcesderniers

    jours qu’ilsn’ont paschangéleurstratégie: li-quidermilitairementla rébellionanti-Al-As-sad, commeils l’ontfaitdepuis ledébut de

    leurcampagne militaire à l’automne, et dis-qualifierl’oppositionpolitiquequi rejette unetransitionlaissant enplace Bachar al-Assad.Le ministrerusse desAffairesétrangères,Ser-gueï Lavrov, bête noire de l ’opposition sy-rienne,avaitaffirmé,après leretraitde la dé-légationdu HCNde Genève,que «ce n’était

     pasuneperte»etqu’il«nefallaitpas luicourir après».«Lesnégociationsse poursuivent mal-

     gré le retrait de certains participants», aajoutéLavrovlundi, lorsd’une conférencedepresse.Surtout,il a préciséquele HCNn’étaitpas «le seulgroupe de l’oppositionsyrienne».Enréalité, despersonnalités etdes groupesd’opposantsalternatifsauHCNont étéinvitésdepuisla première session de négociationsdans la ville suisse, en mars. Sous lesappellations de «groupe de Moscou» oumême de«groupede Hmeihem», dunom de

    l’aéroportmilitaireà Lattaquié(Syrie) quisertde base à l’aviation russe, certains anciensresponsablesdurégime oudesreprésentantsdela sociétécivilesont venus contester la re-

    présentativité du HCN. TolérésparBachar al-Assad, ils sont surtoutprêts à accepter de partager les

    responsabilitésavec lui.Ils ontannoncéqueles discussions se poursuivaient à Genèvejusqu’à ce mercredi, malgré le départ du«groupede Riyad», surnomdu HCN.

    «Dégradationdespourparlers»Bonneou mauvaise foi, mensongesou vraiesintentions,quel quesoitleur jeu,les Russessemblentencoreles seulsà se préoccuper deprès du dossier syrien. Le p orte-parole duKremlinse disait lundi «trèsinquietde ladé-

     gradation des pourparlers».Les autres partenairesrégionaux, européensou américainsde la réunionde Vienne(quia permis enjanvierle lancement duprocessus

    politique surla Syrieet qui a voté à l’unani-mité la résolution 2254 del’OrganisationdesNations unies ouvrantla conférencede Ge-

    nève)sont, eux,quasi silencieux.Le média-teur de l’ONUpour la Syrie, Staffande Mis-tura,a bien appeléà larescousseles ministresdes Affaires étrangères des paysconcernés,proposantuneréuniond’urgencepour sauverle processus, maisil n’a pas étéentendu.

    NégociationsparallèlesLes Etats-Unis,coparrains del’initiative quia mené lesSyriensà la tablede négociations,multiplientles déclarationscontradictoires.«Comme lesRusses, ilsne disentpas cequ’ils

     font etne font pasce qu’ils disent», résumeunéditorialistesyrien sur un sited’opposition.Il s’étonneque Barack Obama, «àlatêtedela

     première puissance mondiale, parle commen’importe quel spectateur impuissant». Leprésident américainvenait de déclarer, dans

     A  N A  L Y S E

    Le 14mars,l’annoncedu dé-partdestroupesrussesdeSyrie avait surpris. Pour-

    quoi Moscou, allié indéfectibledu régime de Bachar al-Assad,décidait-ilde s’effaceralors queni l’Etat islamique, cible offi-cielle,ni lesrebelles,ennemis of-ficieux, n’étaient vaincus? Unmois plus tard,la réponse nefait

    plus dedoute: leretraitrussen’apas eu lieu.  «Malgré l’annonced’une évacuationpartielle,nousvoyons que la Russie maintientuneprésence militaire considéra-blepour soutenirle régimed’Al-

     Assad enSyrie»,adéclaréjeudilesecrétaire généralde l’Otan,JensStoltenberg.Au sol, l’arméerussevient de déployer de l’artillerielourdeà proximité d’Alep.Dans

    lesairs,des avions ontprocédémardi à des bombardements à

    Atareb, dansla provinced’Alep,selon desmilitants syriens.

    «Objectif atteint».Preuve quele retraitn’est pas prévu à courtterme, les missions logistiquesdepuis la Russie se poursuivent.D’aprèsl’agence Reuters,le bâti-mentSaratova étérepérécesder-nières semaines surle Bosphorealorsqu’il naviguaitpour rejoin-drelabasedeTartous,surlacôtesyrienne. Un avion-cargo Iliou-chineIl-76, capablede transpor-ter50 tonnesd’équipements,a at-terri le 10 avril à l’aéroportmilitaire de Lattaquié. Ce typed’avion a déjà été utilisé pouramenerenSyriedesvéhiculeset

    des hélicoptères.S’ilrestemajeur,le soutienrussea changé de nature. Il ne s’agitplus,commelorsdudébutdel’in-tervention en septembre, d’assu-rer la survie du régime, dont lefief de Lattaquiéétait alors me-nacé. «Cet objectif a été atteint.

     L’armée russe n’a plus besoin de fairedes démonstrations deforce,comme lorsqu’elle avait tiré des

    missilesbalistiquesdepuis lamer Caspienne à l’automne»,

    explique Elie Tenenbaum,chercheur à l’Institut fran-çais desrelationsinternatio-nales(Ifri).Moscouaccélèreà l’inverse le déploiementd’hélicoptèresd’attaque.Dé-but avril,l’institutIHSJane’sa repérésurdesphotossatelli-tes des hélicoptères Mi-28N(chasseurs denuit)et Ka-52Alli-gator sur la base d’Al-Shayrat, àproximitéde Homs. Lesdeuxmo-dèlessont deséquivalents desTi-grefrançais oudes Apacheaméri-cains.

    Inflexion. Leur arrivée sur lethéâtresyriendevraitsignifiersi-nonunchangement,entoutcas

    une inflexion, de la tactique del’arméerusse.Ilnes’agitplusseu-lement de bombarder avec desavions volant à haute altitude,maisdes’engagerauplusprèsdestroupesau sol.«Ilest mêmepro-bable quedes officiers russessoientdéployés au sol pourcoordonner les offensives», ajoute ElieTenen-baum.Les hélicoptèresKa-52ontdéjàétéutiliséslorsdelareprise

    dePalmyre à l’Etat islamique, enmars, pardes troupessyriennesetle Hezbollahlibanais. Desforcesspécialesrussesétaientaussi pré-sentes. La nouvelle stratégie deMoscou comportetoutefois desrisques,les hélicoptères volant à

    bassealtitudeétant plusvulnéra-bles que des avions à des tirs demissilessol-air.D’aprèsle cabinetStratfor, desgroupes rebellesontétévus cesdernières semainesenpossessionde Manpads,des sys-tèmes portablesantiaériens.Dé-butavril,unaviondel’arméesy-rienneaétéabattuausudd’Alepparun tirde missile.

    LUC MATHIEU

    Sur le terrain, un retrait trompeurMalgré l’annonce, enmars, par le Kremlin

    du départ de sestroupes, l’arméerusse déploiel’artillerie lourde ets’engage au plus prèsdes combats au sol.Une stratégie risquée.

    50 km

        M   e   r

        M    é    d    i    t   e   r   r   a   n    é   e

    Damas

    Alep

    Lattaquié

    TartousAl-Shayrat

    IRAK

    TURQUIE

      J O  R  D

     A  N  I  E

    LIBAN

    SYRIE

    uneinterviewà la BBC,à propos destracta-tions, que «les choses étaient difficiles».Derrièrelesrideaux,d’autresdiscussionssont

    engagées,y comprisà Genève.Des réunionsdiscrètes entre conseillers américains etrusses se tenaientdansun hôtel, nonloin dupalaisdes Nations.Le dossier syrien est exa-miné et l’avenird’unetransitiondansle paysestdiscuté dans lesdétails. Diverses versionsd’un projet de Constitutionélaborées danscesrencontresparallèlesont étépubliéessurcertainssites d’information arabes.Tous les observateurs du conflit avaientprévu que le processus des négociations,aprèscinq années deguerreimpliquant denombreuxacteurs extérieurs,serait longetcompliqué. Opiniâtre, le médiateur des Na-tions unies pour la Syrie doit annoncer cemercredi,dateformellede la finde la cessionde pourparlers à Genève, si et quand unprochainrendez-vouspeut êtrefixé.•

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    «COMME

    SI J’ÉTAIS

    ABDESLAM» JusticeSven Mary, avocat belgedu principal accusé des attentats

    de Paris, explique la difficultéd’assurer la défense d’un prévenu

    aussi décrié, qu’il considère parailleurs comme un «petit con».

    Il n’estpas mécontent dese dé-barrasser –sous peu– de l’en-combrantSalah Abdeslam,et de

    passer lerelais à sesconfrères fran-çais. Sven Mary, avocat du seulmembredes commandosdes atten-tatsdu 13Novembreencorevivant,en paraît même soulagé. Même si«tout le monde a droit à une dé-

     fense», expliquel’hommequi aimedéfendreles voyous.«Jesuis avocat,

     je me fousde ma cotede popularité. Maisà unmomentdonné, j’aipensé arrêter. Entous les cas,si j’avais été au courantdes attentatsde Bruxel-les,je n’aurais peut-êtrejamaiscom-mencé à m’occuper de ce dossier ,confie-t-il.Quand Abdeslamsera re-misà la France, jene sais pasencoresi je resterai dans le dossier.»  Etd’avouer qu’il«n’est pas faciled’assu-mercette défense quine merapporterien,si cen’estdes emmerdes: j’aiété agresséà plusieursreprises,soit ver-balement,soit physiquement. Deuxtypes m’ont même attendu devantmon cabinetet ily a euun échangede coups,mais je saisme défendre.

     A plusieurs reprises, la police a dûescorter mes filles à l’école».Puis, à

    l’adressede soninterlocuteur: «Re- gardez le regard haineux des gensautour de nous, comme si j’étais

     Abdeslam…»Sven Mary, 43 ans, physique à laBruce Willis (crâne rasé compris,maisen miniature),est pourtantunhabituédesdossiersdifficiles. Qu’ilssoientmafieux (la familleAquino,des trafiquants de drogue, ou Ka-pllanMurat, leroi del’évasion),ter-roristes (le groupuscule belge desCellulescommunistes),islamistesradicaux(FouadBelkacem,le leaderdeSharia4Belgiumquirecrutaitdescombattants,Abdelkader Hakimi,impliquédansles attentatsde Ma-drid) ou encore criminels (MichelLelièvre,l’undes complicesde Marc

    Dutroux).A chaquefois,il s’est faitremarquerpar sa combativité, soncôtébouledogue débusquanttoutesles failles desdossiersficeléspar lapolice et la justice. «C’est un excel-lentjuriste,un fouille-merde: il vatrouver des trous que d’autres netrouveraientpas, apprécie soncon-frère pénaliste Denis Bosquet.Quand les magistrats le voientarri-ver, ils font attention.»

    «JESUISLÀPOURFAIRERESPECTERLESRÈGLES»Ainsi,en 2004, dansl’affaire de lafamille Aquino, un mafieuxbelged’origineitalienne, «ils ontfaitunesérie defaux,je l’aidénoncéet l’an-cien conseiller justice du Premier 

    ministre Guy Verhofstadt, Brice DeRuyver, m’a taxé d’être undanger  pour l’Etat de droit», se souvientMary. De Ruyver, professeur de

    droit pénal à l’université deGand,persiste:«Enaccusantle parquet fé-déral,il a déstabilisél’Etat de droit.

     Mary cherche le conflit avecle par-quetafin d’éviter dediscuterdu fonddel’affaire,il plaide dans la rue etutiliseles journalistes.»«Je n’ai aucune concessionà faire,

     pas de politesse inutile: je suis là pourdéfendre, pourfaire respecter les règles», rétorque Mary.«Il y vaparfois unpeu fort,estime néanmoins DenisBosquet, aurisquede crisperle par-quet, cequi n’estjamaisbon». «Lebâ-tonnier de l’ordre flamand de

     Bruxelles m’a conseillé de me taire,après mespremières déclarationsàla presse dans l’affaire Abdeslam.

     Mais iln’a rien à mediredès lors que

     jene plaidepas devantles caméras. Ilvoulait mêmequ’avantchaque in-terview, je demandeune autorisa-tionpréalable.Alors j’ai donnésontéléphone à toute la presse inter-nationale. Son bureau est devenu

     fou face à l’afflux de dema ndes»,s’amuse-t-il.«C’est le frèred’Abdeslam,Moham-med,qui m’a contactépourque je le

    défende.J ’ai hésité.C’est undossier médiatiquementchaud sur le planinterna-

    tional et c’est la premièrefoisque j’aià traiter une telle affaire. J’ai puconstater que la presse française,

    c’estautrechoseque la presse belge:elleest plus dure,plus compétitive»,explique-t-il. «Ça force le respectd’avoir acceptéun teldossier, carça

    bousillela vie etça met enpérilsa famille et son cabinet, apprécieDenis Bosquet. Il y a beaucoupdecoups à prendre pour peu deretours.»SvenMaryest unconcentréde Bel-gique: néà Dilbeek,une communeflamandeà lafrontièrede Bruxelles,ilestparfaitementbilinguenéerlan-dais-français.Sa villed’origineestl’undessymbolesdelaluttedesna-tionalistesflamands contrela tached’huile francophone qui gagne lapériphériebruxelloise: «Dilbeek,làoùles Flamands sont chez eux»,pro-clame ainsi fièrementun tagsur un

    pontà l’entrée dela ville.Ce divorcé, père de deux petitesfillesde5et6ans,exerceaubarreauflamandde Bruxelleset estdevenu

    l’un desténors pénalistesdu pays,capablede plaiderdesdeuxcôtés dela frontièrelinguistique, cequi estaujourd’huirarissime.Il revendiquedeux «maîtresà penser»: RobertBa-dinter et Anne Krivine, décédéeen2007, quia formé desgénérationsde pénalistes talentueux.   «J’ai

     plaidé dans de nombreuses coursd’assisesavec elle. Ellea toujoursété là pendant mes tourments profes-sionnels et privés, elle m’a guidé ,dit-ilavec beaucoupd’émotiondansla voix. Je ne suis pas un avocatderupture, commeM e Vergès. Je pense

    simplementque les droitsde la dé- fensedoiventêtre pleinementexer-cés.Je combats depuis vingtans l’ar-bitraire et les abus de pouvoir duministèrepublic et de la police.»Il amême contraint l’Etat à modifierplusieurs loispourvalider lesprati-quesjudiciairesetpolicières…BriceDeRuyver,qui necachepas qu’il«nel’aimepas», confirmequeMaryn’estpas un«avocat politique quiprati-queune défense de rupture». «Con-trairement à Vergès,Mary n’estpasretors», ajouteDenisBosquet.

    DESCRIMINELSDEGUERRE?Defait,on sent Sven Mary très malà l’aisefaceà ceterrorismede der-nière génération, dont les habits

    idéologiques sontplus quelégers.«Je voulaisavoir ChristopheMar-chand[autreavocatpénaliste formépar Anne Krivine, ndlr] avec moidans l’affaireAbdeslam. Mais il m’aréponduqu’il arrêtait,car il estimequece sont descriminels deguerre»,se rappelle-t-il. Ce que confirmesoncollègueet amiqui a défendu,depuisun an,plusieursreturnees,cesBelges musulmanspartis com-battreen Syrie: «Jesuiseffrayépar le discours, le lavage decerveau dontontété victimes cestypes, et lescri-mesde masseauxquelsils ontparti-cipé. Je ne veux plus participer àleur défense.»SvenMary n’est pasloindepenserlamêmechose: «Cen’est pas la cour d’assises de Paris

    quidevraitles juger, mais unecour  pénale internationale. Ces gensontcommis desactes de guerre.»Etad-metseslimites: «Chacuna droitàune défense,mais ily a descausesque je n’aurais pas pu assumer,comme la défense des nazis, mon

     grand-pèreayantétédéporté. Mêmechosepour les négationnistes,les ra-cistes,les fascistes.»Ilne cached’ailleurspas sonméprispourAbdeslam: «C’est unpetit condeMolenbeekissude lapetitecrimi-nalité, plutôt un suiveur qu’un me-neur. Il a l’intelligenced’un cendrier vide, il est d’une abyssale vacuité.

     Il estl’exempleparfait dela généra-tion GTA [Grand Theft Auto] quicroitvivre dans unjeu vidéo. Luiet

    sescopainsontréussià rendreanti- pathiquetouteunereligion.Je luiaidemandés’ilavaitlu leCoran,ce que

     j’ai fait, et il m’a réponduqu’il avait

    Par

    JEANQUATREMERCorrespondantà Bruxelles

     P RO F I L

    13NOVEMBRE

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     LibérationMercredi 27 Avril 2016   www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe   u15

    lu son interprétation sur Internet. Pourdes espritssimples, c’estparfait,le Net, c’estle maximumqu’ils puis-sent comprendre.»Ilsedittrèsmalà l’aise face aux réactions depuisqu’il défendAbdeslam: «LesArabesme félicitent,alorsque lesnon-Ara-besme jettent desregardshaineux.C’est trèsmalsain.»«J’ai défenduAbdelkader Hakimi,luiaussi originaire de Molenbeek,unmembre duGICM [Groupeisla-miquecombattant marocain,ndlr]condamnéen2006à huitansde pri-sonpour avoir assuré la logistiquedesattentatsde Madrid, etqui,de-

     puis, a été libéré et se trouve à la frontière syrienneoù ila ouvertuneécole de combat… C’était un typed’une autretrempe qu’Abdeslam, un

    vrai combattant qui avait fait la

     guerrede Bosnie.» Rien à voir avecle «petitRebeu» Abdeslam,commeil lequalifie.«J’ai défendu beaucoupde voyous du grand banditisme.

    C’est autre chose : ce sont des gensavec quionpeutparler, quiontunehistoire.Ce n’estpas le casde cesga-mins de Molenbeek».Ilserappelleavoir invité un ancien mafieux àpeine sorti de prison à fêter Noëlavec lui: «Ilétait seul eton a passé une excellentesoirée.»

    VIOLATIONDU SECRETDEL’INSTRUCTIONCe quine risquepas d’arriveravecAbdeslam… «Je lui aiparléseptàhuit fois,deux heurestrente à cha-que fois.Ce n’estpasfacile: ilestà la

     prisonde Bruges alors que je suis à

     Bruxelles.Clairement, il ne me fait pasconfiance. Ilfaut dutempspour établir unerelationde confiance. En

     plus,à chaque foisque je le rencon-

    tre, un nouveau fait intervient, sibienqu’on n’est toujours pas arrivé à la base dudossier». Sonparcoursde radicalisation, en particulier,n’estpas trèsclair: «Ilyaencoreunanet demi, ilallaitenboîte à Ams-terdam. La seule explicationque jevois,c’estla propagande sur Inter-net qui donne l’impression que lesmusulmanssont victimesd’injusti-ces.» Enplus,«le dossier d’Abdeslam

     faitdéjà 85000 pages et on n’a pasle droit de le photocopier, juste ledroit deprendredes notes manuscri-tespar peurdes fuites».Unerelationd’autant plusdifficile

    à établirqu’Abdeslams’est refermécomme une huîtreà la suitede ceque Sven Mary considère commeunebévue.Cellequ’auraitcommise

    le procureurde Paris, FrançoisMo-lins, le 19 mars, en révélant, lorsd’une conférencede presse,le con-tenu de son audition par la policebelge.Auditionau coursde laquelleil a reconnuavoirrenoncéà sefairesauter devant le Stade de