l'Hémicycle - #445

16
Un grand classique de l’entre-deux- tours et post-élection : les sondeurs sont voués aux gémonies et les médias cloués au pilori. 2012 n’a pas manqué à la tradition. Un mauvais chiffre sur la mobilisa- tion, un malencontreux 20 % attribué à Marine Le Pen (contre 17,9 % au final) et un écart plus réduit qu’annoncé par certains entre les deux finalistes semblent justifier depuis dimanche un déferlement d’attaques tous azimuts contre les instituts de sondage et la presse écrite et audio- visuelle. Ce serait simplement dérisoire et vaguement ridicule si ce n’était pour l’essentiel totalement infondé. Depuis des semaines, les sondages ont photographié des tendances qui se sont finalement révélées exactes : la qualification du candidat socialiste et du Président sortant, l’écart de presque dix points avec le troisième. En l’occur- rence Marine Le Pen, qui, à quelques exceptions près, a tou- jours été placée devant Jean-Luc Mélenchon, et François Bayrou très sensiblement à la baisse. Seul finalement le candidat du Front de gauche a été surévalué, les autres résultats sont tous inclus dans les marges d’erreur sans cesse rappelées par les instituts. Quant à la prétendue influence que ces sondages peuvent avoir, personne n’en a sérieusement mesuré le poids. Il paraît seulement raisonnable de penser que ces influences se neutralisent, à l’instar des abstentionnistes du premier tour, qui, votant au second, se répartissent équitablement entre les candidats restant en lice. Bref la virulence des attaques non seulement est hors de proportion mais revient à nier un paramètre de connaissance de l’opinion qui constitue depuis cinquante ans l’un des éléments du débat démocratique. Chacun sait que les sondages n’ont rien de prédictif et qu’ils doivent être interprétés en termes de tendances plutôt qu’en lecture instantanée. Mais ils n’en restent pas moins un instrument privilégié de mesure d’impact des idées et de leurs mouvements. Ceux-là mêmes qui le nient ou cherchent aujourd’hui à les discréditer en usent et en abusent à longueur d’élection. Certes ces études sont imparfaites et le risque de manipulation n’est jamais loin, mais faut-il pour autant les enterrer définitivement pour purifier la démocratie de leurs éventuels effets pervers ? Le remède serait pire que le mal puisque, comme le sou- lignent fort justement les patrons des instituts, seules les dictatures font l’économie des enquêtes d’opinion. La dénonciation des élites qui seraient opposées au peuple, la mise en cause de la presse qui certes n’est pas exempte de dérapages mais reste heureusement libre, l’attaque sans nuance des sondages, tout cela ne montre-t-il pas plutôt le visage d’une classe politique (ou d’un camp !) qui cherche déjà les boucs émissaires de son possible échec ? Un grand classique, on vous l’a dit ! Et aussi Édito Robert Namias Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com La France au fond des urnes À quelques jours du 6 mai M arine Le Pen à 17,9 %, Jean- Luc Mélenchon à plus de 11 % et les candidats écologiste et d’extrême gauche qui totalisent près de quatre points, c’est finalement le tiers des Français qui ont clairement exprimé leur envie d’autre chose. Un Président sortant à la peine et le can- didat socialiste désormais favori dans les urnes et pas seulement dans les sondages, c’est le résultat du premier tour. Un vote qui avec près de 80 % de participation dit ce qu’est la France, ses souhaits, ses envies mais aussi ses peurs et ses angoisses. Plus éclatée qu’orientée vers un objectif clair, cette France du 22 avril apparaît surtout déboussolée par une classe politique qui, loin de marquer des points sur le terrain de la crédibilité, semble aux yeux d’une majorité de Français sourde aux préoccupations du quo- tidien. Et ce n’est pas la bataille de l’entre-deux-tours qui les fera changer d’avis. Il n’est guère besoin de sonder les reins et les cœurs pour imaginer ce que pensent les électeurs : en finir au plus vite avec cette insaisissable campagne pour qu’enfin le Président élu le 6 mai puisse ouvrir les dossiers qui attendent le futur chef de l’État quel qu’il soit. Ceux de l’emploi et du pouvoir d’achat, de l’Éducation nationale et de la santé publique dans le contexte d’une Europe surendettée et en panne de croissance face au reste du monde qui ne nous fera pas de cadeaux. Alain Fournay > Lire p. 2 et 3 NUMÉRO 445 — MERCREDI 2 MAI 2012 — 2,15 ¤ Sondages, médias et démocratie FRANCK FIFE/AFP Avec le débat de ce mercredi et un ultime meeting, Nicolas Sarkozy tente de combler l’écart qui le sépare de François Hollande. Mais peut-il encore inverser des tendances de fond qui se sont révélées dans le scrutin du premier tour ? Réponse dimanche à 20 heures. L’ancien ministre des Finances a trouvé dans l’auteur des Chênes qu’on abat l’incarnation d’une geste héroïque qui le fascine. Il voit en Malraux le symbole de la Résistance et la détestation de la défaite. > Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 15 Gaymard sous les noyers de Malraux Les régions STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP Cynthia Fleury > Raphaël Enthoven > P. 2 JACQUES DEMARTHON/AFP JEAN-PIERRE CLATOT/AFP Une redevance peu incitative Collecte des déchets ménagers Avec le principe de pollueur-payeur, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères favorise le tri sélectif et une démarche écocitoyenne. La redevance incitative actuellement testée dans plusieurs départements est l’objet de nombreuses discordes. Elle sera malgré tout obligatoire à partir de 2015. > Lire l’article de Ludovic Bellanger p. 8 et 9 À papa Au sommaire UMP : du doute au désarroi par Nathalie Segaunes Vivement dimanche ! par Bruno Jeudy >p. 4 Marchés publics : la grande déprime par Florence Cohen > p. 10 Le chez-soi plutôt que la maison de retraite par Joël Genard > p. 11

description

l'Hémicycle numéro 445 du mercredi 2 mai 2012 Au sommaire : - UMP : du doute au désarroi par Nathalie Segaunes - Vivement dimanche ! par Bruno Jeudy >p. 4 - Marchés publics : la grande déprime par Florence Cohen >p. 10 - Le chez-soi plutôt que la maison de retraite par Joël Genard >p. 11

Transcript of l'Hémicycle - #445

Page 1: l'Hémicycle - #445

Un grand classique de l’entre-deux-tours et post-élection : les sondeurssont voués aux gémonies et les médiascloués au pilori. 2012 n’a pas manquéà la tradition.Un mauvais chiffre sur la mobilisa-

tion, un malencontreux 20 % attribué à Marine Le Pen(contre 17,9 % au final) et un écart plus réduit qu’annoncépar certains entre les deux finalistes semblent justifierdepuis dimanche un déferlement d’attaques tous azimutscontre les instituts de sondage et la presse écrite et audio -visuelle. Ce serait simplement dérisoire et vaguementridicule si ce n’était pour l’essentiel totalement infondé.Depuis des semaines, les sondages ont photographiédes tendances qui se sont finalement révélées exactes : laqualification du candidat socialiste et du Président sortant,l’écart de presque dix points avec le troisième. En l’occur-rence Marine Le Pen, qui, à quelques exceptions près, a tou-jours été placée devant Jean-Luc Mélenchon, et FrançoisBayrou très sensiblement à la baisse. Seul finalement lecandidat du Front de gauche a été surévalué, les autresrésultats sont tous inclus dans les marges d’erreur sanscesse rappelées par les instituts.Quant à la prétendue influence que ces sondages peuventavoir, personne n’en a sérieusement mesuré le poids. Il paraîtseulement raisonnable de penser que ces influences seneutralisent, à l’instar des abstentionnistes du premiertour, qui, votant au second, se répartissent équitablemententre les candidats restant en lice. Bref la virulence desattaques non seulement est hors de proportion maisrevient à nier un paramètre de connaissance de l’opinionqui constitue depuis cinquante ans l’un des éléments dudébat démocratique.Chacun sait que les sondages n’ont rien de prédictif etqu’ils doivent être interprétés en termes de tendancesplutôt qu’en lecture instantanée. Mais ils n’en restentpas moins un instrument privilégié de mesure d’impactdes idées et de leurs mouvements. Ceux-là mêmes qui lenient ou cherchent aujourd’hui à les discréditer en usentet en abusent à longueur d’élection. Certes ces étudessont imparfaites et le risque de manipulation n’est jamaisloin, mais faut-il pour autant les enterrer définitivementpour purifier la démocratie de leurs éventuels effets pervers?Le remède serait pire que le mal puisque, comme le sou -li gnent fort justement les patrons des instituts, seulesles dictatures font l’économie des enquêtes d’opinion.La dénonciation des élites qui seraient opposées au peuple,la mise en cause de la presse qui certes n’est pas exemptede dérapages mais reste heureusement libre, l’attaque sansnuance des sondages, tout cela ne montre-t-il pas plutôtle visage d’une classe politique (ou d’un camp !) qui cherchedéjà les boucs émissaires de son possibleéchec ? Un grand classique, on vous l’a dit !

Et aussi

ÉditoRobert Namias

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

L’HÉM

ICYC

LE

www.lhemicycle.com

La France au fond des urnesÀ quelques jours du 6 mai

Marine Le Pen à 17,9 %, Jean-Luc Mélenchon à plus de 11 %et les candidats écologiste et

d’extrême gauche qui totalisent prèsde quatre points, c’est finalement letiers des Français qui ont clairementexprimé leur envie d’autre chose. UnPrésident sortant à la peine et le can -didat socialiste désormais favori dansles urnes et pas seulement dans lesson dages, c’est le résultat du premiertour. Un vote qui avec près de 80 % departicipation dit ce qu’est la France,

ses souhaits, ses envies mais aussi sespeurs et ses angoisses. Plus éclatéequ’orientée vers un objectif clair, cetteFrance du 22 avril apparaît surtoutdéboussolée par une classe politiquequi, loin de marquer des points surle terrain de la crédibilité, sembleaux yeux d’une majorité de Françaissourde aux préoccupations du quo -tidien. Et ce n’est pas la bataille del’entre- deux-tours qui les fera changerd’avis. Il n’est guère besoin de sonderles reins et les cœurs pour imaginer

ce que pensent les électeurs : en finirau plus vite avec cette insaisissablecampagne pour qu’enfin le Présidentélu le 6 mai puisse ouvrir les dossiersqui attendent le futur chef de l’Étatquel qu’il soit. Ceux de l’emploi etdu pouvoir d’achat, de l’Éducationnationale et de la santé publique dansle contexte d’une Europe surendettéeet en panne de croissance face au restedu monde qui ne nous fera pas decadeaux. Alain Fournay

> Lire p. 2 et 3

NUMÉRO 445 — MERCREDI 2 MAI 2012 — 2,15 ¤

Sondages, médiaset démocratie

FRAN

CK F

IFE/

AFP

Avec le débat de ce mercredi et un ultime meeting, Nicolas Sarkozytente de combler l’écart qui le sépare de François Hollande. Maispeut-il encore inverser des tendances de fond qui se sont révéléesdans le scrutin du premier tour ? Réponse dimanche à 20 heures.

L’ancien ministre des Finances a trouvé dans l’auteurdes Chênes qu’on abat l’incarnation d’une gestehéroïque qui le fascine. Il voit en Malraux le symbolede la Résistance et la détestation de la défaite.> Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 15

Gaymard sous lesnoyers de Malraux

Les régions

STÉP

HAN

E DE

SAK

UTI

N/A

FP

CynthiaFleury>

RaphaëlEnthoven> P. 2

JACQ

UES

DEM

ARTH

ON

/AFP

JEAN

-PIE

RRE

CLAT

OT/A

FP

Une redevance peu incitativeCollecte des déchets ménagers

Avec le principe de pollueur-payeur, la taxe d’enlèvement des orduresménagères favorise le tri sélectif et une démarche écocitoyenne. Laredevance incitative actuellement testée dans plusieurs départementsest l’objet de nombreuses discordes. Elle sera malgré tout obligatoireà partir de 2015. > Lire l’article de Ludovic Bellanger p. 8 et 9

À p

apa

Au sommaire • UMP : du doute au désarroi par Nathalie Segaunes •

Vivement dimanche ! par Bruno Jeudy > p. 4 •Marchés publics :la grande déprime par Florence Cohen > p. 10 • Le chez-soiplutôt que la maison de retraite par Joël Genard > p. 11

H445_P01:L'HEMICYCLE 30/04/12 18:01 Page 1

Page 2: l'Hémicycle - #445

De quoi cette campagneprésidentielle qui s’achèveest-elle le nom ?D’un règlement de comptes, à touségards. Entre le PS et l’UMP. Entre leFN et Nicolas Sarkozy. Entre le PCet l’extrême gauche. Entre Jean-LucMélenchon et Marine Le Pen. Entreune nation et un passé dispendieux.Entre Internet et les autres médias.Entre Libé et Le Figaro. Entre L’Ex-press et Le Point. Entre Paris et la pro -vince. Entre le pays légal et le paysrêvé. Entre le réel et l’utopie. Entreun peuple et l’homme qu’il ne separdonne pas d’avoir élu alors qu’iln’était pas le genre de la fonction,et qu’il s’apprête à répudier alorsqu’il a fini par en intégrer les codes.

La campagne est-elle à l’honneurde la démocratie française ?En tout cas, elle est à son image.Chao tique et répétitive, colériqueet ennuyeuse. C’est une campagnetype. Une campagne témoin. Lestéesur sa gauche par la résurrectiondu PC, sur sa droite par la transmi-gration d’un esprit xénophobe dansun corps plus jeune, et gênée danssa démarche par les lubies comp -tables du CSA. Pour le reste, rien nechange : tout en exprimant cha-cune une disposition du caractère(de la haine à l’amour), les structurespartisanes continuent de recouvririmparfaitement le véritable clivagequi scinde la société française depuisle débat sur le TCE (Traité constitu -tionnel européen, NDLR) qui n’estpas le clivage droite-gauche maiscelui d’une morale close contre unemorale ouverte, un clivage récem-ment réactivé à gauche par la pro-motion de la démondialisation.

« Comment se fait-il que, depuisque le Président est élu au suffrageuniversel, tous les candidats à lamagistrature suprême assurentqu’avec eux ça va changer ? »,écriviez-vous en 2011 dansL’Express. Cette loi du genres’impose-t-elle désormais au pointde contraindre toute campagne,lui faisant perdre originalité,spontanéité, sincérité ?Ce ne sont pas les candidats quifont la campagne. C’est la cam-pagne qui fait les candidats. Lesplaces et les rôles y sont répartis àl’avance, comme des costumes quiattendent leurs acteurs. La ques-tion n’est pas de savoir qui seracandidat, mais qui sera le candidatde la gauche, le candidat de la droite,le candidat qui portera le masquede celui qui n’est ni de gauche nide droite, le candidat de la peur, lecandidat de la vérité, le candidatdu changement, etc. C’est le mêmethéâtre, les mêmes passions, lesmêmes décorations. Il n’y a que lesinterprètes qui changent. Certainsont disparu de la scène, d’autress’y avancent déjà mais, comme ditLa Bruyère, « ceux qui ne sont pasencore, un jour ne seront plus ». Ducoup, même (et surtout) quand ilssont loufoques, les candidats nesont pas originaux.

Comment expliquer à la fois labonne participation et une défiancequi semble croissante vis-à-visdu pouvoir de la politique ?Par le fait que les bénéficiaires dela participation dont vous vousréjouissez (comme moi) sont éga-lement les promoteurs de la dé-fiance qui vous inquiète. Malgré la

mauvaise nouvelle de leurs scoresrespectifs, la démocratie doit para-doxalement à Marine Le Pen et àJean-Luc Mélenchon d’avoir drai -né la colère dans les urnes, d’avoirétouffé la défiance dans l’isoloir. Cesont des exutoires légaux. Commea dû penser le roi Léonidas quandil reçut le soutien de phalangesathéniennes pendant la batailledes Thermopyles qui l’opposait àtoute l’armée perse : « Les bravesamateurs ! Ils jouent leur rôle. »

Qui est responsable du dérouléde la campagne 2012 ?Les candidats ? L’air du temps ?Les électeurs ? La crise ?Les réseaux sociaux ? Les médias ?Le Front national, hélas.

La vérité a-t-elle sa place dansune campagne ? Le scorede François Bayrou vaut-ilenseignement en la matière ?François Bayrou, c’est le DanielBravo de la politique : alors qu’ilétait en fin de carrière, on en parlaitencore comme d’un espoir du footfrançais. L’élan qu’il a levé en 2007est totalement passé de mode, àl’image du « modem » qu’aucunordinateur n’utilise plus. Le voteBayrou était un fusil à un seulcoup, paré in extremis par le voteutile des socialistes hantés par le21-Avril. Depuis cet échec splendide(dont il aurait dû se contenter), sonparti suit, à un rythme de sénateur,la pente naturelle de l’érosion po -litique. Je n’ai pas entendu de vraimensonge dans cette campagne,mais des omissions choisies, des ap -proximations partisanes, tem péréespar la sincérité, sauf, évidemment,

quand les candidats, pour drama -tiser l’enjeu, jouent à prédire lesconséquences des promesses d’enface. Ce qui est passionnant, c’estla plasticité de la vérité. Depuis lepremier tour, et jusqu’au 4 mai,François Hollande et Nicolas Sar-kozy vont réussir, sans jamais sedéjuger, à flatter les électeurs duFN. Le second va casser de l’élite,exhiber ses états de service en ma-tière de sécurité, d’identité natio-nale et de politique migratoire ; lepremier va plaider pour un protec-tionnisme dicté par la vertu tout encachant autant que possible qu’ilest favorable au vote des immigrés.Bref, ça va puer. Ça pue déjà.

Nicolas Sarkozy se targuait d’êtrele seul responsable public à avoirfait reculer le FN – c’était en 2007.Au terme de son quinquennat,l’extrême droite est plus puissanteque jamais. Quelle est votreexplication ?C’est la crise qui a fait monter leFN, car il est le vote qui répond lemieux au désir de trouver un boucémissaire. Quelle meilleure cible, àcet égard, qu’un président métèque,handicapé par l’état du monde etamoureux du luxe ? Mais les nou-veaux électeurs frontistes ne sontpas seulement les déçus du sarko-zysme. La part considérable d’ou-vriers et de primo-votants montreque la gauche, non plus, n’a pas faitson travail. Pire : elle a contribué,elle aussi, à sa manière, à banaliserle discours frontiste en parlantnotamment de démondialisation,et en faisant cause commune, àl’occasion, avec le Front national,comme au moment de l’ignoble

affaire Frédéric Mitterrand, où BenoîtHamon et Marine Le Pen citaientles mêmes passages de l’autobio-graphie du ministre de la Culturepour réclamer sa démission.

Jean-Luc Mélenchon fait-il partiede l’exception culturelle française ?Jean-Luc Mélenchon est un ar-chaïsme d’avenir dont l’émergenceest une conséquence naturelle duchaos idéologique du PS et du faitque le PC, n’étant presque plusincarné par aucune dictature, re-prend lentement la tenue de rêvedont l’avait dépouillée son entréedans l’histoire.

Nicolas Sarkozy et FrançoisHollande dans leur personnagede candidat se ressemblent-ils ?Comme deux couteaux.

Dans L’Express du 25 avril, vousnotez : « Si Sarkozy n’existait pas,le sarkophobe l’aurait inventé. »2012 restera-t-il comme unréférendum pro ou anti-Sarkozy,dénaturant ce que doit être uneprésidentielle ?L’indispensable critique des pro po-sitions et du bilan du candidat Sar-kozy est constamment parasitée,voire paralysée, par la haine irra-tionnelle qu’il inspire. Ce délit defaciès, qui est une anomalie démo-cratique, ampute quotidiennementle débat. Dans un monde meilleur,la gauche de ce pays n’aurait paseu besoin d’un tel épouvantail pourl’emporter haut la main.

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012

Agora

Le philosophe considère que ce sont les discours et les thématiques du Front national qui ontstructuré la campagne présidentielle. Une campagne perçue par Raphaël Enthoven commeun théâtre d’ombres où chacun aura finalement joué le rôle qui lui était implicitement imparti…

«Ce ne sont pas les candidats qui font la campagne. C’est la campagnequi fait les candidats. Les places et les rôles y sont répartis à l’avance,

comme des costumes qui attendent leurs acteurs »

JACQ

UES

DEM

ARTH

ON

/AFP

RAPHAËL ENTHOVENPHILOSOPHE

H445_p02-03:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:20 Page 2

Page 3: l'Hémicycle - #445

Estimez-vous que cette campagneet ses résultats auront montré quela France est un pays qui va mal ? À France de crise, vote de crise.Mais il n’y a pas que ça. Les Fran-çais ne se retrouvent pas dans lescandidats de la politique classique.Au premier tour, par exemple, lescore de François Hollande estbon, mais on aurait pu imaginer,la grogne antisarkozyste étant cequ’elle est, un écart plus importantavec le candidat sortant. Les Fran-çais qui ont voté pour Marine LePen ne l’ont pas fait que pour desraisons contestataires. Beaucoupl’ont fait aussi car ils souhaitentl’éclosion d‘un grand front de droi -te, souverainiste et protectionniste.Le repositionnement antimondia-liste, pseudo-républicain, pseudo-laïc de Marine Le Pen a permis àcelle-ci de travestir sa préférencenationale en préférence sociale, etde faire croire qu’elle n’était pas lafille de son père. Nous le savons,elle a bénéficié d’un double phéno -mène de normalisation : grâce aurenouveau droitiste de la droite(depuis la charte du collectif de laDroite populaire) ; et grâce au faitd’« antimondialiser » ses fonda-mentaux. Je sais que beaucoupne croient pas à la droitisationdu pays, s’appuyant par exemplesur le score historique du candi-dat socialiste à Paris. Mais le paysest scindé. Je crains que la victoirede la gauche soit une victoire à laPyrrhus. Le pays s’atomise. La de-mande de socialisation est réelle,mais en même temps il y a un telrepli, une telle crispation, une telle

peur, un tel refus d’affronter unenouvelle donne. La droite sauravite instrumenter le phénomèneMarine Le Pen, alors que la gauchepeine à le déconstruire.

Quelles sont les nouvelles fracturesde la société française ? Les classes moyennes n’ont plusune conscience commune de classe.Nous vivons dans une société desindividus, fortement fragilisée parleur absence de projet social com-mun. Et le repli n’est qu’un simu-lacre de récit collectif. Commentoser croire que le seul vieux projetsouverainiste est à la hauteur desenjeux du XXIe siècle ? De l’autrecôté, la « rigueur juste » de Fran-

çois Hollande a remplacé l’« ordrejuste » de Ségolène Royal. Maiscela n’est pas un projet non plus.C’est une méthode, certainementla bonne, mais pas un projet.

En quoi l’électorat de Marine Le Penest-il différent de celui de son père ?L’électorat de Marine Le Pen tou -che les classes populaires et lesclasses moyennes basses. Ce sontdes actifs, déstabilisés par la trans-formation du travail. Des ruraux,des citadins de petites villes, tantdans le Pas-de-Calais que dansle Vaucluse. Des catégories po -pulaires qui ont trouvé Marine

Le Pen plus « concrète » que Jean-Luc Mélenchon. Par ailleurs, il nefaudrait pas que le socialisme mu-nicipal qui a fait la force du socia-lisme pendant des décennies vireà un frontisme municipal. Les lé-gislatives vont être un premiergrand test.

C’est le même type de populismeque celui qui a également le venten poupe ailleurs en Europe ?Il n’y a pas de populisme unitairemais des populismes. Chaque so-ciété le customise en fonction deses fractures et inégalités propres.Bien sûr, il y a des points com-muns. Marine Le Pen fait échoà Pia Kjærsgaard (Danemark), à

Krisztina Morvai (Hongrie), à SivJensen (Norvège). On pense aussiaux figures féminines du Tea Party.Marine Le Pen veut affronter laquestion de la gestion des affaires.Le changement de nom qu’elleprône pour les législatives estun signe majeur. Pas sûr qu’elleréussisse tout de suite son hold-upsur la droite – sa mue étant encorefraîche.

Les partis traditionnels savent-ilsencore parler au peuple ?Ils traversent une crise de repré-sentativité depuis si longtemps.Et le peuple lui-même ne sait plus

quel peuple il est. En mêmetemps, les partis sont toujours là.On est au fond dans un systèmeoù tout perdure et où tout se mé-tamorphose. Jean-Luc Mélenchonn’est pas une création ex nihilo,il est issu du Parti socialiste, etMarine Le Pen cherche à légitimerson parti.

La période politique que nousconnaissons ressemble-t-elleà une autre ?Tout est ressemblance et dissem-blance. Ce moment où la contes-tation devient adhésion, ouencore ce ressentiment lié à laperte d’un statut, à un déclasse-ment, nous les connaissons par-

faitement. Pour le reste, la défensepopuliste d’un modèle social fran-çais va renvoyer la gauche à soncompromis libéral, et à une obli-gation d’être plus efficace dansson action.

Cette élection au final n’aura-t-elleété qu’un référendum pourou contre Nicolas Sarkozy ? Jamais un Président ne sera partien campagne avec une telle ran-cœur contre lui. C’est donc vraiqu’il y a eu quelque chose commecela. Mais il serait erroné de direque François Hollande n’a faitque de l’antisarkozysme primaire.

Depuis longtemps, il est parti encampagne pour crédibiliser sonpersonnage et son programme decandidat à la présidentielle.

Est-ce qu’au fond lorsqu’on exercele pouvoir, on ne peut que décevoir ? Hélas, la nature de la démocratieadulte est nécessairement décep-tive. Après la ferveur du suffrageet de la promulgation des prin-cipes démocratiques, le momentdéceptif des pratiques arrive tou-jours. Mais il ne faut pas y voirque la face sombre de la démo -cratie. Il n’y a pas que du ressen-timent mais du sentiment démo -cratique. C’est aussi la vérité de lamasse plus éclairée, le signe d’unemontée de l’exigence citoyenne,de plus de transparence. Il y a unedemande de plus de probité poli-tique, de plus d’outils citoyensde la régulation. Si cette montéeen exigence est un fait positif, ilfaudra demain réussir à mieuxarticuler ce deuil de la démocratiefantasmatique et ne pas se laisserattraper par le désenchantementà chaque fois. Tous ceux qui ap-prennent à devenir libres saventles deuils qu’ils doivent faire. Lamanière positive de vivre la dé-ception, c’est de réinventer la li-berté des Modernes. On ne va pasrevenir à la Grèce antique, maisla totale délégation, synonyme dedéception et de confiscation, estinsuffisante.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

CYNTHIA FLEURYCHERCHEUR AU MUSÉUM NATIONALD’HISTOIRE NATURELLE

Cynthia Fleury considère elle aussi que c’est le vote Marine Le Pen qui a structuré cette élection. Laphilosophe estime que, pour se construire et s’inscrire dans la durée, la gauche de gouvernement va devoirdéfinir ses projets comme autant de réponses aux thèses protectionnistes et populistes développéesdans la campagne par Marine Le Pen et, dans une moindre mesure, par Jean-Luc Mélenchon.

«La défense populiste d’un modèle social français va renvoyer la gaucheà son compromis libéral, et à une obligation d’être plus efficace dans

son action »

STÉP

HAN

E DE

SAK

UTI

N/A

FP

«JE CRAINS QUE LA VICTOIRE DE LA GAUCHESOIT UNE VICTOIRE À LA PYRRHUS »

H445_p02-03:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:21 Page 3

Page 4: l'Hémicycle - #445

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012

Plan large

Qu’elle est loin l’époque où legénéral de Gaulle, candidat à saréélection en 1965, rabrouait sesfidèles Alain Peyrefitte et RogerFrey venus lui suggérer d’utiliserle passé vichyste de François Mit-terrand pour l’empêcher d’accéderau second tour. « Je ne ferai pas unecampagne de boules puantes ! » répli-qua le Général. Quatre décenniesplus tard, les finalistes de la prési-dentielle 2012 ne prennent pas cegenre de précaution. Les derniersjours de la campagne sententmauvais.En quelques heures, des person-nages qui n’ont rien à voir avecl’enjeu immédiat de ce rendez-vousdémocratique capital ont surgi dansla campagne : le maréchal Pétain,Dominique Strauss-Kahn, le sulfu -reux marchand d’armes Ziad Takied-dine ou encore un ancien ministrelibyen, Moussa Koussa.À la veille du dernier virage, l’enjeuméritait mieux que ce durcissementvia les affaires. Les candidats etleurs lieutenants ont choisi de lesutiliser dans le débat public. Sansdoute pour éluder une dernière foisles questions de fond : l’emploi, lepouvoir d’achat, la lutte contreles déficits publics…Dans les derniers jours de cettelongue campagne entamée parFrançois Hollande il y a presquequatre cents jours, cette guerreélectorale s’est adaptée aux stra -tégies des deux belligérants. Uneguerre de mouvement pour NicolasSarkozy. Devancé au premier tour,distancé assez nettement dansles sondages, le Président « chal-lenger » est contraint d’attaquertous azimuts pour conquérir unmaximum d’électeurs du Front na-tional tout en ramenant à lui unebonne partie des voix centristes.Exercice périlleux.En face, le favori des sondages gèreune avance confortable. En tête aupremier tour, François Hollande aaccompli le plus dur en marquantun avantage psychologique in -contestable. Jamais un Présidentsortant candidat à sa réélectionn’était arrivé en seconde position.Ce que lui et ses amis ne cessent derépéter pour créer la confiance chezleurs partisans. Du coup, le députécorrézien se contente d’une guerrede positions en évitant les écueilsdes dernières heures. Une positionparfaitement assumée par l’équipeHollande. À chacun sa guerre.

L’opinionde Bruno Jeudy

Vivementdimanche !

DR

Dix ans après sa fondation,l’UMP est-elle menacée,comme certains le prédisent ?

« Elle va très certainement imploseraprès ces élections », a estimé LouisAliot, vice-président du FN, au len-demain du premier tour de l’élec-tion présidentielle. Alain Juppélui-même a semblé envisager cettesombre perspective. « Si Nicolas Sar-kozy perdait, nous serions un certainnombre à tout faire pour que l’UMPgarde sa cohésion, parce que reconsti -tuer, pardon de dire les choses un peubrutalement, le RPR et l’UDF, c’est dixans d’échec pour ce qui serait alorsl’opposition », a lancé le cofondateurdu mouvement, ce qui lui a valud’être sèchement rappelé à l’ordrepar Nicolas Sarkozy. La questionde la survie de l’UMP après le 6 maiest de fait dans beaucoup de têtesà droite. Une victoire du Président-candidat dimanche prochain régle-rait probablement la question. Unedéfaite en revanche pourrait avoirdes conséquences ravageuses. Depuis2002, l’Union pour un mouvementpopulaire fédère centristes, libérauxet gaullistes, les trois grandes famillesde la droite. Or, le quinquennat deNicolas Sarkozy a vu l’émergenced’une nouvelle force en son sein, laDroite populaire. Dont les thèmesde prédilection (immigration, insé-

curité, nationalité…) et le discours,très droitier, auront été largementrepris par Sarkozy dans l’entre-deux-tours. Au point de provoquer unprofond malaise dans l’aile centristede la majorité. « On se trompe en re -pre nant les thématiques de MarineLe Pen », a ainsi estimé la semainedernière Étienne Pinte, député UMPproche de François Fillon, s’avouant« très gêné ». L’ancien maire deVersailles estime que l’UMP « estaujourd’hui très divisée, entre la Droitepopulaire, la Droite sociale, la Droitehumaniste ». « On ne m’emmènera passur des rives telles que celles-là, confieégalement Michel Piron, députéUMP venu du CDS. Il y a des valeursqui ne sont pas les nôtres. L’UMP devrachoisir, on ne pourra pas rester danscette ambiguïté. » Le sénateur UMPJean-René Lecerf, proche de Jean-Pierre Raffarin, dénonce lui aussila campagne droitière du candidatUMP : « Les valeurs du FN ne sont pasles nôtres. Et toute démarche à l’égarddu FN me paraît inutile. » Pour cesénateur, « qu’il y ait défaite ou vic-toire, on n’arrivera pas à faire cohabi-ter très longtemps la Droite populaireet les humanistes (...). Si on joue sur laDroite populaire, l’éclatement de l’UMPsera incontournable. » « Une ligne plusconsensuelle doit être adoptée pourl’avenir, ou il faudra prendre acte que

le risque d’un désaccord fondamentalamène chacun à reprendre sa liberté »,insiste-t-il. L’ancien ministre RenaudDonnedieu de Vabres est lui aussimonté au créneau, assurant que « lemalaise est évident » au sein de lamajorité : « Le problème de l’UMPest qu’on ne parle que de sécurité etd’autorité », regrette-t-il. L’ancien Pre -mier ministre Jean-Pierre Raffarin,venu de l’UDF, n’en pense manifes -tement pas moins, mais refuse derentrer dans le débat avant le secondtour : « Le temps de l’analyse viendraaprès le 6 mai », a-t-il prévenu jeudi.À l’inverse des centristes, LionnelLuca, député UMP de la Droite po -pulaire, reproche à l’UMP et à soncandidat Nicolas Sarkozy d’avoir« arrêté », pendant la campagne dupremier tour, de « se positionner clai-rement à droite». Son collègue ThierryMariani, ministre des Transports, seréjouit que la campagne de l’entre-deux-tours se fasse en revanche « surdes thèmes qui nous sont chers. On parledes sujets qui intéressent les Français. »Mariani plaide pour la survie duparti… mais en réévaluant la placedes uns et des autres. « L’UMP doitabsolument continuer à exister, assure-t-il. Si elle éclate, le premier parti del’opposition, ce sera le Front national.Mais l’UMP doit être forte et représen-tative des réalités d’aujourd’hui. En dix

ans, la société a évolué, la vie politiqueaussi. » Pour la Droite populaire, lepoids des centristes au sein de l’UMPest désormais excessif. Et eux seulscompromettent l’avenir de l’UMP,en menaçant d’en sortir. Si, aux légis-latives, des alliances locales étaientnouées entre UMP et FN, même defaçon « marginale » comme l’a évo-qué Luca, « les centristes seraient ten-tés de quitter l’UMP », assure de fait unproche de Jean-Louis Borloo.Roger Karoutchi, sénateur UMP etancien ministre de Sarkozy, mini-mise : « La nécessité de l’unité est uneévidence pour tout le monde. Et les étatsd’âme, il y en a toujours eu depuis dixans. » Le député radical Yves Jégone croit pas non plus à l’éclatementde l’UMP : « Il y aura après les législa -tives des mouvements tectoniques, carle modèle construit en 2002 commenceà dater, analyse-t-il. Mais cela n’entraî-nera pas une explosion du mouvement. »Certains élus de l’UMP soulignentaussi, sous le couvert de l’anonymat,que le discours de Grenoble, en 2010,a en réalité beaucoup plus « secoué »l’UMP que la campagne droitièrede Sarkozy aujourd’hui. « Je ne senspas de véritable ligne de fracture cettefois-ci », assure un élu.Dans un parti fortement imprégnépar la culture du chef, la questiondu leadership va très rapidementse poser. À l’automne, les militantsUMP devront élire le nouveau pré-sident. En cas de défaite de Sarkozy,Jean-François Copé, actuel secrétairegénéral, tentera dès dimanche soirà 20 heures de prendre la main, ense positionnant en chef de l’oppo-sition. François Fillon sera-t-il enmesure de le challenger ? « Si Sarkozyest battu à 45 %, ce sera l’hallali, etFillon sera atteint, prédit un membrela majorité. Cela peut être très violent. »Que sortira-t-il de cette guerre deschefs ? Alain Juppé peut-il avoirl’autorité suffisante pour surgir entroisième homme et faire cohabitersous la même bannière « popu-laires » et « humanistes » ? « Le pre-mier qui tire contre l’UMP est mort,veut en tout cas croire un député.Personne ne veut revenir dix ans enarrière, avec le RPR et l’UDF. Les mi -litants et les élus de base ne suivrontpas. » « Après les législatives, toutdevient possible », ironise un ancienministre, reprenant avec amertumele slogan de Sarkozy en… 2007.

À l’UMP

Dans le parti majoritaire, on veut encore y croire, mais la perspective d’unéchec de Nicolas Sarkozy provoque déjà des tensions parmi les prochesdu Président sortant. Tous sont d’accord : qu’il gagne et on ne verra plusqu’une tête, qu’il perde et ce sera une guerre des chefs fratricide et suicidaire.Par Nathalie Segaunes

Du doute au désarroi

H445_p04:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:49 Page 4

Page 5: l'Hémicycle - #445

NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012 L’HÉMICYCLE 5

Au-delà des polémiques etdes postures de campagne,les résultats du premier

tour donnent pour le second tourdes indications extrêmement pré-cieuses et un réel avantage àgauche.

Le bloc de gauche

Avec 44 % de suffrages exprimés,le « bloc de gauche », de l’extrêmegauche jusqu’aux écologistes,progresse de 7 points par rapportà 2007. Le vote Hollande y est lar-gement dominant puisque sa partreprésente 65 % de l’ensemble.Enfin, indépendamment du ni-veau de François Hollande lui-même – 28,6 %, soit le deuxièmemeilleur score pour un candidatsocialiste depuis 1981 – et de sonavance symbolique sur NicolasSarkozy (28,6 % contre 27,2 %), lagauche se situe à un étiage pro-pice à une victoire au second tour.Cet étiage, comme nous l’indi-quions la semaine dernière dansles différentes hypothèses envi -sagées, est favorable au candidatsocialiste mais cependant à peineplus élevé qu’en 2002, la barre des45 % n’ayant pas été atteinte.

Le bloc de droite

Avec 47 %, le « bloc de droite », lui,progresse de 2 points par rapportà 2007. Il devance donc légèrementle bloc de gauche mais la situationest malgré tout fondamentalementdifférente. D’une part, parce que ceniveau global de la droite est leplus faible de l’histoire de la Ve Ré-publique, à l’exception de 2007. Etil est par exemple nettement endessous de 1974 (52 %), de 1981(49 %) et de 1988 (51 %).D’autre part parce qu’au sein de cebloc c’est évidemment le niveaude Marine Le Pen qui joue le rôlede moteur. Le vote Sarkozy repré-sente en effet 57 % de l’ensemble,contre 71 % en 2007. Il est ainsi

en retrait de 4 points par rapportà 2007 tandis qu’avec 18 % dessuffrages le vote FN progresse, lui,de 7,5 points.Par ailleurs, si l’on considère quele vote Bayrou ne peut plus êtreassimilé au bloc de droite commec’était le cas jusqu’en 2002 oùl’on pouvait totaliser les voix de

l’UDF et du RPR (le leader duMoDem se veut aujourd’hui réso-lument au centre), la droite par -lementaire en 2012, ou encore, ladroite hors FN, se situe à 29 %. Or,c’est clairement son plus bas ni-veau depuis le début de la Ve Ré-publique. En effet, la droiteparlementaire était à 51 % en1974, 49 % en 1981, 37 % en1988, 44 % en 1995, 31 % en2002 et 33 % en 2007, contre29 % en 2012.Que l’on raisonne sur l’ensembledu bloc de droite ou sur la droiteparlementaire, le résultat du22 avril traduit donc bien unaffaiblissement important de ladroite en général ainsi que deNicolas Sarkozy.

Le bloc du centre

+ 7 à gauche, + 2 à droite, le grandperdant est le bloc central, incar -né par François Bayrou qui, lui,perd 9 points par rapport à 2007.Dans ce contexte issu des urnes,

il est assez logique et cohérentque les intentions de vote soienten faveur de François Hollande :53 % dans la dernière enquêteIpsos-Logica Business Consulting,réalisée avant le débat de l’entre-deux-tours. Toutefois, le scorefinal dépend totalement des re-ports qui vont s’opérer à gauchecomme à droite et chez les absten-tionnistes du premier tour venantvoter au second.

Les hypothèses

de report

Chez les électeurs de Jean-Luc Mé-lenchon, 80 % environ déclarent

avoir l’intention de voter pourFrançois Hollande, le reste se par-tageant entre un petit vote en fa-veur de Nicolas Sarkozy (3 ou 4 %,qui apprécient notamment sapersonnalité), l’abstention ou lanon-réponse. Les électeurs d’EvaJoly sont également très majori -tai rement enclins à voter pour

François Hollande (70 % environ)tandis que ceux de Nathalie Ar-thaud et de Philippe Poutou nesont qu’une petite majorité à levouloir (60 % environ).Les électeurs de François Bayrouont, au cours de la campagne, évo -lué : ils étaient avant le premiertour un peu plus favorables àFrançois Hollande qu’à NicolasSarkozy, puis on a atteint une sorted’équilibre. Sur les 9 % obtenus le22 avril par François Bayrou, 34 %environ déclarent actuellementqu’ils voteront pour François Hol-lande, 40 % pour Nicolas Sarkozy,26 % indiquant l’abstention ou lanon-réponse. À titre de comparai-son, en 2007 et sur une base de18,6 %, les reports furent relative-

ment équilibrés entre SégolèneRoyal et Nicolas Sarkozy.Enfin, les électeurs de Marine LePen sont environ 15 % à vouloirvoter pour François Hollande,54 % Nicolas Sarkozy et 31 % nil’un ni l’autre. Là encore, à titrede comparaison, ils furent 65 %environ à se reporter sur NicolasSarkozy en 2007.Les reports fonctionnent donccomme un système global : on nepeut dire que, pour l’emporter,il faudrait que Nicolas Sarkozyobtienne par exemple 80 % de re-ports du Front national et autantdu MoDem car cela dépend aussides autres électorats : si par exem-ple les reports de Jean-Luc Mélen-chon se dégradent légèrement,Nicolas Sarkozy n’a pas besoin dereports aussi élevés venant desélecteurs de François Bayrou et deMarine Le Pen. Les nouveauxélec teurs du second tour ont aussileur importance et, en 2007, un tiersdes abstentionnistes du premiertour sont allés voter au secondtour. Mais on voit bien cependantpourquoi François Hollande al’avantage. Pour inverser la ten-dance, il faudrait que Nicolas Sar-kozy puisse agir sur trois ou quatreleviers en même temps, et tousdans le même sens : par exemple,du côté des électeurs de MarineLe Pen, en obtenant 65 % de re-ports ; du côté de François Bayrou,en obtenant 50 % ou plus. Et ducôté des nouveaux électeurs, enayant un différentiel en sa faveurpar exemple de 3 points. Ou en-core, via des reports un peu moinsélevés en sa faveur, mais s’accom-pagnant par exemple d’une dé -gradation des reports de Jean-LucMélenchon sur François Hollande.Une telle configuration n’est doncpas totalement impossible ; ellesupposerait cependant de com-prendre pourquoi les électeursévolueraient tous plutôt dans unsens aussi favorable à Nicolas Sar-kozy. Les derniers jours de cam-pagne, le débat et la mobilisationapporteront la touche et le résultatfinals d’une campagne qui auraduré près d’un an.

Avantage à Hollande mais…À quelques jours du second tour

Les chiffres du premier tour ont parlé. Avec sept points de plus qu’en 2007, la gauche abordeen position favorable le second tour. Pour l’emporter, il faudrait que Nicolas Sarkozy bénéficied’un dégel des abstentionnistes en sa faveur et d’un report des voix de Marine Le Penet de François Bayrou au moins identique à ce qu’il était en 2007.Par Brice Teinturier

Analyse

Avec les abstentionnistes du premier tour qui se déplaceraient pour le second, ce sont les électeursde Marine Le Pen, de Jean-Luc Mélenchon et de François Bayrou qui détiennent la cléde l’élection présidentielle.

« Leurs électeurs ont la clé du second tour »

MAR

TIN

BURE

AU/A

FP

JACQ

UES

DEM

ARTH

ON/A

FP

BERT

RAND

LAN

GLOI

S/AF

P

H445_p05:L'HEMICYCLE 30/04/12 16:59 Page 5

Page 6: l'Hémicycle - #445

6L’HÉMICYCLE NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012

Mardi 24 avrilFrançois Bayrou l’a annoncé : ilen verra, aujourd’hui ou demain,une lettre aux deux candidatsrestés en lice au deuxième tour,pour préciser ce que sont ses prio -rités. Il prendra sa décision desou tenir l’un ou l’autre, ou peut-être personne, après le débat du2 mai. Peut-il se décider pourNicolas Sarkozy ? Difficile. Toutau long du quinquennat, il amaintenu ses distances avec lui.Si ralliement il y a, ne serait-il pasplus sage d’attendre l’occasiondes légis latives ?Pendant ce temps-là, les fidèlesdu président du MoDem se dis-persent : une quarantaine d’éluslocaux se sont dès hier pronon -cés pour François Hollande. JeanArthuis, quant à lui, a annoncé,avec d’autres sénateurs, qu’il vo -terait Sarkozy.A-t-il été mal avisé d’employerl’expression de « vrai travail » : entout cas, Nicolas Sarkozy, qui aproposé aujourd’hui d’organiser,le 1er mai, un rassemblement pa -rallèle et simultané à celui dessyndicats, suscite des réactionsindignées à gauche et des interro-gations parmi ses propres parti-sans. Le « vrai travail », qu’est-ceque cela veut dire ? Ceux qui défi -leront derrière les syndicats danscette traditionnelle manifestationdu 1er mai, qui existe depuis 1889,sont-ils de vrais travailleurs ?Réactions en chaîne à gauche etdans les syndicats. Marine Le Penelle-même, qui honorera la tradi-tion familiale du rassemblementdevant la statue de Jeanne d’Arc,place des Pyramides à Paris, iro-

nise : pourquoi, demande-t-elle,le Président ne se joindrait-il pasà sa manifestation ?

Mercredi 25 avrilÀ France Inter le matin, le Prési-dent sortant a insisté : « D’accordavec le Front national, il n’y en aurapas. De ministres FN, il n’y en aurapas. »Pas d’accord au sommet, donc,mais un débauchage de la base : àLongjumeau, le fief de NKM, qu’ilvisite dans la matinée, il reparlede viande halal, de l’islam, dudroit de vote des immigrés. Lastratégie est claire : pour essayerde sortir les électeurs de MarineLe Pen de leur isolement, mieuxvaut les caresser dans le sens dupoil. Problème : dans cette course,jusqu’où Nicolas Sarkozy peut-ilaller ? Et jusqu’où sans perdre lesvoix centristes ? François Bayrou,qui vient précisément de faireporter son courrier aux deux fi-nalistes, s’est publiquement in-digné, avant qu’ils ne la lisent,de la « validation » par le candi-dat de la droite du discours duFront national.Dans l’après-midi, conférence depresse de François Hollande. Troiscents journalistes dans une sallepleine à craquer, à quelques cen-taines de mètres de la tour Eiffel,avec drapeaux tricolores et euro -péens, et ce qu’il faut de caméraset de micros : une rencontre dansle plus pur style présidentiel. Avecquelques objectifs clairs : mettreles journalistes de son côté, aumoment où Nicolas Sarkozy dé -nonce leur parti pris, tous médiasconfondus ; insister sur les toutes

dernières déclarations du gouver -neur de la Banque centrale euro -péenne, Mario Draghi, en faveurde la croissance ; et enfin mettreen évidence le rassemblement detoute la gauche.Au journal de 20 heures, à TF1,Nicolas Sarkozy joue au contrairela polémique, accusant FrançoisHollande d’être soutenu par l’in-tellectuel musulman Tariq Rama -dan, et s’indigne d’un supposéappel de 700 mosquées favorablesau candidat socialiste.

Jeudi 26 avrilDès le matin, un des porte-paroledu Parti socialiste, Benoît Hamon,parle, à propos de Tariq Ramadanet de l’appel des 700 mosquéesdont personne ne parvient à trou-ver la trace, d’« invention de ladroite ». Valéry Giscard d’Estaingappelle à voter Sarkozy, tandisque François Hollande dénoncela course du candidat-Présidentderrière le Front national. La fêtedu « vrai travail » continue defaire parler d’elle, le camp Sarkozycontinue d’évoquer le refus de dé -battre de François Hollande, pré -senté sinon comme une lâ cheté,du moins comme une insuffi-sance, tandis que le député-maireUMP de Nice Lionnel Luca, per-dant une bonne occasion de setaire, trouve intelligent d’appe -ler Valérie Trierweiler « ValérieRottweiller », et juge rétrospecti -vement « moche » Fadela Amara.Marine Le Pen enfin, sur les coupsde 13 heures, accuse les deuxfinalistes de « mépriser » sesélecteurs.Chacun des deux candidats se pré -pare pour son passage à l’émissionde France 2, Des paroles et desactes, lorsque les policiers boule-versent l’ordonnance de la jour -née. L’un des leurs a été mis enexamen pour homicide volontairepar le tribunal de Bobigny. Saisipar les syndicats, Nicolas Sarkozyse prononce sans hésiter pour ledroit de légitime défense pourles policiers et les gendarmes. Cequi passe pour un geste de plusen direction du Front national,dont c’est une revendicationdepuis longtemps. Plus prudent,car il sent que l’affaire peut lemettre en cause sur le terrainsécuritaire, le candidat socialisteaffirme son soutien au policiermis en cause et propose de ren-forcer, dans des cas analogues,la protection administrative dueaux forces de police.L’affaire des policiers évacuée,voici venu pour les deux candi-dats l’émission de France 2. Ils

passeront l’un après l’autre à l’an-tenne, mais ne se croiseront paset n’échangeront pas le moindremot. Étonnant chassé-croisé entreles deux hommes : celui qui se bat,de façon offensive, avec l’enviede renverser la table, c’est le prési-dent de la République en place.Celui qui déjà donne l’impres-sion d’incarner l’unité, c’est celuiqui n’est pas encore à l’Élysée.Chacun a son style, sa musique.Match nul.

Vendredi 27 avrilLa cavalcade continue. Ce matin,les deux impétrants se succèdentà RTL. Chômage, immigration,Front national : les polémiquesrestent les mêmes et chacun rendcoup sur coup, Sarkozy commeun boxeur, Hollande comme unarquebusier. Mêmes arguments,de part et d’autre, et une précisiondu candidat socialiste : en casde duel UMP-FN aux législatives,il appellera à voter républicain.Sur ce sujet, Nicolas Sarkozy a étémoins clair la veille.À gauche et à droite, les ouver-tures de Nicolas Sarkozy auxélecteurs du FN continuent defaire l’actualité : Jean-Luc Mélen-chon évoque, à sa manière, enforçant exagérément le trait, lesrelents de « collaboration » quientourent le discours de NicolasSarkozy, qui, dit-il, « extrême droi-tise la droite » ; tandis que Domi -nique de Villepin se dit « effrayé »par la « dérive électoraliste » de Ni -colas Sarkozy. Il ne va pas, commecertains des chiraquiens pur jusle font depuis le début de cette

semaine, jusqu’à rejoindre le campHollande. Mais c’est tout juste.Coup de blues passager de Nico-las Sarkozy : dans les bureaux dujournal l’Équipe, à la veille de lafinale de la Coupe de France, ilconfie aux journalistes qu’en poli-tique comme en sport, « on ne peutêtre triste que quelqu’un prenne votreplace ». Que n’a-t-il dit là ?! Il seraobligé dans la soirée de démentirqu’il ait jamais pensé être rem-placé. Baisser les bras ? Lui, jamais.C’est en effet l’impression qu’ildonne.

Samedi 28 avrilDSK s’invite dans la campagne :un journaliste du Guardian pré-tend tenir de l’ancien patron duFMI des confidences sur le « com-plot » dont il aurait été l’objetl’année dernière. Est-ce vraimentle moment pour Strauss-Kahn derevenir dans l’actualité, une se-maine avant le deuxième tour ?Perversité ou inconscience ?

Dimanche 29 avrilDernière ligne droite avant lese cond tour : les deux finalistesont fait le plein de leurs troupescet après-midi, l’un à Toulouse,l’autre à Bercy. Les meetings poli-tiques se ressemblent tous, à ceciprès qu’il y avait, d’une ville àl’autre, une différence de climat :pour Hollande, la victoire n’estpas encore certaine. Pour Sarkozy,la défaite n’est pas encore assurée.Le premier parle de rassemble-ment ; le second, de frontièresà rétablir. Derrière les mots, lacourse continue.

Plan large

Cahiers de campagnePar Michèle Cotta

Le candidat socialiste en meeting à Bercy. « Pour Hollande,la victoire n’est pas encore certaine. » PHOTO MARTIN BUREAU/AFP

Le Président sortant en meeting à Toulouse. « Pour Sarkozy,la défaite n’est pas encore assurée. » PHOTO ÉRIC FEFERBERG/AFP

H445_p06:L'HEMICYCLE 30/04/12 17:22 Page 6

Page 7: l'Hémicycle - #445

NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012 L’HÉMICYCLE 7

Démarche originale, les« Mati nales Carrefour » sontdes rendez-vous réguliers

en régions, qui réunissent les four-nisseurs ainsi que les acteurs éco -nomiques et politiques locaux. Ily a dix jours, le conseil général del’Aube accueillait ainsi à Troyesla 3e Matinale. Une rencontre qui apermis de découvrir les partenariatslocaux mis en place par l’enseigneet de mettre l’économie territorialedurable au centre des discussions.

Valoriser l’approvisionnementlocalAprès l’accueil au conseil général,par Gérard Ancelin, Vice-présidenten charge de l’économie, la ren-contre s’est poursuivie par la visited’une entreprise locale : la MaisonGilbert Lemelle, spécialisée dans lacharcuterie et la célèbre andouil-lette de Troyes. Cette entreprisequi existe depuis trois générationsfabrique notamment des andouil-lettes vendues sous la marqueReflets de France. Lancée en 1996,Reflets de France met à l’honneur leterroir, avec une offre de produitsfabriqués selon les recettes tradi-tionnelles régionales ; les PME sontchoisies et sélectionnées pour leurssavoir-faire reconnus et la qualitéde leurs produits. Fondée en 1976,la Maison Gilbert Lemelle perpé-tue depuis plusieurs générations larecette de la véritable andouillettede Troyes. Respect de la tradition,passion du produit, DominiqueLemelle, qui travaille dans l’entre-prise avec son frère, est intaris -sable sur la façon de faire un bon

produit : tout, ou presque, est réa-lisé à la main pour parvenir àélaborer la fameuse andouillettedressée. Comme il aime à le rappe -ler, le partenariat de DominiqueLemelle avec Carrefour « ce sont25 années de vie commune » et unatout réel pour le développementde l’entreprise familiale : « Carrefourreprésente aujourd’hui 18 % de notrechiffre d’affaires. Les chiffres parlentd’eux-mêmes : Reflets de France re-présente deux tonnes d’andouillettespar jour et ce sont 12 000 clientsCarrefour qui peuvent déguster nosproduits. »Après la visite de la Maison Gil-bert Lemelle, les participants sesont rendus dans le magasin Car-refour de Saint-André-les-Vergers :une occasion unique de découvrirles « coulisses » d’un hypermar-ché. Ici, priorité aux produits fraiset traditionnels, fabriqués surplace comme la boulangerie quiprépare tous les jours le pain et lespâtisseries.

Dialoguer et renforcer les liensSi les « Matinales Carrefour » sontl’occasion pour les participantsde découvrir et de mieux connaîtrel’envers de la chaîne de productionet de distribution, elles sont aussiun moment d’échanges entre lesdifférents acteurs d’un territoire etpermettent d’illustrer les bonnespratiques. Pour Frédéric Ebling,Directeur des affaires publiquesdu groupe Carrefour, ces rencontressont un moyen de renforcer lesliens entre les différents acteursd’une région : « Un commerçant

comme Carrefour est avant tout local,un régional de l’étape ! » Représen-tants de l’État, chambres consu-laires, élus locaux, fournisseurs,directeurs de magasin, directeursrégionaux d’une enseigne… tousces acteurs locaux trouvent dansces rencontres une occasion dediscuter du développement de leurterritoire mais aussi des opportu -nités en matière d’emploi dans

les magasins et chez l’ensemble desfournisseurs. Être à l’écoute de sespartenaires locaux est aussi essen-tiel pour Carrefour : identifier etanticiper les attentes de ses partiesprenantes, les associer au dévelop-pement économique de son activitéen régions, d’autant plus durableque non délocalisable, tels sont lesobjectifs de l’enseigne. Gérard Ance-lin, le Vice-président du conseil

général, s’est également félicitéde cette rencontre, rappelant queson département bénéficiait d’in-frastructures de transport perfor-mantes et d’un pôle de compétiti-vité « industries et Agro- Ressources »à vocation mondiale. Nul doute, laréussite d’un territoire est l’affairede tous et rien de tel que deséchanges et des relations pérennespour l’assurer. Joël Genard

Des rencontres pour construiredes relations pérennesPour une PME locale, rencontrer ses partenaires institutionnels et commerciaux toute une matinéeest une belle occasion d’échanger sur le dynamisme économique d’une région. Écouter, dialoguer,partager : telle est l’ambition de ces « Matinales Carrefour » dont la dernière édition s’est tenueà Troyes.

Territoires

Depuis quand et pourquoiavez-vous signé un partenariatavec Carrefour sous la marqueReflets de France ?Notre relation partenariale remon teà plus de vingt ans. Nous livrionsà l’époque les magasins les plusproches de notre entreprise avecdes produits à notre marque propre.Lorsque Reflets de France a étélancé en 1996, Carrefour recher-chait des produits du terroir etdonc les entreprises les fabriquant.Ils connaissaient la qualité denos produits, c’est pourquoi nous

avons été contactés pour monterce partenariat qui s’est fait en trèspeu de temps ! Nous étions parmiles premiers à faire partie des pro-duits sélectionnés par Carrefour.

Aujourd’hui que vous apportece partenariat ?Carrefour nous a permis cettemontée en puissance et représente18 % de notre chiffre d’affaires.Reflet de France est le plus groscontrat de l’entreprise. Nous four-nissons des produits sous notremarque propre et des produits

commercialisés sous la marqueReflets de France. Notre accord avecCarrefour nous permet de dialo-guer en confiance. Nous avonspu investir dans des démarches decertification qui nous ont fait pro-gresser. La fidélité de Carrefour estaussi très importante pour nous.Nous travaillons en toute sérénité.Ce partenariat nous a permis derecruter du personnel : nous avonsplus d’une trentaine de personnesqui travaillent toute l’année pourassurer la production destinée àl’enseigne.

Et vous, qu’apportez-vousà Carrefour ?Nous avons un savoir-faire et laqualité est notre priorité per -manente. C’est un client majeurque nous essayons de satisfaire.Reflets de France est une gammede recettes authentiques et tradi-tionnelles issues du patrimoineculinaire français. Nos produitssont de bons ambassadeurs de lamarque et nous y mettons toutnotre savoir-faire pour régalerles clients.

Propos recueillis par J.G.

DOMINIQUELEMELLEPRÉSIDENT DU DIRECTOIREDE LA MAISON GILBERT LEMELLE

3 questions à

Gérard Ancelin, Vice-président du conseil général de l’Aube, avec Dominique Lemelle, lors de la visitede la Maison Gilbert Lemelle. PHOTO JEAN-MARC LEBAZ

JEAN

-MAR

C LE

BAZ

H445_p07:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:23 Page 7

Page 8: l'Hémicycle - #445

Force est de constater quel’application d’une tarifica-tion incitative par les col-

lectivités locales en matière decollecte des ordures ménagèressoulève des désaccords. Enquêteauprès des foyers, année test, fac-turation à blanc, rien n’endigueles contestations locales. Née dansles pays anglo-saxons, la démar -che PAYT (« Pay as you throw »)s’est étendue progressivement àla Belgique, à la Suisse et à l’Alle-magne. Elle est également appli-quée aux États-Unis depuis unedizaine d’années.Initié en France par le Grenelle del’environnement, l’amendementadopté par l’Assemblée nationalefin 2011 prévoit que l’actuelle taxed’enlèvement des ordures ména-gères (TEOM) puisse à l’avenir sedoter d’une partie incitative. Grâceà de nouveaux bacs équipés depuces électroniques scannées parles éboueurs, le nombre de levées,le poids et le volume des déchetsproduits par chaque ménage en-treront ainsi dans le calcul de lanouvelle redevance (REOM).

Des ambassadeursdu tri en AlsaceÀ Besançon, les 180000 habitantsde la communauté d’aggloméra-

tion testent le dispositif depuis le1er janvier. « L’objectif de la redevanceincitative est de favoriser la réductiondes déchets et leur recyclage », ex-plique Jean-Louis Fousseret, maire(PS) de Besançon. La redevancelocale sera constituée d’une partfixe (environ 50 %): la pesée repré-sente 40 % de la facture, les 10 %restant étant calculés selon la fré-quence d’enlèvement des ordures.« La communauté d’agglomération duGrand Besançon est pionnière dansla démarche d’instaurer ce type de re-devance en milieu urbain », constateStéphanie Le Maitre, ingénieur encharge des déchets des collectivitésà l’Ademe (Agence de l’environne-ment et de la maîtrise de l’énergie).L’agence subventionne le projet,qui s’inscrit dans les objectifs deréduction des déchets du Grenellede l’environnement qui impose lagénéralisation du tri sélectif à partirde 2012. 45 % des ordures ména-gères devant être recyclées à l’hori-zon 2015. Besançon espère ainsifaire diminuer ses ordures ména-gères résiduelles de 35 % en habitatpavillonnaire et de 12 % en habitatcollectif, à l’horizon 2014.En Alsace centrale, la mise en placed’une redevance incitative début2010 a permis d’améliorer le recy-clage des déchets, et de réduire leserreurs de tri de 46 %. Selon Jean-Pierre Piela, président du syndicatmixte de traitement et de collectedes ordures ménagères : « De 2009à 2010, le tonnage de déchets recycléspar an et par habitant est passé de50 à 52 kg. » Outre des mesuresde tri uniformisées et simplifiées,des « ambassadeurs du tri » ont étéchargés d’actions pédagogiques au-près des habitants, et les gardiensd’immeubles ont été formés.

« Une augmentationubuesque des tarifs »Une réussite qui laisse perplexe lesrésidents de la communauté decommunes d’Erdre et Gesvres, enLoire-Atlantique ; ils se préparentau passage à la redevance incitativeen 2013. Une pétition dénonçantles coûts exorbitants liés aux nou-veaux modes de gestion et de ra-massage des ordures ménagères adéjà recueilli un millier de signa-tures. Le chef de file de l’oppositionde Sucé-sur-Erdre, près de Nantes,Jean-Louis Roger (MoDem), estimeque « tout le monde est d’accord sur

l’importance d’améliorer le tri des dé-chets ménagers, ainsi que le servicede collecte. C’est une évolution in -contournable que nous devons effec -tivement intégrer dans nos compor-tements. » Mais il critique la façonarbitraire et autoritaire de l’instau-rer. « Le tri sélectif a ses limites, mêmeavec de la bonne volonté. On prendle risque d’inciter à des actes d’in -civisme, comme le dépôt sauvaged’ordures. »Aussi remontés que leurs habi-tants, les élus pointent du doigt lesnouvelles grilles tarifaires. FrancineAngeli, adjointe au maire chargéede l’environnement à Morigny-Champigny, dans l’Essonne, ex-plique: « Certaines personnes avaient400 euros de TEOM pour 104 levéesannuelles. Désormais, ils doivent ver-ser la même somme pour seulement18 levées. » Un constat partagé àLamballe, dans les Côtes-d’Armor,comme à Chalo-Saint-Mars dansl’Essonne, dont les habitants dé-noncent des hausses de 50 à 60 %de leur facture. Pour Michel Yon-neau, président de l’Associationde défense des contribuables et del’environnement de Thénac, enCharente-Maritime: « Sous des de-hors apparemment favorables auxbons usagers, ceux qui jouent aumieux le jeu du tri sélectif, cette ré-forme dissi mule une augmentationubu esque des tarifs en applicationà l’heure actuelle. »

« Une bonne formule, maisil ne faut pas se précipiter »Autre reproche avancé, le calcul dela redevance incitative est purementmathématique. « Si l’objectif visé parle Grenelle est bon, il ne faudrait pasque l’application de cette taxe se révèleinéquitable selon les milieux de vie etles ressources des usagers, et donc, aufinal, totalement contre-productive »,indiquent les observateurs. Lesménages pénalisés par le coût de lataxe n’étant pas incités à mieuxtrier et à réduire leurs déchets. Unefamille nombreuse avec des res-sources limitées qui vit en apparte-ment sera nécessairement désavan-tagée par rapport à un couple deretraités résidant en pavillon et quipeut pratiquer un vrai tri sélectif etdu compostage. « Il faudra trouverun moyen de rééquilibrer cette tarifi-cation selon l’habitat, la composi -tion des foyers et les ressources desménages », préviennent encore les

bénévoles de l’association quimpé-roise Consommation, logement etcadre de vie (CLCV).Député-maire (UMP) de Combs- la-Ville, en Seine-et-Marne, GuyGeoffroy considère que « La rede-vance incitative est incontestablementune très bonne formule. Nous avonsvu le rôle incitatif pour les collectivitésde la redevance spéciale. Cela nous apoussés à travailler en amont sur lesvolumes, le tri, la gestion des déchets…Mais je pense qu’il faut maintenirun équilibre entre responsabilité etsolidarité. » Et de rappeler les pro-positions pour que le calcul de laTEOM prenne en compte d’unepart le volume de déchets produits,

et d’autre part des données soli-daires. « Il faut du temps pour mettreen place une taxe incitative, ne passe précipiter. »En Allemagne, une contributionprélevée lors de l’achat influencedirectement le consommateur.« C’est au moment de l’achat quetout se fait, qu’on a la maîtrise dufutur déchet et qu’on décide ou nond’en produire », remarque BertrandBohain, délégué général du Cerclenational du recyclage. « Et derrière,c’est le vrai pollueur, celui qui metle produit sur le marché, qui prend latotalité des coûts en charge. » De quoialimenter la réflexion…

Ludovic Bellanger

8 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012

Initiatives

Avec le principe de pollueur-payeur, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères favorise le trisélectif et une démarche écocitoyenne. La redevance incitative actuellement testée dans plusieursdépartements est l’objet de nombreuses discordes. Elle sera malgré tout obligatoire à partir de 2015.

Une redevance peu incitativeCollecte des ordures ménagères

Dans la Sarthe, des poulespour réduire les déchets

« C’est un moyen à la fois deréduire la quantité de déchets,

de jouer un rôle pédagogique pour lesenfants et de réaliser des économiesvu la flambée actuelle du prix desœufs », explique Lydie Pasteau,maire (sans étiquette) de Pincé,dans la Sarthe.L’idée d’offrir des poules aux foyersintéressés du village est née à lasuite d’une décision de la com-munauté de communes localede créer une redevance incitative

sur les ordures. « Au début, c’estparti comme une boutade, et puis ona réalisé que c’était une très bonneidée », poursuit la maire. Une poulepeut absorber jusqu’à 150 kg dedéchets organiques par an et pro-duire 200 œufs.Pour la municipalité, l’initiative– déjà testée avec succès en Bel-gique – constitue un bon inves-tissement, car « inévitablement lesfrais liés aux ordures vont augmenteravec le temps ».

Jean-Louis Fousseret. Pour le maire (PS) de Besançon, l’objectifde cette redevance incitative est de «favoriser la réduction des déchetsménagers et leur recyclage».

Stéphanie Le Maitre.Ingénieur, elle est chargée parl’Ademe de ce projet qui s’inscritdans les objectifs de réductiondes déchets du Grenelle del’environnement.

JACQ

UES

LE G

OFF/

ADEM

E

AFP

H445_p08-09:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:26 Page 8

Page 9: l'Hémicycle - #445

NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012 L’HÉMICYCLE 9

Nouveaux relais de servicespublics de proximité, lesdébitants de tabacs s’ap-

prêtent à élargir leur activité auxdémarches administratives. Ima-ginée par Valérie Pécresse, ministredu Budget, la Direction de l’amé-nagement du territoire (Datar) etla profession, l’expérimentation sefera d’abord dans les départementsde l’Aisne, des Hautes-Alpes, del’Orne, de la Charente, de la Creuseet de l’Indre.En pratique, les particuliers trou-veront au guichet des buralistesparticipant à l’opération les dixformulaires administratifs les plusdemandés : certificat d’immatri -culation d’un véhicule, déclarationd’achat d’une voiture d’occasion,demande de carte d’identité… Desbrochures d’information commecelle sur le RSA seront égalementdisponibles. « Nous allons commen-cer par les formulaires. Ensuite, enfonction des demandes de l’adminis-tration et des clients, nous affinerons

les services proposés », précise Jean-François Palancher, président de lachambre syndicale des buralistesde l’Indre.

Vers une généralisationen fin d’annéeChaque bureau de tabac disposerapar ailleurs d’une borne Internetper mettant de se connecter auxsites des services publics. L’initia-tive dépasse la traditionnelle ventede timbres-amendes et fiscaux.Elle prend la suite de la mise enœuvre du PVe (procès-verbal élec-tro nique), disponible chez plus de10000 buralistes.Depuis plusieurs années, les pou-voirs publics tentent de résoudreles difficultés d’accès aux servicespublics en milieu rural en multi-pliant les points-relais. Bureaux detabac et épiceries accueillent déjàdes relais de la Poste. Le contratd’avenir 2012-2016 signé entrel’État et les buralistes prévoit d’ail-leurs pour ces derniers une « prime

de service public de proximité » de1 500 euros par an.Si le test est concluant, le dispositif

sera généralisé à tous les buralistesvolontaires, en zone rurale, d’ici lafin de l’année. L.B.

C’est la véritable entrée deMayotte dans le XXIe siècle, unerévolution culturelle, un tour-

nant historique », se réjouit YvesRuggeri, président du consortiumdu câble sous-marin Lion II (« Lowerindian ocean network »). Alors queles régions rurales de l’Hexagone semobilisent face aux déserts numé-riques (cf. notre édition du 25 avril),les 250000 habitants de l’île del’océan Indien ont désormais accèsà l’Internet haut débit.Le projet remonte à 2006 avec unaudit demandé par la collectivitédépartementale sur les enjeux àMayotte des nouvelles technolo-gies de l’information et de la com-munication (NTIC). En septem-bre 2010, un consortium constituépar plusieurs acteurs, dont Orangeet SFR, a signé un contrat pour lelancement du programme Lion II.

Équiper 41 % des Mahoraisd’ici 2015Le câble qui reliait initialementMadagascar au réseau très haut débit

via La Réunion et l’île Maurice a étéprolongé de 2 700 km jusqu’auKenya en desservant Mayotte. Le101e département français a été rac-cordé physiquement au câble posésous son lagon l’été dernier. À défautde fibre optique, il fournit pour lapremière fois aux Mahorais un accèshaut débit à Internet. « Ce consortium

a pris la décision d’investir à peu près60 millions d’euros », explique ÉricBouquillon, directeur d’Orange àLa Réunion et Mayotte.Après l’inauguration du premiercâble fin 2009, cette mise en serviceconstitue l’aboutissement du secondvolet du plan d’expansion de l’Inter -net haut débit dans l’océan Indien.

Les zones couvertes au lancementdu haut débit concerneront le nordet le centre de l’île, et Bandrélé,dans le sud de Mayotte. L’opérateurhistorique nourrit ainsi l’ambitiond’équiper 41 % des foyers mahoraisà Internet, contre 16 % aujour -d’hui, d’ici à l’horizon 2015.

L.B.

LUTTE CONTREL’ABSTENTION :À CHACUN SA FORMULE� L’initiative visait à « encourager laparticipation des Essonniens au scrutin »,explique Jérôme Guedj, président (PS)du conseil général. En offrant aux électeursdu premier tour de la présidentielle desplaces pour assister à un match de rugby,l’Essonne a déclenché les foudresdu Front de gauche et de l’UMPqui dénoncent une « mercantilisationdu suffrage universel » et « un douteuxdonnant-donnant ». En Isère, la stationde Chamrousse avait de son côté misen place un « ski pass citoyen » destinéaux skieurs ayant accompli leur devoirélectoral. Dans le Nord, la mairiede Neuf-Berquin avait choisi de distribuerdes éthylotests.

TWEET AGAIN À PARIS� Installé dans le Ier arrondissement,le bien nommé « Roger » est le premiertotem digital à diffuser dans la rue lesmessages du compte Twitter de la Villede Paris. La réactivité du système permetà la ville de diffuser des informationsen temps réel, et d’échanger en directavec les twittos. Paris est la collectivitélocale qui enregistre le plus grand nombrede « followers » au monde.

UN PACTE POUR L’EMPLOIDES JEUNES EN PAYS DELA LOIRE�Destinée à lutter contre le décrochagescolaire, l’opération prévoit des aidesfinancières pour les déplacements, la miseen place de stages dans la métallurgieet l’agroalimentaire, le développementde l’apprentissage, ou encoreun accompagnement professionnel. Ledispositif devrait concerner 18 000 jeunes,dont 6 500 dès la rentrée prochaine.« II s’agit de leur donner des perspectivesconformes à la réalité du marchéde l’emploi dans la région. En somme,de leur tendre la main », résume JacquesAuxiette, président (PS) des Paysde la Loire.

SARLAT TAGUESON PATRIMOINE� Afin d’animer les visites de sonpatrimoine médiéval, la cité du Périgorda installé une centaine de tags « NearField Communication » sur sesmonuments. Scannés à partir d’unportable, ils permettront aux deuxmillions de visiteurs annuels d’accéderà des informations enrichies de texteset de photos. Des audioguides et destraductions vidéo pour personnessourdes et malvoyantes serontégalement accessibles.

TROIS VILLES TESTENTLA LIVRAISON ANTIBRUIT�Paris, Lyon et Orléans testeront jusqu’àl’été auprès d’une dizaine d’enseignes undispositif visant à encourager les livraisonsnocturnes peu bruyantes. En chargede la démarche, l’association Certibruitsouhaite faire reconnaître son labeldans le cadre des actions menées parles collectivités en matière de livraisonen centre-ville.

En bref

Les buralistes de six départements ruraux participeront à l’expérimentationde mise en place de services de proximité au cours des six prochains mois.

Le plus récent des départements français est entré dans l’ère numériquehaut débit grâce à la mise en service d’un câble Internet sous-marin.

Les services publics font un tabac

«

Mayotte accède à l’Internethaut débit

Valérie Pécresse. La ministre du Budget est parmi ceux quisouhaitent que les bureaux de tabac puissent prendre en chargela distribution d’un certain nombre de documents administratifs.

SOPH

IE L

AUTI

ER/A

FP

ÉRIC

PIE

RMON

T/AF

P

Koungou, à Grande-Terre, la principale île de Mayotte, dans l’archipel des Comores.

H445_p08-09:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:26 Page 9

Page 10: l'Hémicycle - #445

Des collèges qui peinent àsortir de terre, des routesen tretenues a minima, des

murs que l’on repeindra plus tard…C’est encore un avatar de la crise :2010 (dernière année recensée) a étéune mauvaise année pour les mar -

chés publics. Pour les seules collec -tivités locales, le nombre de contratssignés dégringole de 17 % avec14 500 concrétisations en moins(-3 % pour l’État), et leur montantglobal chute de 18 %. Ce constatpeu flatteur est dressé par l’Obser-vatoire économique de l’achatpublic (OEAP), un organisme crééil y a sept ans sous l’égide de Bercy.La mauvaise passe économiqueactuelle explique largement cettedéconvenue. Entre les dotationsde l’État gelées pour trois ans, desressources fiscales en recul notam -ment du fait de la suppressionde la taxe professionnelle et desdépenses toujours en croissance(prioritairement les dépensessociales pour les départements),l’issue était inéluctable : il fallaitserrer les cordons de la bourse et

ce sont les marchés publics qui enont fait les frais.Tous les types de marchés sonttouchés par cette contraction. Larépartition par catégories, sans êtreuniforme, a le mérite d’être assezéquilibrée pour les collectivités.

Le plus gros recul est néanmoinspour les frais de services, -30 % ;les fournitures voient leurs signa-tures de contrats diminuer de16 % ; la chute est de 12 % pourles travaux. Au final, la structuredes achats des collectivités resteglobalement stable ; pour l’État, ellese déforme sensiblement au profitdes services et, dans une moindremesure, des travaux.Mais auprès de qui les collectivitéslocales se fournissent-elles ? Trèspeu auprès d’entreprises basées àl’étranger, fussent-elles originairesd’un pays de l’Union européenne :les seuls achats effectués en dehorsde nos frontières sont des four ni-tures, destinées à la gestion quo -tidienne du secteur public local.Les villes, groupements, dépar -tements et régions préfèrent

s’appro visionner auprès de socié -tés ayant leur activité sur le terri-toire hexagonal, qu’il s’agisse defiliales de grands groupes ou d’en-tités plus petites et indépendantes.Plus finement, pour leurs travaux,les collecti vités font la part belleaux groupes français, choisis dans57 % des cas. Pour combler leursbe soins en services, elles acquiè -rent leurs prestations auprès d’en-treprises non filialisées à hauteurde 58 %.

Si les grandes entités représententla majorité du montant desmarchés publics en 2010 (Étatet collectivités locales confondus),le poids des petites structures n’estpas négligeable. Les PME tota -lisent 61 % du nombre et 38 %du montant des contrats passésau niveau local. Elles s’illustrentassez uniformément dans les troisdomaines d’achats, avec une pré -dilection tout de même pour lestravaux et les services.

Aucun chiffre n’est disponible au-delà de l’année 2010, mais il n’estpas besoin d’être grand clerc pourse douter que la situation ne s’estpas beaucoup améliorée. Les col-lec tivités territoriales tentent depréserver leurs investissementscomme elles le peuvent, au détri-ment des autres dépenses. Commeles ménagères qu’elles abritent,elles comptent à l’euro près, en sedemandant si demain sera un peumeilleur qu’aujourd’hui…

10 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012

Le nombre d’appels d’offres pour répondre à des marchés publics initiés par l’État ou lescollectivités locales ne cesse de reculer. Les entités territoriales ont réduit notamment lesconstructions d’équipements collectifs avec pour conséquence des difficultés supplémentairespour les entreprises françaises qui concourent en majorité pour ces marchés publics.Par Florence Cohen

Financeslocales

Marchés publics : la grande déprime

Quelles sont les raisons de la contractiondu montant des marchés publics ?Premièrement, la réforme de la fiscalité localeintervenue pendant le quinquennat a privé lesrégions de beaucoup de marges de manœuvre,parce qu’elles n’ont plus de possibilité de fixer letaux de leurs propres impôts. Deuxièmement,le poids des dotations de l’État a augmenté,puisqu’il y a moins d’impôts et que ces dota-tions elles-mêmes sont gelées. Mais [comptetenu de l’inflation] elles diminuent. Troisième-ment, le peu de taxes que les régions encaissentencore a une dynamique plutôt négative. Cen’est pas forcément mauvais sur le fond, parcequ’il s’agit des cartes grises et surtout de la TIPPsur les carburants ; les Français consommentmoins de carburant, ce qui en soi est très bien.Mais, pour toutes ces raisons, le modèle deressources des régions a été gravement affectéces dernières années. Comme, par ailleurs, leursdépenses ont continué d’augmenter parce

qu’elles ont des charges croissantes, elles se sonttrouvées confrontées, pour la première fois, à lanécessité de naviguer au près. Dans ce cadre-là,les marchés publics ont été restreints.

La crise économique constitue-t-elleun autre facteur ?Elle est un peu la mère de ces difficultés. S’iln’y avait pas eu cette crise, les relations fi-nancières entre l’État et les collectivités localesauraient été moins compliquées. Aujourd’hui,la puissance publique serre la dépense et,conséquence, le secteur du BTP râle contre lefait que les départements et les régions n’aientplus les moyens de supporter tous les inves -tissements dont ils sont responsables.

Quels sont les types de marchés touchéspar la diminution ?J’ai tendance à dire que, comme tout bon ges-tionnaire, les régions ont surtout serré les

dépenses de fonctionnement pour, juste-ment, préserver les dépenses d’avenir. Il estrare qu’une région repousse ou renonce àun investissement comme la rénovation d’unlycée ou un nouveau train pour son réseaude TER. Il doit y avoir des marchés peu im-portants, qui touchent au fonctionnementquotidien, qui ont été encore restreints :des équipements informatiques, des parcsautomobiles…

L’étude porte sur l’année 2010.Quelle évolution depuis ?Sur la partie fonctionnement c’est toujourstendu. Sur la partie investissement, en 2011,on a observé un léger desserrement, les régionsont quand même essayé de respecter leurplan de vol. On n’a pas encore les chiffres,mais la partie « marchés publics » des dépen -ses va sans doute être un peu moins rétractéequ’en 2010.

MICHEL YAHIELDÉLÉGUÉ GÉNÉRALDE L’ASSOCIATION DES RÉGIONSDE FRANCE (ARF)

Questions à Régions : une gestion de bon père de famille

DR

Héric (44). Construction d’un collège labellisé Bâtiment basse consommation (BBC). PHOTO ALAIN LE BOT/AFP

«TOUS LES TYPES DE MARCHÉSSONT CONCERNÉS PAR LA

RÉDUCTION DES APPELS D’OFFRES »

H445_p10:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:33 Page 10

Page 11: l'Hémicycle - #445

NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012 L’HÉMICYCLE 11

Pour la première fois en France,la majorité des voix expri -mées à l’élection présiden-

tielle l’a été par des électeurs de plusde 50 ans. Près d’un quart de la po -

pulation a plus de 60 ans, et le nom-bre de personnes de plus de 75 ansa progressé de 45 % en vingt ans.Évoquer le pouvoir d’achat, cœurde la campagne, c’était dans leurcas se poser ces questions : aurai-jeles moyens de bien vieillir ? De res -ter chez moi ? De ne pas « être unpoids » pour mes enfants ? L’ap-proche concrète du lien logement-vieillissement se résume à une prio -rité : assumer le coût du maintienà domicile. Ainsi, selon un sondagerécent**, 90 % des Français estimentque le maintien à domicile est labonne solution face au problèmede la dépendance ; et la même pro-portion préfère adapter son domi-cile dans le cas d’une dégradationphysique liée à l’âge plutôt qued’intégrer un établissement spé -cia lisé. Dans la même enquête, lespersonnes interrogées sont partagéessur le financement du maintienà domicile : 49 % pensent faire

appel à des aides publiques et 45 %à des ressources propres. En re -vanche, 69 % des répondants ontdéclaré ne pas pouvoir assumer lecoût d’un hébergement médi calisé.

Adapter son logement, un choixéconomique autant qu’affectifAdapter son logement revient aminima à 4 280 euros. Un chiffreà rapprocher des 2 200 euros repré -sentant le coût moyen mensueld’une maison de retraite.C’est pourquoi Muriel Boulmier,présidente du groupe de travail« Évolutions démographiques etvieillissement » du Comité euro -péen de coordination de l’habitatsocial (Cecodhas), préconise entreautres un réaménagement des aidespubliques et du dispositif fiscal,à dépense budgétaire constante :« Souvent inabordable pour une per-sonne seule, le maintien à domicilepeut se révéler une manne d’éco nomiespour la dépense publique. Si la prisede conscience collective naissantes’accompagne d’une mutualisation desmoyens publics (Santé, Logement,Cohésion sociale), à l’échelle étatiquecomme territoriale, l’économie réali -

sable pour la dépense publique appa-raîtra clairement. En effet, bien quemajoritairement propriétaires, les per-sonnes âgées n’ont pas pour autant lesmoyens d’assumer cette dépense, ou sonreste à payer, aides publiques déduites. »Or pour la dépense publique, lecoût du traitement de la dépen-dance (non cognitive) en institutionreste bien plus élevé que celui dumaintien à domicile ! Nombre deprofessionnels, du milieu sanitaireet social comme du secteur desassurances, caisses de retraite etmutuelles, s’accordent à dire quela vieillesse n’est ni une maladieni un handicap, et que la place despersonnes âgées n’est donc pas àl’hôpital. Est-ce si difficile d’appré -hender cette évolution démogra -phique dont on connaît la tendancedepuis un demi-siècle ? Qui peutraisonnablement croire qu’il est im -possible de permettre aux personnesvieillissantes d’envisager un avenirserein, en sécurité, chez elles, et deréserver les établissements spécia -lisés et hôpitaux, coûteux pourl’État comme pour les familles, auxderniers moments de la vie ? Surfond de crises, financière et bud -gétaire, l’abandon de la réformede la dépendance n’a laissé place àaucune proposition de substitution,voire de transition. Or, plusieurspistes attendent d’être empruntées.Par exemple, un aménagement del’article 200 quater A du code généraldes impôts peut, à dépense constante,venir absorber en partie le coût dumaintien à domicile, si tant est quele crédit d’impôt auquel il ouvredroit soit transférable aux descen-dants. De même, la généralisationdans les établissements bancairesd’un microcrédit spécifique auxpersonnes âgées, pour l’adaptationde leur résidence principale, peutconstituer une aide précieuse per-mettant d’envisager un maintiendurable à domicile. Enfin, le viagerHLM2, qui reste à créer, peut d’aprèsMuriel Boulmier dans son rapporty concourir. Mais, conclut MurielBoulmier : « Vieillir chez soi reste unobjectif, d’ordre intime et affectif autant

qu’économique, que les seniors ne re -nonceront pas à atteindre. Quitte àévoluer dans un logement inadaptéà la diminution de leurs capacitésphysiques, avec baignoire, escaliers,bref, quitte à prendre le risque d’unaccident. Et qui dit accident dit hôpitalet perte d’autonomie, puis, trop souvent,dépendance. » Joël Genard

Le chez-soi plutôt que la maisonde retraite

Dépendance

90 % des Français préfèrent adapter leur logement plutôt que d’intégrer une maison de retraite.Pour prévenir la dépendance, Muriel Boulmier*, auteur du rapport remis au ministre chargédu Logement Bien vieillir à domicile : enjeux d’habitat, enjeux de territoires, proposede décloisonner les modes de financement pour permettre une adaptation des logementsqui assurera aux personnes âgées le maintien à domicile.

Enquête

Le système actuel, complexe,est loin de pouvoir répondre

aux besoins d’une popu lation vieil -lissante. Car les plus de 85 ans, âgemoyen d’entrée en maison de re-traite, devraient être deux fois plusnombreux en 2020 pour atteindre2,1 millions de personnes et peut-être 4,8 millions en 2050. Resteque le financement devra égale-ment s’appuyer sur la solidaritéfamiliale, la prévoyance via lesassurances et faire entrer dans lejeu le patrimoine des bénéficiairesdes aides.Au-delà d’une nouvelle articulationfinancière, le modèle de fonction-nement de la France du quatrièmeâge reste à inventer. Il s’agit doncde permettre aux neuf Français surdix qui disent vouloir passer leursvieux jours dans l’intimité de leurdomicile de réaliser leur souhait.« Il devient urgent de changer de capen privilégiant le vivre chez soi,comme choix individuel et collectif,pour favoriser l’autonomie, la mobi -lité et la réalisation de projets devie », insiste Nora Berra, secrétaired’État chargée de la Santé. Le pro-jet dépasse le sujet de la grande dé -pendance. Aujourd’hui déjà, plusde 90 % de personnes âgées deplus de 60 ans vivent à domicile.Et demain ? « La croissance dunombre des personnes âgées en inca-pacité n’est pas aussi spectaculairequ’on le dit, tempère Bernard En-nuyer, sociologue et directeur de

l’association Les amis, service àdomicile. Aujourd’hui, environ 25 %des plus de 85 ans ont perdu leur au-tonomie. Demain, ils ne seront sansdoute plus que 15 % dans ce cas. »

Inspirer une politiqued’autonomieEn France, le degré d’incapacitése mesure en GIR (Groupe iso-ressources), un classement retenucomme critère de l’attribution del’allocation personnalisée d’auto -nomie (APA). GIR 1 équivaut ainsià une dépendance totale et GIR 6à l’absence de dépendance.Le nombre de personnes ditesdépendantes est calculé en fonc-tion du nombre de bénéficiairesde l’APA. Or, cette aide est aujour-d’hui attribuée à partir de GIR 4 ets’adresse donc en partie à des per-sonnes relativement autonomes,ayant des difficultés à se lever maiscapables de se déplacer chez ellespar exemple.La mission Vivre chez soi œuvrepour ce public qui ne connaît pasforcément la grande dépendance etsensibilise les sexagénaires à l’or-ganisation de leur futur maintienà domicile. Une mission de préven-tion plus ambitieuse qu’elle en al’air. Reste à savoir si elle suffira àinspirer la mise en œuvre d’unevéritable politique d’autonomie etde mobilité pour les plus de 60 ans.En 2050, un tiers de la populationsera concerné.

Vivre vieux,vivre bien

* Muriel Boulmier, Bien vieillirà domicile : enjeux d’habitat,

enjeux de territoires, publié parLa Documentation française.

** Sondage OpinionWay pourl’Observatoire de l’intérêt général

réalisé auprès de 1 006 personnesdu 22 au 23 mars 2012.

Muriel Boulmier. PHOTO DR

H445_p11:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:28 Page 11

Page 12: l'Hémicycle - #445

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012

Dès 2007, la Cour des comptesavait proposé la créationd’une dotation unique per-

mettant de mieux équilibrer lesmasses budgétaires dédiées auxcommunes rurales. Symboles duconcours financier de l’État aux col-lectivités territoriales, les anciennesDGE et DDR étaient bien connuesdes élus locaux mais leur accessi -bi li té méritait d’être favorisée. Laré forme des finances locales, entre-prise par les lois de finances 2010et 2011, a participé de la logique derecentra lisation financière guidéepar l’impératif de « péréquation »budgétaire : soutenir les territoirestout en tenant compte de leurs iné-galités. Cela supposait une aidespécifique, plus de simplicité pourl’obtenir, et de privilégier les com-munes et établissements publics decoopération intercommunale (EPCI)à faible potentiel financier et fiscal.La notion de « potentiel financier »est d’ailleurs prise en compte dansle calcul de nombreuses dotationsde péréquation communale : do -tation de solidarité urbaine et decohésion sociale (DSU), dotationde solidarité rurale (DSR), dotationparticulière « élu local » (DPEL)…

Véritable indicateur de la richessed’une collectivité donnée, il corres -pond au potentiel fiscal majoré dela dotation forfaitaire perçue parles communes, le potentiel fiscalcorrespondant lui à l’« applicationaux bases communales des quatretaxes directes locales du taux moyennational d’imposition à chacunede ces taxes » (article L. 2334-4 ducode général des collectivitésterritoriales).Ainsi, les élus municipaux et in -tercommunaux des collectivités àfaible potentiel financier disposentd’une caisse commune (dont lagestion est déconcentrée) d’unmon tant fixé à 615 689 257 eurosen 2012. Les demandes de subven-tion sont accordées par le préfetaprès avis d’une commission dé-partementale d’élus.

Critères d’éligibilité etdomaines d’applicationLa liste des communes bénéfici-aires est fixée par le ministère del’Intérieur. Il s’agit des communesdont la population n’excède pas2 000 habitants dans les dépar -tements de métropole et 3 500 ha -bitants dans les départements

d’outre- mer (première part de la do -tation). Mais il existe une deuxièmepart touchant les communes dontla population est respectivementsupérieure à ces deux seuils, etn’excède pas 20 000 habitants dansles départements de métropole et35 000 habitants dans les départe-ments d’outre-mer. Concer nantles intercommunalités, là aussi, ilexiste deux parts se répartissant àmoins de 20 000 et plus de 20 000habitants (35 000 pour les dépar -tements d’outre-mer), la populationne pouvant pas dépasser 60 000 ha -bitants. À compter de 2013, seuls lesEPCI à fiscalité propre seront éligi-bles. La deuxième part se justifiepar une infériorité du potentiel fi -nancier ou fiscal moyen par habi-tant de l’ensemble des collectivitésde même catégorie (ne pas dépasser1,3 fois le potentiel financier moyennational).Globalement, le champ d’interven -tion de la dotation s’inscrit dans lesthématiques principalement liéesaux dépenses d’équipement : tra -vaux d’investissement concernantla voirie communale et rurale, créa-tion ou aménagement de zonesd’activités artisanales, cons truction

ou rénovation de groupe scolaire,projet de valorisation et de déve lop -pement touristique et/ou culturel,Maison pluridisciplinaire de santéà vocation intercommunale, soutienà la mise en œuvre de relais de ser -vices publics, études de faisabilité,rénovation de siège intercommunal,réalisation de terrains de sport…Un taux d’intervention et des coûtsplafonnés sont fixés dans chaqueaxe des catégories d’opération prio -ritaire (sécurité, scolaire, équi pe -ments communaux, développe-ment économique, maintien desservices en milieu rural, ingénierie).Il n’est pas possible de faire prendreen charge, au titre de la subvention,des dépenses de fonctionnementcourant comme les frais de rému -né ration des personnels, les dé pen -ses d’entretien et de fourniture…Il existe un soutien particulier del’État pour certaines opérationscomme le financement des im-plantations de la gendarmerie enmilieu rural, ou la mise en œuvredu Plan national d’adaptation dela France aux effets du change-ment climatique (PNACC).La demande de subvention doitêtre présentée à la préfecture parle maire ou le président de l’EPCI.Il comprend généralement unenote explicative (objet de l’opéra-tion, objectifs, durée, coût prévi-sionnel, montant de la subventionsolli citée), un devis descriptif dé-taillé, la délibération du conseilmunicipal, syndical ou commu-nautaire arrêtant les modalités definancement (plan de financementprévisionnel), une attestation denon-commencement de l’opéra-tion, et une série d’autres docu-ments à joindre (plan de masse destravaux, permis de construire, no-tice de sécurité éventuelle…).Une fois le dossier remis à la Direc-tion des relations avec les collec-tivités, il sera instruit par unecommission départementale dereprésentants d’élus. Celle-ci n’émetqu’un avis consultatif et elle seréunit, dans la plupart des cas, pourdes subventions supé rieures à150 000 euros. À signaler que lemon tant minimal d’une subven-tion DETR est de 5 000 euros avecun taux d’intervention variantentre 20 et 30 %. Un plafond de

1 million d’euros s’applique maisil est possible d’opé rer une sépara -tion fonctionnelle dans un projet :la construction d’un équipementsportif de 2 millions d’euros pour-rait être scindée en deux projets, unpour le gymnase multisport et unpour l’installation d’un terrainéquipé de gradins, aires de jeux etpistes, par exemple.

Réalisation du projet etenveloppe départementaleLe paiement de la subvention s’ef-fectue par tranches successives(30 % dès le début de son montant,acomptes n’excédant pas 80 % dumontant prévisionnel de la subven -tion, solde par renvoi des piècesjustificatives). Au sujet des délais deréalisation du projet, la collectivitéa deux ans pour engager la réalisa-tion à compter de l’arrêt attributifet quatre ans pour la terminer, sansquoi aucun paiement ne pourraêtre sollicité.Des règles de calcul permettent dedéterminer le montant de l’enve -loppe départementale de la DETR.Les crédits de dotation sont répar-tis en fonction de la population,la densité du département et lari chesse fiscale de la collectivité.Pour le cas de la Vienne, parexemple, les communes de Poitierset Châtellerault sont exclues (parleur nombre d’habitants) ainsi queMirebeau et Chasseneuil-du-Poitou(par leur potentiel financier).Suite à une question orale de DidierGuillaume (sénateur socialiste de laDrôme) portant sur la baisse de laDETR dans son département, le mi -nistère des collectivités territorialesa répondu que ce fait était essen-tiellement lié à l’augmentation dela population au sein des EPCI (JOSénat du 22.02.2012). Les enve -loppes départementales peuventdonc chuter en fonction de l’évo-lution territoriale. À l’inverse, lesdépartements très ruraux (Creuse,Gers, Lozère, Nièvre…) enregis trentune augmentation de leur dotationcompte tenu de ce caractère ruralet de la « réalité du besoin d’inves -tissement », ce qui est bien confor -me à l’identité institutionnelle dela DETR.

Richard KitaeffProfesseur à Sciences-Po Paris

Une dotation pour les petitescollectivités : la DETR

Issue de la fusion entre la dotation globale d’équipement et la dotation de développement ruralopérée par la loi de finances pour 2011, la DETR (dotation d’équipement pour les territoires ruraux)a pour objet de financer les besoins d’équipement des territoires ruraux. Focus sur les critèresd’éligibilité et les orientations stratégiques de cette aide financière de l’État.

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff

Pratiques

H445_p12:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:39 Page 12

Page 13: l'Hémicycle - #445

Il y a de ces collectionneurs quirestent assis entre deux chaises.Conserver pour eux seuls les

œuvres qu’ils possèdent, ou alorsles montrer au public. Arne Glim-cher, propriétaire de la Pace Galleryà New York, dit même que ne pasprêter aux musées, c’est être un porc.Mais alors comment résoudre leproblème de Giuliano Gori, roi dutextile italien, possesseur de la VillaCelle, 70 hectares en Toscane où lesplus grands et les plus talentueuxartistes contemporains sont venusbâtir des œuvres monumentales ?Les transporter est impossible. Yfaire venir le public également : à82 ans, Giuliano Gori ne veut pasde cars de touristes sur sa pelouse.Compréhensible. Le modus vivendisemble avoir été trouvé par IsabelleMaeght. La Fondation, qui porte lenom de son grand-père, accueillejusqu’au 10 juin un aperçu minia-ture des trésors que l’on trouve par-delà la frontière. Avec des maquettes

ultra précises, des photos en relief,des films explicatifs aussi, le visiteurpourra quasiment pousser la grillede la Villa Celle et s’inviter en doucedans ce lieu où Gori a laissé carteblanche à Daniel Buren, RichardSerra, Robert Morris ou FaustoMelotti avec une seule devise : nepas toucher à la nature environ-nante, mais composer avec elle,voire pour elle. « Intégrer les artistesà l’existant », précise Isabelle Maeght.Voilà bien la différence avec laVilla Médicis, à Rome, et le résultatest que les artistes ont tous dû semettre à l’arte ambientale, vilaine-ment traduit par « art environne-men tal ». Pour le financement,aucune crainte, l’hôte s’occupe detout. Deux tonnes de fer, cent mètresde câble, tout est payé par le collec -tionneur. Il n’y a plus qu’à. Ainsi,la Polonaise Magdalena Abakano-wicz installe Katarsis, sorte de cime-tière d’ombres, des stèles qui sontdes personnages, jamais identiques

mais tous vides à l’intérieur, témoi-gnage poignant des drames de laPologne. Alberto Burri travaille surle passage de l’air sur terre ; sonimmense sculpture rouge détonneavec le vert du gazon. Daniel Buren,lui, a demandé à Gori qu’il raseson tennis pour y installer l’une deses « cabanes éclatées », toute enmiroirs, la glace récupérant le refletde la nature ambiante qui parconséquent s’invite dans cettemaison. Toutes ces œuvres, vues enminiature, trouvent toute leur placeà la Fondation Maeght, qui elleaussi a donné le « la » en matièrede résidence d’artistes.

Pierre de Vilno

« Arcadia in Celle »L’art pour la nature, la nature pour l’art

Fondation Maeght623, chemin des Gardettes - 06570

Saint-Paul-de-Vence. Tél. : 04 93 32 81 63Ouvert tous les jours, sans exception,

de 10h à 18h.

L’exposition « Le Crépusculedes pharaons » déploie 122pièces, dont de nombreuses

sculptures, prêtées par les grandsmu sées européens et américainsqui possèdent des collections d’artégyptien.Elle couvre la période allant de lachute de l’empire des Ramsès, en1069 avant notre ère, jusqu’à ladomination romaine en 30 av. J.-C.« Nous voulons montrer que ce derniermillénaire, réputé être une périodede déclin et souvent méprisé, a pro -duit de multiples chefs-d’œuvre », ex-plique l’égyptologue Olivier Perdu,commissaire de l’exposition.Devant la Tête verte de Berlin, œuvrephare de l’exposition, « on ne peutpas parler d’Égypte déliquescente ! »s’exclame ce spécialiste de l’Égyptetardive, attaché à la chaire de Ci vi -lisation pharaonique du Collège deFrance. Datant de l’époque ptolé -maïque (323 av. J.-C. à 30 av. J.-C.),probablement du Ier siècle avantnotre ère, cette tête en pierre verteest remarquable par son réalisme.Le personnage présente toutes lesmarques du vieillissement, non seu -lement les rides mais aussi la peaudistendue, les poches sous les yeux,la bouche qui s’affaisse.Le dernier millénaire de l’Égypte

pharaonique est marqué notam-ment par les invasions des « pha-raons noirs » d’origine nubienne(nord du Soudan actuel), puis desPerses et des Macédoniens. Maisla production artistique ne s’estpas arrêtée pour autant, fait valoirOlivier Perdu, qui veut « réhabilitercette période ».

Serviteurs funérairesLes sculptures et objets provien-nent essentiellement de templeset, dans une moindre mesure, detombes. Ils sont présentés dansune élégante scénographie de noiret d’or conçue par Hubert le Gall.Les prêts viennent du Louvre, dumusée de Berlin, du British Museum,du Metropolitan Museum of Art,du Brooklyn Museum, du Museumof Fine Arts de Boston, entre autres.Mais pas des musées égyptiens.« Nous avions pensé au départ leurdemander des œuvres mais c’est de-venu compliqué car les Égyptiens ontd’autres problèmes plus urgents à ré-gler qu’une exposition et nous ne vou-lions pas prendre de risque », indiqueM. Perdu. L’un des temps forts del’exposition est l’évocation d’unesépulture d’un prêtre, Ânkhem-maât, qui officiait en province auIVe siècle av. J.-C. Elle rassemble un

cercueil momiforme en bois peintet doré, un masque funéraire, uncoffret pour recueillir les viscèresdu défunt. Mais aussi une troupede « serviteurs funéraires », petitesstatuettes chargées de faire le travailà la place du personnage décédé.Enfin, une statue en bois stuquéreprésentant Osiris, le dieu desmorts, complète l’ensemble, habi-tuellement dispersé entre plusieurscollections privées.Après les Ramsès, les pharaons suc-cessifs n’ont rien eu de communavec les bâtisseurs d‘empire qui ontfait le prestige de l’Égypte. Toutefois,ils ont tous, indigènes ou étrangers,cherché à se représenter comme lesdéfenseurs de la tradition pharao-nique ainsi que le démontre l’expo -si tion, avec plusieurs Têtes de souve -rains. Dans la partie « l’univers desdieux », une statue de la déesse Bas-tet, sous forme de chatte aimable,veille, bien campée sur ses pattes etd’une grande finesse, sortant pourla première fois du British Museum.

Pierre-Henry Drange

Musée Jacquemart-André158, bld Haussmann - 75008 Paris

Tél. : 01 45 62 11 59Ouvert tous les jours de 10h à 18h. Noc-turnes les lundis et samedis jusqu’à 21h.

NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012 L’HÉMICYCLE 13

De la Villa Celle àla Fondation Maeght

Les derniers feux de l’Égypte pharaoniqueLe musée Jacquemart-André à Paris expose jusqu’au 23 juillet quelques-uns des chefs-d’œuvreissus de la production artistique du dernier millénaire de l’Égypte pharaonique.

Culture

Tête verte de Berlin. Ier siècle av. J.-C., grauwacke, 23 cm (H),Ägyptisches Museum, Berlin © SMB Ägyptisches Museum undPapyrussammlung. PHOTO SANDRA STEISS

Daniel Buren. « Photo-souvenir », La Cabane éclatée aux 4 salles,2004-2005. PHOTO DR

H445_p13:L'HEMICYCLE 30/04/12 16:55 Page 13

Page 14: l'Hémicycle - #445

La circulation des hommes,des biens et des informationsa toujours été au cœur des

civilisations humaines. Rome avaitmaillé son empire de routes pours’en assurer le contrôle, s’appuyantsur une technologie de construc-tion encore inédite à l’époque. La

révolution industrielle occidentalen’aurait pas été possible sans laconstruction d’un dense réseauferroviaire, aujourd’hui partielle-ment abandonné voire démante -lé, notamment aux États-Unis. Larévolution numérique qui touchel’ensemble des économies déve-

loppées a elle aussi son réseau :Internet. Mais le support physiquede ce réseau a beaucoup changédepuis sa création.Le mot-clé d’un réseau d’informa-tions est « atténuation ». Un signalélectrique véhiculé par un fil decuivre a tendance à s’atténuer en

fonction de la distance parcourue.C’est le principal défaut des câblestéléphoniques : l’atténuation dusignal diminue leurs capacités detransport d’informations. La fibreoptique, un brin très fin de siliceou de plastique, guide la lumièretout le long du trajet sans quasimentd’atténuation. Chaque fibre pouvantporter de l’information, un câblemultifibres va donc encore multi-plier les capacités de transport. Parexemple, les liaisons transocéa-niques, qui ont massivement migrésur des câbles de fibres optiques dehaute technologie, peuvent main-tenant transmettre chaque secondedes centaines de gigabits d’infor-mations à des dizaines de milliersde kilomètres.

Ces câbles transocéaniques arri-vent sur les continents en quelquespoints bien précis. En France, troiszones sont stratégiques : Marseilleet ses liaisons vers l’Asie, Saint-Valery-en-Caux, point d’entrée fran -çais pour un réseau très haut dé bitentre les États-Unis et l’Eu rope duNord-Ouest, et enfin la Bretagnedans les Côtes-d’Armor, point tra-ditionnel de télé communicationtransocéanique en raison de sonpositionnement géographique trèsà l’ouest. Ces différents pointsd’entrée sur le sol métropolitaindu réseau mondial sont reliés pard’autres réseaux de fibres optiquesnationaux mis en place le long desvoies de transport par des compa-gnies privées.Cette infrastructure à très haut débitforme l’ossature du réseau Interneten France. Il est utilisé par de trèsgrandes compagnies privées pourmettre en relation leurs « data cen-ters ». Les débits, garantis, ne sontplus une préoccupation pour cesprofessionnels. En revanche, letemps de transmission d’une infor-mation d’un centre à un autre de -vient stratégique dans une écono-mie où l’information a une valeurqui diminue dans le temps.Le gouvernement, conscient desenjeux que représente un réseau àtrès haut débit pour l’économiefrançaise, a lancé un projet d’équi-pement des foyers en fibre optique.Mais ce programme vise d’abord etavant tout l’accès des foyers françaisau très haut débit. Ce réseau, certesperformant, ne repose cependantpas sur les mêmes technologies etn’offre pas les mêmes services, re -cherchés par les principaux acteursdu numérique.Tout comme au XIXe siècle où l’Étata poussé à la création d’un réseau

ferroviaire dense, ou pendant lestrente glorieuses quand la Frances’est dotée de son réseau télépho-nique, le maillage du territoire enfibre optique est un enjeu majeur.Mais le choix gouvernementalrépond-il aux besoins des profes-sionnels ? Les Français seront tous

en très haut débit d’ici 2025 chezeux. Ils pourront sans doute créerleur start-up à Albi. Mais, pour assu-rer son développement, il y a fortà parier qu’un déménagement versToulouse sera nécessaire. Il faudraespérer que la destination finale nesoit pas Barcelone. Ou Dubaï.

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEUR Robert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard([email protected]) ÉDITORIALISTES Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Marc Tronchot AGORA Éric Mandonnet L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENTÀ L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau, Florence Cohen, Antoine Colonna, Pierre-Henry Drange, Alain Fournay, Paul Fournier, AnitaHausser, Béatrice Houchard, Richard Kitaeff, Serge Moati, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier,Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSIONRoto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL AgoraParution chaque mercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

Nom

Prénom

Société

Fonction

Adresse

Code postal Ville

Tél. (facultatif) Fax e-mail

Date et signatureBulletin d’abonnement à retournersous enveloppe affranchie àl’Hémicycle, 55, rue de Grenelle, 75007 Pariscourriel : [email protected]

* S

oit

envi

ron

un a

n, e

n fo

ncti

on d

u ca

lend

rier

par

lem

enta

ire.

Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant.

� OUI je m’abonne pour 84 numéros à l’Hémicycle, au tarif exceptionnel

de 126 ¤ TTC au lieu de 180,60 ¤ TTC.

� OUI je m’abonne pour 42 numéros à l’Hémicycle, au tarif exceptionnel

de 72 ¤ TTC au lieu de 90,30 ¤ TTC.

2 ans (84 numéros*) pour 126 ¤ au lieu de 180,60 ¤

1 an (42 numéros*) pour 72 ¤ au lieu de 90,30 ¤

Tarif étudiant : 54 ¤ pour 42 numéros*

� Je vous joins mon règlement par chèque à l’ordre de l’Hémicycle.� Je souhaite recevoir une facture acquittée.� Je préfère régler par mandat administratif.

Offre valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2012

� OUI je m’abonne pour 42 numéros et je souhaite bénéficier du tarif « Étudiant »à 54 ¤ TTC. Je joins une photocopie de ma carte d’étudiant de l’année en cours.

Bulletin d’abonnement

Fibre optique : le cheminde fer du XXIe siècleLe projet gouvernemental d’équipement des foyers en fibre optique se met progressivementen place. D’ici 2025, la totalité du territoire sera équipée au terme d’un plan aussi ambitieuxque la création du réseau ferroviaire au XIXe siècle ou le maillage téléphonique dans la secondemoitié du XXe. Mais seules les grandes métropoles françaises pourront assurer le développementdes start-up numériques. Et encore…

Le chiffre

21 milliardsd’euros

Tel est le coût sur quinze ansde la couverture de la Franceen fibre optique. (Source Arcep)

2.0

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012

La fibre optique : un moyen fiable de transmettre un très haut volumed'informations. PHOTO AFP

H445_p14:L'HEMICYCLE 30/04/12 16:53 Page 14

Page 15: l'Hémicycle - #445

NUMÉRO 445, MERCREDI 2 MAI 2012 L’HÉMICYCLE 15

Pour l’ancien ministre del’Éco nomie de Jacques Chi-rac, aujourd’hui député et

président du conseil général deSavoie, les sources de l’engagementpolitique convergent vers un nom :Malraux. Né en 1960, issu d’unefamille non politisée, « ni gaulliste,ni antigaulliste », mais plutôt d’une« droite tranquille », selon son ex -pression, Hervé Gaymard se réfèreà son grand-père Honoré, petitpaysan de montagne qui se vitdécerner jadis le Mérite agricole.Un enracinement républicain quiservit de terreau au jeune garçontombé dès l’âge de 12 ans dansl’œuvre de Malraux. Une rencontre« spontanée » pour celui qui s’inté-ressa très tôt à la politique et qui fitde l’écrivain aventurier son inter-cesseur, son professeur de vie et deréflexion. Sa « rencontre » symbo-lique avec l’auteur de La Conditionhumaine se fit d’abord avec LesChênes qu’on abat, conversationimaginaire ou réinventée avecl’homme du 18-Juin. « En le lisant,j’ai lu de Gaulle », note Hervé Gay-mard. Ce sont deux autres livresqui vont lui révéler la dimension,l’épaisseur du personnage Malraux :Les Noyers de l’Altenburg et LesConquérants.

Lecture fondatrice« C’était un miracle de le trouver »,dit sans détour l’élu savoyard àpro pos des Noyers, comme si, prèsde quarante ans après cette lecturefondatrice, il gardait intacte sacha rge d’émerveillement. Pourquoila chose était-elle si miraculeuse ?La réponse, tellement détaillée, té-moigne de son érudition sur toutce qui touche à Malraux, qu’il citecomme il respire. « Ce livre fut trèspeu diffusé. Malraux avait vouluqu’il en soit ainsi. Il ne fut pas publiéen premier en France mais à Lausanne,en 1943. Puis à Genève, en 1945.La seule édition française datait de1948. » Et quand Hervé Gaymarden déniche un exemplaire à la

bibliothèque de son collège, enoctobre 1974, c’est une éditionfatiguée, au titre mal centré, tiré àtrois mille exemplaires à peine, etportant cette phrase péremptoire :« Cet ouvrage ne sera pas réédité. »L’ancien ministre connaît la raisonde cette semi-clandestinité desNoyers. « Malraux le considère commeinachevé. Ce sera pareil pour sa bio-graphie de Lawrence qui sera pos-thume, en Pléiade, alors qu’il y a tanttravaillé. » Une partie seulementdes Noyers sera reprise dans les Anti -mémoires, qui furent, selon le motde Gaymard, « son anti dépresseur »,ayant permis à leur auteur « abon -né à la mort » – celle de sa femme etde ses deux fils, celle de son frèreen 1945 – de survivre sans sombrer.Mais quels fruits féconds portaientdonc ces noyers pour transporterà ce point le jeune provincialprécoce épris d’histoire ? « C’estd’abord le récit de la défaite de 1940,dans le prologue du livre intituléCamp de Chartres, explique cetexégète de Malraux. La sidérationdevant l’effondrement, la référence àla fraternité, à la culture. L’évocationdes gaz de la Première Guerre mon-diale sur la Vistule, l’horreur de laguerre et le début de la barbarie dès1915, la logique d’extermination. »

Un livre cléDans son ouvrage simplementtitré Pour Malraux (La Table ronde),lettre ouverte et vibrante à sonréférent historique, Hervé Gay-mard s’est lui-même interrogé surles raisons qui ont fait des Noyers« l’un des compagnons de [m]a vie ».Et d’écrire en guise de réponse :« Je vous étonnerai peut-être en vousdisant, moi qui suis né vingt ans plustard, que je ne me suis jamais remis– que je ne me remettrai jamais – demai 1940. (…) Il ne s’agissait passeulement de la défaite de la Francemais de la défaite d’une certaine idéede l’homme. » Il cite de mémoirela phrase de Bernanos : « Avec lescamps de concentration, Satan a

reparu visiblement sur le monde. »De ce livre clé, Gaymard retientaussi ce qu’il appelle « le moment deschars », celui de l’homme face à sondestin, le tankiste qui s’engagedans une forêt semée de minesantichars et connaît son « fatum »,le pressentiment de sa proprefin. « Ici, écrire est le seul moyen decontinuer à vivre », écrit Malrauxen terminant Camp de Chartres. Etson attentif lecteur de soulignerl’écho de cette phrase chez JorgeSemprún, qui aura lu ce livreau moment d’être déporté à Bu -chenwald. Il faudra au militantcommuniste espagnol près d’undemi-siècle avant de mettre à nucette expérience dans L’Écritureou la Vie. Écrire pour Malraux. Nepas écrire pour vivre, se remplird’amnésie pour Semprún : Gay-mard y voit les deux faces d’unemême pièce, l’accomplissementde la quête de Malraux quandil confiait : « Je cherche la région

cruciale de l’âme où le mal absolus’oppose à la fraternité. »

Rupture avec le communismeL’autre ouvrage marquant pourl’ancien ministre s’appelle LesConquérants, « un roman d’aventuremétaphysique », dit-il, avec sa post-face en forme d’appel aux intel-lectuels dans laquelle « il mêlehistoire de la civilisation, histoire del’art et engagement politique ». Lacivilisation, observe Malraux, n’asu construire « ni un temple ni untombeau, et n’apprend pas à devenirun homme ». Ce qui frappe le jeunelecteur de douze ans, c’est aussi larupture avec le communisme, aveccette phrase qui sonne commeune lourde sentence : « car il n’étaitpas entendu que les lendemains quichantent seraient ce long ululementqui monte de la Caspienne à la merBlanche, et que leur chant seraitle chant des bagnards ». Gaymardpuisera dans ce texte, outre le

« voyage dans sa tête » vers « un exo -tisme non colonialiste », quelquesconvictions européennes, celleen particulier « qu’on ne fera pasl’Europe contre elle mais sur elle ».Enfin, Hervé Gaymard fait siennela définition que Malraux donne -ra de l’intelligence : la destructionde la comédie, plus l’esprit hypo-thétique et la capacité de juge-ment. À l’évidence, il pourraitparler encore des heures de cet« inter cesseur » qui l’a conduitaussi vers d’autres auteurs commeAlexandre Vialatte, vers FranzKafka, vers Romain Gary. Une iné-puisable reconnaissance de dettepour celui qui, dans son dernierlivre (Délivrez-nous de la France,2012, Plon), pense à faire existerla droite autrement que commeune « non-gauche » mais commeune famille politique aussi forteque le fut à ses yeux le seul et vraigaullisme, « entre 1959 et 1969 »…

L’élu de Savoie, né dans une région traditionnellement modérée, n’en est pas moins un hommede passion. Hervé Gaymard a trouvé en Malraux l’incarnation d’une geste héroïque qui le fascine.L’ancien ministre des Finances n’aime pas la tiédeur et la lecture des œuvres de l’auteur deL’Espoir lui a donné ce goût de l’absolu confronté à une détestation de la défaite symboliséepar l’armistice de 1940. Avant la reconquête de la dignité dans la Résistance.

Par Éric Fottorino

L’admiroir

Gaymard sous les noyersde Malraux

JEAN

-PIE

RRE

CLAT

OT/A

FP

H445_p15:L'HEMICYCLE 30/04/12 15:53 Page 15

Page 16: l'Hémicycle - #445

H436_p16-PUB:L'HEMICYCLE 20/02/12 16:00 Page 14